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N° 1010

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 mars 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (n° 818 rectifié)

PAR M. Guillaume Kasbarian

Député

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 Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1ère lecture : 360, 491 et T.A. 45.

    2ème lecture : 818 rect.

 Sénat : 1ère lecture : 174, 278, 279, 269 et T.A. 51 (2022-2023).

 


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

SynthÈse

commentaire des articles

Chapitre Ier  Mieux réprimer le squat

Article 1er A (art. 315-1 et 315-2 [nouveaux] du code pénal) Délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble bâti à usage d’habitation ou économique et délit de maintien dans les lieux après décision d’expulsion

Article 1er B  (art. L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution) Suppression de la possibilité laissée au juge d’accorder des délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée

Article 1er C  (art. L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution)  Obligation faite au préfet de département d’appliquer une décision juridictionnelle d’expulsion dans un délai de sept jours

Article 1er bis A  (art. 226-4-4 [nouveau] du code pénal) Sanction de la propagande et de la publicité en faveur de méthodes tendant à faciliter le squat

Article 1er bis  (art. 313-6-1 du code pénal) Alourdissement de la peine prévue en cas de mise à disposition sans droit ni titre du bien d’un tiers

Article 2 (art. 226-4 du code pénal et art. 38 de la loi n° 2007290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) Clarification de la caractérisation du délit de violation du domicile et amélioration de la procédure d’évacuation forcée

Article 2 bis  (art. 1244 du code civil)  Transfert de la responsabilité du propriétaire vers l’occupant sans droit ni titre en cas de dommages résultant d’un défaut d’entretien

Article 2 ter  (art. 29 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ; art. 2 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; art. L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution) Pérennisation et sécurisation du dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales

Chapitre II Sécuriser les rapports locatifs

Article 4 (art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) Systématisation de la clause de résiliation du bail  et encadrement de la faculté du juge d’en suspendre les effets

Article 5 (art. 3-2, 4, 14-1, 15, 24, 25-8 et 25-15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. L. 412-1, L. 412-3, L. 412-4 et L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution) Réduction de délais dans la procédure contentieuse du litige locatif

Article 6  (art. L. 153-1 et L. 153-2 du code des procédures civiles d’exécution) Harmonisation des règles d’indemnisation des propriétaires de logements pour lesquels le concours de la force publique est refusé par le préfet

Chapitre III Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté

Article 7 (art. 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, art. L. 8242 du code de la construction et de l’habitation  et art. L. 431-3 [nouveau] du code des procédures civiles d’exécution) Renforcement du rôle et des prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex)

Article 8 (art. L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles) Extension au préfet et à la Ccapex de la faculté de saisine du juge pour que soit octroyé ou suspendu un accompagnement social personnalisé

EXAMEN EN COMMISSION

 

 


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   INTRODUCTION

Les diverses atteintes portées à la propriété privée par la pratique du « squat », sont intolérables. Elles sont d’ores et déjà punies dans notre droit, bien que leur régime juridique ait longtemps connu des fragilités. Face à des situations inacceptables qui se reproduisent et suscitent l’indignation de nos concitoyens, nous avons agi.

Une procédure accélérée d’expulsion des squatteurs avait été créée en 2007 et n’avait plus été modifiée depuis. La procédure a été revue et renforcée en 2020, dans le cadre de la loi ASAP ([1]), ce qui a permis de mener à bien 170 expulsions sur ce fondement en 2021. La conformité de ce dispositif à la constitution vient d’ailleurs d’être affirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-1038 QPC du 24 mars 2023. Mais il faut aller plus loin, preuve en est les affaires récurrentes qui ponctuent l’actualité : c’est ce que vise la première partie de cette proposition de loi.

Au-delà des cas de « squats », toute une « zone grise », comme l’ont qualifiée les avocats entendus lors des auditions, n’est pas traitée par le biais de la procédure accélérée d’expulsion, comme, par exemple, le refus de payer son loyer ou de quitter les lieux en fin de bail, ou encore les cas de dégradation du bien loué.

La proposition de loi, qui vise à répondre aux problèmes d’occupation illicite des logements, quelle que soit leur origine, traite ainsi, dans son deuxième chapitre, des relations entre les locataires et leurs bailleurs.

À l’issue de son examen par le Sénat, le texte s’inscrit dans la recherche d’un équilibre entre les protections accordées aux locataires et les efforts supplémentaires demandés des bailleurs.

Dans un contexte où l’offre de logements est tendue, il est important d’envoyer un signal aux bailleurs, afin de ne pas désinciter à l’investissement locatif et de couper court au mouvement de déport du marché locatif traditionnel vers celui des meublés de tourisme.

C’est à ces objectifs que répond le présent texte, qui satisfait à un double impératif : à la fois assurer le respect de nos droits fondamentaux à la propriété et à la vie privée, et conforter la santé économique du secteur du logement, en améliorant les rapports locatifs et en rassurant les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.

La première lecture de ce texte avait fourni l’occasion d’adopter plusieurs mesures importantes, qui viendront renforcer nos concitoyens dans la protection de leur domicile.

Après l’examen du texte à l’Assemblée, en janvier dernier, le Sénat a souhaité inscrire rapidement cette proposition à son ordre du jour, car les sénateurs prennent à bras le corps cette problématique depuis plusieurs années.

Les deux commissions sénatoriales saisies – la commission des lois et la commission des affaires économiques – ont effectué un travail solide et précieux, sécurisant et renforçant les dispositions soumises à leur examen.

Le premier volet du texte, consacré au squat, s’est largement enrichi depuis le dépôt de la proposition de loi, à la fois lors de la lecture à l’Assemblée nationale et lors de l’examen au Sénat.

Le Sénat a ainsi adopté conforme l’article 1er du texte, qui triple la peine prévue pour le squat du domicile (3 ans de prison et 45 000 euros d’amende).

Au-delà du squat du domicile, l’article 1er A, créé par notre commission, prend en compte de nombreuses autres situations et intègre au code pénal un nouveau délit pour ce qui concerne le squat de locaux – logements, locaux économiques – qui ne sont pas des domiciles. Cet article, amélioré par le Sénat, est une réponse indispensable à un vide juridique dont profitent les « professionnels du squat » pour multiplier leurs occupations illégales.

Les sénateurs ont aussi approuvé les dispositions concernant le délit d’incitation au squat (l’article 1er bis A), créé par l’Assemblée. Cet article punit la publicité et la propagande en faveur du squat, notamment les publications par voie électronique, qui pullulent sur internet.

Les dispositions qui sanctionnent les marchands de sommeil – l’article 1er bis – et celles sur la pérennisation du mécanisme utile de mise à disposition des locaux en faveur des associations d’insertion et d’hébergement – l’article 2 ter, ont fait l’objet de modifications qui les renforcent sans les dénaturer.

Dans la deuxième partie du texte, qui porte sur la sécurisation des rapports locatifs, l’article 5, préservé par le Sénat, réduit certains des délais contentieux, extrêmement longs, qui marquent les procédures du contentieux locatif.

Le Sénat a aussi souhaité renforcer le texte pour ce qui concerne l’accompagnement des locataires en difficulté. En créant le chapitre III et notamment son article 7, la commission des affaires économiques du Sénat a clarifié les compétences des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) et renforcé une reprise rapide du paiement du loyer.

Dans l’ensemble, après un travail de qualité des deux commissions concernées, les sénateurs ont réussi à adopter, rapidement, un texte enrichi, que notre Assemblée pourra reprendre en grande partie, faisant par-là œuvre utile en contribuant à renforcer la lutte contre les squats et contre les autres occupations illicites, objectifs de cette proposition de loi dès le dépôt du texte.

 


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   SynthÈse

I.   le chapitre Ier vise À renforcer la protection des locaux face au « squat »

L’article 1er A, créé par votre commission en première lecture, intègre un nouveau chapitre dans le code pénal, prévoyant, d’une part, que l’introduction et le maintien dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte est un délit puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. D’autre part, le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation, en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire, est puni de 7 500 euros d’amende.

L’article 1er B, créé par le Sénat, supprime la possibilité laissée au juge du fond et au juge de l’exécution d’accorder des délais renouvelables dits « de relogement » à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel, lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement et que son relogement n’a pas pu avoir lieu dans des conditions normales.

L’article 1er C, créé par le Sénat et supprimé par votre commission, visait à obliger le représentant de l’État dans le département à mettre en application dans un délai de sept jours, en ayant recours à la force publique, une décision juridictionnelle d’expulsion.

L’article 1er, adopté conforme par le Sénat, alourdit la peine encourue par l’auteur du délit de violation de domicile, en la portant à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

L’article 1er bis A, créé par l’Assemblée nationale en première lecture, punit la publicité en faveur d’actions facilitant ou encourageant la violation de domicile.

L’article 1er bis, créé par votre commission en première lecture, triple la sanction pesant, dans le code pénal, sur les marchands de sommeil, ce qui la porte à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

L’article 2 apporte des clarifications au régime juridique de la violation de domicile, en précisant que le domicile peut être qualifié comme tel qu’il soit habité ou non. Il modifie également la procédure prévue à l’article 38 de la loi Dalo, en prévoyant qu’elle peut concerner tout local à usage d’habitation.

L’article 2 bis, créé par votre commission en première lecture, libère le propriétaire d’un bien immobilier de son obligation d’entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, de façon à ce que sa responsabilité ne puisse être engagée en cas de dommage résultant du défaut d’entretien.

L’article 2 ter, créé par votre commission en première lecture, pérennise et sécurise le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants par des organismes publics ou associations agréées par l’État à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social, en vue d’en assurer la protection et la préservation.

II.   Le chapitre II vise À accÉLÉRER les procÉdures du contentieux locatif

L’article 4 vise à rendre plus efficace le processus judiciaire en matière de traitement des litiges locatifs. Il prévoit à cet effet l’inclusion systématique dans les contrats de bail d’une clause de résiliation de plein droit. Il modifie également le déroulement de l’audience judiciaire aux fins de constatation de l’acquisition de la clause de résiliation, en encadrant la faculté du juge d’octroyer des délais de règlement de la dette locative et de suspendre l’effet de cette clause.

L’article 5 vise à accélérer la procédure contentieuse du litige locatif. Dans ce sens, il réduit le délai minimal entre l’assignation et l’audience, et réduit les délais renouvelables que peut accorder le juge de l’exécution au titre des difficultés de relogement à la suite de l’audience. Il réduit également le délai entre le commandement de payer et l’assignation et prévoit la transmission automatique du dossier d’impayé à la Ccapex dès le stade du commandement de payer. Enfin, après l’audience, il réduit le délai qui succède au commandement de quitter les lieux.

L’article 6, créé en commission au Sénat, a pour objet de clarifier et d’harmoniser les règles d’évaluation de l’indemnisation à laquelle ont droit les propriétaires lorsque le préfet leur refuse le concours de la force publique pour expulser un locataire défaillant à l’issue de la procédure judiciaire.

III.   Le chapitre III vise À renforcer l’accompagnement des locataires dÉfaillants

L’article 7, créé en commission au Sénat, a pour objet d’accentuer le rôle central que jouent les Ccapex dans la prévention des expulsions locatives et dans la reprise du paiement du loyer, en définissant leurs missions, en leur donnant un pouvoir décisionnaire en matière de maintien ou non des aides personnelles au logement en cas d’impayés locatifs, ainsi qu’en renforçant la qualité de l’information dont elles disposent.

L’article 8, créé en commission au Sénat, prévoit la possibilité pour la Ccapex et pour le préfet, aussi bien que pour le président du conseil départemental, de déclencher une mesure d’accompagnement social personnalisé du locataire lorsque les impayés résultent de difficultés de gestion.

 


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   commentaire des articles

Chapitre Ier
Mieux réprimer le squat

Votre commission a adopté, suivant l’avis favorable du rapporteur, un amendement CE35 de Mme Annie Genevard (LR) visant à modifier le titre du chapitre Ier, afin de le mettre en adéquation avec son contenu, du fait notamment du délit créé à l’article 1er A, qui concerne non seulement les logements mais aussi les locaux à usage économique. Pour cette raison, la référence explicite au squat du logement a été abandonnée dans le titre du chapitre.

 

Article 1er A
(art. 315-1 et 315-2 [nouveaux] du code pénal)
Délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble bâti à usage d’habitation ou économique et délit de maintien dans les lieux après décision d’expulsion

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article crée un nouveau chapitre dans le code pénal, prévoyant d’une part que l’introduction et le maintien dans un local à usage d’habitation ou à usage économique à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, est un délit puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. D’autre part, le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation, en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire, est puni de 7 500 euros d’amende.

IV.   L’État du droit

L’article 1er de la présente proposition de loi revient sur les peines prévues pour la violation de domicile, infraction définie à l’article 226-4 du code pénal. Ce délit, qui existe déjà, est prévu au livre II de ce même code, qui concerne les atteintes portées à la vie privée et les sanctionne au titre de la protection constitutionnelle et conventionnelle de l’intimité. En effet, la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation définit le domicile comme le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux (voir rapport de première lecture) ; l’article 226-4 n’a donc pas pour objet de garantir d’une manière générale les propriétés immobilières contre le risque d’usurpation.

Par contraste, il n’existe, dans le droit actuel, ni délit, ni peine pesant sur l’occupation d’un immeuble sans titre sur le fondement de l’atteinte au droit de la propriété.

V.   Les dispositions adoptÉes par l’ASSEMBLÉE nationale

1.   Les dispositions créées par la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE31 de Mme Annie Genevard (LR) et plusieurs de ses collègues, qui crée un nouveau chapitre au sein du livre III du code pénal, traitant de « l’occupation frauduleuse d’un immeuble ». Le livre III du code pénal traite la question des crimes et délits contre les biens et son titre Ier de celle des appropriations frauduleuses.

L’article ainsi créé précisait que « l’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un immeuble appartenant à un tiers s’apparente à un vol », réaffirmation importante de la primauté du principe de propriété. La référence à un « immeuble » concernant strictement l’ensemble des biens immeubles par opposition aux biens meubles, et donc aussi bien les terrains nus que bâtis, un sous-amendement CE72 de votre rapporteur a permis de préciser que les immeubles ainsi protégés sont les « immeubles bâtis à usage d’habitation », afin de préserver la proportionnalité du dispositif.

L’article dans sa première rédaction prévoyait aussi, de manière originale, que c’est à l’occupant réputé sans droit ni titre de « prouver sa bonne foi par la présentation d’un titre de propriété, d’un contrat de bail en cours de validité le liant au propriétaire de l’immeuble occupé ou bien d’une convention d’occupation à titre gratuit signée par le propriétaire du bien ».

Afin de garantir la constitutionnalité des dispositions, et notamment leur conformité à l’article 9 de la Déclaration de 1789, qui protège la présomption d’innocence, la commission a adopté un sous-amendement CE73 de votre rapporteur qui supprime toute référence à la notion de « bonne foi ».

2.   Les modifications adoptées par l’Assemblée en séance publique

En séance, l’Assemblée a adopté un amendement de rédaction globale n° 173 de Mme Annie Genevard et du groupe LR, sous-amendé par le rapporteur (n° 402) et par M. Erwan Balanant et le groupe Dem (n° 400). Cette réécriture visait à sécuriser la rédaction des nouvelles dispositions :

– en distinguant le délit d’introduction ou de maintien sans titre d’une part, objet du délit de l’article 315-1 du code pénal et puni de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, et d’autre part le délit de maintien dans un logement après décision de justice ordonnant l’expulsion, objet de l’article 315-2 du même code, puni de six mois de prison et de 7 500 euros d’amende ;

– en élargissant, pour le premier délit, son périmètre aux locaux « à usage d’habitation ou à usage économique » ;

– en supprimant l’apparentement du délit à un vol, susceptible d’engendrer des difficultés juridiques.

VI.   Les modifications adoptÉes par le sÉnat

La commission des lois du Sénat a adopté les amendements identiques COM-34 et COM-52 du rapporteur, M. André Reichardt (LR), et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi‑Sassone (LR), qui prévoient que l’infraction visée à l’article 315-1 est constituée en cas d’introduction dans le local à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, ce qui exclut les locataires. Cette clarification permet en outre de mieux délimiter les champs d’application respectifs des articles 315-1 et 315-2.

La commission a également établi une gradation entre la peine prévue pour le squat de domicile, que l’article 1er de la proposition de loi prévoit de porter à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, et celle applicable au squat de locaux qui ne constituent pas un domicile. À cette fin, elle a adopté l’amendement COM-49 de M. François Patriat (RDPI), qui fixe, dans cette seconde hypothèse, la peine encourue à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques n° 34 du groupe Écologiste – Solidarité et territoires et du groupe Union centriste, qui suppriment la peine d’emprisonnement associée au deuxième délit.

VII.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier. Elle a considéré notamment que la suppression de la peine de prison, décidée par les sénateurs, pour le délit créé à l’article 315-2 du code pénal, constitue une amélioration dans la proportionnalité des peines.

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Article 1er B
(art. L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution)
Suppression de la possibilité laissée au juge d’accorder des délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par le Sénat en première lecture.

Objet de l’article : Le présent article supprime la possibilité laissée au juge du fond et au juge de l’exécution d’accorder des délais renouvelables dits « de relogement » à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel, lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement et que son relogement n’a pas pu avoir lieu dans des conditions normales.

I.   L’État du droit

Lorsqu’une expulsion prononcée par le juge porte sur un « lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef », elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement d’avoir à quitter les lieux. Ce délai d’attente de deux mois, posé par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, doit être compris comme un temps minimal laissé à la personne expulsée pour trouver un nouveau logement.

Le juge conserve dans ce cas une marge d’appréciation : en effet, en application d’une modification issue de la loi du 23 novembre 2018, ce délai ne s’applique pas quand le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes frappées d’expulsion sont entrées dans les locaux par voies de fait, ce qui vise plus particulièrement les squatteurs. Cette évolution a permis au juge qui réduit ou supprime le sursis légal de ne plus le faire par décision spéciale et motivée ([2]).

Inversement, le juge peut également, en application de l’article L. 412-2 du même code, proroger ce délai et le porter à une durée maximale de trois mois dans la mesure où l’expulsion « aurait des conséquences d’une exceptionnelle dureté » pour la personne concernée. Sont notamment pris en compte dans cette considération la période de l’année à laquelle l’expulsion est décidée et les circonstances climatiques qui l’accompagnent.

II.   Les dispositions adoptÉES par le SÉNAT

Le présent article résulte de l’adoption, en commission des lois du Sénat, de l’amendement COM-29 de Mme Catherine Procaccia (LR).

Il a pour objet de renforcer l’efficacité des procédures judiciaires d’expulsion pour les cas d’entrée illicite dans un bien habité ou professionnel en supprimant la possibilité laissée au juge civil d’accorder des délais à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement.

Pour cela, il prévoit de compléter l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution par un troisième alinéa disposant que les alinéas précédents de l’article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

Ce dernier alinéa vise explicitement les squatteurs entrés dans des lieux privés par des moyens illicites à qui ces délais accordés par le juge civil peuvent potentiellement bénéficier. Il ne concerne donc pas l’ensemble des locataires en difficulté.

Aussi, cette suppression est à considérer au regard d’une mesure proposée par le rapporteur du Sénat à l’article 5, qui tend à supprimer la mention selon laquelle le juge ne peut demander un titre à l’origine de l’occupation.

Le Sénat n’a pas modifié l’article en séance publique.

III.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

 

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Article 1er C
(art. L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution)
Obligation faite au préfet de département d’appliquer une décision juridictionnelle d’expulsion dans un délai de sept jours

Supprimé par la commission

 

Origine de l’article : créé en séance publique par le Sénat en première lecture.

Objet de l’article : Le présent article oblige le représentant de l’État dans le département à mettre en application dans un délai de sept jours, en ayant recours à la force publique, une décision juridictionnelle d’expulsion.

I.   L’État du droit

Le code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux ([3]) .

La décision de justice, suivie d’un délai de recours d’un mois, et le commandement de quitter les lieux (CQL) sont deux actes distincts (voir encadré).

Ce commandement est généralement suivi, notamment dans le cas d’une expulsion locative, d’un délai incompressible de deux mois qui vise notamment à permettre le relogement dans de bonnes conditions. Le code prévoit, toutefois, depuis la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi Elan »), deux aménagements à cette règle :

– dans le cas d’une expulsion locative, lorsque le locataire n’a pas accepté une offre de logement qui lui a été faite, le juge peut réduire ou supprimer ce délai de deux mois ;

– dans le cas d’une occupation sans titre, lorsque les personnes dont l’expulsion est ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait, le délai de deux mois ne s’applique pas.

Décision judiciaire d’expulsion et commandement de quitter les lieux

Lorsque le juge prononce une « expulsion ferme » (sans délais de règlement), il ordonne à l’occupant (le plus souvent, un locataire) de quitter le logement sous peine d’expulsion. Le commissaire de justice signifie alors la décision au locataire visé par la procédure. À la suite de cette signification, l’occupant peut s’exécuter volontairement et rendre le logement au bailleur. Inversement, il dispose d’un mois pour faire appel à compter de la signification de la décision par l’huissier.

Le locataire peut aussi, dans ce délai ou après ce délai, saisir le juge de l’exécution afin que celui-ci lui accorde des délais qui peuvent être :

– un délai de trois mois en cas de conséquences d’une exceptionnelle dureté de l’expulsion ;

– des délais renouvelables de trois mois à trois ans prenant en compte plusieurs critères.

À l’expiration du délai de recours d’un mois suivant la signification de la décision de justice du juge du fond, le commissaire de justice délivre au locataire un commandement de quitter les lieux. Ce commandement accorde un délai de deux mois pour quitter le logement, délai au terme duquel le commissaire de justice constate si le locataire a ou non quitté les lieux.

Si le locataire n’a pas quitté les lieux au bout du délai de deux mois, le commissaire de justice peut saisir le préfet d’une demande de concours de la force publique pour procéder à l’expulsion. Le préfet diligente alors une enquête administrative pour déterminer les conséquences sociales de cette expulsion.

À l’issue de cette enquête, le préfet peut soit donner son accord pour le concours de la force publique, soit le refuser, auquel cas le bailleur peut être indemnisé. L’expulsion est mise en œuvre par le commissaire de justice avec le concours de la force publique qui intervient au domicile de l’occupant.

II.   Les dispositions adoptÉES par le SÉNAT

Le présent article résulte de l’adoption, en séance publique et après un avis de sagesse de la commission et défavorable du Gouvernement, de l’amendement n° 83 de Mme Catherine Procaccia (LR), rectifié en cours d’examen pour porter le délai prévu de 72 heures à sept jours.

Il a pour objet de contraindre le préfet de département à appliquer une décision d’expulsion rendue par le juge dans un délai de sept jours.

Cette volonté résulte, selon la signataire de l’amendement, qui a rappelé à cette occasion son implication dans la création de la procédure prévue à l’article 38 de la loi Dalo (voir commentaire de l’article 2), du constat selon lequel le préfet n’ordonne pas systématiquement l’expulsion des occupants sans droit ni titre, entrés dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, après que les juridictions ont rendu une décision d’expulsion.

III.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Votre commission a adopté trois amendements de suppression de cet article CE101 de votre rapporteur, CE13 de Mme Danielle Simonnet et du groupe La France insoumise – NUPES et CE44 de M. Inaki Echaniz et du groupe Socialistes et apparentés – NUPES.

Même si votre rapporteur comprend la volonté, portée par cet article, d’accélération des expulsions des occupants sans droit ni titre, il considère qu’il posait plusieurs difficultés d’ordre juridique et constitutionnel :

– en termes d’opportunité juridique, il portait sur un objet déjà traité par la procédure de l’article 38 de la loi Dalo, dont le champ est élargi à l’article 2 de la présente proposition de loi ;

– pour ce qui concerne sa recevabilité constitutionnelle, il inscrivait une obligation d’expulsion dans les sept jours suivant la décision du juge du fond, méconnaissant ainsi le délai de recours de droit commun d’un mois, ainsi que le délai de saisine du juge de l’exécution, et constituait donc une atteinte au droit au recours, qui est un droit fondamental garanti par notre Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– autre grief d’ordre constitutionnel : il forçait la main au préfet pour procéder à l’expulsion, sans lui accorder la possibilité d’apprécier les éventuels troubles à l’ordre public susceptibles d’être engendrés par l’expulsion ou, le cas échéant, d’autres impératifs d’intérêt général qui pourraient légitimement s’interposer, privant donc l’État de la marge d’interprétation nécessaire pour une application appropriée du droit ;

– sur la forme, il posait une question d’insertion normative, intervenant dans un article du code consacré à la trêve hivernale (l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution), alors même que son objet ne relevait pas de cette question.

 

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Article 1er bis A
(art. 226-4-4 [nouveau] du code pénal)
Sanction de la propagande et de la publicité en faveur de méthodes tendant à faciliter le squat

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en séance publique par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article punit la publicité en faveur d’actions facilitant ou encourageant la violation de domicile.

I.   L’État du droit

Bien que l’infraction de violation de domicile soit définie à l’article 226-4 du code pénal (cf. commentaire de l’article 1er), il ne s’y trouve pas de dispositions visant à punir la propagande et la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter le squat. Seule est susceptible de peine d’amende et d’emprisonnement la publicité en faveur des infractions prévues à l’article 226-1, parmi lesquelles ne figure pas l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Par conséquent, le droit en vigueur ne prévoit aucune sanction pénale pour les incitations à la commission de violation de domicile.

Pourtant, la propagande et la publicité en faveur des méthodes tendant à faciliter le squat encouragent l’introduction et le maintien dans le domicile d’autrui, sans droit ni titre sur le bien occupé. Des guides, des brochures ainsi que des modes d’emploi, souvent dématérialisés, sont disponibles et offrent des conseils et des recommandations visant à faciliter la pratique.

Face à ce phénomène, une proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture le 19 janvier 2021 prévoyait d’ajouter au code pénal une disposition ainsi rédigée : « La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur des méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission du délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble est punie de 3 750 € d’amende ».

II.   Les dispositions adoptÉES par l’AssemblÉE nationale

L’article 1er bis A résulte de l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, en séance publique, d’un amendement n° 128 de M. Philippe Pradal et des membres du groupe Horizons et apparentés.

Il prévoit d’insérer dans le code pénal un nouvel article qui vise à punir la propagande ou la publicité visant à faciliter ou à inciter à la commission de l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. L’incitation à la commission du délit d’occupation illicite est punie notamment au regard du respect de la vie privée et de la propriété.

Le nouveau délit, sanctionné d’une amende s’élevant à 3 750 euros, contribue utilement au combat contre la multiplication des vidéos, articles ou modes d’emploi visant à diffuser des méthodes pour squatter facilement des biens immobiliers.

III.   Les modifications adoptÉES par le SÉNAT

La commission des lois du Sénat a adopté deux amendements qui précisent et consolident le dispositif proposé :

– en premier lieu, un amendement COM-35 du rapporteur, M. André Reichardt (LR), prévoit d’ajouter au champ de l’article, le délit créé à l’article 315- 1 du code pénal. Cette coordination avec l’article 1er bis A permettra de s’assurer que la propagande et la publicité en faveur de toutes les formes de squat seront bien sanctionnées.

– en deuxième lieu, un amendement COM-36 de M. Reichardt prévoit une coordination avec les régimes spécifiques des lois sur la presse et l’audiovisuel : l’insertion de ce nouvel alinéa apporte des précisions quant à la responsabilité de chacun des individus participant à la propagande ou la publicité en faveur du squat lorsque celles-ci sont effectuées par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle. Selon que l’individu ait été l’éditeur, l’auteur ou bien encore l’imprimeur, les responsabilités de chacun d’entre eux différeront.

L’article ainsi modifié a été adopté par le Sénat sans modification.

IV.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

 

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Article 1er bis
(art. 313-6-1 du code pénal)
Alourdissement de la peine prévue en cas de mise à disposition sans droit ni titre du bien d’un tiers

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article triple la sanction pesant, dans le code pénal, sur les marchands de sommeil, ce qui la porte à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende.

I.   L’État du droit

Une pratique croissante chez les marchands de sommeil consiste pour une personne à occuper de manière illicite un bien sans disposer d’un titre, pour ensuite se faire passer pour son propriétaire aux fins de le louer, souvent dans des conditions indignes, à des personnes vulnérables qui pensent ainsi être en situation régulière.

Le recours à cette pratique est de plus en plus fréquent, ainsi qu’en témoignent plusieurs faits divers récemment médiatisés. Un habitant de l’Oise avait par exemple découvert en octobre 2021 que la maison de sa mère, placée en maison de retraite, était habitée par des locataires eux aussi trompés par un faux propriétaire. Plus récemment, un propriétaire d’une maison dans les Côtes d’Armor, en septembre 2022, a découvert que son logement était habité par une famille qui avait elle-même été dupée par un faux bailleur.

Il s’agit d’une situation qui n’est pas adéquatement prévue dans le droit actuel. En effet, en l’absence d’actes d’extérieurs, le seul fait de se dire faussement propriétaire d’un bien ne constitue pas une prise de qualité au sens de l’article 313‑1 du code pénal relatif au délit d’escroquerie. Ces faits ne sont pas donc nécessairement constitutifs du délit d’escroquerie et leur incrimination nécessite l’adoption d’un délit spécifique.

II.   Les dispositions ADOPTÉes par l’AssemblÉE nationale

Le présent article, qui résulte de l’adoption par votre commission d’un amendement CE60 de M. Paul Midy et des membres du groupe Renaissance, a pour objectif de répondre à ce phénomène en incriminant le fait pour une personne de se faire passer pour le propriétaire d’un bien aux fins de le louer.

Dans la continuité de l’esprit guidant la présente proposition de loi, le fait de se faire passer pour le propriétaire d’un bien aux fins de le louer doit être pénalisé afin de répondre à la diversité des situations de « squat ». L’article prévoit que ne seront passibles de la sanction que les personnes qui remplissent deux critères cumulatifs :

– elles ne disposent d’aucun titre d’occupation, donc ne sont ni locataires ni propriétaires. Cette rédaction permet d’exclure du champ du délit tout locataire licite qui sous-loue le bien, même sans l’aval préalable du propriétaire ;

– elles se font passer pour propriétaires, ou se disent faussement propriétaires, aux fins de le louer.

Le champ du nouveau délit, qui entraîne une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, est précis et contribue utilement au combat contre l’habitat indigne que mène le législateur depuis la loi Elan.

L’article créé par la commission a été adopté par l’Assemblée nationale, en séance, sans modification.

III.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

L’amendement COM-37 du rapporteur, M. André Reichardt (LR), adopté par la commission des lois du Sénat, a modifié profondément la forme de l’article. Il supprime en effet l’article nouveau créé au code pénal et relève le quantum de la peine prévu à l’article 313-6-1 du code pénal.

La commission a, en effet, considéré que le délit existant d’usurpation du titre de propriétaire punit déjà le fait de mettre à la disposition d’un tiers un bien immobilier appartenant à autrui, et qu’il n’est donc pas opportun de créer une nouvelle infraction.

C’est pourquoi la commission a décidé, plutôt que de créer un nouveau délit, d’augmenter la peine prévue pour le délit existant, à trois ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Sont ainsi durcies les peines liées au fait de mettre à la disposition d’un tiers un bien immobilier appartenant à autrui sans autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien.

Le Sénat a adopté l’article ainsi modifié.

IV.   les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

 

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Article 2
(art. 226-4 du code pénal et art. 38 de la loi n° 2007290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale)
Clarification de la caractérisation du délit de violation du domicile et amélioration de la procédure d’évacuation forcée

Adopté avec modifications par la commission

 

Origine de l’article : proposition de loi.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article apporte des clarifications au régime juridique de la violation de domicile, en précisant que le domicile peut être qualifié comme tel qu’il soit habité ou non. Il modifie également la procédure prévue à l’article 38 de la loi Dalo, en prévoyant qu’elle peut concerner tout local à usage d’habitation..

Le présent article traite de l’infraction de violation de domicile, établie dans deux textes distincts, en apportant deux précisions importantes.

I.   L’État du droit

Le traitement juridique du squat est fondé essentiellement sur deux régimes complémentaires : d’une part, la définition pénale de l’infraction de violation de domicile définie à l’article 226-4 (cf. commentaire de l’article 1er) et, d’autre part, une procédure administrative spéciale pour évacuer les occupants, fondée sur cette infraction et définie à l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (« loi Dalo »).

Ledit article 38 ouvre la possibilité au propriétaire ou au locataire d’un domicile occupé par la suite d’une violation de domicile, et à la condition d’un dépôt de plainte au titre de cette infraction, de saisir les services préfectoraux d’une demande d’expulsion de l’occupant.

La requête consiste à demander au préfet de mettre en demeure l’occupant frauduleux de quitter les lieux dans un délai défini, au terme duquel le préfet est tenu de procéder à l’évacuation forcée du logement. La procédure permet au préfet, après mise en demeure, d’évacuer des personnes s’étant introduites et maintenues dans le domicile d’autrui, sans recours préalable au juge. Il s’agit de ce fait d’une procédure nettement dérogatoire par rapport au principe selon lequel l’expulsion de l’occupant d’un domicile ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice et après signification d’un commandement de quitter les lieux ([4]).

Cette dérogation résulte de la volonté explicite du législateur de permettre au propriétaire ou au locataire qui subit les conséquences de ce délit de bénéficier d’une procédure plus rapide que celle qui prévaut dans le cas d’un litige classique entre propriétaire et locataire (non-paiement du loyer, défaut d’entretien du bien, arrivée à terme du bail, etc.), afin qu’il puisse retrouver rapidement la jouissance de son domicile dont le prive l’occupation.

II.   Les dispositions proposÉES

Dans sa rédaction initiale, le I clarifiait l’infraction inscrite à l’article 226-4 du code pénal en prévoyant trois éléments constitutifs afin de prendre en compte les situations dans lesquelles les requérants ne parviennent pas à prouver l’existence d’un « squat » à défaut d’éléments matériels attestant de l’introduction par effraction ou autrement délictuelle. Il précisait également que le domicile est établi, que le lieu concerné soit « meublé ou non ». Cette clarification devait permettre, sans s’écarter excessivement de la notion d’un lieu effectivement occupé, de sécuriser les biens qui sont sur le point d’être habités (déménagement, transaction, changement de locataire) mais sont temporairement vides de meubles.

Le II portait deux modifications à l’article 38 de la loi Dalo, par coordination avec les évolutions apportées à l’article 226-4 du code pénal.

III.   Les modifications adoptÉes par l’AssemblÉE nationale

Cet article a été adopté sans modification par votre commission. Toutefois, le I a été réécrit en séance publique, après l’adoption de l’amendement n° 127 du groupe Renaissance), qui précise que constitue notamment le domicile d’une personne, au sens de l’article 226-4 du code pénal, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non.

En séance publique, ont aussi été adoptés deux amendements portant élargissement des autorités disposant de la faculté de constater l’occupation illicite d’un domicile au sens de l’article 38 de la loi Dalo : l’amendement n° 9 du groupe Les Républicains pour ce qui concerne le commissaire de justice, et l’amendement n° 136 du groupe Horizons pour ce qui concerne le maire.

IV.   Les modifications adoptÉes par le sÉnat

La commission des lois du Sénat a adopté deux amendements COM-38 et COM-53 de son rapporteur et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, visant à réintroduire des dispositions adoptées en 2021 par le Sénat dans le cadre de l’examen de la proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat. Ces mesures ont visé trois objectifs, d’après la commission :

– étendre le champ d’application de l’article 38 au squat d’un local d’habitation, alors qu’il ne s’applique actuellement qu’au squat d’un domicile ; deviendraient ainsi éligibles à la procédure d’évacuation forcée les logements occupés par des squatteurs entre deux locations ou juste après l’achèvement de la construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager ; il reviendra au préfet de veiller à la proportionnalité des moyens mis en œuvre en fixant un délai d’exécution de la mise en demeure plus ou moins long ;

– prévoir, lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison du squat, qu’il revient au préfet de s’adresser à l’administration fiscale pour établir ce droit ; l’adoption du sous-amendement COM-31 de Mme Catherine Procaccia (LR) a eu pour effet d’enserrer la saisine de l’administration fiscale par le préfet dans un délai de 72 heures ;

– ramener de 48 heures à 24 heures le délai laissé au préfet pour mettre en demeure le squatteur de quitter les lieux, afin d’apporter une réponse plus rapide à des situations qui peuvent plonger des familles dans une situation très difficile.

V.   Les modifications adoptÉes par votre commission

Votre commission a adopté l’article modifié par l’amendement CE97 du rapporteur, qui supprime la réduction du délai d’instruction de la demande, par le préfet, de 48 heures à 24 heures, adopté par les sénateurs. Le rapporteur a fait valoir que le délai de 48 heures, prévu par la loi, est d’ores et déjà suffisamment exigeant, et implique un bon degré de mobilisation des services préfectoraux.

 

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Article 2 bis
(art. 1244 du code civil)
Transfert de la responsabilité du propriétaire vers l’occupant sans droit ni titre en cas de dommages résultant d’un défaut d’entretien

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article libère le propriétaire d’un bien immobilier de son obligation d’entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, de façon à ce que sa responsabilité ne puisse être engagée en cas de dommage résultant du défaut d’entretien.

I.   L’État du droit

Le régime de la responsabilité extracontractuelle prévu au code civil fixe notamment le principe selon lequel « le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction » ([5]).

Dans une récente affaire, largement médiatisée, la plaignante, qui avait été déchue de tout titre d’occupation à la suite d’une décision rendue par un tribunal d’instance, a chuté au sol depuis la fenêtre de la cuisine du bien qu’elle occupait, à la suite de la rupture du garde-corps. Par suite de cet accident, elle a assigné le propriétaire du bien en justice pour obtenir la reconnaissance de sa responsabilité dans le défaut d’entretien à l’origine l’accident.

Par une décision du 15 septembre dernier dans laquelle elle a jugé que le propriétaire est responsable du défaut d’entretien et l’a condamné à réparer l’entier préjudice subi par l’occupante, la Cour de cassation a estimé que « l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier par la victime ne peut constituer une faute de nature à exonérer le propriétaire du bâtiment au titre de sa responsabilité, lorsqu’il est établi que l’accident subi par cette dernière résulte du défaut d’entretien de l’immeuble » ([6]).

On peut en déduire que le propriétaire d’un bien immobilier occupé par un occupant sans droit ni titre reste dans l’obligation d’entretenir ledit bien et qu’il est par conséquent responsable en cas d’accident. Cette obligation doit s’entendre,
au-delà du cas d’espèce qui concernait une personne dont le bail avait été résilié par un juge, également pour les cas de « squat » pur.

En vertu de cette jurisprudence, non seulement l’occupant qui se maintient dans un bien immobilier en violation du droit de propriété et d’une décision de justice est exonéré de toute responsabilité dans son accident, mais il peut en outre demander avec succès une indemnisation au propriétaire pour des sommes considérables : à titre d’exemple, dans l’affaire en question, les montants s’élèvent provisoirement à plus de 60 000 euros.

Cette décision témoigne d’une tendance générale dans les décisions judiciaires qui suscitent l’émotion publique tant elles peuvent sembler, bien qu’elles soient fondées en droit, contraires au bon sens et à la conception commune de la justice. Pourtant, la Cour de cassation a appliqué les dispositions de l’article 1244 du code civil en retenant la théorie de la causalité adéquate – un usage constant dans sa jurisprudence – qui ne tient pour responsable que l’auteur de la cause déterminante du dommage, en l’espèce le défaut d’entretien du bien immobilier.

La Cour aurait également pu appliquer la théorie de l’équivalence des conditions, selon laquelle est réputé causal tout événement sans lequel le dommage ne se serait pas produit. L’usage de cette doctrine est plus exceptionnel, et la Cour de cassation n’y a recours que lorsqu’elle souhaite juger en équité, dans les cas où l’application de sa jurisprudence classique aurait conduit à une situation injuste. En l’espèce, elle aurait pu conclure que si l’ancien locataire ne s’était pas maintenu dans les lieux en violation de la propriété d’autrui, l’accident n’aurait pu avoir lieu.

II.   Les dispositions adoptÉes À l’AssemblÉE nationale

L’article 2 ter résulte de l’adoption par votre commission d’un amendement CE29 de M. Jean-Louis Thiériot et du groupe Les Républicains, lequel reprend la proposition de loi déposée par ce groupe le 2 novembre dernier ([7]).

L’article prévoit, à l’article 1244 du code civil précité, le transfert explicite de la responsabilité du propriétaire du bien immobilier à son occupant sans droit ni titre en cas de survenue d’un accident résultant d’un défaut d’entretien pendant la période d’occupation illégale, et insère à cet effet un nouvel alinéa ainsi rédigé : « L’occupation sans droit, ni titre d’un bien immobilier libère son propriétaire de l’obligation d’entretien du bien de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien du bien pendant cette période d’occupation. En cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité incombe dès lors à l’occupant sans droit ni titre du bien immobilier ».

Comme l’explique l’exposé des motifs de l’amendement, ce transfert résulte d’une motivation autant pratique que morale : « la nécessité de procéder à des travaux se constate visuellement et leur réalisation suppose évidemment d’être dans les lieux. Or, on imagine assez mal, sur fond litigieux, le squatteur laisser entrer le propriétaire dans le bien pour procéder à une inspection et réaliser des travaux. Le propriétaire ne peut pas non plus pénétrer dans le bien sans l’aval du squatteur puisqu’il tomberait alors sous le coup de la violation de domicile punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende [voir commentaire de l’article 1er]. En outre, l’absence de loyers pendant une durée prolongée peut mettre le propriétaire dans l’impossibilité de financer les éventuels travaux nécessaires ».

L’Assemblée a adopté sans modification l’article créé par la commission.

III.   Les modifications adoptÉes au SÉNAT

La commission des lois a adopté deux amendements identiques COM-39 de M. André Reichardt (LR), rapporteur, et COM-54 de Mme Dominique
Estrosi-Sassone (LR), rapporteure pour avis. Ces amendements prévoient d’exclure du dispositif de l’article 2 bis les propriétaires bailleurs hébergeant dans un logement indigne des personnes dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou lui sont connus.

Cette disposition a pour but, d’après les auteurs des amendements, d’empêcher les « marchands de sommeil » qui n’entretiennent pas leur bien de profiter indûment du bénéfice d’une exonération destinée à protéger les propriétaires de bonne foi.

Le Sénat a adopté en séance publique l’article ainsi modifié.

IV.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

 

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Article 2 ter
(art. 29 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ; art. 2 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; art. L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution)
Pérennisation et sécurisation du dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales

Adopté avec modifications par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par l’Assemblée nationale en première lecture.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article pérennise et sécurise le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants par des organismes publics ou associations agréées par l’État à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social, en vue d’en assurer la protection et la préservation.

I.   L’État du droit

La vacance de locaux exerce des effets délétères sur les locaux et leur environnement : elle entraîne, en l’absence d’un entretien spécifique, une dégradation progressive des bâtiments pouvant mener jusqu’à l’insalubrité, et engendre aussi des coûts de gardiennage pour leurs propriétaires. En confier la charge à des occupants temporaires peut permettre de les conserver dans un état habitable. Du reste, les exigences de mobilité et la diversification des parcours résidentiels ont contribué à augmenter la demande de logement temporaire.

Face à ces constats, la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (« loi Molle » ou « loi Boutin »), a introduit à son article 101, à titre expérimental, la possibilité de confier par convention à des organismes agréés l’occupation temporaire de locaux vacants, afin d’assurer leur protection et leur préservation.

Ce dispositif permet à des organismes publics ou privés agréés par l’État et conventionnés avec le propriétaire de bénéficier de la mise à disposition de locaux vacants, en échange de quoi ils s’engagent à les entretenir et à les rendre au propriétaire à l’échéance prévue. Ces organismes peuvent eux-mêmes loger des résidents temporaires dans les locaux ainsi mis à disposition, par la signature d’un contrat de résidence temporaire, et contre le versement d’une redevance. L’agrément de l’État peut d’ailleurs prévoir l’accueil de publics spécifiques. La loi prévoyait par ailleurs un suivi et une évaluation par les services de l’État, devant déboucher sur la remise d’un rapport annuel au Parlement.

L’article 51 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« loi Alur »), a prolongé le dispositif de la loi Molle jusqu’au 31 décembre 2018, alors que celui-ci expirait, en principe, le 31 décembre 2013. Elle a aussi autorisé l’occupant temporaire des locaux à y mener des travaux d’aménagements, et a limité les conventions d’occupation à une période de trois ans prorogeable par périodes d’un an.

Enfin, l’article 29 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« loi Elan ») a, une nouvelle fois, prorogé le dispositif jusqu’en 2023, en précisant qu’il vise des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social.

II.   Les dispositions adoptÉes par l’ASSEMBLÉE nationale

L’article 2 ter résulte de l’adoption par votre commission d’un amendement CE58 de M. Paul Midy et des membres du groupe Renaissance.

Il prévoit la prorogation du dispositif de l’article 29 de la loi Elan jusqu’au 31 décembre 2026, et les débats en commission ont ouvert la possibilité à la création d’un dispositif pérenne lors de l’examen en séance publique.

L’Assemblée nationale a adopté en séance publique deux amendements n° 129 et 150 du groupe Renaissance visant à pérenniser le dispositif.

III.   Les modifications adoptÉES par le SÉNAT

La commission des lois a adopté sept amendements qui ont permis la consolidation et la sécurisation du dispositif.

En premier lieu, deux amendements identiques COM-27 et COM-4 de Mme Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants – République et Territoires) et de M. Dany Wattebled (Les Indépendants – République et Territoires) prévoient une simplification des démarches pour aboutir à une éventuelle expulsion des résidents temporaires qui souhaiteraient se maintenir dans les logements occupés dans le cadre du dispositif, après l’expiration du contrat de résidence temporaire.

En effet, comme le rappellent les auteurs des amendements, le dispositif actuel ne prévoit rien en la matière. Pourtant, des organismes en charge de l’organisation de l’occupation temporaire de locaux vacants ont déjà été confrontés à la problématique de résidents ne souhaitant pas quitter les lieux après l’expiration du contrat d’occupation temporaire. Cette situation oblige les organismes à engager une procédure devant le juge des contentieux de la protection puis de les mettre à exécution, ce qui entraîne généralement des retards conséquents sur la requalification des biens vacants.

De ce fait, les propriétaires de ces biens, loués pour une durée maximale de trois ans dans l’attente de travaux, entre autres, se retrouvent dans l’impossibilité de poursuivre la procédure de requalification du bien temporairement occupé.

La commission a estimé que la souplesse du dispositif impose néanmoins, dans ce type de biens très spécifiques, que les résidents temporaires, qui ne peuvent pas être qualifiés de locataires au sens propre du terme, puissent quitter les lieux après l’expiration du contrat conclu entre l’organisme agréé par l’État et le propriétaire. Elle a donc prévu que le juge judiciaire puisse statuer sur une demande d’expulsion au moyen d’une simple requête, comme cela est prévu aux articles 493 et suivants du code de procédure civile. La procédure de requête permet un équilibre entre la protection des droits et des intérêts de toutes les parties concernées, et apporte davantage de souplesse recherchée par le propriétaire. L’amendement permet aussi un assouplissement du délai de deux mois obligatoirement prévu après la décision d’expulsion prise par le juge.

La portée de ces modifications permettrait de raccourcir les délais de procédure, nécessaire pour assurer la souplesse d’une occupation qui est par nature temporaire, du fait du contrat signé avec le propriétaire, et de la destination des immeubles habités.

En deuxième lieu, la commission a adopté quatre amendements identiques COM-2, COM-26, COM-40 et COM-55 de M. Wattebled, de Mme Paoli-Gagin, du rapporteur M. Reichardt et de la rapporteure pour avis Mme Estrosi-Sassone, qui prévoient d’exclure les contrats de résidence temporaire conclus en vertu du présent dispositif du périmètre d’application de la loi de 1989 déjà mentionnée, qui régit les rapports entre bailleurs et locataires, afin de prémunir ces contrats de tout risque de requalification en baux d’habitation, comme c’est déjà le cas par exemple pour les contrats relatifs à des logements foyers ou des logements de fonction.

En effet, comme le rappellent les auteurs de l’amendement et comme l’ont mentionné certaines personnes entendues par votre rapporteur, ce risque est fréquemment mis en avant par les propriétaires qui sont intéressés par ce dispositif mais qui n’y recourent pas, faute de garantie juridique sur le caractère temporaire de l’installation.

Le Sénat a adopté en séance publique l’article modifié par la commission.

IV.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Votre commission a adopté cet article, modifié par un amendement CE99 de clarification juridique proposé par le rapporteur.

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Chapitre II
Sécuriser les rapports locatifs

Article 4
(art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs)
Systématisation de la clause de résiliation du bail
et encadrement de la faculté du juge d’en suspendre les effets

Adopté avec modifications par la commission

 

Origine de l’article : proposition de loi.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : le présent article vise à rendre plus efficace le processus judiciaire en matière de traitement des litiges locatifs. Il prévoit à cet effet l’inclusion systématique dans les contrats de bail d’une clause de résiliation de plein droit. Il modifie également le déroulement de l’audience judiciaire aux fins de constatation de l’acquisition de la clause de résiliation, en encadrant la faculté du juge d’octroyer des délais de règlement de la dette locative et de suspendre l’effet de cette clause.

I.   L’État du droit

La majorité des baux d’habitation contiennent une clause de résiliation de plein droit. Il s’agit d’une clause résolutoire au sens du code civil, c’est-à-dire une clause précisant les engagements dont l’inexécution entraîne la nullité du contrat ([8]), spécifique aux baux d’habitation.

L’article 4 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (« loi Mermaz-Malandain » ou « loi de 1989 ») prévoit les situations précises dans lesquelles la mise en œuvre d’une clause résolutoire est justifiée. Il s’agit :

– du non-paiement des loyers et/ou des charges locatives ;

– du non-versement du dépôt de garantie par le locataire à son entrée dans le logement ;

– de la non-souscription par le locataire d’une assurance habitation ou d’une assurance propriétaire non occupant (PNO) contre les risques locatifs ;

– du non-respect de l’obligation d’usage paisible des lieux, et notamment en cas de troubles de voisinage constatés par décision de justice passée en force de chose jugée.

Dans la majorité des situations d’impayés, le bailleur agira en justice pour demander à la fois la régularisation de la dette, la résiliation du bail et l’expulsion du preneur. Deux moyens existent donc à cet effet pour le bailleur :

– l’action aux fins de constatation de la clause de résiliation de plein droit du bail, lorsqu’une telle clause est prévue au bail ;

– l’action aux fins de résiliation judiciaire du bail au motif d’un manquement à l’obligation contractuelle de paiement du loyer et des charges.

En mettant en œuvre la clause résolutoire, le bailleur accélère la procédure de résiliation du contrat de bail, en ce sens qu’aucune action en justice n’a besoin d’être ouverte pour obtenir une résiliation judiciaire du bail et procéder à l’expulsion du locataire.

II.   Les dispositions proposÉes

Le 1° de l’article 4 prévoit la systématisation de la clause de résiliation de plein droit dans les baux d’habitation. Bien qu’elle soit présente dans la majorité des baux, les avocats entendus lors de la table ronde organisée par votre rapporteur ont confirmé qu’il existe fréquemment des cas de baux qui ne prévoient pas la clause.

Le 2° de l’article prévoit la suppression de la faculté du juge de suspendre les effets de la clause résolutoire. Sans affecter sa capacité à accorder, d’office, des délais de règlement de la dette locative jusqu’à trois ans, l’article supprime la faculté qu’a le juge, de manière concordante à cette première décision, de suspendre l’effet de clause de résiliation pendant ces délais de paiement.

III.   Les modifications adoptÉES par l’AssemblÉE nationale

Votre commission a adopté cet article modifié.

Elle a adopté deux amendements identiques, CE68 de votre rapporteur et CE71 de Mme Caroline Yadan (RE), qui modifient le II de l’article. À la suppression de la faculté du juge de suspendre la clause résolutoire, initialement prévue dans la proposition de loi, ces amendements, issus des travaux préparatoires, substituent la possibilité pour le juge de mettre en œuvre cette suspension, à condition qu’il soit préalablement saisi à cet effet par le locataire. Cette évolution permet de responsabiliser le locataire dans le contentieux locatif et opère un retour à l’état du droit antérieur à l’adoption de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (« loi Aubry »).

En outre, la commission a adopté un second amendement CE71 de votre rapporteur. Par concordance avec l’aménagement prévu à la clause résolutoire et sans supprimer aucune compétence du juge, il propose, toujours à des fins de responsabilisation des parties prenantes au procès, de remplacer certaines facultés actuellement exercées d’office par le juge par des facultés exercées à la demande du locataire, en ce qui concerne notamment l’examen des éléments de la dette locative et l’octroi de délais de règlement de cette même dette.

En séance publique, l’Assemblée nationale a adopté l’article dans sa rédaction de la commission, moyennant quelques évolutions rédactionnelles.

IV.   Les modifications adoptÉES par le SÉnat

La commission des lois du Sénat a adopté deux amendements COM-41 de son rapporteur M. André Reichardt (LR) et COM-56 de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi-Sassone (LR), qui reviennent sur l’évolution votée par l’Assemblée qui consiste à exiger une demande préalable du locataire pour permettre la suspension de l’effet de la clause résolutoire et l’octroi des délais de règlement de la dette locative.

La commission a donc adopté des dispositions qui tendent à maintenir la possibilité pour le juge d’accorder d’office un délai de paiement au locataire « en situation de régler sa dette locative », selon les termes actuels de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre les bailleurs et les locataires. Pour apprécier cet élément, l’évolution votée maintien également la faculté du juge de vérifier d’office « tout élément constitutif de la dette locative ». En outre, est maintenue la faculté pour le juge de vérifier d’office le respect du caractère décent du logement.

Il est précisé, par ailleurs, qu’en cas d’octroi d’une expulsion conditionnelle, le non-paiement du loyer et des charges, comme le non-respect de l’échéancier d’apurement de la dette locative, entraînent de plein droit l’application de la clause résolutoire, et donc la déchéance du bail. En effet, en l’état actuel du VII de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, seul le non-paiement de la dette locative provoque la déchéance du bail. Or, il convient d’inciter le locataire à s’acquitter de l’ensemble de ses obligations contractuelles et de garantir le bailleur du versement aussi bien du loyer que des arriérés.

En séance publique, sur avis favorable du Gouvernement et de retrait de la commission, le Sénat a adopté deux amendements identiques de M. Stéphane Sautarel (LR) et de M. Jean-Louis Lagourgue (LIRT), qui visent à s’assurer que l’information sur la faculté de demander des délais de règlement soit bien transmise aux locataires intéressés sous la responsabilité des préfets de département, en lien avec l’accompagnement social des services du département.

V.   Les modifications adoptÉES par votre commission

La commission a adopté l’article 4 modifié par l’amendement CE102 du rapporteur. Cet amendement rétablit la version de l’article adoptée à l’Assemblée nationale en première lecture, qui fait dépendre l’octroi de délais de règlement de la dette locative et la suspension concomitante de l’effet de la clause résolutoire d’une demande préalable formulée par le locataire.

Toutefois, il retient des débats sénatoriaux les propositions suivantes, qui vont dans le sens d’un renforcement de la procédure :

– le juge pourra contrôler d’office les éléments de la dette locative, afin de constater au plus juste la créance due, ainsi que la décence du logement ;

– le bailleur pourra demander l’octroi de délais de règlement de la dette locative, et le juge pourra le faire d’office lorsque le diagnostic social et financier (DSF) montre que de tels délais sont pertinents, du point de vue notamment de la capacité financière du locataire ;

– le bailleur pourra demander la suspension de l’effet de la clause résolutoire, ainsi que le locataire.

 

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Article 5
(art. 3-2, 4, 14-1, 15, 24, 25-8 et 25-15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. L. 412-1, L. 412-3, L. 412-4 et L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution)
Réduction de délais dans la procédure contentieuse du litige locatif

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : proposition de loi.

Sort au Sénat : adopté avec modifications.

Objet de l’article : Le présent article vise à accélérer la procédure contentieuse du litige locatif. Dans ce sens, il réduit le délai minimal entre l’assignation et l’audience, et réduit les délais renouvelables que peut accorder le juge de l’exécution au titre des difficultés de relogement à la suite de l’audience.

I.   L’État du droit

Dans le cas où le bail contient une clause résolutoire (voir commentaire de l’article 4), le bailleur peut, dès le premier impayé, demander à un commissaire de justice de délivrer au locataire un commandement de payer, document qui appelle l’attention sur l’impayé et l’obligation de le régler, et doit viser la clause résolutoire, en rappelant que celle-ci est activée au bout de deux mois, faute de régularisation.

À défaut de régularisation de l’impayé dans les deux mois suivant le commandement de payer, s’ouvre ensuite la phase judiciaire et d’exécution.

Le bailleur doit alors assigner le locataire en justice, auprès du juge des contentieux de la protection, juridiction spécialisée du tribunal judiciaire et du tribunal de proximité, en vue de la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire.

Dans le droit actuel, cette assignation marque le début d’un travail d’accompagnement social concrétisé par le « diagnostic social et financier » (DSF) de la situation du locataire, réalisé par les services sociaux du département.

Pour cette raison, l’article 24 de la loi de 1989 prévoit qu’un délai minimal de deux mois doit séparer l’assignation du jour de l’audience. Ce délai, censé permettre aux services sociaux de mener leur instruction, ne semble pas être toujours mis à contribution de manière efficace : en effet, un grand nombre d’audiences sont reportées car le DSF n’a pas été élaboré au jour de l’audience. Selon les observations de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil), ces reports contribuent à l’engorgement des tribunaux.

Lorsque le juge prononce une « expulsion ferme », c’est-à-dire constate la résiliation du bail sans octroyer de délai de paiement ni suspendre l’effet de la résiliation (voir commentaire de l’article 4), il ordonne au locataire de quitter le logement sous peine d’expulsion. Le commissaire de justice signifie alors la décision au locataire visé par la procédure. Les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) en sont alors informées afin de prendre en compte la demande de relogement.

À la suite de cette signification, le locataire peut s’exécuter volontairement et rendre le logement au bailleur. Inversement, il dispose d’un mois pour faire appel à compter de la signification de la décision par l’huissier.

Le locataire peut aussi, dans ce délai ou après ce délai, saisir le juge de l’exécution afin que celui-ci lui accorde des délais qui peuvent être :

– un délai de trois mois en cas de conséquences d’une exceptionnelle dureté de l’expulsion ;

– des délais renouvelables de trois mois à trois ans prenant en compte plusieurs critères.

À l’expiration du délai de recours d’un mois suivant la signification de la décision de justice du juge du fond, le commissaire de justice délivre au locataire un commandement de quitter les lieux. Ce commandement accorde un délai de deux mois pour quitter le logement, délai au terme duquel le commissaire de justice constate si le locataire a ou non quitté les lieux.

Si le locataire n’a pas quitté les lieux au bout du délai de deux mois, le commissaire de justice peut saisir le préfet d’une demande de concours de la force publique pour procéder à l’expulsion. Le préfet diligente alors une enquête administrative pour déterminer les conséquences sociales de cette expulsion.

À l’issue de cette enquête, le préfet peut soit donner son accord pour le concours de la force publique, soit le refuser, auquel cas le bailleur peut être indemnisé. L’expulsion est mise en œuvre par le commissaire de justice avec le concours de la force publique qui intervient au domicile de l’occupant.

II.   Les dispositions proposÉes

1.   Un délai minimal entre l’assignation et l’audience réduit et plus cohérent

L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs précise les modalités de mise en œuvre de « la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ».

Il dispose, en premier lieu, que le délai minimal entre le commandement de payer remis au locataire par acte d’huissier mandaté par le bailleur et la résiliation du contrat est de deux mois. Il détaille ensuite, dans le cas où le locataire ne se serait pas acquitté des sommes dues avant ces deux mois, que « l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’État dans le département », notification qui doit être réalisée au moins deux mois avant l’audience.

Ainsi, un bailleur faisant face à un locataire mauvais payeur doit actuellement, en principe, attendre au moins quatre mois entre la délivrance du commandement de payer et l’audience. Pendant ce temps, la dette locative continue de s’accroître.

Le I du présent article modifie l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 de manière à réduire le délai minimal entre l’assignation au titre de l’audience et le jour de l’audience de deux mois à un mois.

Cette disposition, bien qu’elle ne fixe pas de seuil maximal entre l’assignation et le jour de l’audience, vise à inciter l’accélération de la procédure de litige de loyer. Le délai d’un mois est suffisant pour permettre au représentant de l’État dans le département de saisir l’organisme compétent pour le logement et l’hébergement de personnes défavorisées.

2.   Des délais renouvelables réduits pour différer l’expulsion

L’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution permet au juge de différer l’expulsion des occupants connaissant des situations particulières en accordant des délais renouvelables. Il dispose en effet que « le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation ».

L’article L. 412-4 du même code prévoit que la durée des délais renouvelables mentionnés à l’article précédent « ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans ».

Au sein de ces limites, la fixation des délais est laissée à la libre appréciation du juge, qui doit fonder tenir compte :

– de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations ;

– des situations respectives du propriétaire et de l’occupant ;

– des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ;

– du droit à un logement décent et indépendant ;

– et des délais liés aux recours liés au caractère prioritaire du relogement au titre du droit au logement opposable et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Les délais minimaux et maximaux actuellement prévus ont pour origine une modification apportée par l’article 27 de la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« loi Alur »). Avant cette évolution, ces délais devaient être compris entre un mois et un an.

Le II du présent article modifie l’article L. 412-4 du code des procédures civiles d’exécution afin de réduire les délais renouvelables pour différer l’expulsion accordés aux occupants, en réduisant le délai minimal de trois mois à un mois et le délai maximal de trois ans à un an. Ce dispositif revient ainsi sur la modification apportée par la loi Alur.

À l’instar du dispositif prévu par l’alinéa 1, cette disposition poursuit un objectif de fluidification de la prise en charge des litiges concernant les loyers. La durée actuelle de ces litiges est incertaine, du fait d’une fourchette trop large des délais, et cette durée est particulièrement longue puisque la procédure peut s’étendre sur plusieurs années.

III.   Les modifications adoptÉes par L’assemblÉE nationale

1.   Les dispositions adoptées en commission

En commission des affaires économiques, ont été adoptés quatre amendements faisant varier l’effet des délais de la procédure :

– un amendement CE48 de M. Christophe Naegelen (Liot), qui réduit de deux mois à un mois le délai minimal qui doit s’écouler entre le commandement de payer et l’assignation en justice, évolution qui résulte notamment de la proposition de loi visant à fluidifier le contentieux locatif ([9]). Une telle évolution doit permettre d’accélérer la première partie du processus contentieux, entre le commandement de payer et le passage devant le juge, qui dure entre six et dix mois en moyenne ;

– un amendement CE61 de M. Paul Midy et des membres du groupe Renaissance, qui prévoit la transmission systématique du dossier à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) dès le stade du commandement de payer. Cette évolution résulte d’une recommandation du rapport remis au Premier ministre en 2020 par Nicolas Démoulin ([10]) et doit permettre au travail d’accompagnement social et financier entrepris sous la coordination de la Ccapex de commencer bien en amont, alors qu’à l’heure actuelle les Ccapex ne prennent connaissance des cas d’impayés qu’entre trois et six mois au moins après les premières difficultés ;

– un amendement CE59 de M. Paul Midy et des membres du groupe Renaissance, qui prévoit de réduire les délais de procédure à l’issue de l’audience devant le juge, en portant de deux mois à un mois le délai qui suit le commandement de quitter les lieux, lequel n’arrive lui-même qu’après de longs mois de contentieux. En effet, une fois passé le jour de l’audience, qui intervient au mieux six mois – et en règle générale aux alentours de huit à douze mois – après le premier impayé, en dehors des reports d’audience, le temps moyen pour que le juge rende sa décision est de l’ordre d’un à deux mois. À compter de la notification au locataire de la décision du juge, s’écoule un délai de recours de droit commun d’un mois. À l’expiration de ce délai, l’huissier peut délivrer un commandement de quitter les lieux qui ouvre pour le locataire un délai de deux mois, dans lequel il doit quitter volontairement les lieux. C’est ce dernier délai qu’il est proposé de réduire ;

– un amendement CE67 de votre rapporteur, prévoyant une évolution qui, comme les évolutions portées à l’article 4, va dans le sens d’une meilleure responsabilisation du locataire dans le processus contentieux. Actuellement, le juge peut octroyer des délais renouvelables avant l’expulsion pour prendre en compte les situations constatées, ces délais pouvant s’élever jusqu’à trois ans. Il s’agit là d’une faculté du juge de l’exécution, qui doit être saisi en ce sens par le locataire après la décision rendue par le juge du fond. Mais une disposition du code prévoit que le juge du fond peut aussi octroyer ces délais renouvelables dès l’audience : sans affecter la capacité du juge de proposer ces délais, cette disposition précise que, pour ce juge également, cette disposition ne peut être mise en œuvre qu’à la demande du locataire.

2.   Les dispositions adoptées en séance publique

En séance publique, ont été adoptés trois nouveaux amendements portant sur les délais :

– l’amendement n° 121 du groupe Démocrate, sous-amendé par M. Christophe Naegelen (n° 396), protège le diagnostic social et financier, lequel joue un rôle majeur dans l’appréciation et le travail du juge. Ainsi, alors que seuls 30 % à 40 % des locataires en situation d’impayés bénéficient d’un diagnostic social et financier, l’amendement prévoit le déclenchement du diagnostic social et financier dès la transmission du commandement de payer à la Ccapex. Ce faisant, cet amendement évite que le diagnostic social et financier ne soit lié à la perspective de l’audience, et permet d’initier le travail social dès que possible, pour accompagner les locataires qui le souhaitent. Cette anticipation est cohérente avec la transmission rapide des dossiers à la Ccapex, intégrée en commission à l’alinéa 5 de l’article 5 ;

– l’amendement n° 122 du groupe Démocrate, qui diminue la réduction du délai entre l’assignation et l’audience. En effet, il a été considéré qu’un délai de six semaines est nécessaire pour la finalisation du diagnostic social et financier, en particulier dans les cas où le locataire n’a pu être contacté par l’opérateur attribué par le préfet ;

– l’amendement n° 131 du groupe Renaissance, qui raccourcit les délais et la protection pour les locataires dont la mauvaise foi a été reconnue par le juge, dans le but de renforcer le dispositif proposé par la version initiale de la proposition de loi. Ainsi, l’amendement supprime totalement le délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et le recours au concours de la force publique lorsque les locataires sont de mauvaise foi. Le bailleur est par conséquent autorisé à requérir immédiatement le concours de la force publique après la décision judiciaire ordonnant l’expulsion. La possibilité pour les locataires de mauvaise foi de bénéficier des délais renouvelables que peut accorder le juge pour quitter leur logement est également supprimée.

IV.   Les modifications adoptÉes par le sÉnat

La commission des lois a adopté deux amendements identiques COM-42 du rapporteur et COM-57 de la rapporteure pour avis portant à six semaines le délai légal minimal entre la délivrance d’un commandement de payer et la possibilité d’assigner en justice un locataire défaillant.

En outre, elle a adopté un amendement COM-58, qui permet :

– de fixer le seuil de transmission des commandements de payer à la Ccapex à deux mois d’ancienneté d’impayé ou de montant de la dette locative, ce seuil étant estimé pertinent tant par l’Anil et par la Dihal pour caractériser une situation sociale justifiant une prise en charge alors qu’aujourd’hui, selon les départements, le seuil retenu est compris entre trois et six mois,

– de permettre la réalisation du diagnostic social et financier dès ce stade, mais en laissant donc un délai plus important pour le réaliser, puisqu’il ne serait toujours transmis que pour l’audience.

Ainsi, non seulement les situations d’impayés seront traitées plus précocement (entre un et quatre mois plus tôt) mais aussi les services sociaux disposeront de trois mois au lieu de deux aujourd’hui pour réaliser le DSF ce qui devrait conduire à ce qu’un beaucoup plus grand nombre soit réalisé en vue de l’audience. En outre, l’amendement prévoit que les commissaires de justice devront transmettre à ce stade de la procédure les coordonnées et les informations socio-économiques sur le locataire qu’ils auront pu recueillir.

V.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

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Article 6
(art. L. 153-1 et L. 153-2 du code des procédures civiles d’exécution)
Harmonisation des règles d’indemnisation des propriétaires de logements pour lesquels le concours de la force publique est refusé par le préfet

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par le Sénat en première lecture.

Objet de l’article : le présent article a pour objet de clarifier et d’harmoniser les règles d’évaluation de l’indemnisation à laquelle ont droit les propriétaires lorsque le préfet leur refuse le concours de la force publique pour expulser un locataire défaillant à l’issue de la procédure judiciaire.

I.   L’État du droit

1.   L’exigence de conciliation entre l’exécution des titres exécutoires et les droits fondamentaux

L’État a l’obligation de tout mettre en œuvre pour permettre l’exécution des titres exécutoires. Toutefois, le droit à l’exécution doit être concilié avec d’autres droits fondamentaux tels que le droit au respect de la dignité humaine ou le droit à une vie privée et familiale. C’est la raison pour laquelle la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que l’État dispose d’un délai raisonnable pour choisir les moyens adéquats pour procéder à l’exécution ([11]) . Ce délai peut être mis à profit pour chercher des solutions de relogement pour les personnes visées par des procédures d’expulsion.

La Cour européenne des droits de l’homme admet également que des circonstances exceptionnelles rendent difficile ou impossible l’exécution ([12]), mais elle effectue un contrôle strict de proportionnalité sur les conditions dans lesquelles l’État a concilié le droit à l’exécution et le droit de propriété avec les autres droits fondamentaux. L’État français a notamment été condamné par la CEDH au motif qu’il avait refusé d’accorder la force publique à des familles dépossédées de leurs terrains agricoles en Corse par des militants nationalistes en raison du risque de trouble à l’ordre public lié au climat politique insulaire très tendu ([13]).

2.   La possibilité de refuser de prêter le concours de la force publique

L’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que « L’État est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation ». De ce fait, le préfet dispose d’un délai de deux mois, à mettre à profit pour interroger les services sociaux, la Ccapex et les services de police, pour accorder ou non le concours de la force publique, un défaut de réponse équivalant alors à un refus.

Les refus peuvent être justifiés par la trêve hivernale ou des troubles à l’ordre public que pourrait entraîner l’expulsion ([14]). En pratique c’est le préfet qui a le pouvoir d’autoriser ou non l’octroi de la force publique représentée par les agents de police ou de gendarmerie.

3.   Le droit à réparation

Le refus de l’État de prêter son concours ouvre droit à réparation ([15]) : ce droit est ouvert lorsque l’État n’apporte pas son concours à l’exécution des jugements, notamment les décisions d’expulsion ferme.

En l’absence de motif d’ordre public d’accorder l’exécution, celle-ci ne devrait pas être refusée. L’indemnisation accordée par l’État qui refuse le concours de la force publique doit être suffisante pour réparer le préjudice subi par l’administré. À défaut, la Cour européenne des droits de l’homme pourrait censurer les décisions de justice internes.

En pratique, la jurisprudence administrative admet aisément la responsabilité de l’État et répare de nombreux chefs de préjudice, parmi lesquels : la perte de loyers, la dégradation du bien, l’impossibilité de vendre le bien. Et le Conseil d’État renforce les obligations du préfet en matière d’expulsion.

Toutefois, les refus de concours de la force publique, particulièrement dommageables pour les propriétaires qui ne peuvent récupérer leur bien malgré une décision de justice en ce sens, ne sont pas rares : en 2019, selon la Cour de comptes, sur les 52 860 demandes de concours de la force publique instruites par les préfets, 17 652 ont été refusées explicitement ou implicitement.

La faiblesse du cadre normatif régissant l’octroi des indemnités auxquelles ont droit les propriétaires a deux conséquences majeures :

– d’abord, cette indemnisation est loin d’être systématique. Selon le rapport précité du député Nicolas Démoulin remis au Premier ministre en décembre 2020, seuls 53,8 % des propriétaires qui ont le droit à une indemnisation en font la demande au préfet soit par « ignorance », soit pour « ne pas avoir à engager une ultime requête auprès des services préfectoraux » ([16]) ;

– ensuite, le montant des indemnisations est, par conséquent, le plus souvent fixé par voie amiable lors de négociations entre les services préfectoraux et le propriétaire et, bien qu’il existe de nos jours des modalités jurisprudentielles de calcul, leur manque de lisibilité peut potentiellement entraîner une inégalité de traitement selon les situations.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

L’article 6 résulte de l’adoption, en première lecture, de l’amendement COM-61 de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Dominique Estrosi-Sassone (LR).

Il a pour objet de supprimer la possibilité laissée au juge civil d’accorder des délais à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement.

À cette fin, il prévoit de compléter l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution par un troisième alinéa disposant que les alinéas précédents dudit article ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.

Ce dernier alinéa vise explicitement les squatteurs entrés dans des lieux privés par des moyens illicites à qui ces délais accordés par le juge civil peuvent potentiellement bénéficier. Il ne concerne donc pas l’ensemble des locataires en difficulté.

Il prévoit aussi la modification du code des procédures civiles d’exécution par l’ajout, à l’article 151-1, de la phrase suivante : « Les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion sont précisées par décret en Conseil d’État ».

Les règles d’indemnisation seraient ainsi clarifiées et uniformisées au moyen d’un décret en Conseil d’État. Cette mesure vise à garantir une plus grande lisibilité du droit à l’indemnisation des propriétaires et à favoriser sa généralisation en encourageant la saisine des services préfectoraux.

Le texte adopté par la commission a été adopté dans des termes identiques en séance publique au Sénat en première lecture.

III.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

 

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Chapitre III
Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté

Article 7
(art. 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, art. L. 8242 du code de la construction et de l’habitation
et art. L. 431-3 [nouveau] du code des procédures civiles d’exécution)
Renforcement du rôle et des prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex)

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par le Sénat en première lecture.

Objet de l’article :  Le présent article a pour objet d’accentuer le rôle central que jouent les Ccapex dans la prévention des expulsions locatives et dans la reprise du paiement du loyer, en définissant leurs missions, en leur donnant un pouvoir décisionnaire en matière de maintien ou non des aides personnelles au logement en cas d’impayés locatifs, ainsi qu’en renforçant la qualité de l’information dont elles disposent.

I.   L’État du droit

Les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) ont été créées dans leur forme actuelle par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (« loi ENL »).

L’article 7-1 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement dispose qu’« afin d’organiser le traitement coordonné des situations d’expulsion locative, une charte pour la prévention de l’expulsion est élaborée dans chaque département avec l’ensemble des partenaires concernés ». Cette charte constitue le document central de la prévention des expulsions pour chaque département : elle précise dans cette perspective les engagements individuels à réaliser par chacun des acteurs locaux pour atteindre l’objectif de réduction du nombre de décisions de justice prononçant l’expulsion.

En outre, l’article 7-2 de la même loi prévoit qu’une commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives soit créée dans chaque département. La Ccapex est chargée de la coordination, de l’évaluation et de l’orientation du dispositif de prévention des expulsions locatives défini dans chaque département par la charte pour la prévention de l’expulsion.

Le champ des missions des Ccapex s’est progressivement étendu depuis leur création. La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (« loi Alur ») a renforcé leur rôle en leur confiant notamment une mission de pilotage en vue de coordonner, évaluer et orienter le dispositif de prévention des expulsions locatives et une mission de traitement de situations individuelles en délivrant des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion.

II.   les dispositions adoptÉes par le SÉnat

1.   Les dispositions adoptées en commission

L’article 7 résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques saisie pour avis de l’amendement COM-59 présenté par sa rapporteure pour avis, Mme Dominique Estrosi Sassone (LR). Il a pour objectif de renforcer les moyens de la Ccapex afin d’obtenir une reprise rapide du paiement du loyer des bailleurs et un apurement de leur créance locative.

Pour cela il est proposé une réécriture complète de l’article 7-2 de la loi de 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement. L’article modifié dispose :

– l’inclusion des métropoles dans la co-présidence des Ccapex, en plus du représentant de l’État dans le département et de celui du conseil départemental, afin d’améliorer les possibilités d’apurement des dettes locatives à travers la mobilisation du fonds de solidarité pour le logement dont les métropoles assurent désormais la gestion sur leur territoire ;

– l’attribution aux Ccapex de la compétence pour décider du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement en cas d’impayé locatif ;

– l’optimisation de l’orientation des situations d’impayé locatif auprès des différents dispositifs d’apurement de la dette, d’accompagnement budgétaire des locataires et de relogement par les Ccapex ;

– l’information complète des Ccapex aux différentes étapes clefs de la procédure (décision judiciaire de résiliation du bail, octroi du concours de la force publique, exécution des expulsions) pour que celles-ci puissent mettre en œuvre des dispositions adaptées pour accompagner les locataires et éviter la mise à la rue ;

– la réduction des risques en matière de protection des données personnelles liées à la transmission des diagnostics sociaux et financiers (DSF) au stade de l’assignation : la transmission d’informations depuis la Ccapex vers les opérateurs réalisant des DSF n’est pas couverte par la loi. Or, lorsque les locataires ne se sont pas présentés au rendez-vous proposé par l’opérateur pour réaliser le DSF, la transmission de ces informations par la Ccapex devient nécessaire pour que les magistrats puissent bénéficier malgré tout d’une information aussi complète que possible sur la situation d’impayé sur laquelle ils doivent statuer.

2.   Les dispositions adoptées en séance publique

Cinq amendements ont été adoptés en séance publique, afin de consolider et préciser le dispositif.

– d’abord, deux amendements identiques n° 90 du Gouvernement et n° 19 de M. François Patriat (RDPI), qui appliquent les présentes dispositions à l’ensemble des procédures d’expulsion sans distinction de la nature et de l’affectation des lieux objet de l’expulsion. Les amendements adoptés prévoient aussi la transmission dématérialisée au préfet et à la Ccapex, par le commissaire de justice, du procès-verbal qu’il réalise lors de l’expulsion d’un lieu habité ;

– un amendement n° 92 du Gouvernement, qui précise que les alertes dont la Ccapex est légalement destinataire lui sont adressées de manière dématérialisée par l’intermédiaire du système d’information de prévention des expulsions locatives (« SI Exploc »). Il permet aussi à la Ccapex de saisir directement l’un ou plusieurs des organismes qu’elle regroupe aux fins de permettre le maintien dans les lieux, le relogement ou l’hébergement d’un locataire menacé d’expulsion, et prévoit la possibilité pour la Ccapex, qui est destinataire des signalements de l’ensemble des ménages en situation d’impayés locatifs au sein de chaque département, de pouvoir saisir directement le fonds de solidarité logement (FSL) de son département afin d’instruire une demande d’aide.

En outre, il organise l’articulation de la Ccapex avec les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Actuellement, les occupants sont contraints de contacter les SIAO une fois expulsés de leur logement alors qu’ils auraient pu lui être signalés plusieurs jours en amont de l’expulsion pour engager les démarches de mobilisation d’un hébergement. Ainsi, ce dernier objectif permet-il d’établir un lien entre la Ccapex et les SIAO afin d’anticiper les mises à la rue prévisibles en amont de l’expulsion ;

– deux amendements identiques n° 20 et n° 91 de M. Patriat et du Gouvernement ont renforcé le dispositif national de prévention des impayés en rendant les Ccapex décisionnaires en matière de maintien ou de suspension de l’allocation logement en cas d’impayé locatif de la part d’un allocataire. Une telle disposition vise à garantir les capacités de paiement du loyer de l’allocataire.

La nouvelle rédaction de cet article permet de définir précisément les rôles respectifs de la caisse d’allocations familiales (CAF) et de la Ccapex en cas d’impayé d’un allocataire, la Ccapex acquérant alors un rôle décisionnaire. Les alinéas ajoutés à cet article attribuent ainsi à la CAF le rôle premier de diagnostic de l’impayé et d’accompagnement socio-budgétaire de l’allocataire défaillant et prévoient la saisine de la Ccapex aux fins de décision de maintien ou de suspension de l’allocation sur la base du diagnostic fourni par la CAF.

III.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans le modifier.

 

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Article 8
(art. L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles)
Extension au préfet et à la Ccapex de la faculté de saisine du juge pour que soit octroyé ou suspendu un accompagnement social personnalisé

Adopté sans modification par la commission

 

Origine de l’article : créé en commission par le Sénat en première lecture.

Objet de l’article : le présent article prévoit la possibilité pour la Ccapex et pour le préfet, aussi bien que pour le président du conseil départemental, de déclencher une mesure d’accompagnement social personnalisé du locataire lorsque les impayés résultent de difficultés de gestion.

I.   L’État du droit

Les mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) ont été créées par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, notamment aux fins de prévention des expulsions locatives. Définies aux articles L. 271-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, ces mesures administratives sont mises en œuvre par les services sociaux des départements à destination de personnes majeures en difficulté, notamment dans la gestion de leurs ressources et de leurs allocations, en particulier lorsqu’il y a un risque pour leur sécurité ou leur santé.

Il existe actuellement trois niveaux de MASP, dont deux sont contractuels et le troisième est contraignant :

– le premier niveau consiste en un accompagnement social et budgétaire ;

– le deuxième niveau inclut la gestion de prestations sociales perçues par l’adulte, sauf si ces dernières ont donné lieu à une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ;

– le troisième niveau est contraignant. Si le majeur refuse ou ne respecte pas le contrat, et qu’il n’a pas payé son loyer depuis deux mois, le président du conseil départemental peut demander au juge d’instance que les prestations sociales soient directement versées au bailleur à hauteur du loyer et des charges dus. Cette dernière possibilité peut, dans certaines situations, constituer une sécurité essentielle pour maintenir le ménage dans son logement et être ainsi une assurance pour le bailleur.

Or, comme le note Nicolas Démoulin dans son rapport précité de 2020, cette possibilité est rarement demandée par le conseil départemental malgré les préconisations des Ccapex, alors qu’il s’agit là d’une véritable solution pour pérenniser certaines situations ou contraindre les locataires qui disposent de ressources financières suffisantes pour le paiement du résiduel du loyer.

II.   Les dispositions adoptÉes par le sÉnat

L’article 8 résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques de l’amendement COM-60 présenté par sa rapporteure pour avis Mme Dominique Estrosi-Sassone (LR). Comme l’article 7, il contribue à améliorer les capacités des bailleurs à obtenir une reprise rapide du paiement de leur loyer et un apurement de leur créance locative, en renforçant les moyens de la commission de coordination de prévention des expulsions locatives (Ccapex) et en lui permettant d’agir le plus en amont et tout au long de la procédure.

À cette fin, l’article prévoit la possibilité pour la Ccapex et pour le préfet, aussi bien que pour le président du conseil départemental, de déclencher une mesure d’accompagnement social personnalisé du locataire lorsque les impayés résultent de difficultés de gestion. L’article codifié prévoit dont que, en cas de refus par l’intéressé d’un contrat d’accompagnement social personnalisé ou du non-respect de ses clauses, la Ccapex, le préfet ou le président du conseil départemental peut demander au juge du tribunal judiciaire que soit procédé au versement direct, chaque mois, au bailleur, des prestations sociales dont l’intéressé est bénéficiaire, à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable.

Cette procédure ne peut être mise en œuvre que si l'intéressé ne s’est pas acquitté de ses obligations locatives depuis au moins deux mois.

En séance publique, le Sénat a adopté l’article sans modification.

III.   Les modifications adoptÉES par votre commission

Suivant l’avis du rapporteur, votre commission a adopté cet article sans modification.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 22 mars 2023, la commission des affaires économiques a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (n° 818 rectifié) (M. Guillaume Kasbarian, rapporteur).

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. L’Assemblée nationale a adopté la présente proposition de loi le 2 décembre 2022. Le Sénat n’a pas tardé à s’en saisir : il a lui-même adopté le texte, modifié, le 2 février dernier. En l’absence d’application de la procédure accélérée, il nous revient d’étudier la proposition de loi en deuxième lecture. Il semble que cela ait quelque peu dérouté nombre d’entre vous, qui ont oublié qu’à ce stade de la procédure, s’applique ce qu’on appelle la règle de « l’entonnoir », en vertu de laquelle ne sont recevables après la première lecture que les amendements en lien direct avec les dispositions restant en discussion. Nous aurons ainsi 74 amendements à examiner.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous nous réunissons de nouveau pour continuer à traiter un sujet fondamental, qui nous a déjà occupés en novembre dernier : la protection du logement et de la propriété des personnes contre les squats et les occupations illicites.

Nous avons déjà largement évoqué l’importance de ce sujet en première lecture. C’est une question primordiale, puisqu’il s’agit d’assurer la jouissance de ces droits fondamentaux que sont la propriété et la vie privée, et d’assurer la santé économique du secteur du logement, en améliorant les rapports locatifs et en rassurant les bailleurs quant à la sécurité de leur investissement.

La première lecture du texte nous a donné l’occasion d’adopter plusieurs mesures importantes qui viendront renforcer, s’agissant de leur domicile, les droits de nos concitoyens.

Dans la foulée de notre examen, le Sénat a souhaité inscrire rapidement le texte à son ordre du jour. Il faut en remercier les sénateurs, qui prennent à bras-le-corps cette problématique depuis plusieurs années, notamment le président François Patriat et le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), qui ont inscrit la proposition de loi dans une de leurs niches parlementaires.

Les deux commissions saisies au Sénat, celles des lois et des affaires économiques, ont effectué un travail solide et précieux, qui a permis de sécuriser et de renforcer les dispositions proposées ou, parfois, de rétablir certains équilibres. Je veux saluer les deux rapporteurs de ce texte, Dominique Estrosi-Sassone et André Reichardt, pour leur engagement sur ce sujet et la qualité de leur travail.

Le chapitre Ier de la proposition de loi, vous vous en souvenez, aborde la question des squats, lesquels reviennent régulièrement dans l’actualité et suscitent une forte indignation collective chez nos concitoyens. Ce volet du texte s’est largement enrichi lors de son examen par notre commission, puis au Sénat.

Je me réjouis en particulier que nos collègues aient adopté conforme l’article 1er, qui prévoit le triplement de la peine encourue en cas de squat du domicile : elle sera désormais de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende. C’est une avancée importante, qui avait été précédemment refusée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap), et qui émet le signal clair que nous ne tolérons pas ces invasions inacceptables dans l’intimité des personnes.

Au-delà du squat pur du domicile, nous avons adopté en commission, lors de la première lecture, un article 1er A qui, prenant acte de situations se produisant régulièrement, intègre dans le code pénal un nouveau délit relatif au squat de locaux – logements, locaux économiques – qui ne constituent pas des domiciles. Je veux saluer le travail de notre collègue Annie Genevard, qui s’est beaucoup investie sur cette question.

L’article 1er A apporte une réponse indispensable à un vide juridique qu’il était devenu urgent de combler, tant des professionnels du squat multiplient les occupations illégales. Le Sénat a amélioré la rédaction de cet article et a sécurisé l’échelle des peines, en veillant à ce qu’elles soient proportionnées à celles que nous avons adoptées pour l’occupation du domicile. Je vous proposerai de reprendre, sans la modifier, la rédaction adoptée par le Sénat.

Nos collègues sénateurs ont aussi approuvé les dispositions de l’article 1er bis A, qui concerne le délit d’incitation au squat. Je salue le groupe Horizons qui est à l’origine de cet article punissant la publicité et la propagande en faveur du squat, notamment les publications par voie électronique qui pullulent sur internet – quelques exemples en ont été donnés en première lecture.

Les dispositions qui tendent à punir les marchands de sommeil, à l’article 1er bis, et à pérenniser le mécanisme utile de mise à disposition des locaux vacants pour les associations d’insertion et d’hébergement, à l’article 2 ter, ont fait l’objet de modifications qui les renforcent sans les dénaturer. Moyennant quelques ajustements d’ordre légistique, je vous proposerai donc d’adopter ces articles dans la rédaction issue du Sénat.

Quelques dispositions, en revanche, pourraient devoir évoluer encore. Je pense notamment à l’article 2, qui porte sur le dispositif prévu par l’article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « Dalo ». Cet outil, qui permet une expulsion administrative accélérée des squatteurs et que nous avons déjà renforcé dans la loi Asap en 2020, a été clarifié au Sénat et je partage, dans l’ensemble, les orientations choisies. Toutefois, pour sécuriser juridiquement le dispositif, je vous proposerai, en commission et en séance publique, quelques adaptations.

Le deuxième chapitre du texte est relatif à la sécurisation des rapports locatifs. Les dispositions proposées visent à améliorer la rapidité et la fiabilité des processus contentieux, afin de rassurer les petits propriétaires. Dans l’ensemble, les sénateurs ont partagé notre diagnostic et leurs travaux ont conforté les nôtres.

Il en va ainsi pour l’article 5, qui réduit certains délais contentieux, extrêmement longs. Cet article diminue en particulier les délais cumulés qui peuvent être octroyés à un locataire après la résiliation judiciaire du bail : ils passeront de trois ans à un an. Nos collègues du Sénat ont globalement préservé les avancées prévues et il faut s’en réjouir.

Les sénateurs ont souhaité renforcer le texte en ce qui concerne l’accompagnement des locataires en difficulté. Nous avions déjà décidé à l’article 5 – je salue le MoDem qui avait déposé des amendements en ce sens – d’avancer le début du travail de diagnostic social et financier qui permet d’accompagner le locataire dans un litige locatif : ce travail commencera dès la transmission du dossier à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex), en début de procédure.

En ajoutant un chapitre III à la proposition de loi, et plus particulièrement l’article 7, la commission des affaires économiques du Sénat a accentué le suivi réalisé, dans l’intérêt des locataires comme des bailleurs, grâce à un renforcement des compétences des Ccapex et de leur capacité à faciliter une reprise rapide du paiement du loyer. Je vous proposerai d’adopter ce chapitre sans modification.

Je me réjouis de l’ajout de l’article 6, qui renforce l’obligation de l’État d’indemniser les propriétaires qui ne perçoivent plus de revenus locatifs, dès lors que le concours de la force publique ne leur a pas été apporté en vue de récupérer leur logement.

S’agissant de l’article 4, qui concerne les pouvoirs du juge en matière d’octroi de délais de règlement de la dette locative et de suspension de l’effet de la clause de résiliation du bail, je vous proposerai une rédaction susceptible, me semble-t-il, de répondre au souhait d’une évolution qui s’est exprimé au sein des commissions du Sénat sans abandonner l’esprit de responsabilisation qui nous avait inspirés en première lecture.

Dans l’ensemble, après un travail de qualité des deux commissions compétentes, le Sénat a réussi à adopter rapidement un texte enrichi, qui permet une véritable consolidation de la proposition de loi que nous avions votée en première lecture. C’est pourquoi je vous proposerai d’adopter la plupart des dispositions que nous examinons, moyennant quelques modifications ciblées qui ne remettent pas en cause les grandes lignes du texte.

Nous ferons œuvre utile en contribuant à renforcer la lutte contre les squats et les autres occupations illicites, conformément à la mission que nous nous étions fixée lorsque nous avons commencé à examiner ce texte du groupe Renaissance il y a quelques mois.

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Paul Midy (RE). Cette proposition de loi vise à lutter contre les squats et les contentieux locatifs longs et abusifs, afin d’améliorer la protection des petits bailleurs, des petits propriétaires et des locataires, qui peuvent également subir des abus de la part de faux propriétaires. Le texte n’est pas dirigé contre les petits locataires en galère passagère, contre ceux qui traverseraient un moment de difficulté, tout en étant de bonne foi. Il ne s’agit pas du tout de donner à de riches propriétaires des moyens de maltraiter de pauvres locataires. Nous ne touchons pas à la trêve hivernale. Il s’agit, au contraire, de protéger les petits propriétaires, les locataires, tous ceux qui font face à des gens malhonnêtes, à des arnaqueurs patentés qui abusent, en toute conscience, des failles de notre droit. Nous essayons de corriger ces dernières grâce à la proposition de loi.

Nous allons ainsi réduire les délais d’instruction des dossiers, qui devraient désormais être compris entre un et trois ans, en moyenne, alors qu’ils vont actuellement d’un à cinq ans. Nous agirons dans les cas où il existe vraiment un abus : cela ne concerne pas les personnes qui ont des difficultés passagères, lesquelles peuvent arriver à tout le monde – et il faut évidemment protéger les gens ainsi concernés. Autre exemple, s’agissant du délit de squat, il convient de remédier à certaines lacunes qui sont utilisées par des personnes de très mauvaise foi qui essaient de trouver des logements gratuits. Les failles que nous devons combler sont notamment relatives aux résidences secondaires et aux logements non meublés, par exemple entre deux déménagements.

J’espère que nous aurons un débat de qualité qui évitera les caricatures mais permettra de redonner confiance en la justice à de nombreux concitoyens qui ont été victimes de personnes extrêmement malhonnêtes.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous remercie, cher collègue.

M. Michaël Taverne (RN). Les députés du groupe Rassemblement national accueillent avec satisfaction cette proposition de loi, profondément enrichie et améliorée lors de son examen au Sénat. Si la rédaction initiale du texte comportait déjà des mesures attendues et nécessaires, que nous appelions donc de nos vœux, les sénateurs ont su en proposer de nouvelles. Ils ont, par exemple, prévu une indemnisation par l’État des propriétaires victimes de squat en cas de refus du préfet de recourir à la force publique pour exécuter une décision d’expulsion, une libération du propriétaire de son obligation d’entretien du bien squatté, ainsi que des mesures bienvenues pour accompagner les locataires en difficulté.

Cette proposition de loi, telle qu’elle nous revient de la chambre haute, contient pour l’essentiel des mesures demandées par Marine Le Pen dans sa proposition de loi n° 417, déposée en novembre dernier. Par souci de cohérence, comme lors de la première lecture, nous voterons donc pour le présent texte. Nous regrettons néanmoins l’absence de certaines de nos propositions, notamment la possibilité pour l’autorité administrative de diligenter une expulsion d’urgence dans le cas où l’occupation sans droit ni titre constituerait une atteinte à l’ordre public, ainsi que la protection que nous souhaitions accorder aux propriétaires afin qu’ils n’aient en aucun cas à régler les charges et frais courants durant la période d’occupation illicite de leur bien – autrement dit, il s’agit de faire en sorte que le propriétaire ne se retrouve pas redevable de factures d’eau et d’électricité correspondant à la consommation de squatteurs. Bien que nos amendements visant à inclure ces mesures aient été jugés irrecevables en application du principe de l’entonnoir, nous tenterons aujourd’hui encore d’apporter des améliorations à la proposition de loi.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous avez cité une proposition de loi de Marine Le Pen, mais il se trouve que ce texte ne parlait que de la question des squatteurs et des occupations illicites. La grande différence avec la présente proposition de loi est que celle-ci porte sur le squat mais aussi sur les rapports locatifs, qui peuvent être problématiques et faire l’objet de longs délais lorsqu’une situation d’impayés s’étale sur plusieurs années. Le texte que nous examinons est donc radicalement différent.

Quant à la procédure d’expulsion d’urgence que vous avez évoquée, je rappelle que l’article 38 de la loi Dalo permet déjà d’avoir recours à la préfecture et aux forces de l’ordre pour expulser, en trois jours – 48 heures puis 24 heures – un squatteur qui se serait introduit dans votre domicile. Il reste à renforcer la procédure existante, comme nous proposons de le faire, et à l’appliquer sur le terrain, mais c’est là un autre chantier qui ne relève pas que de la loi.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Dans le contexte actuel, faire passer une telle proposition de loi est ce que vous pouvez faire de pire. Les loyers ne cessent d’augmenter, les charges locatives explosent et la hausse du coût de la vie prend à la gorge la quasi-totalité de la population. Avez-vous seulement conscience de l’urgence de la situation ? Dans ma circonscription, des locataires manifestent car leurs charges, à la suite de votre refus de bloquer les prix de l’énergie, vont augmenter de jusqu’à 200 euros par mois, en plus de la hausse des loyers, que vous avez encouragée. Des témoignages et des mobilisations similaires se multiplient dans tout le pays. Quelle est la réponse de la Macronie ? Laisser TotalEnergies et les autres fournisseurs se gaver sur le dos des gens et, en plus, faciliter l’expulsion des locataires lorsqu’ils se retrouveront, comme beaucoup le craignent, avec des impayés de loyer. À quelques jours de la fin de la trêve hivernale, et alors que nombre d’associations anticipent une explosion des impayés et des expulsions, cette proposition de loi est une provocation et une honte absolue.

Par ailleurs, le texte sera inefficace si on se place du point de vue des intérêts des petits propriétaires. En effet, il augmentera le nombre d’expulsions, et donc le nombre de personnes qui seront contraintes de se réfugier, pour survivre, dans des squats. Par ailleurs, il aggravera l’engorgement des tribunaux et allongera ainsi les délais dans lesquels la justice est rendue. La prévention est pourtant bien plus efficace que la répression, y compris pour la défense des intérêts des petits propriétaires, puisqu’un locataire qui arrive à rembourser ses échéances pendant quelques mois devient éligible au FSL, le Fonds de solidarité pour le logement, ce qui permet de solder le reste de sa dette à l’égard du propriétaire. Votre proposition est donc injuste et inefficace.

Les alertes sont nombreuses, et elles viennent de toutes parts. La Défenseure des droits en a lancé une, et le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme a écrit aux parlementaires pour les alerter du danger de ces dispositions, auxquelles s’opposent par ailleurs le Collectif des associations unies, la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, ATD Quart Monde et le DAL – l’association Droit au logement. Tous les experts du droit au logement considèrent que cette proposition de loi, si elle devait être adoptée, serait un désastre, en ce qu’elle criminaliserait les locataires ayant des impayés de loyer et faciliterait les expulsions. Le Gouvernement lui-même n’est pas à l’aise. Lors de l’examen en première lecture, le ministre chargé du logement n’est même pas venu défendre ce texte, à l’égard duquel il a émis des critiques dans la presse.

Je vous propose une petite devinette. Qui disait ceci, il y a quelques années : « il faut changer d’urgence la loi qui profite aux squatteurs et spolie de braves gens de leur propriété » ? La citation pourrait être de vous, Monsieur Kasbarian, mais elle est en réalité de Marine Le Pen. Cette proposition de loi, soutenue par l’aile la plus brutale de la Macronie, accompagnée du groupe LR, emboîte allègrement le pas au Rassemblement national, qui vient de saluer ce texte reprenant ses propositions contre les locataires. Sous prétexte de quelques faits divers, que l’ancienne ministre Emmanuelle Wargon avait elle-même décrits comme anecdotiques, vous allez condamner à la rue et à la prison des milliers de locataires ayant des impayés de loyers. Vous violez au passage nombre de droits fondamentaux, comme l’a écrit le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme : la liberté d’association, la liberté d’expression, la liberté de la presse et même le droit de grève, puisque la proposition de loi permettra de pénaliser des piquets de grève. Que toutes celles et tous ceux qui nous regardent participent à la manifestation organisée contre ce texte inique le 1er avril, à l’occasion de la fin de la trêve hivernale.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il faudrait choisir un axe d’argumentation : soit cette proposition de loi est monstrueuse, parce qu’elle accélérerait terriblement les délais d’expulsion, soit elle est inefficace. Vous ne pouvez pas prétendre qu’elle est les deux en même temps.

Par ailleurs, je rappelle que tout un chapitre concernant l’accompagnement des locataires a été ajouté par les sénateurs.

Ce texte recueille, en réalité, un large assentiment au sein de la population, du Sénat et de notre assemblée. Je suis ravi que l’on construise un accord aussi large que possible. Ce n’est pas parce que vous êtes isolée, de votre côté, qu’il faut me rétorquer que notre coalition, dans ce domaine, est étriquée. Elle est, au contraire, très large.

Mme Annie Genevard (LR). Le groupe Les Républicains est favorable à l’adoption de ce texte : il va, de notre point de vue, dans le bon sens. J’avais du reste, pour la partie relative aux squats, déposé une proposition de loi similaire qui n’a pu être examinée compte tenu du calendrier. C’est la raison pour laquelle nous avons apporté notre contribution au présent texte, comme vous avez eu l’amabilité de le souligner, Monsieur le président de la commission.

Je salue le travail de nos collègues sénateurs et le fait qu’ils ont inscrit rapidement cette proposition de loi à l’ordre du jour. Ils ont confirmé l’alourdissement des peines, afin de remédier à un problème dont nous trouvons très régulièrement des illustrations dans la presse. Par ailleurs, ils ont souhaité distinguer le squat des logements de celui des locaux économiques : pourquoi pas, même si cela relève, à mon sens, d’une même appropriation indue, qui indigne les Français, sauf nos collègues de la NUPES. J’ai ainsi eu la surprise, en première lecture, de voir ces derniers défendre les squatteurs plutôt que les propriétaires. Pourtant, ces atteintes manifestes au droit de propriété, qui a une valeur constitutionnelle, sont tout à fait inacceptables. La proposition de loi entend donc protéger plus efficacement les propriétaires de logements contre les squats et les loyers impayés. Je rappelle qu’il existe beaucoup de petits propriétaires qui remboursent des emprunts grâce aux loyers qu’ils perçoivent ; dès lors que les propriétaires modestes en sont privés, cela constitue pour eux une très grande difficulté.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous remercie, Madame Genevard, ainsi que le groupe LR, pour vos contributions, de longue date, en la matière, ainsi que pour la qualité de vos apports à cette proposition de loi. Nous avons travaillé dans l’intérêt des Français et des petits propriétaires victimes de squats.

M. Éric Martineau (Dem). Les propriétaires, il faut le rappeler, se retrouvent en grande difficulté lorsque leur logement est occupé de façon illicite – une situation qui peut toucher aussi bien des résidences principales que des résidences secondaires, ici et là sur notre territoire. De telles affaires ont fait naître un profond sentiment d’injustice. Même s’il n’y a eu que quelques cas concernant des personnes âgées en maison de retraite dont le logement a été squatté, nous sommes bien conscients de la nécessité d’améliorer la loi pour apporter des réponses à des situations qui ne peuvent pas être acceptées. La propriété privée est, en effet, un des principes fondamentaux de notre Constitution : elle est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Nous devons agir lorsque la propriété privée est remise en cause, et la loi doit évoluer lorsque c’est possible et utile.

Nous soulignons les évolutions apportées par le Sénat, qui vont dans le sens de ce que nous avions souhaité en première lecture. Nous nous étions alors opposés à plusieurs ajouts adoptés par une majorité à l’Assemblée, comme le fait de considérer le squat comme un vol. Notre ligne de conduite s’agissant de ce texte est, par ailleurs, de ne pas confondre les squatteurs et les locataires défaillants. Nous serons principalement vigilants, lors de cette deuxième lecture, sur les trois points suivants : l’absence de peine de prison pour les locataires défaillants qui se maintiennent dans les lieux, la possibilité pour le juge d’accorder, d’office, des délais de paiement aux locataires défaillants et de suspendre la résiliation du bail s’il estime le locataire défaillant de bonne foi, et enfin le maintien d’un délai de six semaines entre l’assignation et le commandement de payer. En effet, un délai trop court risquerait d’engorger rapidement les tribunaux. La rédaction adoptée par le Sénat permettra dans de nombreux cas aux locataires défaillants de régler leur dette.

Pour conclure, notre groupe salue la démarche, qui vise à protéger davantage les propriétaires, mais restera vigilant : le droit français doit demeurer juste et proportionné. Préserver le droit de propriété, tel qu’il a été consacré par nos institutions, donner aux propriétaires des outils efficaces et offrir à chacun les moyens et l’accompagnement nécessaires pour être logé dignement, tels sont nos objectifs.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous remercie, ainsi que le groupe MoDem, pour votre soutien et vos apports à ce texte. Je tiens également à vous rassurer au sujet des trois points que vous avez évoqués.

La question de la peine de prison a été évacuée par les sénateurs, et je n’ai pas l’intention de revenir sur ce sujet. Nous en resterons, pour le quantum des peines, à la version sénatoriale.

Les sénateurs ont confirmé le délai, que vous aviez un peu allongé en le faisant passer de quatre à six semaines. Nous conserverons cette rédaction.

Quant à la faculté du juge d’accorder des délais, j’avais défendu une position qui n’a pas été celle du Sénat. Je vous proposerai une rédaction de compromis qui laissera la main au juge et qui, je l’espère, pourra vous satisfaire pleinement.

M. Inaki Echaniz (SOC). La protection du droit de propriété est un objectif légitime : c’est un droit fondamental au sens de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Néanmoins, le droit au respect du domicile, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, est tout aussi fondamental, comme l’a rappelé le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, au sujet de votre proposition de loi. Dans des courriers de janvier et du 17 mars, cette commission et son président se sont inquiétés de la sévérité disproportionnée des sanctions prévues contre les personnes et les associations, ainsi que de la réduction des garanties auxquelles ont droit les personnes concernées par une expulsion. Alors que la garantie du droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation et devrait servir de boussole pour nos politiques publiques, la première proposition de loi défendue par la majorité en matière de logement durant la présente législature ne choisit malheureusement pas cet angle, ce qui me désole.

Ce texte visant à protéger les logements contre l’occupation illicite entend renforcer et compléter un dispositif précédemment adopté dans le cadre de la loi Asap. Par cette proposition de loi, que le Sénat, prenant le Gouvernement et vous-même par votre gauche, a lui-même rééquilibrée sur plusieurs points, vous voulez renforcer les sanctions contre le squat en créant de nouvelles infractions dans le code pénal, dont deux qui criminaliseraient des individus en difficulté. Vous comptez également accélérer et simplifier les procédures contentieuses en matière locative, en privant les personnes concernées du temps nécessaire pour prendre connaissance de ces procédures et y accéder. Par ailleurs, vous ne proposez pas de dispositif suffisamment sérieux pour prévenir les expulsions locatives et accompagner les publics fragiles, pas plus que les propriétaires, qui ne récupéreront pas les dettes locatives.

Deux textes, en deux ans, ont occupé plusieurs heures de débat parlementaire qui auraient pu servir à un projet ambitieux visant à traiter la cause et non les conséquences du
mal-logement. En contrepoint des propositions de loi des groupes LR et RN portant sur le squat, souvent déposées en même temps que diverses séquences médiatiques, de multiples propositions législatives intéressantes ont été faites pour couper court, comme vous le souhaitez, au déport du marché locatif traditionnel vers celui des meublés de tourisme, pour supprimer des niches fiscales incitant à la location de courte durée, ainsi que l’a préconisé le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) que le Gouvernement attendait lors des discussions sur le projet de loi de finances (PLF), alors que ce rapport a été publié dès juin 2022, pour renforcer la lutte contre des pratiques illégales connues, telles que les congés pour vente abusifs, ou pour donner des outils aux communes afin de limiter le déferlement des résidences secondaires. Pour diminuer, par ailleurs, le nombre de loyers impayés et apaiser les relations locatives, il faudrait inciter à utiliser la garantie Visale ou mettre en place une garantie universelle et obligatoire. Pour améliorer le pouvoir d’achat des Français, pour lutter contre la hausse des loyers, pour créer des outils d’aide à l’accession à la propriété, comme l’aide personnelle au logement (APL) accession, que la majorité a supprimée hâtivement lors de la précédente législature, il existe des solutions qui n’opposent pas, qui ne précarisent pas, qui n’isolent pas.

Vous avez écrit ce qui suit : « Nous avons tous dans notre entourage des personnes pour qui les litiges locatifs évoquent des expériences vécues, des moments difficiles traversés dans leur vie, parfois de véritables traumatismes ». Notre pays traverse une crise du logement croissante, qui touche 14,8 millions de personnes, dont les situations sont parfois extrêmement difficiles et traumatisantes, je vous l’assure. Ces 14,8 millions de personnes sont à mettre en regard de 170 expulsions. Nous ne nions pas les situations difficiles que peuvent vivre les propriétaires concernés, mais je ne peux comprendre que le premier texte de la majorité en matière de logement concerne la lutte contre le squat. Pourquoi ne pas donner la priorité, dans le calendrier législatif contraint qui est le nôtre, à la lutte contre le mal-logement, lequel ne cesse de susciter des alertes ? Que prévoit la majorité pour traiter ses effets ?

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je vous renvoie au travail réalisé en ce moment par nos collègues Annaïg Le Meur, du groupe Renaissance, et Vincent Rolland, du groupe LR, à qui nous avons confié une mission d’information. Attendez d’en avoir les conclusions avant de dégainer des propositions de loi individuelles. N’allez pas plus vite que la musique et respectez le travail de cette commission. Ce n’est pas parce que nous travaillons sur l’occupation illicite que nous ne travaillons pas également sur les autres aspects du logement, qui sont tout aussi importants.

Vous avez évoqué beaucoup de références. Je n’en citerai qu’une, issue de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé ».

M. Luc Lamirault (HOR). Je tiens à saluer la constance et le sérieux du travail réalisé sur ce sujet, depuis la loi Asap, par notre président et rapporteur Guillaume Kasbarian ainsi que, du côté du groupe Horizons, par notre collègue Philippe Pradal.

L’examen de la proposition de loi au Sénat a permis de clarifier et d’enrichir le texte tout en conservant les équilibres que nous avions trouvés en première lecture, entre les droits des propriétaires et l’accompagnement des locataires en difficulté mais aussi entre les peines encourues par les occupants sans droit ni titre et celles prévues pour le propriétaire contrevenant à la loi. Ce texte sort de la navette parlementaire plus fort, plus protecteur pour les propriétaires comme pour les locataires.

En première lecture, vous aviez accepté la proposition de Philippe Pradal d’accorder au maire un droit de regard et un rôle dans le processus de défense des propriétaires, ce dont je vous remercie à nouveau. Dans l’hémicycle, nous avions assisté, de la part de certains collègues, à une apologie du squat, que je regrette. Pour notre part, nous nous félicitons de la mise en place de solutions concrètes et rapides pour protéger la propriété privée. Le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je remercie M. Lamirault pour ses propos, ainsi que M. Pradal, qui a contribué à renforcer le texte au nom du groupe Horizons, faisant ainsi preuve d’un bel esprit constructif.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). En première lecture, devant cette commission, notre collègue Aurélien Taché avait débuté son intervention en vous disant que votre proposition de loi était aussi inique que dangereuse. Après le passage du texte au Sénat, nous maintenons cette position et nous nous étonnons toujours que le ministre chargé du logement, compte tenu de son parcours qui l’a conduit à être maire d’une ville ayant souffert plus que tout autre des marchands de sommeil et des propriétaires délinquants, puisse souscrire à cette proposition de loi.

Rien ne va dans votre texte. Alors qu’il est urgent de s’attaquer aux inégalités d’accès au logement, vous allez adopter une loi qui permettra aux propriétaires délinquants de continuer à exploiter tranquillement les souffrances des plus précaires, d’empocher le loyer de logements insalubres, parfois prêts à s’effondrer, comme de tristes exemples l’ont encore rappelé récemment. Pire, Monsieur Kasbarian, vous allez faire des militants du droit au logement des délinquants qui pourront être jetés en prison sous prétexte d’avoir voulu aider des personnes en grande situation de précarité qui cherchent un toit. Il faut être clair : votre proposition de loi est purement et simplement une criminalisation de la pauvreté. La Fondation Abbé Pierre souligne ainsi que les victimes de la crise du logement entrent massivement dans le domaine de la délinquance, puisqu’elles sont exposées à des peines de prison ou à des sanctions financières dès lors qu’elles cherchent à se mettre à l’abri dans des bâtiments vides ou qu’elles ne quittent pas leur logement après une décision judiciaire d’expulsion, pour éviter de se retrouver à la rue.

Ce n’est pourtant pas si surprenant, car votre texte s’inscrit dans une série d’attaques menées par le président Macron contre le droit au logement. Il s’inscrit également dans un contexte où la production annuelle de logements sociaux, indispensables pour héberger les Français aux revenus les plus faibles en zone urbaine, s’est effondrée : alors qu’elle était de 123 000 logements en 2016, elle se situe autour de 95 000 chaque année depuis la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS).

Puisque vous n’entendez rien, je vais redire les chiffres. La Fondation Abbé Pierre estimait à 330 000 le nombre de personnes sans domicile dans notre pays en 2022, soit 30 000 de plus que l’année précédente. Fin août 2022, selon les données de l’Unicef France et de la Fédération des acteurs de la solidarité, 42 000 enfants vivaient dans des hébergements d’urgence, des abris de fortune ou dans la rue. Par ailleurs, le rapport de la Fondation Abbé Pierre publié en janvier 2022 dévoilait que plus de 4 millions de Français sont non ou mal logés. Surtout, vous ne pouvez pas fermer les yeux sur le fait que la rue affecte gravement la santé : elle a tué 623 personnes en 2021.

Comment avons-nous pu en arriver là ? Comment un Président de la République élu sous la bannière du progressisme peut-il préférer la criminalisation de la pauvreté à la recherche de son éradication ? Sur ce sujet, comme sur celui des libertés, il s’agit d’un véritable retour au XIXe siècle, époque à laquelle la bourgeoisie voyait dans chaque membre de la classe laborieuse un délinquant potentiel. Votre proposition de loi est une terrible régression sociale et démocratique, qui conduira à une explosion du nombre de sans-abri, à moins qu’Emmanuel Macron ait aussi prévu de réintroduire le délit de vagabondage pour envoyer en prison toutes les personnes sans domicile fixe. Toujours à court d’idées pour éradiquer la pauvreté, vous en débordez en revanche pour la criminaliser. Les Écologistes s’opposeront à ce texte.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le temps va me manquer pour tordre le cou à toutes ces caricatures sur un texte qui est le fruit d’un compromis avec les sénateurs. Un peu de mesure ne nuirait pas.

Il ne s’agit pas d’opposer politique du logement et lutte contre l’occupation illicite.

Quant au ministre chargé du logement que vous avez cité, je vous invite à l’interroger directement. J’ai pu le constater à l’occasion d’un petit-déjeuner hier avec lui, il est conscient que la lutte contre les squats n’exonère pas d’une politique sociale ambitieuse en matière de logement.

Le texte comporte des mesures sociales : le chapitre III est consacré à l’accompagnement des locataires en difficulté ; des dispositions de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan), que les associations ont saluées, sont pérennisées.

M. Paul Molac (LIOT). Nous accueillons la proposition de loi avec une bienveillance mâtinée d’inquiétudes.

Lorsque l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été rédigé, la question sociale ne s’était pas encore posée. Depuis, il y a eu la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et la consécration du droit au logement par notre Constitution.

Le droit au logement est parfois détourné de son objet par des personnes peu scrupuleuses et de telles pratiques ne sont pas acceptables. Il appartient à l’État et non aux petits propriétaires de garantir l’effectivité de ce droit.

La position du groupe LIOT est cohérente avec celle qu’il avait défendue en première lecture. S’agissant des squatteurs, nous sommes en phase. L’article 2 apporte certaines précisions bienvenues. En ce qui concerne le contentieux locatif, nous sommes plus nuancés : les modifications opérées par le Sénat à l’article 3 sont opportunes. Quant à l’article 4, il est nécessaire que le juge puisse accorder des délais de paiement alors que certains de nos concitoyens connaissent des difficultés, en particulier dans la période d’inflation actuelle, sachant que les loyers augmentent de manière considérable dans certaines régions. La réduction des délais de procédure est bienvenue : on ne peut pas laisser un logement occupé par des personnes qui ne paient pas pendant plusieurs années. S’agissant de l’article 6 et des délais d’indemnisation, je rejoins mon collègue Echaniz, je milite pour la garantie universelle des loyers qui donnerait une sécurité aux petits propriétaires.

Enfin, je suis très sensible aux problèmes de logement dans les territoires. L’État s’était engagé à ce que 250 000 logements soient produits en 2021 et nous avons péniblement atteint 125 000. Il faut faciliter le logement des personnes modestes à des loyers accessibles, faute de quoi on prend le risque d’impayés. Il faut aussi se préoccuper du logement dans les zones touristiques et les zones tendues. C’est un chantier considérable qui dépasse le cadre de la proposition de loi.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. En effet. Je le répète, la mission d’information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, – touristiques, littorales, et de montagne – menée par Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, présentera ses conclusions le 5 avril. J’espère que celles-ci seront reprises dans une proposition de loi transpartisane.

Je n’ai jamais prétendu que ma proposition de loi pouvait résoudre tous les problèmes du logement en France. J’apporte modestement ma contribution. Grâce à vous tous, d’autres textes suivront.

 

Chapitre Ier
Mieux réprimer le squat du logement

 

Avant l’article 1er A

 

Amendements CE70 de M. Aurélien Taché, CE35 et CE36 de Mme Annie Genevard (discussion commune).

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Votre proposition de loi est injuste, l’ensemble des acteurs du logement s’accordent à le dire. Jamais le droit au logement n’a été à ce point menacé en France, sans que grand monde ne s’en émeuve, comme si c’était une fatalité.

Loin de résoudre les problèmes de logement, les dispositions du chapitre Ier renforcent la répression contre une personne sans-abri ou un locataire en difficulté. Alors que selon le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France, plus de 4 millions de Français sont non ou mal-logés, vous choisissez de punir de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende toute personne soupçonnée de squatter un logement.

Pour que vos intentions soient clairement affichées et que le grand public comprenne bien la portée du texte, nous vous proposons d’intituler le chapitre Ier « Mieux réprimer les personnes sans-abri ».

Mme Annie Genevard (LR). Je défends les deux amendements qui visent à mettre en adéquation le titre du chapitre Ier avec les dispositions qu’il contient à la suite des modifications que l’Assemblée nationale y a apportées. Celui-ci a désormais pour objet de réprimer le squat de locaux à usage d’habitation mais aussi à usage économique.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’amendement du groupe Écologiste relève non seulement de la pure provocation mais aussi d’une fausse analyse.

Il est invraisemblable de contester l’évidence : le squat n’est pas toujours le fait de sans-abri. Vous auriez dû assister à l’audition des victimes des squatteurs : des personnes mal intentionnées étaient entrées par effraction, s’étaient installées chez elles et avaient utilisé toutes les failles de la législation ainsi que les imperfections de la justice pour s’y maintenir le plus longtemps possible.

Effet pervers de la caricature que vous faites du texte, vous en venez à nier le vécu, souvent dramatique, des victimes de squat. Aux termes de la loi, le squat est un délit – je n’invente rien. Respectons ensemble la loi de la République.

Quant aux amendements de Mme Genevard, je partage le souci de cohérence. J’émets donc un avis favorable à l’amendement CE35 au profit duquel je vous invite à retirer le CE36.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous venez de rappeler à juste titre que la loi réprime d’ores et déjà le squat. Dès lors pourquoi adopter un nouveau texte ?

L’amendement est honnête, il nomme ce que vous voulez faire : mieux réprimer les personnes sans-abri.

Le groupe LR vous prête main-forte par le biais de ses amendements : en visant les locaux à usage économique, il interdit à une famille ayant perdu son logement de trouver refuge dans un hangar désaffecté de la SNCF ou un local laissé vacant depuis vingt ans par une société d’assurance qui fait de la spéculation immobilière sans risquer d’être poursuivie.

Dans le même temps, vous n’avez pas un centime à consacrer à la construction de logements sociaux et pas une solution à proposer pour lutter contre l’exclusion. Au contraire, votre proposition de loi est une machine à en fabriquer encore plus.

M. Romain Daubié (Dem). Je soutiens l’amendement de Mme Genevard qui est plus fidèle au contenu du texte adopté par les deux chambres. Surtout, les dispositions du chapitre visé permettront d’éviter les contestations des avocats sur la destination des locaux. La difficulté à prouver l’usage des locaux anciens est une cause fréquente de renvoi, donc d’allongement des délais de procédure.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Pour le domicile, le squat sera à l’avenir puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Pour les locaux à usage d’habitation ou à usage économique, la peine encourue est de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Il y a bien une gradation des peines.

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Madame Genevard, retirez-vous l’amendement CE36 ?

Mme Annie Genevard (LR). Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui tombera si le CE35 est adopté. J’accepte de le retirer mais nous y reviendrons lorsque nous évoquerons le titre de la proposition de loi.

S’agissant de la gradation des peines, la légitimité de la propriété est la même que le local soit à usage d’habitation ou à usage économique.

Enfin, Madame Simonnet, les pouvoirs publics ont la possibilité de réquisitionner les locaux à usage économique vacants. L’appropriation d’un lieu qui ne vous appartient pas n’est pas acceptable, quelle que soit la nature dudit lieu.

L’amendement CE36 ayant été retiré, la commission rejette l’amendement CE70 puis elle adopte l’amendement CE35.

 

 

Article 1er A (art. 315-1 et 315-2 [nouveaux] du code pénal) : Délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble bâti à usage d’habitation ou économique et délit de maintien dans les lieux après décision d’expulsion

 

Amendements de suppression CE10 de M. François Piquemal, CE41 de M. Inaki Echaniz et CE73 de M. Aurélien Taché.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). L’article 1er A créé un délit d’occupation sans droit ni titre d’un immeuble bâti à usage d’habitation ou à usage économique alors que la loi punit déjà d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le squat d’un domicile.

Vous aggravez les peines sans chercher à résoudre le problème à la source. Pour lutter contre les occupations illicites, il faut d’abord garantir l’effectivité du droit au logement.

Vous prétendez protéger les petits propriétaires face au risque de squat de leur domicile mais, en réalité, vous menacez de prison les victimes de la crise du logement.

Je vous rappelle la violence des chiffres : 3,1 millions de logements vacants ; 2,3 millions de ménages en attente d’un logement social ; 50 % des logements loués sont la propriété de 3,5 % des ménages ; 4,15 millions de mal-logés. C’est à ces problèmes qu’il faut s’attaquer.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’article vise à durcir les sanctions envers les publics souvent fragiles qui occupent des lieux dans l’urgence à cause du froid et de la peur car ils n’ont aucune autre solution d’hébergement.

Il n’est pas question de nier les potentielles difficultés dans les relations entre bailleurs et propriétaires ni les conséquences pénibles qu’elles peuvent avoir pour les seconds. Mais ce n’est pas en stigmatisant ni en pénalisant les locataires les plus fragiles que nous pourrons les protéger ainsi que les bailleurs des accidents de la vie. Il n’est pas responsable de criminaliser les plus précaires sans consacrer des moyens suffisants aux politiques publiques de solidarité. Vouloir traiter les conséquences du mal-logement avant les causes n’est pas recevable.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Beaucoup de choses ont déjà été dites.

Les personnes les plus vulnérables sur le plan économique sont souvent mal-logées, dans des squats ou entre les mains de marchands de sommeil. Vous voulez infliger de la prison ou des amendes – qu’elles ne pourront pas payer – à des personnes dont la situation est déjà très précaire et les jeter à la rue – je le rappelle, plus de 600 personnes sans domicile sont mortes en 2021. C’est inhumain.

Par ailleurs, vous prenez le problème à l’envers. Au lieu de légiférer sur la réquisition des logements vacants, la réhabilitation des logements dégradés et la construction de logements ou de faire respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), vous préférez réprimer. Si une personne a un logement, elle ne va pas s’installer sur le canapé d’un autre.

Enfin, on ne fait pas une loi sur des faits divers.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le dépôt d’un amendement de suppression marque le refus d’admettre le problème – l’occupation frauduleuse du domicile d’autrui – et de la nécessité de sanctionner ces comportements illégaux qui portent atteinte au droit de propriété dont j’ai rappelé le caractère fondamental. Nous avons un désaccord idéologique majeur.

Vous me renvoyez régulièrement à la politique du logement. Mais on peut à la fois être dur sur l’occupation illicite et améliorer l’accompagnement social des publics précaires. Même si elle n’a pas vocation à se substituer à la politique du logement, la proposition de loi prend sa part puisqu’elle prévoit des sanctions contre les marchands de sommeil ; elle pérennise le dispositif de la loi Elan permettant la mise à disposition temporaire de locaux vacants au profit de publics précaires ; dans un chapitre consacré au renforcement de l’accompagnement social des locataires en difficulté, elle élargit les prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex).

Vous ne souhaitez pas sanctionner plus fortement l’occupation illicite – c’est votre choix – mais ne faites pas dire à la loi ce qui n’y est pas écrit et reconnaissez ce qui l’est. Avis défavorable.

M. Paul Midy (RE). Il ne faut pas vivre dans un monde imaginaire. Je vais évoquer un cas concret que nous avons déjà cité : Cécilia a acheté un appartement de trente-cinq mètres carrés en Île-de-France ; au bout de deux mois, ses locataires ont cessé de payer le loyer ; cela fait maintenant six ans ; elle voit sur les réseaux sociaux leurs week-ends à l’étranger – ce n’est donc pas un problème d’argent mais de la malhonnêteté – ; à cause de 75 000 euros de charges impayées, elle va devoir vendre l’appartement, avec une énorme décote puisqu’il est squatté, et déménager car elle n’a plus les moyens de payer ses charges. Je pourrais aussi parler de Mégane ou d’une personne en Côte-d’Or que nous avons auditionnées.

Nous sommes là pour protéger les Français qui se font abuser par des gens malhonnêtes. Cela n’a rien à voir avec la politique du logement à laquelle le Gouvernement consacre d’importants moyens.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements identiques CE42 de M. Inaki Echaniz et CE71 de M. Aurélien Taché.

 

Amendement CE38 de M. Romain Baubry.

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement vise à préciser que le délit peut être constitué, que le local à usage d’habitation ou à usage économique soit occupé ou non.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE31 de Mme Julie Lechanteux et CE2 de M. Yoann Gillet (discussion commune).

M. Yoann Gillet (RN). La proposition de loi a pour objet de lutter contre l’occupation illicite des logements, pratique scandaleuse qui pénalise en premier lieu les petits propriétaires. Alors que le nombre de Français victimes de ce fléau est en perpétuelle augmentation, il est impératif d’agir.

Comment accepter de voir des retraités devenus propriétaires grâce à une vie de travail acharné ou des travailleurs qui se privent pour préparer leurs vieux jours et assurer l’avenir de leurs enfants subir une telle situation ? La loi doit être du côté des honnêtes gens. Face à un laxisme généralisé et à une législation qui a tendance à pencher du mauvais côté mais aussi au délire idéologique de la gauche, les Français demandent des actes.

Si le texte poursuit un objectif salutaire, les solutions proposées ne sont malheureusement pas à la hauteur. L’amendement CE2 vise à renforcer les sanctions encourues pour répondre aux attentes des Français. Dans un souci de justice et d‘équité, elles couvrent tous les locaux et seraient alignées sur celles pesant sur les propriétaires excédés par la lenteur de la justice qui cèdent à la colère et expulsent par leurs propres moyens des squatteurs.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. S’agissant de l’amendement CE31, il est satisfait par l’article 322-1 du code pénal aux termes duquel « la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Le squatteur peut être poursuivi du chef d’occupation illicite et concomitamment de celui de dégradation. Nous disposons donc de l’outil juridique, reste la question de l’application.

Quant à l’amendement CE2, l’article 1er, adopté conforme par le Sénat, fixe le quantum de peine que vous souhaitez, selon l’exposé sommaire de votre amendement, pour la violation du domicile – trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

Je vous invite donc à retirer les deux amendements.

M. Grégoire de Fournas (RN). L’amendement CE31 prévoit des sanctions plus lourdes que le droit en vigueur – trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Toujours est-il que le délit que vous souhaitez créer figure déjà dans le code pénal. J’essaie de faire passer à nos concitoyens le message selon lequel ils sont protégés par la loi : les squatteurs encourent des sanctions que le texte va alourdir ; les actes de dégradation qu’ils commettraient sont également punis.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Je voudrais faire passer le message suivant : les sanctions existent déjà. Les avocats que nous avons auditionnés ont estimé que leurs clients n’auraient pas pu être mieux défendus avec le texte que vous proposez. Il était évident à leurs yeux que l’aggravation des peines ne changerait rien. C’est un leurre. L’arsenal répressif ne permet pas aux propriétaires de récupérer les loyers ni leur bien. En revanche, la politique de prévention des expulsions locatives permet d’éviter les squats et l’engorgement des tribunaux.

La criminalisation de la misère n’est en aucun cas la solution magique pour les petits propriétaires.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous n’avons pas assisté à la même audition. Je n’ai pas entendu les avocats dire que le texte ne servait à rien.

Madame Simonnet, vous devez choisir : vous ne pouvez pas à la fois arguer de l’inutilité ou l’inefficacité du texte et lui reprocher d’être monstrueux ou scandaleux.

L’amendement CE2 ayant été retiré, la commission rejette l’amendement CE31.

 

Amendements CE3 de M. Yoann Gillet.

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement vise à doubler la peine encourue en cas de récidive légale. L’occupation illicite des logements est un fléau qui doit donner lieu à une réponse pénale ferme. Notre mission de représentants de la Nation est de garantir un cadre législatif adapté à l’ampleur et aux conséquences de cette délinquance. Nos compatriotes ne supportent plus, à juste titre, que les spécialistes du squat continuent de pourrir la vie des honnêtes gens sans être sanctionnés à la hauteur de la gravité de leur délit. L’amendement nous paraît pleinement justifié et proportionné. En l’adoptant, vous avez l’occasion de redonner aux Français confiance dans la justice.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je ne souhaite pas remettre en cause l’accord raisonnable auquel nous sommes parvenus avec les sénateurs sur le quantum des peines.

Nous devons d’abord nous assurer de l’application des peines avant de les aggraver.

 

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Votre proposition de loi démontre qu’un texte peut être à la fois dangereux et inefficace. Elle est dangereuse pour les victimes du mal logement et de la crise. Elle est inefficace par rapport à l’objectif qu’elle prétend viser : soutenir les petits propriétaires.

Cet amendement qui prévoit d’augmenter encore plus les peines ne protégera pas davantage les propriétaires. La crise du logement fait que cela ne sera pas dissuasif. Il faut répondre d’urgence à cette crise pour permettre à tous d’accéder à un logement digne.

M. Pascal Lavergne (RE). Mme Simonnet a estimé précédemment qu’il fallait faire preuve de pédagogie plutôt que de prévoir des peines. J’invite La France insoumise à faire preuve de pédagogie afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu dans le contexte de crise sociale que traverse le pays.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Quel est le rapport ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE43 de M. Inaki Echaniz.

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement vise à supprimer le nouvel article 315‑2 du code pénal, qui punirait de 7 500 euros d’amende le fait de se maintenir, sans droit ni titre, dans un local d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement de quitter les lieux depuis plus de deux mois.

Considérer comme des voleurs les ménages qui n’ont pas pu payer leur loyer est particulièrement violent et inutile. Une punition supplémentaire n’est pas dissuasive pour les personnes qui n’ont pas la possibilité de se reloger et de payer leurs dettes locatives. Cela ne fera qu’augmenter la précarité des personnes concernées, qui se trouvent déjà dans des situations compliquées.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. La peine dont nous parlons vise des personnes qui se maintiendraient dans les lieux sans avoir payé leur loyer, après la résiliation judiciaire du bail et avoir bénéficié de délais décidés par un juge. Il s’agit donc de gens qui refusent d’obéir à une décision finale de justice à l’issue d’une procédure qui peut durer des années, qui ont épuisé tous les recours et qui décident de se maintenir dans les lieux alors qu’ils font l’objet d’un ordre d’expulsion, en dehors de la trêve hivernale.

En première lecture, une peine de 7 500 euros d’amende et de six mois de prison avait été prévue. Les sénateurs ont souhaité supprimer la peine de prison, même si les personnes visées sont probablement de mauvaise foi. Cette modification me paraît bonne, mais il faut conserver la peine d’amende.

Demande de retrait.

M. Dominique Potier (SOC). Il existe des abus manifestes. Un exemple de comportement particulièrement retors – que personne ne peut défendre et qui s’appuie sur les failles de la loi – a été donné précédemment.

Mais il s’agit d’une affaire de proportionnalité. Pour les personnes qui sont dans une grande précarité, la force de la puissance publique suffit pour libérer les lieux. L’amende de 7 500 euros est un leurre car elles sont dans l’incapacité absolue de la payer.

On ne peut pas parler d’impuissance totale et cette amende est superfétatoire dans 99 % des cas.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE34 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard (LR). Cet amendement à caractère rédactionnel fait suite à celui que j’ai défendu sur le titre du chapitre. Par cohérence, il s’agit d’ajouter, à l’alinéa 6, les mots « ou à usage économique » après les mots « à usage d’habitation ».

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Ce n’est pas seulement rédactionnel. On étendrait un délit prévu pour les locaux à usage d’habitation à des locaux à usage économique, ce qui ne me semble pas utile. Le cas de ces derniers a été traité dans les dispositions de l’alinéa 4, qui portent sur les squats et renforcent de manière réelle les sanctions, en prévoyant une peine de prison. Restons-en là.

Demande de retrait.

M. Yoann Gillet (RN). Je reviens sur nos débats précédents. Vous m’avez demandé de retirer mon amendement CE2 pour de fausses raisons. Vous avez confondu l’article 1er et l’article 1er A. Le texte voté par le Sénat prévoit deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Or mon amendement proposait bien trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Vous avez interverti deux articles.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre amendement portait sur le domicile. Or c’est l’article 1er qui est consacré à la protection du domicile. Cet article a été voté conforme par le Sénat et la peine prévue est bien de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE30, CE26 et CE27 de Mme Julie Lechanteux (discussion commune).

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CE30 vise à supprimer la condition d’un délai de deux mois pour que l’infraction prévue soit caractérisée. Ainsi, le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux sera sanctionné sans délai.

Les amendements CE26 et CE27 sont des amendements de repli, qui prévoient respectivement un délai de quinze jours et d’un mois pour caractériser l’infraction.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous souhaitez réduire la période, après la décision judiciaire d’expulsion, au bout de laquelle le maintien dans un local à usage d’habitation est considéré comme un délit.

Il faut prendre toutes les précautions nécessaires afin de recourir à la sanction pénale le plus tard possible, pour ne viser que les comportements véritablement abusifs. Les délais prévus par cet article doivent être maintenus car il ne faut pas mettre les personnes qui sont de bonne foi mais qui ont des difficultés dans le même panier que celles qui sont malhonnêtes et qui se maintiennent dans les lieux, malgré toutes les décisions de justice.

Tenons-nous en à la sagesse du Sénat et conservons le quantum des peines et les délais qu’il a fixé.

M. Yoann Gillet (RN). M. Kasbarian a inventé le squat de bonne foi !

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous confondez deux notions. L’alinéa 6 ne concerne pas les squatteurs, mais des contentieux locatifs. Il porte sur le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois. Cette infraction est punie de 7 500 euros d’amende.

Le fait de squatter est quant à lui puni, je le répète, de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende.

Ne confondons pas tout.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE55 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Cet amendement propose d’alourdir l’amende prévue dans le cas où une personne se maintiendrait sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation depuis plus de deux mois après qu’une décision de justice définitive et exécutoire lui a été notifiée.

En effet, un tel irrespect d’une décision de justice est inacceptable et il convient qu’il soit lourdement sanctionné.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous entamons l’examen d’une série d’amendements qui prévoient de surenchérir en matière de peines, en passant l’amende à 15 000 euros dans le cas du présent amendement et en réintroduisant une peine de prison dans les deux qui suivront.

Une fois encore, le quantum de peine auquel nous sommes parvenus après l’examen par les sénateurs est le bon et il faut en rester à ce qu’ils ont retenu.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE28 et CE29 de Mme Julie Lechanteux (discussion commune).

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement CE28 vise à sanctionner de six mois d’emprisonnement le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous souhaitez réintroduire une peine de prison. Elle était prévue dans le texte adopté en première lecture par l’Assemblée, mais les sénateurs ont souhaité ajuster le quantum de peine. Ils ont considéré que l’amende était suffisante pour des locataires qui se maintiendraient dans un local à usage d’habitation après avoir épuisé toutes les voies de recours.

Je propose d’en rester à la version adoptée par le Sénat, car légiférer c’est écouter les arguments et faire des compromis. Le Sénat n’est pas connu pour être particulièrement laxiste.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Au vu des nombreuses autres dispositions de cette proposition que le Sénat a durcies, il est vraiment important de ne pas prévoir de nouveau une peine d’emprisonnement pour sanctionner le maintien dans les lieux.

Ce n’est pas avec une surenchère permanente contre les personnes mal logées au point qu’elles doivent occuper un logement vacant que l’on va leur apporter une solution. Cette inhumanité est effroyable et l’illusion qui consiste à croire que l’accumulation des mesures répressives pourra résoudre le problème est affligeante.

M. Grégoire de Fournas (RN). Nos circonscriptions sont manifestement très différentes, car il m’arrive régulièrement de recevoir dans ma permanence des propriétaires qui se retrouvent à la rue parce qu’ils n’arrivent pas à faire expulser des locataires qui ne paient plus leur loyer.

L’humanité n’est pas à géométrie variable. Il faut aussi penser aux propriétaires qui ont acheté un bien, qui ont emprunté et ont remboursé pour cela, et qui, faute de pouvoir le récupérer, doivent loger chez leurs enfants voire dans leur voiture. On voit bien que vous cherchez à défendre tous les squatteurs, Madame Simonnet. En Gironde, il s’agit toujours des mêmes gens, qui ont fait du squat un choix de vie.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE68 et CE69 de M. Lionel Tivoli.

M. Michaël Taverne (RN). Pour lutter contre les squats, il faut des mesures judiciaires, économiques et incitatives.

L’amendement CE68 propose de supprimer le bénéfice du droit au logement opposable (Dalo) pendant une durée d’un an pour les récidivistes définitivement condamnés.

L’amendement CE69 a pour objet de supprimer le bénéfice de l’aide personnalisée au logement, de l’allocation de logement familiale et de l’allocation de logement sociale versées par les caisses d’allocation familiales pendant une durée de trois ans pour ces mêmes récidivistes.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Vous proposez en fait une double peine. Une personne qui a été sanctionnée une première fois ne pourra plus bénéficier du Dalo. Que fait-on des personnes qui sont dans ce cas ? Elles seront privées de tout droit, car elles ne pourront probablement jamais acheter un logement et qu’aucun propriétaire ne voudra leur louer un bien en raison des occupations illicites qu’elles ont commises.

La double peine n’est pas la bonne solution.

Cet article propose déjà de renforcer les sanctions. Mais je doute qu’il faille mettre les gens dans une situation dont on ne sait pas comment ils pourront sortir.

Avis défavorable.

Mme Annie Genevard (LR). Cet amendement porte sur l’accès au Dalo et pas sur l’accès à tout type de logement.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 

La commission adopte l’article 1er A non modifié.

 

 

Article 1er B (nouveau) (art. L. 412-3 du code des procédures civiles d’exécution) : Suppression de la possibilité laissée au juge d’accorder des délais aux squatteurs dont l’expulsion a été judiciairement ordonnée

 

Amendements de suppression CE12 de M. François Piquemal et CE44 de M. Inaki Echaniz.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). L’amendement CE12 propose de supprimer cet article, qui crée une exception à l’octroi de délais d’expulsion dans les cas où l’occupant n’a pu être relogé dans des conditions normales. En réalité, l’occupation illicite est une conséquence perverse de l’état du mal-logement en France.

Dans son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre souligne la diminution du parc locatif social, avec 95 000 logements sociaux financés en 2021 contre 124 000 en 2016. Le Gouvernement avait promis de construire 250 000 logements sociaux au cours des deux dernières années, et 150 000 HLM par an. Ces promesses n’ont bien évidemment pas été tenues. Il y a aujourd’hui 2,3 millions de ménages en attente d’un logement social. Résultat : en dix ans, le nombre de personnes sans domicile a plus que doublé, puisqu’on estime que 330 000 personnes sont dans la rue, en abri de fortune, à l’hôtel ou en centre d’hébergement – soit 30 000 de plus que l’année précédente.

Les mal-logés sont donc à court d’options. Cette proposition va plus loin dans l’inhumanité, en les privant du peu de garanties sociales et de recours judiciaires que la loi leur accordait.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE44 vise à supprimer l’article 1er B, qui ôte au juge civil la possibilité d’accorder des délais à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement.

Il est nécessaire de laisser au juge le soin d’apprécier chaque situation et de donner davantage de temps aux personnes concernées, parce que notre pays traverse une grave crise du logement et que le nombre de logements sociaux est largement insuffisant pour répondre aux besoins.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet article introduit par le Sénat supprime la possibilité laissée au juge de l’exécution d’accorder des délais renouvelables dits « de relogement » à la personne qui squatte un logement ou des locaux à usage professionnel, lorsque son expulsion a été ordonnée judiciairement et que son relogement n’a pas pu avoir lieu dans des conditions normales.

Le dispositif est très ciblé et va dans le bon sens. Je propose donc le maintien de l’article 1er B.

Mme Annie Genevard (LR). Cet article est tout à fait utile : sans ce dispositif, le squatteur reste dans le local qu’il occupe et on ne peut pas l’en expulser.

La commission rejette les amendements.

 

 

Elle adopte l’article 1er B non modifié.

 

 

Article 1er C (nouveau) (art. L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution) : Obligation faite au préfet de département d’appliquer une décision juridictionnelle d’expulsion dans un délai de sept jours

 

Amendements de suppression CE101 de M. Guillaume Kasbarian, CE13 de Mme Danielle Simonnet et CE45 de M. Inaki Echaniz.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Nous proposons de supprimer l’article 1er C, qui permet aux préfets de recourir à la force pour expulser des squatteurs au cours de la trêve hivernale dans les sept jours suivant la décision du juge. Ce dispositif faciliterait la mise à la rue des plus précaires lors des mois les plus froids de l’année.

L’Observatoire interassociatif des expulsions collectives estime qu’environ 64 % des 1 330 expulsions de squats recensées en 2021 ont eu lieu en pleine trêve hivernale. Le Gouvernement se contente de déplacer les problèmes. Les personnes à qui l’État échoue à offrir de meilleures solutions continuent de chercher refuge dans les villes, les parcs et les transports. Et l’hiver est un critère supplémentaire de la misère. L’espérance de vie moyenne d’une personne qui vit dans la rue est de 49 ans. Comment accepter cela sur le sol de la sixième puissance mondiale ?

Il est urgent de faire preuve d’humanité. Faute d’anticiper et de résorber chaque année le mal-logement et la pauvreté, le Gouvernement ne peut se contenter de renvoyer dans la rue les plus précaires, en pleine trêve hivernale. La rue tue.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement vise à supprimer cet article, qui impose au préfet de recourir à la force publique dans un délai de soixante-douze heures après une décision de justice ordonnant l’expulsion d’un squat.

Nous avons tous conscience des difficultés rencontrées par les propriétaires. Mais, selon la Fondation Abbé Pierre, les squatteurs occupent majoritairement des logements vacants et quasiment jamais des domiciles. Au vu des carences de l’État en matière de mise à l’abri et de relogement, il est difficile de souscrire à la cruauté inutile de cet article – la mobilisation des forces de police dans un délai de soixante-douze heures étant de surcroît difficilement applicable.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. C’est un grand jour : je vais défendre un amendement identique à celui de Mme Simonnet – mais peut-être pas pour les mêmes raisons.

Le dispositif prévu dans cet article adopté par le Sénat ne fonctionne pas.

Tout d’abord, il est mal placé dans le code des procédures civiles d’exécution, puisqu’il modifie l’article sur la trêve hivernale, et il concurrence la procédure prévue par l’article 38 de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (loi Dalo).

Ensuite, le délai de sept jours méconnaît celui d’un mois prévu pour le recours de droit commun. L’article serait probablement jugé contraire à la Constitution.

Enfin, cet article force la main du préfet, sans lui laisser la faculté d’apprécier si l’intervention de la force publique est susceptible de créer un trouble à l’ordre public.

Pour toutes ces raisons juridiques – dont conviennent d’ailleurs certains sénateurs –, je propose de supprimer cet article.

Mme Annie Genevard (LR). L’amendement à l’origine de cet article a été motivé par le fait que le préfet ne contribue pas toujours à l’exécution de la décision d’expulsion. Je l’ai constaté moi-même : le préfet tarde parfois à faire appliquer une décision de justice.

Vous mettez en avant le fait que le dispositif prévu ne respecterait pas les délais de recours. Mais cet article éteint-il tous les délais de recours, aussi bien auprès du juge du fond que de celui de l’exécution ?

En l’état actuel du droit, le délai pour faire appel d’un jugement d’expulsion est d’un mois. Le justiciable peut aussi saisir le juge de l’exécution dans un délai de deux mois pour obtenir un délai de grâce, lequel peut être compris entre trois mois et trois ans.

On passe peut-être d’un dispositif très laxiste à un autre beaucoup plus dur, mais
y a-t-il une réponse à la situation que j’ai évoquée ?

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il s’agit bien d’une suppression de la totalité des délais, aussi bien devant le juge du fond que devant celui de l’exécution. La suppression de toutes les possibilités de recours pose un problème de constitutionnalité.

Et une fois encore, le dispositif a été inséré dans un article qui porte sur la trêve hivernale – laquelle n’était probablement pas le sujet dont voulait traiter le Sénat.

Vous avez soulevé à juste titre la question de l’action des préfectures. Certaines sont efficaces, mais c’est plus poussif dans d’autres. J’avais pu le constater également en examinant la manière dont la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (loi Asap) avait été appliquée au bout de six mois.

Il faut travailler à l’accélération des procédures, mais pas de la manière retenue par cet article.

Mme Annie Genevard (LR). J’entends bien que le dispositif proposé par cet article ne fonctionne pas, pour les raisons que vous avez exposées.

Mais on voit bien qu’en l’état actuel du droit, une personne qui fait l’objet d’un jugement d’expulsion peut dans certaines circonstances demeurer dans le local qu’elle occupe pendant trois ans.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Il ne s’agit pas de la même chose.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er C est supprimé et l’amendement CE39 de M. Romain Baubry tombe.

 

 

Article 1er bis A (art. 226-4-3 [nouveau] du code pénal) : Sanction de la propagande et de la publicité en faveur de méthodes tendant à faciliter le squat

 

Amendement CE4 de M. Yoann Gillet.

M. Yoann Gillet (RN). L’amendement propose de compléter par une peine de deux mois d’emprisonnement l’amende de 3 750 euros qui sanctionne le délit de propagande ou de publicité incitant à l’occupation illicite d’un logement.

Pour lutter contre l’occupation illicite, il faut dissuader avec fermeté ceux qui incitent à cette pratique. Or de nombreux individus et groupes, dont l’affiliation politique est bien connue, se mobilisent pour défendre les délinquants. Il existe des guides en ligne pour « résister aux flics » ou « ralentir la procédure judiciaire ». De nombreuses associations ou collectifs de gauche défendent les squatteurs. Leurs positions sont profondément dangereuses pour notre société, car elles visent à rendre acceptables des pratiques illégales, tout en faisant un bras d’honneur à nos compatriotes victimes des squatteurs.

Toujours disposée à salir les honnêtes citoyens et à valoriser les déviants et les délinquants, la gauche ne manquera pas de dénoncer la sévérité de cet amendement. Mais les Français sont massivement favorables à un durcissement de la réponse pénale.

J’espère que vous saurez agir pour les Français et saisir l’opportunité de redonner confiance aux honnêtes gens.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Nous n’avons pas attendu vos envolées lyriques. Ce nouvel article vise à sanctionner de 3 750 euros d’amende tous ceux qui font l’apologie du squat, notamment à travers des guides pratiques. Nous agissons ; vous essayez de surenchérir en matière de peines. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je me demande si vous n’auriez pas qualifié l’abbé Pierre de déviant, Monsieur Gillet…

M. Yoann Gillet (RN). C’est bien gentil 3 750 euros, mais pour certains ce n’est rien. Des avocats qui ont des cabinets et des revenus importants font la promotion du squat et expliquent à leurs clients comment faire. Des députés donnent même parfois des conseils. Une peine d’emprisonnement permettrait d’enfoncer le clou et de dire à ces farfelus de gauche qu’en France, il y a des règles et des lois.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE57 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Cet amendement vise à augmenter de 3 750 à 7 500 euros le montant de l’amende punissant la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits d’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, et d’occupation sans droit ni titre d’un logement appartenant à un tiers. Vous êtes en effet trop mous. À titre de comparaison, le fait de provoquer directement un mineur à commettre un crime ou un délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

Dans mon ancienne vie, j’ai été confronté à beaucoup d’élus, généralement de gauche – je peux citer des noms –, qui expliquaient comment squatter des logements. Augmenter le montant de l’amende serait un bon moyen de lutter contre ce fléau qu’est la propagande.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Avis défavorable.

M. Paul Midy (RE). On a vu pulluler des guides du squat sur internet. En voici quelques extraits : « Bien choisir son propriétaire », « Premiers contacts avec la police », « Quelques conseils si vous voulez pirater l’électricité » – je vous passe les envolées lyriques sur le thème « Squatter, c’est excitant ». Il importe que les publications incitant à l’illégalité soient sanctionnées.

Cela étant, il n’est pas question d’envoyer qui que ce soit en prison, et une amende de 3 750 euros nous semble raisonnable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE15 de Mme Danielle Simonnet.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). La réquisition citoyenne, qui consiste à occuper à des fins humanitaires un bâtiment jusque-là inoccupé – il s’agit souvent de bâtiments d’assurance laissés vacants pour la spéculation depuis des années –, diffère du squat en ce qu’elle ne vise pas à transformer ledit bâtiment en logement stable ou durable ; en général, elle porte sur la période hivernale. Je me souviens par exemple avoir soutenu des réquisitions citoyennes en faveur de mineurs non accompagnés dont la minorité était contestée : il était impératif, d’un point de vue humanitaire, que ces jeunes, abandonnés par l’État et par les départements, ne soient pas à la rue. Si l’objectif de la proposition de loi est de réprimer le squat, les réquisitions citoyennes ou d’aide humanitaire ne devraient pas être incluses dans le champ de cet article répressif.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 1er bis A vise les personnes qui incitent à la commission des délits prévus aux articles 226-4 et 315-1 du code pénal, et non les réquisitions citoyennes ou les actions humanitaires.

En outre, l’article 2 ter pérennise l’article 29 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – dite loi Elan –, relatif à la mise à disposition de locaux vacants. Ce dispositif permet à des associations de loger des personnes en situation difficile, et il me semble qu’il répond à votre préoccupation en matière d’aide humanitaire. En revanche, votre amendement va totalement à l’encontre de notre volonté de réprimer l’incitation à commettre un délit.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Elle adopte l’article 1er bis A non modifié.

 

 

Article 1er bis (art. 313-6-1 du code pénal) : Alourdissement de la peine en cas de mise à disposition sans droit ni titre du bien d’un tiers

 

La commission adopte l’article 1er bis non modifié.

 

 

Article 2 (art. 226-4 du code pénal et art. 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale) : Clarification de la caractérisation du délit de violation du domicile et amélioration de la procédure d’évacuation forcée

 

Amendement de suppression CE16 de M. François Piquemal.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet article dangereux constitue un dévoiement de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (Dalo), puisqu’il étend la notion de domicile à des lieux qui n’en sont pas, ouvrant ainsi la possibilité d’expulser de manière dérogatoire, et sans procès, ceux qui y vivent. En considérant tout lieu vide comme un domicile, il ouvre la voie à la criminalisation de nombre de squats qui visent avant tout à dénoncer l’existence de lieux vacants détenus par des personnes morales, des entreprises, des multipropriétaires ou des spéculateurs, ce qui, vu la crise du logement et du pouvoir d’achat, est une aberration. Nous en demandons donc la suppression.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article 2 apporte une clarification nécessaire à l’article 38 de la loi Dalo, qui prévoit une procédure expresse d’expulsion en cas de squat. Je suis très défavorable à sa suppression.

Vous dites qu’il étend la notion de domicile à tout lieu vide, mais ce n’est pas le cas. Les locaux à usage économique, par exemple, sont traités à l’article 1er A. L’article 38 de la loi Dalo n’a pas vocation à couvrir tout lieu vide et il est fait une distinction entre le domicile et les locaux à usage d’habitation.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE17 de Mme Danielle Simonnet.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous souhaitons restreindre le champ de l’article 38 au seul domicile et soumettre toute expulsion à une condition impérative de relogement.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Lors de l’examen de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap), nous avions fait en sorte que le dispositif de l’article 38 de la loi Dalo couvre aussi le champ des résidences secondaires, qui relevait jusqu’alors du circuit classique judiciaire – qui prend des mois. Vous voulez revenir dessus, alors que le squat d’une résidence secondaire peut poser un vrai problème à un petit propriétaire qui a économisé toute sa vie pour s’offrir un petit pied-à-terre. Avis très défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Si l’on a une résidence secondaire, c’est qu’on a déjà un toit. Je n’incite pas au squat, mais si l’on ne propose pas de solution de relogement à quelqu’un qui squatte, on le met à la rue. Or je crois me souvenir que M. le président Macron avait promis qu’il n’y aurait plus personne à la rue.

Il faut donc trouver des solutions, et c’est que nous faisons. Certes, le circuit judiciaire prend du temps, mais peut-être pourrait-on donner des moyens à la justice pour qu’elle aille plus vite ? Quoi qu’il en soit, si votre résidence secondaire est squattée, c’est que vous avez une résidence principale, donc un toit.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE32 de Mme Julie Lechanteux.

M. Michaël Taverne (RN). Cet amendement vise à inclure dans le dispositif les locaux à usage d’habitation non habités.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE56 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de l’article 38 de la loi Dalo dispose que l’occupation illicite d’un logement peut être constatée par un officier de police judiciaire.

Or, l’article 2 de la proposition de loi offre la possibilité que cette constatation soit faite par un commissaire de justice ou par un maire. Comme l’article L. 2122-31 du code général des collectivités territoriales dispose que le maire et ses adjoints ont la qualité d’officier de police judiciaire, il convient, par cohérence, de préciser que la constatation peut également être faite par l’un des adjoints au maire.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Aux termes de l’article 38 de la loi Dalo, lorsque vous êtes victime d’un squat, vous devez vous rendre à la gendarmerie ou au poste de police, faire constater l’occupation, déposer plainte, puis saisir le préfet : c’est ce dernier qui déclenche la procédure.

En première lecture, nous avions, à l’initiative de M. Pradal et d’autres membres du groupe Horizons et apparentés, adopté un amendement visant à inclure le maire dans le dispositif. Vous proposez d’aller encore plus loin et d’y ajouter l’adjoint. Je comprends votre intention : si le maire est occupé ou défaillant, son adjoint peut le suppléer. Néanmoins, le risque est de mettre la pression sur les adjoints – d’autant que vous ne précisez pas lequel serait concerné. Il ne faudrait pas les mettre en difficulté en leur donnant cette responsabilité.

En l’état du texte, la procédure peut aussi être déclenchée par la victime du squat, par un ayant droit ou par le maire. Cela me semble suffisant. Avis défavorable.

M. Michaël Taverne (RN). Il y a six mois, dans ma circonscription rurale, le maire d’une commune concernée par l’application de l’article 38 précité est décédé. C’est exactement le cas de figure que nous souhaitons traiter.

L’adjoint au maire est officier de police judiciaire. Ce n’est pas une qualité anodine ! Elle implique certaines responsabilités. D’où notre proposition.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Venant moi aussi du monde rural, je me représente parfaitement ce cas de figure. Toutefois, vous auriez pu dire à la victime qu’elle pouvait elle-même contacter les gendarmes pour qu’ils constatent la présence d’un squatteur chez elle – et si elle n’avait pas la possibilité de le faire, ce pouvait être un membre de sa famille ou un ayant droit. Il se peut qu’il y ait des difficultés d’application de la loi, mais il me semble qu’il y a suffisamment de personnes susceptibles d’intervenir, à commencer par le député, pour ne pas impliquer les adjoints au maire.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE65 de M. Hervé de Lépinau.

 

Amendement CE97 de M. Guillaume Kasbarian.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Une fois le squat constaté et la plainte déposée, on peut saisir la préfecture pour qu’elle mette en demeure l’occupant de quitter les lieux. La préfecture doit répondre dans les quarante-huit heures ; si elle ne le fait pas, elle est en infraction, et l’on peut porter plainte contre elle auprès du tribunal administratif.

Telle est la situation depuis la promulgation de la loi Asap. Dans le rapport d’application de celle-ci, nous avions noté une difficulté d’application du délai de quarante-huit heures : la plupart des préfectures mettent sept jours à répondre, voire quinze dans certains endroits. Le Sénat a souhaité réduire le délai à vingt-quatre heures. En pratique, aucune préfecture n’y arrivera ! Je préfère que nous nous fixions comme objectif l’application effective de la loi actuelle. Ce serait déjà une belle victoire. En outre, la réduction du délai d’instruction de la demande risque de multiplier les contentieux. Je ne pense pas que ce soit la bonne méthode. C’est pourquoi je vous propose de supprimer l’alinéa 10.

Mme Annie Genevard (LR). Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Les préfets ne peuvent pas arguer du fait qu’ils ne respectent pas le délai actuel pour s’opposer à sa réduction. Imaginez une personne qui se rend pour une semaine de vacances dans sa résidence secondaire, et qui constate que celle-ci est squattée : doit-il attendre quarante-huit heures pour qu’on lui réponde, sans même avoir la certitude que ce délai sera respecté ? Mettre la pression sur les services administratifs de la préfecture ne me semble pas poser de difficulté.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Sur le principe, je suis d’accord : il faut mettre la pression pour que le délai d’instruction de la demande soit respecté. C’est d’ailleurs ce que je fais quand je suis sollicité dans ma circonscription : si la préfecture ne répond pas, je fais remonter l’information au ministère de l’intérieur, qui met la pression sur le préfet. Le délai doit être effectif, et non théorique.

En revanche, je ne suis pas certain que le fait de le réduire à vingt-quatre heures facilitera les choses, vu que les préfectures n’arrivent déjà pas à respecter les quarante-huit heures ! Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas fixer un délai d’une heure, voire d’une minute ? Elles ne se conformeront pas à la loi pour autant !

Nous rencontrons des difficultés d’application, et il ne sert à rien de réduire les délais. Mettons plutôt la pression au bon endroit, auprès des bonnes personnes.

La commission adopte l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE66 de M. Hervé de Lépinau.

 

 

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 2 bis (art. 1244 du code civil) : Transfert de la responsabilité du propriétaire vers l’occupant sans droit ni titre en cas de dommages résultant d’un défaut d’entretien

 

Amendement de suppression CE18 de M. François Piquemal.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Avec cet article, il serait possible de faire porter à quelqu’un qui occuperait un lieu sans droit ni titre la responsabilité de dégradations qui ne lui seraient pas imputables, soit qu’elles soient antérieures à son arrivée dans les lieux, soit qu’elles découlent d’un manque d’entretien. Cela nous semble incongru. Par principe, sans charge de la preuve, on estimerait que quelqu’un qui occupe un lieu sans droit ni titre est forcément responsable de toute dégradation. Pourtant, lorsqu’un bien loué, le propriétaire reste responsable de l’entretien de tout ou partie du logement ! Il convient donc de réécrire l’article, et même de le supprimer.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Cet article a été ajouté à la suite de l’adoption par notre assemblée d’un amendement de M. Thiériot et de membres du groupe LR. Je tiens à saluer cet apport.

Des propriétaires se sont en effet trouvés dans l’obligation de payer des réparations, notamment de rambardes, alors que le lieu était occupé depuis des années de façon illicite. Non seulement le propriétaire ne peut pas jouir de son bien et ne touche pas de loyer, mais en plus, le squatteur lui ayant fait un procès pour l’obliger à réparer les dégradations du bien, il est sanctionné !

Il s’agit d’une disposition de bon sens. Les sénateurs ont en outre restreint son champ d’application en précisant que le bénéfice de l’exonération de responsabilité ne pouvait s’appliquer lorsque les conditions d’hébergement proposées par un propriétaire ou son représentant étaient manifestement incompatibles avec la dignité humaine.

Restons-en là. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Il existe déjà des dispositions contre la dégradation applicables à ce cas de figure.

D’autre part, il peut s’agir d’une maison abandonnée – une résidence secondaire ou une succession non entretenue, par exemple. Avec cet article, la charge de l’entretien et la responsabilité en cas de dommage – notamment par suite du non-remplacement de tuiles – reviendrait à la charge de l’occupant !

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Que vous défendiez le squat, dont acte, mais ce que vous dites là, c’est qu’il est parfaitement normal qu’un squatteur dégrade le bien et que la responsabilité en incombe au propriétaire, puisque c’est à ce dernier de réaliser les travaux d’entretien en cas de location. C’est absurde !

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Mais c’est le sens de votre amendement.

Il y a un occupant illicite chez vous, vous êtes privé de la jouissance de votre bien, et c’est à vous de payer les réparations, sinon le squatteur se retourne contre vous ? C’est quoi la prochaine étape ? Changer le poêle à bois, offrir le gîte et le couvert ? Cet article est très bienvenu. Je suis très défavorable à sa suppression.

M. Paul Midy (RE). Prenons un exemple concret. Il y a quelques mois, un propriétaire a dû verser 60 000 euros à la personne qui squattait son bien parce que celle-ci s’était blessée après une chute due à l’état de délabrement du garde-corps placé sur une fenêtre. Le propriétaire n’avait plus accès à son logement : comment pouvait-il l’entretenir ? Voici l’état du droit. C’est inacceptable. Cet article remet la mairie au milieu du village.

Mme Annie Genevard (LR). Je vais remettre pour ma part non seulement la mairie mais aussi l’église au milieu du village, en rendant hommage au travail de Jean-Louis Thiériot. Il s’agit d’une mesure de pur bon sens. Il faudrait d’ailleurs prévoir aussi que le squatteur remette le local en état, parce qu’à l’heure actuelle, c’est le propriétaire qui supporte le coût de l’opération. Il y a quand même des limites à ne pas dépasser.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). En réponse, je vais citer un autre exemple. Quelqu’un – un locataire – occupe un logement mal entretenu, une passoire énergétique ; ses factures d’électricité explosent. Il n’est plus en mesure de payer son loyer. De ce fait, il se retrouve sans droit ni titre. Le bien continue de se dégrader et la mérule s’installe. Qui est responsable ? Avec cet article, ce sera non plus le propriétaire, mais l’occupant !

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’article cible non pas la location, mais l’occupation sans droit ni titre. Je maintiens que, dans ce cas de figure, ce n’est pas au propriétaire d’assurer la rénovation du logement. D’ailleurs, quand bien même il voudrait faire des travaux, il ne le pourrait pas puisqu’il ne peut plus pénétrer dans son domicile,
celui-ci étant squatté ! On se trouve face à une situation absurde, que cet excellent article tente de régler.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE67 de M. Hervé de Lépinau.

M. Grégoire de Fournas (RN). Je voudrais revenir sur la discussion précédente. Notre collègue Amiot nous soumet le cas de figure suivant : une personne, entrée légalement dans un logement, se trouve dans l’impossibilité de payer son loyer parce qu’il s’agit d’une passoire énergétique. C’est un problème intéressant, mais qui est, à mon avis, pris dans le mauvais sens. Commençons par lutter contre les passoires énergétiques, rénovons les habitations et les locataires pourront continuer à payer leurs loyers !

L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

 

La commission adopte l’article 2 bis non modifié.

 

 

Article 2 ter (art. 29 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ; art. 2 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; art. L. 412‑1 du code des procédures civiles d’exécution) : Pérennisation et sécurisation du dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales

 

Amendement CE19 de Mme Danielle Simonnet.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous proposons de rétablir l’article 2 ter tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée en première lecture. C’était une des seules dispositions que notre groupe estimait aller dans le bon sens. Il serait dommage de la supprimer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement de clarification juridique CE99 de M. Guillaume Kasbarian, rapporteur.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE20 de M. François Piquemal.

 

 

La commission adopte l’article 2 ter modifié.

 

 

Chapitre II
Sécuriser les rapports locatifs

 

Article 4 (art. 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs) : Systématisation de la clause de résiliation du bail et encadrement de la faculté du juge d’en suspendre les effets

 

Amendements identiques CE21 de Mme Danielle Simonnet et CE46 de M. Inaki Echaniz.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). La majorité des procédures d’expulsion concernent des impayés de loyer, liés à des accidents de la vie. Il est indispensable de mettre en place des mesures protectrices plutôt que répressives. C’est pourquoi nous demandons la suppression de la généralisation de la clause de résiliation.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous demandons la suppression de l’alinéa 2, qui prévoit une clause de résiliation automatique en cas d’impayé de loyer. Nous souhaitons toutefois conserver un apport notable du Sénat : l’obligation faite au préfet d’informer le locataire de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Je suis ravi de constater que La France insoumise s’est convertie au libéralisme puisqu’elle défend, dans son exposé des motifs, la liberté contractuelle des deux parties ! Toutefois, la loi de 1989 régit déjà très étroitement ce que peut contenir un bail d’habitation. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE63 de M. Hervé de Lépinau.

 

Amendements CE102 de M. Guillaume Kasbarian et CE58 de M. Michaël Taverne (discussion commune).

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Le Sénat souhaite que le juge conserve la faculté d’accorder des délais au locataire, même en l’absence de demande de ce dernier. Je propose une rédaction de compromis visant à conditionner cette décision à l’établissement préalable d’un diagnostic social et financier du locataire.

M. Michaël Taverne (RN). Il s’agit de rétablir la disposition, supprimée par le Sénat, conditionnant l’octroi de délais de paiement à la reprise par le locataire du paiement du loyer et des charges avant la date de l’audience. Cela permettait au juge d’apprécier la bonne foi du locataire et son intention réelle de s’acquitter de sa dette.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’adoption de mon amendement satisferait le vôtre.

La commission adopte l’amendement CE102.

En conséquence, l’amendement CE58 tombe.

 

Amendement CE59 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Les locataires mauvais payeurs peuvent poser un risque majeur pour nombre de propriétaires qui dépendent du loyer attendu. Il est nécessaire d’assurer à ceux-ci le remboursement rapide des sommes qui leur sont dues. L’amendement vise donc à limiter à deux ans, au lieu de trois actuellement, le délai maximal qu’un juge peut accorder à un locataire pour s’acquitter de sa dette.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE60 de M. Michaël Taverne.

M. Michaël Taverne (RN). Il vise à préciser que seul le règlement intégral du loyer et des charges dus peut suspendre les effets de la clause résolutoire de plein droit du bail, afin qu’un locataire ne puisse se prévaloir de cette disposition en n’ayant réglé qu’une part de sa dette.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’amendement que nous venons d’adopter. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Elle adopte l’article 4 modifié.

 

 

Article 5 (art. 3-2, 4, 14-1, 15, 24, 25-8 et 25-15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, art. L. 412-1, L. 412-3, L. 412-4 et L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution) : Réduction de délais dans la procédure contentieuse du litige locatif

 

Amendements de suppression CE22 de M. François Piquemal et CE47 de M. Inaki Echaniz.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il s’agit de supprimer cet article qui réduit les délais de traitement des contentieux locatifs car il diminuera les possibilités pour le locataire de régulariser sa situation et augmentera le nombre d’assignations, alors que les délais de jugement sont déjà très longs. De plus, un délai plus court réduira les chances de pouvoir réaliser le diagnostic social et financier du locataire.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Les délais moyens dans les contentieux locatifs sont de vingt-quatre à trente-six mois, ce qui est beaucoup trop long. Vous proposez de supprimer une réduction de délai qui est au cœur de la proposition de loi : j’y suis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CE25 de Mme Danielle Simonnet et CE24 de M. François Piquemal.

 

Elle adopte l’article 5 non modifié.

 

 

Article 6 (nouveau) (art. L. 153-1 et L. 153-2 du code des procédures civiles d’exécution) : Harmonisation des règles d’indemnisation des propriétaires de logements pour lesquels le concours de la force publique est refusé par le préfet

 

Amendements identiques CE14 de M. François Piquemal et CE48 de M. Inaki Echaniz.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’État doit prendre ses responsabilités en tenant compte des conséquences que l’expulsion aurait sur les personnes concernées, alors que l’hébergement d’urgence est saturé. Cela ne remet pas en cause la nécessité que les propriétaires soient automatiquement indemnisés lorsque l’expulsion est impossible, le temps d’organiser un relogement.

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits car il existe deux délais de recours permettant au locataire de saisir le juge de l’exécution – un mois suivant la décision de justice ordonnant l’expulsion et deux mois suivant la notification du commandement de quitter les lieux. Le juge tient compte des conséquences d’une exceptionnelle dureté qu’aurait l’expulsion ou en accordant des délais renouvelables de relogement d’au moins trois mois et pouvant aller jusqu’à trois ans.

De plus, dès la notification du commandement, l’huissier saisit le préfet et informe la Ccapex – commission de coordination des actions de prévention des expulsions – de la situation, et la commission de médiation peut être saisie. Si le préfet n’est pas informé, le délai au bout duquel l’expulsion peut avoir lieu n’expire pas. Enfin, le préfet tient compte des conditions de relogement dans l’octroi du concours de la force publique. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

 

Elle adopte l’article 6 non modifié.

 

 

Chapitre III
Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté

 

Article 7 (nouveau) (art. 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, art. L. 824‑2 du code de la construction et de l’habitation
et art. L. 431-3 [nouveau] du code des procédures civiles d’exécution) : Renforcement du rôle et des prérogatives des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex)

 

La commission adopte l’article 7 non modifié.

 

 

Article 8 (nouveau) (art. L. 271-5 du code de l’action sociale et des familles) : Extension au préfet et aux Ccapex de la faculté de saisine du juge pour que soit octroyé ou suspendu un accompagnement social personnalisé

 

 

La commission adopte l’article 8 non modifié.

 

 

Titre

 

Amendement CE33 de Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard (LR). Il vise à mettre le titre de ce texte en accord avec son objet en replacement le mot « logements » par les mots « locaux à usage d’habitation ou à usage économique ».

M. le président Guillaume Kasbarian, rapporteur. L’écrasante majorité des dispositions de ce texte concerne le logement, seul un article portant sur les locaux à usage économique : cela ne me paraît pas justifier une modification du titre. Je vous propose toutefois de retirer votre amendement, avec l’engagement de ma part d’en discuter avec vous et avec nos collègues sénateurs d’ici à la séance.

Mme Annie Genevard (LR). Je le retire sur l’engagement du rapporteur d’examiner avec bienveillance une autre hypothèse. Il ne faut pas avoir à l’égard de cette disposition une attitude honteuse : le squat de locaux à usage économique est un véritable squat, c’est une appropriation indue du bien d’autrui, avec nombre de conséquences négatives.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


([1]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([2]) Une telle motivation était exigée par l’article 62 de la loi de 1991.

([3]) Article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution. La procédure de l’article 38 de la loi Dalo (voir article 2) constitue une dérogation à cette règle.

([4]) article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution.

([5]) Article 1244 du code civil.

([6]) Cour de cassation, 2e chambre civile, 15 septembre 2022 – n° 19‑26.249.

([7]) Proposition de loi n° 434 de M. Jean-Louis Thiériot (LR) et plusieurs de ses collègues, visant à libérer le propriétaire d’un bien immobilier squatté de toute obligation d’entretien, 2 novembre 2022.

([8]) L’article 1225 du code civil dispose que « La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire ».

([9]) Proposition de loi n° 3453 visant à fluidifier la procédure en cas de locataire défaillant, déposée le 20 octobre 2020, par M. Christophe Naegelen (UDI) et plusieurs de ses collègues.

([10]) Nicolas Démoulin, « Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire », rapport au Premier ministre, décembre 2020.

([11]) CEDH, 24 mai 2005 n°54040/00.  

([12]) CEDH 31 mars 2005

([13]) CEDH 21 janvier 2010 Fernandez et autres contre France, n°13829/03.

([14]) Cet article est lui-même issu d’une jurisprudence du Conseil d’État (CE 30 novembre 1923, Couitéas). C’est cette jurisprudence, qui constitue l’arrêt de référence au sujet du refus d’accorder la force publique : il avait été jugé que l’autorité administrative pouvait à bon droit refuser de prêter le concours de la force publique à l’exécution forcée d’une décision de justice quand elle estimait que le trouble généré à l’ordre public serait trop grand.

([15]) Article L. 153-1, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution

([16]) Nicolas Démoulin, « Prévenir les expulsions locatives tout en protégeant les propriétaires et anticiper les conséquences de la crise sanitaire ».