N° 917

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI,
adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée,
relatif à l’accélération des procédures liées à la construction
de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires
existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762)

PAR Mme Maud Bregeon

Députée

——

AVIS
FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

 

Par Mme Christine Decodts

Députée

——

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  100, 236, 237, 233 et T.A 40 (2022-2023).

Assemblée nationale : 762.


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

SynthÈSE

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

TITRE Ier A mesures liÉes À la production d’ÉlectricitÉ À partir d’Énergie nuclÉaire (division nouvelle)

Article 1er A Dispositions de programmation relatives à la contribution de l’énergie nucléaire à la production électrique française

Article 1er B Modification des objectifs de la politique énergétique relatifs à la production d’électricité d’origine nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone

Article 1er C  Modification des objectifs portant sur le mix énergétique dans la future loi quinquennale sur l’énergie

Article 1er D Demande de rapport sur les conséquences de la construction de nouveaux EPR en France

Article 1er E (nouveau) Demande de rapport sur le système éducatif afin de répondre aux besoins en compétences de la filière nucléaire

Article 1er F (nouveau) Demande de rapport sur le choix de construire des EPR 2 plutôt que d’autres modèles de réacteurs électronucléaires

TITRE Ier MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

Article 1er Périmètre géographique et durée des mesures dérogatoires applicables à la construction de réacteurs électronucléaires

Article 2 Mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec un projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire

Article 3 Simplifications du régime d’autorisation d’urbanisme des réacteurs électronucléaires

Article 3 bis (nouveau) Rapport au Parlement sur les conséquences d’une circulaire du 17 février 2010, dite circulaire « Borloo »

Article 4 Échéancement du début des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création

Article 5 Dérogations aux dispositions de la loi « Littoral » pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires

Article 6 Régime juridique applicable aux concessions d’utilisation du domaine public maritime

Article 7 Application de la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate à la construction de réacteurs électronucléaires

Article 7 bis  Pouvoirs de régularisation reconnus au juge administratif en matière de contentieux des procédures applicables aux projets de construction de réacteurs électronucléaires

Article 7 ter  Rapport au Parlement sur la mutualisation des recettes fiscales liées au foncier des nouveaux réacteurs électronucléaires

Article 8  Modalité d’application du titre Ier du projet de loi

TITRE II  MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES

Article 9 A Rapport au Parlement sur les moyens de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Article 9  Modalités de réexamen périodique des installations nucléaires de base au-delà de leur 35ème année d’exploitation

Article 9 bis Prise en compte des conséquences du changement climatique et de la cybersécurité dans les dispositions législatives applicables aux installations nucléaires de base

Article 9 ter  Dispense d’autorisation d’urbanisme pour les travaux portant sur les installations nucléaires de base existantes et leurs équipements

Article 10 Suppression de l’automaticité de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans

titre iii DISPOSITIONS DIVERSES

Article 11 Ratification de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire

Article 11 bis (nouveau) Transfert de missions exercées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à l’Autorité de sûreté nucléaire

Article 11 ter (nouveau) Transfert des contrats de travail du personnel de l’IRSN à l’ASN

Article 12 Modification des règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire

Article 13 Renforcement des sanctions applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

1. Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 21 heures 30

2. Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 9 heures 30

3. Réunion du jeudi 2 mars à 15 heures

4. Réunion du jeudi 2 mars à 21 heures 30

5. Réunion du lundi 6 mars 2023 à 21 heures 30

ANNEXES

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes PAR LA RAPPORTEURE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

ANNEXE 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES PAR LA rapporteure de la COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

ANNEXE 3 : AVIS DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

INTRODUCTION

Article 4 Échéancement du début des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création

Article 9 Modalités de réexamen périodique des installations nucléaires de base au-delà de leur 35ème année d’exploitation

Article 9 bis Prise en compte des conséquences du changement climatique et de la cybersécurité dans les dispositions législatives applicables aux installations nucléaires de base

Article 10 Suppression de l’automaticité de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans

liste des personnes auditionnÉes PAR LA rapporteure pour avis de la COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

TRAVAUX DE LA COMMISSION du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du terrIToire

1. Réunion du mardi 28 février à 17 heures 15

2. Réunion du mardi 28 février à 21 heures 30

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Le présent projet de loi, destiné à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires, vient en discussion devant l’Assemblée nationale à la suite de l’examen d’un autre projet de loi consacré à l’accélération de la mise en œuvre des énergies renouvelables. Il s’agit, en réalité, des deux faces d’une même politique énergétique : outre les nécessaires efforts de sobriété auxquels nous devons consentir et pour lesquels des lois antérieures, notamment les lois « Énergie-climat » en 2019 et « Climat et résilience » en 2021, ont posé des jalons importants, nous avons en effet collectivement besoin, pour décarboner notre mix de production, tant des énergies renouvelables (ENR) que du « Nouveau nucléaire ».

Le nucléaire représente à ce jour 70 % du mix électrique français : c’est ce qui permet, avec le développement des ENR – hydraulique, solaire, éolien – un mix électrique décarboné à plus de 90 %, qui classe la France parmi les premiers mondiaux en la matière.

C’est ce qui fait toute l’importance de ce projet de loi, qui vise à conforter la place du nucléaire dans ce mix. Notre pays dispose d’une filière nucléaire d’excellence dont il faut saluer le travail, car elle a parfois été malmenée dans le débat public. Dans les années 1970, le plan Messmer a permis de faire sortir de terre en un temps record l’essentiel des 56 réacteurs qui composent notre parc nucléaire actuel. C’est lui qui permet à notre pays, encore aujourd’hui, de disposer d’une électricité compétitive, décarbonée et pilotable.

Après des années d’incertitude sur la volonté de relance de la filière nucléaire, le Président de la République a fixé un cap clair au travers du discours de Belfort, en février 2022 : la relance du nucléaire est actée, avec l’annonce de la construction de 6 EPR2 et le lancement d’études pour la construction de 8 EPR2 supplémentaires.

Ce projet de loi, qui s’inscrit dans cette trajectoire, vise aussi à tirer le retour d’expérience de Flamanville, en permettant de gagner du temps là où c’est possible, particulièrement dans la phase préparatoire du chantier, tout en sécurisant l’exploitant dans ses investissements et, surtout, en n’altérant d’aucune manière la sûreté nucléaire de la future installation.

1.   La place de la relance du nucléaire dans la trajectoire de neutralité carbone

Afin de respecter l’accord de Paris de 2015, la politique énergétique de la France est construite autour de l’objectif d’une réduction de la consommation d’énergie fossile (charbon, pétrole, gaz) permettant d’atteindre la neutralité carbone ([1]) à l’horizon 2050. Un objectif intermédiaire fixé à l’échelle communautaire en 2021, dit « Ajustement à l’objectif 55 » ([2]), prévoit une réduction d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre, par rapport à 1990, à l’horizon 2030.

Dans ce cadre, le bon niveau de décarbonation du mix électrique français, en comparaison européenne, est un avantage fortement tributaire du parc nucléaire historique. En effet, le nucléaire représente 70 % de la production d’électricité française, réduisant à 8 % la part du thermique à flamme – principalement du gaz – dans le mix électrique français, ce qui permet à celui-ci d’être décarboné à plus de 90 % ([3]). Par comparaison, dans le monde, le nucléaire représente 10 % de l’électricité produite, pour 63 % provenant du thermique à flamme ([4]).

Afin toutefois de baisser les émissions globales, il faut en passer par une décarbonation plus générale du mix énergétique, encore largement carboné en France. C’est la raison pour laquelle votre rapporteure considère que l’électrification des usages, qui doit être conciliée avec des mesures de sobriété et d’amélioration de l’efficacité énergétique, appellera dans tous les cas à l’avenir une augmentation de notre besoin électrique. C’est aussi ce que traduisent les scénarios de Réseau de transport d’électricité (RTE) ([5]), ceux de l’Agence internationale de l’énergie (AIEA) et ceux de l’Agence de la transition écologique (ADEME).

Même si l’on n’envisageait pas d’augmenter la part de l’électricité d’origine nucléaire dans notre mix, le remplacement des capacités nucléaires existantes posent particulièrement question avec l’entrée dans la décennie 2020 : 75 % des réacteurs du parc historique ont été mis en service dans les années 1980 ([6]), et arriveront donc, au cours de la prochaine décennie au bout de leur quarantième année de service.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné un accord de principe au prolongement des réacteurs au-delà de leur quarantième année, moyennant une poursuite des ajustements de sûreté et des modernisations qui entraînent des investissements importants pour l’exploitant (réalisés notamment à l’occasion du programme dit de « grand carénage » lancé par EDF en 2008).

 

Production d’ÉlectricitÉ en France par origine en 2019

Source : RTE, bilan électrique 2019.

En même temps que le prolongement dans le temps du parc existant, le temps long de conception, d’autorisation et de construction des réacteurs nucléaires, dont témoigne particulièrement la réalisation complexe de l’EPR de Flamanville 3, exige de s’y prendre en amont pour préparer le futur du nucléaire. C’est ce qui a amené le président de la République à annoncer, dans un discours prononcé à Belfort le 11 février 2022, le lancement d’un nouveau programme électronucléaire, réalisé à partir d’un nouveau modèle de réacteur développé par EDF depuis plusieurs années, en intégrant le retour d’expérience du programme EPR.

2.   Le parc nucléaire existant

Le parc nucléaire existant au 1er mars 2023 est constitué de 56 unités de production, dites aussi « tranches nucléaires », implantées dans 18 centrales exploitées par EDF. L’ensemble du parc en fonctionnement a été construit par Framatome, sur la base d’un modèle initial de réacteur à eau pressurisée (REP) sous licence de Westinghouse. Chaque centrale comprend deux, quatre ou six réacteurs en exploitation, avec trois niveaux de puissance correspondant plus ou moins à la date de mise en service, en fonction des « paliers » technologiques atteints :

– 32 réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe), entrés en service entre 1979 et 1988, se répartissent en 4 réacteurs du palier CP0 au Bugey ([7]), 18 du palier CP1 (Tricastin, Gravelines, Dampierre, Blayais) et 10 du palier CP2 (Saint‑Laurent-des-Eaux B, Chinon, Cruas-Meysse) ;


—  1  —

Le parc français d’EDF : les 56 unitÉs ÉlectrogÈNES en exploitation

Commune et département

Réacteur

Palier

Puissance (MWe)

Début de construction

Mise en service

Source froide

Facteur de charge 2021 ( %)

Belleville (Cher)

BELLEVILLE-1

P’4

1310

05/01/1980

06/01/1988

TAR (1)

90.5

BELLEVILLE-2

P’4

1310

08/01/1980

01/01/1989

TAR

77.2

Blayais
(Braud-et-Saint-Louis, Gironde)

BLAYAIS-1

CP1

910

01/01/1977

12/01/1981

Gironde

85.3

BLAYAIS-2

CP1

910

01/01/1977

02/01/1983

Gironde

67.5

BLAYAIS-3

CP1

910

04/01/1978

11/14/1983

Gironde

85.6

BLAYAIS-4

CP1

910

04/01/1978

10/01/1983

Gironde

73.3

Bugey
(Saint-Vulbas, Ain)

BUGEY-2

CP0

910

11/01/1972

03/01/1979

Rhône

82.7

BUGEY-3

CP0

910

09/01/1973

03/01/1979

Rhône

79.3

BUGEY-4

CP0

880

06/01/1974

07/01/1979

TAR x 2

51.7

BUGEY-5

CP0

880

07/01/1974

01/03/1980

TAR x 2

56.8

Cattenom
(Moselle)

CATTENOM-1

P’4

1300

10/29/1979

04/01/1987

TAR

69.1

CATTENOM-2

P’4

1300

7/28/1980

02/01/1988

TAR

70.8

CATTENOM-3

P’4

1300

6/15/1982

02/01/1991

TAR

39.5

CATTENOM-4

P’4

1300

9/28/1983

01/01/1992

TAR

95.3

Chinon-B (Avoine, Indre-et-Loire)

CHINON B-1

CP2

905

03/01/1977

02/01/1984

TAR

71.7

CHINON B-2

CP2

905

03/01/1977

08/01/1984

TAR

70.3

CHINON B-3

CP2

905

10/01/1980

03/04/1987

TAR

67.9

CHINON B-4

CP2

905

02/01/1981

04/01/1988

TAR

95.7

Chooz-B (Ardennes)

CHOOZ B-1

N4

1500

01/01/1984

5/15/2000

TAR

79

CHOOZ B-2

N4

1500

12/31/1985

9/29/2000

TAR

78

Civaux (Vienne)

CIVAUX-1

N4

1495

10/15/1988

1/29/2002

TAR

62.1

CIVAUX-2

N4

1495

04/01/1991

4/23/2002

TAR

34.4

Cruas (Ardèche)

CRUAS-1

CP2

915

08/01/1978

04/02/1984

TAR

55.5

CRUAS-2

CP2

915

11/15/1978

04/01/1985

TAR

76

CRUAS-3

CP2

915

4/15/1979

09/10/1984

TAR

84.9

CRUAS-4

CP2

915

10/01/1979

02/11/1985

TAR

94.8

Dampierre (Loiret)

DAMPIERRE-1

CP1

890

02/01/1975

09/10/1980

TAR

44.5

DAMPIERRE-2

CP1

890

04/01/1975

2/16/1981

TAR

81.9

DAMPIERRE-3

CP1

890

09/01/1975

5/27/1981

TAR

65.8

DAMPIERRE-4

CP1

890

12/01/1975

11/20/1981

TAR

84.6

Flamanville (Manche)

FLAMANVILLE-1

P4

1330

12/01/1979

12/01/1986

Manche

64.5

FLAMANVILLE-2

P4

1330

05/01/1980

03/09/1987

Manche

94.6

Golfech (Tarn-et-Garonne)

GOLFECH-1

P’4

1310

11/17/1982

02/01/1991

TAR

96.4

GOLFECH-2

P’4

1310

10/01/1984

03/04/1994

TAR

37.2

Gravelines (Nord)

GRAVELINES-1

CP1

910

02/01/1975

11/25/1980

Mer du Nord

58.8

GRAVELINES-2

CP1

910

03/01/1975

12/01/1980

Mer du Nord

59

GRAVELINES-3

CP1

910

12/01/1975

06/01/1981

Mer du Nord

83.1

GRAVELINES-4

CP1

910

04/01/1976

10/01/1981

Mer du Nord

49.9

GRAVELINES-5

CP1

910

10/01/1979

1/15/1985

Mer du Nord

70.7

GRAVELINES-6

CP1

910

10/01/1979

10/25/1985

Mer du Nord

65.3

Nogent (Aube)

NOGENT-1

P’4

1310

5/26/1981

2/24/1988

TAR

83.2

NOGENT-2

P’4

1310

01/01/1982

05/01/1989

TAR

84.7

Paluel
(Seine-Maritime)

PALUEL-1

P4

1330

8/15/1977

12/01/1985

Manche

46

PALUEL-2

P4

1330

01/01/1978

12/01/1985

Manche

83.4

PALUEL-3

P4

1330

02/01/1979

02/01/1986

Manche

75.1

PALUEL-4

P4

1330

02/01/1980

06/01/1986

Manche

82.9

Penly (Seine-Maritime)

PENLY-1

P’4

1330

09/01/1982

12/01/1990

Manche

72.5

PENLY-2

P’4

1330

08/01/1984

11/01/1992

Manche

86.6

Saint-Alban (Isère)

ST. ALBAN-1

P4

1335

1/29/1979

05/01/1986

Rhône

85.4

ST. ALBAN-2

P4

1335

7/31/1979

03/01/1987

Rhône

85.2

Saint-Laurent
(Loir-et-Cher)

ST. LAURENT B-1

CP2

915

05/01/1976

08/01/1983

TAR

52

ST. LAURENT B-2

CP2

915

07/01/1976

08/01/1983

TAR

71

Tricastin (Saint-Paul-Trois-Châteaux, Drôme)

TRICASTIN-1

CP1

915

11/01/1974

12/01/1980

Rhône (canal)

81.4

TRICASTIN-2

CP1

915

12/01/1974

12/01/1980

Rhône (canal)

51.4

TRICASTIN-3

CP1

915

04/01/1975

05/11/1981

Rhône (canal)

85.5

TRICASTIN-4

CP1

915

05/01/1975

11/01/1981

Rhône (canal)

86.7

Sources : Power Reactor Information System (PRIS) de l’AIEA ; Autorité de sûreté nucléaire.

(1) TAR : tour aéroréfrigérante (appelée aussi « tour de refroidissement »).

– 20 réacteurs de 1 300 MWe se répartissent en 8 réacteurs du palier P4, entrés en service entre 1984 et 1987 (Paluel, Saint-Alban, Flamanville), et 12 du palier P’4, entrés en service entre 1987 et 1994 (Cattenom, Belleville,
Nogent-sur-Seine, Penly, Golfech) ;

– 4 réacteurs de 1 450 MWe, entrés en service d’abord à Chooz en 2000 et puis à Civaux en 2002, constituent le palier N4.

Cette standardisation du parc électronucléaire a permis aux différents acteurs de la filière d’accumuler une connaissance éprouvée de ces différents réacteurs, dont la durée totale de fonctionnement est de 1 300 ans ([8]).

La très grande majorité du parc ayant été mise en service sur une période de quinze ans seulement entre 1979 et 1994 (52 réacteurs sur 56 actuellement en fonctionnement), la problématique de l’avancée simultanée en âge des réacteurs impose de penser rapidement aux solutions adaptées. Les réacteurs de la centrale du Bugey mis en service en 1979 sont les plus anciens actuellement en service (44 ans), suivis de Dampierre-1, mis en service en 1980 (42 ans). La moyenne d’âge est de près de 37 ans. Seuls les quatre réacteurs du palier N4 ont moins de trente ans d’âge.

UnitÉs ÉlectronuclÉaires du parc français en 2023

cartes reateurs france redim

Source : Autorité de sûreté nucléaire.

En outre, comme évoqué plus haut, un réacteur de technologie EPR ([9]) est actuellement en cours de de construction à la centrale de Flamanville. Conçu par Framatome ([10]) et Siemens à compter de 1994, construit par Areva après 2001 et développé depuis 2011 par EDF et Framatome, ce modèle est actuellement en service à Taishan 1 et 2 (Chine) et Olkiluoto 3 (OL3, en Finlande) ([11]). D’autres réacteurs de ce modèle sont actuellement en construction : outre la tranche prévue à Flamanville (FLA3, dans le département de la Manche), qui pourrait être mise en service en 2025, deux tranches sont en cours de construction à Hinkley Point C (Royaume-Uni) pour une entrée en service en 2027, avec deux tranches supplémentaires en projet à Sizewell C (Royaume-Uni).

L’EPR est un réacteur d’une puissance électrique nette de 1 650 MWe, conçu pour une durée de vie de soixante ans, doté de quatre générateurs de vapeur (contre trois pour les modèles précédents de Framatome jusqu’au N4), quatre trains de sauvegarde, et caractérisé notamment par une double enceinte de confinement avec liner métallique.

3.   Le programme EPR 2

L’âge du parc existant invite à penser aujourd’hui à l’avenir de la filière en accélérant la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé, lors du discours de Belfort mentionné supra, le lancement de la construction, par paires, de six nouveaux réacteurs électronucléaires et d’études sur la construction de huit réacteurs supplémentaires.

Les réacteurs dont la construction est envisagée devraient appartenir au modèle dit « EPR 2 » ([12]), basé sur le programme EPR mais intégrant des modifications très substantielles. Afin de profiter des infrastructures existantes et de capitaliser sur les expertises locales, ces réacteurs devraient être implantés à proximité immédiate de centrales électronucléaires existantes.

Les sites considérés comme les plus propices pour les tout prochains réacteurs sont ceux de Penly, Gravelines, Bugey et Tricastin. Comme l’a rapporté la délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN), auditionnée par votre rapporteure, le calendrier actuel vise la mise en service des futurs réacteurs Penly 3 et 4 pour 2035, ou, en intégrant une marge d’imprévus, pour 2037. Lors du conseil de politique nucléaire tenu en janvier, il a été demandé de garantir la faisabilité de l’horizon 2035.

Le développement de l’EPR 2 est en cours depuis plusieurs années. Son prédécesseur l’EPR NM avait fait l’objet du dépôt d’un dossier d’options de sûreté par EDF auprès de l’ASN en 2017, qui avait mené à plusieurs modifications, notamment la baisse de la puissance prévue. La conception initiale (basic design) de l’EPR 2, publiée en 2022, prévoit une puissance électrique finale nette de 1 670 MWe sur une durée de fonctionnement de soixante ans.

Les modifications par rapport à l’EPR sont importantes et tendent toutes vers la simplification de la construction – ce que les constructeurs appellent une amélioration de la « constructibilité » – sans pertes en terme de sûreté. Les simplifications principales proviennent de l’adaptation au mode d’organisation, d’EDF, qui ne réalise pas de maintenance sur un réacteur en fonctionnement, rendant donc superfétatoires les caractéristiques de l’EPR qui provenaient du réacteur Konvoi de Siemens et avaient pour objectif de permettre l’accès humain au bâtiment réacteur en fonctionnement. En outre, sont prévues les dispositions suivantes :

– la suppression du quatrième train de sauvegarde ;

– la création d’une enceinte unique de confinement, doublée d’une paroi d’acier, renforcée pour protéger à la fois contre l’augmentation de la pression interne et pour résister contre les agressions externes ;

– la standardisation du répertoire des items utilisés dans la construction.

L’année 2023 verra le début du développement de la conception détaillée (detailed design) et le brevetage (licensing). À cette fin, une revue de programme est prévue entre juin et octobre 2023, qui associera un groupe d’experts indépendants présidé par Hervé Guillou ([13]). La revue vérifiera que l’EPR2 correspond à un juste besoin et offre la même performance que l’EPR, avec en outre des améliorations de sûreté.

Le dernier devis réalisé, en 2020, et qui sera actualisé en 2023, pour la réalisation du programme EPR2, estime le coût total pour les trois paires à 51,7 milliards d’euros (Md€), dont un coût sans provisions de 43,1 Md€, 1,7 Md€ de provisions nucléaires pour le démantèlement et la gestion à long terme des déchets, et 6,9 Md€ de provisions pour incertitudes, risques, aléas et opportunités (16 % du programme sans marges) ([14]). Le coût est ainsi réparti :

– 3,8 Md€ de coûts dits « palier », qui concernent les études identiques et réutilisables pour plusieurs tranches ;

– 16,9 Md€ pour la construction de la paire 1 à Penly ;

– 15,8 Md€ pour la construction de la paire 2 à Gravelines ;

– 15,3 Md€ pour la construction de la paire 3 à Bugey ou Tricastin ([15]).

Les précédentes opérations de construction de cette envergure incitent à considérer ces chiffres avec prudence.

4.   Les concertations publiques en cours et à venir

Dans le cadre du projet de nouveau nucléaire, et en application du droit en vigueur qui prévoit sa saisine à l’occasion de la création de toute installation nucléaire de base (cf. le commentaire de l’article 4), la Commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie conjointement par EDF et RTE, à la fois sur la mise en œuvre d’un programme de six réacteurs EPR2 et sur la réalisation des deux premiers, situés à Penly (Seine-Maritime), en Normandie, à 17 kilomètres au nord-est de Dieppe, en proximité immédiate du site qui comporte déjà deux réacteurs nucléaires de 1 300 MW du palier P’4, mis en service respectivement en 1990 (Penly 1) et 1992 (Penly 2), refroidis par l’eau de la Manche.

La CNDP a décidé l’organisation d’un débat public, qui s’est tenu du 27 octobre 2022 au 27 février 2023. Les conclusions du débat public seront rendues par la commission, au plus tard le 27 avril 2023.

En outre, la CNDP a organisé, selon les vœux du président de la République dans son discours de Belfort, une concertation nationale sur le système énergétique de demain, intitulée « Notre avenir énergétique se décide maintenant », entre le 20 octobre 2022 et le 18 octobre 2023, qui a reçu plus de 30 000 contributions.

Selon le site de la concertation, celle-ci a visé :

«  à mettre en discussion les enjeux de la transition énergétique pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 et sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, en évoquant notamment les implications concrètes sur nos modes de vie ;

«  à permettre à chacun de s’exprimer sur les conditions de réussite et les mesures prioritaires à mettre en œuvre afin de répondre aux objectifs d’indépendance énergétique, de justice sociale et d’égalité territoriale. »

5.   Les dispositions du projet de loi

Dans le respect des concertations en cours et des orientations à définir dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), la première partie du texte crée des dispositions temporaires pour accélérer la construction de réacteurs électronucléaires. Cette construction est doublement encadrée, à l’article 1er :

– d’une part, dans l’espace, ces dispositions ne valent que pour les réacteurs installés dans ou à proximité d’installations existantes ;

– d’autre part, dans le temps, ces mesures ne sont applicables que pour une durée limitée : d’abord 15 ans, puis 27 ans en sortie de Sénat – je vous proposerai de repasser à 20 ans, durée adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat.

Globalement, la logique de cette première partie du texte repose sur la création d’un régime dérogatoire, qui vise à permettre un chemin d’autorisation accéléré et moins accidenté pour les projets du nouveau nucléaire. Il existe en effet des aléas institutionnels, qui, par rapport à une durée de construction déjà très longue du fait des complexités techniques, technologiques, humaines et financières considérables des projets de nouveaux réacteurs, viennent encore la prolonger.

Ces délais sont le plus souvent justifiés et nécessaires pour traiter l’ensemble des problématiques environnementales, de sûreté et de sécurité : c’est le cas par exemple des trois à cinq ans d’instruction de l’autorisation de création, sur lesquels ce texte ne revient pas.

Certaines de ces longueurs peuvent toutefois être résorbées : ce sont celles qui peuvent être dues à des lenteurs administratives, ou à la superposition de différentes procédures ou de champs de compétences. À cet égard, les plus de quinze ans qui se sont écoulés depuis le début de la construction de Flamanville 3 exigent que nous réexaminions le paysage législatif pour voir s’il est adapté à ces projets.

De cette façon, l’article 2 accélère la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec les projets de construction de nouveaux réacteurs, grâce à un examen conjoint par l’État et les collectivités territoriales concernées des modifications nécessaires, qui permet d’associer ces dernières à ce travail important tout en allant plus vite.

L’article 3, qui intègre le contrôle de la conformité aux règles d’urbanisme des nouveaux réacteurs à l’autorisation environnementale, permet de supprimer l’étape des autorisations d’urbanisme, et contribue donc à rationaliser les procédures au profit d’un contrôle global et rigoureux par l’autorité environnementale. Nos collègues sénateurs ont globalement souscrit à ces deux articles.

L’article 5 va dans le même sens, en exonérant les nouvelles installations des dispositions de la loi Littoral de 1986, dont il faut rappeler que son entrée en vigueur est postérieure au début de la construction de tous les réacteurs littoraux du parc historique. Cette disposition concernera au moins deux emprises, celle de Penly et celle de Gravelines. Bien que les sénateurs aient été d’accord sur le principe d’une telle exonération, ils en ont exclu les ouvrages de raccordement, avant que votre commission ne les réintègre dans son champ.

L’article 4 est une des dispositions les plus intéressantes du texte, car il permet de mieux agencer le commencement des travaux d’un nouveau réacteur, mettant ainsi à profit les retours d’expérience sur l’échelonnement du projet. Les centrales nucléaires sont en effet un outil industriel complexe, et l’organisation logistique des chantiers de cette envergure constitue un défi considérable.

L’une des difficultés du droit actuel est qu’il prévoit que l’ensemble des travaux commencent à la même date, à savoir la fin de l’enquête publique qui intervient au cours de l’instruction de l’autorisation de création d’une installation. Cet article permet tout à la fois de sécuriser et d’accélérer les travaux. En effet, il reporte le début de tous les travaux liés à l’îlot nucléaire jusqu’à après la délivrance de l’autorisation de création, diminuant ainsi, comme l’a confirmé le directeur général de l’IRSN, le risque industriel et améliorant le niveau de sûreté de l’installation.

Pour tous les autres travaux – aménagements des terrains, construction des bâtiments support – l’article 4 permet leur démarrage dès la délivrance de l’autorisation environnementale qui en vérifie les incidences environnementales. Il s’agit là d’une disposition qui renforce l’agencement des travaux et les acteurs du secteur l’ont vivement saluée.

L’article 6 permet quant à lui que la concession d’utilisation du domaine public maritime soit délivrée sans déclaration d’utilité publique, directement par décret en Conseil d’État, à l’issue d’une enquête publique.

L’article 7 permet d’avoir recours à la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate. C’est une procédure de dernier recours, qui ne sera utilisée qu’en cas d’échec des discussions à l’amiable et concernerait surtout des emprises industrielles.

La seconde partie du projet de loi porte, quant à elle, sur les installations nucléaires existantes, en clarifiant certaines modalités applicables à leur réexamen et à leur mise à l’arrêt.

L’article 9 clarifie les modalités des réexamens périodiques effectués au‑delà de la 35e année de fonctionnement d’un réacteur. Désormais, l’enquête publique portera sur l’ensemble des conclusions de l’exploitant. Mais nous permettons aussi d’adapter le régime des modifications effectuées dans le cadre des visites décennales en l’alignant sur le droit existant hors de ces visites, et en permettant de faire ces modifications avant la fin de l’enquête publique. Ceci est évidemment bénéfique en termes de sûreté nucléaire.

L’article 10 supprime la mise à l’arrêt automatique d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle n’a pas fonctionné depuis 2 ans. Cette mise à l’arrêt sera désormais aux mains de l’État. En effet, cette automaticité a pu être pénalisante pour l’exploitant lorsque sa volonté de redémarrer l’installation ne fait aucun doute, mais que des opérations de maintenance plus longues que prévues en raison de divers aléas l’obligent à avoir besoin d’un peu plus de temps.

 

 

Le Sénat a, en outre, ajouté au texte de nouvelles mesures de programmation énergétique : si certaines pourraient être vues comme anticipant sur la loi de programmation sur l’énergie et le climat à venir, d’autres dispositions semblent cependant être cohérentes avec notre volonté collective de relance de la filière. C'est pourquoi votre commission a opté pour le maintien de la suppression du plafond de capacité installée et de l’objectif de réduction de 50 % du nucléaire dans notre mix énergétique à horizon 2035.

 


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   SynthÈSE

I.   Le titre Ier A : Mesures liÉes À la production d’ÉlectricitÉ À partir d’Énergie nuclÉaire

Le titre Ier A porte sur les mesures liées à la production d’électricité à partir d’énergie nucléaire, introduites par le Sénat.

L’article 1er A introduit dans le projet de loi des dispositions relatives à la production d’électricité d’origine nucléaire. Il supprime l’objectif de réduire à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique à horizon 2035, ainsi que le plafond de 63,2 gigawatts de capacité totale de production nucléaire autorisée. Enfin, cet article 1er A prévoyait une révision simplifiée du volet nucléaire de la programmation pluriannuelle de l’énergie, que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé.

L’article 1er B, supprimé par votre commission, modifiait plusieurs objectifs de la politique énergétique aux horizons de 2030 et 2050, afin d’accorder une place plus importante à la production d’électricité d’origine nucléaire et à l’hydrogène bas‑carbone dans le mix énergétique français.

L’article 1er C modifie le contenu de la future loi quinquennale sur l’énergie, prévoyant que devront y figurer, des objectifs de diversification et de décarbonation du mix de production d’électricité. Des précisions sont également apportées sur le contenu de l’objectif de décarbonation, pour ce qui concerne l’électricité d’origine nucléaire. Ces précisions ont été supprimées par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

L’article 1er D demande un rapport au Gouvernement sur les conséquences de la construction de nouveaux EPR en France, avant le dépôt de la loi quinquennale sur l’énergie prévu en 2023.

L’article 1er E (nouveau), créé par votre commission, demande un rapport au Gouvernement permettant d’évaluer la capacité du système éducatif et de formation professionnelle à répondre aux besoins en compétences de la filière industrielle nucléaire.

L’article 1er F (nouveau), créé par votre commission, demande un rapport au Gouvernement sur son choix annoncé de construire des réacteurs électronucléaires de type EPR2, au détriment d’autres types de réacteurs.

II.   le titre Ier : MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

Le titre Ier porte des mesures qui concernent l’autorisation et la construction des nouveaux projets de réacteurs électronucléaires.

L’article 1er précise le champ d’application des mesures dérogatoires prévues par le titre Ier du projet de loi. Ces mesures doivent permettre d’accélérer la construction de réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou dans le périmètre d’une installation nucléaire de base (INB) préexistante.

L’article 2 vise à simplifier la mise en compatibilité des documents d’urbanisme applicables aux projets de création d’un nouveau réacteur électronucléaire à proximité d’une centrale existante. À cette fin, il prévoit que la qualification de « projet d’intérêt général » soit décidée par décret en Conseil d’État et que la déclaration d’utilité publique du projet de réacteur puisse valoir qualification de projet d’intérêt général. La mise en compatibilité des documents d’urbanisme à laquelle il peut être recouru dans ce cadre est simplifiée, avec un engagement de la procédure par le représentant de l’État dans le département et une mise à disposition du projet au public.

L’article 3 vise à dispenser les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la production d’un réacteur électronucléaire de toute autorisation au titre du code de l’urbanisme, en unifiant les procédures existantes à cet effet au sein de la procédure d’autorisation environnementale. Dès lors, la conformité de ces projets aux règles d’urbanisme fixées par la loi ou le règlement sera vérifiée à l’occasion de la demande d’autorisation environnementale ou de la demande d’autorisation de création du réacteur. Cet article adapte également, par coordination, les dispositions relatives à la taxe d’aménagement, en prévoyant sa perception sur la base d’un fait générateur constitué par l’octroi de l’autorisation environnementale.

L’article 3 bis (nouveau), créé par votre commission, prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur les conséquences de la mise en œuvre des règles de la circulaire du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base (INB) susceptibles de présenter des dangers à l’extérieur du site.

L’article 4 vise à permettre une anticipation de certains travaux, constructions, aménagements ou installations de nature préparatoire dès la délivrance de l’autorisation environnementale, qui se fait par décret, tout en reportant, par rapport au droit actuel, le début de la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde jusqu’à après la délivrance de l’autorisation de création.

L’article 5 permet aux projets de réacteur électronucléaire, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité prévus à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’un tel réacteur, de déroger aux dispositions d’urbanisme issues de la loi Littoral.

L’article 6 permet, à titre dérogatoire, d’accorder la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire aux projets de construction de réacteurs électronucléaires situés en bord de mer et aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité qui y sont liés à l’issue de l’enquête publique et sans déclaration d’utilité publique préalable.

L’article 7 permet d’appliquer la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le cadre de la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Cette faculté a une durée d’application limitée dans le temps et des garanties sont prévues par ce code, notamment le versement d’une indemnité provisionnelle.

L’article 7 bis, créé au Sénat, accorde au juge administratif des pouvoirs de régularisation, lorsque celui-ci est saisi d’un litige formé à l’encontre d’un acte administratif afférent à un projet de réacteur électronucléaire.

L’article 7 ter, introduit au Sénat et supprimé par votre commission, prévoyait la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur la mutualisation des recettes fiscales liées à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en lien avec l’objectif du « zéro artificialisation nette ».

L’article 8 dispose que les modalités d’application du titre Ier du projet de loi seront précisées par décret en Conseil d’État.

III.   le titre II : MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES

Le titre II concerne des mesures qui portent, à la différence des mesures du titre Ier, sur des centrales électronucléaires existantes.

L’article 9 A, initialement introduit par le Sénat mais réécrit par votre commission, demande un rapport au Gouvernement sur les moyens de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

L’article 9 modifie le périmètre de l’enquête publique réalisée à l’occasion du réexamen périodique des installations nucléaires de base au-delà de leur trente cinquième année d’exploitation. Il clarifie le régime applicable aux modifications apportées à l’installation et effectuées dans le cadre de ce réexamen. Enfin, il supprime le rapport intermédiaire prévu cinq ans après celui-ci.

L’article 9 bis, introduit au Sénat, inclut le dérèglement climatique et ses conséquences dans les éléments qui doivent être pris en compte tant dans l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base que lors des réexamens périodiques. Votre commission a supprimé les dispositions relatives à la prise en compte de la cybersécurité dans les spécifications qui peuvent compléter les autorisations ou les déclarations applicables aux activités nucléaires, déjà satisfaites par le droit en vigueur.

L’article 9 ter, introduit au Sénat et supprimé par votre commission, permettait de faire bénéficier les installations nucléaires de base existantes des mesures prévues à l’article 3 du présent projet de loi, concernant la dispense d’autorisation d’urbanisme. Il est prévu qu’une telle dispense s’applique pour une durée de vingt ans.

L’article 10 supprime la règle de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base, qui s’applique automatiquement lorsque cette installation a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. L’Autorité de sûreté nucléaire pourra cependant ordonner la mise à l’arrêt définitif de cette installation.

IV.   le titre III : dispositions diverses

Le titre III regroupe des dispositions de nature diverse.

L’article 11 article ratifie l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, prise sur le fondement de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Composée de 51 articles répartis en quatre chapitres, cette ordonnance comprend des dispositions relatives à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, à la sûreté nucléaire, à la transparence et aux installations nucléaires de base, aux activités nucléaires relevant du code de la santé publique et aux contrôles et sanctions relatifs à la protection des matières nucléaires.

L’article 11 bis (nouveau), créé par votre commission, confie de nouvelles missions à l’ASN, aujourd’hui exercées par l’IRSN, dans la perspective, annoncée par le Gouvernement, de rapprochement de ces deux institutions. Ces dispositions entreront en vigueur de manière différée, et au plus tard le 1er juillet 2024.

L’article 11 ter (nouveau), créé par votre commission, prévoit le transfert des contrats de travail du personnel de l’IRSN vers l’ASN.

L’article 12 permet d’assurer une application effective des règles de parité au sein du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, alors que les prochaines désignations, en l’état actuel du droit, pourraient conduire à un déséquilibre de la représentation femmes-hommes.

L’article 13 renforce les sanctions applicables en cas de délit d’intrusion sur un site nucléaire, tant pour les personnes physiques que morales.


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   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

TITRE Ier A
mesures liÉes À la production d’ÉlectricitÉ
À partir d’Énergie nuclÉaire
(division nouvelle)

 

Introduit par la commission

 

Un titre Ier A (nouveau) a été introduit, dans lequel s’inscrivent désormais les articles 1er A à 1er D. Ces articles, résultant des travaux du Sénat, figuraient en effet au sein du titre Ier, dont les dispositions sont d’application temporaire alors que ces quatre articles présentent un caractère pérenne.

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE647 de la rapporteure, avec avis favorable du Gouvernement.

Cet amendement crée un nouveau titre Ier A, dans lequel figurent désormais les articles 1er A à 1er D.

Le Sénat avait inséré directement ces articles dans le titre Ier du projet de loi, ce qui conduisait mécaniquement à ce qu’ils soient soumis à une durée d’application limitée : l’article 1er dispose en effet que les dispositions du titre Ier sont d’application temporaire.

L’insertion de ces quatre articles au titre Ier n’était pas cohérente sur le plan juridique : s’agissant de dispositions codifiées sur l’orientation du mix énergétique et le plafond de puissance installée ou de dispositions demandant la remise de rapport, il n’y a pas de raison qu’elles soient soumises à un régime dérogatoire. Cela peut même nuire à la clarté de la loi, puisque certaines dispositions du code de l’énergie ne seraient applicables que pour une durée limitée.

L’amendement CE647 crée donc un nouveau titre Ier A intitulé « Mesures liées à la production d’électricité à partir d’énergie nucléaire », afin que les articles 1er A à 1er D ne soient pas soumis à une durée d’application limitée.

 

Article 1er A
Dispositions de programmation relatives à la contribution de l’énergie nucléaire à la production électrique française

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article introduit dans le projet de loi des dispositions relatives à la production d’électricité d’origine nucléaire. Il supprime l’objectif de réduire à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique à horizon 2035, ainsi que le plafond de 63,2 gigawatts de capacité totale de production nucléaire autorisée. Enfin, cet article 1er A prévoyait une révision simplifiée du volet nucléaire de la programmation pluriannuelle de l’énergie, que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimée.

I.   l’État du droit

A.   La production d’électricité d’origine nucléaire est aujourd’hui encadrée par un objectif de politique énergétique

1.   La loi définit aujourd’hui un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique français

L’article L. 100-4 du code de l’énergie définit les objectifs de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.

L’article 1er de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », avait assigné de nouveaux objectifs à la politique énergétique, parmi lesquels la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025.

La production d’électricité d’origine nucléaire en France

L’énergie nucléaire représente environ 70 % de la production d’électricité en France. En raison de la faible disponibilité du parc nucléaire en 2022, cette proportion s’est établie pour cette même année à 63 % seulement. Le nucléaire permet à la France de disposer d’un mix électrique très décarboné, à hauteur de 87 % en cette même année 2022, contre 91 % en moyenne sur la période 2014-2021 ([16]).

La France compte 56 réacteurs nucléaires répartis sur 18 sites, qui représentent une puissance installée totale de 63 gigawatts électriques (GWe) environ. Ils ont été construits pour l’essentiel dans les années 1970. Tous les réacteurs actuellement en service sont des réacteurs à eau pressurisée, de puissance différente : 32 réacteurs de 900 MWe, 20 réacteurs de 1 300 MWe et 4 réacteurs de 1 450 MWe. L’EPR de Flamanville, en construction, disposera d’une puissance de 1 650 MWe.

Le réacteur pressurisé européen (European pressurized reactor, EPR) fonctionne selon les mêmes principes généraux que ses prédécesseurs, les réacteurs à eau sous pression de deuxième génération aujourd’hui en fonctionnement et utilisant des neutrons lents ralentis par de l’eau, mais utilise des techniques plus efficaces et plus sûres. Deux EPR sont déjà en service à Taïshan, en Chine, et l’un est connecté au réseau et devrait entrer rapidement en service à Olkiluoto, en Finlande. Enfin, quatre autres EPR sont en construction : l’un à Flamanville, en France, deux à Hinkley Point, au Royaume-Uni et un à Sizewell C, également au Royaume-Uni. L’« EPR 2 » est un nouveau modèle d’EPR : c’est ce modèle de réacteur dont la construction est envisagée en France pour les « 6 + 8 » réacteurs annoncés par le Président de la République dans le discours de Belfort, en février 2022.

L’article 1er de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi énergie-climat », a fixé cet objectif de 50 % de nucléaire dans le mix électrique à l’horizon de 2035, plutôt qu’à celui de 2025. L’étude d’impact du projet de loi justifiait ainsi le report de l’objectif : « À l’horizon 2025, la part du nucléaire devrait être réduite à 50 % dans la production d’électricité. Les modélisations réalisées par RTE dans le cadre du bilan prévisionnel 2017 montraient qu’un tel objectif ne pourrait être atteint qu’à condition de fermer 24 réacteurs d’ici 2025. À la suite des travaux réalisés entre juin 2017 et décembre 2018 dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie et devant l’impossibilité de concilier la réalisation de cet objectif et celui de réduction de gaz à effet de serre, le Gouvernement propose au Parlement de décaler cet objectif à 2035 ». Il peut être observé aujourd’hui que, parmi les scénarios étudiés par RTE dans son rapport Futurs énergétiques 2050, deux des dix-huit scénarios proposés prévoient une part du nucléaire supérieure ou égale à 50 % en 2050 : le scénario N03 « Référence », qui fixe une telle part à 50 % environ en 2050, et le scénario N03 « Sobriété », qui fixe cette part à 60 % à la même échéance.

L’article L. 100-4 du code de l’énergie dispose que toute décision d’arrêter d’exploiter un réacteur nucléaire doit tenir compte de l’objectif de sécurité d’approvisionnement, d’une part, et de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre associées à la consommation d’énergie, d’autre part. Ces ajouts datent de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat‑résilience » (article 86).

2.   La programmation pluriannuelle de l’énergie traduit de manière opérationnelle cet objectif de politique énergétique lié à l’énergie nucléaire

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est la déclinaison opérationnelle des objectifs de politique énergétique. L’article L. 141-1 du code de l’énergie dispose qu’elle est fixée par décret. La PPE définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion des différentes formes d’énergie afin d’atteindre les objectifs de politique énergétique fixés au niveau législatif.

Les objectifs de la programmation pluriannuelle sont définis pour deux périodes successives de cinq ans et cette programmation pluriannuelle est révisée au moins tous les cinq ans. Depuis l’instauration d’une loi quinquennale sur l’énergie devant être votée par le Parlement par la loi Énergie‑climat de 2019, cette programmation doit être adoptée dans les douze mois qui suivent l’adoption de cette loi quinquennale ([17]).

La programmation pluriannuelle fait également l’objet d’une synthèse pédagogique accessible au public (article L. 141-1 du code de l’énergie) et d’une présentation devant le Parlement (art. L. 141-4 du même code).

La programmation pluriannuelle actuellement en vigueur est la PPE 2019‑2028, qui a été adoptée par décret en 2020 ([18]), et la prochaine programmation devrait couvrir la période 2024-2033. Le décret précité ne mentionne aucun objectif spécifique à l’énergie nucléaire, mais le détail de la programmation ([19]) prévoit cependant diverses mesures propres à celle-ci, parmi lesquelles :

– l’atteinte de l’objectif de 50 % de nucléaire dans la production électrique à l’horizon 2035, qui implique « la fermeture de 14 réacteurs nucléaires de 900 MW, dont les deux réacteurs de Fessenheim » ;

– la possibilité de fermer deux réacteurs additionnels en 2025-2026, sur le fondement d’une décision à prendre en 2023, si certaines conditions « relatives au prix de l’électricité et à l’évolution du marché de l’électricité à l’échelle européenne sont remplies » ;

– il est précisé que les sites devant fermer prioritairement font l’objet d’un travail du Gouvernement sur la base des informations transmises par EDF mais que, sauf exception, la décroissance du parc nucléaire ne devra conduire à l’arrêt complet d’aucun site nucléaire ;

– dans le cadre du maintien de l’équilibre du système électrique à long terme, le Gouvernement garde ouverte l’option de construire de nouveaux réacteurs nucléaires.

Enfin, cette programmation pluriannuelle prévoit un travail du Gouvernement avec la filière nucléaire sur le coût du « nouveau nucléaire » : c’est l’objet d’un rapport rendu en février 2022 ([20]).

B.   la production d’électricité d’origine nucléaire est également encadrée par un maximum de capacité installée

Toute installation de production d’électricité est soumise à une autorisation d’exploiter, délivrée par l’autorité administrative en application de l’article L. 311‑1 du code de l’énergie. S’agissant des installations nucléaires de base (INB), l’article L. 311-5-6 du code de l’énergie dispose que la demande d’autorisation d’exploiter doit être déposée au plus tard 18 mois avant la date de mise en service de l’installation.

Or l’article 187 de la loi TECV de 2015, en plus d’un plafond de production d’électricité à partir du nucléaire, a fixé un plafond de capacité de production d’origine nucléaire. Ainsi, aux termes de l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie, il n’est pas possible de délivrer une autorisation à une installation nucléaire de base si celle-ci porte la capacité totale autorisée de production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts. Il est précisé que l’appréciation de ce plafond tient compte des abrogations d’autorisation demandées par l’exploitation d’une installation.

Cela signifie donc que s’il était envisagé de construire un nouveau réacteur nucléaire qui conduirait à une puissance installée supérieure à 63,2 GW, il serait nécessaire de fermer une autre centrale pour respecter ce plafond. C’est cette disposition qui concrétise le plafond de 50 % de nucléaire mentionné à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et, surtout, l’engagement pris par le Président de la République François Hollande de fermer la centrale de Fessenheim préalablement à la mise en service du nouveau réacteur EPR 2 de Flamanville. Le décret d’abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale de Fessenheim a été publié en février 2020 ([21]).

II.   Le dispositif proposé par le sénat

A.   en commission

L’article 1er A a été introduit dans le projet de loi par l’adoption, par la commission des affaires économiques du Sénat, de l’amendement COM-34 du rapporteur Daniel Gremillet. Cet amendement est présenté comme tirant les conséquences du présent projet de loi en opérant les coordinations nécessaires au sein du code de l’énergie, notamment celles de ses dispositions prévoyant une baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Cela permettrait d’assurer la cohérence du projet de loi avec les objectifs de relance de la filière nucléaire évoqués par le Président de la République dans son discours de Belfort (10 février 2022), à savoir la construction de 6 EPR 2 et le lancement des études pour la construction de 8 EPR 2 supplémentaires.

C’est ainsi que l’article 1er A :

– supprime l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire dans le mix électrique en 2035, tel que mentionné dans les objectifs de la politique énergétique à l’article L. 100-4 du code de l’énergie ;

– supprime le plafond de capacité installée de 63,2 GW pour le nucléaire, à l’article L. 311-5-5 du code de l’énergie ;

– prévoit de modifier la programmation pluriannuelle de l’énergie dans les six mois suivant la promulgation de la loi, afin de la mettre en conformité avec les objectifs d’accélération de la construction de réacteurs nucléaires présentés dans le projet de loi.

B.   en séance publique

Aucun amendement n’a été adopté en séance publique au Sénat.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

En commission, les députés ont adopté les amendements identiques CE150 de Mme Laernoes (Ecolo-Nupes), CE228 de Mme Trouvé (LFI-Nupes), CE315 de M. Iordanoff (Ecolo-Nupes) et CE372 de M. Albertini (HOR). Ces amendements suppriment l’alinéa 5 de l’article 1er A, qui prévoyait une révision anticipée du volet nucléaire de la programmation pluriannuelle de l’énergie dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Il n’apparait en effet pas souhaitable de procéder à une révision parcellaire de cette programmation, qui concerne toutes les sources d’énergie. Elle devra être compatible, dans son ensemble, avec les objectifs de la loi de programmation sur l’énergie et le climat ([22]).

La commission a également adopté l’amendement de coordination juridique CE618 de la rapporteure, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement.

 

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Article 1er B
Modification des objectifs de la politique énergétique relatifs à la production d’électricité d’origine nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone

 

Supprimé par la commission

 

Cet article modifie plusieurs objectifs de la politique énergétique aux horizons de 2030 et 2050, afin d’accorder une place plus importante à la production d’électricité d’origine nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone dans le mix énergétique français.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé cet article.

I.   l’État du droit

L’article L. 100-2 du code de l’énergie détaille un ensemble de dispositions auxquelles l’État doit veiller pour atteindre les objectifs de politique énergétique définis à l’article L. 100-1 du même code, en lien avec les collectivités territoriales et leurs groupements et avec les entreprises. Parmi les onze points d’attention cités et formulés de manière très générale, peuvent notamment être relevés :

– la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique, de réduire le recours aux énergies fossiles, de diversifier de manière équilibrée les sources de production d’énergie et d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale (3° de l’article L. 100-2 précité) ;

– en matière de recherche, le besoin d’impulser une politique de recherche et d’innovation qui favorise l’adaptation des secteurs d’activité à la transition énergétique (7°).

L’article L. 100-4 du même code détaille les objectifs de politique énergétique nationale permettant de répondre à l’urgence écologique et climatique. L’objectif d’une baisse à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique à horizon 2035 a été précédemment évoqué (cf. commentaire de l’article 1er A du présent projet de loi). Par ailleurs, le 10° du I de l’article L. 100-4, relatif à l’hydrogène bas-carbone et à l’hydrogène renouvelable ([23]), encourage le développement de ceux-ci afin qu’ils représentent de 20 % à 40 % des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel à l’horizon de 2030 : cet objectif avait été introduit par l’article premier de la loi Énergie-climat de 2019.

Pour ce qui concerne le développement de l’hydrogène, le Gouvernement a mis en place une « Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France » en septembre 2020 ([24]). Cette stratégie prévoit des investissements à hauteur de 7 Md € en faveur de l’hydrogène, répartis en trois catégories : le développement des mobilités lourdes à l’hydrogène décarboné, la décarbonation de l’industrie et le soutien à la recherche, aux compétences et aux offres de formation liées à l’hydrogène.

II.   Le dispositif proposé

A.   En commission

L’article 1er B résulte de l’adoption de l’amendement COM-37 du rapporteur Daniel Gremillet par la commission des affaires économiques du Sénat. Il modifie certains objectifs de politique énergétique liés au nucléaire et à l’hydrogène décarboné, en présentant ces modifications comme des coordinations entre la stratégie gouvernementale en matière de nucléaire et d’hydrogène et le présent projet de loi.

● À l’article L. 100-2 du code de l’énergie, il est ainsi ajouté un objectif spécifique sur la recherche et l’innovation en matière d’énergie nucléaire et d’hydrogène bas-carbone. De nombreux détails sont apportés sur un tel objectif : il doit inclure le soutien aux réacteurs de type EPR, aux petits réacteurs modulaires (SMR), aux réacteurs de quatrième génération, au projet de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire (projet ITER, situé à Cadarache), à la fermeture du cycle du combustible, au lien entre production d’énergie nucléaire et production d’hydrogène bas-carbone, ainsi qu’aux projets importants d’intérêt européen commun sur l’hydrogène (Piiec).

● À l’article L. 100-4 du code de l’énergie sont insérés plusieurs objectifs quantitatifs relatifs à la production d’énergie nucléaire et à l’hydrogène décarboné :

– outre la suppression du plafond de 50 % d’énergie nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon de 2035 introduite à l’article 1er A du présent projet de loi, l’article 1er B (nouveau) instaure un plancher de production d’électricité d’origine nucléaire, puisque cette production devra représenter au moins 50 % du mix électrique en 2050 ;

– le mix électrique devra être totalement décarboné en 2030 ;

– le mix énergétique devra être décarboné à hauteur de 50 % en 2030 ;

– la production d’électricité d’origine nucléaire devra intégrer 20 % de matières recyclées d’ici 2030 ;

– la France devra disposer de 6,5 GW de capacités installées de production d’hydrogène décarboné par électrolyse d’ici 2030.

Ces objectifs proviennent, pour la plupart d’entre eux, des conclusions d’un rapport d’information du Sénat sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas‑carbone ([25]). L’objectif de 6,5 GW de capacités de production d’hydrogène décarboné produit par électrolyse est également mentionné dans la « stratégie hydrogène » du Gouvernement.

Enfin, cet article prévoit que la politique du Gouvernement en matière d’énergie nucléaire et d’hydrogène bas-carbone doit être exposée spécifiquement dans la synthèse pédagogique qui est faite de la programmation pluriannuelle de l’énergie, ainsi que lors de la présentation de cette programmation devant le Parlement.

B.   En séance publique

Aucune modification n’a été apportée à cet article en séance publique au Sénat.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté les amendements de suppression CE669 du Gouvernement, CE619 de la rapporteure, CE4 de Mme Laernoes (Ecolo-Nupes), CE210 de M. Saint-Huile (LIOT), CE237 de M. Caron (Ecolo-Nupes), CE371 de M. Albertini (HOR), CE433 de Mme Battistel (SOC‑Nupes), CE516 de M. Armand (RE) et CE525 de Mme Morel (Dem).

À l’inverse de l’article 1er A, qui permet de lever une contrainte programmatique s’agissant de la production d’électricité à partir d’énergie nucléaire, l’article 1er B comprend de nombreuses mesures de programmation concernant l’énergie nucléaire, le recyclage du combustible usé, mais aussi l’hydrogène ou la décarbonation des mix électrique et énergétique.

Ces objectifs auront vocation à être débattus lors de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC). Ainsi, la définition d’un « plancher » de 50 % de production d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2050 n’est pas souhaitable aujourd’hui.

Ces objectifs de programmation nécessitent d’être étudiés avec précision, afin d’inscrire dans la loi des objectifs cohérents et réalistes.

Lors des auditions, plusieurs acteurs ont souligné que certains objectifs n’étaient matériellement pas atteignables. Ainsi, la décarbonation totale du mix électrique en 2030 n’est pas envisageable. Nous pourrons avoir un mix quasi‑totalement décarboné – il l’est déjà à plus de 90 % –, mais nous disposerons encore d’une petite part de production issue de centrales à gaz, qui garantit le passage des pointes de consommation.

Par ailleurs, l’article 1er B comporte deux autres dispositions qu’il convenait également de supprimer :

– au 1° de l’article, l’introduction d’un objectif de recherche spécifique au nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone. Cet objectif très spécifique n’a sa place ni dans le présent projet de loi, pour les raisons déjà exposées, ni à l’article L. 100-2 du code de l’énergie, qui comporte des dispositions programmatiques très générales et fait déjà mention de la politique de recherche et d’innovation en matière énergétique ;

– les 3° et 4° de l’article précisent que la synthèse de la programmation pluriannuelle de l’énergie et la présentation de celle-ci devant le Parlement doivent exposer la politique gouvernementale en faveur du nucléaire et de l’hydrogène bas‑carbone. Cette précision n’est pas utile, puisque cette programmation a vocation à couvrir l’ensemble des énergies.

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Article 1er C
Modification des objectifs portant sur le mix énergétique dans la future loi quinquennale sur l’énergie

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article modifie le contenu de la future loi quinquennale sur l’énergie, prévoyant que devront y figurer des objectifs de diversification du mix de production d’électricité, mais également des objectifs de décarbonation de celui-ci. Des précisions sont également apportées sur le contenu de l’objectif de décarbonation, pour ce qui concerne l’électricité d’origine nucléaire. Ces précisions ont été supprimées par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

I.   l’État du droit

L’article 2 de la loi Énergie-climat de 2019 a créé un nouvel article L. 100‑1 A dans le code de l’énergie, prévoyant le vote, tous les cinq ans, d’une loi déterminant les priorités d’action de la politique énergétique nationale « pour répondre à l’urgence écologique et climatique ». L’examen de la première de ces lois de programmation énergie-climat (LPEC) est supposé intervenir au cours du premier semestre de l’année 2023, mais il apparaît très probable que le projet de loi sera plutôt débattu lors du second semestre de cette année. La programmation pluriannuelle de l’énergie doit être compatible avec cette loi quinquennale.

L’article L. 100-1 A précité prévoit que la LPEC doit notamment inclure :

– des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans (1° de cet article) ;

– des objectifs de diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans (4°).

Par ailleurs, l’article L. 100-4 (1°) du code de l’énergie prévoit la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1900 et 2030 et l’atteinte de la « neutralité carbone » en 2050.

II.   Le dispositif proposé par le sénat

A.   en commission

L’article 1er C a été introduit dans le projet de loi par l’adoption de l’amendement COM-38 de M. Daniel Gremillet, rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat.

Cet amendement modifie l’objectif de diversification du mix de production d’électricité, qui doit être précisé dans la loi de programmation énergie-climat, pour en faire un objectif de décarbonation.

Pour ce qui concerne le nucléaire, cet objectif de décarbonation porte sur la construction d’EPR et de SMR à l’horizon de 2050. Devront également être précisés, dans le cadre de la loi de programmation énergie-climat et s’agissant de la question de la décarbonation de l’électricité d’origine nucléaire :

– les modes de financement ;

– les moyens en termes de métiers et de compétences ;

– l’effort de recherche et d’innovation en faveur de la fermeture du cycle du combustible ;

– les moyens en termes de sûreté et de sécurité nucléaires ;

– le cas échéant, le retraitement, le recyclage et le stockage des déchets produits.

A l’instar de l’article 1er B du présent projet de loi, cet amendement fait suite à plusieurs recommandations de la mission d’information sénatoriale sur le nucléaire et l’hydrogène et il est présenté comme un amendement de coordination.

B.   en séance publique

L’article 1er C a été adopté sans modification en séance publique au Sénat.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté les amendements identiques CE668 du Gouvernement, CE620 de la rapporteure et CE152 de Mme Laernoes (Ecolo-Nupes). Ces amendements précisent que la LPEC doit définir des objectifs de diversification et de décarbonation du mix de production d’électricité. La combinaison de ces deux notions permet notamment de souligner que la décarbonation de l’électricité sera permise à la fois par le développement des énergies renouvelables et par l’énergie nucléaire.

La commission a également supprimé le dernier alinéa de l’article 1er C, grâce aux amendements CE670 du Gouvernement, CE621 de la rapporteure et CE152 de Mme Laernoes (Ecolo-Nupes). En effet, les précisions qu’il insérait sur l’objectif de décarbonation lié à l’électricité d’origine nucléaire ne relèvent pas du domaine de la loi et auront vocation à figurer dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera adoptée par voie réglementaire.

 

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Article 1er D
Demande de rapport sur les conséquences de la construction de nouveaux EPR en France

Adopté avec modifications par la commission

 

L’article 1er D demande un rapport au Gouvernement sur les conséquences de la construction de nouveaux EPR en France, avant le dépôt de la loi quinquennale sur l’énergie prévu en 2023.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a ajusté la rédaction de l’article et inséré des nouvelles précisions sur le contenu de celui-ci.

I.   le dispositif proposé par le sÉnat

A.   En commission

● L’article 1er D résulte de l’adoption de l’amendement COM-39 du rapporteur Daniel Gremillet, débattu devant la commission des affaires économiques du Sénat.

Il prévoit la remise d’un rapport sur les conséquences de la construction de 14 EPR, annoncée par le Président de la République dans son discours de Belfort, ainsi que de 9 EPR supplémentaires, étudiée par RTE – selon l’auteur de l’amendement – dans son étude Futurs énergétiques 2050.

Ce rapport doit étudier les conséquences de la construction de ces EPR sur la situation d’EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques, les besoins en termes de métiers et de compétences, la sécurité et la sûreté nucléaires ainsi que le cycle du combustible.

Ce rapport devra être remis avant le dépôt du projet de loi quinquennale en matière énergétique, prévue à l’article L. 100-1 A du code de l’énergie et qui devrait intervenir, selon les éléments de calendrier communiqués par le Gouvernement, vers la fin du premier semestre de l’année 2023.

Cet amendement est présenté, au même titre que les trois amendements ayant introduit les articles 1er A (nouveau) à 1er C (nouveau) dans le présent projet de loi, comme un amendement de coordination. Il apparaît également inspiré par les travaux de la mission d’information du Sénat sur le nucléaire et l’hydrogène.

● Le Gouvernement a publié en 2022 un rapport sur le coût du « nouveau nucléaire », en application de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce rapport présente, selon la ministre de la transition énergétique, « les modalités de mise en œuvre d’un programme nucléaire de six réacteurs EPR 2, (…) notamment les enjeux en matière de coûts, de calendrier et de risques d’un projet de construction » ([26]).

Le ministère de la transition énergétique a également pu souligner qu’« EDF a engagé depuis février 2022 des études pour huit réacteurs EPR 2 supplémentaires, conformément aux souhaits exprimés par le Président de la République, sans conclusion à ce stade en matière de calendrier ou de localisation, et ce travail doit se poursuivre dans les meilleures conditions, afin qu’une proposition industrielle puisse émerger ».

Par ailleurs, il convient de relever que RTE, dans son rapport Futurs énergétiques 2050, ne mentionne pas la construction de 9 EPR s’ajoutant aux 14 EPR déjà annoncés par le Président de la République dans son discours de Belfort :

– le scénario de référence le plus « nucléarisé » de l’étude, baptisé N03, prévoit environ 27 GW de nouveau nucléaire, soit la construction de 14 EPR et de quelques SMR, avec une prolongation de la durée de vie du parc nucléaire existant jusqu’à soixante ans, voire davantage ;

– l’étude de RTE ne mentionne à aucun moment la construction de 9 EPR en supplément de ces 14 EPR : il y est seulement indiqué que, pour fournir la consommation supplémentaire d’un peu plus de 100 TWh associée à une perspective de réindustrialisation profonde à l’horizon 2050, « environ 85 GW de capacités photovoltaïques supplémentaires ou 9 réacteurs nucléaires de type EPR 2 supplémentaires devraient être développés ».

Il s’agit donc simplement d’une illustration de ce que représente, en ordre de grandeur, une consommation supplémentaire de 100 TWh en termes de capacité de production installée, dans l’hypothèse d’une réindustrialisation profonde. RTE a d’ailleurs confirmé ce point à votre rapporteure : « RTE tient à préciser, pour éviter tout risque de confusion, que ces 9 réacteurs supplémentaires ne sont pas issus des analyses menées dans le cadre de Futurs énergétiques 2050. La seule référence à 9 réacteurs supplémentaires dans Futurs énergétiques 2050 a pour but d’illustrer l’effort d’adaptation du mix de production en cas de trajectoire de consommation associée à une réindustrialisation profonde. Cette comparaison est effectuée à titre purement indicatif, dans le cas hypothétique où l’effort d’ajustement du mix ne serait porté que par une seule filière. De plus, la trajectoire de développement du nouveau nucléaire du scénario N03 constitue la vision industrielle la plus haute, transmise par la filière à date de réalisation de l’étude et ne peut faire l’objet d’un simple ajustement à la hausse ».

B.   En séance publique

Le Sénat a adopté, en séance publique, l’amendement n° 93 rect. bis de Mme Nathalie Delattre (RDSE). Cet amendement précise que les éléments demandés sur les conséquences de la construction d’EPR supplémentaires sur le cycle du combustible devront porter sur l’amont et l’aval de ce cycle, notamment l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et la revalorisation du combustible usé.

Cet amendement a reçu un double avis de sagesse de la part de la commission et du Gouvernement.

II.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a adopté les amendements CE518, CE595 et CE596 de M. Armand (RE), avec un double avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement. Ces amendements suppriment la référence au discours de Belfort et à l’étude « Futurs énergétiques 2050 » de RTE dans l’article, ainsi que la référence aux neuf réacteurs supplémentaires. Ils prévoient également que le rapport étudie la possibilité de construire de nouveaux réacteurs en complément des quatorze déjà mentionnés au premier alinéa de l’article 1er D.

La commission a également adopté, avec un double avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement :

– l’amendement CE181 de M. Cordier (LR), qui ajoute que le rapport doit étudier les besoins en formation induits par la construction de quatorze nouveaux réacteurs électronucléaires ;

– l’amendement CE90 de M. Nury (LR), qui intègre au même rapport une étude des besoins en ingénierie et en organisation des services de l’État ;

– l’amendement CE26 de M. Jumel (GDR-Nupes), qui précise que l’analyse de l’amont et de l’aval du cycle du combustible doit inclure les améliorations possibles en matière de gestion et de réduction des déchets radioactifs ;

– l’amendement CE182 de M. Cordier (LR), qui dispose que le rapport doit également étudier les conséquences de la construction de ces nouveaux réacteurs électronucléaires sur l’action et les moyens des commissions locales d’information.

 

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Article 1er E (nouveau)
Demande de rapport sur le système éducatif afin de répondre aux besoins en compétences de la filière nucléaire

 

Introduit par la commission

 

Cet article propose la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement permettant d’évaluer la capacité du système éducatif et de formation professionnelle à répondre aux besoins en compétences de la filière industrielle nucléaire.

La commission a adopté l’amendement CE106 de M. Jumel, avec des avis favorables de la rapporteure et de sagesse du Gouvernement.

Cet amendement propose la remise d’un rapport au Gouvernement sur les capacités du système éducatif et de formation professionnelle à répondre aux besoins de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années. L’auteur de l’amendement justifie notamment cette demande de rapport par les estimations données par EDF provenant d’un rapport sénatorial, évaluant à plus de 30 000 les emplois nécessaires à la phase de construction et à 10 000 ceux nécessaires à la phase d’exploitation de six nouveaux réacteurs électronucléaires ([27]). Il est donc utile d’assurer que le système éducatif soit à la hauteur de tels besoins et que puisse être renforcée l’attractivité des métiers du nucléaire.

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Article 1er F (nouveau)
Demande de rapport sur le choix de construire des EPR 2 plutôt que d’autres modèles de réacteurs électronucléaires

 

Introduit par la commission

 

Cet article demande un rapport au Gouvernement sur son choix annoncé de construire des réacteurs électronucléaires de type EPR 2, au détriment d’autres types de réacteurs.

La commission a adopté l’amendement CE63 de M. Marleix (LR) avec un avis favorable de la rapporteure et un avis de sagesse du Gouvernement.

Cet amendement prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur le choix de celui-ci de construire des réacteurs électronucléaires de type EPR 2 pour les prochains projets annoncés ([28]). L’auteur de l’amendement s’interroge notamment sur la possibilité de recourir à des réacteurs d’ancienne génération, afin d’assurer que les six premiers réacteurs soient opérationnels d’ici 2035.

Ce rapport devra être remis au Parlement avant le dépôt de la prochaine loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC).

 

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TITRE Ier
MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

Article 1er
Périmètre géographique et durée des mesures dérogatoires applicables à la construction de réacteurs électronucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article précise le champ d’application des mesures dérogatoires prévues par le titre Ier du projet de loi. Ces mesures doivent permettre d’accélérer la construction de réacteurs électronucléaires à proximité immédiate ou dans le périmètre d’une installation nucléaire de base préexistante.

Alors que le texte initial prévoyait une application de ces dispositions pour une durée de quinze ans, cette durée a été allongée à 27 ans par le Sénat. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a ramené cette durée à 20 ans.

Des précisions ont également été apportées sur les installations concernées, ainsi que sur la notion de proximité immédiate.

I.   l’État du droit

Les dispositions législatives applicables aux installations nucléaires de base (INB) sont, pour l’essentiel, regroupées au sein des articles L. 593-1 à L. 593-43 du code de l’environnement.

Les réacteurs construits dans les années soixante-dix l’ont toutefois principalement été sur le fondement de dispositions réglementaires, en particulier le décret n° 631228 du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires. Ce n’est qu’avec la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi « TSN », que les dispositions relatives aux installations nucléaires de base ont été inscrites dans la loi. Plusieurs textes ont complété la loi TSN, en particulier la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite loi « TECV », et l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, prise sur le fondement de cette dernière ([29]). À ces dispositions législatives s’ajoute un ensemble de dispositions figurant dans la partie réglementaire du code de l’énergie, d’une part, ainsi que dans l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base, d’autre part.

La spécificité du régime des installations nucléaires de base, par rapport à ceux d’autres installations de production d’électricité, se justifie au regard « des risques ou inconvénients qu’elles peuvent présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement » (art. L. 593‑1 du code de l’environnement).

A.   La définition d’une installation nucléaire de base

L’article L. 593-2 du code de l’environnement, reproduit ci-après, définit cinq catégories d’installation nucléaire de base et les articles R. 593-2 et R. 593-3 du même code apportent des précisions sur la définition de ces installations. En particulier, la qualification d’ « installation nucléaire de base » en application des 2° et 3° de l’article L. 593-2 tient compte de l’activité totale des radionucléides présents dans l’installation ou susceptibles de l’être. Par ailleurs, l’article R. 593-4 du même code prévoit que toute modification des dispositions réglementaires relatives à la nomenclature des installations nucléaires de base doit être soumise au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) tient à jour une liste de ces INB ([30]).

Article L. 593-2 du code de l’environnement

« Les installations nucléaires de base sont :

1° Les réacteurs nucléaires ;

2° Les installations, répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État, de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs ;

3° Les installations contenant des substances radioactives ou fissiles et répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État ;

4° Les accélérateurs de particules répondant à des caractéristiques définies par décret en Conseil d’État ;

5° Les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs mentionnés à l’article L. 542-10-1. »

Les équipements et installations implantés dans le périmètre d’une installation nucléaire de base et qui sont nécessaires à son fonctionnement sont réputés faire partie de cette installation, y compris lorsqu’il s’agit d’installations qui seraient normalement soumises à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou à celle des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA) ([31]). À l’inverse, les équipements qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement de l’installation ne sont pas soumis au régime des installations nucléaires de base, mais l’ASN demeure compétente, le cas échéant, en matière de décisions relatives à ces installations , notamment pour les installations qualifiées ICPE ou IOTA ([32]).

B.   Les grandes étapes de la création d’une installation nucléaire de base

1.   Le débat public préalable à la création

En application des articles L. 121-8 et R. 121-2 du code de l’environnement, la Commission nationale du débat public est obligatoirement saisie dès lors que le projet de création d’une installation nucléaire de base représente un investissement d’un coût supérieur à 460 M€. À l’issue de ce débat, l’exploitant décide ou non de poursuivre le projet, sur la base du bilan de ce débat (art. L. 121-13 du même code).

2.   L’autorisation de création

La spécificité du régime des installations nucléaires de base tient notamment à la nécessité d’obtenir un décret d’autorisation de création (DAC), conformément aux dispositions de l’article L. 593-7 du code de l’environnement. Cette autorisation ne peut être délivrée que si l’exploitant prévient ou limite de manière suffisante les risques et inconvénients causés par l’installation et mentionnés à l’article L. 593-1 du même code (sécurité, santé et salubrité publiques et protection de la nature et de l’environnement). La demande d’autorisation de création est présentée par l’exploitant et doit comprendre un ensemble d’éléments, dont la liste est exhaustivement dressée à l’article R. 593-67 du code de l’environnement.

Le décret d’autorisation est délivré après enquête publique et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire. Il définit notamment le périmètre et les caractéristiques de l’installation. L’article R. 593-28 du code de l’environnement dispose que le délai d’instruction des demandes d’autorisation de création est de trois ans, prorogeable de deux ans si la complexité du dossier le justifie.

3.   Les autorisations complémentaires nécessaires

L’obtention d’un ensemble d’autres autorisations apparaît également nécessaire, relevant de législations particulières :

– des autorisations environnementales ([33]), notamment pour les travaux préparatoires à la construction de l’installation nucléaire de base ou pour les équipements non nécessaires au fonctionnement cette installation (voir supra) ;

– en matière d’urbanisme, la qualification de projet d’intérêt général au titre de l’article L. 102-1 de l’urbanisme, un dossier de mise en compatibilité des documents d’urbanisme ainsi que diverses autorisations d’urbanisme ([34]). Le cas échéant, une concession d’utilisation du domaine public maritime ([35]) peut être requise ;

– des demandes d’expropriation, le cas échéant ([36]) ;

– enfin, une autorisation d’exploiter est nécessaire, conformément aux dispositions de l’article L. 311‑5 du code de l’énergie et comme pour toute installation de production d’électricité.

C.   plusieurs projets de construction de réacteur électronucléaire ont été annoncés par le gouvernement

Le Président de la République a annoncé au mois de février 2022, dans son discours de Belfort, la construction de six nouveaux EPR et la réalisation d’études pour la construction de huit EPR supplémentaires. Ces six EPR seront de technologie dite « EPR 2 ». Les sites d’implantation envisagés sont situés à proximité d’installations nucléaires de base déjà existantes, à savoir une paire de réacteurs à Penly (Seine-Maritime), une paire à Gravelines (Nord) et une paire à Bugey (Ain) ou Tricastin (Drôme).

Un débat public, organisé par la Commission nationale du débat public, est actuellement en cours pour la construction de deux EPR à Penly ([37]). Ce débat a débuté le 27 octobre 2022 et pris fin le 27 février 2023. Les conclusions doivent en être publiées dans un délai maximal de deux mois, soit d’ici le 27 avril 2023. Puis EDF, en sa qualité d’exploitant, disposera de trois mois pour décider des suites qu’il entend donner au projet.

Pour ce qui concerne le calendrier de construction de ces EPR, le ministère de la transition énergétique indique que « dans le scénario central présenté dans le rapport du Gouvernement publié en février 2022, qui s’est fondé sur deux audits externes et indépendants menés en 2019 et fin 2021 et qui reflète la meilleure vision à date du calendrier du projet, le couplage définitif au réseau d’un premier réacteur est envisagé à l’horizon 2037, en intégrant un peu plus de 2 ans de marges calendaires par rapport au calendrier non margé du projet selon EDF. Au vu des conclusions des audits, le rapport conclut que “le respect de cette échéance de 2037 dépend à court terme du calendrier de prise de décision et de la tenue des délais du processus de consultation et d’autorisation réglementaire.Ce calendrier fait l’hypothèse de l’obtention du décret d’autorisation de construction à l’horizon 2026 pour un premier béton en 2028. »

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial

1.   Un régime dérogatoire temporaire et circonscrit géographiquement permettant d’accélérer la construction de réacteurs électronucléaires

L’article 1er du présent projet de loi prévoit que les dispositions de son titre premier, c’est‑à‑dire ses articles 1er à 8, s’appliquent aux réacteurs électronucléaires construits à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base déjà existante ou à proximité immédiate de celle-ci.

De plus, les dispositions de ce titre Ier s’appliquent pour les demandes d’autorisation de création déposées dans un délai de quinze ans à compter de la promulgation de la loi.

Le texte ne vise que les réacteurs électronucléaires, c’est-à-dire ceux qui servent à la production d’électricité – et non ceux qui servent à la production de chaleur, par exemple.

Interrogé par votre rapporteure sur le choix d’un régime dérogatoire à la fois temporaire et non codifié, le ministère de la transition énergétique a indiqué que les motifs du présent projet de loi « relèvent d’un caractère circonstancié, ponctuel et d’urgence liée à la crise climatique et à une crise de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement en énergie ».

Afin d’accélérer leur construction, les réacteurs électronucléaires pourront dès lors bénéficier de procédures simplifiées à travers :

– une mise en compatibilité des documents d’urbanisme et une qualification de « projet d’intérêt général » facilitées (article 2 du projet de loi) ;

– une dispense d’autorisations d’urbanisme, dans le respect des règles de fond applicables (article 3) ;

– une amélioration du séquençage des travaux, permettant de débuter les travaux non directement liés à l’activité nucléaire de l’installation nucléaire de base avant la clôture de l’enquête publique (article 4) ;

– une dérogation aux dispositions de la loi « Littoral » permettant notamment d’assurer le raccordement de l’installation nucléaire de base au réseau de transport d’électricité (article 5) ;

– la délivrance d’une convention d’utilisation du domaine public maritime par décret en Conseil d’État, à l’issue d’une enquête publique et sans nécessité de déclaration d’utilité publique (article 6) ;

– la faculté d’engager des expropriations assorties de prise de possession immédiate (article 7).

Ces dispositions seront précisées par décret en Conseil d’État (article 8).

2.   L’avis du Conseil d’État

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a jugé adaptée à l’objectif poursuivi la durée de quinze ans pour l’application des mesures du titre Ier. Il admet le choix du Gouvernement de ne pas codifier ces dispositions, conçues comme temporaires, « même si leur durée d’application aurait permis cette modification ».

L’étude d’impact justifie la durée de quinze ans au regard de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et du maintien de la sécurité d’approvisionnement en électricité. Le ministère de la transition énergétique fait par ailleurs observer que « la durée de 15 ans initiale était prévue en fonction du programme annoncé par EDF de construction des six premiers réacteurs EPR 2 et des huit réacteurs EPR 2 suivants sur la base de la remise des dossiers d’autorisation de création de chaque paire d’EPR 2 tous les deux ans ».

Pour ce qui a trait à la notion de « proximité immédiate » mentionnée à l’article 1er du projet de loi, le Conseil d’État a estimé qu’elle pourra, le cas échéant, être précisée par voie réglementaire.

3.   L’avis du Conseil national de la transition écologique

Le Conseil national de la transition écologique rappelle que la France ne disposera pas de nouveaux réacteurs avant 2035 et considère donc que le projet de loi « ne vise ainsi pas à répondre à court terme aux besoins énergétiques actuels mais à préparer la réponse aux besoins énergétiques à moyen et long terme ».

Le Conseil souhaitait, par ailleurs, que soit directement précisée dans la loi la notion de « proximité », eu égard aux emprises foncières inhérentes aux projets concernés.

4.   Les gains calendaires attendus des mesures dérogatoires proposées

Les dispositions instaurées par le titre Ier permettront d’enregistrer des gains calendaires au titre des procédures proprement dites, d’une part – les dispositions de l’article 4 pourraient ainsi permettre de gagner d’un à deux ans, selon le ministère de la transition énergétique – et des délais de contentieux, d’autre part – le ministère évoque ici un gain de temps de deux à trois ans.

EDF évoque, quant à lui, les gains de temps directs suivants pour les différents articles, dans leur version initiale et avant modification par le Sénat.

Gains de temps dans la construction des réacteurs nucléaires,
estimés par EDF, grâce aux dispositions initiales du projet de loi

Numéro de l’article

Gains de temps estimés par l’exploitant

2

12 à 14 mois

3

3 mois

4

24 mois

5

Non chiffré

6

Environ 5 mois

7

Minimum 12 mois

5.   Les conséquences sur la sûreté nucléaire

L’Autorité de sûreté nucléaire, les services ministériels ainsi qu’EDF soulignent que les dispositions du titre Ier, hormis l’article 4, n’ont pas d’incidences sur les dispositions actuelles relatives à la sûreté nucléaire.

Pour ce qui concerne l’article 4, il peut être estimé que l’incidence sur la sécurité nucléaire est positive, car les travaux sur les bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires et ceux destinés à héberger des matériels de sauvegarde ne pourront être réalisés qu’après la publication du décret d’accélération de création. En l’état actuel du droit, de tels travaux sont possibles dès la fin de l’enquête publique réalisée en amont de la délivrance de l’autorisation.

B.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   En commission

En commission, l’adoption des amendements COM-32, COM-60 et COM‑61 du rapporteur Daniel Gremillet a conduit à modifier l’article 1er sur de nombreux points.

a.   Précisions sur les projets d’installation nucléaire de base concernés par les dispositions du titre Ier

L’amendement COM-32 précise que le titre Ier s’applique aux projets de réacteurs électronucléaires et que sont bien inclus, parmi ceux-ci, les petits réacteurs modulaires.

Les petits réacteurs modulaires

Les petits réacteurs modulaires (Small Modular Reactors, SMR) sont des réacteurs nucléaires de capacité plus réduite que les réacteurs nucléaires actuellement en service : la puissance de ces SMR est ainsi de l’ordre de 300 MWe.

L’Agence internationale de l’énergie atomique considère que ces réacteurs constituent « une solution adaptée pour les régions isolées disposant d’infrastructures moins développées et peuvent s’intégrer à des systèmes hybrides synergiques associant l’énergie nucléaire à d’autres sources d’énergie, dont les renouvelables » ([38]). Il existe aujourd’hui une cinquantaine de modèles de SMR dans le monde.

Projet de petit réacteur modulaire NUWARD™

Source : ASN

En France, le projet Nuward (NUclear forWARD)  est un SMR comprenant deux réacteurs de 170 MWe, soit un total de 340 MWe, de type réacteur à eau pressurisée. ([39]) La durée de fonctionnement prévue à la conception est de soixante ans. Le projet Nuward est développé par EDF, en partenariat avec le CEA, Naval Group, TechnicAtom, Framatome et Tractebel. Les autorités de sûreté nucléaire française, finnoise et tchèque effectuent depuis juin 2022 un examen préliminaire de ce projet.

L’amendement COM-60 prévoit que les dispositions dérogatoires du titre Ier pourront aussi s’appliquer, pour tout ou partie :

– aux projets d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires, si de tels sites sont dédiés à un projet de réacteur ou à un réacteur existant ;

– aux projets de production d’hydrogène bas-carbone, dès lors qu’ils sont couplés à un projet de réacteur électronucléaire.

Pour ces deux catégories, il n’est pas prévu que le projet soit obligatoirement situé à l’intérieur d’une installation nucléaire de base ou à proximité immédiate de celle-ci.

Est également prévue la remise d’un rapport, dans les cinq ans suivant la promulgation de la loi, sur l’extension des dispositions dérogatoires du titre Ier à de nouvelles technologies et à d’autres sites d’implantation.

b.   Exclusion de certains sites d’implantation

L’amendement COM-32 exclut les sites d’implantation d’accélérateur de particules et de centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs ([40]) des sites sur lesquels ou à proximité desquels les nouveaux réacteurs électronucléaires pourront être construits.

c.   Modification de la durée d’application des dispositions dérogatoires

L’amendement COM-32 allonge la durée d’application des dispositions du titre Ier de quinze à vingt ans, au motif que certains acteurs avaient considéré, lors des travaux préparatoires au présent projet de loi, que la durée de quinze ans pouvait être un peu étroite.

Par ailleurs, le décret en Conseil d’État prévu à l’article 8 du projet de loi devra préciser la notion de « proximité immédiate », étant considéré que le périmètre de cette proximité immédiate ne saurait excéder celui du plan particulier d’intervention ([41]).

d.   Présentation d’un rapport annuel sur la politique du Gouvernement en matière nucléaire

L’amendement COM-61 prévoit la remise d’un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, jusqu’à l’année suivant l’expiration des vingt années dérogatoires prévues à l’article premier. Ce rapport devra rappeler les objectifs fixés en matière de construction de réacteurs nucléaires, les moyens associés et indiquer les raisons pour lesquelles ces objectifs n’auraient pas été atteints, le cas échéant.

Le premier rapport présenté devra, en outre, dresser la liste des sites soumis à participation du public pour la construction des 14 EPR et des SMR annoncés par le Président de la République dans son discours de Belfort.

Ce rapport devra faire l’objet d’une présentation devant le Parlement par le ministre chargé de l’énergie.

2.   En séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté :

– l’amendement n° 5 rect. de M. Franck Menonville (Indépendants) et les amendements identiques n° 8 rect. de M. Stéphane Piednoir (LR) et n° 28 rect. bis de M. Jean-Pierre Moga (UC). Ces amendements allongent de vingt à vingt-sept à 27 ans la durée d’application des dispositions prévues au titre Ier du projet de loi. Ces dispositions seraient donc applicables aux demandes d’autorisation de création déposées jusqu’en 2050, si la loi est bien promulguée en 2023. Ces amendements ont été adoptés avec avis de sagesse de la commission et avis défavorable du Gouvernement. Les auteurs de ces amendements ont notamment fait valoir que les scénarios sur l’avenir du mix énergétique, notamment ceux de RTE, étaient construits à l’horizon de 2050, d’une part, et qu’il était nécessaire de donner de la visibilité à la filière, d’autre part ;

– l’amendement n° 25 rect. quater de M. Franck Menonville (Indépendants) et l’amendement identique n° 119 du rapporteur Daniel Gremillet, adoptés avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement. Ces amendements précisent que les projets d’installation d’entreposage de combustibles nucléaires peuvent bénéficier des dispositions du titre Ier, dès lors qu’ils sont consacrés à un ou plusieurs projets de réacteur électronucléaire ou à un ou plusieurs réacteurs nucléaires existants ;

– l’amendement n° 120 du rapporteur Daniel Gremillet et l’amendement n° 121 du même auteur, sous-amendé par l’amendement n° 137 du Gouvernement, ont été adoptés avec un avis favorable du Gouvernement et un avis favorable de la commission pour le sous-amendement. Outre des ajustements rédactionnels, les amendements n° 121 et 137 précisent que la notion de « proximité immédiate » ne peut être définie en référence au plan particulier d’intervention que lorsque celui‑ci existe.

III.   Les modifications APPORtÉES par la commission

A.   L’ajout de la définition de la réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens du titre Ier du projet de loi

L’amendement CE632 de la rapporteure, adopté avec avis favorable du Gouvernement, précise la définition d’un réacteur électronucléaire au sens du titre Ier du projet de loi, en reprenant pour l’essentiel la définition introduite au deuxième alinéa de l’article 2 de ce projet.

La réalisation d’un réacteur électronucléaire doit donc bien s’entendre comme comprenant l’ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à sa création ou à sa mise en service, ainsi que les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité.

Cette définition encadre également dans le temps l’application des dispositions du titre Ier, puisqu’il est bien précisé que celles-ci ne s’appliquent que lors des phases de création et de mise en service du réacteur, et non durant sa phase d’exploitation.

B.   Une durée d’application de vingt ans pour les dispositions du titre Ier

L’amendement CE622 de la rapporteure, adopté avec avis favorable du Gouvernement, ramène à vingt ans la durée d’application des dispositions applicables à la réalisation d’un réacteur électronucléaire prévues au titre Ier du projet de loi. Cela correspond à la durée qui avait été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle semble proportionnée aux enjeux et au calendrier de construction prévu, tout en offrant un peu plus de perspectives à la filière que la durée de quinze ans initialement proposée par le Gouvernement dans le projet de loi.

C.   Des précisions apportées à l’application du régime dérogatoire aux projets d’installations d’entreposage de combustibles nucléaires

L’amendement CE644 du Gouvernement, adopté avec avis favorable de la rapporteure, consolide et encadre les modalités d’application du régime dérogatoire prévu par le titre Ier, initialement ouvert aux seuls réacteurs électronucléaires, aux installations d’entreposage de combustibles nucléaires. Il est ainsi précisé que le projet :

– doit être situé sur le site d’une installation nucléaire de base existante ou à proximité immédiate de celle-ci, selon les mêmes conditions que pour les réacteurs électronucléaires ;

– doit avoir vocation à entreposer principalement des combustibles irradiés dans des réacteurs électronucléaires existants ou en projet ;

– ne peut bénéficier des dispositions dérogatoires que si la demande d’autorisation de création est déposée dans les vingt ans suivant la promulgation de la loi, comme pour les réacteurs.

Enfin, l’application de tout ou partie des dispositions du titre Ier aux projets d’installation d’entreposage de combustible est conditionnée à la prise d’un arrêté ministériel.

L’amendement CE644 a été complété par un sous-amendement rédactionnel CE663 de la rapporteure, qui a reçu un avis favorable du Gouvernement.

D.   La suppression de l’application des mesures dérogatoires aux projets de production d’hydrogène bas-carbone

La commission a adopté l’amendement CE565 du Gouvernement et les amendements identiques CE173 de Mme Laernoes (Ecolo-NUPES), CE256 de Mme Trouvé (LFI-NUPES) et CE537 de M. Travert (RE), qui ont reçu un avis favorable de la rapporteure.

Ces amendements suppriment la possibilité d’appliquer les mesures dérogatoires prévues par le titre Ier du projet de loi aux projets de production d’hydrogène bas-carbone couplés à un projet de réacteur électronucléaire. Les installations de production d’hydrogène sont soumises à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement : leur appliquer le régime des installations nucléaires de base n’est pas opportun, les grandes spécificités de ce régime n’étant pas adaptées aux installations de production d’hydrogène.

E.   Les autres dispositions

Plusieurs autres amendements ont été adoptés à l’article 1er.

Au I de l’article, les amendements CE623 de la rapporteure et les amendements identiques CE212 de M. Saint-Huile (LIOT) et CE442 de Mme Battistel (SOC-Nupes) suppriment la mention des petits réacteurs modulaires (SMR) dans l’article. Certains auteurs des amendements souhaitaient supprimer cette mention pour écarter l’application des dispositions du titre Ier à ce type de réacteurs. En réalité et comme l’a rappelé la rapporteure, le titre Ier s’applique aux réacteurs électronucléaires sans mention d’une technologie particulière ; la mention explicite des SMR est donc inutile, car ils pourront bénéficier, le cas échéant, de ses dispositions

Les amendements identiques CE174 de Mme Laernoes (Ecolo-NUPES), CE402 de Mme Battistel (Soc-NUPES) et CE536 de M. Travert (RE) suppriment le IV de l’article 1er, qui prévoit un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre les dispositions du titre Ier à d’autres technologies. En effet, il n’est pas identifié, à ce stade, d’autres technologies qui pourraient disposer de telles dispositions.

Les amendements identiques CE624 de Mme Bregeon et CE535 de M. Travert suppriment le V de l’article 1er, qui demandait un rapport annuel au Gouvernement sur l’application des mesures prévues au titre Ier du projet de loi : une telle fréquence n’apparaît pas adaptée au temps long nécessaire à la construction d’un réacteur électronucléaire et il est, de plus, loisible aux commissions compétentes des assemblées parlementaires ou à l’Opecst d’auditionner le Gouvernement à tout moment sur la mise en œuvre de ces mesures.

Enfin, les amendements CE584 et CE585 de la rapporteure sont des amendements rédactionnels, adoptés avec un avis favorable du Gouvernement.

*

*     *

Article 2
Mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec un projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article vise à simplifier la mise en compatibilité des documents d’urbanisme applicables aux projets de création d’un nouveau réacteur électronucléaire à proximité d’une centrale existante. À cette fin, il prévoit que la qualification de « projet d’intérêt général » soit décidée par décret en Conseil d’État et que la déclaration d’utilité publique du projet de réacteur puisse valoir qualification de projet d’intérêt général. La mise en compatibilité des documents d’urbanisme à laquelle il peut être recouru dans ce cadre est simplifiée, avec un engagement de la procédure par le représentant de l’État dans le département et une mise à disposition du projet au public.

I.   l’État du droit : les outils d’AmÉnagement prÉvus pour les opÉrations dotÉes d’une utilitÉ publique caractÉrisÉe

Les articles 2 à 7 du présent projet de loi visent à accélérer et sécuriser le parcours d’autorisation d’un projet de réalisation d’un équipement public énergétique de grande envergure, une paire de réacteurs électronucléaires devant servir à produire de l’électricité pendant une longue période. À cette fin, ils prévoient des conditions spécifiques pour l’octroi des autorisations administratives nécessaires à ces projets. S’agissant d’un phasage complexe, dépendant de régimes juridiques différents issus notamment du droit de l’urbanisme et du droit de l’environnement, les principales étapes sont les suivantes :

– la concertation du public, prévue par le code de l’environnement en application du principe de participation du public mentionné à l’article 7 de la Charte de l’environnement et qui prend le plus souvent, pour un réacteur électronucléaire, la forme d’un débat public organisé par la Commission nationale du débat public ;

– la déclaration d’utilité publique, qui vise à ouvrir la voie à la réalisation d’une opération sur des terrains privés par le biais d’une expropriation pour cause d’utilité publique et qui comprend une enquête d’utilité publique (cf. commentaire du présent article 2) ;

– la mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec un projet préalablement qualifié par l’État de « projet d’intérêt général », qui passe par une procédure spécifique en fonction de la nature du projet et peut comprendre une enquête publique et la réalisation d’une étude des incidences environnementales dans le cadre d’une évaluation environnementale appliquée au cas par cas (cf. commentaire du présent article 2) ;

– les autorisations d’urbanisme prévues au titre du code de l’urbanisme : permis d’aménager, permis de construire, déclaration préalable, permis de démolir (cf. commentaire de l’article 3) et vérification de la conformité aux dispositions applicables en matière d’urbanisme, notamment celles découlant de la loi « Littoral » (cf. commentaire de l’article 5) ;

– l’autorisation environnementale prévue par le code de l’environnement, qui comprend une étude d’impact et une enquête publique au titre de la procédure d’évaluation environnementale (cf. commentaire de l’article 4) ;

– l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base, délivrée par décret, avec saisine de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui procède à l’instruction technique du dossier. L’instruction de la demande, soumise à une nouvelle évaluation environnementale qui comprend une enquête publique, prend entre trois et cinq ans (cf. commentaire de l’article 4) ;

– l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, prévue dans le code de l’énergie et qui fait l’objet d’un contrôle au regard des objectifs imposés par la programmation pluriannuelle de l’énergie ;

– l’autorisation de mise en service d’une installation nucléaire de base, délivrée par l’Autorité de sûreté nucléaire, avec le soutien de l’IRSN, sur la base d’un dossier de demande présenté par l’exploitant et comprenant la mise à jour de la version préliminaire du rapport de sûreté de l’installation « telle que construite », les règles générales d’exploitation, le plan d’urgence interne, le plan de démantèlement actualisé et, le cas échéant, une mise à jour de l’étude d’impact.

A.   La mise en compatibilité des documents d’urbanisme à l’occasion d’un projet d’intérêt général

Le droit de l’urbanisme prévoit que certains projets d’aménagement ou de construction nécessitent et justifient, au regard de leur importance et de leur envergure, de mettre en compatibilité des documents d’urbanisme afin de permettre leur réalisation.

En règle générale, la mise en compatibilité (MEC) vise à ce qu’un document d’urbanisme soit rendu compatible avec un document de rang supérieur, qui lui est juridiquement opposable et qui a évolué ultérieurement à son entrée en vigueur – ainsi, un PLU pourra être mis en compatibilité avec un SCoT qui lui est applicable et qui a évolué depuis son entrée en vigueur. Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juin 2020 relative à la rationalisation de la hiérarchie des normes applicable aux documents d’urbanisme ([42]), la mise en compatibilité s’opère par une procédure de modification simplifiée ([43]).

Outre cette procédure de droit commun et dans une logique très différente, d’autres procédures permettent de faire évoluer de manière exceptionnelle le document d’urbanisme, afin qu’il puisse permettre la réalisation d’un projet ([44]). Plusieurs outils dérogatoires prévoient un tel fonctionnement ([45]), parmi lesquels la qualification d’un projet en tant que « projet d’intérêt général » ([46]) (PIG). Cette disposition permet de forcer la prise en compte du projet qualifié par le document d’urbanisme dont il emporte l’évolution. Plutôt que d’emporter un effet propre sur les règles d’utilisation des sols – comme par exemple c’est le cas pour l’opération d’intérêt national – cet outil sert donc plutôt à permettre une adaptation facilitée et accélérée des documents applicables.

Lorsque les documents d’urbanisme à adapter sont d’ores et déjà exécutoires, une procédure de mise en compatibilité de ces documents est prévue : la demande du préfet est accompagnée d’une étude des incidences du projet sur le document d’urbanisme et des dispositions nécessaires à la mise en œuvre du projet.

La collectivité compétente a alors l’obligation de rendre son document d’urbanisme compatible avec ce projet : après avoir été informée par l’autorité compétente de l’État de la nécessité d’une évolution de son document d’urbanisme, elle lui indique, sous un délai d’un mois, si elle entend y procéder. Dans la négative ou à défaut d’y procéder dans un délai de six mois, le représentant de l’État peut y procéder d’office  En cas de désaccord ou d’inaction de la part de la collectivité concernée, le préfet peut se substituer à elle pour engager et approuver la mise en compatibilité du document d’urbanisme avec le projet d’intérêt général ([47]).

Les caractéristiques du projet d’intérêt général

Pour pouvoir être qualifié d’intérêt général, un projet doit répondre à trois conditions cumulatives, à commencer par son utilité publique, qui s’apprécie en comparant les avantages et les inconvénients du projet. En outre, il doit concerner, par sa destination, un aménagement ou une construction relatif à un équipement déterminé ([48]). Enfin, le projet doit être doté d’une certaine consistance : son principe et ses caractéristiques doivent avoir été arrêtés précisément ([49]).

L’initiative du projet d’intérêt général peut être le fait de toute personne ayant la capacité d’exproprier : l’État, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités. En revanche, seul l’État est habilité à engager le projet et le préfet dispose d’une compétence discrétionnaire pour refuser de qualifier un projet d’intérêt général à la demande d’une collectivité ([50]). Le projet d’intérêt général est, le plus souvent et sous réserve de remplir les conditions précitées, qualifié par le représentant de l’État par arrêté préfectoral ([51]).

En pratique, au sein d’un plan local d’urbanisme, un projet d’intérêt général peut, par exemple, se traduire par la mise en place d’un emplacement réservé ou par l’adaptation du règlement ou l’intégration d’un secteur plan de masse afin de permettre la réalisation du projet.

Le processus d’Évaluation environnementale et la place
de la participation du public

Source : commissariat général au développement durable (MTECT/CGDD), « La participation du public dans le cadre de l’évaluation environnementale », guide juridique à l’attention des acteurs, octobre 2022.

B.   L’évaluation environnementale du projet de mise en compatibilité

Le projet de mise en compatibilité des documents d’urbanisme – schéma de cohérence territoriale (SCoT), plan local d’urbanisme (PLU), carte communale – avec un projet d’intérêt général est susceptible d’engendrer des incidences notables sur l’environnement, qui justifient la mise en œuvre d’une évaluation environnementale.

L’évaluation environnementale est un « processus » ([52]) qui vise à intégrer les problématiques environnementales dans la prise de décision sur un projet d’aménagement ou de construction dès le stade amont de la réflexion ([53]). Cette évaluation sert ainsi à éclairer le porteur de projet et l’administration sur les suites à donner à ce projet au regard des enjeux environnementaux et ceux relatifs à la santé humaine du territoire concerné, ainsi qu’à informer et garantir la participation du public. Un très grand nombre de projets individuels sont ainsi soumis à la réalisation d’une évaluation environnementale par le maître d’ouvrage, au titre du code de l’environnement ([54]).

Au-delà des projets individuels, doivent aussi être contrôlés pour leurs incidences sur l’environnement, les divers plans et programmes élaborés par les collectivités territoriales et qui peuvent emporter, directement ou par les projets qu’ils rendent possibles, des effets significatifs pour l’environnement. Pour cette raison, leur évaluation fait l’objet de dispositions spécifiques complexes qui découlent principalement d’un régime juridique communautaire ([55]). Plus d’une soixantaine de catégories de plans et programmes qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, de manière systématique ([56]) ou après un examen au cas par cas ([57]), sont ainsi énumérées au code de l’environnement.

En particulier, l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme (EEDU), qui se situe à l’articulation entre les droits de l’urbanisme et de l’environnement, permet d’assurer la prise en compte des intérêts de l’environnement dans les plans fixant les règles d’utilisation des sols ([58]). En règle générale, l’élaboration d’un SCoT, d’un PLU ou d’une carte communale susceptible d’avoir des incidences sur l’environnement ([59]) est systématiquement soumise à une évaluation environnementale ([60]). Ces mêmes documents peuvent faire l’objet d’une nouvelle évaluation environnementale à l’occasion de leur mise en compatibilité ([61]), dans plusieurs cas de figure selon que l’évolution envisagée réduit des protections naturelles ou permet des modifications de l’équilibre du document ([62]).

Le processus d’évaluation environnementale appliqué aux plans et programmes comprend trois phases ([63]).

Dans un premier temps, l’autorité qui adopte ou approuve le plan ou programme élabore un « rapport sur les incidences environnementales » ou « rapport environnemental » ([64]). Celui-ci identifie, décrit et apprécie les « incidences notables directes et indirectes » du projet sur la population et la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l’eau, l’air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, le paysage, ainsi que les interactions de l’ensemble de ces facteurs, et évalue les mesures d’évitement, de réduction et de compensation.

Ensuite, l’autorité qui porte le programme réalise les consultations prévues avec les personnes concernées, étape qui comprend a minima un avis de l’autorité environnementale ([65]), qui porte à la fois sur la qualité du rapport et sur la prise en compte de l’environnement par le plan ou le programme. Est prévue aussi une enquête publique, procédure de concertation qui n’a pas lieu lorsque le projet de plan ou de programme ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale, auquel cas c’est la procédure moins exigeante de la participation du public par voie électronique qui s’impose.

Dans un troisième temps, l’autorité qui porte le programme décide de l’adoption ou de l’approbation du plan ou du programme et publie les informations relatives à sa décision, en prenant en compte à la fois le rapport et les consultations dans sa décision.

C.   La participation du public aux processus d’élaboration

La participation du public au processus d’élaboration des projets, plans et programmes susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement intervient à deux étapes :

– en amont, lors de l’élaboration du plan ou du projet : il s’agit des procédures de débat public (art. L. 121-8 et suivants du code de l’environnement) et de concertation préalable (art. L. 121-15-1 et suivants du même code), dont l’objet est d’associer le public à l’élaboration du plan ou projet, à un stade où toutes les options sont encore ouvertes et où il est loisible, en particulier, de questionner l’opportunité de ce projet, plan ou programme ;

– en aval, au stade de l’approbation du plan, programme ou de l’autorisation du projet : il s’agit des procédures d’enquête publique (art. L. 123‑1 et suivants du code de l’environnement et de participation du public par voie électronique (art. L. 123-19 du même code) (voir encadrés) et du dispositif de participation du public hors procédures particulières (art. L. 123-19-1 et suivants du même code). Cette consultation porte sur un dossier finalisé (plan, programme ou projet prêt à être approuvé ou autorisé) et permet d’améliorer et de faire évoluer ce projet, plan ou programme.

Ces deux types de participation du public, intervenant à des stades différents, n’ont donc pas le même objectif. L’enquête publique constitue le dispositif de référence de participation du public en phase « aval ». Elle est caractérisée notamment par l’intervention d’un ou plusieurs commissaires‑enquêteurs chargés d’animer et de conduire l’enquête publique et de permettre la participation du public au processus décisionnel ([66]).

Par souci de cohérence et de simplification, peut être mise en œuvre une procédure d’évaluation environnementale unique qui vaut à la fois pour le plan et un projet. En outre, dans le cadre d’une procédure coordonnée, lorsque le projet est finalisé en aval du document d’urbanisme prévoyant le projet; le maître d’ouvrage est dispensé de demander un nouvel avis à l’autorité environnementale, l’évaluation du plan servant dès lors d’appui à l’étude d’impact du projet ([67]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La participation du public par voie électronique

La participation du public par voie électronique, prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, constitue une forme alternative de participation du public pour les projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale mais exemptés d’enquête publique ([68]).

La participation du public par voie électronique est ouverte et organisée par l’autorité compétente pour autoriser ces projets. Le dossier, qui comprend les mêmes pièces que pour l’enquête publique, est mis à la disposition du public par voie électronique, et éventuellement sur support papier. Le public est informé de l’ouverture de cette procédure en ligne et par voie d’affichage, dans des conditions comparables à celles de l’enquête publique. La consultation dure au minimum trente jours.

Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai permettant la prise en considération des observations et propositions déposées par le public et la rédaction d’une synthèse de ces observations et propositions. Sauf en cas d’absence d’observations et propositions, ce délai ne peut être inférieur à quatre jours à compter de la date de la clôture de la consultation. Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations et propositions du public avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, les observations et propositions déposées par voie électronique ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision.

Pour ce qui est de sa portée, le juge administratif saisi en référé fait droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans qu’une procédure de participation du public par voie électronique requise ait eu lieu ([69]).

 

 

L’enquête publique « code de l’environnement » ([70])

L’enquête publique prévue par le code de l’environnement (art. L. 123-1 à L. 123-18) a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’affecter l’environnement.

Parmi les opérations qui sont soumises à cette enquête, figurent les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale ([71]). Par ailleurs, l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale – notamment, la réalisation d’une installation nucléaire de base – font l’objet d’une enquête publique (art. L. 181-9 à L. 181-11).

L’enquête publique est ouverte et organisée par l’autorité compétente pour prendre la décision en vue de laquelle l’enquête est requise. Elle est conduite, selon la nature et l’importance des opérations, par un commissaire-enquêteur choisi par le président du tribunal administratif. Le commissaire-enquêteur choisi doit figurer sur une liste d’aptitude établie par le président du tribunal administratif, qui est rendue publique et qui est révisée annuellement.

La durée de l’enquête est fixée par l’autorité compétente et peut être prolongée par le commissaire-enquêteur pour une durée maximale de quinze jours. Elle ne peut être inférieure à trente jours pour les projets faisant l’objet d’une évaluation environnementale.

Le public est informé de l’ouverture de l’enquête par l’autorité compétente au moins quinze jours avant l’ouverture de celle-ci, par voie dématérialisée et d’affichage et, éventuellement, par voie de publication locale. L’avis précise l’objet de l’enquête, le nom du commissaire-enquêteur, la durée et les modalités de l’enquête, les modalités de consultation, par le public, du dossier d’enquête, en ligne et sur support papier, ainsi que l’adresse à laquelle le public peut transmettre ses observations.

Le commissaire-enquêteur conduit l’enquête de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision. Il peut demander au maître d’ouvrage de communiquer des documents au public, visiter les lieux concernés, entendre toute personne concernée par le projet et organiser toute réunion d’information et d’échange avec le public en présence du maître d’ouvrage. Il rend son rapport dans un délai de trente jours après la fin de l’enquête. Celui-ci fait état des observations et propositions produites et des réponses éventuelles du maître d’ouvrage.

Les frais de l’enquête, y compris l’indemnisation du commissaire, sont pris en charge par le responsable du projet.

Pour ce qui est de la portée de l’enquête, le juge administratif saisi en référé d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur, fait droit à cette demande si celle-ci comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision prise, ainsi qu’à toute demande de suspension d’une décision prise sans qu’une enquête publique requise ait eu lieu (art. L. 123-16 du code de l’environnement).

 

 

D.   La déclaration d’utilité publique

La déclaration d’utilité publique (DUP) dite « travaux » ([72]) permet d’acquérir les immeubles ou les droits réels immobiliers nécessaires à la réalisation d’une opération d’intérêt général déterminée. Elle suppose de connaître la nature et la localisation des principaux travaux et ouvrages prévus, puisque ces éléments sont présentés dans le dossier. Lancée par un expropriant qui peut être une collectivité territoriale ou l’État, ses actes essentiels sont néanmoins systématiquement pris par l’État, qu’il soit ou non l’initiateur de la procédure.

La DUP est précédée d’une enquête d’utilité publique (EUP) qui permet de constater « préalablement et formellement » l’utilité publique de l’expropriation envisagée ([73]), laquelle emporte une atteinte à la protection constitutionnelle de la propriété privée qui rend nécessaire une telle justification. Cette enquête, qui est fondée sur l’examen, par le commissaire-enquêteur, d’un dossier d’enquête élaboré par le pétitionnaire, dure au moins quinze jours. Toutefois, dans le cas où le projet est soumis à évaluation environnementale car il concerne des travaux, aménagements, constructions ou ouvrages qui y sont soumis – ce qui est le cas pour l’édification d’un réacteur électronucléaire – l’enquête publique nécessaire à la DUP est régie par le code de l’environnement et dure au moins trente jours.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial : des adaptations qui simplifient la qualification du projet d’intÉrÊt gÉnÉral et la mise en compatibilitÉ des documents

Les trois premières paires de réacteurs électronucléaires envisagées pour le déploiement de l’EPR2 (Penly, Gravelines, et Bugey ou Tricastin, voir introduction) relèvent de cinq communes et établissements publics de coopération intercommunale différents et sont couverts par cinq plans locaux d’urbanisme et deux SCoT, qui devront tous être modifiés pour prendre en compte les projets d’aménagement des sites.

1.   Des dérogations ciblées et proportionnées

L’article 2 du présent projet de loi se fonde sur des dispositions qui existent déjà dans le droit de l’urbanisme afin de mettre en cohérence les documents d’urbanisme des collectivités territoriales avec un projet d’envergure majeure mené par l’État, en y apportant des accélérations ciblées et modérées. Il s’agit en effet de mettre à profit l’outil du projet d’intérêt général (PIG), déjà connu par les acteurs locaux et les administrations centrales, plutôt qu’un outil nouveau.

Cet instrument fait toutefois l’objet d’adaptations dérogatoires, qui rejoignent la préférence, dans l’entièreté du titre I du présent projet de loi, pour la création d’un régime dérogatoire appliqué pour une durée limitée et pour un nombre réduit de projets, afin de ne pas ouvrir de possibilités à une généralisation éventuelle de ces dispositifs. Les services interrogés par votre rapporteure ont en effet souligné leur préférence pour la création d’un régime ad hoc limité plutôt que de tenter l’adaptation d’outils inappropriés à l’objectif visé. C’est ce qui a permis au Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, d’estimer que ces dispositions dérogatoires ont un caractère proportionné et bien délimité.

Il a été souligné, à plusieurs reprises, lors des auditions menées par votre rapporteure que cet article n’emporte aucun transfert de compétences ni atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, comme l’a confirmé le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi : le droit de l’urbanisme prévoit déjà plusieurs procédures dérogatoires au droit commun, régulièrement utilisées, bien admises par les collectivités concernées et qui permettraient à l’État de faire valoir l’intérêt général des projets de réacteurs et de bénéficier en conséquence de dérogations diverses (voir encadré supra).

Le droit existant prévoit également déjà la compétence du préfet pour délivrer les autorisations d’urbanisme relatives aux installations nucléaires de base et non celle de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme (cf. commentaire de l’article 3). C’est la raison pour laquelle les associations d’élus locaux entendues par votre rapporteure n’ont émis aucune objection à la mesure proposée, considérant qu’elle ne fait qu’acter une situation qui prévaut déjà et qu’elle permet d’améliorer le pilotage du projet par l’État.

2.   La simplification de la qualification de projet d’intérêt général

Le I de cet article prévoit que la qualification de « projet d’intérêt général » des projets de réacteurs électronucléaires, qui incluent tant le réacteur lui-même que l’ensemble des travaux et bâtiments liés à sa création et à son exploitation et les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité, devra obligatoirement être prononcée par décret en Conseil d’État, en lieu et place d’un arrêté préfectoral ou d’un décret, qui sont prévues par le droit en vigueur.

L’exigence du recours à un décret en Conseil d’État permet d’assurer la meilleure sécurisation juridique des projets et confirme leur pilotage au plus haut niveau de l’État. Cette disposition permet de limiter la durée totale du contentieux prévisible, le Conseil d’État étant compétent en premier et dernier ressort, ce qui pourrait permettre un gain contentieux total de l’ordre d’un an.

Il est également prévu qu’une déclaration d’utilité publique qui serait décidée au bénéfice du projet de réacteur emporterait alors sa qualification comme projet d’intérêt général.

S’agissant d’un outil dont il est nécessaire de s’assurer la compatibilité avec les documents d’urbanisme applicables sur le territoire d’implantation du projet, votre rapporteure estime qu’il est cohérent de prévoir que toute déclaration d’utilité publique visant un projet de réacteur, lorsque celui-ci nécessite des expropriations, emporte la qualification de projet d’intérêt général. Cette disposition permet en effet de remplacer utilement deux actes réglementaires par un acte unique, qui concentrera la justification de l’intérêt général du projet, les procédures de participation du public mais aussi les éventuelles actions en justice ultérieures. Votre rapporteure estime qu’il s’agit donc là d’une simplification bienvenue.

3.   La simplification de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme

L’attribution de la qualification de projet d’intérêt général permet la mise en œuvre d’une procédure adaptée pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, pour laquelle l’article 2 du présent projet de loi prévoit plusieurs simplifications supplémentaires.

Le droit en vigueur prévoit que l’autorité administrative compétente de l’État demande à l’autorité compétente en matière d’urbanisme d’engager, sous un mois, la mise en compatibilité du schéma de cohérence territoriale (SCoT), du plan local d’urbanisme (PLU) ou de la carte communale (CC) et de la mener à bien dans un délai de six mois.

Il est ici prévu (II) que l’autorité administrative de l’État engage directement et sans délai, la modification du document d’urbanisme local, étant précisé par ailleurs au V que les documents d’urbanisme objets de la mise en compatibilité ne pourront être modifiés ou révisés durant la conduite de la procédure.

Le projet de mise en compatibilité fait l’objet d’un examen conjoint par l’État, l’autorité compétente – qu’il s’agisse d’un établissement porteur de SCoT, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune – et les personnes publiques associées. Il s’agit donc d’un travail mené de concert par les services déconcentrés de l’État, sous l’autorité de son représentant, et les élus concernés, avec l’appui de leurs services d’urbanisme.

Les associations d’élus auditionnées par votre rapporteure, qui ont été associées aux réunions de travail du Conseil national de la transition écologique lors de l’élaboration du texte, ont considéré que l’examen conjoint du projet de mise en compatibilité par l’État et les collectivités garantit la bonne association des collectivités à ce processus. Selon l’Association des représentants des communes d’implantation de centrales et établissements nucléaires (Arcicen), les différentes collectivités concernées par l’éventuelle implantation d’un EPR2 sont actuellement favorables à ces projets.

Le III prévoit que le projet fait l’objet d’une procédure d’évaluation environnementale, le cas échéant, puis d’une procédure de participation du public, dans les conditions du droit commun. Si le projet est soumis à évaluation environnementale, la procédure est celle de la participation du public par voie électronique (PPVE). Si ce n’est pas le cas, c’est la mise à disposition qui s’applique.

Le IV prévoit une procédure d’avis de l’autorité compétente en matière d’urbanisme, qu’il s’agisse d’un établissement porteur de SCoT, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune.

Enfin, il est également prévu que la mise en compatibilité sera adoptée par décret simple (IV).

4.   Des avantages substantiels en termes de simplification

La mise en compatibilité réalisée selon les modalités prévues au présent article devrait permettre d’inscrire la procédure dans une durée comprise entre sept à huit mois – contre au moins sept mois supplémentaires dans la procédure existante, du fait notamment du délai actuellement laissé à la collectivité avant la reprise en main par l’État, qui ne se retrouve pas dans la procédure prévue à l’article 2 du projet de loi.

L’initiative de l’État, qui doit organiser l’examen conjoint du projet de mise en compatibilité, permet de surcroît de libérer les collectivités de cette charge. En effet, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme effectuée directement par l’État présente l’avantage de lui confier la responsabilité budgétaire et opérationnelle des modifications, plutôt qu’aux collectivités concernées, et de favoriser ainsi la rapidité de la modification, en bonne intelligence avec les collectivités locales concernées – ce que les associations de représentants des élus ont salué lors de leur audition.

Au total, les gains de temps et d’efficacité permis par l’article pourraient être les suivants :

– la disparition du délai d’attente de six mois qui sépare, dans le droit commun, la notification aux collectivités territoriales du besoin de mise en compatibilité des documents d’urbanisme et l’échéance du délai laissé à celles-ci pour mener cette mise en compatibilité à bien ;

– un gain de temps estimé d’un à deux mois du fait de la réalisation d’une mise à disposition du public (ou d’une participation du public par voie électronique, pour les projets soumis à évaluation environnementale) ;

– un raccourcissement des délais de recours contentieux et du délai contentieux global du fait de la prise d’un décret en Conseil d’État pour le projet d’intérêt général, qui assure que le Conseil d’État statue en premier et dernier ressort ;

– une simplification résultant de la réunion de la déclaration d’utilité publique et du projet d’intérêt général au sein d’une même procédure.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

1.   En commission

Outre des précisions rédactionnelles, la commission des affaires économiques du Sénat a ajouté deux éléments à l’article :

– en adoptant un amendement COM-45 de son rapporteur, la commission a précisé que la qualification de projet d’intérêt général ne peut intervenir qu’après que la Commission nationale du débat public a dressé le bilan du débat public, lorsque la décision d’implantation et les caractéristiques du projet auront été présentées au public et ajustées en fonction des enseignements du débat. Un débat public est actuellement en cours pour la première paire d’EPR2 envisagée sur le site de Penly et doit se terminer le 27 février 2023, pour un rendu des conclusions le 27 avril prochain ;

– outre l’examen conjoint de la mise en compatibilité par l’État et les collectivités, déjà prévu dans le projet de loi, l’amendement COM-46 du rapporteur a prévu des délais supplémentaires d’un mois et de quinze jours pour que l’État et les collectivités s’adressent mutuellement leurs observations sur le projet de mise en compatibilité.

2.   En séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements :

– un amendement n° 11 de M. Stéphane Piednoir (LR), avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, inclut les installations d’entreposage de combustibles nucléaires dans le champ de l’article ;

– un amendement n° 123 de la commission, adopté après un avis défavorable du Gouvernement, prévoit une information de la région et du département, qui ne sont pas compétents en matière d’urbanisme, dans le cadre de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme prévue à l’article ;

– un amendement n° 53 de M. Jean-Michel Houllegatte (SER), sous-amendé par la commission et après avis défavorable du Gouvernement, a prévu que les documents mis à disposition et rendus publics relatifs à la mise en compatibilité sont mis en consultation sur support papier dans les préfectures et les souspréfectures, la mairie du territoire d’accueil du projet ou la commission locale d’information. Les observations sont enregistrées et la synthèse de ces observations et propositions du public, avec l’indication de celles dont il a été tenu compte, est rendue publique dans des conditions définies par arrêté de l’autorité administrative compétente de l’État.

III.   Les modifications APPORTÉES par la commission

Outre des amendements rédactionnels et de coordination, la commission a adopté plusieurs amendements visant à simplifier la rédaction de cet article et à garantir l’accélération des procédures qui y est prévue :

– deux amendements identiques CE643 du Gouvernement et CE124 de Mme Mathilde Paris et des membres du groupe Rassemblement national, visant à supprimer la mention explicite selon laquelle la qualification de projet d’intérêt général ne peut survenir qu’une fois dressé le bilan du débat public organisé par la Commission nationale du débat public. Cette suppression est justifiée au motif qu’une telle obligation existe d’ores et déjà en droit positif, l’article L. 121-13 du code de l’environnement prévoyant que le maître d’ouvrage du projet doit décider, à l’issue du bilan d’un débat public et par un acte publié, du principe et des conditions de la poursuite de son projet, conditionnant par-là la qualification de projet d’intérêt général ;

– deux amendements identiques CE605 de la rapporteure et CE519 de M. Stéphane Travert et des membres du groupe Renaissance visant, dans un souci d’accélération effective des procédures, à supprimer une disposition laissant à la collectivité, en amont de l’examen conjoint du projet de mise en compatibilité du document d’urbanisme par l’État et l’autorité compétente, un délai supplémentaire d’un mois pour faire des observations, et un délai de deux semaines pour les retours de l’État ;

– un amendement CE648 de la rapporteure, visant à supprimer des précisions sur les modalités de mise à disposition des documents du projet de mise en compatibilité des documents, qui sont de nature réglementaire.

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Article 3
Simplifications du régime d’autorisation d’urbanisme
des réacteurs électronucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article vise à dispenser les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la production d’un réacteur électronucléaire de toute autorisation au titre du code de l’urbanisme, en unifiant les procédures existantes à cet effet au sein de la procédure d’autorisation environnementale. Dès lors, la conformité de ces projets aux règles d’urbanisme fixées par la loi ou le règlement sera vérifiée à l’occasion de la demande d’autorisation environnementale ou de la demande d’autorisation de création du réacteur. Cet article adapte également, par coordination, les dispositions relatives à la taxe d’aménagement, en prévoyant sa perception sur la base d’un fait générateur constitué par l’octroi de l’autorisation environnementale.

I.   l’État du droit : un rÉgime d’urbanisme complexe

A.   LES AUTORISATIONS D’URBANISME des rÉacteurs ÉlectronuclÉaires

1.   L’articulation entre différents régimes d’autorisation peut engendrer des complexités dans le cas de la réalisation d’un réacteur électronucléaire

Il est fréquent que la réalisation d’un équipement et d’une construction relève de plusieurs régimes juridiques distincts, qu’il s’agit alors pour le législateur de concilier afin d’éviter une complexité procédurale excessive et l’alourdissement des démarches pour les maîtres d’ouvrage. Plusieurs solutions ont été trouvées afin d’éviter la superposition des législations et l’accumulation d’autorisations distinctes pour un même projet :

– l’autorisation d’urbanisme peut tenir lieu de l’autorisation prévue par une autre législation, dès lors que l’autorité compétente pour celle-ci a donné son accord lors de l’octroi du permis : c’est la règle qui permet de s’assurer, dans tous les cas, du respect des prescriptions d’urbanisme ([74]). Le cas le plus fréquent concerne le permis de construire octroyé aux abords d’un monument historique ou dans un site patrimonial remarquable, pris après avis simple ou conforme de l’architecte des Bâtiments de France, qui vaut alors autorisation préalable au titre du code du patrimoine ([75]). Une procédure analogue est prévue, à raison de leur emplacement, pour les projets menés dans une réserve naturelle ou dans le cœur d’un parc national ([76]) ;

– inversement, l’autorisation prévue par une autre législation peut tenir lieu d’autorisation d’urbanisme. Il s’agit d’une possibilité parfois assortie de l’obligation d’obtenir néanmoins l’avis favorable de l’autorité compétente en matière de délivrance de l’autorisation d’urbanisme. Un cas fréquent concerne la construction d’une éolienne, pour laquelle l’octroi de l’autorisation environnementale dispense du permis de construire, sans prévoir l’accord de l’autorité compétente pour les autorisations d’urbanisme ([77]). C’est aussi le cas pour d’autres installations énergétiques qui sont dispensées de permis de construire ou de déclaration préalable (ouvrages de stockage souterrain de gaz, de fluides ou de déchets, dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une autorisation au titre du code minier ou du code de l’environnement) ou pour les lignes électriques aériennes et leurs supports (dès lors qu’ils ont fait l’objet d’un contrôle de la prise en compte des règles du code de l’urbanisme ([78])).

2.   Les autorisations d’urbanisme applicables à un réacteur électronucléaire relèvent de l’État et sont articulées avec les autres régimes d’autorisation

La réalisation d’un réacteur électronucléaire et de l’ensemble des constructions et aménagements nécessaires à son exploitation et à son raccordement relève de plusieurs types d’autorisation. Ces diverses procédures, qui font intervenir des autorités et organismes distincts, peuvent être menées en parallèle avant que ne commence la réalisation concrète du projet de réacteur électronucléaire.

Les réacteurs électronucléaires sont des structures complexes qui comprennent des dizaines de bâtiments (cf. commentaire de l’article 4) et pour lesquels les autorisations au titre du droit de l’urbanisme seraient nombreuses s’il n’existait aucun régime dérogatoire (cf. encadré).

Les spécificités de ces structures, au regard notamment des enjeux de sécurité publique, ont justifié la mise en place d’un régime spécifique au regard du droit de l’urbanisme. En effet, certaines articulations temporelles et procédurales permettent d’ores et déjà de faciliter la mise en œuvre des différents régimes d’autorisation, dont les plus importantes sont les suivantes :

– par exception au principe de la compétence de la commune ou de l’intercommunalité, l’autorité administrative de l’État est compétente pour se prononcer sur tous les projets portant sur « les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d’énergie, ainsi que ceux utilisant des matières radioactives » : c’est donc le préfet qui octroie ou refuse les différentes autorisations nécessaires aux constructions et travaux relatifs aux installations nucléaires de base (cf. commentaire de l’article 4) ([79]). Il est néanmoins tenu, au titre du même article, de recueillir l’avis de l’autorité compétente en matière d’urbanisme ;

 les projets d’installation nucléaire de base sont également dispensés de certaines autorisations d’urbanisme : l’autorisation de création, nécessaire à la réalisation de tout projet de réacteur électronucléaire, vaut ainsi déclaration préalable et permis d’aménager pour les travaux nécessaires au projet (affouillement ou exhaussement du sol) ([80]). Cette dispense n’est toutefois pas prévue pour les permis de construire ni pour les permis de démolir ([81]).

Dans d’autres cas, l’articulation passe par des mesures spécifiques à l’échéancement des travaux :

– lorsque le projet relève du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), ce qui est le cas pour certaines des installations d’une centrale électronucléaire (cf. commentaire de l’article 4), les travaux ne peuvent débuter avant la décision d’enregistrement du projet au titre des ICPE (art. L. 425-10 du code de l’urbanisme) ;

– dans le cas d’une installation nucléaire de base soumise à une autorisation de création qui vise à limiter les risques technologiques et à contrôler les bonnes conditions d’exploitation de l’installation, les travaux ne peuvent débuter avant la clôture de l’enquête publique menée dans le cadre de cette procédure d’autorisation ([82]) (cf. commentaire de l’article 4) ;

– pour les projets soumis à autorisation environnementale, les travaux ne peuvent débuter avant l’obtention de cette autorisation, en dehors de certaines exceptions très encadrées (art. L. 425-14 du code de l’urbanisme).

 

Les autorisations d’urbanisme susceptibles de s’appliquer dans le droit commun

Selon le droit commun des autorisations d’urbanisme, les constructions et aménagements liés à la réalisation d’un réacteur électronucléaire pourraient être soumis à :

– un permis de démolir dans le cas où des démolitions sont nécessaires en vue de libérer le site sélectionné pour le projet ;

– un permis d’aménager pour ce qui concerne les travaux, installations et aménagements affectant l’utilisation des sols, notamment les opérations préalables d’affouillement, d’exhaussement ou de terrassement ;

– un permis de construire pour les constructions, qu’elles soient essentielles au réacteur (cuve, pressuriseurs, générateurs de vapeur, etc.), accessoires (bureaux, cantines, etc.) ou liées aux besoins des travaux ;

– une déclaration préalable pour d’autres types de constructions, aménagements, installations ou travaux de portée plus limitée (y compris l’abattage d’arbres).

Ces différents régimes d’autorisation ordinaire visent tous à vérifier la conformité des travaux envisagés aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent l’utilisation des sols, l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et l’aménagement de leurs abords, ainsi que la compatibilité de ces travaux avec d’éventuelles déclarations d’utilité publique ([83]).

Le règlement impose à l’autorité compétente de se prononcer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme dans un délai limité ([84]), sur la base d’un dossier de demande d’autorisation ([85]). Ce dossier comprend notamment :

– l’identification des terrains concernés ;

– la nature des travaux et la destination des différentes constructions ;

– la puissance électrique nécessaire à l’alimentation du projet ;

– divers plans détaillés du projet (plan de situation, plan de masse des constructions, plan des façades et des toitures, plan de coupe, documents graphiques).

En dehors de certaines dérogations (cf. infra), c’est l’octroi des autorisations d’urbanisme nécessaires, par ailleurs susceptibles de recours contentieux, qui conditionne la possibilité de démarrer les travaux et constructions nécessaires à la réalisation des projets.

B.   L’autorisation d’urbanisme conditionne la perception de la taxe d’amÉnagement

L’octroi d’une autorisation d’urbanisme emporte certains effets juridiques, notamment fiscaux. En particulier, la personne bénéficiaire d’une autorisation octroyée en application du code de l’urbanisme pour des aménagements, constructions et installations doit s’acquitter de la taxe d’aménagement (art. L. 1635 quater B et L. 1635 quater C du code général des impôts).

Cette taxe est instituée par les communes ou intercommunalités, les départements ou la région d’Île-de-France pour couvrir certaines de leurs dépenses. Elle se compose ainsi de deux ou trois parts, selon les cas, perçues par trois bénéficiaires distincts : la part « locale », perçue par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d’urbanisme, la part départementale, et, en Île-de-France, une part régionale.

La taxe est instituée de plein droit dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme, dans les communautés urbaines et les métropoles, sauf délibération contraire. Dans les autres communes, dans les établissements publics de coopération intercommunale compétents dont les communes membres ont donné leur accord, dans les départements et dans la région Île-de-France, elle est instituée par délibération.

Les différentes collectivités ou intercommunalités bénéficiaires de la taxe sont appelées à percevoir chacune une partie du produit de la taxe d’aménagement liée au projet. Le taux d’imposition de la part communale ou intercommunale est compris entre 1 % et 5 % selon le secteur, avec une majoration possible (dans la limite de 20 %) instaurée par délibération motivée de la collectivité. Le taux d’imposition de la part départementale est inférieur ou égal à 2,5 % ([86]).

Le fait générateur de la taxe est la date de délivrance de l’autorisation initiale de construire ou d’aménager et elle est exigible à la date d’achèvement des opérations imposables. Par exception, les très grandes opérations – c’est-à-dire les opérations d’une surface de construction supérieure à 5 000 mètres carrés – sont tenues de verser deux acomptes, de 50 % et de 35 % respectivement, au neuvième et au dix-huitième mois suivant celui de la délivrance de l’autorisation (art. 1635 quater F, 1635 quater G, 1679 nonies du code général des impôts).

C.   la rÉduction de l’artificialisation ne connaÎt pas, À ce jour, d’exceptions

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », a modifié profondément l’aménagement de notre territoire en consacrant le principe de la réduction de moitié, chaque décennie, de l’artificialisation des sols constatée sur le territoire national. Dès l’examen de cette loi, une articulation avait semblé nécessaire avec le déploiement des infrastructures de production d’énergie, particulièrement consommatrices de foncier.

1.   Le régime général ne prévoit pas d’exception au principe de la réduction de l’artificialisation

Le législateur a inscrit la lutte contre l’artificialisation des sols parmi les principes généraux du code de l’urbanisme ([87]), avec un objectif global d’atteindre l’absence de toute artificialisation nette des sols d’ici 2050. Le processus d’artificialisation est défini dans le droit de l’urbanisme par référence à l’atteinte durable aux fonctionnalités des sols : cette artificialisation prend la forme d’une « altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage » ([88]).

Cette définition s’applique à l’échelle des projets : une fois les outils de mesure de l’artificialisation pleinement mis en œuvre, chaque parcelle sera classée comme artificialisée ou non en fonction d’une typologie précisée par la loi et le décret ([89]). Le bilan surfacique reposera dès lors sur le solde entre le flux des surfaces artificialisées et celui des surfaces désartificialisées, à l’échelle des documents de planification et d’urbanisme régionaux et locaux et pour les périodes qu’ils couvrent. Des équipements collectifs tels que des implantations de production d’énergie peuvent donc être directement concernés, dans la mesure où leur empreinte foncière peut désinciter les collectivités à les poursuivre, de peur d’y épuiser leur réserve d’artificialisation – ce raisonnement s’applique toutefois davantage aux infrastructures d’énergies renouvelables qu’aux réacteurs électronucléaires.

La réduction de l’artificialisation est définie selon une temporalité décennale. Pour la décennie de 2021 à 2031, la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers doit être égale à 50 % de la consommation observée au cours de la décennie précédente.

Cet objectif est fixé à l’échelle régionale, dans le schéma régional de l’aménagement, du développement durable et de l’égalité des territoires (Sraddet), qui s’impose par un lien de compatibilité aux documents de rang inférieur. Il est ensuite décliné entre les différentes parties du territoire régional, et chaque schéma de cohérence territoriale (SCoT) se voit attribuer une enveloppe d’hectares artificialisables, à répartir ensuite entre les différentes collectivités qui relèvent de son ressort.

Au moment de l’élaboration du dispositif, les pressions ont abondé de toutes parts en faveur d’aménagements au régime permettant d’en exempter certains projets : infrastructures, hôpitaux, écoles, bases militaires, logements sociaux, etc. La solution privilégiée a consisté à ne retenir aucune exception au principe, dans la logique de ne pas ouvrir la voie à une éventuelle course aux exceptions. C’est pourquoi, en dépit de certains ajouts effectués à l’époque lors de l’examen du texte au Sénat, aucune exception n’a finalement été retenue pour ce qui concerne le décompte de l’artificialisation.

2.   L’imputation des projets de grande ampleur peut cependant être faite au niveau régional sans être répercutée dans les documents locaux

Dans la déclinaison territoriale des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, s’est rapidement posée la question de l’imputation de l’artificialisation résultant d’équipements collectifs de grande ampleur. En effet, en prenant pour exemple un EPCI typique qui aurait entre 2021 et 2031 une enveloppe d’artificialisation égale à 50 % de l’artificialisation constatée entre 2011 et 2021, si un projet d’autoroute ou de canal ou de centrale nucléaire venait à s’y installer, ne fût-ce que partiellement, une large part de son enveloppe serait consommée.

Pour résoudre cette difficulté, la solution retenue consiste à prendre en compte l’artificialisation résultant de ces grands projets à l’échelle régionale, mais non à l’échelle locale. Ainsi, avant même d’être répartie entre les différentes parties du territoire régional, l’enveloppe régionale d’hectares à artificialiser sur la décennie qui vient est diminuée de l’impact artificialisant de l’ensemble des projets d’intérêt régional qui y sont prévus.

Sur le sujet majeur de la prise en compte des projets de grande ampleur, le pouvoir réglementaire a précisé que le fascicule du Sraddet peut énumérer les projets d’envergure régionale ou nationale dont l’empreinte artificialisante est prise en compte à l’échelle régionale et non locale ([90]) : « le fascicule peut comporter une liste des projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics ou d’activités économiques qui sont d’intérêt général majeur et d’envergure nationale ou régionale, pour lesquels la consommation ou l’artificialisation des sols induite est prise en compte dans le plafond déterminé au niveau régional sans être déclinée entre les différentes parties du territoire régional. »

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial dispense les projets de rÉacteur ÉlectronuclÉaire d’autorisation d’urbanisme tout en assurant leur conformitÉ au droit applicable

1.   Une dispense d’autorisation qui ne dispense pas de la conformité aux normes en matière d’urbanisme

Le I de l’article 3 visait initialement à dispenser d’autorisation ou de déclaration en matière d’urbanisme les projets de constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que les équipements et installations nécessaires à leur exploitation ([91]).

Cette dispense d’autorisation ne dispense pas pour autant les projets de l’obligation de conformité aux dispositions législatives et réglementaires en matière d’urbanisme. Ces dispositions continuent de s’appliquer en dépit de la dispense d’autorisation. C’est la raison pour laquelle l’article prévoit, au même I, que le contrôle de la conformité de ces projets avec ces dispositions, qui est habituellement effectué dans le cadre de l’instruction de l’autorisation d’urbanisme, soit réalisé « dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création », autorisations abordées à l’article 4, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.

En outre, il est précisé que ces projets se verront appliquer les mêmes règles que ceux dispensés de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Il est également prévu que les sanctions et contrôles en cas d’infraction aux règles d’urbanisme ([92]) soient maintenus à l’identique.

2.   Un régime de dérogation est prévu pour permettre aux collectivités de percevoir la taxe d’aménagement au titre de ces projets

Si l’on appliquait le droit en vigueur, la dispense d’autorisation d’urbanisme proposée au présent article pour les projets de réacteurs électronucléaires aurait pour effet de les dispenser dans le même temps le maître d’ouvrage de l’obligation de s’acquitter de la taxe d’aménagement ([93]).

Le II de l’article 3 vise donc à maintenir en vigueur le fonctionnement existant de la taxe d’aménagement, y compris après que les réacteurs électronucléaires ont été dispensés d’autorisation d’urbanisme :

– il maintient la soumission des projets de réacteurs et leurs équipements au paiement de la taxe d’aménagement (1°) ;

– il précise que la personne redevable de la taxe est l’exploitant du réacteur électronucléaire (2°) ;

– il désigne l’octroi de l’autorisation de création du réacteur comme fait générateur de la taxe (3°) et maintient le paiement d’acomptes dans les mêmes délais, mais après l’octroi de l’autorisation de création plutôt qu’après l’octroi de l’autorisation d’urbanisme (4°).

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

1.   En commission

La commission des affaires économiques du Sénat a souhaité apporter, par l’adoption d’un amendement COM-49 du rapporteur, des précisions concernant le régime d’urbanisme dérogatoire applicable, prévoyant à cet effet que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 8 apporterait des précisions concernant :

– l’information des communes et des EPCI sur les caractéristiques du projet ;

– la manière dont les grandes orientations du projet en termes d’urbanisme sont incluses dans le champ du débat public organisé par la Commission nationale du débat public ;

– les pièces additionnelles à joindre aux dossiers de demande d’autorisation ;

– les personnes et services habilités à intervenir dans l’instruction de ces dossiers.

En outre et toujours sur proposition de son rapporteur, la commission du Sénat a souhaité confier au ministre chargé de l’urbanisme, et non plus à l’autorité administrative compétente, la vérification du contrôle du respect des règles d’urbanisme par les projets de réacteurs (COM-54). Elle a également modifié la formulation pour prévoir une dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme (COM-47).

En ce qui concerne le régime de la taxe d’aménagement, l’amendement COM-51 du rapporteur a prévu que le fait générateur de cette imposition sera constitué par la seule autorisation environnementale.

Enfin, au motif que les équipements prévus ici sont susceptibles d’engendrer une consommation foncière importante, la commission des affaires économiques du Sénat a souhaité à ce titre prévoir une « articulation » entre leur déploiement et la lutte contre l’artificialisation des sols prévue par la loi Climat et résilience. C’est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-52 de son rapporteur qui vise à ce que les réacteurs électronucléaires soient exclus de manière pérenne de la comptabilisation au titre de l’artificialisation des sols.

2.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 113 du Gouvernement sous-amendé par la commission, qui a modifié le II de l’article afin, d’une part, d’y inclure un mécanisme dérogatoire concernant la taxe d’archéologie préventive, similaire à celui déjà prévu pour la taxe d’aménagement et, d’autre part, d’améliorer la rédaction initiale afin d’assurer la perception de ces taxes.

III.   Les modifications apportÉes par la commission

1.   Des simplifications d’ordre légistique

Par souci d’assurer la meilleure lisibilité juridique de l’article 3, la commission a retenu quatre amendements identiques CE603 de la rapporteure, CE573 du Gouvernement, CE376 de Mme Florence Goulet et CE384 de Mme Mathilde Paris et du groupe Rassemblement national, qui visent à supprimer des précisions concernant le contenu du décret en Conseil d’État prévu à l’article 8.

Elle a également adopté trois amendements identiques CE591 de la rapporteure, CE571 du Gouvernement et CE215 de M. Benjamin Saint-Huile (LIOT) afin de rétablir « l’autorité administrative compétente », en lieu et place du ministre chargé de l’urbanisme, pour mener à bien le contrôle de la conformité du projet électronucléaire aux normes en matière d’urbanisme.

2.   La suppression de la dérogation aux règles de la loi Climat et résilience en matière de lutte contre l’artificialisation des sols

En outre, à la fin de l’article, la commission a adopté six amendements identiques CE604 de la rapporteure, CE575 du Gouvernement, CE175 de Mme Julie Laernoes et du groupe Écologiste – NUPES, CE270 de M. Aymeric Caron et du groupe La France insoumise – NUPES, CE506 de M. Xavier Albertini et du groupe Horizons, CE520 de M. Bastien Marchive et du groupe Renaissance visant à supprimer le III de l’article 3.

Ce nouveau paragraphe avait pour objectif d’exclure l’artificialisation et la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers résultant des travaux du nouveau nucléaire de la prise en compte au titre des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation des sols prévus en application de l’article 194 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (« loi Climat et résilience ») et intégrés aux documents de planification et d’urbanisme des différents niveaux de collectivités (Sraddet, SCoT, PLUi, PLU, CC).

La commission a reconnu qu’il s’agit en effet ici de projets dont le bénéfice énergétique dépasse très largement le périmètre de la seule commune d’implantation. C’est ce genre de projets d’utilité publique que le législateur avait à l’esprit lorsqu’il avait prévu, lors de l’examen de la loi Climat et résilience, que les grands projets d’envergure régionale ou nationale peuvent faire l’objet d’une prise en compte différenciée (art. L. 141‑8 du code de l’urbanisme).

Toutefois, il ne peut s’agir là d’une exclusion pure et simple, qui avait déjà été proposée pour les projets de développement des ENR et les autres « projets d’intérêt général majeur » et qui reviendrait à priver d’effet les objectifs adoptés par le législateur en matière de réduction de l’artificialisation des sols. Cela n’est pas souhaitable, tant ce nouveau cadre revêt une importance fondamentale au regard de la protection des habitats naturels et des refuges de biodiversité, de la maîtrise du cycle de l’eau, de notre trajectoire de souveraineté alimentaire, ou encore pour l’adaptation climatique des villes. 

Il faut donc parvenir à concilier efficacement le déploiement des installations nucléaires avec la réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Cela passe par la mutualisation de l’empreinte foncière des futurs EPR 2 au sein d’une enveloppe nationale, elle-même prise en compte dans l’évaluation de l’atteinte de l’objectif national de réduction de moitié de la consommation d’espaces d’ici 2031 : les modalités d’un tel décompte seront débattues prochainement dans le cadre de l’examen de la proposition de loi n° 854 visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols.

Il est indispensable, afin de garantir la cohérence de la discussion globale sur l’artificialisation des sols, de concentrer le débat à l’occasion d’un texte entièrement consacré à ce sujet.

 

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Article 3 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur les conséquences d’une circulaire du 17 février 2010,
dite circulaire « Borloo »

 

Introduit par la commission

 

Cet article créé par votre commission prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement sur les conséquences de la mise en œuvre des règles de la circulaire du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base susceptibles de présenter des dangers à l’extérieur du site.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE529 de Mme Louise Morel (Dem), qui prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conséquences de la mise en œuvre des règles de la « circulaire Borloo ».

La circulaire du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base susceptibles de présenter des dangers à l’extérieur du site, dite « circulaire Borloo », a été prise pour l’application de l’article 31 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi « TSN ».

Elle prévoit que, sans attendre les conclusions d’un groupe de travail en cours à cette date sur les servitudes d’utilité publique prévues par cet article, il est utile d’adopter une démarche prudente de développement des activités, constructions ou équipements nouveaux au voisinage des installations nucléaires et que, compte tenu des risques associés à de possibles accidents à cinétique rapide, il y a lieu de veiller dès maintenant à ce que les projets d’activité envisagés à proximité des installations nucléaires permettent la mise à l’abri et l’évacuation rapide des populations concernées par ces projets pour éviter leur exposition aux conséquences de ces accidents.

Dans ce cadre et sur la base des informations techniques communiquées par la division territoriale de l’Autorité de sûreté nucléaire à propos de cette zone de dangers, une démarche de porter à connaissance doit être mise en œuvre par les préfets auprès des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme concernés.

La circulaire ajoute que, « au stade des plans et programmes, il conviendra de privilégier un développement des activités à l’extérieur de cette zone. À l’intérieur de cette zone, il conviendra d’éviter le développement de projets sensibles ».

Il est utile de rappeler que, sur le fondement de cette circulaire, l’Autorité de sûreté nucléaire a publié un guide sur ce sujet, élaboré conjointement avec la direction générale de la prévention des risques et la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature, au sein d’un groupe de travail associant les élus et l’Agence nationale des commissions et comités locaux d’information ([94]).

 

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Article 4
Échéancement du début des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article vise à permettre une anticipation de certains travaux, constructions, aménagements ou installations de nature préparatoire dès la délivrance de l’autorisation environnementale, tout en reportant, par rapport au droit actuel, le début de la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde jusqu’à après la délivrance de l’autorisation de création.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

parties composantes d’un rÉacteur À eau pressuriSÉE (REP)

Source : Autorité de sûreté nucléaire, « Rapport sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021 », page 287.

I.   l’État du droit

Il convient de rappeler, en préambule, que du fait de la relative jeunesse des régimes détaillés dans cette section – l’autorisation environnementale date de 2017 et l’autorisation de création, dans sa rédaction actuelle, de 2006 ([95]) –, il n’existe pas d’exemple de réacteur électronucléaire dont la réalisation ait été entreprise sous la combinaison qui résulte actuellement de ces régimes. Le décret d’autorisation de création de l’installation nucléaire de base de Flamanville 3 date du 10 avril 2007 ([96]).

A.   Les projets de réacteurs électronucléaires appellent l’application de plusieurs régimes d’autorisation

1.   Les réacteurs sont soumis à l’obtention d’une autorisation environnementale

Les projets de réacteurs électronucléaires sont soumis, dans le droit commun, à plusieurs types d’autorisations car ils comprennent l’édification de constructions, la réalisation de travaux ou l’implantation d’installations de nature très différente. Ils sont le plus souvent regroupés en deux « îlots » selon leur nature et leur fonction (voir schéma) :

– l’îlot nucléaire comprend le bâtiment réacteur ainsi que les bâtiments liés à l’alimentation en combustible ;

– l’îlot conventionnel rassemble d’autres bâtiments liés à l’alimentation en énergie, ainsi que la « source froide », qui comprend l’ensemble du système de refroidissement par pompage d’eau ;

– d’autres ouvrages comprennent les bâtiments administratifs, industriels ou nécessaires à la vie quotidienne du site et des personnels.

En particulier, outre l’autorisation d’urbanisme (cf. commentaire de l’article 3), la qualification d’intérêt général (cf. commentaire de l’article 2), la déclaration d’utilité publique (cf. commentaire de l’article 3) et la concession d’utilisation du domaine public maritime (cf. commentaire de l’article 6), la création des installations nucléaires de base est soumise à deux autorisations évoquées au présent article 4 :

– l’autorisation environnementale (AE), qui comprend une étude d’impact, des consultations locales et une enquête publique dans le cadre du processus d’évaluation environnementale (cf. commentaire de l’article 2), dès lors que la construction des bâtiments nécessite des autorisations au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), des installations, ouvrages, travaux et activités ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques (IOTA), de défrichement ou de destruction des espèces protégées ([97]), et dont le délai d’instruction est en moyenne d’un an (voir encadré) ;

– l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB), délivrée par décret du ministre chargé de la sûreté nucléaire, avec saisine de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui procède à l’instruction technique du dossier, et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui conduit les travaux d’expertise, et avis de l’Autorité sur le projet de décret d’autorisation. La demande, soumise à une nouvelle évaluation environnementale, comprend un plan détaillé de l’installation, une étude d’impact enrichie en matière de sûreté nucléaire, la version préliminaire du rapport de sûreté, l’étude de maîtrise des risques et le plan de démantèlement. L’instruction de cette autorisation prend entre trois et cinq ans et comprend une enquête publique, avec des consultations des experts techniques, du public et de l’Union européenne qui sont menées en parallèle (cf. commentaire de l’article 4). L’octroi de l’autorisation emporte obligation de constitution d’une commission locale d’information, si celle-ci n’a pas déjà été constituée. Pour l’application de la demande d’autorisation de création (DAC), l’Autorité de sûreté nucléaire édicte les prescriptions relatives à la conception, à la construction et à l’exploitation de l’installation qu’elle estime nécessaires pour la sécurité nucléaire.

Concrètement, l’autorisation environnementale porte sur l’ensemble des chantiers jusqu’à la création de l’INB, que leur caractère soit temporaire ou définitif et quelle que soit leur destination finale. À partir de la délivrance du décret d’autorisation de création, l’installation et les équipements qui lui sont nécessaires relèvent du régime INB, et la compétence de l’Autorité de sûreté nucléaire se substitue à celle du préfet à l’intérieur du périmètre de l’INB.

Les simplifications portées par l’autorisation environnementale

L’autorisation environnementale permet d’ores et déjà d’unifier un grand nombre de procédures relevant du code de l’environnement. À compter du 1er mars 2017, une quinzaine de procédures et décisions environnementales requises notamment pour les projets soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les projets soumis à autorisation au titre des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à la législation sur l’eau, l’autorisation de défrichement, la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité sont en effet fusionnées au sein de l’autorisation environnementale (dans un premier temps souvent appelée « autorisation environnementale unique »). La réforme consiste également à renforcer la phase amont de la demande d’autorisation, pour offrir au pétitionnaire une meilleure visibilité des règles dont relève le projet

Le champ des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) excède la protection de l’environnement au sens strict ([98]). Il s’agit des usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, des installations pouvant présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Elles sont soumises à autorisation, à enregistrement ou à déclaration suivant la gravité des dangers ou des inconvénients que peut présenter leur exploitation.

Par ailleurs, les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique sont également soumis à autorisation environnementale, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation ou de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ([99]).

Le porteur de projet, dès lors que celui-ci respecte l’ensemble des prescriptions applicables, peut ainsi obtenir, après une seule demande, à l’issue d’une procédure d’instruction unique et d’une enquête publique, une autorisation unique délivrée par le préfet couvrant l’ensemble des aspects du projet. Cette procédure est articulée avec les procédures d’urbanisme. L’instruction des demandes se déroule en trois phases (examen, enquête publique, décision) encadrées de façon à réduire les délais de délivrance dans la mesure du possible.

2.   Les installations nucléaires de base sont soumises à un régime spécifique : l’autorisation de création

Outre les réglementations d’application générale comme celles relatives à la protection de l’environnement, le régime des installations nucléaires de base, créé en 1963 et conforté à l’occasion de la loi 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, dite loi « TSN », prévoit qu’elles sont soumises à des procédures particulières ainsi qu’à des règles techniques spécifiques.

La procédure de création d’une installation nucléaire de base ([100]) prévoit que l’instruction de l’autorisation de création relève de la compétence du ministre chargé de la sûreté nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) étant saisie par les services du ministre chargé de la sécurité nucléaire pour procéder à l’ « instruction technique » du dossier de demande – toutefois, c’est l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui fournit l’expertise technique pour l’instruction.

L’installation nucléaire de base est ensuite créée par un décret, dit décret d’autorisation de création (DAC), pris après avis de l’ASN, qui détermine les caractéristiques et le périmètre de l’installation ([101]). Les équipements et installations nécessaires à l’exploitation de l’INB et implantés dans son périmètre sont réputés faire partie intégrante de cette dernière et sont dès lors soumis au régime INB instauré par le code de l’environnement ([102]).

La notion de périmètre d’une installation nucléaire de base a été développée par le pouvoir réglementaire ([103]) :

– le dossier de demande d’autorisation de création ou de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement d’une INB comprend notamment un plan de situation indiquant le périmètre proposé pour l’installation ;

– le décret d’autorisation de création définit le périmètre de l’installation qui englobe notamment :

a) les installations, ouvrages et équipements placés sous la responsabilité de l’exploitant et nécessaires à l’exploitation de l’INB ;

b) les installations ou ouvrages placés sous la responsabilité de l’exploitant qui relèvent du régime des INB, des ICPE ou des IOTA et qui, par leur proximité avec l’installation objet de l’autorisation, sont susceptibles d’en modifier les risques ou inconvénients pour les intérêts de la sécurité nucléaire, qui comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de responsabilité civile en cas d’accident ([104]).

À ce titre, lorsque des équipements situés dans une INB et considérés comme nécessaires à son exploitation (voir encadré sur cette catégorie) sont inscrits, du fait de leurs caractéristiques, à la nomenclature ICPE ou IOTA (voir encadré sur l’autorisation environnementale), ils ne sont pas soumis aux dispositions afférentes à ces statuts ([105]). En revanche, les autres équipements et installations inscrits à la nomenclature ICPE ou IOTA, non nécessaires à l’exploitation de l’INB mais implantés dans son périmètre, restent soumis aux dispositions du code de l’environnement qui leur sont applicables, l’ASN exerçant alors les attributions en matière de décisions individuelles et de contrôle prévues par ces dispositions ([106]).

En effet, le périmètre de l’INB est en premier lieu une notion administrative qui permet de déterminer l’autorité chargée de la réglementation et du contrôle du site. L’ASN fait des prescriptions relatives à la conception, à la construction et à l’exploitation de l’installation qu’elle estime nécessaires à la protection des intérêts protégés de l’environnement, prescriptions qui font l’objet de moyens de suivi, de surveillance, d’analyse et de mesure. L’ASN précise les prescriptions relatives aux prélèvements d’eau de l’installation et aux substances radioactives issues de l’installation. Les prescriptions fixent des limites de rejets des installations dans l’environnement, qui sont soumises à l’homologation du ministre chargé de la sûreté nucléaire.

 

 

 

 

 

 

Les installations et équipements nécessaires à l’exploitation d’une INB

Parmi les équipements présents sur une installation nucléaire de base, l’ASN considère notamment comme « nécessaires à son exploitation » un ensemble d’installations, ouvrages et équipements, parmi lesquels ceux ([107]) :

1/ constituant ou permettant la réalisation d’activités « cœur de métier » de l’exploitant au sens du procédé industriel :

– la salle des machines d’un réacteur à eau pressurisée ;

– les ouvrages de prise d’eau et de rejets ;

– les installations d’entreposage et de distribution des gaz industriels ;

– une chaufferie nécessaire à un procédé d’exploitation ;

– les éléments contribuant à une optimisation des procédés mis en œuvre, par exemple les tours aéroréfrigérantes (TAR, dites aussi « tours de refroidissement ») ;

– les unités de traitement, de recyclage ou de valorisation de sous-produits, de déchets ou d’effluents ;

– les bâtiments nécessaires à certaines opérations nécessaires à l’exploitation.

2/ destinés à protéger l’INB ou à assurer son exploitation en toutes circonstances :

– les digues de protection contre les crues et inondations ;

– les seuils et barrages dans le lit des cours d’eau pour sécuriser l’approvisionnement de l’INB en eau ;

– les installations fixes de secours telles que les groupes électrogènes pour assurer les fonctions de sûreté en toutes circonstances ;

– les installations de secours participant à la sûreté de l’INB.

3/ destinés à la prévention et à la limitation des risques et inconvénients de l’installation :

– les moyens de surveillance de l’environnement ;

– les bassins de confinement des eaux pluviales et des eaux susceptibles de résulter de la lutte contre un sinistre éventuel ;

– les moyens de limitation de la dispersion des rejets gazeux accidentels dans l’environnement ;

– les locaux ou installations indispensables à la réalisation de certains contrôles ;

– les locaux permettant la gestion des situations d’urgence ;

– les installations ou stations de traitement d’effluents dont les effluents sont rejetés dans le milieu naturel.

B.   Le régime actuel prévoit des travaux dont le point de départ est regroupé et tardif, ce qui correspond mal À l’ÉCHELONNEMENt des projets dans le temps

En l’absence de dispositions plus spécifiques différenciant les travaux selon leur destination et en application des dispositions du code de l’urbanisme (art. L. 425-12), l’ensemble des travaux portant sur une installation nucléaire de base ne peuvent être exécutés qu’à compter de la clôture de l’enquête publique requise au titre de la procédure d’autorisation de création.

La demande d’autorisation de création et le dossier dont elle est assortie sont en effet soumis à enquête publique (art. L. 593-8 et R. 593-22 du code de l’environnement), qui a lieu après l’élaboration d’un dossier important, comportant notamment la réalisation d’une étude d’impact au contenu exigeant.

L’étude d’impact comporte notamment une description de l’ensemble du projet, et notamment « les effets directs et, le cas échéant, les effets indirects secondaires, cumulatifs, transfrontaliers, à court, moyen et long termes, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet » ([108]). Le pouvoir réglementaire a précisé que, dans cette étude d’impact :

– la description du projet comprend les prélèvements d’eau et les rejets d’effluents liquides ou gazeux envisagés et les déchets qui seront produits par l’ensemble des installations et équipements situés dans le périmètre de l’installation, qu’ils soient radioactifs ou non ;

– la description de l’état initial de l’environnement comporte un état radiologique de l’environnement portant sur le site et son voisinage ;

– la description des incidences notables sur l’environnement distingue les différentes phases de construction et de fonctionnement de l’installation et prend en compte les variations saisonnières et climatiques, les incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique, les incidences sur la qualité de l’air et des sols, l’exposition du public aux rayonnements ionisants du fait de l’installation, les incidences sur le plan de protection de l’atmosphère et le respect du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs ;

– la description des incidences négatives attendues du projet et des mesures prévues par le maître d’ouvrage porte sur l’utilisation des meilleures techniques disponibles, dont les performances attendues pour la protection des eaux souterraines, les conditions d’apport des matières, de transport des produits et d’utilisation de l’énergie, les solutions retenues pour contrôler les prélèvements d’eau et les rejets et pour minimiser les volumes de déchets et leur toxicité.

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial : une partie des travaux est anticipÉe et l’autre partie est reportÉe pour un meilleur échéancement des opérations

1.   L’anticipation des travaux préparatoires à la date de délivrance de l’autorisation environnementale

Le I de l’article 4 prévoit que l’autorisation environnementale requise pour le projet de création du réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation, à raison des constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en vue de cette création, est délivrée ou modifiée par décret, au regard d’une étude d’impact portant sur l’ensemble du projet. Il s’agit là d’une évolution par rapport au droit actuel, qui prévoit comme précisé précédemment un simple arrêté préfectoral.

Le II prévoit que ces travaux pourront être exécutés à compter de la date de délivrance de l’autorisation environnementale, sous réserve que leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à l’urbanisme, définies à l’article 3 du présent projet de loi, ait été vérifiée par l’autorité administrative.

2.   Le report des travaux sur les bâtiments de l’îlot nucléaire à la date de délivrance de l’autorisation de création

Le II prévoit aussi que la construction des bâtiments, y compris les fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires et à héberger des matériels de sauvegarde, ne peut être entreprise, sous la même réserve, qu’après la délivrance de l’autorisation de création, en lieu et place d’un début après l’enquête publique menée en vue de la délivrance de cette même autorisation.

Selon l’étude d’impact, les travaux pouvant ainsi être anticipés « vont des activités ‘préalables’, c’est-à-dire liées aux aménagements ‘préalables’ (travaux d’affouillements, d’exhaussements, de terrassement, de construction, de parking, locaux administratifs et autres infrastructures de supports, qui seront nécessaires au projet), aux activités liées au réacteur électronucléaire lui-même (coulage du radier nucléaire, construction de l’enceinte du bâtiment réacteur, etc.) ».

Elle indique en outre que « les travaux réalisés en vue de la création des bâtiments dont les caractéristiques techniques ont un impact sur la sûreté, y compris leurs fondations, comme le bâtiment réacteur et le bâtiment des auxiliaires de sauvegarde, y compris leurs radiers, ne peuvent débuter avant la publication du décret d’autorisation de création sous réserve que leur conformité aux règles d’urbanisme ait été vérifiée pour l’ensemble du projet, dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ou d’autorisation de création de réacteur ».

Elle précise qu’« en revanche, les travaux des autres bâtiments, i.e. des bâtiments dont les caractéristiques techniques n’ont pas ou peu d’impact sur la sûreté (comme la station de pompage, le bâtiment de traitement des effluents, les diverses entreprises de maintenance et autres, la cantine, etc.) peuvent être exécutés après la délivrance d’une autorisation environnementale, prise en application de l’article L. 181-11 du code de l’environnement et sous réserve de leur conformité aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées au premier alinéa du I de l’article 3 ait été vérifiée par l’autorité administrative ».

Il apparaît, au regard des auditions menées, que toute tentative d’énumérer exhaustivement les travaux concernés serait susceptible de poser des risques contentieux, du fait de leur forte dépendance au contexte du site et à la typologie variable de ces travaux, qui peuvent concerner tout autant le terrassement ou l’affouillement de terrains que la construction de bâtiments ou la réalisation d’équipements.

Les directions interrogées ont précisé que, dans le projet de loi, les travaux qui ne peuvent pas être anticipés correspondent à ceux qui sont liés à l’îlot nucléaire, qui comporte principalement le bâtiment réacteur contenant notamment le circuit primaire, le bâtiment combustible où sont effectués la manutention du combustible neuf et l’entreposage du combustible irradié, les bâtiments diesel et les bâtiments électriques et de systèmes de sauvegarde. Les fondations sont comprises car elles constituent un élément central de l’îlot nucléaire.

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, interrogé par votre rapporteure, a également estimé que « le texte du projet de loi initial, qui traduit la notion d’îlot nucléaire, était suffisamment précis pour atteindre son objectif ». Selon l’ASN, la définition des « bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde », ce qui recouvre la notion d’îlot nucléaire et le radier sur lequel il est installé, inclut les bâtiments hébergeant :

– le réacteur lui-même ;

– la piscine d’entreposage du combustible ;

– les principaux circuits de sauvegarde ;

– les locaux électriques (salle de commande, contrôle-commande, alimentations électriques) ;

– les groupes électrogènes de secours.

Pour les bâtiments de l’îlot nucléaire, les exigences de sûreté s’appliquent à leur conception générale, et leur génie civil est dimensionné au regard de la démonstration de sûreté nucléaire, notamment de l’aléa sismique retenu. Ainsi, selon l’ASN, attendre la délivrance du décret d’autorisation de création pour commencer ces travaux présente l’avantage d’éviter que l’exploitant n’engage des travaux lourds en prenant un risque industriel.

Le directeur général de l’IRSN, auditionné par les rapporteures, a estimé que le report du début des travaux sur l’îlot nucléaire après le décret d’autorisation de création est « plus confortable en termes de sûreté » que le droit actuel, qui permet à certains travaux d’avoir lieu avant le retour définitif des examens de sûreté dans le cadre de l’instruction de la demande d’octroi de cette autorisation. Globalement, il a estimé que l’ensemble du projet de loi ne contient aucune régression en termes de sûreté.

Le Conseil d’État n’a pas soulevé d’objections à cet agencement.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Sur l’initiative de son rapporteur, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté plusieurs évolutions majeures :

– avec l’adoption de l’amendement COM-35, le contenu de l’étude d’impact réalisée au titre de l’autorisation environnementale fait l’objet de précisions très détaillées concernant son contenu, qui sont en réalité calquées sur les précisions qui existent actuellement au titre de l’autorisation de création, prévoyant des compléments portant sur « les prélèvements d’eau, les rejets d’effluents et les déchets radioactifs ou non, l’état radiologique de l’environnement, les incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique, les incidences sur la qualité de l’air et des sols, l’exposition du public aux rayonnements ionisants, les incidences sur le plan de protection de l’atmosphère, mentionné à l’article L. 2224 du même code, ou le respect du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, mentionné à l’article L. 54212 du même code, ainsi que sur les performances attendues et solutions retenues ». Cette modification revient donc à préempter, dès le stade de l’autorisation environnementale, le contenu du dossier de demande d’autorisation de création, qui prend entre trois et cinq ans à instruire ;

– dans le même esprit de dédoublement de l’autorisation de création au stade de l’autorisation environnementale, le même amendement prévoit également que l’autorisation environnementale est délivrée après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire ;

– le même amendement prévoit encore que l’autorisation environnementale est délivrée par décret en Conseil d’État, là où le projet de loi élevait déjà cette autorisation, à partir d’un arrêté préfectoral, au rang du décret simple, le Conseil d’État lui-même ayant estimé qu’il s’agissait là du niveau de norme adéquat, et ayant à l’esprit que l’autorisation de création, bien plus déterminante en termes de sûreté, est elle-même délivrée par décret simple ;

– l’amendement COM-62 prévoit que, en toutes circonstances, l’autorité chargée de vérifier la conformité du projet aux normes en matière d’urbanisme est le ministre chargé de l’urbanisme, là où le projet de loi initial prévoyait l’intervention de l’autorité administrative compétente.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

Les acteurs auditionnés par votre rapporteure ont soulevé plusieurs problématiques d’application pouvant résulter de la rédaction actuelle de l’article 4, qui ont justifié l’adoption par votre commission de certaines évolutions procédurales afin de fluidifier le chemin d’autorisation.

A.   La sécurisation de l’autorisation environnementale

En premier lieu, le périmètre d’application de l’article a été harmonisé afin de correspondre à celui du titre et de conforter ainsi l’intelligibilité du dispositif : l’autorisation environnementale est délivrée par décret pour la réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens de l’article 1er (amendement CE545 de la rapporteure).

Il a également été précisé, sur proposition de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, que l’autorisation environnementale est celle qui est requise en application de l’article L. 181-1 du code de l’environnement (amendement CE649 de la rapporteure pour avis). Cette précision permet de garantir que, en dépit du caractère dérogatoire de la délivrance (par décret et non par arrêté préfectoral), il s’agit bien ici de l’autorisation environnementale prévue au titre du code de l’environnement, délivrée après étude d’impact et enquête publique.

En outre, toutes les personnes interrogées à ce sujet ont estimé qu’il n’est pas souhaitable de prévoir un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire pour la délivrance de cette autorisation, car elle n’est pas compétente en matière d’analyse des incidences strictement environnementales d’un projet. Ce travail doit être fait par l’autorité environnementale du ministère chargé de l’environnement (la formation d’autorité environnementale de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable). L’Autorité elle-même a considéré que « cette consultation induit une charge administrative, car elle devra examiner le dossier des travaux préliminaires, dont elle n’est normalement pas saisie ». C’est la raison pour laquelle plusieurs amendements ont été déposés pour supprimer cette mention (notamment l’amendement CE653 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire) et que deux d’entre eux ont été adoptés dans ce sens : le CE638 de la rapporteure et le CE640 de M. Xavier Albertini et des membres du groupe Horizons.

De la même façon, les acteurs interrogés se sont vivement étonnés du renvoi de la délivrance de l’autorisation environnementale à un décret en Conseil d’État. Le texte initial ayant déjà rehaussé cet acte du niveau de l’arrêté préfectoral à celui du décret simple, il a été rappelé qu’un décret en Conseil d’État induirait de fortes lourdeurs procédurales pour un acte qui doit pouvoir être modifié tout au long de la phase préparatoire. En outre, plusieurs personnes ont noté un paradoxe dans le fait de prévoir un niveau de norme plus exigeant pour l’autorisation environnementale, qui n’emporte pas de considération de sûreté, que pour l’autorisation de création, qui est délivrée par décret simple. Par conséquent, ont été adoptés une série d’amendements proposant un retour au décret simple pour l’autorisation environnementale (CE637 de la rapporteure, CE652 de la rapporteure pour avis, CE128 de M. Pierre Meurin et des membres du groupe Rassemblement national, CE507 de M. Xavier Albertini et des membres du groupe Horizons et CE530 de M. Romain Daubié et des membres du groupe Démocrate).

Enfin, dans le même sens, la commission a souhaité éviter un dédoublement des démarches particulièrement onéreuses et spécifiques qui sont liées à la demande d’autorisation de création. Pour cette raison, elle a supprimé les mentions concernant les compléments à l’étude d’impact devant être apportés lors de l’examen de l’autorisation environnementale, considérant que ces mentions sont satisfaites lors de l’instruction de l’autorisation de création et qu’il ne convient pas de dédoubler les procédures. À cette fin, elle a adopté deux amendements identiques CE636 de la rapporteure et CE639 de M. Xavier Albertini (HOR).

Pour mieux sécuriser l’autorisation environnementale, la commission a également adopté un amendement CE654 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sous-amendé par le Gouvernement (CE675), qui apporte des précisions utiles sur l’articulation entre le régime issu de l’autorisation environnementale et celui de l’autorisation de création. En outre, la commission a adopté un amendement CE655 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire qui permet de garantir l’association de la commission locale d’information lors de la phase d’instruction de l’autorisation environnementale.

B.   Des clarifications au régime des travaux anticipés

Afin de renforcer l’intelligibilité du dispositif de l’article 4, votre rapporteure a proposé à la commission deux amendements CE609 et CE607 qui ont permis de réécrire intégralement l’alinéa 2 de cet article, en inversant ses termes et en supprimant des mentions redondantes qui pourraient occasionner des incohérences avec le droit existant :

– en premier lieu et pour le cas le plus exigeant – celui du début de la construction des bâtiments dont les caractéristiques emportent des conséquences sur la sûreté du réacteur et qui correspondent à ce qu’on appelle « l’îlot réacteur » (bâtiment réacteur et bâtiments auxiliaires de sauvegarde, y compris les radiers) –, le début des travaux est reporté par rapport au droit actuel : au lieu de pouvoir commencer dès la fin de l’enquête publique menée en vue d’instruire la demande d’autorisation de création, ces travaux ne pourront débuter qu’une fois publié le décret d’autorisation de création, pour lequel le droit actuel prévoit d’ores et déjà qu’il est délivré après enquête publique et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire ;

– en second lieu, les autres travaux, qui concernent des aménagements (terrassement, affouillements) ou la construction de bâtiments dont les caractéristiques n’emportent pas ou peu de conséquences sur la sûreté (station de pompage, bâtiment de traitement des effluents, entrepôts de maintenance, cantines), pourront voir leur construction débuter dès la délivrance de l’autorisation environnementale prévue au I.

Une série d’amendements identiques prévoyant la suppression de l’alinéa 3, dont la nécessité n’était pas avérée, ont également été adoptés (CE635 de la rapporteure, CE217 de M. Benjamin Saint-Huile (LIOT), CE369 de M. Xavier Albertini (HOR) et CE531 de M. Romain Daubié (Dem)).

 

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Article 5
Dérogations aux dispositions de la loi « Littoral » pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article permet aux projets de réacteur électronucléaire, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité prévus à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’un tel réacteur, de déroger aux dispositions d’urbanisme issues de la loi Littoral.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LA LOI « LITTORAL » DE 1986 VISE À GARANTIR un ÉQUILIBRE ENTRE L’URBANISATION ET LA PROTECTION DU LITTORAL

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « Littoral », a eu pour ambition de garantir une gestion durable de la zone littorale, en conciliant les impératifs d’urbanisation et de développement économique avec ceux de préservation et de protection des espaces naturels. Dans cette perspective, elle définit des règles d’urbanisme spécifiques, codifiées aux articles L. 121-1 à L. 121-51 du code de l’urbanisme et qui s’imposent à l’ensemble des communes littorales.

En zone littorale, le régime d’occupation et de constructibilité des sols s’articule autour de quatre principes fondamentaux :

 sur l’ensemble du territoire communal, l’extension de l’urbanisation doit se faire en continuité avec les agglomérations et les villages existants (art. L. 121-8 du code de l’urbanisme) ;

 dans les espaces proches du rivage ou des rives des plans d’eau intérieurs, l’extension de l’urbanisation est limitée et doit être justifiée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau (art. L. 121-13 du code de l’urbanisme) ;

– en dehors des espaces déjà urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs (art. L. 121-16 du code de l’urbanisme) ;

– parmi les espaces et paysages remarquables qui doivent être préservés ([109]), seuls des aménagements légers, définis par décret en Conseil d’État, peuvent être autorisés lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion ou à l’ouverture du public (art. 121-24 du code de l’urbanisme).

Dans les départements d’outre-mer s’appliquent également des dispositions particulières dans la bande littorale, dite « zone des cinquante pas géométriques » (art. L. 121-45 à L. 121-49 du code de l’urbanisme).

Les communes littorales

La loi « Littoral » concerne plus de 1 200 communes situées en bord de mer, de grands lacs, d’estuaires ou de deltas. Celles-ci sont définies par l’article L. 321-2 du code de l’environnement, qui distingue notamment :

– les communes littorales de plein droit, c’est-à-dire les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés et des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares ;

– les communes riveraines des estuaires et des deltas, lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux. Leur liste est fixée par décret en Conseil d’État, après avis des conseils municipaux intéressés.

Par ailleurs, l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme permet aux communes qui ne disposent pas de façade maritime mais qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux, de demander l’application des dispositions de la loi Littoral sur leur territoire, auprès du représentant de l’État dans le département. La liste de ces communes est fixée par décret en Conseil d’État, après avis du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Cette possibilité n’a pas été mise en œuvre à ce jour.

B.   À TITRE DÉROGATOIRE, CERTAINS projets SONT NÉANMOINS FACILITÉS DANS LES COMMUNES LITTORALES

1.   Un régime d’urbanisme progressivement aménagé

À l’initiative du législateur, les règles d’urbanisme appliquées aux communes littorales ont été progressivement assouplies afin de faciliter les aménagements nécessaires à l’exercice de missions de service public et de défense nationale ou au développement de certaines activités économiques. Peuvent ainsi déroger aux dispositions de la loi Littoral :

– les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale et à la sécurité civile, lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative (art. L. 121-4 du code de l’urbanisme) et dans la mesure où toute autre solution retenue « aurait été incertaine sur le plan technique et d’un coût prohibitif » ([110]) ;

– les stations d’épuration d’eaux usées non liées à une opération d’urbanisation nouvelle (art. L. 121-5 du code de l’urbanisme) ;

– les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou marines (art. L. 121-10 du code de l’urbanisme) ;

Par ailleurs, les constructions et installations, destinées à améliorer l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, peuvent, hors de la bande littorale des cent mètres et des espaces proches du rivage, être autorisées en dérogation au principe de continuité avec l’urbanisation existante. Ces aménagements ne doivent pas étendre le périmètre bâti existant et font l’objet d’une autorisation d’urbanisme soumise à l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (art. L. 121-8 du code de l’urbanisme).

2.   Des dérogations d’ores et déjà étendues aux installations et équipements nécessaires à la production d’électricité

Afin de faciliter l’exercice des missions de service public de l’énergie et de concourir aux objectifs de transition énergétique par le développement d’installations de production d’énergies renouvelables, le législateur a autorisé des plusieurs dérogations supplémentaires à la loi Littoral :

– les constructions et installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau peuvent déroger aux règles d’aménagement de la bande des cent mètres (art. L. 121-17 du code de l’urbanisme). En particulier, cette dérogation est applicable à l’atterrage des canalisations et à leurs jonctions nécessaires au développement et à l’exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité ;

– les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis au principe de continuité avec l’urbanisation existante, lorsqu’ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées. Cette autorisation est néanmoins conditionnée à l’accord préalable de l’autorité administrative compétente, après avis de la commission départementale de la nature et des paysages et des sites, et peut être refusée si le projet est de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux espaces remarquables (art. L. 121-12 du code de l’urbanisme).

L’article 37 de la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables consacre d’autres dérogations à la loi Littoral pour les installations photovoltaïques ou thermiques. Les articles 27 et 66 de cette même loi facilitent, pour leur part, l’implantation d’ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité en zone littorale : l’installation de tels ouvrages est soumise à autorisation des ministres chargés de l’urbanisme et de l’énergie, après avis de la commission départementale de nature, des sites et des paysages, et doit répondre à une « nécessité technique impérative » dans les espaces les plus sensibles du littoral. Sauf obstacle majeur, le raccordement devra également être réalisé par voie souterraine.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LEs dispositions du TEXTE INITIAL

Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, les constructions de réacteur nucléaire de type « EPR2 » (cf. introduction), dans le cadre du programme « Nouveau nucléaire » présenté par EDF et RTE, devraient être réalisées sur les sites de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord), et Bugey (Ain) ou Tricastin (Drôme). Situés en bord de mer, les sites de Penly et Gravelines sont ainsi soumis aux dispositions de la loi Littoral, ce qui aurait pour conséquence directe de complexifier et contraindre l’implantation de ces nouveaux réacteurs.

L’article 5 du projet de loi prévoit donc que les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création ou à l’exploitation d’un réacteur électronucléaire, ainsi que les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité prévus à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’un tel réacteur, ne soient pas soumis aux dispositions de la loi Littoral.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime qu’au regard du caractère circonscrit de la dérogation au régime protecteur institué par la loi Littoral, celle-ci respecte les articles 1er et 6 de la Charte de l’environnement.

B.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

1.   En commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement COM-de son rapporteur M. Daniel Gremillet, visant à préciser le champ d’application de l’article 5. En cohérence avec les modifications apportées à l’article 1er, il remplace la notion de « réacteur électronucléaire » par celle d’« installation nucléaire de base ».

La commission des affaires économiques a, par ailleurs, adopté un amendement COM-42 du rapporteur encadrant l’application de la loi Littoral pour les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité. Il opère les modifications suivantes :

– l’autorisation d’implantation est conditionnée à l’accord du représentant de l’État dans le département, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ;

– dans les bandes des cent mètres et des cinquante pas géométriques, ainsi que dans les espaces identifiés comme remarquables ou caractéristiques et dans les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, l’autorisation ne peut être accordée pour le passage des lignes électriques lorsque leur localisation répond à une « nécessité technique impérative démontrée ». La demande de dérogation peut être refusée si le projet est de nature à porter une atteinte excessive aux espaces remarquables.

2.   En séance publique

Le Sénat a adopté, avec un avis défavorable du Gouvernement, un amendement n° 128 du rapporteur Daniel Gremillet visant, par défaut, à raccorder par voie souterraine les projets d’installation nucléaire. Le passage en aérien des lignes électriques demeure possible lorsque « l’enfouissement s’avère plus dommageable pour l’environnement, techniquement excessivement complexe ou financièrement disproportionné par rapport au passage aérien ».

III.   Les modifications APPORTÉes par la commission

Votre rapporteure considère que les modifications proposées par la commission des affaires économiques du Sénat sont difficiles à concilier avec l’objectif d’accélération et de facilitation des projets de réacteurs nucléaires porté par le projet de loi.

D’une part, l’introduction de régimes procéduraux différents en zone littorale pour les installations nucléaires de base et les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité pourrait, de l’avis de l’ensemble des personnes qu’elle a auditionnées, constituer un frein majeur pour le raccordement des nouveaux réacteurs au réseau électrique. À ce sujet, RTE rappelle qu’il n’est pas exclu « que les opérations de raccordement se retrouvent sur le chemin critique des projets, notamment lorsque les demandes d’autorisation sont déposées simultanément par RTE et leur producteur ». Pour garantir le raccordement au réseau électrique des nouvelles installations nucléaires, il apparaît donc indispensable que les ouvrages de raccordement bénéficient du même régime dérogatoire.

D’autre part, l’obligation d’enfouissement des lignes électriques semble disproportionnée et particulièrement contraignante pour le gestionnaire de réseau. Interrogé à ce sujet par votre rapporteure, RTE souligne que « compte tenu des niveaux de tension et de la puissance à évacuer [400 000 volts], les lignes ne peuvent être construites qu’en technique aérienne, sauf à des coûts exorbitants ».

Le raccordement au réseau public de transport d’électricité en zone littorale

Courant alternatif ou continu. Les installations de production d’électricité sont raccordées au réseau public de transport d’électricité en fonction de deux paramètres techniques : la puissance d’électricité à faire transiter et la distance à parcourir jusqu’au réseau électrique existant. Selon ces deux paramètres, le gestionnaire de réseau adopte la technologie de raccordement la plus appropriée entre le courant alternatif (HVAC) et le courant continu (HVDC), le second étant généralement retenu pour faire transiter des volumes importants d’électricité et sur de longues distances.

Lignes aériennes ou souterraines. Le réseau de transport d’électricité est principalement composé de lignes aériennes, notamment de lignes « stratégiques » à la sortie de centrales nucléaires (400 kV). Ces dernières garantissent la sécurité du réseau et de l’approvisionnement électrique national. En application du contrat de service public conclu avec l’État en 2022, RTE s’est néanmoins engagé à recourir de manière préférentielle à l’enfouissement des lignes électriques pour les créations d’ouvrage et le renouvellement du réseau existant, dans un certain nombre de cas spécifiques :

– en zones d’habitat regroupé pour la HTB1 (63-90 kV) ;

– en zones urbaines, en dehors des couloirs existants, pour la HTB2 (225 kV) ;

– de manière très exceptionnelle et sur de courtes distances pour la HTB3 (400 kV).

Le projet de réacteurs EPR 2 à Penly ([111]). Le programme « Nouveau nucléaire » porté par EDF prévoit la construction d’une paire d’EPR 2, d’une puissance de 1 670 MW chacun, sur le site de Penly (voir introduction). Le dossier des responsables de projet, soumis à la Commission nationale du débat public, indique que la solution envisagée pour le raccordement consisterait à créer quatre liaisons électriques 400 kV entre le nouveau site nucléaire et le futur poste électrique de Navarre. RTE précise que deux lignes visant à évacuer la production des réacteurs seraient réalisées par voie aérienne, les deux autres transportant un plus faible volume d’électricité seraient, quant à elles, souterraines. Le coût du raccordement est estimé à 60 millions d’euros.

Source : RTE et CNDP, auditions et réponses écrites à la rapporteure.

Dans cette perspective, la commission des affaires économiques a adopté trois amendements identiques CE634 de la rapporteure, CE508 de M. Xavier Albertini et des membres du groupe Horizons et CE524 de M. Stéphane Travert et des membres du groupe Renaissance, qui ont pour objectif de :

– réintégrer les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité au périmètre d’application de l’article 5 ;

– supprimer la préférence pour l’enfouissement des lignes électriques raccordant de nouvelles installations nucléaires.

 

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Article 6
Régime juridique applicable aux concessions d’utilisation
du domaine public maritime

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article permet, à titre dérogatoire, d’accorder la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire aux projets de construction de réacteurs électronucléaires situés en bord de mer et aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité qui y sont liés à l’issue de l’enquête publique et sans déclaration d’utilité publique préalable.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   LE DOMAINE PUBLIC MARITIME : UN ESPACE SENSIBLE ET PROTÉGÉ

Représentant une surface de plus de 100 000 km2 en France métropolitaine, le domaine public maritime constitue, par sa consistance et son étendue, l’élément le plus vaste du domaine public de l’État. Il est constitué d’un domaine public dit « naturel » et d’un domaine public dit « artificiel ».

L’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques précise que le domaine public maritime naturel est constitué :

– du sol et du sous-sol de la mer, compris entre la limite haute du rivage et la limite de la mer territoriale fixée à 12 milles marins ;

– des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer ;

– des lais et relais de la mer, désignant les parcelles dont la mer s’est définitivement retirée et les dépôts de sédiments marins ;

– des terrains réservés en vue de la satisfaction de besoins d’intérêt public d’ordre maritime, balnéaire ou touristique et qui ont été acquis par l’État ;

– des terrains soustraits artificiellement à l’action du flot, sous réserve des dispositions contraires d’actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés.

L’article L. 2111-6 du même code définit le domaine public maritime artificiel comme composé des équipements et installations portuaires, ainsi que des ouvrages et installations relatifs à la sécurité et la facilité de la navigation maritime.

Espace « sensible et convoité », selon les termes mêmes de la circulaire du 20 janvier 2012 relative à la gestion durable et intégrée du domaine public maritime naturel, le domaine public maritime est géré par la puissance publique et se caractérise par un cadre juridique protecteur articulé autour de trois principes :

– le principe d’insaisissabilité, selon lequel le domaine public maritime ne peut faire l’objet d’une saisie par un juge (article L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques) ;

– le principe d’inaliénabilité, selon lequel les biens du domaine public maritime ne peuvent être cédés ou vendus (article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques) ;

– le principe d’imprescriptibilité, selon lequel l’occupation ou l’utilisation prolongées du domaine public maritime ne peuvent conférer aucun droit réel ou de propriété pouvant être opposé à l’État (article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques).

B.   L’OCCUPATION ET L’UTILISATION DU DOMAINE PUBLIC MARITIME

Le code général de la propriété des personnes publiques prévoit que les dépendances du domaine public maritime, en dehors des ports, peuvent faire l’objet de concessions d’utilisation en vue de leur affectation à l’usage du public, à un service public ou à une opération d’intérêt général pour une durée de trente ans – ou, au maximum, quarante ans pour les installations de production d’énergie renouvelable et les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité (article R. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques). Les terrains concédés demeurent néanmoins partie intégrante du domaine public maritime (article L. 2124-3 du même code).

Conformément aux principes applicables à la gestion du domaine public maritime, l’octroi d’une concession requiert une enquête publique, ainsi qu’une déclaration d’utilité publique :

– d’une part, lorsqu’un ouvrage ou une implantation entraîne « un changement substantiel d’utilisation des zones du domaine public maritime », une enquête publique préalable à la demande de concession est obligatoire, au sens des dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement ;

– d’autre part et à l’exception des travaux dans les zones portuaires et industrialo-portuaires ou des ouvrages et installations nécessaires à la défense contre la mer, la sécurité maritime, la défense nationale, la pêche, la saliculture et aux cultures marines, il ne peut « être porté atteinte à l’état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement ». Toutefois, en application de l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, peuvent déroger à ce principe les installations liées à l’exercice d’un service public ou l’exécution d’un travail public dont la localisation s’impose pour des raisons topographiques ou techniques impératives et ayant obtenu une déclaration d’utilité publique.

Lors de la phase d’instruction administrative de la demande de concession, le préfet veille à prendre en compte les enjeux de préservation des paysages et espaces naturels (article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques). La circulaire du 20 janvier 2012 précitée rappelle ainsi que l’autorisation d’occupation doit « tenir compte des éventuelles perturbations des écosystèmes fragiles faisant l’objet d’une protection réglementaire, des connectivités écologiques, des espèces protégées et en particulier celles faisant l’objet de plans nationaux d’action ». Ce principe a, en dernier lieu, été réaffirmé à l’article 159 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 9 août 2016. Au regard de ces enjeux, le préfet a la faculté d’intégrer des prescriptions spécifiques au sein des conventions d’utilisation du domaine public maritime.

La demande de concession d’utilisation du domaine public maritime est, enfin, approuvée par un arrêté préfectoral (article R. 2124-7).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.   LE TEXTE INITIAL

Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, parmi les sites identifiés pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR 2, ceux de Penly (Seine-Maritime) et de Gravelines (Nord) ont une emprise potentielle sur le domaine public maritime naturel de l’État et devront donc disposer d’une autorisation d’utilisation de ce domaine.

L’article 6 permet, à titre dérogatoire, d’accorder la concession d’utilisation du domaine public maritime, nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et aux ouvrages de raccordement au réseau public de transport d’électricité, à l’issue d’une enquête publique et sans déclaration d’utilité publique préalable. L’étude d’impact considère que l’enquête publique environnementale « offre des garanties de protection équivalentes à celles relevant du régime de la déclaration d’utilité publique » : cette enquête tient compte des impératifs de préservation des paysages et milieux naturels et garantit la compatibilité des projets avec les plans d’urbanisme. En ce sens, le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, estime que cette procédure dérogatoire « ne méconnaît ni les exigences constitutionnelles qui s’attachent à la protection publique, ni celles qui s’attachent aux principes posés par la Charte de l’environnement dans ses articles 1er, 3, 6 et 7 ». Pour sa part, le Conseil national de la transition écologique estime que l’article 6 nécessiterait une « rédaction plus explicite s’agissant de l’attribution de concession d’utilisation du domaine public maritime qui emporte déclaration d’utilité publique ».

Par ailleurs, la concession est accordée sous réserve de l’engagement pris par l’exploitant de respecter un cahier des charges déterminant les conditions générales et spécifiques relatives à l’occupation et l’utilisation du domaine public maritime.

Enfin, en cohérence avec les mesures de simplification procédurale introduites aux articles 2 et 3 du projet de loi, l’article 6 prévoit d’accorder la concession par décret en Conseil d’État afin de renforcer la sécurité juridique du dispositif et de réduire les risques de contentieux.

B.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

1.   En commission

Outre un amendement de coordination juridique COM-43, le Sénat a adopté, à l’initiative du rapporteur de la commission des affaires économiques Daniel Gremillet, un amendement COM-44 visant à détailler le contenu du cahier des charges relatif à la concession d’utilisation du domaine public maritime. En particulier, il insère des exigences en matière de sûreté nucléaire, d’adaptation aux aléas climatiques et de préservation des espaces remarquables ou nécessaires au maintien des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes.

2.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté, avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, un amendement n° 27 rect. de Mme Catherine Belrhiti (LR) visant à étendre, au sein du cahier des charges de la concession d’utilisation du domaine public maritime, la prévention des risques d’inondations et de submersions aux zones fluviales.

Le Sénat a également adopté, avec un avis favorable de la commission et défavorable du Gouvernement, un amendement n° 52 de Mme Monique de Marco (GEST) prévoyant que la concession d’utilisation du domaine public maritime ne peut être accordée lorsque le projet se situe dans une zone exposée à des risques d’inondations ou de submersions marines. Selon les auteurs de l’amendement, il apparaît en effet nécessaire de renforcer la sûreté des installations nucléaires face aux aléas climatiques, en tirant les conséquences de l’inondation de la centrale nucléaire du Blayais en 1999.

III.   LES MODIFICATIONS APPORTées PAR LA COMMISSION

Outre un amendement rédactionnel CE626 de la rapporteure, la commission des affaires économiques a adopté un amendement CE367 de M. Xavier Albertini (HOR) visant à supprimer le détail du contenu du cahier des charges relatif à la concession d’utilisation du domaine public maritime.

La commission a également adopté cinq amendements identiques CE203 de M. Jean-Pierre Vigier (LR), CE366 de M. Xavier Albertini (HOR), CE424 de M. Grégoire de Fournas (RN), CE521 de M. Thomas Cazenave (RE) et CE532 de Mme Louise Morel (Dem), qui suppriment l’interdiction de délivrer la concession d’utilisation du domaine public maritime aux projets situés dans une zone exposée à des risques d’inondation ou de submersion marine. Les auteurs de ces amendements soutiennent, en effet, que le risque de submersion marine est pris en compte par le contrôle de sûreté nucléaire assuré par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Plus précisément, il est, selon eux, déjà pris en compte par la démonstration de sûreté nucléaire, instruite par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement. Celle-ci a pour vocation, en particulier, de protéger les installations nucléaires de base contre le risque d’inondation externe et interne, ainsi que contre des conditions climatiques ou météorologiques extrêmes.

 

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Article 7
Application de la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate à la construction de réacteurs électronucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article permet d’appliquer la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans le cadre de la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Cette faculté a une durée d’application limitée dans le temps et des garanties sont prévues par ce code, notamment le versement d’une indemnité provisionnelle.

I.   l’État du droit

A.   L’expropriation avec prise de possession immédiate est prévue pour certains travaux par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique

L’article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dispose qu’une expropriation n’est possible que lorsqu’elle répond à une utilité publique « préalablement et formellement constatée à la suite d’une enquête » et qu’elle donne lieu à « une juste et préalable indemnité ». Ces dispositions reprennent, pour l’essentiel, les termes de l’article 17 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, qui prévoit que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

L’expropriation n’est donc possible qu’après une déclaration d’utilité publique, qui fait l’objet d’une enquête publique, et le versement préalable d’une indemnité à la personne faisant l’objet de l’expropriation.

Il existe néanmoins des procédures spéciales prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui autorisent la prise de possession en urgence afin de permettre l’exécution immédiate de certains travaux :

– les articles L. 521-1 à L. 521-8 prévoient un régime spécifique pour les travaux intéressant la défense nationale. Ce régime permet au maître d’ouvrage de prendre possession de propriétés privées par décret pris après avis conforme du Conseil d’État : il peut alors pénétrer sur ces propriétés. En contrepartie, une indemnité provisionnelle évaluée par l’autorité administrative compétente peut être versée sur demande des propriétaires ou des autres personnes intéressées. Une indemnité spéciale peut également être accordée aux personnes justifiant « d’un préjudice causé par la rapidité de la procédure » (art. L. 521-5). L’autorité expropriante doit ensuite poursuivre la procédure d’expropriation dans le mois suivant la prise de possession ;

– les articles L. 522-1 à L. 522-4 prévoient un régime spécifique pour des travaux de grande envergure et d’intérêt national : la construction de routes et d’autoroutes, de chemins de fer, de tramways et de transports en commun en site propre, d’oléoducs et d’ouvrages de réseau public d’électricité. La prise de possession peut alors être autorisée par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, à titre exceptionnel, lorsque ces travaux pourraient être retardés par les difficultés liées à la prise de possession de terrains non bâtis. De plus, depuis la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018, dite « loi Élan », la prise de possession peut intervenir pour des immeubles dégradés situés dans le périmètre d’une opération de requalification de copropriétés dégradées « lorsque des risques sérieux pour la sécurité des occupants rendent nécessaires la prise de possession anticipée et qu’un projet de plan de relogement des occupants a été établi ». Cette procédure de prise de possession d’extrême urgence permet donc, selon le ministère de la justice, à l’entité expropriante « d’entrer plus rapidement dans les lieux pour y démarrer ses aménagements, sans avoir à aller au bout d’une éventuelle procédure judiciaire en fixation des indemnités ».

Pour ce qui concerne les prises de possession immédiate réalisées en application de l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, l’article L. 522-2 dispose qu’elles se déroulent dans les conditions prévues aux articles L. 521-1 à L. 521-8 du même code pour les travaux intéressant la défense nationale. Des garanties supplémentaires sont cependant prévues en sus des dispositions applicables aux travaux de défense nationale :

– la prise de possession ne peut avoir lieu qu’après le paiement provisionnel d’une indemnité (art. L. 522-3) ;

– si la procédure d’expropriation n’est pas poursuivie dans le mois suivant la prise de possession, le juge, saisi par le propriétaire, peut prononcer le transfert de propriété (art. L. 522-4).

B.   La procédure de prise de possession immédiate a également été appliquée à divers travaux de grande envergure

Le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique n’autorise la prise de possession immédiate que pour les travaux intéressant la défense nationale ou certains projets de grande envergure, limitativement énumérés – et, dans ce dernier cas, uniquement pour des terrains non bâtis. Cependant, certaines lois ont autorisé l’application d’une telle procédure à d’autres types de travaux.

L’article 13 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 prévoit ainsi d’appliquer la procédure décrite aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique à la prise de possession immédiate d’immeubles non bâtis ou bâtis afin de réaliser les ouvrages nécessaires au Village olympique, au pôle des médias et aux compétitions prévues dans le cadre de ces Jeux.

L’article 39 de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche avait également prévu une procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate pour des terrains bâtis ou non bâtis, afin d’exécuter les travaux de réalisation de l’itinéraire routier desservant le réacteur expérimental de fusion thermonucléaire ITER, situé à Cadarache.

Interrogés par votre rapporteure sur l’application d’une telle procédure à d’autres projets nucléaires, le ministère de la transition énergétique a indiqué ne disposer d’aucun autre exemple en la matière.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial

1.   La faculté d’appliquer de la procédure de prise de possession immédiate aux projets de réacteurs électronucléaires et aux ouvrages attenants

L’article 7 du présent projet de loi prévoit la possibilité d’appliquer la procédure de prise de possession immédiate, prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à la réalisation de nouveaux réacteurs électronucléaires. Cette procédure pourra être appliquée pour prendre possession de tous les immeubles, bâtis ou non bâtis, dont l’acquisition est nécessaire à la réalisation :

– des installations ou aménagements préparatoires à la création de l’installation nucléaire de base (INB) ;

– des constructions, aménagements, installations et travaux directement liés à la création de l’INB ainsi que des équipements et installations nécessaires à son exploitation ;

– des ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité.

Le décret en Conseil d’État permettant l’expropriation devra être pris dans la limite d’un délai de 10 ans à compter de la publication du décret de déclaration d’utilité publique du projet de réacteurs électronucléaires. Selon l’étude d’impact, cette durée est justifiée par le nombre de réacteurs qu’il est envisagé de construire, avec un début des travaux autour de 2028 et une première mise en service aux alentours de 2035.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a reconnu la nécessité d’instaurer une procédure ad hoc pour que l’extrême urgence soit applicable aux projets de réacteurs électronucléaires, dans la mesure où les opérations visées ne sont pas comprises dans le champ de l’article L. 522-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et où cet article exclut la prise de possession de terrains bâtis. Relevant l’existence des précédents applicables aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et à l’accès routier au projet ITER, le Conseil d’État a estimé que ces dispositions ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

En effet, si le mécanisme de prise de possession d’extrême urgence porte une atteinte significative au droit de propriété, constitutionnellement garanti, son application à des projets d’intérêt général, d’une part, et l’existence de mesures compensatoires telles que le paiement d’une indemnité provisionnelle, d’autre part, sont de nature à encadrer cette dérogation. Du reste et comme le relève le ministère de la justice, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la constitutionnalité d’une telle mesure ([112]) : « Le Conseil constitutionnel a reconnu la régularité de la procédure de prise de possession immédiate qui, tant en raison de son champ d’application étroitement circonscrit, que de l’ensemble des garanties prévues au profit des propriétaires intéressés, n’est pas contraire à l’article 17 de la [déclaration des droits de l’Homme et du citoyen] (…), ne méconnaît pas non plus l’importance des attributions conférées à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et qui, enfin, ne viole pas le principe d’égalité s’agissant d’une différence de traitement justifiée et proportionnée ».

Le Conseil national de la transition écologique souhaite, quant à lui, que le recours aux mesures de prise de possession soit « strictement limité aux besoins de construction et d’exploitation, au regard de son entrave au droit de propriété ».

2.   Une procédure qui ne serait utilisée qu’en dernier ressort, en cas d’échec des discussions à l’amiable

La possibilité de recourir à la procédure prise de possession immédiate est prévue dans le présent projet de loi afin de ne pas bloquer le bon déroulement des travaux en cas d’échec des discussions à l’amiable pour disposer des terrains nécessaires. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’une procédure de dernier recours.

D’ailleurs, s’agissant de l’accès routier au projet ITER, qui bénéficie des mêmes dispositions, le ministère de la transition énergétique a indiqué à votre rapporteure qu’« aucun décret destiné à permettre la prise de possession immédiate des terrains concernés ne semble, à notre connaissance, avoir été pris à la suite de l’arrêté préfectoral du 16 avril 2007 déclarant d’utilité publique cette opération ». De plus, EDF souligne que la grande majorité des acquisitions pour la construction du parc nucléaire existant a été faite à l’amiable, citant l’exemple de Penly, où 48 hectares ont été acquis pour le besoin des installations de chantier. EDF relève cependant que « quelques projets nucléaires ont nécessité, par le passé, lors de la mise en œuvre du programme nucléaire français à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, le recours à des procédures d’expropriation (par exemple : Flamanville 1&2, DUP du projet de la centrale nucléaire de Cruas en date du 27 février 1978 ou de celle de Cattenom en date du 11 octobre 1978) ».

S’il n’est pas possible, à ce jour, d’anticiper les cas dans lesquels la procédure de prise de possession d’extrême urgence trouverait à s’appliquer, les points suivants peuvent déjà être relevés :

– sur le site de Penly, EDF dispose des emprises nécessaires et le ministère indique que des acquisitions sont en cours, à l’amiable, pour les zones destinées à accueillir les activités de chantier, aucune expropriation n’étant prévue ;

– sur le site de Gravelines, le projet porterait en quasi-totalité sur des emprises appartenant déjà à EDF ou au domaine public maritime et « EDF n’a, à ce stade des études, pas indiqué envisager d’avoir besoin d’expropriation » » ;

– sur les sites du Bugey et du Tricastin, la grande majorité des emprises nécessaires sont constituées de foncier industriel, appartenant à Orano (Tricastin) ou à des exploitants de carrières (Bugey). Le ministère indique que des discussions à l’amiable sont en cours avec les propriétaires et les exploitants des carrières, « sans garantie cependant qu’elles aboutissent favorablement » – d’où la nécessité de prévoir la possibilité de recourir à la prise de possession immédiate ;

– la possibilité d’activer une telle procédure apparaît nécessaire en vue de l’implantation des 8 EPR complémentaires, dont la localisation n’a pas encore été définie.

La mesure pourrait être utile non seulement à l’exploitant EDF, mais aussi à RTE, afin d’assurer les raccordements des réacteurs au réseau de transport d’électricité. Ainsi, RTE indique que le recours à l’expropriation est fréquent pour les postes de transformation et peut s’avérer nécessaire pour le passage de lignes électriques : « Concernant les postes électriques, le recours à l’expropriation est fréquent, dès lors que RTE en est propriétaire et doit s’assurer de la maîtrise foncière de leurs emprises. Concernant les lignes électriques, le code de l’énergie permet le plus souvent à RTE d’instaurer des servitudes d’occupation de parcelles privées (pour les pylônes) ou de surplomb (pour les lignes) au-dessus de celles-ci. Toutefois, il peut arriver que le recours à une procédure d’expropriation soit nécessaire en cas d’existence de constructions incompatibles avec le passage des lignes électriques. Compte tenu de la rareté du foncier dans les communes littorales [où] seront implantés les futurs réacteurs, il est indispensable que RTE puisse s’assurer du passage des lignes permettant d’évacuer la production nucléaire ».

B.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   En commission

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté l’amendement COM‑36 de son rapporteur Daniel Gremillet. Cet amendement :

– précise que la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate, prévue aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du CECUP, s’applique dans les conditions prévues par ce même code ;

– précise que les articles L. 314-1 à L. 314-8 du code de l’urbanisme trouvent, le cas échéant, à s’appliquer. Ces articles imposent à la personne publique qui réalise l’expropriation certaines obligations envers les occupants des immeubles concernés, notamment en matière de relogement ou d’attribution de locaux pour les commerçants et les artisans ;

– exclut les ouvrages de raccordement du champ de l’application de l’article 7, ainsi que les équipements et installations nécessaires à l’exploitation des réacteurs électronucléaires. L’argument avancé est que ces travaux ne présentent pas d’urgence, d’une part, et que RTE a rarement besoin d’exproprier pour le passage des lignes électriques, d’autre part ;

– précise que le décret d’expropriation doit être pris après avis conforme du Conseil d’État, par parallélisme avec les dispositions déjà existantes du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

– précise que le décret d’expropriation ne pourra être pris que dans un délai de six ans à compter de la date de publication du décret de déclaration d’utilité publique (contre dix ans dans le projet de loi initial), au regard notamment des délais plus réduits consentis dans le passé (par exemple, cinq ans pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris et quatre ans pour le projet ITER).

2.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 129 du rapporteur Daniel Gremillet, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement. Cet amendement apporte une précision de nature rédactionnelle, qui a pour conséquence d’opérer un double renvoi aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique au premier alinéa de l’article 7.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté 4 amendements du Gouvernement, avec avis favorable de la rapporteure :

– les amendements CE567 et CE5970 clarifient le régime d’expropriation avec prise de possession immédiate applicable, en modifiant les renvois effectués au CECUP ;

– l’amendement CE583 coordonne la rédaction de l’article 7 avec la définition de la réalisation d’un réacteur électronucléaire ajoutée au I A de l’article 1er. Cela permet notamment de réintégrer dans le champ de l’article 7 les ouvrages de raccordement ;

–  l’amendement CE569 supprime la mention des articles L. 314-1 à L. 314‑18 du code de l’urbanisme. Une telle mention n’est pas nécessaire car, en l’absence de dispositions contraire, ces dispositions trouvent bien à s’appliquer.

 

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Article 7 bis
Pouvoirs de régularisation reconnus au juge administratif en matière de contentieux des procédures applicables aux projets de construction de réacteurs électronucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article accorde au juge administratif des pouvoirs de régularisation, lorsque celui-ci est saisi d’un litige formé à l’encontre d’un acte administratif afférent à un projet de réacteur électronucléaire.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Les projets de réacteurs nucléaires sont soumis à différents régimes d’autorisation, notamment en matière d’urbanisme et d’environnement, dont la complexité procédurale peut être une source de contentieux administratif. Afin d’accroître la sécurité juridique des autorisations administratives et d’améliorer la gestion des contentieux, plusieurs évolutions législatives et réglementaires ont conduit à redéfinir substantiellement l’office du juge administratif en matière d’urbanisme et d’environnement :

s’agissant des autorisations d’urbanisme (déclaration préalable, permis de construire, d’aménager ou de démolir), l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme permet au juge de l’excès de pouvoir d’annuler partiellement un permis, lorsque l’irrégularité porte sur un élément divisible du projet ou affecte une partie identifiable du projet et peut être régularisée par un permis modificatif. En outre, l’article L. 600‑5-1 du même code donne la faculté au juge de surseoir à statuer, pour régulariser l’acte entaché d’un vice par la délivrance d’un permis modificatif ;

s’agissant de l’autorisation environnementale, une ordonnance du 26 janvier 2017 ([113]) introduit, à l’article L. 181-18 du code de l’environnement, une procédure de régularisation de l’instance. Le juge du plein contentieux peut ainsi procéder non seulement à l’annulation partielle de l’autorisation environnementale, mais il peut également surseoir à statuer lorsque le vice entraînant l’illégalité de l’acte est susceptible de régularisation par une autorisation modificative. Toutefois, l’article 5 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables a récemment modifié cet article L. 181-18 pour faire obligation au juge de régulariser une autorisation environnementale, y compris après l’achèvement des travaux. Le refus, par le juge, de faire application de ces dispositions doit donc être motivé.

L’article 13 bis de cette même loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables consacre également une procédure de régularisation du contentieux lié aux concessions d’utilisation du domaine public maritime pour des projets de parcs éoliens en mer.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE SÉNAT

A.   EN COMMISSION

Constatant que le projet de loi ne comportait pas de dispositions législatives visant à accélérer la résolution des contentieux relatifs à la construction de nouvelles installations nucléaires, la commission de affaires économiques du Sénat a adopté un amendement COM-33 de son rapporteur Daniel Gremillet, portant article additionnel après l’article 7 et introduisant une procédure de régularisation des litiges liés à un acte administratif délivré dans le cadre d’un projet de construction de réacteur électronucléaire, situé à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante.

Synthèse des actes administratifs délivrés
en application du titre Ier du présent projet de loi

En application des dispositions du titre Ier du présent projet de loi, tel qu’adopté en première lecture par le Sénat, les projets de réacteur électronucléaire sont soumis à différents régimes d’autorisation, notamment en matière d’urbanisme et d’environnement, pouvant faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative. Il s’agit de :

– la qualification de « projet d’intérêt général » par décret en Conseil d’État (article 2) ;

– la mise en compatibilité des documents d’urbanisme par décret (article 2) ;

– l’autorisation environnementale délivrée par décret en Conseil d’État (article 4) ;

– l’autorisation de dérogation aux dispositions de la loi Littoral (article 5) ;

– la concession d’utilisation du domaine public maritime délivrée par décret en Conseil d’État (article 6) ;

– la déclaration d’utilité publique délivrée par décret en Conseil d’État (article 7).

À l’instar des procédures de régularisation existantes en matière de contentieux de l’urbanisme et de l’environnement, l’article 7 bis permet au juge administratif de :

– procéder à l’annulation partielle de l’acte administratif contesté, dans le cas où l’irrégularité n’affecte qu’une phase de la demande d’instruction de l’acte (ou une partie de cet acte). Le juge peut ainsi demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité () ;

surseoir à statuer pour permettre la régularisation d’un acte administratif en cours d’instance, par la délivrance d’un acte modificatif ().

Lorsque le juge administratif fait usage de l’une des deux prérogatives susmentionnées, il décide également s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’acte administratif qui ne sont pas entachées d’irrégularité.

B.   EN SÉANCE PUBLIQUE

L’article 7 bis n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique au Sénat.

III.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté, avec un avis favorable de la rapporteure, quatre amendements du Gouvernement, opérant les modifications suivantes :

– l’amendement CE563 et le sous-amendement rédactionnel CE671 de la rapporteure clarifient le champ d’application de l’article 7 bis ;

– les amendements CE615 et CE616 apportent une coordination juridique avec le régime contentieux de l’autorisation environnementale, défini à l’article L. 181-18 du code de l’environnement dans sa rédaction issue de l’article 5 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Par conséquent, le juge administratif est tenu de surseoir à statuer ou de régulariser les actes mentionnés supra, y compris après l’achèvement des travaux ;

– l’amendement CE617 supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État, les dispositions de l’article étant d’application directe et immédiate.

 

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Article 7 ter
Rapport au Parlement sur la mutualisation des recettes fiscales liées au foncier des nouveaux réacteurs électronucléaires

 

Supprimé par la commission

 

Cet article prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur la mutualisation des recettes fiscales liées à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en lien avec l’objectif du « zéro artificialisation nette ».

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé cet article.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

L’article 194 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », fixe les principes de l’effort national au titre de la réduction de l’artificialisation des sols, afin d’atteindre un objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) à l’horizon 2050. L’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme définit l’artificialisation nette comme « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ».

L’objectif national de réduction et de limitation de l’artificialisation des sols est, par ailleurs, intégré aux documents de planification et d’aménagement territoriaux :

– à l’échelle régionale, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) fixe des objectifs de moyen et long termes visant à atteindre la « zéro artificialisation nette » des sols ([114]) ;

– aux échelles communale et intercommunale, les objectifs régionaux sont déclinés par la mise en compatibilité des documents d’urbanisme, dans les schémas de cohérence territoriale ([115]) (SCot), les plans locaux d’urbanisme ([116]) (PLU et PLUi) ou les cartes communales ([117]).

La construction de nouveaux réacteurs nucléaires pourrait contraindre les communes pour l’atteinte de leurs objectifs en matière de ZAN. D’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, chaque paire de réacteurs nucléaires représente une emprise foncière comprise entre 100 et 200 hectares, en incluant les emprises temporaires nécessaires pendant les travaux.

À l’article 3 du présent projet de loi, le rapporteur de la commission des affaires économiques Daniel Gremillet a proposé d’exclure les emprises des futures centrales nucléaires du décompte des surfaces artificialisées au titre de l’objectif ZAN.

Par ailleurs, la proposition de loi n° 854 visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols, prochainement discutée à l’Assemblée nationale, propose de comptabiliser les projets d’envergure nationale ou européenne et d’intérêt majeur au sein d’une enveloppe nationale, afin de ne pas pénaliser les territoires d’implantation (article 2).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 41 rect. bis de M. Laurent Somon (LR), qui prévoit la remise, par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur la mutualisation, à l’échelle nationale, des recettes fiscales liées à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Par souci d’équité et de justice territoriale, les auteurs de l’amendement estiment, en effet, que le décompte au titre de l’objectif « zéro artificialisation nette », introduit à l’article 3, doit donner lieu à une redistribution, à l’échelle nationale, des recettes fiscales liées à la construction de nouveaux réacteurs.

Cet amendement avait néanmoins reçu un double avis défavorable de la commission et du Gouvernement. Le rapporteur Daniel Gremillet avait notamment estimé qu’il était souhaitable « que les collectivités ou groupements d’implantation soient les premiers bénéficiaires de ces recettes fiscales ».

III.   LES MODIFICATIONS APPORTées PAR LA COMMISSION

La commission des affaires économiques a adopté trois amendements identiques CE579 du Gouvernement, CE378 de Mme Florence Goulet (RN) et CE522 de M. Bastien Marchive (RE), supprimant l’article 7 ter, avec avis favorable de la rapporteure. En cohérence avec la suppression du III de l’article 3, il a été soutenu que les dispositions relatives à l’objectif « zéro artificialisation nette » doivent être discutées dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols.

 

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Article 8
Modalité d’application du titre Ier du projet de loi

 

Adopté sans modification par la commission

 

Cet article 8 dispose que les modalités d’application du titre Ier du projet de loi seront précisées par décret en Conseil d’État.

I.   Le texte initial

L’article 8 dispose que les conditions d’application du titre Ier seront précisées par décret en Conseil d’État. L’introduction de cet article fait suite à une remarque dans l’avis du Conseil d’État, qui a proposé « l’insertion d’un article supplémentaire renvoyant à un décret en Conseil d’État l’ensemble des précisions nécessaires à l’application du titre Ier de la loi ».

Ce décret d’application, pris en Conseil d’État, aura le mérite d’accélérer les éventuelles procédures contentieuses, dans la mesure où les recours relèveraient dès lors, en premier et en dernier ressort, de la plus haute juridiction de l’ordre administratif.

Selon les informations transmises par le ministère de la transition énergétique à votre rapporteure quant au calendrier de publication du décret à l’issue de la promulgation de la loi, il lui a été indiqué qu’« il est probable que le décret d’application soit publié en deux temps. Le premier temps devrait notamment préciser la notion de proximité immédiate et sa publication devrait intervenir dans les six mois après la promulgation de la loi. Le deuxième temps viserait les dispositions réglementaires précisant la mise en compatibilité d’urbanisme et devrait intervenir dans les douze mois après la promulgation de la loi ».

II.   Le dispositif proposé par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

III.   LES MODIFICATION APPORTées PAR LA COMMISSION

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

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TITRE II
MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES

Article 9 A
Rapport au Parlement sur les moyens de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article, introduit par le Sénat, préconisait que les moyens humains attribués à l’Autorité de sûreté nucléaire fassent l’objet d’un audit, dans la perspective d’une relance de la construction de réacteurs électronucléaires. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a transformé cet audit en demande de rapport sur les moyens de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

I.   l’État du droit

A.   L’autorité de sûreté nucléaire, maillon essentiel de la politique de sûreté nucléaire en france

Aux termes de l’article L. 593-6 du code de l’environnement, la sûreté nucléaire relève de la responsabilité de l’exploitant de l’installation nucléaire de base.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante, créée par l’article 4 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire et dite « loi TSN ». L’article L. 592‑1 du code de l’environnement dispose qu’elle participe au contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires mentionnées par l’article L. 1333-1 du code de la santé publique (activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants). L’Autorité de sûreté participe également à l’information du public et à la transparence dans ses domaines de compétence.

1.   Composition

L’Autorité de sûreté est composée d’un collège de cinq membres, dont trois sont désignés par le Président de la République, dont le président du collège, un par le Président de l’Assemblée nationale et un par le Président du Sénat (art. L. 592-2 du code de l’environnement). La nomination du président de l’ASN est soumise aux avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, en application de l’article 13 de la Constitution.

Les services de l’ASN sont placés sous l’autorité d’un directeur général. L’organisation comprend un comité exécutif, un secrétariat général et huit directions thématiques :

– trois directions fonctionnelles : la direction de l’information, de la communication et des usages numériques, la direction de l’environnement et des situations d’urgence et la direction des relations internationales ;

– cinq directions opérationnelles : la direction des centrales nucléaires, la direction des déchets, des installations de recherche et du cycle, la direction des équipements sous pression nucléaires, la direction du transport et des sources et la direction des rayonnements ionisants et de la santé.

L’Autorité de sûreté s’appuie également sur ses onze divisions territoriales, placées sous l’autorité de délégués territoriaux.

Selon le site internet de l’Autorité, celle-ci comptait 519 personnes au 31 décembre 2021, pour un budget de 67,15 M€ ([118]) : 291 personnes travaillaient en service central, 226 dans les divisions territoriales et 2 agents dans des organismes internationaux.

2.   Pouvoirs

Les attributions de l’Autorité de sûreté nucléaire sont décrites aux articles L. 592-19 à L. 592-34 du code de l’environnement.

L’Autorité de sûreté nucléaire est compétente pour les installations nucléaires de base, le transport de substances radioactives, les équipements sous pression nucléaires ainsi que les activités mentionnées à l’article L. 1333-1 du code de la santé publique. Elle dispose, dans le cadre de telles compétences, de larges pouvoirs réglementaires :

– elle peut prendre des décisions réglementaires à caractère technique en complément des décrets et arrêtés pris dans son domaine de compétence, de telles décisions étant cependant soumises à homologation ministérielle (article L. 592‑20 du code de l’environnement) ;

– elle dispose d’un pouvoir de décision individuelle dans ses domaines de compétence, dans les conditions et limites fixées par les lois et règlements en vigueur (art. L. 592-21).

L’Autorité de sûreté examine et autorise les demandes liées aux installations nucléaires (par exemple, les mises en service) et contrôle le respect de la réglementation applicable, dans le cadre notamment des inspections qu’elle réalise : selon le rapport annuel 2021 de l’Autorité, 1 881 inspections ont ainsi été réalisées au cours de cette même année.

L’Autorité de sûreté nucléaire dispose par ailleurs de nombreuses prérogatives, parmi lesquelles le pouvoir de prescrire au responsable d’une activité qu’elle contrôle la réalisation, aux frais de celui-ci, d’analyses critiques d’un dossier, d’expertises, de contrôles ou d’études par des organismes extérieurs experts choisis en accord avec elle ou qu’elle agrée « lorsque l’importance particulière des risques ou inconvénients le justifie » (art. L. 592-23) ;

Inversement, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat et le Gouvernement peuvent demander à l’ASN des avis ou des études sur toute question relevant de sa compétence (art. L. 592-29). Le président de l’Autorité de sûreté peut également être invité à rendre compte des activités de l’Autorité à l’Opecst (art. L. 592-30), auquel son rapport annuel doit être transmis (art. L. 592‑31).

L’Autorité de sûreté nucléaire comprend également une commission des sanctions, qui peut prononcer des amendes administratives (art. L. 592-41).

Enfin, l’Autorité de sûreté est étroitement associée à la gestion des situations d’urgence radiologique : elle doit notamment assister le Gouvernement pour toutes les questions relevant de sa compétence et lui apporter son concours technique (art. L. 592‑32).

B.   D’autres organes concourent également à la sûreté nucléaire

1.   L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

D’autres organes concourent à la sûreté nucléaire en France, en particulier l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Établissement public à caractère industriel et commercial créé par l’article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale, l’IRSN résulte de la fusion de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants et de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire. L’IRSN est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de l’environnement, du ministre de la défense et des ministres chargés de l’énergie, de la recherche et de la santé ([119]).

Le fonctionnement et les missions de l’IRSN sont définis aux articles L. 592‑45 à L. 592-49 du code de l’environnement.

En 2021, l’IRSN comptait 1 725 collaborateurs et disposait d’un budget de 282 M€ en recettes ([120]). Le directeur général de l’IRSN est nommé par le Président de la République après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, en application de l’article 13 de la Constitution. L’Institut dispose d’un conseil d’administration et d’une direction générale, ainsi que de directions fonctionnelles et de support. Il existe par ailleurs quatre pôles de compétence en son sein : défense, sécurité et non‑prolifération ; santé et environnement ; sûreté nucléaire ; patrimoine et territoires.

Aux termes de l’article L. 592-45 du code de l’environnement, l’IRSN réalise des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire (et non de la seule sûreté nucléaire). L’Institut apporte son appui technique à l’Autorité de sûreté nucléaire, sous forme d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche (art. L. 592-46). Il doit également contribuer à l’information du public (art. L. 592-47).

2.   Autres organes

D’autres organismes concourent plus indirectement à la sûreté nucléaire, parmi lesquels :

– le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies nouvelles (CEA), à travers ses activités de recherche dans le domaine du nucléaire et sa participation à la protection des personnes et des biens contre les effets de l’énergie atomique (art. L. 332-2 du code de la recherche) ;

– le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), défini à l’article L. 125-34 du code de l’environnement comme une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire ;

– le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, pour le cas spécifique de ces installations et activités (art. R. 1333-67-5 du code de la défense).

C.   Un projet de réforme : le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN

Le Conseil de politique nucléaire du 3 février 2023 a décidé que les compétences techniques de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire sont appelées à être réunies avec celles de l’ASN. Les « synergies » avec le CEA et le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense seront également prises en compte ([121]).

Les objectifs annoncés de la réforme sont les suivants ([122]) :

– consacrer l’indépendance et la transparence du système de sûreté nucléaire ;

– renforcer les compétences et la puissance d’action de l’ASN ;

– accroître l’attractivité des métiers de la sûreté nucléaire.

À la demande du Gouvernement, le président de l’ASN, le directeur général de l’IRSN et le délégué général du CEA ont remis leurs premières propositions sur cette réforme le 20 février.

Le président de l’ASN, le directeur général de l’IRSN, en association avec le CEA et les services ministériels, doivent désormais remettre des propositions sur le sujet d’ici au mois de juin 2023. Ce travail devra être réalisé « en concertation avec l’ensemble des parties concernées, au premier rang desquelles les représentants du personnel et le Parlement, notamment l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ». Ces propositions seront présentées au HCTISN et à l’ANCCLI (Association nationale des comités et commissions locales d’information).

Cette réforme nécessite en effet de nombreuses modifications législatives et réglementaires. Les premières mesures législatives sont introduites dans le présent projet de loi, aux articles 11 bis et 11 ter. Il sera nécessaire de modifier les crédits budgétaires affectés à l’ASN et à l’IRSN en loi de finances. Au total, le Gouvernement estime que la mise en œuvre de la réforme devrait s’étaler sur une quinzaine de mois.

II.   Le dispositif proposé par le Sénat

L’article 9 A résulte de l’adoption, en séance publique, de l’amendement n° 65 de M. Gilbert-Luc Devinaz (SER) demandant au Gouvernement la réalisation d’un audit sur les moyens humains de l’ASN pour faire face à la relance du nucléaire. Il est précisé que cet audit devra être réalisé en s’appuyant sur les moyens des services du ministère de la transition énergétique.

Cet amendement a reçu un double avis de sagesse de la commission des affaires économiques et du Gouvernement.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a adopté un amendement CE533 de Mme Morel (Dem) de rédaction globale de l’article 9 A, sous-amendé, qui a reçu un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement. L’amendement transforme la demande d’audit en demande de rapport au Parlement sur les besoins prévisionnels liés au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Les sous-amendements apportent les précisions suivantes :

– le sous-amendement CE683 du Gouvernement, adopté avec avis favorable de la rapporteure, prévoit que le rapport est remis dans un délai de 6 mois à compter de la promulgation, contre une durée de 3 mois proposée dans l’amendement CE533 ;

– le sous-amendement CE681 de M. Leseul (SOC-Nupes), adopté avec avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, précise que la demande de rapport porte sur les besoins humains et financiers, et non sur les seuls besoins en emplois ;

– le sous-amendement CE680 du même auteur, adopté avec double avis favorable, ajoute que la demande de rapport porte sur les missions de contrôle, d’expertise et de recherche ;

– le sous-amendement CE687 de Mme Brulebois (RE), adopté avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, prévoit que le rapport porte aussi sur la garantie d’un niveau de ressources suffisant en cas de nouvelle organisation des missions relatives à la sûreté nucléaire et à la radioprotection ;

– le sous-amendement CE679 de Mme Brulebois, adopté avec les mêmes avis, complète la demande de rapport avec des éléments relatifs au transfert des missions et des personnels de l’IRSN à l’ASN, dans la perspective d’un rapprochement de ces deux entités.

 

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Article 9
Modalités de réexamen périodique des installations nucléaires de base au-delà de leur 35ème année d’exploitation

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article modifie le périmètre de l’enquête publique réalisée à l’occasion du réexamen périodique des installation nucléaires de base au-delà de leur 35ème année d’exploitation. Il clarifie le régime applicable aux modifications apportées à l’installation et effectuées dans le cadre de ce réexamen. Enfin, il supprime le rapport intermédiaire prévu cinq ans après celui-ci.

I.   l’État du droit

A.   Un réexamen périodique spécifique au-delà de 35 ans d’exploitation

1.   Le principe : des visites décennales de conformité et de sûreté

L’exploitant d’une installation nucléaire de base (installation nucléaire de base) est responsable de la sûreté de son installation. L’article L. 593-18 du code de l’environnement prévoit ainsi qu’il doit procéder périodiquement au réexamen de celle-ci, en tenant compte des meilleures pratiques internationales et en réalisant à la fois :

– un examen de conformité, qui doit permettre d’apprécier la situation de l’installation au regard des règles qui lui sont applicables ;

– une réévaluation de sûreté, qui consiste à actualiser l’appréciation des risques ou inconvénients que l’installation présente pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du même code – c’est-à-dire la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement – en tenant notamment compte de l’état de l’installation, de l’expérience acquise au cours de l’exploitation, de l’évolution des connaissances et des règles applicables aux installations similaires.

Ce réexamen a lieu tous les dix ans, sauf si le décret d’autorisation de création de l’INB prévoit une périodicité différente. Aucune installation nucléaire de base actuellement en service ne prévoit une périodicité différente à dix ans.

Ce réexamen fait l’objet d’un rapport, qui comprend les conclusions du réexamen et les éventuelles dispositions que l’exploitant envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 précité (art. L. 593-19 du code de l’environnement).

L’Autorité de sûreté nucléaire analyse le rapport présenté par l’exploitant et peut lui imposer des prescriptions techniques complémentaires. Cette analyse et ces prescriptions doivent être communiquées au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Les prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) peut, à tout moment et hors du cadre des réexamens périodiques, prescrire des mesures à l’exploitant relatives à la sûreté de son installation. En particulier :

– l’article L. 593-10 du code de l’environnement dispose que l’ASN définit les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du même code pour l’application de l’autorisation de création ;

– l’article L. 593-20 du même code dispose qu’en cas de menace pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, l’ASN peut prescrire les évaluations et la mise en œuvre des dispositions rendues nécessaires.

2.   Les dispositions spécifiques aux visites décennales effectuées au-delà de la 35e année d’exploitation d’une installation nucléaire de base

a.   Les dispositions proposées par l’exploitant sont soumises à autorisation, après enquête publique

Pour les visites décennales intervenant au-delà de la 35e année d’exploitation, les dispositions proposées par l’exploitant dans le cadre du rapport de réexamen sont soumises à une enquête publique, puis à une procédure d’autorisation de l’ASN.

L’enquête publique se fait selon les conditions de droit commun prévues par le code de l’environnement (partie réglementaire de la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier), sous réserve de quelques spécificités décrites aux articles R. 593‑62-2 à R. 593-62-8 du même code. Ces spécificités portent notamment sur le contenu du dossier de l’enquête publique et sur l’articulation entre les pouvoirs et le rôle de l’ASN et ceux du préfet de département.

Les dispositions proposées par l’exploitant sont soumises à autorisation, à l’issue de l’enquête publique. S’agissant en particulier des dispositifs conduisant à apporter des modifications à une INB, le code de l’environnement prévoit plusieurs procédures d’autorisation :

– l’article L. 593-14 prévoit qu’une nouvelle autorisation est requise en cas de modification substantielle d’une installation, le caractère « substantiel » de cette modification étant précisé par voie réglementaire. La procédure qui s’applique est alors celle de l’autorisation de création, selon des modalités définies par voie réglementaire ;

– l’article L. 593-15 dispose que les modifications « notables » d’une installation nucléaire de base sont soumises à autorisation ou à déclaration auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire, en fonction de leur importance.

Il convient, à cet égard, de noter que l’article L. 593-19 ne mentionne que les procédures d’autorisation prévues aux articles L. 593-14 et L. 593-15, la procédure de déclaration n’étant pas évoquée et donc pas applicable.

b.   Les prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire

L’article L. 593-19 du code de l’environnement précise que les prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire, pour les visites réalisées au-delà de la 35e année d’exploitation, comprennent des dispositions relatives au suivi régulier du maintien dans le temps des équipements importants pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593‑1.

c.   La remise d’un rapport intermédiaire cinq ans après le réexamen

Il est également prévu, cinq ans après la remise du rapport de réexamen par l’exploitant, la présentation d’un rapport intermédiaire, par ce même exploitant, sur l’état des équipements importants. Ce rapport intermédiaire peut, le cas échéant, conduire l’Autorité de sûreté nucléaire à compléter ses prescriptions relatives à ces équipements.

B.   L’examen des réacteurs ayant atteint leur 35Ème année d’exploitation a débuté et fait apparaître des difficultés liées au cadre juridique existant

1.   La phase générique du réexamen des réacteurs de 900 MWe a déjà eu lieu

Les réexamens périodiques au-delà de la 35e année d’exploitation, dits « VD4 », ont débuté en 2013 pour les réacteurs nucléaires de 900 MWe et concernent huit sites : Blayais, Bugey, Chinon, Cruas, Dampierre-en-Burly, Gravelines, Saint‑Laurent-des-Eaux et Tricastin. L’exploitant a choisi d’articuler ces visites décennales en deux phases, ainsi que le permet l’article R. 593-62-1 du code de l’environnement :

– une phase générique, qui porte sur des problématiques communes à ces réacteurs et qui est déjà achevée. Elle a donné lieu à une concertation publique organisée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et à une consultation publique organisée par l’Autorité de sûreté nucléaire. Cette phase a fait l’objet d’un rapport d’instruction de l’ASN et d’une décision de l’Autorité ([123]) ;

– une phase spécifique à chaque réacteur. C’est à l’issue du réexamen propre à chaque réacteur, sur lequel porte une enquête publique, que l’Autorité de sûreté nucléaire prend position, en application de l’article L. 593-19 du code de l’environnement, sur la prolongation de son fonctionnement. Cette visite spécifique a déjà eu lieu pour 2 réacteurs de la centrale de Tricastin (février 2020 et fin d’année 2022, respectivement).

Calendrier des dates de remise des rapports concluant les VD4 (2021)

Source : ASN, Rapport d’instruction pour les RP4, 2021.

2.   Certaines dispositions applicables au réexamen périodique rencontrent des difficultés d’application pratique

Les visites décennales réalisées sur les deux réacteurs de Tricastin ont pu faire apparaître certaines limites du droit actuellement applicable.

● Le rattachement de l’enquête publique à la procédure d’autorisation « suscite des incompréhensions du public », selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. Cette étude souligne notamment que « le fait que l’enquête publique mette en évidence que les propositions de l’exploitant sont insuffisantes ne constitue pas, tant en droit qu’en termes de sûreté, une raison valable de les rejeter. De fait, seule une décision de l’ASN est en mesure d’imposer la mise en œuvre de dispositions complémentaires ».

Un tel rattachement a pour conséquence de reporter toute modification soumise à autorisation à la fin de l’enquête publique, alors même que certaines modifications pourraient être réalisées pendant la visite décennale – ce qui irait d’ailleurs dans le sens d’une meilleure sûreté. L’étude d’impact rappelle que, « dans le cadre du réexamen, l’Autorité de sûreté nucléaire ne peut plus, en l’état actuel du droit, autoriser les modifications nécessaires dans la période comprise entre la transmission du rapport de conclusion du réexamen et la fin de l’enquête publique. Cela a conduit à devoir différer le déploiement d’améliorations de sûreté dont l’utilité ne fait pas l’objet de discussion ».

● Le périmètre restreint de l’enquête publique ne permet pas au public de se prononcer sur l’ensemble du rapport de réexamen, mais sur les seules dispositions proposées par l’exploitant.

Cette situation aboutit à dissocier les conclusions de l’enquête publique de l’analyse du rapport effectuée par l’Autorité de sûreté nucléaire. Le public devrait au contraire pouvoir se prononcer sur le caractère suffisamment complet du rapport, notamment des dispositions proposées, et l’ASN devrait pouvoir mieux prendre en compte ces remarques. Comme le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « l’enquête publique est rattachée à la procédure d’autorisation, alors que celle-ci ne permet pas de prendre en compte de manière satisfaisante les conclusions de l’enquête publique ».

● La rédaction actuelle de l’article L. 593-19 du code de l’environnement n’évoque que des procédures d’autorisation pour les modifications dans le cadre des réexamens périodiques au-delà de la 35ème année d’exploitation de l’INB, alors que ce même code prévoit bien un régime déclaratif pour des modifications notables de moindre importance. Pour une même modification, il existe donc deux procédures distinctes : l’autorisation quand la modification intervient dans le cadre d’un réexamen périodique au-delà de la 35e année d’exploitation et la déclaration dans les autres cas.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial

Pour remédier aux difficultés qui viennent d’être rappelées, l’article 9 du présent projet de loi propose une nouvelle rédaction des dispositions applicables aux visites décennales effectuées après la 35e année d’exploitation d’un réacteur.

1.   La modification du périmètre de l’enquête publique

Le projet de loi prévoit que l’enquête publique ne porte pas sur les dispositions proposées par l’exploitant mais sur les conclusions et les dispositions proposées dans le rapport de réexamen : le périmètre de l’enquête publique se trouve ainsi élargie.

L’Autorité de sûreté nucléaire pourra imposer des prescriptions complémentaires au vu de l’analyse du rapport de réexamen et des conclusions de l’enquête publique qui lui sont associées. La nouvelle rédaction de l’article L. 593‑19 dispose ainsi que l’Autorité « tient compte des conclusions de l’enquête publique dans son analyse du rapport de l’exploitant et dans les prescriptions qu’elle prend ».

2.   La possibilité de réaliser des modifications avant la fin de l’enquête publique

Les nouvelles dispositions proposées, qui rattachent l’enquête publique non à la procédure d’autorisation mais aux conclusions du rapport de réexamen et à l’avis de l’ASN, doivent permettre à l’exploitant de mettre en œuvre des modifications nécessaires à la poursuite de l’exploitation du réacteur avant la fin des résultats de l’enquête publique, ce qui n’est pas possible aujourd’hui.

Par ailleurs, ces modifications intervenant avant la fin de l’enquête publique donneront bien lieu à consultation du public, lorsque cela est prévu par le code de l’environnement.

3.   Le régime de droit commun applicable aux modifications de l’installation nucléaire de base

La nouvelle rédaction de l’article L. 593-19 du code de l’environnement prévue par le projet de loi précise que les modifications envisagées par l’exploitant sont soumises soit à déclaration, soit à autorisation. Cette rédaction permet de supprimer la référence au seul régime d’autorisation, qui prévaut actuellement, et de disposer à l’avenir d’un régime de modification aligné sur le droit commun.

4.   La suppression du rapport intermédiaire à cinq ans

L’article 9 du présent projet de loi supprime la présentation d’un rapport intermédiaire à cinq ans, qui doit en principe être remis par l’exploitant après le réexamen périodique effectué au-delà de la 35e année de fonctionnement.

Selon le ministère de la transition énergétique et l’ASN, une vérification globale de l’état des équipements dans les cinq ans qui suivent le réexamen n’est cohérente ni avec la démarche de maîtrise de vieillissement, qui est fondée sur une périodicité décennale, ni avec les programmes de maintenance, qui définissent des périodicités adaptées à chaque composant.

Ce rapport à cinq ans constituerait donc une charge pour l’exploitant sans réelle valeur ajoutée en termes de maîtrise de l’état des installations. Il est par ailleurs rappelé que « l’ASN peut à tout moment prendre des prescriptions visant à protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ».

5.   L’avis du Conseil d’État et du Conseil national de la transition écologique

Le Conseil d’État note que l’enquête publique est « opportunément » élargie aux conclusions du rapport de réexamen « afin de permettre au public d’être mieux éclairé » pour donner un avis sur les dispositions proposées par l’exploitant. Tant sur la modification du périmètre de l’enquête publique que sur la procédure de modification, il juge que « ces différentes mesures, à la fois de simplification des procédures et de renforcement de la participation du public, ne soulèvent pas d’objection juridique ».

S’agissant de la suppression du rapport intermédiaire, le Conseil d’État a toutefois estimé que cette suppression n’avait pas fait l’objet d’une évaluation « tenant suffisamment compte des contraintes qu’est susceptible d’induire l’exploitation, prolongée pour une longue durée, de ces installations » et a donc suggéré de compléter l’étude d’impact sur ce point, par rapport à la version transmise initialement. Toutefois, cette mesure n’appelle pas « davantage d’objections d’ordre constitutionnel et conventionnel ».

Devant le Conseil national de la transition écologique, les dispositions sur la poursuite du fonctionnement des réacteurs ont fait l’objet d’avis partagés. S’il est souligné qu’une « démarche de formation, d’appropriation et de culture du risque » est importante sur un tel sujet et que les rôles de l’Autorité de sûreté nucléaire, d’une part, et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, d’autre part, sont fondamentaux :

– certains ont défendu la nécessité de prolonger la durée d’exploitation réacteurs sous contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire, car cette prolongation contribue à décarboner le mix énergétique de notre pays et à réduire sa dépendance aux énergies fossiles ;

– d’autres ont attiré l’attention sur les coûts d’investissement et de maintenance induits, ainsi que sur les atteintes à la biodiversité et les risques pour la sûreté nucléaire inhérents à la prolongation de la durée d’exploitation.

6.   Les conséquences sur la sûreté nucléaire

Le ministère de la transition énergétique a rappelé à votre rapporteure que l’article 9 du projet de loi « vise à améliorer l’articulation des procédures instruites dans le cadre du réexamen » et qu’il ne modifie en rien les exigences applicables aux installations.

Les raisons de la suppression du rapport intermédiaire à cinq ans ont été rappelées précédemment, notamment l’absence de valeur ajoutée d’un tel rapport pour la maîtrise de l’état des installations.

B.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   En commission

En commission, le Sénat a adopté l’amendement COM-34 du rapporteur Daniel Gremillet. Cet amendement :

– précise que l’enquête publique porte sur le rapport de réexamen, qui comporte les conclusions et les dispositions proposées par l’exploitant, ce qui renforce la lisibilité du nouveau périmètre d’une telle enquête ;

– précise que celle-ci est réalisée en application du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement et de l’article L. 593-9 du même code ;

– réintroduit le rapport intermédiaire à cinq ans, en modifiant néanmoins son périmètre : il n’est plus indiqué que ce rapport porte sur l’état des équipements importants, mais qu’il porte sur la mise en œuvre des prescriptions effectuées par l’Autorité de sûreté nucléaire en application de l’article L. 593-10 (prescriptions pour l’application du décret d’autorisation de création) ;

– précise que lorsqu’une modification est soumise à déclaration, dans le cadre d’un réexamen périodique, une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire doit dresser la liste des modifications susceptibles d’être soumises à une telle procédure. Il précise également que l’Autorité peut assortir toute modification soumise à déclaration de prescriptions complémentaires ;

– apporte des corrections rédactionnelles.

2.   En séance publique

En séance publique, les sénateurs ont adopté trois amendements du rapporteur de la commission des affaires économiques Daniel Gremillet :

– l’amendement n° 130, avec avis favorable du Gouvernement, précise que les dispositions législatives applicables à l’enquête publique s’entendent « sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires », car il y a bien des spécificités à ce type d’enquête ;

– l’amendement n° 131, avec avis favorable du Gouvernement, indique que le rapport intermédiaire doit porter sur les prescriptions fixées par l’Autorité de sûreté nucléaire à l’issue du réexamen périodique – et non sur celles fixées à l’occasion du décret d’autorisation de création ;

– l’amendement n° 132, avec avis favorable du Gouvernement, apporte des améliorations rédactionnelles.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements permettant de clarifier la rédaction de l’article 9, en revenant à une version plus proche du texte déposé par le Gouvernement.

Les amendements identiques CE627 de la rapporteure, CE664 de la rapporteure pour avis Christine Decodts et CE42 de M. Bovet (RN), adoptés avec avis favorable du Gouvernement, suppriment la référence aux dispositions législatives et réglementaires relatives aux modalités de l’enquête publique qui a lieu lors du réexamen au-delà de la 35ème année de fonctionnement d’une INB. Les dispositions législatives visées ne permettent pas de tenir compte des spécificités applicables à une telle enquête publique, qui s’inscrit dans le cadre d’une procédure de réexamen et non dans le cadre d’une procédure d’autorisation. De plus, aucune adaptation réglementaire ne doit être réalisée.

Les amendements identiques CE628 de la rapporteure et CE240 de M. Daubié (Dem) rétablissent la suppression du rapport intermédiaire à 5 ans, qui figurait dans le projet de loi initial. Ce réexamen à 5 ans s’accorde mal avec le calendrier décennal des réexamens périodiques. De plus, il n’apporte pas de garanties supplémentaires en matière de sûreté nucléaire, étant donné que l’ASN peut, à tout moment, prendre les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593 1 du code de l’environnement et doit assurer le suivi de ces prescriptions dans le temps.

L’amendement CE629 de la rapporteure, a été adopté avec avis favorable du Gouvernement. Il clarifie la rédaction du dernier alinéa de l’article 9 pour préciser que le régime juridique applicable aux modifications effectuées dans le cadre des réexamens périodiques est celui prévu aux articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l’environnement : déclaration ou autorisation, selon l’importance de la modification. Les précisions apportées par le Sénat à ce dernier alinéa de l’article 9 n’apparaissent pas nécessaires :

– il n’est pas utile de préciser à nouveau que l’ASN peut demander des prescriptions complémentaires à l’exploitant dans le cadre des réexamens périodiques, puisque de telles prescriptions peuvent être demandées à tout moment ;

– l’article R. 593‑59 du code de l’environnement dispose déjà que l’ASN fixe, par une décision, la liste des modifications notables pouvant être soumises à déclaration.

Enfin, les amendement CE627 et CE592 de la rapporteure, adoptés avec avis favorable du Gouvernement, opèrent des modifications d’ordre rédactionnel.

 

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Article 9 bis
Prise en compte des conséquences du changement climatique
et de la cybersécurité dans les dispositions législatives applicables
aux installations nucléaires de base

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article inclut le dérèglement climatique et ses conséquences dans les éléments qui doivent être pris en compte tant dans l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base que lors des réexamens périodiques. Il intègre également la cybersécurité dans les spécifications qui peuvent compléter les autorisations ou les déclarations applicables aux activités nucléaires.

La commission a supprimé les dispositions de l’article spécifiques à la prise en compte du changement climatique dans le cadre des démonstrations de sûreté, ainsi que celles relatives à la cybersécurité, ces dispositions étant satisfaites par le droit en vigueur.

I.   l’État du droit

A.   La prise en compte de la résilience au changement climatique dans les procédures applicables aux installations nucléaires de base

Le changement climatique et ses conséquences doivent être pris en compte lors de la création et du fonctionnement d’une installation nucléaire de base.

1.   Les dispositions législatives

L’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB) ne peut être délivrée que si, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, l’exploitant démontre que l’ensemble des dispositions prises ou envisagées relatives à cette installation préviennent ou limitent de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement (art. L. 593-7 du code de l’environnement).

S’agissant du réexamen décennal de sûreté, celui-ci doit faire état de la situation de l’installation et des risques qu’elle présente pour ces mêmes intérêts (art. L. 593-18 du code de l’environnement). Le ministère de la transition énergétique et l’Autorité de sûreté nucléaire rappellent également que « le régime des INB impose de réexaminer, tous les dix ans, l’état des connaissances concernant les risques et inconvénients que présente l’installation. Cela incluait déjà le changement climatique, qui a des conséquences sur plusieurs agressions externes (inondation, grand chaud…) et sur l’impact environnemental lié au fonctionnement de l’installation. Pour les nouvelles installations, l’exploitant doit établir sa démonstration de sûreté en prenant en compte l’évolution climatique sur la durée de vie qu’il envisage (60 ans pour les réacteurs de type EPR 2) ».

2.   Les dispositions réglementaires

L’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base définit ce qu’est une « démonstration de sûreté nucléaire » et cette définition intègre un ensemble de considérations liées à l’environnement : cette démonstration est constituée de l’« ensemble des éléments contenus ou utilisés dans le rapport préliminaire de sûreté et les rapports de sûreté (…) et participant à la démonstration mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 593-7 du code de l’environnement, qui justifient que les risques d’accident, radiologiques ou non, et l’ampleur de leurs conséquences sont, compte tenu de l’état des connaissances, des pratiques et de la vulnérabilité de l’environnement de l’installation, aussi faibles que possible dans des conditions économiques acceptables ».

L’article 3.6 de ce même arrêté dresse la liste des agressions externes à prendre en compte dans la démonstration de sûreté nucléaire, parmi lesquelles figurent plusieurs risques naturels comme les séismes, la foudre et les interférences électromagnétiques, des conditions météorologiques ou climatiques extrêmes, les incendies ou les inondations.

Par ailleurs, dans l’étude d’impact qui accompagne la demande d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base, doit figurer la description des incidences que celle-ci est susceptible d’avoir sur l’environnement. Cette étude d’impact doit également prendre en compte les variations saisonnières et climatiques (art.  R. 593-17 du code de l’environnement).

3.   Les guides et avis de l’Autorité de sûreté nucléaire

Le guide n° 22 ([124]) de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui porte sur la conception des réacteurs à eau sous pression, détaille les différentes réglementations à respecter lors de la construction de ces réacteurs, s’agissant en particulier des agressions externes.

Par ailleurs, un avis de l’Autorité en date du 4 mai 2018 ([125]) et portant sur les sujets de recherche à approfondir en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, rappelle que, dans le domaine des agressions naturelles externes, « une plus grande priorité est accordée aux recherches sur les séismes, les inondations et les impacts du changement climatique, ce qui est approprié ». Il recommande que les recherches soient approfondies sur l’impact potentiel du changement climatique sur les risques naturels tels que les vagues de chaleur, les cyclones, les tornades et les ondes de tempête.

Les conséquences du changement climatique sont donc prises en compte dans la réglementation applicable aux installations nucléaires de base, tant dans ses volets législatif et réglementaire que par l’Autorité de sûreté nucléaire dans le cadre de ses missions.

B.   la cybersécurité

Les articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-6 du code de la défense détaillent les dispositions relatives à la sécurité des systèmes d’information applicables à certains opérateurs stratégiques. En application de l’article L. 1332-2 du code de la défense, les obligations prescrites aux opérateurs stratégiques peuvent être étendues à des établissements comprenant une installation nucléaire de base, quand la destruction ou l’avarie de certaines installations de ces établissements peut présenter un grave danger pour la population ([126]). Ces règles peuvent prescrire la mise en œuvre « de systèmes qualifiés de détection des événements susceptibles d’affecter la sécurité [des] systèmes d’information ».

L’article R. 1333-14 du code de la défense dispose, de surcroît, que les exploitants de sites nucléaires hors politique de dissuasion doivent mettre en œuvre des mesures permettant d’assurer la sécurité de l’activité nucléaire, dont la sécurité des systèmes d’information.

II.   Le dispositif proposé par le sénat

A.   en commission

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté l’amendement COM-40 du rapporteur Daniel Gremillet. Il vise, d’une part, à renforcer la prise en compte des conséquences du changement climatique dans le cadre juridique applicable aux installations nucléaires de base et, d’autre part, à renforcer la cybersécurité de ces installations.

Cet amendement est issu des travaux de la mission d’information sénatoriale sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone de juillet 2022 ([127]).

1.   La prise en compte des conséquences du changement climatique

L’amendement COM-40 précise que les connaissances et techniques du moment dont il est tenu compte pour la délivrance d’une autorisation de création d’une installation nucléaire de base doivent inclure celles sur le changement climatique et ses effets. De même, pour les réexamens périodiques, l’évolution des connaissances prises en compte pour ce réexamen doit inclure les connaissances sur le dérèglement climatique et ses effets.

Au titre des démonstrations de sûreté qui doivent être présentées pour l’autorisation de création et pour le réexamen périodique, l’amendement prévoit :

– que cette démonstration doit tenir compte des conséquences du changement climatique « sur la nature, l’intensité et le cumul des agressions internes et externes à prendre en considération » ;

– que cette démonstration doit notamment porter sur l’opérabilité des équipements en cas de conditions météorologiques et climatiques extrêmes et d’inondations.

Sur ce dernier point, le ministère de la transition énergétique et l’Autorité de sûreté nucléaire font observer que « l’ensemble des équipements importants pour la sûreté n’a pas vocation à être opérable en situations extrêmes, mais seulement ceux qui ont un rôle à jouer en de telles situations ».

2.   La prise en compte de la cybersécurité

L’amendement COM-40 modifie également le deuxième alinéa de l’article L. 1333-3 du code de la défense, en y ajoutant que la cybersécurité fait partie des spécifications qui peuvent être prescrites aux activités nucléaires mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants telles que définies au dernier alinéa de l’article L. 1333-1 ([128]), pour ce qui concerne la protection contre les actes de malveillance.

Le dispositif proposé, dans sa rédaction actuelle, aboutit à ce que la prise en compte de la cybersécurité ne s’applique pas, en réalité, aux installations nucléaires de base proprement dites, mais aux activités nucléaires émettant des rayonnements ionisants et localisées sur les sites de telles installations. Cela pourrait concerner, par exemple, un gammagraphe ([129]).

B.   en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement n° 133, avec avis favorable du Gouvernement. Outre qu’il apporte des améliorations rédactionnelles, cet amendement précise que la démonstration de sûreté doit porter notamment sur l’opérabilité des équipements destinés à protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté les amendements CE642 et CE661 du Gouvernement, avec avis favorable de la rapporteure, qui renvoient à la notion de « changement climatique » plutôt que de « dérèglement climatique » à l’article 9 bis.

Les amendements identiques CE561 du Gouvernement et CE630 de la rapporteure suppriment les alinéas 4 et 7 de l’article, qui précisent comment doivent être prises en compte les conséquences du changement climatique dans les démonstrations de sûreté, tant lors de l’autorisation de création que lors des réexamens périodiques. Comme cela a été rappelé supra, ces aspects sont largement pris en compte et décrits avec précision dans l’arrêté INB du 7 février 2012.

Enfin, les amendements identiques CE667 de la rapporteure pour avis Christine Decodts, CE374 de M. Albertini (HOR) et CE523 de M. Bothorel (RE) ont été adoptés avec un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement. Ils suppriment les dispositions relatives à la cybersécurité, celle-ci étant elle aussi déjà prises en compte dans la réglementation actuelle et ne visant pas directement les centrales nucléaires proprement dites (voir supra).

 

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Article 9 ter
Dispense d’autorisation d’urbanisme pour les travaux portant sur les installations nucléaires de base existantes et leurs équipements

 

Supprimé par la commission

 

Cet article permet de faire bénéficier les installations nucléaires de base existantes des mesures prévues à l’article 3 du présent projet de loi, concernant la dispense d’autorisation d’urbanisme. Il est prévu qu’une telle dispense s’applique pour une durée de vingt ans.

L’article 9 ter a été supprimé par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

I.   l’État du droit

A.   le régime des autorisations d’urbanisme applicable aux installations nucléaires de base

Ce régime est présenté de manière détaillée dans le commentaire de l’article 3 du présent projet de loi.

B.   Le régime d’autorisation des modifications applicable aux installations nucléaires de base

Après qu’une installation nucléaire de base a été mise en service, celle-ci peut nécessiter des modifications qui appellent, selon leur importance, une nouvelle autorisation ou une simple déclaration :

– lorsque la modification opérée présente un caractère substantiel, l’article L. 593-14 du code de l’environnement prévoit qu’une nouvelle autorisation est requise et accordée dans les mêmes conditions que le décret d’autorisation de création. Ce caractère substantiel est apprécié selon des critères fixés par voie réglementaire ;

– lorsqu’il s’agit d’une modification notable, l’article L. 593-15 du code de l’environnement prévoit que celle-ci est alors soumise à autorisation de l’Autorité de sûreté nucléaire ou simplement à déclaration auprès de cette même autorité.

II.   Le dispositif proposé par le sénat

A.   En commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement COM-56 de son rapporteur Daniel Gremillet. Cet amendement vise à appliquer le régime de dispense d’autorisation d’urbanisme, prévu à l’article 3 du présent projet de loi pour les projets de réacteur électronucléaire, aux réacteurs nucléaires existants.

Ce régime est naturellement adapté, en tant que de besoin, afin de tenir compte de la situation des réacteurs déjà construits :

– les constructions, aménagements, installations et travaux effectués sur les installations existantes et nécessaires à leur fonctionnement sont dispensés d’autorisation d’urbanisme ;

– la conformité à ces règles sera néanmoins vérifiée par le ministre chargé de l’urbanisme. Dans le cas d’une modification notable, qui est autorisée par l’Autorité de sûreté nucléaire ou soumise à déclaration auprès de celle-ci, il est précisé que cette Autorité doit recueillir l’avis du ministre chargé de l’urbanisme avant de statuer ;

– les dispositions fiscales prévues au II de l’article 3 sont applicables, avec une précision concernant le fait générateur de la taxe d’aménagement : en l’espèce, le fait générateur sera constitué par l’autorisation de modification, et non par l’autorisation de création du réacteur ou l’autorisation environnementale.

Le régime dérogatoire prévu par ce nouvel article 9 ter est applicable aux travaux dont l’autorisation de modification est délivrée dans les vingt ans qui suivent la publication de la loi. Pour rappel, la commission des affaires économiques du Sénat avait également choisi une durée de vingt ans pour l’application des dispositions du titre Ier du présent projet de loi, durée portée à vingt-sept ans en séance publique.

B.   En séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’amendement de précision juridique n° 134 du rapporteur Daniel Gremillet, avec avis favorable du Gouvernement.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a supprimé l’article 9 ter en adoptant les amendements identiques CE631 de la rapporteure, CE308 de M. Bex (LFI-Nupes), CE336 de Mme Belluco (Écolo-Nupes) et CE496 de Mme Meynier-Millefert (RE).

Après échange avec les acteurs concernés, la rapporteure a souligné que l’état actuel du droit apparaît satisfaisant. Prévoir un tel régime spécifique pourrait même être facteur de ralentissements injustifiés, en particulier en renvoyant vers une compétence ministérielle plutôt que préfectorale pour la vérification de la conformité et en prévoyant un avis conforme du ministre chargé de l’urbanisme sur la demande d’autorisation.

 

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Article 10
Suppression de l’automaticité de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article supprime la règle de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base, qui s’applique lorsque cette installation a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. L’Autorité de sûreté nucléaire pourra cependant ordonner la mise à l’arrêt définitif de cette installation.

I.   l’État du droit

A.   Le Cadre applicable à la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base

Le décret d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB) ne fixe pas de durée maximale d’exploitation de celle-ci. La demande de mise à l’arrêt revient donc à l’exploitant, qui doit adresser à cette fin une déclaration au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l’Autorité de sûreté nucléaire ([130]). Cette déclaration, qui doit intervenir deux ans au moins avant la date d’arrêt prévue, est mise à la disposition du public par voie électronique et portée à la connaissance de la commission locale d’information concernée.

L’installation demeure soumise aux dispositions de son autorisation de création et aux prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire jusqu’à l’entrée en vigueur du décret de démantèlement.

Par ailleurs, un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire peut aussi ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base et son démantèlement si celle-ci présente « pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 [sécurité, santé et salubrité publiques ou protection de la nature et de l’environnement], des risques graves que les mesures prévues par le présent chapitre [relatif aux INB] et le chapitre VI [contrôle et sanctions] ne sont pas de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante » ([131]).

Par ailleurs, l’article L. 593-21 permet au ministre chargé de la sûreté nucléaire de suspendre le fonctionnement d’une installation nucléaire de base présentant des risques graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. Sauf cas d’urgence, l’Autorité de sûreté nucléaire doit donner son avis et l’exploitant doit pouvoir présenter ses observations sur cette suspension. L’article L. 593-22 octroie, quant à lui, directement à l’Autorité le pouvoir de suspendre une installation, à titre provisoire et conservatoire, en cas de risques graves et imminents.

Il convient également de rappeler que l’article L. 596-11 du code de l’environnement prévoit qu’est puni de trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende le fait de faire fonctionner une installation nucléaire de base après sa date d’arrêt définitif.

B.   La Mise à l’arrêt automatique d’une Installation nucléaire de base après deux ans d’inactivité

L’article L. 593-24 du code de l’environnement prévoit que l’arrêt d’une installation nucléaire de base est définitif si celle-ci a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans : à l’issue de cette période, l’exploitant ne peut donc plus la faire fonctionner.

Cet exploitant doit alors souscrire la déclaration de mise à l’arrêt prévue à l’article L. 593-26 dans les meilleurs délais, la porter à la connaissance de la commission locale d’information et la mettre à disposition du public par voie électronique.

L’installation nucléaire de base demeure néanmoins soumise aux dispositions de son autorisation et aux prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire jusqu’à l’entrée en vigueur du décret de démantèlement.

La sanction encourue par l’exploitant de l’installation nucléaire de base qui continuerait à faire fonctionner son installation après sa mise à l’arrêt est la même que celle mentionnée précédemment (trois ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende).

Il est toutefois possible de proroger la durée d’inactivité entraînant la mise à l’arrêt automatique de trois ans au plus. Cette prorogation, autorisée par arrêté motivé du ministre chargé de la sûreté nucléaire pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, doit être sollicitée par l’exploitant. L’article R. 593-74 du code de l’environnement précise dans quels cas et selon quels délais précis une telle dérogation peut être accordée, qui dépend notamment de la nature imprévisible des événements rencontrés par l’exploitant au cours de l’arrêt de l’installation nucléaire de base.

C.   le retour d’expérience de mises à l’arrêt approchant l’échéance des deux ans a montré des difficultés liées à l’application des dispositions législatives en vigueur

Au cours des dernières années, plusieurs arrêts d’installation nucléaire de base ont donné lieu à la constitution de dossiers de demande de prolongation du délai de deux ans, afin d’éviter une mise à l’arrêt définitif automatique et sans que, selon l’étude d’impact, il y ait de doute sur la volonté et la capacité de l’exploitant de remettre au plus vite son installation en service.

L’instruction du dossier mobilise un ensemble de services, alors qu’il n’est parfois finalement pas nécessaire de procéder à cette prolongation. Les situations recensées, qui sont présentées exhaustivement dans le rapport du Sénat sur le présent projet de loi ([132]), concernent les trois réacteurs suivants :

– Paluel 2, arrêté du 16 mai 2015 au 24 septembre 2018 (chute d’un générateur de vapeur). Dans ce cas précis, un arrêté ([133]) a été pris pour permettre la prolongation de la mise à l’arrêt ;

– Bugey 5, arrêté du 29 août 2015 au 23 juillet 2017 (aléas mineurs lors du redémarrage du réacteur, après des travaux sur un défaut d’étanchéité dans l’enceinte de confinement) ;

– Flamanville 2, arrêté du 10 janvier 2019 au 12 décembre 2020 (détection d’écarts de conformité).

Dans les deux derniers cas, le dossier de demande de prorogation n’est pas allé au terme de l’instruction, les réacteurs ayant pu redémarrer avant l’échéance des deux ans.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le texte initial du projet de loi

1.   Le dispositif

Le présent projet de loi modifie la rédaction de l’article L. 593-24 du code de l’environnement, afin de ne pas rendre automatique l’arrêt d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans.

Il est désormais prévu qu’un décret, pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, puisse ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base dès lors qu’elle a cessé de fonctionner pendant une telle durée. L’exploitant doit avoir été mis à même présenter ses observations, le cas échéant.

L’étude d’impact annexée au projet de loi considère en effet qu’il est inutile de prévoir une mise à l’arrêt automatique dans une situation où les causes de cet arrêt ne seraient pas de nature à remettre en cause la sûreté du fonctionnement de l’installation nucléaire de base. Accessoirement, l’absence d’automaticité de la mise à l’arrêt évitera la mobilisation de moyens tant pour la constitution du dossier de demande de prorogation que pour l’instruction de celui-ci par les services de l’État.

À compter de la date de notification du décret, l’exploitant ne pourra plus faire fonctionner l’installation nucléaire et devra souscrire la déclaration de mise à l’arrêt prévue à l’article L. 593-26 du code de l’environnement dans les meilleurs délais. Comme il est déjà prévu par le droit en vigueur, l’exploitant devra porter cette déclaration à la connaissance de la commission locale d’information et la mettre à disposition du public par voie électronique.

2.   Les avis du Conseil d’État et du Conseil national de la transition écologique

Le Conseil d’État considère que la mesure prévue à l’article 10 du projet de loi, destinée à améliorer la gestion des arrêts prolongés ou successifs d’exploitation des installations nucléaires de base, ne soulève pas d’objection juridique.

Le Conseil national de la transition écologique n’a pas non plus formulé de remarque particulière sur cet article, au-delà de son analyse générale de la poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires évoquée dans le commentaire de l’article 9 du projet de loi.

3.   Les conséquences sur la sûreté nucléaire

Le ministère de la transition énergétique souligne que l’introduction d’une telle disposition ne porte pas atteinte à la sûreté des installations nucléaires de base : « L’Autorité de sûreté nucléaire contrôle de toute manière ces INB et est en mesure de demander l’arrêt d’une installation à tout moment (article L. 593-22 du code de l’environnement) s’il apparaît qu’elle présente des risques pour l’environnement ».

B.   Les modifications apportées par le Sénat

1.   En commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE-30 de son rapporteur Daniel Gremillet. Cet amendement :

– prévoit que le décret ordonnant la mise à l’arrêté définitif de l’installation doit être un décret en Conseil d’État et non un décret simple ;

– précise qu’une telle mise à l’arrêt doit intervenir dans l’objectif de protéger les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ;

– permet, en cas d’urgence, que l’exploitant puisse ne pas être mis à même de présenter ses observations sur la mise à l’arrêt définitif ;

– opère plusieurs ajustements rédactionnels, nombre d’entre eux ayant été proposés afin d’aligner la rédaction de l’article sur les autres dispositions existant dans le code de l’environnement en matière de mise à l’arrêt d’une installation nucléaire de base.

2.   En séance publique

L’article 10 a été adopté sans modification en séance publique au Sénat.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a adopté deux amendements rédactionnels CE541 et CE646 de la rapporteure, qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement.

Elle a par ailleurs adopté l’amendement CE526 du Gouvernement, avec avis favorable de la rapporteure. Cet amendement permet à l’exploitant d’être à même de présenter ses observations lorsque la mise à l’arrêt définitif de son installation après deux ans d’inactivité lui est ordonnée, y compris en cas d’urgence. Il ne s’agit pas d’une mise à l’arrêt répondant à l’existence d’une menace imminente et il est donc logique de laisser à l’exploitant le temps nécessaire pour faire de telles observations.

 

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titre iii
DISPOSITIONS DIVERSES

Article 11
Ratification de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article ratifie l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, prise sur le fondement de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Composée de 51 articles répartis en quatre chapitres, cette ordonnance comprend des dispositions relatives à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, à la sûreté nucléaire, à la transparence et aux installations nucléaires de base, aux activités nucléaires relevant du code de la santé publique et aux contrôles et sanctions relatifs à la protection des matières nucléaires.

I.   l’État du droit

A.   Les ordonnances prévues par la loi de transition ÉnergÉtique pour la croissance verte

L’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire a été prise sur le fondement d’habilitations accordées par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV ».

● Le VI de l’article 123 de la loi TECV prévoit une ordonnance pour :

– étendre le champ d’application de certaines informations et déclarations prévues par le code de l’environnement à l’ensemble des intérêts protégés au titre de l’article L. 593-1 code de l’environnement (sécurité, santé et salubrité publiques ou protection de la nature et de l’environnement) ;

– créer un régime de servitudes d’utilité publique pour des ouvrages qui pourraient exposer les personnes aux effets nocifs des rayonnements ionisants.

● L’article 128 prévoit une ordonnance pour :

– renforcer l’efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection ;

– aménager les compétences, attributions et pouvoirs de l’Autorité de sûreté nucléaire à diverses fins ;

– compléter la transposition de certaines directives européennes pour ce qui concerne les installations nucléaires de base ([134]) et en transposer d’autres ([135])  ;

– instituer un dispositif de contrôle et de sanction gradués applicable aux matières et installations nucléaires, dans le code de la défense ;

– soumettre les responsables d’activités nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1 du code de la santé publique à l’obligation de prendre des mesures de protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance, et en confier le contrôle à l’Autorité de sûreté nucléaire ou à d’autres autorités administratives, selon les cas.

● L’article 129 de la loi TECV renvoie à une ordonnance pour :

– transposer une directive sur les déchets radioactifs ([136]) ;

– définir une procédure de requalification des matières en déchets radioactifs par l’autorité administrative ;

– renforcer les sanctions administratives et pénales applicables en matière de déchets radioactifs et de combustible usé.

Un projet de loi de ratification de l’ordonnance a été déposé le 27 avril 2016 au Sénat ([137]).

B.   Les principales dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016

L’ordonnance n° 2016-128 précitée compte 51 articles répartis en quatre chapitres. Les développements ci-dessous se concentrent sur certaines dispositions seulement de cette ordonnance, une description plus complète figurant dans le rapport de présentation de celle-ci ([138]).

1.   Chapitre Ier : gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs (articles 1er à 17)

Parmi les dispositions prévues par le chapitre Ier de l’ordonnance figurent :

– la responsabilité de l’État, en premier et dernier ressort, dans la gestion du combustible et des déchets radioactifs. L’État peut charger l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) de la gestion de ces substances en cas de défaillance des responsables (art. 4) ;

– des précisions sur la définition des déchets radioactifs et sur le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (art. 5 et 6) ;

– le principe d’autorisation et de consentement pour le transfert de combustible usé ou de déchets radioactifs entre États, ainsi que des dispositions relatives au principe d’interdiction de stockage de déchets radioactifs étrangers en France (art. 7 et 8) ;

– l’obligation de stocker sur le territoire national des déchets radioactifs produits sur le territoire national (art. 11) ;

– la possibilité pour l’autorité administrative, après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire, de requalifier les substances radioactives en déchets radioactifs ou de lever cette qualification (art. 14) ;

– la modification de dispositions relatives à l’obligation de constitution d’actifs pour les installations nucléaires de base, afin de mieux prévoir les charges liées à la gestion des déchets radioactifs (art. 15).

2.   Chapitre II : sûreté nucléaire, transparence et installations nucléaires de base (articles 18 à 36)

Le chapitre II comprend des dispositions relatives :

– à l’amélioration des informations portées à la connaissance des citoyens en matière nucléaire. Celles-ci ne portent pas seulement sur la sûreté, mais également sur l’ensemble des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement (art. 19) ;

– aux pouvoirs et missions de l’Autorité de sûreté nucléaire et précisant ses compétences, notamment en matière d’information du public et de transparence. Une commission des sanctions est instituée au sein de l’Autorité, permettant de respecter le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. Cette commission est chargée de prononcer les éventuelles sanctions administratives pécuniaires (art. 21 à 23) ;

– aux installations nucléaires de base, notamment aux réexamens périodiques (art. 24 à 29) ;

– aux pouvoirs de sanction et de contrôle gradués confiés à l’Autorité de sûreté nucléaire et à ses inspecteurs, avec notamment la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires (art. 34).

3.   Chapitre III : activités nucléaires relevant du code de la santé publique (articles 37 à 43)

Le chapitre III de l’ordonnance prévoit notamment :

– que les activités mettant en œuvre des sources de rayonnement ionisant d’origine naturelle, dès lors qu’elles conduisent à des expositions significatives, sont considérées comme des activités nucléaires. Plusieurs dispositions issues de la transposition de directives permettent d’améliorer la radioprotection. Une approche plus graduée du contrôle est introduite pour le régime encadrant les activités nucléaires. Le régime de servitudes d’utilité publique mentionné à l’article 123 de la loi TECV est créé (art. 38) ;

– l’intégration de la gestion du risque lié au radon dans les politiques environnementales relatives à l’amélioration de la qualité de l’air intérieur et à l’information préventive des populations sur les risques naturels (art. 40).

4.   Chapitre IV : contrôle et sanction gradués des dispositions relatives à la protection des matières nucléaires (articles 44 à 50)

Le chapitre IV de l’ordonnance comporte des dispositions relatives aux matières nucléaires. Ces matières pourraient être utilisées pour fabriquer des bombes nucléaires ; aussi, les dispositions afférentes à ces matières ont pour but de lutter contre la prolifération nucléaire et on retrouve parmi ces articles :

– plusieurs précisions sur le régime juridique applicable, un cadre de sanctions graduées (art. 47) ainsi que des précisions sur les agents chargés du contrôle (art. 50) ;

– l’adaptation des montants maximaux de sanction administrative au contexte de la sûreté nucléaire (art. 48) et l’adaptation des sanctions pénales existantes (art. 50).

II.   Le dispositif proposÉ

A.   Le texte initial

L’article 11 du projet de loi déposé par le Gouvernement prévoyait la ratification de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, sans y apporter de modifications.

B.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

1.   En commission

La commission des affaires économiques du Sénat a adopté l’amendement COM-29 de son rapporteur Daniel Gremillet, qui apporte plusieurs corrections au contenu de l’ordonnance à la suite d’observations de l’Autorité de sûreté nucléaire et d’EDF.

À l’article L. 592-41 du code de l’environnement, l’amendement précise que la commission des sanctions de l’ASN peut prononcer des amendes administratives d’un montant inférieur ou égal à 15 000 €, assorties, le cas échéant, d’une astreinte, en application de l’article L. 557-58 du même code. L’amendement procède également à des ajustements rédactionnels à cet article et assure les coordinations nécessaires à l’article L. 596-4 du même code.

L’amendement corrige une erreur rédactionnelle à l’article L. 593-4 du code de l’environnement.

À l’article L. 593-20 du code de l’environnement, qui permet à l’Autorité de sûreté nucléaire d’ordonner des prescriptions en cas de menace pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1, l’amendement précise que l’Autorité communique ces prescriptions au ministre chargé de la sécurité nucléaire. La rédaction actuelle présente en effet une ambiguïté, qui ferait porter cette obligation de communication sur les observations que peut faire l’exploitant sur de telles prescriptions.

L’amendement COM-29 modifie également une référence à l’article L. 1337-1‑1 du code de la santé publique sur la constatation, par les inspecteurs de la radioprotection de l’Autorité de sûreté nucléaire, d’infractions aux dispositions relatives à la prévention des risques associés aux rayonnements ionisants prévues par le code du travail.

2.   En séance publique

Cet article a été adopté sans modification en séance publique.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable de la rapporteure, deux amendements CE580 et CE597, présentés par le Gouvernement, apportant des corrections relatives au fonctionnement de la commission des sanctions de l’ASN. Ces corrections concernent les règles de déontologie que les membres de la commission des sanctions doivent respecter ainsi que les délais applicables pour prononcer les sanctions.

 

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Article 11 bis (nouveau)
Transfert de missions exercées par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à l’Autorité de sûreté nucléaire

 

Introduit par la commission

 

Cet article confie de nouvelles missions à l’ASN, aujourd’hui exercées par l’IRSN, dans la perspective, annoncée par le Gouvernement, de rapprochement de ces deux institutions. Ces dispositions entreront en vigueur de manière différée, et au plus tard le 1er juillet 2024.

I.   l’État du droit

Se reporter au commentaire de l’article 9 A du présent projet de loi.

II.   les modifications apportées par la commission

L’article 11 bis résulte de l’adoption de l’amendement CE602 du Gouvernement, adopté avec un avis favorable de la rapporteure. Il constitue, avec l’article 11 ter, le premier volet – législatif – de la réforme visant à rapprocher l’ASN et l’IRSN.

Le II de l’article prévoit que les mesures présentées ci-après entreront en vigueur de manière différée, à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2024.

Par ailleurs, le III de l’article, issu de l’adoption du sous-amendement CE684 de M. Marleix (LR) avec double avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les conséquences de la fusion sur le système de contrôle de radioprotection et de sûreté nucléaire compte tenu des nouvelles missions confiées à l’ASN.

A.   De nouvelles missions, auparavant exercées par l’irsn, sont confiées à l’ASN

Le 1° du I de l’article 11 bis ([139]) confie de nouvelles missions à l’ASN, aujourd’hui exercées par l’IRSN :

– il crée un nouvel article L. 592-1-1 dans le code de l’environnement, qui reprend certaines des dispositions de l’article L. 592-45 du même code. Il dispose ainsi que l’ASN exercera des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Pour la radioprotection cela inclut des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique. À noter que la rédaction de l’article L. 592-45 était plus large s’agissant des missions de l’IRSN, puisqu’il est évoqué des missions d’expertise et de recherche « dans le domaine de la sécurité nucléaire » dans son ensemble. L’article L. 592-1-1 reprend aussi, à droit constant, des dispositions de l’article L. 592-3-1 du code de l’environnement sur le rôle de l’ASN en matière de recherche : en conséquence, le 6° du I de l’article 11 bis abroge ce même article L. 592-31-1;

– le nouvel article L. 592-1-2 du code de l’environnement, qui reprend des dispositions de l’article L. 592-46-1 du même code, prévoit les modalités d’accès des agents de l’ASN aux données concernant des tiers en cas de situation d’exposition potentielle ou avérée aux rayonnements ionisants ;

– l’article L. 592-1-3 du même code reprend la substance de l’article L. 592‑48, qui impose aux agents de ne pas divulguer les informations liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès.

B.   le statut du personnel de l’asn

Le 2° du I de l’article 11 bis modifie la rédaction de l’article L. 592-12 du code de l’environnement, afin de permettre à l’ASN d’employer du personnel au moyen de différents types de contrats ou sous différents statuts :

– des fonctionnaires, dans une position conforme à leur statut ;

– des agents d’établissements publics mis à disposition auprès d’elle ;

– des agents contractuels de droit public ;

– des agents contractuels de droit privé.

Pour justifier ce choix, l’exposé sommaire de l’amendement du Gouvernement évoque le précédent de la transformation de l’établissement public industriel et commercial Voies navigables de France en établissement public administratif ([140]).

Le 3° du I instaure un comité social d’administration pour le personnel de l’ASN. Ce comité doit permettre de représenter à la fois les agents de droit public et de droit privé, tant dans sa composition que dans ses modalités de fonctionnement.

C.   La séparation des fonctions d’expertise et de décision

Le 4° du I de l’article 11 bis résulte de l’adoption des sous-amendements identiques CE689 de la rapporteure, CE672 de M. Henriet (RE) et CE693 de M. Lopez-Liguori (RN), avec avis favorable du Gouvernement. Il prévoit que le règlement intérieur de l’ASN détermine les conditions de séparation entre les missions d’expertise, d’une part, et la délibération des avis et décisions par le collège de l’ASN, d’autre part.

Ce sous-amendement résulte des recommandations formulées par l’OPECST ([141]) en conclusion de l’audition publique du 16 février 2023 sur la réforme de l’organisation et du contrôle et de la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection. Il doit permettre, selon les auteurs des amendements, « de garantir la séparation fonctionnelle entre les missions d’expertise et le mécanisme de décision au sein de l’ASN ».

D.   Les interactions de l’ASN avec les pouvoirs publics

Le 5° du I de l’article 11 bis modifie l’article L. 592-29 du code de l’environnement pour permettre que le Gouvernement, les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et de Sénat ou l’OPECST puissent demander à l’ASN des avis ou des études dans les domaines où elle mène des expertises ou de la recherche, en complément des demandes qu’ils peuvent déjà lui formuler sur les questions relevant de sa compétence.

Il est également prévu que l’ASN puisse apporter son appui technique au Gouvernement dans ses domaines d’expertise. Réciproquement, l’Autorité pourra requérir l’appui technique des services de l’État compétents pour l’exercice de telles expertises.

 

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Article 11 ter (nouveau)
Transfert des contrats de travail du personnel de l’IRSN à l’ASN

 

Introduit par la commission

 

Cet article prévoit les modalités de transfert des contrats de travail du personnel de l’IRSN ayant vocation à travailler à l’ASN.

I.   l’État du droit

A.   Le statut du personnel de l’ASN et de celui de l’IRSN

L’IRSN est un établissement public industriel et commercial (EPIC). Ses salariés relèvent donc de contrats de travail régis par le droit privé.

L’ASN est une autorité administrative indépendante (AAI), qui emploie 451 fonctionnaires ou agents contractuels et 68 agents mis à disposition par des établissements publics ([142]).

B.   Le transfert des contrats de travail en droit commun

Les articles L. 1224-1 à L. 1224-4 du code du travail régissent les dispositions applicables aux transferts des contrats de travail. En particulier, l’article L. 1224-3 de ce code prévoit, lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif par transfert de cette entité, qu’il « appartient » à cette personne publique de proposer aux salariés transférés un contrat de droit public en remplacement de leur contrat de droit privé.

Ce contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat de droit privé du salarié, en particulier celles concernant la rémunération. Si le salarié refuse le contrat ainsi proposé, son contrat prend fin de plein droit.

II.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

L’amendement CE610 du Gouvernement a été adopté avec un avis favorable de la rapporteure. Il organise le transfert des contrats de travail des salariés de l’IRSN ayant vocation à travailler à l’ASN.

Le I de l’article 11 ter prévoit le transfert des contrats de travail des salariés de l’IRSN et qui exercent les compétences nouvellement dévolues à l’ASN. Cette dernière ne disposant pas de la personnalité juridique, ces contrats sont transférés à l’État mais les salariés sont bien affectés à l’ASN pour leur gestion administrative, à compter de la date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article 11 bis, et ce sans changement de leur situation.

Le II de l’article prévoit que les salariés de l’IRSN ainsi affectés à l’ASN se voient proposer, à une date fixée par décret et au plus tard le 1er juillet 2025, un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles dont ils étaient titulaires, en application de l’article L. 1224-3 du code du travail. En revanche, par dérogation à ce même article L. 1224-3, ils peuvent opter pour le maintien leur contrat de droit privé ; auquel cas, un avenant devra être établi à ce contrat pour prévoir que l’ASN se substitue à l’IRSN comme employeur. Ce droit d’option pourra être exercé jusqu’à une date définie par décret et au plus tard le 31 décembre 2025.

 

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Article 12
Modification des règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article permet d’assurer une application effective des règles de parité au sein du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, alors que les prochaines désignations, en l’état actuel du droit, pourraient conduire à un déséquilibre de la représentation femmes-hommes.

I.   l’État du droit

Le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, autorité administrative indépendante, est composé de cinq membres, nommés pour six ans. Ce collège est renouvelé par moitié tous les trois ans, à l’exception de son président. Il lui appartient notamment de définir « la politique générale de l’ASN en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection », selon le site internet de l’Autorité ([143]).

Les modalités de composition du collège de l’ASN sont précisées à l’article L. 592-2 du code de l’environnement : trois membres sont désignés par le Président de la République, dont le président du collège, un membre est désigné par le président de l’Assemblée nationale et un membre est désigné par le président du Sénat.

Ces désignations doivent respecter les exigences de parité qui découlent de l’article 74 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et de l’ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prise sur son fondement. Ces exigences de parité trouvent ainsi à s’appliquer dans les autres autorités administratives indépendantes : il en est ainsi, par exemple, au sein du collège de la Commission de régulation de l’énergie (art. L. 132-2 du code de l’énergie).

L’article L. 592-2 précité dispose que, parmi les trois membres nommés par le Président de la République, l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes ne doit pas être supérieur à un. Pour les deux autres membres, le membre succédant à une femme doit être un homme et réciproquement.

II.   Le dispositif proposé par le sénat

A.   En commission

L’article 12 résulte de l’adoption de l’amendement COM-28 rect. de M. Bernard Buis (RDPI), auquel le rapporteur Daniel Gremillet a donné un avis de sagesse.

Compte tenu des renouvellements à venir parmi les membres du collège de l’ASN, ce dernier pourrait en effet ne plus être paritaire à brève échéance. En décembre 2023, le président du Sénat et le Président de la République doivent chacun désigner un membre. En application de l’article L. 592-2 du code de l’environnement, le président du Sénat doit désigner un homme. Or le Président de la République a également la faculté de désigner un homme ; si tel était le cas, il y aurait alors quatre hommes et une seule femme au sein du collège, jusqu’au mois de novembre 2024 au moins.

Composition du collège de l’ASN et dates de renouvellement de ses membres

Source : ASN

L’amendement COM-28 permet de maintenir une composition paritaire en modifiant les règles de désignation qui doivent être respectées par le Président de la République. Désormais, celui-ci devra désigner les membres relevant de son pouvoir de nomination de telle sorte qu’au sein des membres du collège, hors président, il y ait le même nombre d’hommes que de femmes.

B.   en séance publique

Cet article a été adopté sans modification en séance publique.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement rédactionnel CE539 de la rapporteure, avec avis favorable du Gouvernement.

 

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Article 13
Renforcement des sanctions applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires

 

Adopté avec modifications par la commission

 

Cet article renforce les sanctions applicables en cas de délit d’intrusion sur un site nucléaire, tant pour les personnes physiques que morales.

I.   l’État du droit

A.   les peines applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires

La gamme des sanctions applicables en cas d’intrusion sur un site nucléaire constitue une composante à part entière de la sécurité nucléaire, définie à l’article L. 591‑1 du code de l’environnement : la sécurité nucléaire comprend en effet la sûreté nucléaire, mais également la lutte contre les actes de malveillance.

Les articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-18 du code de la défense détaillent les sanctions pénales applicables en cas d’intrusion sur des sites nucléaires, à la fois pour les installations nucléaires intéressant la dissuasion et pour les établissements et installations civils abritant des matières nucléaires. Cet arsenal législatif a été créé en deux étapes :

– la loi n° 2015-588 du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, dite « loi de Ganay », a instauré le volet civil de ces dispositions ;

– ces dispositions ont ensuite été adaptées et étendues aux installations militaires par l’article 29 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Les délits sanctionnés par ces articles du code de la défense sont les suivants, les peines correspondantes étant récapitulées dans un tableau (§ II ci-après) :

– article L. 1333-13-12 : s’introduire sans autorisation de l’autorité compétente à l’intérieur d’un site nucléaire ;

– article L. 1333-13-13 : encourager ou inciter quelqu’un à s’introduire sans autorisation de l’autorité compétente à l’intérieur d’un site nucléaire, lorsque cela est suivi d’effet ou lorsque cela n’est pas suivi d’effet – mais, dans ce dernier cas, « en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur » ;

– article L. 1333-13-14 : aggravation des sanctions pénales applicables à l’intrusion sur un site nucléaire lorsqu’elle est commise en réunion, lorsque la personne prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou lorsqu’elle est précédée ou accompagnée d’actes de destruction, de dégradation ou de détérioration. Une aggravation des sanctions est prévue lorsqu’il y a cumul de deux de ces circonstances ;

– article L. 1333-13-15 : aggravation des sanctions pénales applicables à l’intrusion sur un site nucléaire s’il y a usage ou menace d’une arme ou qu’elle est commise en bande organisée ;

– article L. 1333-13-16 : la tentative de commettre l’un des délits prévus aux articles L. 1333-13-12 à L. 1333-13-15 précédemment mentionnés est punie des mêmes peines ;

– article L. 1333-13-17 : peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables de l’une des infractions définies aux trois articles précédents ;

– article L. 1333-13-18 : lorsque les infractions définies aux articles L. 1333‑13-12 à L. 1333-13-15 sont commises par une personne morale, celle-ci peut encourir des peines complémentaires de confiscation, d’une part, et d’affichage ou de diffusion de la peine prononcée, d’autre part.

B.   Des sanctions rarement appliquées en pratique

Tant les services du ministère de la transition énergétique que ceux du ministère de la justice ont informé votre rapporteure que les sanctions en vigueur sont rarement appliquées :

– le ministère de la transition énergétique souligne ainsi que « dans la pratique, les juges n’appliquent [que] rarement ces peines en retenant le caractère nonmalveillant des personnes qui s’introduisent sur les sites nucléaires » ;

– le ministère de la justice, au sujet de l’aggravation des sanctions applicables prévue à l’article 13 du projet de loi, relève que « l’efficacité d’une telle aggravation de la répression doit être relativisée au regard des peines actuellement prononcées qui sont très inférieures aux maxima encourus ».

II.   Le dispositif proposé

L’article 13 résulte de l’adoption, en séance publique, de l’amendement n° 49 rect. bis de M. Henri Leroy (LR), auquel la commission a donné un avis de sagesse et le Gouvernement un avis défavorable.

Cet amendement avait pour objectif de renforcer les peines applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires, faisant valoir la nécessité de sanctions qui soient proportionnées aux enjeux.

Le tableau ci-dessous récapitule les sanctions pénales applicables en l’état actuel du droit et telles qu’issues de l’article 13 :

 

Alinéa art. 13

Délit visé par le code de la défense

Sanction en vigueur

Sanction proposée

2

Art. L. 1333-13-12
(intrusion sur un site nucléaire)

1 an de prison
15 000 € d’amende

3 ans de prison (x3)

30 000 € d’amende (x2)

3

2e alinéa de l’art. L. 1333-13-13 (encourager quelqu’un à s’introduire sur un site nucléaire mais non suivi d’effet en raison de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur)

6 mois de prison
7 500 € d’amende

1 an de prison (x2)
15 000 € (x2)

5

Art. L. 1333-13-14
(durcissement des sanctions contre l’intrusion lorsqu’elle est commise en réunion, lorsque la personne prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou lorsqu’il y a destruction, dégradation ou détérioration)

3  ans de prison
45 000 € d’amende

6 ans de prison (x2)
90 000 € d’amende (x2)

6

Cumul de deux des trois points mentionnés à l’article L. 1333-13-14

5 ans de prison
75 000 € d’amende

10 ans de prison (x2)
150 000 € d’amende (x2)

7

Art. L. 1333-13-15 (durcissement des sanctions contre l’intrusion lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme ou lorsqu’elle est commise en bande organisée)

7 ans de prison
100 000 € d’amende

15 ans de prison (x2)
200 000 € d’amende (x2)

8

Art. L. 1333-13-18 (panel des sanctions complémentaires encourues lorsque l’infraction est commise par une personne morale)

Possibilité :
 de confiscation – d’affichage/publicité de la sanction

Ajout des possibilités :
 de dissolution de la personne morale
 de l’interdiction de percevoir des aides publiques pendant 5 ans

Le dispositif proposé appelle deux remarques d’ordre juridique :

– la peine prévue à l’alinéa 5 de l’article 13 (six ans de prison et 90 000 € d’amende) pour sanctionner une intrusion avec circonstances aggravantes, n’est pas prévue par l’échelle des peines délictuelles telle que prévue à l’article 131-4 du code pénal ;

– la peine prévue à l’alinéa 7 du même article 13 (quinze ans de prison et 200 000 € d’amende) pour sanctionner une intrusion avec menace ou usage d’une arme ou commise en bande organisée, a pour conséquence de requalifier le délit en crime, en application de l’échelle des peines prévue à l’article 131-1 du code pénal.

III.   Les modifications APPORTées par la commission

La commission a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, l’amendement CE598 de la rapporteure. Cet amendement conserve l’aggravation des peines d’emprisonnement adoptée par le Sénat mais en modérant cette hausse. Ainsi, est proposée une durée d’emprisonnement immédiatement supérieure à celle actuellement en vigueur, selon l’échelle des peines définie à l’article 131‑4 du code pénal. Cela permet notamment de répondre aux difficultés mentionnées supra que soulève la rédaction des alinéas 5 et 7 de l’article 13.

 

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

1.   Réunion du mercredi 1er mars 2023 à 21 heures 30

Au cours de sa réunion du 1er mars 2023, la commission des affaires économiques a entamé la discussion générale du projet de loi, relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. La commission des affaires économiques entame ce soir l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte. La commission a désigné comme rapporteure Maud Bregeon, que je remercie pour l’important travail qu’elle a réalisé.

J’accueille et je salue Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, que nous retrouvons avec grand plaisir après le projet de loi sur les énergies renouvelables.

Le Sénat a déjà examiné le texte qui nous est soumis : il a été renvoyé à sa commission des affaires économiques, et débattu en séance publique le 24 janvier dernier. À l’Assemblée nationale, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de 4 articles et a examiné le texte hier après-midi et soir : je souhaite la bienvenue à notre collègue Christine Decodts, sa rapporteure pour avis.

Sur ce texte, 673 amendements ont été déposés. En ma qualité de président de la commission et sur le fondement de l’article 98, alinéa 6 de notre Règlement, j’ai jugé 82 amendements irrecevables au regard de l’article 45 de la Constitution – leurs auteurs en ont été informés. Ce niveau d’irrecevabilité se situe plutôt dans la moyenne basse, puisqu’il est déjà arrivé que 25 % des amendements déposés sur un texte soient déclarés irrecevables. Comme à l’accoutumée, je me suis efforcé de concilier au mieux bienveillance et nécessité de dégager un lien entre l’amendement et l’une des dispositions du projet de loi. Dans ce cadre, j’ai été conduit à écarter des amendements relatifs à la politique énergétique générale de notre pays ou au fonctionnement du marché de l’électricité, à travers notamment l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Par ailleurs, le président de la commission des finances a déclaré irrecevables 7 amendements sur le fondement de l’article 40 de la Constitution, car ils diminuaient les ressources publiques ou créaient ou aggravaient une charge publique. Le nombre d’amendements restant à discuter s’établit, à cette heure, à 531, dont 15 adoptés par la commission du développement durable, saisie pour avis.

Il s’agit d’un projet de loi capital, qui traduit concrètement l’engagement du Président de la République, pris dans son discours de Belfort du 10 février 2022, de créer six EPR 2. Cette annonce a été faite au début de l’année 2022, avant que les Français ne soient appelés quatre fois aux urnes. Dans un contexte de tension sur l’offre d’électricité et alors que notre pays a montré par le passé qu’il était capable de livrer des réacteurs en quelques années seulement, nos concitoyens ne comprendraient pas que l’on ne puisse commencer aucun chantier avant 2028, soit six ans après l’engagement pris devant eux.

L’utilité de ce projet de loi est assez claire : accélérer, accélérer, accélérer ! Pour que nous puissions gagner plusieurs mois et années sur les procédures administratives et que nous puissions démarrer les travaux plus rapidement, sans jamais prendre de risque en matière de sûreté nucléaire. Je ne doute pas qu’il existe, dans cette commission comme dans l’ensemble de l’Assemblée, une large majorité de parlementaires qui n’ont pas le nucléaire honteux et qui amenderont utilement ce texte avant de le voter.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Après l’adoption du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, voici venu le temps pour le Parlement de se prononcer sur le deuxième pilier de la stratégie de transition énergétique conduite par le Gouvernement : la relance de notre filière nucléaire. C’est dans ce cadre que j’ai l’honneur de vous présenter ce projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

L’examen de ce texte intervient, vous le savez, dans le contexte particulier d’une crise climatique qui menace la survie de nombreuses espèces mais aussi l’avenir de nos enfants, et d’une crise énergétique générée par la guerre qui se déroule aux portes de notre continent, en Ukraine. Ces deux crises nous rappellent combien il est urgent de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, qu’il s’agisse du gaz, du charbon ou du pétrole. C’est un impératif, tant pour des questions climatiques et d’émission de gaz à effet de serre que pour des questions d’indépendance économique, donc politique.

C’est la raison pour laquelle l’ambition du Président de la République et du Gouvernement est de faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de cette dépendance aux énergies fossiles. La stratégie annoncée à Belfort par le Président de la République repose donc sur trois indissociables piliers.

Tout d’abord, la réduction de la consommation d’énergie, qui passe par la sobriété et l’efficacité énergétiques. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, les experts de Réseau de transport d’électricité (RTE) affirment que nous devrons réduire de 40 % notre consommation d’énergie finale à l’horizon 2050. Le plan de sobriété que j’ai présenté en octobre dernier constitue la première brique de cette trajectoire de long terme. Grâce à la mobilisation des grandes entreprises, des grandes collectivités locales et des grandes administrations, et plus largement des Françaises et des Français, ce plan a permis à notre pays de réduire de 10 % sa consommation de gaz et d’électricité combinés cet hiver, c’est-à-dire de faire en trois mois ce que notre pays n’a pas su faire en trente ans. Ainsi, lors du pic de consommation du 12 décembre dernier, nous avons économisé l’équivalent de la production de sept centrales nucléaires.

Ensuite, notre stratégie énergétique repose sur l’augmentation massive et durable de notre production d’énergie décarbonée. Sur ce point, nous n’avons pas le luxe de l’idéologie. Nous devons accélérer la production de toutes les énergies décarbonées disponibles, dès lors qu’elles sont compatibles avec notre indépendance énergétique et qu’elles contribuent à fournir à nos concitoyens une énergie abondante et compétitive en prix. J’insiste sur ce point : l’enjeu n’est pas celui du nucléaire contre les énergies renouvelables, c’est celui des énergies décarbonées contre les énergies fossiles.

Notre stratégie implique d’abord de développer massivement les énergies renouvelables : c’est tout l’objet du projet de loi d’accélération qui a été voté définitivement le 7 février et sur lequel nous avons travaillé ensemble durant de longues semaines.

Notre stratégie implique ensuite l’énergie nucléaire. Assumons de le dire sans détour : oui, notre pays a un lien historique avec la technologie nucléaire ; oui, ce lien est le fruit d’une volonté politique assumée et orientée, celle du général de Gaulle et de ses successeurs. C’est bien dans cet héritage politique que s’inscrit le programme de construction souhaité par le Président de la République.

Sur ce sujet, je me permets un aparté. Des activistes comme Zion Lights, ancienne figure d’Extinction Rebellion, ou Greta Thunberg, reconnaissent l’importance du nucléaire pour sortir des énergies fossiles. Des personnalités politiques comme Alexandria Ocasio-Cortez vantent la filière de recyclage nucléaire française. Des partenaires européens affichent désormais une stratégie similaire à la nôtre : la Suède, les Pays-Bas, la Belgique, la République tchèque ou encore la Roumanie, pour ne citer que ceux-là, ont manifesté leur souhait de se doter de nouvelles capacités de production nucléaire ou de prolonger l’utilisation des centrales existantes. J’ai d’ailleurs lancé hier, avec onze de mes homologues européens, une alliance européenne du nucléaire. Cette alliance vise à défendre la contribution du nucléaire à nos objectifs climatiques et à la sécurité énergétique de notre continent. C’est absolument stratégique : l’avenir du nucléaire se joue aussi au niveau européen.

Ce projet de loi est donc le deuxième texte énergétique soumis au Parlement en trois mois, ce qui témoigne de ma détermination à préparer, ensemble, l’avenir énergétique de notre pays, à mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles, à répondre aux enjeux de pouvoir d’achat des Français et de compétitivité de nos entreprises, et à faire de notre pays un grand pays énergétique, souverain dans le domaine des technologies et capable de les exporter. Avec ce texte, notre objectif est d’anticiper et d’être prêt si nous décidions, après les concertations, débats publics et discussions parlementaires qui s’imposent, d’avancer sur le programme de nouveau nucléaire français.

Cette orientation s’inscrit dans la droite ligne de notre action depuis le début du premier quinquennat : commande du Président de la République à EDF, dès 2018, d’une étude sur un nouveau programme nucléaire ; commande du Président de la République à RTE en 2019 d’une étude sur notre futur énergétique ; mobilisation des filières de l’amont à l’aval avec le plan de relance et le plan France 2030 ; concertation sur notre avenir énergétique ; débat public sur les nouveaux réacteurs sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) ; et examen de ce projet de loi. Tout est fait, avec ordre, pour que la décision que nous prendrons soit la plus éclairée, la plus concertée et la plus préparée possible. Anticiper ne signifie cependant pas que nous préjugions de quoi ce soit en termes de programmation. Ce texte, je tiens à le répéter, ne vise pas à décider de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français, ni des détails d’un nouveau programme nucléaire.

J’ai entendu de nombreuses approximations ces derniers jours sur lesquelles je veux éclairer l’Assemblée nationale. Il est d’abord inexact et malhonnête de prétendre que le Gouvernement enjamberait le débat avec ce projet de loi. Les deux débats publics, celui sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et celui sur la construction de nouveaux réacteurs EPR 2, sont maintenant achevés. Des questions ont été posées par les participants sur la technologie nucléaire la plus pertinente, les coûts du programme, la gestion des déchets et la disponibilité des compétences. Nous devons leur apporter des réponses et nous y travaillons. C’est pourquoi j’ai lancé une revue du nouveau programme nucléaire qui nous fournira, d’ici à la fin de l’été, les coûts actualisés, une évaluation des choix technologiques, un état des lieux industriel de la filière et un point sur les besoins en compétences. On ne peut pas nous reprocher d’avoir un projet de relance du nucléaire, car la raison d’être d’un débat public est justement de se pencher sur un projet clairement identifié.

Par ailleurs, le projet de loi ne réduit ni la sûreté nucléaire, ni la protection de la biodiversité, ni la participation du public. Il ne modifie ni le processus d’autorisation environnementale, ni celui de l’autorisation de création, qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations subsistent, tout comme les deux enquêtes publiques préalables. Le texte ne modifie pas non plus le processus de débat public, organisé sous l’égide de la CNDP avant tout projet. Enfin, et c’est important, le cadre d’accélération que j’ai proposé ne s’applique qu’aux projets de construction de réacteurs nucléaires qui produisent de l’électricité, quelle que soit la technologie employée, qui se situent à proximité du périmètre de sites nucléaires existants, et dont la demande d’autorisation de création sera déposée dans un délai qu’il vous reviendra de déterminer. L’objectif est d’éviter la création de nouveaux sites nucléaires isolés dans le territoire et de rendre notre action compatible avec la relance de notre politique électronucléaire, sans verrouiller les orientations en matière de technologie de réacteur. C’est donc un texte qui nous donne les moyens de transcrire notre volonté politique.

Ce projet de loi permet tout d’abord d’accroître notre efficacité. Il commence par rendre compatibles les documents locaux d’urbanisme avec la complexité d’un projet de réacteur électronucléaire Il permet aussi de mener en parallèle l’instruction de l’autorisation de création et les activités relatives aux constructions et aménagements liés aux projets de réacteurs nucléaires. Cela ne concerne bien évidemment pas les activités liées à la spécificité du nucléaire, par exemple la construction de bâtiments destinés à recevoir des combustibles, qui ne pourront débuter qu’à l’issue de l’autorisation de création. Le texte exempte également les projets de construction de certains réacteurs à proximité des réacteurs existants de certaines dispositions de la loi « Littoral ». Compte tenu de l’intérêt particulier pour la nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit aussi des mesures d’expropriation pour les projets de réacteurs reconnus d’utilité publique. Ce sont des dispositions auxquelles nous avons déjà eu recours, par exemple pour les Jeux olympiques de 2024 ou pour le projet du réacteur thermonucléaire expérimental international Iter.

Ce texte accroît également la sûreté. Je veux être très ferme sur ce point : l’accélération ne se fera pas au détriment de la sûreté de nos installations présentes et futures. La sûreté sera accrue d’abord grâce à un travail construit destiné à conforter l’indépendance et les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), en réunissant ses compétences avec celles de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Je parle de travail construit car ce projet de loi n’est que le point de départ d’une réorganisation qui pourrait s’étaler sur quinze mois. Nous souhaitons prendre le temps, en associant les présidents de l’ASN et de l’IRSN, que j’ai missionnés, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), mais aussi les organisations syndicales, que j’ai longuement reçues, et le Parlement, au travers de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), pour définir la nouvelle organisation la plus sûre et la plus efficace. Il y va de la confiance des Français dans cette technologie.

Contrairement à ce que j’ai entendu, il ne s’agit pas d’un démantèlement de I’IRSN. L’amendement qui vous sera soumis prévoit l’élargissement des missions de l’ASN à des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique. Il étend ainsi les prérogatives d’une autorité administrative indépendante, l’ASN, aux activités de l’IRSN, établissement public placé directement sous la tutelle de l’État. Par ailleurs, on ne sépare pas recherche et expertise : il faut maintenir la fluidité des relations actuelles entre l’expertise, la recherche et le contrôle en sûreté nucléaire, indispensables dans la préparation de la décision.

Nous souhaitons aussi donner toutes les garanties aux agents de l’IRSN en prévoyant dans la loi le transfert à l’ASN des contrats de travail des agents de l’Institut qui exercent actuellement ces missions. Nous prévoyons d’ouvrir, pour les agents de l’IRSN affectés à I’ASN à la date du transfert, un droit d’option entre le maintien de leur contrat de droit privé ou la conclusion d’un contrat de droit public que leur proposera I’ASN. J’insiste sur ce point : cette évolution sera une source d’opportunités nouvelles pour les salariés de l’IRSN. Non seulement ils ont la garantie de ne rien perdre en termes de conditions contractuelles, bien au contraire, mais ils pourront suivre plus facilement des parcours croisés dans le domaine de la sûreté et profiter de davantage de mobilité géographique : ce sont de nouvelles portes qui s’ouvrent dans ce nouvel ensemble qui sera co-construit. Enfin, grâce à ce travail de rapprochement, l’ASN pourra disposer de manière pérenne d’agents contractuels de droit privé, ce qui lui donnera de la souplesse dans les recrutements au moment où la concurrence pour attirer les compétences nucléaires fait rage. Je souhaite que cette réforme nous permette d’aborder la question de l’attractivité des métiers et des parcours des collaborateurs de la structure renforcée, y compris les enjeux de rémunération, ainsi que les moyens dont ils disposent pour mener à bien leurs missions.

J’ai pris connaissance du rapport de l’Opecst, voté à l’unanimité de ses membres présents hier. Le Gouvernement soutiendra les deux sous-amendements déposés au nom de ses membres par son président Pierre Henriet et par Jean-Luc Fugit, afin de garantir au sein de sa future organisation la séparation du processus d’expertise des avis des décisions délibérées par son collège, mais aussi l’association étroite du Parlement tout au long du processus.

Le texte sécurise enfin les procédures administratives concernant les réacteurs électronucléaires existants. Il clarifie aussi la procédure de réexamen périodique de ces équipements, qui a lieu tous les dix ans, en garantissant une meilleure articulation entre la participation du public et le processus d’intégration par l’ASN des actions d’amélioration de la sûreté.

Vous l’avez compris, nous renforçons l’ensemble des maillons de la chaîne nucléaire pour réussir notre transition énergétique. Si ce projet de loi ne garantit pas à lui seul la bonne exécution du nouveau programme nucléaire, il occupe une place essentielle dans l’ensemble des mesures juridiques, organisationnelles, industrielles et procédurales qui permettront de relancer avec succès une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil. J’espère que nous pourrons nous retrouver dans l’ensemble de ces combats.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je suis très heureuse de commencer l’examen de ce texte, qui concrétise l’ambition annoncée par le Président de la République il y a un peu plus d’un an, le 10 février 2022, dans son discours de Belfort. Cette ambition est triple. Elle est tout d’abord de nature écologique : le nucléaire va nous permettre d’atteindre la neutralité carbone. Elle est ensuite industrielle, la souveraineté énergétique étant un combat de tous les instants, comme nous le rappelle depuis un an la guerre en Ukraine : nous nous devons de fabriquer chez nous les produits de première nécessité, dont fait partie l’électricité. Elle est enfin politique car la relance de la filière nucléaire exige l’envoi de signaux forts, indispensables pour attirer des étudiants et inverser le mouvement de perte de compétences.

Comme l’a dit le président Kasbarian, il est temps de ne plus avoir le nucléaire honteux. Le texte vise à accélérer la relance du nucléaire sans faire le moindre compromis sur la sûreté : nous en serons les garants.

La question n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre le nucléaire, mais de choisir le mode de vie de notre pays dans les décennies à venir. Nous connaissons tous les avantages et les inconvénients de cette énergie. À ceux qui y sont opposés, je tiens à dire que je comprends leurs réticences et leurs interrogations sur l’appréhension du risque, la gestion des déchets et les conséquences de choix qui nous lient pour de longues années. Néanmoins, en pondérant ces avantages et ces inconvénients, il me semble que le nucléaire est le plus à même de produire, sans émettre de CO2, suffisamment d’énergie et d’électricité pour garantir aux Françaises et aux Français un mode de vie acceptable et pour relancer l’industrie dans notre pays, qui en a tant besoin. Ces sujets susciteront, je n’en doute pas, de nombreux débats entre nous.

Tous les acteurs que nous avons auditionnés, en dehors de ceux qui s’opposent idéologiquement au nucléaire, ont salué l’ambition et l’efficacité du texte. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui ont répondu à notre invitation, quel que soit leur bord politique, ainsi que Christine Decodts, rapporteure pour avis, avec qui j’ai travaillé ces dernières semaines, et l’ensemble des chefs de file de la majorité, particulièrement mes collègues des groupes Démocrate et Horizons avec qui je prends beaucoup de plaisir à avancer sur ce texte.

Notre pays dispose d’une filière nucléaire d’excellence dont je veux saluer le travail, car elle a parfois été malmenée dans le débat public. Dans les années 1970, le plan Messmer a fait sortir de terre, en un temps record, cinquante-huit réacteurs nucléaires, lesquels fournissent à notre pays une électricité compétitive, décarbonée et pilotable. En somme, le XXe siècle a eu son plan Messmer et je formule le vœu que le XXIe siècle ait son plan Macron.

Le projet de loi initial comporte deux grandes parties, l’une relative aux installations à construire et l’autre aux installations existantes.

La première partie du texte crée des dispositions temporaires pour accélérer la construction de réacteurs électronucléaires. Cette construction est doublement encadrée à l’article 1er : d’une part, dans l’espace, ces dispositions ne valent que pour les réacteurs placés à l’intérieur ou à proximité d’installations nucléaires de base déjà déclarées ; d’autre part, dans le temps, ces mesures ne seront applicables que pour une durée limitée dont nous devrons discuter – les propositions actuelles du Gouvernement et du Sénat s’échelonnent de quinze à vingt-sept ans.

Globalement, la logique de cette première partie du texte repose sur la création d’un régime dérogatoire, qui vise à accélérer le processus d’autorisation de projets du nouveau nucléaire et à le rendre moins accidenté. Il existe en effet des aléas institutionnels qui prolongent la durée de construction, pourtant déjà très longue du fait des complexités techniques, technologiques, humaines et financières considérables des projets de nouveaux réacteurs. Ces délais sont le plus souvent justifiés et nécessaires pour traiter l’ensemble des problématiques environnementales, de sûreté et de sécurité : c’est le cas, par exemple, des trois à cinq ans d’instruction de l’autorisation de création, sur lesquels ce texte ne revient pas. Certaines de ces longueurs peuvent toutefois être résorbées : ce sont celles qui peuvent être dues à des lenteurs administratives, ou à la superposition de différentes procédures ou champs de compétences. De manière générale, la période de plus de quinze ans qui s’est écoulée depuis le début de la construction de Flamanville 3 exige que nous réexaminions le paysage législatif pour évaluer son adaptation à ces projets. Depuis vingt ans, nous avons eu tendance, et pas seulement pour le nucléaire, à superposer des normes et contraintes qui rendent, pour de mauvaises raisons, l’aboutissement de grands projets complexes extrêmement difficile en France.

L’article 2 accélère la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec les projets de construction de nouveaux réacteurs. L’examen conjoint par l’État et les collectivités concernées des modifications nécessaires permet d’associer les acteurs et d’aller plus vite.

L’article 3 intègre le contrôle de la conformité aux règles d’urbanisme des nouveaux réacteurs à l’autorisation environnementale ; il supprime l’étape des autorisations d’urbanisme et contribue donc à rationaliser les procédures au profit d’un contrôle global et rigoureux par l’autorité environnementale.

Nos collègues sénateurs ont globalement souscrit à ces deux articles, mais ont ajouté une disposition portant sur l’artificialisation des sols, sur laquelle je vous proposerai de revenir au profit d’une proposition de loi à venir.

L’article 5 va dans le même sens, en exonérant les nouvelles installations des dispositions de la loi « Littoral » de 1986, dont l’entrée en vigueur est postérieure au début de la construction de tous les réacteurs littoraux du parc historique. Cette disposition concernera au moins deux emprises, celles de Penly et de Gravelines. Bien que les sénateurs aient été d’accord sur le principe d’une telle exonération, ils en ont exclu les ouvrages de raccordement : je vous proposerai de les réintégrer car un réacteur non raccordé ne présente aucune utilité.

L’article 4 me paraît l’un des plus intéressants du texte. Il vise à mieux agencer le commencement des travaux sur un nouveau réacteur, mettant ainsi à profit les retours d’expérience sur l’échelonnement du projet. Les centrales nucléaires sont en effet un outil industriel complexe, et l’organisation logistique des chantiers de cette envergure représente un défi considérable. Le droit actuel crée une difficulté car il prévoit que l’ensemble des travaux débutent à la même date, à savoir la fin de l’enquête publique qui intervient au cours de l’instruction de l’autorisation de construction d’une installation.

L’article 4 permet de sécuriser et d’accélérer les travaux. En effet, il reporte le début de tous ceux liés à l’îlot nucléaire à l’octroi de la délivrance de l’autorisation de création, diminuant ainsi, comme l’a confirmé le directeur général de l’IRSN, le risque industriel et améliorant le niveau de sûreté de l’installation. J’insiste sur le fait que nous ne cherchons à accélérer que les travaux situés en dehors de l’îlot nucléaire : aucune disposition ne concerne les parties accueillant du combustible ou de la radioactivité. La suppression de plusieurs contraintes évitera la cascade de retards et permettra de lancer des travaux de construction qui sont sur le chemin critique du planning – terrassement, et canaux d’amenée et de rejet –, mais nous ne touchons à aucun moment à l’îlot nucléaire.

L’article 6 permet, quant à lui, que la concession d’utilisation du domaine public maritime soit délivrée sans déclaration d’utilité publique, directement par décret en Conseil d’État, à l’issue d’une enquête publique. Au Sénat, un amendement a été adopté pour interdire la délivrance de cette concession lorsque le site est situé en zone inondable : cette mesure, dont la rédaction serait source de blocages, ne peut subsister dans le texte, à moins de vouloir empêcher la construction des réacteurs que nous souhaitons.

La seconde partie du projet de loi porte sur les installations nucléaires existantes.

L’article 9 clarifie les modalités de réexamen périodique au-delà de la trente‑cinquième année de fonctionnement. Désormais, l’enquête publique portera sur l’ensemble des conclusions de l’exploitant et il est explicitement écrit que l’ASN doit en tenir compte dans son analyse du rapport. Nous permettrons aussi d’adapter le régime des modifications effectuées dans le cadre des visites décennales en l’alignant sur le droit existant hors de ces visites et en permettant de faire ces modifications avant la fin de l’enquête publique, ce qui est évidemment bénéfique en termes de sûreté.

L’article 10, auquel je suis très attachée, supprime la mise à l’arrêt automatique d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle n’a pas fonctionné depuis deux ans. Nous avons connu plusieurs exemples de cette situation, dont l’un des derniers à la centrale de Paluel, où un arrêt a été prolongé au-delà de deux ans à la suite de la chute d’un générateur de vapeur à l’occasion d’une visite décennale. Cet accident industriel notable, bien que sans impact sur la sûreté étant donné que le cœur du réacteur était déchargé lors de la manutention du générateur de vapeur, et qu’il n’y avait donc pas de combustible dans le bâtiment réacteur, a nécessité des travaux importants. Dans le nouvel état du droit, au terme de ces deux ans, ce ne sera plus à l’Autorité de sûreté nucléaire et à l’exploitant qu’il reviendra de décider de l’éventuel redémarrage de l’installation, mais à l’État. Le droit en vigueur a pu donner lieu à certains abus, comme en 2016, où le redémarrage du réacteur de Penly a été monnayé dans le cadre d’un accord avec l’exploitant sur la fermeture de Fessenheim, hors de toute logique technique et industrielle.

Je connais l’attachement de la majorité sénatoriale et de la commission des affaires économiques du Sénat au nucléaire. Si certaines des mesures de programmation énergétique ajoutées par le Sénat empiètent manifestement sur la loi quinquennale à venir, d’autres me semblent cohérentes avec notre volonté de relance de la filière – nous y reviendrons dès le début de ce projet de loi.

Enfin, l’article 11, qui ratifie une riche ordonnance de 2016 portant sur le nucléaire, sera le point d’entrée du débat sur le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN, annoncé à l’issue du dernier conseil de politique nucléaire. Les interrogations que suscite ce projet sont légitimes et il est normal de pouvoir débattre de l’organisation de la sûreté nucléaire en France. Cependant, il est faux de prétendre que le système actuel fonctionne parfaitement. La Cour des comptes, dont les rapports sont souvent cités, évoque des problèmes importants à cet égard – j’aurai l’occasion de revenir sur le rapport où il en est question.

Par ailleurs, le mode de fonctionnement vers lequel nous pourrions tendre pour la sûreté nucléaire existe et a fait ses preuves dans d’autres pays. Il n’est donc pas aberrant d’envisager de l’appliquer en France.

Enfin, certains discours suggèrent que l’Autorité de sûreté nucléaire ferait preuve d’un certain laxisme envers l’exploitant. J’ai entendu bien des choses sur le nucléaire, mais je ne m’attendais pas à celle-là ! L’Autorité de sûreté nucléaire a toujours fait preuve d’une rigueur et d’une sévérité à toute épreuve, privilégiant toujours la sûreté par rapport à la production et s’appuyant sur l’IRSN pour disposer d’avis techniques. L’intégration de l’IRSN dans l’ASN ne changerait rien à ce fonctionnement.

Quant aux déclarations selon lesquelles, avec ce projet, l’accident nucléaire serait très probable, elles procèdent d’une méconnaissance majeure du fonctionnement de la sûreté en France et sont déshonorantes pour le président de l’ASN, pour l’organisation de la sûreté française et pour l’ensemble des salariés qui travaillent pour la sûreté, au niveau tant de l’ASN et de l’IRSN que de la filière indépendante de sûreté d’EDF. Je ne doute pas que, sur cette question comme dans tout ce débat, nous aurons des échanges riches et constructifs.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de quatre articles de ce projet de loi : les articles 4, 9, 9 bis et 10. Ce texte est techniquement complexe à appréhender. Au fil des auditions, j’ai voulu garder en mémoire les enjeux sociaux, économiques et environnementaux que connaissent nos territoires ruraux et urbains et qui animent les travaux de la commission que je représente ici.

La commission du développement durable s’est réunie hier et a pu examiner l’ensemble des 111 amendements déposés. Je remercie l’ensemble des députés qui ont participé à ces travaux : 15 amendements ont été adoptés par la commission et vous seront donc présentés ici.

Quelques points d’attention ont caractérisé nos échanges : la sécheresse, la gestion des déchets nucléaires, l’information des élus locaux et des citoyens, et les interrogations quant à la réforme de l’IRSN et de l’ASN.

Il restera un grand défi national à relever au plus vite : l’orientation, la formation et le recrutement nécessaires à la réalisation de ce grand projet, le tout en veillant à faciliter l’accès des femmes aux métiers du nucléaire. Des marges de progrès existent : les femmes représentent 24 % des salariés de la filière nucléaire, qui sont au total 220 000 en France, répartis sur 3 200 entreprises, et qui contribuent à développer les tissus économiques locaux.

Ainsi, au-delà du texte, de grands et beaux défis nous attendent encore.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des représentants des groupes.

M. Stéphane Travert (RE). La filière nucléaire est une filière d’excellence qui, depuis de nombreuses années, a été décriée, a connu la défiance politique et a été déconsidérée, créant ainsi des déficits en termes d’image, de recrutement, de montée en compétences et de transmission des savoirs. Le discours de Belfort du Président de la République a réaffirmé cette ambition de faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles, avec la construction de six nouveaux réacteurs. Nous avons été nombreux à saluer cet engagement politique fort et assumé pour l’émergence d’une filière modernisée et qui contribue à l’image des savoir-faire français. Le nucléaire est la première source de production et de consommation de l’électricité. Le parc français est le plus puissant au monde après celui des États-Unis. C’est aussi un modèle reconnu en matière de sûreté et de sécurité.

La relance de notre filière est indispensable pour garantir notre souveraineté énergétique. C’est pourquoi nous devons moderniser notre parc et permettre l’électrification des usages et la décarbonation de notre mix énergétique. Aujourd’hui, la construction d’une centrale est soumise à de nombreuses formalités. Nous devons accélérer la production de nouvelles centrales en simplifiant un certain nombre de procédures, tout en garantissant la sûreté et la sécurité des installations en conservant les procédures rattachées à la délivrance des autorisations aujourd’hui nécessaires. Anticiper le démarrage des travaux, créer des procédures spécifiques : ce texte doit nous permettre de ne plus faire fi des enjeux climatiques, des enjeux de l’indépendance énergétique auxquels nous sommes confrontés, et de la nécessité de construire notre souveraineté.

Après la lecture du texte au Sénat, nous ferons diverses propositions et les députés du groupe Renaissance soutiendront les objectifs de ce texte. Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre volonté d’accélérer avec vous la relance de notre filière nucléaire.

Mme Florence Goulet (RN). Enfin le Gouvernement reconnaît l’importance stratégique que revêt l’énergie nucléaire pour notre pays ! Il le fait, certes, contraint et forcé par une crise énergétique qui montre la faillite totale des politiques menées depuis trente ans, et particulièrement depuis l’arrivée aux affaires d’Emmanuel Macron ; contraint et forcé de s’éloigner de ses contradictions dogmatiques et d’un lourd inventaire d’imprévoyance ; contraint et forcé après avoir fermé prématurément Fessenheim et abandonné le réacteur de quatrième génération Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle – dont le prototype aurait garanti à la France une position à la pointe de la recherche mondiale.

Refusant la politique du pire, le Rassemblement national soutient la relance d’une grande filière nucléaire française. Visiblement, toutefois, l’enjeu n’a pas été compris par le Gouvernement, dont le texte n’est pas à la hauteur de l’urgence et des défis à relever. Pire, les sénateurs ont alourdi le texte, en contradiction totale avec les discours publics des Républicains.

Constater l’urgence implique non seulement d’y répondre, mais aussi d’anticiper des besoins beaucoup plus grands, comme le prévoit le plan « Marie Curie » de Marine Le Pen. En effet, comment assurer la souveraineté de la France, notre prospérité et la protection de l’environnement sans relocaliser massivement la production industrielle, et donc augmenter tout autant les besoins en électricité ? Comment accepter que l’on fixe à notre industrie des objectifs aussi faibles et des délais intolérables, sans rapport avec ce que la France a pu réussir dans le passé et les standards étrangers ? Enfin, comment relancer le nucléaire sans complémentarités avec l’hydroélectricité et les stations de transfert d’énergie par pompage, l’hydrogène et la cogénération ?

J’espère que la majorité ne s’enfermera pas dans des postures sectaires, alors qu’une telle politique énergétique a besoin du plus large consensus possible. Les amendements du groupe Rassemblement national visent à améliorer le texte et à défendre les intérêts nationaux et ceux de notre filière.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans les faits, voilà maintenant cinq ans que le Président de la République travaille sur la filière nucléaire : en 2018, c’était le lancement des études sur les travaux du nouveau nucléaire ; en 2019, la signature du contrat stratégique de filière nucléaire ; en 2020, le nucléaire était l’un des cinq secteurs reconnus comme prioritaires dans le plan de relance ; en 2021, il était l’un des secteurs prioritaires du plan France 2030 ; en 2022, c’étaient le discours de Belfort et la création de la délégation interministérielle du nouveau nucléaire.

Je me réjouis donc du ralliement de Marine Le Pen à l’énergie nucléaire, ralliement relativement tardif toutefois, puisqu’elle recommandait d’en sortir, considérant qu’il s’agissait d’une énergie « dangereuse » – je peux vous fournir les extraits des vidéos si vous souhaitez vous en pénétrer collectivement. Sortons, en effet, du dogmatisme et travaillons ensemble sur la réalité plutôt que sur le fantasme !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Ce n’est pas en se refilant la patate chaude concernant l’état de la filière qu’on fera avancer le débat. La commission d’enquête en cours, dont nous attendons les conclusions, démontre bien que, sur les vingt dernières années, les responsabilités sont partagées, qu’il s’agisse de l’ouverture du capital d’EDF-GDF, de la faillite d’Areva ou des décisions prises ensuite. Nous pouvons tous balayer devant notre porte.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’examen de ce projet de loi quelques jours avant le triste anniversaire de la catastrophe de Fukushima est hautement symbolique. Il organise la relance du nucléaire à marche forcée, alors que vient d’être voté un texte sur les énergies renouvelables qui contient plus de freins que d’accélérateurs – sinon pour le marché. Alors que plusieurs débats publics se tiennent en ce moment sur l’opportunité de la relance du nucléaire et qu’une nouvelle stratégie française de l’énergie et du climat doit être discutée à l’automne, cette politique du fait accompli apparaît comme un coup de force et un déni démocratique dénoncés même par la Commission nationale du débat public.

Le président Macron a lancé l’offensive dès le discours de Belfort. La droite sénatoriale, soutenue par la minorité présidentielle, a même été plus loin en détricotant l’actuelle PPE sans étude d’impact et sans avis du Conseil d’État, faisant notamment sauter les plafonds de production et de part dans le mix électrique de l’énergie nucléaire. Pire, c’est dorénavant la construction de vingt-trois réacteurs qui est envisagée, alors que le PDG d’EDF lui-même n’a osé s’engager que sur six.

L’État reprend la main de manière autoritaire et centralisée. La participation du public et les procédures environnementales sont rognées et le financement de cette relance n’est jamais sérieusement évoqué, alors que nous parlons, au bas mot, de 160 milliards d’euros. Et que dire, encore, du démantèlement de l’IRSN, qui se fait contre les salariés et au rebours des principes de la politique de sûreté, et qui décorrèle la recherche et l’expertise du contrôle et de la décision ?

L’objectif est clair : faire sauter les garde-fous pour prolonger la durée de vie des centrales et réduire l’exigence de sûreté pour miser sur des technologies du type EPR 2 ou SMR (petits réacteurs modulaires), qui ne sont aujourd’hui que des rêves industriels, voire le fantasme d’un président qui se rêve en nouveau de Gaulle, pour le pire ou pour le pire encore.

Nous devons pourtant nous garder de jouer les apprentis sorciers, parce que les risques inhérents au nucléaire sont immenses et l’accident toujours possible, mais aussi pour la stabilité géopolitique et pour notre souveraineté énergétique – car, rappelons-le, l’uranium ne pousse pas dans nos jardins.

Enfin, ce choix de société engage les générations futures en raison de l’accumulation sans fin et sans solution de déchets radioactifs. À l’heure où le ministre Béchu prévoit un scénario de réchauffement à plus de 4 degrés, avec son lot de sécheresses, ce projet de loi n’est pas seulement climato-sceptique, mais aussi climato-sourd et aveugle. De fait, l’eau n’est pas seulement nécessaire pour refroidir une centrale, mais d’abord pour la faire fonctionner : ce n’est pas l’uranium qui fait tourner la turbine !

Enfin, alors que de nouvelles centrales ne pourront être mises en service avant 2037, cette fuite en avant nous écarte de nos engagements climatiques et de l’objectif de 100 % d’énergie renouvelable, scénario pourtant rendu crédible par RTE.

Il est donc urgent, non pas d’accélérer la construction de nouvelles installations, mais bien de planifier la sortie de l’atome à un horizon de temps raisonnable, en intégrant la transition professionnelle des salariés du secteur. Nous appellerons donc à voter contre ce texte.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour ce qui est de la matière première, la France dispose d’un approvisionnement en uranium très diversifié. Elle est, par ailleurs, indépendante pour tout le reste de la filière, qu’il s’agisse de l’amont ou de l’aval du cycle du combustible.

La contribution du nucléaire aux objectifs climatiques est assez bien démontrée dans le rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 2018, qui met particulièrement en perspective le nucléaire et, dans tous ses scénarios, suggère une augmentation en valeur absolue de la production du nucléaire pour sortir des énergies fossiles. Je vous y renvoie.

Nous regrettons que vous n’ayez pas voté le texte relatif aux énergies renouvelables. Ces dernières prennent une place importante, mais il ne faut pas oublier que la prolongation des centrales et l’augmentation du productible nucléaire – de l’ordre de 30 % dans les quinze ans qui viennent – représentent aussi une grosse partie de ce qui est nécessaire.

M. Jérôme Nury (LR). Enfin, le Gouvernement se préoccupe vraiment de notre souveraineté électrique, en se penchant sur notre énergie de base historique, le nucléaire ! Le texte qui nous est soumis n’est en rien le grand soir d’un nouveau plan de développement de l’énergie par l’atome, mais il a le mérite de le remettre au centre des discussions et de notre mix énergétique. Depuis 2017, que de temps perdu de la part du Président de la République et de la majorité – et d’abord, en poursuivant consciencieusement la politique mortifère de François Hollande, qui visait, sur fond de combines politiciennes, à torpiller notre filière électronucléaire, avec en point d’orgue la fermeture de deux réacteurs ! Quelle funeste procrastination de la part du Président de la République et de sa majorité, remettant à plus tard les études et les travaux qui permettraient de prolonger nos centrales actuelles et d’envisager la construction de nouveaux réacteurs plus modernes et plus performants, et laissant également filer les compétences techniques et les ressources humaines – les chercheurs qui faisaient la fierté de notre pays car ils étaient certainement les meilleurs au monde !

Après un mandat passé à expliquer que le nucléaire n’était en rien l’avenir de l’énergie en France et dans le monde, le Président de la République a donc subitement connu une conversion foudroyante sur le chemin de Belfort. Mais, contrairement à l’Apôtre des Gentils, l’apôtre de la mondialisation se cantonne à des épîtres bavardes, dépourvues de tout miracle. Relancer une filière nucléaire mise à mal par des années de persécution ne se fait ni par des prières, ni par des incantations.

Il faut donc maintenant accélérer et, dans la précipitation et face à la crise énergétique qui nous frappe et qui va durer, trouver des solutions pour relancer une filière moribonde et mise à mal par des années de sape méthodique. D’où ce texte technique qui arrive aujourd’hui à l’Assemblée.

Mais quelle pagaille dans le processus législatif ! On légifère d’abord sur l’accélération des énergies complémentaires que sont les énergies renouvelables, puis sur l’accélération de notre énergie de base ; et, à la fin, on revoit la stratégie, avec la PPE… Bref, le Gouvernement adopte l’ordre exactement inverse à celui que dicterait le bon sens.

Sur le fond, ce projet ne nuit pas, mais il n’est pas sûr qu’il ait vraiment l’effet escompté. On ne peut que se féliciter de la volonté affichée de raccourcir les délais et de sécuriser le calendrier de livraison des futurs réacteurs, mais on peut craindre que les gains soient très relatifs : il reste de nombreux angles morts qu’il faudra examiner dans la PPE, et non des moindres, car il s’agit des enjeux les plus déterminants pour la suite du calendrier.

Quelle technologie pour ces futurs réacteurs ? Les EPR 2 semblent avoir la préférence du Gouvernement, mais a-t-on bien identifié tous les freins et aléas lors du chantier de l’EPR de Flamanville, afin d’en tirer les leçons et donc de mieux maîtriser le calendrier et le coût ? Comment retrouver des compétences rapidement dans une filière industrielle à reconstituer, avec des pertes de savoir et d’expérience immenses en matière de conduite de grands projets ? Enfin, comment financer de tels investissements – plus de 50 milliards d’euros sur du court terme – alors que le Gouvernement a plombé EDF en laissant perdurer l’Arenh, en lui faisant payer la facture du bouclier tarifaire – en un mot, en lui laissant l’ardoise de ses atermoiements énergétiques, de telle sorte que notre électricien national est endetté à hauteur de 65 milliards d’euros ?

Toutes ces interrogations demeurent et il est bien difficile de masquer les errements et les erreurs du Gouvernement sur la politique énergétique de notre pays. Il faut cependant saluer votre volonté, Madame la ministre, d’avancer sur cette relance du nucléaire que nous appelions de nos vœux depuis longtemps. Nos amendements et nos propositions iront donc dans votre sens.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous renvoie au rapport de février 2022, qui répond dans une large mesure à vos questions, en particulier à propos des technologies, et pose le cadre du financement. Ce rapport sera mis à jour, et mis à la disposition des parlementaires.

Pour ce qui est des compétences, vous connaîtrez la vision de la filière mi-avril et la feuille de route détaillée mi-mai pour bâtir le plan de compétences que vous appelez de vos vœux. Comme vous le voyez, nous anticipons les questions des parlementaires et du débat public.

Mme Louise Morel (Dem). Après avoir voté le texte relatif à l’accélération des énergies renouvelables, le groupe MODEM se réjouit de l’examen par l’Assemblée nationale de ce texte relatif au nucléaire. Bien que ce projet de loi ne contienne que des dispositions exclusivement techniques relatives au code de l’urbanisme, il nous invite à penser notre relation au nucléaire, même s’il est prévu que le débat sur les grandes orientations de la politique énergétique française ait lieu à l’été, lors de la révision de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Si notre impatience est palpable, ne la laissons pas pour autant dénaturer ce texte.

C’est en 1956 que la France est devenue le premier pays d’Europe occidentale à produire de l’électricité à partir d’une centrale nucléaire. Selon les mots du général de Gaulle, « il est saisissant de constater ce que sont les réalisations françaises quand on s’en donne la peine ! » S’est ensuivie, grâce à cette action, la construction d’un parc nucléaire nous permettant de disposer désormais de la deuxième capacité installée au monde, la plus élevée derrière celle des États-Unis, et devant la Chine. Nous pouvons en être fiers.

Le contexte actuel nous rappelle chaque jour combien cela est précieux, tant pour le climat que pour notre souveraineté économique. Ces derniers mois nous ont cependant démontré aussi que cela n’était pas suffisant, d’abord parce que notre parc est vieillissant et que les problèmes de corrosion sous contrainte sont peu prévisibles, et surtout parce que l’urgence d’en finir avec notre dépendance aux énergies fossiles, et par la même occasion à des pays étrangers, nécessite clairement une augmentation de notre production nucléaire.

Ce constat posé, le texte n’a pas pour objet de déterminer les technologies de réacteurs, les lieux d’implantation ou l’articulation avec les autres sources d’énergie, mais exclusivement de réduire les délais de construction, par l’accélération des phases administratives des projets. Cela passe par la simplification de la mise en conformité des documents locaux d’urbanisme ou par des mesures de sécurisation de l’accès au foncier. Ces mesures auront des effets sur les délais de mise en œuvre et, en conséquence, sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.

Notre groupe accueille donc favorablement ce texte et soutiendra plusieurs amendements dont la ligne directrice sera toujours l’accélération des procédures partout où cela est possible, bien entendu sans jamais rogner sur nos exigences en termes de sûreté et de concertation avec le public.

Nous saluons, à cette occasion, le travail de nos collègues sénateurs sur ce texte : plusieurs mesures viennent l’enrichir. D’autres, qui élargissent son périmètre, ne recueillent pas notre soutien, comme nous aurons l’occasion de l’expliquer plus en détail lors de l’examen des amendements.

Que ces débats soient riches et fructueux pour l’avenir énergétique de notre pays.

M. Xavier Albertini (HOR). Le Président de la République annonçait en février 2022, dans son discours de Belfort, sa volonté que soient construits six nouveaux réacteurs électronucléaires et que soient lancées les études pour la construction de huit autres. Il a également formulé le souhait que le fonctionnement de tous les réacteurs actuellement en service soit prolongé.

L’indépendance énergétique de la France et la volonté de sortir des énergies fossiles sont les deux faces d’une même pièce. La situation de crise mondiale que nous connaissons peut fragiliser sévèrement, sur le moyen terme, les positions françaises si nous ne sommes pas capables de produire souverainement notre énergie. À ce titre, le discours volontariste du Président de la République, après une décennie d’atermoiements, est crucial. Il place la France dans un récit historique originel, fondé sur la doctrine du général de Gaulle : celle d’une France résolument engagée dans sa souveraineté énergétique par la maîtrise du nucléaire.

Le nucléaire est aussi la source d’énergie qui permet de concilier les enjeux à la fois de la décarbonation et de la capacité à produire les mégawattheures nécessaires. Il reste le socle principal de notre mix énergétique, et le présent projet de loi conforte cette stratégie.

Toutefois, le temps politique et le temps administratif sont souvent asynchrones. Ce texte est une boîte à outils pour avancer vite et bien, sans jamais rien rogner sur la sécurité. La superposition des procédures, au lieu de leur succession, est une novation juridique précieuse, qui permettra de gagner jusqu’à deux ans sur certains travaux. Aucun d’entre nous n’a envie de revivre, et pendant plusieurs années, ces quelques semaines de la fin de l’année dernière où l’on annonçait des délestages et des coupures, faute d’une capacité de production suffisante. Nous avons tous rencontré, dans nos circonscriptions, nos concitoyens inquiets à juste titre de ces différents scénarios.

Le groupe Horizons et apparentés, compte tenu de l’ensemble des amendements et, surtout, de la philosophie générale de ce texte, soutiendra les objectifs de ce dernier.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). En préambule, nous tenons à exprimer une nouvelle fois notre incompréhension d’être obligés d’examiner des textes d’accélération – sur les énergies renouvelables d’abord, texte dont nous avons voté une version largement enrichie, puis maintenant sur le nucléaire – alors que nous ne nous sommes pas prononcés sur les orientations de la PPE puisque la loi de programmation énergie-climat ne sera examinée que bien plus tard.

Cela posé, le projet de loi du Gouvernement ne préemptait pas, dans sa rédaction initiale, cet arbitrage qui relève de la seule loi de programmation énergie-climat au sein d’une décision plus large sur notre mix énergétique. Nous envisagions donc de nous abstenir, en revoyant le débat de fond à ce texte structurant.

Le Sénat a cependant brisé cet équilibre en anticipant, avec les articles 1er A à 1er C, sur la loi de programmation énergie-climat. Il l’a fait en passant par le seul prisme du nucléaire, sans choisir un scénario particulier et sans arbitrer parmi les autres énergies qui doivent composer le mix cible.

Notre position sur l’éventuelle nécessité d’un nouveau programme nucléaire et sur ses proportions n’est pas arrêtée : elle ne sera pas guidée par l’idéologie, mais dépendra de la question de savoir si l’horizon d’un mix 100 % renouvelable peut objectivement être atteint d’ici 2050 en l’état des prix, des technologies et de nos capacités industrielles.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, le rapporteur pour avis Pierre Cazeneuve nous avait demandé de retirer nos amendements pour les redéposer dans un cadre plus approprié, ce que nous avons accepté. Souhaiteriez-vous, Madame la ministre, que nous présentions nos amendements de suppression de l’article aujourd’hui ? S’ils étaient rejetés, nous serions contraints de voter contre ce texte, d’autant plus que vous voulez parallèlement réorganiser la sûreté nucléaire de notre pays.

La méthode que le Gouvernement a retenue est surprenante, voire choquante. Nous l’avons tous déploré hier, en commission du développement durable, ou lors des auditions de l’Opecst. Dans un domaine aussi sensible, aux conséquences dévastatrices en cas de défaillance, le Parlement ne saurait subir un projet de réforme dépourvu d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, qu’aucune urgence n’impose de surcroît. Le Gouvernement a indiqué ne pas disposer du temps parlementaire nécessaire pour un texte ad hoc. Pourtant nous attendons une loi de programmation dans les six mois, qui permettrait de traiter ce sujet. Surtout, la rapporteure l’a rappelé hier, les concertations et la mise en œuvre prendront quinze mois. Pourquoi une telle précipitation ? Commençons la concertation et débattons ensemble lors de l’examen de la loi de programmation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est important d’envoyer des signaux rassurants aux 1 700 salariés de l’IRSN, notamment en termes de statut. C’est ce que nous faisons, en leur expliquant qu’il n’est pas question de démanteler l’Institut. Nous sommes trop attachés au contrôle et à la sûreté nucléaire. L’expertise et la recherche forment un bloc et ont vocation à compléter le contrôle.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous sommes en complet désaccord avec ce texte dont la nature a profondément changé. Vous ne cachez plus vos intentions d’imposer, coûte que coûte, une relance du nucléaire, au mépris du bon sens, de la sûreté et de tout cadre démocratique. Ce matin encore, Madame la ministre, vous répétiez sur France Info que ce texte introduit un cadre d’accélération des processus administratifs pour les projets nucléaires, mais que ce n’est pas un texte programmatique énergétique. De qui vous moquez-vous ? À la suite de l’abrogation de nos objectifs énergétiques au Sénat, avec votre complicité, ce texte n’a plus rien à voir avec un texte technique. C’est devenu un texte éminemment politique, qui acte clairement un renoncement à notre trajectoire actuelle, et cela pour accélérer le nucléaire.

Vous avez donc mis la charrue avant les bœufs, sans prendre en compte les conclusions de tous les travaux de prospective énergétique et en préemptant le processus démocratique et les concertations publiques qui doivent pourtant éclairer nos débats quant à la future stratégie française pour l’énergie et le climat.

La CNDP et de nombreux acteurs se sont indignés de ce procédé qui déstabilise le débat et témoigne de votre mépris à l’égard des observations et propositions de nos concitoyens. Le nucléaire n’est qu’une option parmi d’autres, contrairement aux énergies renouvelables, qui sont indispensables.

Une telle décision, qui engagerait lourdement notre pays pour des siècles, ne peut être prise dans de telles conditions. Comme si ce mépris pour l’expression démocratique ne vous suffisait pas, vous comptez à présent dédaigner toutes nos exigences de sûreté en démantelant l’IRSN, pour que rien n’entrave l’exigence présidentielle de relancer le nucléaire.

Ce choix de ruiner un système mûri au cours de plusieurs décennies pour préserver la neutralité de l’expertise aura des conséquences graves sur l’impartialité et la transparence des recherches. Pire, il altérera la confiance de la population.

Qu’on soit pour ou contre le nucléaire, choisir de casser précipitamment notre système de sûreté alors que son efficacité est unanimement reconnue est irresponsable et dangereux, d’autant plus que le parc nucléaire est vieillissant, et le nouveau nucléaire, particulièrement complexe.

Votre déni de réalité, votre dogmatisme et votre absence de tout sens des responsabilités nous atterrent. Non, le retard accumulé dans la construction de réacteurs nucléaires n’est pas le fait de la lenteur des procédures administratives ou de la lourdeur des exigences démocratiques et environnementales mais bien des défaillances industrielles et des problèmes structurels que pose l’énergie nucléaire. Lever les exigences de sûreté ne suffira pas pour permettre à la filière, déjà mal en point, d’affronter les gigantesques défis qui se profilent comme la prolongation des centrales, leur vulnérabilité face aux changements climatiques ou la gestion des déchets. Le nucléaire ne renforcera pas notre prétendue indépendance énergétique si nous sommes incapables de mettre fin à nos échanges commerciaux de combustibles avec des régimes autoritaires comme la Russie. Surtout, le lancement de nouveaux réacteurs nucléaires n’améliorera pas notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Le nucléaire ne sauvera pas le climat : la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre a fixé des échéances précises pour 2025 et 2030, alors qu’un réacteur nucléaire, même si la procédure est accélérée, ne verra pas le jour avant quinze ou vingt ans !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Vous contestez le caractère démocratique de ce texte mais, sauf erreur de ma part, une élection présidentielle a eu lieu et aucun candidat antinucléaire n’a été qualifié au second tour. De surcroît, la procédure prévoit des consultations et un débat public a été lancé par la CNDP.

J’ai plutôt le sentiment que tout ce qui ne va pas dans votre sens vous paraît antidémocratique. De quel déni de réalité parlez-vous ? Une large majorité de Français, y compris dans les rangs de votre électorat, pensent que le nucléaire est une énergie d’avenir !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France n’épargnera la responsabilité de personne, de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron en passant par François Hollande. Les renoncements à la souveraineté, l’abîme dans lequel a été précipité notre fleuron EDF, notre incapacité à incarner un État stratège, seront démontrés.

Je n’ai pas de relation amoureuse avec un quelconque mode de production énergétique. Je n’ai pas l’idée de dire que j’aime ou que je n’aime pas le nucléaire. Je suis pragmatique et je raisonne en tenant compte des enjeux que nous devons relever, qu’il s’agisse de la lutte contre le réchauffement climatique ou de notre souveraineté industrielle et énergétique. Les deux supposent de s’interroger sur la réduction de la part des énergies fossiles, charbon ou pétrole, sur l’électrification des usages, sur l’impossibilité de stocker l’électricité et donc le besoin d’une énergie pilotable. C’est cette approche pragmatique que notre groupe a adoptée.

Cela étant, je suis d’accord avec mes collègues : vous auriez dû organiser un débat autour des objectifs d’un mix équilibré, intelligent, consenti. Ce n’est qu’après la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie que nous aurions dû discuter des outils nécessaires pour atteindre ses objectifs. Vous y êtes pris à l’envers.

D’autre part, je regrette que vous ayez retenu une approche technique, voire technocratique, en faisant l’impasse sur des sujets aussi essentiels que la maîtrise publique, la souveraineté énergétique, l’organisation de la sous-traitance, le contrôle des investissements étrangers ou encore le caractère unifié d’un outil pour atteindre des objectifs partagés.

Vous voulez accélérer la production de l’énergie nucléaire, mais qui en aura la charge ? Vous promettez de présenter un projet, mais après le vote au Parlement. Le flou le plus complet règne. Nous ne savons encore rien des choix technologiques qui seront opérés. Par exemple, qu’en sera-t-il des réacteurs SMR ?

Vous ne procédez à aucune lecture critique des causes des difficultés d’investissement d’EDF, essentiellement liées à l’Arenh, dont il serait urgent de se débarrasser.

Enfin, notre ligne rouge sera la fusion cavalière, brutale, non concertée de l’IRSN et de l’ASN.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant de la programmation, je ne peux laisser passer les propos qui ont été tenus tout à l’heure. La commission des affaires économiques du Sénat, en l’absence du Gouvernement, a supprimé l’objectif de 50 % de production d’origine nucléaire dans le mix électrique. J’ai déposé un amendement en séance publique pour rétablir l’objectif de diversification du mix électrique : il a été rejeté !

Nous soutiendrons un mix décarboné et diversifié, mais nous ne souhaitons pas prendre position en assignant une part déterminée à la production d’origine nucléaire, qu’elle soit supérieure ou inférieure à 50 %.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous doutons, mais peut-être pourrez‑vous nous rassurer, Madame la ministre, qu’un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat soit présenté au Parlement. Des indices laissent en effet penser que vous auriez l’intention de choisir la voie du décret. Ainsi, alors que vous comptez faire disparaître plusieurs éléments programmatiques adoptés par le Sénat – que nous soutiendrons – vous voulez préserver la suppression des objectifs actuels ! Et que penser de la fusion entre l’IRSN et l’ASN ? La rapporteure pour avis a indiqué hier, en commission du développement durable, que le Gouvernement se donnait quinze mois. Pourquoi, dans ce cas, ne pas renvoyer ce débat qui crispe tout le monde à la prochaine loi de programmation ?

Avant que le Gouvernement n’introduise son amendement, mon groupe était favorable à ce texte dont l’objectif semblait cantonné à l’accélération du lancement de nouveaux réacteurs. C’est bien différent à présent. De nombreux collègues des groupes Démocrate et Horizons et apparentés ont exprimé leurs inquiétudes, hier, en commission du développement durable. Peut-être devrions-nous les écouter. Pourquoi se décider si vite ? Si, comme vous le prétendez, cette réforme n’altérera en rien les conditions de sûreté, pourquoi l’engagez-vous ? Vous affirmez que ce nouveau modèle, inspiré des Américains, sera plus indépendant et intégré mais permettez-moi d’en douter. Auriez-vous la gentillesse de nous rassurer ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je le répète, les démarches pour conduire la fusion de l’IRSN et de l’ASN, auxquelles seront associées les organisations syndicales, prendront bien quinze mois, mais au préalable, il aura fallu poser le cadre juridique, dans des termes qui rassurent les salariés. Je ne peux pas demander à des salariés de rejoindre une autorité administrative indépendante si la loi, comme c’est le cas aujourd’hui, ne lui permet pas de recruter des cadres contractuels de droit privé. Nous souhaitons donc élargir les missions de l’ASN et lui permettre de recruter des cadres de droit privé.

S’agissant des articles programmatiques, dès lors que l’on introduit une limite, dans un sens ou un autre, on entre dans le cadre de la programmation, ce que ne souhaite pas le Gouvernement. Un projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat vous sera présenté, ainsi qu’une programmation pluriannuelle de l’énergie, qui est bien différente et qui sera fixée par décret.

Enfin, je vous renvoie au rapport de l’Opecst : nous tiendrons compte de ses recommandations s’agissant de l’ASN et de l’IRSN.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Pierre Cordier (LR). Pour un sujet aussi sensible que le nucléaire, il est important de gagner l’opinion publique. Pour présider l’une d’entre elles, je sais que les commissions locales d’information (CLI) des centrales nucléaires, composées en partie d’élus, de représentants d’associations ou de syndicats, jouent un rôle fondamental. Par exemple, nous avons pu transmettre aux riverains des données très importantes concernant le phénomène de corrosion sous contrainte.

Comment comptez-vous renforcer le rôle des CLI vis-à-vis de nos concitoyens et favoriser leur collaboration avec nos partenaires européens, puisque certaines centrales nucléaires se trouvent à proximité de nos frontières ?

M. Vincent Rolland (LR). EDF rencontre d’importantes difficultés financières, et l’État français n’est pas dans une situation plus favorable. Comment financerez-vous ce nouveau programme nucléaire ? Ferez-vous appel à des énergéticiens privés ?

M. Hervé de Lépinau (RN). Notre groupe vous alerte, depuis juillet, sur la nécessité impérieuse de relancer le nucléaire. Vous auriez pu le rappeler, Madame la rapporteure. Par ailleurs, comparer le plan Macron au plan Messmer n’est guère raisonnable. Pierre Messmer, qui fut un compagnon de la Libération, a une autre dimension !

Nous voici contraints de fabriquer, dans l’urgence, de l’électricité à bas coût. La centrale nucléaire de Fessenheim présentait toutes les garanties pour remplir cette mission. Entendez-vous la rouvrir dans les meilleurs délais ?

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis venu participer aux travaux de votre commission ce soir pour une raison précise. J’ai été directeur adjoint du cabinet du ministre de l’industrie, dans le milieu des années 1980, au moment du problème de Superphénix. La maison EDF, il faut le savoir, a tout fait pour ne pas dire la vérité au ministre. Heureusement, nous avons fini par découvrir le pot aux roses et nous avons arrêté Superphénix ! Le Gouvernement suivant l’a relancé, avant de l’arrêter à son tour après avoir frôlé un risque d’explosion.

Ce qu’il en ressort, c’est qu’il est nécessaire de distinguer l’expertise et la recherche, d’une part, et l’autorité chargée du contrôle et de la décision d’autre part. Si vous maintenez votre décision de fusionner l’IRSN et l’ASN, vous détruirez la confiance du peuple français dans la filière électronucléaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Madame la ministre, votre texte prévoit d’accélérer la relance du nucléaire mais vous renvoyez le sujet du foncier nécessaire à l’accueil de nouveaux réacteurs à une proposition de loi ultérieure. À Penly, 150 hectares sont nécessaires pour recevoir les deux EPR et il faudra des hectares supplémentaires pour les lignes à haute tension ou les logements des salariés par exemple. Si la question du foncier disponible, en lien avec celle de l’artificialisation des sols, n’est pas traitée, votre texte n’accélérera rien mais pénalisera les territoires concernés.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Madame la rapporteure, je vous confirme que nous sommes plusieurs à avoir des réticences quant au nucléaire. C’est même une opposition franche et argumentée. Le recyclage des déchets, le besoin d’eau, le réchauffement climatique sont autant de nouvelles données qui interdisent d’envisager un nouveau plan Messmer. Au passage, rappelons que le phénomène de corrosion sous contrainte n’a pas été découvert inopinément : il est connu et identifié depuis 1984, le premier incident ayant eu lieu à la centrale du Bugey. Quand toutes ces questions recevront-elles des réponses ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous sommes favorables à l’objectif d’accélération de ce texte, mais pourquoi l’opposer à une loi de programmation dont la nécessité est évidente ? Le droit doit être au service de l’objectif industriel, sans oublier les enjeux que M. Jumel a rappelés. Saucissonner en permanence la politique énergétique et les mesures que vous souhaitez prendre pour atteindre vos ambitions dans ce domaine n’a pas de sens. Le génie du plan Messmer et de la planification des Trente Glorieuses fut justement de tout associer en assignant les moyens nécessaires à chaque objectif économique, industriel et humaniste. En opposant les textes les uns aux autres, vous entretenez le blocage qui empoisonne la filière nucléaire depuis trente ans. Alors qu’il faudrait tout penser en même temps pour que les éléments du puzzle s’insèrent les uns dans les autres, vous nous obligez à le commencer sans savoir à quoi ressemblent les dernières pièces.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le président, je voudrais vous présenter une réclamation au sujet de l’un de mes amendements, que vous avez rejeté alors qu’il visait un objectif fondamental : accorder la priorité au nucléaire sur les énergies renouvelables lors de l’injection dans le réseau. Il est paradoxal de l’avoir évincé d’un texte qui tend précisément à relancer le nucléaire, étant donné que la priorisation est en lien direct avec la rentabilité du nucléaire ! Je veux bien entendre qu’il n’était pas déposé au bon article mais ce n’était pas une raison pour ne pas le retenir. Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, on a bien voté sur un amendement de M. Bayou qui proposait de repeindre les toits en blanc ! Vous devriez faire preuve de la même largesse pour tout le monde, Monsieur le président.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je procède avec les administrateurs à un examen objectif de tous les amendements pour vérifier qu’ils ont un lien, direct ou indirect, avec les articles du texte. Si ce n’est pas le cas, l’amendement est un cavalier et n’est pas retenu. En l’espèce, nous examinons un projet de loi qui vise à accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité des sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes : il ne s’agit pas du tout du marché de l’électricité. D’ailleurs, j’ai aussi une réclamation de M. Bayou, qui a à nouveau déposé un « amendement Mykonos » pour repeindre les toitures de France en blanc : comme je ne vois pas non plus en quoi cela permettrait d’accélérer les procédures, cet amendement a également été considéré comme un cavalier ! Environ quatre-vingts amendements ont subi le même sort. Croyez bien que j’ai pris ces décisions indépendamment de mes convictions personnelles, d’autant que j’en aurais bien déclaré recevables quelques-uns, ne serait-ce que pour avoir le débat en commission.

Cela étant, rassurez-vous. Si vous doutez de ma neutralité, vous pouvez déposer à nouveau votre amendement en séance. Vous verrez bien s’il est jugé recevable ou non. Et si le service de la séance prend la même décision que nous, il vous restera toujours la possibilité de déposer une proposition de loi et de l’inscrire à l’ordre du jour des séances réservées à votre groupe.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Puisque nous parlons de la recevabilité des amendements, que pensez-vous de celui du Gouvernement qui vise à fusionner l’ASN et l’IRSN ? En quoi cet amendement permettra-il d’accélérer les procédures ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Plusieurs arguments plaident en faveur de la recevabilité de l’amendement CE602 du Gouvernement au regard de son lien direct avec le texte transmis.

L’article 11 du projet de loi prévoit, en son premier alinéa, que l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire est ratifiée. Le rapport au Président de la République relatif à ladite ordonnance indique que son article 21 ajuste la définition générale des missions de l’ASN. S’agissant de l’article 22 de cette ordonnance, le même rapport au Président de la République indique que le I clarifie à droit constant les compétences de l’ASN. De surcroît, le b du 4° du I de l’amendement CE602 prévoit de modifier le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement pour abroger l’article L 592-31-1, introduit par le II de l’article 22 de l’ordonnance précitée.

Le lien entre l’amendement du Gouvernement et le projet de loi étant évident, j’ai jugé qu’il était recevable. Je vous transmettrai avec plaisir cette analyse juridique.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je ferai la même remarque que mon collègue. L’un de mes amendements a été jugé irrecevable alors qu’il avait un lien direct avec le texte, puisqu’il visait à mettre en cohérence l’objectif affiché de souveraineté avec les moyens de s’en assurer. Je posais, par cette même occasion, la question fondamentale de l’origine de l’uranium de retraitement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Votre amendement se rapporte justement à l’approvisionnement en uranium et non à « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ». Je ne vois pas à quelle disposition du projet de loi il pourrait se raccrocher.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’avais déposé un amendement qui visait à maintenir l’obligation de saisine de la CNDP sur la programmation pluriannuelle de l’énergie et sur la stratégie nationale bas-carbone. Je n’ai pas compris pourquoi il avait été jugé irrecevable alors qu’il se rapporte directement à la procédure.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il n’y a pas d’accroche avec un quelconque article du texte.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le texte prévoit pourtant de passer à 20 % de matière recyclée en combustible. Or, à l’horizon 2030, nous n’avons pas la capacité de produire suffisamment de combustible retraité en France : le seul moyen de passer à 20 % serait de signer des contrats avec Rosatom ! L’amendement dont je vous parlais me semble donc en lien direct avec les articles qui nous sont soumis.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous ne sommes pas du même avis. Il n’y a pas de lien direct ni indirect avec des procédures de construction d’installations…

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Mais quel est le lien entre le fait de maintenir à plus de 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2050 et « l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes » ?

M. le président Guillaume Kasbarian. C’est très simple : la disposition est déjà dans le texte, elle figure dans la version issue du Sénat ; or la recevabilité dépend de l’existence d’un lien direct avec le texte qui nous est soumis. Ce n’est pas une invention qui apparaît tout à coup au détour d’un amendement portant article additionnel.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Mais, telle quelle, elle a été jugée recevable au Sénat.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je ne suis pas garant de la recevabilité des amendements au Sénat ! Vous voterez comme vous voulez, mais je ne peux pas déclarer irrecevable une mesure qui figure dans le texte transmis par le Sénat.

M. Charles de Courson (LIOT). Vous pouvez parfaitement expliquer à la commission que l’amendement qui a été voté au Sénat – contre l’avis du Gouvernement – était irrecevable. On le voit en loi de finances, la recevabilité n’est pas nécessairement interprétée de la même manière à l’Assemblée et au Sénat.

M. le président Guillaume Kasbarian. Et même, parfois, d’une commission de l’Assemblée à une autre…

M. Charles de Courson (LIOT). Vous pourriez très bien recommander à la commission de voter contre des articles dont vous estimez, comme président, qu’ils sont irrecevables.

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous connaissez mon respect de la chambre haute et de ses membres : je ne me permettrais pas de critiquer le jugement de mon homologue sur la recevabilité, de même que je ne vous donnerai pas mon point de vue sur la recevabilité des amendements déposés dans une autre commission de l’Assemblée. Comme président de cette commission, je fais mon travail d’examen de la recevabilité ; ensuite, à vous de juger. Chacun son rôle.

Personne ne souhaite ajouter quelque chose ? Alors revenons-en au fond, avec les réponses de la ministre.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Cordier, vous avez eu raison de souligner le rôle très important des commissions locales d’information. Nous souhaitons les associer le plus en amont possible à la tenue des débats publics et à l’information des populations. Nous serons à l’écoute de toute proposition y contribuant.

En ce qui concerne la vision transfrontalière, je ne suis pas sûre de saisir entièrement les enjeux. Ce qui est certain, c’est que nous travaillons de manière rapprochée avec les autres pays européens impliqués dans le nucléaire – c’est le sens de l’alliance que j’ai organisée – pour renforcer nos partenariats à chaque maillon de la chaîne : fournir du combustible pour garantir la souveraineté des pays, les accompagner dans la conversion et l’enrichissement, diffuser nos pratiques en matière de prolongation de durée de vie des centrales le cas échéant, rapprocher nos autorités de sûreté et voir ce qui, dans les nouvelles technologies – je pense en particulier aux SMR –, peut être partagé. Nous travaillons aussi sur l’installation de nouveaux réacteurs et sur les différentes technologies disponibles. Qu’il s’agisse des compétences ou de la supply chain, l’idée est de dégager une vision commune pour une chaîne 100 % européenne, indépendante, en particulier, de certains États comme la Russie – car si la France est indépendante, tous les autres pays européens ne le sont pas.

M. Pierre Cordier (LR). Il s’agissait des CLI qui incluent des communes situées de l’autre côté de la frontière.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est bien noté.

Monsieur Rolland, les paramètres du financement ne sont pas encore arrêtés. Nous étudions plusieurs scénarios. Je rappelle que l’investissement s’échelonne sur quinze ans : vous l’avez compris, il ne s’agit pas de miser 50 milliards d’euros cette année puis de faire tourner la centrale pour récupérer l’argent. Si le programme nucléaire est compétitif, il y aura un retour sur investissement.

Pour le moment, l’appel à des énergéticiens privés n’est pas envisagé – à moins qu’ils ne s’engagent à acheter de l’énergie à un certain prix, mais ce serait alors une précommande plutôt qu’un investissement. L’enjeu est plutôt l’apport en capital, la mise en place de financements à long terme et l’équilibrage des risques s’agissant de structures publiques ou venant en support d’EDF.

Monsieur de Courson, à l’époque dont vous parlez, ce qui est désormais l’ASN était une direction et non une autorité administrative indépendante ; il est important qu’elle en soit devenue une. C’est la même logique que nous appliquons vis-à-vis de l’IRSN, qui est aujourd’hui un établissement public soumis au contrôle de l’État et dont les agents chargés de l’expertise et de la recherche peuvent partir chez l’opérateur. Nous voulons consolider un modèle, dominant à l’étranger, qui associe expertise, recherche et contrôle et qui permet le recours régulier à des expertises extérieures, y compris à l’international. En ce qui concerne les équipements sous pression, très stratégiques, l’ASN en est déjà experte et, manifestement, cela fonctionne très bien.

Monsieur Jumel, la proposition de loi sur le zéro artificialisation nette (ZAN) arrive le 8 mars au Sénat, tandis que le présent texte sera examiné par l’Assemblée en séance publique le 13 : vous aurez donc très rapidement des réponses à vos questions. Il nous paraît légitime d’appliquer le ZAN à l’ensemble des activités, de manière transversale, sans quoi chaque ministre demandera à ce que son secteur en soit exempté ! Je vous rassure : les installations nucléaires seront implantées à proximité de sites existants, déjà artificialisés ; en outre, ce ne sont pas les projets les plus consommateurs de sol.

Monsieur Fournier, je suis à votre disposition si vous voulez m’auditionner pour parler des déchets, de l’eau ou du plan d’adaptation au réchauffement climatique développé par EDF. Le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs vient d’être mis à jour ; j’ai signé les textes en décembre.

Monsieur Tanguy, j’entends votre attente de la loi de programmation énergie-climat, mais nous respectons le débat public. En ce qui concerne le mix énergétique, le débat s’est déroulé, et parfaitement, d’octobre à fin janvier – la CNDP finalise actuellement sa contribution. S’agissant du nucléaire, le débat s’est déroulé d’octobre au 27 février, date à laquelle il s’est achevé – il n’a pas été interrompu, contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là. Les conclusions doivent encore en être rendues. Tous les éléments sur lesquels nous travaillons, sans exception, sont ceux qui ont été soulevés dans ce cadre. Il est difficile de reprocher à un gouvernement de soumettre au débat public un projet sur lequel il a, bien normalement, une vision, et de préparer ensuite des réponses. Je ne crois pas que vous ayez voté un texte de loi prévoyant six réacteurs additionnels… Pour procéder dans l’ordre, il fallait que le débat public ait lieu avant de présenter les éléments de la décision, ce que nous allons faire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Le démarrage du plan actuel peut tout à fait être comparé avec le lancement du plan Messmer, ne serait-ce que pour les raisons techniques suivantes. Le plan Messmer n’a pas consisté à installer d’une traite cinquante-huit réacteurs : il comprenait trois contrats de programme différents, CP0, CP1 et CP2. Le premier, CP0, correspondait à l’installation de 5 400 mégawatts ; les six EPR que nous allons lancer représentent un peu plus, 9 600 mégawatts. De même qu’à l’époque ce contrat avait été suivi de deux autres, de même nous mettons huit EPR supplémentaires à l’étude. Certes, la filière n’est pas dans le même état et les normes ne sont pas équivalentes, raison pour laquelle nous les retravaillons, mais la logique incrémentale est similaire.

Par ailleurs, on entend dire ces dernières semaines que les centrales consomment de l’eau et que comme on manque d’eau, il ne faut pas faire de centrales. Or, si les réacteurs ont besoin d’eau pour être refroidis, cette eau est ensuite rendue. Les réacteurs en cycle ouvert – soit vingt-six sur l’ensemble du parc – restituent 100 % de l’eau qu’ils prélèvent ; en cycle fermé, c’est seulement 60 %, mais la quantité d’eau consommée est moindre et l’eau est moins chauffée.

Je vous invite enfin à relire le rapport de RTE qui détaille l’impact du réchauffement climatique sur le fonctionnement du parc actuel à l’horizon 2050 : il montre, site par site, que cet impact est minime, de l’ordre de quelques points de pourcentage de la production annuelle. Les dernières canicules ont entraîné des baisses de production d’une durée limitée, principalement l’été, quand la consommation est moindre, et d’environ 200 mégawatts par réacteur, soit moins d’un quart de sa puissance. Bref, c’est un phénomène assez marginal. Il existe, mais les objectifs de sûreté n’en sont pas remis en cause. L’énergie nucléaire n’est pas parfaite, mais les conséquences météorologiques se font également sentir sur l’énergie solaire ou éolienne.

M. Hervé de Lépinau (RN). J’aurais aimé une réponse à ma question, qui était très simple.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je suis désolée, c’est un oubli de ma part. Nous y reviendrons dans la suite du débat.

 

Avant l’article 1er A

 

Amendement CE647 de Mme Maud Bregeon et sous-amendement CE676 de Mme Julie Laernoes

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Les sénateurs ont introduit dans le texte des mesures programmatiques, contenues dans les articles 1er A, 1er B, 1er C et 1er D. La plupart me semblent ne pas devoir figurer dans le projet de loi ou ne pas être réalistes, mais deux méritent d’être conservées : la suppression du plafond de 50 % d’énergie nucléaire dans le mix électrique en 2035, instauré en 2015 par le gouvernement socialiste sous la présidence de François Hollande, et celle du plafonnement à 63 gigawatts de la capacité de production installée.

En effet, si l’on voulait plafonner la production énergétique, il faudrait le faire pour le charbon, le gaz et le fioul, bref pour les sources d’énergie polluantes qui nous détournent de nos objectifs climatiques. Il n’y a pas d’intérêt à limiter la production d’énergies renouvelables, d’origine hydraulique ou nucléaire ; au contraire, il faut permettre leur développement illimité.

Plus généralement, j’assume pleinement la conviction que le nucléaire doit être partie intégrante de notre mix électrique et que la filière, après des années de signaux négatifs ou contradictoires, a besoin d’un message clair de relance et de confiance.

C’est donc dans le droit-fil de mes convictions, partagées au sein de plusieurs groupes, de la majorité comme de l’opposition, et en cohérence avec le discours présidentiel de Belfort, que j’estime que ces deux dispositions doivent être pérennisées.

Pour traduire légistiquement ce choix politique, il faut les transférer du titre Ier à un autre titre, afin qu’elles ne soient plus limitées dans le temps. Cela n’aurait aucun sens : soit on supprime les plafonnements, quitte à en rediscuter dans le cadre de la loi de programmation énergie-climat, soit on les conserve, mais on ne les supprime pas pour vingt ans !

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mme la rapporteure vient d’apporter de l’eau à notre moulin : c’est bien de mesures et d’objectifs programmatiques qu’il s’agit ici, comme le précise notre sous-amendement.

Les écologistes déplorent le calendrier d’examen du projet de loi. Pour mener une véritable politique de transition énergétique, il faudrait d’abord s’atteler à définir le cadre de réduction de notre consommation d’énergie et de sortie des énergies fossiles, afin d’atteindre la neutralité carbone grâce à des politiques ambitieuses de sobriété et d’efficacité énergétiques, permettant de réduire la précarité énergétique. Cela servirait à la fois la justice sociale et l’établissement d’objectifs clairs pour la trajectoire à long terme de notre mix.

À cette fin, de même que pour le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, il aurait été plus cohérent de débattre des ambitions de notre pays, relevant en l’occurrence de la loi de programmation énergie-climat, avant de discuter d’un texte à vocation technique visant à alléger les procédures.

Toutefois, si le présent texte était à l’origine purement procédural, sa teneur a complètement changé. Plusieurs dispositions liminaires ont ainsi été introduites par la majorité sénatoriale, avec l’appui du Gouvernement, pour modifier plusieurs objectifs de la politique énergétique nationale, alors même que le débat public à ce sujet était en cours. Désormais inscrites dans le texte, elles concourent à la volonté gouvernementale de relancer le programme nucléaire sans procéder à une discussion globale sur la politique énergétique qui intègre des réflexions sur la décroissance de la consommation d’énergie et l’accélération de la production de renouvelables.

Il n’y a désormais plus de doute sur le fait que le Gouvernement et la majorité souhaitent la suppression dès à présent de l’objectif de baisse à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique à l’horizon 2035, ainsi que celle du plafonnement à 63,2 gigawatts de la capacité de production. Nous proposons d’afficher clairement dans le texte ces intentions d’un gouvernement dont nous dénonçons l’incohérence et le mépris de tout débat démocratique digne et sérieux.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. À l’article 1er B, le Sénat n’a pas seulement supprimé le plafond des 50 % : il l’a transformé en plancher. Cette disposition-là n’a pas sa place dans le texte et nous allons proposer de l’en supprimer. Votre sous-amendement aurait un sens si nous la maintenions, car il s’agit vraiment d’un objectif programmatique. Ici, en revanche, l’enjeu est simplement de cesser de s’imposer des contraintes. Défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En effet, ce dispositif n’a rien de programmatique. C’est même l’inverse, puisque nous refusons de préciser un pourcentage – et il est normal de supprimer des éléments programmatiques, puisque la programmation viendra dans six mois.

Ensuite, ce n’est pas en répétant plusieurs fois quelque chose de faux qu’on le rend vrai. À aucun moment le Gouvernement n’a soutenu le Sénat lorsque celui-ci a voulu réintroduire dans le texte certains objectifs. Je vous renvoie aux débats en commission qui ont conduit à l’adoption de ces éléments, ainsi qu’à mon amendement, lors du vote duquel j’ai été battue.

Enfin, le sujet a bien donné lieu à un débat public. Il y a une certaine ironie à dire que la loi de programmation aurait dû venir en discussion avant le présent texte tout en parlant comme vous le faites du débat public. Je le répète, celui-ci, en ce qui concerne le volet du mix énergétique, s’est déroulé d’octobre à fin janvier, au moment où nous examinions le projet de loi relatif aux énergies renouvelables, et celui sur le nucléaire s’est terminé lundi. Ce n’est pas moi qui en ai fixé les dates : j’ai suivi la CNDP s’agissant de l’organisation, même sur certains points qui ne relevaient pas tout à fait de sa mission.

L’idée est de ne plus fixer ni plafond, ni plancher et de nous laisser le temps, dans les mois qui viennent, d’élaborer une véritable programmation. Vous ne pouvez pas à la fois demander un débat démocratique et parlementaire et critiquer la manière dont nous ouvrons le jeu pour permettre à chacun de prendre position.

Avis défavorable au sous-amendement et favorable à l’amendement : il faut déplacer ces dispositions qui ne sont pas de même nature que le reste du titre.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je soutiens le sous-amendement. Certes, le Gouvernement a déposé un amendement de suppression de l’article 1er B et un autre pour supprimer une partie de l’article 1er C, mais il laisse intacts les articles 1er A, qui pulvérise le plafond de 50 % de nucléaire dans le mix électrique défini par la PPE, et 1er D, qui demande un rapport sur l’opportunité de construire quatorze EPR et neuf réacteurs supplémentaires.

L’horizon du texte est à vingt-sept ans, contre quatre ans dans celui sur les renouvelables : c’est du provisoirement définitif, ou du définitivement provisoire ! N’y a-t-il pas eu un deal entre le Gouvernement et le groupe Les Républicains au Sénat, ce qui expliquerait que le texte ait d’abord été examiné par ce dernier et que des amendements pouvant être considérés comme des cavaliers se retrouvent dans la version finale ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Madame la ministre, je ne répète pas quelque chose qui est faux, j’affirme quelque chose qui est vrai. Si vous laissez modifier les 50 % de nucléaire dans le mix électrique pour 2035, vous donnez votre accord à la suppression d’un objectif qui figure dans la PPE. Bref, vous modifiez par une loi technique un objectif programmatique.

Une relance du nucléaire d’une telle ampleur, engageant des générations, pour des siècles, nécessite un vrai débat public. La concertation organisée par la CNDP a dû être modifiée en cours de route, comme sa présidente l’a expliqué. Ce n’est pas sur son programme que M. Macron a été élu : au second tour de l’élection présidentielle, c’est pour faire barrage que des personnes comme moi ont voté pour lui, et non parce qu’elles étaient convaincues par son programme. La relance du nucléaire n’a donc pas été validée démocratiquement. Si vous n’avez pas le nucléaire honteux, osez la soumettre à un vrai débat public !

M. le président Guillaume Kasbarian. Dans ma conception, la démocratie, c’est le vote. Quatre scrutins ont eu lieu. Vous en remettez deux en cause, soit, mais il y a aussi eu les élections législatives. Tous, ici, nous détenons une part de souveraineté populaire. Or des candidats aux législatives s’étaient engagés pour ou contre le nucléaire. Nous ne serions pas démocratiquement élus, nous n’aurions pas le droit de défendre ce pour quoi nous nous sommes battus pendant la campagne, au nom de notre propre programme ? C’est quand même un peu fort de café ! J’en viens à croire, comme l’a dit la rapporteure, que tant qu’on n’est pas d’accord avec vous, vous trouvez que ce n’est pas démocratique…

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ce sous‑amendement tellement « intéressant » et qui nous fait « gagner » un temps vital… Quel qu’ait été leur programme, les candidats favorables à la relance du nucléaire ont obtenu une majorité des deux tiers. Donc les électeurs ont massivement refusé les candidats antinucléaires. Fin du débat, on peut passer aux choses sérieuses.

La commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte l’amendement.

 

Amendement CE476 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Il s’agit d’inscrire parmi les objectifs de la politique énergétique le développement de la filière nucléaire, dans un but de réindustrialisation de notre pays.

Cette proposition part d’un constat simple : la filière nucléaire française a été abandonnée, les filières d’innovation laissées pour compte ; le parc vieillit et nous manquons de main-d’œuvre formée. Cet état des lieux dramatique est la preuve d’un manque de vision de nos gouvernants au cours des trente dernières années. Entre la vente d’Alstom, l’abandon d’Astrid et la fermeture de Fessenheim, on peut parler d’un sabotage planifié de notre filière nucléaire et donc de notre souveraineté énergétique par des idéologues. C’est un drame pour notre pays, alors que nous avons disposé pendant des années d’une électricité peu chère, bas-carbone et pilotable.

Vous voulez relancer le nucléaire civil. Enfin ! Mais vous n’allez pas jusqu’au bout, et vous vous fondez sur des prévisions irréalistes de baisse de la consommation énergétique, actant la désindustrialisation de notre pays. Le Rassemblement national croit au contraire que notre politique énergétique doit aller de pair avec notre politique industrielle. C’est une question d’ambition et de volonté politique. Notre objectif doit être de retrouver notre autonomie énergétique et notre compétitivité. Pour cela, l’industrialisation doit prendre une place centrale : en 2050, l’industrie doit représenter au minimum 20 % de notre PIB, comme c’est le cas chez nos voisins allemands que vous admirez tant.

Il n’est pas possible de décorréler politique industrielle et production d’une énergie peu chère, bas-carbone et abondante.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. D’abord, mon admiration pour la politique énergétique allemande est limitée…

La sécurité d’approvisionnement et la réduction de la dépendance aux importations figurent déjà à l’article L. 100-1 du code de l’énergie que vous voulez compléter. De plus, il s’agit d’un article général, qui ne rentre pas dans le détail des différentes énergies.

Je comprends la logique que vous défendez, et je la partage même en partie. Mais la modification que vous proposez n’a pas sa place dans cet article. C’est un point qui pourrait être discuté dans une loi de programmation sur l’énergie et le climat, une loi qui définit des orientations de politique énergétique. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. La souveraineté énergétique est un élément clé de notre réindustrialisation, laquelle est désirable. Mais le seul élément de notre compétitivité industrielle que vous mentionnez est l’énergie nucléaire. Or les énergies renouvelables sont essentielles en ce sens, je veux le rappeler : c’est un point de désaccord entre nous.

Du point de vue légistique, je rejoins la rapporteure : cette précision n’a pas sa place ici. C’est plutôt un article programmatique, comme ce dont nous parlions à l’instant.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vos arguments ne sont pas les bons. La commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France a entendu M. Montebourg cet après-midi, et il a eu une très bonne formule : « La production d’énergie, c’est l’industrie de l’industrie ». On ne peut pas programmer une réindustrialisation sans programmer l’énergie, et vice versa. Les deux vont de pair ! Vous n’avez pas répondu à l’observation que je vous ai faite sur ce point, Madame la ministre, et je le regrette. De la même manière, on ne peut pas faire la transition énergétique et écologique sans réindustrialisation, puisque les importations représentent la moitié de notre empreinte carbone : tout est lié !

Refuser, pour des arguments de forme que je n’accepte pas, d’édicter cet objectif de réindustrialisation et de renucléarisation n’a aucun sens. Nous ne prétendons aucunement que le nucléaire est la seule énergie, puisque nous écrivons dans l’amendement « notamment en développant la filière nucléaire ». Nous entrons dans un débat technique : soyons précis et débattons sur le fond.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE226 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement vise à instaurer un moratoire d’un an sur tout nouveau projet de réacteur nucléaire, afin de reprendre les choses dans l’ordre. Je le répète, il faudrait commencer par débattre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui se déclinera ensuite dans la PPE et la stratégie nationale bas-carbone ; c’est ensuite seulement que le débat sur les moyens techniques devrait se tenir.

En amont même d’une discussion sur une loi de programmation, nous devrions ouvrir un grand débat sur nos besoins collectifs, qui intégrerait la question de la sobriété. La rapporteure a rappelé l’objectif de réduire notre consommation de 40 % ; or le nucléaire ne représente que 17 % de l’énergie finale consommée dans notre pays : avec la sobriété, on pourrait se passer du nucléaire ! Ce grand débat devrait aborder la question de l’efficacité énergétique comme de la relocalisation et de l’électrification des usages. Ensuite nous pourrions parler des technologies nécessaires pour atteindre nos objectifs de production énergétique, en examinant tous les scénarios. C’est ce qu’a fait la CNDP, qui s’est fait couper l’herbe sous le pied, et ce que ne fait pas ce texte, qui ne retient qu’un seul des scénarios de RTE.

Sinon, on ne fait que courir toujours plus vite vers le mur.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il y a un an, certains demandaient des moratoires sur l’éolien, maintenant c’est sur le nucléaire… Le débat énergétique, nous l’avons eu, et cela va continuer. Il a eu lieu pendant la campagne pour l’élection présidentielle, puis pendant la campagne pour les élections législatives, avec les résultats qu’on connaît. Nous sommes parfaitement légitimes pour débattre de la politique énergétique, que ce soit dans cette commission, compétente en matière d’énergie, ou dans l’hémicycle.

Un moratoire est d’autant moins utile que nous reconnaissons tous l’urgence de la situation. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je voudrais revenir sur cette idée plusieurs fois répétée selon laquelle il n’y aurait pas eu de débat public. Est-ce le résultat du débat public qui vous pose problème ?

J’ai participé à ce débat public, comme certains députés ici présents – peut‑être ne l’avez-vous pas fait, je ne sais pas. Mais il était ouvert à tous, et il a permis de constater que les Français attendent un mix décarboné, diversifié, avec une part de nucléaire – c’est très clairement exprimé par une grande majorité des participants. Trois points d’attention reviennent : les déchets ; la sûreté ; la sécurité. Les questions de la consommation, de la sobriété, du financement, de la transition juste ont été posées. J’y ai porté la plus grande attention.

Ce débat est allé à son terme. Ne disons pas qu’il n’a pas existé.

Je rejoins aussi la rapporteure et le président de la commission sur le fait que l’Assemblée nationale est parfaitement légitime pour débattre. À force d’entendre remettre en cause l’élection, je finis par m’interroger, en tant que citoyenne, sur votre rapport à la démocratie !

Sur le fond de l’amendement, vous demandez l’arrêt de tout projet nucléaire pendant un an : alors doit-on arrêter Flamanville, que nous sommes en train de connecter et qui sera livré l’année prochaine ? C’est bien ce que vous demandez !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai participé assez activement aux réunions du débat public, soit en personne, soit en m’y faisant représenter. Il a été contradictoire, vif, exhaustif. Mais je me permets de vous corriger, Madame la ministre : à l’heure où nous parlons, ses conclusions ne sont pas connues.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je parlais du débat sur le mix énergétique !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous ne connaissons pas les conclusions du débat public sur l’opportunité de relancer trois paires d’EPR. Vous connaissez tous mon point de vue sur le mix énergétique – il y a des divergences au sein de la gauche, et nous les assumons. Mais ne confondons pas vitesse et précipitation !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le groupe Rassemblement national votera contre cet amendement. C’est surréaliste, et même indécent ! Le naufrage de la raison, sur le continent européen, qui a mené au ralentissement, voire au quasi‑anéantissement du programme nucléaire menace la capacité de l’humanité à réussir la transition climatique et à éviter la catastrophe. Comment peut-on continuer à pérorer sur des mécanismes qui n’ont ni queue, ni tête et prétendre qu’on peut se passer de 17 % de l’énergie produite en France grâce à la sobriété ? Tous ceux qui affirment ce genre de choses se mettent à bégayer et sont incapables d’aligner deux arguments sans se ridiculiser dès qu’ils sont interrogés sous serment par la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique !

Avançons et relançons le programme nucléaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er A : Dispositions de programmation relatives à la contribution de l’énergie nucléaire à la production électrique française

 

Amendements de suppression CE3 de Mme Julie Laernoes, CE209 de M. Benjamin Saint-Huile, CE230 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE432 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 1er A abroge l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035, fixé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Si nous conservons cet article, la loi ne sera plus technique mais programmatique. La suppression de cet objectif est un changement de cap majeur pour la politique énergétique de la France et n’a rien à faire dans un texte prétendument technique, relatif à des procédures administratives.

Ces dispositions préemptent l’issue des débats et concertations publics qui doivent éclairer les réflexions parlementaires sur la future stratégie française en matière d’énergie et de climat. Je rappelle qu’il était prévu qu’en amont de la discussion, au Parlement, de la future loi de programmation énergétique, soit organisé un débat public sur l’avenir énergétique de la France, et plus précisément sur les objectifs que nous souhaitons collectivement nous fixer. Une consultation a été menée par le Gouvernement entre le 20 octobre 2022 et le 18 janvier 2023 sur le thème « Notre avenir énergétique se décide maintenant ». En parallèle, la CNDP a mené un débat public sur l’opportunité d’un programme présenté par EDF visant à construire six nouveaux réacteurs ; il a débuté le 27 octobre 2022 et s’est terminé le 27 février 2023.

La décision de revenir sur les objectifs actuellement fixés et d’en ajouter de nouveaux prend de court ces consultations. C’est la CNDP elle-même qui a alors modifié les modalités du débat, validées par une décision du 7 septembre 2022, pour traiter spécifiquement de la participation du public dans la gouvernance des projets nucléaires.

Ces dispositions déstabilisent le débat public, alors qu’en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, « toute personne a le droit […] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous essayons de faire preuve de cohérence et de comprendre votre logique. Vous regrettez, dites-vous, Madame la ministre, que le Sénat ait proposé des mesures programmatiques ; vous avez été battue par les sénateurs ; vous proposez donc des amendements de suppression. Très bien ! Sauf que vous profitez du passage de ce texte à l’Assemblée pour faire vos courses : vous proposez bien de retirer les mesures du Sénat, sauf celles qui peuvent vous arranger, ou envoyer un signal !

Il faut, à mon sens, respecter une sorte de parallélisme des formes. Il est légitime de s’interroger sur les objectifs fixés en 2015 et corrigés par la suite, mais nous le ferons dans quelques mois, lors du débat sur la loi de programmation. Ou alors n’avez-vous plus aucun objectif, et souhaitez surtout éviter le débat ?

Vous n’ignorez pas qu’après le vote par le Sénat de mesures programmatiques, la CNDP a dû changer son fusil d’épaule pour finalement parler de gouvernance et de financement… C’est Mme Jouanno elle-même qui l’a redit.

Je serai attentif aux conclusions de ce débat lorsqu’elles nous parviendront. Mais la cohérence, c’est tout ou rien : ne faites pas votre marché en fonction de ce qui vous arrange !

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). La suppression de la mesure phare de la loi de transition énergétique de 2015, c’est-à-dire la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité, serait gravissime.

L’échéance avait d’abord été fixée à 2025 ; elle a ensuite été reportée à 2035. Ce recul constituait déjà un renoncement de la part d’Emmanuel Macron, qui avait promis de conserver le cadre de la loi de transition énergétique. Mais maintenant, ce n’est plus un renoncement, c’est carrément une trahison ! En effet nous parlons ici, sans la moindre ambiguïté, de la relance d’un vaste programme nucléaire qui engagera notre pays pour un siècle au moins, comme vous l’avez rappelé, Madame la rapporteure, en établissant une comparaison avec le plan Messmer.

Ce changement d’orientation politique majeur n’a rien à faire dans un texte censé encadrer des procédures de construction. Il a de telles implications qu’il ne peut pas être accepté sans un grand débat national – qui, non, n’a pas eu lieu ! Même la CNDP, considérant que tout avait été décidé à l’avance, sans consultation sérieuse des Françaises et des Français, a jeté l’éponge il y a quelques semaines. Mais auparavant, il ne s’était de toute façon rien passé. C’est Michel Badré, président de la commission spéciale de la CNDP, qui le dit dans une interview au Monde du 26 octobre 2022 : « Il n’y a jamais eu de débat public sur la place du nucléaire en France ».

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les arguments en faveur de la suppression de cet article ont été largement développés et je n’y reviens pas. Mais je souligne que le groupe socialiste avait retiré tous ses amendements à visée programmatique lors de la discussion de la loi sur les énergies renouvelables, à la demande du rapporteur. Nous l’avons fait par loyauté et nous nous sentons trahis : dans ce texte, vous ne demandez pas le retrait des amendements programmatiques ! Vous aviez dit souhaiter un texte technique, mais vous acceptez que des articles programmatiques introduits par le Sénat demeurent. Il nous semble que vous devriez, par loyauté, en demander la suppression.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. J’ai expliqué tout à l’heure pourquoi je souhaitais la disparition de cet objectif de 50 % de nucléaire et de la limite de capacité de production installée. Mais nous souhaiterons revenir sur bon nombre des dispositions programmatiques introduites par le Sénat, soit parce qu’elles n’ont pas leur place dans le texte, soit parce qu’elles nous semblent irréalistes.

M. Caron disait qu’il s’agissait d’un changement d’orientation politique. Je ne considère pas, pour ma part, avoir changé d’orientation. Je suis engagée depuis six ans dans une famille politique, j’ai fait campagne pour un candidat qui défendait une ambition nucléaire, comme tous les candidats de la majorité aux élections législatives. Il n’y a jamais eu de changement ou d’agenda caché ! Nous ne faisons pas demi-tour sans prévenir personne. J’assume pleinement cette direction.

Vous parlez de la CNDP. Le débat sur le programme EPR 2 de la CNDP ne s’est effectivement pas très bien passé. Mais elle a unilatéralement décidé d’interrompre les débats, ce qui a empêché certains échanges de se tenir. Il a aussi régné une certaine cacophonie. Les torts sont, je crois, partagés : les sénateurs ne sont pas seuls en cause.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous lis le communiqué de presse qui se trouve sur le site de la CNDP – ce n’est pas un article dans Le Monde, ce n’est pas quelqu’un qui a vu quelqu’un qui a vu le loup, c’est la CNDP qui communique : « Après quatre mois d’échanges, des dizaines de rencontres et plus de 4 000 contributions en ligne, le débat s’est terminé ce lundi 27 février. Merci à toutes et à tous pour votre participation ! » Ce n’est pas le communiqué de presse d’un débat qui s’est arrêté au milieu du gué : il s’est poursuivi jusqu’au bout.

Le communiqué de Chantal Jouanno du mois de février, que vous évoquez aussi, ne porte pas sur le financement puisque la séance consacrée à ce sujet a eu lieu en janvier. Le débat en cause portait sur la réalisation de deux nouveaux réacteurs à Penly et par extension, parce que cela a été une demande de la CNDP, sur l’opportunité de construire trois paires de nouveaux réacteurs. Ce débat public s’est engagé après un autre, qui est terminé, après s’être tenu de bout en bout, et qui a notamment évoqué la question du nucléaire dans notre mix énergétique, mais aussi la baisse de la consommation, la sobriété, l’efficacité, le financement, la transition juste, la place des énergies renouvelables… Ne trahissons pas la réalité des faits !

Je vous renvoie au site de la CNDP : sur le mix énergétique, plus de 33 000 contributions ont été enregistrées. Il y a eu des dizaines de réunions, j’en ai fait quatre. Ce débat s’est déroulé très exactement comme la CNDP l’a demandé.

Ses conclusions n’appellent pas une remise en cause profonde du nucléaire. Que voulez-vous que j’y fasse ? C’est ce que nous disent les Français ! Peut-être devriez-vous accepter qu’en France, l’opinion dominante est favorable au nucléaire.

J’ai invité tous les membres de cette commission au Forum des jeunesses. Ils n’étaient pas nombreux – à part le président Kasbarian – mais vous étiez les bienvenus ! On ne peut pas dire que le débat s’est mal passé. Il s’est déroulé dans les formes et strictement comme nous l’a demandé la CNDP.

J’en reviens à la question de la programmation. L’objectif de 50 % figurait dans la programmation pour les années 2019 à 2023. Vous me demandez de le réintroduire. J’étais contre la position adoptée par le Sénat, qui a fixé un plancher ; je suis tout aussi opposée à votre proposition de plafond. Les deux sont tout aussi programmatiques !

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). C’est la loi actuelle !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous me demandez de réintroduire un plancher dans le texte en son état actuel. C’est la même chose qu’un plafond.

Enfin, arrêtons de nous raconter des histoires : avant d’atteindre le plafond de 63 gigawatts, il va couler bien de l’eau sous les ponts… Bloquer l’évolution du nucléaire dans cette loi, ce n’est pas sérieux. C’est en loi de programmation sur l’énergie et le climat qu’il faut voter des objectifs.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Heureusement que les sénateurs ont voté ces articles ! La commission d’enquête sur la souveraineté énergétique entend les gens sous serment, ce qui nous permet de savoir que la barre des 50 % était un mensonge d’État, organisé sur la base d’un pacte électoral, sans étude d’impact, sans étude technique, au doigt mouillé. Il n’y a pas une seule personne qui a été capable, sous serment, de défendre cette décision. Pas une. Oser demander le rétablissement dans la loi de ce mensonge, avec ce que l’on sait aujourd’hui, c’est irréaliste, irresponsable, quasiment criminel !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Clairement ça part mal, comme un concours de mauvaise foi et d’hypocrisie entre le Rassemblement national et le Gouvernement. Là encore, la question de la cohérence et de la loyauté est posée.

Vous citez la CNDP, Madame la ministre ; vous pourriez citer le communiqué de la présidente de la CNDP, qui écrit que le vote du Sénat revient « à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours ». Vous pourriez aussi, puisque vous présumez une volonté majoritaire du peuple français sur cette question, avoir le courage de vous confronter au vote, ou à tout le moins adopter la même position sur d’autres sujets sur lesquels vous vous savez minoritaires, comme la question des retraites. Vous pourriez assumer le fait que, même lors des deux campagnes présidentielles et dans le discours de Belfort, il n’a jamais été question d’aller au-delà de quatorze réacteurs, comme vous annoncez en avoir l’intention dans la presse ce matin, Madame la ministre.

Enfin, pendant tout le débat sur les énergies renouvelables, vous nous avez expliqué que les questions de programmation devaient être renvoyées à plus tard. Nous avons argumenté dans l’autre sens. Il y a eu entre nous un débat que nous avons cru loyal, franc, direct. Mais vous nous dites maintenant que ce débat était mensonger, hypocrite, certainement pas cohérent et loyal, et que pour le nucléaire, vous alliez adopter une position tout à fait contraire, parce que cela va dans le sens de votre politique. Ayez au moins le courage de la cohérence ! Sinon, on a vraiment l’impression que vous prenez les députés pour des jambons.

La commission rejette les amendements.

2.   Réunion du jeudi 2 mars 2023 à 9 heures 30

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).

 

Présidence de Mme Anne-Laurence Petel, vice-présidente de la commission.

 

Article 1er A (suite) : Dispositions de programmation relatives à la contribution de l’énergie nucléaire à la production électrique française

 

L’amendement CE73 de Mme Marie Pochon est retiré.

 

Amendements identiques CE164 de Mme Julie Laernoes et CE227 de M. Christophe Bex.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Vous voulez abroger en catimini un objectif programmatique fixé par une loi programmatique au moyen d’une loi dite « technique » : c’est un petit « coup politique » qui nous semble extrêmement grave. La ministre nous avait pourtant dit que ce texte ne visait à fixer ni la place du nucléaire dans le mix énergétique français, ni les détails d’un nouveau programme nucléaire, ni la politique en matière de traitement et de recyclage des déchets nucléaires ou encore de recherche et développement. Nous demandons la suppression des alinéas 2 à 4 de cet article, à défaut d’avoir pu le supprimer dans son ensemble.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Cet article vise à nous faire renoncer à l’objectif essentiel de réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2035. Après avoir repoussé l’échéance, initialement fixée à 2025, alors que le candidat Macron s’était engagé à garder le cadre fixé par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, vous vous apprêtez à réaliser un changement de cap majeur au détour d’un projet de loi technique qui vise – à tort – à simplifier et à faciliter la construction de nouveaux réacteurs. Après vous être fait les chantres de la planification écologique entre les deux tours de la dernière élection présidentielle, vous prenez une décision lourde qui est incompréhensible dans le contexte du dérèglement climatique et du débat public, en cours, sur les objectifs de la politique énergétique française.

Votre précipitation nous pousse à nous interroger. Nous sommes habitués à la verticalité du pouvoir permise par les institutions de la Ve République, auxquelles vous vous êtes parfaitement accommodés, mais nous espérions que des questions aussi essentielles que la sûreté et la sécurité de la population pourraient faire l’objet d’un débat démocratique et contradictoire. Sur ce plan, Macron est bien l’héritier de Messmer. Comme le demandait un ancien grand serviteur de l’atome et ancien président-directeur général d’EDF, dans les années 1960, M. Pierre Guillaumat, à quoi servent, dans ces conditions, les discussions parlementaires ?

Nous demandons que l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2035 soit maintenu et que le travail engagé par la Commission nationale du débat (CNDP) public aille jusqu’à son terme.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous avons déjà largement parlé, hier, des enjeux démocratiques. Les débats publics continueront évidemment. Par ailleurs, les dernières élections, présidentielle comme législatives, ont permis aux différentes opinions de s’exprimer et notre assemblée a pleine légitimité pour débattre de ces questions.

Sur le fond, je répète ce que j’ai dit hier : si nous devions fixer des plafonds pour certaines énergies, cela devrait concerner les énergies fossiles, mais aucunement des énergies décarbonées qui servent tant le climat que notre souveraineté.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Même avis. Je vous invite plutôt à soutenir les amendements de la rapporteure et de la majorité qui visent à amender cet article et les trois suivants afin de retirer les éléments programmatiques de cette loi, car ce n’est pas un texte de cette nature. La réintroduction du plafonnement du nucléaire, que vous demandez, serait programmatique.

Notre vision des choses est que nous avons besoin d’un mix décarboné et diversifié. Je m’étonne que cela ne fasse pas l’objet d’un consensus parmi vous.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Pourquoi supprimer des objectifs qui ont été débattus et adoptés démocratiquement, au Parlement, dans le cadre d’une loi programmatique ? Si une nouvelle loi de cet ordre n’a pas encore été présentée au Parlement, ce n’est pas de notre fait. Nous avons, au contraire, dénoncé l’inversion du calendrier.

Même si vous essayez de sortir de la contradiction en affirmant que la suppression d’un objectif programmatique n’est pas en soi programmatique, modifier de tels objectifs dans une loi présentée comme technique revient à faire de celle-ci un texte programmatique.

Par ailleurs, les travaux de la CNDP ont été fortement perturbés parce que l’objectif dont nous parlons a été supprimé lors de l’examen du texte au Sénat. Il est faux de dire que le débat démocratique a pu être mené dans de bonnes conditions.

Madame la ministre, personne ne remet en cause la volonté de décarboner et de diversifier notre mix énergétique. La question – et c’est cela qui nous inquiète – est de savoir comment on fait. S’agissant des énergies renouvelables (ENR), vous n’étiez guère disposée à fixer des objectifs pour ce qui est du développement des parcs éoliens et des surfaces de panneaux photovoltaïques. Dans le cadre de ce texte, en revanche, vous voulez faire sauter tous les plafonds. Notre mix énergétique et le débat public méritent mieux que ces petits arrangements entre amis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les « cocos » essaient d’être un peu cohérents sur ces questions. Nous pensons qu’il ne serait pas illégitime de créer des conditions permettant d’avoir un débat en profondeur dans notre société au sujet de l’acceptabilité de l’ensemble des modes de production d’énergie. Je me souviens ainsi d’avoir dit, lors du débat sur les énergies renouvelables, que le seuil de saturation qui est parfois atteint justifierait qu’on ouvre un débat sur les territoires mis à contribution lorsqu’il s’agit de développer les éoliennes terrestres ou en mer, car ce sont souvent les mêmes territoires qui sont concernés. Je me souviens aussi d’avoir dit, à la même époque, que le fait de mettre dans la loi des objectifs de production d’ENR contrarierait le débat qu’il fallait mener dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Je pense de même qu’il ne faut pas inscrire ce genre d’objectifs dans le texte relatif au nucléaire. Si je refuse, en revanche, de voter les amendements de mes amis et camarades de la NUPES, c’est parce qu’ils rétabliraient des objectifs de l’ancienne PPE qui, à mon avis, sont devenus caducs et dont il faudrait que nous redébattions.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE121 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet (RE). Cet amendement vise à améliorer la continuité du service de l’énergie nucléaire en posant le principe du maintien en activité des réacteurs en état de produire, à condition que leur sûreté soit garantie, et le principe d’une compensation au moyen d’une autre installation en cas de fermeture. Nous souhaitons prolonger la durée d’exploitation des infrastructures jusqu’à cinquante ou soixante ans, voire plus, mais les antinucléaires font pression pour leur fermeture, malgré l’absence de perspectives de remplacement. C’est notamment le cas dans le site du Bugey, où nous appelons de nos vœux l’installation d’EPR 2 : en l’absence de confirmation de leur lancement, il reste très difficile de se projeter vers l’avenir.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je comprends parfaitement l’idée qu’une centrale doit tourner tant qu’elle peut le faire, mais je vous propose de retirer l’amendement : cela ne peut pas figurer ainsi dans la loi. Pour autant, tout est déjà prévu pour fonctionner de cette manière, sur la base des avis émis par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et il me paraît assez clair, à la suite du Conseil de politique nucléaire qui s’est réuni il y a trois semaines, que la volonté actuelle est de prolonger l’exploitation de l’ensemble des sites, dans la limite, bien sûr, de ce que la sûreté nucléaire permet de faire. Les quatrièmes visites décennales sont en cours dans une partie du parc, notamment à Bugey, me semble-t-il – il est d’ailleurs possible qu’une bonne partie du travail y ait déjà été réalisée –, et on réfléchit à la manière de prolonger la durée de vie des centrales au-delà de soixante ans. Pour toutes ces raisons, votre amendement me semble satisfait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE98 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Quand on se dote d’outils pour accélérer les procédures, hier en ce qui concerne les énergies renouvelables et aujourd’hui s’agissant du nucléaire, cela peut avoir des conséquences sur les objectifs de la PPE et la composition du mix énergétique. Lorsqu’une modification législative a une incidence sur la PPE, il faut réviser celle-ci. Tel est l’objectif de cet amendement qui permettra peut-être de mettre tout le monde d’accord en garantissant la pleine cohérence des choix du Parlement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Là encore, même si je comprends bien l’idée, j’émets un avis défavorable. La PPE doit, de toute façon, être révisée cette année : il y aura une cohérence grâce à la mise à jour prévue dans les prochains mois. Par ailleurs, la loi demande une révision de la PPE tous les cinq ans. Je ne suis pas sûre – cela mériterait en tout cas une réflexion plus poussée – qu’on aurait intérêt à réviser la PPE à chaque fois qu’une loi modifie, même de façon très parcellaire, nos orientations énergétiques. Les filières concernées ont besoin d’une vision sur le temps long. Si on procède par ajustements successifs, tous les x mois, on risque de manquer de constance, ce qui pourrait ensuite poser des questions sur le plan opérationnel.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La PPE est de niveau réglementaire : la loi prendra toujours le pas sur elle. Votre amendement étant satisfait compte tenu de la hiérarchie des normes, je vous demande de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE150 de Mme Julie Laernoes, CE228 de Mme Aurélie Trouvé, CE315 de M. Jérémie Iordanoff et CE372 de M. Xavier Albertini.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je le répète : ce projet de loi est, de fait, une révision de la PPE. Nous proposons de supprimer l’alinéa 5, qui prévoit que « la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations. »

Ce projet de loi dit « technique » conduit à un renversement de la hiérarchie des normes qui me paraît extrêmement grave. Les débats démocratiques sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur la composition du mix et sa décarbonation, ne servent en réalité à rien, car vous préemptez tout en fixant des objectifs chiffrés. Il n’y en avait pas pour les ENR, mais vous en prévoyez pour les nouveaux réacteurs nucléaires – quoi que vous puissiez dire, ils apporteront de la puissance.

Cette loi supposément technique est, en fait, extrêmement programmatique. On a l’impression que le nucléaire n’ose pas se soumettre au débat public.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’alinéa 5 remet effectivement en cause le dispositif actuel, qui fonctionne très bien, pour la construction de la stratégie énergétique de notre pays. La loi relative à l’énergie et au climat a ainsi été adoptée avant la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Vous proposez en réalité de préempter les débats parlementaires et surtout toute analyse systémique des différents scénarios énergétiques, lesquels doivent notamment nous permettre de planifier, sur le long terme, la sortie des énergies fossiles et du nucléaire. L’amendement CE228 rétablira des débats beaucoup plus propices à une réflexion de long terme sur la transition énergétique.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Nous proposons de supprimer la procédure dérogatoire qui a été introduite par le Sénat pour l’élaboration de notre politique énergétique. Partant du principe que ce projet de loi actait la relance de la filière nucléaire, le Sénat a, en effet, choisi d’imposer une mise en conformité de la PPE avec cette orientation.

Une telle dérogation au cadre démocratique que nous nous sommes fixé en 2019 pour la détermination de notre politique énergétique n’est pas acceptable. La méthode qui est définie par le code de l’énergie, même si elle aurait toute sa place au plus haut niveau de la hiérarchie des normes, est la suivante : les objectifs et les priorités de notre politique énergétique doivent être fixés par le Parlement tous les cinq ans, avant d’être déclinés par le Gouvernement dans le cadre d’une feuille de route énergétique. Autrement dit, la PPE ne doit pouvoir être mise en conformité qu’avec la loi de programme. Or l’examen de ce texte ne commencera qu’en juin prochain, sur le fondement des conclusions de la concertation nationale qui a été organisée par la CNDP.

Il n’est pas admissible que la PPE devance une loi aussi structurante. La relance de la filière nucléaire engage les générations futures. C’est une question démocratique majeure, sur laquelle nos concitoyens doivent pouvoir se prononcer et dont le Parlement doit pouvoir débattre de manière sereine et éclairée, en temps voulu. Vous allez beaucoup trop vite.

M. Xavier Albertini (HOR). Notre amendement vise également à supprimer l’alinéa 5, qui introduit une révision simplifiée de la PPE. Le délai relativement court qui est prévu – il serait de six mois – ne peut pas correspondre à l’examen du projet de loi annoncé au sujet de notre mix énergétique. Je rappelle aussi que le présent texte, de nature technique, est relatif à l’accélération des procédures liées à la construction des nouvelles centrales. Il ne me paraît absolument pas opportun d’y intégrer une notion de quantum.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous assumons de lever le plafond relatif à la part du nucléaire et à la capacité de production installée. En revanche, nous estimons qu’il faut discuter de la suite, qu’il s’agisse du nucléaire ou des renouvelables, comme l’hydraulique. Je crois d’ailleurs que des groupes de travail sont actifs. J’émets un avis favorable à ces amendements, afin de garder le calendrier actuel de révision de la PPE.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est pas nous qui avons fait une telle proposition, madame Trouvé, mais le Sénat : c’est lui qui préempte le débat parlementaire. Comme je l’ai toujours dit, nous voulons enlever tous les objectifs. M. Jumel l’a très bien expliqué : dès lors qu’on prévoit un plafond ou un plancher, on est directif et on préempte la PPE. Le temps du débat viendra. En attendant, j’émets un avis favorable à ces amendements.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Vous nous dites que c’est le Sénat, et non le Gouvernement, qui veut préempter le débat sur la programmation pluriannuelle de l’énergie en prévoyant une révision simplifiée, mais je cherche désespérément l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement. Il n’y en a pas. Faites au moins un petit effort de cohérence.

Nous voterons ces amendements, bien sûr, mais j’insiste sur un point : vous ne pouvez pas dire, comme nous, qu’il ne faut pas d’objectifs programmatiques dans ce texte et vouloir en même temps supprimer des objectifs qui existent. Lorsque nous avons proposé qu’il n’y ait pas de plafond pour les énergies renouvelables dans le cadre du texte qui leur était consacré, vous l’avez refusé. Vous ne pouvez pas à la fois freiner en ce qui concerne les renouvelables et accélérer pour le nucléaire, ou alors assumez-le. Vous faites un choix très clair en étant plus favorables au nucléaire. Nous estimons, pour notre part, qu’il faudrait le traiter avec la même exigence que les énergies renouvelables.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements identiques CE425 de M. Jérôme Nury et CE512 de M. Vincent Rolland et l’amendement CE118 de Mme Olga Givernet tombent.

 

Présidence de M. Guillaume Kasbarian, président de la commission.

 

Amendements identiques CE165 de Mme Julie Laernoes et CE229 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 6, qui abroge le plafonnement actuel de la capacité de production d’électricité nucléaire à 63,2 gigawatts. Au‑delà du fait que la suppression de la limitation des autorisations d’exploitation ne se justifie pas en tant que telle, les dispositions en vigueur sont compatibles avec la relance du nucléaire voulue par le Gouvernement, cela a été dit hier.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il nous semble très important de supprimer cet alinéa, parce qu’il remet en cause notre politique énergétique en abrogeant un article du code de l’énergie qui prévoit qu’une autorisation d’exploitation ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter la capacité de production d’origine nucléaire au-delà de 63,2 gigawatts. Cette remise en cause des décisions prises dans le cadre de la PPE conduirait à préempter les débats parlementaires.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La limitation à 63,2 gigawatts de la capacité de production d’électricité nucléaire est peut-être encore plus importante que le plafonnement à 50 % du total. Ce plafond vaut, en effet, à l’horizon 2035, alors que la limitation de la capacité de production, déjà en vigueur, a obligé à fermer Fessenheim avant de démarrer la construction de l’EPR de Flamanville 3. Cette limitation, comme je l’ai déjà largement expliqué hier soir, n’a pas de sens. Avis défavorable à ces amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je défends, pardonnez-moi de le souligner, une vision très cohérente : nous ne voulons ni plancher, ni plafond, ni objectif. Il me semble que la loi relative aux énergies renouvelables, de même, ne prévoyait pas de plafond dans le cadre de la PPE.

Vous voulez, pour votre part, réintroduire un objectif programmatique tout en disant que vous ne voulez pas faire de la programmation, ce qui est très illogique. Ce que vous demandez est un acte de programmation, qui sera compris comme tel par la filière. Nous pensons, au contraire, qu’il faut en rester à une logique de neutralité et de promotion d’un mix décarboné et diversifié.

Les intentions du Gouvernement sont très claires. Elles ont été étayées par un rapport de Réseau de transport d’électricité (RTE). Il existe des scénarios et des trajectoires très claires pour chaque énergie, qui ont vocation à être encodés dans la future PPE.

J’émets un avis défavorable à ces amendements, qui sont programmatiques et donc contraires à la vision dont vous vous réclamez.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Vous avez dit, madame la rapporteure, que vous acceptiez de lever les limites, ce qui signifie que vous acceptez des modifications programmatiques.

Vous nous répondez qu’on ne peut pas modifier cette disposition, adoptée par le Sénat, parce que ce serait faire de la programmation, mais je rappelle que la loi en vigueur acte ce que nous demandons : par rapport à elle, ces amendements sont donc neutres. C’est vous qui faites de la programmation en modifiant la loi actuelle, ce à quoi nous nous opposons, parce que c’est l’objet du projet de loi qui doit prochainement venir en examen devant le Parlement.

Craignez-vous qu’on arrive à un tel niveau de production dans trois ou quatre mois ? Personne n’y croit un instant. Par conséquent, pourquoi adopter précipitamment des mesures programmatiques dans un texte qui n’est pas consacré à cela au lieu d’attendre la future loi de programmation dont c’est précisément l’objet ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je pense que c’est l’incapacité des gouvernements successifs – l’audition d’Arnaud Montebourg, hier, a été très éclairante à ce sujet – qui a abouti à la situation que nous avons connue au cœur de l’hiver. Nous sommes parvenus au bord du gouffre, c’est-à-dire du délestage, les prix ont explosé, vous avez été conduits à rouvrir des centrales thermiques après avoir expliqué à leurs salariés qu’il fallait les fermer et vous avez même été obligés de vous tourner vers des plateformes méthanières offshore. Même si la crise en Ukraine a évidemment accéléré les choses, on voit bien, lorsqu’on n’anticipe pas, qu’on est poussé à faire du yoyo avec notre mix énergétique, sans en débattre, ce qui est encore plus grave. Nous devons nous redoter d’une véritable stratégie, reposant sur un mix énergétique équilibré, intelligent et librement consenti, qu’il fasse appel aux énergies renouvelables ou au nucléaire. Voilà l’état d’esprit du groupe communiste.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE193 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il est un peu fort de café d’inverser les responsabilités. Nous proposons, après le choix fait par le Sénat, d’en revenir à ce qui figure actuellement dans la PPE. Vous n’avez pas cessé de nous dire, lors de l’examen du texte relatif aux énergies renouvelables, qu’il n’y avait pas de raison de toucher à la PPE en vigueur. Vous nous renvoyez maintenant la responsabilité d’un objectif alors qu’il existe actuellement dans la loi – c’est vous qui voulez le supprimer.

Par cet amendement, nous proposons de vous donner un peu plus de pouvoir, madame la ministre, en vous permettant de décider de fermer des centrales nucléaires – ce pouvoir est actuellement entre les mains des exploitants. Si le plafonnement actuel du nucléaire à 50 % de la production et à 63,2 gigawatts est maintenu, cette disposition vous permettra de prendre les décisions qui s’imposent, et elle sera également utile par la suite.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mon avis est également défavorable. Il serait assez curieux d’adopter un amendement qui nous enjoint, en fin de compte, de diminuer nos capacités de production d’électricité – je crois que ce n’est pas le sens de l’histoire.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CE618 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

La commission adopte l’article 1er A modifié.

 

Après l’article 1er A

 

Amendement CE119 de Mme Olga Givernet.

Mme Olga Givernet (RE). La législation n’impose pas de durée maximale pour l’exploitation des centrales nucléaires. Elle prévoit un réexamen de sûreté tous les dix ans.

L’idée selon laquelle une centrale nucléaire peut fonctionner jusqu’à 60 ans et même au-delà fait aujourd’hui consensus. Lors de ses vœux à la presse, le président de l’ASN a fixé à EDF la date butoir de la fin 2024 pour étudier cette possibilité avant que l’Autorité ne prenne elle-même position dans un délai de deux ans.

Il est demandé au Gouvernement de remettre au Parlement, au plus tard le 30 juin 2025, un rapport nourri par les retours d’expérience étrangère « évaluant l’opportunité, le coût estimé et les conditions de faisabilité d’une prolongation à soixante ans des réacteurs existants du parc nucléaire français ».

Il est indispensable de renouveler les installations nucléaires dans un délai raisonnable et cohérent avec nos besoins en électricité.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La date du 30 juin 2025 est un peu précoce. Les études sur la faisabilité d’une prolongation au-delà de soixante ans ne seront pas achevées dans un délai aussi court. Je vous invite donc à retirer l’amendement et à en présenter un en vue de la séance avec une date plus lointaine.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Le Parlement doit évidemment être informé, mais les travaux de l’opérateur et de l’ASN demandent un peu plus de temps.

L’amendement est retiré.

 

Article 1er B : Modification d’objectifs de politique énergétique relatifs à la production d’électricité d’origine nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone

 

Amendements de suppression CE669 du Gouvernement, CE619 de Mme Maud Bregeon, CE4 de Mme Julie Laernoes, CE210 de M. Benjamin SaintHuile, CE237 de M. Aymeric Caron, CE371 de M. Xavier Albertini, CE433 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE516 de M. Antoine Armand et CE525 de Mme Louise Morel.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er B qui demande la poursuite des efforts de recherche et d’innovation dans le secteur nucléaire et celui de l’hydrogène bas-carbone, le maintien d’une part de plus de 50 % de production d’électricité d’origine nucléaire, etc., autant de dispositions programmatiques qui n’ont pas leur place dans le texte. Je le répète : ni plafond, ni plancher. Tout amendement de nature programmatique voté aujourd’hui envoie un signal à la filière, que vous le vouliez ou non. C’est la raison pour laquelle la neutralité s’impose.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’article comporte des dispositions programmatiques qui, pour certaines, sont un peu éloignées de l’objet du texte
– hydrogène – et, pour d’autres, fixent des objectifs prématurés.

S’agissant du plancher de 50 % de nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2050, il nous semble prématuré, non pour des raisons de fond mais parce que nous ne disposons pas encore des études de sûreté sur la prolongation des réacteurs du parc existant au-delà de 60 ans, prolongation nécessaire pour atteindre un tel objectif.

En ce qui concerne la décarbonation du mix électrique à 100 % à l’horizon 2030, elle imposerait, dans les sept ans, de nous passer des 10 gigawatts issus du gaz ainsi que des turbines à combustion. Si je partage l’objectif, prenons garde à ne pas nous démunir ni à accroître le risque de coupures d’électricité dans les prochaines années alors que l’hiver dernier a montré les possibles tensions sur le réseau.

Quant à la part de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire, à hauteur de 20 % à l’horizon 2030, les acteurs nous ont confirmé lors des auditions qu’ils étaient incapables de s’engager sur un tel objectif, qui pose des questions sur la création du MOX ainsi que sur le passage de l’uranium de retraitement (URT) à l’uranium de retraitement après enrichissement (URE).

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Fidèles à notre position et prenant au mot la ministre, nous proposons de supprimer les objectifs programmatiques, et pour certains inatteignables – Mme la rapporteure l’a rappelé –, que le Sénat a introduits.

L’objectif de 20 % de production d’électricité d’origine nucléaire à partir de matières recyclées implique au minimum de doubler la quantité de combustible MOX et de rénover les réacteurs pour augmenter la part d’entre eux capable de recevoir ce type de combustible, ou d’accroître les échanges commerciaux avec la Russie pour la conversion et l’enrichissement de l’uranium de retraitement. Une telle trajectoire est intenable et inacceptable dans la dernière hypothèse.

S’agissant de l’hydrogène, le plancher proposé est hallucinant. Les scénarios de RTE ne prévoient pas plus de 50 % et on ne peut pas préjuger du rapport de l’ASN sur la prolongation de la durée de vie des centrales.

Je suis étonnée d’entendre Mme la rapporteure juger impossible la décarbonation à 100 % du mix d’ici à 2030. C’est la preuve que le nucléaire ne permet pas de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et de tenir nos objectifs climatiques. Nous ne pourrons pas, en effet, dans un tel délai, construire les nouveaux réacteurs nécessaires pour parvenir à la décarbonation totale.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les dispositions programmatiques n’ont pas lieu d’être dans le texte.

Madame la ministre, je suis sensible à votre argument sur le signal envoyé à la filière. L’adoption du projet de loi ainsi que l’affirmation de la volonté du Gouvernement d’inscrire dans la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC) des objectifs révisés sont de nature à rassurer la filière.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer un article qui transforme, s’agissant de la part du nucléaire dans notre mix énergétique, un plafond en plancher. Les propos de Mme Bregeon qualifiant ce plancher de prématuré confirment que la majorité est plus gênée par le calendrier que par l’objectif en lui-même. Le Gouvernement maintient ainsi sa logique d’hypernucléarisation du pays, logique scandaleuse et irresponsable tant elle va à rebours de l’histoire et de la raison.

Nos voisins allemands ont fait le choix inverse, celui de la sortie définitive du nucléaire. Ils l’ont fait après l’accident de Fukushima au nom du risque nucléaire, ce risque dont le Président de la République et le Gouvernement font totalement fi alors même que le président de l’ASN reconnaît qu’un Fukushima est possible en France.

On me rétorque « le charbon », mais c’est un pur discours de lobbyiste. L’Allemagne n’a pas augmenté ses émissions de gaz à effet de serre. La hausse de la production du charbon, constatée entre 2009 et 2013, tient à des raisons étrangères à la sortie du nucléaire, notamment une forte baisse du cours mondial du charbon. L’Allemagne s’appuie sur les énergies renouvelables pour sortir du nucléaire et c’est ce que nous réclamons pour la France.

M. Xavier Albertini (HOR). Le projet de loi n’a pas vocation à se substituer à la LPEC qui, au terme du débat parlementaire, définira les objectifs d’évolution et de décarbonation des mix électrique et énergétique.

Une réflexion globale et sereine est préférable à ces planchers et plafonds qui n’apportent rien au projet de loi, lequel doit rester un texte de simplification, strictement administratif.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je suis ravie que nous soyons tous d’accord pour refuser l’introduction d’éléments programmatiques dans le projet de loi.

D’après RTE, pour maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 50 % à l’horizon 2050, il faudrait construire quatorze EPR et vingt-quatre petits réacteurs modulaires ou SMR (small modular reactor) ainsi que prolonger au-delà de 60 ans huit ou neuf tranches nucléaires de 900 mégawatts. Des mesures aussi engageantes méritent un débat approfondi dont la loi de programmation sera le cadre idoine.

Mme Louise Morel (Dem). Sur la forme, le projet de loi n’est pas le véhicule législatif adéquat. Nous aurons l’occasion de discuter largement de tous ces enjeux lors de l’examen de la loi de programmation.

Sur le fond, certaines dispositions imposent à la filière industrielle nucléaire française des objectifs chiffrés irréalisables ou inopportuns. D’une part, il ne nous paraît pas souhaitable d’instaurer un plancher ou un plafond pour la part du nucléaire dans notre mix électrique puisque celle-ci dépend largement de la consommation électrique nationale et de la puissance installée.

D’autre part, l’objectif de décarbonation de notre mix électrique à hauteur de 100 % d’ici à 2030 ne nous paraît pas prioritaire alors même que celui-ci l’est déjà à 92 %. Cela nous contraindrait à fermer les centrales à gaz dans un délai de sept ans, sous peine de sanction, et à nous passer ainsi de 12 gigawatts d’électricité entièrement pilotable pour faire face aux aléas. Ce n’est pas responsable.

M. Jérôme Nury (LR). Je m’étonne de l’unanimité sur la suppression de l’article 1er B.

Le débat sur les dispositions programmatiques illustre une erreur de calendrier : nous aurions dû commencer par réviser la PPE avant de la décliner de manière opérationnelle. Sans stratégie, comment accélérer, qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou du nucléaire ?

En outre, la suppression de l’article témoigne d’un manque de respect pour les débats au Sénat qui avaient permis de clarifier les intentions de notre pays dans le domaine nucléaire.

Enfin, l’accélération constitue déjà un programme. Pour la mener à bien, il faut afficher des objectifs clairs et donner quelques garanties à la filière qui doit se reconstituer et s’organiser.

Pourquoi supprimer l’article entier et non pas seulement les objectifs irréalistes qu’il fixe ?

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous voterons contre les amendements de suppression.

L’article consacre les énergies pilotables face à la montée en puissance des énergies renouvelables intermittentes que certains appellent de leurs vœux. Compte tenu des innombrables retournements de veste du président Macron sur le nucléaire, il fait figure d’article de précaution.

Je vous invite à consulter la météo électrique du jour : l’éolien fonctionne à 16 % de ses capacités installées ; le solaire à 8 %. Que disent les écologistes du fait que 14 % de l’électricité produite en France provient des centrales à gaz ou à charbon ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous voterons les amendements de suppression, moins pour des raisons de fond que de forme. Il y a un risque d’inconstitutionnalité à inscrire des objectifs dans un texte qui n’est pas une loi de programmation.

Le changement climatique nous oblige à réduire de manière drastique et urgente la part des énergies fossiles dans notre consommation d’énergie. Il nous faut, même si les conséquences sociales m’inquiètent, électrifier les usages – la voiture notamment. En l’absence d’énergie pilotable, le risque est grand que nous adoptions la solution allemande : dix centrales thermiques construites.

Pour développer les énergies renouvelables, il ne faut pas nier l’impérieuse nécessité de disposer d’une énergie pilotable décarbonée.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Monsieur Caron, l’Allemagne est un très mauvais exemple. Le développement des énergies renouvelables a bien fonctionné dans certains pays dotés d’atouts particuliers, en hydraulique notamment, mais ce n’est absolument pas le cas en Allemagne.

La production de charbon n’a en effet pas augmenté et les nouvelles centrales construites sont venues remplacer les anciennes. En revanche, l’Allemagne a dû recourir massivement au gaz et nous payons tous les conséquences de Nord Stream 1 et 2. Nous nous sommes menottés à la Russie. En faisant le choix de sortir du nucléaire, l’Allemagne n’a pas réussi à sortir des énergies fossiles.

Dans un mix électrique, et puisque les énergies renouvelables sont intermittentes, il faut une part d’énergie pilotable : si ce n’est pas le nucléaire, c’est du gaz ou du charbon.

Monsieur Nury, j’ai beaucoup de respect pour le travail du Sénat et j’ai essayé de le conserver le plus possible. Je n’ai pas de désaccord de fond avec les objectifs inscrits dans l’article 1er B. Toutefois, nous n’avons pas aujourd’hui toutes les cartes en main pour nous prononcer sur leur faisabilité. Attendons d’être pleinement informés.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je tiens à rétablir certaines vérités. S’agissant du mix énergétique allemand, la rapporteure a très bien décrit la réalité.

Grâce au plan Excell, plan d’excellence opérationnelle mis en œuvre par EDF, ainsi qu’à l’achèvement des visites décennales et du traitement de la corrosion sous contrainte, la France disposera de 100 térawattheures supplémentaires en 2030, ce qui correspond au niveau de la production en 2018-2019 – l’effort n’est pas incommensurable. Cette année, 279 térawattheures ont été produits. Dans les scénarios les plus ambitieux de RTE, nous ne pouvons pas espérer plus de 70 térawattheures provenant des énergies renouvelables. Par conséquent, dans les dix années qui viennent, nous allons compter sur le nucléaire pour décarboner notre mix énergétique : les faits sont têtus, Monsieur Caron, c’est grâce à lui que 80 % de notre mix électrique l’est déjà.

Monsieur Meizonnet, la filière nucléaire n’est pas demandeuse de l’article 1er B parce qu’elle n’est pas en mesure de répondre à certains objectifs, la rapporteure l’a dit.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article 1er B est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 1er B

 

Amendement CE319 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Jusqu’à l’annonce de ce projet de loi, la filière nucléaire préparait son arrêt programmé. Le Président de la République travaille peut-être sur le nucléaire depuis cinq ans, madame la ministre, mais à l’époque, c’était pour annoncer la fermeture de quatorze réacteurs à l’horizon 2035. Fort heureusement, parce que nous sommes au pied du mur, vous décidez de changer de braquet.

Nous soutenons l’accélération de l’installation de nouveaux réacteurs, mais la filière a souffert des projets de démantèlement. Il faut donc créer les conditions de son redémarrage. Or nous n’avons aucune garantie que le programme nucléaire, d’un montant de 50 milliards d’euros essentiellement financé par le contribuable, profitera aux entreprises françaises et à l’emploi en France.

L’amendement vise ainsi à instaurer une priorité nationale afin que les entreprises françaises soient favorisées dans l’attribution des marchés d’EDF pour la construction de nouveaux réacteurs ainsi que pour la maintenance du parc existant. Cela permettra de consolider la filière et de relocaliser certaines activités afin d’assurer la souveraineté énergétique de notre pays.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement est incompatible avec le droit européen.

L’immense majorité des entreprises qui travaillent dans les centrales sont françaises. Les entreprises étrangères auxquelles il a été fait appel – Westinghouse Electric Company, pour les soudeurs, dans le cas de la corrosion sous contrainte ; des entreprises allemandes, pour l’ouverture et la fermeture de cuves – sont complémentaires des entreprises françaises. Il ne m’a jamais semblé que, sur les chantiers, les entreprises étrangères avaient pris le pas sur les entreprises françaises.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Nous soutenons la filière par le biais du plan de relance et de « France 2030 ».

M. Alexandre Loubet (RN). Madame la rapporteure, je vous remercie de reconnaître que le droit européen nous empêche de développer l’économie française.

J’ai plusieurs exemples dans ma circonscription d’entreprises spécialisées dans la fonderie ou la tuyauterie dont l’activité a décliné du fait de l’arrêt programmé de la filière nucléaire et qui ne sont plus compétitives face à des entreprises étrangères qui, elles, ont conservé leurs compétences et leurs ressources humaines. Il faut appliquer la priorité nationale pour laisser le temps aux entreprises françaises de se reconstituer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE320 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Il vous est proposé un autre moyen de favoriser les entreprises françaises et de consolider la filière nucléaire : l’introduction d’une clause de proximité géographique dans l’attribution des marchés pour la construction de nouveaux réacteurs et pour la maintenance du parc existant.

C’est aussi un moyen de lutter contre le réchauffement climatique puisque le Haut Conseil pour le climat estime que la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la France sont liées à nos importations.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Les retombées positives pour l’économie française sont déjà visibles : le parc nucléaire existant représente 200 000 emplois directs et indirects ainsi que plus de 3 000 entreprises.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je sais bien que ce qui vient de l’étranger est mauvais par principe dans votre logiciel, mais la moitié des émissions de gaz à effet de serre ne provient pas de nos importations.

M. Alexandre Loubet (RN). Je m’étonne de vous entendre nier les affirmations du dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat selon lesquelles les émissions associées aux importations représentent près de la moitié de l’empreinte carbone de la France. Il s’agit pourtant d’une instance indépendante.

La logique que vous suivez est la même que celle qui a conduit à la délocalisation de plus de 2 millions d’emplois industriels et au déclin de 14 % à 9 % de la part de l’industrie dans le PIB, soit le niveau de la Grèce. L’argent du contribuable doit profiter aux entreprises françaises, sans quoi vous cautionnez la subvention des délocalisations par nos impôts.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er C : Modification des objectifs portant sur le mix énergétique dans le contenu de la future loi quinquennale sur l’énergie

 

Amendements de suppression CE2 de Mme Julie Laernoes, CE242 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, CE434 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE526 de Mme Louise Morel.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Dans l’article 1er C, le Sénat a retiré l’objectif de diversification de la production d’énergie qui est assigné à la politique énergétique.

Pourtant, nous avons fait le constat cet hiver que nous devons diversifier nos sources d’approvisionnement énergétique. Emmanuel Macron l’avait dit, nous ne pouvons pas dépendre d’une seule énergie.

C’est l’indisponibilité du parc nucléaire qui a conduit à recourir aux énergies fossiles pour assurer notre approvisionnement électrique. Les émissions de gaz à effet de serre ont ainsi augmenté du fait de la réouverture des centrales à charbon et d’un recours accru au gaz.

L’article prévoit que la décarbonation passe nécessairement par la construction d’EPR 2 et de SMR à l’horizon 2050, sans aucune considération pour les énergies renouvelables ni pour les objectifs de réduction de la consommation d’énergie, en particulier d’énergies fossiles.

Vous répétez qu’il ne faut pas opposer nucléaire et renouvelables. Or c’est précisément ce que fait l’article 1er C.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’article substitue à l’objectif de diversification celui de décarbonation. Derrière ce changement de vocable, il s’agit encore une fois de favoriser le développement du nucléaire au détriment des énergies renouvelables, qui devraient pourtant être notre priorité – elles sont plus sûres, elles peuvent être installées plus rapidement et produites sans déchets ultra-dangereux laissés aux générations futures.

L’article préempte les discussions sur la programmation pluriannuelle de l’énergie en apportant un soutien aux EPR 2 et aux SMR. Outre le problème démocratique que cela pose, je rappelle le fiasco des EPR de première génération : douze ans de retard et un budget multiplié par quatre pour Flamanville pour atteindre 13 milliards d’euros – une paille ! Quant aux SMR, ils sont encore au stade d’idée dans le cerveau des ingénieurs.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous faisons preuve de constance en refusant de voir le débat sur la LPEC préempté par un texte technique.

Mme Louise Morel (Dem). Pour les mêmes raisons que précédemment, nous souhaitons que ce débat passionnant soit renvoyé à la LPEC. Il convient de définir une stratégie énergétique globale qui prenne en considération le résultat des démarches de participation du public ainsi que les enjeux liés à la consommation et à chacune des sources de production d’énergie.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Il me paraît justifié d’introduire la notion de décarbonation, qui est un objectif, à mon avis, partagé. Nous proposerons, par des amendements ultérieurs, de réintroduire la notion de diversification, parce qu’il faut viser simultanément les deux objectifs. Il s’agit de décarboner le mix énergétique sans mettre tous ses œufs dans le même panier. On a besoin des renouvelables. Il y a beaucoup à faire, par exemple, pour développer l’hydraulique. On arrivera ainsi à un équilibre cohérent.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait au profit des amendements CE668 et identiques et CE670 et identiques du Gouvernement. Ces amendements visent, d’une part, à supprimer l’alinéa 3, qui, du fait de sa dimension programmatique, ne nous paraît pas avoir sa place dans ce projet de loi et, d’autre part, à réaffirmer notre besoin d’un mix énergétique diversifié et décarboné.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je ne savais pas que notre flotte nucléarisée fonctionnait avec des idées !

Le prétendu bon sens populaire qui voudrait qu’on ne mette pas tous ses œufs dans le même panier ne veut rien dire. Si un système électrique est parfaitement décarboné parce que reposant, comme cela existe dans le monde, presque uniquement sur l’énergie hydraulique, on ne va pas planter des éoliennes pour le plaisir ! L’objet d’un système énergétique n’est pas d’être diversifié, il est d’être souverain, résilient, efficace, peu cher et bas-carbone. Je suis très heureux que la majorité reconnaisse le rôle essentiel que peut jouer l’hydraulique dans la souveraineté énergétique. Pendant la campagne de 2022, nous étions bien seuls à le dire, avec Marine Le Pen, et cela nous a valu des quolibets ; on nous a expliqué qu’il fallait seulement opérer quelques petits ajustements sur la production hydroélectrique. Nous voterons contre ces amendements.

L’amendement CE526 est retiré.

La commission rejette les amendements CE2, CE242 et CE434.

Amendement CE316 de M. Jérémie Iordanoff.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Nous proposons de rétablir le droit actuel en maintenant l’objectif de diversification du mix de production d’électricité, que le Sénat a voulu remplacer par l’objectif de décarbonation. La suppression de l’objectif de diversification n’a pas sa place dans ce texte, qui porte sur l’accélération des procédures administratives. Nous devrons en débattre en juin prochain, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. La relance – ou non – de la filière nucléaire est une question bien trop sérieuse pour être glissée par voie d’amendement dans un texte qui n’a pas cette vocation. C’est un détournement de procédure qui ne respecte ni le principe de participation du public, ni le cadre que nous nous sommes fixé en 2019 pour déterminer le plus rationnellement et le plus démocratiquement possible notre politique énergétique.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Il nous faut viser simultanément la décarbonation et la diversification.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis également défavorable.

Monsieur Tanguy, nous ne disposons pas d’une énergie dont le potentiel serait suffisant pour nous dispenser de nous diversifier. L’objectif de la diversification est justifié par des raisons qui vont au-delà du seul bon sens populaire.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La diversification soulève une question fondamentale de doctrine industrielle. Le Gouvernement ne peut pas dire que la situation industrielle de la France est si faible qu’on ne peut pas garantir la construction de six réacteurs nucléaires tout en affirmant que l’industrie nationale est capable de développer à la fois une filière industrielle, une filière hydraulique, des filières d’éoliennes sur terre, en mer, flottantes et non flottantes, des filières de photovoltaïque et de batteries, un plan hydrogène, la production de biocarburant et le recours à la biochimie. Ce n’est pas là de la diversification, c’est de la dispersion et du gaspillage ! Le système a sacrifié l’industrie depuis trente ans. Il faut repartir en nous reposant sur nos forces – le nucléaire et l’hydraulique – et, peut-être, en accélérant le développement de l’hydrogène. On ne peut pas aller dans tous les sens, sous peine d’arriver à ce que l’on a depuis trente ans : rien !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous soutiendrons cet amendement. Réduire la volonté de diversifier les sources d’énergie au seul objectif de la décarbonation, c’est un recul. L’objectif, d’ailleurs affirmé par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, est de sortir des énergies fossiles et d’avoir un système électrique qui repose sur les énergies renouvelables : le solaire, l’éolien terrestre, l’éolien en mer et toutes les énergies qui restent à développer. Or, si, comme l’a laissé entendre Mme la rapporteure en l’estimant prématuré, un plancher de 50 % pour le nucléaire est durablement établi, il ne restera pas plus de 50 % pour les renouvelables. C’est pourtant bien le développement des renouvelables qui a permis de remplacer le nucléaire en Allemagne. Et puisque nous n’avons pas la difficulté qu’avaient les Allemands avec le charbon, nous pouvons, nous aussi, remplacer du nucléaire par du renouvelable. Il faut diversifier et pas seulement décarboner.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE668 du Gouvernement, CE620 de Mme Maud Bregeon et CE151 de Mme Julie Laernoes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement a pour objet de compléter l’objectif de décarbonation et de neutralité carbone à l’horizon 2050 – dont je m’étonne qu’il soit jugé insuffisant par les plus fervents partisans de la lutte contre le changement climatique – par un objectif de diversification faisant appel aux énergies renouvelables et au nucléaire, toutes énergies bas-carbone. La stratégie énergétique de notre pays doit être définie de manière globale, et nous mettons, sans la moindre ambiguïté, quatre outils à son service : la sobriété énergétique, l’efficacité énergétique, le développement des renouvelables et la relance de la filière nucléaire.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Par cet amendement de repli, nous souhaitons préserver l’objectif de diversification, évincé, dans les alinéas 2 et 3, au bénéfice de la décarbonation. D’un côté, la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables a fait la part belle à l’hydrogène bas-carbone, et, partant, au nucléaire, de l’autre côté, le présent texte sur le nucléaire revient sur la diversification et la production d’énergies renouvelables. C’est extrêmement inquiétant, y compris du point de vue de la sécurité énergétique de notre pays. De fait, le Rassemblement national n’a rien compris à la manière dont fonctionne notre système énergétique, car tous les scénarios comprennent un recours massif aux énergies renouvelables. Or le plancher de nucléaire que Mme la rapporteure souhaite manifestement établir à 50 % dans la production d’électricité en 2050, RTE lui-même ne peut pas le quantifier, car cela impliquerait la prolongation des centrales pour une durée bien supérieure aux soixante ans que l’on ne sait pas garantir aujourd’hui.

On a l’impression qu’en ne visant que la décarbonation et en ne promouvant que le nucléaire, vous cherchez à masquer le fait que la France est le seul pays à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables. Cela n’est pas étonnant, puisque l’on concentre tous nos efforts sur le nucléaire et que l’on met des freins aux énergies renouvelables.

M. Éric Bothorel (RE). « Nous avons les idées arrêtées dès que nous cessons de réfléchir ». Voilà un mot d’Ernest Renan sur lequel M. Tanguy pourrait méditer. Quant à nos collègues de La France insoumise qui se disent favorables aux énergies renouvelables, qu’ils se souviennent que, le 10 janvier, ils se sont tous opposés au projet de loi qui avait vocation à en accélérer la production.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il est vrai que j’ai, sur ce point, les idées arrêtées, et je maintiens mon opposition. Vous faites croire, en recourant au « en même temps » cher au macronisme, que la diversification et la décarbonation sont, par essence, des objectifs concordants et convergents, alors qu’ils peuvent être divergents. La diversification recherchée pour elle-même peut conduire à développer des moyens de production intermittents qui, à technologie constante, n’offrent pas de solution. Qu’il s’agisse de la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables ou du texte en discussion, le Gouvernement n’apporte pas de réponse à la question que nous lui avons posée : par une journée d’hiver sans vent ni soleil, quelle solution trouverez-vous, sachant qu’on ne peut pas mettre en service une centrale nucléaire ni exploiter un barrage comme on le veut ? Je n’ai jamais eu de réponse à cette question, pour une raison simple : elle n’existe pas.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE670 du Gouvernement, CE621 de Mme Maud Bregeon et CE152 de Mme Julie Laernoes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de supprimer l’alinéa 3, qui précise les moyens par lesquels l’objectif de décarbonation serait atteint pour ce qui concerne l’électricité d’origine nucléaire. Cela concerne en effet directement la loi de programmation.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il me semble essentiel de supprimer l’alinéa 3, qui précise que la décarbonation se fera par le recours exclusif aux EPR et aux SMR, qui ne sont pas opérationnels, ni même modélisés, dans notre pays.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’amendement précédent était, pour nous, un amendement de repli. Nous avons bien compris que la décarbonation était un élément de langage employé à l’envi par le lobby pro-nucléaire. Nous voterons la suppression de l’alinéa 3.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’alinéa 3 tombent.

 

Amendement CE478 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Défavorable, car la disposition proposée relève de la loi de programmation.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er C modifié.

 

Après l’article 1er C

 

Amendement CE321 de M. Alexandre Loubet.

M. Alexandre Loubet (RN). Malgré les satisfecit que le Gouvernement s’adresse quant à sa politique industrielle, le déficit commercial atteint un record historique, à plus de 160 milliards d’euros. Aussi peut-on espérer que vous allez profiter de la relance de la filière nucléaire pour la consolider – même si les votes précédents nous en font sérieusement douter – et, à tout le moins, essayer d’exporter autant que possible pour rééquilibrer notre balance commerciale, réaffirmer le modèle nucléaire français, trouver de nouveaux débouchés pour la filière et contribuer au financement des futurs réacteurs et de la maintenance du parc. L’amendement propose de réunir autour de l’État tous les acteurs concernés au sein du comité stratégique de la filière nucléaire, en s’appuyant notamment sur l’important réseau diplomatique français afin de développer l’exportation dans le domaine du nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je partage votre volonté de renforcer les missions du comité stratégique de la filière nucléaire. Toutefois, votre amendement soulève une difficulté juridique : le Conseil national de l’industrie n’a pas d’existence législative ; ses missions sont définies au niveau réglementaire. Par ailleurs, vous proposez que le comité stratégique de la filière rende compte de son action devant le Parlement, mais les commissions parlementaires compétentes ont toute latitude pour auditionner les acteurs. Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Tous les objectifs que vous énoncez figurent dans le contrat stratégique de filière que j’ai signé en 2019. Votre amendement est superfétatoire et se heurte à des difficultés juridiques.

M. Alexandre Loubet (RN). Je suis prêt à le retirer si Mme la ministre propose de l’appliquer par la voie réglementaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le contrat stratégique de filière prévoit déjà ces dispositions. Par ailleurs, vous avez tout pouvoir pour auditionner les représentants de la filière.

M. Alexandre Loubet (RN). Je suis membre de la commission d’enquête sur les raisons de la perte d’indépendance énergétique du pays et j’ai constaté que l’ensemble des personnalités politiques qui ont été auditionnées avaient fait preuve d’irresponsabilité et qu’aucun des organes compétents n’a rendu de comptes au pouvoir politique. M. le rapporteur Antoine Armand peut en témoigner.

M. Antoine Armand (RE). Vous avez raison, mais cela concerne plus les conseils de politique nucléaire que les comités stratégiques de filière qui, pour leur part, ont fait l’objet d’un suivi rigoureux sous la houlette de l’ancienne ministre de l’industrie Agnès Pannier-Runacher.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 1er D : Demande de rapport sur les conséquences de la construction de nouveaux EPR en France

 

Amendements de suppression CE245 de Mme Aurélie Trouvé et CE527 de Mme Louise Morel.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression de cet article, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur l’impact de la construction de vingt-trois nouveaux EPR. Le Gouvernement ne nous paraît pas en position de mener ce travail avec l’indépendance et l’impartialité requises ; nous préférons une expertise extérieure. Par ailleurs, c’est une façon d’entériner ce projet de construction, qui va plus loin que ce qu’avait indiqué Emmanuel Macron à Belfort en février. Enfin, sur les six scénarios de RTE, trois sont mis de côté : ceux qui prévoient 100 % d’énergies renouvelables en 2050 ou en 2060, et qui sont réalisables.

Mme Louise Morel (Dem). La demande de rapport ne nous paraît pas opportune, pour deux raisons. D’une part, l’article fait référence au discours tenu par le Président de la République à Belfort. Si nous saluons son ambition pour l’avenir énergétique de notre pays, il ne nous paraît pas souhaitable de lui conférer une valeur juridique. D’autre part, l’article mentionne la construction de quatorze réacteurs pressurisés et de neuf réacteurs supplémentaires, ce qui ne correspond pas à un scénario publié ou envisageable.

M. le président Guillaume Kasbarian. Des amendements qui ont pour objet de supprimer une demande de rapport, c’est assez rare pour être souligné.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Ce rapport que les sénateurs ont souhaité me paraît avoir du sens, mais je donnerai néanmoins un avis défavorable. Une réécriture de l’article sera proposée, notamment par M. Armand, pour remédier à plusieurs incohérences. On ne voit pas très bien, en particulier, à quoi correspondent les neuf réacteurs supplémentaires, d’autant plus que les réacteurs sont habituellement construits par paire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait au profit des amendements CE518, CE595 et CE596 de M. Armand. Nous souhaitons conserver ce rapport car cette question est très présente dans le débat public ; j’ai beaucoup de remontées à ce sujet, qui proviennent des associations comme de la population dans son ensemble. Nous nous sommes déjà mis en situation d’y répondre. Par ailleurs, la rédaction de l’article doit être revue : outre la référence au discours de Belfort, se pose la question des quatorze EPR et des neuf réacteurs supplémentaires. Ces derniers sont mentionnés dans une note de bas de page de l’étude de RTE et ne correspondent en aucun cas à un scénario.

Madame Laernoes, RTE indique que les trois scénarios mettant en œuvre 100 % d’énergies renouvelables posent un certain nombre de problèmes, notamment d’ordre opérationnel. Les problématiques de pilotage de la ressource ne sont pas complètement résolues. Même les pays européens qui obtiennent les meilleurs résultats en matière de déploiement des énergies renouvelables ne sont pas parvenus à imprimer le rythme nécessaire pour atteindre les 100 %.

M. Antoine Armand (RE). J’avoue ma stupéfaction. Nous partageons tous, peu ou prou, l’idée que la loi de 2015 aurait pu être mieux préparée. Nous sommes également tous désireux d’avoir un maximum d’informations pour préparer la loi de programmation. C’est le sens de certains amendements de suppression, qui visent à renvoyer la fixation des objectifs une fois que le Parlement aura été pleinement informé. Ce rapport nous offrira l’occasion d’en savoir plus, par exemple sur la faisabilité de la construction des EPR, même si la rédaction de l’article peut être améliorée – je proposerai des amendements en ce sens. Je peine à comprendre pourquoi nous nous priverions de ces informations en amont d’une loi de programmation décisive pour le pays.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Outre que la rédaction de l’article est problématique, je fais observer que nos demandes de rapport sont systématiquement rejetées. Celle-là ne l’est pas, ce qui donne l’impression d’un débat de commission mixte paritaire anticipé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il me semble avoir accepté beaucoup de demandes de rapport dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – que l’on surnomme d’ailleurs loi « Potier » dans les couloirs du ministère…

L’amendement CE527 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE245.

 

Amendements CE246 et CE247 de M. Maxime Laisney, CE248 et CE252 de M. Christophe Bex et CE435 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune).

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Mardi soir, en commission du développement durable, la rapporteure pour avis Decodts n’a pas cessé de nous dire que le Parlement n’avait pas besoin du Gouvernement pour faire des rapports…

L’amendement CE246 demande tout de même au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le dépôt du projet de LPEC, un rapport évaluant l’impact de la corrosion sous contrainte. On a eu, à ce sujet, deux sons de cloche. On nous a d’abord dit qu’on n’avait pas vu venir ce phénomène et qu’EDF l’avait découvert, il y a environ un an et demi ; puis, hier, nous avons appris que la centrale du Bugey connaît ce problème depuis 1984. Nous aimerions connaître la vérité.

Dans son discours de Belfort, le président Macron a promis six nouveaux EPR, huit autres étant à l’étude. Or le texte en mentionne quatorze, et éventuellement neuf de plus. Le président-directeur général d’EDF Luc Rémont nous a dit, lors de son audition, qu’il ne s’engageait que sur six réacteurs et que son entreprise n’était sans doute pas capable de faire davantage.

Trois des six scénarios de RTE prévoient 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 ou 2060. S’il est de plus en plus difficile d’atteindre ces objectifs, c’est parce que vous ne cessez de prendre du retard – cela a encore été le cas avec la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

La corrosion sous contrainte a entraîné des ruptures d’approvisionnement et nous a contraints d’importer de l’électricité. Nous serons de plus en plus amenés, à l’avenir, à recourir à la climatisation. Les EPR connaissent partout des difficultés, et on ne sait pas si les EPR 2 fonctionneront.

L’amendement CE247 a pour objet la remise d’un rapport sur la fiabilité des réacteurs pressurisés européens. On sait que les EPR de deuxième génération requièrent 20 millions d’heures d’ingénierie – on est loin du compte. Le président-directeur général de Framatome nous a dit qu’on se trouvait encore dans une phase de recherche concernant la fabrication des pièces. Cette phase est nécessairement très longue avant de pouvoir passer à la production en série.

Quel est le bilan de l’EPR ? Flamanville a douze à treize ans de retard et coûtera 20 milliards d’euros au lieu de 3 ; Taishan#1 a été arrêtée pendant un an ; Olkiluoto 3 a subi douze ans de retard et ne connaît toujours pas un fonctionnement optimal ; Hinkley Point accumule retards et surcoûts. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) nous a dit en 2022 que nous avions trois ans pour agir. Le Haut Conseil pour le climat (HCC), quant à lui, émet des doutes sur le nucléaire et relève que les investissements annoncés dans le parc sont sujets à beaucoup d’incertitudes. Nous ne pensons pas que l’EPR soit une solution pour décarboner et lutter contre le réchauffement climatique.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Avec cet article, anticipant sur les discussions de la future LPEC, vous souhaitez relancer l’atome par la construction de quatorze réacteurs supplémentaires. Nous y sommes totalement opposés. L’accélération du déploiement du nucléaire nous semble d’autant plus incompréhensible que la filière atomique produit chaque année 23 000 mètres cubes de déchets et qu’il n’existe toujours pas de solution durable et sûre pour les traiter. Le nucléaire, c’est comme un avion sans train d’atterrissage.

C’est ainsi que le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) va doter la petite commune de Bure d’un effroyable potentiel concentré dans des galeries équivalentes au métro parisien, à 500 mètres sous terre : 3 % des déchets, représentant plus de 99 % de la radioactivité résultant des activités nucléaires des cinquante dernières années. Ce projet, en raison de sa nocivité, fait l’objet de vives critiques, tant de la part des habitants, totalement méprisés et directement menacés, que des scientifiques, des collectivités limitrophes et de l’autorité environnementale.

Il suscite également de nombreuses questions d’ordre économique, en raison de la durée des travaux, estimée à 150 années au minimum, puisque l’on creuse et l’on enfouit en même temps. Imaginons un chantier en cours qui aurait débuté en 1870 ! Nul n’est non plus capable de déterminer avec précision les sommes à engager pour son installation et son exploitation. Parce qu’il est important de connaître le coût de la gestion des déchets nucléaires en France, nous demandons, par l’amendement CE248, qu’un rapport le chiffrant soit remis au Parlement.

Vous arguez souvent que le nucléaire, peu émetteur de CO2, serait bon par nature pour le climat et constituerait un levier indispensable pour répondre à l’urgence climatique. Vous oubliez deux aspects, et pas des moindres : le nucléaire est une énergie ni propre ni résiliente face aux conséquences du changement climatique. Non seulement le réchauffement de l’eau rend plus difficile le refroidissement des réacteurs, ce qui affecte leur bon fonctionnement
– nous l’avons encore constaté cet été –, mais la multiplication des événements extrêmes accentue le risque d’inondation des réacteurs, comme le relève l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

C’est pourquoi nous demandons, par l’amendement CE252, que soit remis au Parlement un rapport évaluant l’incapacité du nucléaire à répondre à l’urgence climatique. Ce rapport s’attacherait à évaluer l’impact des sécheresses et de l’augmentation des températures sur le fonctionnement des réacteurs. Il préciserait également les délais de construction, dont le HCC observe qu’ils représentent plusieurs décennies, peu compatibles avec l’urgence climatique. Du fait des très lourds investissements et des délais qu’il requiert, le nucléaire, dont le développement se fait au détriment des énergies renouvelables, n’est pas bon pour le climat et, du fait de son changement, le climat n’est pas bon pour le nucléaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous demandons, par l’amendement CE435, une étude précise évaluant l’impact des choix énergétiques étudiés par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 », tant sur le financement, que sur les capacités industrielles, les métiers et les compétences. Notre réflexion doit être guidée par la science ainsi que par les contraintes techniques, humaines et financières propres à chaque scénario. Ainsi pourrons-nous arrêter en responsabilité notre position en vue d’atteindre une décarbonation rapide de notre économie et, à terme, une production intégralement renouvelable, sans porter atteinte à notre sécurité d’approvisionnement. Ce rapport permettra d’éclairer la représentation nationale en amont du débat sur la LPEC.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous accepterons une demande de rapport global dans le cadre de la réécriture proposée par M. Armand. Je donnerai donc un avis défavorable à ces amendements.

S’agissant de la corrosion sous contrainte, je vous invite à lire le compte rendu des auditions effectuées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et les publications qui en ont découlé.

Concernant la technologie de l’EPR, je ne vois pas ce qu’on pourrait ajouter aux nombreux écrits sur le sujet. À titre d’exemple, la CNDP remet aux participants à ses débats un document consacré à cette question.

S’agissant du coût de la gestion des déchets nucléaires, l’Opecst a également publié un rapport sur la préparation de la cinquième édition du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.

Vous estimez que le nucléaire est dans l’incapacité de répondre à l’urgence climatique, mais cette thèse n’appelle pas, me semble-t-il, la remise d’un rapport.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant de la corrosion sous contrainte, on dispose déjà des travaux de l’Opecst et des rapports trimestriels d’EDF sur le sujet. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

S’agissant de l’avancée et de la fiabilité de la technologie des réacteurs pressurisés européens, un rapport de février 2022 fait le point sur les retours d’expérience de Flamanville, Taishan et autres ; il est appelé à être mis à jour. Même avis.

La question des déchets nucléaires est traitée par le plan national de gestion des déchets, qui a fait l’objet d’une mise à jour en décembre 2022, et par les rapports et notes, publiés par chacun des exploitants, relatifs à la sécurisation du financement des charges nucléaires de long terme, qui font apparaître les provisions afférentes et les montants des actifs dédiés à leur couverture. L’amendement est donc, là encore, satisfait.

S’agissant de l’incapacité du nucléaire à répondre à l’urgence climatique, je vous renvoie aux travaux du Giec, notamment au rapport de 2018 à l’intention des décideurs, qui explique comment le nucléaire apporte sa contribution à la lutte contre le réchauffement climatique – ce qui ne veut pas dire que le Giec ne valorise pas les énergies renouvelables : il prévoit à la fois une augmentation de la production nucléaire et une augmentation très forte des énergies renouvelables, ce qui correspond à peu près à la politique que nous menons.

S’agissant, enfin, de la demande de rapport formulée par Mme Battistel, ma réponse sera plus nuancée, car les questions qu’elle soulève sont cruciales. Toutefois, le rapport de RTE, qui comporte 1 000 pages, en traite déjà une partie. En outre, il me semble qu’il revient à l’étude d’impact du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat d’y répondre. Surtout, si l’on veut traiter sérieusement tous les sujets mentionnés pour l’ensemble des scénarios de RTE, ce ne sont pas 1 000 pages que comprendra le rapport, mais 6 000 ! Je ne suis pas certaine de pouvoir le remettre dans le temps imparti… Néanmoins, l’étude d’impact et le rapport global mentionné par Mme la rapporteure apporteront des éléments de réponse.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il s’agit presque d’un avis favorable !

Plus sérieusement, je suis un peu surprise que vous acceptiez un rapport qui porte uniquement sur le nucléaire mais que vous en refusiez un qui traiterait de l’ensemble des sources d’énergie. Opposerez-vous les mêmes arguments à notre collègue Armand tout à l’heure ?

Par ailleurs, si le rapport de RTE comporte de nombreuses informations, il en manque. On pourrait se contenter d’en combler les lacunes, sans avoir à rédiger 6 000 pages. Ce serait d’autant plus facile qu’un certain nombre de données existent déjà.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ce ne sont pas des rapports qu’attendent les Français, c’est de l’électricité à un prix raisonnable ! On retrouve là la vieille marotte socialiste qui consiste à créer des comités Théodule et à rédiger rapport sur rapport.

Franchement, s’il y a une industrie qui est surveillée comme le lait sur le feu, c’est le nucléaire ! Cessons de mettre des freins à la dynamique absolument nécessaire que le Gouvernement souhaite engager et que nous appelons de nos vœux depuis des années.

Vous parlez de l’urgence climatique, mais M. Caron nous cite l’Allemagne en exemple, alors qu’elle est en train de cracher du lignite comme on en a rarement craché, au point que des nuages s’amoncellent sur la France. Redevenons raisonnables et veillons à l’intérêt des Français !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE153 de Mme Julie Laernoes, CE360 de Mme Florence Goulet et CE518 de M. Antoine Armand (discussion commune).

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je rappelle que l’IRSN est en train de rédiger un rapport sur la compatibilité du nucléaire avec le réchauffement climatique. Serait-ce pour l’empêcher de réaliser de telles études que Mme la ministre a brutalement décidé de le démanteler ?

En tout état de cause, pas grand-chose ne va dans cet article. Si la demande concernant la situation et les besoins d’EDF semble plutôt légitime, je m’interroge sur le premier alinéa. Le nucléaire prévaudrait-il sur la séparation des pouvoirs ? Mentionner un discours du Président de la République dans la loi, voilà qui est étonnant !

C’est pourquoi nous proposons de récrire le premier alinéa, en donnant aux parlementaires la possibilité d’évaluer l’opportunité ou non de relancer un programme de production d’électricité nucléaire et de décider de son ampleur dans la future loi de programmation sur l’énergie et le climat.

Ne faisons pas preuve de précipitation. Nous devons établir les faits, afin de prendre des décisions éclairées.

M. le président Guillaume Kasbarian. Une loi organique, par exemple, peut tout à fait évoquer le statut du Président de la République, madame Laernoes : ce n’est en rien une atteinte à la séparation des pouvoirs.

Mme Florence Goulet (RN). Nous proposons de rédiger de manière précise et technique le premier alinéa, qui, en l’état, fait explicitement référence à un discours tenu par le Président de la République, ce qui ne peut fournir matière à la loi. Cela révèle une regrettable confusion des pouvoirs dans ce grand pays de droit écrit qu’est la France.

M. Antoine Armand (RE). L’amendement CE518 vise, en combinaison avec les amendements CE595 et CE596, à modifier la rédaction de l’article, tout en maintenant la demande d’un rapport susceptible de nous éclairer sur les conditions de faisabilité de nouveaux réacteurs. Je ne pense pas, moi non plus, qu’il soit bon de donner une valeur légale à un discours du Président de la République et de fixer d’emblée le nombre de réacteurs à construire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable, pour les raisons déjà évoquées, sur l’amendement CE518.

Avis de sagesse sur le CE360, qui me semble satisfait par le précédent. Je suis entièrement d’accord avec vous : la référence au discours de Belfort, introduite par le Sénat, doit être supprimée.

Avis défavorable sur l’amendement CE153 : il me semble important que le rapport porte, de manière précise, sur le programme énoncé par le Président de la République.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait des amendements CE153 et CE360 au profit du CE518, qui vise exactement les mêmes objectifs.

Si cela ne pose aucun problème de séparation des pouvoirs, donner un contenu législatif à un discours présidentiel peut être délicat, dans la mesure où ce discours traite aussi des énergies renouvelables, du photovoltaïque, de la baisse de la consommation, de l’efficacité énergétique, etc. C’est presque une programmation pluriannuelle de l’énergie !

En outre, le scénario correspondant à la construction de quatorze EPR et de neuf réacteurs supplémentaires n’a pas été étudié par RTE. Il s’agit d’une mention annexe. Le projet du Gouvernement, qui a été soumis à la CNDP et qui a fait l’objet d’un débat public, porte sur la construction de trois paires de deux réacteurs, soit six au total, et la mise à l’étude de huit réacteurs additionnels, en fonction de ce que la filière considérera possible industriellement de réaliser d’ici à 2050.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mon amendement ne vise pas du tout les mêmes objectifs que celui de M. Armand. Je pense en effet que nous aurions besoin d’un rapport sur la situation d’EDF et sur les capacités de la filière avant de prendre toute décision relative à la relance du nucléaire. Or l’amendement de M. Armand, contrairement au mien, fait référence à la construction de quatorze réacteurs. Une telle mention préempte la programmation pluriannuelle de l’énergie. On ne peut pas à la fois dire qu’on ne veut pas fixer d’objectifs précis dans la loi et indiquer le nombre de réacteurs que l’on va construire ! C’est le projet du Gouvernement : à lui de l’évaluer. Si l’on fixe le nombre de réacteurs, pourquoi ne pas avoir fixé le nombre de panneaux photovoltaïques, de réseaux de chaleur et d’éoliennes ? Vous faites deux poids, deux mesures.

L’amendement CE360 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE153 et adopte l’amendement CE518.

En conséquence, les amendements CE448 de Mme Chantal Jourdan, CE244 de Mme Aurélie Trouvé et CE94 de M. Nicolas Dragon tombent.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement rédactionnel CE595 de M. Antoine Armand.

 

Amendement CE181 de M. Pierre Cordier.

M. Jérôme Nury (LR). Cette demande d’un rapport qui permettra d’évaluer les besoins en termes de métiers et de compétences est plutôt une bonne idée, mais, du fait de l’abandon du nucléaire depuis dix ans, il faudrait aussi analyser les formations nécessaires, notamment pour les soudeurs, les chaudronniers et les calorifugeurs.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable. Il est nécessaire de faire un point sur les formations professionnelles, qu’elles soient internes ou externes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. J’y suis d’autant plus favorable que je disposerai, le 15 avril, d’un état des compétences dans la filière et, le 15 mai, d’une feuille de route en matière de formation : le rapport est déjà en cours d’écriture !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). C’est une question vitale. À Penly, un travail d’anticipation des besoins en matière de compétences a été engagé dans la perspective de l’éventuelle construction d’EPR. Le problème, c’est que l’état des lieux est saucissonné – il est réalisé par EDF, par des organismes publics – et que les compétences sont morcelées entre la région, EDF, la filière, le rectorat, les autres services de l’État. Au-delà du diagnostic, il faudra prendre des décisions en matière de gouvernance et de pilotage si l’on ne veut pas être à la ramasse.

Il faut aussi prendre garde à ne pas déstabiliser les industries implantées dans les territoires concernés, pour que leurs compétences ne soient pas siphonnées. Dans ma circonscription, l’industrie représente 24 % du PIB et certaines qualifications sont déjà sous tension. Il faudrait une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences qui intègre l’ensemble de ces éléments.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous sommes tout à fait d’accord avec l’amendement. Je me permets néanmoins d’exprimer ma surprise que notre amendement CE400, qui portait lui aussi sur les compétences et les formations, ait été déclaré irrecevable.

La commission adopte l’amendement.

 

La réunion est suspendue de onze heures quarante à onze heures quarante‑cinq.

 

Amendement CE90 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury (LR). Il nous semble opportun d’évaluer dans le rapport l’impact de la construction des nouveaux réacteurs sur l’organisation des services de l’État. En effet, les services de l’État dans les préfectures et les sous-préfectures ont été déshabillés au cours des dernières années. Il serait nécessaire d’évaluer les besoins en la matière, notamment dans les territoires retenus pour l’implantation des sites.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE391 de Mme Yaël Menache.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait : l’amendement est satisfait par l’adoption du CE181.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE393 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable : lui aussi est satisfait par l’adoption du CE181.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE26 de M. Sébastien Jumel et CE249 de M. Christophe Bex (discussion commune).

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous proposons de dresser un état des lieux des cycles du combustible en tenant compte de l’enjeu prioritaire de la réduction des déchets radioactifs. Si nous privilégions une approche pragmatique sur le sujet, il importe de consolider l’indispensable relation de confiance entre les habitants et la filière.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Nous demandons que le rapport que vous prévoyez de remettre au Parlement et qui porte sur les conséquences de la construction de nouveaux réacteurs soit élargi à la question du traitement des déchets supplémentaires produits par ce nouveau plan. Il devrait aussi prendre en considération les conséquences géopolitiques d’un renforcement de l’exploitation de l’énergie nucléaire, tant sur les populations des pays concernés par l’exploitation de l’uranium que sur la résilience de nos territoires. Enfin, il devrait étudier les effets du réchauffement climatique, lequel risque d’affecter le bon fonctionnement des centrales, notamment en période de canicule. Les épisodes de sécheresse traversés l’été dernier en ont été l’illustration parfaite, avec la mise à l’arrêt de la moitié des réacteurs et la nécessité de réduire la production afin de ne pas provoquer un échauffement de l’eau rejetée dans les cours d’eau.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il me semble que l’amendement CE26 est en partie satisfait, puisqu’il est précisé que le rapport portera sur « l’amont et l’aval du cycle du combustible, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et la revalorisation du combustible usé ». Toutefois, comme j’en partage la philosophie et que je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il ne faut pas que la question des déchets soit l’angle mort de la politique énergétique, j’émettrai un avis favorable.

En conséquence, je demande le retrait du CE249 ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour information, un chapitre du rapport de février 2022 est consacré au sujet et les améliorations possibles en la matière sont au cœur du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, dont la préparation a fait l’objet d’un rapport récent de l’Opecst.

Avis favorable sur l’amendement CE26 et défavorable sur le CE249, dont la rédaction est moins précise.

La commission adopte l’amendement CE26.

En conséquence, l’amendement CE249 tombe.

 

Amendement CE27 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il conviendrait d’explorer aussi les répercussions des facteurs climatiques sur la production énergétique et leurs enjeux géopolitiques et environnementaux de manière à mieux programmer la politique énergétique française.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable : on s’éloigne de l’objet du rapport. On risquerait de se retrouver avec une thèse !

Vous pourriez retravailler votre amendement en vue de la séance.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

La question, transversale, des matières premières critiques devrait plutôt être abordée dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. L’un des atouts de la filière nucléaire est d’être structurellement moins dépendante de l’étranger que d’autres filières pour ce qui concerne les composants et les matériaux critiques, ce qui pourrait être un argument en faveur de son renforcement.

S’agissant de l’adaptation au réchauffement climatique sous le contrôle de l’ASN, vous trouverez des éléments dans le programme Adapt du plan de transition climatique d’EDF mais vous ne pourrez pas avoir une réponse approfondie dans les trois mois qui viennent. Des expertises sont en cours, et il faudra du temps avant qu’elles aboutissent. Cela pourrait plutôt faire l’objet d’une audition.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’IRSN doit rendre un rapport sur le sujet au début du mois d’avril : on pourrait tenir compte de ses conclusions dans le rapport qui sera remis au Parlement.

On a besoin de 26 milliards de mètres cubes d’eau pour simplement refroidir le parc actuel. Cela représente 50 % de la consommation totale d’eau de la France. Certes, on en restitue une partie, mais, le directeur de l’ASN l’a rappelé lors d’une audition, cette eau restituée n’est pas neutre, elle est chargée en matière. Il est absolument essentiel, dans la perspective de la construction de quatorze nouveaux réacteurs, de savoir si nous aurons assez d’eau pour les refroidir : dans le cas contraire, ils ne pourront pas être mis en fonctionnement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous retravaillerons l’amendement en vue de la séance mais nous le maintenons. L’été dernier, cinq centrales ont obtenu des dérogations aux températures de rejet de leurs eaux. Les zones littorales sont confrontées à des risques de submersions marines qui suscitent l’inquiétude légitime des élus et de la population. Un apport scientifique serait nécessaire pour éclairer les décideurs et l’opinion publique sur le sujet.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. En l’état, il est question de l’ASN, ce qui signifie que les conclusions du rapport de l’IRSN devront ensuite être analysées par l’ASN. D’où ma réponse.

L’impact du réchauffement climatique sur la production nucléaire est analysé dans le rapport de RTE, qui indique que celle-ci n’en sera affectée que dans une faible proportion à l’horizon 2050.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE250 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Par cette demande de rapport, vous optez pour la fuite en avant, puisqu’il est question de la construction de quatorze nouveaux réacteurs alors que, jusqu’à présent, le président Macron affirmait qu’il ne s’agissait que d’une option : ce n’en est donc plus une. En conséquence, il faudrait effectuer une évaluation globale de l’impact de ces constructions. Le nucléaire pourra-t-il faire face au changement climatique, à la raréfaction de la ressource en eau, à l’augmentation de quatre degrés des températures annoncée par un ministre ? Le minimum serait de pouvoir en discuter. C’est pourquoi nous étions attachés aux amendements qui viennent d’être rejetés.

Des questions se posent aussi à propos des ressources humaines, techniques et financières, que le nucléaire risque de phagocyter au détriment des énergies renouvelables. Idem s’agissant de la vulnérabilité de notre pays par rapport aux risques sismiques ou aux risques géopolitiques, comme on le voit en ce moment avec la guerre en Ukraine.

Par cet amendement, nous demandons que soit au moins analysée la situation des salariés du nucléaire, non seulement ceux d’EDF et des autres entreprises du nucléaire, mais aussi ceux des sous-traitants, qui représentent, selon l’IRSN, 33 000 personnes, lesquelles supportent 80 % des doses de radioactivité absorbées lors des interventions sur le parc.

Nous présenterons d’autres amendements visant à limiter la sous-traitance et à ce que les sous-traitants bénéficient du statut national du personnel des industries électriques. Il ne faut pas que les salariés et les sous-traitants soient oubliés dans l’analyse globale du développement du nucléaire qu’il nous semble indispensable de conduire, même si nous sommes opposés à ce dernier.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable : le rapport est déjà bien fourni, et il me semble que l’on s’éloigne là de son objet. D’autres de vos amendements me donneront l’occasion de revenir sur la question du suivi des rayonnements ionisants et de la façon dont travaillent les sous-traitants.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je comprends que le Gouvernement ne considère pas les salariés et les sous-traitants comme une priorité. Comment pouvez-vous néanmoins ne pas les intégrer dans votre réflexion alors que, sans eux, il n’y a pas de nucléaire – existant ou nouveau – qui tienne ? Quelle incohérence, même de votre point de vue !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE154 de Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Un rapport doit mettre en exergue le fonctionnement de l’approvisionnement en uranium afin de faire la transparence sur l’état de la traçabilité de la filière, en indiquant précisément l’origine géographique et les quantités d’uranium extraites, la conversion et l’enrichissement hors de France en ce qui concerne le raffinage, les lieux, les quantités et les entreprises assurant ces processus, les intermédiaires assurant le transport et l’approvisionnement.

Nous parlons d’indépendance et de souveraineté énergétiques mais nous savons fort bien qu’en la matière, nous contractons avec l’étranger. Je vous ai interpellée à plusieurs reprises, madame la ministre, à propos du contrat qui nous lie avec le mastodonte russe Rosatom. Si nous pouvions nous en passer, moralement, nous le ferions. Nous dépendons bien de puissances étrangères et le nucléaire, à la différence du gaz, bénéficie d’une exception. La transparence s’impose.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous avons été favorables à l’adoption d’un amendement qui intègre la question du combustible en amont et en aval. Un tel ajout ne me paraît donc pas nécessaire.

Nous aurons l’occasion d’avoir un débat de fond à l’occasion de la discussion d’autres amendements qui ne concernent pas une demande de rapport.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’uranium naturel n’est pas importé depuis la Russie. En outre, la conversion et l’enrichissement sont 100 % français. Enfin, la rupture du contrat sur le retraitement auquel vous faites allusion serait plus coûteuse que son maintien dans des conditions minimales – et je n’ai aucune raison de faire un cadeau à la Russie.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ce refus de faire la transparence dans un rapport est inquiétant. La rupture des contrats gaziers avec la Russie a coûté un peu d’argent. Pourquoi ne pas en faire de même avec le nucléaire ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il n’y a eu aucune rupture de contrat gazier avec la Russie, car aucune sanction n’a été prise s’agissant du gaz naturel. C’est la Russie qui a interrompu les livraisons de gaz naturel, mais elle continue à livrer du gaz naturel liquéfié à l’Europe.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE447 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Dans l’éventualité d’une relance de la filière nucléaire, il vise à assurer que les services d’administration centrale chargés d’instruire des projets de construction de réacteurs électronucléaires et des installations connexes bénéficient des ressources humaines qualifiées et suffisantes pour réaliser leurs missions.

Dans son avis du 27 octobre 2022 sur ce texte, le Conseil d’État souligne le caractère inégal et incomplet de l’étude d’impact. La plus haute juridiction administrative s’étonne notamment du fait que la réduction des délais d’instruction concernant la construction de la partie non nucléaire d’un projet de réacteur, qui aura des conséquences sur les services d’administration centrale, ne fasse pas l’objet d’évaluation, précisant que « le succès de la réforme reposera, en effet, largement sur la présence en administration centrale d’équipes qualifiées et suffisamment étoffées, quand bien même la plus grande partie de l’instruction resterait déconcentrée. »

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’amendement CE90 de M. Nury intégrant les besoins d’ingénierie et d’organisation des services de l’État. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. De surcroît, la rédaction de l’amendement de M. Nury est plus large et couvre un périmètre qui s’étend au-delà des administrations centrales.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous le retirons et nous regarderons plus précisément ce qu’il en est pour la séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE180 et CE182 de M. Pierre Cordier.

M. Jérôme Nury (LR). Il convient, d’une part, d’assurer une répartition équitable des installations sur le territoire et, d’autre part, d’avoir une vision du périmètre d’action et des moyens des commissions locales d’information.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable au premier amendement, les critères qui primeront étant plutôt d’ordre technique – accès à la ressource en eau ou stabilité de la zone et de l’emplacement – et avis favorable au second.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre le premier amendement et pour le second.

L’enjeu principal étant celui de la politique industrielle, le caractère équitable de la répartition n’a aucun sens. On nous a déjà fait le coup avec les lignes de TGV, où on a fait n’importe quoi, sans aucune rationalité économique. Le résultat, pour les territoires, a d’ailleurs été contraire à celui qui avait été voulu puisque les trains du quotidien ont été relégués. Les choix économiques structurants doivent se fonder sur la rationalité, en l’occurrence, la cogénération, l’utilisation de la chaleur, etc.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Les considérations techniques doivent en effet prévaloir.

Nous soutenons, en revanche, l’amendement CE182 quoique, si la question des commissions locales d’information est importante, celles de la gestion des déchets ou de l’approvisionnement en uranium, de son pseudo-recyclage ou des conditions de travail des salariés ne le sont pas moins. Je note que l’argument selon lequel l’ajout d’un critère alourdirait le rapport ne semble pas prévaloir ici.

La commission rejette l’amendement CE180 et adopte l’amendement CE182.

 

Amendement CE596 de M. Antoine Armand.

M. Antoine Armand (RE). La demande d’un rapport me semble tout à fait justifiée tant il devrait être exclu de raisonner à partir de chiffres totémiques. Il s’agit d’estimer les capacités de la filière – et pas à un an près – à construire de nouveaux réacteurs nucléaires afin que le Parlement puisse faire des propositions et que le Gouvernement puisse prendre des décisions motivées quant à notre capacité industrielle.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les chiffres de six et huit nouveaux réacteurs ont été définis à partir des considérations de la filière industrielle, mais il importe en effet de clarifier le champ des possibles de façon à ce que les parlementaires soient éclairés sur ce que pourraient être un plancher et un plafond.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cet amendement avec un plaisir non dissimulé. Pendant la campagne présidentielle, Marine Le Pen et ses porte-parole ont affirmé que la filière industrielle pouvait produire plus de réacteurs ou, en tout cas, que celle-ci n’avait jamais dit qu’il n’était pas possible d’en produire plus. Pour cela, nous avons été agonis d’injures !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous savons combien la dépendance à un grand nombre de réacteurs identiques peut soulever de problèmes – en cas de corrosion sous contrainte, en l’occurrence – et nous connaissons les difficultés rencontrées par l’EPR de Flamanville et les autres modèles. Personne ici ne devrait être prêt à mettre sa main à couper que l’EPR 2 fonctionnera à la date et au coût prévus. Soutenir qu’il en faudrait six, quatorze ou plus, cela revient à créer les conditions d’une dépendance encore plus forte. Si un problème impose leur arrêt simultané, nous serons confrontés à de graves difficultés d’approvisionnement électrique, pires encore que celles que nous avons connues cet hiver. Faisons donc preuve de prudence !

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er D modifié.

Après l’article 1er D

 

Amendements CE479 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CE318 de M. Alexandre Loubet (discussion commune).

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le CE479 est défendu, puisque la commission d’enquête parlementaire visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France a fait le travail.

M. Alexandre Loubet (RN). Dans le cadre de cette commission d’enquête, nous avons auditionné l’actuel directeur exécutif d’EDF, Cédric Lewandowski, selon lequel la question de la prolongation du parc nucléaire jusqu’à quatre-vingts ans n’était pas un « tabou ». Il a d’ailleurs donné l’exemple des États-Unis, où six réacteurs, dont les technologies sont similaires aux nôtres, ont été ainsi prolongés.

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et EDF doivent remettre des conclusions d’ici à fin 2023 sur la prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu’à soixante ans. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport, d’ici à la fin de l’année également, sur la possibilité de prolonger la durée de vie du parc nucléaire actuel de quarante à soixante et quatre-vingts ans.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Demande de retrait de l’amendement CE479.

Je suis d’accord avec M. Lewandowski : la question d’une prolongation à quatre‑vingts ans n’est pas taboue. Le dernier conseil de politique nucléaire privilégie d’ailleurs une telle option et a demandé des études sur la capacité des centrales à tourner au-delà de soixante ans. Cependant, c’est à l’exploitant, avec l’ASN, de remettre un tel rapport. Avis défavorable à l’amendement CE318.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous avons évoqué ce problème à l’occasion de la discussion d’un amendement de Mme Givernet. Nous pourrons répondre à cette question d’ici à 2025, car les éléments dont nous aurons besoin seront disponibles fin 2024 et non fin 2023.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je retire l’amendement CE479.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le Rassemblement national ne s’appuie ni sur les faits ni sur les rapports des scientifiques. En 2022, Marine Le Pen souhaitait la construction de vingt réacteurs ; or aucun industriel n’a considéré que cela serait possible. J’ajoute que le Rassemblement national proposait également le démantèlement des éoliennes et un moratoire sur les énergies renouvelables, ce qu’aucun scénario ne prévoit, car sans énergies renouvelables, nous ne parviendrons jamais à décarboner notre trajectoire.

L’ASN pourra dire ce qu’il en sera d’un éventuel prolongement à soixante ans à l’horizon 2026. Nous pouvons certes toujours demander des rapports mais, si les scientifiques font état d’une impossibilité à répondre aux questions posées d’ici là, il serait périlleux de privilégier une accélération de la production plutôt que la sécurité.

L’amendement CE479 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE318.

 

Amendement CE106 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sur mon territoire, où se trouvent les centrales nucléaires de Paluel et Penly, nous travaillons à évaluer les besoins en compétences et en effectifs. Nous les anticipons, d’ailleurs, y compris dans le cadre des grands carénages, avec la création d’écoles de robinetiers, de soudeurs, etc. Or nous rencontrons de grandes difficultés pour mobiliser l’éducation nationale.

La remise d’un rapport permettrait de s’assurer que le ministère anticipe et se mobilise en la matière. Lorsque Bruno Le Maire s’est rendu à Dieppe, j’ai eu l’occasion de lui remettre un courrier relayant les contributions des collectivités territoriales concernées par le grand débat public et j’ai beaucoup insisté sur ce point.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Entièrement d’accord. Il serait même possible d’aller plus loin en soulevant la question de l’organisation d’EDF qui, à la grande époque du nucléaire, avait des écoles remarquables où la méritocratie interne s’appliquait pleinement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il me semblait que cet amendement était satisfait par l’adoption d’une mention relative à la formation à l’article 1er D. Sagesse.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous nous abstiendrons sur cet amendement quoiqu’il importe, en effet, de se préoccuper de la formation, les centrales devant continuer à tourner dans des conditions optimales de sûreté et de sécurité.

Nous sommes favorables à la fermeture des centrales et nous avions réfléchi, par un amendement qui est tombé, à la reconversion des ingénieurs et des techniciens dès leur formation initiale afin qu’ils puissent travailler dans d’autres secteurs de l’énergie, en particulier les énergies renouvelables, ou dans d’autres industries.

M. Stéphane Travert (RE). Nous soutenons l’amendement de M. Jumel, car nous avons besoin de renforcer l’attractivité des formations, lesquelles relèvent des prérogatives régionales, quoique les opérateurs puissent y participer. Pendant des années, cette filière a été décriée et il importe que, dès le collège, on puisse présenter aux élèves ses différents métiers.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE488 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l’avancement des projets français en matière de développement des petits réacteurs modulaires ou SMR, considérés par un certain nombre d’observateurs comme l’avenir de la filière. Lorsqu’ils seront au point, ils auront l’avantage de pouvoir être assemblés sur un site industriel puis de pouvoir être transportés. Ces réacteurs, plus petits et moins puissants, pourront être installés plus rapidement et dans des territoires plus reculés.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. J’étais d’abord défavorable à l’adoption de cet amendement mais les SMR constituant en effet un complément au renouvellement du parc historique, avis de sagesse.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je suis plus réservée. Un rapport remis dans les six mois, comme en dispose votre amendement, n’apporterait pas grand-chose hors ce que nous savons déjà et qui figure dans le plan « France 2030 ».

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). En l’état, nous savons qu’on ne sait rien à propos des SMR. Quand seront-ils construits, si nous y parvenons ? En 2050 ? Ce sera bien trop tard, le Giec ayant jugé, l’année dernière, que nous avions trois ans pour agir face au changement climatique.

De plus, nous craignons que le développement des SMR passe soit par des contrats de gré à gré de type PPA (Power Purchase Agreements), comme vous l’avez gravé dans la loi sur les énergies renouvelables – avec l’anarchie du marché et la possibilité, pour des acteurs privés, d’en construire –, soit par des partenariats public-privé (PPP), qui ne valent pas mieux, la commission des lois ayant jugé en 2014 qu’ils étaient une véritable bombe à retardement pour les générations futures.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous modifierons le délai de remise du rapport en vue de la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE63 de M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix (LR). En deux ans et demi, le Gouvernement a fait volte-face sur la question du nucléaire, puisqu’après avoir annoncé et fait voter la suppression de quatorze réacteurs, le Président de la République a décidé un beau jour, à Belfort, qu’il fallait relancer la filière en en construisant six, puis huit. Nous nous félicitons d’un tel revirement, mais il ne faudrait pas que la foi du converti entraîne quelques excès.

L’EPR de Flamanville est un prototype, avec les difficultés que cela suppose. Le modèle d’EPR de Taishan, lui, fonctionne et l’on nous assure que l’EPR 2 serait plutôt de ce type, tout en considérant que celui qui pourrait être standardisé serait l’EPR3. Je pourrais également évoquer l’EPR1200, de moindre puissance, qu’EDF vend à la Tchéquie. Bref, la représentation nationale doit être mieux éclairée sur ces enjeux et ces choix technologiques, sur leurs coûts, leurs modes de financement et leurs conséquences pour notre filière et notre souveraineté, d’où une demande de rapport.

Sans doute serait-il également utile d’organiser un rendez-vous régulier avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Ce sont des questions légitimes : avis favorable.

L’EPR 2 constitue une véritable avancée par rapport à l’EPR, notamment sur le plan de la construction.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement me paraît satisfait par le rapport que nous venons d’adopter. Sagesse.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ceux qui souhaitent relancer coûte que coûte le nucléaire sont manifestement conscients d’un flou technologique, ce qui ne les empêche pas de vouloir accélérer. Devant la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, M. Jean-Marc Jancovici s’en est lui‑même fait l’écho à propos de l’exploitation de l’uranium 235 et de l’uranium 238.

La commission adopte l’amendement.

 


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3.   Réunion du jeudi 2 mars à 15 heures

 

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous reprenons l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, sur le rapport de notre collègue Maud Bregeon. Il nous reste 404 amendements à discuter.

 

Article 1er : Périmètre géographique et durée des mesures dérogatoires du titre Ier applicables à la construction de réacteurs

 

Amendement de suppression CE257 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’article 1er car nous sommes opposés à la philosophie de ce projet de loi. Il est urgent de planifier la sortie du nucléaire et certainement pas d’élaborer des procédures visant à accélérer la construction de nouvelles centrales. Le modèle nucléaire est rétrograde et dangereux, notamment parce que nous ne savons pas gérer les déchets produits, imposés aux générations futures pour des dizaines de millénaires. Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) lui-même rappelle qu’un accident est possible en France. Enfin, ce modèle n’est pas résilient face au dérèglement climatique, lequel ne fait que s’accélérer : la montée des eaux annoncée menace à court terme les centrales situées sur le littoral et les sécheresses – nous en connaissons une inédite cet hiver – menacent le débit des fleuves, donc le refroidissement des réacteurs.

Il faut au contraire soutenir les énergies renouvelables, ce que votre texte précédent qui leur était consacré ne permettait pas et que le présent projet de loi viendra encore freiner. Je rappelle que parmi les six scénarios qu’a présentés Réseau de transport d’électricité (RTE), trois d’entre eux aboutissaient à un mix électrique composé à 100 % d’énergies renouvelables : il est donc possible d’atteindre cet objectif, à rebours de l’orientation de ce projet de loi, qui est bien de nature politique.

Les dérogations que prévoient le texte risquent de conduire à une régression du droit de l’environnement, politique irresponsable dans le contexte que nous connaissons de dérèglement climatique et de chute de la biodiversité.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous avons besoin d’un cadre dérogatoire pour commencer plusieurs chantiers, qui ne concernent pas les îlots nucléaires mais les travaux annexes comme le terrassement. La majorité et certains groupes d’opposition estiment que cet article est nécessaire.

Je l’ai déjà dit, le réchauffement climatique n’affecte pas le refroidissement nucléaire, et les réductions de puissance ne sont pas liées à des enjeux de sûreté.

Quand vous dites que l’accélération des projets nucléaires fait reculer les énergies renouvelables, vous tombez encore une fois dans le travers de l’opposition des énergies décarbonées entre elles, sans avoir un mot pour le charbon, le gaz et le fioul, qui devraient être vos premiers ennemis dans la lutte contre le réchauffement climatique.

S’agissant du rapport de RTE, n’omettez pas les nombreux paris technologiques nécessaires à la réalisation d’un scénario avec 100 % d’énergies renouvelables, sans compter les impacts sur le mode de vie des populations, l’industrialisation du pays, les emplois, etc.

L’avis est défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Même avis.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement : le nucléaire se fonde également sur plusieurs paris technologiques, que ce soit dans le prolongement de la durée de vie des centrales existantes ou, surtout, dans la construction de réacteurs que nous sommes à l’heure actuelle incapables de fabriquer, les plans n’étant même pas achevés.

Ce ne sont pas les règles d’urbanisme qui augmentent les délais des projets nucléaires, comme le montre l’exemple de Flamanville.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons évidemment contre ces amendements de suppression. La dérogation devra devenir la norme pour accomplir les grands travaux nécessaires à la lutte contre la crise climatique et au relèvement des grands enjeux technologiques que l’Occident doit affronter.

Une très intéressante publication américaine d’aujourd’hui montre que la Chine est en train de prendre l’ascendant technologique, voire de constituer des monopoles technologiques, dans l’ensemble des domaines qui recèlent les grands enjeux du XXIème siècle. Nous sommes prisonniers non pas d’une attitude prudente, mais d’une poltronnerie générale qui nous condamne à être débordés par des dictatures et des régimes autoritaires. Il faut donc dorénavant distinguer entre le bon droit, qui permet de prendre les bonnes décisions en temps et en heure après la consultation des instances démocratiques, et ce qui relève de la paperasserie et de la bureaucratie, et surtout d’un pouvoir exorbitant donné à une toute petite minorité, qui par profit de classe, utilise son manque de compétences pour bloquer le système démocratique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE632 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cadrage. Les ouvrages de raccordement doivent être inclus dans le cadre dérogatoire car il serait inutile d’accélérer les travaux liés au réacteur tout en prenant du retard sur le couplage au réseau.

L’amendement vise également à encadrer les mesures dérogatoires, en précisant que celles-ci concernent les phases de création et de mise en service du réacteur.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’avis est très favorable, puisque l’amendement confère une vraie cohérence à l’ensemble des mesures du texte et qu’il va dans le sens des objectifs du projet de loi.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). La définition initiale de la construction de réacteurs électronucléaires était trop vague et trop large, puisqu’elle comprenait celle du réacteur, l’ensemble des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à sa création ou à son exploitation, ainsi que leurs ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité. Il n’y a pas lieu d’appliquer des procédures dérogatoires au droit commun sur un périmètre aussi large et aussi imprécis. Tel est le sens de notre amendement de suppression de l’alinéa 2 de l’article 2, que nous examinerons plus tard. La définition proposée à travers votre amendement, qui explicite ce que recouvre la construction d’un réacteur électronucléaire, se substitue à celle qui est donnée dans cet alinéa ; elle nous semble toujours très large, mais elle présente au moins le mérite d’apporter des restrictions bienvenues, qui touchent notamment la phase d’exploitation des réacteurs.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE171 de Mme Julie Larnoes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons de supprimer le premier alinéa de l’article puisque le Sénat a introduit une disposition visant à rallonger la durée du régime dérogatoire de quinze à vingt-sept ans, permettant ainsi de projeter la demande d’autorisation de construction d’EPR2 et de petits réacteurs modulaires (PRM ou SMR, Small Modular Reactor) jusqu’en 2050.

Une dérogation au droit commun d’une durée de vingt-sept ans peut-elle être raisonnablement considérée comme une dérogation ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une atteinte manifeste et pérenne aux réglementations essentielles d’occupation d’espaces de notre territoire ? Si l’objectif du Gouvernement est de relancer un nouveau programme de construction de réacteurs nucléaires, auquel le groupe Écologiste-NUPES est opposé, nous tenons à rappeler que la durée nécessaire à l’achèvement d’un tel projet dépend bien davantage de la durée de construction, qui exige un haut degré technique, d’expertise et d’ingénierie, que de celle des procédures administratives. Déroger à ces dernières n’accélérera pas la sortie de terre de nouveaux réacteurs, ce qui témoigne de l’inutilité de ces mesures.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Tous les industriels et les autorités indépendantes, comme l’ASN, que nous avons auditionnés ont tenu des propos inverses aux vôtres sur l’utilité des mesures du projet de loi. Je rejoins les professionnels du secteur et suis convaincue que ces dispositions permettront d’accélérer les projets car en anticipant certaines étapes, on évitera l’accumulation de retards et on réalisera des actions critiques dans le parcours du programme.

Quant à nos divergences de fond sur le nucléaire, il me semble que nous en avons déjà largement débattu. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’avis est également défavorable. Ces projets industriels se déploient dans des temps longs, d’où la nécessité de prévoir des dérogations d’une durée suffisante : le Gouvernement avait proposé quinze ans, Mme la rapporteure souhaite qu’elle atteigne vingt ans pour revenir en partie sur les vingt-sept ans qu’a votés le Sénat et qui nous paraissent excessifs.

Les procédures administratives peuvent inutilement allonger le projet car il y a des jalons dont le franchissement peut faire parfois perdre six mois, un an voire deux ans. Les mesures que nous défendons permettront de gagner plusieurs années ; la seule mise en compatibilité des documents d’urbanisme peut beaucoup ralentir un projet : tous ceux qui ont exercé des mandats locaux connaissent parfaitement ce sujet et savent à quel point ce type de procédure peut prendre du temps – je vois MM. Jumel et Saint-Huile opiner du chef. La partie industrielle du projet ne sera pas raccourcie, mais on fera l’économie de mois et d’années qui présentent assez peu de valeur pour l’industrie comme pour l’administration et la protection des Français.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ni Mme la rapporteure, ni Mme la ministre n’ont répondu sur l’allongement du délai de quinze à vingt-sept ans. Une mesure qui s’applique aussi longtemps n’est pas dérogatoire, mais pérenne et gravée dans le marbre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE623 de Mme Maud Bregeon, CE212 de M. Benjamin Saint-Huile et CE442 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement vise à clarifier le texte en ne mentionnant plus les petits réacteurs modulaires, car nous ne souhaitons pas dresser la liste des différentes technologies. Les dispositions pourront s’appliquer aux PRM comme à l’ensemble des réacteurs électronucléaires de production d’électricité, voilà pourquoi il est inutile que le texte évoque particulièrement les PRM.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement est identique à celui de Mme la rapporteure, même si ses motivations diffèrent. L’essentiel est de se retrouver sur le fond du texte.

Il est à nos yeux trop tôt pour prévoir des mesures dérogatoires sur les PRM, puisque cette technologie n’en est même pas au prototype. Néanmoins, je me retrouve également dans l’argumentation de Mme la rapporteure et nous sommes en phase pour retirer la référence aux PRM.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement vise à respecter l’objet du projet de loi, qui ne concerne pas les petits réacteurs modulaires, dont l’avancée technologique est très loin de la phase d’industrialisation.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’avis est favorable car le texte s’applique à tous les réacteurs qui produisent de l’électricité sur une base nucléaire, quelle que soit la technologie employée. Nous vous présenterons dans quelques mois un rapport sur les choix technologiques, ceux-ci pouvant être amenés à évoluer dans le temps : si nous annoncions un programme de construction de réacteurs, l’innovation, la recherche et développement, et la mise au point de certains réacteurs pourraient conduire EDF à nous recommander des choix technologiques différents ; s’ils correspondaient à la meilleure solution, il serait légitime de les suivre.

Nous avons choisi la neutralité technologique dans ce texte car les procédures administratives n’ont pas vocation à se prononcer sur la nature des réacteurs.

M. Jérôme Nury (LR). Je ne comprends pas l’exclusion des PRM. À la lecture de l’exposé sommaire de l’amendement, on comprend que le projet de loi a vocation à s’appliquer aux EPR2 et non aux PRM, qu’il semble mettre de côté alors qu’ils peuvent représenter une solution. Qui peut le plus peut le moins : nous avons intérêt à conserver cette précision, utile puisque, comme vous l’avez dit, tous les choix sont ouverts. Il ne faudrait pas que le projet de loi restreigne les possibilités à l’avenir.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE426 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury (LR). Cet amendement vise à faire bénéficier les installations de chantier et les aménagements de voirie qui seraient nécessaires à la construction de réacteurs, des mesures dérogatoires prévues par le texte. Nous avons beaucoup parlé des constructions pérennes, mais n’oublions pas les installations liées à la mise en service, qui sont absentes du projet de loi comme de l’amendement que vient de présenter Mme la rapporteure.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je partage totalement le fond de l’amendement, mais le CE632 que nous venons d’adopter intégrait les installations nécessaires à la construction. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE198 de Mme Christelle Petex-Levet.

M. Jérôme Nury (LR). L’amendement vise à inclure dans le champ du texte les anciennes installations et pas seulement les actuelles. Je pense évidemment à Fessenheim, qui a accueilli des installations nucléaires. Il serait intéressant d’envisager d’y faire fonctionner des petits réacteurs ou des EPR, et il ne faut pas s’interdire d’envisager une reconversion de ce site.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je demande là encore le retrait de l’amendement : tant qu’une installation n’est pas déclassée, elle est toujours considérée comme une installation nucléaire de base (INB) et les dispositions du texte s’y appliqueront. L’exploitant proposera les lieux les plus à même d’accueillir une paire d’EPR en fonction du foncier et de certaines considérations liées au territoire, mais la précision que vous souhaitez apporter ne me semble pas nécessaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’arrêt d’un réacteur n’entraîne pas son déclassement automatique. Tant que le site reste une INB, il peut accueillir de nouveaux réacteurs, ce temps comprenant celui, très long, du démantèlement : s’agissant du Fessenheim, nous avons du temps devant nous.

M. Jérôme Nury (LR). Ce texte est pensé pour les vingt ou vingt-cinq prochaines années ; il n’est pas impossible que l’exploitant dépose une demande de déclassement dans cette période. Il faut donc prévoir cette situation dès maintenant : l’amendement vise à ménager la possibilité d’une reconfiguration de ce site dans dix ou quinze ans.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vous rassure, il est assez peu probable que Fessenheim ne soit plus une INB dans les vingt prochaines années, ou alors nous serions devenus très rapides dans la conduite de certaines opérations.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons cet amendement de bon sens du groupe Les Républicains, comme nous avons soutenu le précédent. Il envoie un signal politique car le choix de l’exploitant ne se fera pas sans indication politique. Il n’est donc pas inutile de rappeler qu’il sera possible de relancer des sites qui ont fonctionné.

L’amendement apporte une précision juridique bienvenue, qui encadrera l’interprétation que les juges administratifs pourront faire de la loi. Le groupe Rassemblement national n’a aucune confiance dans la bonne volonté de certains juges administratifs, compte tenu de leur formation et de leurs orientations idéologiques, d’interpréter correctement la loi. Ils sont capables de donner corps à des théories contestataires toutes plus farfelues les unes que les autres. Plus la loi est claire et explicite, moins le juge pourra donner suite aux recours que le camp d’en face déposera contre la relance de sites arrêtés. Les juges ne suivent pas toujours la loi, ce que l’on peut regretter.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je peux partager l’objectif de l’amendement, mais je rejette les propos que vient de tenir notre collègue Jean-Philippe Tanguy : en démocratie, le contrôle des pouvoirs entre eux qu’implique leur séparation est plutôt sain. Il est rassurant pour la démocratie que notre pays compte des juges administratifs compétents et indépendants, capables d’interpréter le droit ; dans le cas contraire, nous ne serions plus en démocratie. Je suis très attaché au fait que les élus politiques assument leurs responsabilités, que le Parlement remplisse sa mission d’élaboration et de contrôle de la loi, et que le pouvoir judiciaire exerce ses attributions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La rédaction du texte sur les INB est sans ambiguïté, alors que celle de l’amendement en introduit et fragilise le dispositif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement rédactionnel CE584 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE365 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). L’amendement vise à supprimer la limitation dans le temps des mesures de simplification prévues. La crise énergétique et le dépérissement de la filière nucléaire, qui ont rendu nécessaire la rédaction de ce texte, ne doivent pas se reproduire. Il n’existe aucune raison de limiter dans le temps, à l’avance, l’application de ces dispositions, dès lors que nous ignorons le moment où elles cesseront d’être nécessaires. Si ce jour devait venir, il convient de laisser aux générations futures le soin de légiférer en ce sens.

Il ne faut pas se donner vingt-sept ans pour régler les problèmes de 2023, mais imposer une marche à suivre pour que l’on puisse constater des premiers résultats dès 2031.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Le projet de loi a été soumis pour avis au Conseil d’État. Ce dernier a rendu une appréciation favorable sur un régime dérogatoire limité dans le temps. Voilà pourquoi mon avis est défavorable.

Le passage d’un régime dérogatoire temporaire à un régime dérogatoire permanent ne me poserait aucun problème. Il s’appliquera de toute façon pour vingt ans, soit une longue durée ; en outre, je ne doute pas que le législateur le prolongerait en cas de besoin à l’issue de cette période.

C’est dans un souci de robustesse juridique du texte et de prise en compte des observations du Conseil d’État que je suis défavorable à l’amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Un régime dérogatoire doit connaître une limite temporelle. Celle-ci est fixée par rapport à la durée des projets industriels : le texte sur les énergies renouvelables l’a fixée à quatre ans puisque les projets dans ce domaine se montent plus rapidement, mais, dans le nucléaire, les projets se déploient sur une quinzaine d’années. Le Gouvernement avait donc initialement proposé une durée de quinze ans, le Sénat l’a allongée à vingt-sept ans et nous allons examiner des amendements qui proposent des durées différentes. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE373 de Mme Florence Goulet, CE258 de M. Maxime Laisney, CE401 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendements identiques CE172 de Mme Julie Laernoes et CE213 de M. Benjamin Saint-Huile, amendement CE622 de Mme Maud Bregeon, rapporteure (discussion commune).

Mme Florence Goulet (RN). Il s’agit, dans le même esprit que l’amendement précédent, de supprimer la limitation dans le temps des mesures de simplification.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Un régime dérogatoire de vingt-sept ans s’apparente, comme je l’ai dit ce matin, à du provisoirement définitif ou à du définitivement provisoire. Les mesures dérogatoires contenues dans le projet de loi sur les énergies renouvelables ne sont, elles, prévues que pour quatre ans.

L’amendement vise à limiter dans le temps le régime du présent projet de loi. En fixant une durée aussi longue, n’avouez-vous pas votre incertitude sur la possibilité de construire rapidement des réacteurs ? Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a d’ailleurs fait part du même doute. Vous dites régulièrement qu’il faudrait environ quinze ans pour construire un réacteur, mais les mesures dérogatoires s’appliqueront pendant vingt-sept ans. La démonstration est faite que le nucléaire n’est pas une solution pour lutter contre le réchauffement climatique, lequel est déjà à l’œuvre.

Pour revenir sur les SMR, j’espère que l’on a bien compris que le texte n’excluait pas cette technologie ; la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France a auditionné Jean-Marc Jancovici, qui a expliqué – même lui ! –que les SMR ne représentaient pas une solution.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement CE401 vise à ramener de 2050 à 2035 la date de caducité des dispositions du titre Ier pour les demandes d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base. Notre groupe considère en effet que notre pays doit s’engager dans une dynamique permettant d’atteindre à terme un mix énergétique composé à 100 % d’énergies renouvelables et largement diversifié.

Nous avons pris toute notre part dans la coconstruction, le renforcement et l’adoption de la loi d’accélération des énergies renouvelables. Cependant, les besoins énergétiques futurs, estimés entre 700 et 750 térawattheures, le retard pris en matière de sobriété dans le bâtiment et les transports et celui qu’accuse le déploiement des énergies renouvelables rendent particulièrement difficile d’atteindre un tel objectif à l’horizon 2050. Ainsi, outre la nécessaire prolongation de la durée de service du parc électronucléaire existant pour retarder ou repousser un « effet falaise » à l’horizon 2040, la question de la nécessité de lancer un nouveau programme EPR2 n’est pas écartée.

Cependant, dans l’hypothèse où les débats à venir sur la loi de programmation sur l’énergie et le climat – et nous espérons bien que nous aurons ce débat – viendraient à arbitrer en faveur d’un nouveau programme nucléaire, nous concevons cette énergie comme une énergie de transition en vue d’atteindre l’objectif précité. Or, en prévoyant la possibilité du dépôt d’une demande de création d’installations nucléaires de base selon les modalités prévues par le titre Ier jusqu’en 2050, le projet de loi intériorise d’emblée l’idée que de nouveaux réacteurs pourraient continuer d’être mis en service jusqu’à la fin de la décennie 2060, pour un fonctionnement qui pourrait aller jusqu’au milieu du XXIIe siècle.

Au-delà même de la question des énergies renouvelables, celle de l’évolution des technologies nucléaires à une telle échéance est également posée, alors que les démonstrateurs Demo et Proto, qui doivent succéder à Iter – réacteur thermonucléaire expérimental international – en cas de succès, devraient confirmer ou infirmer, d’ici à 2045, la perspective d’un basculement vers la fusion nucléaire dans la deuxième partie du siècle.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il semble plus raisonnable de revenir, comme y tend mon amendement CE172, au délai initialement choisi par le Gouvernement, qui est le minimum nécessaire pour lancer une opération en espérant qu’elle verra le jour. En outre, l’extension de la durée d’application de ces mesures de simplification jusqu’à 2050 laisse le champ libre pour la construction de réacteurs supplémentaires.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Mon amendement CE213, identique au précédent, est défendu.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La durée de vingt-sept ans proposée par le Sénat pose des questions juridiques et nous avons des doutes par rapport au dispositif initial présenté au Conseil d’État. C’est la seule raison pour laquelle je propose de changer le délai prévu, car là n’est pas la question centrale du texte – qui est de savoir quelles mesures permettront, dans les dix ou quinze ans à venir, de lancer le premier programme d’EPR2, après quoi le législateur aura le temps de réfléchir à la suite. L’amendement CE622 vise donc uniquement à une sécurisation juridique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Une durée illimitée induirait un risque d’inconstitutionnalité. Une durée de quatre ans, inférieure à celle qui est nécessaire pour constituer et valider le premier dossier d’autorisation de construction, ne permet de rien faire. Une durée de douze ans est encore un peu courte. Avis défavorable, donc, aux amendements CE373, CE258 et CE401. Restent les propositions de porter le délai à quinze ou vingt ans : compte tenu du travail accompli par Mme la rapporteure et afin de nous donner encore un amorti de cinq ans supplémentaires, je propose le retrait des amendements identiques CE172 et CE213 au profit de l’amendement CE622.

M. Hervé de Lépinau (RN). Tout d’abord, le nucléaire s’inscrit dans le temps long, et c’est donc une erreur que de s’enfermer dans des délais très courts. En deuxième lieu, relancer le programme Astrid – réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle – ferait du nucléaire une énergie renouvelable, car nous retrouverions alors le cycle vertueux du combustible – et je rappelle à cet égard que nous disposons de réserves pour plusieurs siècles. Enfin, en réponse à M. Jumel, qui a invoqué la précision des textes, je tiens à souligner, pour avoir pratiqué pendant près de trente ans les tribunaux de l’ordre administratif aussi bien que judiciaire, que les magistrats demandent des textes précis et que l’imprécision ouvre la porte à l’interprétation, laquelle peut dénaturer l’esprit d’un texte. Il est donc de notre devoir d’être précis.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je ne vois aucun obstacle à ce que l’on précise la loi. Je voulais surtout répondre à la diatribe de M. Tanguy, pour qui les juges administratifs sont de dangereux gauchistes. En démocratie, il faut éviter qu’un pouvoir en juge un autre, car il ne s’agit plus alors de démocratie.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Il est extravagant de prévoir des dérogations aussi longues. Sans même parler de vingt-sept ans, les durées proposées dans les amendements de repli de nos camarades sont elles-mêmes excessives. Du provisoire qui dure douze, quinze ou vingt ans n’est pas du provisoire : ayons au moins l’honnêteté de parler d’un changement de législation durable et permanent. Cela est d’autant plus nécessaire que la durée indiquée n’est pas le délai au terme duquel on espère voir les centrales fonctionner, mais celui dont on dispose pour déposer des demandes de création, auquel il faut encore ajouter au moins quinze ans pour la construction des centrales. Cette mesure engagerait donc la réglementation pour des décennies, voire pour un demi-siècle si l’on ajoute la durée de la dérogation et celle de la conclusion. Ce n’est pas sérieux et c’est, après ce qui a été fait pour les énergies renouvelables, un nouvel exemple du « deux poids, deux mesures » qui montre le favoritisme dont fait preuve le Gouvernement en faveur du nucléaire.

Successivement, la commission rejette les amendements CE373, CE258 et CE401, ainsi que les amendements identiques CE172 et CE213.

Elle adopte l’amendement CE622.

 

Amendements identiques CE255 de M. Maxime Laisney, CE327 de Mme Lisa Belluco et CE428 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Mon amendement CE255 tend à supprimer l’alinéa 2, qui étend les mesures dérogatoires aux installations d’entreposage du combustible – c’est-à-dire du combustible avant et après usage. Or nous avons déjà beaucoup de mal à savoir quoi faire de ce combustible usagé, qu’il s’agisse de son entreposage à proximité des centrales ou de son traitement à La Hague, puis peut-être son stockage définitif à Bure dans le cadre du projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Durant les auditions auxquelles nous avons procédé, il nous a été avoué qu’à La Hague, on réfléchissait, faute de place, à la possibilité de condenser le combustible usagé dans les piscines – et peut-être en viendra-t-on un jour à fabriquer des piscines supplémentaires !

La construction de nouveaux réacteurs envisagée dans ce projet de loi implique la génération de nouveaux déchets. C’est une fuite en avant pour ce qui concerne le combustible en général, et le combustible usagé en particulier. Nous proposons donc de supprimer cette extension des dérogations.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le régime dérogatoire pour vingt ans permet aux installations d’entreposage de combustible nucléaire de bénéficier des mêmes dérogations, alors qu’elles ne se situent pas toujours à proximité d’installations nucléaires de base existantes. Il importe de respecter l’intégralité des procédures environnementales et d’urbanisme permettant de s’assurer de la possibilité technique et de l’opportunité de ces implantations. L’amendement CE327 tend donc à supprimer l’alinéa 2.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement CE428 est défendu.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il faut considérer le nucléaire dans sa globalité, de l’amont à l’aval du cycle, et c’est un principe de responsabilité que d’avoir une vision de l’ensemble du traitement des déchets. Si nous voulons relancer le nucléaire et renouveler le parc existant, il faut aussi prendre en compte le recyclage, l’entreposage et l’enfouissement. Avis défavorable à ces amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ces amendements identiques posent à nouveau le problème des déchets de la combustion dans des réacteurs traditionnels de troisième génération. Puisque, sous la pression de la population française, qui s’étonne de ne plus avoir assez d’électricité, le Gouvernement a décidé de relancer un cycle industriel de réacteurs, c’est l’occasion de relancer le programme Astrid. Évitons d’en rester au moteur à hélice quand on peut utiliser un moteur à réaction ! Nous pourrons ainsi traiter des générations de déchets nucléaires que nous avons en stock pour récupérer de l’uranium et du plutonium. Saisissez la balle au bond et favorisez l’innovation pour que nous puissions enfin arriver au réacteur de quatrième génération. Outre cette observation, je ne suis pas favorable aux amendements.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le Rassemblement national a décidément un problème avec les faits ! Alors que les réacteurs nucléaires existants produisent des déchets, on prévoit d’en construire plusieurs autres. On peut certes rêver éternellement et croire qu’une génération future de réacteurs ne produira plus de déchets, mais c’est illusoire. On a essayé d’y parvenir, sans succès.

Nous ne nions pas le problème que représentent les déchets nucléaires, mais il ne faut pas appliquer à leur entreposage les mêmes mesures dérogatoires au droit de l’urbanisme et au droit de l’environnement qu’aux nouvelles installations
– a fortiori pour vingt ans.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE644 du Gouvernement, sous-amendement CE663 de Mme Maud Bregeon et amendement CE380 de Mme Florence Goulet (discussion commune).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les dispositions du projet de loi ont été conçues comme un ensemble cohérent, principalement pensé pour l’accélération des projets de réacteurs nucléaires, notamment les dispositions concernant l’urbanisme. Les articles 2 et 3 vont de pair et les dispositions de l’article 4 sont pertinentes pour une installation industrielle comportant de nombreux bâtiments. L’amendement CE644 vise à les adapter au bénéfice des projets d’entreposage de combustible liés à la relance de ce nouveau programme nucléaire.

Afin d’assurer la cohérence des adaptations requises, l’amendement tend à prévoir une vérification de la cohérence de la demande de l’exploitant par le ministre compétent, au moyen d’un arrêté qui permettra de préciser les dispositions applicables. Il inclut trois critères généraux d’éligibilité, pour rester en cohérence avec le champ d’application de la loi concernant les réacteurs nucléaires.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Le sous-amendement CE663 est de précision rédactionnelle.

Mme Florence Goulet (RN). L’amendement CE380 tend à étendre les mesures de simplification aux bâtiments annexes nécessaires aux réacteurs, afin d’éviter les recours dilatoires.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable sur l’amendement du Gouvernement sous-amendé et défavorable sur l’amendement CE380, qui étendrait le régime dérogatoire à des réacteurs de recherche tels que l’accélérateur de particules du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou au projet Cigéo de Bure, puisque l’entreposage des déchets a été intégré au dispositif. Une telle extension me semble précipitée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable sur l’amendement rédactionnel de Mme la rapporteure et défavorable sur l’amendement CE381 de Mme Goulet.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Dans l’amendement de Mme la ministre figure un 1° ainsi rédigé : « Il a vocation à entreposer principalement des combustibles nucléaires ayant été irradiés dans des réacteurs électronucléaires existants ou dans des réacteurs électronucléaires mentionnés au I du présent article. » Qu’en est-il du reste ? De quels déchets s’agit-il ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de combustible usé, et non pas encore de déchets, et qui ne proviennent pas, notamment, de réacteurs de recherche.

La commission adopte successivement le sous-amendement CE663 et l’amendement CE644 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE380 tombe.

 

Amendements identiques CE565 du Gouvernement, CE173 de Mme Julie Laernoes, CE256 de Mme Aurélie Trouvé et CE537 de M. Stéphane Travert.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement CE565 vise à retirer les projets de production d’hydrogène bas carbone du champ d’application des dérogations. La rédaction issue du Sénat compliquerait plus qu’elle ne simplifierait la mise en œuvre de ces projets.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Même argumentation pour l’amendement CE173.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Avec un argumentaire quelque peu différent, l’amendement CE256 tend lui aussi à supprimer le lien entre l’hydrogène et le nucléaire. La production d’hydrogène par électrolyse peut être une bonne idée, mais le rendement est faible. Dans son discours du Creusot, le 8 décembre 2020, Emmanuel Macron avait affirmé ce lien, exprimé aussi d’une façon criante par les 7 milliards d’euros prévus par le plan de soutien à l’hydrogène bas carbone, qui est en réalité une promotion indirecte du nucléaire. C’est donc aussi pour cette raison que nous demandons la suppression de l’alinéa 3.

M. Stéphane Travert (RE). Sans remettre en cause le développement de la production d’hydrogène bas carbone, qui est un enjeu majeur, l’amendement CE537 tend, lui aussi, à la suppression de l’alinéa 3, qui rend les projets de cette nature éligibles aux dispositions du titre Ier.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable. À titre personnel, je crois beaucoup à l’hydrogène à base d’électrolyse, a fortiori si l’électricité utilisée est bas-carbone. En l’occurrence, cependant, l’amendement aurait pour effet la création d’un régime intermédiaire entre les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations nucléaires de base, dont la mise en œuvre opérationnelle compliquerait les choses plus qu’elle ne les faciliterait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans le droit français, la notion d’hydrogène bas carbone désigne l’hydrogène renouvelable et nucléaire, alors qu’en droit européen, le terme s’applique à l’hydrogène sur base nucléaire. Ainsi, monsieur Laisney, selon le point de vue, vous développeriez les énergies renouvelables ou les remettriez en cause.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet ajout du Sénat était de bon sens, car il est ici question d’une stratégie industrielle. Isoler la production d’hydrogène n’a aucun sens, car l’ensemble des études techniques menées sur la faisabilité et le rendement des processus de stockage par hydrogène – et a fortiori de production de puissance électrique au moyen de l’hydrogène – montrent que le nucléaire est la seule option viable, pour des raisons évidentes liées à l’utilisation du courant et à l’utilisation en base – ce qui n’est évidemment pas le cas pour le renouvelable intermittent.

Nous assistons au démantèlement progressif de toute ambition planificatrice du développement du nucléaire et d’un droit qui serait au service des objectifs industriels, écologiques et économiques – et non l’inverse. On retombe là dans tous les travers qui, depuis les années 1990, ont mis à terre la filière nucléaire.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Sur le fond, Mme la rapporteure a souligné à très juste titre la distinction entre ICPE et INB.

Quant à la position du groupe Rassemblement national, elle présente des contradictions. De fait, chers collègues, lors de l’examen du texte consacré aux énergies renouvelables, vous avez voté contre toutes les dispositions visant à inclure les gaz bas carbone, car le seul spectre d’une énergie renouvelable suffisait à provoquer votre rejet, mais si vous considérez, par exemple, le projet d’usine à hydrogène de Dunkerque, vous verrez qu’elle sera alimentée à la fois par le futur parc éolien offshore et par le parc nucléaire attenant de Gravelines : je vous souhaite bonne chance si vous voulez compter les électrons issus respectivement de ces deux sources pour savoir si l’hydrogène ainsi produit est de bonne ou de mauvaise qualité !

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CE328 de Mme Lisa Belluco tombe.

 

Amendements identiques CE174 de Mme Julie Laernoes, CE402 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE536 de M. Stéphane Travert.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement CE174 vise à supprimer l’alinéa 4, qui prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la faisabilité et l’opportunité d’étendre les technologies des projets nucléaires et leurs conditions d’implantation. Il n’y a pas de raison d’envisager la possibilité d’une nouvelle extension de la durée – qui vient du reste d’être fixée à vingt ans – d’application et de simplification des procédures pour les objets nucléaires et leurs conditions d’implantation mentionnées au I de l’article 1er. N’inscrivons pas dans le marbre toutes ces mesures dérogatoires.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’objet du rapport envisagé nous paraît mal défini et, du reste, cette évaluation relève plutôt des industriels et du régulateur que du Gouvernement. Par ailleurs, le délai proposé ne permettra aucun retour d’expérience dans l’hypothèse où une nouvelle génération d’EPR2 devrait être lancée à la suite des arbitrages définis dans la loi de programmation.

M. Stéphane Travert (RE). Le projet de loi comporte déjà de nombreuses demandes de rapports de cette nature. L’opportunité d’une extension des conditions d’implantation instaurées par le projet de loi sera examinée à l’occasion de l’élaboration par le Parlement d’un rapport d’évaluation de la loi, conformément aux dispositions de l’article 145-7 du règlement de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle nous proposons, avec l’amendement identique CE536, la suppression de l’alinéa 4.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour ma part, ce rapport me va très bien. Il s’agit en effet de répondre à la question suivante, qui remonte assez régulièrement, notamment dans les consultations auxquelles nous avons procédé sur le mix énergétique : pourquoi pas des SMR sur des plateformes industrielles ?

Quelle que soit la réponse qu’apportera ce rapport, il est utile d’éclairer le débat, car cette question est posée tant par les élus locaux que par les parlementaires – c’est par exemple le cas dans mon territoire du Pas-de-Calais, où des élus locaux commencent à rêver de SMR. Il faut donc clairement paramétrer les choses.

Gardons la juste mesure de l’enjeu : il n’est ici question que de rapports, et non pas de décisions structurelles. Inutile donc de se rouler par terre en dénonçant la grande relance du nucléaire : il ne s’agit que d’éclairer un débat qui se tient réellement sur les territoires pour savoir comment équilibrer les enjeux de la décarbonation industrielle et le souci d’éviter une trop grande dissémination du nucléaire. L’avis serait donc défavorable, mais je suggère plutôt le retrait de ces amendements en vue de les retravailler d’ici à l’examen en séance. Je suis en revanche favorable à ce que nous nous posions cette question et y répondions pour éclairer le Parlement.

Monsieur le président Guillaume Kasbarian. C’est tout à fait baroque ! D’ordinaire, et selon une longue tradition, les parlementaires demandent des rapports au Gouvernement, lequel demande, à juste titre, que l’on cesse d’inscrire de telles demandes dans la loi. Or, ici, c’est l’exact inverse qui se produit !

Du reste, est-il vraiment nécessaire qu’un rapport soit demandé par l’Assemblée pour que le Gouvernement le produise ? En d’autres termes, faut-il une loi pour demander un rapport ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Non, monsieur le président. Je pourrai vous communiquer ce rapport lorsque je l’aurai fait. Vous pouvez aussi m’auditionner dans le cadre d’une mission d’information ou d’une commission d’enquête.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE624 de Mme Maud Bregeon et CE535 de M. Stéphane Travert.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Suivant la même logique, il s’agit de supprimer la demande de rapport figurant à l’alinéa 5.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable. Produire chaque année un rapport d’application est peut-être un peu excessif.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE403 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE375 de Mme Florence Goulet, CE438 de Mme Anna Pic et CE439 de Mme MarieNoëlle Battistel tombent.

 

Amendements CE585 de Mme Maud Bregeon et CE155 de Mme Julie Laernoes (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Mon amendement est rédactionnel.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Selon le texte adopté par le Sénat, ce que recouvre la notion de proximité immédiate, qui doit être précisée par décret en Conseil d’État, « ne peut excéder le périmètre initial du plan particulier d’intervention [PPI] existant […] lorsque l’installation nucléaire de base […] en dispose ». Les PPI sont des documents qui permettent d’organiser les secours, c’est-à-dire la distribution d’iode, dans un rayon initial de 10 kilomètres et désormais de 20 kilomètres autour de l’installation, ce qui nous semble un périmètre bien trop large pour l’implantation de nouvelles installations.

Selon le rapporteur du texte au Sénat, l’Association des maires de France (AMF) a indiqué que la notion de proximité immédiate n’était pas définie sur le plan juridique et que « la mise en œuvre de cette mesure serait facilitée si l’installation existante et la nouvelle installation à proximité généraient le même périmètre de 20 kilomètres, c’est-à-dire si elles étaient situées à moins de 1 kilomètre l’une de l’autre ». Pourtant, la rédaction adoptée par le Sénat ne permet pas de s’assurer que la nouvelle installation nucléaire aura le même PPI que l’installation existante, mais seulement qu’elle sera construite dans un rayon de 20 kilomètres. Le groupe Écologiste propose, comme l’AMF, une distance maximale de 1 kilomètre entre les deux installations.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable, car une distance de 1 kilomètre me semble insuffisante. Il ne faut pas oublier que ces mesures dérogatoires concernent non seulement la construction du réacteur en tant que tel mais aussi celle des bâtiments annexes et auxiliaires, ainsi que celle des raccordements, lesquels iront nécessairement plus loin. C’est pourquoi le Sénat a introduit une limite correspondant à la zone du PPI, le périmètre devant ensuite être précisé par décret. Prévoir une distance maximale de 1 kilomètre reviendrait à enterrer toute possibilité d’accélération des constructions.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable à l’amendement de la rapporteure, mais défavorable à celui de Mme Laernoes, qui ne correspond pas à la proposition de l’AMF. Celle-ci souhaite qu’on reste grosso modo dans l’enveloppe du PPI, ce qui est très différent.

Successivement, la commission adopte l’amendement CE585 et rejette l’amendement CE155.

 

Amendement CE214 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous considérons également qu’un périmètre de 20 kilomètres est excessivement large : cela va bien au-delà d’une « proximité immédiate ». C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. La suppression de la référence au périmètre du PPI enlèverait tout garde-fou : le décret pourrait prévoir, par exemple, une limite de 40 kilomètres, ce qui ne correspondrait pas, me semble-t-il, à ce que vous souhaitez. La rédaction actuelle me paraît satisfaisante, car elle laisse ouvert le champ des possibilités dans une limite de 20 kilomètres. La zone concernée pourra avoir un rayon inférieur, mais il faut laisser le Gouvernement travailler sur ce point avec l’exploitant.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Si vous enlevez cette précision, nous en resterons à la notion de proximité immédiate, qui peut être assez librement interprétée. Le Sénat a fixé une limite en se raccrochant à un objet juridiquement connu et maîtrisé. Enlever la référence au PPI serait contraire aux objectifs que vous défendez. Par conséquent, demande de retrait.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE74 de Mme Marie Pochon.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Alors qu’une loi votée en 2015, revue en 2019 par votre majorité et jamais abrogée depuis cette date, prévoyait de réduire la voilure du nucléaire en fermant douze réacteurs d’ici à 2035, nous discutons d’un projet de loi qui fait exactement le contraire. C’est dire la constance dont vous faites preuve.

Le présent texte n’a qu’une seule finalité, développer toujours plus le nucléaire, quoi qu’il en coûte. Pour cela, le Gouvernement souhaite déroger aux procédures existantes, non pendant 1 ou 5 ans, mais autour de 20 ans – pourquoi pas 54 ou 270 ? À ce stade, de toute façon, de telles dispositions ne sont plus dérogatoires mais permanentes.

Tout cela va à contre-courant de notre histoire. Je pense que vous l’avez toutes et tous remarqué, les ministres en ont même beaucoup parlé, la France est en situation de sécheresse en ce moment. Or, s’il y a un truc qui fonctionne assez mal en période de sécheresse, tout particulièrement en été, quand il fait très chaud, c’est bien le nucléaire. Mais c’est sans doute nous qui sommes anti‑sciences : on ne doit pas savoir comment le nucléaire fonctionne…

Par ailleurs, l’allègement des procédures administratives est un grand classique : c’est toujours la norme le problème. Il me semble pourtant que les normes, de l’obligation de porter une ceinture de sécurité à l’interdiction des substances dangereuses, permettent de sauver des vies tous les jours en France. Face à l’urgence climatique, il se pourrait que des normes soient également nécessaires.

À défaut de supprimer cet article, comme le demandait un amendement de notre collègue Julie Laernoes, nous souhaitons introduire un peu de démocratie dans les procédures, grâce à la réalisation d’une enquête publique. Tel est le sens de cet amendement signé par vos Amish préférés.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Bienvenue, madame Regol. Nous sommes vraiment ravis de vous accueillir dans cette commission, mais nous aurions aimé que vous arriviez plus tôt : vous auriez ainsi entendu les réponses aux questions portant sur l’eau et le réchauffement climatique. Je ne me répéterai pas, mais vous pourrez consulter le compte rendu.

Le parallèle entre la ceinture de sécurité et la construction de réacteurs nucléaires me paraît, peut-être, un tout petit peu simpliste. Personne ne dit que des normes ne sont pas nécessaires. Néanmoins, nous en avons probablement trop accumulé ces dernières années, et il convient donc de procéder à une rationalisation, comme nous l’avons fait pour les énergies renouvelables, dans un texte qu’une partie de la NUPES a voté.

S’agissant de la dimension démocratique des procédures, chaque projet de réacteur s’accompagne d’une participation du public. Je crois que nous ne manquons pas d’enquêtes publiques, puisqu’il y en a lors de l’instruction de la demande d’autorisation de création du réacteur, lors de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale et lors de la réalisation de l’étude d’impact. Par ailleurs, des débats ont eu lieu durant l’élection présidentielle et durant les élections législatives, dont on a vu les résultats pour les tenants de l’atome et ses opposants.

Par conséquent, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ne comprends pas du tout cet amendement, car il ne fait que répéter une disposition figurant déjà dans la loi et que nous ne remettons pas en cause. Une enquête publique est menée préalablement à la première autorisation environnementale, puis à l’autorisation de création de l’installation nucléaire de base et, mieux encore, la demande d’autorisation fait l’objet d’un débat public. Avis défavorable : n’alourdissons pas le texte par des rédactions superfétatoires.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai peur que la ministre ait raison sur ce point, mais cela n’emporte pas mon adhésion sur le reste.

J’en profite pour vous poser une question : pourquoi les derniers textes relatifs à l’énergie ont-ils été examinés en premier par le Sénat, dont les positions ont l’air de vous embarrasser ? Les collectivités territoriales ne sont concernées que très indirectement par le sujet.

M. le président Guillaume Kasbarian. Cela arrive régulièrement, monsieur Jumel – vous connaissez bien le Parlement –, mais je vais laisser le Gouvernement répondre, puisque c’est son choix qui est en cause.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La charge de travail respective de chaque assemblée a pu jouer un rôle. Par ailleurs, le projet de loi relatif aux énergies renouvelables remettait au centre du jeu les élus des territoires. Il était ainsi beaucoup question des maires. La logique voulait donc que ce texte passe d’abord au Sénat.

J’observe d’ailleurs une chose intéressante : dans cette assemblée qui était présumée hostile aux énergies renouvelables, 320 sénateurs ont voté pour le texte, et 5 contre ; dans votre assemblée, une partie de la gauche – mais pas le parti socialiste –, qui était présumée favorable aux énergies renouvelables, n’a pas soutenu le texte. C’est toute la différence entre les paroles et les actes : il y a ceux qui parlent et ceux qui votent.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec un projet de réalisation d’un réacteur électronucléaire

 

Amendements de suppression CE6 de Mme Julie Laernoes et CE266 de M. Christophe Bex.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 2 tend à modifier la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme lorsque leur évolution est nécessaire afin de construire de nouvelles installations nucléaires et tend à qualifier de projets d’intérêt général les projets de réacteurs nucléaires.

Nous nous opposons à l’instauration d’une procédure spécifique pour les réacteurs nucléaires qui déplacerait la maîtrise des procédures d’urbanisme des collectivités vers l’État. Loin d’être en faveur des collectivités, ce projet de loi placerait sous la direction de l’État toutes les procédures d’urbanisme relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires. Cela revient à faire, encore une fois, une exception pour le nucléaire, et de telles dispositions paraissent éminemment contestables au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution.

Je rappelle, en outre, que ce ne sont pas les procédures d’instruction des demandes d’autorisation ou les procédures contentieuses engagées contre les décisions prises qui sont à l’origine des importants retards de construction des réacteurs nucléaires, mais les défaillances techniques de la filière. Le Conseil d’État a lui-même estimé, dans l’avis qu’il a rendu le 27 octobre 2022, que le gain de temps attendu grâce aux dispositions de cet article « ne peut être évalué avec certitude », ce qui signifie que son existence n’est pas certaine.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous souhaitons également la suppression de cet article qui vise à créer une nouvelle procédure dérogatoire au droit commun pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme en vue de la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires.

Ces dispositions donneraient en effet à l’État la possibilité d’engager directement les procédures de mise en compatibilité des documents d’urbanisme, au mépris des compétences des collectivités territoriales. Ce serait un affaiblissement de la libre administration des collectivités que nous ne pouvons pas accepter.

Par ailleurs, même si on acceptait l’objectif du Gouvernement, qui est de relancer le nucléaire en France, l’utilité de la nouvelle procédure paraîtrait douteuse. Le Conseil d’État a souligné, dans son avis, que le gain de temps ne peut être évalué avec certitude, et le rapporteur du texte au Sénat a relevé que, selon les personnes qu’il a auditionnées, les principales origines des délais et des retards étaient la complexité et la technicité des études d’ingénierie ainsi que les problèmes de disponibilité des compétences, et non les procédures d’urbanisme. Rien ne justifie, par conséquent, que l’État agisse de manière autoritaire dans ce domaine, en enjambant les compétences des collectivités territoriales. Vous aviez d’ailleurs tenu un raisonnement assez différent lors de l’examen du texte consacré aux énergies renouvelables : une fois encore, vous faites deux poids, deux mesures.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La mise en compatibilité des documents d’urbanisme n’a rien d’exceptionnel : cela existe déjà dans le cadre des projets d’intérêt général, des déclarations de projet et des déclarations d’utilité publique. On le fait, notamment, pour la construction des autoroutes, des lignes de TGV et des aéroports, mais il est vrai que vous n’aimez pas ces opérations d’intérêt public.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous affirmez, le Conseil d’État a estimé que cette procédure, qui maintient une instruction conjointe des projets par l’État et par les autorités compétentes en matière d’urbanisme, ne portait pas atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Enfin, il ressort des auditions que ces dispositions permettront un gain de temps, estimé à au moins six mois. Tout ne se résume pas aux améliorations apportées à la conception de l’EPR2 par rapport à celle de l’EPR, qu’il s’agisse de l’absence de maintenance en cours d’exploitation ou de la rationalisation de certaines pièces.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il ne s’agit pas, je l’ai dit tout à l’heure, de comprimer le temps des projets industriels mais d’éviter de perdre du temps administratif. Il y a parmi vous des élus locaux, ou d’anciens élus locaux, notamment d’anciens maires, qui savent bien que la mise en cohérence des documents d’urbanisme prend plusieurs mois, voire plusieurs années. C’est une procédure que l’on utilise pour de grands projets d’ordre national, dont fait partie la construction des réacteurs nucléaires, alors que les projets d’énergies renouvelables sont très locaux. Telle est la raison de la différence procédurale qui est prévue. J’observe, par ailleurs, que vous n’aviez pas les mêmes pudeurs à l’égard des élus locaux quand vous vouliez leur imposer des projets d’énergies renouvelables.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous partageons l’analyse de nos collègues écologistes selon laquelle les retards dans la conduite des projets émanent de pertes de savoir‑faire, d’errements politiques, de problèmes très techniques ou même de difficultés d’ingénierie, mais ne sont pas liés aux procédures administratives.

En revanche, les élus peuvent gagner du temps sur le terrain de l’urbanisme, en anticipant les problèmes liés aux grands projets. Je pense notamment à la qualité sociale et environnementale de l’accueil qui leur est réservé. Si on veut, par exemple, loger les salariés d’une centrale autrement que dans des cages à poules ou comme des nomades du nucléaire, il faut être en mesure de modifier le plan local d’urbanisme (PLU). De même, si on veut transporter les matières nécessaires à un grand chantier autrement que par la route, par exemple par le rail, et développer les transports collectifs, il faut intégrer des modifications au niveau du schéma de cohérence territoriale (SCoT) et du PLU. Si on veut éviter les parkings ventouses qui peuvent laminer des terres agricoles et préempter un schéma directeur de transport ou de développement durable, alors il faut anticiper la question au niveau des PLU. C’est important quand on veut faire preuve d’exemplarité sociale et environnementale.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 2 comporte des dispositions s’apparentant à la raison impérative d’intérêt public majeur qui figurait dans le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Dans le présent texte, ces dispositions sont assorties de délais qui ne sont pas raisonnables. On ne peut pas demander aux collectivités territoriales de délibérer dans un délai d’un mois. Quand on a été, comme moi, un élu local, on sait bien que ce n’est pas possible. Par ailleurs, les déclarations d’utilité publique valent qualification d’intérêt général, ce qui permet de s’asseoir sur toutes les réglementations.

J’ai participé à l’élaboration d’un PLU métropolitain et d’un SCoT. J’ai notamment vu, dans ce cadre, comment l’État essayait de répondre à des mises en demeure européennes, au sujet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à travers le SCoT.

Il serait assez normal, quand il s’agit d’implanter un nouveau réacteur nucléaire ou une paire de nouveaux réacteurs nucléaires, ce qui a des implications, notamment en matière de travaux, de ne pas enlever tous leurs droits aux élus locaux. L’article 2 contrevient à plusieurs égards à la libre administration des collectivités territoriales, lesquelles se verront notamment imposer des délais intenables.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE382 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Ce projet de loi, qui nous engage sur plusieurs décennies, doit être l’occasion de faire des choix forts. Les solutions prévues doivent être à la mesure des dégâts causés par près de deux décennies d’indifférence, voire d’hostilité à l’égard du nucléaire. Notre amendement tend ainsi à qualifier d’opération d’intérêt national la reconstruction de notre parc nucléaire. Cette solution aurait le grand avantage d’éviter toute procédure de mise en compatibilité, qui rallonge inévitablement les délais de construction de chaque réacteur, sans faire une croix sur la consultation des collectivités territoriales.

Selon l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme, une opération d’intérêt national répond à des enjeux d’une importance telle qu’elle nécessite une mobilisation de la collectivité nationale et que l’État décide de lui consacrer des moyens particuliers. Cigéo bénéficie de cette qualification depuis juillet 2022. Ce qui a été fait pour les déchets nucléaires, faisons-le aussi pour la construction des réacteurs.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous y avons également réfléchi, mais il nous a été répondu lors des auditions qu’il faudrait que les projets aient une consistance suffisante, en matière de localisation comme sur le plan technique et technologique. Cela pourrait être envisageable, et encore je n’en ai pas la certitude, pour le premier projet, mais pas pour la troisième paire d’EPR, qui est envisagée dans la vallée du Rhône – on ne sait pas si ce serait plutôt du côté du Bugey ou de Tricastin. Par conséquent, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je vais vous faire une réponse technique, comme tout à l’heure au sujet des ICPE et des INB, lorsque j’ai souligné que ces notions ne correspondaient pas aux mêmes façons de procéder, et que ce n’était donc pas une question politique qui se posait. Un projet d’intérêt général, de même, ce n’est pas la même chose qu’une opération d’intérêt national. Alors que la qualification de projet d’intérêt général a des conséquences en matière d’urbanisme, ce n’est pas le cas pour les opérations d’intérêt national, et la question de la mise en cohérence des documents d’urbanisme continue donc à se poser dans ce cadre. C’est la raison pour laquelle nous avons retenu, afin qu’il y ait une accélération, la rédaction qui figure dans le projet de loi.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je dois dire que je commence un peu à m’inquiéter, à la suite des réponses qui sont apportées depuis hier, de la réalité de votre capacité à relancer un programme nucléaire. Mme la ministre a répondu, par exemple, qu’on ne savait pas vraiment quelle serait la localisation des futurs EPR, alors que seuls six d’entre eux sont prévus pour le moment – je n’ose imaginer ce que cela serait si on décidait d’en construire davantage, comme il le faudrait. Nous nous disions, a priori, que nous voterions avec enthousiasme ce projet de loi, mais je commence à me demander s’il n’y aura pas un autre creux nucléaire entre l’adoption du texte et le lancement concret d’un premier réacteur. Mon groupe commence à s’interroger sérieusement sur votre capacité à changer de pied.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il ne faut pas confondre volonté d’avancer et gloubi-boulga légistique ou juridique. Je suis désolée de vous faire encore une réponse technique, mais vous êtes en train de freiner les projets nucléaires avec une idée qui ne marche pas, alors que je propose, pour ma part, d’aller plus vite en matière d’urbanisme, branche du droit qui a certaines implications. Si vous voulez soutenir le nucléaire, comme vous le prétendez, je vous invite à ne pas voter cet amendement. Vous pouvez faire de la politique, bien sûr, mais ce sera compris comme tel.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE528 de Mme Louise Morel.

Mme Louise Morel (Dem). Afin d’accélérer concrètement la réalisation des projets nucléaires, le groupe Démocrate propose de supprimer une étape de la procédure, à savoir l’adoption d’un décret en Conseil d’État pour qualifier de projet d’intérêt général la construction d’un réacteur électronucléaire ou d’une installation d’entreposage de combustible nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il ne faudrait pas supprimer tout l’alinéa 1, comme tend à le faire votre amendement, car la qualification de projet d’intérêt général est un apport important du projet de loi : cela permet au contentieux de se dérouler devant le Conseil d’État, ce qui est pertinent pour ce genre de projets.

Je vous proposerai plutôt d’adopter un amendement du Gouvernement tendant à ne supprimer que la dernière phrase de cet alinéa, ainsi rédigée : « Cette qualification ne peut intervenir avant qu’ait été dressé le bilan du débat public organisé par la Commission nationale du débat public en application de l’article L. 121-8 du code de l’environnement ». Cela correspond à la partie de votre amendement avec laquelle je suis d’accord, car cette disposition constitue effectivement un frein.

Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je ferai la même demande. Même si cela peut paraître inhabituel, le décret en Conseil d’État sécurise les caractéristiques du projet en cas de contentieux. La fin de l’alinéa, en revanche, paraît superfétatoire : je vous proposerai donc de la supprimer.

Mme Louise Morel (Dem). Je retire mon amendement au profit du vôtre, pour lequel nous voterons.

L’amendement CE528 est retiré.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CE633 de Mme Maud Bregeon.

En conséquence, l’amendement CE259 de M. Aymeric Caron tombe.

 

Amendements identiques CE643 du Gouvernement et CE124 de Mme Mathilde Paris.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de supprimer la précision selon laquelle la qualification de projet d’intérêt général ne peut intervenir qu’après le bilan du débat public organisé par la CNDP – Commission nationale du débat public –, car cela compliquerait la procédure.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre amendement a le même dispositif, mais pas du tout la même motivation.

Si nous voulons supprimer la mention du bilan du débat public, c’est parce que celui-ci est une énième et insupportable confiscation du pouvoir démocratique que les citoyens attribuent aux élus par leur suffrage, au profit de corps intermédiaires qui ne représentent qu’eux-mêmes et de populations qui sont toujours les mêmes, pas du tout représentatives des Français, en particulier des catégories modestes et moyennes ; celles-ci ont autre chose à faire de leur vie que de participer à des débats publics et font confiance aux élus et aux institutions de la République, notamment celles chargées de l’expertise scientifique. On vient encore de le voir, l’existence même de débats publics pose un sérieux problème. Revenons aux vraies valeurs de la démocratie : un débat démocratique, des élections, des élus qui font le travail et assument leurs responsabilités devant leurs concitoyens.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Favorable à tout ce qui vient d’être dit.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cette vision est caricaturale. Le débat public est beaucoup plus équilibré que cela. À Dieppe, il a bien eu lieu au bout du compte et a permis, bien loin d’une assemblée monocolore, une confrontation de points de vue incluant notamment les ouvriers et les syndicats ; bref, la population s’en est mêlée, ce qui est une bonne chose pour la démocratie.

Madame la ministre, j’ai bien compris la distinction entre projet d’intérêt général, qui emporte des conséquences en matière d’urbanisme, et opération d’intérêt national, qui n’en emporterait pas. En revanche, le label Grand Chantier implique des conséquences en matière de gestion d’un projet de ce type. Par ailleurs, en ce qui concerne l’artificialisation des sols et sa compensation, la qualification de projet d’intérêt national peut avoir des effets pour le territoire concerné.

J’aimerais des éclaircissements sur ces points soit en commission, soit d’ici à l’examen en séance, plutôt que d’être renvoyé à une proposition de loi sénatoriale dont je ne connais pas la teneur et dont on ne sait pas si elle prospérera, ni, le cas échéant, quand et dans quelles conditions. Je le répète, la consommation foncière et les mesures de compensation sont des éléments déterminants de la qualité d’un projet et de la possibilité de l’accompagner.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous ne voterons pas les amendements, car ils représentent à nos yeux un grand recul en matière de participation du public, inscrite dans la Charte de l’environnement et dotée d’une valeur constitutionnelle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est pas un recul, car le débat public demeure : les propos qui ont été tenus pour défendre l’amendement sont politiques et déconnectés de son contenu réel. La rédaction du Sénat ajoute un rappel concernant le débat public qui introduit de la confusion dans la procédure. L’article L. 121-13 du code de l’environnement donne déjà l’assurance que la qualification de projet d’intérêt général pour la construction d’un réacteur électronucléaire interviendra postérieurement à la publication du bilan du débat public. Le droit de l’urbanisme et le régime des autorisations en ce qui concerne la participation du public et l’environnement sont un peu complexes. Il s’agit simplement de corriger une redondance qui crée de la confusion en matière juridique.

En aucun cas – je le dis à l’intention du RN – l’amendement ne supprime le débat public : si telle était son intention, cela ne marchera pas, car le dispositif visé est déjà prévu dans le droit et c’est un autre article qu’il aurait fallu amender.

Monsieur Jumel, la qualification de projet d’intérêt général est donnée par l’État pour permettre la mise en cohérence des documents d’urbanisme – PLU et SCoT –, tandis que celle d’opération d’intérêt national correspond à une opération d’aménagement de grande ampleur et donne compétence au préfet, mais dans le respect du PLU. Quant au Grand Chantier, il n’a pas de conséquences en matière d’urbanisme.

S’agissant du zéro artificialisation nette (ZAN), il fait l’objet de deux propositions de loi : l’une, sauf erreur, en préparation à l’Assemblée nationale, l’autre inscrite à l’ordre du jour du Sénat le 8 mars et qui a vocation à répondre à vos questions. Par souci de cohérence, l’application du ZAN doit être transversale, c’est-à-dire concerner les transports, le logement, l’industrie, l’énergie : il ne faut pas la segmenter par secteurs.

M. le président Guillaume Kasbarian. En ce qui concerne le ZAN, une proposition de loi du groupe Renaissance a été déposée à l’Assemblée et, au Sénat, une proposition de loi transpartisane est examinée au sein d’une commission spéciale. Nous verrons dans quelques semaines ou mois, par exemple à l’occasion d’une semaine de l’Assemblée, lequel de ces deux textes nous faisons prospérer : le texte sénatorial, qui pourrait être repris de façon également transpartisane par notre assemblée, la proposition de loi du groupe majoritaire ou une autre d’un autre groupe dans le cadre d’une niche.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE606 de Mme Maud Bregeon et CE260 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cet amendement de coordination juridique tend à supprimer plusieurs précisions, dont celle, déjà apportée à l’article 1er, selon laquelle les systèmes de raccordement sont inclus dans la construction du réacteur.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement CE260 est défendu.

La commission adopte les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE440 de Mme Anna Pic.

 

Elle adopte successivement l’amendement CE544, rédactionnel, l’amendement CE546, de coordination, et l’amendement CE548, rédactionnel, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE605 de Mme Maud Bregeon et CE519 de M. Stéphane Travert.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Mon amendement tend à supprimer le délai additionnel de quatre semaines plus deux semaines, applicable aux observations des communes et à leur traitement par l’État. Cette évolution votée au Sénat nous semble inopportune : s’il faut évidemment une concertation avec les collectivités, l’alinéa 10 prévoit déjà que le projet de mise en compatibilité fait l’objet d’un examen conjoint par l’État, la structure élaborant le SCoT et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou la commune.

M. Stéphane Travert (RE). Les alinéas 6 et 7, ajoutés par le Sénat, rallongent les délais. À Flamanville, par exemple, nous disposons d’instances de concertation réunissant communes, intercommunalités, département, région et exploitant, qui peuvent y formuler toutes les observations nécessaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’abonde dans le sens de M. Jumel : vous avez soumis le texte d’abord au Sénat, sans doute parce qu’il concerne les collectivités territoriales, mais vous proposez de supprimer les ajouts qui y ont été faits en leur faveur ; c’est étonnant.

Quant à l’exemple de Flamanville, ce sont certainement les procédures administratives des collectivités territoriales qui ont causé le retard du chantier…

M. Stéphane Travert (RE). Ce ne sont pas les collectivités qui tiennent la pelle et coulent le béton.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je voulais vous l’entendre dire.

M. Stéphane Travert (RE). Par ailleurs, elles sont tout à fait incluses dans la discussion. À Flamanville, les instances de concertation se réunissent peut-être même plus que de besoin, mais c’est une bonne chose pour faire évoluer ensemble le chantier, ainsi que les deux centrales déjà en fonctionnement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE261 de M. Maxime Laisney, CE329 de Mme Lisa Belluco, CE405 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE156 de Mme Julie Laernoes et CE262 de M. Maxime Laisney tombent.

 

La commission adopte successivement les amendements de coordination CE549, CE547 et CE550 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE126 de Mme Mathilde Paris.

 

Amendements CE330 de Mme Lisa Belluco, CE267 de Mme Aurélie Trouvé et CE268 de M. Maxime Laisney (discussion commune)

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je regrette que nos précédents amendements soient tombés : les délais permettant l’information des communes sont absolument intenables ; c’est un manque de respect vis-à-vis des collectivités.

L’amendement CE330 tend à réécrire l’alinéa 11 pour préciser que « le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de l’enquête publique […] lorsqu’il fait l’objet d’une évaluation environnementale » – puisque cette précision a été retirée – et que « s’il ne fait l’objet d’aucune évaluation environnementale, le projet de mise en compatibilité est soumis à la procédure de participation du public prévue à l’article L. 123‑19 » du code de l’environnement.

En effet, la mise en compatibilité d’un document d’urbanisme en vue d’accueillir un projet électronucléaire mérite que le public en ait connaissance – à moins que vous n’ayez le nucléaire honteux, monsieur le président – et puisse s’exprimer dans le cadre d’une vraie enquête publique. Or les procédures de participation du public prévues à l’alinéa 11 n’apportent pas du tout les mêmes garanties que cette dernière. Conformément à l’esprit du code de l’environnement, les citoyens doivent pouvoir s’exprimer au sujet des décisions qui ont une incidence sur leur environnement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je n’ai jamais le nucléaire honteux, vous le savez.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). L’amendement CE267 vise à donner plus de poids à la parole des Françaises et des Français : il est important de les entendre à ce sujet, même si on sait que ce n’est pas votre préoccupation première.

Nous souhaitons donc que la participation du public soit systématiquement garantie au moyen d’une enquête publique lors de la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme en vue de la construction d’un réacteur. La procédure prévue par le projet de loi ne comprend qu’une participation par voie électronique, voire une simple mise à disposition du public lorsque le projet ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale : ce n’est pas satisfaisant.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous écoutons les Français, et ils nous demandent souvent d’aller plus vite.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). C’est drôle, ils ne me disent pas la même chose.

M. le président Guillaume Kasbarian. Question de sociologie du territoire – ou d’écoute ?

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Mettriez-vous en doute mes facultés de compréhension ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Pas du tout.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). L’amendement CE268 est de repli : il prévoit que la participation du public est au moins garantie par une procédure par voie électronique, toujours pour les mêmes raisons – l’écoute, etc.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Une enquête publique a lieu au stade de l’autorisation environnementale et une autre au moment de la création de l’INB. S’agissant de la mise en compatibilité, si elle emporte des incidences environnementales, une évaluation environnementale a lieu et la participation du public par voie électronique est prévue ; sinon, le projet de mise en compatibilité est simplement mis à la disposition du public.

C’est l’autorité environnementale, et non l’exécutif, qui décide si une évaluation environnementale est nécessaire. En outre, les mesures visées ont été considérées comme proportionnées par le Conseil d’État. Elles nous semblent équilibrées et adaptées aux enjeux.

Tous, nous écoutons les Français dans nos circonscriptions. Je ne me permettrais pas de dire que vous n’écoutez pas les gens. Ne soyons pas binaires. En réalité, nos avis divergent sur le fond. Il n’y a ici ni bons, ni mauvais démocrates.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce que veulent les Français, c’est participer à la décision sur le projet nucléaire et être consultés concernant les projets qui ont un impact environnemental, ce n’est pas qu’on leur soumette des projets de modification de documents d’urbanisme dès lors qu’il est acquis qu’ils sont sans conséquence sur l’environnement. Ne mélangeons pas tout. Les enquêtes publiques ont lieu aux moments déterminants du projet. S’il y a impact environnemental, une consultation du public a lieu ; sinon, il est logique que l’on se borne à une information, comme le dispose l’article.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Quand on n’a pas le nucléaire honteux, on fait en sorte qu’il y ait un vrai débat sur le nucléaire, qui n’a jamais eu lieu dans notre pays ; on définit clairement ses objectifs devant les Français – personne ne sait combien de réacteurs supplémentaires vous voulez ; on ne cornaque pas les collectivités territoriales.

Vous venez de le dire, madame la ministre : l’enquête publique et la consultation du public n’obéissent pas à la même procédure. Ici, on restreint la participation du public. Pourtant, quand on habite à proximité d’une installation actuelle ou future, il est normal de participer, autorisation environnementale ou non.

S’agit-il en réalité d’éviter tout recours, de faire en sorte que tout le monde file doux et de mettre les intéressés devant le fait accompli ? Alors que le nucléaire suppose une forte acceptation, vous affaiblissez toutes les procédures qui y tendent, qu’elles concernent les collectivités ou le public.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il est faux de dire qu’il n’y a pas eu de débat sur le nucléaire dans notre pays. Nous n’avons peut-être pas fait la même campagne pour les élections législatives mais, pour ma part, j’étais face à un candidat dont la position sur le nucléaire était radicalement opposée à la mienne – un écologiste – et qui était farouchement hostile à la création d’EPR ; nous avons eu à ce sujet un débat quotidien et nous étions très engagés l’un comme l’autre.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ce n’est pas un débat national.

M. le président Guillaume Kasbarian. C’est un débat. Laisser penser qu’il n’y a pas de débat est une erreur, et c’est dommage. Les gens débattent, s’informent, se documentent, les experts s’expriment. Il ne s’agit pas d’un sujet surprise qui débarque tout à coup sans que les Français en aient entendu parler. Il y a bien eu un processus démocratique, des élections, et il y a de vrais débats dans tout le territoire.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La gauche considère qu’il n’y a pas de débat tant qu’elle n’a pas remporté le débat. Il peut y avoir autant d’élections que l’on veut, si les décisions prises sont contraires à ce qu’elle pense, c’est que les gens n’ont pas compris et qu’il faut leur réexpliquer 250 fois. C’est sans fin. La seule solution serait un bon petit plan bien ficelé qu’on présenterait aux Français, par exemple le plan « Marie Curie », et qu’on soumettrait à référendum. Un débat référendaire national ne prendrait pas plus de temps que chaque débat public sur la moindre centrale nucléaire ou infrastructure.

Encore faudrait-il respecter le vote du peuple : la gauche avait réussi à obtenir qu’on s’assoie sur le résultat du référendum sur Notre-Dame-des-Landes ! Le principe que j’énonce n’est donc même pas respecté si ses conséquences ne plaisent pas à l’extrême gauche. Quand je vois le comportement de certains, toujours à quémander un soutien moral auprès de la gauche, je ne peux que m’inquiéter de la sincérité du projet de programme nucléaire – je ne parle pas de la rapporteure.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte successivement l’amendement CE551, rédactionnel, et l’amendement CE553, de coordination, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendement CE263 de M. Maxime Laisney

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous sommes attachés à ce qu’un débat ait lieu sur ces questions. Cet amendement, comme le suivant, vise donc à garantir un minimum d’information à la population en portant à deux mois la durée de la consultation du public lorsque la modification du document d’urbanisme ne fait pas l’objet d’une évaluation environnementale. Qu’est-ce que soixante jours au regard de projets qui vont durer des générations ou du retard pris sur des chantiers comme celui de Flamanville ?

Vous avez tort de considérer qu’il y a dans le pays une majorité populaire favorable au programme de relance du nucléaire ; ce n’est d’ailleurs pas pour cela que le Président de la République a été élu, pas plus que pour réformer les retraites. Mais si vous en êtes si sûrs, de quoi avez-vous peur ? Si vous êtes persuadés que les projets nucléaires suscitent une telle allégresse, pourquoi craignez-vous les consultations publiques ? Vous devriez au contraire vous réjouir d’avoir l’occasion de mettre cet enthousiasme populaire en évidence. Je constate pour ma part que quand on demande aux Français s’ils préfèrent que l’on installe à côté de chez eux des énergies renouvelables ou du nucléaire, ils choisissent la première option.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Au fond, ce n’est pas le passage de trente à soixante jours qui vous importe : vous défendez simplement un amendement de plus pour prolonger les délais. S’il ne s’agissait que d’une mise à disposition, on pourrait laisser les informations à la disposition du public ad vitam aeternam, mais il est ici question d’un délai à la suite duquel on attend des réponses. Le prolonger d’un mois, c’est ajouter un mois au planning, à l’opposé de l’objectif du projet de loi.

Nous parlons de projets ayant une incidence environnementale nulle ou faible.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Surtout, ce ne sont pas des projets nucléaires. Parce que vous voulez un débat public sur le nucléaire, vous demandez un délai de deux mois pour étudier le projet de mise en conformité des documents d’urbanisme, mais cela n’a rien à voir. Je suis sûre que les Français sont passionnés par les documents d’urbanisme de leur commune, mais cela ne relève pas du débat sur le nucléaire.

S’agissant de ce dernier, il y a non seulement eu un débat démocratique lors des élections, mais aussi deux débats publics inédits qui ont bénéficié d’un niveau de participation élevé – pour le volet consacré au mix énergétique, plus de 30 000 contributions et des dizaines de réunions sur le terrain ; ce volet s’est terminé par le Forum des jeunesses, auquel beaucoup de députés avaient été invités et n’ont pas trouvé le temps de se rendre, ce qui ne les empêche pas d’en parler : c’est remarquable. Je vous renvoie à tout ce qui a été écrit sur ces débats par la CNDP : c’est très dense ; une quantité énorme de documents ont été mis à disposition et les contributions portent de manière détaillée sur plusieurs des sujets que nous avons évoqués.

Nous avons maintenant un débat avec les représentants du peuple que vous êtes. C’est aussi un débat démocratique. Dire qu’il n’y a pas de débat est surréaliste.

Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). On ne peut pas se prévaloir d’un soutien populaire et de la légitimité démocratique acquise dans des élections passées pour engager le pays pour un demi-siècle, voire davantage, et dépenser plusieurs dizaines de milliards d’euros sans aucune certitude ni sur la durée de construction, ni sur le coût, ni sur la faisabilité, sans aucune assurance que le moindre kilowatt sera un jour produit. Ayez le courage de soumettre ces questions au vote des Français !

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous invite à regarder les derniers sondages sur le sujet, encore récemment dans le Journal du dimanche… Même vos propres sympathisants deviennent pronucléaires. Faites voter dans vos partis, vous serez surpris du résultat !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le président, à quel titre intervenez-vous ? Vous commentez les interventions des uns et des autres… C’est de cette façon qu’est mené le débat sur le nucléaire dans notre pays : tant que la décision ne va pas dans votre sens, vous discréditez les orateurs. Ce n’est pas acceptable !

M. le président Guillaume Kasbarian. Non, ça, c’est votre fonctionnement interne. Regagnons notre sérénité. Nos visions divergent, c’est la démocratie…

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE264 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CE648 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Les alinéas 14 et 15 portent sur les supports sur lesquels certains documents doivent être mis à disposition et sur l’enregistrement des observations formulées. Je propose de les supprimer, non pas pour des raisons de fond, mais parce que l’alinéa 13 prévoit un arrêté de l’autorité administrative compétente qui me semble suffisant.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE139 de M. Hervé de Lépinau tombe.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CE552 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendement CE331 de Mme Lisa Belluco.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous restons dans la logique de défense des collectivités territoriales qui se voient imposer un projet. Les délais inscrits dans le projet de loi sont intenables puisqu’elles doivent se prononcer dans un délai d’un mois.

J’ai été élue locale pendant huit ans, je ne sais pas si vous avez déjà participé à un conseil municipal, mais je vous l’assure : tous ne se réunissent pas tous les mois. Vous ne pouvez pas garantir, sur un sujet aussi complexe, qu’une collectivité territoriale puisse en un mois seulement délibérer et émettre un avis éclairé. Et si elles n’en émettent pas, cet avis est réputé favorable, ce qui est encore pire ! C’est imposer une orientation aux collectivités territoriales sans leur donner les moyens de prendre une décision indépendante.

Voilà pourquoi nous demandons l’extension de ce délai à six mois.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Vous n’êtes pas la seule dans cette salle qui ait été élue locale, je vous rassure ! Beaucoup d’entre nous, tous bords confondus, l’ont été ou le sont encore.

Une fois de plus, votre amendement vise seulement à allonger les délais administratifs. C’est de l’obstruction de projet.

Les documents sont reçus à l’avance. Il appartient au conseil municipal de prévoir de se réunir dans les délais impartis, et cela me paraît tout à fait possible, vu l’importance d’un tel projet.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Un dossier d’autorisation de construction, c’est cinq ans… Il est probable que les communes concernées auront eu le temps de se pénétrer de l’idée qu’un projet nucléaire arrivait. La plupart d’entre elles sont d’ailleurs extrêmement demandeuses, et parties prenantes dans leur construction, y compris s’agissant des enjeux d’urbanisme. Lorsqu’on arrive à la fin du projet, elles ont contribué, elles le connaissent par cœur.

J’ajoute que ce texte a fait l’objet d’un avis du Conseil national de la transition énergétique (CNTE), auquel participent des représentants des collectivités locales. Aucune des associations de collectivités locales n’a trouvé à redire aux procédures que nous présentons. Encore une fois, elles sont plutôt demandeuses, car celles qui sont concernées connaissent la complexité de ces projets, et à une exception près – qui par conséquent n’accueillera sans doute pas ce projet –, elles sont volontaires. Une accélération des délais leur convient parfaitement.

Je comprends très bien que vous preniez la défense des associations de collectivités locales, mais peut-être devriez-vous les consulter en amont pour vérifier ce qu’elles pensent. En l’occurrence, elles sont d’accord avec le Gouvernement.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Quand nous réclamons des délais supplémentaires, pour tenir des débats publics ou pour laisser aux collectivités le temps de prendre une décision, vous ne pouvez pas systématiquement répondre que c’est de l’obstruction ! Vous vous targuez d’organiser un débat démocratique sur la question du nucléaire : commencez alors par ne pas disqualifier l’adversaire en usant d’arguments fallacieux.

Il ne s’agit pas de faire traîner les projets. La participation du public est fondamentale, tout comme l’avis des collectivités. Un délai raisonnable est nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE265 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Là encore, il ne s’agit pas d’obstruction, mais de respect des collectivités locales : si l’avis des collectivités concernées est défavorable, le projet de mise en compatibilité des documents d’urbanisme ne doit pas pouvoir être adopté. Dans le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, vous avez donné aux communes un quasi-droit de veto, puisque leur avis conforme est nécessaire à chaque étape. Vous vous apprêtez sans doute à dire que vous craignez des blocages ; cet argument aurait dû valoir également pour les énergies renouvelables.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans le projet de loi sur les énergies renouvelables, si la collectivité locale n’est pas capable de proposer des zones d’accélération, alors c’est le droit actuel qui s’applique et on peut lui imposer un projet d’énergies renouvelables. Nous sommes donc tout à fait cohérents. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE332 de Mme Lisa Belluco.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons de supprimer l’alinéa 18, qui limite le pouvoir de l’échelon local compétent de faire évoluer son document d’urbanisme en fonction des politiques publiques qu’il élabore. C’est un recul de la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent au contraire garder la liberté de développer les politiques publiques qu’elles souhaitent dans le respect de l’intérêt général.

C’est grâce à l’opposition des collectivités territoriales que mon département d’élection, la Loire-Atlantique, ne compte aucune centrale nucléaire – et nous avons bien l’intention de continuer comme cela !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable également.

M. Denis Masséglia (RE). Je viens d’entendre quelque chose d’assez sympathique : en Loire-Atlantique, nous n’avons pas de centrale nucléaire. C’est vrai ! La production énergétique de la région Pays de la Loire est aux deux tiers issue d’énergie fossile. Il faut le dire aussi ! Et on a prévu d’arrêter la centrale de Cordemais, qui fonctionne au charbon. Que va-t-on dire aux habitants ? Qu’ils vont devoir s’éclairer à la bougie et rentrer chez eux en charrette ?

La réalité, c’est qu’aujourd’hui, si les Pays de la Loire ont de l’électricité, c’est grâce à la centrale nucléaire de Chinon, et que demain il faudra trouver des solutions.

J’ajoute que si nous voulons faire la transition écologique et utiliser des véhicules à moteur électrique et non plus thermique, il faudra augmenter la production d’énergie électrique. On peut être contre les centrales nucléaires, on peut vouloir une stratégie à l’allemande. Mais je rappelle deux chiffres : un Allemand consomme 8 tonnes de CO2 par an, contre 4,5 pour un Français. Je préfère le modèle français !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Puisque les Pays de la Loire animent le débat, je vais y prendre ma part ! Oui, nous sommes fiers qu’en Loire-Atlantique, par la mobilisation et la décision des citoyens et des élus, mais aussi de gouvernements passés, il n’y ait pas de centrale nucléaire.

Quant à la production d’électricité souhaitable pour le XXIe siècle, la Loire‑Atlantique est au contraire un département modèle, celui qui compte le premier parc éolien en mer, et où d’autres sont déjà en projet. C’est celui où l’énergie renouvelable citoyenne est la plus importante. Et en ce qui concerne la centrale de Cordemais, les salariés, singulièrement ceux de la CGT, ont défendu, parfois contre EDF et le Gouvernement qui ont fini par s’y rallier, un projet de conversion de cette centrale afin de sortir du charbon et d’aller vers des énergies beaucoup moins carbonées, puis totalement décarbonées.

M. Denis Masséglia (RE). Elle utilisera du gaz !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Non, du black pellet ! Renseignez‑vous !

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement de coordination CE555 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Présidence de Mme Anne-Laurence Petel, vice-présidente de la commission.

 

Après l’article 2

 

Amendement CE381 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Nous sommes réunis dans un but clair : accélérer la construction de réacteurs nucléaires. Rien ne ralentit plus que le superflu. Afin d’aller vraiment plus vite, cet amendement propose d’exclure du champ d’application de l’évaluation environnementale, du débat public et de l’enquête publique les installations nucléaires implantées à proximité d’installations existantes, donc respectant déjà les procédures annuelles d’information et de contrôle.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE269 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Il s’agit de demander la rédaction d’un rapport du Gouvernement sur les coûts et les incidences sur les services de l’administration centrale engendrés par l’application de l’article 2 qui vient d’être adopté. Aucune évaluation sérieuse n’est prévue, alors que la gestion très centralisée qui est prévue impliquera du personnel et du temps. L’avis du Conseil d’État souligne que les gains de temps qui font pourtant l’objet de ce texte ne font l’objet d’aucune évaluation.

Cela laisse penser que ce texte n’est pas justifié par une volonté d’accélération, mais plutôt de passage en force. Mme la rapporteure nous a dit que M. Macron se rêvait en nouveau Messmer, mais il ne l’a pas dit dans le discours de Belfort. Il n’a pas l’onction démocratique pour cela !

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Simplification du régime d’autorisation d’urbanisme des réacteurs électronucléaires

 

Amendements de suppression CE7 de Mme Julie Laernoes et CE271 de M. Christophe Bex.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). À l’instar de ce qui est prévu pour les installations d’éoliennes terrestres, en raison de leur faible superficie, le projet de loi dispense les nouvelles installations nucléaires d’autorisation d’urbanisme – exit les permis de construire – mais en le justifiant, de façon opposée, par « l’ampleur, la complexité et la sensibilité d’un projet de création de centrale nucléaire ». M. Jumel nous a en effet dit que pour l’extension de Penly, une surface de 150 à 200 hectares était envisagée. Quant à la mention de la « sensibilité » du projet, elle est surprenante !

Contrairement à certains projets d’énergies renouvelables, qui nécessitent une accélération des procédures, ce ne sont pas les délais administratifs qui ralentissent la construction d’installations nucléaires, mais bien les capacités techniques et économiques de la filière. Cette dérogation au droit commun n’est donc pas justifiée. Par ailleurs, cet article vise à exclure les emprises des futures installations nucléaires du décompte des surfaces artificialisées, au titre de l’objectif zéro artificialisation nette. Une nouvelle dérogation au respect de cet objectif fixé par le législateur a fixé ne nous paraît pas justifiée.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cette nouvelle dérogation au droit commun est parfaitement injustifiée. Vous voulez dispenser les projets de construction de réacteurs nucléaires de permis de construire et de permis de démolir. Or ces procédures ont un sens ! Elles permettent d’assurer la conformité des projets avec la loi, en particulier s’agissant de leur impact sur la biodiversité et sur les autres constructions.

Laisser le ministre chargé de l’urbanisme, qui est juge et partie, se charger du contrôle du respect des exigences légales par ces projets pose problème.

Les sénateurs ont également introduit une dérogation à l’objectif zéro artificialisation nette. Constructions, aménagements et autres travaux liés à ces installations nucléaires ne seraient ainsi pas comptabilisés ! Dans le contexte d’urgence écologique que nous connaissons tous, au moment où le dérèglement climatique n’en finit pas d’accélérer et où la biodiversité s’effondre, considérer que la construction d’une centrale nucléaire n’est pas une artificialisation des sols serait presque drôle si la situation n’était pas si dramatique.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Il existe bien, contrairement à ce que vous dites, des ralentissements dus à des normes et à des procédures administratives. Cet article permet de sécuriser les procédures d’autorisation et de réduire les délais de recours contentieux. Je ne reviens pas sur toutes les procédures qui existent : débat public, déclaration d’utilité publique avec enquête publique, etc.

Dans le cas des éoliennes, l’autorisation environnementale vaut permis de construire. Des dérogations sont donc prévues pour les énergies renouvelables.

En revanche, s’agissant des capacités techniques de la filière, je vous rejoins : c’est une vraie question, et il faudra travailler à lever les freins, qui sont bien réels. Mais ce n’est pas l’objet de cette loi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Je veux néanmoins répondre à plusieurs de vos objections et vous rassurer.

S’agissant de l’objectif zéro artificialisation nette, nous vous rejoignons pour considérer qu’il faut remettre le texte en conformité avec une approche neutre. C’est un débat que nous devons avoir globalement ; la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs zéro artificialisation nette au cœur des territoires, déjà plusieurs fois évoquée, permettra de le faire.

Le respect des règles d’urbanisme est obligatoire, et nous vous proposerons un amendement visant à corriger l’autorité chargée de le vérifier et à confier cette tâche au préfet. Le ministre chargé de l’urbanisme n’a en effet pas vocation à instruire les dossiers individuels de construction de centrales nucléaires.

Nous corrigerons donc par amendement ces points sur lesquels vous êtes mal à l’aise.

De manière plus générale, cet article apporte de vraies avancées. Nous ne disons pas que les procédures administratives expliquent la durée des projets industriels ; mais nous ne voulons pas qu’elles l’allongent. Ce n’est pas la même chose. Il existe des pertes de temps, de six mois, d’un an, de deux ans pendant lesquels les porteurs de projet ne peuvent plus avancer faute de décision administrative. Vous le dites vous-même, ce sont des projets très complexes, suffisamment pour ne pas ajouter de délais administratifs.

M. Jérôme Nury (LR). Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) sont en cours d’élaboration, et les régions se demandent comment elles vont pouvoir en quelque sorte distribuer les droits à artificialisation. Dans une région où se déroule un gros projet d’extension nucléaire, comment fera-t-on ? Cette artificialisation devra-t-elle être compensée au niveau régional ? Au niveau national ? Il me paraît bien trop difficile de le faire au niveau des intercommunalités, car celles-ci ne pourraient alors plus du tout construire pendant des années.

Les territoires qui ont déjà des centrales nucléaires s’inquiètent. Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je ne suis pas mal à l’aise, madame la ministre, rassurez-vous ; je pense que cet article n’est pas justifié. Vous le dites vous-même, les délais administratifs ne sont pas à l’origine de la longue durée de construction d’un projet de réacteur. Pensez seulement à Flamanville. Qui peut dire que ce sont les délais administratifs, notamment les délais de mise en conformité avec le droit de l’urbanisme, qui sont à l’origine des retards et des quinze à vingt ans nécessaires pour construire un réacteur ? Et c’est d’autant moins le cas que l’on parle ici d’installations situées à proximité immédiate de réacteurs existants, même si cette expression est assez vague.

La dérogation était justifiée pour les énergies renouvelables par le fait que les emprises sont faibles. Ici, c’est tout à fait différent !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je voudrais prolonger la question de Jérôme Nury. J’ai bien compris que vous ne souhaitiez pas régler la question de l’artificialisation des sols dans ce texte ; je le regrette, car cela me paraît essentiel pour accélérer des projets de ce type. J’y reviens néanmoins. Il faut distinguer les hectares strictement nécessaires au projet de réacteur, où les études permettent aux élus de vérifier que les règles sont respectées, des hectares d’emprise foncière connexes. Les énergies renouvelables peuvent d’ailleurs engendrer aussi des consommations foncières prohibitives… Le parc éolien construit au large du Tréport implique ainsi l’installation d’un transformateur pour envoyer l’électricité produite vers la nouvelle ligne à haute tension. Il faut pour cela 40 hectares !

Dans le cas de projets d’intérêt national, la question de l’artificialisation des sols, et donc de sa compensation, ne peut donc pas à mon sens être pensée à l’échelle régionale – et d’autant moins que de tels projets impliquent en outre des infrastructures routières et ferroviaires, la construction de logements et l’installation de services. Pour tout cela, du foncier sera aussi nécessaire si nous voulons viser l’exemplarité sociale et environnementale.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La proposition de loi relative au ZAN indique que les installations nucléaires sont traitées sur enveloppe nationale. C’est en tout cas comme cela qu’elle est rédigée pour le moment…

L’audit externe sur Flamanville, dont les conclusions sont publiques, identifie bien les délais administratifs dans les premières années comme un risque important de délai additionnel lors de la construction d’une nouvelle centrale, avec des exemples précis. Ces délais peuvent vraiment être importants lors du démarrage des projets, et ils peuvent représenter plusieurs années. De même que nous faisons un retour d’expérience sur les dérives industrielles, nous regardons ce qui peut être amélioré dans les procédures administratives : c’est ce que l’on attend du pouvoir exécutif.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE383 de Mme Christine Engrand (RN).

Mme Christine Engrand (RN). Défendu.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement est en effet satisfait par l’adoption de l’amendement CE632.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CE590 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE591 de Mme Maud Bregeon, CE571 du Gouvernement et CE215 de M. Benjamin Saint-Huile.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les sénateurs ont confié au ministre chargé de l’urbanisme le soin de contrôler la conformité du projet de réacteur électronucléaire aux règles d’urbanisme. Nous proposons de revenir à la rédaction initiale, qui confiait ce contrôle à l’autorité administrative.

Le contrôle de conformité étant assuré dans le cadre de deux procédures distinctes, l’autorisation environnementale et l’autorisation de création du réacteur, qui font intervenir des autorités administratives différentes, le ministre chargé de l’urbanisme n’a pas vocation à prendre part à l’une ou l’autre de ces décisions. Il n’y a donc pas lieu de le mentionner ici.

Le décret qui sera pris en application de cet article précisera quelle autorité administrative est effectivement compétente pour ce contrôle.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Pour les mêmes raisons, nous considérons qu’il faut rétablir la mention de l’autorité administrative.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

Amendement CE406 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous demandons que les prescriptions nécessaires pour assurer le respect des dispositions législatives et réglementaires soient rendues publiques. C’est une manière de garantir la transparence des procédures et la bonne information de nos concitoyens, donc leur confiance dans les décisions qui seront prises.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’alinéa 2 prévoit déjà que cette vérification sera faite à l’occasion de l’instruction de l’autorisation environnementale et de la demande d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base. Comme ces deux autorisations seront prises par décret, en application de l’article 4 que nous examinerons tout à l’heure, les prescriptions faites seront nécessairement incluses dans ces décrets et seront donc publiques. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

L’amendement de coordination CE559 de Mme Maud Bregeon, rapporteure, est retiré.

 

Amendement CE572 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La dernière phrase de l’alinéa 3 n’apporte rien, puisqu’il est déjà prévu que les constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés au premier alinéa peuvent être exécutés à compter de la date définie au II de l’article 4, sauf lorsqu’une date plus tardive est prescrite par l’autorisation environnementale.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE603 de Mme Maud Bregeon, CE573 du Gouvernement, CE376 de Mme Florence Goulet et CE384 de Mme Mathilde Paris.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit de supprimer les alinéas 4 à 10, qui donnent de nombreuses précisions sur ce que devra contenir le décret en Conseil d’État prévu à l’article 8. Je ne suis pas sûre que ces précisions aient leur place dans la loi, d’autant plus qu’elles ne sont pas exhaustives.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

 

Amendements CE31 et CE32 de M. Sébastien Jume (discussion commune).

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Avec l’amendement CE31, je propose que l’intégralité de la taxe d’aménagement liée à ces projets revienne aux collectivités ayant contribué à leur réalisation. L’amendement CE32 est un amendement de repli et ne porte que sur une fraction de cette taxe. La taxe d’aménagement est nécessaire aux collectivités pour faire face aux dépenses d’accompagnement liées à ces chantiers : une route à élargir, un parking à construire, une infrastructure de service public à moderniser…

Il importerait par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de finances, de réfléchir à un système de péréquation permettant de partager de manière équitable et équilibrée les recettes fiscales liées à ces nouveaux projets de réacteurs.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Pour être honnête, je n’ai pas les idées claires sur cette question, mais je partage complètement votre logique : il me paraît tout à fait justifié de réfléchir à la répartition des ressources fiscales que généreront les nouveaux réacteurs. Je pense même qu’il ne faut pas s’interdire d’avoir une réflexion sur le parc existant. À l’heure actuelle, les retombées ne concernent qu’un périmètre très restreint autour des centrales, ce qui donne parfois lieu à des projets dont l’utilité est discutable – comme la ferme aux crocodiles à Civaux.

Mais en évoquant cette question avec des collègues de différents bords, j’ai senti quelques réticences : il me semble donc que nous ne sommes pas encore mûrs pour décider. Mais il pourrait être intéressant, en séance, de demander un rapport ou une étude d’impact pour commencer à étudier sérieusement la question. Et nous pourrons effectivement, dans le cadre du projet de loi de finances, débattre de la répartition des richesses dans les territoires concernés. Pour l’heure, je vous invite à retirer vos amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il me semble que vous posez deux questions distinctes.

La taxe d’aménagement a effectivement vocation à couvrir les dépenses suscitées par l’installation d’un nouvel équipement et l’enjeu est qu’elle bénéficie bien à celles des collectivités locales qui font ces dépenses d’équipement.

Mais vous posez aussi la question plus générale de la répartition de la valeur créée par le nouveau réacteur, ce qui englobe la taxe foncière, l’impôt de production et la fiscalité locale. Il faut en outre tenir compte du fait que le bassin d’emploi s’étend généralement au-delà des seules communes ayant financé un parking ou l’élargissement d’une route – pour reprendre vos exemples. Par cet amendement d’appel, vous nous invitez à une réflexion plus large sur la fiscalité, qui est essentielle. Du reste, la question du partage de la valeur était déjà au cœur de nos discussions sur le projet de loi relatif aux énergies renouvelables.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Madame la rapporteure, j’ai bien noté votre proposition de demander un rapport sur l’ensemble de ces questions fiscales, et je m’en félicite.

J’insiste toutefois sur le fait que la taxe d’aménagement est liée aux travaux réalisés avant même la mise en service du réacteur. Il faut créer des parkings à proximité de la centrale, mais aussi à l’entrée des agglomérations, ainsi que des transports en commun, si l’on veut éviter que tous les salariés utilisent leur voiture pour aller travailler, entraînant une aggravation de la pollution et une perturbation du trafic. Certaines collectivités vont donc être contraintes de faire des dépenses, et immédiatement, alors même qu’elles ne sont pas directement concernées par ces projets. La taxe d’aménagement doit aussi servir à cela.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE574 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. À l’origine, l’alinéa 15 était rédigé de la manière suivante : « Le fait générateur de la taxe est l’autorisation de création du réacteur électronucléaire en application de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ». Les sénateurs ont ajouté : « ou, lorsque des constructions, aménagements, installations et travaux sont exécutés avant délivrance de cette autorisation en application du II de l’article 4 de la présente loi, l’autorisation environnementale mentionnée au I du présent article ».

Cette rédaction complique considérablement le calcul du montant de la taxe d’aménagement. Le projet étant susceptible d’évoluer au fil de la procédure d’autorisation de création, tous les travaux ne pourront pas être identifiés au moment de la délivrance de l’autorisation environnementale. Nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale, qui permet de prendre en compte toutes les évolutions du projet dans le calcul du montant de cette taxe. L’autorisation de création doit rester le fait générateur unique de la taxe d’aménagement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous voterons cet amendement. S’agissant des précédents, il paraît effectivement souhaitable d’avoir une réflexion globale sur le partage de la valeur, particulièrement dans les territoires industriels. Pour avoir beaucoup travaillé sur cette question au sein d’Intercommunalités de France, je peux vous dire qu’elle se pose dans tous les territoires industriels, qui ont subi des baisses de dotations liées à la fiscalité. Il importe d’ouvrir ce chantier majeur et difficile pour permettre à ces territoires de fournir les investissements nécessaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il faut sans doute réfléchir à un mécanisme de péréquation pour répartir la valeur créée, prendre en charge les aménagements, éviter la fuite de la fiscalité, mais je pense que c’est dans le cadre du futur projet de loi « industrie verte » qu’il faudra examiner ces questions.

Du reste, il me semble qu’elles concernent moins les installations nucléaires, qui ne donneront pas lieu à des impôts de production avant un temps certain, que les industries vertes, pour lesquelles elles se posent ici et maintenant. Mes collègues de Bercy ont certainement des propositions à faire en la matière.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte successivement les amendements CE556 et CE557, rédactionnels, CE558, de coordination, et CE560, rédactionnel, de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE604 de Mme Maud Bregeon, CE575 du Gouvernement, CE175 de Mme Julie Laernoes, CE270 de M. Aymeric Caron, CE506 de M. Xavier Albertini et CE520 de M. Bastien Marchive.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer la référence à l’objectif zéro artificialisation nette qui a été introduite par le Sénat. Non qu’il ne faille pas réfléchir à cette question, mais nous pensons qu’il vaut mieux le faire à l’occasion de l’examen des deux propositions de loi sur le sujet qui ont été déposées, l’une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Madame la ministre, vous nous avez dit précédemment que c’est une proposition de loi qui définira ce qui relève ou non du ZAN, et qu’il convient donc de supprimer l’alinéa 22.

Mais, madame la rapporteure, j’ai du mal à comprendre votre exposé sommaire. Vous indiquez que les projets du nouveau nucléaire, qui sont selon vous « d’utilité publique incontestable », sont représentatifs de ce que le législateur avait en tête lorsqu’il a prévu, dans la loi « climat et résilience », qui faisait suite à la Convention citoyenne pour le climat, que les grands projets d’envergure régionale ou nationale peuvent faire l’objet d’une prise en compte différenciée s’agissant de l’artificialisation des sols. Je ne crois pas que c’était l’esprit de la Convention citoyenne. Vous dites en substance que ces projets, dont on sait qu’ils sont très consommateurs d’espace, devraient de facto sortir de la comptabilité de l’objectif ZAN. Même si mon amendement vise, comme le vôtre, à supprimer cet alinéa, il me semble que notre objectif n’est pas du tout le même et cela m’inquiète un peu.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ces projets seront comptabilisés dans l’enveloppe nationale de l’objectif ZAN : ils ne compteront pas pour rien.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Madame la ministre, l’alinéa 22 vous place dans une situation paradoxale. En effet, l’un des arguments que vous utilisez pour justifier ce que l’on peut désormais appeler la « messmérisation » d’Emmanuel Macron est l’ambition écologique. Vous estimez que le « tout-nucléaire » est le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique, dans la mesure où les centrales n’émettent pas directement de CO2. Mais la politique destinée à lutter contre l’artificialisation des sols fait elle aussi partie d’une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. Le site du ministère de la transition écologique affiche d’ailleurs que « le Gouvernement fait de la lutte contre l’artificialisation des sols une réforme prioritaire », en renvoyant à la loi « climat et résilience » du 22 août 2021.

Pourquoi introduirait-on une exception pour les installations nucléaires ? Pourquoi un artifice comptable permettrait-il de déroger aux règles en vigueur pour la construction de réacteurs électronucléaires à proximité des sites existants ? Cette dérogation serait en contradiction avec l’objectif, très écologique selon vous, de construction de réacteurs nucléaires.

M. Xavier Albertini (HOR). Le présent projet de loi n’a pas vocation à préciser les modalités d’application de la loi « climat et résilience » et des objectifs nationaux de lutte contre l’artificialisation des sols. Je propose donc la suppression de l’alinéa 22, qui précise que les installations nucléaires ne sont pas comptées dans le calcul de l’atteinte de l’objectif ZAN.

Comme cela a été rappelé, deux propositions de loi transpartisanes ont été déposées, l’une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat. Il convient de ne pas préempter le débat qui aura lieu lors de l’examen de ces deux textes.

M. Dominique Potier (SOC). Il me semble en effet que le présent projet de loi n’a pas vocation à procéder à des adaptations de la loi « climat et résilience ». La règle qui prévaut, c’est que les grands projets sont comptabilisés à l’échelle nationale.

Pour ma part, j’aurais tendance à me méfier d’une proposition de loi transpartisane proposée par le Sénat en cette période préélectorale : je ne suis pas sûr qu’elle concoure totalement à l’intérêt général…

Il paraît naturel que ces projets ne soient pas comptabilisés au niveau de la commune, de l’intercommunalité ou du SCoT. En revanche, il importe que le Parlement connaisse l’impact du programme nucléaire, tel que pressenti par le Gouvernement, en termes d’emprise au sol.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je rejoins mon collègue : il est important que nous connaissions la doctrine du Gouvernement, même si le débat est renvoyé à l’examen de deux propositions de loi. Il serait hypocrite de faire comme si une activité humaine, quelle qu’elle soit, n’a pas d’impact sur l’artificialisation des sols. Les installations de production d’énergies renouvelables en ont un, comme les réacteurs nucléaires. Il faut que nous ayons une idée de l’impact qu’auront ces projets, en prenant en compte les ouvrages et aménagements connexes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La doctrine du Gouvernement, c’est le décompte national.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements portant sur l’alinéa 22 tombent.

 

Amendement CE34 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La construction de deux réacteurs supplémentaires, c’est 10 000 salariés, et 1 000 emplois pérennes. Pour faire face, il faut des logements, des écoles, des équipements publics, c’est-à-dire des projets d’urbanisme qui consomment du foncier. Cette dimension doit être intégrée à notre réflexion. Compte tenu des échanges que nous avons eus à ce sujet, je retire mon amendement, mais il faut avancer sur cette question d’ici à la séance.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

Après l’article 3

 

Amendement CL216 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Dans la même logique, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’impact de l’installation de nouveaux réacteurs nucléaires sur un territoire. Cela nous aiderait à concilier l’objectif ZAN avec les objectifs du présent projet de loi.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Plusieurs rapports relatifs à la lutte contre l’artificialisation des sols sont déjà attendus. Je pense notamment à celui que le Gouvernement doit nous remettre au titre de l’article 194 de la loi « climat et résilience », et que les parlementaires ont déjà redemandé à plusieurs reprises. Votre amendement me paraissant satisfait, je vous invite à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je comprends le sens de votre amendement, mais il me paraît difficile de prévoir l’évolution démographique d’un territoire à si longue échéance. On peut donner un ordre d’idée : un chantier nucléaire, ce sont tant de milliers de personnes, dont x % viennent de la commune, y % de la région et z % d’un peu plus loin. On peut en déduire les besoins en matière de logement. Mais j’ai peur qu’on raconte des bêtises en essayant de prédire la population stable qui restera après le démarrage de la centrale, à l’horizon 2040 ou 2050. Je veux bien vous donner tous les chiffres disponibles en la matière, mais pour le reste votre demande me paraît assez complexe. Demande de retrait.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’entends la difficulté mais il serait utile de disposer d’un retour d’expérience exhaustif de Flamanville concernant la sécurité, l’urbanisme, les conditions de logement, la fréquentation des services publics, les besoins de santé. Chez moi comme ailleurs, on manque de médecins : or la phase de chantier mobilisera 10 000 salariés ! Il faut donc anticiper, pour bien accompagner les projets. L’information existe, mais elle est disponible par petits bouts. Le retour d’expérience permettrait d’avoir une vision globale.

M. Gérard Leseul (SOC). J’entends ce que dit Mme la ministre mais il est nécessaire d’anticiper au maximum, notamment pour les opérateurs de logements, qui ont besoin de réfléchir à l’après-chantier. Je soutiens donc cet amendement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les projections démographiques sont certes difficiles mais l’on peut aussi se fonder sur les données connues des centrales existantes, par exemple la différence entre les effectifs au moment du chantier et après l’ouverture des nouveaux réacteurs. Nous devons parvenir à élaborer une perspective, tant sur l’artificialisation des sols que sur les besoins en services qui seront généré. Les collectivités en ont besoin.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE529 de Mme Louise Morel.

Mme Louise Morel (Dem). Il s’agit d’une demande de rapport sur l’application de la circulaire Borloo du 17 février 2010 relative à la maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base susceptibles de présenter des dangers à l’extérieur du site. Lors des auditions menées par le groupe Démocrate pour préparer ce texte, l’une des préoccupations soulevées par les communes limitrophes de sites nucléaires portait sur l’application de cette circulaire. Alors qu’elle ne devait être que provisoire, celle-ci est toujours en vigueur, ce qui pose des difficultés dans la mesure où les communes ont besoin d’un accompagnement spécifique pour affronter les contentieux issus de cette circulaire.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Article 4 : Échéancement du début des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création

 

Amendement de suppression CE274 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Aux termes de cet article 4, les bâtiments destinés à recevoir les combustibles nucléaires ne pourront pas être entrepris avant la délivrance d’une autorisation de création, processus qui prend de trois à cinq ans, tandis que les travaux n’ayant pas ou très peu d’impact sur la sûreté pourront démarrer avec une simple autorisation environnementale, processus qui dure environ un an.

C’est l’arnaque classique du vendeur de camelote qui met le pied dans la porte. On essaye de nous mettre devant le fait accompli : une fois que les travaux mineurs auront commencé, il sera sacrément difficile de revenir en arrière ! Ces travaux pourraient démarrer avant même la clôture de l’enquête publique de l’autorisation de création du projet dans son ensemble. Il y a donc un véritable déni du débat public sur un sujet majeur présentant des risques pour l’environnement et la santé des personnes. Il faut donc supprimer cet article.

Dans son avis, le Conseil national de la transition écologique insistait sur le respect des impératifs de protection de la biodiversité et de participation du public. Cet article menace clairement ces deux impératifs.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’article 4 est au contraire indispensable pour conserver la philosophie du projet de loi. L’ASN et l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) considèrent tous deux qu’il ne crée aucune régression en matière de sûreté et qu’il diminue le risque industriel pour l’ensemble des acteurs de la filière. Le but est de commencer plus tôt les travaux non nucléaires – défrichement, terrassement, stations de pompage, bâtiments de traitement des effluents – sans rien toucher à ce qui concerne l’îlot nucléaire – bâtiment du réacteur, ou destiné à recevoir du combustible. Cet article permet ainsi de sécuriser le calendrier et d’éviter les dépassements de délais, dans le respect de la culture de sûreté.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. L’enjeu est de démarrer la partie des travaux qui ne fait pas grief – parkings, clôtures, bâtiments administratifs. Cela fait gagner beaucoup de temps.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Et que se passera-t-il si l’autorisation de création est refusée alors que les bâtiments non nucléaires ont déjà été construits ? Est-il prévu de les détruire ? Si la réponse est négative, cela prouvera qu’il s’agit bien d’une stratégie du fait accompli.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement CE649, de précision juridique, de la commission du développement durable.

 

Amendements CE545 de Mme Maud Bregeon et CE650 de la commission du développement durable (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Amendement de coordination.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Amendement rédactionnel.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je souhaite le retrait de l’amendement CE650 au profit de celui que j’ai déposé.

L’amendement CE650 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE545.

En conséquence, les amendements CE651 de la commission du développement durable et CE129 de M. Pierre Meurin tombent.

 

Amendements identiques CE637 de Mme Maud Bregeon, CE652 de la commission du développement durable, CE128 de M. Pierre Meurin, CE507 et CE511 de M. Xavier Albertini et CE530 de M. Romain Daubié.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous proposons que l’autorisation environnementale soit délivrée non pas par décret en Conseil d’État, mais par décret simple.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La commission du développement durable souhaite également revenir au décret simple.

M. Xavier Albertini (HOR). En matière environnementale, la délivrance d’autorisation se fait habituellement par arrêté préfectoral. Le retour à un décret simple, plutôt qu’en Conseil d’État, est de nature à accélérer les délais.

La commission adopte les amendements.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE612, CE613 et CE614 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE638 de Mme Maud Bregeon et CE640 de M. Xavier Albertini, amendements CE140 de M. Hervé de Lépinau, CE653 de la commission du développement durable, CE450 de M. Stéphane Delautrette et CE275 de M. Maxime Laisney (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je propose de supprimer l’avis de l’ASN sur l’autorisation environnementale, à la demande de l’Autorité elle-même. Elle nous a en effet indiqué ne pas être compétente dans ce domaine, qui n’a pas de lien avec la sûreté nucléaire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement de la commission du développement durable tend également à supprimer cet avis de l’ASN.

M. Gérard Leseul (SOC). Le nôtre propose à l’inverse que l’avis de l’ASN soit non seulement maintenu, mais rendu conforme.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous proposons également que l’avis de l’ASN soit rendu conforme, car l’autorisation environnementale conduira à des dérogations au code de l’urbanisme en vue d’anticiper certains travaux.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable à un avis conforme puisque c’est l’ASN elle-même qui nous a dit ne pas être en capacité de donner un avis en matière environnementale. Je souhaite le retrait des autres amendements au profit de celui que j’ai déposé et de celui, identique, de M. Albertini.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. L’autorisation environnementale encadre principalement les aménagements, c’est-à-dire les défrichements, terrassements, équipements et installations liés aux travaux préparatoires pour la construction du réacteur. Ces travaux n’ont rien à voir avec les compétences de l’ASN, laquelle se prononcera sur les conditions de sécurité de l’installation nucléaire dans le cadre du dossier d’autorisation de création. Il ne faut pas mélanger les deux procédures

La commission adopte les amendements identiques CE638 et CE640.

En conséquence, les amendements CE140, CE653, CE450 et CE275 tombent.

 

Amendements identiques CE636 de Mme Maud Bregeon et CE639 de M. Xavier Albertini.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit de supprimer les études supplémentaires ajoutées par le Sénat dans le cadre de l’autorisation environnementale car elles concernent la sûreté et sont de ce fait incluses dans l’autorisation de création. Encore une fois, ce sont deux sujets différents.

M. Xavier Albertini (HOR). Pour cela, il faut supprimer les deuxième et troisième phrases de l’alinéa 1er, qui imposent un décret en Conseil d’État et un avis de l’ASN sur l’autorisation environnementale alors qu’elle n’est pas compétente en la matière.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CE451 de M. Gérard Leseul, les amendements CE75, CE76 et CE77 de Mme Marie Pochon ainsi que les amendements CE272 de Mme Aurélie Trouvé et CE78 de Mme Marie Pochon tombent.

 

Amendement CE159 de M. Nicolas Thierry.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je déplore le fait que plusieurs amendements viennent de tomber. Ils étaient de nature à rendre notre parc nucléaire plus robuste face au réchauffement climatique.

Le présent amendement vise à prendre en compte, dans l’étude d’impact, les incidences sur la faune et sur la flore des dérogations aux limites des rejets thermiques dans l’environnement en période de canicule. Le ministre Christophe Béchu a déclaré qu’il fallait préparer la France à un réchauffement de plus 4 degrés : cela vaut aussi pour le nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’autorisation environnementale tient déjà compte des incidences du projet sur la faune et la flore. De plus, l’étude d’impact prévue dans le cadre de l’autorisation de création prévoit des compléments d’étude sur les rejets d’eau. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant des amendements qui sont tombés, je précise que l’étude d’impact prend bien en compte le réchauffement climatique. Pour ce qui est des rejets thermiques, à chaque fois qu’une dérogation est accordée, comme cela a été le cas cet été, un suivi de la biodiversité est organisé pour documenter leurs effets.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Tout le monde se souvient que cinq centrales ont été autorisées cet été à rejeter des eaux plus chaudes dans la nature. Les études sur le sujet font dire à M. Jérémy Lobry, spécialiste de la biodiversité aquatique à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe), que ces rejets provoquent des impacts physiologiques directs sur la faune peu mobile comme les crustacés, les mollusques et les invertébrés.

De plus, selon un rapport interne d’EDF portant sur douze centrales de 1979 à 2010, les phénomènes de piégeage et d’entraînement ont été considérés comme une conséquence environnementale majeure dès le lancement du programme électronucléaire, dans les années 1970-1980. Il me paraît donc très important que l’étude d’impact s’attache aux incidences de ces rejets sur la faune et la flore.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE452 de M. Stéphane Delautrette.

M. Gérard Leseul (SOC). Il prévoit que l’IRSN est saisi dans ses domaines de compétence et rend un avis public.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Comme tout à l’heure à propos de l’ASN, il s’agit d’une étude environnementale qui n’entre pas dans le champ de compétence de l’IRSN, comme l’Institut le dit lui-même. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. L’autorisation environnementale porte sur des travaux qui ne relèvent pas des missions de l’IRSN.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je profite de l’examen de cet amendement, qui vise à confier une prérogative de contrôle à l’IRSN, pour vous rappeler que vous avez encore quelques heures pour éviter de faire une grosse bêtise : il faut renoncer à la fusion de l’IRSN et de l’ASN.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE654 de la commission du développement durable et sous-amendement CE675 du Gouvernement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement vise à préciser que le décret portant l’autorisation environnementale est modifié conformément aux règles prévues par le code de l’environnement. Il tend également à mieux distinguer le régime dérogatoire institué par le présent article pour la délivrance de l’autorisation environnementale avant celle de l’autorisation de création et le régime de droit commun applicable après, où c’est l’ASN qui est compétente au sein du périmètre de l’installation nucléaire de base une fois celui-ci établi.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Alors que l’amendement vise à préciser les modalités appliquées pour modifier l’autorisation environnementale avant la délivrance de l’autorisation de création, le sous-amendement tend à préciser les modalités appliquées après cette délivrance. Puisqu’elles relèvent de la répartition des compétences en matière de police administrative entre divers services de l’État et l’ASN, il est prévu de les mentionner dans le décret en Conseil d’État prévu à l’article 8 de ce texte.

Il convient qu’après la délivrance de l’autorisation environnementale, les projets d’installation et d’équipement soient gérés selon les dispositions du code de l’environnement, à l’instar des autres sites nucléaires.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte successivement le sousamendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CE655 de la commission du développement durable.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Dès lors que les nouveaux réacteurs seront construits à proximité de réacteurs existants, des commissions locales d’information existent. Mais, la construction des nouveaux réacteurs ne modifiant pas une installation nucléaire de base existante, le droit actuel ne prévoit pas d’informer en amont la CLI de la demande d’autorisation de création déposée par l’exploitant. L’amendement tend à ce qu’elle soit informée dès le début de la procédure, c’est-à-dire dès l’introduction de la demande d’autorisation environnementale.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE458 de Mme Anna Pic.

M. Dominique Potier (SOC). L’éventuelle relance du nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires ne devra pas altérer la bonne gestion du cycle de vie du combustible. Or nous manquons de solutions d’entreposage. Les piscines d’Orano, à La Hague, seront saturées d’ici 2030 alors que les besoins augmentent d’environ 100 tonnes par an. Même s’il est question d’augmenter la quantité de combustibles usés dans trois des piscines actuelles, pour gagner jusqu’à 30 % de place supplémentaire, l’éventuelle relance du nucléaire accentuera les besoins dans les prochaines années.

Dans ces conditions, nous vous proposons de subordonner la délivrance de l’autorisation environnementale à la production d’un document prospectif qui précise le parcours prévu pour le combustible. Ce document s’inscrit en cohérence avec le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs. Il est mis à jour au moment du réexamen périodique prévu pour les installations nucléaires de base.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il est paradoxal de prévoir un tel document alors qu’il est précisé à l’alinéa suivant que la construction des bâtiments destinés à accueillir du combustible ne pourra commencer qu’à la délivrance de l’autorisation de création. Il est vrai, en revanche, que le stockage des déchets pose question. Nous avons adopté au début du texte une demande de rapport pour faire le point sur ce sujet. Je vous invite à retirer l’amendement, sinon avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour la partie nucléaire, le décret prendra bien en compte la question des déchets. D’autre part, j’ai mis à jour en décembre 2022 le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs établi jusqu’en 2026. Vous disposerez d’ici la fin de l’année d’une vision de l’ensemble des enjeux, qu’il s’agisse de l’entreposage des déchets ou de la question spécifique de l’uranium de retraitement, qui pose celle de notre indépendance. Vous aurez de la visibilité au-delà de 2026. D’ailleurs, alors que le dossier d’autorisation de construction sera déposé courant 2023, nous aurons pris des décisions dès la fin de l’année sur ces sujets, qui relèvent de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. L’amendement est donc satisfait.

M. Dominique Potier (SOC). Je ne le retire pas. Nous reviendrons plus longuement en séance sur le problème de la sécurité des produits, en amont comme en aval. Ce sont des sujets importants. Vous nous répondez, madame la ministre, que tout sera prévu dans les décrets. Nous aurions préféré inscrire le dispositif dans la loi. Plus généralement, votre calendrier pose problème. Vous vous voulez rassurante mais comment pouvons-nous voter des mesures pour accélérer la relance du nucléaire si nous n’avons pas les réponses à toutes les questions qui en découlent ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE79 de Mme Marie Pochon et CE455 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’article introduit la faculté d’anticiper certains travaux en vue de la création de réacteurs électronucléaires dès lors que l’autorisation environnementale a été délivrée. En pratique, cela implique surtout que ces travaux pourront commencer avant l’autorisation de construction du réacteur.

Il nous semble périlleux de distinguer entre les différents bâtiments de l’installation nucléaire. L’autorisation environnementale en vue de la création d’un réacteur nucléaire est délivrée en fonction de l’étude d’impact sur l’ensemble du projet. Commencer à construire les à-côtés des réacteurs pourrait constituer une mise devant le fait accompli. Si vous voulez tordre le cou à toute participation du public, c’est la bonne méthode – mais nous espérons que ce n’est pas le cas…

Il convient donc de supprimer les dispositions qui permettent l’accélération de la mise en travaux. Le gain de temps escompté ne justifie pas une atteinte disproportionnée à la participation du public, sachant que les retards sont dus aux difficultés industrielles et non administratives, comme en témoigne la réparation des problèmes de corrosion de la centrale nucléaire de Flamanville. Cet exemple, loin d’être isolé, illustre les risques d’aléas auxquels sont soumis les industriels.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous entendons mettre en évidence l’intérêt de l’enquête publique. Les riverains doivent être informés et pouvoir exprimer leur avis, qui n’est d’ailleurs pas forcément négatif : l’enquête publique peut aussi permettre de lever des inquiétudes et de mieux faire accepter le projet.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cet amendement illustre nos divergences. Si je l’acceptais, le texte n’aurait plus de sens ! La possibilité de lancer les travaux pour les installations non nucléaires représente un gain de temps inestimable et ne pèsera pas sur la décision d’autoriser ou non la construction du réacteur. Si elle est refusée, le risque aura pesé sur l’industriel. De toute manière, cette autorisation sera doublée d’une décision politique puisque, d’ici là, d’autres élections auront eu lieu.

Quant au caractère non démocratique de cette disposition, nous en avons déjà parlé. Nous sommes tous légitimes à débattre du nucléaire, en commission et dans l’hémicycle, et nous avons déjà énoncé toutes les étapes prévues pour engager la participation du public et l’informer. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Une enquête publique sera bel et bien menée avant la construction, elle n’est pas supprimée. Plusieurs enquêtes publiques sont prévues au total, il ne faut pas les confondre. Ce projet de loi ne modifie rien à la procédure prévue pour associer le public ou pour prendre l’autorisation environnementale. Il prévoit juste d’autoriser l’engagement de travaux déjà validés avant celui des constructions plus sensibles. C’est le porteur de projet qui prendra son risque : il choisira de construire ses parkings en avance ou non, par exemple.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mais qui prendra le risque financier ? La ministre a expliqué sur France Info que les impôts n’augmenteraient pas, non plus que les tarifs de l’électricité. Où trouverez-vous l’argent pour financer les centrales, sachant que les chantiers sont complexes, comme en témoigne celui de Flamanville ? En vérité, c’est le contribuable qui prendra le risque. La construction de bâtiments connexes au réacteur nucléaire en anticipant la décision d’autorisation fait donc peser un risque financier sur nos concitoyens.

D’autre part, madame la rapporteure, vous mélangez un peu tout. Nous sommes tous légitimes à débattre ici, mais vous n’avez pas la légitimité pour passer en force dans le domaine du nucléaire.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE273 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement et le CE276 qui viendra un peu après visent à supprimer tout ou partie de l’alinéa 2. Le Sénat a auditionné la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et la direction générale de l’énergie et du climat. Il en ressort qu’une définition précise des travaux susceptibles d’être anticipés n’a pas été élaborée : d’une part ils sont très nombreux, d’autre part ils sont dépendants du contexte du site. Dès lors que l’article reste flou, son interprétation peut être large.

D’autre part, l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) craint que cette disposition soit du plus mauvais effet sur nos concitoyens, leur laissant penser que l’enquête publique ne sert à rien puisque les travaux pourraient être engagés avant qu’elle ne soit achevée.

Mme la rapporteure nous a assurés, en commission du développement durable, que les travaux préparatoires étaient sur le chemin critique de la construction de l’ensemble de la centrale, et que cette mesure ferait gagner du temps. Je le prends plutôt comme la preuve que vous voulez nous mettre devant le fait accompli. Sans compter que beaucoup de questions restent en suspens : comment s’organisera le démantèlement de ces bâtiments si l’autorisation de créer le réacteur n’est pas accordée ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Parlons de déconstruction plutôt que de démantèlement : les bâtiments concernés ne sont pas ceux de l’îlot nucléaire. Dans ce cas, c’est la responsabilité de l’exploitant qui sera engagée.

Vous contestez le caractère démocratique de cet article, vous nous accusez de vouloir passer en force. Mais, que je sache, ce texte sera soumis au vote ! J’ai bien compris que vous perceviez tout ce qui ne va pas dans votre sens comme un passage en force, mais ce n’est pas un principe de la démocratie. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le représentant de la DGPR ici présent me glisse que ce n’est pas exactement cela qui a été dit en commission au Sénat. Il a été indiqué que les travaux sont de nature différente selon les technologies employées et qu’il serait préférable de renvoyer leur définition au règlement pour ne pas paralyser l’application de la loi dans dix ou quinze ans.

Pour le reste, je vous invite une bonne fois pour toutes à rejeter tous les amendements qui visent à supprimer la possibilité d’anticiper certains travaux, pour des raisons que nous avons déjà longuement expliquées.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les questions qui vous ont été posées sont légitimes : que se passera-t-il si des sommes importantes ont été engagées pour ces travaux ? Qui financera ? Comment le périmètre où ces bâtiments auront été construits sera-t-il remis en état ? Les mêmes questions se posent dans de nombreux autres domaines, elles ne sont pas propres au nucléaire. Avant le lancement du projet de parc éolien en mer au large du Tréport, Engie a débloqué des millions d’euros pour forer, mener des études, précommander des turbines, en préjugeant du résultat du débat public et de la décision administrative, à ses risques et périls.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE127 de M. Pierre Meurin.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je vous invite à le retirer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis car la rédaction des amendements CE609 et CE607 de la rapporteure, qui tendent au même objectif, paraît plus adaptée.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE276 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Amendement CE609 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il supprime des précisions redondantes et clarifie la rédaction de l’alinéa en en inversant les termes, sans en changer le fond.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE607 de Mme Maud Bregeon et amendement CE657 de la commission du développement durable (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Amendement de coordination.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement de la commission du développement durable revient au texte du Gouvernement sur la question du périmètre des travaux à entreprendre dès l’autorisation environnementale.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cet amendement est satisfait par le mien. Je vous invite à le retirer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable à l’amendement de coordination, demande de retrait pour le suivant.

L’amendement CE657 étant retiré, la commission adopte l’amendement CE607.

En conséquence, l’amendement CE656 de la commission du développement durable tombe, de même que les amendements CE141 de M. Hervé de Lépinau, CE658 et CE660 de la commission du développement durable, CE453 de M. Stéphane Delautrette et CE486 de M. Maxime Laisney.

 

La commission adopte l’amendement de coordination CE608 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE635 de Mme Maud Bregeon, CE217 de M. Benjamin Saint-Huile, CE369 de M. Xavier Albertini et CE351 de M. Romain Daubié.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit de supprimer l’alinéa 3, qui précise le contenu du décret en Conseil d’État de l’article 8. En effet, les représentants de l’ASN et de l’IRSN nous ont assuré que la répartition des travaux était claire, les bâtiments destinés à accueillir des combustibles étant bien identifiables.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il ressort des auditions que nous avons menées que l’établissement d’une liste n’est pas nécessaire et qu’elle pourrait, de surcroît, remettre en question les gains de temps visés par cet article.

M. Xavier Albertini (HOR). La précision mentionnée à l’alinéa 3 est déjà satisfaite par le droit en vigueur.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE582 de M. Romain Daubié et CE487 de M. Maxime Laisney tombent.

 

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

Après l’article 4

 

Amendements CE196 de Mme Christelle Petex-Levet et CE80 de Mme Marie Pochon (discussion commune).

M. Jérôme Nury (LR). Il s’agit d’associer les conseils municipaux des communes d’implantation ou en covisibilité qui sont concernées par un projet d’implantation. L’avis favorable du conseil municipal permet le dépôt de la demande d’autorisation. Si l’avis est défavorable, le porteur de projet a un mois pour répondre à ses observations. Dès réception de la réponse, l’autorisation d’installation peut être déposée.

Cette mesure permettrait de mieux prendre en compte le cadre de vie des habitants et les contraintes locales, tout en favorisant l’acceptabilité du projet.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Implanter une centrale nucléaire au sein d’une commune, c’est se lancer dans un projet pour deux cents ans ! Il y a deux cents ans, l’année 1822 était marquée par l’apparition du premier moteur électrique rotatif : l’électricité était découverte ! En reliant le mercure et la potence à une pile, le courant passe, la roue se met à tourner rapidement grâce à la force électromagnétique exercée par l’aimant sur ces courants.

Où en serons-nous dans deux cents ans ? La littérature de science-fiction est très prolixe, mais la certitude est moins facile. La décision n’est donc pas anodine. Certains irréductibles veulent lancer des projets qui nous viennent des années 1970, à l’heure du changement climatique et de l’effondrement des démocraties libérales. Là encore, ce n’est pas anodin.

Cet amendement tend, par conséquent, à renforcer le pouvoir décisionnaire du maire et des élus locaux, qui doivent pouvoir s’exprimer sur un projet qui engagera l’ensemble de leur territoire alors même qu’il est complètement dépassé. Il permet au maire de s’opposer au dépôt de la demande d’autorisation. Le même pouvoir est accordé à toutes les communes qui entreraient dans le champ de visibilité d’un parc nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Une telle consultation est déjà prévue dans le cadre de l’instruction de l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base. En outre, nous en avons parlé à l’article 2, les autorités compétentes en matière d’urbanisme sont associées à l’adaptation de leur document d’urbanisme dans un examen conjoint avec l’État.

Les communes participent largement au processus de consultation et de décision. Stéphane Travert l’a rappelé à propos de la construction du réacteur 3 de Flamanville.

Vous prônez par ailleurs l’inverse de ce que vous avez défendu pour les énergies renouvelables, madame Regol : vous ne vouliez pas accorder au maire un quelconque droit de veto pour s’opposer à l’installation d’éoliennes.

Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous souhaitez que les maires des communes en covisibilité disposent d’un droit de veto : ce serait une notion tout à fait nouvelle s’agissant de centrales nucléaires. Vous avez défendu le principe exactement inverse, et nous aussi, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Avis défavorable, par cohérence.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Vous l’avez compris en écoutant les propos de Mme Regol : quand on construit un réacteur nucléaire, on en prend pour plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’années. Il me semble donc pertinent de demander aux personnes concernées si elles sont d’accord pour prendre ce risque. Il n’en va pas de même pour les énergies renouvelables : jusqu’à preuve du contraire, une éolienne ou un panneau photovoltaïque peuvent être démontés. Je note que vous étiez beaucoup plus soucieux du respect des droits des collectivités territoriales lors de la discussion du texte sur les énergies renouvelables que vous ne l’êtes aujourd’hui s’agissant du nucléaire. Cette différence d’approche est d’autant plus paradoxale que la construction d’un réacteur nucléaire a des répercussions bien plus importantes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je suis à l’écoute des associations d’élus locaux : la concertation que nous menons en amont des textes avec les représentants des collectivités territoriales permet précisément de répondre à leurs préoccupations. Or, sur ce sujet, leur opinion est très claire : les maires ne demandent pas à avoir ce type de droit. Je m’oppose donc à l’octroi de ce droit de veto, comme je l’ai déjà fait au Sénat.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). De même que nous voulions que les conseils municipaux puissent s’exprimer sur les énergies intermittentes, nous souhaitons qu’ils puissent le faire sur les projets nucléaires. Cela ne posera d’ailleurs aucun problème : les centrales existent déjà, et les communes savent quel bénéfice leurs habitants et leurs finances en retirent.

Je salue l’exposé sommaire positif de l’amendement CE80 – c’est suffisamment rare chez les écologistes pour être souligné ! Il faut effectivement faire confiance au progrès scientifique. Dans deux cents ans, on regardera avec beaucoup d’amertume les occasions manquées, s’agissant notamment de la transmutation des déchets, et on déplorera tout ce temps perdu. Seules trente années séparent les travaux de Lise Meitner, une femme qui doit être chère à votre cœur – je le dis sans aucune ironie – et la construction de centrales nucléaires civiles. Nous observons donc peut-être un début de consensus pour renouer avec la confiance dans le progrès scientifique et humain. Cela me fait plaisir de le dire !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE206 de M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jérôme Nury (LR). Ce projet de loi vise à accélérer les procédures, à gagner du temps. Nous proposons donc de raccourcir le délai de dépôt des demandes d’autorisation d’exploiter en le ramenant de dix-huit à douze mois avant la date de mise en service de l’installation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Vous posez une vraie question. Il nous apparaît cependant que ce raccourcissement des délais ne serait pas raisonnable : le rapport de la commission spéciale sur la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a créé l’autorisation d’exploiter, indique que ces dix-huit mois sont nécessaires à l’instruction des dossiers. Au vu des informations dont je dispose, je ne peux pas donner un avis favorable à votre amendement : je vous invite donc à le retirer. Nous pourrons peut-être retravailler cette question d’ici à la séance et apporter quelques éléments complémentaires.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La rédaction de l’article L. 311-5-6 du code de l’énergie pourrait probablement être améliorée. Elle n’est pas claire : on a l’impression qu’elle ajoute un délai de dix-huit mois et allonge donc l’instruction des dossiers. En réalité, il faut voir les choses comme un rétroplanning : on demande à l’exploitant d’anticiper de dix-huit mois la mise en service de l’installation, c’est-à-dire d’être prêt dix-huit mois à l’avance, avec toutes les pièces à fournir, afin de s’assurer que le dossier administratif n’est pas bloquant. Si vous ramenez le délai à douze mois, c’est la date de mise en service que vous risquez de décaler de six mois par rapport à ce qui était souhaité, et possible industriellement, et cela juste pour de l’instruction administrative. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jérôme Nury (LR). L’idéal serait de retravailler sur ce sujet, car la disposition actuelle donne le sentiment que l’on accorde à l’administration un temps beaucoup trop long pour examiner les demandes d’autorisation. Peut-être faudrait-il trouver une rédaction un peu plus habile.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE81 de Mme Marie Pochon.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Puisque l’histoire ne vous convainc pas, je reviens aux fondamentaux. Février 2023 s’est achevé avec un déficit pluviométrique de plus de 50 %, devenant le mois de février le plus sec jamais enregistré depuis le début des mesures. C’est historique. Notre pays a connu plus d’un mois – trente-deux jours – sans pluie en plein hiver. Ça aussi, c’est historique. Les nappes phréatiques, déjà abîmées par la sécheresse de 2022, sont à moitié vides et ne se reconstitueront pas suffisamment d’ici à cet été. Certains paysages sont bouleversés, comme à Béziers : l’Orb, dont la vallée est magnifique, est aux abonnés absents. En février, c’est là encore du jamais vu ! L’évolution du climat aggrave la pression sur les cours d’eau : des études prédisent des baisses du débit d’étiage des fleuves de 20 à 50 % d’ici à 2050. Cette donnée doit faire l’objet d’analyses scientifiques, préalables, intégrées et obligatoires dans le cadre de l’étude environnementale.

Je reviens donc à une de vos réponses, qui n’a paru claire à personne d’entre nous. L’eau est l’élément clé pour le bon fonctionnement des centrales. Une telle baisse des niveaux d’eau aura des répercussions sur la biodiversité, ce qui devrait déjà nous préoccuper – nous en sommes à la sixième extinction de masse des espèces – mais aussi sur le refroidissement des réacteurs, ce qui devrait nous inquiéter. En effet, la multiplication des périodes de forte chaleur et la baisse progressive des étiages pourraient entraîner une intermittence dans la production d’électricité, ce qui serait fort dommage. C’est d’ailleurs leur caractère intermittent que certains d’entre vous reprochent très souvent aux énergies renouvelables ; or les périodes d’intermittence de ces dernières se comptent en heures ou en jours, alors que l’intermittence du nucléaire a duré cette année plusieurs mois, ce qui est beaucoup plus difficile à gérer.

Ce projet de loi vise à assurer la souveraineté énergétique de la France dans les années à venir. Il nous apparaît donc urgent d’empêcher que de nouveaux réacteurs électronucléaires soient construits sur les rives d’un fleuve ou d’une rivière pour lesquels les risques de baisse de débit sont trop importants dans les cinquante années à venir – ces nouvelles installations ne feraient qu’accélérer le phénomène.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je comprends que vous cherchiez des raisons de rejeter l’énergie nucléaire, mais de là à dire que c’est une énergie intermittente…

Les éléments que vous mettez en avant sont d’ores et déjà pris en compte dans les études préalables d’EDF, dans les différentes études réalisées par l’ASN ainsi que dans le volet « ressource en eau » de l’étude d’impact réalisée au titre de l’autorisation de création. Cette réalité est donc examinée dans le cadre des autorisations d’implantation.

Nous avons déjà longuement parlé de la question de l’eau, des sécheresses, des canicules et du changement climatique. Au-delà des études que je viens de mentionner, ces éléments ont été pris en compte dans l’élaboration des scénarios « Futurs énergétiques 2050 » de RTE. On a vu que leur impact, tout à fait minime, ne concernait pas la sécurité des centrales mais uniquement la préservation de l’environnement. Les baisses de production seront tout aussi minimes, puisqu’elles représenteront moins d’un quart de l’équivalent de la production d’un réacteur pendant l’été – la période pendant laquelle la consommation est la plus faible – et pas plus de quelques pourcents à l’échelle d’une année. Non, l’énergie nucléaire n’est pas intermittente. Il existe probablement des raisons de s’y opposer, mais vraiment pas celle-là !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est en effet pas un bon argument. Même les chiffres de cette année, qui sont au plus bas, montrent le contraire. Ne mettons pas les impératifs de maintenance et l’organisation de la quatrième visite décennale pour la prolongation des centrales sur le même plan que les aléas de la météo, qui induisent une irrégularité de la production solaire ou éolienne. Et c’est quelqu’un qui déploie les énergies solaire et éolienne qui vous le dit !

Le réchauffement climatique et les enjeux liés au refroidissement des centrales sont bien pris en compte lors de l’instruction des dossiers d’autorisation de construction. Ils le sont même à deux niveaux, puisque l’administration veille tant à la préservation de la biodiversité – c’est le volet environnemental de l’autorisation – qu’à la garantie du bon fonctionnement de la centrale.

Il ne vous aura pas échappé que les deux premières paires de centrales sont construites en marge du littoral : vous conviendrez donc que les enjeux relatifs aux cours d’eau seront mineurs. Notre réflexion quant à l’implantation de la troisième paire de réacteurs intègre la question du réchauffement climatique, au même titre que les enjeux de sûreté – nous passons en revue tous les facteurs susceptibles de remettre en cause le bon fonctionnement des réacteurs, par exemple la possible survenue d’événements sismiques dans la zone. C’est à la lumière de tous ces éléments que nous choisirons tel site plutôt que tel autre. EDF est en train de mener ce travail ; c’est pourquoi nous ne sommes pas encore capables de préciser la localisation de cette troisième paire de réacteurs.

Nous ne balayons pas vos arguments d’un revers de main : les éléments sur lesquels vous appelez notre attention sont réellement pris en compte. Le sujet est traité très sérieusement, et les dossiers sont soumis à l’ASN pour validation.

Le plan Adapt 2050 d’EDF intègre la question du réchauffement climatique. Le rapport de RTE est également assez précis à ce sujet. Il en ressort que les réacteurs nucléaires ne sont pas forcément les plus sensibles au réchauffement climatique, et que ce dernier a en particulier un impact sur les réseaux, du fait des variations de température et de leur effet sur les matériaux, ainsi que sur le potentiel de production de certaines énergies renouvelables. Ne caricaturons pas les choses : il n’y a pas d’enjeu majeur spécifique au nucléaire. Les défis à relever vont bien au-delà de cette source d’énergie. Tout cela est étudié avec sérieux par EDF ainsi que par les autorités d’expertise et de sûreté nucléaire. MM. Leseul et Jumel ont souligné à l’instant toute la valeur de ces autorités, qui ont fait leur travail et continueront à le faire afin que tous ces éléments soient bien pris en compte. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). À entendre votre réponse, je suis assez dubitatif, et même franchement inquiet. Il y a quelques jours, M. Béchu, membre du même Gouvernement que vous, disait que la France devait se préparer à un scénario de réchauffement climatique de 4 degrés. Personne ici ne peut dire à quoi ressemblerait notre pays dans cette hypothèse. Soyez au moins cohérents au sein du Gouvernement : s’il faut vraiment se préparer à un réchauffement de 4 degrés, alors il est absolument indispensable d’adopter cet amendement !

C’est le grand défi du XXIème siècle : nous devons apprendre à vivre avec moins d’eau dans nos fleuves, et nous ne pouvons pas faire reposer la production d’électricité du pays ni la sûreté de nos centrales nucléaires sur ce facteur. Il nous semblait que M. Béchu avait compris l’urgence et la nécessité de prendre des mesures radicales, mais ce n’est manifestement pas le cas. J’insiste : puisque l’eau des fleuves deviendra beaucoup plus rare et beaucoup plus chaude, il ne faut pas y construire de centrales nucléaires.

M. Éric Bothorel (RE). J’espère que je ne vous ferai pas bondir en vous apprenant que la Russie a expérimenté une centrale nucléaire flottante. Et un professeur du MIT a dit un jour que le meilleur endroit pour implanter une centrale nucléaire était le milieu de l’océan. Alors que nous réfléchissons à l’opportunité de construire des réacteurs à proximité des rivières et des littoraux, nous sommes-nous un jour demandé s’il ne serait pas judicieux ou techniquement possible de bâtir une centrale en plein milieu de l’océan ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais si vous demandez un rapport à ce sujet, je serai ravie de l’accepter ! En revanche, aux États-Unis, une centrale a été implantée dans le désert, et elle fonctionne très bien.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Tavel, il est assez malhonnête d’essayer d’opposer, de manière un peu factice, deux membres du Gouvernement dont les positions sont tout à fait alignées et qui travaillent main dans la main.

Vos propos traduisent beaucoup de mépris pour les équipes d’EDF qui travaillent sur ces sujets, élaborent le plan Adapt 2050 et ont un haut niveau de technicité. Elles ne sont pas dans le déni climatique, bien au contraire : elles établissent différents scénarios, cohérents avec les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), réalisent différentes simulations et mesurent leurs impacts potentiels en termes de matériaux, de risques de coupures, de montée des eaux… Reconnaissez qu’il y a des compétences dans notre pays, et qu’EDF, l’ASN et l’IRSN travaillent sérieusement ! Je vous renvoie au rapport de RTE, disponible en ligne, notamment aux quarante-deux pages du chapitre 8 qui exposent en détail les effets du climat sur notre système électrique. Ce n’est pas comme si nous n’avions rien fait !

Mon collègue Christophe Béchu dit simplement que, quand on réalise des investissements dans le domaine de l’adaptation au changement climatique, il faut être capable de prendre en compte un scénario différent de celui que nous préférons – lequel limite le réchauffement climatique à 1,5 degré, ce qui est d’ailleurs légèrement au-dessus du scénario nominal planétaire – afin d’éviter la « maladaptation ». Ne faites pas dire aux ministres ce qu’ils n’ont pas dit !

Le réchauffement climatique est pris très au sérieux par le Gouvernement, de même que par EDF et par les autorités de contrôle. Les auteurs de l’amendement CE81 ne connaissent pas la science, n’ont pas étudié le sujet dont ils parlent mais pensent savoir tout mieux que tout le monde et entendent interdire par principe l’implantation d’une centrale nucléaire à tel ou tel endroit, en l’autorisant d’ailleurs à d’autres. Notre démarche, fondée sur une étude sérieuse des données réelles du terrain, me paraît un peu plus sérieuse.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 5 : Dérogations aux dispositions de la loi Littoral pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires

 

Amendements de suppression CE8 de Mme Julie Laernoes et CE278 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le Président de la République s’est pourtant demandé « qui aurait pu prédire la crise climatique ». Même les scientifiques n’arrivaient pas à prédire l’accélération des phénomènes liés au réchauffement climatique ! Ne voudriez-vous pas admettre que le réchauffement s’accélère, qu’il y a une inconnue et que l’on a besoin de plus de recherches scientifiques pour savoir comment prendre en compte la nouvelle donne ? L’amendement CE81 était en réalité un amendement de bon sens. Lorsque vous nous demandez de ne pas nous inquiéter parce que tout est prévu, vous ne nous rassurez pas : si le plus haut responsable de l’État explique qu’on ne pouvait pas prédire la crise climatique, vous ne pouvez pas dire que tous les autres corps de l’État l’avaient prévue ! Un rapport de quarante-deux pages n’est pas suffisant !

L’article 5 prévoit une dérogation générale qui rompt brutalement l’équilibre des droits et porte une atteinte disproportionnée à l’article 1er de la Charte de l’environnement dès lors que, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation » et que les dérogations aux règles environnementales ne sauraient s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles – ce qui n’est, en l’espèce, pas le cas.

Par ailleurs, ce régime dérogatoire ne tient pas compte des effets du réchauffement climatique. Le « glacier de l’apocalypse » est en train de fondre, de manière irréversible, ce qui provoquera une hausse immédiate du niveau des eaux. Il s’agit là de faits scientifiques réels, qui se produisent ici et maintenant. Nous avons déjà évité une grosse catastrophe lors de l’inondation de la centrale du Blayais du fait de la tempête Xynthia. De fait, il est nécessaire de prendre en compte l’environnement et le réchauffement climatique, et donc de supprimer l’article 5.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Habiter à côté d’une centrale nucléaire, cela peut inspirer un dessin animé très réussi, mais cela ne fait pas rêver : ce n’est pas vraiment un projet de vie… Une centrale à côté de chez soi, on la subit, et parfois même on en a peur. Cela se comprend, d’ailleurs, si l’on a suivi les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, ou si l’on a lu cette étude publiée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2012, qui évoque un nombre de leucémies infantiles supérieur à la moyenne nationale dans un rayon de 5 kilomètres autour des centrales.

Selon un sondage de 2014, les Français estiment qu’il faut 330 kilomètres de distance avec une centrale pour être protégé des fuites radioactives. Ils ne savent même pas que la zone d’exclusion de Tchernobyl était de 30 kilomètres, celle de Fukushima de 20 kilomètres, et que les différents périmètres prévus autour des centrales françaises sont de 5, 20 et 60 kilomètres ! Bref, contrairement à ce que vous essayez de nous démontrer depuis hier, les Français ne sont pas du tout informés de la réalité des risques que l’énergie nucléaire leur fait courir.

Aussi, l’implantation d’une centrale nucléaire n’est pas une chose anodine. Je rappelle d’ailleurs que 2 millions de nos concitoyens vivent à moins de 20 kilomètres d’une infrastructure nucléaire, et plus de 200 000 personnes à moins de 5 kilomètres.

Si nous ne pouvons pas protéger avec certitude les populations, peut-être
pouvons-nous quand même essayer de sauvegarder nos paysages et nos écosystèmes marins. Nous nous opposons donc au principe d’une nouvelle dérogation à la loi « Littoral » au bénéfice des constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la construction d’un nouveau réacteur à côté d’une centrale existante. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 5.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable, pour des raisons assez similaires aux amendements précédents. Quoi que vous en pensiez, de réelles études sont conduites avant de choisir le lieu d’implantation d’une centrale nucléaire.

Le contrôle des rayonnements ionisants et le suivi des éventuelles contaminations surfaciques à proximité des centrales sont très méticuleusement assurés par EDF et l’ASN. Des balises mesurent en permanence les éventuels rejets. L’ASN a alors droit de vie ou de mort sur la centrale : elle peut demander du jour au lendemain à l’exploitant de cesser son activité, de se justifier et éventuellement de prendre les mesures nécessaires. Les personnes travaillant sur le site sont évidemment suivies, et une information est délivrée au public, même si on peut toujours faire mieux – je ne dis pas que tout est parfait. Vous dites que les Français ne sont pas informés mais, quand je vous entends parler de radioactivité, je n’ai pas l’impression que vous le soyez beaucoup plus ! Sur un sujet aussi sérieux, agiter les peurs, comme vous le faites parfois, est extrêmement délétère.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Cacher des risques, c’est aussi très délétère !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je ne cache aucun risque.

Vous avez dit que les Français n’avaient pas très envie d’habiter près d’une centrale nucléaire. Or, autour d’une centrale nucléaire, il existe une activité économique importante et souvent très appréciée. Certains députés ici présents, élus dans une circonscription où se trouve un centre nucléaire de production d’électricité, pourraient en témoigner.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Si c’est par le chantage à l’emploi que vous voulez imposer les centrales, c’est terrible !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je me suis beaucoup baladée autour des centrales ces dernières années, et je n’ai pas vu des gens qui subissaient du chantage à l’emploi. J’ai vu des femmes et des hommes qui trouvaient un sens dans leur très belle mission de service public, le service public de l’électricité. Vous feriez bien d’aller discuter avec eux.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. S’agissant du sérieux des scénarios, permettez-moi de vous lire un extrait du rapport librement consultable sur le site internet de RTE, qui date de 2021 et a été complété en 2022 : « Sur la base de ces hypothèses, une légère dégradation de la production annuelle est attendue à l’horizon 2050, dans les trajectoires du scénario RCP4.5 ou RCP8.5 ». Les scénarios climatiques utilisés sont donc ceux du GIEC : il s’agit d’un scénario central et d’un scénario dégradé, qui correspondent peu ou prou à ceux qu’a évoqués M. Béchu. « Ce productible annuel perdu reste néanmoins très faible en moyenne (de 1 à 2 térawattheures selon les scénarios de mix considérés), même s’il peut atteindre des niveaux bien supérieurs dans des configurations annuelles défavorables (plus de 10 térawattheures sur certaines années simulées) ». Pour rappel, notre production de nucléaire a atteint 279 térawattheures l’année la plus basse. « Le risque en termes de puissance potentiellement coupée simultanément devrait également progresser. En 2050, selon les référentiels climatiques et les hypothèses considérées, le risque d’indisponibilité simultanée à une chance sur dix atteint ainsi 6 gigawatts dans le scénario N03 sous la trajectoire RCP4.5 ». Je vous passe la suite.

Je le répète : ce sujet a été étudié à notre demande, et les conclusions auxquelles ont abouti les spécialistes sont disponibles. De même, les scénarios du GIEC sont aujourd’hui les scénarios normatifs utilisés dans toutes les simulations en matière de réchauffement climatique. Je ne peux pas vous laisser dire que les experts font mal les choses. Il est plus sérieux et plus honnête vis-à-vis des Français de confier à des experts le soin de réaliser des études approfondies d’ingénierie que de prendre des décisions de principe.

Par ailleurs, on constate que les personnes les plus favorables aux centrales nucléaires sont celles qui vivent à moins de 20 kilomètres : le taux d’acceptabilité de ces populations est de 10 points supérieur au taux national. C’est l’inverse de ce qu’on observe pour un certain nombre d’autres installations, de type Seveso par exemple.

Nous avons finalement parlé de réchauffement climatique, et tant mieux, mais pas du fond de l’article 5, qui concerne la loi « Littoral » et vise à permettre le raccordement des centrales. Chacun conviendra que cet enjeu est majeur et que les dérogations proposées, analysées en détail par le Conseil d’État, sont proportionnées. Je vous invite donc à voter contre ces amendements de suppression.

M. Pascal Lavergne (RE). Je suis assez surpris d’entendre les écologistes nous reprocher le réchauffement climatique, au vu de la responsabilité de leurs collègues allemands en la matière. Pour produire de l’électricité, les Allemands n’ont pas recours à l’énergie nucléaire mais aux énergies fossiles, qui sont bel et bien à l’origine du réchauffement climatique. C’est donc à vos collègues allemands que vous pouvez adresser vos leçons ; quant à nous, notre objectif est de lutter contre le réchauffement. Évitez d’agiter les peurs ! Regardez la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui et assumez votre part de responsabilité dans l’abandon du nucléaire en Europe !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Sur la question de l’eau, des fleuves et des littoraux, il y a manifestement au Gouvernement et dans les rangs macronistes une certaine fébrilité. Peut-être vous rendez-vous compte que vos positions se heurtent à des réalités naturelles et climatiques que nous n’avions pas prévues – en tout cas, pas M. Macron. Loin de nous l’idée de mettre en cause les experts et les salariés d’EDF que nous défendons, nous, tout le temps. C’est de responsabilité politique que nous voulons parler.

Le littoral est un écosystème fragile, d’ores et déjà confronté à des phénomènes de montée des eaux, à des scénarios bien pires que la tempête Xynthia, au recul du trait de côte que nous avons déjà bien du mal à gérer dans certains territoires, à une pression foncière extrêmement forte. Or nous devons développer dans notre pays de grandes capacités d’éolien maritime, qui nécessiteront elles aussi des transformateurs et des raccordements. Il est donc préférable de réserver le foncier littoral à la préservation de l’écosystème et au développement des énergies renouvelables marine plutôt que de le consommer pour du nucléaire.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai du respect pour ceux qui pensent différemment, et même de l’amitié pour ceux avec qui j’ai tant de combats à mener. Mais, je vous le dis avec fraternité, monsieur Caron, je vis à côté d’une centrale, mes mômes sont nés là-bas, je me baigne et je respire dans ces lieux. Nous ne sommes pas des ploucs, des benêts, des cons. Nous avons un niveau d’exigences sociales et environnementales à la hauteur de notre proximité de cette installation. Par ailleurs, qu’elle soit issue d’énergies renouvelables ou du nucléaire, l’électricité est un bien commun de première nécessité : nous en avons besoin pour vivre. J’en ai plein le dos d’entendre ceux qui n’auront jamais aucun moyen de production chez eux nous dire ce que nous devons faire chez nous ! (Applaudissements de plusieurs députés des groupes RE et LR.) Les dérogations à la loi « Littoral » accordées aux énergies renouvelables n’ont pas suscité les mêmes réactions… Il nous faut une énergie à bas coût, sous maîtrise publique, souveraine, dont la production est soumise à des contrôles exigeants. Le risque zéro n’existe pas. Soyons un peu pragmatiques et ne méprisons pas les habitants des territoires concernés !

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Je fais partie de ces habitants ! Moi aussi, j’ai vécu à côté d’une centrale !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Caron a dit quelque chose de très grave. Il a cité une étude de l’Inserm – une autorité publique, donc – qui indiquerait qu’on avait observé une augmentation des leucémies chez les enfants vivant à proximité des centrales nucléaires. Or cette étude de l’Inserm, que je viens de relire, dit exactement le contraire : « Aucune association significative n’a été observée entre le nombre de cas de leucémie recensé et la distance séparant le lieu de résidence et le site nucléaire […], que ce soit de manière globale ou en fonction de l’âge des enfants […], et le nombre attendu au niveau national, y compris en tenant compte des caractéristiques fonctionnelles du site ».

J’ajoute que Libération a fait un recensement de cette étude et interrogé la scientifique qui l’a dirigée. Le titre de l’article est éloquent : « L’Inserm révèle un excès de leucémies chez des enfants autour de centrales nucléaires. » Mais le sous‑titre précise : « Ses résultats ne permettent cependant pas d’établir de corrélation claire. » Dans le corps de l’article, la responsable de l’étude explique qu’il n’y a aucune corrélation, et l’on apprend la vérité : c’est le réseau Sortir du nucléaire qui affirme que la corrélation est « très claire » !

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Monsieur Tanguy, je fais référence au même article de Libération du 11 janvier 2012, dont le titre est « L’Inserm révèle un excès de leucémies chez des enfants autour de centrales nucléaires ». L’article nous invite à faire des recherches complémentaires pour essayer de prouver le lien de causalité, mais avez-vous bien entendu ce que j’ai dit ? J’ai dit qu’il y avait une inquiétude légitime chez les gens qui habitent à proximité d’une centrale lorsqu’un institut aussi sérieux que l’Inserm publie une telle étude.

Lorsque j’évoque la notion de risque, je ne cherche pas à faire peur, madame la rapporteure, mais à rappeler que de nombreux événements ont démontré la dangerosité, toujours actuelle, du nucléaire. Nous ne pouvons pas garantir la sécurité des Françaises et des Français, sachant qu’aucun d’entre nous ne vit à plus de 200 kilomètres d’une centrale. Cette question manque terriblement au grand débat que vous prétendez avoir mené dans le pays à ce sujet.

La commission rejette les amendements.

 

 

 

 

4.   Réunion du jeudi 2 mars à 21 heures 30

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, soumis à la procédure accélérée, relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaire à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes : 214 amendements restent en discussion.

 

Article 5 (suite) : Dérogations aux dispositions de la loi « Littoral » pour la construction de nouveaux réacteurs électronucléaires

 

Amendement CE437 de Mme Anna Pic.

M. Gérard Leseul (SOC). L’article 5 a pour objet de soustraire l’ensemble des constructions liées aux centrales nucléaires – constructions centrales et annexes, raccordements – aux dispositions de la loi « Littoral ». Nous avons précédemment examiné deux amendements de suppression.

Cet amendement pondéré vise à supprimer l’alinéa 1 qui traite des constructions centrales. Nous proposons ainsi de soustraire le cœur de la construction au régime dérogatoire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement se rapproche beaucoup des amendements de suppression CE8 et CE278. Nous avons expliqué que, compte tenu des contraintes urbanistiques en zone littorale, de telles dérogations étaient indispensables pour faciliter l’implantation de réacteurs nucléaires.

D’après votre exposé des motifs, l’EPR de Flamanville a pu se soumettre « sans difficulté particulière » aux dispositions de la loi « littoral » puisque le juge administratif a estimé que l’extension de la centrale ne la méconnaît pas. Pourtant, rien ne garantit que cette jurisprudence s’appliquera aux projets de réacteurs nucléaires puisque les appréciations des juges du fond pourront varier. Ensuite, l’absence de régime dérogatoire défini par la loi pourrait entraîner un grand nombre de recours et accroître l’insécurité juridique qui pèse sur les porteurs de projets.

Vous soutenez qu’il est essentiel que les projets de réacteurs nucléaires fassent l’objet d’une étude approfondie en matière de risques naturels liés au changement climatique. Nous partageons cette préoccupation : il y va de la sûreté des installations nucléaires. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et EDF ont insisté sur le fait que les installations nucléaires font et feront l’objet d’une démonstration de sûreté nucléaire robuste, qui doit protéger les sites contre les risques d’inondation externe comme interne ainsi que contre des conditions climatiques ou météorologiques extrêmes.

Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Avis défavorable. L’enjeu du texte est d’accélérer les procédures administratives liées à la construction des centrales nucléaires. Votre amendement s’y oppose.

M. Gérard Leseul (SOC). La question n’est pas là. L’article 5 traite séparément des différents éléments des centrales. Les amendements de suppression CE8 et CE278 étaient globaux ; l’amendement CE437, spécifique, fait référence à des centrales construites avant la loi « Littoral ». Si l’on peut concevoir que l’ensemble des constructions annexes dérogent à cette législation, il n’en va pas de même pour son cœur, que nous devons soustraire aux dérogations.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE634 de Mme Maud Bregeon, CE508 de M. Xavier Albertini et CE524 de M. Stéphane Travert.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Mon amendement vise à réintégrer les ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité dans le cadre du régime dérogatoire général applicable aux installations nucléaires : il n’y a pas lieu d’avoir des régimes différents pour les installations nucléaires de base et les ouvrages de raccordement.

L’amendement supprime l’obligation d’enfouissement des lignes électriques introduite par le Sénat : bien que l’impact visuel de ces lignes soit indéniable, les enterrer entraîne des contraintes colossales, compte tenu de la puissance à évacuer – 400 000 volts – et de la nécessité de passer du courant alternatif au courant continu. Ces obstacles techniques rendraient le projet extrêmement coûteux, sinon impossible.

M. Xavier Albertini (HOR). L’amendement CE508 vise à simplifier l’article et à renforcer sa portée, en revenant à la rédaction initiale du Gouvernement. Le texte du Sénat met l’accent sur des régimes procéduraux spécifiques en zone littorale et l’enfouissement des lignes électriques, qui représente une forte contrainte.

M. Stéphane Travert (RE). Cet amendement a pour objet de revenir au texte initial. Enfouir des lignes de 400 000 volts n’est pas réaliste, techniquement : en outre, cela revient à quintupler les coûts de raccordement des installations au réseau de transport d’électricité. Nous proposons de réintroduire les ouvrages de raccordement dans le champ de la dérogation à la loi « Littoral » prévue par l’article 5.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les autres amendements portant sur les alinéas 1,2,3 et 4 tombent.

 

Amendement CE322 de M. Jérémie Iordanoff.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de compléter l’article, qui ne s’applique pas aux installations côtières exposées à l’érosion et au risque de submersion marine dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, conformément aux travaux les plus récents reconnus par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Cet amendement de repli vise à interdire la construction de nouveaux réacteurs dans de telles installations. Le risque de submersion est réel : la fonte du « glacier de l’Apocalypse », notamment, fera mécaniquement monter le niveau de la mer. Les centrales construites aujourd’hui verront le jour dans quinze à vingt ans, alors que le réchauffement climatique aura progressé. Plutôt que d’avoir à les protéger par des digues, il faudrait éviter de les construire dans les régions concernées par l’érosion et la submersion marine.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Lors du choix de l’emplacement des installations, une démonstration de sûreté nucléaire est réalisée. Un site vulnérable aux risques d’inondation interne comme externe, y compris à la submersion marine, ne serait pas retenu. J’entends votre inquiétude mais ces démonstrations sont robustes et rigoureuses.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Mon avis est également défavorable. Tel qu’il est rédigé, l’amendement semble interdire de construire des installations nucléaires près de la mer. L’enjeu est plutôt de prévoir des modalités de construction et de localisation qui permettent de faire face à ce type de risque, comme à tous les autres.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Dans un communiqué du 6 juillet 2022, l’IRSN a publié les conclusions de travaux menés par une équipe de recherche franco‑québécoise, d’où il ressort que les estimations actuelles du risque d’inondation côtière présenteraient des biais. Compte tenu de l’intensification des événements climatiques extrêmes, le seuil d’estimation du risque calculé il y a vingt ans est dépassé, selon eux. Dans certaines stations, les données enregistrées ne s’étendent que sur trente ans alors qu’il convient d’estimer un niveau de surcote millénale.

Nos infrastructures ont donc été construites sur la base d’informations erronées. Il n’était pas possible de prévoir l’accélération et l’ampleur du réchauffement climatique. Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, on doit prendre en compte les faits scientifiques et les études nouvelles : tout n’a pas pu être déjà prévu.

Que vous répétiez le contraire ne nous rassure pas voire aggrave notre inquiétude. Vous devez intégrer les faits scientifiques nouveaux, non les balayer d’un revers de main.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les études de Réseau de transport d’électricité (RTE) portant sur les derniers rapports connus ne balaient pas de la main les études scientifiques. Quant à l’IRSN, il réalise ce travail de mise à jour. Vous venez donc d’utiliser l’argument qui montre que nos autorités de sûreté nucléaire et d’expertise tiennent compte des dernières avancées.

La dernière centrale nucléaire raccordée au réseau a été construite en 1987. Il faut reconnaître qu’à cette date, la granularité de nos données en matière de réchauffement climatique n’était pas la même qu’aujourd’hui.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 : Régime juridique applicable aux concessions d’utilisation du domaine public maritime

 

Amendement CE279 de M. Christophe Bex.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement vise à réécrire l’article 6 pour garantir que la concession d’utilisation du domaine public maritime nécessaire à la réalisation d’un projet de réacteur électronucléaire n’est délivrée que si l’installation projetée n’est pas située dans une zone inondable ou ayant subi des inondations ou des submersions marines.

Selon l’IRSN, les effets d’un glissement de terrain ou d’une inondation sur la sûreté des centrales peuvent être multiples et entraver le bon fonctionnement des installations. Outre qu’il peut être difficile, voire impossible, de se rendre sur l’installation concernée, des débris peuvent obstruer les prises d’eau nécessaires à son refroidissement. Or celui-ci est vital pour la sûreté, car la perte de la source froide peut entraîner la fusion du cœur du réacteur, donc un accident nucléaire. L’inondation des locaux peut également engendrer l’endommagement ou la perte d’équipements importants pour la sûreté.

Les dernières recherches scientifiques ont montré que les risques d’inondation sont plus élevés que ceux calculés précédemment pour les centrales côtières françaises, telles celles de Gravelines ou du Blayais.

La centrale du Blayais avait frôlé la catastrophe en 1999 : les vagues qui y étaient entrées avaient endommagé le système de refroidissement. D’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le trait de côte pourrait reculer de 290 mètres à 479 mètres en Gironde. La centrale pourrait donc avoir les pieds dans l’eau d’ici à 2050, alors qu’elle est candidate à la construction de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération. Dans ces conditions, il est inenvisageable d’accorder des concessions d’utilisation du domaine public maritime. Le président de l’ASN l’a dit, un accident nucléaire, en France, est possible.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous ne reviendrons pas sur tout ce qui est mis en place avant que l’emplacement des futurs EPR ne soit choisi – études de sûreté, études environnementales, études d’impact.

Personne ne démentira les propos du président de l’ASN. Le risque zéro n’existe pas, dans le nucléaire comme dans l’ensemble des industries. Il s’agit plutôt de maîtriser ce risque et de le diminuer autant que possible.

Le retour d’expérience après l’accident de Fukushima a contribué à établir des améliorations en matière de sûreté – le « noyau dur » – auxquelles l’ASN et l’IRSN ont largement contribué. Le dispositif prévoit des dispositions et des moyens matériels et humains visant à garantir qu’en cas d’événement extrême, le bâtiment du réacteur puisse être alimenté en eau, en air et en électricité, donc qu’un niveau de refroidissement et de pression satisfaisant soit maintenu pour éviter toute fusion, même partielle, du cœur.

Ces dispositions, déployées à partir de 2012, sont exigées dans les centrales dans le cadre de la quatrième visite décennale. On a largement tiré le retour d’expérience de l’accident de Fukushima : bien qu’ils aient vieilli, les réacteurs actuels sont plus sûrs qu’ils ne l’étaient il y a vingt ans. On leur a garanti un niveau de robustesse aux accidents climatiques qui figure parmi les meilleurs au monde.

Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). La centrale du Blayais, près de laquelle j’habite, est située à quarante-cinq kilomètres de l’embouchure de la Gironde, non sur le domaine public maritime – en ce sens, les modifications que votre collègue écologiste du Sénat a apportées avec l’alinéa 12 sont inopérantes.

En 1999, une entrée d’eau a inondé des installations de secours sans affecter la centrale dont le système principal a continué de fonctionner. Celle-ci s’est automatiquement mise à l’arrêt, ce qui l’a préservée. Après les travaux qui y ont été effectués, l’eau n’y entrerait que si la ville de Bordeaux était entièrement inondée : le site est sécurisé. Vous aurez peut-être l’occasion de le visiter pour vous renseigner sur le sujet.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Vous dites qu’il n’y aura pas d’accident. Nous ne partageons pas ces certitudes et vous laissons assumer cette responsabilité s’il devait y en avoir un.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE333 de Mme Lisa Belluco.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 1 qui introduit une dérogation à la protection du littoral. Les littoraux français constituent des paysages exceptionnels, qu’il convient de préserver et de protéger. Aucune nouvelle dérogation ne devrait permettre de les dégrader plus qu’ils ne le sont déjà.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE626 de Mme Bregeon, rapporteure.

 

Amendements CE396 de M. Grégoire de Fournas et CE367 de M. Xavier Albertini (discussion commune).

M. Grégoire de Fournas (RN). Une fois n’est pas coutume, je défends la version du Gouvernement : les dispositions introduites par le Sénat sont déjà prévues à l’article L. 2124 du code général de la propriété des personnes publiques. Il n’est pas nécessaire d’alourdir le texte et d’entraver l’accélération du nucléaire.

M. Xavier Albertini (HOR). Nous souhaitons aussi revenir à la version initiale du texte et supprimer les alinéas 3 à 11 qui ont été ajoutés par le Sénat.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Monsieur de Fournas, votre amendement CE396 fait plus que revenir à la version initiale du Gouvernement puisqu’il supprime le cahier des charges : la liste détaillée introduite par le Sénat n’a pas lieu d’être mais un encadrement doit subsister. Je vous propose de le retirer au profit de l’amendement CE367 auquel je suis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement CE396 reprend les mêmes éléments que l’amendement CE367 mais supprime une phrase qui figurait dans la rédaction initiale. Je suggère également qu’il soit retiré au profit du second.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je retire mon amendement. S’agissant de l’alinéa 12, je souligne avec Edwige Diaz, députée de Haute-Gironde, la nécessité que Le Blayais accueille deux EPR supplémentaires. Le bassin en a besoin, le site est adapté et tous les problèmes soulevés ont été réglés.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’article apporte non des contraintes mais des garanties pour la construction de nouveaux réacteurs. Sur ces questions, le Gouvernement se trouve dans une idylle avec le Rassemblement national. Or le nucléaire n’est pas une technologie comme une autre. On distribue des comprimés d’iode stable dans un rayon de vingt kilomètres autour des centrales – lors de son audition, le président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) a affirmé que la dernière campagne n’a permis de toucher que 25 % des personnes qui auraient pu y prétendre. Une telle distribution n’est pas nécessaire autour des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques…

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à ces amendements.

L’amendement CE396 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE367.

En conséquence, tous les amendements portant sur les alinéas 3 à 11 tombent.

 

Amendements identiques CE203 de M. Jean-Pierre Vigier, CE366 de M. Xavier Albertini, CE424 de M. Grégoire de Fournas, CE521 de M. Thomas Cazenave et CE532 de Mme Louise Morel.

M. Xavier Albertini (HOR). Mon amendement supprime l’alinéa 12, dont l’objet est déjà satisfait.

M. Stéphane Travert (RE). L’amendement de Thomas Cazenave, élu de Gironde, vise à modifier l’ajout du Sénat portant sur les modalités de délivrance de la concession d’utilisation du domaine public maritime. En interdisant toute implantation d’installation dans une zone inondable, sans prendre en compte les mesures de sûreté et les garde-fous introduits pour protéger les installations de ce risque, ses dispositions empêchent toute implantation d’installation nucléaire en zone littorale, ce qui est contraire à l’ambition du projet de loi. La question se pose dans le Blayais comme dans d’autres endroits du territoire.

Mme Louise Morel (Dem). L’amendement CE532 vise à revenir sur une disposition selon laquelle la concession d’utilisation du domaine public maritime ne peut être délivrée que si l’installation nucléaire n’est pas située dans une zone inondable. Or une centrale nucléaire a besoin d’être proche de l’eau, donc du rivage ou d’un cours d’eau afin d’alimenter son circuit de refroidissement. Afin de rendre l’article plus cohérent, le groupe Démocrate propose de supprimer l’alinéa 12.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Favorable.

M. Pascal Lavergne (RE). Je me rallie à l’amendement déposé par différents collègues de la majorité, élus de la Gironde. La suppression de l’alinéa 12 est importante pour la centrale du Blayais.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’unisson semble se faire sur un certain climato-négationnisme. (Protestations.) La rédaction du Sénat est issue d’un amendement de Monique de Marco, qui, elle aussi, connaît bien la centrale du Blayais. S’il faut des centrales à proximité de l’eau, on ne veut pas de centrales flottant sur l’eau – notre collègue M. Bothorel a demandé si des projets de recherche existaient en la matière. Vous ne pouvez pas ignorer l’existence des submersions marines. L’alinéa expose clairement ces risques.

Vous en proposez la suppression, avec le Rassemblement national qui, en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, proposait d’installer des récupérateurs de pluie en vue de refroidir les réacteurs ! En outre, avec l’IRSN, vous voulez supprimer celles et ceux qui, sur ces sujets, font de la recherche approfondie sur la longue durée. On peut avoir des doutes quant à la solidité de vos propositions.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. J’entends que nous puissions avoir des désaccords. Vous posez des questions ; nous y répondons. Vous n’êtes pas convaincue – c’est votre liberté. En revanche, nous accuser de climato-négationnisme n’est pas à la hauteur des débats. C’est faux, et vous le savez. Ce n’est pas notre faute si vous manquez d’arguments. De telles attitudes sont déplorables !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est pas nous qui validerons le dossier, ce sont l’ASN et l’IRSN. Les amendements que j’ai déposés permettent justement à l’ASN d’être confortée par les compétences de l’IRSN. Vous ne les avez manifestement pas lus.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Au contraire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous dites donc que l’ASN et l’IRSN font mal leur travail, puisque ce sont eux qui produisent les rapports et prennent les décisions – c’est la limite de votre raisonnement. Ayons de la considération pour le travail que réalisent les autorités de contrôle et d’expertise. Lisez leurs rapports et leurs expertises : vous constaterez la profondeur de leur travail.

La commission adopte les amendements.

 

Elle adopte l’article 6 modifié.

 

Après l’article 6

 

Amendements CE157 et CE158 de Mme Julie Laernoes (discussion commune).

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Puisque vous ne croyez pas au risque de submersion, peut-être croirez-vous au risque sismique…

Le 11 novembre 2019, un séisme de magnitude 5,4 a été enregistré près de Montélimar. Bien qu’aucun dégât n’ait été constaté sur les bâtiments, les réacteurs de la centrale de Cruas-Meysse ont été mis à l’arrêt afin de procéder à un examen – les alarmes des cinq réacteurs s’étant déclenchées en raison du dépassement du seuil vibratoire sismique.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’ASN prennent très au sérieux le risque sismique en appliquant une réglementation stricte. Pourtant, le séisme enregistré à Cruas-Meysse dépassait les scénarios les plus pessimistes. La référence de sécurité pour ce site avait été fixée à une magnitude maximale de 5,2 – et elle intégrait une marge de sécurité.

L’amendement CE157 prévoit d’exclure l’application des mesures prévues par le titre Ier de ce projet de loi dans les zones de sismicité définies conformément à l’article L. 563‑1 du code de l’environnement.

L’amendement CE158 est de repli. Le risque sismique est loin d’être négligeable en France. Le groupe Écologiste-NUPES propose donc de prendre des mesures de précaution en excluant tout projet de construction de réacteur nucléaire dans les zones sismiques les plus à risque.

On peut minimiser la question de la sûreté nucléaire, mais on ne peut pas jouer avec le nucléaire.

À cet égard, le démantèlement de l’IRSN nous inquiète fortement, car cet institut fait un travail essentiel. Pourquoi ne pas attendre, afin de prendre en compte les préconisations qui figureront dans son étude à paraître début avril sur les effets du réchauffement climatique – peut-être disposez-vous déjà de ses conclusions, Madame la ministre ?

Nous ne sommes pas rassurés par les annonces précipitées qui ébranlent notre système de sûreté au moment où l’on en a le plus besoin. Face à des événements climatiques dont on sait qu’ils vont intervenir mais dont a encore du mal à mesurer l’ampleur, il faut maintenir une recherche approfondie.

Il faut que la loi protège des risques du nucléaire. L’accident nucléaire ne se produira pas pendant votre mandat ; vous n’en porterez donc pas la responsabilité immédiate. Mais c’est irresponsable pour les générations futures. Je vous demande donc de prendre toutes les précautions nécessaires. Si vous voulez relancer le nucléaire, faites-le au moins de manière sûre.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je tiens à vous rassurer : la ministre et moi-même n’avons jamais pensé qu’EDF exploitait des usines de chocolat. Nous sommes bien conscientes de ce qu’est une centrale nucléaire.

Le pilotage de la sûreté en France est extrêmement robuste, grâce tout d’abord au travail réalisé par l’ASN, avec l’appui de l’IRSN. Et, quoi qu’il arrive, l’ASN continuera à bénéficier de l’expertise technique des personnels de cet institut. En outre – et je passe sur les organismes internationaux qui suivent de près la question –, il existe une filière de sûreté au sein du groupe EDF pour l’ensemble du parc nucléaire. De plus, chaque centrale compte une filière de sûreté, au sein desquelles des ingénieurs de sûreté, qui ne dépendent pas des chefs d’exploitation, effectuent des contrôles.

Le risque sismique a été intégralement pris en compte à la suite de l’accident de Fukushima. Tous les systèmes de secours qui ont été ajoutés – comme les moteurs diesel d’ultime secours – ont été qualifiés pour faire face aux risques sismiques et d’inondation.

On peut toujours chercher à atteindre le risque zéro, mais celui-ci n’existe pour aucune technologie. Nous disposons d’un parc nucléaire parmi les plus sûrs du monde, et nous pouvons en être fiers.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce projet de loi ne change pas une virgule des procédures de contrôle et de sûreté nucléaire. Vous confondez les procédures de contrôle et les autorités de contrôle et de sûreté nucléaire. Le niveau d’excellence des procédures reste inchangé.

Vous avez estimé précédemment que la baisse du niveau de production d’électricité nucléaire en 2022 mettait en évidence une forme de fragilité. Or, si cette production est au plus bas, c’est précisément parce que nous avons fait collectivement le choix de la sûreté. Dans le cadre de la visite décennale, la sûreté des centrales a été mise à niveau en intégrant tous les enseignements de Fukushima, dont le risque de submersion marine. De plus, nous n’avons fait aucun compromis au sujet de la corrosion sous contrainte.

Les faits et le contenu de ce projet de loi vous donnent tort.

Je vous propose de parler du texte, plutôt que de laisser planer une forme de doute, désagréable pour les responsables que nous sommes. Nous prenons des décisions pour donner de l’électricité aux Français, lutter contre le réchauffement climatique et être responsables vis-à-vis des générations futures.

La sûreté et la sécurité sont analysées dans toutes leurs dimensions et de manière continue par des personnes qui sont plus compétentes que nous. Ce projet de loi traite de l’accélération des procédures et nous prendrons les décisions en respectant l’avis de ces experts.

Avis défavorable.

M. Pascal Lavergne (RE). Puisque ces amendements sont lunaires au regard du sérieux du texte présenté par le Gouvernement, je voudrais savoir, Madame la ministre, si vous avez étudié la trajectoire de la météorite qui doit s’abattre sur la centrale de Flamanville le 28 août 2067 ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’ai mentionné des événements qui ont eu lieu et dont le niveau a excédé les prévisions faites par l’ASN et l’IRSN. Il est donc nécessaire de poursuivre des recherches approfondies sur les risques – ce que fait l’IRSN.

Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, je ne comprends pas comment on peut être contre le fait de prendre en compte la réalité dans le cadre de la construction des nouveaux EPR prévus avec la relance du nucléaire. Les centrales ne produisent pas en effet du chocolat. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas badiner.

Alors que l’accélération du réchauffement climatique est plus rapide que prévu, il est essentiel de laisser l’IRSN mener son travail sur le long terme et ne pas simplement avoir à répondre aux injonctions de l’ASN, qui doit prendre des décisions de court terme.

Vos propos ne sont pas rassurants et relèvent d’une certaine forme d’irresponsabilité.

M. le président Guillaume Kasbarian. Comme la remarque de M. Lavergne était une boutade, je laisse la parole à M. Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les préoccupations de nos collègues écologistes au sujet de la sécurité et la sûreté ne sont pas lunaires ; elles sont légitimes et les prendre en compte est une impérieuse nécessité.

Je suis d’accord avec l’idée selon laquelle la France dispose encore, d’une certaine manière, de l’un des modèles de contrôle indépendant les plus sûrs. C’est une raison supplémentaire pour ne pas le déstabiliser et pour conserver l’expertise croisée de l’IRSN et de l’ASN.

Lorsque la logique comptable et financière d’actionnaires s’empare de la politique nucléaire, ce n’est pas bon pour la sûreté. Cette logique comptable est d’ailleurs à l’œuvre en ce qui concerne l’IRSN, qui a perdu 11 % de ses crédits – ce qui réduit les capacités d’expertise.

Même si mon propos est moins alarmant que celui de nos collègues écologistes, il ne faut pas détériorer la relation entre l’IRSN et l’ASN.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE83 de Mme Marie Pochon.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Être désobligeant, insulter et minorer les propos des adversaires politiques sans pour autant étayer ses propres dires par un argument scientifiquement prouvé ne contribue pas à élever le débat.

Monsieur le président, vous avez qualifié les propos de M. Lavergne de « boutade ». Ce n’est pas davantage à la hauteur.

M. le président Guillaume Kasbarian. Bienvenue dans cette commission, Madame Regol… Je ne vous laisserai pas la transformer en ZAD. Je n’ai pas de leçon de morale à recevoir.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous non plus !

M. le président Guillaume Kasbarian. J’ai parlé de « boutade » sans vous faire de remarque.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Retirez vos propos !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). On parle de sûreté nucléaire et vous faites les guignols !

M. le président Guillaume Kasbarian. Madame Regol, souhaitez-vous défendre l’amendement ?

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Oui, si vous me laissez le micro !

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Les propos de M. Lavergne étaient une provocation, pas une boutade !

 

Suspendue à vingt-deux heures vingt, la réunion reprend à vingt-deux heures vingtcinq.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Jusqu’à présent, nous avions réussi à bien travailler, plutôt dans le calme et la bonne humeur. Je vous propose de continuer sur cette lancée.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Une centrale nucléaire a besoin en permanence d’une grande quantité d’eau pour refroidir ses réacteurs – c’est sans doute aussi complètement lunaire... C’est la raison pour laquelle quasiment toutes les centrales sont installées à proximité immédiate d’un cours d’eau ou de la mer – cette réflexion manque probablement d’arguments scientifiques…

À cet égard, le changement climatique en cours présente un double enjeu. D’une part, les quantités d’eau nécessaires ne pourront pas être mobilisées en période de sécheresse. D’autre part, la température élevée de l’eau rejetée par les centrales n’est pas sans conséquences pour la faune, la flore et l’équilibre physique et biologique des cours d’eau ou de la mer – cela gêne peut-être certains collègues que j’aie le droit de m’exprimer sur ce point. Certains réacteurs ont déjà dû être mis à l’arrêt pour éviter de perturber les écosystèmes et permettre un partage équitable de l’eau, notamment pour les usages agricoles – ce qui n’est pas anecdotique.

La Compagnie nationale du Rhône (CNR) a annoncé que le réchauffement climatique aura pour conséquence une baisse du débit de ce fleuve d’au moins 30 % à l’horizon 2050. Cela montre que les choix énergétiques pour demain doivent prendre en compte la question de l’approvisionnement en eau et celle des bouleversements climatiques – mais c’est sans doute encore une fois lunaire.

Par-delà les événements climatiques extrêmes, la montée du niveau de la mer liée au changement climatique est un problème pour la sûreté des centrales nucléaires – le dire est peut‑être climato-négationniste. Phénomène moins spectaculaire mais tout aussi problématique, les méduses prolifèrent en raison du réchauffement des océans et cela peut entraîner l’arrêt des réacteurs, car elles obstruent les filtres à eau de refroidissement. Peut-être n’est-ce pas assez factuel pour mes collègues.

Le monde entier est affecté par le réchauffement climatique, qui pourrait s’amplifier à l’avenir.

Face à ces aléas, le nucléaire est loin d’être aussi maîtrisable qu’on voudrait nous le faire croire – mais peut-être n’est-il pas de bon ton d’en parler.

C’est la raison pour laquelle cet amendement demande que le Gouvernement remette un rapport au Parlement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Mon intervention a vocation à contribuer à la sérénité de nos débats.

Tout parlementaire dispose de la légitimité pour y participer, qu’il soit membre ou non de cette commission. J’ai moi-même pris part aux discussions sur la réforme des retraites au sein de la commission des affaires sociales, dont je ne suis pas membre – et je vous assure que je n’ai pas épargné sa présidente. Mais j’ai joué mon rôle d’opposant dans le respect.

Il est bon pour la démocratie que nos collègues Écologistes et de La France insoumise expriment un avis différent de celui de la majorité – et quelquefois aussi du mien – sur la question essentielle de l’avenir énergétique de la France. On doit pouvoir échanger des arguments pour trouver le meilleur chemin sans se caricaturer.

M. le président Guillaume Kasbarian. Chaque député a une part de la légitimité populaire et dispose de la liberté de parole. Je m’attache à donner exactement le même temps de parole à chacun, qu’il soit membre ou pas de cette commission. J’essaie de toujours garder un équilibre entre les « pour » et les « contre », dans le strict respect des opinions de chacun. Mon rôle est de donner équitablement la parole, pour permettre que l’expression soit libre dans cette commission. Cela s’est toujours bien passé et je n’avais jamais été contraint jusqu’à présent de suspendre une réunion. Il est surprenant d’entendre que je ne joue pas mon rôle de président. Si certains veulent effectuer des réclamations, qu’ils le fassent. Je fais de mon mieux, de la manière la plus juste possible et dans le calme.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je soutiens cet amendement. Encore une fois, on peut comprendre le souhait de développer le nucléaire le plus vite possible. Nous y sommes opposés par principe, mais nous devrions pouvoir nous retrouver sur l’exigence de sûreté. Les questions de l’approvisionnement en eau, de la submersion marine et des risques sismiques n’ont pas été évoquées simplement par coquetterie ou de manière partisane. S’il y avait un accident nucléaire, les conséquences en seraient dramatiques. Bien évidemment, nous nous demandons tous comment éviter une telle situation, mais nous ne sommes pas convaincus par les réponses que vous apportez. C’est la raison pour laquelle nous demandons que davantage de précautions soient prises.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 7 : Faculté d’appliquer la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate pour la construction de réacteurs électronucléaires

 

Amendements de suppression CE9 de Mme Julie Laernoes, CE283 de M. Aymeric Caron et CE412 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à supprimer l’article 7, qui autorise des mesures d’expropriation avec prise de possession immédiate pour les projets de réacteurs nucléaires reconnus d’utilité publique. Mon groupe considère que cette dérogation pour acquérir de manière forcée certaines propriétés privées est disproportionnée et injustifiée.

Du fait de l’absence de précisions dans ce projet de loi en ce qui concerne les superficies concernées, la localisation et le nombre de nouveaux réacteurs nucléaires – quatorze ou six ? – la prise de possession immédiate par l’exploitant peut conduire à de véritables excès.

Il convient également de rappeler que ce ne sont pas les procédures administratives ou contentieuses engagées contre les décisions prises qui sont à l’origine de l’important retard de construction des réacteurs nucléaires, mais bien les défaillances techniques de la filière. On aurait dû porter l’effort sur ce point, plutôt que d’organiser des expropriations.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Mon argumentation est identique. Tout a déjà été dit.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’article 7 prévoit d’appliquer les procédures d’expropriation non seulement aux immeubles non bâtis mais également aux immeubles bâtis, sans faire de distinction entre un entrepôt et une résidence principale. Cela nous paraît excessif.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Cette procédure existe déjà dans notre droit. Elle a été prévue pour la réalisation de certains travaux liés aux Jeux olympiques et paralympiques (JO) ou pour la réalisation de l’itinéraire routier qui dessert le réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter), à Cadarache. Pour ce dernier site, il n’a finalement pas été nécessaire de recourir à la procédure d’expropriation.

L’article 7 permet d’agir plus rapidement, mais des garanties sont apportées car la procédure d’expropriation porte atteinte au droit constitutionnel de propriété. Une indemnité provisionnelle est notamment versée avant la prise de possession.

Il s’agit d’une procédure qui ne s’appliquera que si les discussions à l’amiable ont échoué.

Seuls les sites envisagés à Bugey ou à Tricastin pourraient nécessiter des expropriations. Les emprises concernées sont constituées pour l’essentiel par du foncier industriel, qui appartient à Orano ou à des exploitants de carrières, et non à des particuliers.

L’objectif n’est vraiment pas de porter atteinte au droit de propriété – notre majorité a bien démontré qu’elle y était très attachée. Mais nous avons besoin de cette faculté en dernier recours.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Il s’agit en réalité d’une procédure habituelle lorsque l’on veut engager des travaux extraordinaires.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Notre collègue Louise Morel a présenté précédemment un amendement à propos de la « circulaire Borloo », qui limite les constructions à proximité des sites nucléaires.

On ne sait pas où seront installés les nouveaux réacteurs. On nous dit que ce projet de loi aura des effets durant les vingt prochaines années. Cela signifie que des particuliers en train d’acquérir un terrain ou des collectivités qui ont des projets d’intérêt général – comme la construction d’une école – pourraient subir une expropriation dans quinze ans en raison de l’installation d’un réacteur nucléaire.

Il ne faut pas confondre accélération et précipitation.

Comme nous l’avons répété, ce projet de loi entretient le flou sur la localisation exacte des futurs sites nucléaires. Nous vous avons proposé de préciser les périmètres concernés, mais vous l’avez refusé. Votre texte prévoit une utilisation excessive du droit d’expropriation. Il s’agit certes de projets d’intérêt général, mais le champ d’application est tellement flou que cela peut concerner beaucoup de personnes.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement rédactionnel CE567 du Gouvernement.

 

Amendement CE280 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement propose de supprimer le caractère immédiat de la prise de possession par le bénéficiaire de la déclaration d’utilité publique.

La référence aux Jeux olympiques ne nous incite pas à penser qu’il est plus légitime de procéder à des expropriations pour construire un réacteur nucléaire que pour organiser des compétitions sportives.

L’amendement CE282, qui sera discuté un peu plus loin, prévoit quant à lui que l’expropriation avec prise de possession immédiate ne peut prendre effet que dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret qui la prévoit.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous avons vraiment besoin de prévoir cette procédure, pour éviter qu’un chantier se trouve bloqué en raison d’une difficulté liée à une expropriation.

Nous déplorons tous les retards du chantier de l’EPR. Personne ne considère que ce projet a été mené dans des conditions satisfaisantes, tant en ce qui concerne le respect du calendrier que du devis. Des leçons ont été tirées par les pouvoirs publics, par l’exploitant et, plus largement, par la filière.

Nous voulons accélérer la construction des réacteurs en projet et le Conseil d’État n’a rien trouvé à redire à cet article, qui présente toutes les garanties nécessaires.

Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable.

Le Conseil d’État a analysé cet article avec précision, et il est bien placé pour savoir ce qu’est une décision proportionnée.

Nous considérons que les réacteurs nucléaires sont essentiels pour la Nation, pour son indépendance et pour lutter contre le réchauffement climatique. Cela explique pourquoi nous avons recours à ce dispositif.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il est classique qu’un projet d’intérêt général conduit par une collectivité publique bénéficie d’une déclaration d’utilité publique afin de permettre une expropriation.

Cette procédure est très encadrée et préserve les intérêts du propriétaire grâce à une indemnisation, voire avec l’obligation pour la collectivité bénéficiaire de reconstituer une propriété agricole équivalente – c’est le cas dans ma circonscription avec la construction d’un hôpital sur des terres agricoles. Les municipalités ont également recours à la déclaration d’utilité publique pour réaliser des projets d’aménagement.

Il n’est pas absurde de donner à la puissance publique les outils nécessaires pour faire aboutir des projets en matière énergétique, qu’il s’agisse du nucléaire ou des énergies renouvelables. Sans cela, rien ne se ferait. Peut-être l’objectif de l’amendement est-il de créer les conditions pour bloquer tout projet.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Pour répondre à mon collègue Jumel, je rappelle que le premier amendement que j’ai défendu propose de supprimer le caractère immédiat de l’expropriation, tandis que le second prévoit que cette dernière ne peut intervenir avant un délai de trois ans.

La fatigue aidant, Mme la rapporteure n’a peut-être pas lu la bonne réponse puisqu’elle a parlé des retards de l’EPR de Flamanville. Sauf erreur de ma part, aucun problème d’expropriation ne les explique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE413 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement de repli propose que le dispositif d’expropriation ne s’applique qu’aux immeubles non bâtis.

Vous avez indiqué que le dispositif que vous proposez ne comporte pas de différence avec la législation en vigueur. Mais celle-ci ne porte que sur les immeubles non bâtis, et pas sur les immeubles bâtis. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les sénateurs ont ajouté un I bis à l’article 7 – ce qui n’est pas suffisant selon nous.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’objectif est évidemment d’éviter d’en arriver à l’expropriation. Mais, comme l’a souligné notre collègue Jumel, nous avons besoin d’outils juridiques en cas d’absolue nécessité pour mener les projets à bien. Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé que la mesure proposée était proportionnée aux objectifs visés.

Je comprends votre réticence, car personne n’a envie de devoir recourir à des expropriations. Mais il s’agit d’un projet industriel majeur pour notre souveraineté énergétique et pour le climat. Si l’on compare les avantages aux inconvénients, la mesure est justifiée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce projet de loi a pour but de répondre à l’objectif de neutralité carbone en 2050. Le caractère majeur de ce dernier suppose de prendre des mesures d’exception, classiques au demeurant.

M. Laisney a fait part de son avis controversé sur les Jeux olympiques. On peut penser que la lutte contre le réchauffement climatique est principielle, et c’est la position que nous défendons.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’entends bien, mais ne dites pas qu’il s’agit de l’application de la législation existante, puisque ce que vous proposez va plus loin.

Votre dispositif s’applique en outre non seulement aux éléments à proximité immédiate du réacteur, mais aussi à des annexes – y compris des parkings.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Ce que je veux dire, c’est qu’une procédure similaire a déjà été utilisée pour aider à réaliser d’autres grands projets.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Seulement pour le non-bâti.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Non.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE583 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement vise à garantir la faisabilité globale du projet de réacteur nucléaire. Il convient donc d’ajouter, en complément du réacteur électronucléaire lui-même, les installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de sa réalisation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Après avoir autorisé le contournement de la consultation du public à l’article 4 et diminué les possibilités de recours à l’article 3, vous facilitez les expropriations. Toutes ces dérogations sont à nos yeux excessives et injustifiées.

Notre amendement de repli CE281, qui va tomber, visait à limiter le recours à la procédure d’expropriation dérogatoire aux seules constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires. Il reprenait en cela les recommandations du Conseil national de la transition écologique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE281 de Mme Anne Stambach-Terrenoir tombe.

 

Suivant les avis de la rapporteure, successivement, la commission adopte les amendements CE569, rédactionnel, et CE570, de clarification, du Gouvernement et rejette l’amendement CE282 de Mme Aurélie Trouvé.

 

Elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

 

Amendement CE345 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Une fois la procédure administrative achevée, le démarrage du chantier reste entravé par un dernier obstacle tout à fait légitime : le code du travail.

Tout chantier doit disposer d’aménagements destinés à assurer la sécurité ainsi que le confort sanitaire et alimentaire des ouvriers tels que les bases vie. Or l’installation de ces modules empiète souvent sur le domaine public, ce qui requiert une autorisation temporaire d’occupation du domaine public. Les délais de délivrance de cette autorisation varient de quinze jours à deux mois. Afin de lever d’inutiles incertitudes qui pèsent sur un chantier, il est proposé de fixer à vingt jours le délai maximal. Le temps pour redresser notre parc nucléaire est compté.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement vise deux chapitres du code du travail qui ne comportent que des dispositions réglementaires, ce qui lui ôte toute valeur législative.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. EDF m’a confirmé qu’il n’avait pas besoin d’une telle modification. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). On ne peut pas laisser dire par une députée du Rassemblement national que le code du travail est une entrave. Mes partenaires de la NUPES en conviendront, le code du travail n’est jamais une entrave si ce n’est une entrave à l’exploitation des travailleurs. Voilà pourquoi l’extrême droite ne l’a jamais aimé et pourquoi nous le défendrons toujours.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 7 bis : Pouvoirs de régularisation accordés au juge administratif pour le contentieux afférent aux procédures appliquées aux projets de constructions de réacteurs électronucléaires

 

Amendements de suppression CE284 de M. Maxime Laisney et CE334 de Mme Lisa Belluco.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’article 7 bis a pour objet d’accélérer les procédures contentieuses, ce qui aurait pour effet de rendre plus difficiles les recours contre les projets de construction entachés d’illégalité ou d’irrégularités.

Nous ne parlons pas d’usine de chocolat, comme aime à le dire la rapporteure, donc nous ne pouvons pas tolérer des défaillances dans les dossiers ni une restriction des recours. Cet article, comme le précédent, traduit votre volonté de passer en force. Nous nous opposons à ce véritable rouleau compresseur.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il est essentiel de supprimer cet article dont l’objectif est de réaliser les projets coûte que coûte, quitte à s’affranchir du droit.

Ainsi, si une partie du projet venait à être annulée par la justice, il serait toujours possible de continuer les travaux sur la partie non concernée par la décision. En d’autres termes, quelles que soient les décisions de justice, le projet ne pourra ni être remis en cause ni arrêté. C’est un peu abracadabrant et risqué.

Il me semble plus prudent, y compris pour l’industriel qui investit, de ne pas tordre le droit et la justice, donc de renoncer à une telle hérésie en supprimant l’article.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’article ne porte pas atteinte au droit de recours. Il permet au juge, plutôt que d’annuler l’acte, de le régulariser.

C’est un outil dont nous avons besoin pour mener les projets de construction. En outre, il est le pendant des dispositions adoptées en matière d’énergies renouvelables que vous avez soutenues. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La procédure n’a rien d’extraordinaire puisqu’elle est déjà prévue par l’article L. 181-18 du code de l’environnement.

Contrairement à ce que vous laissez croire, l’article concerne les situations dans lesquelles le problème juridique ne porte pas sur un élément fondamental du projet. Si c’était le cas, le juge ne le laisserait pas passer.

Pour lutter contre le réchauffement climatique, nous menons une politique de transition énergétique crédible et pragmatique en levant les freins liés à des erreurs procédurales – tous les élus ont connu ce genre de situations – sans jamais remettre en cause le droit de l’environnement ou de la sûreté.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). D’abord, il s’agit exactement du même dispositif que celui qui s’applique aux énergies renouvelables. Ensuite, aucun texte ne peut priver le juge de son pouvoir d’appréciation à moins d’encourir l’inconstitutionnalité. Celui-ci conserve la possibilité de ne pas régulariser si le dossier ne s’y prête pas.

Madame la ministre, je vous encourage à veiller à ce que les maires continuent à garder la main sur l’aménagement du territoire, y compris pour les chantiers de cette nature.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le législateur peut choisir de ne pas étendre à de nouveaux domaines une législation existante.

Le nouveau programme nucléaire ne nous aidera pas à diminuer notre consommation d’énergies fossiles pour atteindre nos objectifs en matière de climat puisque le premier réacteur, s’il y parvient, ne verra pas le jour avant 2035. Vous répétez à l’envi que le nucléaire est la solution pour lutter contre le réchauffement climatique, mais c’est faux. Je vous invite à changer de discours pour justifier la relance du nucléaire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le premier réacteur devrait fonctionner à partir de 2035, soit quinze ans avant l’horizon fixé pour la réalisation des objectifs et nous ne comptons pas redémarrer les centrales à charbon en 2051. Nous sommes engagés dans une lutte continue contre le réchauffement climatique. Lorsque les centrales actuelles arriveront en fin de vie, il faudra bien remplacer leur puissance électrique sur le réseau.

Oui, la relance du nucléaire est un élément fondamental de la lutte contre le réchauffement climatique. Cette vision vous heurte mais c’est celle que défendent le GIEC, le Haut Conseil pour le climat ainsi que de nombreux experts.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant les avis de la rapporteure, la commission adopte successivement l’amendement de clarification CE563 du Gouvernement et le sous-amendement rédactionnel CE671 de Mme Maud Bregeon, ainsi que les amendements du Gouvernement CE615 rectifié et CE616 rectifié, de coordination avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, et CE617 rectifié, de simplification.

 

Elle adopte l’article 7 bis modifié.

 

Après l’article 7 bis

 

Amendement CE207 de M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jérôme Nury (LR). La raréfaction de la ressource en eau invite à privilégier les technologies les moins « aquavores ». L’amendement vise donc à rendre presque obligatoire le recours au refroidissement en circuit fermé, le choix du circuit ouvert n’étant autorisé que sur dérogation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Sauf erreur de ma part, le circuit ouvert est moins consommateur d’eau que le circuit fermé. Ce dernier restitue 60 % de l’eau qu’il prélève contre la quasi-totalité pour le premier.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans un circuit ouvert, l’eau est rejetée dans la mer et il n’y a pas d’évaporation. En circuit fermé, la déperdition est plus grande.

En imposant cette contrainte, vous préemptez la nature de l’installation donc sa localisation. Or nous avons choisi de proposer d’implanter les nouveaux réacteurs dans des zones qui en ont déjà accueilli ou à proximité. Cela conditionne la nature du circuit de refroidissement. Nous ne souhaitons pas limiter le champ des possibles sur ce point d’autant que de nombreux critères notamment liés à la sécurité et la sûreté seront déjà pris en considération pour le choix des sites.

Je vous invite donc à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

 

Article 7 ter : Rapport au Parlement sur la mutualisation au niveau national des recettes fiscales liées au foncier des nouveaux réacteurs électronucléaires

 

Amendements de suppression CE579 du Gouvernement, CE378 de Mme Florence Goulet et CE522 de M. Bastien Marchive.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de supprimer l’article 7 ter qui prévoit un rapport sur l’opportunité de mutualiser au niveau national les recettes fiscales liées au foncier des nouvelles centrales nucléaires.

Mme Florence Goulet (RN). La mutualisation des recettes fiscales ne saurait être envisagée au niveau national. Elle doit être réservée aux communes couvertes par un plan particulier d’intervention (PPI) sinon l’État reprendrait d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mme la rapporteure a évoqué une ferme aux crocodiles. Sachez qu’il en existe aussi une à Pierrelatte, à proximité de la centrale du Tricastin. Y a-t-il une corrélation entre les recettes fiscales issues des centrales et l’installation des fermes aux crocodiles ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il semble qu’il y ait une corrélation, mais d’une autre nature : la chaleur dégagée par la centrale sert à chauffer partiellement la serre aux crocodiles.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 7 ter est supprimé.

Après l’article 7 ter

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE489 de M. Nicolas Meizonnet.

 

Article 8 : Modalité d’application du titre Ier du projet de loi

 

Amendement de suppression CE285 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). En vertu de l’article 8, un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du titre Ier. Par principe, nous sommes opposés au dessaisissement de la Représentation nationale. Nous demandons donc la suppression de l’article.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Il est habituel qu’un décret précise les dispositions adoptées par le Parlement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Vous n’êtes pas dessaisis puisqu’il s’agit non pas d’une ordonnance mais de dispositions réglementaires prises dans le respect de la loi que vous aurez votée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE414 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il s’agit de soumettre le décret d’application du titre Ier à la participation du public, sous l’égide de la CNDP, conformément à l’article 7 de la charte de l’environnement.

Faire l’économie du débat public ou vouloir le contourner affaiblit nécessairement la confiance de nos concitoyens. C’est souvent contre-productif.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La participation du public est déjà prévue. En outre, la saisine de la CNDP est obligatoire pour toute nouvelle construction de réacteurs. Enfin, M. Jumel et moi remettrons un rapport d’application six mois après l’entrée en vigueur de la loi qui fera le point sur les décrets pris. Il ne semble donc pas nécessaire de saisir la CNDP une nouvelle fois.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement porte sur le projet de décret prévu à l’article 8.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 8 non modifié.

 

Après l’article 8

 

Amendement CE53 de M. Julien Bayou.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement a pour objet de conditionner l’entrée en vigueur de la loi à la mise en service du réacteur de Flamanville. Avant de relancer le nucléaire, il faut s’assurer que le dernier réacteur construit peut fonctionner. Au vu des déboires qu’il a connus – 10 milliards d’euros de dépassement et douze ans de retard –, il n’est pas déraisonnable d’attendre avant de lancer de nouveaux projets faramineux.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il existe des EPR qui fonctionnent dans le monde : Taishan, Olkiluoto – malgré des retards, j’en conviens, les étapes de montée en charge ont été réalisées avec succès. Il n’y a pas de doute sur la technologie. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le lien que vous établissez entre un projet de loi de procédure administrative et un projet industriel qui relève de la programmation ne me semble pas valide.

EDF ayant prévu une mise en service de Flamanville en 2024, l’amendement aurait pour effet de retarder les procédures et le travail de documentation des risques. Cela nous fait perdre un an pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Comment peut-on dire qu’il n’y a pas de doute sur la technologie de l’EPR ?

Pour des raisons de proximité, nous connaissons bien le cas de Flamanville – après plus de douze ans de retard, entrera-t-il en fonction un jour ? La mise en service a encore été repoussée d’un an. Le chantier d’Olkiluoto a connu douze ans de retard et le réacteur ne fonctionne toujours pas à plein régime. À Taishan, l’un des deux réacteurs a été arrêté pendant un an. Les Chinois sont tellement convaincus par la technologie EPR qu’ils ont décidé de l’abandonner. Quant à Hinkley Point, les retards et les surcoûts s’accumulent aussi, certes dans des proportions moindres.

Autrement dit, la technologie EPR ne marche quand même pas très bien.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 9 A : Demande d’audit sur les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire

 

Amendement CE533 de Mme Louise Morel et sous-amendements CE683 du Gouvernement, CE681 et CE680 de M. Gérard Leseul, CE682 de Mme Chantal Jourdan ainsi que CE679 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Louise Morel (Dem). L’article 9 A prévoit un audit sur les besoins prévisionnels en emplois de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour faire face à la relance du nucléaire dans un contexte marqué par des aléas et des événements incertains.

Nous souhaitons, d’une part, déplacer du titre II relatif aux installations nucléaires de base au titre III relatif aux dispositions diverses l’article afin que l’audit porte aussi sur les installations nucléaires à venir et pas seulement sur le parc existant.

D’autre part, nous demandons au Gouvernement la remise, dans un délai de trois mois, d’un rapport recensant les besoins prévisionnels en emplois pour assurer le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans le contexte de relance du nucléaire. Cela permettra d’éclairer la Représentation nationale avant l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le sous-amendement CE683 vise à porter à six mois le délai pour la remise du rapport.

M. Gérard Leseul (SOC). Les sous-amendements CE681 et CE680 ont pour objet d’étendre le champ du rapport, lequel pourrait utilement être confié à l’OPECST, respectivement à l’ensemble des moyens humains et financiers, et aux missions d’expertise et de recherche qu’ils permettent d’assurer.

Le sous-amendement CE682 vise à préciser le caractère éventuel de la relance du nucléaire.

M. Antoine Armand (RE). Pour une complète information du Parlement, le sous‑amendement CE679 vise à élargir l’objet du rapport au périmètre des transferts des différentes missions de l’IRSN, aux conditions de transfert et de recrutement des personnels, aux sujets budgétaires et financiers en garantissant un niveau de ressources suffisant et correspondant aux besoins générés par l’ensemble des projets liés au nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable à l’amendement et aux sous‑amendements, à l’exception du CE682 puisque la relance du nucléaire n’est pas éventuelle.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous voterons l’amendement et les sous‑amendements à l’exception du CE679. Celui-ci entérine le démantèlement de l’IRSN et son éclatement entre l’ASN et le CEA auxquels nous sommes opposés. Il est indispensable de maintenir la distinction entre, d’une part, la recherche et l’expertise, et, d’autre part, le contrôle. Cette séparation n’est pas sans effet sur la doctrine d’analyse du risque – aux États-Unis où elle n’existe pas, la doctrine n’est pas la même qu’en France – et cela nous inquiète.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il paraît tout à fait utile, dans un contexte marqué par les aléas et les événements incertains, mais aussi par le vieillissement de nos centrales, de faire un audit recensant les besoins prévisionnels en emplois de l’ASN. Les sous‑amendements de mes collègues me semblent bienvenus, puisqu’ils apportent d’utiles précisions, à l’exception de celui de Mme Danielle Brulebois qui acte, ni vu, ni connu, le démantèlement de l’IRSN.

Il importe que nous ayons un débat serein sur cette question. Je vous invite donc à ne pas voter le sous-amendement CE679, qui est un cavalier législatif. La sûreté du nucléaire mérite mieux que cela.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Dans ces conditions, je me demande s’il ne faudrait pas appeler en priorité l’examen de l’article relatif à l’ASN et à l’IRSN.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous propose une brève suspension de séance, afin de voir ensemble s’il est préférable de mettre aux voix cette série de sous‑amendements et l’amendement CE533 ou d’appeler en priorité l’article en question.

 

Suspendue à vingt-trois heures vingt, la réunion reprend à vingt-trois heures trente.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. J’ai consulté les différents groupes. Une majorité se dégage pour suspendre nos travaux ce soir. Cela nous permettra de les reprendre sereinement lundi, à vingt et une heures trente, et de nous rendre éventuellement dans l’hémicycle dans les vingt-cinq minutes qui viennent, si la proposition de loi de M. Luc Lamirault est examinée dans le cadre des séances, réservées, ce jour, au groupe Horizons.

 


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5.   Réunion du lundi 6 mars 2023 à 21 heures 30

La commission des affaires économiques a poursuivi l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762) (Mme Maud Bregeon, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. Chers collègues, nous reprenons l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Lorsque nous avons interrompu nos travaux, jeudi soir, nous venions de commencer l’examen des amendements à l’article 9 A. J’avais appelé l’amendement CE533 de Mme Louise Morel et plusieurs des sous-amendements s’y rattachant. Toutefois, comme cet amendement et ces sous-amendements portent sur la sûreté nucléaire et préemptent le débat sur l’élargissement des missions de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui aura lieu à l’occasion de l’examen des amendements du Gouvernement déposés après l’article 11, une majorité des groupes m’a invité à mettre fin à notre réunion pour reprendre nos débats ce lundi soir.

Afin d’assurer la lisibilité de nos travaux, le Gouvernement me fait savoir qu’il demande, en application de l’article 95, alinéa 4, du règlement, la priorité d’examen de ses amendements CE602 et CE610 portant article additionnel après l’article 11. Figurent également dans cet examen prioritaire les sous-amendements CE692, CE689, CE672, CE690, CE693 et CE684 se rattachant à l’amendement CE602 ; les amendements CE417, CE223 et CE289 qui sont en discussion commune avec l’amendement CE602 ; et enfin le sous-amendement CE691 qui porte sur l’amendement CE610.

Cette demande étant de droit, nous allons donc commencer par ces cinq amendements et ces sept sous-amendements. Lorsque le vote aura eu lieu, nous reprendrons nos travaux là où nous nous étions arrêtés jeudi soir, à savoir l’article 9 A.

 

Après l’article 11 (amendements examinés par priorité)

 

Amendement CE602 du Gouvernement et sous-amendements CE692 de M. Gérard Leseul, sous-amendements identiques CE689 de Mme Maud Bregeon, CE672 de M. Pierre Henriet et CE690 de M. Aurélien Lopez-Liguori, sous-amendements CE693 de M. Gérard Leseul et CE684 de M. Olivier Marleix ; amendements CE417 de Mme Anna Pic, CE223 de M. Benjamin Saint-Huile et CE289 de M. Christophe Bex (discussion commune).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Le dispositif français de réglementation, de contrôle, d’expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection n’a cessé d’évoluer dans le sens d’un renforcement de son indépendance, de ses capacités et de ses moyens.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a été créé en 2002, alors que l’autorité de sûreté n’était encore qu’une direction d’administration et que l’expertise et la recherche en sûreté nucléaire étaient assurées par un exploitant nucléaire, à savoir le CEA (Commissariat à l’énergie atomique, devenu Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). En 2006, c’est au tour de la direction d’administration exerçant la fonction d’autorité de sûreté nucléaire d’être confortée en devenant une autorité administrative indépendance : l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

À la veille de devoir engager des travaux considérables en matière de sûreté nucléaire, que ce soit sur les installations existantes, la gestion des déchets ou la construction de nouveaux réacteurs, il nous a paru important de rechercher à nouveau l’organisation correspondant aux meilleurs standards internationaux, tout en faisant évoluer une particularité française qui est que l’ASN ne dispose que de peu de compétences d’expertise. Certes, elles concernent les équipements les plus stratégiques d’un réacteur nucléaire – la cuve et les équipements sous pression – mais il est important pour l’ASN de disposer d’une expertise plus large, comme c’est le cas de toutes les autres autorités de sûreté nucléaire dans le monde – à l’exception de la Belgique ou de l’Allemagne. Cela est un gage d’indépendance, d’efficacité et de fluidité dans la prise de décision en matière de sûreté nucléaire.

Pour éclairer les débats, je voudrais indiquer qu’à l’international, l’ASN est l’autorité de sûreté qui a, comparativement, le moins de forces d’expertise au regard de ses missions : 500 personnes travaillent à l’ASN pour 56 réacteurs, à comparer aux 2 600 agents de l’autorité de sûreté américaine pour près de 100 réacteurs, 950 personnes au Canada pour 19 réacteurs et 300 personnes en Finlande et en Suède (pour moins de 10 réacteurs, dans les deux cas). La différence tient au poids des missions d’expertise, qui ne sont pas regroupées de la même manière.

Le deuxième objectif est d’assurer une meilleure coordination entre les métiers de la sûreté. Les équipes de l’ASN et de l’IRSN travaillent déjà largement ensemble, l’IRSN apportant son expertise aux équipes chargées du contrôle de l’ASN au travers d’itérations dans les deux sens, ainsi qu’un appui au contrôle. Nous voulons rendre ce travail plus fluide et assurer l’alignement des priorités du point de vue tant des moyens que du traitement des commandes de l’ASN par l’IRSN.

Le troisième objectif est d’améliorer l’attractivité des métiers de la sûreté nucléaire. À cet égard, la réunion des compétences de l’IRSN au sein de l’ASN sera une opportunité de diversifier, pour les collaborateurs de deux entités, les possibilités de carrière entre contrôle, expertise et recherche, ainsi que les possibilités de mobilité géographique grâce au réseau régional de l’ASN.

Début février 2023, j’ai demandé à M. Bernard Doroszczuk, président de l’ASN, et à M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l’IRSN, de me faire des propositions pour définir le cadre général de la réforme et rassurer les salariés sur les enjeux en question. C’est l’objet des deux amendements que je défends ce soir. Par ailleurs, je leur ai demandé de piloter le travail sur l’organisation-cible sur laquelle ils me feront des propositions durant l’été, avec la perspective d’aboutir à des dispositions inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024 et qui seront mises en œuvre dans les semaines qui suivront son adoption.

Dans le cadre de ces chantiers, je crois important de poser des garde-fous pour tenir compte des interrogations formulées par les organisations syndicales, l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI) et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

Je propose d’abord qu’il soit clairement établi que les compétences en matière de recherche et expertise en sûreté nucléaire, radioprotection, et protection et surveillance de l’environnement sont maintenues ensemble au sein de la future autorité de sûreté, dans le respect des règles d’indépendance applicables à cette dernière.

Ensuite, dans l’organisation à venir, les responsabilités exécutives du contrôle et de l’expertise doivent rester distinctes du rôle de décision et de pilotage stratégique confié au collège de l’ASN. C’est l’objet des sous-amendements identiques qui seront défendus notamment par le président de l’Opecst Pierre Henriet et par la rapporteure Maud Bregeon.

Enfin, l’information, la transparence et le dialogue technique avec le public devront être garantis dans la droite ligne de ce qui est fait aujourd’hui à l’IRSN et l’Autorité de sûreté nucléaire : il y va de la confiance des Français dans notre système.

Les deux amendements déposés par le Gouvernement intègrent les propositions de MM. Doroszczuk et Niel. L’amendement CE602 propose d’élargir les missions de l’ASN en lui confiant des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que des actions de sécurité civile en cas d’accident radiologique. Sur le modèle de la solution retenue lors de la transformation de Voies navigables de France d’établissement public industriel et commercial (Epic) en établissement public administratif (EPA), l’ASN pourra, d’une manière pérenne, disposer de plusieurs catégories de personnels : fonctionnaires, agents contractuels de droit public, agents contractuels de droit privé. Cela amplifiera l’attractivité de la future organisation. L’amendement prévoit également la création d’un comité social d’administration pour permettre la représentation de l’ensemble de ces personnels, dans la diversité de leurs statuts.

Par ailleurs, je donnerai un avis favorable aux sous-amendements identiques du président de l’Opecst et de la rapporteure, qui visent à inscrire dans le règlement intérieur des dispositions organisationnelles pour séparer le processus d’expertise des avis et des décisions du collège. Je donnerai également un avis favorable au sous-amendement du groupe Les Républicains, porté par son président Olivier Marleix, qui demande un rapport sur les éventuels impacts que les nouvelles prérogatives accordées à l’ASN peuvent avoir sur le système de contrôle de radioprotection et de sûreté nucléaire.

L’amendement CE610 vise, quant à lui, à sécuriser les personnels de l’IRSN. Il prévoit le transfert de droit à l’ASN des contrats de travail des agents qui exercent les missions concernées. Il ouvre par ailleurs, pour les agents de l’IRSN affectés à l’ASN, un droit d’option entre le maintien de leur contrat de droit privé et la conclusion d’un contrat de droit public. Cette disposition donne de la visibilité aux salariés de l’IRSN, qui sont en quasi-intégralité des salariés en contrat de droit privé, en leur assurant la continuité de leur rémunération.

Je souhaiterais insister sur le calendrier de cette réforme. Ces deux amendements sont le point de départ d’un processus de réorganisation. Pour se donner les moyens de lancer la réforme, il faut fixer un cap clair, en donnant dès maintenant aux salariés de l’IRSN de la visibilité, tout en affinant les détails dans le cadre d’un processus coconstruit et concerté.

Pour conclure, nous réunissons sous la même bannière deux services publics qui participent de la même politique de sûreté nucléaire, en retenant le statut le plus protecteur des deux entités, à savoir celui d’autorité administrative indépendante. Tel est l’enjeu de ces amendements qui renforceront la sûreté nucléaire de notre pays. C’est essentiel à la veille des travaux que nous devons engager.

M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre, vous nous présentez ces deux amendements après le profond désaccord que nous avons eu sur la méthode, jeudi dernier. Il ne m’apparaît pas souhaitable d’inscrire par amendement dans la loi un tel projet de fusion qui structure nos autorités de contrôle, de surveillance et de confiance dans l’industrie nucléaire sans la moindre discussion préalable sérieuse au Parlement. L’Opecst a auditionné la plupart des acteurs de la filière nucléaire ; cela ne nous a pas rassurés quant aux motivations de cette réforme.

Le sous-amendement CE692 a pour objet la remise d’un rapport sur la faisabilité d’un tel projet. La décision verticale que vous tentez de nous imposer est en contradiction avec les rapports de la Cour des comptes sur l’IRSN et inquiète fortement l’ensemble des salariés. S’il est toujours possible de discuter du fond, c’est-à-dire de la bonne organisation de notre autorité de contrôle – et les autres pays nous envient la nôtre – il n’est pas raisonnable de le faire ainsi, par voie d’amendement dans un texte technique. Nous nous opposons donc vigoureusement à vos amendements.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Mon sous-amendement étant identique à celui déposé par le président de l’Opecst, je laisse M. Pierre Henriet le présenter.

M. Pierre Henriet (RE). À la suite de l’audition publique qu’il a tenue, le 16 février 2023, sur le projet de réforme visant à élargir les missions de l’ASN en opérant son rapprochement avec l’IRSN, l’Opecst, qui traite de la sûreté nucléaire depuis presque quarante ans, a émis cinq recommandations, dont l’une fait l’objet du présent sous-amendement. Nos travaux reposent sur un raisonnement scientifique rigoureux et associent l’ensemble des sensibilités politiques des deux Chambres, et nos recommandations ont été votées à l’unanimité le 28 février, dans un esprit de consensus. J’espère que le présent sous-amendement sera complété en séance par un mécanisme de contrôle de cette réforme, assorti d’une saisine systématique de l’Office.

L’excellence nucléaire française ne peut se concevoir sans une autorité de sûreté attractive, dans laquelle les décisions et les travaux d’expertise et de recherche interagissent en toute transparence. Le schéma de prise de décision, qui repose naturellement sur une expertise préalable, doit pouvoir intervenir dans un cadre autonome et ne peut se faire qu’à la condition d’un renforcement de son indépendance. Nous proposons donc une distinction fonctionnelle entre les délibérations du collège de l’ASN et les travaux d’expertise et de recherche.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Inscrire une telle réforme dans ce projet de loi n’était sans doute pas opportun. Le risque est d’agiter les peurs, selon moi irrationnelles, concernant l’indépendance de la sûreté nucléaire. Mais, une fois n’est pas coutume, je souscris aux arguments présentés par la ministre.

Nous soutiendrons sans doute, même si la position de mon groupe n’est pas encore arrêtée, le principe de la fusion. Je regrette toutefois que nous n’ayons pas présenté un texte unique, traduisant le consensus auquel nous sommes parvenus au sein de l’Office. Je remarque qu’à chaque fois que le Rassemblement national cherche à adopter une position constructive allant dans le sens de l’intérêt général, certains s’agitent en coulisses pour y faire obstacle. Je trouve cela dommage, car la politique nucléaire s’entend sur le long terme. Si les forces politiques n’arrivent pas à s’entendre au-delà des alternances futures, cela compromet la capacité à mettre en place une politique industrielle sur le long terme.

M. Gérard Leseul (SOC). Le sous-amendement CE693 vise à préciser que la date d’entrée en vigueur ne peut être antérieure au 1er janvier 2025. Vous dites vous-même que de nombreux points restent à discuter, et vous avez donné dix-huit mois aux deux autorités pour proposer un plan de fusion : le Parlement doit avoir le temps d’en prendre connaissance.

M. Olivier Marleix (LR). Le Gouvernement a décidément un vrai problème de méthode, qui l’amène à improviser la fusion de l’ASN et de l’IRSN : ce n’est pas la meilleure façon de donner confiance aux Français sur un sujet aussi important. Cela dit, nous sommes résolument favorables à la relance du nucléaire. Le Gouvernement ayant besoin d’avis uniques et clairs dans ce domaine, la fusion est donc fondée. Le sous-amendement CE684 vise simplement à obtenir un rapport précis sur les enjeux de la fusion, dans un délai de six mois, afin de nous éclairer avant la fin du processus sur les moyens de la sûreté nucléaire, l’intégration des personnels de l’IRSN et l’organisation de l’expertise.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux amendements en discussion commune.

M. Dominique Potier (SOC). Poser la question de la fusion de l’ASN et de l’IRSN dans un projet de loi d’accélération en matière urbanistique, réglementaire et environnementale, cela revient un peu à inclure un projet de société majeur sur le rapport au travail dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ; c’est aussi aberrant sur le plan démocratique et parlementaire.

Si je ne suis pas un spécialiste dans le domaine nucléaire, je suis passionné par les questions de sécurité sanitaire et d’agronomie. Si l’on suivait votre logique, Madame la ministre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) devraient être fusionnés et la sécurité sanitaire devrait dépendre de la recherche agronomique. Il n’en est pas ainsi, et c’est tant mieux. Il est important que la sécurité sanitaire soit assurée en toute liberté, dégagée de toute influence et de toute contingence de court terme, et il est bon qu’un institut de recherche n’ait pas le souci de la sécurité mais celui de l’aventure de la recherche scientifique. Savez-vous que l’Anses a une part d’expertise et que l’Inrae ne s’interdit pas de lui donner des avis sur la sécurité ? Les deux institutions coopèrent quasiment en permanence, tout en étant indépendants. Pour le nucléaire, c’est la même chose : la dualité est une vraie garantie de notre démocratie et de notre développement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement CE223 vise à écrire « noir sur blanc » que les missions d’expertise dans le domaine de la sécurité nucléaire sont exercées par un établissement indépendant de celui exerçant les missions de contrôle et de sûreté. Pourquoi vouloir cette réforme maintenant et pas dans la loi de programmation ? Pourquoi chercher à l’imposer à la hussarde, dans un projet de loi que vous présentiez comme technique et qui apparaît désormais comme un élément central du dispositif ? Vos arguments ne convaincront pas ceux qui s’inquiètent de l’accélération des procédures, alors qu’ils entendent divers acteurs de la sûreté nucléaire manifester leur incompréhension. Moi non plus je ne comprends pas, et je vous demande de m’éclairer.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Un sous-amendement émanant de l’Opecst nous a été proposé, mais trois de ses anciens présidents font part aujourd’hui dans Le Monde de leur plus grande inquiétude quant au démantèlement de l’IRSN, que tous les syndicats rejettent également. Cette réforme ne s’appuie sur aucun diagnostic ni aucune étude d’impact. Elle n’offre aucune garantie sur le fait que les avis de l’IRSN, dissout dans l’ASN, resteraient indépendants et continueraient d’être publiés. De plus, sa capacité d’autosaisine semble vouée à disparaître.

Quelles garanties a-t-on, par ailleurs, sur son expertise en matière de défense ou sur ses capacités de recherche, reconnues dans le monde entier ? Quelles garanties sur celles de ses missions qui n’étaient pas rattachées à l’ASN et qui représentent les trois quarts de son activité ? Quelles garanties concernant le statut des personnels ? Et, plus globalement, il y a un déficit de garanties concernant la doctrine du risque qui sera mise en œuvre.

Nous venons d’apprendre qu’à Penly 1, on a découvert il y a un mois des fissures de 23 millimètres dans des tuyaux qui font 27 millimètres d’épaisseur. Ces fissures, les plus profondes jamais constatées, sont dues à la corrosion sous contrainte et pourraient concerner tous les réacteurs du palier 4. Or cette information, connue depuis un mois par EDF et l’ASN, n’a toujours pas été rendue publique : permettez-nous d’être particulièrement inquiets et de continuer de refuser cette fusion à marche forcée !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’organisation de la sûreté a évolué au fil des années. La réunion de l’ASN et de l’IRSN est, à mon sens, l’aboutissement d’un processus engagé il y a environ cinquante ans.

En 1973, l’État a décidé d’assurer lui-même le contrôle de la sûreté nucléaire, qui était jusque-là exercé par le CEA. Il a alors créé le service de contrôle de la sûreté des installations nucléaires. À l’époque, c’était le CEA qui exerçait la fonction d’expert technique auprès de ce nouveau service. Cette fonction d’expert technique, séparée de la responsabilité de l’exploitant, s’est ensuite structurée en interne au sein du CEA, avec l’IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire), puis s’en est détachée en 2001 avec la création de l’IRSN.

En parallèle, au fil des années et au regard de la montée en puissance des enjeux techniques et de radioprotection mais aussi des événements qui ont marqué l’histoire nationale et internationale du parc nucléaire, l’État a renforcé et fait monter en compétence les moyens dédiés au contrôle et à l’expertise.

Ce n’est qu’en janvier 2006, lorsque le président Chirac a annoncé le lancement du programme EPR, qu’a aussi été annoncée la création de l’ASN, sous la forme d’une autorité administrative indépendante. Ce n’est donc que vingt-neuf ans après le démarrage de Fukushima… ou plutôt de Fessenheim que la France s’est dotée d’une autorité de sûreté indépendante.

Force est de constater, par ailleurs, que le système dual actuel ne fonctionne pas si bien que cela. Comme la Cour des comptes a beaucoup été évoquée ces derniers jours, je citerai le rapport qu’elle a publié en 2014 : « Bien que des efforts aient été accomplis par l’ASN et l’IRSN ces dernières années pour développer leur coopération, des tensions récurrentes subsistent. La dispersion des ressources budgétaires, les actions de communication non concertées, l’absence d’orientations communes dans le domaine de la recherche, réduisent les marges de progression de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. » Je crois qu’un tel constat devrait au moins conduire à ne pas s’offusquer qu’un débat ait lieu.

Des questions légitimes, qui ont toute leur place dans nos échanges, ont été posées à la ministre et à la majorité. Quand on parle de sûreté nucléaire, en effet, il n’est pas question d’usines de chocolat : on touche à des concepts qu’il faut aborder avec beaucoup de prudence. La ministre a su répondre à ces questions, notamment celle concernant le maintien d’une expertise et d’une recherche couplées – je suis convaincue que le fait d’avoir un haut niveau de recherche ne peut être que bénéfique pour l’expertise –, celle de la séparation des rôles de responsable du contrôle et de responsable de l’expertise, et celle des garanties en matière de statut offertes aux salariés de l’IRSN. Nous avons eu des réponses sur ces différents points. Ce qui nous est présenté ne remet pas en cause les fondamentaux de la sûreté, ni la façon dont elle est assurée en France, bien au contraire.

Puisque beaucoup de fausses informations circulent, je tiens à revenir sur deux autres points.

Il a été dit, tout d’abord, que l’organisation qui nous est proposée était une façon de revenir à un système « pré-Tchernobyl ». Je rappelle que l’ASN n’était pas indépendante à cette époque – elle l’est aujourd’hui, et le principe ne changera pas. L’expertise en matière de sûreté dépendait du CEA et n’était pas rattachée à l’ASN. Nous avons aujourd’hui la possibilité de fluidifier les interactions et de clarifier les rôles.

À ceux qui prétendent que l’ASN est laxiste avec l’exploitant, je répondrai ensuite qu’il suffit, pour comprendre que ce n’est pas le cas, de regarder les décisions qu’elle a prises et leur impact sur le parc nucléaire. Je citerai plusieurs exemples. À Tricastin, les quatre réacteurs de la centrale ont été mis à l’arrêt pour renforcer la digue, le niveau de séisme pris en compte ayant été relevé dans les démonstrations de sûreté. Lorsque la centrale de Fessenheim a été arrêtée, pendant deux ans, pour des questions de ségrégation du carbone, l’impact sur la production a aussi été extrêmement fort, d’autant que Fessenheim n’était pas la seule centrale concernée. On a également arrêté la centrale de Cruas pendant de longs mois, il y a trois ou quatre ans, là aussi pour des questions sismiques.

Enfin, et c’est très important, l’ASN a obligé l’exploitant à porter la sûreté des réacteurs du parc historique, ceux de la deuxième génération, au plus près de celle des réacteurs de la troisième génération, c’est-à-dire de l’EPR, l’objectif étant de ne pas avoir deux niveaux de sûreté différents au sein du parc. Une marche sans précédent a été franchie en matière de gains de sûreté avec le projet post-Fukushima, la notion de « noyau dur de sûreté » et toutes les nouvelles démonstrations de sûreté, qui ont été intégrées dans le cadre des visites décennales. L’indépendance de l’ASN et la façon dont elle exerce son pouvoir de contrôle n’ont donc absolument pas à être remises en cause.

Grâce aux réponses que nous avons obtenues de la part du Gouvernement, et grâce au sous-amendement de l’Opecst et à celui du président Marleix, qui permettra de faire un point d’étape, nous pourrons améliorer le système, même s’il restera des éléments à définir – nous n’en sommes pas encore au point d’arrivée. Les enjeux auxquels la filière est confrontée, en particulier la prolongation potentielle des réacteurs au-delà de soixante ans et le renouvellement du parc historique, justifient qu’on accepte le point de départ proposé et qu’on mène ensuite une réflexion collective. Je ne doute pas, en effet, que les parlementaires continueront à être associés aux évolutions.

J’émets un avis favorable à l’amendement CE602 du Gouvernement, ainsi qu’aux sous-amendements identiques au mien et au sous-amendement CE684 du président Marleix. Avis défavorable pour le reste.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je suggère le retrait du sous‑amendement CE692 au profit du CE684, qui permettra d’obtenir plus rapidement un rapport plus complet. Je suis favorable aux sous-amendements CE689 et identiques.

Avis défavorable, en revanche, au sous-amendement CE693. Je précise qu’il ne s’agit pas de mettre quinze mois pour définir un plan, mais aussi pour l’exécuter. Il faut prendre en compte la situation des personnels : l’incertitude relative aux contrats ne doit pas durer trop longtemps.

Je suis également défavorable à l’amendement CE417. En séparant obligatoirement l’expertise et le contrôle en matière de sûreté, cet amendement aurait pour conséquence immédiate de démantibuler l’ASN, ce qui n’est pas votre objectif et irait complètement à rebours de l’histoire. Je répète qu’une partie de l’expertise, s’agissant des équipements sous pression, notamment les cuves, qui sont des pièces stratégiques des réacteurs nucléaires, se trouve à l’ASN.

Même avis défavorable, s’ils ne sont pas retirés, aux amendements CE223 et CE289. Une deuxième lecture est possible au Sénat : nous ne sommes pas obligés d’organiser directement une commission mixte paritaire après l’examen du texte par votre assemblée. Je sais que les sénateurs sont en train de regarder s’ils ont besoin d’amender davantage le texte ou si celui-ci peut leur convenir en l’état. Je rappelle aussi que l’amendement CE610 du Gouvernement, qui viendra juste après, a pour objet de sécuriser le statut des salariés : ils pourront conserver leur statut actuel ou opter pour un contrat de droit public proposé par l’ASN.

Enfin, je le répète, les capacités de recherche sont bien entendu préservées par les dispositions que nous vous proposons.

M. le président Guillaume Kasbarian. Étant donné la complexité du sujet et son intérêt, je vais ouvrir la discussion plus largement que d’habitude, en laissant chacun des dix groupes s’exprimer deux minutes chacun.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Les choses sont claires : un deal a été passé avec le Rassemblement national et Les Républicains pour démanteler notre système dual de sûreté, qui a été construit en quarante ans et que vous détricotez en moins de quatre semaines. C’est extrêmement grave, car ce que vous proposez n’est gage ni d’indépendance ni de fluidité.

Comment comprendre, au moment où nous devons prolonger la durée de vie de centrales qui n’ont pas été prévues pour fonctionner aussi longtemps, où nous devons valider de nouveaux designs pour l’EPR et où nous sommes confrontés à un changement climatique de nature structurelle, que l’on démantèle un système dual de sûreté qui est reconnu au niveau international ?

Il est important, dans ce moment crucial, d’assurer l’indépendance de l’expertise par rapport à la prise de décision. Notre collègue Dominique Potier en a illustré l’utilité en matière sanitaire. Cela avait aussi été demandé dans l’affaire du sang contaminé ou dans celle de l’amiante. J’ajoute que personne, parmi nous, ne remet en cause le rôle de l’ASN.

L’IRSN travaille de manière transparente : il publie ses rapports, fait de la médiation et prend en compte l’expertise citoyenne. Cette ouverture sur la société est indispensable pour assurer la confiance dans notre système de sûreté. L’IRSN joue aussi un rôle absolument fondamental en matière de transversalité entre sûreté civile et militaire.

Sans apporter aucune réponse, vous voulez réformer dans la précipitation un système qui, aux dires de tous, fonctionne très bien. Tous les syndicats, pas seulement de l’IRSN mais aussi d’EDF et de Framatome, sont opposés à cette réforme menée en toute hâte. Comme pour les retraites, vous préférez passer en force quand vous faites face à un front syndical commun.

Je conclus en rappelant les faits qui viennent d’être révélés : EDF et l’ASN étaient au courant qu’il y avait une fissure de 23 millimètres sur 27 à Penly 1, mais nous n’en avons toujours pas été informés officiellement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Notre rapporteure Maud Bregeon, que j’écoute toujours avec intérêt, a cité tout à l’heure un rapport de la Cour des comptes de 2014. Mais il faut aller au bout des citations : la dernière phrase était en effet que « la fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. ».

Devant la commission du développement durable, la rapporteure nous avait aussi dit que ce n’était pas à vingt-trois heures qu’il convenait de graver dans le marbre l’avenir de la sûreté du nucléaire, les installations concernées n’étant pas des usines de chocolat. Il n’est que vingt-deux heures quinze, mais cet argument reste valable. Nous ne comprenons toujours pas le calendrier et la méthode proposés et je n’ai pas eu de réponses à mes questions.

M. Charles de Courson (LIOT). S’agissant de la transparence, l’organisation actuelle permet à l’IRSN de rendre publiques les informations transmises à l’ASN. Dans le système que vous proposez, l’expertise technique de l’IRSN sera-t-elle rendue publique ? C’est essentiel pour l’acceptabilité du nucléaire par nos concitoyens.

Par ailleurs, seulement un quart des activités de l’IRSN sont consacrées à l’ASN. Que va devenir et comment va être traité le reste ? Quelles garanties aurons‑nous non seulement pour les réacteurs nucléaires civils, mais aussi pour l’armement nucléaire français et pour tout ce qui concerne la radioprotection, notamment dans les hôpitaux ?

Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES). Votre lapsus concernant Fukushima était intéressant, Madame la rapporteure. Nous commémorerons samedi le douzième anniversaire de cette catastrophe. Il y a un lien : ce que vous êtes en train de faire montre que vous ne retenez rien des leçons des grands accidents nucléaires de l’histoire. C’est un ingénieur de l’IRSN qui le dit : « Cette réforme va casser tout ce que la France a construit à partir des leçons des trois grands accidents nucléaires intervenus dans le monde, Three Mile Island aux États-Unis, Tchernobyl en Ukraine et Fukushima au Japon. ». S’agissant de ce dernier accident, il est important que des résultats d’analyses soient publiés par des experts indépendants.

Personne ne comprend la précipitation et la brutalité de ce que vous êtes en train de faire. C’est à croire que le Président de la République s’est réveillé un matin en ayant cette lubie de fusionner l’IRSN et l’ASN. Vous avez évoqué le fait que le système de sûreté a évolué au cours du temps, mais jamais par amendements ! Si vous le faites, c’est parce que vous ne voulez pas vous embarrasser d’une étude d’impact, ce qui est extrêmement grave. Votre obstination suscite des inquiétudes jusque dans vos rangs.

Voici précisément ce qu’ont écrit les trois anciens présidents de l’Opecst : « Est-il sérieux de demander à [l’ASN] d’absorber, tambour battant, la majeure partie d’un institut trois fois plus gros que lui, au moment d’une relance annoncée du nucléaire ? » Pour eux, ce projet n’est « ni attendu, ni réclamé, ni souhaité ». Le comité social et économique de l’IRSN s’est également prononcé à l’unanimité contre ce démantèlement et les syndicats de l’Institut ont écrit, dans une lettre ouverte, que mener une réforme majeure du système de gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en quelques semaines est totalement déraisonnable et qu’on demande aux parlementaires d’approuver une réforme dont le fondement, les contours exacts et l’analyse d’impact n’ont pas été présentés. Par conséquent, il faut absolument voter contre l’amendement du Gouvernement.

Enfin, que vont devenir, Madame la ministre, les missions de l’IRSN en matière de radioprotection, qui concernent les effets sur l’environnement et la santé humaine ? Elles vont être détruites par la fusion.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Ce qui est terrible, c’est que vous êtes incorrigibles ! Vous devez toujours faire les choses à la hussarde. Vous faites penser à ces enfants qui cassent leurs jouets. Cela vous a pris d’un seul coup : vous déposez un amendement, alors qu’une réflexion était engagée depuis plusieurs mois et que le texte était déjà passé au Sénat. Vous avez vraiment un problème de méthode ! N’avez-vous jamais entendu qu’il ne faut légiférer que d’une main tremblante ? Et non tout faire en vitesse, sans étude d’impact, dès qu’on a une lubie !

Nous ne sommes pas opposés à une éventuelle évolution, mais il faut y travailler, y réfléchir, essayer d’en voir les conséquences. Surtout, on ne le fait pas en pleine discussion d’une relance du nucléaire, qui demande de la confiance ! Encore une fois, votre attitude va créer des fractures et de l’inquiétude. Ce n’est vraiment pas le moment.

Sur le fond, vos arguments sont extrêmement légers. Ils n’ont pas été travaillés, tout cela sort de votre chapeau. Vous voulez nous faire acheter un âne dans un sac, sans nous permettre de savoir à quelles évolutions conduira ce que vous proposez. Vous parlez de liberté supplémentaire… mais laquelle ? Quelle est cette « fluidité » que vous évoquez ? Vous dites que la dualité est négative, que la distinction entre expertise et prise de décision, telle qu’elle a été construite durant des décennies, doit être remise en cause : pourquoi pas, mais encore faudrait-il y réfléchir !

M. Gérard Leseul (SOC). Madame la ministre, Madame la rapporteure, je conteste les arguments que vous avez présentés. Si la fusion proposée est l’aboutissement de cinquante ans d’organisation des autorités de sûreté, choisir de la mener par un amendement et des sous-amendements est totalement pathétique. C’est irrespectueux des instances concernées, des salariés, des Françaises et des Français qui font confiance à notre régime de sûreté nucléaire, mais aussi du Parlement. Contrairement à ce que vous avez dit, cela nuit au bon éclairage des parlementaires et remet en cause la sincérité de votre démarche.

Vous avez refusé une concertation et une discussion approfondies. Que vous vous dispensiez de l’avis du Conseil d’État est une chose, mais cela nous en prive nous aussi, ce qui porte atteinte à notre information sur les finalités, l’intérêt et les modalités de la fusion. Nous aurions pu disposer d’une analyse, une étude présentant ne serait-ce que les avantages et les inconvénients de votre proposition, qui nous aurait permis de la comprendre, d’avoir le temps de réfléchir et ainsi d’adopter une décision sage.

Nos collègues Chassaigne et Potier l’ont dit : si nous sommes attachés à la dualité, c’est parce qu’elle fonctionne, en matière de sûreté nucléaire comme en matière de contrôle financier par exemple. Nous y sommes habitués, c’est notre culture. Pourquoi l’abandonner pour créer une autorité indépendante unique ? Nous ne comprenons pas le fondement de cette évolution et nous voterons contre.

M. Philippe Bolo (Dem). En l’état actuel des débats, cette réforme fait plus l’objet de questions que de certitudes. Au-delà du fond et de la nécessité de réfléchir à l’évolution du modèle actuel, trois interrogations persistent. Qu’est-il réellement reproché à l’IRSN, alors que plusieurs rapports soulignent la qualité de son travail ? Que vont devenir plusieurs de ses missions essentielles, en particulier l’expertise, la recherche sur les risques du radon, la scénarisation et la mise en œuvre des exercices de gestion de crise, le suivi et le contrôle de la radioprotection en milieu médical, la conduite d’une enquête annuelle sur la perception des risques par les Français ? Enfin, quelles garanties nous apporte vraiment la réforme quant à la préservation de ces deux principes essentiels que sont l’adossement de l’expertise à une activité de recherche, ces deux aspects étant intimement liés, et la fameuse dualité, c’est-à-dire l’indépendance de l’expertise par rapport à la prise de décision ? Il nous manque vraiment une étude d’impact pour nous renseigner sur ces questions.

La modification du statut doit être précédée d’une réflexion préalable, non l’inverse. Il est aussi question de moyens, ce que nous comprenons : il en faut, dans la perspective de créer de nouveaux réacteurs et de maintenir à niveau les plus anciens. Mais est-on certain que la fusion des effectifs de l’ASN et de l’IRSN permettra de dégager plus de moyens que lorsqu’ils sont séparés ? J’en doute. En tout cas, s’il faut parler des moyens, c’est dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.

Une autre voie doit être explorée pour optimiser l’efficacité, la coordination et la fluidité du système et surtout pour maintenir la confiance des Français. En l’état actuel, le groupe Modem est défavorable à la réorganisation prévue. Nous ne remettons certainement pas en cause le principe d’une évolution, mais celle-ci doit être envisagée autrement.

M. Vincent Rolland (LR). Nous serons favorables à l’amendement du Gouvernement, pour peu que le sous-amendement d’Olivier Marleix soit retenu. Nous avons aujourd’hui une autorité indépendante dont les décisions sont rendues de manière collégiale. Le rapport que nous demandons me semble répondre à un certain nombre d’interrogations exprimées par nos collègues, exprimées par exemple par Mme Panot. Je les invite donc à voter eux aussi pour notre sous-amendement !

Mme Virginie Duby-Muller (LR). La tribune publiée dans Le Monde par trois anciens présidents de l’Opecst, Jean-Yves Le Déaut, Cédric Villani et Claude Birraux, à qui j’ai succédé dans ma circonscription, met en exergue le fait que cette décision a été prise sans concertation avec les acteurs concernés et en ignorant le Parlement, ce qui illustre bien la dérive technocratique de la prise de décision dans notre pays. La tribune suggère une saisine de l’Opecst. Est-ce envisagé ? Je soutiens évidemment le sous-amendement d’Olivier Marleix, qui demande au moins la remise d’un rapport.

La sûreté progresse par la recherche et la confrontation des idées entre l’ASN, l’IRSN dans son rôle d’appui technique et l’exploitant. N’y aura-t-il plus que deux organismes, dans la nouvelle organisation que vous prévoyez ? Qui assurera les missions de contrôle des armes chimiques, de surveillance de la sismicité dans le monde et de collation de la dosimétrie des travailleurs ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre discussion le confirme, la façon dont cette évolution de la sûreté nucléaire est introduite permet aux oppositions de manipuler les peurs et de polluer le texte en faisant croire qu’il a une autre ambition, cachée, que celle de relancer notre filière nucléaire et d’assurer une souveraineté énergétique nous permettant de mener la transition écologique. Ce n’était donc pas une très bonne idée.

Sur le fond, notre groupe n’a pas encore arrêté sa position, pour deux raisons. Nous attendons les réponses aux remarques, parfois de bon sens, qui ont été faites par les différentes oppositions et même au sein de votre propre majorité. Par ailleurs, il est clair, comme nous le disons depuis le début, que ce texte doit s’intégrer dans une planification générale, et en particulier industrielle, de la relance du nucléaire. Si vous souhaitez que ce projet de loi se limite à une évolution juridique de quelques mécanismes techniques, vous ne pouvez pas toucher à la sûreté nucléaire, dont vous convenez comme tout le monde qu’elle fait partie du modèle nucléaire français, ce qui ouvre donc des horizons beaucoup plus larges. Minorer l’importance de ce texte, en le présentant comme une simple série d’amendements techniques alors qu’il concerne la façon dont nous allons reprogrammer, d’une manière globale, la relance du nucléaire vous plonge dans une forme de schizophrénie. Tant que vous n’aurez pas apporté des réponses claires aux questions posées et tranché le nœud gordien, mon groupe retiendra son vote.

M. Xavier Albertini (HOR). On peut toujours mettre l’accent sur les difficultés, en considérant que l’amendement du Gouvernement est peut-être un peu anachronique. Toutefois, de quoi parle-t-on ? D’une réflexion sur des structures juridiques qui ont vocation, à terme, à se rapprocher. Ce qui nous est proposé n’est pas une fusion-absorption se traduisant par une disparition mais, juridiquement parlant, une fusion avec consolidation des compétences de l’ensemble des acteurs.

On peut chercher à attiser les peurs, mais on peut aussi garantir la sectorisation des missions. Par ailleurs, l’accent a été mis lors de nos échanges sur la protection des salariés, qui devrait être assurée, sur la remise d’un rapport d’étape et enfin, ce qui nous paraît essentiel, sur l’indépendance de la future autorité administrative, que vous confortez. Tous ces éléments nous conduisent, tout en restant vigilants quant au rapprochement des deux structures, à voter en faveur de l’amendement présenté par le Gouvernement.

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Il reste bien des questions à régler. Vous souhaitez améliorer l’attractivité des métiers de la recherche : pensez-vous que vous y parviendrez en proposant aux chercheurs d’entrer dans la fonction publique, quand beaucoup voudraient plutôt décrocher des contrats de droit privé ?

Par ailleurs, l’IRSN travaille avec les autorités nucléaires des Pays-Bas et de la Norvège, auxquelles il apporte un soutien technique. Qu’adviendra-t-il de cette collaboration ?

M. Antoine Armand (RE). J’ai une pensée pour l’Autorité de sûreté nucléaire et l’ensemble de ses agents. La commission d’enquête dont je suis le rapporteur a auditionné des dizaines de personnes : toutes ont salué la rigueur, le professionnalisme et l’indépendance de ces agents. Mais, à l’occasion d’un pseudo‑scoop nocturne, certains les ont insultés et rabaissés, alors que la doctrine française en matière de sûreté nucléaire est saluée dans le monde entier.

Recourant à un artifice d’une rare démagogie et comme s’il fallait stigmatiser les uns pour valoriser les autres, vous présentez l’extension des compétences d’une autorité administrative indépendante par rapport à celles d’un Epic comme un recul de l’indépendance. Par ailleurs, le parallèle avec l’Anses est inexact : cette agence est un Epic et non une autorité administrative indépendante.

Il s’agit ici d’une réforme de l’organisation administrative. Il est normal que celle-ci évolue, comme elle l’a fait, d’ailleurs, depuis vingt-cinq ans. L’organisation actuelle ne possédait aucun caractère universel : en matière de sûreté nucléaire, chaque pays dispose d’une structuration qui lui est propre. Le Gouvernement propose de faire évoluer la nôtre pour la rendre plus efficace et plus indépendante. Pour ce faire, un travail au long cours sera mené dans les prochains mois. Il sera évalué dans le cadre du rapport proposé par le président Marleix. L’objectif de la réorganisation est de faire face aux défis importants que constituent la prolongation des réacteurs et le lancement du nouveau nucléaire. Nous veillerons à ce que les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire soient renforcés.

Nous vous invitons donc, chers collègues, à revenir à la réalité du travail amorcé par le Gouvernement. Le groupe Renaissance votera en faveur de l’amendement du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Au niveau international, les autorités de sûreté nucléaire considérées comme des références sont celles qui incluent des compétences d’expertise, tout en pouvant faire appel de surcroît à des expertises externes. La construction française est très particulière : l’Autorité de sûreté nucléaire possède des compétences d’expertise, mais dans une proportion relativement limitée – elles sont cantonnées aux équipements sous pression ; pour le reste, elle recourt presque exclusivement à l’expertise de l’IRSN, même si elle peut, en tant que de besoin, faire appel à des expertises externes.

Notre objectif est de renforcer l’Autorité de sûreté nucléaire. En transférant les compétences de l’ASN, autorité administrative indépendante, à un Epic, nous serions allés dans le sens contraire de l’histoire. Le transfert ne peut se faire que dans l’autre sens, avec pour objectif de conforter l’ensemble de l’équipe chargée de la sûreté. Autant vous avez raison lorsque vous dites que l’expertise doit être distinguée du contrôle, autant rien n’empêche de concentrer les deux fonctions dans un même organisme – c’est d’ailleurs le cas dans la très grande majorité des autorités de sûreté nucléaire. Se priver de la partie expertise pourrait même constituer un point de fragilité.

Le rapport de la Cour des comptes résumait bien les enjeux, notamment en ce qui concerne l’amélioration des procédures, à la veille d’un programme de grande ampleur. La même raison explique que nous présentions cette réforme maintenant : la situation n’est plus tout à fait la même qu’il y a quelques années. Dans la perspective de l’instruction des dossiers concernant l’EPR 2 et la prolongation des centrales – je pense notamment à la question de la corrosion sous contrainte –, la préservation de l’excellence en matière de sûreté nucléaire revêt un caractère d’intérêt général. Nous devons agir le plus tôt possible, tout en donnant le maximum de sécurité aux salariés de l’IRSN.

Je partage vos préoccupations en matière de transparence vis-à-vis du public. C’est un des éléments motivant les sous-amendements, notamment celui qui traduit les propositions de l’Opecst. Nous avons saisi l’Office ; celui-ci a mené plusieurs auditions et produit un rapport en amont de cette réunion pour éclairer le débat. Il a formulé cinq recommandations, dont nous reprendrons volontiers la plupart. Un des sous-amendements qui avait cet objet a dû être déclaré irrecevable, mais il a vocation à être redéposé en séance. Le Gouvernement fera preuve de la plus grande écoute possible à l’égard des recommandations de l’Opecst.

Les avis émis dans le cadre de l’expertise technique ont vocation à être rendus publics, de manière à appuyer les décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire.

En ce qui concerne l’organisation, nous élargissons les missions de l’ASN et donnons de la sécurité aux salariés. Il n’est pas encore question de définir le détail de l’organisation des missions ; ce sera l’objet d’étapes ultérieures, certaines réglementaires, d’autres législatives – je pense notamment au projet de loi de finances pour 2024.

La réforme n’est en rien précipitée. Elle en est à son démarrage et sera menée dans des délais suffisamment rapides pour que nous ne risquions pas de déséquilibrer notre sûreté nucléaire, mais en prenant le temps de mener la concertation. Le rapport proposé par M. le président Marleix nous permettra de consolider cette démarche.

La radioprotection fait bien partie des missions confiées à l’ASN.

Les contrats de droit privé sont maintenus, et l’ASN aura la possibilité de recruter sous cette forme – c’est l’enjeu de l’amendement CE610. Ses salariés pourront soit conserver leur statut, soit en changer.

Le soutien aux autres autorités européennes n’est pas remis en cause. Il n’y a aucune raison de le faire ; il s’agit de missions de service public.

Monsieur Bolo, les moyens ont vocation à être revus. Ce sera tout l’enjeu du projet de loi de finances pour 2024. Nous élaborons dans ce projet de loi le cadre de la réforme ; l’organisation et l’analyse des conséquences seront abordées dans le rapport.

Il est important que le Parlement soit étroitement associé à la réforme, en particulier à travers l’Opecst, qui pourra constituer un relais. L’Office aura à connaître de chaque étape, réglementaire et législative.

Nous n’en sommes donc qu’à l’orientation générale, mais il nous semblait important de donner d’emblée l’assurance aux 1 700 salariés de l’organisme que les contrats ne seraient pas remis en cause et que nous ne séparerions pas les missions de recherche et d’expertise. J’ai passé plus de quatre heures avec les organisations syndicales ; je connais leur position. Le point de départ de la réforme ne fait pas l’objet d’un accord, mais nous essayons de répondre aux points de vigilance sur lesquels ils appellent notre attention.

Enfin, la prétendue révélation de ce soir n’est que le fruit de la communication très régulière à laquelle procède EDF, qui a bien sûr pris le temps de vérifier la qualité des données avant de les publier. Je rappelle que le réacteur de Penly est à l’arrêt et qu’il n’y a donc aucun risque. Chacun fait son travail, dans le rôle qui est le sien. Il ne faudrait pas jeter le discrédit sur les 500 personnes qui œuvrent tous les jours pour assurer la sûreté nucléaire. (Exclamations.) Je comprends le bénéfice politique que l’on peut tirer de la zizanie, mais une telle démarche ne me semble pas appropriée. Respectons les agents publics de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le président, on ne règle pas la question de l’organisation de la sûreté nucléaire pour plusieurs années avec seulement deux minutes d’intervention par groupe. Puis-je à tout le moins m’exprimer sur les sous‑amendements, notamment ceux de Mme Bregeon et du président de l’Opecst ?

M. le président Guillaume Kasbarian. La coutume, en commission, est de donner la parole à un orateur pour et un orateur contre, pour une minute chacun. Pour cette discussion commune, nous avons pris le temps : j’ai accordé deux minutes à chaque groupe, certains les ayant d’ailleurs scindées entre deux orateurs. Si je vous donnais la parole maintenant, Madame Batho, je devrais en faire de même de nouveau pour chaque groupe. Or leurs responsables considèrent en majorité que notre commission est suffisamment éclairée pour que nous passions au vote. Du reste, chacun aura la possibilité de déposer de nouveaux amendements en séance.

La commission rejette le sous-amendement CE692, adopte les sousamendements identiques et rejette le sous-amendement CE693. Elle adopte le sous-amendement CE684 ainsi que l’amendement CE602 sous-amendé.

En conséquence, les amendements CE417, CE223 et CE289 tombent.

 

Amendement CE610 du Gouvernement et sous-amendement CE691 de M. Gérard Leseul.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Comme je l’ai déjà dit, il s’agit de transférer à l’Autorité de sûreté nucléaire les contrats de travail des personnels de l’IRSN exerçant des missions de sûreté nucléaire. Les salariés de l’IRSN pourront choisir entre la transformation de leur contrat en contrat de droit privé et la conclusion d’un contrat de droit public proposé par l’ASN. Enfin, celle-ci pourra recruter de nouveaux salariés dans le cadre de contrats de droit privé.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous regrettons d’avoir si peu de temps pour discuter d’une question aussi importante. À travers notre sous-amendement, nous demandons la remise au Parlement d’un rapport consacré à la faisabilité du projet. Cela permettrait d’atténuer la brutalité de la décision. Les amendements du Gouvernement font suite à la réunion du Conseil de politique nucléaire du 3 février. La décision de fusionner l’ASN et l’IRSN a été prise dans la plus grande rapidité et nous n’avons pas le temps d’en mesurer tous les enjeux.

Comme cela a été précisé, dans son rapport de 2014, la Cour des comptes écrivait aussi que la « fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. ». Le 25 juin 2021, la Cour précisait par ailleurs que « la gouvernance et l’organisation de l’Institut, bien que complexes, avaient trouvé un équilibre ; que ce dernier remplit les missions qui lui sont confiées par le code de l’environnement ; qu’il a atteint les objectifs du contrat d’objectifs et de performance ».

Nous sommes attachés à la dualité de ces organismes, l’un se consacrant à la décision et au contrôle, l’autre à l’expertise. Personne ici n’a mis en cause les salariés de l’ASN. L’enjeu est de faire en sorte que chacun garde son rôle et remplisse ses missions, en toute indépendance.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement du Gouvernement est une des réponses données aux questions qui avaient été posées. Je réitère donc mon avis favorable.

Madame Jourdan, vous vous dites attachée au système dual. Pour ma part, je suis attachée à la sûreté. Mon intervention devant l’Opecst était d’ailleurs consacrée à cet enjeu : on ne badine pas avec la sûreté. Or ce n’est pas du tout ce que nous sommes en train de faire. Si telle était mon impression, sachez que, tant du fait du parcours qui est le mien que de la responsabilité qui m’incombe, ainsi qu’à nous tous parlementaires, je ne voterais pas les amendements du Gouvernement.

La prolongation des réacteurs et le renouvellement du parc historique doivent nous amener à revoir l’organisation de la sûreté pour qu’elle soit plus rapide, fluide et coordonnée. À cet égard, il faut reconnaitre que les relations entre l’ASN et l’IRSN n’ont pas toujours été au beau fixe. Ces objectifs justifient à mes yeux la réforme qui est engagée. Celle-ci n’en est qu’au point de départ : des échanges nourris auront lieu durant les prochains mois pour penser une organisation aussi adaptée que possible à la relance de la filière. Je suis donc défavorable au sous-amendement.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Que les relations entre l’ASN et l’IRSN ne soient pas toujours au beau fixe est précisément un des facteurs de la sûreté nucléaire en France. La seule question est de savoir si la réforme renforcera la sûreté nucléaire. Or la réponse est non.

L’expertise de l’IRSN ne se limite pas à celle qu’il procure à l’ASN : il travaille également pour le compte de l’État, s’agissant des actes de malveillance visant les installations nucléaires et de la défense. Qui aura désormais la charge de ces missions ? Une autorité indépendante ne saurait les exercer pour le compte de l’État. De même, qui s’occupera des questions de radioprotection en situation de crise ? Qui gérera les programmes de recherche financés par les opérateurs ? L’Autorité de sûreté nucléaire, qui est indépendante, ne pourra pas conduire des programmes de recherche financés par EDF.

La réforme a été improvisée, écrite sur un coin de table. Elle est dangereuse, notamment parce qu’elle ignore le fait que la sûreté nucléaire repose sur le facteur humain. Or le démantèlement de l’IRSN déstabilisera l’ensemble des agents chargés de la sûreté nucléaire et posera de gros problèmes, comme c’est le cas pour toutes les réorganisations qui ne tiennent pas compte de la réalité des structures et du travail du personnel – en l’occurrence, celui qui est effectué par les agents de l’IRSN et de l’ASN est remarquable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Sur un tel sujet, il faudrait écouter, Monsieur le président, ça vous ferait peut-être réfléchir un petit peu !

M. le président Guillaume Kasbarian. Avez-vous besoin d’une suspension pour reprendre votre calme, Madame Laernoes ? Chacun des groupes a le temps de s’exprimer, et je respecte l’avis majoritaire sur l’organisation de la discussion. Je suis désolé que cela ne vous plaise pas.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Nous sommes aux côtés de l’intersyndicale de l’IRSN, qui regroupe la CFDT, la CGC et la CGT. Les revendications de ces professionnels ne sont en rien corporatistes : ils s’inquiètent du devenir de leur expertise et de la recherche. Ayant moi-même été chercheuse, je sais ce qu’est une restructuration, je connais les conséquences d’une fusion de ce genre, faite à la va-vite et sans associer le personnel.

Ce qui est proposé ici est extrêmement grave : alors que le Gouvernement décide d’une relance à mort du nucléaire, une confusion sera introduite dans les domaines de la décision et de l’expertise. C’est soit complètement fou, soit parfaitement rationnel : cette opération n’a-t-elle pas pour objet de rendre moins compliquée la construction de centrales nucléaires, au plus vite, sans débat démocratique ? L’intersyndicale nous alerte ; nous devrions être raisonnables et l’écouter.

M. Arthur Delaporte (SOC). Vous avez indiqué, Madame la ministre, que vous aviez reçu les organisations syndicales pendant quatre heures. Cela vous paraît‑il beaucoup ? Dans un groupe, dans une entreprise, on ne gère pas un plan social en quatre heures. Alors pour une ministre, cela semble un peu court… Les ingénieurs et le personnel, qui ont appris début février qu’ils allaient changer totalement de structure, n’ont aucune réponse !

Nous avons rencontré leurs représentants la semaine dernière, alors qu’ils manifestaient à proximité de l’Assemblée nationale. La question que tous se posent, et nous aussi, c’est : « Pourquoi ? » En quoi le fait de se reposer sur les compétences de l’IRSN pose-t-il problème ? Ce mode de fonctionnement, m’a écrit un ingénieur, semble avoir fait les preuves de sa pertinence et de son efficacité. Il est plébiscité à l’international – après la catastrophe de Fukushima, par exemple, le Japon a fait appel à l’IRSN. Quel est donc l’objectif poursuivi, que ce soit en matière de radioprotection, de santé publique ou de gestion de crise ?

M. Charles de Courson (LIOT). La plupart des agents de l’IRSN ont des contrats de droit privé. Le transfert à l’ASN ne constitue-t-il pas un changement substantiel du contrat de travail, pouvant donner lieu à indemnisation ?

Y aura-t-il une partition de l’IRSN, comme vous l’avez envisagé initialement, semble-t-il, ou bien la totalité de l’Institut sera-t-elle transférée à l’ASN ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est pas une restructuration, sauf si les mots n’ont pas de sens. Une restructuration ou un plan social induisent une diminution du nombre d’emplois. En l’occurrence, nous allons plutôt dans le sens d’une augmentation. On peut toujours agiter les peurs, mais tordre les faits et les transformer pour faire peur aux gens est assez malhonnête – pardon de le dire. Nous ne diminuons pas le nombre d’emplois, nous le confortons. C’est très clairement indiqué dans le projet.

Les chercheurs seront bien sûr associés. C’est pourquoi nous posons le cadre et prenons le temps de définir l’organisation des missions dans le détail.

S’agissant de l’indépendance, je rappelle en quoi consiste la réforme : nous plaçons deux services publics de statuts différents et œuvrant à une même mission, la sûreté nucléaire, sous la même ombrelle, en utilisant le statut légal conférant la plus forte indépendance, celui d’autorité administrative indépendante (AAI). Si placer l’expertise et le contrôle sous la même ombrelle posait un problème, alors l’organisation de la sûreté nucléaire des trois quarts des pays de la planète poserait un problème majeur, et l’expertise de l’ASN en matière de cuves des réacteurs nucléaires, qui en sont les pièces les plus stratégiques, en poserait un autre.

Que l’exercice de la mission d’expertise doive être distingué de l’exercice de la mission de contrôle, nul ne le conteste. Cette distinction peut prendre place sous une même ombrelle. Tel est le cas au sein de la plupart des autres autorités de sûreté nucléaire, certaines assurant 100 % de l’expertise, d’autres faisant appel à des expertises externes en complément. Fondamentalement, rien ne s’oppose à la réunion des deux.

S’agissant des contrats de travail, ils sont prévus par la loi. Le salarié conserve ses missions et son contrat de travail. Il n’y a pas de changement substantiel, puisqu’il rapporte à la fin au même employeur, l’État. Il a le choix entre un contrat de droit public, qui peut lui être proposé, et le maintien de son contrat à l’identique, dans une institution ayant la faculté de recruter par contrat de droit privé.

Tout cela n’a rien de très exotique en matière de conduite de projet. Voies navigables de France, par exemple, est passé du statut d’Epic à celui d’EPA. De telles évolutions n’ont rien d’exceptionnel. Il ne s’agit jamais que de deux services publics qui ont le même employeur, l’État. Une AAI n’étant pas dotée de la personnalité morale, c’est l’État qui porte les contrats.

S’agissant du détail des missions, l’ASN couvrira les champs que j’ai mentionnés précédemment, dont la radioprotection et la recherche. Les directeurs de l’IRSN et de l’ASN travaillent pour identifier des éléments industriels et commerciaux qu’il faudrait traiter à part. Précisément parce que nous sommes en train d’y travailler, je ne peux pas encore détailler l’organisation que nous visons. En tout état de cause, nous ouvrons nos travaux en assurant à chaque salarié la sécurité d’une reprise de l’intégralité de ses droits et des contrats équivalents à ceux conclus dans le cadre de l’IRSN.

La commission rejette le sous-amendement CE691.

Elle adopte l’amendement CE610.

 

Article 9 A (suite) : Demande d’audit sur les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en revenons à l’ordre normal des articles. Je vous rappelle que l’amendement CE533 de Mme Louise Morel a été présenté jeudi soir, de même que les sous-amendements CE683 du Gouvernement, CE681 et CE680 de M. Gérard Leseul, CE682 de Mme Chantal Jourdan et CE679 de Mme Danielle Brulebois.

 

Amendement CE533 de Mme Louise Morel et sous-amendements CE683 du Gouvernement, CE681 et CE680 de M. Gérard Leseul, CE682 de Mme Chantal Jourdan, et CE688, CE687, CE686 et CE679 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois (RE). Les sous-amendements CE688, CE687 et CE686 visent à préciser les missions essentielles, notamment en mentionnant spécifiquement la sûreté des transports de matières radioactives et fissiles, la protection de l’homme et de l’environnement contre les rayonnements ionisants, la protection et le contrôle des matières nucléaires et la protection des installations nucléaires et du transport de matières radioactives et fissiles contre les actes de malveillance.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. J’émets un avis défavorable sur le sous-amendement CE688. Selon moi, le mot « radioprotection » suffit à définir l’objet du rapport et exempte d’une longue énumération, qui de surcroît n’est pas exhaustive. Avis également défavorable au sous-amendement CE686, qui est redondant avec l’amendement. Je suis en revanche favorable au sous-amendement CE687.

Pour ce qui a été présenté jeudi dernier, je suis favorable à l’amendement, ainsi qu’aux sous-amendements CE683, CE681, CE680 et CE679. Avis défavorable au sous‑amendement CE682.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Je suggère le retrait des sous‑amendements CE688 et CE686, dont la rédaction peut être travaillée.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’amendement CE533 et les sous‑amendements, que nous adopterons sans doute, visant à la remise d’un rapport au Parlement, révèlent me semble-t-il une contradiction instructive.

Le sous-amendement CE683 du Gouvernement fait passer le délai de remise du rapport de trois à six mois, avec l’exposé sommaire suivant : « Afin que le Gouvernement puisse apporter des éléments un peu consolidés concernant la réforme du dispositif de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, il est préférable que les travaux de l’ASN et de l’IRSN sur sa préparation aient pu avancer suffisamment ». C’est extraordinaire ! Nous venons pourtant de passer deux heures à demander au Gouvernement de faire preuve d’un peu de patience pour bien préparer la fusion de l’IRSN et de l’ASN, mais il a refusé, parce qu’il faut agir rapidement !

Je rappelle la conclusion de la tribune publiée ce jour par trois anciens présidents de l’Opecst, MM. Claude Birraux, Jean-Yves Le Déaut et Cédric Villani : « Dans les grandes démocraties, c’est le Parlement qui assure le travail prospectif d’évaluation préalable des grandes décisions de société ». Celle-ci, ajoutent-ils, « engage toute la nation et ne doit pas être réservée à une poignée de décideurs aux pleins pouvoirs ». C’est une question de démocratie.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le président, même si le vôtre est légendaire, quand on parle de sûreté nucléaire, je n’ai pas vraiment le sourire. La question lancinante, depuis plusieurs années, est celle des moyens, notamment humains, de l’ASN et l’IRSN, dans un contexte caractérisé par le vieillissement du parc nucléaire et l’accident de Fukushima. L’État ne s’est pas donné les moyens de faire face à cette situation. J’en sais quelque chose : j’ai été renvoyée du Gouvernement pour m’être opposée à la diminution des moyens de l’ASN.

On ne peut pas réduire la question des moyens à l’inscription d’un rapport dans un projet de loi. Je comprends l’esprit de l’amendement, mais il n’est pas à la hauteur de la situation.

Les sous-amendements CE688 et CE686 sont retirés.

La commission adopte successivement les sous-amendements CE683, CE681 et CE680. Elle rejette le sous-amendement CE682 puis adopte successivement les sousamendements CE687 et CE679.

Elle adopte l’amendement CE533 sous-amendé et l’article 9A est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Article 9 : Modalités de réexamen périodique des réacteurs nucléaires au-delà de leur 35e année de fonctionnement

 

Amendement de suppression CE302 de M. Aymeric Caron.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression de l’article 9, qui joue avec la sûreté des Françaises et des Français, ainsi qu’avec la santé de l’environnement.

Il permet à l’exploitant, lors des réexamens postérieurs à la trente-cinquième année de vie des réacteurs et après enquête publique, de choisir, s’agissant des modifications à effectuer, entre une procédure d’autorisation et une simple procédure de déclaration. Nous préférons maintenir le régime d’autorisation en toutes circonstances, pour la très bonne raison qu’il nous semble inadmissible d’alléger la rigueur indispensable à l’examen des centrales nucléaires, surtout lorsqu’elles sont vieillissantes.

Madame la rapporteure, lorsque j’ai évoqué, la semaine dernière, la crainte que peuvent susciter des accidents comme ceux de Fukushima et de Tchernobyl, vous m’avez accusé d’agiter les peurs. Votre réponse me semble irresponsable.

Il n’y a pas que des dangereux écologistes qui alertent sur la menace induite par l’énergie nucléaire : il y a aussi de nombreux scientifiques, à commencer par M. Jacques Repussard, ancien directeur de l’IRSN, qui a déclaré à plusieurs reprises qu’il fallait se préparer au pire, « imaginer l’inimaginable », rappelant que les statistiques sur lesquelles reposent les calculs définissant la politique de sûreté sont démenties par les faits. Trois catastrophes majeures en trente ans : nul n’avait rien envisagé de tel !

Par ailleurs, je précise à l’attention de ceux qui placent l’économique au-dessus de toute autre préoccupation qu’un accident majeur tel ceux de Tchernobyl ou de Fukushima coûterait à la France la somme délirante de 430 milliards d’euros.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis évidemment défavorable. Grâce à l’article 9, l’enquête publique s’applique au rapport de réexamen dans son ensemble et l’ASN doit tenir compte de ses conclusions. Plusieurs garde-fous garantissent donc la consultation, à laquelle je vous sais attaché à raison. Les dispositions de l’article 9 ne dérogent pas aux grands principes de sûreté.

L’ancien président de l’ASN a dit qu’un accident était toujours possible. Cela me semble être une très bonne façon de réfléchir. Imaginer l’inimaginable est, depuis Fukushima, la démarche qui fonde notre raisonnement en matière de sûreté nucléaire.

Le risque sismique, par exemple, est réévalué tous les dix ans, à l’occasion des visites décennales dont nous parlerons dans la suite des débats. Il est systématiquement majoré, et encore plus depuis l’accident de Fukushima. Depuis, on a également intégré une troisième voie électrique et pris des dispositions relatives aux risques d’inondation. À la demande de l’ASN, des moyens externes d’alimentation en eau, en air et en électricité d’un site inondé ou isolé en raison d’un accident météorologique majeur ont été installés.

Le retour d’expérience de Fukushima a été amplement réalisé, dès 2012. Il est intégré aux visites décennales. L’ASN et l’IRSN ont salué la démarche. Je ne prétends pas qu’il est possible de tendre à l’infini vers le risque zéro, mais vos déclarations sur le cancer des enfants, auxquelles l’un de nos collègues a répondu, ne me semblent pas à la hauteur de la situation, Monsieur Caron.

Nous pouvons l’un et l’autre considérer, à raison, que le nucléaire est dangereux et que nous maîtrisons le risque, et avoir des approches distinctes du niveau de risque que nous sommes capables d’accepter. Mais les discours alarmistes, très éloignés de la réalité des sites et des actions de prévention des accidents, ne me semblent pas au niveau du débat. Je crois savoir que de nombreux scientifiques vous l’ont fait observer.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Monsieur Caron, votre présentation de l’article 9 ne correspond pas à son contenu.

Il n’est pas question de revoir la liste des cas exigeant une enquête publique, que nous ne modifions pas d’une virgule. Nous prévoyons au contraire que l’exploitant adresse au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l’ASN un rapport comportant les conclusions du réexamen périodique. Au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement, celui-ci est obligatoirement assorti d’une enquête publique, sur le fondement de laquelle l’ASN peut imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions. Contrairement à la présentation que vous en faites, l’article 9 renforce la sûreté des installations nucléaires, notamment au-delà de leur trente-cinquième année.

M. Antoine Armand (RE). Nous sommes tout de même en présence d’une contradiction abyssale. Chers collègues de la NUPES, vous demandez plus de concertation, une prise en compte des enquêtes publiques et une confiance dans le dispositif de sûreté nucléaire ; mais lorsqu’un article veut prendre en compte les résultats de l’enquête publique dans le cadre du réexamen périodique après la trente-cinquième année, vous proposez de le supprimer ! Arrêtez de déposer des amendements de suppression à la pelle et faites preuve d’un minimum de cohérence : c’est de la relance du nucléaire que nous discutons, quand même !

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE625 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendements identiques CE627 de Mme Maud Bregeon, CE664 de la commission du développement durable et CE42 de M. Jorys Bovet.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit de supprimer, dans la définition des modalités de l’enquête publique, la mention des adaptations réglementaires nécessaires. Cette précision introduite par le Sénat est superflue.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La rédaction adoptée par le Sénat peut effectivement prêter à confusion, il faut supprimer la fin de l’alinéa 3.

Mme Florence Goulet (RN). Il s’agit de corriger un non-sens mis en avant par EDF lors des auditions : l’enquête publique effectuée dans le cadre des réexamens au-delà de la trente-cinquième année est différente de celle réalisée lors de la construction.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable. La rédaction adoptée par le Sénat revient sans nécessité sur le droit en vigueur, qui distingue l’enquête publique en matière nucléaire de celle du régime général.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE183 de M. Pierre Cordier.

M. Dino Cinieri (LR). Il vise à renforcer la prise en compte de l’avis de la commission locale d’information (CLI).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Demande de retrait ou avis défavorable. Le code de l’environnement prévoit déjà la consultation des CLI par le préfet.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE628 de Mme Maud Bregeon et CE350 de M. Romain Daubié.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il s’agit de supprimer le rapport remis par l’exploitant cinq ans après les réexamens décennaux, qui n’offre aucune garantie supplémentaire en matière de sûreté. L’ASN a la possibilité de faire des prescriptions à tout moment. Par ailleurs, ce délai s’accorde mal avec le pas de temps décennal des réexamens périodiques des installations nucléaires de base. Enfin, l’exploitant d’un centre nucléaire de production d’électricité doit publier chaque année un rapport détaillant les mesures de sûreté qu’il a prises.

M. Romain Daubié (Dem). Supprimer le rapport intermédiaire remis par l’exploitant cinq ans après le réexamen décennal va dans le sens de la simplification administrative que je défends souvent devant votre commission, et évite une redondance avec la décision du 23 février 2021 de l’ASN.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de revenir au droit en vigueur. Les dispositions introduites par le Sénat complexifient l’ensemble plus qu’elles n’apportent des garanties additionnelles.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Madame la ministre a dit, quand il s’est agi de démanteler l’IRSN pour en fusionner une partie avec l’ASN, que nous avions changé d’ère et que nous pouvions changer de façon de fonctionner en matière de sûreté nucléaire. Certes, on change beaucoup d’ère : le texte vise à la fois à prolonger les centrales existantes au-delà de leur durée de vie initiale, à bâtir des réacteurs EPR 2 dont nous n’avons pas fini les plans et à construire des SMR dont nous n’avons pas commencé les plans !

Réduire la sûreté nucléaire est une mauvaise idée. Supprimer la dernière phrase de l’alinéa 4 prive l’ASN de l’une de ses missions. Vous avez démantelé l’IRSN en disant, pour tenter de nous rassurer, que l’exercice de ses missions se poursuivrait dans le cadre de l’ASN, en laquelle nous pouvions avoir toute confiance. Et à présent, vous lui retirez des missions… Nous nous opposons à ces amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Nous ne faisons que revenir au droit en vigueur. Il ne s’agit ni d’une remise en cause des procédures, ni d’un recul.

La commission adopte les amendements.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE592 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

À la demande de la rapporteure, l’amendement CE184 de M. Pierre Cordier est retiré.

 

Amendement CE456 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Dominique Potier (SOC). Madame la rapporteure, je forme le vœu que cet amendement se situe à la hauteur à laquelle vous avez placé nos débats.

Il n’est écrit nulle part que l’ASN doit rendre publiques son analyse du rapport et ses prescriptions. C’est un manque. Certes, l’Autorité le fait en pratique, et elle n’y a jamais dérogé, mais il nous semble préférable, en tant que législateurs, de l’inscrire dans la loi. Seraient bien sûr exclus de cette obligation les éléments dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la défense et à la sécurité nationales.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement est en très grande partie satisfait. Le code de l’environnement prévoit que les décisions et les avis du collège de l’ASN sont publics. Les décisions de l’ASN homologuées par le ministre de tutelle le sont également, ainsi que toutes les décisions comportant des prescriptions. J’entends bien qu’il s’agit de renforcer la transparence, mais le droit en vigueur la garantit. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. L’article L. 592-27 du code de l’environnement dispose : « L’Autorité de sûreté nucléaire rend publics les avis et décisions délibérés par son collège dans le respect des règles de confidentialité prévues par la loi. ».

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). M. Leseul a déposé des amendements visant à rendre obligatoire la publication des décisions et des études en matière de sûreté nucléaire. Compte tenu du caractère hâtif de la décision de modifier notre système de sûreté et de la déstabilisation qui en résulte, la moindre des choses serait d’inscrire dans la loi leur publication systématique.

Nous avons évoqué la découverte à Penly de problèmes de corrosion sous contrainte d’une gravité inédite. L’ASN et EDF en étaient informés et ont attendu un mois avant de rendre publique cette information. Pour assurer la nécessaire confiance dans le système de sûreté nucléaire, dans le pays le plus nucléarisé au monde, la moindre des choses est d’exiger une transparence au moins inchangée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE301 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Une vingtaine de nos réacteurs ont déjà plus de 40 ans. Comme le nécessaire n’a pas été fait pour développer les énergies renouvelables, nous allons nous retrouver au moment où tous les réacteurs vont arriver à la limite de leur durée d’exploitation en même temps. Vous proposez de prolonger la durée de vie des centrales existantes en permettant à l’exploitant de recourir à une simple déclaration pour procéder à une modification « notable » – je ne vois pas bien quelle est la différence avec une modification « substantielle ».

Nous avons évoqué le problème de la corrosion sous contrainte. Il faut que les Français sachent qu’à l’heure où nous parlons, à Penly 1, la sûreté nucléaire tient à quatre millimètres ; le vieillissement des cuves commence à poser problème.

Nous souhaitons que les modifications apportées par l’exploitant lors des réexamens au-delà de la trente-cinquième année, quelle que soit leur importance, soient soumises à autorisation et non à une simple déclaration.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La sûreté nucléaire à Penly 1 ne tient pas à quatre millimètres ! Les problèmes de corrosion sous contrainte à Penly ont déjà fait l’objet de communications. Le réacteur n° 1 est à l’arrêt et des contrôles complémentaires sont réalisés. Ce n’est pas parce qu’un phénomène supplémentaire de corrosion a été observé sur un système de refroidissement à injection de sécurité, qui n’est pas mis en œuvre lorsque le réacteur produit normalement, qu’on peut dire que la sûreté se joue à quelques millimètres. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Non seulement le réacteur en question est à l’arrêt, mais le problème que vous évoquez a été annoncé par EDF : pour une cachotterie, c’est plutôt raté…

L’élément de tuyauterie concerné a vocation à être remplacé, comme cela a été fait sur les autres réacteurs qui ont fait l’objet de réparations à la suite de problèmes de corrosion sous contrainte.

Attention à ne pas jeter le discrédit sur le travail des opérateurs et de l’ASN. Peut-être s’agit-il d’une stratégie, mais je ne suis pas sûre que cela soit très responsable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’en ai assez d’entendre dire que nous jetterions le discrédit sur les équipes de l’ASN ou de l’IRSN. C’est entièrement faux. Nous avons défendu leur travail et l’organisation actuelle du système de sûreté. Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, nous avons besoin d’un système de sûreté robuste. La loi de 2006 avait d’ailleurs été votée à l’unanimité.

Aujourd’hui, vous passez à la hussarde et vous démantelez le système de sûreté. Vous déstabilisez les équipes de l’IRSN en leur annonçant la réforme du jour au lendemain. On ne connaît pas les perspectives en matière d’organisation de la sûreté. C’est extrêmement grave.

Oui : quand on apprend qu’à Penly, le phénomène de corrosion sous contrainte provoque une fissure de vingt-trois millimètres dans une tuyauterie qui est épaisse de vingt‑sept, on peut s’émouvoir. Et encore heureux qu’EDF ait communiqué à ce sujet, un mois après avoir découvert le problème ! Mais nous ne mettons aucunement en doute la qualité des équipes.

Il me paraît donc essentiel de supprimer l’alinéa 6.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Madame la ministre, la stratégie de la NUPES est de raconter absolument n’importe quoi, en utilisant des termes techniques qui n’ont pas la même signification pour l’ingénierie nucléaire et pour le grand public.

C’est la méthode systématique des adversaires du nucléaire depuis des années : faire peur à la population en profitant de l’honnêteté de la filière nucléaire et en la retournant contre elle. J’avais d’ailleurs proposé à l’Opecst de réfléchir aux termes employés par cette filière pour éviter que la bonne foi de la raison et de la science soit remise en cause par les apprentis sorciers qui sont leurs ennemis.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE629 de Mme Maud Bregeon, et amendements identiques CE37 de M. Jorys Bovet et CE134 de M. Pierre Meurin (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Lorsqu’une modification doit être réalisée sur une installation nucléaire de base, elle est soumise soit à autorisation, soit à déclaration, selon son importance. Ces deux régimes doivent perdurer, mais il n’y a pas lieu que les modalités de ces régimes soient différentes selon qu’on est dans le cadre d’un réexamen périodique ou non. Mon amendement tend donc à homogénéiser les procédures applicables.

Demande de retrait pour les deux autres amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait pour les amendements identiques, car ils sont satisfaits par l’amendement de la rapporteure dont la rédaction est meilleure.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je constate que vous aimez bien travailler avec le Rassemblement national lorsqu’il s’agit de sûreté nucléaire.

Je rappelle que le Rassemblement national ne croit ni à la science, ni aux avis techniques, puisque son plan « Marie Curie » prévoit la mise en service de dix nouveaux réacteurs en 2031 – ce qu’aucun expert n’estime possible – et de dix autres en 2036. Il souhaite également remettre en service la centrale de Fessenheim. Et nous avons appris dans un de ses amendements qu’il souhaite refroidir les centrales nucléaires avec de l’eau de pluie…

N’est-il pas magnifique, le monde rêvé du Rassemblement national ?

M. Pierre Meurin (RN). Je reviens précisément d’une visite de la centrale de Fessenheim ce matin – où Mme Laernoes n’a sans doute jamais mis les pieds, elle qui débite les éléments de langage du lobby antinucléaire, devenu du reste un peu vintage au vu de l’évolution de l’opinion publique.

Les écologistes sont responsables de l’abaissement de notre souveraineté énergétique et du pouvoir d’achat des Français, puisque le nucléaire est l’énergie la plus pilotable et la moins chère d’Europe. Je vous demande donc un peu de modestie quand vous vous adressez au Rassemblement national, qui a fait un effort programmatique très sérieux en matière de déploiement du nucléaire. Votre solution à vous, c’est de développer les énergies intermittentes, qui ne produisent rien et coûtent très cher…

Les amendements CE37 et CE134 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE629.

En conséquence, les amendements CE349 de M. Romain Daubié et CE335 de Mme Lisa Belluco tombent.

 

La commission adopte l’article 9 modifié.

 

Après l’article 9

 

Amendement CE222 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cet amendement vise à créer un principe de non‑régression en matière de sûreté nucléaire, à l’instar de celui qui existe en matière environnementale. Il s’agit de s’assurer de la progression constante des normes en matière de sûreté nucléaire, afin de limiter au maximum le risque d’incident.

Cet amendement a été rédigé pour envoyer des signaux en matière de sûreté en raison du contexte actuel.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Demande de retrait.

Le principe de non-régression est déjà appliqué en matière nucléaire. Le code de l’environnement prévoit une obligation d’amélioration permanente des installations par les exploitants. En outre, au moins une fois tous les dix ans, les ministres compétents et l’ASN organisent conjointement une évaluation du cadre juridique de la sûreté nucléaire.

Par-delà les aspects juridiques, prendre en compte de manière continue le retour d’expérience a été un principe directeur au cours des quinze dernières années pour améliorer la sûreté.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait. Dans le champ réglementaire, le principe de non-régression en matière de protection de l’environnement s’applique aussi à la sûreté nucléaire. Du point de vue législatif, l’article L. 591-2 du code de l’environnement prévoit que l’État « veille à ce que la réglementation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que son contrôle, soient évalués et améliorés (…) en tenant compte de l’expérience acquise dans le cadre de l’exploitation, des enseignements tirés des analyses de sûreté nucléaire effectuées pour des installations nucléaires en exploitation, de l’évolution de la technologie et des résultats de la recherche. » Tous les éléments sont bien là.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’entends vos arguments. Mais mieux englober les dispositions qui existent déjà dans le principe général de non-régression en matière de sûreté nucléaire permettrait d’envoyer un signal politique, au sens noble du terme.

Le signal envoyé sur cette question de la sûreté sera essentiel dans le présent projet de loi d’accélération et refuser cet amendement vous prive d’un argument solide.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE454 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à organiser la participation du public dans le cadre des procédures de réexamen décennal des installations nucléaires de base. Cette participation ne doit pas être limitée aux projets de construction d’une centrale et doit être organisée tout au long de sa durée d’exploitation, dans un souci démocratique et de transparence vis-à-vis des citoyens.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Une enquête publique est déjà prévue à l’occasion du réexamen d’une installation nucléaire de base au-delà de trente-cinq ans de fonctionnement, ce qui permet de consulter le public – et notamment le public local.

Faut-il pour autant confier cette mission à la Commission nationale du débat public (CNDP) ? On peut se le demander, au vu de la manière dont s’est passée la consultation sur le projet d’EPR 2 à Penly.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement est largement satisfait. Avis défavorable.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Il est difficile de ne pas réagir aux propos de la rapporteure. On nous dit que s’interroger sur l’intérêt de la fusion de l’IRSN avec l’ASN revient à mettre en doute l’indépendance de cette dernière. Mais la rapporteure ne se prive pas de mettre en doute celle de la CNDP !

Si la CNDP a écourté ses travaux et a fini par en changer l’objet, c’est parce qu’avant même la fin du débat, prévue le 27 février, le Président de la République a pris un certain nombre de décisions à l’occasion du Conseil de politique nucléaire, le 3 février – dont celle de démanteler l’IRSN et d’en intégrer une partie au sein de l’ASN.

On retrouve cette politique du fait accompli dans l’ensemble de ce projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE130 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement vise à obliger l’exploitant d’une centrale à informer les communes proches en cas de grand carénage, chantier qui mobilise, même si c’est provisoire, un grand nombre de personnes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Les représentants des communes siègent au sein des commissions locales d’information (CLI) et sont donc informés des évolutions au cours de l’exploitation. Ils sont consultés aussi avant la déclaration, je le rappelle, au cours des enquêtes publiques et des différentes étapes juridiques et administratives. Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement est satisfait par le dispositif des CLI. Demande de retrait.

M. Pierre Meurin (RN). Toutes les collectivités territoriales ne sont pas représentées dans les CLI. J’ai été le directeur de cabinet du président de la CLI de Creys-Malville et je vous assure que les conditions d’information sont largement perfectibles.

Cet amendement n’impose pas une modalité particulière d’information, qui pourrait être fixée par décret ou grâce à un sous-amendement. Cela constituerait un bon signal vis-à-vis des élus locaux qui, à l’occasion des travaux, vont faire face à des bouleversements démographiques certes temporaires mais majeurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 9 bis : Prise en compte des conséquences du changement climatique et de la cybersécurité dans les dispositions législatives applicables aux installations nucléaires de base

 

Amendements de suppression CE135 de M. Pierre Meurin et CE385 de Mme Mathilde Paris.

M. Pierre Meurin (RN). L’article 9 bis ajoute des précisions superfétatoires. Il impose aux exploitants des centrales nucléaires de prendre en compte « le dérèglement climatique et ses effets » dans leur démonstration de sûreté. Il précise aussi que la protection contre les actes de malveillance doit comprendre la cybersécurité. Tout cela est très bien, mais une loi bavarde est souvent inutile.

Les processus de mise en service et de contrôle des centrales nucléaires intègrent déjà ce type de menaces ou de problématiques. Ce texte comprend beaucoup d’éléments qui procèdent d’une bonne intention, mais qui sont à la limite de la condescendance envers une filière qui fonctionne avec un contrôle d’une réelle qualité. Je ne crois pas que l’ASN ait oublié de prendre en compte les conséquences du dérèglement climatique. Personne ne va construire une centrale nucléaire à un endroit où elle risquerait d’être submergée.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Nous proposerons de largement réécrire cet article ajouté par le Sénat. Le dérèglement climatique est en effet d’ores et déjà pris en considération. Nous proposerons donc de conserver une mention, sans aller jusqu’au niveau de détail du texte actuel.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Demande de retrait au profit des amendements CE561 du Gouvernement et identiques, qui prévoient une rédaction plus synthétique que celle adoptée par le Sénat en ce qui concerne le dérèglement climatique.

M. Pierre Meurin (RN). Comme le Gouvernement et la majorité admettent que les dispositions ajoutées par le Sénat sont superfétatoires et font un geste pour reconnaître le professionnalisme de la filière nucléaire, nous retirons nos amendements.

Les amendements sont retirés.

 

Suspension de la réunion de vingt-trois heures cinquante à vingt-trois heures cinquante-cinq.

 

Amendement CE387 de M. Antoine Villedieu.

M. Pierre Meurin (RN). Je voudrais juste savoir si, du point de vue juridique, la mention du dérèglement climatique risque de susciter des contentieux qui ralentiraient la construction des nouveaux EPR.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Les conséquences du dérèglement climatique sont déjà intégrées dans toutes les démonstrations de sûreté et il n’y a pas problème juridique spécifique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’objectif est bien que les réacteurs fonctionnent. Il faut donc prendre en considération le changement climatique.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE642 du Gouvernement et CE113 de M. Antoine Villedieu (discussion commune).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement propose de remplacer l’expression « dérèglement climatique » par « changement climatique », qui est la référence la plus utilisée.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE642 et défavorable à l’amendement CE113.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Une fois n’est pas coutume, je soutiens cet amendement du Gouvernement ainsi que ceux qui ont le même objet.

Je remarque que les amendements similaires que nous avions déposés lors de l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets avaient été rejetés – y compris ceux portant sur son titre, qui retient ce terme inapproprié du point de vue scientifique.

Je salue le fait que le Gouvernement reprenne enfin les termes scientifiques retenus par la communauté internationale, c’est-à-dire l’expression « changement climatique », que l’on pourrait du reste compléter par « lié aux activités humaines ».

La commission adopte l’amendement CE642.

En conséquence, l’amendement CE113 tombe.

 

Amendements identiques CE561 du Gouvernement et CE630 de Mme Maud Bregeon.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Comme je l’ai indiqué précédemment, cet amendement prévoit une rédaction plus concise en ce qui concerne la prise en compte du changement climatique dans la démonstration de sûreté.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il est clair que Rassemblement national nie l’importance du changement climatique et l’incompatibilité du nucléaire avec ce changement.

Un certain nombre de nos amendements vont malheureusement tomber du fait de l’adoption des amendements identiques du Gouvernement et de la rapporteure. Les ajouts que nous proposions n’avaient pas pour objet de rendre la loi « bavarde », mais de prendre en compte des éléments qui ne le sont pas encore, Madame la rapporteure. Vous ne pouvez pas recourir à cet argument quand le Président de la République dit : « Qui aurait pu prédire la crise climatique ? »

Même les scientifiques n’avaient pas prévu tous les effets de l’accélération du changement climatique. Il est donc nécessaire d’attendre les conclusions du groupe de travail de l’IRSN sur les conséquences du changement climatique sur le nucléaire. Mais peut-être est‑ce en raison de ce travail que vous voulez le démanteler ?

Qu’on soit pour ou contre le nucléaire, le changement climatique est là. Il est nécessaire d’apporter des précisions à cet article, par exemple sur la ressource en eau, parce que le changement climatique aura progressé lorsque les nouvelles centrales entreront en service, dans quinze ou vingt ans au mieux. Je déplore que ces amendements doivent tomber.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 4 et 7 tombent.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE41 de M. Jorys Bovet.

 

Amendement CE661 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il s’agit de nouveau de substituer « changement climatique » à « dérèglement climatique ».

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE306 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Cet amendement précise que le changement climatique entraîne non seulement des « effets », mais aussi des « risques » spécifiques pour les installations nucléaires et connexes, que l’exploitant doit connaître et anticiper. Ces risques inhérents au changement climatique sont mis en évidence par la communauté scientifique. Nous savons désormais que des déséquilibres majeurs et des phénomènes d’emballement sont possibles. Lors de la COP de Glasgow, l’Organisation météorologique mondiale a ainsi présenté un rapport alarmiste soulignant que la planète entrait dans l’inconnu s’agissant des implications précises du changement climatique et des risques qu’il entraîne.

Étant donné ce contexte, cet amendement est absolument nécessaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Demande de retrait. Les effets du changement climatique sont déjà pris en compte de manière générale et il n’apparaît pas nécessaire de lier leur évaluation au réexamen décennal.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement est satisfait, puisque l’objet même de cet article consiste à intégrer le changement climatique dans l’analyse des risques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE667 de la commission du développement durable, CE374 M. Xavier Albertini et CE523 de M. Éric Bothorel.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il s’agit de supprimer l’alinéa 8. Le complément qu’il apporte n’est pas placé au bon article du code de la défense.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE480 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CE201 de Mme Christelle Petex-Levet tombent.

 

La commission adopte l’article 9 bis modifié.

 

Article 9 ter : Dispense d’autorisation d’urbanisme pour les travaux portant sur les réacteurs existants et leurs équipements

 

Amendements de suppression CE631 de Mme Maud Bregeon, CE308 de M. Christophe Bex et CE336 de Mme Lisa Belluco.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cet article adopté par le Sénat permet d’appliquer aux réacteurs existants le régime de dispense d’autorisation d’urbanisme prévu par l’article 3 du texte pour les projets de réacteurs électronucléaires. La durée d’application de ce régime dérogatoire est de vingt ans.

Après des discussions avec les différents acteurs, il apparaît que les dispositions de cet article constitueraient davantage un facteur de ralentissement que d’accélération. C’est la raison pour laquelle il vous est proposé de supprimer l’article 9 ter.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il semble nécessaire de supprimer ces dérogations supplémentaires. Nous sommes d’accord avec le Gouvernement, ce qui est rare.

L’une des questions posées par l’article 3 est de savoir qui prendra en charge le coût de la construction anticipée d’annexes qui auront bénéficié d’une procédure dérogatoire au droit de l’urbanisme, si l’autorisation de réaliser le réacteur n’est finalement pas accordée. Les Français peuvent légitimement s’interroger, alors que la dette d’EDF atteint 65 milliards d’euros – ce qui représente un taux d’endettement semblable à celui de l’Argentine lorsque le Fonds monétaire international a menacé de l’exclure. Pour notre part, nous supposons que c’est le contribuable qui paiera.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voulons bien vous croire quand vous dites qu’un régime spécifique ralentirait les procédures liées aux travaux dans une installation nucléaire de base en fonctionnement, mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Passer d’une autorisation de niveau préfectoral à une autorisation ministérielle allongerait les délais. Les constructions prévues en l’espèce, portant notamment sur des bâtiments annexes, ne le justifient pas.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article prévoit aussi une intervention du ministre chargé de l’urbanisme, qui serait assez déplacée pour ce genre de procédures.

La commission adopte les amendements et l’article 9 ter est supprimé.

En conséquence, les amendements CE 35 de M. Sébastien Jumel et CE309 de Mme Aurélie Trouvé tombent.

 

Article 10 : Suppression de l’automaticité de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans

 

Amendements de suppression CE10 de Mme Julie Laernoes et CE310 de M. Aymeric Caron.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Face au vieillissement du parc nucléaire, le Gouvernement entend supprimer le caractère automatique de la fermeture d’une centrale nucléaire à l’arrêt depuis plus de deux ans. Vous cherchez peut-être à répondre au fantasme du Rassemblement national en abandonnant cette règle que l’on retrouve dans tous les régimes de police environnementale.

Si EDF n’a pas la capacité d’assurer les travaux de maintenance, de réparation ou d’amélioration des centrales sans interrompre leur fonctionnement pendant une durée inférieure à deux ans, cela traduit un problème de grave altération ou de compétences qui fait craindre pour la sûreté de l’installation. Dans ce contexte, les conditions posées à la délivrance de l’autorisation initiale, qui n’est pas limitée dans le temps, comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, ne sont plus satisfaites.

Enfin, cette modification est contraire au principe de prévention des risques d’atteinte à l’environnement, garanti par l’article 3 de la Charte de l’environnement. Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de supprimer cet article.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). L’article 10 ouvre la voie à une réouverture beaucoup plus facile des centrales fermées, puisque la fermeture ne sera plus automatique après un arrêt de deux ans et devra être précédée d’un décret en Conseil d’État.

Un tel dispositif nous inquiète, car il comporte des risques en matière de sécurité et de sûreté nucléaire. Il pourrait remettre en cause la capacité de l’exploitant à assurer le redémarrage et le fonctionnement de la centrale dans des conditions normales. Enfin, point très important, il s’oppose à une politique tendant à construire un mix énergétique composé intégralement d’énergies renouvelables. Nous en demandons donc la suppression.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Je n’ai pas la même interprétation que la vôtre sur la longueur des travaux, Madame Laernoes : ils doivent durer le temps nécessaire, et si cela excède deux ans, cela traduit une exigence de rigueur et d’exhaustivité, notamment pour les rehaussements de sûreté qui sont demandés lors des examens périodiques.

Il n’appartient pas à un gouvernement, quel qu’il soit, d’estimer la capacité technique d’une centrale à fonctionner en toute sûreté. Ce rôle est dévolu à l’Autorité de sûreté nucléaire et, dans une moindre mesure, à l’exploitant.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Des travaux qui durent deux ans, ou presque, ne sont pas si rares : cela a été le cas pour Fessenheim, Flamanville, Paluel 2. L’ASN valide leur redémarrage une fois les conditions de sécurité remplies : il n’y a donc pas de remise en cause de la sûreté, mais une prise en compte de la réalité des risques traités.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement qui n’a aucun sens. Une fois de plus, la NUPES met en doute la capacité de l’opérateur à faire les travaux nécessaires. Elle souhaite maintenir la limite de deux ans, qui contraindra EDF à accélérer les travaux, ce qui permettra à la NUPES de critiquer une nouvelle fois l’exploitant pour sa précipitation. C’est l’éternel syndrome du pompier pyromane de ce camp politique.

Quand on a travaillé pour Mme Dominique Voynet, qui affirme qu’Iter contient du nobrium, à savoir un antidépresseur, on garde pour soi ses avis sur les fantasmes du Rassemblement national.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE311 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement va dans le sens que viennent de développer mes collègues Julie Laernoes et Aymeric Caron. Le Rassemblement national pense peut-être pouvoir construire tout seul dix réacteurs en moins de dix ans, alors que même le président-directeur général d’EDF affirme que l’entreprise pourrait en fabriquer au mieux six en quinze ans – estimation qui nous laisse d’ailleurs sceptiques.

L’article 10 rend plus complexe la fermeture définitive d’une centrale arrêtée depuis deux ans. Pourtant, on peut déjà attendre trois ans avant de prononcer tout arrêt définitif – la durée restant de deux ans pour les installations classées pour la protection de l’environnement. On crée encore une fois une dérogation pour le nucléaire, ce que nous refusons.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il n’y a aucune raison de prononcer la fermeture définitive d’une centrale au motif qu’elle serait arrêtée depuis plus de deux ans. Mme la ministre a cité l’exemple de Paluel 2 : dans cette centrale, un incendie dans le condenseur a entraîné une fuite du générateur de vapeur pendant l’arrêt de tranche ; cela ne signifiait pas que la centrale ne pouvait plus fonctionner. Des travaux importants et des examens périodiques ont été effectués. C’est aux experts et aux techniciens de dire si une centrale peut continuer son activité, non au Gouvernement ou à l’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). C’est le terrain qui commande : de très nombreux pays travaillent sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires, mais nous avons bien compris que la France insoumise et les écologistes voulaient mettre fin au nucléaire : ils seront comptables devant les Français des conséquences sur leur pouvoir d’achat et notre souveraineté.

La gauche prétend défendre les travailleurs, mais elle montre la plus grande froideur, dans sa posture antinucléaire, pour demander l’arrêt de centrales nucléaires et donc priver des salariés de leur emploi. J’en ai rencontré ce matin à Fessenheim qui m’ont fait part des problèmes psychologiques que la perte de leur emploi leur a causés. Aucun d’entre vous n’est allé les voir, alors qu’ils avaient le sentiment de défendre un service public et un bien commun et qu’ils ont été victimes d’un plan social très violent. Votre idéologie vous détourne des aspects humains, qui ne vous intéressent pas.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE386 de M. Nicolas Dragon.

 

Amendement CE115 de Mme Mathilde Paris.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je suis très heureuse que le Rassemblement national vienne de lire notre programme : cela fait effectivement cinquante ans que les écologistes proposent de sortir du nucléaire. À l’époque où Marine Le Pen affirmait que le changement climatique n’était pas lié aux activités humaines, les écologistes le décrivaient déjà comme une catastrophe environnementale dont l’unique cause est l’activité humaine.

Vous persistez dans le même entêtement idéologique en souhaitant prolonger la vie des réacteurs jusqu’à soixante ans, alors que l’ASN affirme que les éléments portés à sa connaissance ne permettent pas de conclure que la poursuite du fonctionnement de certaines centrales et de leurs réacteurs soit acquise au-delà de cinquante ans. Votre projet de loi est à la fois incohérent et inconséquent.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Ce n’est pas du tout le sujet de l’amendement précédent, que la commission a rejeté.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Vous défendez le Rassemblement national !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je n’ai pas de leçon à recevoir dans ce domaine. Je coconstruis des majorités autour de projets qui visent à lutter contre le réchauffement climatique. Vous, vous n’avez pas voté le projet de loi sur les énergies renouvelables et vous ne comptez pas soutenir le présent texte : vous m’expliquerez comment vous pensez réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE562 du Gouvernement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il vise à simplifier la rédaction de l’article 10.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE323 de M. Jérémie Iordanoff et CE337 de Mme Lisa Belluco (discussion commune).

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Avec cet article, le Gouvernement supprime l’automaticité de la mise à l’arrêt des installations qui ont cessé de fonctionner depuis plus de deux ans.

Plus grave, c’est une option maximaliste qui est retenue, laissant à l’exécutif la liberté d’action en la matière, en dehors de la consultation obligatoire du Conseil d’État. Il est inacceptable qu’aucune condition ne soit prévue pour encadrer cette nouvelle prérogative.

En matière d’indépendance et de souveraineté énergétiques, le Rassemblement national pourra regarder le rapport de la commission d’enquête qui est en cours : la plupart des personnes auditionnées ont affirmé que la France n’avait jamais été indépendante ni souveraine dans ce domaine. L’électricité n’est pas la principale composante énergétique de notre pays, et nous n’atteindrons jamais l’indépendance énergétique grâce au seul nucléaire, dans la mesure où nous utilisons 60 % d’énergies fossiles.

Les nouveaux réacteurs nucléaires ne verront pas le jour avant quinze à vingt ans, et nous n’avons que sept ans pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, donc l’utilisation d’énergies fossiles : le nucléaire ne sauvera pas le climat. Les échéances de 2050 doivent juste réduire un peu sa part dans la production électrique. Il ne remplacera donc pas les énergies fossiles dans notre pays, ne vous en déplaise. Mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le nucléaire ne sauvera pas le climat !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Hervé de Lépinau (RN). Madame Laernoes, pourquoi considérez-vous que le Rassemblement national est une composante de la production d’électricité ? Nous sommes certes des électrons libres, mais vous parlez de nous à chacune de vos interventions, c’est obsessionnel. Auriez-vous fait un pari avec vos petits camarades ? J’aimerais comprendre cette idée fixe.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Rassurez-vous, nous ne vous considérons absolument pas comme des électrons libres, mais comme des serviteurs zélés du projet du Gouvernement en faveur du nucléaire.

Madame la ministre, j’ai évoqué une durée d’exploitation des réacteurs de soixante ans, car c’est bien la durée qui figure dans l’amendement CE386 de M. Dragon – durée qu’il juge, dans son exposé des motifs, « nécessaire à la continuité du parc nucléaire français ». Plus loin, on pouvait lire que certaines centrales devraient pouvoir fonctionner quatre-vingts ans. Je reviens donc à l’objet de ma précédente intervention : selon l’ASN, rien n’indique que la durée d’activité des réacteurs pourrait dépasser soixante ans. Mais, alors que mon propos était tourné contre les responsabilités climatiques et les propos antiscientifiques de Marine Le Pen, je constate que vous avez pris soin de la défendre.

La commission rejette successivement les amendements.

 

L’amendement CE186 de Mme Annick Cousin est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE38 de M. Jorys Bovet

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE541 et CE646 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

 

Après l’article 10

 

Amendement CE221 de M. Benjamin Saint-Huile.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je demande le retrait de l’amendement car il est satisfait.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE136 de M. Pierre Meurin.

 

Amendement CE446 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à créer une commission nationale chargée d’évaluer les charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, sur le modèle de la CNEF, une commission du même nom créée par la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, puis supprimée par la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi « Asap ».

La suppression de la CNEF était une erreur car notre pays doit organiser, planifier et financer, en provisionnant les fonds nécessaires de la manière la plus fine possible, le démantèlement des installations nucléaires de base ainsi que la gestion des déchets et matières radioactifs.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’amendement est satisfait, car la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF) n’a pas été supprimée. Afin de permettre la reprise de ses travaux, le Gouvernement a invité en 2021 les présidents des deux assemblées à procéder aux désignations attendues. Le processus suit son cours. La CNEF existe, merci de ne pas l’enterrer trop vite !

M. Gérard Leseul (SOC). Si je comprends bien, nous attendons les nominations depuis 2021 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les présidents des assemblées doivent me donner des noms pour que je puisse prendre les décrets nécessaires, mais le processus est en cours – il a été lancé en 2021, mais à la fin de l’année, je tiens à le préciser.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE346 de Mme Mathilde Paris et sous-amendement CE685 de M. JeanPhilippe Tanguy.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le sous-amendement vise à préciser le sens de l’amendement de Mathilde Paris, par lequel nous ouvrons, de manière constructive, une nouvelle piste pour le destin de Fessenheim. Nous le savons maintenant, la centrale de Fessenheim a été fermée pour des raisons politiciennes sur lesquelles je ne reviendrai pas. Tout le monde s’accorde sur ce constat, mis à part quelques personnes aux motivations obscurantistes. Que faire maintenant de cet outil industriel, qui, par chance, n’a pas encore été démantelé de façon définitive ? Nous pensons que la centrale peut rouvrir pour une exploitation normale, mais vous ne le voulez pas : dont acte, nous n’allons pas continuer à pleurer sur le lait renversé.

Puisque la prolongation de l’activité des réacteurs est envisagée, nous vous proposons d’utiliser Fessenheim comme démonstrateur de la faisabilité de l’allongement de la vie des réacteurs jusqu’à soixante, voire quatre-vingts ans. Comme le site n’a plus d’activité économique, nous pourrions l’utiliser pour conduire les expériences et les démonstrations techniques nécessaires. Voilà une ouverture de bon sens, vierge de toute idéologie et à même de rentabiliser économiquement le site. En effet, le seul argument réellement opposable à la réouverture de Fessenheim réside dans le fait que son exploitation ne suffirait pas à financer les travaux ; mais si l’on table sur une activité de quatre-vingts ans, la quantité phénoménale d’électricité produite pendant trente ans assurerait sa viabilité économique.

Nous essayons de sortir des postures politiciennes pour proposer une solution pragmatique. Le groupe Rassemblement national envisage évidemment de réécrire cet amendement si le Gouvernement et la majorité pensaient qu’une rédaction différente serait nécessaire pour atteindre l’objectif.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Il faut en effet rédiger différemment l’amendement. Réfléchir à l’utilisation de Fessenheim est pertinent ; en revanche, dire que cet outil peut servir de démonstrateur à la prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu’à soixante ou quatre-vingts ans me semble illusoire, si j’en crois les échanges que j’ai eus depuis quelques jours sur le sujet – et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le réacteur est à l’arrêt depuis deux ans et rien ne sera fait avant plusieurs mois, donc la période d’inactivité sera de toute façon longue et il n’aura pas subi l’usure qu’il aurait dû connaître. Ensuite, la quatrième visite décennale n’ayant pas été réalisée, de nombreux travaux post-Fukushima ne l’ont pas été non plus. Enfin, pour poursuivre l’activité du réacteur au-delà de soixante ans, il faut effectuer la cinquième visite décennale et réaliser des mises à niveau. On ne pourra pas faire tout cela à Fessenheim, donc le référentiel ne sera pas le bon. Voilà pourquoi je vous propose de retirer l’amendement pour éventuellement le réécrire en proposant un spectre de solutions plus large que la seule prolongation de la durée de vie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable sur l’amendement et le sous-amendement.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le Rassemblement national souhaite multiplier par deux la durée de vie des centrales initialement prévue. Pourquoi pas par trois ou par quatre ? Que l’on soit pronucléaire ou antinucléaire – je ne sais même pas si ces mots ont un sens – certaines centrales fermeront. Cela vient d’être démontré, Fessenheim ne pourra pas être un bon démonstrateur de la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà du raisonnable. Mais elle pourrait être un bon démonstrateur du démantèlement des centrales existantes, qu’il faudra nécessairement réaliser.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les sites de démantèlement existent déjà et fonctionnent très bien ; merci à ceux qui assurent cette mission pour notre pays !

Madame la rapporteure, nous pouvons reprendre la rédaction de l’amendement, mais vos arguments ne sont pas très convaincants. Selon vous, on ne peut pas utiliser le réacteur car il est moins usé que s’il n’avait pas été arrêté : j’avoue que le raisonnement m’échappe. Quant aux quatrième et cinquième visites décennales, vous vous montrez quelque peu prisonnière de l’administration. Notre but, c’est de satisfaire à l’ensemble des exigences techniques des deux visites, et d’en tirer les enseignements sur ce qui manque pour prolonger le fonctionnement du réacteur.

Je ne suis pas là pour polémiquer et j’entends votre proposition : nous maintenons l’amendement et le sous-amendement, puis nous réfléchirons au moyen de rédiger un dispositif encore plus consensuel.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CE142 de M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement fait écho aux auditions de la commission d’enquête sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, au cours desquelles nous avons appris que Mme Dominique Voynet se gaussait d’avoir tué la filière, tout cela étant la conséquence d’un accord politique entre M. François Hollande et les écologistes, comme nous l’a affirmé sous serment Mme Élisabeth Borne, jeudi dernier. Nicolas Hulot, lui, n’a rien vu ni rien compris – on se demande ce qu’il faisait au gouvernement.

Il serait donc utile d’obtenir un rapport dressant le bilan de cette opération de « pieds nickelés » qui a conduit au démantèlement d’un fleuron industriel français. L’ancien président-directeur général d’EDF Jean-Bernard Lévy nous a dit qu’à partir de 2012, on lui avait demandé d’embaucher des ingénieurs non pour maintenir et améliorer les centrales nucléaires, mais pour les démanteler. Ce rapport sur l’objectif de réduction de la part de l’électronucléaire à 50 % du mix électrique dégagerait à coup sûr des responsabilités politiques : nous le devons aux Français.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La commission d’enquête à laquelle vous avez fait allusion travaille sur le sujet ; en outre, de nombreuses études ont déjà été publiées ; enfin, RTE a lancé une consultation sur le mix énergétique d’ici à 2035, qui couvre cette question. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La commission d’enquête a vocation à répondre à votre première question sur la recherche de responsabilités – et il semble que ces dernières soient largement partagées.

Une étude de la filière sera présentée le 15 avril, qui montre les besoins en compétences dans le nucléaire. En 2016 et en 2020, une cartographie de la filière nucléaire a été publiée : en réalité, le nombre d’emplois reste stable voire progresse. Ces documents répondent amplement à votre question. Avis défavorable.

M. Antoine Armand (RE). Rapporteur de la commission d’enquête, j’invite simplement notre collègue à lire mon rapport !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE357 de Mme Florence Goulet.

Mme Florence Goulet (RN). L’amendement vise à demander un rapport sur la formation des professionnels dans l’ensemble de la chaîne de la conversion des déchets d’origine nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. La question des métiers a été intégrée dans le texte grâce à l’adoption de plusieurs amendements à l’article 1er D. Demande de retrait.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous allons retirer notre amendement.

Il y a un défaut en France – et pas seulement dans la majorité macronienne : quand une erreur a été faite, les grands corps, les responsables politiques, tout ce que le pays compte d’élites refusent, au nom d’un orgueil mal placé, de la reconnaître. Déterminer la responsabilité de cette erreur n’est pas le sujet – et, en l’occurrence, la commission d’enquête le fera. Mais qu’au moins on admette cette erreur, pour chercher une solution ! Que ce soit le méchant RN ou le gentil macroniste qui le dise n’y change rien. Nous le savons tous ici, surtout la nouvelle génération : l’orgueil mal placé de nos élites a entraîné beaucoup de lourdeurs et d’erreurs que les Français paient très cher ; rompons avec lui !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cela n’a rien à voir avec le RN. Il y a un petit côté Calimero dans votre intervention… J’ai déjà répondu sur le fond. Pour le reste, je ne me considère pas comme faisant partie des grands corps.

L’amendement est retiré.

 

Article 11 : Ratification de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire

 

Amendement CE145 de Mme Lisa Belluco

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’ordonnance n° 2016‑128 du 10 février 2016 autorise l’importation et l’exportation de combustibles usés et de déchets radioactifs. Elle prévoit que des combustibles usés produits en France puissent être traités à l’étranger avant que les déchets radioactifs ne soient renvoyés vers la France. De manière symétrique, des combustibles usés produits à l’étranger peuvent être traités en France, du moment que les déchets radioactifs sont renvoyés dans le pays d’utilisation du combustible.

Le transport de matériaux radioactifs représente un risque pour les populations. De plus, la France devrait être capable de traiter elle-même ses combustibles usés sans faire appel à des puissances étrangères. Sinon, où sont passées notre souveraineté et notre indépendance énergétique ?

La dépendance de la France vis-à-vis de la Russie, par l’intermédiaire de Rosatom et de Tenex pour le traitement de l’uranium déchargé de ses réacteurs nucléaires, est une menace directe pour son autonomie énergétique et sa sécurité.

Par cet amendement, il est donc demandé que les importations et exportations de combustibles usés à des fins de traitement soient interdites. Si la majorité refuse de le voter, la preuve sera faite que nous sommes pieds et poings liés face à Rosatom et à Poutine.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’enrichissement et la conversion de l’uranium de retraitement (URT) en uranium de retraitement enrichi (URE) n’ont lieu que dans un seul site de notre parc : celui de Cruas. Mais nous pourrions tout à fait nous passer du recours à Rosatom et à la Russie en construisant en France des usines de retraitement et d’enrichissement qui produiraient davantage de MOX : j’y suis tout à fait favorable et j’espère que, si nous le proposons, vous voterez pour… Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Premièrement, ce qui a trait au combustible usé n’a pas d’impact sur notre indépendance, puisque nous maîtrisons toute la chaîne et pouvons nous passer de ce processus : l’URT converti est un complément possible, mais nous pouvons faire tourner les centrales sans lui.

Deuxièmement, après que le Conseil politique nucléaire a passé en revue tous les enjeux de la filière, de l’amont à l’aval, j’ai été chargée, avec EDF et Orano, d’examiner l’opportunité de développer en France des capacités de traitement de l’URT. En effet, il demeure préférable d’en disposer, même si ce n’est pas indispensable ; en outre, d’autres pays européens pourraient être intéressés, ce qui offrirait des perspectives d’export à la filière française. Notre objectif est de formuler des propositions d’ici à la fin de l’année.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). De deux choses l’une. Soit nous n’avons pas besoin de ces contrats, auquel cas, en cette période de triste anniversaire de la guerre en Ukraine, nous avons le devoir moral d’y mettre fin ; soit vous ne dites pas la vérité – ou vous l’arrangez – en prétendant que nous pouvons nous en passer. Dans ce cas, il faut le reconnaître, car cette question est importante à l’heure de définir la stratégie énergétique française et d’accélérer le développement du nucléaire.

M. Antoine Armand (RE). Nous partageons ces préoccupations, mais je rejoins le point de vue de la rapporteure.

Désolé de prononcer deux mots qui fâchent, mais il y a là une question de marché, d’une part, et d’industrie, d’autre part. Il existe un marché international de l’énergie dans lequel la France est intégrée – c’est encore plus sensible en ce qui concerne le nucléaire. Par ailleurs, on a affaire, en matière énergétique, à une industrie. Si on peut être disposé – et je le suis – à une réflexion concernant nos capacités d’installation sur le territoire, ce n’est certainement pas en interdisant à des entreprises de faire du commerce sur le marché international que l’on favorisera nos capacités de production.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE580 du Gouvernement

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Cet amendement permet d’abroger des dispositions du code de l’environnement relatives aux règles d’incompatibilité et de déontologie applicables aux membres de la commission des sanctions de l’ASN, car ces dispositions sont redondantes par rapport aux obligations de déontologie applicables à toutes les autorités administratives indépendantes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). En ce qui concerne l’amendement précédent, le Gouvernement devrait présenter d’urgence au Parlement un plan pour résoudre le problème qui se pose avec la Russie. Comme l’a dit la rapporteure, il existe des moyens techniques très faciles à mettre en œuvre pour rassurer les Français quant à notre manque de souveraineté concernant ces déchets nucléaires.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). L’entreprise Rosatom est impliquée dans l’occupation de la centrale de Zaporijjia. Dès lors, comment justifier par quelque considération que ce soit l’envoi à Rosatom de matières nucléaires françaises pour qu’elles nous reviennent ensuite – a fortiori si, comme on nous le dit, nous n’avons pas besoin de cette étape ? Pourquoi le secteur du nucléaire
échappe-t-il aux sanctions internationales qui frappent la Russie de Poutine ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. D’abord, en montants exportés ou importés, le premier secteur énergétique qui échappe à l’application des sanctions, loin devant le nucléaire, est le gaz. Nord Stream ne fonctionne plus, mais une partie du gaz naturel liquéfié importé en Europe vient bien de Russie.

Ensuite, EDF est liée par contrat avec une entreprise russe et la non-exécution de ce contrat apporterait plus d’argent à la Russie que son exécution minimale. Nous ne sommes pas idiots : nous donnons le minimum d’argent à la Russie. C’est aussi simple que cela.

Enfin, vous connaissez comme moi le cycle du combustible : l’URT n’est pas indispensable pour faire fonctionner les centrales, nous ne sommes donc pas dépendants à cet égard ; en revanche, c’est un élément de recyclage qui permet de réduire l’ampleur de nos déchets – mais, en contrepartie, les combustibles usés nous reviennent.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE597 du Gouvernement

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il vise à harmoniser les délais applicables devant la commission des sanctions de l’ASN.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE146 de Mme Lisa Belluco

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cette succession d’amendements sur le même sujet finira-t-elle par vous faire rougir ? L’énergie nucléaire française est présentée comme la garantie de notre prétendue indépendance énergétique, mais si celle-ci était réelle, toutes les étapes de la production seraient assurées en France et toutes les matières extraites et produites sur le territoire national : il n’y aurait pas besoin d’importer des matières nucléaires et les exportations, à l’origine de transports qui représentent un danger intolérable pour les populations, ne seraient pas autorisées.

Le présent amendement tend donc à interdire l’importation et l’exportation de matières nucléaires. Un peu de cohérence, mesdames et messieurs les députés !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Vous confondez autonomie et autarcie. Nous pouvons tout à fait avoir des échanges avec les pays voisins dans des domaines qui touchent à la politique énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Si on va par là, nous allons avoir de gros problèmes à propos des énergies renouvelables : nous sommes dépendants pour le lithium – 98 % de sa transformation est réalisée en Chine – ou les aimants permanents destinés aux éoliennes, et je pourrais multiplier les exemples. Le secteur dans lequel nous sommes le moins dépendants, c’est le nucléaire, au côté de l’hydraulique, ainsi – à la rigueur – que du biogaz et du gaz – mais ce dernier est fossile. Voilà pourquoi nous construisons, dans tous les secteurs, des filières aux approvisionnements diversifiés ou ayant une capacité de production en France.

Cessez d’opposer les énergies renouvelables au nucléaire ! Celui-ci va contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Le simple fait de franchir l’étape des visites décennales va lui permettre de fournir 100 térawattheures de plus en production d’ici à la fin de la décennie, ce qui correspond à peu près au potentiel des énergies renouvelables en poussant loin les curseurs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Le ratio sera donc de cinquante-cinquante. N’oubliez pas que le potentiel de production de certains réacteurs et centrales a atteint un point bas et va repartir à la hausse, sans grande difficulté : 380 à 400 térawattheures, cela n’a rien de fou, c’est le niveau que l’on atteignait en 2017. Une grosse partie de la diminution de nos émissions de gaz à effet de serre et du développement de nos énergies vertes va venir du développement du nucléaire dans les quinze ans qui viennent.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mme la ministre conteste donc les chiffres de RTE, dont le scénario le plus nucléarisé – incluant le prolongement des centrales, à propos duquel nous n’avons pas la confirmation des autorités de sûreté, et les nouvelles installations – évalue à 50 % en 2050 la part du nucléaire dans notre production d’électricité.

Toutes nos compétences en matière d’énergies renouvelables ont été bradées à cause du dumping chinois ; l’Europe n’a pas daigné les protéger. Mais, dans le domaine du nucléaire, on ne peut pas dire que les accords que M. Proglio a passés avec la Chine et la technologie de Westinghouse nous assurent une technologie 100 % française non plus ! Nous n’avons pas d’uranium sur notre territoire. Quant au lithium, Madame la ministre, vous pouvez continuer d’écouter l’apôtre Jancovici, la réalité est que la majorité des matières premières ou rares est nécessaire pour les automobiles individuelles électriques, ce qui ne correspond pas au modèle des énergies renouvelables !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Madame la ministre, cet amendement ne remettrait-il pas en cause l’approvisionnement en matières nucléaires nécessaire à la médecine nucléaire ? Je n’ai pas trouvé dans le texte d’origine les précisions correspondantes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est parfaitement exact : pour certains isotopes, nous sommes dépendants d’autres pays, notamment la Russie.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

 

Amendement CE445 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Gérard Leseul (SOC). Le projet de loi se focalise sur la construction des EPR 2 sans s’interroger plus largement sur la filière nucléaire, de l’approvisionnement en uranium à la gestion des déchets – dont les plus dangereux sont radioactifs pour des millions d’années.

Les enjeux du cycle de vie du combustible engageant le pays pour des centaines d’années, voire des milliers, comme dans le cas du projet Cigéo à Bure, il apparaît nécessaire de leur dédier une loi de programmation quinquennale, allant de l’approvisionnement à la valorisation potentielle des différents types de déchets radioactifs ou à leur enfouissement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis : il y a d’autres lois de programmation pour cela.

M. Gérard Leseul (SOC). Je trouve ces arguments un peu courts…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE177 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit à nouveau de la souveraineté et de l’indépendance énergétique de la France – j’insiste, parce que c’est un des éléments de l’exposé des motifs du projet de loi. C’est un argument souvent mis en avant à propos du nucléaire, mais dont on s’aperçoit en creusant qu’il ne correspond pas à la réalité. Si notre ambition est l’indépendance, il faut, par cohérence, cesser l’exportation d’uranium de retraitement.

Les conditions environnementales et de stockage à Tomsk, en Sibérie, n’ont jamais été rendues publiques et les autorités françaises n’ont aucun moyen de les vérifier. Le Gouvernement a d’ailleurs, à un moment donné, demandé aux industriels du secteur nucléaire de mettre un terme à leurs exportations d’uranium de retraitement vers la Russie. Cela a notamment été confirmé, le 18 novembre 2022, lors d’une réunion de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI) où l’entreprise EDF a fait état de cette demande.

Voilà pourquoi notre amendement tend à mettre fin à l’exportation et au stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Défavorable. Nous avons déjà eu des échanges sur le cycle amont et aval.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE312 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous demandons qu’un dixième des membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat puissent saisir l’ASN pour lui demander de formuler un avis ou rendre une étude. Cette possibilité est aujourd’hui restreinte au Gouvernement, aux commissions compétentes des deux Chambres et à l’Opecst.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Pourquoi un dixième ? L’Opecst peut saisir l’ASN, et cette agence a toujours montré une grande disponibilité à l’égard de la représentation nationale. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Les possibilités de saisine nous semblent déjà assez larges.

M. Gérard Leseul (SOC). Je soutiens cet amendement de bon sens. Vous auriez pu proposer un nombre différent par sous-amendement, Madame la rapporteure… Il me semble utile, en démocratie, que l’ASN puisse être saisie de différentes façons.

M. Antoine Armand (RE). Je comprends l’intention, mais je constate qu’aucun parlementaire n’a été empêché de saisir l’ASN, que ce soit par l’intermédiaire des commissions ou de l’Opecst, qui fournit un travail transpartisan remarquable – et dont les rapports auraient souvent mérité d’être mieux lus.

Le problème ne réside pas, à mon sens, dans la saisine de l’ASN ou la disponibilité de l’information.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour être tout à fait précise, la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et toute commission d’enquête peuvent saisir l’ASN. C’est large !

M. Guillaume Kasbarian (RE). Je vous confirme par ailleurs que notre commission et celle du développement durable s’apprêtent à saisir l’Opecst sur le sujet de la décarbonation de l’industrie aéronautique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE187 de M. Charles Fournier et CE292 de Mme Mathilde Panot.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons d’interdire le recours à la sous-traitance et à l’intérim dans le secteur du nucléaire. Pour les assidus de la commission d’enquête, c’est l’une des raisons de la perte de compétences de la filière nucléaire française.

Dans les centrales nucléaires, 80 % des travailleurs sont des personnels sous-traitants – un record en comparaison du taux de 25 % généralement toléré dans les autres secteurs industriels. Plus mobiles, moins formés et moins chers que les agents EDF, ces travailleurs ont hérité des tâches les plus ingrates et les plus dangereuses. Ils effectuent l’essentiel des tâches de maintenance des centrales et sont les plus exposés à la radioactivité, à l’amiante, aux produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR). Chaque année, ce sont entre vingt et trente mille travailleurs intervenant en sous-traitance dans l’industrie nucléaire qui sont directement affectés aux travaux sous rayonnements.

En 2018, Mme Barbara Pompili, alors rapporteure de la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires présidée par Paul Christophe, avait dénoncé ces risques. L’accident de la centrale de Paluel, survenu en mars 2016, constitue un exemple édifiant des conséquences de la sous-traitance sur la sécurité et la sûreté des centrales.

La construction de six nouveaux EPR 2 d’ici à 2040, le projet de huit EPR 2 supplémentaires d’ici à 2050 et la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes souhaitée par le président Macron risquent d’accentuer encore plus le recours à la sous-traitance.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Les sous-traitants du nucléaire reçoivent 80 % à 90 % des doses annuelles de rayonnement. Il n’est pas anodin que les tâches les plus dangereuses soient confiées aux sous-traitants plutôt qu’aux salariés sous statut de la branche des industries électriques et gazières. Et le grand carénage entraîne une hausse importante de l’activité, essentiellement confiée à des sous-traitants. La responsabilité sociale des exploitants est passée par-dessus bord, externalisée.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Interdire la sous-traitance n’aurait absolument aucun sens : toute industrie a besoin de sous-traitants. Un encadrement existe déjà, notamment une limitation à deux rangs de sous-traitance. Dépassons les fantasmes que l’on entend ici ou là sur huit, neuf ou dix niveaux de sous-traitance : ce n’est tout simplement plus autorisé.

Quant au suivi des doses reçues par les salariés d’EDF et des sous-traitants, il est rigoureux : 20 millisieverts par an sont autorisés par la loi, 14 sont rapportés par l’exploitant pour l’ensemble des salariés, sous-traitants ou non. Vous connaissez l’existence des contrôles en entrée de zone, du suivi dosimétrique régulier et de l’anthropogammamétrie au minimum une fois par an pour les travailleurs de catégorie A. Les règles sont très rigoureuses.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis.

M. Pierre Meurin (RN). C’est lunaire et nous voterons évidemment contre ces amendements ! C’est le bal des pompiers pyromanes : si la sous-traitance a explosé, c’est en raison de l’abaissement de notre filière nucléaire ; vous demandez l’interdiction d’un phénomène à l’origine duquel vous êtes, à cause de vos accords électoraux avec les socialistes puis avec la Macronie. Vous êtes les responsables de la perte de compétences dans la filière nucléaire ! C’est le serpent qui se mord la queue.

Vous faites tout ce que vous pouvez pour bloquer la relance du nucléaire. C’est ridicule et scandaleux.

M. Gérard Leseul (SOC). Je préfère le bal des pompiers à celui des vampires… Je soutiendrai ces amendements. Le risque zéro n’existe pas, mais nous devons tout faire pour nous en approcher le plus possible. Ce doit être l’objectif de l’ensemble des acteurs de la filière nucléaire. Or on sait bien que le développement de la sous-traitance fait porter de réelles menaces sur la sûreté des installations.

Madame la rapporteure, vous dites qu’il y a un encadrement. Pouvez-vous nous garantir qu’il n’y a aucune sous-traitance de second rang dans nos installations nucléaires ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE298 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Il s’agit encore des conditions de travail des salariés du nucléaire et des risques inhérents à cette activité, non seulement pour eux mais pour la sûreté et la sécurité des centrales en général. La NUPES a mené un long dialogue avec des représentants des salariés de ces filières et les préoccupations que nous exprimons ici sont les leurs.

Cet amendement propose de limiter la sous-traitance à des entreprises enregistrées dans l’Union européenne et régies par son droit. Le recours à la sous-traitance extracommunautaire entraîne en effet des risques, en raison des différences importantes entre les règles européennes et celles qui ont cours outre-Atlantique.

Nous proposons aussi que les personnels employés soient sous contrat de droit français, grâce à une filiale en France ou à une structure de portage de droit français. En effet, le détachement de travailleurs qui continuent de dépendre du droit de leur pays d’origine, déjà à l’œuvre dans certains métiers du nucléaire, favorise la mise en concurrence des systèmes nationaux de protection sociale et environnementale et mène au moins-disant. Ce mécanisme conduit par exemple à des fraudes massives par lesquelles les salariés se voient ponctionner des sommes au titre d’assurances et de prestations tout simplement inexistantes. Les syndicats, les associations et l’ASN elle-même, qui fait office d’inspection du travail dans le secteur, ont amplement documenté ce phénomène, à Flamanville notamment.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE291 de Mme Mathilde Panot.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement vise à abaisser le plafond de rayonnement reçu par les agents qui effectuent le travail de maintenance et à faire en sorte que toutes les tâches ayant trait à la sûreté et à la radioprotection soient exercées par des agents statutaires.

Certes, toutes les industries connaissent la sous-traitance, mais dans le domaine du nucléaire, en cas d’arrêt de tranche, 80 % des activités sont externalisées ! On ne peut pas nous dire que c’est normal tout en déplorant qu’EDF ait perdu des compétences…

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Vous proposez d’abaisser le plafond d’exposition aux rayonnements ionisants à 3 millisieverts pour les personnels de catégories B. Sachez que tout Français en reçoit en moyenne 4,5, du fait du rayonnement tellurique et du soleil notamment. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE339 de Mme Géraldine Grangier.

Mme Géraldine Grangier (RN). Cet amendement vise à ce que les travailleurs sous-traitants qui participent au déploiement de la filière électronucléaire bénéficient des mêmes mesures d’information sur le rayonnement que les autres salariés.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Les règles de suivi de l’exposition aux rayonnements ionisants s’appliquent de la même façon aux salariés d’EDF et aux
sous-traitants. Votre amendement est satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE444 de Mme Anna Pic.

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement vise à ce que le prochain plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) soit remis par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 30 juin 2025. Ne nous dites pas que la loi le prévoit déjà : le dernier, qui concernait la période 2016-2018, a été remis en 2017. Le rapport sur la préparation de la cinquième édition du PNGMDR que notre collègue Émilie Cariou a corédigé avec le sénateur Bruno Sido au nom de l’Opecst en 2022 est paru alors même que la version définitive de ce plan n’avait pas encore été transmise au Parlement : c’est stupéfiant, cela révèle une confusion totale. À l’image de celui des déchets, d’autres sujets essentiels, dont les conséquences peuvent être terribles, ne sont pas éclaircis. Le minimum, dans une démocratie moderne, est que ce plan soit établi en amont du rapport relatif à sa préparation et du plan suivant.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Le dernier PNGMDR a été remis en 2022. Pour le reste, j’ai des doutes. Je vous propose de retirer votre amendement et que l’on en reparle d’ici à la séance.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le dernier décret sur la gestion des déchets est paru le 15 décembre. J’ai envoyé le rapport auquel vous faites référence à la présidente de l’Assemblée nationale et au président du Sénat le 14 février dernier. Il n’y a pas de raison que l’on ne respecte pas le même processus pour le prochain plan. Je ne vois pas ce que votre amendement apporterait : c’est quelque chose que je suis déjà censée faire, et je l’ai fait.

M. Dominique Potier (SOC). À deux reprises, en 2017 et en 2022, sur des questions particulièrement stratégiques, il y a eu une défaillance du Gouvernement dans la remise de ce plan au Parlement. Cela justifie l’ajout de cette précision dans la loi. La moindre des choses est que le rapport du Gouvernement vienne éclairer le plan suivant.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est prévu par l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement. Je n’ai fait que l’appliquer.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE88 de Mme Marie Pochon.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Ce texte, qui veut relancer le nucléaire, n’apporte pas de réponse à la question essentielle de la capacité à gérer pendant des centaines d’années des déchets radioactifs. Cela soulève deux enjeux : la stabilité des gouvernements au cours de cette période, et la transmission de la mémoire relative au contenu du stock et à son emplacement. Ce n’est évidemment pas par un amendement ou un rapport que l’on résoudra cette question, mais je trouve regrettable que ce sujet fondamental ne soit pas traité de manière approfondie et cohérente.

La gestion et le stockage des déchets radioactifs atteint des prix exorbitants, régulièrement revus à la hausse. À lui seul, le projet Cigéo d’enfouissement des déchets radioactifs à haute activité et à durée de vie longue devrait coûter entre 25 et 30 milliards d’euros, sans compter le coût des installations de stockage des déchets radioactifs de faible ou de moyenne activité à vie longue. De plus, le stock ne va cesser de croître, compte tenu des nouveaux projets de réacteurs. Il est donc essentiel d’améliorer la transparence autour de la gestion des déchets. Les dizaines de milliards d’euros d’investissements nécessaires ne viendront a priori pas d’EDF, qui est dans une situation financière extrêmement précaire, ni du privé, bien trop prudent face aux risques d’emballement des coûts et des délais, au manque d’ingénieurs, aux exigences de formation. Le Gouvernement en est réduit à envisager de faire payer l’ensemble des Françaises et des Français en mobilisant l’épargne du livret A. On a besoin, à tout le moins, d’un rapport sur cette question !

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Le PNGMDR comporte déjà une estimation des coûts de gestion et précise les mécanismes de financement. Votre amendement me paraît donc satisfait. De façon générale, les déchets constituent évidemment un sujet majeur, dont il faut débattre plus longuement dans un cadre approprié. Mais je ne pense pas que ce rapport permette d’atteindre l’objectif visé.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. L’article L. 542-12 du code de l’environnement oblige l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs à proposer au ministre « une évaluation des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue » qui est transmise au Parlement. Par ailleurs, EDF est tenue de couvrir ses engagements et ses coûts liés aux déchets, qui font l’objet d’une gestion financière précisée dans le rapport d’activité.

Un premier chiffrage des coûts afférents à la mise en œuvre des solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs a été arrêté par la ministre chargée de l’énergie en 2016, à hauteur de 25 milliards d’euros aux conditions économiques de 2011. Ce coût a vocation à être actualisé régulièrement, en tenant notamment compte de l’actualisation du projet Cigéo, qui aura lieu lorsque nous disposerons des conclusions de l’enquête publique.

L’information relative à la gestion des déchets nucléaires figure donc dans le débat public. Elle est transmise au Parlement au fur et à mesure de sa construction.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Merci pour vos réponses : je sais à présent que l’information est disponible. Sauf que je ne sais toujours pas qui assumera ces coûts, ni comment ils seront financés. Il s’agit pourtant de sommes significatives.

Par ailleurs, je suis heureuse que Mme la rapporteure reconnaisse qu’il s’agit d’un sujet essentiel. Je regrette qu’il ne soit pas traité en amont d’une relance qui entraînera la création de nouvelles installations, et donc la production de nouveaux déchets en quantité importante. J’aimerais que nous dépassions les articles du code de l’environnement et autres textes de loi pour avoir un débat de fond sur ces éléments structurants d’une politique énergétique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. EDF, Orano, le CEA et Framatome doivent couvrir les coûts afférents aux déchets. Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. Les entités qui ne sont pas reliées à l’État, comme le CEA, disposent pour cela d’actifs cantonnés.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE89 de Mme Marie Pochon.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement demande un rapport sur la gestion des déchets radioactifs par les exploitants et les risques encourus. Ce sujet préoccupe particulièrement Mme Pochon, qui a dans sa circonscription un village de 334 habitants, Solérieux, où plus de cent mille fûts rouillés provenant d’activités nucléaires, dont certains fuient, sont entassés illégalement dans une simple décharge, en pleine zone forestière.

D’après le rapport sur les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement, publié en 2000, « la décharge de classe II de Solérieux donne l’exemple des dérapages dans les pratiques : une installation prévue initialement pour des déchets ménagers, des déblais, des gravats, des cendres et des déchets industriels et commerciaux, à condition qu’ils ne soient ni toxiques ni susceptibles de s’enflammer, finit par accueillir tous types de déchets y compris des fluorines contenant des traces d’uranium et susceptibles de libérer en cas d’incendie des quantités importantes d’acide fluorhydrique ».

Chacun comprendra la préoccupation de Mme Pochon concernant le stockage des déchets et sa volonté d’alerter sur le risque qui en résulte pour la santé des habitants. Nous devons être bien plus exigeants en la matière, s’agissant notamment des sanctions en cas d’action illégale, comme cela semble être le cas en l’espèce.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs répond à ces préoccupations.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CE22 de Mme Hélène Laporte.

 

Article 12 : Clarification des règles de parité applicables à la composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE539 de Mme Maud Bregeon, rapporteure.

 

Amendement CE313 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Il s’agit, afin de faire vivre la parité, d’attribuer la présidence de l’ASN alternativement à une femme et à un homme.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je partage l’intention, mais je considère que ce qui fait un bon président de l’ASN n’est pas son genre, mais ses compétences et son expérience, qui seules doivent nous guider lors de sa nomination. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. La rédaction actuelle sert autant que possible un objectif de parité. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement est d’autant plus absurde que, pendant de longues décennies, les plus grands experts en matière nucléaire étaient des expertes. Il aurait été dommage de se passer du talent de ces femmes pour promouvoir un homme moins compétent.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’article 12 modifié.

 

Article 13 : Renforcement des peines applicables aux délits d’intrusion sur les sites nucléaires

 

Amendements de suppression CE314 de Mme Aurélie Trouvé et CE418 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). L’article 13 n’a d’autre objet que de criminaliser les militants écologistes qui s’opposent pacifiquement au nucléaire, en multipliant par deux ou trois le montant des amendes et la durée des peines de prison prévues à l’encontre des personnes qui s’introduisent sans autorisation sur un site nucléaire ou encouragent d’autres personnes à s’y introduire.

Les peines de prison et les amendes prévues sont déjà très lourdes, bien plus, d’ailleurs, que les sanctions visant les exploitants qui violent les règles environnementales et de sûreté : la plupart de ces violations sont sanctionnées par des contraventions de cinquième classe. Par exemple, il faut compter 1 500 euros d’amende pour le rejet de substances radioactives dans les nappes phréatiques, alors que s’introduire en réunion sans autorisation sur le site d’une centrale nucléaire est d’ores et déjà passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.

Cet article n’a aucun effet établi sur la sûreté nucléaire. Il nous conduit sur la voie d’une surenchère pénale aussi inutile que dangereuse, dont le seul effet est de stigmatiser davantage les oppositions et les alertes pacifiques en matière d’énergie nucléaire.

Si vous voulez vraiment protéger les Français, vous feriez mieux de renoncer au projet de démantèlement de l’IRSN, dont le conseil d’administration lui-même dit qu’il peut entraîner une paralysie du système de contrôle en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire !

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous voulons supprimer cet article, qui prévoit des peines complètement disproportionnées au regard des infractions concernées.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Mon amendement CE598 modère un peu l’alourdissement des peines prévu par le Sénat, qui pose effectivement problème en matière de proportionnalité des peines, certains délits devenant des crimes.

Mais si j’admets que le Sénat va trop loin, je partage son intention de protéger nos installations et de lutter contre une forme de désobéissance civile qui n’a clairement pas sa place dans les centres nucléaires de production d’électricité (CNPE). Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Je suggère le retrait de l’amendement au profit de l’amendement CE598, qui rétablit des peines plus équilibrées.

M. Hervé de Lépinau (RN). Mon amendement CE143 après l’article 13 offre une autre solution. Il suffit de classer les installations abritant des matières nucléaires en zones de défense hautement sensibles pour éviter ces intrusions intempestives dont le seul objectif est de dire que le nucléaire n’est pas sûr. Faites-en des zones de défense et je doute que Greenpeace et consorts retournent s’y balader !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je soutiens les amendements. Je ne vois pas l’intérêt d’alourdir les peines en vigueur, qui sont appliquées.

Les installations nucléaires sont déjà classées comme hautement sensibles. De plus, l’honnêteté et la vérité imposent de dire à l’Assemblée nationale que certaines actions de désobéissance civile ont été utiles à la nation, pour l’amélioration de leur sécurité. C’est peut-être difficile à entendre, chers collègues du Rassemblement national, mais c’est la vérité.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE598 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cet amendement vise à augmenter le quantum des peines prévu par le droit actuel – elles seraient quasi systématiquement doublées – mais dans le respect du principe de proportionnalité des peines.

La commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’article 13 modifié.

 

Après l’article 13

 

Amendement CE225 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le présent texte ne doit entrer en vigueur qu’après la promulgation de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC).

Madame la ministre, vous vous êtes défendue d’avoir des dispositions programmatiques dans ce projet de loi en arguant que, s’il n’y avait plus de plafond concernant la part du nucléaire dans le mix électrique, il n’y avait pas non plus de plancher. Mais ce texte a bel et bien touché à la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il ne peut donc pas entrer en vigueur tant qu’on n’a pas adopté la LPEC.

Le discours de Belfort a annoncé la construction de six nouveaux EPR et le lancement d’études pour huit réacteurs additionnels. Depuis, on est passé à quatorze et des rapports doivent encore dire si l’on peut faire davantage. À nos yeux, c’est inadmissible.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis, car c’est une loi dont l’essentiel des dispositions sont administratives et d’application immédiate.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE208 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive (LR). Malgré sa volonté affichée de mieux associer le public aux grands projets d’aménagement, la Commission nationale du débat public ne parvient pas à faire vivre le débat ni à faire participer les citoyens au processus de décision. Elle avait été créée en 1995 pour que les citoyens se réapproprient la parole et participent à la structuration de leur territoire. C’est un fiasco. Ses conclusions restent sans suite. À Notre-Dame-des-Landes, le débat public n’a pas empêché la controverse durant quinze ans. À Bure, en 2013, le débat a été boycotté et perturbé par des opposants – mais des citoyens réunis au sein d’associations disposant de faibles moyens ont, eux, réussi à faire entendre leur voix. Ce subterfuge démocratique coûte des millions d’euros chaque année au budget de l’État. Nous demandons la suppression de cette instance, ce qui ne doit pas nous dispenser d’une réflexion pour doter la France d’un outil efficace dans les territoires.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel, qui vise à remettre en question le fonctionnement du débat public préalable aux projets de construction d’EPR 2.

Au-delà du nucléaire, la CNDP accomplit un travail nécessaire sur des projets locaux et nationaux, dont on entend peu parler mais qui se déroulent dans de bonnes conditions. En revanche, le débat relatif aux nouveaux réacteurs et aux deux EPR 2 de Penly soulève effectivement des interrogations.

On ne peut pas reprocher au Sénat d’avoir adopté des mesures de programmation en parallèle du débat. La légitimité de la CNDP à conduire le débat ne limite en rien celle du Parlement à débattre et à légiférer, quoi que l’on pense de ses positions – j’ai du reste déposé des amendements de suppression d’un grand nombre de mesures programmatiques issues du Sénat.

Nous sommes en droit d’attendre que les débats organisés par cette instance soient impartiaux et constructifs. Or force est de constater, depuis le 27 octobre, que pour un certain nombre d’entre eux, cela n’a pas été le cas. On peut s’interroger, en particulier, sur l’invitation qui a été faite à des représentants d’associations ouvertement antinucléaires à venir présenter leurs travaux, lesquels ont été mis sur un pied d’égalité avec ceux de RTE, par exemple. Il faut améliorer la hiérarchisation de l’information et fournir davantage d’explications et de données factuelles.

L’arrêt unilatéral des débats par la CNDP, deux semaines avant la fin du débat public, soulève également des interrogations. Un certain nombre de sujets qui figuraient au programme n’ont pas été débattus : les questions du coût, du financement et de la rentabilité de l’EPR 2, le changement climatique, les incertitudes géopolitiques et leur impact sur le nucléaire… On a créé les conditions parfaites pour que chacun, qu’il soit pro- ou antinucléaire, puisse se dire que le débat n’a servi à rien, ce qui tend à délégitimer l’action du maître d’ouvrage et les choix qui seront faits par les pouvoirs publics. L’ensemble de ces raisons justifie que l’on mène une réflexion sur le sujet. Mais, s’agissant d’un amendement d’appel, avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Même avis. Mieux vaut avoir un débat public mené dans un certain cadre que pas de débat du tout, car cela peut déboucher sur l’expression de la colère dans la rue.

Le débat public qui a eu lieu récemment sur le mix énergétique s’est bien passé ; il a permis, par exemple, d’interroger des jeunes au sein d’un forum des jeunesses ; ses travaux sont en train d’être synthétisés et vous serez destinataires de ses conclusions. Le débat sur Penly et les nouveaux réacteurs, lui, s’est effectivement arrêté deux semaines avant la fin, ce que l’on peut regretter. On m’a expliqué qu’il était difficile de mener les réunions, car les opposants empêchaient les participants de parler, ce qui ne me paraît pas un argument très recevable. On a pu entendre également que les décisions étaient déjà prises, ce qui n’est pas vrai puisque la loi est toujours en discussion, vous êtes bien placés pour le savoir. En outre, le fait que la CNDP ait décidé de modifier le contenu du débat public n’est pas tout à fait conforme à la loi.

La CNDP doit cadrer le débat public en s’en tenant à ses missions premières et en s’assurant que le maximum de citoyens soient associés. À défaut, la discussion risque d’être confisquée par les tenants d’intérêts particuliers.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je m’interroge sur la conception que l’on a de notre démocratie lorsqu’on propose la suppression de la CNDP, alors même que l’on débat d’un sujet aussi important que le nucléaire. Lorsqu’un temps de débat est fixé, les pouvoirs publics doivent le respecter. Or, avant même la fin des débats, le président Macron a annoncé en grande pompe, lors du Conseil de politique nucléaire, non seulement le démantèlement de l’IRSN mais aussi la construction de nouveaux EPR, tandis que le Sénat introduisait des objectifs programmatiques dans le projet de loi. Il ne faut pas s’étonner que les citoyens aient eu l’impression qu’on les prenait pour des jambons !

Nous n’avons jamais eu de véritable débat, dans notre pays, sur le nucléaire, alors qu’il engage les générations à venir ; ce n’est pas un choix anecdotique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons en faveur de cet excellent amendement de M. Dive, pour une raison simple : contrairement à ce que vient de dire la NUPES, il vise à se réapproprier la démocratie, qui a été émiettée. Les Français ont l’impression que le pouvoir est dispersé et que chaque vote est renégocié indéfiniment par des gens qui ne représentent qu’eux-mêmes et qui confisquent les débats, ces derniers permettant à ceux qui ont perdu de faire croire qu’ils ont gagné. Il faut cesser de faire perdre du temps à tout le monde et rétablir un peu d’autorité.

Ce sujet pose une question de civilisation : alors que des dictatures et des régimes autoritaires sont en train de déborder l’Occident en déployant des projets scientifiques et technologiques, des groupuscules neutralisent les démocraties en empêchant la science de prospérer là où elle est née et où elle devrait rester, en Occident.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE461 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE441 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Dominique Potier (SOC). En matière de sûreté nucléaire et de transition énergétique, la démocratie est vraiment fondamentale à tous les étages.

En 2006, la loi a disposé que, pour les déchets à vie longue, il fallait envisager à la fois l’enfouissement profond et l’enfouissement subsurfacique. Nous sommes en 2023 et aucune expérimentation sur l’enfouissement subsurfacique et sa réversibilité n’a été conduite. Nous avons besoin d’une veille démocratique et scientifique permanente, qui fait l’objet de l’amendement qui suit.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement CE441 de l’ensemble du groupe Socialistes et apparentés vise à créer au sein de l’Opecst, qui a développé depuis sa création une forte expertise en matière nucléaire, une section spécifiquement dédiée à ce domaine. Cela s’intégrerait parfaitement dans le cadre des missions dévolues à l’Office.

Je précise que ce qui a pu être tout à l’heure compris comme un amendement de l’Opecst était en fait un sous-amendement présenté par notre collègue Pierre Henriet en son nom propre, même s’il faisait écho à certaines recommandations du rapport de l’Opecst. Dans d’autres extraits, celui-ci plaidait pour un examen et une information préalables à toute décision.

L’Opecst est une structure plurielle et bicamérale qui a su se positionner comme un véritable centre d’expertise du nucléaire. Nous proposons de le doter de moyens supplémentaires avec la création d’une section dédiée au suivi de cette question.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. L’amendement CE461 propose d’instaurer une délégation parlementaire sur le nucléaire civil, mais il y a déjà l’Opecst.

Quant à la création d’une section spécifique au sein de l’Office, celui-ci établit lui‑même son règlement intérieur, vous le savez, puisque vous en être membre, Monsieur Leseul. C’est dans le cadre de l’Opecst qu’il faut discuter de cette question, et non ici.

Sur l’idée que l’ASN rende compte de son action aux commissions compétentes, il est déjà possible d’auditionner ses représentants ; le préciser dans la loi me semble inutile.

Sur la remise d’un rapport portant sur le financement de l’expertise indépendante dans le domaine du nucléaire civil en France, nous avons déjà adopté un amendement du groupe Démocrate qui allait dans ce sens.

L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il n’appartient pas au pouvoir exécutif de se prononcer sur un sujet qui concerne l’organisation de l’Assemblée nationale. Je ne peux donc donner qu’un avis de sagesse.

M. Gérard Leseul (SOC). Merci pour cette sagesse, même si elle n’est que partielle. L’Opecst, dont j’ai l’honneur d’être vice-président, est un petit office. Il n’a pas les moyens de traiter tous les sujets que ses membres souhaiteraient aborder. Nous aimerions renforcer ses moyens afin qu’il puisse éclairer l’Assemblée nationale et le Sénat sur les questions ayant trait au nucléaire.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE303 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport relatif aux moyens de la CNDP. La Commission nationale du débat public n’est actuellement dotée que de 12 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ce qui pourrait peut-être expliquer pourquoi Mme la rapporteure se plaint de la façon dont elle organise les débats. Les activités de la CNDP ont été multipliées par six en trois ans et ce projet de loi propose de créer quatorze nouveaux réacteurs, ce qui nécessitera de nombreuses enquêtes publiques.

Le calendrier global sur la question de l’énergie n’a strictement aucun sens. Le débat que la CNDP a mené sur les nouveaux réacteurs, dont deux à Penly, a commencé le 27 octobre pour se terminer le 27 février. Vous avez inventé en urgence une concertation sur le mix énergétique, qui s’est essentiellement déroulée en ligne, sur un très beau site internet d’ailleurs, du 10 octobre jusqu’à une grand-messe qui s’est tenue à la fin du mois de janvier et à laquelle vous nous pardonnerez de ne pas avoir assisté. Un projet de loi sur les énergies renouvelables a été adopté entre-temps et nous sommes en train d’examiner un texte sur le nucléaire, sur lequel le Sénat s’est déjà prononcé. Enfin, le Président de la République a réuni le Conseil de politique nucléaire le 3 février. Tout est vraiment fait dans le désordre. Il faut respecter le débat public, et cela passe par des moyens accrus pour la CNDP.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je pourrais être favorable à l’amendement si je pouvais le sous-amender pour affirmer la nécessité de réfléchir aux missions de la CNDP. En attendant, l’avis est défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le rapport de l’amendement avec le projet de loi est quelque peu lointain : rien que pour cette raison, l’avis est défavorable.

Monsieur le député Laisney, nous préparons une programmation pluriannuelle de l’énergie. Le débat public a parfaitement respecté les formes de la CNDP. Il n’a pas été fait à la va-vite, nous avons mis trois mois à le préparer ; il a débuté le 10 octobre, a donné lieu à trente mille contributions – ce qui est assez important – et a fait l’objet de réunions physiques dans toutes les régions de France, y compris outre-mer. Je vous renvoie au site de la CNDP, qui donne tous les détails.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE194 de M. Charles Fournier.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Son objet est très sérieux, puisqu’il vise à demander au Gouvernement un rapport sur les coûts totaux du programme de relance de la filière nucléaire et sur les modalités de son financement.

Si vous avez préparé pendant trois mois le débat, il me semble que vous avez consacré un peu moins de temps à l’élaboration du présent texte, notamment à sa partie consacrée au démantèlement de l’IRSN.

Je vous ai écoutée avec attention la semaine dernière, Madame la ministre, sur
France Info : vous avez affirmé que le programme ne serait financé ni par une hausse des tarifs de l’électricité, ni par une augmentation des impôts. Une grande interrogation subsiste néanmoins sur les coûts exacts de cette relance et, surtout, sur son financement. Aucun investisseur privé n’y participera – ce que l’on peut comprendre compte tenu de l’échec de Flamanville. Le financement du programme reposera donc majoritairement sur des fonds publics, autrement dit sur les contribuables français.

On a évoqué la piste du livret A. Mais alors que les files d’attente pour accéder à un logement social ne cessent de s’allonger et le nombre de sans-abri d’augmenter, est-il bien raisonnable de détourner l’argent du livret A du secteur auquel il est destiné ?

Il importe, en tout cas, que nous sachions comment l’État compte réaliser l’investissement massif que nécessitera la relance du nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Vous avez déjà voté un amendement similaire à l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE415 de M. Charles Fournier.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement concerne le fiasco le plus récent de la politique nucléaire française : l’EPR de Flamanville.

Alors qu’il devait entrer en service en 2012, l’EPR de Flamanville ne fonctionne toujours pas et aura sans doute plus de douze ans de retard. Son coût, estimé initialement à 3 milliards d’euros, dépassera finalement les 19 milliards d’euros d’après la Cour des comptes. Si nous ne cessons de vous demander des données précises sur le coût de la relance du nucléaire, c’est notamment du fait des dérapages incommensurables qu’a connus ce projet.

On sait déjà que l’EPR est un fiasco financier et qu’il ne garantira pas notre souveraineté énergétique. Reste la question de la sécurité : le recours massif à la sous-traitance suscitant des interrogations, nous demandons la réalisation d’une contre-expertise indépendante sur la sûreté de ce réacteur. L’impression est que la mise en route est précipitée pour ne pas perdre la face, alors que d’importants problèmes techniques subsistent. Pour répondre à l’inquiétude grandissante de nos concitoyens, notamment de ceux qui vivent à proximité de cette installation, il nous semble important de disposer, si ce n’est d’une expertise indépendante, au moins d’un rapport du Gouvernement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. C’est le rôle de l’Autorité de sûreté nucléaire de fournir une expertise indépendante sur la sûreté de ces installations et elle le fait très bien. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE62 de M. Olivier Marleix.

M. Julien Dive (LR). Nous demandons, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la faisabilité et les modalités d’une relance de la centrale nucléaire de Fessenheim. Chacun a pu constater que la stratégie de régression, sur le nucléaire, n’était pas la bonne. Le Président de la République, lui-même, en est revenu.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Je vous invite à écouter votre collègue
Raphaël Schellenberger qui, il y a deux jours, a dit dans une émission qu’il n’était pas possible de rouvrir Fessenheim, à moins de tordre le bras aux règles de sûreté. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nos collègues des groupes Rassemblement national et Les Républicains semblent avoir une passion commune pour la réouverture de la centrale de Fessenheim, malgré tous les avis techniques qui disent que c’est impossible. Pensez‑vous vraiment que les centrales nucléaires aient une durée de vie illimitée ?

Il est nécessaire de prévoir le démantèlement de certaines centrales, si l’on veut éviter l’effet falaise. L’ASN ne pourra pas se prononcer sur l’éventuelle prolongation des centrales existantes avant la fin de l’année 2026. C’est donc avec stupeur que nous accueillons vos propos abracadabrants. Le sujet est pourtant trop important pour être pris à la légère.

M. Julien Dive (LR). Je suis satisfait de voir que Mme la rapporteure prend pour référence M. Schellenberger sur la question du nucléaire…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE59 de M. Olivier Marleix.

M. Julien Dive (LR). Cet amendement demande au Gouvernement un rapport relatif à l’opportunité de développer la recherche sur la technologie des réacteurs nucléaires à sels fondus utilisant le thorium.

Contrairement à l’uranium, le thorium peut être utilisé dans son entièreté et il n’est pas nécessaire de l’enrichir. Des réacteurs expérimentaux avaient été construits en France dès les années 1950, mais ces recherches ont été mises entre parenthèses au profit de l’uranium. Ressource abondante au fort potentiel énergétique – il est trois à quatre fois plus abondant dans la croûte terrestre que l’uranium – et produisant peu de déchets, le thorium pourrait soutenir le développement d’une nouvelle filière nucléaire.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Cette question relève peut-être davantage de l’Opecst, mais comme le sujet est intéressant, j’émettrai un avis favorable sur cet amendement.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Pour ma part, je vous invite à le retirer et à le retravailler en vue de la séance. Plutôt qu’un rapport sur le thorium, pourquoi ne pas demander un rapport plus global sur les avancées technologiques susceptibles de donner naissance à de nouveaux réacteurs ? Il me semblait par ailleurs qu’un amendement de M. Olivier Marleix adopté à l’article 1er allait déjà dans ce sens.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE188 de M. Charles Fournier.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport présentant les modalités et les coûts anticipés du démantèlement des réacteurs nucléaires dont la durée de vie pourrait être prolongée jusqu’à soixante ans, voire plus.

L’ASN ne se prononcera pas avant la fin de l’année 2026 sur l’éventuelle prolongation du parc vieillissant. Parce qu’on a construit énormément de centrales en un temps record, on court le risque de voir se produire l’effet falaise. Il en a souvent été question au cours des auditions réalisées dans le cadre de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Nous avons besoin de visibilité sur ce démantèlement. J’espère que le groupe Renaissance fera preuve de plus de réalisme que le Rassemblement national, qui pense que les centrales ont une durée de vie indéfinie.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. C’est parce que nous sommes réalistes que nous lançons un nouveau programme nucléaire pour remplacer les réacteurs qui seraient amenés à fermer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE143 de M. Hervé de Lépinau.

M. Hervé de Lépinau (RN). Il s’agit de l’amendement anti-intrusion que j’ai évoqué tout à l’heure. En la matière, il me semble nécessaire de changer de braquet, de sortir des dispositions du code pénal et d’appliquer celles du code de la défense. Je suggère de créer, autour des centrales, des zones de défense hautement sensibles (ZDHS), lesquelles ne relèvent pas du droit commun. À l’île Longue, ce lieu particulièrement stratégique et sensible qui abrite notre dissuasion nucléaire, les fauteurs de troubles et les agitateurs de Greenpeace ne franchissent jamais la barrière. Parce que les centrales sont des lieux très sensibles, il paraît nécessaire de les protéger davantage.

Mme Maud Bregeon, rapporteure. Avis défavorable. Outre qu’elle me paraît excessive, une telle disposition rallongerait encore le temps d’accès à ces sites, qui est déjà très long pour les salariés.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Avis défavorable. Les ZDHS n’ont vocation à protéger que des biens militaires. Or nous traitons ici d’objets civils.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je profite de l’occasion pour demander pourquoi notre amendement sur la technologie de la cogénération a été déclaré irrecevable, alors qu’il n’est pas très différent de ceux que l’on vient d’examiner, sur le thorium par exemple. Madame la ministre, vous paraîtrait-il opportun d’étudier la cogénération dans le cadre du développement de notre parc nucléaire et de la récupération de la chaleur fatale pour d’autres usages ?

La commission rejette l’amendement.

 

Titre

 

Amendement CE419 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Gérard Leseul (SOC). Dans un calendrier étrange, le Gouvernement a fait le choix de nous présenter d’abord un texte sur les énergies renouvelables, puis ce texte relatif aux procédures concernant les installations nucléaires, le tout avant la loi de programmation sur l’énergie et le climat. Pour ne pas préempter les choix qui devront être faits dans le cadre de la LPEC, nous proposons de rédiger ainsi le titre du présent projet de loi : « Projet de loi portant diverses dispositions de simplification des procédures relatives aux installations nucléaires existantes et éventuellement futures ».

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 


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ANNEXES

 


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annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes PAR LA RAPPORTEURE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Par ordre chronologique

Auditions communes conduites par Mme Maud Bregeon
et par Mme Christine Decodts

Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN)

M. Joël Barre, délégué interministériel au nouveau nucléaire

M. Vincent Le Biez, adjoint au délégué

Framatome

M. Alexis Marincic, directeur en charge de la direction technique et ingénierie

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

M. Bernard Doroszczuk, président

M. Julien Collet, directeur général adjoint

Commission nationale du débat public (CNDP)

Mme Chantal Jouanno, présidente

M. Floran Augagneur, vice-président

Réseau de transport d’électricité (RTE)

M. Xavier Piechaczyk, président du directoire

Audition commune :

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Mme Anne-Cécile Rigail, cheffe du service des risques technologiques

M. Benoît Bettinelli, chef de la mission sûreté nucléaire et radioprotection

M. Cédric Vilette, adjoint au chef de la mission sûreté nucléaire et radioprotection

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Sophie Mourlon, directrice de l’énergie

M. Guillaume Bouyt, sous-directeur de l’industrie nucléaire

Électricité de France (EDF)

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Mme Chloé Astier, pilote de la séquence réglementaire EPR 2

M. Michaël Varescon, responsable juridique

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN)

M. Vincent Montrieux, sous-directeur de la qualité du cadre de vie (DHUP)

Mme Caroline Sauze, cheffe du bureau de la législation de l’urbanisme (DHUP)

Mme Victoria Brignon, chargée d’études juridiques (DHUP)

M. Arthur de Cambiaire, chef du bureau de l’évaluation et de la protection des milieux marins (DEB)

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

Mme Karine Herviou, directrice générale adjointe en charge de la sûreté nucléaire

M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

 

*

*     *

Auditions conduites par Mme Maud Bregeon

Audition commune :

Intercommunalités de France (AdCF)

M. Jean Revereault, président de la commission Transitions écologiques

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF)

Mme Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux

Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Association des représentants des communes d’implantation de centrales nucléaires (Arcicen)

M. Claude Brender, président de l’Arcicen et maire de Fessenheim

M. Guillaume de Rubercy, avocat et conseil de l’Arcicen sur l’urbanisation

Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI)

M. Jean-Claude Delalonde, président

M. Yves Lheureux, directeur

Société française d’énergie nucléaire (SFEN) *

Mme Valérie Faudon, déléguée générale

M. Thomas Jaquemet, responsable affaires publiques

Les Voix du Nucléaire *

Mme Myrto Tripathi, présidente

M. Benjamin Laredo, auteur du scénario TerraWater

M. César Dulac, conseiller de la présidence

Greenpeace France *

M. Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique

Mme Laura Monnier, juriste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


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   ANNEXE 2 :
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES PAR LA rapporteure de la COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

 

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) *

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) *

Direction des affaires civiles et du sceau, ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces, ministère de la justice

France Nature Environnement (FNE) *

Orano *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques

 


   ANNEXE 3 :
AVIS DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

 


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   INTRODUCTION

Première source de production d’électricité, l’énergie nucléaire compose aujourd’hui près 70 % du mix électrique français. Elle représentait, en 2020, 40 % de la consommation primaire d’énergie toute origine confondue. Après un ralentissement de la production dans les années 2010, une nouvelle accélération de la production d’énergie nucléaire dans les années et décennies à venir a été annoncée en 2022. Cette volonté d’accélération repose sur plusieurs raisons.

D’une part, l’énergie nucléaire est envisagée comme nécessaire pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050. Le mécanisme de fission atomique permet en effet de générer une quantité importante d’énergie, en rejetant une quantité quasi nulle de dioxyde de carbone. Ainsi, en 2022, le mix électrique français se révèle décarboné à hauteur de 92 %, tout aussi bien en raison de l’utilisation de sources d’énergies renouvelables que de l’utilisation de l’énergie nucléaire. D’autre part, dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’Europe a mis en place une stratégie politique visant à renforcer son indépendance par rapport à l’importation d’hydrocarbures venant de Russie (via le Plan RePowerEU notamment). À ce titre, le développement de l’énergie nucléaire représente une voie particulièrement propice pour permettre à la France de garantir sa souveraineté énergétique.

Alors que la construction d’une grande partie du parc nucléaire français a été réalisée dans les années 1970-1980, le cadre juridique de la filière nucléaire a dû être renouvelé. La loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire constitue encore aujourd’hui la base du régime juridique actuel. Après l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima en 2011, le Président de la République François Hollande avait fixé comme objectif de réduire la part d’énergie nucléaire dans le mix électrique français de 75 % à 50 % d’ici à 2025. Cet objectif a été inscrit dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il a été repoussé à 2035 suite à l’adoption de la loi n° 2019‑1147 relative à l’énergie et au climat. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) adoptée pour les périodes 2019‑2023 et 2024‑2028 traduit cet objectif.

Parallèlement, le vieillissement du parc nucléaire français a réduit la disponibilité des réacteurs nucléaires et, de fait, de l’électricité d’origine nucléaire produite. EDF avait, dès 2014, lancé un programme appelé « grand carénage » afin d’investir pour permettre la poursuite du fonctionnement des réacteurs du parc nucléaire au-delà de la durée de quarante ans. La découverte plus récente de problèmes de corrosion dite « sous contrainte » touchant les cuves de certains réacteurs et des retards, comme celui de la construction du nouveau réacteur de la centrale de Flamanville, ont également constitué des freins à la production d’énergie nucléaire.

De ce fait, l’indisponibilité du parc nucléaire a atteint un seuil critique à la fin de l’année 2022 : à ce moment-là, 21 des 56 réacteurs nucléaires présents en France étaient encore à l’arrêt, et le risque de coupure d’électricité était considéré comme élevé. En conséquence, EDF prévoyait seulement 47 gigawatts (GW) disponibles au mois de janvier 2023. C’est la raison pour laquelle RTE, le gestionnaire du réseau, a considéré que l’approvisionnement en énergie nucléaire de la France devait être placé en « vigilance particulière » jusqu’en 2024.

Ainsi, après une longue période de stabilisation qui a notamment conduit à l’arrêt définitif des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020, les pouvoirs publics ont finalement témoigné de leur volonté de relancer l’énergie nucléaire en France. Lors d’un discours prononcé à Belfort en février 2022, le Président de la République a annoncé sa volonté que soient construits six nouveaux réacteurs électronucléaires sur des sites déjà existants et que soient lancées les études nécessaires pour la construction de huit autres réacteurs.

Les nouveaux réacteurs nucléaires

En février 2022, le Président de la République a annoncé la création de six nouveaux réacteurs de type EPR 2. La construction de ces trois paires d’EPR 2 est prévue sur les sites déjà existants de Penly, Graveline, et du Bugey ou du Tricastin. Au total, le coût de ces projets est estimé à 46 milliards d’euros selon la Cour des comptes.

Ces réacteurs de types EPR (« European Pressurized Reactor », renommé « Evolutionary Power Reactor ») sont considérés comme des réacteurs de 3e génération. Ils constituent une version améliorée des anciens réacteurs à eau pressurisée qui fonctionnent grâce à la chaleur dégagée par la fission d’atomes d’uranium ou de plutonium enrichi. Ils ont notamment vocation à augmenter les capacités de production d’électricité, puisque ces réacteurs atteignent 1670 MWe de puissance électrique nette. Un réacteur de type EPR 2 se caractérise également par sa durée de vie allongée à 60 ans (contre 40 pour les premières centrales construites en France). Seulement trois réacteurs de ce type sont actuellement opérationnels dans le monde (deux en Chine, et un en Finlande). D’autres sont encore en construction ou au stade de projet, comme en France à Flamanville, ou au Royaume-Uni à Hinkley Point.

Plusieurs évolutions ont été apportées par rapport au réacteur de Flamanville afin d’améliorer le modèle en vue de la construction des six prochains EPR. L’objectif était notamment de standardiser les processus de production et de rationaliser les coûts, tout en conservant le même niveau de sûreté. Une nouvelle version, l’EPR « Nouveau modèle » (NM), avec une puissance thermique plus élevée, avait d’abord été soumise à l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Celle-ci a émis un avis négatif, n’ayant pas jugé entièrement satisfaisantes les garanties de sûreté présentées. Un nouveau projet, l’EPR 2, qui revenait à la puissance de l’EPR initial, a donc été mis au point et a été jugé satisfaisant par l’ASN.

C’est donc cette nouvelle version d’EPR qui sera déployée pour relancer l’énergie nucléaire en France.

Le présent projet de loi vise ainsi à accélérer et à faciliter les procédures régissant la construction des futurs réacteurs nucléaires et à rationaliser certaines procédures touchant au fonctionnement des installations nucléaires existantes.

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis de quatre des articles du projet de loi transmis par le Sénat : les articles 4, 9 et 10, présents dans le projet de loi initial, et l’article 9 bis, introduit par le Sénat. Le premier de ces articles concerne le processus de création des nouveaux réacteurs nucléaires et les travaux préalables nécessaires à l’accueil des réacteurs eux-mêmes. Il prévoit une procédure dérogatoire au droit actuel. Les trois autres articles concernent des procédures propres au fonctionnement des installations nucléaires de base et modifient le code de l’environnement.

Article 4
Échéancement du début des travaux de réalisation d’un réacteur électronucléaire en fonction des dates de délivrance de l’autorisation environnementale et de l’autorisation de création

Avis favorable à une adoption avec modifications

I.   LE RÉgime actuel

La construction d’un réacteur nucléaire est un processus industriel long qui est l’aboutissement d’un projet soumis à de nombreuses étapes préalables. Depuis que des réacteurs nucléaires de 2ème génération ont été construits à partir des années 1970, le temps moyen de construction peut être évalué à dix à quinze ans. La standardisation des procédés de construction, identiques pour tous les réacteurs d’une même génération, accélère les délais de construction.

Le schéma ci-dessous illustre les différentes phases d’élaboration du projet conduisant à la construction d’une installation nucléaire de base (INB) en application du régime spécifique créé pour ces installations dans le code de l’environnement.

Étapes prévues par le chapitre III du titre IX du livre V de la partie législative du code de l’environnement 

Une installation nucléaire de base n’est autorisée à entrer en fonctionnement que lorsque l’Autorité de sûreté nucléaire a donné son autorisation formelle pour la mise en service. Le décret de création de l’installation nucléaire de base indique la date limite de mise en service, date au‑delà de laquelle il est nécessaire de redemander une autorisation de création.

A.   La phase de débat public

Bien en amont du dépôt de la demande d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base (INB), a lieu un débat public qui constitue l’une des modalités de consultation du public sur des projets ayant des conséquences pour l’environnement.

En application des articles L. 121‑8 et suivants du code de l’environnement, la Commission nationale du débat public (CNDP) est obligatoirement saisie par l’exploitant des projets de création d’une installation nucléaire de base d’un coût supérieur à 460 millions d’euros ([144]). À la demande de l’exploitant, la Commission propose d’organiser un débat public qui a lieu sous l’égide d’une commission particulière ou bien confie l’organisation d’un débat public au maître d’ouvrage en définissant au préalable les modalités d’organisation et de déroulement de celui-ci. Dans ce dernier cas, la Commission peut décider de nommer des garants pour encadrer le débat public qui prend la forme d’une concertation préalable, ou le maître d’ouvrage peut en demander la désignation.

La Commission nationale du débat public peut être saisie des projets de création d’installation nucléaire de base lorsqu’il s’agit d’un nouveau site de production d’électricité nucléaire ou d’un nouveau site assimilable à une INB mais hors production électronucléaire d’un coût supérieur à 230 millions d’euros et inférieur à 460 millions d’euros ([145]). Il revient au maître d’ouvrage d’indiquer s’il souhaite saisir la Commission qui agira dans les mêmes conditions que décrites ci‑dessus. Si tel n’est pas le cas, il indique les modalités qu’il met en œuvre lui‑même pour mener à bien la concertation préalable avec le public.

Depuis l’organisation des premiers débats publics par la Commission nationale du débat public en 1998, de nombreux débats ont été organisés sur la question des centrales nucléaires et des autres installations nucléaires de base comme les centres de stockage des déchets ([146]).

La Commission nationale du débat public a été saisie conjointement par EDF et RTE sur le programme envisagé de construction de six réacteurs nucléaires de type EPR 2, dont les deux premiers seront situés à Penly en Normandie. Elle a donc mis en place une commission particulière du débat public qui a démarré ses travaux fin octobre 2022 et qui doit s’achever le 27 février 2023.

Quatre autres débats en cours concernent des projets liés à l’activité nucléaire :

-          L’organisation d’une concertation préalable liée à des modifications substantielles de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse II (Drôme) prévues par Orano. Un débat public avait été organisé en 2004 au moment de la construction de l’usine.

-          La concertation continue sur le projet d’EDF de construction d’une piscine d’entreposage à long terme des combustibles nucléaires usés sur une parcelle de l’usine de retraitement de matières radioactives d’Orano à La Hague, en vue d’un traitement ou d’un stockage définitif.

-          L’organisation d’une concertation nationale sur le système énergétique de demain en amont de l’examen d’un éventuel projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) en 2023 et de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui devrait être adoptée en conséquence.

-          L’organisation d’une concertation continue liée à la construction du centre de stockage réversible profond de déchets radioactifs (projet Cigéo) à la limite de la Meuse et de la Haute‑Marne. Des concertations spécifiques à ce projet ont commencé à être menées par la CNDP en 2019.

B.   L’Évaluation et l’autorisation environnementales

Le code de l’environnement contient, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, des dispositions propres aux installations nucléaires de base, créant ainsi un régime propre aux INB dont font partie les centrales nucléaires elles-mêmes. En amont de l’existence même de ces INB, de nombreux travaux préparatoires sont nécessaires. Les autorisations et l’information du public prévues pour et en amont de la réalisation des travaux relèvent des régimes généraux prévus par le code de l’urbanisme et le code de l’environnement.

Le projet de création d’une installation nucléaire de base doit, conformément à l’article L. 122‑1 et au tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, faire  l’objet d’une évaluation environnementale ([147]). L’évaluation environnementale qui est réalisée conformément aux dispositions des articles L. 122‑1 et suivants du code de l’environnement permet d’évaluer les conséquences sur l’environnement, dans toutes ses composantes, et sur la santé humaine d’un grand nombre de projets et d’infrastructures.

Elle est accompagnée d’une étude d’impact et d’une consultation du public ([148]). Le régime de l’évaluation environnementale n’a pas pu être appliqué à des installations nucléaires de base du type des réacteurs nucléaires dont la création aurait été projetée depuis l’entrée en vigueur progressive des dispositions relatives à l’évaluation environnementale à partir du 1er janvier 2017 ([149]).

Le régime de plusieurs types d’autorisation a également été réformé avec la publication de l’ordonnance n° 2016‑1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement. L’autorisation environnementale est désormais définie aux articles L. 181‑1 à L. 181‑32 du code de l’environnement. Elle fixe un régime commun à plusieurs catégories d’autorisations préexistantes. L’article L. 181‑1 du code de l’environnement définit le champ d’application de ce régime, qui concerne notamment les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter des dangers pour l’environnement et la santé, ainsi qu’un certain nombre d’autres types de projets qui doivent répondre aux critères fixés à l’article L. 122‑1‑1 du code de l’environnement ([150]). Les autorisations pour ces différents types d’installations, ouvrages et travaux sont accordées par le préfet de département.

L’instruction de la demande d’autorisation comporte trois phases : une phase d’examen, une phase de consultation du public qui prend généralement la forme d’une enquête publique et une phase de décision. Lorsqu’un projet est également soumis à évaluation environnementale, le dossier présentant le projet, comprenant l’étude d’impact et la demande d’autorisation, est transmis pour avis à l’autorité environnementale compétente ainsi qu’aux collectivités territoriales et à leurs groupements intéressés par le projet ([151]). Les V et VI de l’article L. 122‑1 du code de l’environnement précisent les modalités de diffusion de ces avis et de la réponse qui y est apportée par le maître d’ouvrage :

– les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements, dès leur adoption, ou l’information relative à l’absence d’observations émises dans un délai de deux mois, sont mis à la disposition du public sur le site internet de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation ;

– l’avis de l’autorité environnementale fait l’objet d’une réponse écrite de la part du maître d’ouvrage ;

– le maître d’ouvrage met à disposition du public l’étude d’impact et sa réponse écrite à l’avis de l’autorité environnementale, par voie électronique au plus tard au moment de l’ouverture de l’enquête publique ou de la participation du public par voie électronique.

La durée de la phase d’examen de la demande d’autorisation environnementale est fixée à l’article R. 181-17 du code de l’environnement : elle dure soit le temps indiqué par le certificat de projet délivré en amont de l’introduction de la demande d’autorisation, soit quatre mois à compter de la réception du dossier, ce délai pouvant toutefois être prorogé.

Cette phase d’instruction administrative, l’avis de l’autorité environnementale et la réponse écrite du maître d’ouvrage précèdent le lancement de la consultation du public ([152]).

La loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique a modifié l’article L. 181-10 du code de l’environnement relatif à la consultation du public. Celle-ci prend la forme d’une enquête publique dans deux cas :

– lorsqu’elle est requise en application du I de l’article L. 123-2 du même code, c’est-à-dire pour les projets devant comporter une évaluation environnementale ;

– lorsque le préfet qui organise la consultation estime, pour le projet concerné, qu’une enquête publique doit être organisée, en fonction de ses impacts sur l’environnement ainsi que des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ou de ses impacts sur l’aménagement du territoire.

Dans les autres cas, la consultation du public est réalisée conformément aux dispositions de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, c’est-à-dire via une participation du public s’effectuant par voie électronique.

Il existe donc un lien entre les projets soumis à une évaluation environnementale qui correspond à une démarche d’ensemble, et le régime de l’autorisation environnementale qui conduit à la publication d’un acte administratif. L’étude d’impact prévue dans le cadre de l’évaluation environnementale est la même que celle qui est requise pour constituer le dossier joint à la demande d’autorisation environnementale. De même, l’enquête publique organisée dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale vaut consultation du public au sens de l’évaluation environnementale.

La décision délivrant l’autorisation environnementale, qui prend la forme d’un arrêté préfectoral, fixe les dispositions techniques auxquelles l’installation doit satisfaire. Ces prescriptions portent notamment sur les mesures d’évitement, de réduction et de compensation des effets négatifs notables sur l’environnement et la santé, en application de l’article L. 181-12 du code de l’environnement.

C.   La demande d’autorisation de crÉation d’une installation nuclÉaire de base

Comme indiqué ci-dessus, la partie législative du code de l’environnement régit les conditions de création d’une INB (articles L. 593‑3 à L. 593‑13). La phase de l’enquête publique est une étape importante dans le processus menant à la délivrance de l’autorisation de création, de même que l’instruction technique de la demande par l’Autorité de sûreté nucléaire. Outre l’enquête publique mentionnée dans le schéma ci-dessous, la demande d’autorisation de création est accompagnée d’une étude d’impact dont le contenu est défini à l’article R. 593-16 du code de l’environnement qui renvoie au contenu général des études d’impact (articles L. 122‑1, L. 122‑3 et R. 122‑5) et à des prescriptions spécifiques définies à l’article R. 593‑17.

L’enquête publique doit répondre à des prescriptions spécifiques propres aux installations nucléaires de base précisées à l’article L. 593‑9 du code de l’environnement, c’est-à-dire ne pas conduire à la divulgation d’informations de nature à compromettre les intérêts mentionnés à l’article L. 124­‑4 du code de l’environnement ([153]). Le rapport préliminaire de sûreté n’est pas joint au dossier utile à l’enquête publique mais est consultable par le public dans des conditions déterminées par l’arrêté organisant l’enquête publique.

 

Schéma récapitulatif établi par l’Autorité de sûreté nucléaire

Le délai d’instruction de la demande d’autorisation de création est de trois ans, prolongeable de deux ans (article R. 593-28 du code de l’environnement). L’aboutissement de cette procédure est la publication d’un décret autorisant la création, pris par le Premier ministre et contresigné par le ministre chargé de la sûreté nucléaire. L’INB est autorisée sans limitation de durée.

II.   LE DISPOSITIF DU PROJET DE LOI INITIAL

Les dispositions de l’article 4 du projet de loi constituent un élément central dans le processus d’accélération de la construction des nouveaux réacteurs nucléaires. Cet article institue une dérogation par rapport au droit existant et ne modifie pas le code de l’environnement.

Son objectif est de permettre le démarrage d’un certain nombre de travaux avant que n’ait lieu l’enquête publique obligatoirement prévue dans le cadre de la demande d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base, conformément à l’article L. 593‑8 du code de l’environnement. Ces travaux pourront démarrer dès lors qu’une autorisation environnementale a été délivrée pour l’ensemble des équipements, travaux et ouvrages devant être réalisés en vue de la construction et de l’exploitation d’un réacteur nucléaire et qui relèvent d’un régime d’autorisation environnementale. Les travaux de construction des bâtiments abritant le réacteur et permettant l’entreposage de matière radioactive ne pourront à l’inverse démarrer que lorsque le décret autorisant la création aura été publié.

L’article 4 ne modifie pas la nécessité et les conditions dans lesquelles un débat public a lieu en amont de l’élaboration du projet, ni en aval le contenu et les modalités d’examen de la demande d’autorisation de création ainsi que les conditions de délivrance par décret de cette autorisation.

L’article 4 dans sa version initiale procède à trois grandes modifications par rapport au droit existant :

– il modifie le niveau auquel est prise l’autorisation environnementale qui relève actuellement du niveau déconcentré, c’est-à-dire de l’autorité préfectorale. En effet, en application du code de l’environnement, l’autorisation environnementale est délivrée par le préfet de département. L’article 4 propose, en vue de la construction des réacteurs nucléaires situés dans le champ de l’article 1er du présent projet de loi et des éléments nécessaires à son exploitation, au sens de l’article L. 593‑3 du code de l’environnement, de relever cet acte réglementaire au niveau du décret. L’intérêt principal d’une telle mesure est d’unifier les contentieux administratifs éventuels à l’encontre des autorisations, les recours ayant vocation à être introduits, directement devant le Conseil d’État. Le décret devrait contenir l’autorisation environnementale valable pour différents types d’installations soumises à autorisation, conformément à l’article L. 181‑1 du code de l’environnement ;

– il permet le démarrage de certains travaux qui seront utiles pour la construction du futur réacteur et son fonctionnement, dès lors que l’autorisation environnementale mentionnée ci-dessus a été délivrée. Ces travaux sont notamment des travaux de préparation du terrain, tel le terrassement, et des travaux conduisant à la construction de bâtiments administratifs, à la construction d’équipements qui disparaîtront ou qui seront annexes au réacteur lui-même mais nécessaires à son exploitation. De tels équipements entrent pour partie dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement ou peuvent avoir des impacts sur la ressource en eau (entrant ainsi dans le régime IOTA) qui requièrent une autorisation environnementale ;

– il renvoie la construction du bâtiment du réacteur nucléaire lui-même, c’est-à-dire précisément « la construction des bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde » à la période s’ouvrant après la publication du décret autorisant la création du réacteur. Actuellement, ces travaux peuvent commencer à la clôture de l’enquête publique conduite dans le cadre de la demande d’autorisation de création, travaux qui conduisent in fine à la construction du réacteur nucléaire, de sa piscine d’entreposage du combustible usé et de la zone de réception du combustible neuf, et des bâtiments abritant la salle de commande, de contrôle-commande et ceux abritant les systèmes électriques de sauvegarde et d’injection de sécurité.

Le texte du projet de loi initial distingue clairement la procédure menant à la délivrance d’une autorisation environnementale et la procédure propre aux installations nucléaires de base décrite aux articles L. 593‑7 et suivants du code de l’environnement. L’article 4 ne modifie pas les obligations auxquelles sont soumis les exploitants pour la construction des réacteurs nucléaires. Néanmoins, le texte, en mentionnant une étude d’impact portant sur l’ensemble du projet, au I de l’article 4, confirme le lien entre les deux procédures.

En ce sens, l’étude d’impact jointe par le Gouvernement au projet de loi indique à propos de l’article 4 que : « Cette étude d’impact sera instruite, d’une part, dans le cadre de la demande d’autorisation environnementale, en application des articles L. 181-9 et suivants du code de l’environnement et, d’autre part, dans le cadre de la demande d’autorisation de création de l’installation nucléaire de base, en application des articles L. 593-7 et suivants du code de l’environnement. » Ces informations sont confirmées par le ministère de la transition énergétique qui, en réponse à une question complémentaire de la rapporteure pour avis, sur ce sujet, précise que : « Cette étude d’impact, en vertu de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, doit appréhender le projet dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l’espace et en cas de multiplicité de maîtres d’ouvrage, afin que ses incidences sur l’environnement soient évaluées dans leur globalité. Ainsi, dès l’autorisation environnementale, le futur exploitant du réacteur électronucléaire est tenu de transmettre une étude d’impact globale portant sur le projet dans son ensemble, et non limitée à la partie du projet concerné par la demande. »

Plusieurs des acteurs auditionnés ont souligné les gains de temps appréciables que permettrait l’adoption d’une telle disposition. Ne pas attendre l’enquête publique qui a lieu dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de création qui intervient dans une procédure qui peut durer de trois à cinq ans représente un gain de temps. EDF estime qu’au moins une année sera gagnée pour chacun des six nouveaux réacteurs dont la construction est pour l’instant envisagée. Comme le soulignent également l’ASN et le ministère de la transition énergétique, plusieurs mois seraient gagnés par rapport aux calendriers actuels.

Le ministère de la transition énergétique estime que l’application de l’article 4 n’est pas susceptible d’amoindrir la sûreté des installations nucléaires. Au contraire, le bâtiment du réacteur lui-même ne pourra commencer à être construit que lorsque le décret de création aura été publié et donc, le projet entièrement contrôlé par l’ASN et le ministre chargé de la sûreté nucléaire, « minimisant ainsi les défauts de construction liés à une anticipation de travaux par rapport à l’achèvement de l’instruction technique ». C’est également l’analyse d’EDF qui indique en réponse à une question de la rapporteure pour avis sur les conséquences éventuelles du projet de loi sur la sûreté nucléaire qu’« il est même possible de considérer que ce projet de loi améliore les garanties en sécurisant l’instruction sereine de la démonstration de la maîtrise de la sûreté nucléaire par le ministère de la transition énergétique et l’Autorité de sûreté nucléaire grâce notamment à l’article 4 qui dissocie les travaux sans enjeux spécifiques aux installations nucléaires (travaux préparatoires) du reste des opérations en lien avec les matériels de sauvegarde et les bâtiments destinés à accueillir du combustible qui sont conditionnées à la délivrance du décret d’autorisation de création des installations nucléaires. »

Au regard des auditions menées par la rapporteure pour avis, est apparu un autre enjeu important lié à la finalité et à la rédaction de l’article 4. L’enjeu d’un tel dispositif, en vue de la construction des nouveaux réacteurs de type EPR 2, réside dans le degré d’information fournie au public dans les différentes phases du projet. Alors qu’au niveau des travaux préparatoires qui justifient la demande d’une autorisation environnementale, toutes les caractéristiques de la future installation nucléaire ne seront peut-être pas encore connues, la question se pose de l’information transmise au public. Il serait souhaitable que l’exploitant s’assure que le public est suffisamment éclairé pour donner utilement son avis dans les deux phases successives d’instruction.

III.   DES MODIFICATIONS IMPORTANTES APPORTÉES PAR LES SÉNATEURS

Le Sénat a apporté plusieurs modifications à l’article 4 qui en modifient en partie le sens et la portée.

L’article 4 tel qu’adopté au Sénat prévoit que l’autorisation environnementale prévue au I est délivrée par décret en Conseil d’État. Cette modification relève au niveau maximal de la hiérarchie des actes réglementaires la délivrance de l’autorisation environnementale pour l’ensemble du projet de construction.

D’autres modifications ont été adoptées au I de l’article 4. Les sénateurs ont rappelé que l’autorisation environnementale était délivrée suite à une enquête publique. Ils ont introduit un avis obligatoire de l’Autorité de sûreté nucléaire. Ils ont également, dans une logique de renforcement de l’information fournie dans le cadre de l’instruction de l’autorisation environnementale, précisé les différents éléments que devait contenir l’étude d’impact, en plus de ceux prévus conformément aux articles L. 122‑1 et L. 122‑3 du code de l’environnement. En mentionnant les compléments requis pour les installations nucléaires de base, les sénateurs introduisent, dans cette étude d’impact, l’obligation pour l’exploitant de fournir des informations spécifiques à l’incidence sur l’environnement du réacteur nucléaire, informations qui sont actuellement prévues à l’article R. 593‑17 du code de l’environnement en ce qui concerne l’étude d’impact jointe à la demande d’autorisation de création (cf. ci-dessus) ([154]).

L’article 4 déroge à l’article L. 425‑12 du code de l’urbanisme, qui dispose que des travaux ne peuvent être exécutés avant la clôture de l’enquête publique préalable à l’autorisation de création de l’installation nucléaire de base. Cette précision a été ajoutée par les sénateurs qui ont également prévu que dans le cadre de l’enquête publique conduite en vue de la délivrance de l’autorisation environnementale, devaient être portés à la connaissance préalable du public les constructions, aménagements, installations et travaux dont la réalisation pourra débuter dès la publication de l’autorisation environnementale. Enfin, les sénateurs ont précisé que l’étude d’impact utilement jointe à la demande d’autorisation de création est l’étude d’impact mentionnée au I de l’article 4 éventuellement actualisée, implicitement des informations nouvelles dont disposerait l’exploitant sur le réacteur nucléaire. Cette précision paraît utile. Elle renforce la cohérence du processus au cours duquel le projet dans son ensemble sera présenté dans le cadre de l’instruction environnementale et sera à nouveau présenté dans le cadre de l’instruction de la demande d’autorisation de création, cette dernière instruction conservant toutes les caractéristiques prévues par le chapitre III du titre IX du livre V de la partie législative du code de l’environnement.

A également été ajouté, dans une troisième subdivision, un complément au contenu du décret en Conseil d’État qui devra être pris pour préciser l’ensemble des articles du titre Ier du présent projet de loi (III de l’article 4). Ce décret devra fixer la répartition des travaux afin d’indiquer ceux qui pourront être exécutés dès la délivrance de l’autorisation environnementale et ceux qui sont liés à « l’îlot nucléaire » et qui ne seront exécutés qu’à la publication du décret d’autorisation de création. De fait, il encadrera davantage la conduite de l’ensemble du projet par l’exploitant.

L’ASN, dans son audition devant les rapporteures des deux commissions saisies, a souligné que l’article 4 dans sa version initiale ne modifiait pas le rôle qu’elle avait dans la procédure d’autorisation de création des futurs réacteurs nucléaires et ne modifiait donc pas les exigences de sûreté appliquées. En revanche, les modifications apportées par le Sénat risqueraient, selon elle, d’alourdir la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale. Un avis de l’ASN exigé dès le stade de l’autorisation environnementale la ferait intervenir trop en amont dans la procédure, sur un champ qui n’est pas le sien.

Plusieurs des modifications apportées par le Sénat constituent des facteurs de ralentissement de la procédure dans son ensemble. Ainsi en est-il du décret en Conseil d’État support de l’autorisation environnementale, mais aussi de la demande d’avis de l’ASN dans le cadre de l’instruction de l’autorisation environnementale mentionnée ci-dessus et des compléments mentionnés dans l’étude d’impact. Elles risqueraient d’éloigner la dérogation de son objectif initial, à savoir permettre le lancement de certains travaux en amont de l’instruction de la demande d’autorisation de création et ainsi accélérer les constructions.

Enfin, le III introduit par les sénateurs constitue à la fois un élément de sécurité juridique et un élément susceptible de ralentir la prise d’effet des dispositions de l’article 4. Cela concerne particulièrement la publication du décret en Conseil d’État prévu pour préciser l’ensemble du titre Ier. Certaines des personnes auditionnées ont souligné la difficulté de déterminer de manière exhaustive et à l’avance l’ensemble des travaux et leur catégorie d’exécution, alors que l’exploitant doit encore se prononcer sur certains éléments techniques quant à la conception des réacteurs.

IV.   Les travaux de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

La commission a adopté plusieurs amendements à l’article 4.

L’amendement CD152 de la rapporteure pour avis, rédactionnel, précise que l’autorisation environnementale prévue au I de l’article 4 est celle requise en application de l’article L. 181‑1 du code de l’environnement.

Les deux amendements CD151 et CD150 de la rapporteure pour avis, également rédactionnels, permettent de désigner plus précisément le champ de l’autorisation environnementale, c’est-à-dire : « les constructions, aménagements, installations ou travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire au sens du présent titre et des équipements et des installations nécessaires à son exploitation au sens de l’article L. 593‑3 du code de l’environnement ».

Les amendements identiques CD149 de la rapporteure pour avis, CD36 de M. Pierre Meurin (RN) et CD143 de M. Emmanuel Maquet (LR) visent à revenir au projet de loi initial en prévoyant que l’autorisation environnementale doit être délivrée par décret simple et non par décret en Conseil d’État. Pour rappel, le droit existant prévoit que l’autorisation environnementale est délivrée par le préfet sous forme d’un arrêté.

Les amendements identiques CD156 de la rapporteure pour avis et CD144 de M. Emmanuel Maquet (LR) visent à supprimer l’avis demandé à l’Autorité de sûreté nucléaire au stade de l’instruction de l’autorisation environnementale. L’ASN sera nécessairement conduite à donner un avis sur l’ensemble du dossier joint à la demande d’autorisation de création, dont l’étude d’impact qui comprendra tous les éléments mentionnés au I de l’article 4, à laquelle s’ajouteront éventuellement des informations nouvelles. Demander à l’ASN de réaliser une première analyse pour émettre un avis représente un facteur de ralentissement de la procédure non négligeable alors que cette analyse sera menée ultérieurement.

L’amendement CD157 de la rapporteure pour avis vise à préciser que le décret support de l’autorisation environnementale est modifié conformément aux règles prévues à l’article L. 181‑14 du code de l’environnement. Cet amendement vise également à mieux distinguer le régime dérogatoire institué par l’article 4 pour la délivrance de l’autorisation environnementale, en amont de la publication du décret autorisant la création, d’avec le régime applicable après la publication de ce décret. En effet, dans le régime applicable après ladite publication, l’Autorité de sûreté nucléaire devient l’autorité compétente au sein du périmètre de l’installation nucléaire de base pour toutes les décisions concernant les installations soumises à autorisation environnementale et liées à l’installation nucléaire.

L’amendement CD154 de la rapporteure pour avis prévoit, par ailleurs, une information de la commission locale d’information (CLI) territorialement compétente dès le stade de la demande d’autorisation environnementale. Dès lors que les nouveaux réacteurs seront construits à proximité de ceux existants, des commissions locales d’information existent. Néanmoins, la construction des nouveaux réacteurs ne constituant pas une modification d’une installation nucléaire de base existante, la CLI ne serait pas informée, en l’état du droit, en amont de la demande d’autorisation de création déposée par le pétitionnaire. L’amendement vise donc à garantir une information de cette commission dès la demande d’autorisation environnementale afin d’intégrer cette instance dès le début de la procédure conduisant au début des travaux.

Les amendements CD155 de la rapporteure pour avis et CD146 de M. Emmanuel Maquet (LR), rédactionnels, harmonisent les rédactions des premiers et deuxièmes alinéas de l’article 4.

L’amendement CD140 de la rapporteure pour avis consiste à supprimer la mention « le cas échéant » à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 4. L’étude d’impact mentionnée au I sera actualisée par l’exploitant. Il s’agira formellement d’une seconde étude d’impact jointe au dossier constituant la demande d’autorisation de création. Si l’exploitant considère qu’il a fourni tous les éléments au moment de l’instruction de l’autorisation environnementale, il n’aura pas à l’actualiser. La mention « le cas échéant » n’apparaît en conséquence pas utile.

Enfin, l’amendement CD139 de la rapporteure pour avis supprime des précisions introduites par le Sénat à la fin du deuxième alinéa de l’article 4 et qui n’apparaissent pas nécessaires. Ces précisions rappelaient d’une part l’obligation à laquelle est soumis l’exploitant lorsqu’il dépose une demande d’autorisation de création, à savoir l’organisation d’une enquête publique, et d’autre part, la nécessité de recueillir un avis de l’ASN sur la demande. En effet, cette autorité doit obligatoirement donner son avis sur la demande d’autorisation et donc implicitement sur les documents qu’elle contient, dont le rapport préliminaire de sûreté. En mentionnant l’article L. 593‑7 du code de l’environnement qui détermine le régime de création des installations nucléaires de base, le texte du projet de loi initial inclut toutes les étapes nécessaires à l’instruction et à la publication du décret de création. Il n’est donc pas possible que la création des futurs réacteurs nucléaires soit autorisée sans ces étapes.

Article 9
Modalités de réexamen périodique des installations nucléaires de base au-delà de leur 35ème année d’exploitation

Avis favorable à une adoption avec modifications

I.   Un système actuel complexe dans la succession des opérations conduisant À des modifications d’installation nuclÉaire de base

En application de l’article L. 59318 du code de l’environnement, les installations nucléaires de base doivent faire l’objet, au moins tous les dix ans, d’un réexamen dit de sûreté, cette durée étant en conformité avec les prescriptions du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique, dit Euratom, du 25 mars 1957.

Ces réexamens sont une étape très importante dans la vie de l’installation nucléaire. Ils ne conduisent pas à délivrer une nouvelle autorisation permettant le prolongement du fonctionnement de l’INB, dans la mesure où les INB sont autorisées sans limitation de durée. Néanmoins, ces visites décennales sont obligatoires. L’exploitant procède au contrôle de l’ensemble de l’installation avec le souci de contrôler la sûreté de l’installation et de déterminer les dispositions qu’il doit prendre pour maintenir le niveau de sûreté. C’est pourquoi il produit un rapport à l’issue du réexamen comprenant des conclusions et des propositions de modification, appelées dispositions, qu’il envisage de mettre œuvre pour atteindre le niveau de sûreté le plus élevé possible.

Ce réexamen doit permettre d’apprécier la situation de l’installation au regard des règles applicables et d’actualiser les risques et inconvénients au regard des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, en tenant compte de l’état de l’installation, de l’expérience acquise au cours de son exploitation et de l’évolution des connaissances et des règles générales applicables aux installations nucléaires ([155]). Ainsi, dès 2013, EDF a lancé avec l’ASN un processus d’encadrement des visites décennales au‑delà de la quarantième année de fonctionnement, appelées « VD4 », pour les réacteurs de la tranche de 900 MWe. Les premières visites décennales à proprement parler ont commencé en 2019.

L’article L. 593-19 du code de l’environnement dans sa version actuelle précise que l’exploitant adresse à l’Autorité de sûreté nucléaire et au ministre chargé de la sûreté nucléaire un rapport comportant les conclusions du réexamen périodique et, le cas échéant, les dispositions qu’il envisage de prendre pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du même code.

L’ASN réalise une analyse du rapport et peut imposer de nouvelles prescriptions, qu’elle communique au ministre chargé de la sûreté nucléaire.

Les dispositions proposées par l’exploitant lors des réexamens périodiques au-delà de la 35ème année de fonctionnement sont soumises, après enquête publique, soit à la procédure d’autorisation, de l’ASN en cas de modification notable, en application de l’article L. 593-15 du code de l’environnement, soit à une nouvelle autorisation en cas de modification substantielle, en application de l’article L. 593‑14 du même code.

Les articles L. 593-14 et L. 593-15 du code de l’environnement précisent de manière générale les modalités de modification des installations nucléaires de base, qui relèvent :

-          d’une nouvelle autorisation, « en cas de changement d’exploitant » ou « en cas de modification substantielle », mentionnée aux I et II de l’article L. 593‑14 du code de l’environnement ;

-          d’une déclaration ou d’une autorisation auprès de l’ASN, pour « les modifications notables d’une installation nucléaire de base, de ses modalités d’exploitation autorisées, des éléments ayant conduit à son autorisation ou à son autorisation de mise en service », et « en fonction de leur importance », mentionnée à l’article L. 593‑15 du même code ([156]).

Comme indiqué ci-dessus, les dispositions proposées par l’exploitant lors des réexamens périodiques au-delà de la 35ème année de fonctionnement relèvent actuellement de la procédure d’autorisation, mentionnée à l’article L. 594-14 du code de l’environnement, en cas de modification substantielle, ou de la procédure d’autorisation mentionnée à l’article L. 594-15 du même code, en cas de modification notable. L’article L. 593-19 dans sa version actuelle ne mentionne pas la procédure de déclaration.

Des dispositions particulières sont donc prévues lorsque le réexamen de sûreté a lieu au‑delà de la 35ème année de fonctionnement. Actuellement et conformément à l’article L. 593‑19, l’ASN peut imposer de nouvelles prescriptions techniques en plus des dispositions que présente l’exploitant, permettant en particulier « le suivi régulier du maintien dans le temps des équipements importants pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 5931 ».

Cinq ans après la remise du rapport de réexamen, l’exploitant remet un rapport intermédiaire sur l’état des équipements, au vu duquel l’ASN complète éventuellement ses prescriptions.

Le dispositif actuel est apparu à l’usage problématique, comme le signale en premier lieu l’étude d’impact jointe au présent projet de loi. En rattachant l’enquête publique au régime d’autorisation des modifications des INB, le droit actuel ne permet pas de prendre en compte l’avis que le public pourrait exprimer sur les conclusions du rapport de réexamen et donc, plus généralement, sur les dispositions proposées par l’exploitant pour prolonger le fonctionnement des réacteurs. La possibilité n’est en particulier pas laissée au public d’indiquer s’il estime suffisantes ou insuffisantes les propositions de l’exploitant.

Dans le même temps, il représente une contrainte certaine puisqu’il oblige l’exploitant, toujours dans le cadre des visites décennales au‑delà de la 35ème année, à ne pouvoir demander une autorisation pour procéder à des modifications que passé la phase de l’enquête publique et non dès la remise du rapport de réexamen. En effet, comme le rappelle l’étude d’impact : « dans le cadre du réexamen, l’Autorité de sûreté nucléaire ne peut plus, en l’état actuel du droit, autoriser les modifications nécessaires dans la période comprise entre la transmission du rapport de conclusion du réexamen et la fin de l’enquête publique. Cela a conduit à devoir différer le déploiement d’améliorations de sûreté dont l’utilité ne fait pas l’objet de discussion ».

II.   L’article 9 du projet de loi initial modifie l’articulation entre les visites dÉcennales au‑delÀ de la 35Ème annÉe d’exploitation et les modifications apportÉes À l’installation

L’article 9, en proposant une réécriture de l’article L. 593‑19 du code de l’environnement, procède à deux modifications importantes :

– il recentre l’enquête publique sur les conclusions du réexamen décennal et sur les dispositions à mettre en œuvre sur l’installation nucléaire au regard de la poursuite du fonctionnement de celle-ci pour dix années supplémentaires dans des conditions de sûreté et de protection de l’environnement les plus satisfaisantes possible. Pour cela, l’enquête publique porte sur les conclusions du réexamen, qui contiennent les conclusions de l’analyse menée par l’exploitant en termes de conformité de son installation et de réévaluation de son niveau de sûreté, dont sont issues les dispositions. Cette procédure se conclut par une décision de l’ASN, qui peut prescrire des dispositions supplémentaires au regard de son instruction et en prenant en compte les conclusions de l’enquête publique ;

– il disjoint la procédure d’autorisation ou de déclaration des modifications par ou auprès de l’ASN de la procédure d’enquête publique, que ces modifications résultent des dispositions prises par l’exploitant ou de prescriptions complémentaires édictées par l’ASN elle-même. Il déconnecte également cette procédure des réexamens décennaux au‑delà de la 35ème année de fonctionnement. La disposition vaut pour tous les examens décennaux. Comme le précise le ministère de la transition énergétique : « Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire de définir des modalités particulières pour la mise en œuvre de ces dispositions : qu’elles figurent dans le rapport de conclusion du réexamen ou qu’elles aient été prescrites par l’ASN, elles font l’objet des procédures d’autorisation ou de déclaration prévues dans le régime des INB en fonction de leurs risques et inconvénients propres. Certaines d’entre elles pourraient même, si elles ont un impact significatif sur l’environnement, donner lieu à une consultation du public. »

Le projet de loi initial prévoit également de supprimer la remise d’un rapport intermédiaire entre deux visites décennales au‑delà de la 35ème année de fonctionnement. Cette disposition avait été introduite par amendement à la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le rapport devait porter sur l’état des équipements composant l’INB.

Il est apparu aux personnes concernées, c’est-à-dire aussi bien à l’exploitant qu’aux services de l’État et de l’ASN auxquels était soumis ce rapport, qu’une vérification globale de l’état des équipements dans les cinq ans qui suivent le réexamen n’était ni cohérente avec la démarche de maîtrise de vieillissement, qui est fondée sur une périodicité décennale, ni avec les programmes de maintenance, qui définissent des périodicités adaptées à chaque composant. Ce rapport à cinq ans constitue donc une charge pour l’exploitant sans valeur ajoutée en termes de maîtrise de l’état des installations.

III.   les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat, lors de l’examen successif du texte en commission et en séance publique, a apporté plusieurs modifications.

Le projet de loi initial faisait état des « conclusions de l’examen prévu à l’article L. 593‑18 » et des « dispositions proposées par l’exploitant dans le rapport mentionné au premier alinéa [de l’article L. 593‑19] », créant une certaine ambiguïté sur l’objet et la finalité de l’enquête publique. Le Sénat a modifié l’objet de l’enquête publique, en le recentrant sur le rapport présenté en conclusion du réexamen, afin que le public soit consulté sur le réexamen dans son ensemble. Cette modification conduit à ce que l’objet de l’enquête publique, c’est-à-dire le rapport, devienne le même que celui instruit par l’ASN pour aboutir à sa décision d’imposer éventuellement de nouvelles prescriptions techniques.

Les sénateurs ont réintroduit l’obligation pour l’exploitant de produire un rapport intermédiaire cinq ans après chaque visite décennale au‑delà de la 35ème année. Le Sénat a modifié l’objet de ce rapport, qui rend désormais compte de la mise en œuvre des prescriptions prises à l’occasion du réexamen. Ces nouvelles dispositions sont en pratique satisfaites, les décisions de l’ASN imposant un bilan annuel de la mise en œuvre des prescriptions.

Comme mentionné ci-dessus, le dernier alinéa de l’article 9 du projet de loi initial mettait fin à une rédaction incomplète sur le régime des modifications proposées dans le cadre des réexamens décennaux. Cet alinéa a été réécrit sur ce sujet par les sénateurs afin de préciser davantage le contenu des articles L. 593‑14 et L. 593‑15.

Cet alinéa, dans la version du texte transmis à l’Assemblée nationale, prévoit aussi que l’ASN prenne une décision, homologuée par le ministre chargé de la sûreté nucléaire, établissant la liste des modifications dites notables qui ne remettent pas en cause le rapport de sûreté et l’étude d’impact de l’installation nucléaire de base. Il existe déjà une telle liste qui détermine les modifications qui sont considérées comme notables pour l’installation et que l’exploitant doit soumettre à déclaration auprès de l’ASN dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 593‑15 du code de l’environnement.

Cet alinéa refait également figurer à l’article L. 593‑19 du code de l’environnement des éléments prévus dans le droit actuel, notamment la possibilité pour l’ASN d’adresser à l’exploitant des prescriptions dites complémentaires comme prévu à l’article L. 593‑10. À cet article, les prescriptions sont celles que l’ASN peut faire au moment de l’autorisation de création. Dans la version de l’article L. 593‑19 proposée par le Sénat, les prescriptions sont celles que l’ASN peut faire lorsque des modifications sont soumises à déclaration dans le cadre des réexamens décennaux.

IV.   Les travaux de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du territoire

Deux amendements identiques, CD158 de la rapporteure pour avis et CD18 de M. Jorys Bovet (RN), ont été adoptés pour supprimer la mention des articles du code de l’environnement relatifs aux conditions générales d’organisation et de déroulement des enquêtes publiques prévues aux articles L. 123-1 et suivants du code de l’environnement et à l’article L. 539‑9 du même code.

En effet, dans le cadre des réexamens décennaux au-delà la 35ème année de fonctionnement, les enquêtes publiques conduites répondent à des prescriptions spécifiques déterminées par voie réglementaire aux articles R. 593‑62‑2 du code de l’environnement et suivants. Les dispositions particulières applicables sont relatives au contenu du dossier de l’enquête publique et à l’articulation entre les pouvoirs et le rôle de l’ASN et ceux du préfet de département. La mention à la fin du troisième alinéa de l’article 9 du projet de loi indiquant que l’enquête publique est « réalisée en application du chapitre III du titre II du livre Ier et de l’article L. 5939, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires » pouvait ainsi prêter à confusion quant à l’application du régime spécifique applicable aux enquêtes publiques conduites dans le cadre des réexamens décennaux.

Article 9 bis
Prise en compte des conséquences du changement climatique
et de la cybersécurité dans les dispositions législatives applicables
aux installations nucléaires de base

Avis favorable à une adoption avec modifications

I.   Installation nuclÉaire de base et changement climatique

Lorsqu’un exploitant dépose une demande d’autorisation pour la création d’une installation nucléaire de base, il joint à cette demande un rapport préliminaire sur la sûreté de l’installation. Il s’agit d’un élément indispensable qui fait l’objet d’une instruction par l’ASN et qui permet à l’exploitant de démontrer que la sûreté de son installation est garantie.

L’article L. 593-7 du code de l’environnement qui soumet la création d’une installation nucléaire de base à l’obtention d’une autorisation établit que celle-ci ne peut être délivrée que si l’exploitant démontre que les dispositions techniques ou d’organisation prises ou envisagées sont de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente, notamment pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1.

Le réexamen décennal des INB prévu à l’article L. 593-18 du code de l’environnement vise quant à lui à actualiser l’appréciation des risques ou inconvénients que l’installation présente « en tenant compte notamment de l’état de l’installation, de l’expérience acquise au cours de l’exploitation, de l’évolution des connaissances et des règles applicables aux installations similaires ».

Depuis la construction des premiers réacteurs nucléaires, de nombreuses dispositions de nature législative et réglementaire ont été prises pour renforcer la sécurité et la sûreté nucléaires et donc les normes auxquelles doit se soumettre l’exploitant. Les nouveaux risques que le dérèglement climatique fait peser sur les INB et leur environnement proche ainsi que les risques liés aux actes de malveillance et notamment les cyberattaques, ont été mieux pris en compte.

L’article 9 bis du projet de loi résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement portant article additionnel après l’article 9 (amendement COM-40 de M. Daniel Gremillet). Il complète le code de l’environnement et le code de la défense sur les sujets mentionnés ci-dessus, c’est-à-dire la prise en compte du dérèglement climatique et ses effets ainsi que les risques liés au cyber-attaques.

Face à la multiplication des événements climatiques extrêmes qui constituent une des manifestations du changement climatique, le cadre juridique a été complété pour tenir compte des nouveaux risques pesant sur les installations nucléaires de base.

L’article 3.6 de l’arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base dispose que les exploitants doivent prendre en compte plusieurs agressions externes et leur cumul, dans la démonstration de sûreté, dont : les séismes, la foudre, les conditions météorologiques ou climatiques extrêmes, les incendies, ou encore les inondations.

 Cet arrêté intervient à la suite de phénomènes météorologiques extrêmes ayant perturbé le fonctionnement des installations nucléaires de base. Ainsi, l’instauration d’un plan « Grand froid » dans les années 1980 et celle d’un plan « Grand chaud » après les canicules de 2003 et 2006 visent à assurer l’adaptation des centrales nucléaires à ces nouvelles conditions. De même, une réévaluation de la résistance des installations nucléaires a été réalisée à la suite de l’accident de Fukushima en 2011. Chaque installation nucléaire doit être dotée d’équipements capables de résister à des agressions externes d’ampleur extrême. La sûreté du « noyau dur » des installations constituant un réacteur nucléaire fait désormais l’objet d’un avis de l’Autorité de sûreté nucléaire ([157]).

L’article 9 bis complète les articles L. 593‑7 et L. 593‑18 du code de l’environnement pour préciser que la demande d’autorisation de création n’est délivrée que si l’exploitant démontre avoir pris les dispositions nécessaires pour garantir la sûreté compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment « dont celles sur le dérèglement climatique ».

Plus exactement, cet article prévoit que la démonstration de sûreté nécessaire à la délivrance de l’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593‑7, et effectuée lors du réexamen décennal mentionnée à l’article L. 593‑18, tient compte « des effets du dérèglement climatique sur la nature, l’intensité et le cumul des agressions internes et externes à prendre en considération pour la durée de vie prévisible de l’installation nucléaire » dans le cadre de l’autorisation, et « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » dans le cadre du réexamen décennal.

L’exploitant doit également prouver qu’il garantit l’opérabilité, c’est-à-dire le fonctionnement des équipements destinés à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 59‑1 du code de l’environnement, c’est-à-dire leur résistance et leur capacité à assurer leurs fonctions en cas de réalisation d’un aléa climatique grave. La liste des équipements concernés n’est pas établie.

La rapporteure pour avis tient à rappeler qu’il s’agit d’un aspect de plus en plus important dans l’ensemble des risques auxquels sont exposées les INB. C’est pourquoi l’exploitant doit prendre en compte les connaissances scientifiques évolutives sur le dérèglement climatique et ses effets.

Des critiques ont néanmoins été émises sur l’apport de cet article. Le rapport préliminaire de sûreté qui fait état de la démonstration de sûreté contient de fait des informations sur la résistance de l’installation nucléaire face à tous les événements externes et notamment les risques climatiques. De plus, comme le rappelle le ministère de la transition énergétique : « le régime des installations nucléaires de base impose de réexaminer, tous les dix ans, l’état des connaissances concernant les risques et inconvénients que présente l’installation. Cela inclut le changement climatique, qui a des conséquences sur plusieurs agressions externes possibles (inondation, forte chaleur…) et sur l’impact environnemental lié au fonctionnement de l’installation. »

II.   ContrÔle des risques de malveillance sur les installations nuclÉaires de base

Les agressions externes constituées par des actes de malveillance notamment informatique doivent être prises en compte par les exploitants dès la conception de l’installation nucléaire.

Si la rapporteure pour avis note qu’il n’existe actuellement pas de définition juridique de la notion de cyber-sécurité ([158]), des dispositions spécifiques à la sécurité des systèmes d’information sont définies aux articles L. 1332-6-1 à L. 1332-6-6 du code de la défense.

L’article L. 1332-6-1 précise que les règles de sécurité nécessaires à la protection des systèmes d’information, pour lesquels l’atteinte à la sécurité ou au fonctionnement risquerait de diminuer de façon importante la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ou pourrait représenter un danger grave pour la population, sont fixées par le Premier ministre. Ces règles peuvent prescrire aux opérateurs de mettre en œuvre, à leurs frais, des systèmes qualifiés de détection des évènements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information. Parmi ces systèmes d’information se trouvent ceux nécessaires au fonctionnement d’une installation nucléaire de base.

Depuis le 1er janvier 2023, le 4° de l’article R. 1333‑14 ([159]) du code de la défense dispose que le titulaire de l’autorisation ou de la déclaration mentionnée à l’article L. 1333-2 du même code met en œuvre un ensemble de mesures techniques, organisationnelles et humaines cohérent et proportionné aux enjeux permettant d’assurer la sécurité nucléaire de son activité et notamment la sécurité de ses systèmes d’information.

Parallèlement, le deuxième alinéa de l’article L. 1333‑3 du code de la défense dispose que l’exercice d’une activité nucléaire mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants, définie au dernier alinéa de l’article L. 1333‑1, peut être assorti de spécifications relatives aux mesures à prendre pour en assurer la protection contre les actes de malveillance auxquels peuvent être rattachées les cyberattaques.

L’article 9 bis intègre à ce deuxième alinéa la notion de cybersécurité parmi les composantes de la protection contre les actes de malveillance.

Le premier alinéa de l’article L. 1333‑1 du code de la défense est relatif aux centrales nucléaires qui utilisent de l’uranium qui est une matière nucléaire.

Comme indiqué ci-dessus, les centrales nucléaires sont soumises à autorisation en application du premier alinéa de l’article L. 1333‑2 du même code, car y sont réalisées des activités de détention et d’utilisation de ces matières nucléaires. Ces activités sont aussi des « activités nucléaires » au sens du code de la santé publique, puisqu’elles émettent des rayonnements ionisants. À l’inverse, le dernier alinéa de l’article L. 1333-1 mentionne des activités nucléaires qui n’utilisent pas de matière nucléaire. Il s’agit notamment d’appareils utilisés pour faire des radiographies des équipements des centrales nucléaires, donc émettant des rayons ionisants mais ne contenant pas de matière nucléaire eux-mêmes.

Or, comme l’indique le ministère de la transition énergétique, sur une centrale nucléaire, le risque majeur provient du combustible, qui contient des matières nucléaires mais qui n’est pas considéré comme une source de rayonnements ionisants au regard de la réglementation des codes de la défense et de la santé publique.

La disposition proposée par le Sénat semble donc satisfaite par la partie réglementaire du code de la défense, mais également ne pas avoir été introduite à l’article adéquat dans sa partie législative.

III.   Les travaux de la commission du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du TERRITOIRE

Le présent article a été modifié par plusieurs amendements de la rapporteure pour avis.

L’amendement CD135 vise à supprimer la notion d’agressions internes, pour ne conserver que celle d’agressions externes et envisager le cumul possible d’agressions externes. Le lien entre le dérèglement climatique et ses effets et des agressions internes aux installations nucléaires de base paraissait en effet trop indirect pour que ces agressions soient mentionnées.

L’amendement CD138 vise à supprimer la seconde phrase des alinéas 4 et 7 qui complètent respectivement les articles L. 593‑7 et L. 593-18 du code de l’environnement. Cette phrase est apparue comme faisant peser une contrainte trop importante sur l’exploitant qui devrait démontrer que tous les équipements doivent résister à des agressions externes d’origine climatiques d’une gravité extrême et aux inondations. Or, en cas d’événements climatiques portant atteinte à l’installation nucléaire, tous les équipements assurant le fonctionnement de cette installation n’ont pas vocation à continuer de fonctionner.

Enfin, l’amendement CD137 vise à supprimer l’alinéa 8 du présent article. En effet, la précision introduite par les sénateurs sur les spécifications pouvant être apportées relativement à la protection contre les actes de malveillance n’aurait pas concerné les exploitants de réacteurs nucléaires et donc la protection des systèmes d’information des centrales, mais uniquement les activités nucléaires mettant en œuvre des rayonnements ionisants. Or, comme expliqué ci-dessus, ces activités qui mettent en œuvre des rayonnements ionisants ne concernent pas des matières nucléaires et de fait, pas l’activité d’exploitation d’une installation nucléaire de base.

Article 10
Suppression de l’automaticité de la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle a cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans

Avis favorable à une adoption sans modification

I.   le droit en vigueur : Une modification des modalitÉs de mise À l’arrÊt dÉfinitif suite À l’entrÉe en vigueur de la loi relative À la transition ÉnergÉtique pour la croissance verte

Dans un environnement où les réacteurs nucléaires ont été construits pour une grande partie il y a trente à quarante ans, la mise à l’arrêt des réacteurs nucléaires et plus généralement des installations nucléaires de base est un sujet de première importance ([160]). Aujourd’hui, rares sont les réacteurs nucléaires qui ont été mis à l’arrêt. Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim qui fonctionnaient depuis 1978 ont été arrêtés respectivement en février et juin 2020. Ils sont parmi les premiers dont le fonctionnement a été définitivement arrêté (après l’un des deux réacteurs de la centrale de Chooz dans les Ardennes en 1991).

L’adoption de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a modifié la procédure visant le démantèlement des INB. Conformément à l’article L. 593‑26 du code de l’environnement, il revient à l’exploitant de souscrire à une déclaration préalable à l’arrêt définitif auprès du ministre chargé de la sûreté nucléaire et auprès de l’ASN au moins deux ans avant la mise à l’arrêt envisagée. Cette déclaration comporte la date d’arrêt prévue par l’exploitant.

La déclaration est portée à la connaissance de la commission locale d’information et du public. L’exploitant doit ensuite déposer un dossier de démantèlement qui, après une enquête publique et un avis de l’ASN, conduira à la publication d’un décret prescrivant le démantèlement ([161]). Ces dispositions ont pour objectif de ne pas retarder un processus indispensable de démantèlement qui lui‑même peut prendre des décennies. La dernière étape, après la mise à l’arrêt de l’installation, est le déclassement de cette dernière en application d’une décision de l’ASN, homologuée par le ministre chargé de la sûreté nucléaire.

L’adoption de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 a également introduit dans le droit une nouvelle procédure de mise à l’arrêt d’office d’une INB qui ne fonctionnerait plus depuis plus de deux ans.

L’article L. 593‑24 du code de l’environnement a donc été réécrit pour prescrire qu’une installation nucléaire de base qui cesse de fonctionner pendant une durée continue d’au moins deux ans est réputée définitivement arrêtée. Ce délai peut être prorogé de trois ans par arrêté ministériel motivé pris à la demande de l’exploitant et après avis de l’ASN. Une fois cette période expirée, l’exploitant de l’installation n’est plus autorisé à la faire fonctionner. Dans ce mécanisme, il revient à l’exploitant qui ne souhaite pas voir l’installation nucléaire définitivement arrêtée de prouver que l’arrêt temporaire est justifié et de demander une dérogation.

Par ailleurs, d’autres dispositions du code de l’environnement peuvent conduire à une suspension du fonctionnement d’une INB voire à l’arrêt définitif de celle‑ci. Les articles L. 593‑20 à L. 593‑23 définissent les situations dans lesquelles le ministre chargé de la sûreté nucléaire ou l’ASN peut prononcer la suspension ou l’arrêt du fonctionnement. Ces situations sont liées à des menaces et des risques graves et imminents qui compromettent les intérêts mentionnés à l’article L. 593‑1 du code de l’environnement et donc la sûreté de l’installation.

II.   le dispositif du projet de loi initial : La fin du principe de l’arrÊt du fonctionnement constatÉ d’office

L’article 10 du projet de loi revient sur les modalités de mise à l’arrêt définitif en modifiant à nouveau l’article L. 593‑24 du code de l’environnement. Il propose un mécanisme où il revient à la puissance publique de déclarer la mise à l’arrêt définitif d’une INB après que l’exploitant a fait valoir ses observations, dès lors que cette installation est effectivement arrêtée depuis plus de deux ans. Cette mise à l’arrêt n’intervient donc plus d’office.

Le décret de mise à l’arrêt, pris après avis de l’ASN, indique le délai dans lequel l’exploitant doit déposer la déclaration préalable à l’arrêt définitif prévue à l’article L. 593‑26 du code de l’environnement. L’exploitant n’est plus autorisé à faire fonctionner l’installation dès la notification du décret de mise à l’arrêt définitif et non pas comme à la date qu’il indique dans la déclaration préalable.

La modification de l’article L. 593‑24 est justifiée par le Gouvernement qui a été confronté à plusieurs situations dans lesquelles l’exploitant, c’est-à-dire EDF, a été conduit à demander une prorogation du délai permettant de ne pas constater l’arrêt d’office d’une INB ([162]). Cette procédure oblige l’ASN et les services du ministre chargé de la sûreté nucléaire à instruire un dossier de prolongation pour une installation qui, en général, fait l’objet de travaux qui se sont prolongés et qui n’a pas vocation à s’arrêter.

Plusieurs exemples sont cités : ainsi, sur un des réacteurs de la centrale de Paluel, plusieurs incidents sont survenus après la mise à l’arrêt du réacteur qui a entravé son redémarrage avant l’expiration du délai de deux ans. Le réacteur n° 2 a été en effet arrêté du 16 mai 2015 au 24 septembre 2018. Au cours de cette période, un incendie a touché le condenseur de la salle des machines, dans la partie non nucléaire de l’installation, conduisant à d’importants dégâts sur la turbine ; des essais de remise en service du portique de levage extérieur du bâtiment réacteur ont entraîné une chute d’objets pesant chacun une dizaine de tonnes et un générateur de vapeur usé a chuté en cours de manutention dans le cadre du remplacement des quatre générateurs de vapeur engagé sur ce réacteur. Cette chute a occasionné l’endommagement du revêtement métallique de la piscine du bâtiment réacteur, de matériels électriques, mécaniques et de génie civil. Ces aléas ont entraîné un allongement significatif de la durée de l’arrêt. Un arrêté ministériel du 26 janvier 2017 a prorogé de deux ans la durée au-delà de laquelle l’arrêt du réacteur aurait été réputé définitif en application de l’article L. 592-24 du code de l’environnement, soit jusqu’au 15 mai 2019.

L’article 10 renverse la charge de la preuve dans la mesure où il reviendra au ministre chargé de la sûreté nucléaire de prouver qu’une installation nucléaire de base qui a été mise à l’arrêt pour une durée à l’origine limitée a vocation à être définitivement arrêtée. Il laisse inchangées les modalités d’information du public en cas de mise à l’arrêt et en amont du démantèlement qui lui succède.

III.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a apporté plusieurs modifications et précisions à l’article 10. Le décret de mise à l’arrêt définitif tel que le prévoit le projet de loi est désormais un décret en Conseil d’État. Le Sénat a également précisé qu’en cas d’urgence, l’exploitant pouvait ne pas être mis à même de présenter ses observations. Le Sénat a par ailleurs adopté un amendement pour préciser la lecture qui devait être faite de l’article L. 593‑26 relatif à la déclaration préalable en cas de mise à l’arrêt définitif intervenant sur le fondement de l’article L. 593‑24 modifié. Dans ce cas, la date d’arrêt du fonctionnement de l’installation nucléaire de base n’est pas celle prévue par la déclaration préalable, mais la date de notification du décret de mise à l’arrêt.

Lors de ses auditions, la rapporteure pour avis a constaté que la réécriture de l’article L. 593‑24 du code de l’environnement était perçue comme une mesure de simplification souhaitée par les différents acteurs, notamment EDF, l’ASN mais aussi le ministère de la transition énergétique qui ne nient cependant pas la modification de fond par rapport au droit issu de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte. Comme le précise le ministère de la transition énergétique dans ses réponses à la rapporteure pour avis : « l’expérience a montré que les seuls dossiers qui se sont présentés entre 2016 et aujourd’hui, concernant les réacteurs de Paluel 2, Bugey 5 et Flamanville 2, ont mobilisé en urgence des agents du ministère mais également de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) » pour l’instruction des dossiers de prolongation. Sans modification du droit actuel, l’exploitant pourrait être confronté à des situations similaires, notamment en raison de l’arrêt de certains réacteurs, décidé récemment, pour expertiser les problèmes de corrosion sous contrainte.

D’autres acteurs auditionnés n’ont pas manqué de rappeler que les dispositions adoptées en 2015 ramenaient le droit des installations nucléaires de base dans le droit commun des installations autorisées susceptibles de porter atteinte à l’environnement, comme par exemple les ICPE. En effet, de telles installations sont considérées comme arrêtées et de fait perdent leur autorisation initiale si elles n’ont pas été mises en fonctionnement dans un délai de trois ans à compter de la publication de l’arrêté ou ne fonctionnent plus depuis plus de trois ans ([163]). Par ailleurs, il a été signalé qu’un arrêt prolongé d’un réacteur nucléaire pendant deux ans ou plus pouvait conduire à des changements dans la sûreté de l’installation et qu’il revenait à l’exploitant de garantir qu’elle pouvait à nouveau fonctionner dans des conditions satisfaisantes.

Comme l’a précisé l’Autorité de sûreté nucléaire : « en cas d’arrêt exceptionnellement long du fonctionnement d’une INB, l’ASN poursuit et adapte son contrôle. Elle peut notamment réaliser des inspections, et formuler à cette occasion des demandes sur les conditions de la reprise du fonctionnement. Si elle considère que cela est nécessaire au regard des intérêts protégés par la loi, elle peut prendre une décision imposant à l’exploitant des actions de toute nature (contrôles d’équipements, bilan de l’état des installations, etc.). Lorsque l’installation concernée est un réacteur électronucléaire, son arrêt fait l’objet d’un suivi particulier par l’ASN, qui dédie un inspecteur au suivi de l’arrêt. Ce dernier est en contact régulier avec l’exploitant, auquel il peut demander tout élément concernant les installations et le déroulement de l’arrêt. Le redémarrage d’un réacteur électronucléaire relève des dispositions de la décision n° 2014DC0444 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 15 juillet 2014, qui prévoit la transmission d’un certain nombre d’éléments à l’ASN. Par ailleurs, les règles générales d’exploitation des réacteurs prévoient la réalisation de nombreux essais lors du redémarrage afin de s’assurer du bon fonctionnement des équipements nécessaires à la sûreté. »

IV.   Les travaux de la commission du dÉveloppement durable

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

 

 


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   liste des personnes auditionnÉes
PAR LA rapporteure pour avis
de la COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

(par ordre chronologique)

 

Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI)

M. Jean-Claude Delalonde, président

M. Yves Lheureux, directeur

Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire *

M. Olivier Bard, délégué général

Mme Barbara Lanne

Greenpeace *

M. Nicolas Nace, chargé de campagne « Transition énergétique »

Mme Laura Monnier, responsable des affaires juridiques

Table ronde avec des élus locaux

 Association des maires de France

Mme Florence Presson, adjointe au maire de Sceaux

 Intercommunalités de France

M. Jean Revereault, président de la commission « Transitions écologiques »

Mme Carole Ropars, responsable du pôle « Environnement et aménagement »

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement 

 Association des représentants des communes d’implantation de centrales et établissements nucléaires (ARCICEN)

M. Claude Brender, président, maire de Fessenheim

M. Bernard Zenner, vice-président, maire de Cattenom

Mme Francine Henry, secrétaire, maire-adjoint d’Avoine

M. Guillaume de Rubercy, avocat, conseil de l’ARCICEN sur l’urbanisation

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


  1  

 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION du dÉveloppement durable et de l’amÉnagement du terrIToire

Au cours de ses réunions du 28 février 2023, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (n° 762).

1.   Réunion du mardi 28 février à 17 heures 15

M. le président Jean-Marc Zulesi. Notre commission s’est saisie pour avis des articles 4, 9, 9 bis et 10 du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, que la commission des affaires économiques examinera au fond à partir de demain soir.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. En préalable, je tiens à remercier, pour leur disponibilité et leurs contributions pertinentes, les personnalités qualifiées et les élus que nous avons auditionnés.

Ce projet de loi, qui a été enrichi lors de son examen au Sénat, est techniquement complexe. Son objectif est de faciliter, dans un domaine stratégique pour notre politique énergétique, des procédures longues quant à leur mise en œuvre. Il s’agit donc de les accélérer, sans remettre en cause la sécurité et la sûreté.

Pour illustrer mon propos, permettez à la Dunkerquoise que je suis de revenir sur la centrale nucléaire de Gravelines, qui fait partie des deux plus puissantes d’Europe. Cette centrale, dont la construction a été lancée en mai 1974
– j’avais alors 8 ans –, a été mise en service en 1980, dans un site nucléaire de 150 hectares au cœur du département du Nord, le plus densément peuplé de notre pays.

Il y a presque vingt ans, en 2004, le maire de Gravelines M. Bertrand Ringot, que je salue, et son conseil municipal présentaient la candidature de leur commune pour l’accueil de deux EPR – réacteurs pressurisés européens – en mettant en avant les éléments suivants : la situation géographique, en bordure de la mer du Nord, la disponibilité foncière autour du site, l’acceptation de la population, confirmée par les résultats du baromètre régulièrement tenu par EDF, les besoins en énergie des industries électro-intensives, comme l’usine Aluminium Dunkerque, premier site de production d’aluminium dans l’Union européenne, situé juste à côté, les enjeux d’Arcelor en matière de décarbonation, mais aussi les ressources humaines et les entreprises partenaires disponibles.

Les installations de la centrale de Gravelines sont nécessaires au développement du territoire avoisinant, et l’exemple de cette commune illustre que le déploiement de l’énergie nucléaire est possible même dans des zones densément peuplées.

Le 10 février 2022, le Président de la République a détaillé la nouvelle politique énergétique de la France dans un discours qui, prononcé à Belfort dans le cadre du plan d’investissement France 2030, annonçait la reprise en main de notre destin énergétique. Il s’agit de consommer moins d’énergie et de gagner en sobriété énergétique, l’objectif étant de réduire de 40 % la consommation d’énergie en 2050 et de produire davantage d’énergie décarbonée par le développement massif des énergies renouvelables et la consolidation de la filière nucléaire.

Cette consolidation passe inéluctablement par la prolongation des réacteurs qui peuvent être prolongés et par le lancement d’un grand programme de nouveaux réacteurs nucléaires, comme le projet de Gravelines et celui de Penly, pour lequel le débat public a été clôturé hier, lors d’un séminaire consacré à la participation du public à la gouvernance des projets nucléaires.

Le compte rendu et le bilan du débat public seront disponibles avant le 27 avril. EDF et RTE – Réseau de transport d’électricité – auront alors trois mois pour indiquer les enseignements qu’ils en tirent et leurs réponses aux recommandations formulées. Je remercie Mme Chantal Jouanno, que notre commission a auditionnée, pour son dynamisme au service de la consultation des populations.

J’ai toujours gardé en tête, lors des auditions, les enjeux sociaux, économiques et environnementaux dans nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains : ils sont au cœur des travaux de notre commission, et j’ai souhaité prendre du temps pour écouter les élus locaux. Rien ne peut être bâti sans eux dans le cadre de projets aussi structurants pour les territoires. Les élus locaux ont dit ce que M. Patrice Vergriete, président de l’agglomération de Dunkerque, résume souvent par cette phrase : « Notre rôle d’élu local est de faire lien avec la population et de donner une vision cohérente de l’avenir d’un territoire. »

J’ai également souhaité prendre du temps pour échanger avec l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (CLI), situés auprès des installations nucléaires de base. Je salue en particulier le travail de mon collègue et voisin M. Paul Christophe, président de la CLI de Gravelines, qui a toujours beaucoup œuvré pour mener une concertation large et ouverte en matière de sûreté nucléaire.

J’ai souhaité rendre concret et vivant ce texte relatif à un sujet qui est ultrasensible, le nucléaire, et dont tout indique qu’il le sera encore plus. C’est vrai depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, dont nous venons de commémorer tristement la première année, et en raison des défis environnementaux au cœur des changements climatiques. C’est également un sujet sensible pour l’avenir de notre autonomie énergétique – décarbonée – et pour l’avenir industriel de notre pays.

Alors oui, mes chers collègues, nous devons accélérer les procédures relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires et garantir le fonctionnement des installations existantes sans compromettre la sécurité des populations. C’est tout l’enjeu et toute l’ambition du texte qui nous est proposé, et c’est notre responsabilité d’y veiller en tant qu’élus de la nation.

Il nous restera un autre grand défi national à relever au plus vite : l’orientation, la formation et le recrutement pour permettre la réalisation du grand projet qui nous attend, mais aussi la facilitation de l’accès des femmes aux métiers du nucléaire. Des marges de progrès existent, en effet : les femmes représentent 24 % des 220 000 salariés de la filière nucléaire française, elle-même composée de 3 200 entreprises qui contribuent au développement des tissus économiques locaux.

Ce texte représente un pas de plus vers une France plus souveraine énergétiquement. C’est une nécessité face aux défis de notre temps.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Le 10 février 2022 – vous l’avez souligné, madame la rapporteure pour avis –, le Président de la République a fait part, à Belfort, d’une double ambition forte : faire de la France le premier grand pays à sortir de la dépendance aux énergies fossiles et renforcer notre souveraineté énergétique et industrielle, en ayant comme boussole la neutralité carbone d’ici à 2050.

Pour atteindre ces objectifs, le premier chantier ouvert durant ce quinquennat a été la réduction de la consommation énergétique. Le plan de sobriété présenté à l’automne dernier par la Première ministre en est une des principales briques. Le deuxième chantier structurant consiste à produire davantage d’énergie, notamment de l’électricité décarbonée. La stratégie choisie pour répondre à cette nécessité ne vient pas de nulle part : elle s’appuie sur une étude complète, menée au grand jour pendant deux ans, qui a conduit à l’élaboration de six scénarios présentés par RTE à l’automne 2021, lesquels combinent les énergies renouvelables et le nucléaire.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a fait le choix d’accélérer massivement le développement des énergies renouvelables et les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires. Après avoir voté en janvier le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, nous étudions désormais le texte qui permettra d’accélérer et d’augmenter la production d’énergie nucléaire. C’est une priorité que notre groupe soutient.

En effet, l’électrification et la décarbonation de nombreux usages devront se faire tout en assurant le remplacement de la majorité des installations qui constituent aujourd’hui notre parc nucléaire. Par ailleurs, la modernisation du parc et la construction des futurs EPR 2 – réacteurs pressurisés européens de deuxième génération –, de plus grande puissance, nécessitent d’accélérer les procédures juridiques sans altérer celles qui régissent la sûreté des installations. En contribuant au développement de l’électricité d’origine nucléaire, nous permettrons aussi la décarbonation d’autres sources énergétiques, telles que l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau, qui nécessite de l’électricité d’origine renouvelable ou nucléaire pour s’inscrire dans un mix énergétique décarboné.

Le groupe Renaissance apportera son soutien à ce texte, après l’adoption, espérons-le, des amendements proposés par Mme la rapporteure pour avis, que nous tenons à féliciter pour son écoute et la qualité de son travail.

M. Nicolas Dragon (RN). Le groupe Rassemblement national est ravi qu’il soit enfin question, dans cette assemblée, de la relance de la filière nucléaire en France. Nous revenons de loin. En effet, la majorité qui propose ce texte est la même que celle qui a désarmé le nucléaire dans notre pays durant la précédente législature, en fermant la centrale de Fessenheim et en voulant réduire la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique. Quel revirement ! Vous vous êtes enfin rendu compte de votre aveuglement. Mais la Macronie n’est pas la seule responsable : avec la NUPES, nous avons ici la « gauche plurielle » reconstituée. Quel plaisir de voir des socialistes et des communistes majoritairement favorables au nucléaire alors qu’ils ont arrêté Superphénix en 1998, pour faire plaisir à leurs alliés écolos, toujours aussi bornés vingt-cinq ans plus tard et rejoints depuis, dans leur hystérie antinucléaire, par La France insoumise. Félicitations à tous : vous avez réussi à détruire une filière nucléaire autrefois gage de souveraineté énergétique nationale.

Notre groupe considère que ce texte est le bienvenu. Dans le cadre du programme Marie Curie, Marine Le Pen défendait d’ailleurs un projet ambitieux de construction de nouveaux réacteurs EPR et SMR – petits réacteurs modulaires. Nous sommes ravis que la majorité rejoigne nos positions. Sachez que nous aurons une attitude responsable et ambitieuse à l’égard de ce projet de loi : il doit garantir l’approvisionnement en électricité des Français, de nos entreprises et de nos services publics, tout en permettant de réaffirmer l’excellence industrielle française et de relancer la recherche et le développement, à l’image de ce que nous avons connu pendant des décennies. Cinquante ans après le plan Messmer, nous devons retrouver le souffle qui a fait la fierté de notre pays et la garantie de son indépendance en électricité.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Ce projet de loi traduit une vision du monde dépassée. Accélérer le déploiement du nucléaire sous prétexte d’œuvrer en faveur de la transition écologique revient à aller à rebours de l’histoire.

D’abord, c’est méconnaître les dangers de l’atome, dont le risque de catastrophes aux conséquences dramatiques n’a jamais été aussi élevé du fait de l’accroissement des tensions géopolitiques et du prolongement de la durée de vie des centrales, que vous souhaitez faire perdurer jusqu’à soixante ans et même plus.

Ensuite, c’est ignorer les aspects négatifs de l’énergie atomique sur le climat, compte tenu des quantités démesurées de déchets nucléaires produits chaque année : 23 000 mètres cubes dont on ne sait que faire – le village de Bure peut en témoigner.

C’est aussi perpétuer une logique financière absurde, en ce que le nucléaire est un véritable gouffre. Le nouveau réacteur EPR de Flamanville en est la parfaite illustration, son coût ayant été réévalué à 19 milliards d’euros par la Cour des comptes. Ce sont autant de milliards que l’on pourrait allouer à un déploiement massif et pragmatique des énergies renouvelables.

Enfin, c’est priver les Français d’un débat démocratique indispensable, en revenant sur les objectifs du mix énergétique et en prévoyant la construction de nouveaux réacteurs de seconde génération à travers une loi technique, sans solliciter les Français et en méprisant le processus de consultation mené par la Commission nationale du débat public (CNDP). Vous pariez de manière obsessionnelle sur une énergie qui est en réalité bien plus coûteuse que le développement des énergies renouvelables et qui fait peser dans le même temps des risques immenses et éternels sur l’humanité.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Nous examinons quatre articles visant à simplifier les autorisations de construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Ces dispositions traduisent l’urgence actuelle face à la crise énergétique, symbolisée par l’arrêt de la moitié de nos réacteurs cet hiver et par la fin de vie, d’ici à 2035, du parc issu du plan Messmer des années 1970. L’accord électoral de circonstance entre les Verts et le parti socialiste nous a fait perdre dix ans et a affaibli notre production d’électricité d’origine nucléaire, notamment à la suite de la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim. Dans l’intérêt général du pays, la majorité effectue un virage à 180 degrés. Le temps est compté : tout report entraînerait un surcoût pour la livraison des EPR 2, censés remplacer le parc existant.

Ce projet de loi horriblement technique, de l’aveu même de la ministre, et présenté avant la future PPE – programmation pluriannuelle de l’énergie –, permettra des dérogations au droit de l’urbanisme en faveur des centrales en autorisant le démarrage des travaux non nucléaires sans attendre l’autorisation de création des réacteurs ou en dispensant les installations d’une demande de permis de construire. Ces mesures temporaires ont été agrémentées par le Sénat de dispositions plus politiques qui feront l’objet, de notre part, d’amendements visant à préserver leur efficacité.

Le texte passe néanmoins à côté de nombreux sujets, comme le financement, la maturité technologique des nouveaux réacteurs et la prolongation de ceux qui existent déjà. Cette prolongation est devenue la seule solution pour permettre de faire la jonction avec la livraison des EPR 2, mais la PPE prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs dès 2027. Allez-vous revenir sur ce point ? Le choix du tout-EPR 2 écarte le recours à de petits réacteurs de type SMR ou la remise en service de réacteurs historiques Westinghouse, moins puissants mais dont nous maîtrisons mieux la technologie. Renoncerez-vous, par ailleurs, à votre projet d’un mix électrique laissant une large place aux renouvelables, ce qui impose des capacités d’ajustement plus importantes du côté de nos réacteurs ?

Les Républicains, favorables à la relance du nucléaire, contribueront à améliorer ce texte. Il faudra bien anticiper tous les aspects, et pas seulement les réacteurs en bout de ligne, si nous ne voulons pas refaire les erreurs majeures que nous tentons aujourd’hui de corriger.

M. Bruno Millienne (Dem). Après avoir passé la fin de l’année dernière à étudier le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables dans un esprit constructif et collaboratif, même si le vote final de certains groupes a plus souvent été dicté par un dogmatisme désolant que par les valeurs qu’ils sont censés défendre, nous voici réunis pour aborder un autre volet de la politique énergétique que nous souhaitons pour les prochaines années, le développement de la production d’énergie nucléaire.

Si ce texte n’aborde pas, bien sûr, la place du nucléaire dans notre mix énergétique, nous aurons l’occasion d’en débattre très prochainement. Le projet de loi jette les bases techniques d’une mise en œuvre plus efficace des choix qui, je l’espère, seront les nôtres dans les prochains mois. Nous sont ainsi proposées toute une série de dispositions qui permettront d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs dans les années à venir en réduisant de deux à trois ans les délais actuels.

Notre conviction, au groupe Démocrate et plus largement au sein de la majorité présidentielle, est que, comme cela a clairement été annoncé lors des échéances électorales de 2022, l’indispensable montée en puissance de notre production d’électricité doit s’appuyer sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, non seulement pour garantir notre souveraineté énergétique, mais aussi pour atteindre notre objectif de neutralité carbone en 2050.

S’agissant du second point, je le constate jour après jour dans le cadre des travaux préparatoires du futur projet de loi sur l’industrie verte, notre mix électrique est fortement décarboné grâce au nucléaire, ce qui est un avantage concurrentiel très important pour faire de la France la première nation industrielle verte au monde. Notre parc nucléaire est un atout majeur : nous devons non seulement le renouveler et le développer, mais aussi en améliorer la résilience tout en continuant de garantir des standards de sûreté et de sécurité extrêmement exigeants. Ce texte y contribuera. Notre groupe l’accueille donc très favorablement et soutiendra les mesures qui permettront d’accélérer les procédures sans rien renier, bien sûr, de nos exigences en matière de concertation avec le public et de sécurité.

Nous regrettons cependant que toute l’attention soit focalisée sur le projet de fusion entre l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, et l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. En effet, si la volonté politique de favoriser plus d’indépendance dans la recherche et d’efficacité grâce à une autorité unique peut tout à fait être entendue, la méthode employée et le véhicule ne semblent pas être les bons. Là encore, il nous semble indispensable de prendre le temps de l’échange et de la concertation. Nous aurons, je n’en doute pas, l’occasion d’y revenir.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’énergie est la condition de possibilité de chacune de nos actions. La question des choix énergétiques de notre pays est donc éminemment politique. La loi de programmation sur l’énergie et le climat définira les objectifs et les priorités d’action de la politique énergétique nationale : ce texte, qui sera présenté en juillet à l’Assemblée, permettra de déterminer notre mix énergétique. Le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui et dont l’objectif est de faciliter les travaux préparatoires de futures installations nucléaires et de prolonger celles existantes n’aurait jamais dû précéder notre délibération sur le premier texte. Il aurait fallu discuter d’abord du mix énergétique. Nous demandons ainsi la suppression de l’article introduit par le Sénat pour abroger l’objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique à l’horizon 2050. Cet article préempte le débat sur notre avenir énergétique. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs.

Le groupe Socialistes et apparentés proposera des amendements suivant trois axes : un axe démocratique, d’abord, car la prolongation ou la relance d’un programme nucléaire sont des choix dont les citoyens, notamment ceux vivant aux abords des centrales, doivent pouvoir se saisir ; la transparence, ensuite, pour que les informations qui ne menacent pas la sécurité des sites puissent être publiées par l’IRSN et l’ASN ; la sûreté, enfin, pour assurer un respect scrupuleux des avis de l’ASN et une meilleure prise en compte des risques liés au changement climatique. Nous sommes extrêmement préoccupés par la volonté de fusionner l’ASN et l’IRSN : ce système de sûreté a fait ses preuves, et aucune justification de la fusion envisagée n’a été apportée jusqu’ici. Nous défendrons donc un amendement visant à inscrire dans la loi le système actuel, qui est opérant.

M. Henri Alfandari (HOR). En tant que corapporteur du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, je n’ai eu de cesse de dire que celles-ci et le nucléaire étaient deux faces d’une même pièce. Nous soutiendrons donc, au groupe Horizons, l’ensemble du projet de loi et des amendements qui permettront d’améliorer la production d’énergie nucléaire dans notre pays. Nous accueillons ce texte dans un état d’esprit très favorable. Je m’associe, par ailleurs, aux propos de notre collègue Bruno Millienne au sujet de l’IRSN.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Un jour de février 2022, à Belfort, Emmanuel Macron a fait des annonces au sujet de la relance du nucléaire. C’était avant l’invasion de l’Ukraine et le fameux « modèle amish » auquel Emmanuel Macron nous a tout droit conduits après l’avoir tant exécré. La réponse du Gouvernement a été implacable : il s’est immédiatement assuré que les remontées mécaniques pourraient fonctionner dans les stations de ski, si seulement il y tombait encore de la neige, avant de demander à chacun de baisser le chauffage à 19 degrés et de porter des cols roulés, tout en refusant les milliards adoptés par l’Assemblée pour la rénovation thermique. Il fallait, cette fois-ci, filer droit, et devinez où ? Vers le nucléaire. Oui, le Président l’avait déjà annoncé : sur le carreau, la consultation publique menée par la CNDP, et sur le carreau, tout autre scénario, même si la planète entière est en train de sortir du nucléaire. Ce que le Gouvernement veut faire, c’est sauver le climat. Peu importe si les premiers réacteurs ne seront en service qu’en 2037, et peu importe qu’il soutienne les mégaprojets gaziers du champion Total en parallèle – de toute façon, ce sont des énergies vertes…

Il y a un brin de fatalité derrière tout cela : qui aurait pu prédire qu’Emmanuel Macron dise tout et son contraire en matière d’énergie ? Qui aurait pu prédire l’arrêt de 50 % de notre parc nucléaire l’an dernier ? Qui aurait pu prédire que Flamanville serait un tel fiasco industriel et financier ? Qui aurait pu prédire les bouleversements climatiques qui vont transformer notre monde d’ici à 2050 ? Ah pardon, ça, on savait le prédire, et Flamanville aussi.

Vous voulez, par ce projet de loi, faire tomber les objectifs de diversification du mix électrique, faire tomber l’IRSN et faire tomber les normes environnementales et de sécurité en matière nucléaire, au mépris des travailleurs, de la sécurité des Français, de leur avis et de leur argent, qui finance vos certitudes. Le groupe Écologiste s’oppose à la relance d’un programme nucléaire civil qui n’est pas une énergie verte, malgré vos deals peu reluisants avec la Hongrie ou la Pologne, et qui engage les générations futures pendant des siècles alors que notre monde connaîtra des bouleversements absolument majeurs dans les prochaines décennies. À la cérémonie des César, vendredi dernier, une jeune militante a brandi un panneau où était inscrit « 761 », soit le nombre de jours qu’il nous reste pour inverser la tendance du changement climatique. Terminez Flamanville dans ce délai, et on reparlera.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Chacun connaît la position des députés communistes au sujet de la relance de la filière nucléaire. Nous trouvons, néanmoins, que ce texte est surtout riche en manquements majeurs, en ce qui concerne les financements, la régulation du marché, l’Arenh – l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique –, les choix technologiques – EPR ou SMR –, la maîtrise publique de la relance du nucléaire, la fermeture programmée de douze tranches ou encore – je ne suis même pas exhaustif – l’avenir des tarifs réglementés. Sur le terrain, qui plus est, les ambitions pourraient bien se heurter à la réalité actuelle de la filière, entre pertes de compétences industrielles, dégradation de l’outil de production et délitement du tissu des sous-traitants, dont nous payons le prix.

Nous serons également attentifs à la préservation des procédures de consultation du public et au strict encadrement des dérogations au droit de l’environnement. Enfin, comme beaucoup d’autres, nous nous opposons à toute réforme à la hussarde de notre modèle de sûreté nucléaire.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je redis, tout d’abord, ce que nous avions indiqué lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : nous regrettons, nous aussi, le calendrier choisi parce qu’il inverse un peu les choses en entrant dans la technique sans fixer de cap, le cadre étant renvoyé à plus tard. Cette méthode n’est-elle pas un aveu silencieux du fait que le Gouvernement a changé d’avis et qu’il prendra le risque de faire passer la PPE par décret et non par la loi, comme le prévoyait pourtant le législateur ? C’est ce que dit la rumeur : ceux qui sont aux responsabilités pourraient-ils nous éclairer à ce sujet ? Si c’était vrai, cela poserait une question démocratique majeure.

La méthode suivie nous renvoie, par ailleurs, à un débat, un peu caricatural, entre les pro et les anti-nucléaires, que nous aurions dû avoir lors de l’examen de la PPE. En revanche, j’ai pu observer cet après-midi encore des positions mesurées et je souligne, au passage, que les changements de pied ne sont pas le privilège du Président de la République : la présidente du Rassemblement national a beaucoup changé d’avis dans ce domaine. En réalité, les positions évoluent en fonction du contexte. Un mouvement de recul s’était produit à la suite de l’accident de Fukushima.

Si nous considérons très majoritairement, au sein de mon groupe, qu’un mix énergétique décarboné est souhaitable, et si nous souhaitons accompagner ce texte, nous regrettons que sa rédaction initiale, qui faisait l’objet d’un fort consensus parmi nous, ait été amendée par le Sénat, d’une manière parfois un peu étonnante – je pense en particulier à l’article 4 et à l’anticipation des travaux préparatoires suivant une classification qui pose question.

Enfin, la question de la fusion entre l’ASN et l’IRSN sera pour nous, comme pour d’autres groupes, y compris de la majorité, un élément extrêmement important au moment où nous prendrons notre décision. J’encourage le Gouvernement à revenir sur cette évolution qui est arrivée sur le plateau en toute fin de partie.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Excusez-moi si je suis un peu atypique et singulière : je ne répondrai pas directement à l’ensemble des interventions, mais je vous livrerai un fait issu de ma petite expérience professionnelle. J’étais en mission à Sarajevo en 1994, sous les bombes. On ne pouvait tout simplement plus allumer l’électricité. J’ai alors produit un rapport qui se terminait par cette phrase : « l’Homme n’agit que sous la contrainte ».

On dit aujourd’hui que c’est la faute d’un tel, de tel gouvernement ou du dérèglement climatique, qu’il faut se méfier de ceci ou de cela, et on parle des César… Je suis une élue qui a les pieds sur terre – je vous ai parlé de mon expérience locale. Le débat concernant le nucléaire et notre mix énergétique est important, et les choix que nous ferons sont déterminants. Même si je ne verrai pas, compte tenu de mon âge, l’ensemble des EPR 2 – les processus sont extrêmement longs dans ce domaine –, j’ai foi en mon pays, dans le nucléaire et dans les énergies renouvelables.

 

TITRE IER

MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES
LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

 

Article 4 : L’anticipation des travaux en vue de la construction des réacteurs nucléaires

 

Amendement de suppression CD86 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous trouvons l’article 4 très problématique. Il permettra de commencer des travaux n’ayant aucun impact, ou très peu, sur la sûreté dès que l’exploitant disposera d’une autorisation environnementale. Si les bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ne pourront être commencés, pour leur part, qu’après la délivrance d’une autorisation de création, le fait que des travaux ayant peu d’impact sur la sûreté puissent débuter grâce à une simple autorisation environnementale crée une politique de fait accompli ou, en tout cas, de « pied dans la porte », puisqu’il sera alors beaucoup plus difficile de revenir en arrière.

Par ailleurs, ces travaux pourraient démarrer avant même la clôture de l’enquête publique portant sur le projet dans son ensemble, dont les délais d’instruction sont plus longs. C’est un véritable déni du débat public et de l’information des citoyens sur des projets majeurs et non dénués de risques, tant d’un point de vue environnemental que pour la sûreté des personnes. Nous nous appuyons sur l’avis du Conseil national de la transition écologique, qui a souligné « la nécessaire prise en compte des enjeux connexes attachés à ces constructions pour assurer la qualité environnementale de ces projets et de leur cycle de vie, tout en respectant les impératifs de protection de la biodiversité et de la participation du public ». Le présent article menaçant directement ces deux impératifs, nous réclamons sa suppression.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous comprendrez aisément que je m’oppose à la suppression de cet article, car il est très important dans l’ensemble du dispositif visant à accélérer la construction des futurs réacteurs électronucléaires.

Ces dispositions ne vont en rien compromettre la sûreté des installations à venir ni empêcher le bon déroulement des procédures en amont. Rien ne sera modifié dans la procédure visant à délivrer l’autorisation de création du réacteur. La procédure d’autorisation environnementale sera également conforme aux règles de droit commun – elle sera même renforcée.

Les travaux qui démarreront dès que l’autorisation environnementale aura été délivrée auront fait l’objet d’une étude approfondie et aucun élément du bâtiment du réacteur ne sera construit avant l’instruction complète de la demande d’autorisation de création.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD37 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). L’article 4 ayant été considérablement alourdi au Sénat, il s’agit de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement car le droit commun comporte des garanties suffisantes tant sur le plan démocratique que sur celui de la sûreté.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Dans les amendements suivants, je proposerai la suppression de deux éléments ajoutés qui risquent de complexifier et d’allonger la procédure d’examen de la demande d’autorisation environnementale. Toutefois, il ne me semble pas souhaitable de tout supprimer, notamment pour ce qui est des précisions demandées dans l’étude d’impact. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD152 de la rapporteure pour avis.

 

Amendements CD151 de la rapporteure pour avis et CD69 de Mme Annick Cousin (discussion commune).

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Mon amendement est rédactionnel.

Mme Annick Cousin (RN). Il est nécessaire d’envisager le projet dans sa globalité, en intégrant le stockage des matières et leur recyclage. Ces activités étant assurées autour de la centrale, cela permettra la création d’emplois locaux.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le stockage et le recyclage ne sont pas concernés par la procédure dérogatoire prévue à l’article 4, qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux seuls réacteurs nucléaires. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CD151.

En conséquence, l’amendement CD69 tombe.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD150 de la rapporteure pour avis.

 

Amendements identiques CD149 de la rapporteure pour avis, CD36 de M. Pierre Meurin et CD143 de M. Emmanuel Maquet.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il s’agit de revenir à la version initiale du dispositif, qui prévoit que l’autorisation environnementale est délivrée par un décret simple et non par décret en Conseil d’État.

M. Pierre Meurin (RN). Nous proposons de supprimer cet ajout du Sénat, qui alourdit la procédure.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CD156 de la rapporteure pour avis et CD144 de M. Emmanuel Maquet, amendements CD119 de M. Gérard Leseul et CD88 de M. Maxime Laisney (discussion commune).

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il est proposé de supprimer l’avis demandé à l’ASN, disposition introduite par le Sénat, au stade de l’instruction de l’autorisation environnementale. L’ASN sera nécessairement conduite à donner un avis sur l’ensemble du dossier joint à la demande d’autorisation de création, dont l’étude d’impact.

M. Emmanuel Maquet (LR). Il s’agit de revenir à la version initiale du projet de loi, dans un but de simplification.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous proposons au contraire de soumettre l’autorisation environnementale à un avis conforme de l’ASN, lequel devra être non seulement scrupuleusement suivi mais également rendu public, conformément à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Souhaitant également que l’avis de l’ASN soit conforme et non simple, nous proposons de l’indiquer à chaque alinéa de l’article 4 afin de soumettre à cet avis la construction des parties nucléaires comme non nucléaires. Alors que l’on a déjà bien du mal à achever la construction des EPR, rien ne garantit que l’on saura faire fonctionner des EPR 2.

De plus, dans le discours de Belfort, il était question de six nouveaux EPR et de huit à l’étude ; désormais, il est question de neuf réacteurs supplémentaires, soit vingt-trois au total, alors que Luc Rémont, PDG d’EDF, a indiqué que son calendrier lui permettrait d’en construire six mais sans doute pas davantage. Enfin, le démantèlement de l’IRSN et sa dilution dans l’ASN ne sont pas de nature à nous rassurer. Dans ces conditions, l’avis conforme nous semble la moindre des choses.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Les avis que délivre l’ASN, quelle que soit la procédure, ne sont jamais contraignants. C’est au ministre chargé de la sûreté nucléaire de trancher au vu des avis qui lui sont communiqués. Le projet de loi ne remet pas en cause ce principe. Avis défavorable aux amendements CD119 et CD88.

M. Gérard Leseul (SOC). J’ai du mal à comprendre l’argument de la rapporteure pour avis : l’avis du ministre serait-il plus important que celui d’une instance collégiale ?

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le ministre tient évidemment compte de l’avis de l’ASN et n’ira pas à son encontre.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous n’avons que votre parole. En tant que législateurs, nous devons inscrire dans la loi que l’avis de l’ASN sera conforme et préciser ce qui doit l’être en matière de sûreté nucléaire. Cela serait de nature à rassurer les Français face à cette précipitation vers le nouveau nucléaire.

La commission adopte les amendements CD156 et CD144.

En conséquence, les amendements CD119 et CD88 tombent.

 

Amendement CD120 de M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’étude d’impact doit mesurer l’ensemble des risques inhérents à tout projet de création d’une nouvelle installation. Nous proposons donc d’inclure dans son périmètre certains risques liés au changement climatique – érosion, recul du trait de côte, risques d’inondation et de submersion marine, prélèvements d’eau, rejets d’effluents et de déchets radioactifs, état radiologique de l’environnement, etc. La rédaction que nous vous proposons simplifie la lecture de l’article 4.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Tous ces éléments sont déjà prévus dans la version actuelle du projet de loi. Le seul effet de votre amendement est de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 1, pourtant très utile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD23 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). En l’état du projet de loi, l’étude d’impact ne comprend aucun élément relatif aux conséquences du changement climatique sur la pérennité des nouvelles installations, alors même que la résilience face au dérèglement climatique devient un point central de réflexion pour les acteurs du nucléaire.

Cette année, plusieurs centrales d’EDF ont été contraintes d’abaisser leur production en raison de la température élevée des cours d’eau utilisés pour leur refroidissement. À partir de 2050, les sécheresses dites exceptionnelles devraient se produire une année sur deux et le débit du Rhône pourrait diminuer de plus de 50 % alors qu’il alimente quatorze réacteurs. La multiplication de ces phénomènes aura un impact sur l’augmentation significative de la température des cours d’eau et, in fine, sur notre indépendance énergétique si le Gouvernement s’obstine à relancer la filière nucléaire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Si je peux comprendre le début de votre amendement, qui vise à compléter le contenu de l’étude d’impact avec la mesure des conséquences du dérèglement climatique sur le fonctionnement de la future installation, je ne vois pas en quoi la suite de votre proposition concerne les installations nucléaires car elle traite des effets du changement climatique d’une manière générale. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de Mme Pochon, qui me paraît être de bon sens. Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, nous avions tous, à l’exception du Rassemblement national, partagé le constat du caractère avéré du changement climatique et de la nécessité de faire bifurquer notre modèle énergétique. J’aimerais que l’on commence l’examen de ce projet de loi sous les mêmes auspices, en prenant au sérieux le caractère dramatique et l’ampleur du changement climatique. La hausse du niveau de la mer, les épisodes de sécheresse, etc., sont des critères tout à fait pertinents pour nos installations nucléaires qui, comme vous le savez, sont refroidies avec de l’eau.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je comprends tout à fait votre propos, mais tout cela est déjà prévu dans l’étude d’impact.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD24 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’étude d’impact ne comprend aucun élément relatif à l’augmentation du risque de sécheresse. Or les réacteurs nucléaires ont besoin d’eau non seulement pour refroidir le cœur du réacteur mais également lorsque le réacteur est à l’arrêt ou pour les piscines d’entreposage du combustible. En outre, en amont du circuit de refroidissement, un débit trop faible ou une température trop élevée du cours d’eau ne permet pas de refroidir suffisamment le circuit secondaire. Lorsque l’on sait que plus de 50 % des prélèvements en eau en France sont liés à l’industrie nucléaire, que le Rhône dessert quatorze réacteurs et que les conflits d’usage se multiplient, notamment avec l’irrigation, investir largement dans la relance du nucléaire est un non-sens. L’enjeu n’est pas la sûreté des installations mais la capacité à produire de l’électricité, donc à garantir la sécurité de notre approvisionnement énergétique dans les années à venir.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je comprends votre interrogation concernant la sécheresse, mais l’étude d’impact prend en compte l’ensemble des risques.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous sommes à la limite de la négation du réchauffement climatique et de ses impacts. Les futurs réacteurs, si vous arrivez à les construire, n’entreront pas en service avant 2035 au mieux, échéance à laquelle la hausse des températures se fera encore plus ressentir. Il est absolument nécessaire, si vous voulez un parc nucléaire robuste, de faire en sorte que les événements structurels liés au réchauffement climatique soient pris en compte dans les études d’impact.

M. Pierre Meurin (RN). Ces amendements illustrent les objectifs affichés par toute la gauche, hormis les communistes, à savoir faire obstacle à la relance du nucléaire. La gauche est en grande partie responsable à la fois de l’abaissement de notre souveraineté énergétique et de la hausse des prix de l’électricité, avec la fermeture de Superphénix par Mme Voynet et celle de Fessenheim, préparée par les socialistes et exécutée par Emmanuel Macron lors du précédent quinquennat.

Le Rassemblement national est le seul mouvement qui propose une électricité totalement décarbonée grâce au nucléaire, et ce depuis de très nombreuses années. En cela, nous sommes probablement le parti qui veut le plus lutter contre le dérèglement climatique et pour le pouvoir d’achat des Français.

M. Damien Adam (RE). Nous parlons du nouveau parc nucléaire, composé d’EPR 2, placés pour la plupart en bord de mer afin d’assurer, précisément, la prise en compte de la problématique de l’eau. De plus, les sujets que vous abordez sont déjà traités dans le cadre des dispositions actuelles. Il ne faut pas créer de la confusion.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Peut-être la rapporteure pour avis s’appuie-t-elle sur d’autres études que celles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), des études qui démontreraient que le niveau des précipitations permettra d’éviter des épisodes de sécheresse dans les quarante ou cinquante prochaines années ? Peut-être la température de l’eau va-t-elle diminuer ? Si tel est le cas, nous restons ouverts à la discussion, mais cela ne correspond pas aux informations dont nous disposons.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). D’une part, toutes les centrales ne seront pas au bord de la mer et, d’autre part, cela pose d’autres questions, comme l’a montré l’inondation de la centrale du Blayais lors de la tempête de 1999. S’il n’y a pas assez d’eau pour refroidir, on ne produira pas d’électricité. L’été dernier, plusieurs réacteurs ont dû être éteints à cause du débit trop faible des cours d’eau et des températures de rejet trop élevées. Il serait dommage de dépenser des milliards pour construire des réacteurs que l’on ne pourra pas utiliser la moitié de l’année.

M. René Pilato (LFI-NUPES). La sécheresse de plus de trente jours que nous vivons actuellement se répétera et s’accentuera en été. On n’a pas le droit de dire que ce n’est pas grave parce que les nouveaux réacteurs seront en bord de mer : le sort du glacier de l’apocalypse en Antarctique devrait vous faire prendre conscience que l’on risque une montée des eaux très rapide, comprise entre 1 et 3 mètres, d’ici à quelques années. L’étude d’impact devrait être très précise sur les conséquences de la montée des eaux pour les centrales en bord de mer. Par ailleurs, personne ne peut affirmer qu’il pleuvra plus dans quarante ans. Le nucléaire est un mauvais choix.

M. Bruno Millienne (Dem). Je ne voudrais pas que la commission tombe dans la caricature d’un débat pour ou contre le nucléaire. Le problème du stress hydrique est pris en compte dans les centrales nucléaires. À Civeaux, où je me trouvais aujourd’hui, l’exploitant a installé des systèmes de refroidissement des effluents pour tenir compte des contraintes de débit de la Vienne. De plus, la centrale dispose de réserves d’eau suffisantes pour fonctionner pendant un certain temps sans avoir à puiser dans la rivière. Quant aux forages, ils n’ont vocation à être utilisés qu’en dernier recours, quand le risque atteint son maximum. Il faudrait que le stress hydrique soit catastrophique pour que l’on soit conduit à utiliser ce système – mais cela revient à présager l’avenir sans le connaître réellement.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Nous voterons cet amendement, qui est tout à fait responsable et raisonnable. On ne peut nier les incidences majeures du changement climatique sur les installations nucléaires. Pour nous assurer que la filière et les installations seront bien robustes, il est tout à fait légitime de nous entourer d’éléments d’expertise permettant de fonder une décision d’intérêt général.

M. Nicolas Dragon (RN). En été, beaucoup de réacteurs sont à l’arrêt en raison d’une consommation plus faible d’électricité. L’an dernier, selon l’IRSN, alors qu’il était possible à certains endroits de traverser la Loire à pied, le débit le plus faible enregistré pour ce fleuve était de 40 mètres cubes par seconde. Or la centrale de Dampierre puise 0,8 mètre cube par seconde pour le refroidissement de ses réacteurs, soit un niveau très éloigné du débit minimal constaté. À moins que la Loire ne finisse par s’assécher, votre amendement est totalement inopérant.

Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques. Le code de l’environnement dispose déjà que l’étude d’impact pour les autorisations de création intègre des études relatives aux variations climatiques et saisonnières : il n’est pas utile d’en rajouter.

La réduction de production consécutive au réchauffement climatique ne représente que quelques pour cent par an, selon le rapport Futurs énergétiques 2050 publié par RTE. La canicule que nous avons subie l’année dernière a entraîné des réductions de 200 mégawatts sur des réacteurs de 900 mégawatts, alors que la consommation d’électricité est moins importante en été qu’en hiver : l’impact pour la population est donc très raisonnable.

De plus, ces baisses de puissance ne sont pas consécutives à des problèmes de sûreté mais à des considérations environnementales : il ne faut pas mélanger les deux aspects. La sûreté n’est pas mise en péril par l’évolution des conditions climatiques. Du reste, pourquoi ne pas s’interroger aussi sur les conséquences sur la production hydraulique, solaire ou éolienne ? Toutes les énergies subissent des variations mais les conséquences sur la sûreté sont extrêmement limitées.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’article 4 prévoit déjà que l’étude d’impact étudie « les incidences sur la ressource en eau ». Vous souhaitez préciser que celles-ci sont envisagées sous l’angle de l’augmentation des risques de sécheresse. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD25 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’énergie nucléaire nécessite une gestion centralisée, pilotée par l’État. C’est un projet qui engage le pays pour des dizaines d’années : il faut quinze ans pour autoriser la construction d’une centrale, l’exploitation de cette dernière dure quarante à quatre-vingts ans et son démantèlement prend cent ans. Surtout, les déchets ont une durée de vie de plusieurs centaines de milliers d’années et, pendant tout ce temps, ils ne cessent de représenter un risque grave pour la santé humaine et pour l’environnement.

Nous ne savons toujours pas comment traiter ces déchets. Nous les jetons donc dans de grands trous, en espérant que rien ne vienne bouleverser le monde durant des centaines de milliers d’années. C’est une belle chose d’être persuadé qu’aucun événement dramatique ne surviendra sur une telle durée alors que nous ne sommes même pas capables de garantir les conditions d’existence sur la planète dans les cinquante prochaines années…

On peut s’en désintéresser, se dire qu’on ne sera plus là, et c’est précisément la logique qui guide le projet de loi. Nous, écologistes, nous ne nous résignons pas à laisser aux générations suivantes une planète inhabitable. Il en va de même des Français : la moitié d’entre eux, selon les dernières études, perçoivent les déchets nucléaires comme une source de risques importants. Nous souhaitons donc qu’une partie de l’étude d’impact soit consacrée à la gestion des déchets nucléaires.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Dans la suite de la phrase que vous proposez de modifier, il est fait référence au plan national de gestion des matières et déchets radioactifs. Par ailleurs, les compléments relatifs aux déchets radioactifs incluront des informations concernant leur gestion. Votre amendement me paraît donc satisfait. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). Madame Pochon, vous présagez une catastrophe dans cent mille ans. Pour ma part, étant d’un naturel optimiste, je me dis que, d’ici là, la recherche aura peut-être trouvé une solution pour traiter ces déchets.

Il était temps que nous inversions la tendance pour que la filière se reconstruise enfin et que nous travaillions à fond – justement – sur le traitement des déchets.

M. Pierre Meurin (RN). Il faut 1 tonne d’énergie fossile pour produire autant d’énergie qu’avec 1 gramme d’uranium. Certes, il est légitime de s’interroger sur les déchets, car c’est a priori l’unique inconvénient de la filière, mais ce risque me paraît bien plus faible que ceux liés à l’utilisation d’énergies renouvelables intermittentes et non pilotables, ou encore d’énergies fossiles. Lutter contre le nucléaire, c’est favoriser les énergies fossiles ; cela revient, notamment, à faciliter l’importation d’électricité allemande, laquelle est particulièrement carbonée car produite par des centrales à charbon.

Le débat est légitime, mais les écologistes ont fait en sorte que soient abandonnés Superphénix et le projet de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle (Astrid), qui permettaient, par la technologie des centrales à neutrons rapides, de diminuer sensiblement la production de déchets nucléaires.

M. Damien Adam (RE). La rédaction de l’amendement pose problème : il est proposé d’ajouter une référence à la gestion des déchets radioactifs au sein de l’article L. 593‑2 du code de l’environnement, alors que la suite de la phrase renvoie à l’article L. 542-1-2 du même code, lequel traite précisément des déchets.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD89 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Si le code de l’environnement oblige l’évaluation environnementale à s’intéresser aux incidences notables sur l’environnement, ce qui permet d’aborder des enjeux comme les ressources en eau et la pollution de l’air, il n’y est pas fait mention de la faune et de la flore. Or il est permis de penser qu’une centrale nucléaire a des incidences sur la faune et la flore à proximité.

Il y a quelques années, une artiste suisse avait fait le tour des centrales du monde entier et avait constaté que les radiations avaient des effets sur la faune locale : elle avait observé, notamment parmi les insectes et les plantes, ce que l’on peut appeler des organismes mutants. Certains scientifiques affirment que l’exposition chronique à de faibles doses de radioactivité a des effets bien plus graves qu’une exposition intense mais courte.

Si l’on entend réaliser une étude d’impact sérieuse, on ne saurait négliger les conséquences de la radioactivité sur la faune et la flore.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je comprends – et partage – votre intérêt pour la faune et la flore ainsi que pour la manière dont elles pourraient être affectées par le fonctionnement des futurs réacteurs et par l’extension du périmètre des installations nucléaires de base (INB). Toutefois, dans le cadre de l’instruction de l’autorisation environnementale, toutes les conséquences du projet seront étudiées. L’étude d’impact prévue est celle régie par l’article L. 122-3 du code de l’environnement – l’article 4 précise même qu’elle comporte « au minimum » les éléments mentionnés dans cet article. Or, en vertu de la partie réglementaire du code de l’environnement, cette étude doit évaluer les conséquences du projet sur la biodiversité. L’amendement me semble donc satisfait. Reste, il est vrai, la question des activités agricoles avoisinantes, qui n’est peut-être pas suffisamment détaillée.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Je sais votre souci sincère pour la question animale. Je ne vois donc pas pourquoi vous vous opposeriez à la précision que je demande : elle viendrait seulement compléter l’éventail des sujets abordés. À vous entendre, la notion de biodiversité inclut la faune et la flore. Pourquoi, dans ce cas, ajouter des éléments relatifs à l’air, aux sols et à la ressource en eau ? Tout cela aussi participe de la biodiversité.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. À ce moment-là, tout devrait être inscrit dans le texte ! L’article renvoie déjà à l’étude d’impact prévue par le code de l’environnement, laquelle inclut la biodiversité. Nous ne précisons ici que ce qui est spécifique aux centrales nucléaires.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD26 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit d’inclure dans l’étude d’impact les conséquences des radiations sur la santé. Les données épidémiologiques montrent que l’exposition aux rayons ionisants entraîne, dans les populations concernées, des risques de cancer et de leucémies supérieurs à ceux liés à une exposition aux autres substances cancérogènes. Ces données ne tiennent pas compte, au demeurant, des 22 000 salariés précaires embauchés par les entreprises sous-traitantes d’EDF pour assurer la maintenance et l’entretien des installations. Ce sont pourtant eux qui assurent les tâches comportant le plus de risques. Ils reçoivent 80 % des doses annuelles de radioactivité, contre 20 % pour les agents d’EDF. Les risques des rayonnements ionisants pour l’environnement et le public sont évalués, notamment, par l’IRSN, que vous souhaitez démanteler.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous parliez de la situation des sous-traitants d’EDF intervenant dans les centrales nucléaires. Selon vous, ils ne seraient pas accompagnés médicalement ?

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Ils le sont, mais pas par les services médicaux d’EDF.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’étude des rayonnements ionisants émis par les centrales inclut leurs conséquences pour la santé humaine. Votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD72 de M. Nicolas Thierry.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons d’ajouter à l’étude d’impact un volet consacré aux dérogations, en période de canicule, aux limites fixées pour les rejets thermiques dans l’environnement, et à leurs effets sur la faune et la flore. Quand il fera plus chaud, les dérogations se multiplieront – il y en a eu l’été dernier. Il faut les limiter.

Que nous soyons pour ou contre le nucléaire, nous devrions faire en sorte de protéger la biodiversité. Quant aux canicules, on sait qu’elles se multiplieront. Or certains des propos tenus ici relèvent presque du climatoscepticisme.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous souhaitez que l’étude d’impact indique les conséquences du fonctionnement du réacteur nucléaire sur la faune et la flore en tenant compte des rejets thermiques autorisés et des dérogations aux limites maximales autorisées pour ces rejets.

Les rejets thermiques des centrales nucléaires sont réglementés pour maîtriser l’élévation de la température du cours d’eau en aval. L’été dernier, en raison des fortes chaleurs et pour que les réacteurs continuent à fonctionner, notamment dans le sud de la France, des dérogations ont été accordées par l’ASN. C’est plutôt dans ce cadre qu’une évaluation des effets sur la faune et la flore pourrait être demandée : prévoir cette évaluation dès le stade de la demande environnementale me semble prématuré. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je suis choquée : le réchauffement climatique est déjà une réalité, et les dérogations accordées aux centrales du Blayais, du Bugey, de Golfech et de Saint-Alban ne relèvent pas de la science-fiction. Cela s’est passé l’été dernier. Les nouveaux réacteurs verront le jour, au mieux, dans quinze à vingt ans. Entre-temps, le réchauffement climatique se sera amplifié. Même si les émissions de gaz à effet de serre étaient limitées drastiquement, ceux qui sont déjà dans l’atmosphère continueront à accroître le réchauffement jusqu’à ce que leur concentration diminue.

Si l’étude d’impact ne prend pas en compte les réalités auxquelles nous sommes d’ores et déjà confrontés, nous irons au-devant de difficultés considérables. Il faudra procéder à des arbitrages impossibles. Par exemple, il faudra choisir entre les différents usages de l’eau : l’eau du Rhône sera-t-elle réservée à la boisson, à l’agriculture – c’est-à-dire à l’alimentation – ou au refroidissement des centrales ? Par ailleurs, les rejets d’eau entraînent une pollution chimique qui augmentera elle aussi.

Le réchauffement climatique doit être pris en compte. L’IRSN a constitué un groupe de travail qui rendra ses premières conclusions dans le courant du mois. Si l’on décide de relancer le nucléaire, comme semblent le vouloir le Président de la République et les groupes qui le soutiennent ici, il faut à tout le moins tenir compte du fait que nous ne sommes plus dans les années 1970 : à cause du réchauffement climatique, il n’est plus possible de construire les centrales comme on le faisait à cette époque.

Vous percevez nos demandes comme une forme d’obstruction, mais ce n’est pas le cas : nous craignons que l’on aille tellement vite dans la construction qu’on en vienne à ignorer les nouvelles réalités induites par le réchauffement climatique.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vos demandes sont largement prises en compte à l’article 9 bis. Il n’est pas opportun de les intégrer à l’article 4.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD121 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous proposons que l’IRSN soit saisi lors de la réalisation de l’étude d’impact, dans la limite de ses domaines d’expertise, et qu’il rende un avis public. Pour mémoire, le champ des compétences de l’institut est le suivant : surveillance radiologique de l’environnement et intervention en situation d’urgence radiologique ; radioprotection de l’homme ; prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires ; sûreté des réacteurs ; sûreté des usines, des laboratoires, des transports et des déchets ; expertise dans le domaine du nucléaire de défense.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’article 4 a pour finalité d’accélérer la première partie des travaux. Au stade de l’instruction de l’autorisation environnementale – laquelle est étudiée par le ministre compétent, donne lieu à une enquête publique et comprend l’étude d’impact –, un avis de l’IRSN, comme d’ailleurs de l’ASN, paraît prématuré : même si l’exploitant fournit dès cette étape de nombreuses informations sur le futur réacteur nucléaire, il s’agit encore de la phase préparatoire.

M. Gérard Leseul (SOC). À quel moment l’IRSN rendra-t-il donc un avis public ?

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Cet avis intervient dans le cadre de la procédure de demande d’autorisation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD157 deuxième rectification de la rapporteure pour avis et CD46 de M. Nicolas Ray (discussion commune).

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement CD157 deuxième rectification vise à préciser que le décret relatif à l’autorisation environnementale est modifié conformément aux règles prévues à l’article L. 181-14 du code de l’environnement.

Il s’agit d’établir plus clairement la distinction entre, d’une part, le régime dérogatoire institué par le présent article pour la délivrance de l’autorisation environnementale avant celle de l’autorisation de création, et, d’autre part, le régime applicable après la délivrance de cette autorisation de création. Dans le cadre du second régime, c’est l’ASN qui est compétente dans le périmètre de l’installation nucléaire de base une fois que celui-ci a été établi. Grâce à l’amendement, il apparaît clairement que l’ASN est compétente en matière d’autorisation environnementale après la délivrance de l’autorisation de création ; avant cette autorisation, le régime de l’autorisation environnementale est celui qui est prévu par le code de l’environnement.

M. Nicolas Ray (LR). L’amendement CD46 vise à distinguer la phase précédant l’autorisation de création et celle qui suit cette autorisation. En effet, le projet de loi ne prévoit pas de fin pour le système dérogatoire. Nous proposons de rentrer dans le droit commun une fois que l’autorisation de création a été délivrée, tout en prévoyant la possibilité d’y déroger par un décret simple. Dans ce cas, les modifications seront soumises aux modalités figurant dans l’autorisation environnementale.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le complément que vous proposez – et que je propose moi aussi, du reste – consiste à faire en sorte qu’après la publication du décret autorisant la création, les modifications apportées à l’autorisation environnementale relèvent du droit commun et non de la procédure créée par l’article 4. Or la seconde partie de votre amendement semble revenir sur ce principe. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement CD157 deuxième rectification.

En conséquence, l’amendement CD46 tombe.

 

Amendement CD154 de la rapporteure pour avis.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Dès lors que les nouveaux réacteurs sont construits à proximité des anciens, il existe déjà une commission locale d’information (CLI). Néanmoins, la construction de nouveaux réacteurs ne constitue pas une modification de l’installation nucléaire de base ; en l’état du droit, la CLI ne serait donc pas informée d’une demande d’autorisation. Le présent amendement vise donc à garantir que cette commission en est avisée par le pétitionnaire – c’est-à-dire l’exploitant – afin de l’intégrer dès le début de la procédure.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CD27 de Mme Marie Pochon et CD123 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’article introduit la faculté d’anticiper la réalisation de constructions, d’aménagements, d’installations et de travaux en vue de la création de réacteurs électronucléaires dès la délivrance de l’autorisation environnementale. Autrement dit, les travaux pourront commencer avant que l’autorisation de construction du réacteur ne soit donnée.

Il nous semble périlleux d’opérer une distinction entre les différents bâtiments de l’installation nucléaire. L’autorisation environnementale en vue de la création d’un réacteur nucléaire est délivrée, au vu de l’étude d’impact, pour l’ensemble du projet. Commencer à édifier les parties annexes ne ferait que contraindre la construction des réacteurs. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 2 et 3, car le gain de temps escompté ne justifie pas une atteinte que nous jugeons disproportionnée à la participation du public. Du reste, les retards sont dus plutôt aux difficultés industrielles qu’aux procédures administratives.

Mme Chantal Jourdan (SOC). En demandant nous aussi la suppression des alinéas 2 et 3, nous entendons réaffirmer l’intérêt de l’enquête publique, y compris pour les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création d’un réacteur électronucléaire. Cela permet d’informer les riverains et ces derniers peuvent donner leur avis.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Si ces alinéas étaient supprimés, le texte créerait simplement une procédure dérogatoire pour la délivrance d’une autorisation environnementale, par voie de décret et non d’arrêté, avec une étude d’impact plus complète que ne le prévoit le droit actuel, mais cela n’aurait aucun effet sur le séquençage des travaux conduisant à la construction des réacteurs. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Je ne vois pas en quoi cela bloquerait les choses : pourriez-vous préciser votre argument ?

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Pour simplifier, si nous supprimions les alinéas 2 et 3, nous nous priverions des effets positifs attendus de l’article 4, à savoir démarrer les travaux en amont, hors nucléaire. Cela remettrait en cause le sens même de l’article.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Depuis plusieurs années, ce qui fait prendre du retard aux projets, ce sont les installations nucléaires elles-mêmes, car nous peinons à les construire, et pas les bâtiments annexes. Nous n’avons toujours pas fini les plans de l’EPR 2, et les petits réacteurs modulaires (SMR) ne sont pour l’instant que des rêves d’industriels ou d’ingénieurs. Ce n’est pas parce que nous construirons d’abord les autres bâtiments que nous pourrons mettre en service les centrales plus rapidement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Les opérations dont nous parlons prennent tout de même cinq ans.

M. Gérard Leseul (SOC). Une centrale, c’est un tout : la population doit être informée de l’ensemble, et pas uniquement de la construction d’un réacteur. Il n’apparaît donc pas opportun de contourner l’étape de l’enquête publique pour les travaux préparatoires à la création d’un réacteur électronucléaire, y compris la construction des bâtiments annexes.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement relatif à la CLI que nous venons d’adopter montre que je suis attachée à l’information de la population. En l’occurrence, celle-ci aura connaissance également des travaux hors nucléaire.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ces dispositions visent-elles réellement à accélérer la construction de centrales nucléaires ? À notre connaissance, ce ne sont pas les parties hors nucléaire qui posent problème. On peut légitimement se demander si l’objectif n’est pas de forcer la décision, de placer les gens devant le fait accompli une fois que les bâtiments annexes ont déjà été construits. Par ailleurs, le fait que l’on ait construit ces bâtiments en amont ne risque-t-il pas d’obliger à les rénover pour mettre le réacteur en service, ce qui, en définitive, entraînerait plutôt des retards ?

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Tous les représentants de sociétés, d’organismes ou d’associations que nous avons auditionnés – qu’il s’agisse d’EDF et de Framatome ou de l’Association des maires de France – nous ont dit qu’ils espéraient gagner quinze à vingt-quatre mois grâce aux procédures prévues par le projet de loi ; certains ont même parlé de trois ans, ce qui me paraît ambitieux.

M. Gérard Leseul (SOC). J’ai voté pour votre amendement précédent, madame la rapporteure pour avis, parce que je sais que vous êtes attachée à une bonne information du public. Mais les procédures prévues dans cet article, en particulier aux alinéas 2 et 3, visent bien, au fond, à forcer la décision du public.

Il faut informer et consulter. Les associations que vous avez auditionnées et auxquelles vous avez fait référence représentent plutôt des opérateurs. Je ne vois pas quel pourrait être l’intérêt de gagner du temps pour les associations qui représentent le public et les riverains, qui veulent être informés. Dans le cas de Flamanville, les problèmes proviennent du réacteur, pas des bâtiments annexes.

Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à refuser la suppression des alinéas 2 et 3.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Les travaux annexes font dès le départ l’objet d’une enquête publique, lors de la procédure d’autorisation environnementale. Une autre enquête publique doit ensuite intervenir pour la partie spécifiquement nucléaire, dans le cadre de la procédure d’autorisation de création – qui dure plusieurs années.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Nous avons déjà voté des dispositifs similaires, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit Asap, avec les sites industriels « clés en main ».

En l’occurrence, il s’agit tout simplement d’autoriser la réalisation d’aménagements tels que des routes ou des bâtiments destinés à héberger des ouvriers, avant même le lancement du chantier de construction du réacteur. Cela permet en effet un gain de temps assez significatif. Il n’y a rien de choquant. Cela va dans le bon sens et permet d’accélérer.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD87 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’alinéa 2 de cet article prévoit que des travaux pourront commencer avant la délivrance de l’autorisation de création. Et l’alinéa 3 précise qu’un décret en Conseil d’État doit dresser la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui pourraient être ainsi réalisés.

Premièrement, le rapporteur du Sénat a entendu des représentants de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) et de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Il indique noir sur blanc dans son rapport qu’« une définition positive des travaux pouvant être anticipés n’a pas été trouvée ». Il n’est pas possible de dresser une liste précise, car les sites d’implantation des nouveaux réacteurs présentent des différences. Cela rend les choses floues et créé une marge d’interprétation très importante au sujet des travaux qui pourront être entrepris avant la délivrance de l’autorisation de création.

Deuxièmement, lors de leur audition – à laquelle j’ai assisté –, le président et le vice-président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) ont dit très clairement que la mesure proposée par cet article allait donner aux riverains le sentiment que les décisions étaient déjà prises et créer un fait accompli. Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) et les associations telles que Greenpeace ou le réseau Sortir du nucléaire disent la même chose. On est en train de montrer aux citoyens qu’ils ne peuvent pas peser sur les décisions. C’est contraire à la convention d’Aarhus. C’est aussi la raison pour laquelle les discussions menées dans le cadre de la Commission nationale du débat public (CNDP) se terminent en eau de boudin. Alors qu’il restait à organiser trois étapes de débat public sur la relance du nucléaire et l’opportunité de construire six nouveaux EPR, des décisions ont déjà été prises – notamment lors du conseil de politique nucléaire organisé le 3 février par le président Macron.

Tout cela va dans le mauvais sens. C’est un signal très négatif adressé aux citoyens. Aucuns travaux ne doivent être réalisés avant la délivrance de l’autorisation de création.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. En supprimant l’alinéa 2, vous enlevez une grande partie de l’intérêt de l’article 4. Or ce projet de loi a pour ambition de permettre une accélération du processus de construction des futurs réacteurs nucléaires – sans toutefois compromettre le bon respect des procédures, tant en matière d’information du public que de contrôle de la sûreté nucléaire.

Je rappelle que les travaux qui pourront commencer dès la délivrance de l’autorisation environnementale ne sont pas liés au bâtiment du réacteur lui-même. Par ailleurs, il est prévu que de nombreuses informations devront être transmises au public dès la première enquête publique.

Avis défavorable.

M. Nicolas Dragon (RN). Le projet de loi a bien pour objet d’accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants. On bâtira les nouveaux réacteurs à côté de ceux qui sont en service, sur des emprises qui ont en général déjà été acquises par EDF, avec des centaines d’hectares prévus autour des installations actuelles. On peut accélérer la réalisation d’un certain nombre d’aménagements, afin de construire au plus vite les réacteurs dont nous avons besoin pour garantir aux Français la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Un sondage publié il y a quelques semaines par Le Journal du dimanche montrait que 72 % des Français étaient favorables au nucléaire, notamment ceux de la jeune génération – chose tout à fait nouvelle. Les factures d’électricité sont en effet de plus en plus élevées. Pendant des décennies, le nucléaire nous a fourni l’électricité la moins chère et la plus abondante d’Europe. Il faut d’urgence revenir à cette situation, qui a fait le bonheur des Français et qui constituait un gage de compétitivité pour nos entreprises.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le nucléaire fournira peut-être l’électricité la moins chère dans quinze ou vingt ans, si l’on arrive à construire un réacteur… Non merci. On peut développer un champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques en deux ans. Cela ne présente aucune difficulté, ne risque pas de nous exploser à la figure et, en plus, coûte de moins en moins cher.

Madame la rapporteure pour avis, vous n’avez pas répondu à mon premier argument. J’insiste sur le fait que le rapport du Sénat indique qu’il est impossible de faire la liste des travaux que l’on peut anticiper avant que l’autorisation de création soit délivrée. Peut-être disposez-vous d’un autre rapport qui démontre que dresser cette liste est possible, mais pour l’instant, je n’ai pas de réponse à cette question.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le projet de loi prévoit tout de même des catégories de travaux. Nous savons tous qu’il est difficile de dresser une liste par avance lorsque l’on envisage de manière générale des travaux de terrassement ou de raccordement. On ne peut pas entrer dans un tel degré de détail, ce serait très compliqué.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La rapporteure pour avis a indiqué que, selon plusieurs personnes auditionnées, la réalisation d’un certain nombre d’aménagements avant de construire le réacteur nucléaire lui-même représenterait un gain de temps. J’aimerais savoir quelles études étayent cette opinion, car nous n’en avons aucune. Quand on considère le chantier de Flamanville, on se dit que pour gagner davantage de temps, il aurait mieux valu réfléchir en amont plutôt que de construire à la va-vite un modèle dont les annexes sont appelées à évoluer en cours de route. La filière nucléaire est-elle si peu sûre d’elle-même qu’elle doive passer en force, en plaçant les gens devant le fait accompli ? Une fois investis des millions d’euros d’argent public, les citoyens pourraient se sentir en quelque sorte obligés de ne pas dire non.

Il existe un précédent en Autriche. Une nouvelle centrale nucléaire avait été construite, mais sa mise en service a été refusée lors d’un référendum. Du même modèle que celle exploitée à Fukushima, elle avait été utile lors de l’accident au Japon car c’est la seule où l’on peut entrer à l’intérieur du réacteur. Mais votre but, j’imagine, n’est pas de construire des bâtiments pour y étudier des questions de sûreté nucléaire et mieux comprendre leur fonctionnement en cas d’accident…

En l’absence de preuve sur le gain de temps, la disposition dont nous parlons n’a d’autre but que de placer les gens devant le fait accompli. C’est une mascarade démocratique, inquiétante pour la suite.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je vous ai répondu précédemment avec sincérité. J’ai rendu compte des auditions auxquelles j’ai assisté, en vous faisant part des éléments sur le gain de temps qui ont été fournis tant par EDF et Framatome que par d’autres experts avertis, comme M. Jean-Claude Delalonde, président de l’Anccli.

Comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire, il ne se passe pas une semaine sans que le conseil municipal de Gravelines et les habitants s’interrogent sur l’état d’avancement des travaux déjà engagés. Notre collègue Paul Christophe, président de la commission locale d’information, peut vous le confirmer. Ce projet de loi suscite beaucoup d’attentes.

Il n’est pas facile d’évaluer le gain de temps, mais je m’appuie sur les informations fournies par les spécialistes et sur l’expérience que, élue au conseil municipal de Dunkerque, j’ai pu acquérir au sujet des procédures d’urbanisme.

L’objectif est d’accélérer les procédures pour gagner du temps. N’étant pas devin, je ne puis préjuger des résultats : ils dépendront beaucoup de l’état d’avancement des projets, des sites retenus et de leurs spécificités. Il faut environ cinq ans pour obtenir une autorisation, et nous essayons de ramener ce délai à trois ans. Dans la réalité, ce sera peut-être un peu moins.

M. Hubert Wulfranc (GDR-NUPES). Des discussions précédentes, l’on peut retenir que l’on va bâtir une grosse bête et que la construction de son cœur – le réacteur – prendra beaucoup de temps. Et, dans le même temps, on nous dit qu’il faut réaliser d’autres travaux au préalable, comme des routes d’accès. Un tel argumentaire pose problème.

Je vois un lien entre cette démarche du fait accompli et la culture du secret. Des membres de la CGT qui travaillent à la centrale de Tricastin reconnaissent que cette culture a trop longtemps été la règle chez l’ensemble des acteurs de la filière et qu’il faut évoluer.

Le choix de relancer la filière nucléaire doit s’accompagner d’une plus grande lisibilité démocratique et opérationnelle. Quelles que soient nos orientations politiques, il nous faut progresser pour mieux répondre à cette nouvelle culture de la population, dont les exigences de démocratie locale vont croissant, et de façon tout à fait légitime, sur de tels projets industriels.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Encore une fois, je suis terre à terre : le projet de loi prévoit bien que les différents travaux réalisés avant l’autorisation de création peuvent être engagés dès lors qu’ils ont été préalablement portés à la connaissance du public, dans le cadre de l’enquête publique effectuée pour l’autorisation environnementale.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Il faut se mettre à la place de nos concitoyens. Comment voulez-vous qu’ils aient confiance dans la parole publique ? On voit bien que les travaux anticipés troublent le débat public.

Les citoyens peuvent estimer que ces travaux sont des investissements inconsidérés si le projet, au final, ne va pas à son terme. Mais ils peuvent aussi penser que la consultation, c’est du vent, parce que si l’on investit, c’est que la décision a déjà été prise. Dans tous les cas, la parole publique n’en sort pas grandie.

Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques. Pourquoi est-il nécessaire d’anticiper la réalisation d’ouvrages qui ne concernent pas l’îlot nucléaire ? Parce que les travaux de terrassement et d’adduction d’eau, par exemple, font aussi partie du chemin critique du planning. Les anticiper permet d’éviter l’accumulation de retards.

Certains ont estimé qu’il ne servait à rien d’anticiper les travaux conventionnels car les retards constatés dans certains projets en cours relèvent de la partie nucléaire. C’est faux, puisqu’une partie de travaux conventionnels feront réellement prendre de l’avance. En les réalisant à partir de la mi-2024, la partie nucléaire pourra commencer au début de 2027.

M. Gérard Leseul (SOC). Je pense que nous sommes éclairés par les derniers propos tenus au sujet des objectifs de ce projet de loi.

Mais vous ne percevez pas suffisamment que cette politique du fait accompli est totalement contre-productive. Sans débat préalable sur les projets, il ne peut y avoir de confiance dans les politiques publiques menées par les grandes entreprises, par l’État ou par les collectivités locales.

Vous ne comprenez pas à quel point ce que vous proposez détricote la confiance que peuvent avoir les Français dans les autorités publiques en matière de nucléaire. C’est très dangereux pour ce qui constitue le socle de la cohésion sociale et de la confiance dans la démocratie.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’intervention de la rapporteure Maud Bregeon va dans le sens de nos arguments. Si les travaux conventionnels font partie du chemin critique de construction de l’ensemble de la centrale, cela renforce le sentiment de fait accompli. La population peut se dire qu’on ne fera jamais marche arrière. À quoi bon une seconde enquête publique pour l’autorisation de création ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je rappelle qu’il s’agit d’une disposition qui existe déjà et qui permet aux collectivités territoriales d’aménager des terrains pour des projets industriels – en réalisant des accès routiers, des parkings et des bâtiments administratifs, voire des logements.

L’une des questions qui se pose dans le cadre du chantier de construction d’un EPR à Gravelines réside dans les capacités d’accueil des travailleurs. Il est donc nécessaire de réaliser un certain nombre d’aménagements critiques avant même la pose de la première pierre du bâtiment du réacteur.

Il faut cesser les concours d’éloquence. La démocratie française et la confiance dans l’État ne vont pas être remises en question du fait de la construction de parkings ! Le projet de loi prévoit bien que tout est public. Rien n’est caché.

Nous n’avons pas de leçons à recevoir de gens qui sont contre toute accélération, aussi bien en matière de nucléaire que d’énergies renouvelables.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La question du nucléaire est particulièrement sensible, mais il en est de même pour d’autres projets industriels – pour lesquels on peut transposer ce qui a été dit au sujet de l’association des populations en amont.

Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD38 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit de revenir à la rédaction initiale de l’alinéa 2, telle qu’elle avait été proposée par le Gouvernement. Les dispositions ajoutées par le Sénat sont superfétatoires et risquent de rendre plus difficile le développement du nucléaire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il ne me semble pas opportun de revenir sur tout ce qui a été ajouté par nos collègues sénateurs, notamment en ce qui concerne l’obligation, pour l’exploitant, d’indiquer au moment de la procédure d’autorisation environnementale les travaux qu’il compte entamer dès la délivrance de cette autorisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD90 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). La préservation de l’environnement doit être la priorité de l’action publique, tant au niveau national que local. Il est inacceptable que les travaux préparatoires nécessaires à la construction d’une nouvelle installation nucléaire puissent être engagés alors même que l’autorisation de création n’a pas été délivrée. En effet, compte tenu des conséquences irrémédiables des installations nucléaires sur les écosystèmes locaux et sur le paysage, il est impensable de laisser démarrer de tels travaux d’aménagement.

Nous proposons donc de supprimer cette possibilité, qui est en totale contradiction avec l’impératif de protection de l’environnement. L’accélération des procédures ne saurait se faire au détriment de l’environnement et de nos territoires.

L’énergie nucléaire ne fournit que 2,5 % de la consommation finale d’énergie à l’échelle mondiale. Même si l’on utilisait toutes les ressources d’uranium disponibles dans le monde, on arriverait péniblement à 4 ou 5 %. Cela démontre que l’énergie atomique n’a pas d’avenir.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avec cet amendement vous revenez sur le principe même de l’article 4, qui prévoit bien une dérogation par rapport au droit en vigueur.

Votre amendement conduit à durcir ce dernier, puisque les travaux qui concernent l’îlot nucléaire ne pourraient être autorisés qu’après la parution du décret de création. Actuellement, ces travaux peuvent commencer une fois que l’enquête publique a été réalisée.

Avis défavorable, car il faut un dispositif qui permette d’anticiper certains travaux pour accélérer les constructions.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Comme il a été fait allusion à l’attitude de certains groupes lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, notre groupe s’est senti un peu visé.

Nous aurions aimé que des dispositions prévoyant d’anticiper les travaux aient été aussi prévues pour les énergies renouvelables. On aurait ainsi pu couler le béton pour fixer le pylône d’une éolienne avant d’avoir l’autorisation d’installer les pales ; au lieu de quoi on a inventé un article 3 qui prévoit une pseudo-planification, et qui donne en fait un droit de veto aux maires à chaque étape de la procédure.

Avec ce projet de loi, c’est l’inverse : l’État reprend la main, par le biais du Conseil d’État, pour imposer ses desiderata aux collectivités territoriales.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD155 de la rapporteure pour avis.

Amendement CD146 de M. Emmanuel Maquet. 

M. Emmanuel Maquet (LR). Pour accélérer la construction de réacteurs, il est essentiel de démarrer le plus de travaux possible – hormis ceux liés à la sûreté nucléaire – dès l’autorisation environnementale.

L’amendement précise que les équipements et les installations nécessaires à l’exploitation du réacteur sont aussi concernés par cette mesure dérogatoire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Cette précision sur le périmètre des travaux concernés par l’autorisation environnementale est importante. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD140 de la rapporteure pour avis.

 

Amendements CD139 de la rapporteure pour avis et CD122 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Les précisions ajoutées à la fin de l’alinéa 2 par le Sénat reviennent à rappeler, d’une part, l’obligation d’organiser une enquête publique à laquelle est soumis l’exploitant lorsqu’il dépose une demande d’autorisation de création, d’autre part, la nécessité de recueillir un avis de l’ASN. Or celle-ci doit obligatoirement donner son avis sur la demande d’autorisation, donc, implicitement, sur les documents qu’elle contient, dont le rapport préliminaire de sûreté. En mentionnant l’article L. 593-7 du code de l’environnement, qui détermine le régime de création des installations nucléaires de base, le texte du projet de loi initial inclut toutes les étapes nécessaires à l’instruction et à la délivrance du décret de création. C’est pourquoi je propose de supprimer les précisions du Sénat, qui sont inutiles.

M. Gérard Leseul (SOC). Si je partage en partie l’analyse de la rapporteure pour avis, je souhaiterais que nous allions plus loin, en faisant en sorte que l’avis de l’Autorité de sûreté nucléaire soit à la fois conforme et rendu public.

Nous avons déjà eu cette discussion tout à l’heure : il importe d’assurer la transparence, conformément aux exigences démocratiques et de manière à permettre à toute personne d’exercer son droit à l’information prévu par l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable : l’avis de l’ASN est déjà rendu public.

M. Gérard Leseul (SOC). Il l’est si l’ASN le décide, mais aucune obligation n’est inscrite dans la loi. Nous souhaiterions en introduire une afin de veiller à la bonne information de l’ensemble de la population.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je le répète, l’avis est public. C’est prévu par le droit.

M. Gérard Leseul (SOC). Si vous m’en apportez la démonstration, je suis prêt à retirer l’amendement, mais, à ma connaissance, ce n’est pas le cas, même si, dans la pratique, l’avis de l’ASN est, dans la plupart du temps, rendu public. Inscrire une telle disposition dans la loi permettrait de donner confiance à la population.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’avis accompagne le décret autorisant la création, qui est rendu public.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Tous les avis de l’ASN sont, sans exception, publiés sur son site, monsieur Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Je vérifierai, mais, à ma connaissance, il n’existe aucune obligation formelle que l’ASN rende publics tous ses avis.

La commission adopte l’amendement CD139.

En conséquence, l’amendement CD122 tombe.

 

2.   Réunion du mardi 28 février à 21 heures 30

 

Article 4 (suite) : L’anticipation des travaux en vue de la construction des réacteurs nucléaires

 

Amendement CD107 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Nous proposons de supprimer l’alinéa 3 : nous ne voyons pas l’intérêt de recourir à un décret pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour établir la liste des travaux et aménagements pouvant être anticipés et de ceux ne le pouvant pas. D’ailleurs, ce surcroît de complexité a été largement dénoncé au Sénat. Cela conduirait en outre l’ASN à se prononcer sur des travaux qui ne sont pas de son ressort, et pourrait même remettre en cause sa capacité à se consacrer à l’instruction de la demande d’autorisation de création.

Je précise que cet amendement a été élaboré avec EDF.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable. J’entends vos arguments, mais l’ajout du Sénat me paraît utile. Les travaux liés à l’îlot nucléaire ne pourront en effet commencer qu’après la publication du décret autorisant la création de l’installation nucléaire de base (INB). Or, si le texte indique que ces travaux concernent « la construction des bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde », il n’existe pas de définition juridique plus précise. Le décret en Conseil d’État permettra d’en établir une classification.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

 

Après l’article 4

 

Amendement CD42 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Les réacteurs nucléaires peuvent faire varier à la hausse ou à la baisse jusqu’à 80 % de leur puissance en moins de trente minutes, et cela deux fois par jour. Cela représente plus de 1 000 mégawattheures pour un réacteur de 1 300 mégawattheures et 700 pour un réacteur de 900 mégawattheures. Le fonctionnement en mode suivi de charge, spécifique au parc nucléaire français, permet de compenser les variations sur le réseau, de garantir la stabilité de sa fréquence et de remédier dans des délais très courts à l’éventuelle défaillance d’une autre source de production.

Toutefois, une étude montre que la modulation du parc nucléaire pourrait user prématurément certaines pièces. Alors que dix-sept réacteurs nucléaires sur cinquante-six sont toujours à l’arrêt et que la France continue d’importer de l’électricité, il apparaît nécessaire d’approfondir la question.

En outre, la modulation du parc nucléaire nécessite un investissement technique dont le coût, notamment en main-d’œuvre, a des conséquences sur le prix de l’électricité. Il convient donc de l’évaluer.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable : une telle disposition ne me semble pas relever du domaine de la loi.

Les effets du suivi de charge des réacteurs nucléaires sont analysés à la fois par EDF et par l’ASN. D’après les études réalisées sur la question, il ne semble pas que le fonctionnement permettant la modulation de la charge ait été à l’origine de problèmes pour les réacteurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD28 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Cet amendement, qui reprend celui que le groupe écologiste du Sénat avait déposé, vise à renforcer la consultation des élus locaux avant l’implantation d’une nouvelle centrale nucléaire, de manière à en améliorer l’intégration paysagère. Les communes situées dans le champ de visibilité d’un parc nucléaire pourraient ainsi s’opposer au dépôt de la demande d’autorisation d’un projet.

L’implantation d’une centrale nucléaire sur le territoire d’une commune représente un engagement d’une durée de 200 ans – c’est long : il y a 200 ans, on construisait le premier moteur électrique rotatif ! L’aval des élus locaux est donc nécessaire. Associer ceux-ci et les habitants aux projets permettrait de rassembler les Français autour d’enjeux environnementaux, en garantissant que le cadre de vie des habitants des communes concernées ne soit pas dégradé.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. S’agit-il d’un accord ou d’une consultation ? Vous évoquez les deux… Quoi qu’il en soit, il apparaît contraire aux principes gouvernant la politique énergétique et relatifs à la sûreté nucléaire de donner un rôle décisionnaire aux communes dans le processus visant à créer une installation nucléaire de base, dès lors que les actes préalables ont été établis après consultation des collectivités territoriales. Cette politique est conduite à l’échelon national, par le ministre chargé de la sûreté nucléaire. Il ne serait pas opportun de prévoir l’accord obligatoire des collectivités territoriales pour délivrer le décret de création. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Quelle réponse hallucinante ! Quand on songe qu’alors qu’il n’y a pas d’impact notable sur les générations futures, n’importe quelle installation d’énergie renouvelable peut être démontée ! Certes, il est prévu que les nouvelles centrales – dont on ne connaît pas encore le nombre exact – seront construites dans l’enceinte ou à proximité des installations existantes, et l’on peut donc supposer que les communes ou les collectivités territoriales concernées accueillent déjà des centrales nucléaires. Néanmoins, ces installations ont un certain âge, et il arrivera bien un moment où elles devront fermer – à moins qu’on imagine les faire fonctionner ad vitam aeternam, mais ce n’est pas ce pour quoi elles ont été conçues. La construction de nouveaux réacteurs nécessiterait par conséquent la consultation et l’accord des élus locaux, d’autant plus que vous avez rejeté nos demandes relatives aux études d’impact, concernant notamment l’utilisation de l’eau.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Dans la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, il nous a été impossible de fixer des objectifs : on nous a renvoyés à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui sera discutée aux calendes grecques. Là, on fixe des objectifs partout.

Il nous a aussi été impossible de faire en sorte que le référent préfectoral décide en dernier ressort des endroits où l’on pourrait créer des zones d’accélération favorables à l’accueil des installations d’énergies renouvelables : à chaque étape, il y a un droit de veto des conseils municipaux. Là, on nous explique qu’on ne peut pas consulter les conseils municipaux pour créer des installations appelées à fonctionner durant des dizaines d’années, avec tout ce que cela engendre.

Pour les énergies renouvelables, on n’a cessé de nous parler d’esthétique et de paysage. Or nombre de Françaises et de Français ne sont pas plus favorables à voir se construire à côté de chez eux des centrales nucléaires que des éoliennes ou des parcs photovoltaïques.

Demander l’avis des conseils municipaux me semble le minimum.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, nous étions tous d’accord : il ne fallait pas de droit de veto des maires. Le groupe Écologiste et le groupe La France insoumise, et je les en remercie, ont soutenu la volonté de la majorité et du Gouvernement en ce sens. Ce que nous avons fait, c’est que nous avons rendu les clés du camion aux communes, en leur permettant de définir au sein de leur territoire d’abord des zones d’accélération, où elles souhaitaient développer des énergies renouvelables, puis des zones d’exclusion. On est très loin d’un droit de veto ! Là, en revanche, vous souhaitez soumettre l’implantation d’une installation nucléaire de base à l’accord des communes visuellement impactées par le projet. Nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD39 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Je propose qu’il y ait une meilleure information des communes sur les projets nucléaires, notamment en cas de grand carénage : l’exploitant de la centrale aurait l’obligation d’en informer les communes se trouvant dans un rayon de 20 kilomètres, à l’instar de ce qui se fait pour le plan particulier d’intervention. Le grand carénage mobilise en effet des milliers de personnes, ce qui suppose de prévoir des capacités d’accueil et d’anticiper une telle affluence. Il s’agit d’une mesure simple et facile à mettre en œuvre.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable à votre amendement dans la mesure où les commissions locales d’information (CLI) sont, conformément au code de l’environnement, informées des procédures de réexamen périodique. Or le périmètre des CLI correspond à celui des communes sur lesquelles est implantée l’installation nucléaire de base, et les CLI sont en grande partie composées par des élus locaux – issus de la municipalité, de l’intercommunalité et du département – et leur président est choisi par le conseil départemental parmi ses membres. Cela me semble suffisant.

M. Pierre Meurin (RN). Ayant été le directeur de cabinet du président de la commission locale d’information de Superphénix, dans l’Isère, je connais un peu le sujet. Les CLI n’ont aucune obligation d’information à l’égard des élus locaux. Or toutes les communes environnantes n’en sont pas nécessairement membres. Cet amendement ne vise pas à introduire un mode d’information bureaucratique ; je propose une mesure de bon sens, dont les modalités d’application pourraient être précisées soit par décret, soit par un sous-amendement. Un grand carénage provoque un bouleversement démographique, quoique temporaire, pour le territoire concerné. J’ai du mal à comprendre votre avis défavorable ; je pense que cela mériterait réflexion.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD29 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Le mois de février s’achève avec un déficit pluviométrique record de plus de 50 %. Notre pays a connu plus d’un mois sans pluie en plein hiver. Les nappes phréatiques, déjà abîmées par la sécheresse de 2022, sont à moitié vides. On évoque une diminution du débit d’étiage des fleuves de 20 % à 50 % d’ici à 2050. Cela aura des répercussions non seulement sur la biodiversité, ce qui devrait déjà nous préoccuper, mais aussi sur le refroidissement des réacteurs. En outre, la multiplication des périodes de forte chaleur et la baisse progressive des étiages pourraient provoquer une intermittence dans la production d’électricité et une réduction de la rentabilité des centrales – ce qui, j’imagine, vous inquiète davantage. Puisque vous affirmez que l’objet de ce projet de loi est d’assurer la souveraineté énergétique de la France pour les années à venir, nous proposons que les nouveaux réacteurs électronucléaires ne puissent pas être construits sur les rives d’un fleuve ou d’une rivière dont les risques d’une baisse de débit des cours d’eau et de l’étiage dans les cinquante ans à venir sont possibles ou avérés en raison du dérèglement climatique.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Outre que les nouveaux réacteurs nucléaires seront construits dans le périmètre d’INB existantes, il serait difficile d’évaluer précisément le débit des cours d’eau dans les cinquante prochaines années. Une telle disposition ne laisserait aucune souplesse, alors que l’état des connaissances et les techniques de gestion des cours d’eau peuvent évoluer. En outre, interdire toute construction sur toute la longueur d’un fleuve serait excessif étant donné que les prélèvements ne s’opèrent que sur des portions limitées des cours d’eau.

M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit probablement d’un amendement d’appel mais il pose un problème de sécurité juridique. Comment évaluer avec précision la diminution du débit des cours d’eau dans les cinquante prochaines années ? Vous partez du postulat que tous les cours d’eau sont menacés par le dérèglement climatique – ce qui est une pétition de principe – pour interdire la construction de nouveaux réacteurs. Ce n’est pas sérieux ! Décidément, tous les subterfuges juridiques sont bons pour empêcher le développement du nucléaire…

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il serait bon de ne pas prendre les choses à la légère. Le réchauffement climatique est une réalité, et la baisse du niveau de l’eau en est une autre. Il serait irresponsable de construire de nouveaux réacteurs sans disposer d’une étude précise sur le sujet. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) va publier ce mois-ci les conclusions de la recherche approfondie qu’il a menée sur la compatibilité entre le réchauffement climatique et les installations nucléaires – peut-être, d’ailleurs, est-ce pour l’empêcher de mener à bien ce genre de travaux qu’on veut le démanteler. Si l’on implante des centrales à proximité de cours d’eau dont le débit diminue, il y aura des conflits d’usage : on ne pourra plus boire l’eau du robinet, les agriculteurs seront lésés. Mesurons donc les impacts du réchauffement climatique et lançons des études prospectives avant d’investir des milliards dans la construction de réacteurs qui ne pourront pas fonctionner faute de pouvoir être refroidis !

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous soutiendrons cet amendement, qui nous paraît très sérieux, vu l’accélération du dérèglement climatique. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ne cesse de nous alerter sur les enjeux de ce dernier. Comme un amendement qui visait à envisager différents scénarios en fonction du changement climatique a été rejeté, nous pourrions au moins adopter celui-ci.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD41 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit, là encore, de la question des modulations opérées dans le parc nucléaire pour suivi de charge. La spécificité de notre réseau, c’est qu’on y injecte prioritairement de l’électricité issue des énergies renouvelables, ce qui abîme les réacteurs. Nous souhaiterions disposer d’un rapport sur le sujet.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable : je ne souhaite pas multiplier les demandes de rapport au Gouvernement.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Si je comprends bien cet amendement, le nucléaire ne serait donc pas si pilotable ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques. Je profite de cet amendement pour répondre aussi sur le fond au CD42, qui visait à limiter par décret le suivi de charge. Il ne me semble pas que ce soit à l’État d’intervenir en la matière ; c’est à l’exploitant de le faire, en l’occurrence à la Dooat, la direction optimisation amont/aval & trading d’EDF, ne serait-ce que pour pouvoir répondre aux situations d’urgence. Quant à l’usure que le suivi de charge provoque à terme sur les circuits, elle est connue, mesurée et contrôlée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD40 rectifié de M. Pierre Meurin.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable : il ne me paraît pas opportun de demander au Gouvernement un rapport sur l’artificialisation des sols, la question étant abordée dans le projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

 

TITRE II
MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES

 

Article 9 : Le régime particulier des visites décennales

 

Amendements de suppression CD30 de Mme Marie Pochon et CD91 de M. Aymeric Caron.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’exploitant d’une installation doit procéder tous les dix ans à un réexamen de celle-ci, afin de vérifier si elle répond aux règles applicables et d’actualiser les éventuels risques et inconvénients en fonction de l’évolution des connaissances et des normes. L’article 9 procède à une réécriture de ces dispositions dans l’objectif de les rendre plus claires et compréhensibles. Or cet objectif n’est pas du tout atteint, car le dispositif mélange les procédures s’appliquant aux examens décennaux et celles destinées aux réacteurs de plus de trente-cinq ans. Si certaines précisions sont bienvenues – ainsi, l’ASN pourra imposer à l’exploitant de nouvelles prescriptions relatives à la conception, à la construction et à l’exploitation d’installations nécessaires pour la protection de la sécurité, de la santé et de la salubrité publique ou pour la protection de la nature et de l’environnement –, la nouvelle rédaction affaiblit la procédure de contrôle en permettant de ne recourir qu’à une simple déclaration pour les modifications « notables » figurant sur une liste dressée par l’ASN et homologuée par le Gouvernement, alors que le droit actuel prévoit une autorisation pour toute modification. Cela soulève de réelles questions de sûreté. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). J’abonde dans le sens de ma collègue. Déjà, nous pensons qu’il est hasardeux de prolonger la vie de centrales conçues pour ne fonctionner qu’une quarantaine d’années au maximum, mais si prolongation il doit y avoir pour quelques réacteurs et dans le cadre de la transition vers 100 % d’énergies renouvelables, les procédures doivent être extrêmement rigoureuses. Or l’article 9 prévoit, dans des conditions bien trop floues selon nous, une simple déclaration en lieu et place d’une autorisation. Cela nous semble dangereux.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La rédaction actuelle de l’article L. 593-19 du code de l’environnement est insatisfaisante. L’enquête publique obligatoire pour les réexamens décennaux au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement est trop tardive, et cette disposition est enserrée dans la procédure d’autorisation des modifications par l’ASN à la suite de l’envoi par l’exploitant du rapport comportant les conclusions du réexamen.

L’article 9 procède à une clarification essentielle et accorde un rôle plus important à l’enquête publique, qui aura pour objet ce rapport, lequel présente les dispositions que l’exploitant pense prendre pour garantir la sûreté et la poursuite du fonctionnement de l’INB. L’ASN se prononcera après avoir pris connaissance des conclusions de l’enquête publique. C’est pourquoi il importe de maintenir l’article. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD47 de M. Nicolas Ray.

M. Nicolas Ray (LR). Cet amendement prend en considération les réflexions visant à prolonger la durée de vie des centrales jusqu’à soixante ans, ainsi que les travaux du Réseau de transport d’électricité (RTE), qui s’appuient sur de tels scénarios. Il vise à prévoir d’ores et déjà des réexamens au-delà de la cinquante-cinquième année de fonctionnement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Les règles qui s’appliquent au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement s’appliqueront aussi au-delà de la cinquante-cinquième année. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD158 de la rapporteure pour avis et CD18 de M. Jorys Bovet.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je propose de supprimer les précisions relatives à l’enquête publique prévue pour les réexamens au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement.

M. Pierre Meurin (RN). Il importe en effet de corriger cette incohérence.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Pour quels motifs souhaitez-vous supprimer ces alinéas ?

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il est préférable de ne pas rappeler les conditions générales d’organisation et de déroulement des enquêtes publiques prévues au code de l’environnement dans la mesure où, dans le cadre des réexamens décennaux au-delà la trente-cinquième année de fonctionnement, les enquêtes publiques répondent à des prescriptions supplémentaires déterminées par voie réglementaire aux articles R. 593-62-2 et suivants.

Ces prescriptions tiennent au fait qu’il s’agit d’une procédure de réexamen, et non d’autorisation du projet. Il y a donc des dispositions particulières applicables, portant essentiellement sur le contenu du dossier de l’enquête publique et sur l’articulation entre les pouvoirs de l’ASN et ceux du préfet de département.

La rédaction actuelle peut prêter à confusion. D’où la proposition de suppression.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CD125 de M. Bertrand Petit.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à ce que l’analyse par l’ASN du rapport de réexamen décennal ainsi que les prescriptions qui en découlent soient rendues publiques. Il convient d’accroître la transparence des procédures, afin de renforcer la confiance de nos concitoyens s’agissant d’une matière particulièrement sensible et passionnelle. Je précise que l’amendement prévoit des exceptions concernant les matières dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la défense et à la sécurité nationale.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Toutes les décisions que prend l’ASN ont vocation à être publiques, dans un souci d’information et de transparence et parce qu’il s’agit d’actes susceptibles de recours.

Lors des réexamens décennaux, l’analyse par l’ASN des conclusions de l’exploitant n’est pas publique. Elle peut toutefois être demandée par la commission locale d’information ou lui être communiquée. Si l’ASN fait des prescriptions complémentaires, elles sont rendues publiques.

Je ne suis pas favorable à une modification du droit sur ce point.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous répétez ce que vous avez dit plus tôt à mon collègue Gérard Leseul, mais la loi ne prescrit aucune obligation de publicité. L’objet de l’amendement est précisément d’inscrire dans le marbre que ces informations, qui portent sur un sujet extrêmement sensible, sont portées à la connaissance du public, afin que la population puisse être rassurée quant au prolongement de la durée de vie des réacteurs, ce qui me semble la moindre des choses.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). J’ajoute que, compte tenu du projet de démantèlement de l’IRSN et de sa fusion partielle dans l’ASN, notre inquiétude est fondée. Jusqu’à présent, l’IRSN rendait publics ses avis encore indépendants ; avec sa dissolution dans l’ASN, sans inscription de cette obligation de publicité dans le marbre de la loi, comment être certain qu’elle sera bien assurée ? Vous pourriez au moins nous rassurer sur ce point.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Certaines dispositions du code de l’environnement peuvent certainement être encore améliorées, mais les décisions homologuées par le ministre, les prescriptions, la plupart des avis sont rendus publics et les commissions locales d’information en sont informées.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous voterons l’amendement. Le projet de loi peut susciter des inquiétudes au regard de la sûreté, en particulier avec cette fusion de l’ASN et de l’IRSN. Tout ce qui peut contribuer à une meilleure compréhension et aller dans le sens d’une nécessaire transparence sera bienvenu. On a plutôt intérêt à envoyer des signaux en matière de sûreté, car tout ce qui est fait jusqu’à présent est contre-productif.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CD64 de Mme Mathilde Paris et CD92 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit de supprimer l’alinéa 6, qui alourdit les procédures liées à la création de nouvelles installations nucléaires. Les « modifications substantielles » ou « notables » mentionnées se rapportent à des notions floues, difficiles à définir et porteuses de contentieux. Il en résulterait une insécurité juridique dont le développement des installations nucléaires n’a pas besoin.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons aussi de supprimer l’alinéa 6 mais pour des raisons opposées : nous refusons que les dispositions prises par l’exploitant lors des réexamens périodiques soient soumises à un simple régime de déclaration ou à une demande d’autorisation, selon qu’elles sont « notables » ou « substantielles », sans qu’on sache ce que ces termes recouvrent, ni sur quels critères l’ASN se fondera pour les départager. Une modification qui remettrait partiellement en cause le rapport de sûreté ou l’étude d’impact de l’installation nucléaire de base pourrait être entreprise de manière unilatérale, puisqu’il suffirait de la déclarer. Nous n’acceptons pas une telle baisse des exigences en matière de sûreté et de respect des normes en vigueur.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’alinéa 6 a vocation à réécrire le dernier alinéa de l’article L. 593-19 du code de l’environnement, avec notamment cette précision importante que les modifications proposées par l’exploitant dans le cadre des visites décennales doivent être autorisées par l’ASN ou déclarées à l’agence, donc être soumises au régime général. Il ne faudrait pas qu’elle disparaisse du fait de sa suppression.

Mme Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, a déposé un amendement qui réécrit l’alinéa 6 de manière plus satisfaisante. Je vous propose de retirer vos amendements au profit de celui-ci. À défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD13 de M. Jorys Bovet et CD43 de M. Pierre Meurin.

M. Nicolas Dragon (RN). L’amendement de M. Bovet revient à la rédaction initiale du Gouvernement – celle du Sénat l’a alourdie en introduisant de nouvelles listes et de nouveaux acteurs qui interviennent dans les discussions. L’alinéa proposé répond aux mêmes obligations et aux mêmes codes que dans le cas d’une modification ou disposition quelconque de la part de l’exploitant.

M. Pierre Meurin (RN). Mme la rapporteure pour avis a annoncé une nouvelle rédaction : j’ai hâte de voir si elle revient à celle du texte initial. Si tel est le cas, autant donner un avis favorable aux amendements.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je vous suggère plutôt de les retirer. Au-delà des considérations de forme, l’amendement de la commission des affaires économiques proposera une meilleure rédaction. Elle est nécessaire pour clarifier l’application de ces deux articles.

M. Pierre Meurin (RN). Quel en sera le contenu ? Si la rédaction nous satisfait, nous pourrons retirer nos amendements.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je ne peux me prononcer que sur les amendements qui me sont présentés.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD117 de Mme Mathilde Paris.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je m’opposerai à toute demande de rapport : nous disposons de nombreuses informations sur l’état des installations nucléaires. Le Parlement peut également effectuer un travail d’information et de contrôle. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

 

Après l’article 9

 

Amendement CD109 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement vise à créer un principe de non-régression en matière de sûreté nucléaire, à l’instar du principe de non-régression en matière environnementale. Il s’agit de s’assurer de la progression constante des normes de sûreté nucléaire afin de limiter au maximum le risque d’incidents. Cet amendement peut sembler de dentelle mais il faut continuer d’envoyer des signaux pour rassurer les Français en matière de sûreté.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’amendement est satisfait : on ne peut pas imaginer que les normes de sûreté nucléaire ne soient pas constamment améliorées pour garantir la protection des populations et de l’environnement. Une régression n’est pas envisageable. Avis défavorable.

M. Gérard Leseul (SOC). Je soutiens l’amendement. Il s’agit d’un bon principe, que nous devrions intégrer plus souvent dans nos législations car nous ne sommes jamais à l’abri d’une régression, d’un oubli ou d’une volonté de moindre protection.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD118 rectifié de M. Gérard Leseul et CD115 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune).

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à affirmer dans la loi le principe d’une organisation duale de la sûreté nucléaire, avec l’ASN, d’une part, et l’IRSN, d’autre part. Cela pose le principe d’une non-dissociation des missions d’expertise et de recherche, la seconde étant essentielle à la qualité de la première.

Il s’agit de nous prémunir de toute modification intempestive d’un dispositif qui fonctionne correctement depuis plus de quinze ans et contre lequel aucun élément négatif n’est connu – le Conseil d’État l’a déjà dit. La confiance ne dispense pas du contrôle.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Dans la même logique, nous proposons d’ajouter un article qui affirme l’indépendance de l’établissement chargé des missions d’expertise dans le domaine de la sécurité nucléaire vis-à-vis de l’établissement exerçant les missions de contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires. En 2014, la Cour des comptes a estimé que « la fusion des deux organismes constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. »

Nous sommes surpris par le calendrier choisi ainsi que par les signaux et contre-signaux envoyés – le texte a été présenté, débattu et voté au Sénat sans cette proposition de fusion. C’est parce que nous nous interrogeons sur le choix du véhicule législatif que nous avons déposé cet amendement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. J’entends votre recherche d’un système efficace, garantissant un haut niveau de sécurité, ainsi que les inquiétudes des personnels de l’IRSN. Cependant, acter dans la loi la répartition actuelle des missions entre l’ASN et l’IRSN figerait un système qui pourrait devoir évoluer. Celui-ci a certes montré ses qualités, mais il existe d’autres organisations du contrôle de la sûreté des installations nucléaires dans le monde.

Le projet du Gouvernement est de renforcer l’ASN, en lui confiant la mission d’expertise et de recherche actuellement dévolue à l’IRSN. Cela ne compromettra pas la qualité des expertises, ni la séparation entre cette activité et celle de contrôle, dans le cadre de laquelle les décisions sont prises en collège. En outre, les métiers de la sûreté nucléaire et de la recherche, qui exigent des compétences pointues, y gagneront en attractivité.

Le projet de loi organise l’architecture future mais laisse plusieurs mois de concertation pour que les activités soient transférées dans les meilleures conditions – M. Jean-Christophe Niel, directeur de l’IRSN, l’a confirmé lors de son audition. Un groupe de travail se réunira jusqu’en juin pour consolider les compétences et fluidifier les procédures. De plus, le Gouvernement encadre strictement le transfert des salariés de l’IRSN vers l’ASN.

Je suis donc défavorable aux amendements, afin de ne pas figer le mode d’organisation actuel dans la loi.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Lors de leur audition, les deux représentants de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) se sont montrés plus que méfiants vis-à-vis de la fusion. Ils ont notamment fait valoir qu’aucun rapport n’a relevé de déficience du système dual. Si l’on veut démanteler ce système, il faudra expliquer ce qui ne fonctionne pas et qui justifie de le changer.

Ces organisations ont eu douze jours pour rendre leur avis sur un projet de fusion qui remet en cause plus de quinze ans d’existence et d’exercice. Parmi les 1 800 salariés que compte l’IRSN, près d’un millier s’est réuni en assemblée générale du personnel et 700 se sont mis en grève et ont manifesté. Ils sont inquiets pas seulement pour leur statut et leurs conditions de travail, mais aussi pour la sûreté et la sécurité nucléaires, du fait du saucissonnage de la recherche et de l’expertise – certains se disent prêts à partir si cela arrive – ainsi que de la fusion de l’expertise et du contrôle. Plus fondamentalement, ils sont inquiets du changement de doctrine sur la sûreté et la sécurité nucléaires, et l’analyse du risque. De la doctrine déterministe en vigueur, on évoluerait vers une analyse probabiliste, comme aux États-Unis où un organisme fusionné est en place.

C’est pourquoi nous soutenons les amendements.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Casser quelque chose qui marche au moment où l’on veut relancer le nucléaire et où il faut vérifier la sûreté de centrales vieillissantes, est une erreur grave. L’acceptation du nucléaire dans notre pays tient à la régulation et à la sûreté. En 1986, la France, pays parmi les plus nucléarisés au monde, avait été la risée de tous en matière de sûreté : prétendant que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à ses frontières, elle n’avait pas protégé les Français et les avait laissés consommer leurs salades. Tous les autres pays européens avaient pris des dispositions. Il a fallu presque quarante ans pour élaborer notre système dual de sûreté du nucléaire, qui est reconnu internationalement aujourd’hui.

Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, on est pour un système de sûreté performant. Pourquoi tout bousculer et casser en quatre semaines ? La manifestation que tous les syndicats de l’IRSN ont organisée aujourd’hui a été rejointe par des syndicalistes du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), d’Orano et de Framatome. Les industriels de la filière du nucléaire sont donc tout aussi inquiets de cette disposition présentée à la hussarde.

Si des réformes doivent être menées, elles doivent l’être de manière concertée, avec l’ensemble des acteurs. Il faudra montrer ce qui a besoin d’être changé. Certes, le plan de charge est plus important, mais ce sont plus de moyens qu’il faut y consacrer. Il n’est pas possible de placer la recherche sur la sûreté nucléaire sous le même joug que la police et le contrôle du nucléaire, car alors nous n’aurons plus les recherches approfondies dont nous avons besoin. Le groupe de travail de l’IRSN sur les effets du réchauffement climatique, par exemple, est essentiel pour faire fonctionner les centrales, si l’on veut en construire à l’avenir – ce n’est pas la voie que je défends.

L’intérêt général est ici en jeu. Cette proposition change considérablement la nature du projet de loi. Qu’on soit pour ou contre le nucléaire, j’appelle à s’interroger sur son fondement et sur la manière dont elle bousculera le système, avec des conséquences graves à la clé. Mais les responsables politiques qui prennent ces décisions à la hussarde ne seront plus en place à ce moment-là.

M. Gérard Leseul (SOC). Le Gouvernement n’est pas sérieux à vouloir modifier l’existant par voie d’amendement. Madame la rapporteure pour avis, d’un côté, vous contestez que l’on fige dans la loi une organisation duale ; de l’autre, vous soutenez un changement dans la loi : je ne comprends pas cette logique.

Sur la question, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst), office transpartisan destiné à éclairer les décisions des parlementaires sur les choix scientifiques et techniques des pouvoirs publics, a émis six recommandations à l’issue d’une table ronde à laquelle participaient notamment les représentants du CEA, d’EDF, d’Orano, de l’IRSN, de l’ASN et de l’Anccli. Sans écarter la possibilité d’une autre organisation ni se prononcer sur les modalités qui pourraient éventuellement être modifiées, il estime que « la réforme ne peut pas faire l’économie de la plus grande transparence quant aux forces et aux faiblesses du système de contrôle actuel ; faute d’un diagnostic préalable complet, rigoureux et rapidement rendu public, le risque est de faire apparaître ce projet, au mieux comme un simple “meccano administratif”, au pire comme un moyen de ne pas faire obstacle aux objectifs fixés à la filière pour le renouveau du programme électronucléaire national ».

Nous n’avons pas les éléments pour apprécier valablement s’il faut ou non changer le dispositif actuel, qui fonctionne depuis plus de quinze ans et a rassuré en grande partie les Françaises et les Français. Il faut être raisonnable dans les décisions que nous prenons et les textes que nous votons. Nous ne pourrons pas bricoler ni jouer au meccano avec des amendements.

C’est pourquoi nous vous proposons de figer le système actuel jusqu’à ce qu’une discussion permette de remettre le dispositif sur la table.

M. Pierre Meurin (RN). Je ne comprends pas que cette mesure ait été ajoutée au texte à la dernière minute, échappant aux discussions au Sénat, donc à la transparence des débats ainsi qu’à tous les filtres précédant l’entrée en discussion. Nous ne sommes pas opposés au principe de simplification mais, faute de garantie d’efficacité et de travail sérieux sur la fusion, nous nous rallions à ces amendements. Si des clarifications et des garde-fous sont présentés d’ici à la séance, cette position pourra être revue.

M. David Valence (RE). La dissociation entre l’IRSN et l’ASN sécurise-t-elle davantage qu’une structure unique ? Je n’ai entendu aucun argument qui aille dans ce sens. Outre que pérenniser l’existence d’un établissement public, industriel et commercial (Épic) dans la loi est singulier en droit, cela crée aussi une forme de suspicion dommageable envers l’ASN.

Même si l’expression libre des chercheurs et celle du directeur général de l’IRSN donnent une impression d’indépendance, un Épic est soumis à l’autorité de plusieurs ministères. Au contraire, une autorité administrative indépendante est, en droit, l’organisme le plus indépendant de l’État : il est juridiquement et constitutionnellement consacré.

Il s’agit de rapprocher les compétences d’expertise d’une autorité administrative indépendante qui en est parfois trop éloignée pour exercer efficacement ses missions de contrôle. Agiter la méfiance et la crainte à l’égard d’un assouplissement des règles en matière nucléaire ne paraît pas à la mesure de ce qui est proposé. Voter une dissociation pérenne dans la loi est exorbitant et contrevient à la sécurité que souhaitent les Français : celle-ci sera mieux garantie par une autorité administrative indépendante que par un Épic.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). En quoi l’organisation actuelle pose-t-elle un problème ? Vous jouez certes votre rôle d’accompagnement de la mesure, mais de nombreux collègues de la majorité, autres que ceux des groupes Démocrate et Horizons qui ont exprimé leurs doutes dans la discussion liminaire, ne comprennent ni le calendrier ni la méthode choisis.

Quant à la concertation évoquée par Mme la rapporteure pour avis, si tout est décidé à l’avance, ce n’en est pas vraiment une. Considérons cependant l’argument comme de bonne foi : reportons la proposition de fusion à la discussion de la loi de programmation énergie-climat, pour laisser le temps à la concertation, créer les conditions d’un débat apaisé et peut-être rassurer. Je mets en garde ceux qui sont pro-nucléaires : déstabiliser le système de sûreté peut avoir un effet contre-productif.

Avec la réforme des retraites, vous semblez vous être habitués à l’adversité. Le projet de loi paraissait-il si consensuel, hormis l’avis des groupes LFI et Écolo, que vous ayez voulu rajouter un peu de difficulté ?

Sans remettre en cause la volonté d’accélérer, j’invite tous ceux qui considèrent la question comme centrale, à voter l’amendement de M. Leseul, mieux écrit que le mien, afin de nous donner une chance supplémentaire d’être compris et entendus.

M. Jean-Luc Fugit (RE). M. Gérard Leseul n’a pas rapporté tous les arguments échangés à l’Opecst lors des auditions des acteurs du nucléaire. L’office, qui atteint cette année ses quarante ans, est né des travaux de suivi du secteur nucléaire, et l’IRSN et l’ASN sont apparus au fur et à mesure de la structuration du secteur. C’est par conviction, et non par dogmatisme ou en vertu de telle ou telle commande, que je rejoins David Valence.

L’ASN est une autorité qui s’appuie sur des expertises – celles de l’IRSN dans les trois-quarts des cas. Entre le premier communiqué du Gouvernement, le 8 février, et le 23 février, il y a eu des discussions, des auditions conduites par l’Opecst, des échanges avec les parlementaires, pour essayer de comprendre. Le communiqué du 23 février, en apportant des précisions, des principes, a montré une évolution. Cet après-midi, l’Opecst a voté, à l’unanimité des présents, que les trois grands principes avancés par le Gouvernement pour un rapprochement entre l’ASN et l’IRSN allaient dans le bon sens pour sécuriser une réforme potentielle visant à renforcer l’ASN pour consacrer son indépendance.

L’amendement que le Gouvernement soumettra à la commission des affaires économiques n’est pas un point d’arrivée – ce que, comme vous, j’avais d’abord cru. C’est, au contraire, le point de départ d’une stratégie de construction sur quinze mois, de structuration progressive du rapprochement entre experts de l’IRSN et l’autorité ASN – avec, au milieu, le CEA –, pour rassembler à la fois l’expertise, la recherche et la production d’avis.

Qui mieux que le Parlement peut assurer le suivi de cette structuration ? L’Opecst en serait le lieu approprié puisqu’il réunit les deux chambres et garantit la diversité des groupes ; son indépendance ne peut pas être mise en doute. Nous pouvons lui confier dans la loi – je l’ai fait en tant que corapporteur de la loi d’orientation des mobilités – la mission d’évaluer régulièrement la nouvelle organisation de la sûreté nucléaire. Rien n’empêcherait ensuite un parlementaire de déposer une proposition de loi pour corriger d’éventuels problèmes.

Je souhaite rétablir la vérité sur un point : les personnels de l’IRSN qui rejoindront l’ASN pourront choisir entre le maintien de leur contrat de droit privé ou la signature d’un contrat de droit public.

J’espère que le rapport de l’Opecst permettra d’éclairer les débats et de nuancer les positions qui sont jusqu’à présent très tranchées.

Pour ma part, j’aurais été ennuyé s’il avait été question de placer l’ASN, autorité administrative indépendante, sous l’autorité de l’IRSN, placé sous tutelle ministérielle. Or le projet, prévu pour se développer dans un délai de quinze à dix-huit mois, est inverse : il s’agit de renforcer les capacités d’expertise de l’ASN.

Les amendements ne sont pas bienvenus, car ils figent une organisation donnée dans la loi. Il faut laisser le débat se poursuivre.

M. Pierre Vatin (LR). Ma surprise tient d’abord à la précipitation avec laquelle le Gouvernement avance ses propositions. Le cabinet de la ministre de la transition énergétique m’a appelé hier pour me demander de ne pas voter les amendements déposés au sein de notre commission.

Il est regrettable que les amendements gouvernementaux n’aient pas été soumis au Sénat. Le calendrier législatif aurait pu être modifié après les déclarations du Président de la République et la réunion du conseil de politique nucléaire en février.

L’indépendance des autorités administratives n’étant pas sujette à caution dans notre droit, nous ne sommes pas opposés à la fusion de l’IRSN et de l’ASN. Nous verrons ce qu’il ressort des débats en commission des affaires économiques et dans l’hémicycle.

Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques. Le projet de loi ne doit en aucun cas porter atteinte d’une quelconque façon à la sûreté. Chacun en est conscient, quelle que soit sa position sur le nucléaire. Sachez que le Gouvernement et les rapporteures y veilleront.

Ce n’est pas à 23 heures que nous devons choisir le modèle – dual ou plus intégré – de sûreté que nous souhaitons pour le parc nucléaire français historique et futur. Cela ne nous interdit pas d’y réfléchir, d’autant que l’organisation de la sûreté en France a évolué au cours des quarante dernières années. L’amendement présente l’inconvénient majeur de graver dans le marbre un mode de fonctionnement. Or les centrales nucléaires ne sont pas des usines de chocolat. Nous avons besoin d’entendre le Gouvernement et d’échanger avec lui.

Je vous lis le passage du rapport de la Cour des comptes qui précède celui qui a été cité : « Bien que des efforts aient été accomplis par l’ASN et l’IRSN ces dernières années pour développer leur coopération, des tensions récurrentes subsistent. La dispersion des ressources budgétaires, les actions de communication non concertées, l’absence d’orientations communes dans le domaine de la recherche, réduisent les marges de progression de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. »

Le modèle intégré n’est peut-être pas parfait, mais il y a de bonnes raisons de réfléchir sur le modèle actuel. L’adoption de l’amendement nous l’interdirait. J’espère que les débats nous permettront de trouver une solution satisfaisante. En matière de sûreté, c’est un principe de responsabilité que de ne pas légiférer dans la précipitation.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé de déposer des amendements sur l’IRSN dans ce texte ? Quelle urgence y a‑t-il ? Nous attendons les réponses.

M. Fugit a parlé d’un point de départ. Nous préférerions que soit inscrit dans la loi le point d’arrivée, une fois achevées les négociations pour lesquelles vous évoquez une durée de quinze à dix-huit mois. Quelle est l’urgence, alors que le projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat dont l’examen est prévu prochainement semble un véhicule idéal ?

Enfin, madame la rapporteure Bregeon, l’amendement du Gouvernement n’aura-t-il pas le même effet que celui que vous reprochez à l’amendement du groupe Socialistes et apparentés, à savoir figer un mode de fonctionnement ?

Pourquoi ne pas attendre de disposer d’éléments suffisants sur la pertinence de l’organisation proposée pour nous prononcer ?

L’amendement CD115 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD118 rectifié.

Amendement CD124 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à organiser la participation du public dans le cadre des procédures de réexamen décennales des installations nucléaires de base.

Faire l’économie du débat public ou vouloir le contourner affecte inévitablement la confiance de nos concitoyens. La CNDP a démontré à plusieurs reprises sa capacité à organiser des débats sereins en apportant des arguments scientifiques et étayés.

La participation du public doit être prévue tout au long de la durée d’exploitation d’une centrale, dans un souci de transparence et de démocratie. Il convient de respecter l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je me suis aussi interrogée sur l’organisation d’un débat public dans le cadre des réexamens décennaux.

Néanmoins, les conditions de saisine de la CNDP ne relèvent pas du domaine de la loi. Par ailleurs, il est toujours possible à l’exploitant de demander à la CNDP d’organiser un débat public ou de garantir une concertation qu’il organiserait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD108 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Il s’agit d’étendre à la dégradation d’un des composants non remplaçables les motifs pour lesquels le fonctionnement d’une installation nucléaire peut être suspendu.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’article L. 593-21 du code de l’environnement que modifie votre amendement précise les conditions dans lesquelles le ministre chargé de la sûreté nucléaire peut suspendre le fonctionnement d’une installation. Il peut le faire en cas de risques graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 : la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD116 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). La localisation des centrales doit répondre à des contraintes techniques – emprise spatiale ou besoins de refroidissement. Pourtant, le choix des sites est souvent dicté par l’acceptabilité sociale.

L’amendement tend à demander au Gouvernement d’établir une cartographie des sites potentiels pour l’implantation de nouvelles centrales nucléaires. Présentant les avantages et les inconvénients de chacun d’eux, celle-ci permettra d’éclairer les futurs choix, au-delà des six réacteurs déjà annoncés.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Indépendamment de l’intérêt de votre proposition, il n’est pas possible d’adresser une telle injonction au Gouvernement. Vous devriez plutôt demander un rapport.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CD93 de M. Maxime Laisney.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les moyens alloués à la CNDP – pour que Mme la rapporteure pour avis n’ait pas à le refuser, vous n’avez qu’à les augmenter directement.

Actuellement, la CNDP ne compte que douze équivalents temps plein. En 2019, 180 décisions ont été rendues et 135 garants désignés pour suivre les débats. En 2021, dix-sept délégués régionaux ont été installés. L’activité de la CNDP a été multipliée par six en trois ans sans hausse de moyens.

Lors de son audition, Mme Chantal Jouanno, sa présidente, a confirmé le besoin de moyens supplémentaires pour que la commission assure ses missions dans le cadre de la prolongation des centrales existantes et de la création de nouvelles installations nucléaires de base.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je partage votre volonté d’évaluer les moyens nécessaires à la CNDP. Néanmoins, il n’est pas besoin de demander un rapport, car le Parlement dispose des outils pour faire ce travail.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 9 bis : Les données étudiées dans les rapports de sûreté lors de la demande de création et des réexamens

 

Amendement de suppression CD44 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). L’article 9 bis s’apparente à du babillage législatif. Peu clair et bancal sur le plan juridique, il risque de faire naître des incompréhensions chez les acteurs de la filière ainsi que des contentieux. Il va à l’encontre de l’esprit du texte, qui est d’accélérer les procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je suis opposée à la suppression de l’article introduit par le Sénat. Il complète utilement les articles L. 593-7 et L. 593-18 du code de l’environnement en précisant que l’état des connaissances scientifiques comprend notamment celles sur le dérèglement climatique et ses effets, qui font peser des risques de plus en plus importants sur les installations.

M. Pierre Meurin (RN). Le dérèglement climatique et ses effets sont déjà pris en considération par tous les acteurs, ne serait-ce que pour le bon fonctionnement des installations. Personne ne construira une centrale qui risque d’être submergée par l’eau. L’article 9 bis est superfétatoire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’article 9 bis concerne l’état des connaissances. Nous ne savons pas tout, nous apprenons en marchant.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD77 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement vise à supprimer les alinéas 1 à 7 afin de pas alourdir inutilement le projet de loi. L’ASN prend déjà en considération tous les éléments liés au changement climatique pour délivrer l’autorisation de création et ce, pour toute la durée de l’exploitation.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD51 de M. Antoine Villedieu.

M. Antoine Villedieu (RN). Il s’agit d’un amendement de repli.

Vous semblez préférer la notion de dérèglement climatique à celle de changement climatique. Pourtant, faute de définition, celle-ci reste sujette à interprétation. Elle peut être entendue de manière raisonnable et restrictive pour adapter les installations aux intempéries et aux spécificités climatiques d’un territoire. Elle peut aussi être interprétée de manière extensive et idéologique, à l’instar des écologistes et de la France insoumise, et s’appuyer sur les simulations les plus catastrophistes pour faire de l’obstruction systématique à toute installation.

De nombreuses associations pourraient s’abriter derrière le dérèglement climatique pour demander que s’applique à tort et à travers le principe de précaution et ainsi empêcher l’accélération du développement du nucléaire en France.

L’amendement a donc pour objet de substituer à la notion de dérèglement climatique celle d’aléa climatique qui est déjà connue d’un grand nombre d’acteurs. Cette dernière permet de tenir compte des risques climatiques raisonnablement prévisibles sans céder aux fantasmes idéologiques.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le terme d’aléa climatique ne convient pas dans la mesure où il ne reflète pas un processus général de dérèglement du climat. Les connaissances scientifiques sont relatives au dérèglement climatique et non aux aléas.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le dérèglement climatique n’est pas un prétexte pour faire de l’obstruction, il est une réalité, qu’on le veuille ou non.

La prolongation ou l’installation de réacteurs nucléaires doit prendre en compte les réalités physiques que, pour certaines, nous connaissons déjà : l’eau est indispensable pour refroidir ; certaines zones côtières risquent d’être inondées.

À Fukushima, c’est la conjonction d’éléments, lesquels avaient été pris en considération séparément, qui a conduit à une catastrophe d’une ampleur imprévisible.

Il ne s’agit pas d’entraver la filière nucléaire mais d’imposer, dans un des pays les plus nucléarisés au monde, des normes de sécurité et de sûreté cohérentes avec la réalité.

Vos amendements sont dangereux. Le dérèglement climatique est une réalité et le nucléaire n’y changera rien ; il peut même être un danger supplémentaire.

M. Nicolas Dragon (RN). Il nous faut choisir entre dérèglement climatique et changement climatique, car ce n’est pas tout à fait pareil.

Quant à Fukushima, le dérèglement climatique n’y est pour rien. C’est un tremblement de terre exceptionnel, de magnitude 9, qui a provoqué un raz de marée, lequel a causé l’accident.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Certains discours sont difficiles à entendre.

Le président de l’ASN a déclaré en 2022 : « Un accident nucléaire est toujours possible et ceux qui prétendraient le contraire prennent une grande responsabilité ». Lors de son audition par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a estimé qu’un accident exactement tel que celui de Fukushima ne pourrait vraisemblablement pas se produire en France du fait de l’absence de risque de tsunami, mais elle a aussi souligné le risque induit par une série de suraccidents créant une situation de potentiel emballement. Arrêtez de dire le contraire !

M. Antoine Villedieu (RN). Je suis toujours stupéfait de la passion qui vous anime pour imposer des règles dans un domaine que nous ne maîtrisons absolument pas, celui du climat.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD15 de M. Jorys Bovet.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous souhaitez que la démonstration de sûreté tienne compte de la vulnérabilité de l’installation nucléaire. Votre amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD135 de la rapporteure pour avis.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La mention d’agressions internes laisse penser que le dérèglement climatique peut à la fois causer et aggraver des agressions qui auraient une origine interne à l’installation nucléaire. Il est préférable de ne mentionner que les agressions externes.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CD126 de M. Stéphane Delautrette.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Il s’agit de préciser que la démonstration de sûreté nucléaire doit prendre en considération la disponibilité de la ressource en eau. L’eau est indispensable au refroidissement des installations et du combustible. Compte tenu de la diminution progressive des précipitations et des conflits d’usage croissants, l’appréciation de l’évolution de cette ressource est un enjeu majeur.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Si votre amendement vise à prendre en compte les effets du dérèglement climatique sur la disponibilité de la ressource en eau, il me semble que cela est sans rapport avec le fonctionnement des centrales nucléaires et les articles L. 593-7 et L 593-18 du code de l’environnement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD95 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’article 9 bis est l’un des rares à aller dans le bon sens. Nous nous félicitions que la résilience au changement climatique soit prise en considération lors de l’examen des demandes d’autorisation de création.

L’amendement vise, d’une part, à ajouter aux éléments pris en compte les « risques identifiés à la lumière des connaissances scientifiques », et, d’autre part, à remplacer le mot « prévisible » par « potentielle » s’agissant de la durée de vie de l’installation. Il cherche ainsi à renforcer la précaution et à adapter le vocabulaire à la perspective d’une prolongation de la durée de vie des centrales.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Votre amendement est satisfait. Aux termes de l’article 9 bis, il est tenu compte des connaissances scientifiques et techniques du moment, « dont celles sur le dérèglement climatique ».

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD138 de la rapporteure pour avis, CD32 et CD31 de Mme Marie Pochon et CD67 de Mme Annick Cousin (discussion commune).

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La précision sur les équipements de l’installation nucléaire de base ne relève pas du niveau de la loi. De plus, elle impose une contrainte importante à l’exploitant qui devra démontrer que tous les équipements doivent résister à des agressions externes d’origine climatique d’une gravité extrême et à des inondations. Or, en cas d’événements climatiques portant atteinte à l’installation nucléaire, tous les équipements n’ont pas vocation à devoir fonctionner.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). L’intégration des nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique est une nécessité.

L’étude de vulnérabilité ne porte que sur un temps très court et ne prend pas en considération la durée de vie du réacteur. Il est donc proposé de l’étendre à la vie complète du réacteur depuis sa construction jusqu’à son démantèlement.

L’amendement CD32 vise également à élargir le cadre de l’étude, en insistant sur la prise en compte de la ressource en eau, des rejets thermiques et des polluants. La succession des vagues de chaleur et la sécheresse affectent le fonctionnement de certaines centrales nucléaires françaises. En raison des fortes chaleurs de l’été dernier, les centrales nucléaires du Blayais, de
Saint-Alban-Saint‑Maurice, de Golfech, du Bugey et du Tricastin ont ainsi bénéficié de dérogations environnementales portant sur les températures de rejet d’eau, malgré de possibles effets néfastes pour l’environnement. Il s’agit aussi de rendre publique la démonstration de sûreté, qui inclut la vulnérabilité des centrales nucléaires face au changement climatique.

L’amendement CE31, de repli, élargit le cadre de l’étude en insistant sur la prise en compte des risques de sécheresse et sur la question des ressources en eau, ce qui constitue une bonne manière d’intégrer cet enjeu capital pour l’industrie nucléaire que sont les changements climatiques. La démonstration de sûreté doit être rendue publique.

Mme Annick Cousin (RN). Outre les inondations, il convient également de mentionner, à l’autre extrémité, les sécheresses.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le public peut consulter le rapport de sûreté dans le cadre de l’enquête publique mais aussi des conditions définies par le préfet. Le b) de l’alinéa 4 comprend toutes les dispositions nécessaires.

Avis défavorable aux amendements CD32, CD31 et CD67.

La commission adopte l’amendement CD138.

En conséquence, les amendements CD32, CD31 et CD67 tombent.

 

Amendement CD112 de Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Pour les installations nucléaires existantes, nous proposons de porter une attention particulière à la question de l’eau compte tenu des risques de moindre disponibilité de cette ressource.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Ce sujet est particulièrement prégnant. Une attention particulière y est portée en l’état actuel de l’article 9 bis, donc de l’article L. 593-7 du code de l’environnement. Ou bien c’est la raréfaction de la ressource en eau qui pourrait compromettre la sûreté de l’installation nucléaire de base et, dans ce cas, l’alinéa 4 permettra de l’évaluer dès lors que les effets du dérèglement climatique le seront dans leur ensemble, ou bien le fonctionnement de l’installation nucléaire a une incidence sur la ressource en eau et nous pourrons en évaluer les conséquences, c’est-à-dire les risques que l’installation présente. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD73 de M. Nicolas Thierry.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’ai de plus en plus de mal à croire que vous soyez convaincus de la réalité du changement climatique puisque vous avez rejeté tous les amendements qui le prennent en compte.

Des dérogations aux limites de rejets thermiques sont d’ores et déjà autorisées, ce qui soulève des problèmes en termes de biodiversité. Il convient donc de disposer d’une étude d’impact avant de prolonger les réacteurs.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Cet amendement n’a pas sa place à l’article L. 593-7 du code de l’environnement, dès lors que l’installation nucléaire de base ne fonctionne pas encore et que seule une évaluation de l’impact des rejets thermiques à venir sera effectuée.

De plus, les rejets thermiques des centrales nucléaires sont réglementés pour que l’élévation de la température du cours d’eau en aval des centrales soit maîtrisée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD94 de Mme Aurélie Trouvé.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Vous cherchez par tous les moyens à faciliter et à accélérer les procédures d’installation des centrales mais il importe de renforcer les garanties permettant de veiller à ce que le site fléché pour les construire ne soit pas affecté par l’un des effets du dérèglement climatique.

Non, le nucléaire n’est pas une énergie résiliente, comme l’illustrent les épisodes de sécheresse que nous avons connus cet été, avec la mise à l’arrêt de près de 50 % des réacteurs et la nécessité de réduire la production afin de ne pas provoquer un échauffement de l’eau rejetée.

L’heure n’est donc pas à la facilitation des procédures d’installation mais à la planification de la sortie du nucléaire. Ces lourds investissements en faveur du nucléaire, au détriment des énergies renouvelables, ne sont pas bons pour le climat et l’inverse est également vrai : le climat n’est pas bon pour le nucléaire.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. De nombreux événements climatiques ne sont pas prévisibles à long terme. Dans tous les cas, les installations nucléaires sont conçues pour résister aux effets du dérèglement climatique qui compromettraient leur sécurité. De plus, les conséquences de ce dernier sur l’environnement sont prises en compte et évaluées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD17 de M. Jorys Bovet.

M. Pierre Meurin (RN). Les centrales nucléaires sont l’objet de menaces nouvelles comme les tentatives d’intrusion de la part d’activistes dont les méthodes sont violentes et mettent en cause la sécurité nationale. Il convient donc d’être vigilants sur le danger que représentent ces « milices écologistes ».

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je peux comprendre ce point de vue mais il est à craindre que, si votre amendement était adopté, l’article L. 593-18 du code de l’environnement sur les réexamens décennaux doive lister tous les types d’événements que l’exploitant doit prendre en compte pour réévaluer la sûreté de l’exploitation de l’installation. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le mouvement écologiste est pacifique et défend l’intérêt général. Les actions qui ont été menées par des organisations comme Greenpeace ne visaient qu’à mettre en évidence les failles de la sécurité des installations nucléaires. J’aimerais que l’on cesse d’associer l’écologie à la violence !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD96 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Le dérèglement climatique implique des risques spécifiques pour les installations nucléaires qui vont se multiplier, qu’il importe d’anticiper.

Le Gouvernement propose que nous nous lancions bille en tête dans la relance nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs, alors que chaque nouveau rapport du Giec est plus alarmant que le précédent et que l’on prévoit une montée des eaux à brève échéance, donc des risques d’inondation, qui toucheront notamment les centrales en bord de mer, comme celle du Blayais, qui aura sans doute les pieds dans l’eau dès 2050.

Par ailleurs, nous connaissons une sécheresse inédite. Selon les scientifiques, le débit du Rhône pourrait baisser de 40 % dans les trente prochaines années alors que, comme chacun sait, nous avons besoin d’eau pour refroidir les réacteurs. Bref, le nucléaire n’est en rien résilient face aux changements climatiques.

Non seulement nous maintenons que ce projet de loi est rétrograde et inquiétant, mais nous demandons que, pour les installations nucléaires, les risques nouveaux dus aux changements climatiques soient spécifiquement mentionnés et pris en compte.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Votre amendement, me semble-t-il, est satisfait. En prenant en compte le dérèglement climatique, les risques nouveaux qui pourraient survenir, de fait, sont également pris en compte. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je le maintiens, car nous voulons ajouter la notion de risques spécifiques aux centrales nucléaires liés au dérèglement climatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD16 de M. Jorys Bovet.

M. Pierre Meurin (RN). À l’alinéa 7, il convient de substituer aux mots : « des effets du dérèglement climatique sur la nature, l’intensité et le cumul des agressions internes et externes », les mots : « de la vulnérabilité des installations nucléaires », la notion de vulnérabilité étant beaucoup plus précise.

La vulnérabilité d’une installation, en effet, désigne le niveau d’effet prévisible d’un phénomène naturel – l’aléa – sur des enjeux comme l’activité humaine ou la centrale nucléaire. Plus les aléas climatiques sont élevés dans une zone à forts enjeux, plus l’installation est vulnérable.

La notion de vulnérabilité prend également en compte ces différents facteurs que sont la nature de l’aléa, son intensité et sa fréquence, cette dernière variable ne l’étant pas dans cet alinéa.

Enfin, cette nouvelle rédaction permet de ne pas utiliser les termes d’« agressions internes et externes », qui ont une connotation négative, alors que le terme d’« aléas » est juridiquement plus approprié.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Une telle substitution impliquerait que la démonstration de sûreté doive tenir compte de la vulnérabilité de l’installation nucléaire, ce qui est nécessairement satisfait, l’exploitant devant prouver la robustesse de l’exploitation dont il souhaite qu’elle soit autorisée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD74 de M. Nicolas Thierry.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à intégrer à la procédure de réexamen décennal d’une installation nucléaire les nouveaux risques liés aux dérogations aux limites de rejets thermiques dans l’environnement en période de canicule. La prolongation d’installations existantes impliquera en effet des dérogations dont les conséquences seront graves sur la biodiversité, tout aussi importante pour notre survie que le dérèglement climatique. Je vous invite à reconsidérer vos choix.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Votre amendement n’a pas sa place à l’article L. 593‑18 du code de l’environnement relatif aux réexamens décennaux et à la démonstration de sûreté qui est faite dans ce cadre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD113 de Mme Lisa Belluco.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Une attention particulière doit être portée aux effets de la raréfaction de la ressource en eau à l’occasion des différents réexamens.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Cette question est en effet prégnante mais mon avis sera à nouveau défavorable, le code de l’environnement y étant attentif.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ni l’article L. 593-18 ni l’article L. 593-7 n’en font état. Nous proposons une inscription explicite dans la loi. Tant mieux si notre demande est satisfaite puisque cela ne changera rien à l’étude qui sera réalisée mais, au moins, tout le monde sera rassuré.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’article L. 593-18 dispose que « Ce réexamen doit permettre d’apprécier la situation de l’installation au regard des règles qui lui sont applicables et d’actualiser l’appréciation des risques ou inconvénients que l’installation présente… ». Une telle actualisation implique la prise en compte de cet élément.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD68 de Mme Annick Cousin.

Mme Annick Cousin (RN). Je propose de créer des retenues d’eaux pluviales aux abords des centrales nucléaires. Elles pourraient contribuer au refroidissement des réacteurs et à la réfrigération des tours.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Avis défavorable, la création de retenues d’eau pour un système déterminé ne me paraissant pas un outil adéquat pour assurer une bonne gestion de la ressource en eau et limiter les risques liés à la sécheresse.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je pense que cet amendement est du domaine de la blague et j’invite à voter contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD104 de Mme Christelle Petex-Levet.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Dans un souci d’approche globale des risques, cet amendement vise à prévoir un examen plus régulier, par l’ASN, des conséquences du dérèglement climatique sur les installations et non un réexamen périodique, site par site, tous les dix ans.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Outre que l’IRSN étudie cette question, votre amendement est satisfait, l’ASN suivant et contrôlant de plusieurs manières les installations nucléaires de base. Elle publie des guides et des décisions relatives aux contrôles par les exploitants et à son propre contrôle. La question du dérèglement climatique est donc prise en compte de manière générale. Toutes les installations doivent être résilientes par rapport à ses conséquences. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Je n’ai aucune certitude juridique qu’il en soit ainsi. Une inscription dans la loi permettrait de s’assurer que le suivi du dérèglement climatique soit à la fois global et continu.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD137 de la rapporteure pour avis.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il convient de supprimer l’alinéa 8, complément à une disposition du code de la défense relative aux matières nucléaires, qui n’est pas situé au bon article.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD105 de Mme Christelle Petex-Levet et CD148 de M. Aurélien Lopez-Liguori tombent.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 bis modifié.

 

Article 10 : La mise à l’arrêt des installations nucléaires de base

 

Amendements de suppression CD12 de Mme Marie Pochon et CD97 de M. Aymeric Caron.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Face au vieillissement du parc nucléaire français et à la multiplication des incidents auxquels il fait face, le Gouvernement souhaite supprimer le caractère automatique de l’arrêt définitif d’une centrale nucléaire à l’arrêt depuis plus de deux ans afin de pouvoir « garder sous le coude » des capacités de production.

Cette mesure nous paraît dangereuse et réduit l’application du principe de prévention industrielle. La procédure de déchéance de l’autorisation d’exploitation d’une INB ou classée pour la protection de l’environnement (ICPE) à l’arrêt depuis plus de deux ans est une règle que l’on retrouve dans toutes les polices environnementales.

Si EDF ne peut pas assurer les travaux de maintenance, de réparation ou d’amélioration de ses centrales nucléaires sans interrompre leur fonctionnement pendant une durée inférieure à deux ou cinq ans, cela traduit manifestement un problème de grave altération ou de compétences qui fait craindre pour la sécurité des personnes et la protection de l’environnement. Cela conduit à considérer que les conditions posées à la délivrance de l’autorisation initiale – qui n’est pas limitée dans le temps, comme le rappelle l’étude d’impact – ne sont plus satisfaites.

Par ailleurs, cette modification est contraire au principe de prévention des risques d’atteinte à l’environnement garanti par l’article 3 de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Même si le Gouvernement et les lobbyistes nucléaristes s’en défendent, ce projet est le premier étage d’un vaste programme de relance du nucléaire dans notre pays, qui est déjà le plus nucléarisé du monde. Or il va à l’encontre du sens de l’histoire et de tout ce qui se fait ailleurs.

Contrairement à ce que l’on nous dit, il comporte bien un objectif chiffré, puisqu’il prévoit de faire sauter le plafond de 50 % de part de nucléaire dans la production d’électricité.

Par ailleurs, toutes les dispositions nouvelles relèvent du moins-disant en matière de sûreté, de démocratie ou de respect des populations.

Même si nous avons conscience que vous ne reculerez devant rien pour imposer le projet nucléariste présidentiel en dépit du bon sens, même si nous savons que notre travail, ici, est parfois un peu vain, très formel, nous nous disons qu’il y aurait peut-être des limites et nous espérons qu’il pourrait se passer quelque chose, en l’occurrence à cet article 10.

Jusqu’à présent, une centrale à l’arrêt depuis deux ans ne pouvait pas être relancée. Or l’article 10 prévoit la fin de l’automaticité de la fermeture définitive d’une centrale qui serait dans cette situation et qu’un décret en Conseil d’État serait nécessaire pour l’acter. L’idée est donc bien de pouvoir relancer la centrale de Fessenheim, dans un premier temps, puis d’autres centrales, ce à quoi nous nous opposons.

Une centrale nucléaire, ce n’est ni une voiture, ni une tondeuse à gazon. Ce sont des infrastructures très dangereuses et il n’est pas possible de jouer avec leur durée de vie.

Comme vous prévoyez de lancer la construction de nouveaux EPR, vous faites preuve d’inconscience en prenant le risque de relancer de « vieilles retraitées » quand nous devrions, au contraire, nous diriger vers un mix 100 % énergies renouvelables.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. S’agissant de Fessenheim, je vous rappelle qu’un décret de démantèlement a été pris.

L’article 10 ne met pas fin à la possibilité de prononcer définitivement l’arrêt d’une installation qui ne fonctionnerait plus depuis plus de deux ans, mais il reviendra à l’État de le décider et de prouver la nécessité de cet arrêt. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CD98 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons une nouvelle rédaction de cet article afin de supprimer la possibilité de relancer un réacteur après plus de deux ans d’arrêt.

Prolonger le délai initial de deux ans, c’est en effet un moyen d’empêcher la progression du mix énergétique et l’augmentation de la part des énergies renouvelables, plus sûres, moins chères et dont le développement va dans le sens de l’histoire – je rappelle que RTE a présenté trois scénarios avec un horizon « 100 % d’énergies renouvelables ». C’est donc une question de choix politique.

De plus, la relance d’un réacteur après un arrêt de plus de deux ans soulève la question de la capacité à redémarrer l’exploitation dans des conditions de sécurité et de sûreté nucléaires optimales.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous souhaitez, à l’inverse de l’article 10, supprimer à l’article L. 593-24 la possibilité que l’exploitant puisse demander un délai supplémentaire de trois ans avant qu’une installation nucléaire soit considérée comme arrêtée d’office si elle ne fonctionne plus depuis plus de deux ans.

Ce principe est sévère, car des travaux peuvent durer au moins deux ans – EDF, ou d’autres exploitants, ont d’ailleurs parfois demandé une prolongation du délai. La possibilité d’une prolongation de la période de deux ans me semble utile, sous réserve que l’exploitant prouve que cela est nécessaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD75 de M. Nicolas Dragon.

M. Nicolas Dragon (RN). Le code de l’environnement ne mentionne pas de durée de vie des centrales, l’exploitation étant soumise par défaut à un réexamen tous les dix ans, comme en dispose l’article L. 591-18.

Cet amendement propose de mentionner une autorisation d’exploitation de soixante ans, durée nécessaire à la continuité du parc nucléaire français et à la couverture des besoins en électricité de notre pays sur le long terme. Selon les professionnels du secteur, cette durée d’exploitation est indispensable pour assurer les objectifs du projet de loi. Certaines centrales devraient même pouvoir fonctionner quatre-vingts ans.

Une telle durée reste bien entendu soumise, avec cet amendement, au réexamen ayant lieu chaque décennie, sauf cas particulier dans une centrale.

Je rappelle que notre système est à peu près semblable à celui des États-Unis, qui viennent de prolonger la durée d’exploitation de la plupart de leurs centrales à soixante ans, six d’entre elles étant d’ores et déjà prolongées jusqu’à quatre-vingts ans.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Le principe de l’autorisation de création est d’être sans limitation de durée. Il ne serait pas souhaitable d’en fixer une, qu’elle soit minimale ou maximale. Les réexamens décennaux garantissent une vérification constante de l’état de l’installation. Certaines d’entre elles pourraient d’ailleurs être arrêtées avant leurs 60 ans. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD81 de M. Nicolas Dragon.

M. Nicolas Dragon (RN). Les alinéas 1 à 5 portent sur des dispositions déjà couvertes en droit. Il est donc inutile d’en rajouter, qui sont de nature à compliquer un projet visant au contraire à accélérer les procédures et la construction dans la filière nucléaire.

L’urgence est nationale, compte tenu notamment des risques d’une perte de souveraineté énergétique. Cet hiver, nous avons frôlé de graves conséquences en matière de rupture d’électricité, que nous avons importée d’Allemagne alors qu’elle est fabriquée principalement à partir de charbon. Nos collègues écologistes ne me démentiront pas.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Une telle suppression reviendrait à supprimer l’article. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD65 de Mme Mathilde Paris.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement vise à redonner au Parlement le pouvoir d’intervenir plus régulièrement dans le processus de décision sur une question d’intérêt national.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Vous souhaiteriez qu’il revienne au Parlement de statuer en définitive sur la mise à l’arrêt définitif d’une INB si elle ne fonctionne plus depuis plus de deux ans. Le Parlement serait informé en amont par un rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire, mais je ne pense pas qu’il lui revienne de prendre ce type de décision, aussi informé soit-il. Nous fixons des objectifs en termes de production d’énergie, nous établissons des règles pour garantir le plus haut degré de sûreté des installations. Se prononcer sur une INB en particulier ne relève pas de la compétence parlementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD82 de M. Nicolas Dragon.

 

Amendement CD110 de M. Jérémie Iordanoff.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à réduire la conditionnalité de la fermeture d’une installation après deux ans d’arrêt sans pour autant revenir au droit initial.

À la première phrase de l’alinéa 2, nous proposons de substituer aux mots : « peut ordonner », le mot : « ordonne » et de la compléter par les mots suivants : « lorsqu’il est démontré que les dispositions techniques adoptées par l’exploitant ne sont pas de nature à prévenir ou à limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l’installation présente pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. »

Il s’agit de « couper la poire en deux », en gardant une certaine conditionnalité pour ordonner la mise à l’arrêt définitive d’une installation nucléaire de base après plus de deux ans d’arrêt, tout en imposant des conditions un peu plus restrictives que celles énoncées dans l’article.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. L’objectif de cet article est de permettre une plus grande souplesse quant à l’arrêt d’une installation nucléaire en amont d’un arrêt définitif, c’est-à-dire de permettre à l’exploitant de mener éventuellement des travaux d’une durée supérieure à deux ans sans que l’installation soit d’office réputée mise à l’arrêt.

Vous proposez que l’arrêt définitif soit obligatoirement prononcé d’office si l’exploitant ne peut prouver qu’il prendra les dispositions pour garantir la sûreté de l’installation et, de manière plus générale, les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1. Votre amendement est satisfait dans la mesure où l’ASN effectue un contrôle approfondi des INB qui seraient arrêtées de manière prolongée et peut demander toute information à l’exploitant ou effectuer des contrôles. Sans garantie de l’exploitant, une installation nucléaire ne sera pas réexploitée si elle s’arrête deux ans ou plus. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD71 de Mme Annick Cousin.

Mme Annick Cousin (RN). À la première phrase de l’alinéa 2, il convient de substituer aux mots : « à l’arrêt définitif », les mots : « en sommeil ».

Il paraît en effet plus juste d’évoquer une « mise en sommeil », compte tenu de la très longue durée de vie des combustibles d’une centrale. De plus, il semble plus judicieux de ne pas prononcer un arrêt définitif pour, éventuellement, laisser la possibilité de redémarrer la centrale, avec les contrôles nécessaires, si les circonstances l’exigent.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je ne peux que m’opposer à votre proposition. La procédure de mise à l’arrêt des installations nucléaires de base vise, à terme, leur démantèlement définitif.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD83 de M. Nicolas Dragon.

 

Amendement CD14 de M. Jorys Bovet.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement dispose que « Cette interdiction peut être levée par décret en Conseil d’État avant le démantèlement effectif d’une installation nucléaire, en cas d’évolution des connaissances scientifiques et techniques permettant d’assurer les intérêts mentionnés à l’article L. 593‑1. »

Les délais entre l’arrêt d’une centrale nucléaire et son démantèlement effectif peuvent être très longs. Même si l’on considère que les avancées scientifiques dans ce domaine ne sont pas immédiates, il serait dommage de se priver de la réouverture d’une centrale existante si de nouvelles technologies la permettaient.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Votre proposition présente le risque de retarder éternellement la fermeture de centrales qui seraient trop vieilles. Il est important que la décision de mise à l’arrêt définitif constitue le début du processus de démantèlement, sans retour en arrière. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CD84 et CD85 de M. Nicolas Dragon.

 

Amendement CD48 de M. Nicolas Ray.

M. Nicolas Ray (LR). Le droit prévoit une mise à l’arrêt définitif automatique d’une centrale inactive depuis deux ans, mais l’exploitant peut demander une prorogation. Le projet de loi supprime l’automaticité de la décision, l’arrêt pouvant être prononcé par le Gouvernement par décret, après deux ans. L’amendement tend à réintégrer l’arrêt automatique d’une installation, mais au bout de cinq ans d’inactivité, après qu’a été constatée l’absence de volonté ou de capacité de l’exploitant de la remettre en état.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Une situation de cinq ans de non-fonctionnement paraît peu probable. Si tel était le cas, l’article 10 confère à l’État la capacité de prononcer la mise à l’arrêt définitif. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.

 

Après l’article 10

 

Amendement CD35 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Il s’agit de permettre la réouverture d’une installation nucléaire ayant fait l’objet d’un arrêt définitif. Puisqu’il faut relancer le nucléaire, au risque de hérisser le poil de certains à gauche, nous utilisons toutes les possibilités.

Depuis la fermeture de la centrale de Fessenheim en juin 2020, la France a été obligée d’importer de l’électricité produite par des centrales à gaz ou à charbon, voire de relancer ses propres centrales à charbon. Le Gouvernement est ainsi responsable d’une pollution annuelle de 6 à 10 millions de tonnes de gaz carbonique supplémentaires par an. Il a aussi creusé profondément le déficit de notre balance commerciale, en imposant aux Français d’acheter de l’électricité polluante et indexée sur le marché européen de l’électricité, ce qui pénalise leur pouvoir d’achat.

L’amendement vise à corriger cette erreur en permettant de rouvrir une centrale dans les dix ans suivant l’entrée en vigueur du décret l’arrêtant définitivement, à condition, bien évidemment, qu’elle réponde à toutes les mesures de sûreté.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Pour des raisons de faisabilité comme de sûreté, il n’est pas envisageable de remettre en marche une centrale dont le démantèlement aurait commencé. Avis défavorable.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Si, comme cet hiver, la moitié des réacteurs sont à l’arrêt, rouvrir les deux tranches de Fessenheim ne permettrait pas d’éviter des importations.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CD127 et CD128 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Gérard Leseul (SOC). Le premier amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à créer au sein de l’Opecst une section dédiée aux questions nucléaires. Depuis de nombreuses années, l’Office a su se positionner comme un centre d’expertise du nucléaire, parallèlement à ses autres missions de recueil d’informations et de programmes d’études sur l’ensemble des questions scientifiques. Cette mission sur le nucléaire s’inscrirait en cohérence avec celles qui lui sont dévolues.

Le second amendement, de repli, demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport visant à créer une section dédiée au suivi des questions nucléaires au sein de l’Opecst.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je vous suggère de consulter l’Opecst, dont vous êtes vice-président, sur la création d’une section dédiée aux questions nucléaires. Quant à la demande de rapport, le Parlement est libre et souverain pour organiser son fonctionnement et il ne revient pas au Gouvernement de s’exprimer à ce sujet, fût-ce à travers un rapport. Avis défavorable au premier amendement ; demande de retrait pour l’autre.

M. Gérard Leseul (SOC). Que mes collègues de l’Opecst m’excusent de ne pas avoir évoqué avec eux cette idée. À force de fréquenter le Gouvernement, je prends de mauvaises habitudes.

Mme Huguette Tiegna (RE). L’Opecst est une petite structure, et la création d’une entité en son sein doit s’accompagner de moyens dédiés. Or c’est sans succès que, sous la précédente législature, nous avions essayé, Cédric Villani et moi, d’en faire plus qu’un office. Mieux vaut qu’il reste multidisciplinaire et qu’il puisse traiter de questions aussi diverses que le nucléaire, la santé ou l’écologie. Cette diversité reflète les compétences des parlementaires qui le composent.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CD33 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Afin d’être éclairé dans son rôle, le législateur doit posséder les informations financières nécessaires pour orienter les choix qui engagent tout un pays sur des générations.

En 2017, EDF a évalué le coût du démantèlement de l’ensemble de son parc nucléaire à 75 milliards d’euros, un chiffre qui, selon une mission parlementaire et la Cour des comptes, est sous-estimé. L’entreprise a notamment oublié que la plupart des réacteurs devront être démantelés en même temps, ce qui suppose de multiplier le matériel et les équipes. Ont été également omis le coût de la remise en état des sols, le retraitement du combustible usagé ou le reclassement des employés licenciés.

La gestion et le stockage des déchets radioactifs atteignent également des prix exorbitants, régulièrement revus à la hausse. Le seul projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo) pourrait coûter entre 25 et 35 milliards d’euros. La transparence sur les coûts de gestion détaillés des déchets radioactifs, dont le stock ne cessera pas de croître avec les nouveaux projets de réacteurs, doit être améliorée. De même, les critères de valorisation des matières nucléaires dont la requalification aurait pour conséquence d’augmenter significativement ces coûts doivent être clarifiés par la loi. D’après la presse, les dizaines de milliards d’investissements nécessaires ne viendront ni du privé ni d’EDF. Nous laisserons sans doute les Français financer le drame à venir par leur livret A.

Un rapport sur la gestion des déchets radioactifs semble être la moindre des choses avant d’entamer la relance du nucléaire dans notre pays.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je ne souhaite pas multiplier les demandes de rapport. S’agissant des modes de stockage des déchets radioactifs, les plans nationaux de gestion des matières et déchets radioactifs fournissent régulièrement des informations à la représentation nationale. L’Opecst pourrait également conduire des travaux sur le sujet. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD129 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à garantir que le prochain plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) sera remis suffisamment tôt pour permettre à l’Opecst d’exercer ses prérogatives de contrôle de l’action du Gouvernement dans de bonnes conditions.

La loi prévoit en effet que le PNGMDR est transmis au Parlement, qui en saisit pour évaluation l’Opecst. Or la quatrième édition du PNGMDR, qui portait sur la période 2016 à 2018, n’a été transmise au Parlement que le 17 février 2017. Quant à la cinquième édition, elle n’a pas été communiquée avant la fin de la législature, ce qui a contraint les rapporteurs, la députée Émilie Cariou et le sénateur Bruno Sido, à rédiger un rapport à l’aveugle. La saisine de l’Office n’a de sens que si elle intervient en amont du plan.

L’amendement tend donc à fixer au 30 juin 2025 la date butoir pour la remise du prochain plan et à reprendre certaines recommandations issues du rapport de l’Office sur le cinquième plan.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Il me semble délicat de statuer sur une procédure qui aura lieu dans plusieurs années et d’inscrire un calendrier dans la loi. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD34 de Mme Marie Pochon.

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur la gestion des déchets radioactifs par les exploitants et les risques encourus par la population en cas de non-respect des normes par ces mêmes exploitants.

Dans ma circonscription, le petit village de Solérieux, qui compte 334 habitants, abrite une décharge contenant 100 000 fûts rouillés provenant des activités nucléaires, entassés illégalement en pleine zone forestière. Selon le rapport de l’Opecst sur les conséquences des installations de stockage des déchets nucléaires sur la santé publique et l’environnement, publié en 2000, « la décharge de classe 2 de Solérieux donne l’exemple des dérapages dans les pratiques : une installation prévue initialement pour des déchets ménagers, des déblais, des gravats, des cendres et des déchets industriels et commerciaux, à condition qu’ils ne soient ni toxiques ni susceptibles de s’enflammer, finit par accueillir tous types de déchets, y compris des fluorines contenant des traces d’uranium et susceptibles de libérer en cas d’incendie des quantités importantes d’acide fluorhydrique. »

Ne sachant que faire des déchets, certains pays s’aventurent à les exporter. C’est ainsi qu’en 2013, des déchets radioactifs en provenance de Chine ont été découverts dans le port d’Alger. Selon des rapports du Programme des Nations Unies pour l’environnement datant de 2005, le Zaïre, le Malawi, l’Érythrée, l’Algérie, le Mozambique, la Guinée-Bissau et la Somalie sont les premières destinations du trafic international de déchets nucléaires.

La multiplication des lieux d’entreposage et de stockage présente un risque réel pour l’environnement et les riverains. En 1976, la nappe phréatique sous le centre de stockage de La Hague a été contaminée par du tritium. En 2004, des déchets liquides issus du traitement de l’uranium et contenant du plutonium, de l’américium et du technétium, entreposés dans un bassin près de l’usine Orano Malvési, s’étaient répandus aux alentours après la rupture d’une digue. Trois ans plus tard, l’IRSN a découvert la présence de plutonium dans le blé d’un champ voisin et d’uranium sur une distance de 2 kilomètres.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. Je ne tiens pas à multiplier les demandes de rapport. De nombreuses informations sur la gestion des déchets radioactifs sont disponibles et le Parlement peut mener de sa propre initiative un travail d’évaluation et de contrôle. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Votre réponse est hallucinante. Il est question de relancer la construction de réacteurs et de prolonger la durée de vie des centrales, donc de produire des déchets, et le Parlement ne devrait pas être informé par le Gouvernement. Nous n’allons pas créer une commission d’enquête sur chaque sujet. Vous venez de refuser de créer au sein de l’Opecst une section dédiée au nucléaire.

Il est vrai que les déchets nucléaires ne présentent aucun danger ! L’IRSN que vous proposez de démanteler a des activités de recherche. Mme Pochon en a fait état. Que deviendront les recherches sur les déchets et leurs effets sur l’environnement après la fusion avec l’ASN ? Allez-vous transférer cette compétence à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), mêlant ainsi inconsidérément expertise et décision comme vous voulez le faire pour la sûreté ?

C’est la moindre des choses que d’informer le Parlement sur les déchets produits par le système énergétique que vous promouvez et que nous contestons.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement et les remarques qui ont été faites.

Je suis stupéfait de ce que Mme Pochon a indiqué sur les déchets. J’ai appris des choses alors que je pense être plutôt averti. Contrairement à ce que vous prétendez, nous n’avons donc pas suffisamment d’informations sur le sujet.

Je m’inquiète que, compte tenu de ce qui vient d’être dit, certains veuillent encore accélérer le développement du nucléaire.

Je réfute l’argument selon lequel il n’est pas nécessaire de solliciter le Gouvernement puisque le Parlement dispose des outils pour mener le travail qu’il demande. La relance du nucléaire procède de la volonté du Président de la République. La décision de démanteler l’IRSN et de le découper entre l’ASN et le CEA, qui a été prise au cours du conseil de politique nucléaire du 3 février, est une décision autoritaire et qui n’a aucun sens.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Je suis surpris que vous insistiez pour que le Gouvernement remette un rapport sur ce thème, alors que l’Opecst, qui est compétent sur ces sujets, peut s’autosaisir ou être saisi par une commission du Sénat ou de l’Assemblée. Du point de vue démocratique, il vaut mieux qu’un organisme bicaméral, où toutes les sensibilités du spectre politique – y compris les opposants au Gouvernement – sont représentées, se saisisse de la question plutôt que le Gouvernement, d’autant qu’un tel travail permettra d’approfondir les choses, d’auditionner des scientifiques, voire de déboucher sur une commission d’enquête. Intéressez-vous aux travaux de l’Opecst : vous verrez que c’est du sérieux !

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je donne la parole d’abord à M. Caron pour une rapide intervention, puis à Mme la rapporteure pour avis, avant de mettre un terme à cette discussion.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Pourquoi « rapide » ?

M. le président Jean-Marc Zulesi. Parce que j’ai déjà donné la parole à plusieurs membres de votre groupe.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). À une seule personne, en l’espèce ; les autres interventions provenaient du groupe Écologiste, qui n’est pas le mien – quoique nous soyons alliés et amis.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Cela ne se voit pas toujours…

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Monsieur le président, un tel commentaire n’a rien à voir avec le débat !

M. le président Jean-Marc Zulesi. Comme nombre des vôtres.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Pardon ? Il est dommage que cette réunion, qui nous avait permis d’examiner le texte dans une ambiance jusqu’à présent relativement cordiale, s’achève ainsi. Des commentaires de ce type n’ont pas lieu d’être.

M. le président Jean-Marc Zulesi. De même que les vôtres.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Encore faudrait-il le prouver ! Je ne crois pas qu’une seule de mes paroles soit sortie du cadre d’expression parlementaire aujourd’hui.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Revenez à votre intervention, je vous prie.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Vous outrepassez votre rôle. De telles attaques sont inutiles et totalement déconnectées de l’objet du débat.

La question que soulèvent mes collègues et amis écologistes est en effet extrêmement grave. La gestion des déchets en France est opaque et pose des problèmes de santé publique. Or le Gouvernement essaie d’engager l’ensemble du pays dans une certaine politique énergétique, pour une durée de presque un siècle et au mépris des règles démocratiques. Il paraît normal de lui demander de nous rendre des comptes. On nous objecte qu’il existe un organisme qui pourrait le faire mieux – mais qui d’autre que le Gouvernement est mieux placé pour cela ? Serait-il incapable d’auditionner les personnes adéquates ? Tout ce que nous demandons, c’est qu’il fasse preuve de transparence. Je trouve surprenant qu’on nous le refuse. D’ailleurs, tout ce que nous avons proposé, de manière constructive, ce soir, a été systématiquement refusé. Nous sommes patients, même lorsque nous encaissons des remarques déplacées, et pourtant nous nous faisons « baser » alors que nous ne faisons que formuler une demande de bon sens, qui n’entrave en rien le projet que vous êtes en train d’imposer à tous les Français ! Je ne comprends pas votre conception de la démocratie.

Mme Christine Decodts, rapporteure pour avis. La question des déchets est en effet de première importance, mais ce qui est demandé dans l’amendement, ce n’est pas un rapport régulier sur le sujet. Il serait préférable que nous suivions la suggestion de M. Fugit et que nous saisissions l’Opecst.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 


([1]) Définie dans la loi Énergie-climat comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ».

([2]) Aussi appelé par son nom anglais « Fit for 55 ».

([3]) Source : RTE, bilan électrique 2019.

([4]) Dont charbon 37 %, gaz 23 % et pétrole 3 %. Source : Agence internationale de l’énergie, « World electricity production by source », 2019.

([5]) RTE, « Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 », 16 février 2022.

([6]) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, « Calendrier des visites décennales ».

([7]) Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, entrés en service en 1978 et mis à l’arrêt en 2020, appartenaient aussi à ce palier.

([8]) Autorité de sûreté nucléaire.

([9]) Initialement acronyme de « European Pressurised Reactor », rétro-acronymé « Evolutionary Pressurised Reactor » lorsque Siemens est sorti du consortium de production en 2011.

([10]) Framatome, renommé « Areva NP », est intégré au groupe Areva en 2001, avant de reprendre son nom d’origine et de rejoindre le groupe EDF en 2016, lors de la restructuration de la filière nucléaire française décidée à la suite des difficultés financières du groupe Areva.

([11]) L’EPR d’OL3 est actuellement à l’arrêt.

([12]) La conception initiale de ce modèle était connue sous le nom « EPR Nouveau Modèle » (EPR-NM).

([13]) Ancien président-directeur général de Naval Group et d’EADS Astrium Space Transportation.

([14]) Ministère de la transition écologique, « Travaux relatifs au nouveau nucléaire. PPE 2019-2028 », février 2022.

([15]) Chiffres issus de la synthèse de l’audit des coûts du programme EPR 2 réalisée par NucAdvisor et Accuracy, 4 octobre 2021.

([16]) Données issues du Bilan électrique 2022 de RTE.

([17]) Article L. 100-1 A du code de l’énergie.

([18]) Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

([19]) Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028.

([20]) Rapport « Travaux relatifs au nouveau nucléaire », publié en février 2022.

([21]) Décret n° 2020-129 du 18 février 2020 portant abrogation de l’autorisation d’exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim.

([22]) 1° du II de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie.

([23]) Aux termes de l’article L. 811-1 du code de l’énergie, l’hydrogène renouvelable est produit à partir de sources d’énergies renouvelables, notamment par électrolyse, tant que leur utilisation n’entre pas en conflit avec d’autres usages permettant la valorisation directe de ces énergies. L’hydrogène bas-carbone et l’hydrogène renouvelable doivent respecter un seuil d’émissions défini par arrêté – toujours en attente de publication. L’hydrogène bas-carbone n’est pas produit à partir d’énergies renouvelables et sa définition, qui a fait l’objet de débats intenses au niveau de l’Union européenne, devra permettre d’y inclure les procédés de production d’hydrogène à partir d’électricité d’origine nucléaire, celle-ci étant décarbonée.

([24]) https://www.entreprises.gouv.fr/fr/strategies-d-acceleration/strategie-nationale-pour-developpement-de-l-hydrogene-decarbone-france

([25]) Rapport d’information au nom de la commission des affaires économiques sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone, par MM. Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, Sénat, n° 801, 20 juillet 2022.

([26]) Sénat, compte rendu de la séance publique du 17 janvier 2023.

([27]) Données issues du rapport d’information n° 801 du Sénat sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone précité.

([28]) Sur le choix de la technologie EPR 2 et ses différences par rapport aux autres générations de réacteurs électronucléaires, se reporter à l’introduction du présent rapport.

([29]) L’article 11 du présent projet a d’ailleurs précisément pour objet de ratifier cette ordonnance.

([30]) Décision n° CODEP-CLG-2022-026838 du président de l’ASN du 1er juin 2022 établissant la liste des INB au 31 mai 2022.

([31]) Article L. 593-3 du code de l’environnement.

([32]) Article L. 593-33 du code de l’environnement.

([33]) Voir commentaire de l’article 4 du présent projet de loi.

([34]) Voir commentaire des articles 2 et 3 du présent projet de loi.

([35]) Voir commentaire de l’article 6 du présent projet de loi.

([36]) Voir commentaire de l’article 7 du présent projet de loi.

([37]) https://www.debatpublic.fr/nouveaux-reacteurs-nucleaires-et-projet-penly

([38]) https://www.iaea.org/fr/themes/petits-reacteurs-modulaires  

([39]) https://www.edf.fr/groupe-edf/produire-une-energie-respectueuse-du-climat/lenergie-nucleaire/nous-preparons-le-nucleaire-de-demain/le-projet-smr-nuwardtm/le-projet

([40]) Ces catégories correspondent respectivement aux 4° et 5° de l’article L. 593‑2 du code de l’environnement.

([41]) Le « plan particulier d’intervention » est un plan mis en place pour faire face aux risques technologiques liés à certaines installations. C’est l’une des composantes du plan Orsec (Organisation de la réponse de sécurité civile).

([42]) Articles L. 143-42 du code de l’urbanisme pour le SCoT et L. 153-51 pour le PLU.

([43]) Si le document d’urbanisme n’entre pas dans le champ de l’ordonnance précitée, la mise en compatibilité s’effectue par une procédure de révision ou de modification, selon les dispositions à faire évoluer.

([44]) La hiérarchie des normes en matière d’urbanisme imposant, en règle générale, le respect par les documents d’échelon inférieur des dispositions de rang supérieur et, in fine, le respect des documents locaux par les autorisations individuelles, les dispositifs dérogatoires fonctionnent par une inversion ponctuelle de cette hiérarchie.

([45]) C’est le cas par exemple de la procédure intégrée (PI) prévue à l’article L. 300-6-1 du code de l’urbanisme, qui permet, pour des projets de logements ou d’immobilier d’entreprise inclus dans une opération de revitalisation du territoire ou une grande opération d’urbanisme, de mettre en compatibilité des documents sectoriels ou de planification régionale dans une période de neuf mois. La déclaration de projet (DP) prévue à l’article L. 300-6 du même code permet également une adaptation simultanée du document d’urbanisme avec un projet déclaré d’intérêt général. Plus rapide qu’une révision, cette procédure est susceptible d’aboutir, dans le cas où elle est soumise à évaluation environnementale, en neuf mois. Elle ne peut cependant être mise en œuvre par l’État lorsqu’elle a pour effet de porter atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement stratégique du SCoT ou, en son absence, du projet d’aménagement et de développement durables du PLU.

([46]) Créé par la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, le PIG est défini à l’article L. 102-1 du code de l’urbanisme.

([47]) Dans le cas de l’élaboration d’un SCoT, d’un PLU ou d’une carte communale, le préfet de département porte à la connaissance de l’autorité compétente les projets d’intérêt général des collectivités territoriales et de l’État afin de prévenir, le plus en amont possible, les éventuelles contradictions entre ces projets et le projet de document d’urbanisme concerné. Le préfet s’assure alors, au cours de l’élaboration des documents d’urbanisme, du respect par ces derniers des projets d’intérêt général et dispose, pour cela, de prérogatives lui permettant de porter à nouveau à connaissance les dispositions nécessaires à la mise en œuvre du PIG, de demander à être entendu par l’organe délibérant ou l’exécutif afin de défendre le dossier, et de saisir la commission de conciliation afin de trouver un accord avec l’autorité locale concernée. En cas de désaccord persistant, le préfet peut faire obstacle au caractère exécutoire du document d’urbanisme.

([48]) Cette condition peut recouvrir l’accueil et le logement des personnes défavorisées ou de ressources modestes, la protection du patrimoine naturel ou culturel, la prévention des risques, la mise en valeur des ressources naturelles, l’aménagement agricole et rural, la préservation ou la remise en bon état des continuités écologiques.

([49]) En ce sens, il importe que le projet ait fait l’objet d’une décision arrêtant son principe et ses conditions de réalisation ou d’une inscription dans l’un des documents de planification prévus par les lois et règlements (dimensionnement, volume, mode de fonctionnement, mode de financement).

([50]) CE 7 févr. 2007, req. n° 287252.

([51]) Des projets peuvent aussi être qualifiés « d’intérêt général » directement par le législateur : par exemple, l’article 5 de la loi n° 83-636 du 13 juillet 1983 portant modification du statut des agglomérations nouvelles, concernant le périmètre d’urbanisation des « agglomérations nouvelles » au sens de la loi n° 70-610 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la création d’agglomérations nouvelles. Dans ce cas, la jurisprudence a considéré que les opérations concernées n’ont pas à remplir les conditions de fond et de forme auxquelles le code de l’urbanisme soumet normalement la qualification de PIG (Conseil d’État, 6/2 SSR, 23 mars 1992, n° 87601).

([52]) Articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de l’environnement.

([53]) La démarche d’évaluation environnementale traduit également les principes de précaution et de prévention : les décisions autorisant les projets et approuvant les plans et programmes et autres documents d’urbanisme doivent être justifiées, notamment quant au risque d’effets négatifs notables sur l’environnement et la santé, ces derniers devant être évités, réduits ou compensés (séquence dite « ERC »). L’évaluation doit rendre compte des effets potentiels ou avérés sur l’environnement du projet, du plan ou du programme et permet d’analyser et de justifier les choix retenus au regard des enjeux identifiés sur le territoire concerné. L’évaluation environnementale doit être réalisée le plus en amont possible – notamment, en cas de pluralité d’autorisations ou de décisions, dès la première autorisation ou décision – et porter sur la globalité du projet et de ses impacts.

([54]) Pour une liste complète de ces projets, cf. annexe à l’article R. 122-2 du code de l’environnement.

([55]) Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, transposée en droit interne par les textes suivants : ordonnance n° 2004-489 du 3 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/42/CE ; décret n° 2005-608 du 27 mai 2005 relatif à l’évaluation des incidences des documents d’urbanisme sur l’environnement et modifiant le code de l’urbanisme ; décret n° 2005-613 du 27 mai 2005 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2004-489 ; loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (« loi Grenelle II ») ; ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ; décret n° 2016-1110 du 11 août 2016 relatif à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ; loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (« loi Asap ») ; décret n° 2021-1345 du 13 octobre 2021 portant modification des dispositions relatives à l’évaluation environnementale des documents d’urbanisme et des unités touristiques nouvelles. Pour les projets, s’applique aussi la directive n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 relative à l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

([56]) Cf. I de l’article R. 122-17 du code de l’environnement. Cette catégorie comprend par exemple au niveau national la PPE, le PNFB, le PNPGD, le PNGMDR, ou encore le Snit. Au niveau régional, elle concerne les Sraddet, le Sdrif, les Sar, le Padduc, les SRCAE, les S3RENR, les SRCE, ou encore les CPER. Au niveau intercommunal ou du bassin de vie, sont concernés, entre autres, les PCAET, les Sdage, les chartes des parcs naturels régionaux, les PGRI, ou les SMVM.

([57]) Cf. II du même article : par exemple, les PPRT et PPRM, les PSMV, ou encore les PPA.

([58]) Depuis l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, le code de l’environnement détermine précisément les plans et programmes qui font l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou à la suite d’un examen au cas par cas par l’autorité environnementale.

([59]) La catégorie des « cartes communales susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement » (article L. 104-2 du code de l’urbanisme) doit notamment comprendre celles qui permettent la réalisation d’ouvrages qui affectent de manière significative un site Natura 2000 (article R. 122-17 du code de l’environnement précité). Pour ce qui concerne l’élaboration ou la révision d’une carte communale qui ne permet pas de tels ouvrages, elle peut être soumise à une évaluation environnementale, au cas par cas.

([60]) Articles L. 122-4 du code de l’environnement et L. 104-1 du code de l’urbanisme.

([61]) La question de l’évaluation environnementale spécifique aux projets de mise en compatibilité des documents fait l’objet d’une attention soutenue de la part du juge administratif, qui a annulé à ce titre les articles R. 104‑1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme issus du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015, estimant qu’ils méconnaissaient les obligations du droit communautaire (Conseil d’État, 19 juillet 2017, n° 400420). Les articles en question ont été globalement repris dans une rédaction sécurisée par le décret n° 2021-1345 précité.

([62]) Cf. articles R. 104-9 et R. 104-13 du code de l’urbanisme. La modification :

– doit permettre la réalisation de travaux, aménagements, ouvrages ou installations susceptibles d’affecter de manière significative un site Natura 2000 ;

– intervient dans le cadre de la procédure de déclaration de projet ;

– modifie les orientations définies dans le plan d’aménagement et de développement durables (PADD) Ce cas de figure et le suivant sont définis par rapport à la révision qui emporterait de tels effets, comme le prévoit l’article L. 153-31 du code de l’urbanisme ;

– réduit un espace boisé classé (EBC), une zone agricole ou une zone naturelle ou forestière ;

– réduit une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d’une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance ;

– ouvre à l’urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les six ans suivant sa création, n’a pas été ouverte à l’urbanisation ou fait l’objet d’acquisitions significatives ;

– crée des orientations d’aménagement et de programmation (OAP) valant création d’une zone d’aménagement concerté (ZAC).

([63]) Article L. 122-4 du code de l’environnement.

([64]) Dans le processus d’évaluation environnementale des projets de travaux, d’ouvrages et d’aménagements, c’est au porteur de projet que revient la charge d’établir un « rapport d’évaluation des incidences sur l’environnement », plus souvent appelé « étude d’impact » (article L. 122-1 du code de l’environnement).

([65]) Au niveau territorial, la fonction d’autorité environnementale est exercée par la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Au niveau national, elle est exercée par la formation d’autorité environnementale de l’IGEDD, instance relevant du ministère de la transition écologique.

([66]) Il existe trois régimes différents d’enquête publique : celui du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, celui du code des relations entre le public et l’administration et celui du code de l’environnement.

([67]) Article L. 122-13 du code de l’environnement.

([68]) Il s’agit des projets de création d’une zone d’aménagement concerté, des projets de caractère temporaire ou de faible importance, des demandes de permis de construire ou d’aménager portant sur des projets de travaux donnant lieu à la réalisation d’une évaluation environnementale après un examen au cas par cas.

([69]) Article L. 123-16 du code de l’environnement.

([70]) Il existe quatre régimes d’enquête publique, dont celui prévu au titre du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, celui prévu par le code des relations du public avec l’administration et un second régime dans le code de l’environnement, pour le seul cas des installations nucléaires de base.

([71]) L’article L. 123-2 du code de l’environnement dresse la liste de ces opérations.

([72]) Par opposition à la DUP « réserve foncière », utilisée lorsqu’une expropriation est requise pour acquérir des immeubles nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’urbanisme importante et alors même que le projet de cette opération n’a pas encore été défini (article L. 221-1 du code de l’urbanisme).

([73]) Article L. 1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

([74]) Article L. 425-1 du code de l’urbanisme.

([75]) Article L. 632-2 et L. 621-32 du code du patrimoine, articles R. 425-1 et R-425-2 du code de l’urbanisme.

([76]) C’est aussi le cas à proximité d’un ouvrage militaire, à l’intérieur d’un polygone d’isolement, le long d’une partie de la Loire, dans la zone d’inondation du Rhin, dans une zone de servitude de protection d’un canal d’irrigation ou à moins de cent mètres d’un cimetière transféré. C’est encore le cas et en raison de la nature du projet, lorsque ce projet concerne un immeuble de grande hauteur, un établissement recevant du public, un établissement soumis à autorisation d’exploitation commerciale ou la création de plusieurs logements dans un immeuble existant (articles L. 425-2 à L. 425-4 et R. 425-4 à R. 425-15-1 du code de l’urbanisme).

([77]) Articles L. 181-2 et L. 181-28-2 du code de l’environnement, article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme.

([78]) Respectivement, articles R. 425-24 et R. 425-29-1 du code l’urbanisme.

([79]) Articles L. 422-2 et R. 422-2 du code de l’urbanisme.

([80]) Article R. 425-27 du code de l’urbanisme.

([81]) Contrairement au régime qui prévaut pour les éoliennes (cf. supra).

([82]) Article L. 425-12 du code de l’urbanisme.

([83]) Article L. 421-6 du code de l’urbanisme.

([84]) Articles R. 423-23 et suivants du code de l’urbanisme.

([85]) Articles L. 423-1 et articles R. 413-1 à R. 431-34-1 du code de l’urbanisme.

([86]) Le produit de la taxe d’aménagement est affecté en section d’investissement du budget des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale et a vocation à financer les équipements publics – voirie, réseaux, etc. – nécessaires aux futures constructions et aménagements. Le produit de la part départementale a le caractère d’une recette de fonctionnement visant à financer la politique de protection des espaces naturels sensibles ainsi que les dépenses des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.

([87]) Selon l’article L. 101-2 du code de l’urbanisme, l’action des collectivités territoriales vise, dans le respect des objectifs du développement durable, à atteindre des objectifs appelés principes généraux de l’urbanisme. L’article 192 de la loi Climat et résilience y a ajouté « la lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme ».

([88]) Article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme.

([89]) Décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 relatif à la nomenclature de l’artificialisation des sols pour la fixation et le suivi des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

([90]) Décret n° 2022-762 du 29 avril 2022 relatif aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation des sols du Sraddet : article R. 4251-8-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales.

([91]) Au sens de l’article L. 593-3 du code de l’environnement, qui définit les équipements et installations nécessaires à l’exploitation d’une installation nucléaire de base, voir commentaire de l’article 4.

([92]) Prévus par le titre VIII du livre IV du code de l’urbanisme.

([93]) Article 1635 quater B du code général des impôts.

([94])  Autorité de sûreté nucléaire, guide n° 15 « Maîtrise des activités au voisinage des installations nucléaires de base », mars 2016.

([95]) Ce régime est créé initialement par le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 relatif aux installations nucléaires.

([96]) Décret n° 2007-534 du 10 avril 2007.

([97]) Articles L. 181-1, L. 121-1, 123-1 et R. 122-5 du code de l’environnement.

([98]) Articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de l’environnement.

([99]) Article L. 214-3 du code de l’environnement.

([100]) Articles L. 593-7 et suivants et R. 593-14 et suivants du code de l’environnement.

([101]) Article L. 593-8 du code de l’environnement.

([102]) Article L. 593-3 du code de l’environnement.

([103]) Décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 modifié relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives (« décret Procédures »).

([104]) Premier alinéa de l’article L. 593-1 du code de l’environnement.

([105]) Ni aux dispositions du titre 1er du livre V du code de l’environnement, ni à celles de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du même code.

([106]) Article L. 593-3 du code de l’environnement.

([107]) Autorité de sûreté nucléaire, guide de l’ASN, n° 9.

([108]) Articles L. 122-1 et R. 593-17 du code de l’environnement.

([109]) Il s’agit d’espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Les espaces concernés sont notamment listés à l’article R. 121-4 du code de l’urbanisme.

([110]) Cf. Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1ère ch., 11 janv. 1996, n° 95BX00203, Lebon T.

([111]) Le dossier de présentation du projet de construction de réacteurs de type EPR2 sur le site de Penly est disponible en ligne : https://www.debatpublic.fr/nouveaux-reacteurs-nucleaires-et-projet-penly/le-projet-en-resume-3365

([112]) Conseil constitutionnel, 28 juillet 1989, déc. 89-256 DC Loi portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’agglomérations nouvelles.

([113]) Ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.

([114]) Article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

([115]) Article L. 141-3 du code de l’urbanisme.

([116]) Article L. 151-5 du code de l’urbanisme.

([117]) Article L. 161-3 du code de l’urbanisme.

([118]) https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/presentation-de-l-asn/les-moyens

([119]) Article L. 592-2 du code de l’environnement.

([120]) Chiffres-clés 2021 de l’IRSN.

([121]) https://www.ecologie.gouv.fr/evolution-lorganisation-du-controle-et-recherche-en-radioprotection-et-surete-nucleaire

([122]) https://www.ecologie.gouv.fr/renforcement-lorganisation-du-controle-et-recherche-en-radioprotection-et-surete-nucleaire

([123]) Rapport d’instruction de l’ASN pour les RP4 – réacteurs 900 MWE et décision 2021-DC-0706.

([124]) Guide n° 22 de l’ASN, Conception des réacteurs à eau sous pression, 18/07/2017

([125]) Avis n° 2018-AV-0306 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 4 mai 2018 relatif à l’identification de sujets de recherche à approfondir dans différents domaines relevant de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

([126]) Article L. 1332-2 du code de la défense.

([127]) Rapport d’information n° 801 (2021-2022), déposé le 20 juillet 2022.

([128]) Cet alinéa dispose que « sont également soumises aux dispositions de la présente section [relative à la protection et au contrôle des matières nucléaires], pour ce qui concerne la protection contre les actes de malveillance, les sources de rayonnements ionisants mises en œuvre par les activités nucléaires réalisées dans certains établissements, installations ou ouvrages, relevant de l’article L. 1332-1, définies par voie réglementaire ».

([129]) Selon le site internet du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, « lorsque les pièces à radiographier sont trop épaisses et denses, les générateurs de rayons X ne sont plus en mesure d’être utilisés. Les rayonnements gamma, qui sont plus énergétiques, émis par de fortes sources radioactives, permettent alors de réaliser des radiographies appelées gammagraphies ».

([130]) Article L. 593-26 du code de l’environnement.

([131]) Article L. 593-23 du code de l’environnement.

([132]) Rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur le présent projet de loi, n° 236, Sénat, session ordinaire 2022-2023.

([133]) Arrêté du 26 janvier 2017 prorogeant la durée d’arrêt de fonctionnement de l’installation nucléaire de base n° 104 exploitée par Électricité de France-société anonyme (EDF-SA) située sur la commune de Paluel (Seine‑Maritime).

([134]) Directives 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) et 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil.

([135]) Directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires ainsi que la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

([136]) Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.

([137]) Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.

([138]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire.

([139]) La numérotation employée ici est celle utilisée dans le texte adopté par la commission et non dans l’amendement lui-même.

([140]) Loi n° 2012-77 du 24 janvier 2022 relative à Voies navigables de France.

([141]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/content/download/594553/file/Conclusion%20CSN.pdf  

([142]) https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/presentation-de-l-asn/les-moyens#les-ressources-humaines  

([143]) https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/presentation-de-l-asn/l-organisation-de-l-asn  

([144]) Cf. article R. 122-1 du code de l’environnement – 10ème ligne du tableau.

([145]) Articles R. 121-1 et R. 121-2 du code de l’environnement.

 

([147]) Art. R. 122-2 : « I. – Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. »

([148]) Le principe de l’étude d’impact et les éléments qu’elle doit obligatoirement contenir sont définis aux articles L. 122‑1 et L. 122‑3 du code de l’environnement.

([149]) L’entrée en vigueur s’est faite de manière échelonnée, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016 portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.

([150]) Le régime dit des IOTA réglemente les installations qui, de manière générale et de par leur fonctionnement, ont une incidence sur la ressource en eau et les milieux aquatiques.

([151]) L’autorité environnementale compétente varie en fonction du type de projet ou de document soumis à l’évaluation. Il peut s’agir du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), du préfet coordonnateur de bassin, du préfet de région ou du préfet de département.

([152]) Article R. 123-8 du code de l’environnement.

([153]) L’article L. 124‑4 renvoie aux articles L. 311‑5 à L. 311‑8 du code des relations entre le public et l’administration. Ces articles prévoient qu’un refus peut être opposé : aux demandes de communication d’informations relatives à l’environnement, lorsque la communication porte atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, la sécurité publique, la sécurité des personnes ou la sécurité des systèmes d’information des administrations, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures et à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature. Un refus de communication peut également être opposé aux demandes qui porteraient atteinte au secret de la vie privée, au secret médical et au secret en matière industrielle et commerciale.

([154]) Les informations porteraient « sur les prélèvements d’eau, les rejets d’effluents et les déchets radioactifs ou non, l’état radiologique de l’environnement, les incidences sur la ressource en eau et le milieu aquatique, les incidences sur la qualité de l’air et des sols, l’exposition du public aux rayonnements ionisants, les incidences sur le plan de protection de l’atmosphère, mentionné à l’article L. 222‑4 du code de l’environnement, ou le respect du plan national de gestion des matières et déchets radioactifs, mentionné à l’article L. 542‑1‑2 du même code, ainsi que sur les performances attendues et les solutions retenues. »

([155]) Les intérêts protégés à l’article L. 593‑1 sont « la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement ».

([156]) Pour les modifications ne devant faire l’objet que d’une déclaration, une liste est fixée par décision de l’ASN, en tenant compte de la nature de l’installation et de l’importance des risques et des inconvénients ainsi que des capacités techniques de l’exploitant et du contrôle interne.

([157]) L’IRSN donne la définition suivante du noyau dur : « En cas d’accident, le noyau dur doit assurer de manière durable les fonctions de sûreté vitales, en cas de perte totale des sources froides ou de l’alimentation électrique, à la suite d’une agression hors norme ».

([158]) La définition faisant autorité est celle de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), soit un « état recherché pour un système d’information lui permettant de résister à des événements issus du cyberespace susceptibles de compromettre la disponibilité, l’intégrité ou la confidentialité des données stockées, traitées ou transmises et des services connexes que ces systèmes offrent ou qu’ils rendent accessibles. »

([159]) Cf. Décret n° 2021-713 du 3 juin 2021 pris pour adapter le chapitre III du titre III du livre III de la partie 1 du code de la défense. L’autorisation est celle mentionnée à l’article L. 1333‑2 du code de la défense, nécessaire à l’importation, l’exportation, l’élaboration, la détention, le transfert et l’utilisation de matières nucléaires.

([160]) L’âge moyen des 56 réacteurs en fonctionnement est de 37 ans.

([161]) Articles L. 593‑27 à L. 593‑30 du code de l’environnement.

([162]) Sauf en cas d’événements imprévisibles par l’exploitant, ce dernier, s’il veut demander la prorogation du délai doit le faire dans un délai de 18 mois suivant le début du premier arrêt du fonctionnement, en application de l’article R. 593‑74 du code de l’environnement.

([163]) Conformément à l’article R. 512‑74 du code de l’environnement.