N° 1019

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine

PAR Mme Francesca PASQUINI

Députée

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 Voir le numéro : 889.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. l’article 1er : une prime alimentaire pour rÉpondre à l’urgence sociale et soutenir l’accÈs à une alimentation saine, durable et de qualitÉ

A. une urgence sociale

1. Une inflation des prix alimentaires qui atteint des niveaux inédits

2. Une précarité alimentaire qui explose et accentue les inégalités sociales d’accès à une alimentation saine, durable et de qualité

B. malgrÉ les multiples annonces du prÉsident de la rÉpublique et du gouvernement, LE CHÈQUE ALIMENTAIRE RESTE LETTRE MORTE À CE JOUR

C. l’urgence sociale commande la mise en place rapide d’une prime alimentaire pour les mÉnages les plus prÉcaires

III. l’ARTICLE 2 : VÉgÉtaliser l’alimentation dans les cantines : une nÉcessitÉ Écologique, un impÉratif de santÉ publique, une exigence sociÉtale

A. Un intÉRÊt Écologique majeur : la rÉduction de la consommation de viande est un levier essentiel pour diminuer les Émissions de gaz À effet de serre

B. Les menus vÉGÉtariens n’ont pas d’impact nÉgatif sur les apports nutritionnels des enfants et prÉsentent au contraire des avantages sur le plan de la sAnté publique

C. Une rÉponse face À une demande sociÉtale croissante

D. Un facteur d’Économie dans un contexte de forte augmentation des coûts

E. faire de la cantine scolaire un levier pour la transition vers une alimentation plus durable

III. Vers une « alimentation saine, sÛre et durable » ? L’exemple emblÉmatique des additifs nitrés dans la charcuterie

A. Le lien entre cancers colorectaux et additifs nitrés dans la viande transformÉe a ÉtÉ confirmé par l’Agence Nationale de sécuritÉ sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

B. Les pauvres et les enfants d’abord : des publics fragiles plus exposés aux additifs nitrés que les autres

C. Un Gouvernement qui ne cesse de tergiverser et de repousser la dÉcision d’interdire les nitrites dans la charcuterie alors que des alternatives existent

Commentaire des articles

Article 1er Mise en place d’une prime alimentation exceptionnelle

Article 2 (Art. L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime)  Développement des menus végétariens dans les cantines scolaires

Article 3 (Art. L. 1322‑15 [nouveau] du code de la santé publique) Interdiction des viandes contenant des nitrites ou nitrates ajoutés

Article 4  Gage

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 


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   introduction

« Plantée devant les étals de fruits et légumes, elle regarde les étiquettes. Elle ne peut quasiment rien se payer. Des mois qu’elle ne mange presque plus de viande ou de poisson à cause de l’inflation. Ce jour-là, pour la première fois, Nabiya * glisse discrètement une poire dans son sac à main. Les semaines suivantes, ce sera une boîte de thon, une conserve de haricots ou du concentré de tomates. »

« À 65 ans, François * vole désormais deux ou trois kilos de fruits et légumes par semaine dans le supermarché de la petite ville de Picardie où il habite. Il a commencé il y a un an. " Il n’y a pas eu de déclic, confie-t-il. Tu crèves la dalle, tu sautes un, deux, trois, quatre repas, et puis tu les prends, les pommes. " À 5,95 euros le kilo. Un prix impensable pour lui » ([1]) : la presse et la télévision se font le relais, tous les jours, des témoignages de personnes aujourd’hui confrontées à la faim, en France.

Les politiques agricoles et alimentaires, dont la crise révèle les failles, font ainsi face à une triple urgence :

  sociale, alors que l’inflation des prix alimentaires atteint près de 15 % et que les associations d’aide alimentaire font part d’une hausse de la fréquentation inédite, de l’ordre de 22 % ;

  environnementale, dans un contexte où 24 % des émissions de gaz à effet de serre émises par un Français sont liées à son alimentation et que le récent rapport du groupe d’expert international pour le climat (GIEC) souligne l’urgence à agir et exhorte les pouvoirs publics à mettre en place des politiques publiques à la hauteur des enjeux ;

  sanitaire : près de la moitié de la population française est en surpoids, dont 17 % de personnes obèses.

Ces trois dimensions sont intrinsèquement liées et l’urgence s’accroît de jour en jour du fait des difficultés sociales du pays, qui aggravent la situation sanitaire et environnementale en accentuant les pressions sur le pouvoir d’achat des ménages français et donc leur capacité à accéder à une alimentation de qualité et durable.

Face à ce constat, cette proposition de loi met en œuvre trois leviers d’action pour garantir l’accès des Français à une alimentation saine, sûre, durable et de qualité :

– la mise en place d’une prime alimentaire, afin de répondre à l’urgence sociale ;

– le développement des menus végétariens dans les cantines scolaires, afin d’accélérer la nécessaire transition vers une alimentation plus végétale ;

– et l’interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, le lien entre l’exposition à ces substances et le développement de cancers colorectaux ayant été démontré.

Sur ces trois enjeux essentiels, le Gouvernement s’est contenté, ces dernières années, de gesticulations et de grandes promesses qui n’ont pas été suivies d’effets : il est désormais urgent de passer des paroles aux actes et d’adopter ces trois mesures, simples et ambitieuses, que les Français attendent.

I.   l’article 1er : une prime alimentaire pour rÉpondre à l’urgence sociale et soutenir l’accÈs à une alimentation saine, durable et de qualitÉ

A.   une urgence sociale

1.   Une inflation des prix alimentaires qui atteint des niveaux inédits

La situation d’inflation des prix alimentaires que nous traversons actuellement rend nécessaire une intervention d’urgence des pouvoirs publics.

L’inflation actuelle constitue une rupture après plus de trente années d’inflation atone. Cette brusque accélération, dont les causes sont multiples, place les ménages les plus modestes dans une situation intenable. L’inflation en France atteint ainsi, d’après les dernières estimations de l’Insee, 6,3 % sur un an ([2]).

Elle est particulièrement marquée en ce qui concerne l’alimentation : en un an, les prix alimentaires ont augmenté de 14,8 % en février 2023, après + 13,3 % en janvier. La hausse des prix des produits frais est plus marquée que le mois précédent (+ 15,0 % après +10,2 %) : les prix des légumes frais (+ 23,3 % après + 12,0 %) et des fruits frais (+ 9,8 % après +7,4 %), en particulier, accélèrent. Hors produits frais, les prix de l’alimentation augmentent également (+ 14,8 % après + 13,9 %), notamment ceux du pain et des céréales (+ 14,4 % après + 13,4 %), de la viande (+ 15,4 % après + 15,0 %), du fromage et des laits caillés (+ 19,4 % après + 18,0 %), du sucre, de la confiture, du miel, du chocolat et de la confiserie (+ 13,4 % après + 11,5 %), des boissons non alcoolisées (+ 12,7 % après + 11,6 %) et alcoolisées (+ 7,4 % après +6,9 %) ([3]).

2.   Une précarité alimentaire qui explose et accentue les inégalités sociales d’accès à une alimentation saine, durable et de qualité

Les chiffres fournis par les associations auditionnées par votre rapporteure font état d’une augmentation sans précédent de la précarité alimentaire :

 la Croix rouge signale une augmentation de 22 % du nombre de bénéficiaires entre la campagne hivernale de cette année et celle de l’année dernière. 60 % des personnes accueillies vivent avec la moitié du seuil de pauvreté. 30 % des familles accueillies vivent sans aucun revenu ;

– les Restos du cœur font état de chiffres comparables et soulignent le caractère inédit de la crise. Lors de la crise de 2008, les Restos du cœur avaient enregistré une hausse du nombre de bénéficiaires de 15 % en un an, et de 25 % en trois ans ([4]). L’association signale la part croissante de jeunes et de familles monoparentales ;

– les banques alimentaires accompagnent 200 000 personnes supplémentaires depuis un an, parmi lesquelles un tiers depuis moins de 6 mois. Les profils des bénéficiaires sont davantage diversifiés que par le passé, avec de plus en plus de personnes en situation d’emploi, témoignant du phénomène croissant des travailleurs pauvres, ainsi qu’une hausse de la demande en zone rurale. Le réseau des banques alimentaires souligne les problèmes de santé des bénéficiaires, avec des taux d’obésité préoccupants. Les fruits et légumes font partie des produits de plus en plus demandés : ils représentent aujourd’hui un tiers de la demande ;

– le Secours populaire indique un pic de fréquentation avec une augmentation de 30 à 40 % de la fréquentation.

Le Secours catholique ainsi que le réseau Vrac également entendus par votre rapporteure font état de constats similaires.

Face à cette augmentation sans précédent des fréquentations, les structures d’aide alimentaire sont confrontées à un « effet ciseaux », entre augmentation croissante de la demande et hausse de leurs charges, puisqu’elles subissent elles aussi les conséquences de l’inflation des prix.

Cette augmentation de la précarité alimentaire se traduit également par une baisse de la qualité des produits achetés par les consommateurs français. Le barème Ipsos Secours Populaire montre ainsi que 37 % des Français interrogés peinent à consommer des fruits et légumes frais tous les jours. Les données récentes montrent également que la consommation de produits bio et labellisés se réduit, tandis que la consommation des produits premiers prix augmente. Selon l’Agence bio, l’achat de produits bio chute de 8,8 % entre 2021 et 2022.

Cette baisse de la qualité de la consommation de produits alimentaires fragilise la stratégie de montée en gamme de l’agriculture française et pose de graves problèmes en matière de santé publique, dans la mesure où elle vient aggraver des problématiques anciennes et structurelles d’accès insuffisant à une alimentation de qualité et durable. Ainsi, rappelons que d’après l’Inserm, « seuls 42 % des adultes consomment au moins cinq fruits et légumes par jour, avec toujours trop d’apports en acides gras saturés, en sucre et en sel, et des apports insuffisants en fibres ». Les recommandations du programme national nutrition santé (PNNS) sont donc très loin d’être atteintes. Les chiffres en matière d’obésité et de surpoids sont particulièrement préoccupants. Selon une récente étude publiée par l’Inserm, 47,3 % des adultes français seraient obèses ou en surpoids. D’après l’étude Esteban 2014‑2016, 17 % des enfants de 6 ans à 17 ans seraient en situation de surpoids, dont 4 % en situation d’obésité. Les inégalités entre catégories sociales sont significatives : la prévalence de l’excès de poids est de 51,1 % chez les ouvriers, 45,3 % chez les employés, 43 % chez les professions intermédiaires et 35 % chez les cadres ([5]).

B.   malgrÉ les multiples annonces du prÉsident de la rÉpublique et du gouvernement, LE CHÈQUE ALIMENTAIRE RESTE LETTRE MORTE À CE JOUR

Initialement proposé par la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitait la mise en place « de chèques alimentaires pour les plus démunis à utiliser dans les AMAP ou pour des produits bios », le chèque alimentaire n’a pour l’heure pas connu de traduction législative, malgré de multiples annonces faites par le Gouvernement et le Président de la République :

 le 14 décembre 2020, devant la Convention citoyenne pour le climat, le Président de la République avait promis la mise en place du chèque alimentaire ;

 le chèque alimentaire ne figure pas dans le projet de loi dit « Climat et résilience » déposé le 10 février 2021 à l’Assemblée nationale. L’article 259 du texte adopté prévoit, toutefois, la remise de deux rapports au Parlement sur ce sujet, devant notamment permettre d’identifier les conditions de mise en œuvre de ce chèque, et notamment « les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur faciale, la durée, les modalités d’évaluation et de suivi, les modalités de distribution ». À l’heure actuelle, aucun rapport n’a jamais été remis aux députés et sénateurs, alors même qu’il est fait allusion aux conclusions d’un rapport dans la presse et que plusieurs parlementaires en ont fait la demande expresse, à commencer par votre rapporteure ;

 au printemps 2022, au cours de la campagne présidentielle, le ministre chargé de l’agriculture, M. Julien Denormandie, promet la mise en place d’un chèque alimentaire après l’élection du Président de la République ([6]) ;

 le chèque alimentaire, un temps annoncé comme l’une des mesures du projet de loi de finances rectificatif du printemps 2022 en est finalement absent. À la place, le Gouvernement a mobilisé un milliard d’euros dans le but de verser à la rentrée une « prime de rentrée exceptionnelle » pour faire face à la hausse des prix, mais cette aide ne permet aucun ciblage sur les dépenses alimentaires (aide de rentrée d’un montant de 100 € par adulte, majoré de 50 € par enfant rattaché au foyer, pour 8 millions de foyers) ;

– début mars 2023, le ministre de l’économie et des finances, M. Bruno Le Maire, annonce de nouveau un chèque alimentaire ([7]), dans le cadre des annonces faites concernant le panier, devenu trimestre, anti-inflation. Or, il semble que l’annonce faite par le ministre de l’économie et des finances fasse simplement référence à la mise en œuvre d’une partie du Fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, voté dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2023 et doté de 60 millions d’euros, dont 20 millions d’euros doivent permettre de financer des initiatives locales, tels que des chèques alimentaires locaux. C’est donc moins de 20 millions d’euros qui serviront à financer des initiatives purement locales, alors que la majorité présidentielle évoquait il y a quelques mois encore un chèque alimentaire d’un montant estimé entre 50 et 60 euros par ménage, versé à 8 millions de Français.

Outre les effets délétères en matière de confiance dans la parole publique que ce type d’annonces engendre, le Gouvernement laisse la précarité alimentaire s’aggraver, avec les conséquences connues en matière de santé publique. La situation sanitaire se détériore alors que l’inflation continue sa hausse et que les récentes dispositions votées dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs font craindre un effet inflationniste encore décuplé, comme l’ont souligné les associations de consommateurs au cours de leur audition.

C.   l’urgence sociale commande la mise en place rapide d’une prime alimentaire pour les mÉnages les plus prÉcaires

Face à cette situation, l’article 1er propose la mise en place d’une prime alimentation exceptionnelle. Le dispositif est conçu en deux temps :

 pour répondre à l’urgence, il est proposé de mettre en place, dès le 1er juillet 2023, une prime alimentation exceptionnelle, attribuée à tous les ménages selon le revenu fiscal de référence et la composition du ménage, dans la limite d’un certain plafond et ne pouvant être inférieure à cinquante euros par personne et par mois. Ces modalités ont vocation à être précisées par décret. Les périmètres et modalités de paiement pourraient reprendre ceux appliqués pour la prime exceptionnelle de rentrée ([8]). Pour éviter les non-recours, un versement automatique doit être envisagé.

– à partir du mois de septembre, un comité de parties prenantes composé de citoyens concernés, de représentants des organisations de lutte contre la précarité alimentaire, d’organisations de protection de l’environnement, d’experts en santé publique, serait réuni afin de proposer, sur la base des résultats des expérimentations scientifiques et des objectifs fixés par les pouvoirs politiques, des recommandations d’évolution du dispositif pour tendre vers des solutions pérennes d’accès digne à l’alimentation durable pour tous les citoyens.

En effet, la mise en place de la prime est urgente et c’est pourquoi il faut la mettre en œuvre sans délai, mais une réflexion de fond est également nécessaire pour affiner son périmètre concernant le ciblage des produits, les circuits de distribution et les enjeux d’accompagnement social.

III.   l’ARTICLE 2 : VÉgÉtaliser l’alimentation dans les cantines : une nÉcessitÉ Écologique, un impÉratif de santÉ publique, une exigence sociÉtale

A.   Un intÉRÊt Écologique majeur : la rÉduction de la consommation de viande est un levier essentiel pour diminuer les Émissions de gaz À effet de serre

D’après l’Ademe, l’alimentation représente 24 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’un ménage français, soit autant que le transport et le logement.

La consommation de viande joue un rôle déterminant dans les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation. Selon l’Ademe, toujours, la production de viande représente la moitié des gaz à effet de serre de l’alimentation, « alors même que nous surconsommons des protéines : 90 grammes par jour contre 52 grammes de besoins nutritionnels journaliers ». Chaque kilo de viande produit émet ainsi 5 à 10 fois plus de gaz à effet de serre qu’un kilo de céréales ([9]).

La réduction de la consommation de viande est l’une des actions individuelles dont les effets sont les plus bénéfiques sur le plan environnemental.

La restauration collective pèse pour 5 = % de la consommation nationale de viande à travers les 11 millions de repas servis quotidiennement ([10]), soit 329 tonnes équivalent carcasse.

La mise en place de deux menus végétariens dans les cantines entraînerait une baisse de 12 % des émissions de GES de la restauration scolaire ([11]).

De nombreux rapports récents soulignent l’urgence climatique à faire évoluer nos modèles agricoles vers une alimentation moins carnée et plus riche en légumineuses :

 le rapport de l’Ademe établit plusieurs scenarii de trajectoires permettant d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Le scénario « génération frugale » prévoit une réduction par trois de la consommation de viande. Le scénario le moins ambitieux prévoit quant à lui une réduction de 10 % ;

 le rapport de l’Inrae « transitions 2050 », établit trois scenarii sur l’avenir du modèle agricole et les évolutions à prévoir pour réduire les émissions de gaz à effets de serre. D’après ce rapport, « quel que soit le scénario, la majeure partie de la diminution des émissions de GES agricoles provient principalement de la réduction des émissions liées à la production animale » ;

 le rapport établi par l’organisation à but non lucratif The Lancet, qui rassemble des scientifiques de dizaine de pays et analyse les enjeux relatifs à nos modèles agricoles et alimentaires, considère qu’il est nécessaire de doubler la consommation d’aliments sains tels que les fruits, les légumes, les légumineuses et les noix et de réduire plus de 50 % la consommation d’aliments tels que les sucres ajoutés et la viande rouge (principalement dans les pays les plus développés où celles-ci sont fort élevées).

 

B.   Les menus vÉGÉtariens n’ont pas d’impact nÉgatif sur les apports nutritionnels des enfants et prÉsentent au contraire des avantages sur le plan de la sAnté publique

Contre le développement des menus végétariens, certaines voix mettent en avant les risques que cela pourrait représenter pour les apports nutritionnels nécessaires au bon développement de l’enfant. Votre rapporteure s’inscrit en faux contre ces idées reçues. Auditionnée par votre rapporteure, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a souligné que ces allégations ne reposaient sur aucune étude sérieuse.

Saisie par le Gouvernement d’une demande relative à la mesure de l’impact de menus sans viande ni poisson sur les apports nutritionnels d’un enfant scolarisé en école primaire et sur les fréquences recommandées pour les plats végétariens, l’Anses a rendu un avis qui montre clairement que les menus végétariens n’ont pas d’impact négatif en termes d’apport nutritionnel, voire présentent un certain nombre d’avantages, puisqu’ils permettent d’augmenter les apports en fibre.

L’avis de l’Anses

Les menus végétariens : un apport nutritionnel stable, y compris en cas de consommation quotidienne

L’Anses a réalisé des simulations permettant de mesurer l’impact des différences de composition nutritionnelle entre les menus carnés (viande et poisson) et les menus végétariens, sur les apports journaliers en nutriments des enfants de 7 à 10 ans, à partir de données de consommation issues de l’enquête Inca 3 et des compositions nutritionnelles des menus collectés.

L’étude montre ainsi que l’apport énergétique reste stable quelle que soit la proportion simulée de déjeuners de cantine sans viande ni poisson. Dans le cas où 100 % des menus de cantines sont avec viande ou poisson, l’apport en protéines est presque 3 fois supérieur aux apports recommandés. À l’inverse, « les menus sans viande ni poisson permettent à la fois (i) de diminuer légèrement cet apport et (ii) d’augmenter les apports en fibres ». Ils ne modifient donc pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l’atteinte des références nutritionnelles. L’Anses indique ainsi qu’il n’est donc pas pertinent de proposer une fréquence maximale de menus sans viande ni poisson.

L’Anses rappelle également que ses travaux confirment les principaux enjeux nutritionnels en France pour les enfants : des apports journaliers très élevés en protéines quelle que soit leur origine, des apports excessifs en AGS et en sodium, et des apports insuffisants en ALA, en EPA + DHA et en vitamine D (Anses 2019). L’Anses souligne que ces inadéquations d’apports sont observées quelle que soit la catégorie des menus consommés en cantine scolaire. Aussi, l’Anses souligne dans ces conclusions que pour réduire ces inadéquations, l’amélioration de la qualité nutritionnelle de l’alimentation des enfants nécessite d’agir aussi bien sur l’offre alimentaire à la cantine, dans son ensemble, que sur la qualité nutritionnelle des repas pris hors de la cantine.

Le Programme national nutrition santé, souligne la nécessité dʼaugmenter nos apports en légumineuses et de diminuer nos apports en viande. Les enfants jusquʼà 10 ans consomment en moyenne 55 grammes de protéines par jour, soit entre 200 et 400 % des apports nutritionnels conseillés par lʼAnses. L’INRAe montre que 65 % de notre apport en protéines est d’origine animale alors que les recommandations de la FAO et de l’OMS visent l’équilibre des apports de protéines animales et végétales à 50/50. Votre rapporteure partage ainsi les observations de l’INRAe : « sans remettre en cause la consommation de viande, ni même les vertus de l’élevage, une évolution des comportements alimentaires est nécessaire ([12]) ».

C.   Une rÉponse face À une demande sociÉtale croissante

Les Français sont de plus en nombreux à chercher à réduire leur consommation de viande, notamment pour des raisons écologiques. Depuis plusieurs années, la consommation de produits carnés diminue au sein de la population française, en particulier la consommation de viande rouge. La consommation de viande stagne ainsi à 90 kilogrammes par habitant et par an, en baisse de 15 % sur la période 1990-2010 et cette tendance se poursuit aujourd’hui.

Selon une étude de FranceAgriMer « Combien de végétariens en Europe ? » – synthèse des résultats du « Panorama de la consommation végétarienne en Europe » ([13]), 50 % des Français déclaraient avoir réduit leur consommation de viande en 2018 par rapport à 2017, 3,2 % des Français se déclaraient végétariens en 2018 contre 0,7 % en 1998, ce taux s’élevant à 12 % des 18-24 ans et 11 % des 25-34 ans. 44 % des 18-24 ans et 37 % des 25-34 ans déclarent qu’ils pourraient devenir végétariens, 20 % des Français se déclaraient flexitariens en 2018.

Face à ces évolutions sociétales, les évolutions de la restauration collective, et en particulier de la restauration collective scolaire, qui joue un rôle déterminant en matière d’éducation à l’alimentation, sont essentielles.

Cet enjeu avait d’ailleurs été mis en avant par la Convention citoyenne pour le climat, qui préconisait dans sa proposition SN1.1.6 de « Passer à un choix végétarien quotidien dans la restauration collective publique à partir de 2022, y compris dans la restauration collective à menu unique ». Force est de constater, que, comme cela a été le cas pour le chèque alimentaire, cette proposition de la Convention citoyenne pour le climat est restée lettre morte ([14]).

Les menus végétariens permettent également d’envisager une cantine plus inclusive. Ainsi, parmi les recommandations du Défenseur des droits dans son rapport intitulé « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants » ([15]), est préconisée une réflexion sur la généralisation du repas végétarien de substitution, dans toutes les collectivités où une telle mesure peut être mise en œuvre, celle-ci permettant de résoudre de nombreux litiges liés aux demandes d’adaptation des menus pour des raisons éthiques ou confessionnelles.

Pour toutes ces raisons, les collectivités qui développent une offre végétarienne, dont plusieurs ont été entendues par votre rapporteure, notent l’engouement des enfants pour ce type d’offre. En outre, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux a montré que, pour tout type d’écoles confondues, le menu hebdomadaire induisait une hausse de 7 % de la fréquentation.

D.   Un facteur d’Économie dans un contexte de forte augmentation des coûts

Dans un contexte très fortement inflationniste, qui impacte à la fois les gestionnaires et les familles, l’option végétarienne peut également être un levier pour réduire le coût des repas dans les cantines scolaires.

Selon une étude d’Un + Bio, le menu végétarien est cité comme deuxième levier d’économie après la lutte contre le gaspillage et avant la saisonnalité des produits.

Les économies réalisées peuvent être redéployées vers le financement d’une alimentation plus durable. Ainsi, selon l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable, les communes ayant mis en place des repas végétariens réguliers sont aussi celles qui s’approvisionnent davantage en viande de qualité ([16]).

E.   faire de la cantine scolaire un levier pour la transition vers une alimentation plus durable

Alors que l’état du droit actuel se limite à une obligation de proposition végétarienne une fois par semaine dans la cantine scolaire et à une simple expérimentation sur la base du volontariat concernant les propositions quotidiennes ([17]), votre rapporteure propose de franchir une nouvelle étape en faveur des menus végétariens.

Développer les menus végétariens dans la cantine scolaire fait partie des réponses à apporter pour répondre aux enjeux écologiques et de santé publique auxquels notre modèle alimentaire fait aujourd’hui face. Renforcer la place des menus végétariens dans les écoles, c’est aussi amorcer au sein d’un établissement scolaire et d’une cantine toute une réflexion sur les enjeux de qualité et de durabilité de l’alimentation.

C’est pourquoi l’article 2 de la présente proposition de loi introduit deux menus hebdomadaires exclusivement végétariens ou une alternative végétarienne quotidienne dans les services de restauration collective scolaire à compter du 1er janvier 2025.

III.   Vers une « alimentation saine, sÛre et durable » ? L’exemple emblÉmatique des additifs nitrés dans la charcuterie

La question de l’utilisation des additifs nitrés constitue un cas d’école : elle est un enjeu de santé publique majeure, une incarnation des inégalités sociales face à l’alimentation et à la santé.

Les additifs nitrés ([18]) sont utilisés dans la fabrication de charcuterie pour leurs propriétés antibactériennes et antiseptiques. Ils permettent également d’accélérer les processus de fabrication, d’allonger les durées de conservation des produits et de donner une couleur rose aux charcuteries cuites.

Autorisée à partir de 1925 par le Gouvernement américain, l’utilisation du nitrite de sodium n’est possible en France que depuis 1964. Cette décision a été prise – après un premier refus des pouvoirs publics – dans un contexte de forte concurrence entre les produits des salaisonniers français, et ceux des producteurs américains et allemands recourant aux nitrites. Le toxicologue Frédéric Bordas, chargé d’examiner une première fois la question en 1935 au nom du Conseil supérieur d’hygiène publique, résuma les raisons de ce refus d’une formule : « Devons-nous faciliter les opérations qui consistent en réalité à tromper l’acheteur, avec cette circonstance aggravante que le produit préconisé est toxique ? » ([19]).

Le risque toxicologique que fait porter sur les consommateurs l’utilisation des additifs nitrés est solidement démontré : l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal a été confirmée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en juillet 2022 ([20]). Face à un tel risque, les consommateurs ne sont pas égaux : de nombreux fabricants proposent déjà des gammes de charcuterie sans nitrite, souvent conçues comme des gammes « premium » qui, plus chères, s’adressent à un consommateur aisé. Pour les catégories populaires, c’est donc la double peine : plus consommatrices de charcuterie en moyenne, elles sont particulièrement exposées à des produits nitrés dangereux pour leur santé.

Si les alertes se multiplient depuis 2015 sur cet enjeu, les pouvoirs publics, soucieux des intérêts économiques de certains industriels, semblent avoir adopté une stratégie dilatoire, dont le report de la publication du plan d’actions gouvernemental constitue la plus récente illustration.

L’« alimentation saine, sûre et durable » ([21]), dont la majorité semble avoir fait un de ses slogans depuis 2017, paraît donc bien loin lorsqu’il s’agit de prendre des décisions concrètes. Il nous semble urgent de passer de la parole aux actes, le président de la Ligue contre le cancer, M. le professeur Daniel Nizri, ayant clairement indiqué à votre rapporteure qu’« une interdiction le plus rapidement possible » de ces additifs était nécessaire.

A.   Le lien entre cancers colorectaux et additifs nitrés dans la viande transformÉe a ÉtÉ confirmé par l’Agence Nationale de sécuritÉ sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Les premières alertes de la communauté scientifique sur la question des additifs nitrés sont exprimées dès 2015 : le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe alors la charcuterie comme « cancérigène avéré pour l’homme » (groupe 1), en s’appuyant sur des preuves « suffisantes » concernant le cancer colorectal. Avec l’alcool, la charcuterie est ainsi devenue le seul aliment consommé en France faisant l’objet d’un tel classement.

Au niveau national, l’Anses a publié en juillet 2022, un avis révisé et un rapport d’expertise, très attendus. Les conclusions sont sans appel : « le groupe de travail conclut à (…) l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal » ([22]).

Les doses journalières admissibles (DJA) ([23]) fixées au niveau européen par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) créent un faux sentiment de sécurité du consommateur. Elles ont été fixées, concernant les additifs nitrés, en 1997. Ces DJA, qui sont fréquemment évoquées à l’appui des arguments des industriels, ne sont pas fondées sur l’implication des nitrites et nitrates dans la formation de composés nitrosés en présence de protéines animales (formation de nitrosamines) et/ou de fer héminique (formation de fer nitrosylé). Or, comme l’expose très clairement M. Richard Ramos dans l’exposé sommaire de sa proposition de résolution européenne relative à l’interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, actuellement en cours d’examen : « La cancérogénicité des charcuteries nitrées est liée à la présence de fer héminique et à la transformation des additifs nitrés au cours du processus de production et au cours de la digestion. Les additifs nitrés réagissent avec les composants de la viande et avec des produits de dégradation, entraînant l’apparition de composés dits " NOC " : nitrosamines, nitrosamides, nitrosothiols et fer nitrosylé ». Les évaluations ayant conduit à l’adoption des DJA portent donc, schématiquement, sur l’exposition aux nitrates et aux nitrites en eux-mêmes, sans tenir compte des phénomènes chimiques qui se produisent soit au cours du processus de transformation, soit au cours de la préparation par le consommateur (cuisson), soit directement dans l’organisme lors de la digestion., lorsqu’un additif nitré a été utilisé pour la production d’une viande transformée. Elles font aujourd’hui l’objet de remises en cause sérieuses. En 2017, l’agence européenne admettait d’ailleurs, par la voix du professeur Maged Younes, président du groupe de travail chargé de ces travaux de réévaluation, combien les connaissances sur lesquelles les DJA étaient fondées demeuraient partielles : « (…) il existe encore des lacunes dans les connaissances qui devront être comblées par de futures recherches. En particulier, des études supplémentaires seraient nécessaires en ce qui concerne la conversion du nitrate en nitrite dans la salive humaine, la production de méthémoglobine qui en résulte et les conséquences sur la formation de nitrosamine dans les produits alimentaires auxquels des nitrites ont été ajoutés ». L’EFSA a initié des travaux de réévaluation des risques attachés à ces additifs et, tout comme le député Richard Ramos, votre rapporteure plaide pour que cette évaluation soit complète « prenant en compte la totalité des composés nitrosés identifiés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin que notamment les nitrosothiols et le fer nitrosylé soient inclus dans le champ de cette évaluation » ([24]), ce qu’a refusé l’EFSA jusqu’à présent.

Lors de son audition, le président de la Ligue contre le cancer, M. Daniel Nizri, soulignait l’immense enjeu de prévention et de santé publique attaché à l’interdiction des additifs nitrés : le cancer colorectal touche aussi bien les hommes que les femmes et le nombre de cas pourrait être très sensiblement réduit par la prévention et la détection précoce. Il constitue aujourd’hui le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme et le deuxième chez la femme, avec 43 336 nouveaux cas et 17 117 décès en 2018. Il représente la deuxième cause de décès par cancer en France ([25]).

S’attaquer aux additifs nitrés – ou à leurs équivalents végétaux qui ont, dans l’organisme, exactement les mêmes effets ([26])c’est donc se battre pour réduire, concernant un cancer particulièrement répandu, le nombre de cancers évitables. L’interdiction est donc urgente et impérative.

B.   Les pauvres et les enfants d’abord : des publics fragiles plus exposés aux additifs nitrés que les autres

Il importe, par ailleurs, de rappeler que la consommation de charcuterie des Français excède les quantités recommandées par les pouvoirs publics. Le quatrième Programme national nutrition santé (PNNS), élaboré dans le cadre de nouvelles recommandations alimentaires, publiées par Santé publique France en janvier 2019, incite ainsi à réduire les aliments ultra-transformés, et à limiter la consommation de viande à 500 grammes par semaine, dont 150 grammes de charcuterie au maximum ce qui représente environ trois tranches de jambon blanc. Or, ces prescriptions ne sont pas respectées par une large partie de la population : 63 % des personnes âgées de 18 à 54 ans dépassent les quantités de charcuterie maximales recommandées ([27]), cette proportion atteignant 70 % chez les consommateurs de sexe masculin.

Les catégories socio-professionnelles les plus précaires sont plus particulièrement exposées aux nitrites et aux nitrates présents dans la charcuterie, faisant de leur interdiction une véritable question de justice sociale.

Le rapport de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire (n° 3731, déposé le 13 janvier 2021), conduite en 2021 par M. Richard Ramos et Mmes Michèle Crouzet et Barbara Bessot-Ballot, insistait sur cet enjeu : « Les catégories socio-professionnelles les plus précaires sont les plus consommatrices de charcuterie, mais aussi les plus exposées au risque de cancer colorectal. L’enjeu de la protection de la santé des plus humbles – et de celle de leurs enfants – est donc intimement lié à la question d’une éventuelle interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie. La problématique des additifs nitrés dans la charcuterie est en passe de devenir le cas d’école d’une "alimentation à deux vitesses", dérive contre laquelle vos Rapporteurs s’élèvent fermement ». En effet, si les produits de charcuterie sont présents dans la quasi-totalité des foyers français, avec pratiquement 100 % d’acheteurs pour une moyenne de 29 kg annuels par foyer, les catégories sociales les plus fragiles sont nettement plus consommatrices. Une famille « modeste » achète en un an deux fois plus de charcuterie en libre‑service qu’une famille « aisée » (26 kg contre 12 kg). Les différences sont particulièrement nettes pour le jambon cuit, les lardons, les pâtés et le saucisson sec ([28]).

Les enfants sont également des publics plus particulièrement exposés aux nitrites et aux nitrates dans la charcuterie. En 2017, l’EFSA soulignait d’ailleurs, dans le cadre de la réévaluation des DJA (voir supra) que, pour les enfants dont le régime alimentaire est riche en aliments contenant ces additifs, l’exposition globale à ces substances excédait les limites considérées comme sûres, sans envisager pour autant un abaissement de ces DJA ([29]).

L’interdiction des additifs nitrés est donc une mesure sociale, qui doit permettre de mieux protéger la santé des enfants et celles des personnes les plus modestes.

C.   Un Gouvernement qui ne cesse de tergiverser et de repousser la dÉcision d’interdire les nitrites dans la charcuterie alors que des alternatives existent

Malgré l’existence d’éléments scientifiques robustes plaidant pour une interdiction des additifs nitrés et malgré des alertes politiques répétées au cours des cinq dernières années, le Gouvernement semble avoir adopté une stratégie dilatoire, remettant sans cesse à plus tard la décision d’une interdiction ferme. Votre rapporteure a été particulièrement étonnée par l’attitude des représentants du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), qui semblaient estimer que la question des additifs nitrés se résumait à un enjeu de dosage, à un enjeu économique et revenait à chercher un équilibre entre a) un risque microbiologique b) un risque cardiovasculaire lié à un prétendu apport supplémentaire en sel c) un risque cancérogène.

Votre rapporteure tient donc à éclairer certaines contre-vérités, trop fréquemment entendues au cours de ses auditions, y compris dans la bouche des représentants des pouvoirs publics :

  Il est faux de prétendre que, sans additifs nitrés, le consommateur français serait exposé à un risque élevé de botulisme, de listériose ou de salmonellose. Votre rapporteure ne sous-estime pas cet argument sanitaire. La situation actuelle montre néanmoins que les professionnels de la charcuterie sont en mesure de maîtriser ce risque : depuis 1993, le consortium des jambons de Parme a formellement interdit l’utilisation de nitrite et de nitrate et, en trente ans, alors que les sociétés de ce consortium produisent entre huit et neuf millions de jambons crus chaque année, aucun cas de botulisme résultant de la consommation de ces produits n’a été déploré. En outre, le développement depuis 2017, sur le marché français, de gammes de charcuteries sans nitrite produites par des industriels de toutes tailles n’a entraîné aucun cas de botulisme et les récents scandales liés à la présence de bactéries dans des aliments transformés ne concernaient pas de la charcuterie ([30]). Le rapport de juillet 2022 de l’Anses recommande « que la suppression ou la réduction éventuelle de l’usage des nitrates/nitrites soit systématiquement associée à des mesures de maîtrise compensatrices autorisées, validées, surveillées, vérifiées et partagées par les professionnels et par les autorités » : votre rapporteure, qui connaît l’exigence des fabricants de charcuterie en la matière ne doute pas de leur capacité à garantir la mise en œuvre de telles mesures, qui sont déjà une réalité sur les chaînes de production de charcuterie sans nitrite ;

  Il est faux de prétendre que les industriels et les artisans charcutiers ne sont pas capables de produire de la charcuterie sans nitrite à grande échelle : l’offre s’est, en réalité, déployée très rapidement depuis 2017 et concerne aujourd’hui 6 % de l’offre dans la grande distribution, d’après les informations transmises par la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) à votre rapporteure. Le développement du « sans nitrite » connaît une accélération importante : Aoste, le leader du jambon cru, par exemple, a banni les additifs nitrés de ses jambons crus en 2019. Des producteurs de toutes tailles en proposent désormais, y compris de très petits artisans ([31]). Si les producteurs tendaient à présenter jusqu’à récemment leurs gammes sans nitrite comme des gammes « premium », il faut constater que de nombreux acteurs, y compris des discounters comme Lidl, proposent aujourd’hui des produits sans nitrites. Sans doute faut-il voir dans ce phénomène une démocratisation croissante de ces produits ainsi qu’une adaptation des producteurs à cette attente sociétale légitime. La massification de ces productions doit permettre, à brève échéance, de réduire les coûts de production des fabricants, aujourd’hui légèrement supérieurs pour les gammes sans nitrites. L’interdiction d’importation de produits nitrés doit, en outre, empêcher la concurrence déloyale de producteurs étrangers utilisant ces substances dangereuses. L’impasse économique dans laquelle se trouveraient les charcutiers en cas d’interdiction de ces additifs paraît donc à votre rapporteure une perspective peu crédible.

  Il est faux, enfin, de prétendre que la France ne peut pas agir seule sur cette question. La Commission européenne a accepté, à cet égard, que le Danemark ne transpose pas la directive 2006/52/CE en droit national en ce qui concerne l’utilisation de nitrites dans certains produits à base de viande et que ce pays maintienne la législation nationale en vigueur, plus restrictive en la matière – qui interdit totalement l’utilisation de ces additifs pour certains produits. Le Danemark s’inquiétait plus particulièrement de la consommation de charcuterie par les enfants et contestait la pertinence des DJA fixées par l’EFSA, comme le rappelle la décision de la Commission en 2018 : « Le Danemark souligne également que la marge jusqu’à la DJA n’est pas très large pour les jeunes enfants, qui sont les plus exposés aux nitrites parmi la population danoise, compte tenu des doses ingérées » ([32]). Il est donc possible, à condition de le notifier à la Commission européenne et de recevoir son accord, d’interdire les nitrites dans la loi. Il est également essentiel d’avancer au niveau européen sur cet enjeu majeur et, comme elle le fit souvent sur les questions de sûreté des aliments et de santé publique, la France peut assumer en la matière un rôle d’avant-garde.

Ces précisions ayant été apportées, votre rapporteure ne peut que déplorer l’inaction du Gouvernement depuis cinq ans. Les alertes ont pourtant été multiples : en octobre 2019, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), M. Richard Ramos a défendu un amendement prévoyant la mise en place d’une taxe de 0,1 centime par kilo de charcuterie contenant des sels nitrités ([33]). L’amendement, adopté en commission des affaires sociales, a été rejeté en séance, après une intense campagne de lobbying de la Fédération française des industriels charcutiers-traiteurs (FICT). En novembre 2019, une pétition portée par Yuka et Foodwatch mais aussi – et c’est remarquable – par la Ligue contre le cancer exigeait l’interdiction des nitrites et des nitrates ajoutés dans l’alimentation. La question fut posée une seconde fois en séance publique à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen, le 27 novembre 2019, de la proposition de loi « relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires » dont Mme Barbara Bessot-Ballot était la rapporteure. M. Richard Ramos a, une nouvelle, fois, défendu des amendements destinés à garantir un étiquetage des produits de charcuterie afin d’imposer la mention : « contient du sel nitrité ». Le président de la commission des affaires économique, M. Roland Lescure, avait alors pris l’engagement que soit créée au sein de la commission une mission d’information destinée à permettre de faire toute la lumière sur cette question des sels nitrités. La mission, créée le 3 mars 2020, a rendu ses conclusions le 13 janvier 2021, proposant à brève échéance l’interdiction des additifs nitrés. Déposée dans le prolongement de ces travaux, la proposition de loi n° 4830 de M. Richard Ramos a été adoptée par l’Assemblée nationale le 3 février 2022 mais totalement vidée de sa substance au cours des débats.

Dans le cadre de l’examen de ce texte, le ministre des relations avec le Parlement, M. Marc Fesneau, avait justifié l’attentisme du Gouvernement par la nécessité d’appuyer sa décision sur la publication d’un rapport de l’Anses, qui n’avait pu paraître avant la discussion de la proposition de loi. Il s’était engagé au nom du Gouvernement, affirmant que « si l’avis de l’Anses démontre qu’il faut revoir la commercialisation d’aliments avec des additifs nitrés dans la charcuterie, nous n’hésiterons pas ». Dès la parution, le 12 juillet 2022, du rapport de l’Anses reconnaissant « l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal », le Gouvernement a annoncé les premières réunions avec les professionnels devant permettre la mise au point d’un « plan d’actions visant à réduire l’ajout des additifs nitrés dans les produits alimentaires ».

Ce plan gouvernemental devait être publié à l’automne, puis en janvier, puis le 22 mars et, finalement, a été publié, presque en catimini, le lundi 27 mars au soir, veille de l’examen de la proposition de loi en commission des affaires économiques ([34]) . Les représentants du Gouvernement n’ont accepté ni de transmettre à votre rapporteure ce mystérieux plan d’actions en amont de sa publication, ni de lui en indiquer oralement les principales orientations lors de leur audition.

Quoi qu’il en soit, les grandes orientations retenues dans le cadre de ce plan sont très en-deçà des décisions ambitieuses qu’exige la santé des Français. Le plan ne prévoit pas d’interdiction d’utilisation des nitrates et des nitrites, sauf dans de très rares cas ([35]). Les baisses d’incorporation devant être intégrées au sein du code des usages de la charcuterie dans un délai d’un mois sont insuffisantes (voir tableau ci-dessous). Quant aux engagements pris à moyen (six à douze mois) et long terme (cinq ans), ils n’ont d’engagements que le nom : il s’agit de simples évaluations de la faisabilité et des conséquences qui résulteraient de nouvelles baisses d’incorporation. Le plan ne fixe donc aucun objectif contraignant à moyen et long terme. Enfin, le plan prévoit une « action gouvernementale en faveur de la recherche pour la mise au point de solutions efficaces pour réduire ou supprimer l’utilisation d’additifs nitrés » mais n’en précise pas le financement.

 


Quelques exemples des réductions, nettement insuffisantes, prévues dans le cadre du plan, concernant des produits largement consommés :

 

Jambons crus (hors jambons traditionnels 12 mois et plus)

La teneur maximale fixée par le code des usages est de 120 mg/kg. Aucune réduction n’est prévue ni à court, ni à long terme.

Pièces cuites de porc (jambons, épaules, rôtis) qui représentent 28 % du marché français

La teneur maximale fixée par le code des usages est de 120 mg/kg. Une réduction est immédiatement prévue à 90 mg/kg ; puis au terme d’une procédure de test, dans un délai de 6 à 12 mois, une réduction à 80 mg/kg pourra être envisagée. Dans un délai de 5 ans, des réductions de teneurs à 60 mg/kg, 40 mg/kg, 20 mg/kg puis 0 mg/kg pourront être évaluées.

Saucisses à griller (chipolatas) : 14 % du marché français

La teneur maximale fixée par le code des usages est de 120 mg/kg. Elle doit être abaissée à 80 mg/kg immédiatement et une évaluation doit être menée dans un délai de 6 à 12 mois pour envisager la suppression des nitrites et nitrates dans ces produits.

Pièces crues étuvées à cuire (lardons, poitrine) : 14 % du marché

La teneur maximale fixée par le code des usages est de 120 mg/kg. Aucune réduction immédiate n’est prévue. Une teneur à 100 mg/kg doit être évaluée dans un délai de 6 à 12 mois.

Saucisses et saucissons secs traditionnels et autres saucisses et saucissons secs : 12 % du marché français

Pour les saucisses et saucissons secs traditionnels : le code des usages prévoit une teneur maximale de 200 mg/kg et une teneur de 160 mg/kg doit être évaluée dans un délai de 6 à 12 mois.

Pour les autres saucisses et saucissons secs le code des usages prévoit une teneur maximale de 120 mg/kg et une teneur de 110 mg/kg doit être évaluée dans un délai de 6 à 12 mois.

Des associations comme Foodwatch et Yuka, mais aussi la Ligue contre le cancer ont d’ores et déjà exprimé leur déception, voire leur colère, à l’égard ce plan : dans un communiqué de presse commun, elles « dénoncent la frilosité du Gouvernement qui se contente surtout de réductions sur base d’engagements volontaires des industriels » et rappellent que « les autorités publiques n’ont donc pas pris de décision réglementaire pour interdire les nitrites/nitrates ajoutés » ([36]) .

Au même moment, le mardi 28 mars 2023, confortant les conclusions de l’Anses et renforçant la légitimité d’une interdiction totale des nitrites et des nitrates, l’EFSA a rendu publiques les conclusions de son évaluation sur les risques pour la santé publique liés à la présence de nitrosamines dans les aliments ([37]). Le docteur Dieter Schrenk, président du groupe scientifique sur les contaminants dans la chaîne alimentaire, a résumé en ces termes les résultats de l’expertise : « Notre évaluation conclut que, pour tous les groupes d'âge de la population de l'UE, le niveau d'exposition aux nitrosamines dans les aliments constitue un problème sanitaire. » ([38])

Il est donc urgent d’interdire les nitrates et les nitrites dans la charcuterie. À un plan d’actions sans consistance, qui s’apparente à un trompe-l’œil, il faut opposer une proposition de loi concrète et ambitieuse, qui doit permettre, pour la santé des Français et, en particulier celle des plus humbles, de supprimer de notre alimentation ces additifs cancérogènes.

 


—  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Mise en place d’une prime alimentation exceptionnelle

I.   l’État du droit

Le droit ne prévoit aucune prime destinée à l’alimentation, en dépit des nombreuses annonces formulées par le Gouvernement en lien avec le chèque alimentaire ([39]).

Initialement proposé par la Convention citoyenne pour le climat, qui préconisait la mise en place « de chèques alimentaires pour les plus démunis à utiliser dans les AMAP ou pour des produits bios », le chèque alimentaire n’a pour l’heure pas connu de traduction législative. L’article 259 de la loi « Climat et résilience » prévoyait la remise de deux rapports au Parlement sur ce sujet, devant notamment permettre d’identifier les conditions de mise en œuvre de ce chèque, et notamment « les personnes bénéficiaires, les produits éligibles, la valeur faciale, la durée, les modalités d’évaluation et de suivi, les modalités de distribution ». Ces rapports n’ont, malgré les nombreuses demandes, jamais été remis au Parlement.

Il faut toutefois signaler deux dispositifs mis en place par le Gouvernement face aux enjeux de perte de pouvoir d’achat sur l’alimentation.

Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022, le Gouvernement a mis en place une aide exceptionnelle de solidarité « prime de rentrée » représentant 1 milliard d’euros, pour faire face à la hausse des prix. Cette aide n’est pas ciblée sur les produits alimentaires. Elle représentait un montant de 100 € par adulte, majoré de 50 € par enfant rattaché au foyer, devant bénéficier à 8 millions de foyers. Cette aide financière exceptionnelle a été attribuée aux bénéficiaires de l’une des allocations suivantes au titre du mois de juin 2022 :

Les étudiants boursiers ne percevant pas d’APL bénéficient d’une aide financière exceptionnelle de 100 €, auxquels s’ajoutent 50 € par enfant, qui sera versée par le Crous.

Les personnes bénéficiaires de la prime d’activité en juin 2022 sont également éligibles : le montant de leur aide est de 28 €, auxquels s’ajoutent 14 € par enfant à charge (jusqu’au mois précédant ses 20 ans).

En parallèle, la loi de finances pour l’année 2023 comporte une ligne budgétaire de 60 millions d’euros consacrés aux « Nouvelles solidarités alimentaires ». Ce fonds est en cours de déploiement, comme l’ont précisé la direction générale de la cohésion sociale ainsi que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire lors de leurs auditions respectives. Ce fonds se décline en deux volets :

– le premier, doté de 40 millions d’euros, doit permettre de renforcer la qualité de l’aide alimentaire en finançant des achats de fruits et légumes et de produits sous label de qualité ;

 le deuxième, doté de 20 millions d’euros, doit permettre de financer des projets locaux, dans l’objectif d’expérimenter des projets dits « innovants » tels que des projets locaux en circuit court, la couverture des zones blanches de l’aide alimentaire et le soutien à des projets innovants tels que les chèques alimentaires. C’est donc moins de 20 millions d’euros qui seront consacrés à financer des projets de chèques alimentaires locaux, dont les contours ne sont pas précisés.

II.   le dispositif proposé

L’article 1er de la présente proposition de loi prévoit un dispositif qui s’organise en deux temps :

 pour répondre à l’urgence, il est proposé de mettre en place, dès le 1er juillet 2023 une prime alimentation exceptionnelle, attribuée à tous les ménages selon le revenu fiscal de référence et la composition du ménage, dans la limite d’un certain plafond et ne pouvant être inférieur à cinquante euros par personne et par mois. Ces modalités ont vocation à être précisées par décret. Les périmètres et modalités de paiement pourraient reprendre ceux appliqués pour la prime exceptionnelle de rentrée. Pour éviter les non-recours, un versement automatique doit être envisagé.

– à partir du mois de septembre, un comité de parties prenantes composé de citoyens concernés, de représentants des organisations de lutte contre la précarité alimentaire, d’organisations de protection de l’environnement, d’experts en santé publique, serait réuni afin de proposer, sur la base des résultats des expérimentations scientifiques et des objectifs fixés par les pouvoirs politiques, des recommandations d’évolution du dispositif afin de tendre vers des solutions pérennes d’accès digne à l’alimentation durable pour tous les citoyens.

Ce travail en deux temps permet de répondre à l’urgence, mais également d’engager la concertation avec les différentes parties prenantes pour mieux cibler le dispositif, en particulier concernant les produits visés et les circuits de distribution concernés.

Le coût de cette mesure peut être estimé entre 4,8 et 7 milliards d’euros, selon les périmètres retenus ainsi que la durée de son application ([40]).

Enfin, votre rapporteure souhaite souligner que cette aide doit être envisagée comme complémentaire au travail fondamental réalisé par les associations de lutte contre la précarité alimentaire, qui garantissent, en plus d’une aide alimentaire, un accompagnement social qui joue un rôle essentiel.

Lors des auditions, votre rapporteure a pu constater la large adhésion des acteurs au principe de prime alimentation exceptionnelle, notamment exprimée par les associations de lutte contre la précarité alimentaire, les associations de consommateurs, les collectivités territoriales, le syndicat agricole majoritaire (FNSEA) et les distributeurs.

III.   La position de la commission

Un amendement CE55 du député M. Pascal Lavergne (RE), cosigné par plusieurs députés du groupe Renaissance ([41]), a été adopté. Cet amendement réécrit entièrement l’article 1er. Il prévoit la mise en place, au plus tard d’ici le 1er septembre 2023 et à titre expérimental, d’une prime d’alimentation exceptionnelle, aux ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain montant. L’amendement renvoie également à un décret le soin de préciser les modalités d’application de cette prime.

Votre rapporteure observe que cette rédaction ne prévoit pas de montant minimal du chèque et craint qu’il s’agisse ici d’une simple coquille vide. En effet, s’il s’agit, comme le laisse à penser l’exposé sommaire de l’amendement, de simplement mettre en place au niveau local un chèque alimentaire financé par une ligne budgétaire de moins de 20 millions d’euros (voir infra le commentaire sur le Fonds des nouvelles solidarités alimentaires), c’est peu dire que les moyens proposés sont très en deçà de l’urgence sociale à laquelle nous faisons face.

 

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Article 2
(Art. L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime)
Développement des menus végétariens dans les cantines scolaires

I.   l’État du droit

Ces dernières années, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour introduire des obligations concernant les menus végétariens proposés dans la restauration collective, mais le résultat reste en deçà des enjeux.

A.   L’expÉrimentation introduite par la loi Egalim : un menu hebdomadaire obligatoire dans les cantines scolaires

L’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM 1 » avait introduit la mise en place d’une expérimentation obligatoire sur le menu végétarien dans les cantines scolaires, dans un nouvel article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime. Initialement envisagée pour une durée de deux ans, cette expérimentation prévoyait que les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective scolaire proposent, au moins une fois par semaine, un menu végétarien, ce menu pouvant être composé de protéines animales (œufs, produits laitiers) ou végétales (légumineuses et céréales).

L’article 24 de la loi EGALIM a également imposé aux gestionnaires des restaurants collectifs (hors restaurants d’entreprises privés), servant plus de 200 couverts par jour en moyenne sur l’année de présenter à leurs structures dirigeantes un plan pluriannuel de diversification des protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales dans les repas qu’ils proposent.

B.   Les modifications apportÉes par la loi Climat et rÉsilience

Dans la loi Climat et résilience, le cadre juridique visant à renforcer la place des menus végétariens a été complété par plusieurs dispositions.

Notons, à titre de remarque préalable, que la version initiale proposée par le Gouvernement du projet de loi Climat et résilience ne prévoyait qu’une simple expérimentation pour les collectivités territoriales volontaires de mettre en place un menu quotidien végétarien, soit en réalité une avancée législative très faible, voire une coquille vide, puisque rien n’empêchait les collectivités territoriales de mettre en place de telles initiatives avant la loi. Face à ce faible niveau d’ambition, le débat parlementaire a toutefois permis d’aller plus loin, bien que le cadre actuel reste encore insuffisant.

L’article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime, tel qu’il résulte de la loi Climat et résilience, prévoit ainsi les trois règles suivantes :

1/ Une obligation hebdomadaire de menu végétarien dans les cantines scolaires :

Les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration collective scolaire proposent, au moins une fois par semaine, un menu végétarien. Cette disposition, adoptée à l’initiative de la rapporteure pour la commission des affaires économiques Mme Célia de Lavergne, correspond donc à une pérennisation des dispositions expérimentales votées dans la loi EGALIM. Ce menu peut être composé de protéines animales ou végétales et respecte, lorsqu’elles s’appliquent, les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas prévues à l’article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime et précisées par arrêté. L’article ajoute également que les gestionnaires veillent à privilégier des approvisionnements en produits agricoles et en denrées alimentaires répondant à des exigences en matière de qualité ou de préservation de l’environnement.

2/ Une expérimentation volontaire pour instaurer des menus végétariens de façon quotidienne dans les services de restauration collective dont les collectivités ont la charge :

Sous réserve des conditions fixées par voie réglementaire destinées à garantir l’équilibre nutritionnel des repas servis et du respect d’exigences adaptées aux besoins des usagers, notamment à l’âge des enfants pour la restauration scolaire, et à titre expérimental, les collectivités territoriales volontaires proposent quotidiennement le choix d’un menu végétarien dans les services de restauration collective dont elles ont la charge.

Cette expérimentation a débuté le 22 août 2021 pour une durée de deux ans et s’achèvera donc en août 2023.

Cette expérimentation doit faire l’objet d’un rapport d’évaluation rendu au Parlement, portant sur son application territoriale, son impact sur le climat, sur l’évolution de l’approvisionnement des établissements concernés en produits de qualité bénéficiant de signes ou mentions prévus à l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime (SIQO et labels), sur le gaspillage alimentaire, sur les taux de fréquentation, sur le coût des repas et sur la qualité nutritionnelle des repas servis.

L’évaluation doit également porter sur les modalités d’application à la restauration scolaire à menu unique et prend en compte les avis de l’Anses liés à la qualité nutritionnelle des repas végétariens pour recommander une généralisation de cette expérimentation.

Pendant la durée de l’expérimentation, l’article L. 230-5-6 prévoit l’organisation d’une concertation entre les collectivités territoriales, leurs groupements et le préfet de région, afin de veiller à sa mise en œuvre, notamment dans le cadre des comités régionaux pour l’alimentation.

3/ Une obligation de proposition d’une option végétarienne quotidienne à compter du 1er janvier 2023 pour les gestionnaires publics et privés des services de restauration collective de l’État, de ses établissements publics et des entreprises publiques nationales proposant un choix multiple de menus.

Les gestionnaires veillent, dans ce cadre, à privilégier des approvisionnements en produits agricoles et en denrées alimentaires répondant à des exigences en matière de qualité ou de préservation de l’environnement.

Notons que la loi Climat et résilience a également créé un nouvel article L. 230-5-6-1 dans le code rural et de la pêche maritime, qui prévoit notamment une obligation de formation des personnels à la préparation de menus végétariens.

Concernant l’expérimentation volontaire relative aux propositions végétarienne quotidienne, le rapport d’évaluation, qui avait été annoncé pour le mois de février 2023, n’a toujours pas été rendu public ni transmis à votre rapporteure, malgré sa demande. Interrogé sur les suites que le Gouvernement compte donner à cette expérimentation, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a indiqué ne pas souhaiter renouveler l’expérimentation par voie législative à ce stade – étant entendu que les collectivités territoriales n’ont pas nécessairement besoin d’une autorisation législative pour la poursuivre puisqu’elle repose sur une démarche volontaire.

En outre, votre rapporteure tient également à signaler son inquiétude quant à la révision en cours de l’arrêté du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration scolaire, qui pourrait, selon un certain nombre d’acteurs associatifs, menacer l’expérimentation aujourd’hui mise en place par plus de 200 villes, dont des métropoles ([42]), en raison des préconisations envisagées concernant la consommation de produits carnés.

II.   le dispositif proposé

Développer les menus végétariens dans les cantines scolaires constitue un impératif écologique et de santé publique. Les bénéfices liés au développement des menus végétariens sont aujourd’hui nombreux et documentés et les exemples de terrain montrent que le volontarisme politique permet d’avancer rapidement sur ces sujets, à condition d’accompagner correctement les acteurs.

Fort de ce constat, votre rapporteure propose de franchir une nouvelle étape à compter de 2025, en prévoyant l’obligation à partir de cette date pour les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration collective scolaire de proposer une option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, deux menus végétariens sans autre choix. Cette alternative laissée aux acteurs ainsi que le délai de deux ans prévus doivent permettre aux gestionnaires de choisir l’option qui correspond le mieux aux cantines concernées et d’anticiper les évolutions nécessaires.

L’article précise que le menu végétarien peut‑être composé de protéines végétales ou animales, ne comporte ni viande, ni poisson, ni crustacés et respecte, lorsqu’elles s’appliquent, les conditions fixées par voie réglementaire garantissant l’équilibre nutritionnel des repas servis.

Les gestionnaires des services de restauration collective scolaire veillent en outre à privilégier des approvisionnements en produits agricoles et en denrées alimentaires répondant à des exigences en matière de qualité, de saisonnalité, et de préservation de l’environnement.

Votre rapporteure tient à souligner que le développement des menus végétariens et la solution préconisée dans cette proposition de loi sont indissociables d’une politique d’ensemble visant à favoriser l’accès à une alimentation durable et de qualité dans les cantines scolaires. Ainsi, il est essentiel d’accompagner bien davantage que ne le fait aujourd’hui le Gouvernement les collectivités dans l’atteinte des objectifs fixés par la loi EGALIM (50 % d’alimentation durable, dont 20 % de bio), le constat sur le terrain étant très en deçà de l’ambition initiale. En outre, les enjeux de formation initiale et continue des chefs de la restauration collective sont essentiels, afin que ces derniers soient en mesure de proposer des formules végétariennes variées et savoureuses.

En outre, au cours des auditions, certains acteurs se sont inquiétés du recours aux produits ultratransformés dans les repas végétariens. Pour y répondre, votre rapporteure compte proposer en commission un amendement visant à préciser que les plats végétariens doivent être produits principalement avec des produits bruts.

III.   La position de la commission

L’article 2 a été supprimé par la commission des affaires économiques, avec le vote de 4 amendements de suppression (CE20, CE48, CE74 et CE77), déposés par les députés M. Jean-Pierre Vigier (LR), M. Pascal Lavergne (RE), Mme Anne‑Laure Blin (LR) et M. Grégoire de Fournas (RN). Votre rapporteure le déplore vivement, au vu de la pertinence de cette solution en matière environnementale et sanitaire.

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Article 3
(Art. L. 1322‑15 [nouveau] du code de la santé publique)
Interdiction des viandes contenant des nitrites ou nitrates ajoutés

I.   L’État du droit

A.   Un usage des additifs nitrés encadrÉ par un rÈglement europÉen et, au niveau français, un code des usages dÉfinis par les professionnels et contrÔlé par les pouvoirs publics

Le nitrite de potassium (E249), le nitrite de sodium (E250), le nitrate de sodium (E251) et le nitrate de potassium (E252) sont des additifs alimentaires utilisés dans la charcuterie et les viandes transformées pour leurs propriétés antimicrobiennes. Leur usage est justifié par la nécessité de limiter la prolifération de micro-organismes nuisibles, notamment le clostridium botulinum, responsable du botulisme.

Les conditions d’emploi de ces additifs sont actuellement encadrées par les dispositions du règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires ([43]). Ce texte prévoit une teneur maximale d’incorporation de 150 mg/kg pour les produits de viande transformés, hors produits traditionnels. Pour les produits traditionnels, la réglementation prévoit une teneur de nitrites et nitrates résiduels pouvant aller jusqu’à 250 mg/kg. Cette teneur résiduelle dépend de différents facteurs liés au procédé de transformation, dont notamment la température de transformation, le pH et la présence d’acide ascorbique, et ne découle donc pas uniquement de la teneur initialement incorporée.

Ces seuils constituant des plafonds, ils n’interdisent pas aux États membres d’adopter des dispositions nationales plus restrictives, sous réserve d’une notification à la Commissions européenne et de son accord.

Plusieurs exceptions à ce cadre réglementaire européen existent :

– les produits issus de l’agriculture biologique disposent d’une réglementation particulière, n’autorisant l’utilisation que du nitrite de sodium (E250) et du nitrate de potassium (E252). Par ailleurs, le règlement (CE) 889/2008 ([44]) prévoit, dans les produits à base de viande, une dose indicative d’incorporation de 80 mg kg-1 et une dose réglementaire résiduelle de 50 mg kg-1 ;

le Danemark a souhaité, en outre, maintenir une dose d’incorporation maximale inférieure au plafond européen, conservant ainsi une réglementation qui préexistait au règlement de 2008. Une dose maximale d’incorporation de 60 mg kg-1 de nitrites dans les produits à base de viande traités ou non thermiquement et dans les produits à base de viande saumurés de manière traditionnelle est ainsi autorisée. La réglementation danoise ménage néanmoins quelques exceptions en autorisant dans certains produits des teneurs maximales de 100 ou 150 mg kg-1. À l’inverse, elle interdit strictement, pour d’autres produits, dont notamment les boulettes de viande et le pâté de foie traditionnels danois l’utilisation de ces additifs ([45]). La dérogation accordée au Danemark est régulièrement réévaluée par la Commission européenne.

En France, les seuils applicables sont fixés par un document qui ne revêt pas de portée réglementaire : le code des usages de la charcuterie, de la salaison et des conserves de viande. Il constitue une norme convenue entre professionnels dans le cadre d’une concertation menée sous l’égide de la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs, transformateurs de viande (FICT), de la Confédération nationale des charcutiers- traiteurs (CNCT) et l’Institut du porc (IFIP). Il fait l’objet d’une validation de la part de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et sert de référence dans le cadre des contrôles administratifs.

Modifié en 2016, puis en 2020, le code des usages préconise des teneurs inférieures de 20 % à celles prévues par la réglementation européenne. Des travaux sont actuellement menés par les professionnels pour réviser le code des usages et abaisser encore davantage ces seuils, d’après les informations transmises par la FICT et la Confédération nationale des charcutiers-traiteurs (CNCT) à votre rapporteure.

B.   Une premiÈre occasion manquÉe de lÉGIFÉrer sur l’interdiction des additifs nitrés au niveau national

Déposée par M. Richard Ramos le 21 décembre 2021, dans le prolongement des travaux menés par la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire ([46]), la proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie ([47]) a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 3 février 2022. L’article 1er du texte initial interdisait les additifs nitrés pour les produits de salaison ([48]) à compter du 1er janvier 2023, arguant du fait que nombre de ces produits étaient déjà fabriqués sans additif nitré, dont notamment l’emblématique jambon de Parme. L’article 1er interdisait également, à compter du 1er janvier 2025, les additifs nitrés pour tous les autres produits de charcuterie, c’est-à-dire les produits de charcuterie traités thermiquement ([49]). La proposition de loi initiale organisait également une période de transition avec des règles spécifiques dans les services de restauration collective scolaires, pénitentiaires, hospitalières et médico‑sociales, la mise en place d’un fonds de soutien aux artisans charcutiers‑traiteurs et bouchers‑charcutiers, ainsi que des obligations d’étiquetage garantissant une meilleure information du consommateur. Cette proposition de loi, pragmatique et ambitieuse, a été très édulcorée au cours de son examen par l’Assemblée nationale : la rédaction finalement adoptée, qui n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour du Sénat, conditionne toute avancée réglementaire à la publication d’un avis de l’Anses.

Or, le 12 juillet 2022, l’Anses a publié un avis révisé et un rapport d’expertise collective relatif aux risques associés à la consommation de nitrites et de nitrates ([50]). L’Anses reconnaît « l’existence d’une association positive entre l’exposition aux nitrates et/ou aux nitrites via la viande transformée et le risque de cancer colorectal ». L’avis révisé précise que « la consommation de viande rouge, très riche en fer héminique, est directement et de manière dose-dépendante associée à la formation de composés nitrosés coliques et à la formation d’adduits à l’ADN spécifiques de ces composés. La consommation de charcuterie (produits carnés traités) augmente la formation de composés nitrosés par rapport à la consommation de viande rouge. La consommation de charcuterie (produits carnés traités) diminuée en nitrites et additionnée de composés aux propriétés antioxydantes permet une diminution significative de la formation des composés nitrosés comparativement à la charcuterie classique ([51]) ».

L’avis de l’Anses aborde également la question des doses journalières admissibles (DJA) selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et confirmées en 2017 ([52]). L’Anses recommande de mener une réflexion pour établir une valeur toxicologique de référence globale incluant nitrates et nitrites compte tenu de leur transformation en composés nitrosés.

La proposition de résolution européenne relative à l’interdiction des additifs nitrés dans les produits de charcuterie de M. Richard Ramos ([53]), qui devrait être examinée par la commission des affaires européennes à la mi-avril 2023, enjoint l’EFSA d’intégrer les conclusions des travaux de l’Anses dans son rapport d’évaluation, demande que l’évaluation en cours menée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, limitée aux nitrosamines, prenne en compte la totalité des composés nitrosés identifiés par Anses et exige la révision des recommandations de consommation émises par l’EFSA.

Dans le prolongement de l’avis rendu par l’Anses en juillet 2022, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un plan d’actions coordonné devant aboutir à la réduction ou la suppression de l’utilisation des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires où cela est possible sans impact sanitaire. Dans son communiqué de presse annonçant le lancement des travaux réunissant les acteurs techniques des filières, le Gouvernement estimait que la « situation ne justifiait pas une interdiction stricte de l’utilisation des nitrites associée à une clause de sauvegarde » ([54]). Le plan d’action devait être présenté au Parlement à l’automne 2022, puis en janvier 2023 et a finalement, après trois reports, été rendu public la veille de l’examen du texte en commission, le lundi 27 mars 2023. Il est jugé très insuffisant par votre rapporteure et de nombreux acteurs, dont notamment la Ligue contre le cancer (voir III de l’introduction).

En outre, l’EFSA a publié, le mardi 28 mars 2023, les conclusions de son évaluation sur les risques pour la santé publique liés à la présence de nitrosamines dans les aliments, estimant que le niveau d'exposition aux nitrosamines dans les aliments constituait un problème sanitaire pour tous les groupes d'âge de la population de l’Union européenne (voir également le III de l’introduction).

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 3 de la proposition de loi complète le titre II du livre III de la première partie du code de la santé publique, consacré à la « Sécurité sanitaire des eaux et des aliments », par la création d’un chapitre II ter, composé d’un article L. 1322-15.

L’article pose le principe d’une interdiction générale de production, d’importation, d’exportation ou de mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de produits à base de viande traitée avec des additifs nitrés (E249, E250, E251, E252).

L’article inclut dans le champ de cette interdiction les produits conçus en utilisant des extraits végétaux nitrés comme additifs. En effet, certains procédés de fabrication utilisent des bouillons ou des jus concentrés de légumes naturellement riches en nitrate (céleri, épinards, laitue, blettes, notamment) qui, au contact de la viande, se transforme en nitrite sous l’action de ferments ajoutés intentionnellement ou lors de la digestion, avec des effets similaires à ceux des additifs nitrés chimiques. En septembre 2018, la Commission européenne a d’ailleurs indiqué que « la Commission a été alertée à propos du procédé qui consiste à employer des extraits végétaux pour servir d’additif, sans qu’ils soient identifiés comme tels », et a confirmé que les charcuteries produites en employant cette technique ne peuvent continuer à être présentées comme « sans nitrite ajouté ». La Dgccrf a alors demandé aux charcutiers qui utilisaient ces extraits nitratés, en étiquetant leurs produits « sans nitrites ajoutés » de signaler la présence de nitrites afin de ne pas tromper le consommateur.

L’entrée en vigueur de cette interdiction est différenciée en fonction de la nature des produits concernés, qui sont divisés en deux catégories reprenant la classification européenne issue des dispositions du règlement européen précité du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires :

– elle entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024 pour les produits à base de viande non traités thermiquement, salés ou saumurés crus, et les produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle. Cette catégorie comprend notamment les pièces et morceaux crus (notamment noix, palette, speck, lard de jambon, poitrine fumée, bacon et filet de bacon, lard paysan, ventrèche, lard maigre, jambon de Vendée, jambon cru fumé d’Alsace, noix fumée d’Alsace, etc.) ; aux pièces et morceaux secs (notamment noix sèche, coppa, spalla, lonzo, filet de porc séché, carré de porc séché, jambon cru, jambon de pays, jambon sec, bresaola, pastrami) ; aux saucisses et saucissons crus, à cuire ou secs ([55]) ;

– elle entre en vigueur à compter du 1er janvier 2025 pour les produits à base de viande traités thermiquement. Cette catégorie comprend notamment les pièces et morceaux cuits (jambon cuit, épaule cuite, rôti cuit, jambonneau, jarret cuit, confit de volaille, rillons et rillauds, persillés, viande en gelée, etc.) ; les saucisses et saucissons cuits (saucisse de Francfort ou Mortadelle, par exemple) ; les pâtés, galantines et ballottines, rillettes, produits à base de tête, andouilles et andouillettes, tripes) et pieds, boudins noirs et conserves à base de viande bovine (corned beef dans sa gelée, par exemple) ([56]).

III.   La position de la commission

La commission a supprimé cet article.

 

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Article 4
Gage

I.   Le dispositif proposé

L’article 4 crée un gage formel permettant de garantir la recevabilité de la proposition de loi, condition nécessaire à son dépôt. L’article crée une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article, qui est donc supprimé.

 


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   examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 29 mars, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine (n° 889) (Mme Francesca Pasquini, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. Mes chers collègues, nous examinons l’un des huit textes inscrits par le groupe Écologiste-NUPES à l’ordre du jour de sa niche parlementaire du 6 avril. La proposition de loi visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine y figure en troisième position. Sur proposition du groupe Écologiste-NUPES, notre commission a désigné Mme Francesca Pasquini rapporteure sur ce texte : Madame Pasquini, soyez la bienvenue au sein de notre commission.

Le texte qui nous est soumis comporte trois articles et a donné lieu au dépôt de 117 amendements. Onze amendements ont été déclarés irrecevables par le président de la commission des finances, car ils créent une charge publique.

En ce qui me concerne, j’ai encore adopté une approche très large en matière d’appréciation de la recevabilité des amendements, au regard de leur lien avec le texte.

S’agissant de l’article 1er, qui prévoit l’attribution d’une prime d’alimentation et la réunion d’un comité de parties prenantes chargé de proposer des solutions pérennes d’accès digne à l’alimentation durable, j’ai accepté tous les amendements ayant pour objet de limiter le prix des produits alimentaires, même si leur champ d’application inclut aussi des produits non alimentaires. Tel est le cas, par exemple, des amendements visant à étendre le bouclier qualité prix (BQP) ou à diminuer la TVA sur les produits de première nécessité. En revanche, je me devais d’écarter les amendements ne ciblant aucunement l’alimentation, tels que ceux préconisant une hausse du montant du Smic ou des retraites, faute de lien direct ou indirect avec la question alimentaire.

L’article 2 vise à imposer une option végétarienne dans les services de restauration collective scolaire et à inciter leurs gestionnaires à privilégier les approvisionnements en produits agricoles et en denrées alimentaires répondant à des exigences en matière de qualité, de saisonnalité et de préservation de l’environnement. À ce titre, j’ai considéré comme recevable tout amendement relatif à la composition des menus dans la restauration collective, même si leur champ d’application excède celui de la restauration scolaire. J’ai notamment déclaré recevables des amendements relatifs à l’interdiction des insectes dans les menus et à la formation des professionnels de la restauration collective. En revanche je ne pouvais pas accepter les amendements sans lien avec la composition des menus en restauration collective, tels que ceux relatifs à l’information des ménages, à l’offre de restauration scolaire et aux visites scolaires dans des exploitations ou des boucheries.

Quant à l’article 3, relatif à l’interdiction des nitrites et des nitrates dans les produits carnés, il ne peut, à l’évidence, fournir une accroche à des amendements ayant trait à la publicité pour les boissons sucrées et d’autres du même ordre, que j’ai donc déclarés irrecevables.

J’ai considéré, au total, que quatorze amendements étaient contraires à l’article 45 de la Constitution, autrement dit qu’ils constituaient des cavaliers législatifs. Compte tenu des amendements déclarés irrecevables par le président de la commission des finances et par moi-même, il en reste soixante-seize en discussion.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. C’est une véritable fierté de vous présenter ce texte, fruit de plusieurs mois de travail sur l’alimentation. Ces réflexions ont pris racine dans mon expérience personnelle. Lorsque j’étais enseignante je mangeais chaque jour à la cantine, comme les enfants. Juste après mon élection, les habitants de ma circonscription m’ont alertée sur le combat qu’ils mènent, à l’échelle des écoles d’Asnières, pour une alimentation saine et durable. Moins de plats transformés, plus de repas cuisinés avec des produits bruts, travail sur la formation pour améliorer le goût et la saveur des menus, lutte contre le gaspillage : je ne pouvais que partager leurs idées, d’autant que j’avais moi-même, à plusieurs reprises, été plutôt sceptique sur le contenu de mon assiette.

Je me suis donc lancée dès juillet dans une série de rencontres, qui m’ont permis de m’enrichir au contact des acteurs de terrain. Pour ancrer ces échanges dans le réel, je me suis rendue dans plusieurs cuisines de réfectoire du territoire national. De Saint-Denis à Mouans-Sartoux, de Bordeaux à Autun, j’ai vu des modèles différents mais animés par une conviction commune : la nécessité de bien nourrir tous les enfants, par-delà les différences politiques.

Nous l’avons peut-être oublié avec le temps, mais les collectivités ne sont pas tenues de proposer une offre de cantine dans les écoles. Si presque toutes le font, c’est parce que la tradition du repas quotidien fait partie de notre patrimoine. Pour de nombreux enfants, c’est le seul repas de la journée. La cantine représente donc un levier unique pour agir tout à la fois sur la cohésion sociale, sur la santé des enfants, sur l’économie locale et sur l’environnement.

Ces objectifs inséparables les uns des autres, la présente proposition de loi les aborde globalement. Nous en sommes convaincus : il ne sera pas possible de transformer notre système économique en profondeur sans changer le contenu de nos assiettes. Aucun levier n’est plus puissant que l’alimentation pour optimiser la santé humaine et la durabilité de notre environnement. C’est pourquoi nous avons articulé notre travail en suivant une idée fixe : permettre à tous les Français de mieux manger.

Mieux manger, c’est d’abord avoir les moyens financiers d’accéder à des produits de qualité et ne pas reporter sa consommation vers des produits trop caloriques, trop gras, trop sucrés ou trop salés. De ce point de vue, la situation que nous traversons est absolument inédite depuis les années quatre-vingt. L’inflation sur les produits alimentaires a atteint 15 % de février 2022 à février 2023. Pour certaines catégories d’aliments, tels que les fruits et les légumes, indispensables sources de fibres, de vitamines et de minéraux, la hausse est spectaculaire, à plus de 22 % en glissement annuel. Comment rester inactif face au risque d’une véritable fracture alimentaire ?

Coup sur coup, les Français les plus précaires ont été éprouvés par la covid-19, qui a accentué les inégalités de consommation, et par l’inflation, qui entraîne des choix insupportables. Des familles arbitrent entre les composantes ; des employés et des ouvriers sont contraints, à midi, de manger un sandwich sur le pouce plutôt qu’un repas complet. Il va sans dire que parents et enfants doivent se priver des petits plaisirs qui rendent la vie moins amère. Pour de nombreuses familles, le quotidien est devenu une suite de micro-décisions douloureuses et de sacrifices… et ce n’est probablement que le début : dimanche 26 mars 2023, le journal Le Monde titrait : « En Europe, l’inflation provoque une flambée des vols de nourriture dans les magasins. »

Toutes les associations que j’ai auditionnées m’ont fait part de leur inquiétude profonde. J’aimerais vous donner quelques ordres de grandeur, même s’ils ne peuvent remplacer l’expérience angoissante de la précarité. La Croix-Rouge et les Restos du cœur signalent une augmentation de 22 % du nombre de personnes accueillies lors de la dernière campagne d’hiver par rapport à la précédente. Quant aux banques alimentaires, elles révèlent que le nombre de personnes bénéficiant de l’aide alimentaire a triplé en dix ans et qu’il est en hausse de 10 % en 2022.

Que faire ? Nul ne peut se satisfaire de formules grandiloquentes et d’effets d’annonce. Nous devons trouver une issue rapide à cette crise sociale.

Plusieurs solutions s’offraient à nous, toutes imparfaites tant le sujet est complexe. Nous avons retenu la seule piste qui nous semblait correspondre à l’urgence : une prime d’alimentation ciblée sur les ménages précaires. Réclamée par la plupart des associations de terrain auditionnées, l’instauration d’une prime alimentaire automatique répond à deux exigences, qui nous semblent fondamentales à court terme : l’accessibilité et l’efficacité.

Bien entendu, nous aimerions flécher cette prime vers des produits sains et durables, mais cette solution s’est avérée impraticable dans un délai raisonnable. Tandis que chaque semaine charrie son lot de souffrances et de drames, nous n’avons pas le loisir de nous lancer dans des concertations byzantines sur la définition de la durabilité, laquelle doit au demeurant faire l’objet d’un rapport du Gouvernement qui n’a jamais été remis. Nous ne faisons que suggérer une solution prise en considération telle quelle par le Président de la République lui-même il y a deux ans. Tel est, en quelques mots, l’objectif de l’article 1er, qui ne peut épuiser à lui seul l’ensemble des dispositifs de lutte contre la précarité mais qui aurait le mérite, s’il était appliqué, de soulager sans délai des millions de familles en difficulté.

La deuxième direction qu’il nous semble essentiel de suivre pour permettre aux Français de mieux manger est d’accélérer la végétalisation de nos assiettes. Je tiens à dissiper d’emblée un malentendu : il n’est pas question d’imposer aux enfants, par le biais de la présente proposition de loi, un quelconque régime alimentaire moi-même, je ne suis pas végétarienne. Nous souhaitons néanmoins amplifier la part de protéines végétales dans leur alimentation – et ce, pour deux raisons.

La première, c’est la santé. On ne compte plus les études qui démontrent, les unes après les autres, qu’enfants comme adultes mangent trop de protéines, environ deux fois plus que nécessaire, ce qui ne va pas sans poser des problèmes. Les habitudes prises pendant l’enfance entraînent une faible diversification des habitudes alimentaires, qui amènent les jeunes adultes à penser, à tort, qu’il ne peut exister de bon repas sans viande. Les risques d’une telle alimentation sont connus : maladies cardiovasculaires, diabète, surcharge pondérale, voire cancer. Il faut donc diversifier les sources d’apport protéique et réhabituer les enfants à manger des légumineuses.

La seconde raison est environnementale. Je ne le répéterai jamais assez : il n’y a pas un seul scénario dans lequel nous atteignons nos objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 sans réduire massivement notre consommation de produits carnés. Il n’est plus l’heure de temporiser. Notre modèle est simple : nous souhaitons que les enfants mangent moins de viande, mais de meilleure qualité. Qui peut se satisfaire d’avoir 50 % de viande importée dans les assiettes de nos enfants ?

J’espère que nous aurons un débat apaisé à ce sujet, loin des caricatures que l’on entend trop souvent. Notre devoir, en tant que parlementaires, est d’anticiper les évolutions pour permettre les transitions les plus paisibles possible. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous avons élaboré l’article 2, qui préserve la liberté des collectivités territoriales tout en fixant un cap à la restauration scolaire dans son ensemble. Nous en appelons à votre esprit de responsabilité pour voter une mesure approuvée par les associations environnementales et les experts du sujet.

Enfin, mieux manger, c’est limiter les risques sanitaires qui pèsent sur notre alimentation. En dépit de l’existence d’éléments scientifiques robustes sur le risque de cancer, qui plaident en faveur d’une interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie, le Gouvernement semble avoir adopté une stratégie dilatoire, remettant sans cesse à plus tard la décision d’une interdiction ferme. Je dois avouer ma surprise d’avoir constaté hier soir, par une simple visite sur le site internet du ministère, qu’un plan venait d’être publié. Ni annonce médiatique ni volonté de le diffuser largement : le Gouvernement a agi en catimini, comme s’il s’agissait d’un sujet anodin. Que propose ce plan ? Une simple réduction en pourcentage des additifs nitrés, sans fixer d’objectif d’interdiction à moyen ni à long terme.

Que l’on ne se méprenne pas sur notre propos : nous ne souhaitons en aucun cas interdire la charcuterie, comme j’ai pu l’entendre dire au cours de nos auditions. Nous faisons suffisamment confiance à l’innovation, au sérieux des fabricants et à la capacité du Gouvernement à accompagner les filières pour faire émerger des alternatives crédibles et savoureuses. Par ailleurs, nous avons prévu d’interdire l’importation de produits nitrés pour éviter la concurrence déloyale. J’en appelle à votre responsabilité sur un sujet essentiel pour la santé des Français et qui nécessite une action ferme.

En élaborant notre proposition de loi, nous avons cherché à couvrir tous les aspects de l’alimentation : accessibilité, durabilité, qualité. Je n’apprendrai à personne que les contraintes d’une niche parlementaire empêchent d’entrer dans la nuance. Il y aurait en effet tant à faire sur la formation des chefs, sur la publicité, sur l’étiquetage et sur la chaîne de valeur, ainsi que sur un projet qui tient à cœur aux écologistes – la sécurité sociale de l’alimentation ! Nous avons choisi les mesures qui nous semblaient les plus efficaces et les mieux étayées par un consensus scientifique et citoyen. Il ne tient qu’à vous de leur donner vie.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Pascal Lavergne (RE). C’est l’histoire de la planète, de la santé publique, des Français et de leur portefeuille. Il ne s’agit pas du début d’une blague, mais de la quadrature du cercle de l’alimentation. Je remercie Mme la rapporteure pour son travail, pour l’occasion qu’elle offre à la représentation nationale d’aborder les sujets liés à l’alimentation et pour la qualité des auditions menées en amont. À bien des égards, sa proposition de loi part d’une bonne intention.

L’alimentation est un phénomène global de politique publique. Elle soulève des questions relatives à notre souveraineté alimentaire. Elle est aussi un enjeu personnel, où se lisent nos goûts, nos préférences et nos gourmandises. L’alimentation est enfin un droit, reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 comme faisant partie intégrante du droit à un niveau de vie suffisant.

L’ancien maire, l’éleveur et le restaurateur que je suis ne peuvent être indifférents à ce sujet. Le groupe parlementaire auquel j’appartiens et qu’humblement je représente ici a démontré, depuis 2017, tout son volontarisme sur les sujets alimentaires. Il a notamment adopté la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim », faisant notamment obligation à la restauration scolaire de proposer au moins un menu végétarien par semaine, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et la loi dite « Climat et résilience », qui a introduit dans le débat public l’idée de chèque alimentaire.

L’alimentation est au cœur de plusieurs problèmes et l’aliment est le résultat d’un schéma de production. La question est la suivante : que mange-t-on ? Cette question est indissociable de celle de savoir qui produit et d’où vient le produit. Il n’est pas possible, lorsqu’il s’agit de définir des politiques publiques alimentaires, de ne pas être attentif à la question de savoir si, en favorisant telle ou telle catégorie de produits, nous avantageons nos agriculteurs et notre savoir-faire local ou si nous favorisons l’importation de produits obtenus par des méthodes que nous jugeons intolérables.

L’alimentation est aussi un enjeu social. En période d’inflation, les prix des produits alimentaires augmentent au point que les Français doivent parfois y renoncer. Le chèque alimentaire, idée de cette majorité, figurait dans le programme du Président de la République. Je suis ravi que le présent texte offre à notre assemblée l’occasion de travailler sur cette mesure et d’en dessiner les meilleurs contours.

Enfin, avoir accès à l’alimentation n’est pas tout ; il faut qu’elle soit bonne, à base de produits variés, frais et sains, provenant d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Les défis écologiques et sanitaires sont colossaux. Nous sommes passés d’un monde qui comptait 1 milliard de personnes en sous-nutrition en 1990 à un monde qui compte plus de 2 milliards d’obèses.

Chers collègues, je me réjouis d’aborder ces sujets avec vous. Je vois cette proposition de loi non comme une fin – tant les articles, tels qu’ils sont rédigés, me semblent encore poser de nombreux problèmes et échouent à faire consensus – mais comme le commencement d’une opportunité, pour la présente législature, d’adopter de grandes mesures sur ce sujet si important qu’est l’alimentation.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Monsieur Lavergne, je vous remercie de la qualité de nos échanges pendant les auditions. Nous partageons un même engagement et un même intérêt pour une alimentation de qualité accessible à tous.

Vous avez évoqué une démarche volontariste de votre groupe et du Gouvernement à ce sujet ; nous avons les moyens d’en faire la démonstration, à l’heure où les familles les plus précaires ont du mal à avoir accès à une alimentation saine et durable. Nous comptons aussi sur votre coopération sur les trois articles de la proposition de loi.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Les membres du groupe Rassemblement national accueillent cette proposition de loi avec quelques réserves, même si elle part d’un constat que nous partageons : face à la situation sociale, économique et environnementale des Français, il faut agir.

Le I de l’article 1er prévoit une prime d’alimentation exceptionnelle. Cette mesure n’est, en réalité, qu’une énième manifestation de la « politique du chèque », inefficace, inflationniste et réductrice, car limitée à une fraction des Français : les personnes en situation de précarité. Or celles-ci ne sont pas les seules à être touchées par l’inflation, tous les Français le sont.

Le II de l’article 1er vise à la création d’un « comité de parties prenantes » pour améliorer l’alimentation des Français : encore un comité d’experts nébuleux, dont l’intérêt et l’utilité restent à démontrer ! Au Rassemblement national, nous proposons, en lieu et place d’un chèque ciblé sur certains foyers, d’instaurer la TVA à 0 % sur un panier de biens de première nécessité comprenant une centaine de produits alimentaires, afin que tous les Français aient accès à des aliments sains et nutritifs.

L’article 2 vise à instaurer une alternative végétarienne. Pourquoi pas ? Toutefois, les élèves doivent pouvoir continuer à choisir des menus à base de viande et de poisson. Au Rassemblement national, nous préférons promouvoir la consommation de produits locaux. Nous proposons notamment d’instaurer un menu hebdomadaire à base de produits régionaux et l’utilisation de 80 % de produits issus de l’agriculture française dans les recettes des cantines scolaires.

L’article 3 vise à la suppression pure et simple des viandes contenant des nitrites et des nitrates. Compte tenu de la difficulté de mise en œuvre d’une telle mesure avant le 1er janvier 2024 et des conséquences néfastes qu’elle aurait sur les TPE-PME ainsi que sur nos artisans bouchers et charcutiers, nous nous y opposons. Interdire l’exportation de nos viandes est une aberration, compte tenu du fait qu’elle contribue à la balance commerciale française à hauteur de 770 millions d’euros par an et que cette mesure nous interdirait l’accès au marché mondial, assénant à nos artisans un coup fatal, ce que nous refusons. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Une proposition de loi visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation est certes nécessaire, mais pas en ces termes. Nous espérons que nos propositions seront entendues et intégrées au texte.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Vous parlez d’une politique du chèque alimentaire qui n’aurait plus lieu d’être. Si l’article 1er comporte deux parties, c’est parce que nous avons d’abord souhaité faire face à l’urgence : ce pour quoi nous n’avons pas trouvé d’autre solution que d’apporter une aide économique aux familles dans le besoin et réunir un comité de parties prenantes pour trouver d’autres solutions.

Nous n’avons pas la prétention de penser que notre mesure est la meilleure, mais c’est la seule qui fait consensus parmi les associations sur le terrain et elle est facile à prendre rapidement, dans l’attente d’une concertation avec les parties prenantes. Nous n’avons pas fléché cette aide, car nous considérons que chaque Français est capable de choisir les produits qu’il estime bons pour sa santé.

S’agissant de l’article 2, il n’impose aucun régime alimentaire, il en propose un. S’agissant de l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie, elle fait d’ores et déjà l’objet d’une proposition de loi en cours d’examen.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Nous abordons un sujet grave. Il s’agit de la capacité d’une partie du pays, qui est la septième puissance économique mondiale, à satisfaire le premier des besoins primaires : se nourrir – et se nourrir plus sainement.

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir et en conséquence directe de ses choix économiques, le cumul des cinq plus grandes fortunes de France est passé de 117 milliards d’euros à 406 milliards d’euros. Sur la même période, le nombre de personnes ayant recours à une aide alimentaire est passé de 5,5 millions à plus de 9 millions – ce chiffre inclut le réseau des banques alimentaires et des associations distribuant des denrées sans condition.

La situation s’aggrave, car l’inflation sur les produits alimentaires explose. En février, elle a atteint 14,5 % sur un an en moyenne. Elle est à plus de 18 % sur certains produits laitiers comme le beurre, plus de 20 % sur les pâtes et bien au-delà de 30 à 40 % sur de nombreux légumes. Il est donc plus qu’urgent de donner à chacune et à chacun les moyens de subvenir à ses besoins alimentaires et à ceux des familles.

La proposition de loi que nous examinons offre une réponse conjoncturelle possible. Avec la NUPES, dans cette France plus riche que jamais, nous proposons par ailleurs d’augmenter le Smic, les salaires, les retraites et les minima sociaux et d’instaurer une garantie d’autonomie pour les étudiants. Bref, nous proposons d’organiser le partage des richesses, ce à quoi le Gouvernement se refuse.

À l’urgence sociale s’ajoute l’urgence écologique. Nous prenons acte des avancées réalisées ces dernières années en matière d’offre de menus végétariens dans une partie de la restauration collective, mais l’urgence nous impose de déplacer plus rapidement les curseurs. La surproduction et la surconsommation de viande et de produits laitiers constituent des périls pour notre environnement et nos écosystèmes. L’élevage industriel est une cause majeure de déforestation. Il entraîne aussi une dramatique pollution des eaux, notamment en raison de l’usage intensif de pesticides, et compte pour au moins 14 % des émissions mondiales de GES. L’élevage intensif est également un facteur critique dans le dérèglement climatique. En outre, la préoccupation pour le bien-être animal y est inexistante.

Pour contribuer à briser ce cycle infernal, il convient de favoriser l’apprentissage de nouvelles habitudes alimentaires. Tel est le sens de l’option végétarienne quotidienne, que nous souhaitons issue de l’agriculture biologique, dans les cantines scolaires. Cette mesure vertueuse permet de préserver la santé des plus jeunes, en intégrant plus de fruits et légumes dans leur alimentation, à l’heure où 17 % de la population sont victimes d’obésité et où seulement une personne sur cinq mange cinq portions de fruits et légumes par jour.

Il est démontré que, à bien des égards, l’agro-industrie met à mal la santé des consommateurs. Inscrivons donc dans la loi l’interdiction des viandes contenant des nitrites ou des nitrates ajoutés, dont l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a confirmé que leur consommation augmente le risque de cancer colorectal !

Notre pays ne mange pas à sa faim et notre modèle alimentaire a des impacts écologiques et sanitaires ravageurs. Saisissons l’occasion qui nous est donnée d’agir sur tous ces sujets !

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je partage ce constat. Seulement 42 % des adultes consomment cinq fruits et légumes par jour ; cette proportion se réduit nettement pour les enfants, à seulement 23 %.

M. Dino Cinieri (LR). Face à l’inflation galopante sur les produits alimentaires, dont les prix ont augmenté de 12,1 % en un an d’après l’Insee, la proposition de loi que nous examinons nourrit l’ambition de permettre aux Français de mieux manger. Elle prévoit la création d’une prime alimentaire exceptionnelle de 50 euros minimum par personne et par mois pour les ménages les plus précaires, ainsi qu’une option végétarienne à tous les repas dans les cantines scolaires ou deux menus végétariens sans autre choix chaque semaine, et l’interdiction des viandes contenant des nitrites ou des nitrates ajoutés.

Le soutien financier proposé reprend le périmètre et les modalités de paiement de l’indemnité « Inflation » versée en septembre 2022 ; environ 11 millions de Français y seraient éligibles. En complément de cette allocation d’urgence, prévue à l’article 1er, la proposition de loi prévoit la réunion, à partir de septembre 2023, d’un comité composé de citoyens, de représentants des organisations de lutte contre la précarité alimentaire et d’experts en santé publique afin de proposer des solutions pérennes d’accès digne à l’alimentation durable.

S’agissant de l’article 1er, nous nous étonnons que les écologistes soutiennent le recours à une prime alimentaire, alors même que la « politique du chèque » menée par Emmanuel Macron est vivement décriée par la NUPES. Au demeurant, un tel chèque est promis depuis 2020 par le Gouvernement mais n’a jamais été instauré, au motif que sa mise en œuvre est complexe : nous sommes au cœur de la politique du « en même temps » !

La proposition de loi ne règle pas les nombreuses questions que soulève cette aide. Elle n’est assortie d’aucune étude d’impact tirant les leçons des nombreuses erreurs mises en évidence lors de l’instauration de l’indemnité inflation. Une expérimentation du chèque alimentaire est prévue par le Gouvernement, mais elle ne répondra pas de façon structurelle aux besoins alimentaires de millions de Français.

La sortie temporaire du marché européen de l’énergie s’impose pour faire baisser l’inflation, dont le prix de l’énergie est le grand déclencheur. Toutefois, nous souhaitons que cette expérimentation soit d’abord menée sur une base territoriale, au plus près des consommateurs et des producteurs agricoles. Cette aide devrait être utilisée uniquement pour acheter certains produits définis par leur origine ou leur mode de production.

S’agissant de l’article 2, le groupe Les Républicains rappelle que l’apparition de menus sans viande dans les cantines est préjudiciable pour les familles les plus modestes, qui ne consomment pas de viande à domicile. Par ailleurs, nous soupçonnons ce choix d’être guidé, une fois de plus, par des pressions communautaristes. En outre, la tradition culinaire française intègre largement la viande à ses recettes, ce qui fait vivre de nombreuses filières d’élevage, notamment dans mon département de la Loire.

L’article 3 traite d’un vrai sujet. L’interdiction des additifs nitrés doit être raisonnable et progressive, car elle a d’importantes conséquences économiques pour la filière.

Le groupe Les Républicains appelle à voter contre la proposition de loi.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Votre groupe est le seul qui a déposé un amendement visant à supprimer l’article 1er, lequel vise à résorber les difficultés de millions de Français, qui n’ont pas de quoi mettre à manger sur la table, le soir, pour leurs enfants. N’en soyez pas surpris : les écologistes sont sensibles à la situation de ces millions de Français. Vous dites que nous faisons une politique du chèque et de court terme, mais que proposez-vous pour venir en aide à ces six millions de Français en difficulté ? Rien, sinon supprimer l’article 1er.

M. Éric Martineau (Dem). Cette proposition de loi permet à notre groupe de rappeler son combat de plusieurs années pour un accès à une alimentation de qualité pour tous, ainsi que notre soutien aux producteurs agricoles, fer de lance de notre souveraineté alimentaire. Nous avons défendu des dispositions tendant à l’interdiction des additifs nitrés similaires à celles de l’article 3 du texte. Nous considérons que notre majorité a déjà beaucoup œuvré dans ce domaine et que les mécanismes existants méritent d’être mieux connus par les acteurs concernés.

S’agissant de la prime d’alimentation exceptionnelle, son coût, estimé à plus de 6 milliards d’euros, est un véritable frein. En outre, ce chèque unique au niveau national ne permet pas de flécher des produits de bonne qualité nutritionnelle et, surtout, fabriqués par des producteurs français, ce qui pose un véritable problème.

Par ailleurs, l’État n’est pas resté inactif. Après avoir versé, à la rentrée 2022, une aide exceptionnelle de 100 euros par foyer, majorée de 50 euros par enfant, à près de 8 millions de foyers bénéficiaires de minima sociaux, le Gouvernement a annoncé, de concert avec les distributeurs, l’adoption d’un « trimestre anti-inflation » dans les supermarchés, garantissant le plus bas niveau de prix possible sur une sélection de produits du quotidien de marque distributeur du 15 mars au 15 juin.

S’agissant des menus végétariens dans les cantines scolaires, notre groupe a largement soutenu l’expérimentation proposée aux collectivités territoriales dans le cadre de la loi Climat et résilience. Ne devrait-on pas lui laisser le temps et en analyser les résultats avant de légiférer à nouveau, si nécessaire ? La loi Égalim a également permis d’avancer sur ce sujet, en introduisant un repas végétarien par semaine dans la restauration collective. En imposer deux nous semble prématuré. Nous considérons que le choix doit être laissé aux enfants. Par ailleurs, cette mesure risque de favoriser des alternatives végétariennes industrielles, dont la composition n’est pas bonne et comprend une forte dose d’additifs.

S’agissant de l’article 3, nous défendrons le plan ambitieux de réduction des nitrites présenté hier par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire Marc Fesneau. Il s’agit d’une trajectoire progressive et rigoureuse de réduction des produits nitrés dans les charcuteries. En la matière, la France est le pays de l’Union européenne dont les normes sont les plus strictes.

L’interdiction proposée par nos collègues écologistes, radicale, ne tient aucunement compte des délais nécessaires aux industriels et aux charcutiers pour assurer la transition. En ce sens la date proposée n’est pas réaliste. Notre collègue Richard Ramos s’est pourtant engagé de longue date dans ce combat, avec le soutien de notre groupe, et le Gouvernement a pris la mesure du problème à la suite de l’avis rendu sur ce sujet par l’Anses.

Nous saluons l’initiative que constitue la proposition de loi, mais sommes très sceptiques à son sujet.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. La prime d’alimentation exceptionnelle représente 6,6 milliards d’euros. Selon nous, il ne s’agit pas d’un coût énorme, mais bien d’un investissement pour la santé des Français, notamment lorsque l’on sait que la prise en charge de l’obésité – donc de la « malbouffe » – pèse 20 milliards d’euros par an.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Depuis plusieurs mois, les Français font face une forte augmentation du coût de la vie, en particulier de celui des denrées alimentaires. Nous constatons tous l’augmentation de la précarité, qui se traduit parfois par des difficultés à se nourrir à sa faim – et, plus encore, à se nourrir correctement. Nous pensons évidemment à tous ces jeunes dans les files d’attente des banques alimentaires, mais aussi aux familles qui ne peuvent nourrir convenablement leurs enfants et aux personnes âgées ou fragiles qui ne parviennent pas à s’alimenter de façon digne.

Cette situation est insupportable et pourtant peu de choses sont faites pour y répondre. Le Gouvernement promet, depuis 2020, un chèque alimentaire qui n’arrive jamais. Cette proposition de loi apporte donc plusieurs réponses en urgence ; elle permet de faire le lien entre le pouvoir d’achat, le bien manger, la réduction de l’impact environnemental de l’alimentation et le progrès de l’agroécologie.

L’article 1er instaure une prime d’alimentation exceptionnelle. Le groupe Socialistes et apparentés soutient cette mesure urgente, qui s’inscrit dans la lignée de propositions qu’il défend régulièrement. Nous insistons sur la nécessité de trouver un mécanisme qui permette d’orienter cette aide vers une alimentation durable, locale et de qualité. La mise en œuvre d’un tel dispositif est particulièrement complexe ; aussi le comité de parties prenantes devra-t-il, d’une part, flécher l’utilisation de la prime vers des denrées et produits alimentaires durables et, d’autre part, rechercher un système pérenne, en lien avec une agriculture durable. Il existe déjà de nombreuses initiatives et réflexions, telles que la carte Vitale de l’alimentation et la sécurité sociale de l’alimentation.

L’article 2 prévoit qu’en 2025 les services de restauration collective scolaire devront proposer une option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, deux menus végétariens sans autre choix. Cette disposition va dans le bon sens. La cantine doit permettre à tous d’accéder à une alimentation de qualité, diversifiée et de nature à favoriser des productions respectueuses de l’environnement. Nous proposerons d’étendre cette mesure à la restauration collective des autres administrations et des entreprises publiques.

Enfin, l’article 3 prévoit d’interdire la mise sur le marché de produits à base de viande contenant des additifs nitrés, à compter de 2024 pour ceux qui ne sont pas traités thermiquement et de 2025 pour les autres. Tout aussi pertinent à nos yeux, il reprend en partie une proposition de loi de notre collègue Richard Ramos relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie. Nous l’avions soutenue, mais elle avait été largement vidée de son contenu lors de son examen. La proposition étend l’interdiction à la production, à l’importation et à l’exportation. Au vu des efforts déjà réalisés par beaucoup d’industriels, il s’agit d’une mesure raisonnable et souhaitable.

Nous soutiendrons donc cette proposition de loi.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. De nouvelles catégories de la population font désormais appel aux banques alimentaires, dont notamment des jeunes et des personnes âgées.

La concertation que nous souhaitons doit s’inscrire dans la durée, donc intervenir dans un deuxième temps. Les associations estiment qu’elle pourrait prendre entre six mois et un an. C’est la raison pour laquelle il est impératif de mettre d’abord en place une aide à très court terme.

M. Thierry Benoit (HOR). Le présent texte porte sur des sujets dont le Gouvernement se préoccupe depuis des années. Notre collègue Stéphane Travert, ici présent, était ministre de l’agriculture et de l’alimentation, il y a six ans, et le projet de loi Égalim – dans lequel il était beaucoup question du contenu des assiettes, notamment celles des enfants – a été l’occasion d’évoquer un certain nombre de points qui figurent dans la proposition de loi.

Comme bon nombre de députés, je suis fatigué des chèques et des primes. Votre texte a malgré tout le mérite d’exister et il n’est pas sans intérêt. Mais le vrai sujet du moment pour nos concitoyens, c’est celui de leurs besoins vitaux : se nourrir, se loger et se déplacer. Cela passe par de meilleurs salaires et le partage de la richesse, sujet régulièrement abordé, d’ailleurs, par des députés de différents groupes. Aussi et au risque de surprendre certains, avais-je déposé dès l’été dernier un amendement pour taxer les superprofits et ai-je soutenu tous les amendements tendant à les imposer davantage, ainsi que les dividendes.

Je ne suis pas favorable à l’article 1er, car le Gouvernement travaille à la création d’un chèque alimentation – un instrument difficile à mettre en œuvre, comme l’a relevé Mme Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). L’article 1er vient ainsi télescoper la proposition du Gouvernement.

En ce qui concerne l’article 2, je vous sais gré d’avoir pris la précaution de dire que la proposition ne s’en prenait à personne. Mais un député vient tout de même de trouver le moyen d’utiliser ce texte comme prétexte pour attaquer l’élevage. Il n’a pas pu s’en empêcher ! Arrêtons d’oppresser les Français !

Il faut une meilleure éducation en matière de nutrition afin d’améliorer la santé. L’ancien ministre Michel Barnier avait commencé, en incitant à consommer cinq fruits et légumes par jour. Les anciens ministres Stéphane Le Foll, Stéphane Travert et Julien Denormandie ont poursuivi cet effort en insistant sur la nécessité d’un repas équilibré et de qualité pour les enfants.

Aux dires d’un maire de ma circonscription, les jours où les restes sont les plus importants sont ceux où la cantine scolaire propose des menus végétariens. L’affaire est donc compliquée.

Notre collègue Richard Ramos a beaucoup travaillé sur les additifs nitrés. Vous reprenez un point qu’il avait relevé – avec la majorité – et sur lequel les filières industrielles concernées sont en train de se pencher afin de réduire drastiquement l’utilisation de ces additifs dans les charcuteries.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Nous sommes tous « fatigués des chèques et des primes »… comme le sont, en premier lieu, les Français qui doivent y faire appel pour s’alimenter. Nous allons, dites-vous, télescoper des mesures du Gouvernement ? Encore faudrait-il qu’il en ait proposé de concrètes ! Nous en proposons une.

Nous ne sommes ni contre l’élevage, ni contre la viande. Nous voulons moins de viande, mais une viande de meilleure qualité et plus locale.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures à dix-huit heures quinze.

 

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). L’inflation alimentaire constitue un braquage du porte-monnaie des Français. L’alimentation dégradée et la malnutrition constituent un enjeu et un risque pour la santé publique. L’épidémie d’obésité, de diabète et de cholestérol touche évidemment davantage les plus pauvres.

L’agriculture française ne profite pas des hausses de prix et elle continue à devoir affronter la concurrence libre et faussée des traités de libre-échange. Après l’Accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, Ceta), le Marché commun du Sud (Mercado Común del Sur, Mercosur) pointe le bout de son nez.

Il est donc urgent de traiter ces sujets, d’autant que la loi Égalim a échoué à renverser la logique de construction des prix – pour le plus grand profit de l’industrie et de la grande distribution, dont Gouvernement se révèle incapable de contraindre les taux de marge : une fois de plus, c’est le consommateur qui trinque.

La proposition de loi vise à répondre à cette situation et j’en apprécie l’état d’esprit.

L’article 1er, qui me semble aller dans le bon sens, concrétise une promesse présidentielle non tenue.

L’article 3 mérite d’être soutenu.

Mon expérience d’élu me conduit à estimer qu’il faut faire évoluer l’article 2, pour prendre en compte les difficultés de mise en œuvre par les collectivités locales.

À Dieppe, les militants communistes ont organisé, avec l’aide de maraîchers locaux, une distribution de fruits et légumes pour les populations les plus modestes. Force est de constater que cela a trop bien fonctionné, ce qui montre qu’il est impossible pour nos concitoyens qui subissent l’uppercut de l’inflation d’avoir accès à une alimentation saine, de qualité et de proximité.

Lors du débat sur cette proposition, nous allons soutenir de manière plus globale une agriculture et une alimentation qui fonctionnent ensemble. Nous voulons aussi aider les personnes en difficulté – y compris par le biais d’un chèque alimentaire – en privilégiant l’agriculture française, les filières courtes, les produits labellisés et l’agriculture bio.

Nous partageons l’esprit de votre proposition de loi.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je suis ravie que vous nous rejoigniez sur le fond du texte. Nous souscrivons à l’idée qu’il faudra mener, dans un second temps, une réflexion sur l’alimentation en général et sur l’éducation dont elle peut faire l’objet. Il faut réapprendre à cuisiner des produits bruts et proposer plus de fruits et de légumes aux enfants.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je remercie la rapporteure pour son travail acharné qui, fruit de rencontres avec les différents acteurs, a permis de faire émerger des solutions concrètes pour répondre aux problèmes des Français. Des millions d’entre eux ne mangent pas à leur faim. Les files d’attente pour bénéficier des distributions de nourriture n’en finissent pas de s’allonger et on y trouve aussi bien des jeunes que des moins jeunes. Il est donc temps d’agir.

En outre, notre assiette est déséquilibrée depuis des années, avec des conséquences directes sur la santé – et ce, dès le plus jeune âge. Nous consommons en effet trop peu de protéines végétales et de fruits et légumes. C’est en particulier le cas des enfants, puisque seulement 23 % d’entre eux mangent les cinq fruits et légumes recommandés chaque jour. Nous consommons également trop de produits sucrés et ultratransformés, qui comprennent des additifs nocifs pour la santé. Les plus précaires sont évidemment les plus touchés, ce que confirme la littérature scientifique.

Depuis 2021, la hausse des prix alimentaires aggrave cette situation, car elle limite l’accès aux produits frais et sains, en particulier pour les plus pauvres. L’accès de tous à une alimentation saine et durable est une priorité pour les écologistes, mais aussi pour nombre d’entre vous.

C’est une priorité environnementale. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) présente la transition vers des régimes sains et durables comme une solution et tous les scénarios de transition écologique s’appuient sur la végétalisation de nos assiettes.

C’est également impératif pour la santé. Les différents avis de l’Anses et du Haut-Conseil de la santé publique (HCSP) rappellent combien il est important de végétaliser notre alimentation.

Cette proposition ne réglera pas tous les problèmes d’un coup de baguette magique, mais elle prévoit des outils concrets pour protéger nos concitoyens à court, moyen et long termes. La prime d’alimentation permettra enfin de remplir les assiettes qui sont aujourd’hui trop vides. Nous partageons tous cet objectif, indépendamment de nos appartenances partisanes.

Pour rassurer notre collègue Thierry Benoit, je signale que la FNSEA a proposé la création d’un chèque alimentation pour les plus précaires. Puisque vous avez cette information, vous pouvez donc maintenant soutenir notre texte.

L’alternative végétarienne permet de donner plus de choix aux enfants et elle permettra d’augmenter enfin leurs apports en vitamines et en fibres. Loin des caricatures des pro- et anti-viande, il s’agit de savoir ce qui est le mieux pour les nouvelles générations.

Enfin, l’interdiction des nitrites évitera quatre mille nouveaux cas de cancer. Bien entendu, ce n’est pas chez Fauchon ou dans les bonnes boucheries artisanales qu’on trouve le plus ces additifs. C’est bien pour cela qu’il faut agir. Comme le ministre Marc Fesneau a rendu public hier, en urgence, un nouveau plan d’action contre les nitrites, je suis certaine que le groupe Renaissance et ses alliés soutiendront les dispositions sur ce sujet qui figurent dans la proposition de loi…

Cette dernière ne réglera pas tous les problèmes, mais elle propose des outils concrets qui font défaut aujourd’hui.

Le groupe Écologiste-NUPES a souvent soutenu les textes présentés par d’autres groupes. Je n’ai aucun doute sur le fait que vous soutiendrez, vous aussi, ce qui est juste.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Nous n’avons plus le choix : l’environnement ne peut plus attendre, la bifurcation écologique est une urgence. Cela suppose aussi de s’occuper du contenu de nos assiettes. Nous proposons trois mesures de bon sens pour répondre aux urgences sociale, climatique et sanitaire.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Près de huit millions de personnes subissent la précarité alimentaire en France. Derrière ce chiffre, il y a des hommes, des femmes et des enfants qui souffrent de la faim ou de la malnutrition, en se privant ou en sautant des repas. Cela provoque des carences et des problèmes de santé.

Députée de la première circonscription de Mayotte, je me dois de dire que l’Éducation nationale signale régulièrement que de nombreux enfants ont faim lorsqu’ils vont à l’école. Il n’est pas possible d’apprendre quand on a faim. Il n’y a pas de cantines scolaires à Mayotte, où le service de restauration pour les enfants est quasi inexistant. La faim est un sujet pressant pour de nombreux foyers mahorais. Par ailleurs, l’inflation des prix alimentaires est comprise entre 20 et 30 % à Mayotte, où 74 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est dire combien la proposition présente un caractère d’urgence pour le territoire que je représente.

La situation est loin de s’améliorer dans l’ensemble du pays. La covid-19 puis l’inflation ont fait grossir les rangs des bénéficiaires de l’aide alimentaire. Aux mères célibataires et aux retraités sont venus s’ajouter les étudiants et ceux qui ont un emploi précaire. Tel est le constat : l’insécurité alimentaire s’installe chaque jour un peu plus. Comme vous, je ne me résous pas à cette situation – et d’autant moins qu’il existe des solutions politiques pour réduire la précarité. Les politiques mises en œuvre jusqu’à présent sont très insuffisantes.

La majorité fera valoir l’indemnité inflation. Mais elle ne couvre que les dépenses énergétiques, n’a été versée qu’une fois et ne sera pas reconduite. On nous parlera aussi du chèque alimentaire. Mais verra-t-il le jour ? Combien de fois a-t-il été annoncé avant que le projet ne soit abandonné ?

C’est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est favorable à cette initiative du groupe Écologiste. Si nous partageons votre volonté de mettre en place une prime alimentaire pour les Français les plus défavorisés, nous estimons toutefois que son montant devra être revalorisé dans les outre-mer, où le coût de la vie est beaucoup plus élevé que dans l’Hexagone – notamment en raison des prix alimentaires.

Je veux aussi mettre en garde sur la qualité nutritionnelle des produits vendus outre-mer. En dépit de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, dite loi « Lurel », la teneur en sucre de certains produits y reste plus élevée que dans l’Hexagone, avec des conséquences dramatiques sur la santé des Ultramarins – en particulier en ce qui concerne l’obésité et le diabète. À quand un contrôle régulier des industriels, assorti de sanctions en cas de manquements ?

Le menu végétarien dans les cantines scolaires est une piste qui mérite d’être explorée, à condition de renforcer la formation des gestionnaires de la restauration collective.

En ce qui concerne les additifs nitrés, il faut accompagner la filière pour qu’elle change ses pratiques.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Il faut en effet augmenter la prime d’alimentation pour tenir compte du surcroît d’inflation observé outre-mer.

Vous avez également raison de ne pas accepter que certains aient faim.

Enseignante moi-même, il m’est arrivé de voir des enfants s’endormir sur les bancs parce qu’ils avaient faim. Le repas à la cantine était parfois leur seul repas équilibré – voire le seul repas de la journée. Notre responsabilité est grande car il faut répondre à cette situation inacceptable.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’article 2 propose une option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, un menu végétarien sans autre choix.

La loi Climat et résilience prévoit déjà que les collectivités territoriales peuvent expérimenter une option végétarienne quotidienne dans les services de restauration scolaire dont elles ont la charge. Nous n’avons, à ce stade, aucune idée précise de l’effet de cette mesure sur le gaspillage alimentaire, sur le coût des repas et sur l’approvisionnement en produits de qualité. Il est donc malvenu de légiférer sans disposer d’éléments tangibles sur les bienfaits éventuels des repas végétariens dans les cantines scolaires.

Pourquoi, dès lors, imposer un menu exclusivement végétarien chaque semaine ? N’est-ce pas tout simplement pour supprimer la viande de nos assiettes de manière détournée, avec les dangers que cela comporte ?

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). Nous ne sommes pas favorables aux chèques, car il est difficile de savoir s’ils sont utilisés conformément à leur objet. Je propose que nous donnions plutôt de l’argent aux banques alimentaires, qui rencontrent d’énormes difficultés pour acheter des denrées en grande quantité. Notre agriculture a en effet été mise à mal et il n’y a plus de surplus disponibles.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je salue le travail des banques alimentaires. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, nous avons voté une dotation de 60 millions d’euros en leur faveur. Elles doivent bien entendu être soutenues et aidées.

Malheureusement, les produits qui sont distribués dans les banques alimentaires sont généralement beaucoup trop gras, trop sucrés ou trop salés. Il faut continuer à les aider à diversifier davantage leurs produits, mais aussi augmenter le pouvoir d’achat.

Je suis très heureuse que l’on se préoccupe du gaspillage alimentaire dans les cantines. Dans ma circonscription, on pratique déjà le repas végétarien dans les cantines et il y a moins de gaspillage alimentaire. Il y a beaucoup de préjugés et j’espère que le débat nous permettra de vous convaincre qu’il s’agit d’une mesure nécessaire et réalisable.

M. Éric Martineau (Dem). J’ai aussi été bénévole dans une banque alimentaire pendant plus de vingt ans. Lorsque nous passions des commandes, nous pouvions choisir des produits frais ou des fruits et légumes pour les distribuer.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. M. Vigier a estimé qu’il était encore trop tôt pour légiférer, au motif que des expérimentations sont en cours sur les menus végétariens dans les cantines scolaires et que nous ne disposerions pas encore de leurs résultats en matière de réduction du gaspillage alimentaire ou de coût.

Je suis allée à la rencontre de collectivités territoriales qui vont déjà au-delà de ce qui est prévu par la loi en matière de menus végétariens. Si vous faisiez de même, vous verriez que le simple fait de s’inscrire dans une telle démarche leur a permis de mener une réflexion vertueuse au sujet de l’amélioration de ces menus. Cela les a conduites à s’interroger sur les actions qui peuvent être menées pour l’éducation à l’alimentation des enfants, pour lutter contre le gaspillage et pour acheter plus de produits bios et locaux. La commune de Mouans-Sartoux a instauré l’option du menu végétarien depuis bien longtemps et le gaspillage alimentaire y est très en deçà de la moyenne nationale : 30 grammes par assiette au lieu de 150 grammes.

Lorsque l’on augmente le nombre de repas végétariens, on diminue les coûts. Cela permet d’acheter de manière plus locale, qu’il s’agisse de produits bios ou de viandes de meilleure qualité. Nous ne voulons absolument pas supprimer la viande des assiettes de nos enfants – je ne suis moi-même pas végétarienne –, nous proposons simplement d’introduire au moins deux menus végétariens par semaine.

M. Bourgeaux a fait part de son inquiétude quant au fait que la prime d’alimentation pourrait servir à acheter autre chose que des produits alimentaires. Quand vous avez faim et que l’on vous donne les moyens d’être autonome pour faire vos courses, l’aide est forcément utilisée pour des produits alimentaires. Une expérimentation en cours à Montreuil montre que lorsque l’on attribue une telle aide, elle est utilisée à 96 % pour l’alimentation.

Vous n’étiez pas présent lors de l’audition des représentants des banques alimentaires. C’est dommage, car ils ont estimé que la prime d’alimentation était essentielle à court terme en l’absence d’un autre dispositif d’aide pour ceux qui ont faim. Ils nous disent qu’ils sont à bout, qu’ils n’ont plus assez de bénévoles et de moyens. Si vous donnez de nouveau à des gens les moyens de retourner faire les courses et de ne plus faire appel aux Restos du Cœur, au Secours catholique, au Secours populaire ou aux associations qui leur viennent en aide, ce sera une bouffée d’air. Ces associations sont souvent animées par des retraités, qui leur consacrent beaucoup de temps et auxquels je rends hommage. Allez les rencontrer et vous verrez qu’il n’y a pas d’autre mesure pour répondre aux besoins.

 

Article 1er : Mise en place d’une prime d’alimentation exceptionnelle

 

Amendement de suppression CE73 de Mme Anne-Laure Blin.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Plutôt que de prendre le problème à bras-le-corps et de trouver de véritables solutions, vous faites preuve d’un militantisme dogmatique.

J’assume vouloir supprimer cet article, car je réfute la politique du chèque. Les Français ne veulent pas d’aumônes, ils veulent pouvoir vivre de leur travail. Tel est le problème : il est structurel et votre proposition ne le résout pas.

Mon amendement est cohérent avec la position de mon groupe, qui s’était opposé dès l’été dernier à la politique du chèque menée par le Gouvernement. Vous la dénonciez quand il s’agissait des carburants, mais vous adoptez finalement le même raisonnement.

Je suis défavorable au dispositif que vous proposez, tout d’abord parce qu’il n’est que conjoncturel. De plus, vous ne résoudrez pas les difficultés des Français avec la somme modique de 50 euros. C’est ridicule, cela ne changera strictement rien et n’améliorera pas leur pouvoir d’achat.

J’avais, pour ma part, déposé un amendement instaurant un titre-restaurant étudiant, c’est-à-dire une aide fléchée pour ceux qui sont en difficulté. Ce n’est pas le cas de la prime que vous proposez et rien ne garantit qu’elle sera dépensée pour acheter des produits alimentaires.

M. le président Guillaume Kasbarian. Le président de la commission des finances avait déclaré irrecevable l’amendement auquel vous avez fait référence, car il créait une charge.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Vous évoquez une « politique du chèque », comme si la mise en place du chèque alimentaire constituait un gâchis d’argent public.

Il faut de nouveau rappeler quelle est la situation du pays : l’inflation des prix alimentaires a atteint des niveaux inédits ; avec une moyenne de + 15 %, elle induit de fortes modifications des comportements des consommateurs, qui ont de moins en moins les moyens d’acheter des produits frais et de qualité.

L’urgence est triple. Elle est d’abord sociale, les associations d’aide alimentaire enregistrant une hausse record des fréquentations, avec une multiplication par trois du nombre de bénéficiaires en dix ans.

Elle est ensuite sanitaire. L’inflation entraîne un recul de la consommation de produits frais et de qualité, particulièrement des fruits et des légumes. Cela pose un véritable problème de santé publique, alors que 47 % des Français sont en surpoids et 17 % sont obèses. De plus, nous ne sommes pas égaux devant ces risques pour la santé, la prévalence de l’excès de poids étant de 50,1 % chez les ouvriers et de 35 % chez les cadres.

L’urgence est enfin économique. C’est toute la stratégie de montée en gamme de l’agriculture française qui est menacée par le niveau actuel de l’inflation, comme en témoigne la chute très préoccupante de la consommation de produits bios. Or la seule réponse apportée par le Gouvernement est le très hypothétique chèque alimentaire, promis il y a plus de deux ans par le Président de la République, de nouveau annoncé pendant la campagne présidentielle et resté depuis lettre morte. Le Gouvernement semble désormais vouloir transformer le chèque alimentaire en une ligne budgétaire d’à peine 20 millions d’euros, qui plus est pour financer des expérimentations locales. Cela ferait presque sourire si le sujet n’était pas si grave.

Ce constat doit nous inviter à rejeter l’amendement de suppression et à voter l’article 1er, qui repose sur un dispositif en deux temps : l’attribution d’une prime alimentation exceptionnelle de 50 euros aux ménages les plus précaires, dès le 1er juillet 2023 ; la réunion d’un comité des parties prenantes chargé de proposer des solutions pérennes, à partir de septembre 2023.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous sommes contre la suppression de l’article 1er, qui vise non seulement à répondre à une urgence mais aussi à assurer un accès pérenne à une alimentation digne. Nous proposerons un amendement ayant pour objet de proposer une alimentation de qualité afin de répondre à des impératifs de santé.

M. Pascal Lavergne (RE). Nous ne sommes pas favorables à la suppression de cet article, car nous souhaitons proposer un amendement de réécriture. Le chèque alimentation est un engagement de campagne du Président de la République et le Gouvernement est en train de travailler sur un certain nombre de mesures.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Un amendement de suppression sur un article d’une proposition de loi de l’opposition, cela ne se fait pas, chère collègue : on laisse prospérer le débat !

Sur le fond : si vous trouvez que cinquante euros par personne et par mois ne sont rien, je ne sais pas sur quelle planète vous vivez ! Pour une famille de quatre personnes, cela représente deux cents euros par mois, soit au moins une semaine de courses.

Enfin, il faut avoir en tête les marqueurs sociaux qui caractérisent l’alimentation : les fruits, les légumes et les poissons sont surconsommés par les classes supérieures et sous-consommées par les classes populaires – pas par goût, mais parce qu’ils n’ont pas les ronds !

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous voterons cet amendement, car la politique du chèque ne fonctionne pas – comme l’a démontré le chèque carburant, perçu par moins de la moitié de ses bénéficiaires. De plus, cette mesure ne sera pas pérenne. Le Rassemblement national propose la suppression de la TVA pour un panier de cent produits de première nécessité : voilà une solution pérenne, adoptée au Portugal et qui fonctionne.

Par ailleurs, votre mesure ne permettrait pas de résoudre le problème de malnutrition, car elle ne prévoit aucun fléchage. Vous affirmez qu’elle coûterait 6,6 milliards d’euros contre 20 milliards d’euros pour les problèmes de malnutrition, mais il n’y a aucune garantie sur ce point.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Nous avons présenté des propositions structurelles comme l’augmentation du Smic, refusée par le Rassemblement national, ou encore l’allocation d’autonomie jeunesse. Toutefois, il s’agit ici de faire face à l’urgence : 50 euros par personne et par mois, cela permet de faire les courses et de remplir le caddie. Or vous voulez expliquer aux Français que votre solution, c’est de supprimer cette aide qui bénéficierait à 11 millions de personnes.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Nous voterons contre l’amendement de suppression. Revenez sur terre ! Cinquante euros par mois et par personne, cela permet de faire des courses et de se nourrir. Il faut avoir conscience qu’une partie des Français ne peuvent plus remplir leur caddie : selon un sondage commandé par le Secours populaire, en 2021, un Français sur cinq se trouve contraint de sauter un repas, alors que nous sommes la septième puissance mondiale – et tout porte à croire que l’inflation a encore aggravé la situation. Nous avons des solutions structurelles à proposer – augmentation du Smic, garantie minimum d’autonomie – mais, dans l’urgence, c’est une mesure conjoncturelle que nous soutenons.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE55 de M. Pascal Lavergne, amendement CE22 de Mme Stéphanie Galzy et sous-amendement CE111 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

M. Pascal Lavergne (RE). Notre amendement vise à réécrire l’article 1er. L’idée du chèque alimentaire a émergé en raison des difficultés que rencontrent les Français ces derniers mois. Le Président de la République l’a reprise dans son programme et nous souhaitons nous associer à la définition d’une mesure différente, moins onéreuse. Il faut agir dans le domaine du mieux manger. Des mesures ont déjà été adoptées concernant l’inflation : ne confondons pas les systèmes. Nous nous plaçons sur le terrain de l’accès à des produits de qualité et en circuit court.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Afin de proposer une solution viable économiquement et permettant un réel accès à une meilleure alimentation, cet amendement reprend la proposition de Marine Le Pen visant à instaurer la TVA à 0 % sur un panier d’une centaine de biens de première nécessité. La TVA sur les aliments représente une charge fiscale importante pour tous les Français et nombreux sont ceux qui sont à l’euro près quand ils achètent des aliments. Cette mesure est également bénéfique pour notre économie, car elle favorise la consommation de produits locaux et stimule la demande intérieure de produits agricoles. Une telle mesure est synonyme de soutien aux agriculteurs français et permettrait de renforcer la souveraineté alimentaire de notre pays.

M. Dino Cinieri (LR). Le sous-amendement, rédactionnel, vise à remplacer le mot : « produits » par le mot : « aliments ».

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Dans l’exposé sommaire de l’amendement CE55, vous semblez vous satisfaire du fonds proposé par le Gouvernement, alors qu’il est tout à fait insuffisant. La ligne budgétaire de 20 millions d’euros qui a été annoncée ne représente que 2 euros par personne en précarité alimentaire. Cela ne correspond absolument pas aux très nombreuses annonces faites par votre majorité ces dernières années concernant la mise en place d’un chèque alimentaire, dont le coût est estimé entre 6 et 7 milliards d’euros par an – soit l’équivalent de ce que coûterait notre mesure. Si le groupe Renaissance souhaite sincèrement travailler à un dispositif ambitieux d’ici à l’examen en séance, j’y suis ouverte. En l’état, mon avis est défavorable.

Je ne suis pas non plus favorable à l’amendement CE22 et à son sous-amendement car une TVA à 0 % est loin d’être l’outil le plus efficace pour faire face à l’urgence sociale. Dans la mesure où il ne permet aucun ciblage, les plus riches en bénéficient au même titre que les ménages les plus fragiles. De plus, le risque que le gain lié à la baisse de TVA soit absorbé par le producteur est important et limiterait l’efficacité de ce dispositif. Nous devons cibler les ménages les plus en difficulté. C’est tout l’objet de la prime que je propose à l’article 1er.

M. Pascal Lavergne (RE). Nous sommes opposés à une TVA à 0 %, qui bénéficierait non pas au producteur mais au distributeur ; en tout cas, cela n’arriverait pas dans la poche du consommateur.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La majorité propose, avec son amendement, de redonner de l’argent qu’elle a déjà donné et dénature ainsi le texte. Nous voterons contre. Le chèque alimentaire de 50 euros est nécessaire et doit exclure les produits provenant du Mercosur ou de mauvaise qualité nutritionnelle.

La commission adopte l’amendement CE55 et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements à l’article tombent.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE36 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Cet amendement vise à instaurer un panier anti-inflation – un vrai, celui-ci, pas celui que Bruno Le Maire a présenté sur tous les plateaux télé pour immédiatement l’abandonner. Il concernerait les produits agricoles et alimentaires qui connaissent des évolutions de prix excessives. Il serait défini chaque année par le Gouvernement et porterait sur une liste de produits dont le prix serait fixé à un niveau inférieur à l’inflation. Lorsque les supermarchés s’en chargent, ils incluent dans leurs paniers les produits les plus chers et les plus mauvais : ce sont des paniers percés et non des paniers anti-inflation.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Si je partage l’objectif poursuivi, je préférerais conserver les fondamentaux du texte. Avis de sagesse.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La réécriture que vous venez d’adopter n’octroie que 2 euros par personne – même pas par mois ! –, alors que l’inflation est colossale : c’est indigent au regard de la difficulté dans laquelle se trouvent les Français. Alors donnez au moins un avis favorable au panier anti-inflation ! Vous ne pouvez pas laisser grossir les files devant les banques alimentaires.

M. Pascal Lavergne (RE). Je suis défavorable à cet amendement. Je ne comprends pas l’argument selon lequel l’article 1er ainsi rédigé n’accorderait que 2 euros par personne, car nous n’avons pas chiffré cet amendement. Une fois le dispositif en place, nous laisserons la main au Gouvernement et il n’est pas exclu que l’on accorde des moyens supplémentaires à ce dispositif dans le cadre d’un collectif budgétaire.

Quant au panier anti-inflation, il existe déjà, le Gouvernement ayant annoncé la mise en place d’un trimestre anti-inflation. Cette opération, qui se déroulera du 15 mars au 15 juin, vise à ce que les distributeurs proposent un niveau de prix le plus bas possible sur un nombre élevé de produits identifiables par un logo tricolore.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Le calcul est simple : notre mesure coûte 6,6 milliards d’euros. Nous sommes conscients de l’effort financier que cela représente – ce n’est d’ailleurs pas un coût, mais un investissement. Votre mesure coûte 20 millions d’euros pour 11 millions de bénéficiaires des minima sociaux, soit environ 2 euros par personne. Allez faire un tour à la sortie de supermarchés et demandez aux Français s’ils pensent s’en sortir avec ce trimestre anti-inflation ! Je ne comprends pas, cher collègue Pascal Lavergne, comment vous pouvez dire que 20 millions seront suffisants.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE42 de M. Emmanuel Fernandes et CE43 de Mme Murielle Lepvraud (discussion commune).

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). Il s’agit de généraliser le bouclier qualité-prix en vigueur dans les outre-mer depuis la loi Lurel de 2012, qui a fait ses preuves. Il consiste en un panier de produits de première nécessité vendus à prix bloqué à l’issue d’une négociation entre le préfet, les producteurs, les industriels et les distributeurs. Les citoyens participent au choix des produits composant le panier. Cela permet, à l’inverse de ce qui est pratiqué lors du trimestre anti-inflation proposé par le Gouvernement, de ne pas confier ce soin à la seule grande distribution, laquelle privilégie souvent les produits qui ne sont pas les meilleurs pour la santé, au détriment des fruits et légumes frais.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Par cet amendement de repli, nous proposons d’expérimenter la généralisation du bouclier qualité-prix en vigueur dans les outre-mer pour une durée d’un an. Ce dispositif permet à la fois de bloquer le prix de produits de première nécessité pour les consommateurs et de structurer la négociation annuelle entre tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement. Il garantit une juste rémunération à tous les acteurs tout en préservant le pouvoir d’achat du consommateur.

L’extension de ce dispositif permettrait de lutter efficacement contre l’inflation. L’alimentation, qui est le premier poste de dépenses, diminue lorsque le pouvoir d’achat baisse : comment espérer que les Français consomment des produits bios, plus respectueux de l’environnement, et meilleurs pour la santé s’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour acheter ces produits ? Cet outil est un succès en outre-mer et son expérimentation dans tout le territoire pendant une année finira peut-être par vous convaincre.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Avis de sagesse. Je suis d’accord avec ces amendements sur le fond, mais ce n’est pas l’objet du texte.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je souhaite apporter un témoignage personnel. Il y a quelques semaines, une délégation de la commission s’est rendue à La Réunion. Nous avons pu échanger avec des citoyens tirés au sort et des élus réunionnais sur cette question. Il en ressort que, si ce dispositif a le mérite d’exister, il présente deux effets pervers : d’une part, en raison de pénuries, 20 % des produits du bouclier ne sont pas présents sur les étals, et, d’autre part, la grande distribution fait varier les prix au sein du bouclier en abaissant le prix de produits faiblement consommés et en augmentant celui des produits très fortement consommés. Ce dispositif n’est donc pas miraculeux.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Vous avez raison de souligner les effets pervers du dispositif ; nous aurons les mêmes avec le panier négocié par le Gouvernement avec la grande distribution.

À ceux qui s’inquiètent du coût de ce texte, je signale que plusieurs grandes banques font en ce moment même l’objet d’une perquisition du parquet financier pour fraude fiscale. Pour financer les mesures luttant contre la précarité alimentaire, je propose donc que nous prenions le pognon là où il se trouve, c’est-à-dire chez ceux qui pratiquent la fraude fiscale !

M. Pascal Lavergne (RE). Nous ne voterons pas ces amendements. Si le bouclier qualité-prix est adapté aux territoires ultramarins, il peut difficilement être étendu à l’ensemble du territoire national.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE49 et CE50 de Mme Caroline Parmentier (discussion commune).

Mme Stéphanie Galzy (RN). Avec l’amendement CE49, de repli, nous proposons d’appliquer un taux de TVA à 2,10 % sur un panier de cent produits de première nécessité.

Cette mesure attendue par les Français protégerait leur pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation et favoriserait leur accès à une alimentation saine. Nous devons faire quelque chose pour nos concitoyens, qui sont de plus en plus nombreux à avoir des difficultés face à la hausse du coût de la vie. Cette mesure de bon sens a été adoptée il y a quelques jours au Portugal : cela montre qu’une politique juste et sociale est possible.

L’amendement CE50 est défendu.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE30 de M. Dominique Potier.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous dénonçons le retard pris par le Gouvernement dans l’application de la loi Climat et résilience, laquelle prévoyait la remise d’un rapport intermédiaire au Parlement sur les modalités et les délais d’instauration d’un « chèque alimentation durable » ainsi que sur les actions mises en place en la matière, au plus tard le 22 octobre 2021, puis la remise d’un autre rapport, au plus tard le 22 février 2022, sur les conditions de la mise en œuvre de ce chèque.

Le Gouvernement ne nous ayant pas remis ces rapports, nous demandons qu’il le fasse au plus vite car nous en avons absolument besoin.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je partage entièrement votre point de vue : il est incompréhensible que ces rapports n’aient pas été remis, alors même qu’il en a été fait mention dans la presse.

Toutefois, votre amendement n’apporterait rien au niveau normatif : l’obligation prévaut déjà et le Gouvernement n’a pas tenu son engagement. Nous pourrons évoquer cette question avec le Gouvernement en séance publique. Comme sur les autres demandes de rapport déposées sur ce texte, mon avis sera défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). J’insiste sur la valeur symbolique de cet amendement : il s’agit tout simplement de contraindre le Gouvernement à respecter ses engagements.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 : Développement des menus végétariens dans les cantines scolaires

 

Amendements de suppression CE20 de M. Jean-Pierre Vigier, CE48 de M. Pascal Lavergne, CE74 de Mme Anne-Laure Blin et CE77 de M. Grégoire de Fournas.

M. Pascal Lavergne (RE). La loi Climat et résilience oblige les cantines scolaires à proposer un menu végétarien par semaine. Aucun texte n’interdit à une collectivité territoriale de proposer davantage de repas végétariens dans une semaine et, du reste, certaines collectivités le font.

Sur le plan pratique, plusieurs éléments tendent à démontrer que l’obligation de proposer deux repas végétariens et/ou une alternative quotidienne n’est pas adéquate. Les collectivités territoriales y sont réticentes et cette mesure n’est pas très bien accueillie sur le terrain. Je suis attaché au principe de la différenciation territoriale : alors que les grandes collectivités n’auraient sans doute aucun mal à appliquer cette mesure, les petites communes rencontreraient des difficultés. Nous ne voulons pas introduire d’obligation, puisque les collectivités qui le souhaitent peuvent déjà proposer davantage de menus végétariens. Et nous n’y sommes pas hostiles, puisque nous avons nous-mêmes œuvré en ce sens.

Mme Anne-Laure Blin (LR). La loi impose déjà un menu végétarien par semaine et je pense qu’il ne faut pas aller plus loin, car c’est déjà assez compliqué pour les collectivités. Ce qui est le plus gênant, c’est l’idéologie qui sous-tend cette proposition : on voit bien que l’objectif, à terme, est d’interdire la consommation de viande.

Et l’on constate déjà une forme d’activisme dans nos territoires. Ainsi, pendant la crise de la covid-19, des maires écologistes ont imposé, pendant plusieurs semaines, des menus sans viande dans les cantines. À Lyon, cette décision a été attaquée à la fois par la Fédération départementale de syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) et par des parents et, le 24 mars 2023, le tribunal administratif a condamné la ville de Lyon, estimant que ces menus ne couvraient pas les besoins des élèves. La cantine est un lieu où les enfants peuvent avoir un repas équilibré, ce qui n’est pas toujours le cas dans leur famille. Le tribunal a estimé qu’au cours d’un cycle de vingt repas successifs, il convient de proposer au moins quatre repas avec des viandes non hachées de bœuf, veau, agneau ou des abats de boucherie et ce, afin de garantir les apports en fer et en oligoéléments aux enfants.

Si vous voulez garantir à tous les enfants une meilleure alimentation, il faut leur assurer un régime alimentaire équilibré, c’est-à-dire également à base de poisson et de viande.

M. Grégoire de Fournas (RN). Nos collègues ont déjà évoqué les difficultés pratiques qu’une telle mesure poserait aux cantines et insisté sur la nécessité d’offrir à nos enfants une alimentation équilibrée. Pour ma part, je veux surtout rendre hommage à nos éleveurs, qui sont directement attaqués par ce genre de disposition. Je ne suis pas sûr qu’à l’époque j’aurais voté pour l’obligation d’un repas végétarien par semaine, mais il est hors de question que je vote pour l’obligation d’en instaurer un deuxième. M. Aymeric Caron demande l’interdiction totale des protéines animales : il a le mérite d’être honnête. Vous, vous avez choisi la stratégie du petit pas, mais on voit bien que votre objectif ultime est exactement le même. Nous, nous défendons l’élevage français, qui est une belle filière de notre agriculture, et la possibilité, pour nos enfants, de manger de la viande.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Monsieur le président, avec votre permission, je ferai une réponse un peu longue, compte tenu du grand nombre d’amendements de suppression déposés sur cet article. Aux croyances personnelles qu’ont exposées nos collègues Blin et de Fournas, je voudrais répondre par des faits scientifiques.

Le dispositif introduit par l’article 2 est simple et équilibré. Nous proposons qu’à compter de 2025, les enfants se voient proposer, au choix : deux fois par semaine un menu végétarien sans autre choix et/ou, tous les jours, une option végétarienne. Cette mesure, qui préserve la liberté des collectivités territoriales, a été travaillée avec des acteurs de terrain, en tenant compte des contraintes locales, matérielles ou spatiales. Les gestionnaires et les élus pourront choisir entre ces deux options ; il n’y a donc aucune atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Selon un sondage récent, 80 % des Français sont favorables à l’obligation, pour les cantines scolaires, de proposer une option végétarienne quotidienne ou deux menus végétariens par semaine.

Je suis un peu interloquée par les contre-vérités que vous véhiculez.

Premièrement, il est faux de dire que cet article n’est pas opportun sur le plan environnemental et je dois dire que c’est l’argument qui m’étonne le plus, dans la mesure où la nécessité de réduire notre cheptel et notre consommation de viande fait désormais l’objet d’un consensus scientifique. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), les différents scénarios de transition écologique nécessiteront de réduire considérablement, à hauteur de 30 à 70 %, notre consommation de viande.

Il me paraît important de faire un point sur les émissions de gaz à effet de serre liées à l’activité agricole pour comprendre à quel point la réduction de notre consommation de viande est une nécessité.

Le gaz à effet de serre le plus connu est le dioxyde de carbone. On pense à tort qu’il est l’un des principaux postes d’émission dans l’agriculture, en raison des importations de viande ou de fruits et légumes. En réalité, le CO2 ne représente que 20 % des émissions et il provient en grande partie de la production d’engrais azotés, utilisés pour faire pousser les céréales qui nourrissent le bétail. Ces engrais, que nous importons à 67 %, sont une bombe climatique : la fabrication d’une tonne d’ammoniac à partir de gaz naturel émet deux tonnes de CO2. Comment peut-on parler de souveraineté alimentaire, alors que nous sommes si dépendants ? Peut-on se satisfaire que notre modèle agricole soit soumis aux fluctuations du prix du gaz ? Et il est illusoire de croire que nous pourrions produire ces engrais sur notre sol, tant il faudrait d’énergie décarbonée pour produire les 2 millions de tonnes d’engrais azotés consommés par la France.

J’appelle aussi votre attention sur la déforestation importée. Contrairement à ce qu’indiquent vos amendements, 87 % du soja importé par l’Union européenne sont destinés à l’alimentation animale, surtout à la volaille. Or chacun sait que la culture du soja est l’une des causes majeures de la déforestation et contribue à détruire des puits de carbone. Réduire notre consommation de viande blanche et rouge, c’est aussi éviter, indirectement, de faire pression sur nos forêts.

Le deuxième gaz à effet de serre le plus connu est le méthane, qui représente à lui seul 44 % des émissions du secteur agricole. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) estime ainsi que l’impact d’une unité de masse de méthane sur le climat est égal à quatre-vingt-quatre fois celui du CO2 pour une durée de vingt ans. Certains seront sans doute tentés de citer les dernières expériences menées par Danone et d’autres industriels pour limiter la fermentation entérique, mais qui peut croire que nous atteindrons nos objectifs grâce à des masques anti-rots pour vache ? Ce n’est pas sérieux.

Le dernier gaz à effet de serre, beaucoup moins connu, est le protoxyde d’azote. Il est émis au moment de l’épandage d’engrais sur les sols et a 300 fois plus de pouvoir de réchauffement que le CO2. Alors que le méthane ne reste qu’une dizaine d’années dans l’atmosphère, la durée de vie du protoxyde d’azote est de l’ordre de cent vingt ans. Ces chiffres vertigineux démontrent l’insoutenabilité du modèle agricole actuel.

Pour compléter ce tableau, il faut encore mentionner la pollution de l’eau par les nitrates, l’acidification des sols et la pollution de l’air par l’épandage d’engrais. Vous le voyez, les raisons qui nous obligent à réduire notre consommation de viande sont difficilement réfutables sur le plan environnemental. Il est temps de faire preuve de réalisme et d’engager, à tous les niveaux, une transition agricole. Et qu’y a-t-il de plus indolore que l’accélération de la végétalisation des assiettes dans la restauration scolaire ? Les habitudes alimentaires de nos enfants sont l’une des clés pour relever ce défi climatique.

Deuxièmement, j’aimerais dissiper plusieurs contre-vérités quant à l’application de cette mesure. J’entends dire qu’elle porterait atteinte à l’élevage français : il n’y a rien de plus faux. Dans le modèle que nous appelons de nos vœux, nous mangerions moins de viande, mais mieux : une viande de meilleure qualité, issue de filières locales et durables. Aujourd’hui, 50 % de la viande consommée par les enfants est importée. Or nous n’avons pas les moyens de fournir de la viande française à toutes nos cantines : notre cheptel est tout simplement insuffisant. Soit nous continuons sur une voie qui érode notre souveraineté alimentaire, soit nous entamons la transition qui s’impose, en permettant à nos éleveurs de mieux vivre. À Autun, la réouverture de l’abattoir local a été le prélude à une transition globale de la collectivité et à une végétalisation acceptée par tous. Les enquêtes de terrain le confirment : les cantines qui ne proposent pas de menu végétarien ne sont que 20 % à acheter de la viande bio et locale, contre 50 % pour celles qui proposent une option végétarienne quotidienne.

J’entends dire aussi que les collectivités locales subissent une forte pression inflationniste et normative. C’est vrai et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, nous avions proposé au Gouvernement la création d’un bouclier alimentaire pour les collectivités et des mesures de soutien à la transition dans les cantines. Mais nous n’avons pas été entendus. Nous appelons évidemment le Gouvernement à soutenir massivement le déploiement de ces menus.

Nous n’avons pas constaté, lors de nos déplacements, que l’introduction du second menu végétarien entraînait une hausse considérable du coût des repas, bien au contraire. D’une manière générale, nous appelons tous les acteurs à faire preuve de responsabilité. Chacun sait qu’il faudra aller vers plus de végétalisation. Alors pourquoi attendre ? Plus nous attendons, plus nous risquons de devoir le faire dans la précipitation. Le rôle du législateur est d’anticiper les changements de société.

Troisièmement, l’argument selon lequel cette mesure favoriserait le gaspillage alimentaire ne tient pas non plus. Les chefs cuisiniers seront formés pour élaborer des recettes végétariennes savoureuses. J’ajoute que le rapport d’application de l’expérimentation ne conclut ni à une hausse, ni à une baisse du gaspillage.

Enfin, il n’est pas vrai que cette disposition risque de ne pas satisfaire les besoins nutritionnels des enfants. L’Anses a publié un avis sur la question du menu végétarien dans les cantines scolaires. Il indique que les menus végétariens ne nuisent en rien à l’équilibre nutritionnel des enfants, qu’ils présentent même un avantage, puisqu’ils augmentent les apports en fibres, et qu’ils n’impliquent pas un risque de carence en protéines animales ou en oméga 3. L’essentiel, c’est de limiter la consommation de produits transformés ; ce sera d’ailleurs l’objet de l’un de mes amendements, que nous pourrons examiner si cet article n’est pas supprimé.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements. J’espère que vous saurez faire preuve de réalisme et que nous pourrons sortir collectivement des postures idéologiques et des croyances personnelles.

M. le président Guillaume Kasbarian. Madame la rapporteure, je vous remercie pour ce long exposé. J’aimerais, quant à moi, vous faire part d’une modeste expérience de terrain, dans laquelle l’idéologie n’a aucune part.

La ville de Chartres a décidé d’expérimenter, dans ses cantines, le choix végétarien à chaque repas, et les retours sont plutôt positifs. Le maire de Chartres n’est pas de votre bord politique, mais il a fait le choix de mener cette expérimentation, et il l’a fait librement. Cela prouve que la loi permet déjà aux collectivités qui le souhaitent d’introduire davantage de menus végétariens.

Ce que je ne comprends pas, c’est votre volonté d’imposer cette mesure à toutes les communes. Notre république est fondée sur la libre administration des collectivités locales. Nos concitoyens choisissent leurs élus locaux, qui ont ensuite le pouvoir sur leur commune. Je crois qu’il vaut mieux les responsabiliser que leur imposer des choses. Il me semble que cet article remet en cause le principe de libre administration des collectivités et la liberté des élus locaux.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je suis très heureuse d’entendre un soutien du Gouvernement défendre la liberté des collectivités locales, car ce n’est pas toujours le cas. Pour notre part, nous nous battons pour la liberté des enfants de choisir ce qu’ils mangent et de manger des fruits et des légumes. Aujourd’hui, sept enfants sur dix sont obligés de manger soit de la viande, soit du poisson ; nous demandons qu’ils aient une alternative végétarienne. Et nous le demandons d’abord pour des raisons de justice sociale : ce sont les enfants d’ouvriers qui ont le moins accès aux fruits et aux légumes ; à l’adolescence, un enfant de cadres consomme 75 grammes de fruits et légumes de plus par jour qu’un enfant d’ouvriers.

Nous le demandons ensuite pour le climat. Oui, il faut planifier et contraindre, si nous voulons réduire massivement nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Enfin et à nos collègues qui défendent l’élevage français, je rappellerai que 50 % des volailles consommées dans les cantines sont importées.

Je suis fière de ce que font les élus écologistes au niveau local et j’espère que vous adopterez cet article.

M. Fabien Di Filippo (LR). Vous dites que ce sont les enfants des milieux populaires qui ont le moins accès aux fruits et aux légumes ; mais ce sont eux aussi qui ont le moins accès aux protéines animales de qualité.

Vous parlez des volailles importées : avant de nous battre pour qu’il y ait des menus végétariens dans les cantines tous les jours, battons-nous pour qu’il y ait un maximum de produits locaux, en renforçant les filières locales.

Ce texte a une dimension idéologique et je souscris aux propos du président sur la liberté des collectivités. Le choix qui est actuellement offert aux enfants me paraît tout à fait acceptable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). J’adhère aux propos de la rapporteure et je souhaiterais revenir sur les craintes qu’ont exprimées certains collègues au sujet de l’élevage. S’il y a deux menus végétariens par semaine, il ne restera que deux repas au cours desquels on proposera de la viande aux enfants. Ce peut être une bonne occasion de réaliser la transition écologique dont nous avons besoin et de passer d’un élevage intensif à un élevage extensif : la viande sera de meilleure qualité et ce sera une bonne chose pour l’environnement.

Mme Françoise Buffet (RE). Une seule ville en France a une vraie expérience en matière de plats végétariens : c’est Strasbourg. Depuis vingt ans, un menu végétarien est proposé chaque jour aux enfants. Longtemps, ces menus n’ont représenté que 3 % des repas distribués. Dans le cadre du plan Climat, voté il y a six ans, on a baissé le prix du repas végétarien, afin de le rendre plus attractif. On n’a pas dépassé les 5 %, malgré toute la publicité qui a été faite. Strasbourg est aussi la seule ville en France qui propose un repas confessionnel.

Je ne suis pas favorable à ce que l’on impose des choses. Il me semble en outre que cette mesure n’est pas souhaitable pour les enfants en bas âge. Elle est sans doute plus pertinente pour les collégiens et les lycéens, qui sont très sensibles à la question du climat et qui sont en âge de faire un vrai choix. Laissons les collectivités décider.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Si l’on veut atteindre la neutralité carbone, il faut réduire de 20 à 70 % notre consommation de viande. Proposer une option végétarienne relève donc simplement du bon sens.

Si j’ai bien compris, vous dites que c’est aux collectivités de penser pour les enfants : elles peuvent donc prendre en otage le cerveau des enfants ? Monsieur le président, vous dites qu’il faut laisser aux maires la liberté de décider, mais ce qui prévaut, dans notre pays, ce n’est pas la liberté des maires, c’est celle des citoyens ; en l’occurrence, la liberté des enfants et celle de leurs parents de leur dire : « Tu ne mangeras pas de viande si tu ne le souhaites pas. » Sur la consommation de viande, les enfants âgés de 5 à 8 ans ont souvent un avis très clair.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je souhaite vous faire part de deux expériences personnelles. D’abord, j’ai une petite-fille qui, à l’âge de 8 ans, a décidé d’être végétarienne et qui, durant sa scolarité au collège, n’a jamais pu avoir un repas équilibré, parce qu’on ne lui a pas proposé de menu végétarien. J’étais assez remonté, d’autant plus que c’était le collège où j’ai été principal pendant vingt et un ans. Je suis favorable à ce qu’il y ait une option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires : cela me paraît incontournable.

J’ai également été directeur de centre de vacances. Quand j’entends dire qu’il faut deux repas végétariens par semaine pour équilibrer l’alimentation, je trouve que c’est une forme de mépris pour les gestionnaires qui travaillent avec leur chef de cuisine pour proposer des menus équilibrés sur la semaine. Je considère que l’on peut faire des menus équilibrés avec de l’apport végétal, sans qu’il soit obligatoire de proposer deux repas végétariens.

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Je partage l’avis de la rapporteure : il faut manger moins de viande, mais mieux. Pour ma part, je serais plutôt favorable à une alternative végétarienne au quotidien dans nos cantines. Néanmoins la loi Egalim a introduit, à compter du 1er janvier 2022, l’objectif d’un taux d’approvisionnement de 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique. C’était il y a un an : il me semble nécessaire de faire le bilan de l’application de cette loi avant de prendre de nouvelles décisions.

Par ailleurs, je crois malheureusement que nous n’avons pas des volumes agricoles suffisants pour appliquer la mesure que vous proposez. Je peux vous le dire car je constate, sur le terrain, combien il est difficile de mettre en œuvre les projets alimentaires de territoire. Comme notre collègue Buffet, j’estime que si l’on introduit une obligation, ce doit être au niveau du lycée, puisque les lycéens sont plus concernés par le bien-être animal et le réchauffement climatique.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le président, j’ai écouté avec intérêt votre raisonnement, mais je ne comprends pas en quoi le fait de passer de un à deux repas végétariens par semaine changerait quelque chose du point de vue de la liberté des collectivités. Aujourd’hui, vous trouvez qu’imposer deux repas, c’est aller contre leur liberté. Mais lorsque vous avez voté la loi Egalim, vous n’avez pas vu d’inconvénient à leur imposer un menu végétarien par semaine. Il est vrai que c’était une autre époque, puisque vous décidiez aussi, alors, de fermer des réacteurs nucléaires…

La vraie question, c’est celle des importations. Il faut réguler les importations de produits qui ne respectent pas les mêmes normes que nous et faire preuve d’un peu d’audace pour relancer la filière française.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. L’urgence climatique nous oblige à accélérer et nous ne pouvons plus laisser le choix aux collectivités. Le temps de la bifurcation écologique est venu et elle doit aussi passer par nos assiettes. Passer à un deuxième repas végétarien par semaine, c’est diminuer de 12 % les émissions de gaz à effet de serre sur un an.

Vous dites qu’il faut trouver des solutions pour consommer plus de produits français et plus de viande locale. J’ai déjà indiqué que les villes qui introduisent un deuxième repas végétarien ou qui proposent une alternative quotidienne achètent plus de viandes locales et de meilleure qualité. Pourquoi ne tenez-vous pas compte de cette donnée ?

La consommation de viande est particulièrement élevée chez les enfants des milieux les plus défavorisés. Outre qu’il n’est pas bon de manger trop de protéines animales, les viandes que mangent ces enfants sont de mauvaise qualité. Je n’ai jamais dit qu’il fallait arrêter de servir de la viande dans les cantines scolaires : je dis qu’il faut en manger moins, pour des raisons environnementales et de santé, mais de meilleure qualité. Pas moins de 80 % des Français sont favorables à cette initiative. Notre rôle, comme celui des collectivités locales, est de répondre à leur attente.

Monsieur Chassaigne, les enfants mangent deux fois plus de protéines animales qu’ils ne devraient et, les données des pédiatres et des hôpitaux le confirment, cela se traduit par une hausse du taux d’obésité qui affecte leur santé à long terme. J’en conviens, ils ont besoin d’un repas équilibré mais il ne faut pas sous-estimer le problème de l’obésité.

Il ne s’agit pas d’imposer un repas végétarien tous les jours, mais d’en ajouter un par semaine. La végétalisation des assiettes est indispensable, et nous sommes tous capables d’en comprendre l’urgence.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 2

 

Amendement CE15 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit une nouvelle fois de demander que la loi soit appliquée. L’amendement vise donc à s’assurer que la restauration collective respecte l’obligation d’intégrer 50 % de produits durables et locaux – dont 20 % de produits bio – dans les repas qu’elle sert.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Vous proposez d’habiliter les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à procéder à des contrôles afin de vérifier que les objectifs fixés par la loi Egalim sont atteints – au moins 50 % de produits durables, dont 20 % de produits bios dans la restauration collective publique à partir du 1er janvier 2022. Nous en sommes encore très loin faute, notamment, d’un accompagnement suffisant de l’État. Le Gouvernement ne dispose malheureusement pas de données consolidées mais, selon le rapport d’information sur l’évaluation de la loi Egalim, nous en serions à un taux de 15 % seulement, dont 10 % de bio. Je le regrette vivement.

Si les collectivités territoriales ont parfois du mal à atteindre ces objectifs, ce peut être en raison d’un manque de volontarisme, mais surtout, le plus souvent, d’un accompagnement insuffisant des pouvoirs publics. Leur infliger des sanctions n’est donc pas une solution. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE64 de Mme Florence Goulet.

 

Amendements CE96 et CE98 de M. Aymeric Caron (discussion commune).

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Ces deux amendements seraient une contribution à la réduction de la consommation de viande, comme les scientifiques le recommandent pour lutter contre le réchauffement climatique.

Le rapport du Giec le confirme, l’agriculture représente près d’un quart des émissions de gaz à effet de serre. La consommation de viande est à l’origine de la déforestation de terres, dévolues à l’élevage ou à l’alimentation du bétail, ainsi que de rejets de méthane. Seule une transformation profonde de nos habitudes alimentaires permettra de contribuer à la baisse durable des émissions de gaz à effet de serre.

Pour y parvenir, il convient de miser sur la formation. Les amendements ont donc pour objet de sensibiliser les futurs professionnels du secteur de l’hôtellerie-restauration aux conséquences de la consommation de viande sur l’environnement et sur la santé. Ils visent ainsi à imposer dans les programmes des établissements publics et privés de formation du secteur un objectif de réduction de l’utilisation de produits carnés d’au moins 70 % – pour l’amendement CE96 et conformément au scénario le plus ambitieux de l’Ademe dans son rapport « Transitions 2050 » – ou, à défaut, de 50 % – pour l’amendement CE98.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je partage votre préoccupation, mais ce n’est pas l’objet du texte que nous examinons.

La sensibilisation des chefs aux menus végétariens ou végétaliens est très insuffisante. Le sujet fera d’ailleurs l’objet d’une mission d’information. Toutefois, je ne suis pas sûre qu’un objectif de réduction chiffré soit souhaitable, d’autant que sa mise en œuvre pourrait s’avérer délicate. Mon avis est donc défavorable sur les deux amendements.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). Votre position me surprend. De la part d’une élue du groupe Écologiste, je m’attendais à une discussion sur le pourcentage, mais pas à un avis défavorable. Vous l’avez rappelé, il nous faut changer les habitudes alimentaires et, pour ce faire, former ceux qui préparent nos repas.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. J’émettrai un avis favorable sur votre prochain amendement.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE58 de Mme Murielle Lepvraud.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Inspiré de la proposition de loi pour des cantines vertueuses présentée par notre collègue Clémentine Autain en 2019, cet amendement vise à demander un rapport sur l’extension des missions de l’État au titre du service public de l’éducation à la mise en place de formations initiales et continues à destination des acteurs de la restauration collective.

Pour réussir la transition écologique, il est indispensable de former ceux qui sont chargés de produire, de conseiller et de commander la nourriture que l’on trouve dans nos assiettes et dans celles de nos enfants. Le fait de proposer des menus équilibrés et vertueux, de limiter l’emploi de polluants plastiques et d’éviter le gaspillage alimentaire n’est pas encore une évidence pour tous et requiert certains savoir-faire. Le changement des habitudes alimentaires des Français est un chantier ambitieux qui permettra de faire d’importantes économies tout en préservant notre planète.

Le contenu de l’assiette relève de l’intime mais, en s’y intéressant, l’État assumerait pleinement sa mission qui est d’éduquer, de prévenir et de soigner. Les cuisiniers et les gestionnaires de la restauration collective ont aussi un rôle à jouer pour initier les Français à une consommation vertueuse.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. L’idée est intéressante. La loi Égalim a déjà instauré une obligation de formation sur les menus végétariens à destination des cuisiniers de la restauration collective qui peine à s’appliquer.

Mon avis sera toutefois défavorable, comme pour les autres demandes de rapport.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE103 de M. Aymeric Caron.

M. Aymeric Caron (LFI-NUPES). L’idée est une nouvelle fois de former les chefs aux changements alimentaires qui s’imposeront à nous dans les prochaines années, ainsi qu’aux nouvelles manières de cuisiner qui en découlent.

Il s’agit donc de créer dans les programmes des établissements publics et privés de formation en hôtellerie-restauration un module obligatoire pour tous les élèves, d’une durée de vingt heures par an, afin de développer l’apprentissage de la cuisine végétalisée.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Avis favorable, bien que les programmes scolaires ne relèvent pas du domaine de la loi.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE57 de M. Emmanuel Fernandes.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). D’après l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable, 20 % des cantines sans menu végétarien proposent de la viande bio et locale, contre 38 % pour les cantines qui proposent un menu végétarien par semaine et 50 % pour celles qui en proposent un par jour. Autrement dit, plus il y a de menus végétariens, plus il y a de viande locale – voilà qui devrait rassurer les collègues inquiets pour les éleveurs locaux.

L’amendement a pour objet de demander un rapport évaluant l’opportunité de guider les politiques publiques en matière d’alimentation en fixant un objectif de réduction de 50 % de la consommation de protéines animales.

Le constat des scientifiques est sans appel : si rien n’est fait, le réchauffement climatique pourrait atteindre 7 degrés d’ici à 2100 et aboutir à des scénarios catastrophes pouvant menacer la survie de l’humanité.

Alors que chaque année, en hiver, le nombre de régions victimes d’insuffisance hydrique et de sécheresse augmente, l’accès à l’eau potable doit être une préoccupation majeure. Selon une étude publiée par Greenpeace en septembre 2020 et intitulée « Menus végétariens dans les cantines : quels impacts pour la planète ? », une option végétarienne dans les cantines scolaires, si elle était choisie par un quart des élèves, permettrait de réduire de 14 à 19 % les émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation dans ces cantines et de diminuer de 16 à 19 % le coût de dépollution de l’eau liée aux activités agricoles ainsi que de 8 à 11 % la consommation d’eau associée.

Voilà une partie des bénéfices escomptés d’une option végétarienne quotidienne dans la restauration collective. Le rapport que nous demandons présenterait une évaluation complète des retombées d’une diminution de 50 % de la consommation de protéines animales.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Par cohérence, j’émets un avis défavorable sur cette demande de rapport, mais la question que vous soulevez est très pertinente.

Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), 65 % de notre apport en protéines sont d’origine animale, alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent un équilibre entre protéines animales et végétales.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Interdiction des viandes contenant des nitrites ou nitrates ajoutés

 

Amendement de suppression CE52 de M. Pascal Lavergne.

M. Pascal Lavergne (RE). Le Gouvernement a présenté hier un plan d’action « Réduction de l’utilisation des additifs nitrites/nitrates dans les aliments », qui a été jugé très ambitieux par un chercheur de l’Inrae que j’ai interrogé.

Il est donc préférable de soutenir la mise en œuvre de ce plan plutôt que d’imposer une interdiction, comme y tend l’article 3, laquelle risque de mettre en difficulté une partie de l’industrie et des artisans charcutiers, qui consentent déjà des efforts importants, et de profiter à nos voisins.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Il me paraît difficile de soutenir cet amendement de suppression si l’on fait de la santé publique une priorité.

Les adversaires de l’interdiction proposent une lecture un peu biaisée des conclusions de l’Anses dans son avis révisé de juillet 2022. Selon elle, il existe une association positive entre l’exposition aux nitrates et aux nitrites par le biais de la viande transformée et le risque de cancer colorectal, qui est la deuxième cause de décès par cancer en France. Et ce n’est pas une nouveauté : dès 2015, le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS a classé la charcuterie comme cancérogène avéré pour l’homme, en s’appuyant sur des preuves « suffisantes » sur le cancer colorectal.

L’Anses mentionne également une étude récente qui rapporte l’impact d’une exposition périnatale aux nitrates sur le risque de cancers pédiatriques et souligne qu’une association positive est suspectée entre l’exposition aux nitrites présents dans la viande transformée et le risque de cancers du pancréas, de l’estomac, de l’œsophage, du sein, de la vessie et de la prostate. Une association positive est également soupçonnée entre l’exposition aux nitrates présents dans l’alimentation et le risque de cancer des ovaires.

Nous devons tous prendre nos responsabilités et arrêter de fermer les yeux, alors que les preuves scientifiques ne laissent plus de place au doute.

Les populations les plus exposées aux additifs nitrés sont les catégories sociales les moins favorisées, qui consomment nettement plus de charcuterie. Notre collègue Richard Ramos, dont je salue l’engagement courageux depuis des années sur cette question, le dit très clairement : « Autrefois, c’était les riches qui mangeaient de la viande et les pauvres des légumes ; aujourd’hui, c’est l’inverse. » Les personnes les moins riches sont à la fois celles qui consomment le plus de charcuterie nitrée et celles qui ont le plus de risques de développer un cancer colorectal. Les enfants sont également de grands consommateurs de charcuterie et c’est précisément pour cette raison que le Danemark a maintenu des seuils d’incorporation plus faibles. Nous parlons donc à la fois de santé publique, de justice sociale et de publics fragiles.

En ce qui concerne les risques bactériologiques, selon l’Anses, il est possible d’interdire les additifs nitrés en adoptant des mesures compensatrices, c’est-à-dire des mesures renforcées d’hygiène et de contrôle. Les exigences des fabricants français en la matière sont déjà très élevées, ce n’est donc pas un objectif hors d’atteinte.

En outre, le « sans nitrite » n’est pas une chimère : c’est une réalité dans nos supermarchés et chez beaucoup de petits producteurs depuis cinq ans. Ce développement rapide ne s’est pas accompagné d’un retour massif du botulisme – dont le nombre de cas (sept par an) demeure stable et sans qu’aucun soit lié à la production industrielle : la plupart sont dus à des préparations familiales ne respectant pas les règles élémentaires d’hygiène – ou d’une hausse des cas de salmonellose ou de listériose.

Quant à la question du sel et de l’augmentation du risque cardiovasculaire, l’argument est un peu dépassé. Je vous invite à vous rendre dans vos supermarchés, vous y trouverez des produits « moins 25 % de sel » ne contenant pas d’additifs nitrés.

S’agissant des difficultés économiques éventuelles pour certains producteurs, je me permets deux remarques : en premier lieu, l’offre se développe, y compris sur des produits réputés difficiles comme le saucisson sec, et c’est le fait de fabricants de toutes tailles. En second lieu, la profession s’autolimite puisque le code des usages servant de référence prévoit des seuils d’incorporation des additifs nitrés plus bas que les seuils européens et qui devraient être encore révisés à la baisse prochainement. Je salue cet engagement, mais j’en tire des conclusions différentes de celles des partisans de la suppression de l’article 3 : la baisse continue des seuils montre que la marche vers l’interdiction n’est pas si haute pour nos professionnels.

Si les professionnels ont engagé une transition que je salue, il appartient aux responsables politiques d’en fixer le cap : celui-ci doit être une interdiction, pour réduire le nombre de cancers évitables. Il ne faut pas attendre un tel geste du Gouvernement qui tergiverse depuis plusieurs années. Il avait promis un plan d’action à la suite du rapport de l’Anses qui devait être présenté à l’automne, puis en janvier, puis le 22 mars. Ce plan a finalement été rendu public hier soir et n’envisage la suppression des additifs nitrés que dans de très rares cas – les saucisses à griller et les produits stérilisés comme le pâté. Pour le reste, il prévoit de simples baisses, parfois dans des délais très longs. Ce n’est pas assez ambitieux. Je ne prendrai qu’un exemple, le plus emblématique : le jambon blanc, dont on sait que les producteurs n’ont aucun mal à le fabriquer sans nitrite à grande échelle ; le plan prévoit une diminution des nitrites à 90 milligrammes par kilo et une évaluation dans six à douze mois pour envisager une baisse à 80 milligrammes, soit un niveau très en deçà de ce qui est nécessaire. C’est même une fausse promesse, car les additifs nitrés sont cancérogènes quelle que soit la dose ingérée et responsables, chaque année, de quatre mille nouveaux cas de cancer qui pourraient être évités.

Je vous invite donc à rejeter l’amendement de suppression.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Malgré les travaux de la majorité – rapport de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire et proposition de loi de Richard Ramos relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie – et le rapport de l’Anses, le principe de précaution semble prudemment mis de côté.

Pourtant, selon la Ligue contre le cancer, quatre mille cancers par an pourraient être évités. En outre, dans l’histoire de France qui en est jalonnée d’exemples, le doute a souvent servi de prétexte pour ne pas prendre certaines décisions, ce qui a été amèrement regretté ensuite – je pense à l’alcool et au tabac, dont on a pu dire, à une époque, qu’ils étaient bons pour les femmes enceintes. Relativiser revient à reculer pour mieux sauter.

Le Gouvernement présente son plan d’action comme la première étape d’un travail à plus long terme pour supprimer les nitrites, mais il semble que le message ne soit pas parvenu jusqu’ici.

M. Pascal Lavergne (RE). Le plan d’action a fait l’objet d’un travail et de discussions approfondis. Très ambitieux, il prévoit de réduire la teneur en additifs de 17 à 33 % dans un délai d’un mois, de 25 à 33 % dans un délai de six à douze mois et, d’ici cinq ans, d’interdire les nitrites. Aux termes du dossier de presse de ce plan, « l’ambition du Gouvernement est de retirer de notre alimentation les nitrites autant que possible et partout où c’est possible, y compris en allant jusqu’à une suppression complète lorsque la sécurité sanitaire des aliments est assurée. ».

Ne mettons pas la barre trop haut pour nos petits industriels, qui font travailler du monde dans les territoires. Laissons-leur le temps de s’organiser pour atteindre l’objectif.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Après l’article 3

 

Amendement CE17 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’amendement, qui reprend les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi de Richard Ramos, prévoit un encadrement transitoire de la dose d’additifs nitrés autorisée pour les produits concernés, et ce dans l’attente de l’interdiction.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. J’y suis favorable.

Nous souhaitons supprimer les nitrites et les nitrates dans la charcuterie, car leur caractère cancérogène est démontré. Nous n’avons plus aucune excuse, puisque c’est possible et que de nombreux fabricants le font déjà. Ce n’est plus qu’une question de courage politique, et je constate que nous ne sommes pas nombreux, ce soir, à en faire preuve.

La proposition d’instaurer des taux réduits pendant la période de transition qui nous séparerait de l’interdiction me paraît tout à fait pertinente.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 4 : Gage

 

Amendement CE53 de M. Emmanuel Fernandes.

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Il s’agit de gager la proposition de loi par une taxe sur la publicité pour les produits trop gras, trop salés ou trop sucrés, aujourd’hui consommés de manière excessive. La boucle serait ainsi bouclée puisque l’objet du texte est d’améliorer la qualité de l’alimentation en favorisant une nourriture saine.

Près de la moitié de la population en France est en surpoids et 17 % de nos concitoyens souffrent d’obésité.

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, car je soutiens l’interdiction de la publicité pour ces produits destinés aux plus jeunes.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle rejette l’article 4.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

Mme Francesca Pasquini, rapporteure. L’interdiction des nitrates et des nitrites demande du courage : je vois ce qu’il en est. Je note aussi le manque d’ambition au service d’une réelle bifurcation écologique.

Monsieur Lavergne, vous répondez aux Français qui ont faim en leur concédant l’équivalent de deux baguettes par an.

 


 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

M. Denis Darnand, sous-directeur inclusion sociale, insertion, lutte contre la pauvreté

Mme Emma Skalski, stagiaire

M. Guillame Coudray, journaliste, auteur et réalisateur de film documentaire

Table ronde associations de consommateurs :

Familles rurales

Mme Nadia Ziane, directrice secteur juridique et consommation

UFC Que Choisir

M. Olivier Andrault, chargé d’étude agroalimentaire et alimentation

M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles

Ligue contre le Cancer

Professeur Daniel Nizri, président

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

M. Eric Vial, directeur de l’évaluation des risques

Mme Irène Margaritis, adjointe au directeur de l’évaluation des risques, en charge des sujets alimentation, santé animale et végétale

Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (FICT) *

Mme Martine Leguille-Balloy, présidente

M. Fabien Castanier, délégué général

M. Thierry Gregori, directeur scientifique et technique

Confédération nationale des charcutiers-traiteurs (CNCT) *

M Joël Mauvigney président

Mme Elisabeth De Castro, déléguée générale

 

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Étienne Gangneron, vice-président et président de la commission agriculture biologique

M. Xavier Jamet, responsable des affaires institutionnelles

Table ronde grande distribution :

Fédération du commerce et de la distribution (FCD) *

Mme Layla Rahhou, directrice des affaires publiques

Les Mousquetaires *

M. Frédéric Thuillier, directeur des affaires publiques

Mme Sophie Bonnet, coordinatrice qualité produits alimentaires

Table ronde collectivités territoriales :

Association des maires de France (AMF)

M. Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux

Mme Virgine Lanlo, adjointe au maire de Meudon

Ville de Montpellier

Mme Marie Massart, adjointe au Maire, déléguée à la politique alimentaire et à l’agriculture urbaine

M. Luc Lignon, directeur de la politique alimentaire de la ville

Ville de Lyon

M. Mathieu Levoir, conseiller technique et politique « ville soutenable »

Mme Stéphanie Léger, adjointe au maire de Lyon à l’éducation

Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Mme Urwana Querrec, directrice adjointe de cabinet

Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire

Mme Maud Faipoux, directrice générale de l’alimentation (DGAL)

M. Cédric Prevost, sous-directeur de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques

Table ronde - précarité alimentaire :

Vrac France

M. Boris Tavernier, délégué général

Restos du cœur

M. Yves Mérillon, membre du bureau national des Restos du Cœur

Secours catholique

M. Laurent Seux, responsable du programme Ensemble bien vivre, bien manger

Banques alimentaires

Mme Barbara Mauvilain, responsable du service des relations institutionnelles

Secours populaire

M. Nicolas Champion, membre du bureau national, en charge de l’aide alimentaire

La Croix rouge

M. Quentin Palermo, chargé d’affaires publiques

Table ronde responsables de la restauration collective :

Association nationale des directeurs de la restauration collective (Agores)

Mme Marie Noëlle Haye, vice-présidente d’Agores, directrice de la restauration collective à la Semgest

M. Maxime Cordier, vice-président d’Agores, responsable de la restauration municipale de Fontenay sous-Bois

Syndicat national de la restauration collective (SNRC)

M. Philippe Pont-Nourat, président

Mme Esther Kalonji, déléguée générale

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Marine Cardot « " Je ne pensais pas en arriver là " : écrasés par l’inflation, ils ont commencé à voler pour manger », France Info, 17 février 2023. Les prénoms ont été modifiés par la journaliste.

([2]) Insee, Indice des prix à la consommation - résultats définitifs (IPC) - février 2023

([3]) Idem

([4]) https://www.ouest-france.fr/societe/pauvrete/les-restos-du-cur-comptent-22-pourcent-de-beneficiaires-en-plus-une-evolution-inedite-de-la-precarite-c93718ae-b769-11ed-a4b0-37ddc7a8a1c1

([5]) étude Obépi 2020 citée par l’Inserm : https://presse.inserm.fr/obesite-et-surpoids-pres-dun-francais-sur-deux-concerne-etat-des-lieux-prevention-et-solutions-therapeutiques/66542/

([6]) https://www.sudouest.fr/economie/cheque-alimentaire-qui-pourra-en-beneficier-et-quel-sera-le-montant-10808124.php

([7]) https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/grande-distribution-bruno-le-maire-annonce-un-trimestre-anti-inflation-1912339

([8]) Voir pour la liste précise le commentaire de l’article 1er.

([9]) https://agirpourlatransition.ademe.fr/particuliers/conso/conso-responsable/impact-alimentation-sur-environnement

([10]) Selon l’étude du Boston consulting group « Évaluation d’impact des mesures prises depuis 2017 sur la réduction des gaz à effet de serre en France à horizon 2030 », publiée le 12 février 2021. En 2018. Les deux tiers étaient servis au sein de la restauration collective publique.

([11]) Selon l’étude suivante : Romane Poinsot, Florent Vieux, Matthieu Maillot, Nicole Darmon. Number of meal components, nutritional guidelines, vegetarian meals, avoiding ruminant meat: what is the best tradeoff for improving school meal sustainability?. European Journal of Nutrition, 2022.

([12]) https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/proteines-vegetales

([13]) Réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) pour FranceAgriMer et l’Observatoire du conseil national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) des habitudes alimentaires (OCHA) en 2018.

([14]) Voir pour une explication plus détaillée le commentaire de l’article 2.

([15]) https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2019/06/un-droit-a-la-cantine-scolaire-pour-tous-les-enfants

([16]) http://observatoire-restauration-biodurable.fr/sites/default/files/R%C3%89SULTATS%202019%20-%20Observatoire%20national%20de%20la%20restauration%20collective%20bio%20durable.pdf

([17]) Voir le commentaire de l’article 2.

([18]) Le nitrite de potassium (E249), le nitrite de sodium (E250), le nitrate de sodium (E251) et le nitrate de potassium (E252).

([19]) Frédéric Bordas, « Les nitrites dans les saumures », Annales d’hygiène publique, industrielle et sociale, tome XIII, février 1935. Voir aussi, concernant l’histoire du développement et de l’autorisation de l’usage des additifs nitrés : Coudray (Guillaume), Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison, Seuil, 2017 et Nitrites dans la charcuterie : le scandale, Harper Collins France, 2023.

([20]) Anses, Avis révisé et rapport d’expertise collective, Évaluation des risques liés à la consommation de nitrates et nitrites, juillet 2022, consultable en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2020SA0106Ra.pdf

([21]) L’expression fait notamment partie du titre de la loi dite « EGALIM» (n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous)  

([22]) p. 14 de l’avis révisé.  

([23]) La dose journalière admissible est la quantité estimée d’une substance présente dans les aliments ou dans l’eau potable qui peut être consommée quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans présenter de risque appréciable pour la santé. Elle est généralement exprimée en milligrammes de substance par kilogramme de poids corporel et s’applique à des substances chimiques telles que des additifs alimentaires, des résidus de pesticides ou des médicaments vétérinaires. Source : site internet de l’EFSA.

([24]) Voir la proposition de résolution européenne précitée

([25]) Source : Santé Publique France  

([26]) Sur ce point, voir le commentaire de l’article 3, en deuxième partie du rapport

([27]) Torres MJ, Salanave B, Verdot C, Deschamps V. Adéquation aux nouvelles recommandations alimentaires des adultes âgés de 18 à 54 ans vivant en France. Étude Esteban 2014-2016. Volet Nutrition – Surveillance épidémiologique. Saint-Maurice : Santé publique France ; 2019. 8 p.

([28]) Vincent Legendre, « Les consommateurs de porc frais et de charcuterie : qui sont-ils ? Éclairage sociologique », TechniPorc, volume 31, n° 4, 2018.

([29]) M. Ramos et Mmes Michèle Crouzet et Barbara Bessot-Ballot s’étonnaient dans leur rapport que cette mention soit passée relativement inaperçue et n’ait pas conduit l’EFSA à réévaluer à la baisse les DJA pour en tenir compte.

([30]) Voir notamment l’affaire du lait infantile Lactalis contaminé aux salmonelles (2018) ou, plus récemment, les pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E.coli (2023).

([31]) Voir rapport d’information précité.  

([32]) Décision (UE) 2018/702 de la commission du 8 mai 2018 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande (point 39) 

([33]) L’amendement est consultable en ligne :
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/2296/AN/705

([34])  Le plan est consultable en ligne : https://agriculture.gouv.fr/telecharger/135921

([35]) Les saucisses à cuire (dont les chipolatas) et les produits stérilisés.  

([36])  Communiqué de presse, 28 mars 2023, consultable en ligne : https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2023/nitrites-dans-la-charcuterie-et-cancer-le-gouvernement-publie-enfin-son-plan-et-le-compte-ny-est-pas-pour-la-sante-publique-denoncent-foodwatch-et-la-ligue-contre-le-cancer-et-yuka/

([37]) L’évaluation de l’EFSA est consultable en ligne :  https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2023.7884

([38]) Site de l’EFSA : https://www.efsa.europa.eu/fr/news/nitrosamines-food-raise-health-concern  

([39]) voir énumération en introduction.  

([40]) Si l’on retient une hypothèse d’une aide de 50 euros distribuée à 8 millions de foyers (nombre de foyers bénéficiaires de la prime exceptionnelle de rentrée) sur une durée d’un an, on arrive à un montant total de 4,8 milliards d’euros. Plusieurs estimations rendues publiques lors des diverses annonces du Gouvernement font état d’un coût estimé entre 6 et 7 milliards.

([41]) Amendement n° CE55

([42]) Votre rapporteure a posé une question écrite au Gouvernement sur ce sujet : https://questions.assemblee-nationale.fr/q16/16-3532QE.htm

([43]) Règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires, consultable en ligne :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32008R1333&from=fr

([44]) Règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d’application du règlement (CE) n°  834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l’étiquetage et les contrôles, consultable en ligne : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32008R0889&from=FR

([45]) Décision (UE) 2021/741 de la Commission du 5 mai 2021 relative aux dispositions nationales notifiées par le Danemark concernant l’adjonction de nitrites à certains produits à base de viande

([46]) Rapport d’information de M. Richard Ramos et Mmes Barbara Bassot-Ballot et Michèle Crouzet, sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, 13 janvier 2021, consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b3731_rapport-information#

([47]) Proposition de loi relative à l’interdiction progressive des additifs nitrés dans les produits de charcuterie (n° 4830)

([48]) Les produits à base de viande non traités thermiquement (produits salés ou saumurés crus) et les produits à base de viande traditionnels en salaison sèche et autres produits saumurés de manière traditionnelle

([49]) Andouilles, andouillettes, boudins blancs et noirs, charcuteries pâtissières, jambons, lardons, pâtés, terrines, rillettes, saucisses, saucissons, tripes, etc.

([50]) Cet avis révisé et ce rapport d’expertise sont consultables en ligne : https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2020SA0106Ra.pdf

([51]) Ainsi que le rappelle l’avis révisé de l’Anses, « parmi les composés nitrosés, les nitrosamines sont les mieux caractérisées. Les données toxicologiques soulignent la génotoxicité et cancérogénicité de ces composés dans les études expérimentales. La N-nitrosodiméthylamine (NDMA) est identifiée comme ayant le plus fort potentiel cancérogène ».

([52]) L’EFSA a publié deux avis scientifiques en 2017 qui sont résumés en français dans le document suivant, consultable en ligne : https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/corporate_publications/files/nitrates-nitrites-170614-FR.pdf  

([53]) Le texte de la proposition de résolution européenne est consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0381_proposition-resolution-europeenne#  

([54]) Le texte du communiqué de presse du Gouvernement, en date du 12 juillet 2022, est consultable en ligne : https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/nitrites-nitrates-le-gouvernement-met-en-oeuvre-un-plan-d-actions-visant-a

([55]) Ces différentes catégories correspondent à la classification du Code des usages qui classe les produits de charcuterie en seize « familles technologiques ».

([56]) Idem