N° 1022

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers
causés par le retraitgonflement de l’argile (n° 887),

 

par Mme Sandrine ROUSSEAU

Députée

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 Voir le numéro : 887


 


 

SOMMAIRE

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Introduction

I. Améliorer la reconnaissance du retrait-gonflement d’argile (RGA), un phénomène mal appréhendé par le régime de reconnaissance des catastrophes naturelles

A. Le RGA est un phénomène massif qui pourrait affecter la moitié des maisons individuelles

B. Une prise en charge insatisfaisante du phénomène de retrait-gonflement d’argile dans le cadre du régime des catastrophes naturelles

1. Depuis 1982, le régime d’indemnisation « Cat Nat » ouvre droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles

2. Depuis 1989, le risque sécheresse et le phénomène de RGA sont pris en charge par le régime « Cat Nat »

a. La reconnaissance du risque Sécheresse et du retrait-gonflement des argiles, intégrés au régime « Cat Nat » en 1989, est particulièrement complexe

b. Une circulaire de 2019 fixe des critères précis pour caractériser l’intensité d’un épisode de sécheresse-réhydratation des sols

3. Des critères mal adaptés qui conduisent à un faible taux de reconnaissance et que la proposition de loi propose d’améliorer

II. Améliorer l’indemnisation des dommages liés au reTRaitgonflement d’argile DÈS LORS QUE la situation de catastrophe naturelle sécheresse EST reconnue

1. L’instauration d’une présomption de causalité entre le phénomène de RGA et les dommages constatés

2. La mise en place de labels à destination des experts et des entreprises

travaux de la commission

discussion générale

Examen des articles

Avant l’article 1er

Article 1er A Améliorer l’information des communes en cas de refus  de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Article 1er  Précision de la méthodologie de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse et adaptation de la durée de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle au phénomène de retrait-gonflement des argiles

Après l’article 1er

Article 2 Instauration d’une présomption de lien de causalité entre les dommages constatés en cas de sécheresse et le phénomène de retrait-gonflement des argiles et labélisation des principaux acteurs intervenant en situation de RGA

Article 2 bis Possibilité offerte à la victime de dommages RGA d’utiliser l’indemnité reçue en réparation de ceux-ci pour faire construire ou acquérir  un nouveau logement

Après l’article 2 bis

Article 2 ter Demande de rapport sur les incidences financières de la présente loi

Article 2 quater Demande de rapport sur les incidences sur les finances publiques de l’allongement du délai durant lequel l’assurer peut déclarer un sinistre à l’assureur à compter de la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle

Article 2 quinquies  Demande de rapport sur la prévention du risque  de sécheresse-réhydratation des sols

Article 2 sexies Demande de rapport sur l’opportunité d’élargir les possibilités de recours des sinistrés et des élus locaux vis-à-vis de l’État et des assurances, particulièrement lorsque l’état de catastrophe naturelle n’a pas été prononcé

Article 2 septies Demande de rapport sur l’opportunité de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les expérimentations  de techniques de prévention du risque de retrait-gonflement de l’argile

Article 3 Gage de recevabilité financière

Personnes auditionnÉes par la rapporteure

 


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Introduction

La présente proposition de loi, déposée par le groupe écologiste, a été élaborée à la suite du rapport du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale portant sur l’évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement des argiles ([1]), co-rédigé par la rapporteure de cette proposition de loi. Elle reprend ainsi un certain nombre de propositions de ce rapport, auquel le présent document fera largement référence.

Le phénomène de retrait-gonflement des argiles (« RGA »), ses modalités de reconnaissance et d’indemnisation, on fait l’objet de plusieurs textes depuis les deux dernières années : la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, dite « loi Baudu » ainsi que l’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

La loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, dite « loi Baudu » a amélioré la transparence et les délais de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, en prévoyant notamment :

– la réduction de trois à deux mois du délai entre la demande du maire et la publication de l’arrêté interministériel reconnaissant l’état de catastrophe naturelle ;

– l’allongement à 24 mois, contre 18 antérieurement, du délai dont dispose le maire pour déposer la demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, afin de prendre en compte l’apparition possiblement tardive des premières fissures ;

– l’obligation de communication aux communes du rapport d’expertise de la commission Cat Nat et de la motivation de l’arrêté ministériel.

La loi Baudu prévoit en outre la création de deux instances chargées de « faire remonter » les difficultés liées à la mise en œuvre de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle : le « référent départemental », qui a un rôle d’information et de coordination entre la préfecture et les communes (article L. 125-1-2 du code des assurances) et la Commission nationale consultative des catastrophes naturelles (article L. 125-1-1). Cette dernière, créée par décret en décembre 2022, a pour mission de rendre un avis annuel au Parlement portant sur la pertinence des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, sur les conditions effectives de l’indemnisation des sinistrés (délais et montant de l’indemnisation) et sur les modalités de l’expertise mandatée par les assurances.

L’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, prise sur le fondement de l’article 161 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », propose des évolutions législatives relatives à la prise en charge des dégâts sur le bâti et les biens matériels causés par le phénomène de RGA.

Elle prévoit notamment :

– de faire évoluer la définition des effets des catastrophes naturelles, pour y inclure les « dommages résultant d’une succession anormale d’événement de sécheresse d’ampleur significative » ;

– de définir les biens et dommages faisant l’objet d’une exclusion du droit à la garantie « Cat Nat », et de fixer des règles d’encadrement de l’expertise d’assurance avec un régime de contrôle et de sanction des experts ;

– de fixer une obligation d’affectation de l’indemnité perçue par un sinistré à la mise en œuvre des travaux de réparation des dommages indemnisés au titre du phénomène de sécheresse et prévoir les conséquences d’un comportement inverse par l’assuré.

À plusieurs égards, cette ordonnance pénalise également les victimes de sinistres. Pour les dommages ayant eu pour cause déterminante le RGA, elle limite la garantie « aux dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment » ([2]) ; une formulation qui exclura nécessairement de l’indemnisation une grande partie des dommages subis par les victimes. L’ordonnance oblige en outre l’assuré à utiliser l’indemnité due par l’assureur pour réparer les dommages consécutifs aux RGA – une obligation malheureuse, quand on sait que l’état du bâti rend parfois préférable pour la victime de faire construire un nouveau logement.

La plupart des dispositions de cette ordonnance, dont le projet de loi de ratification n’a pas encore été déposé, doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024 ([3]). Plusieurs dispositions de l’ordonnance renvoient en outre à des décrets d’application, qui ne sont pour l’instant pas encore pris.

La présente proposition de loi a vocation à aller plus loin que ces textes. Elle poursuit le double objectif d’une meilleure définition de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse et d’une évolution des conditions d’indemnisation des sinistrés pour mieux les protéger.


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I.   Améliorer la reconnaissance du retrait-gonflement d’argile (RGA), un phénomène mal appréhendé par le régime de reconnaissance des catastrophes naturelles

A.   Le RGA est un phénomène massif qui pourrait affecter la moitié des maisons individuelles

Le phénomène de « retrait-gonflement des argiles » (RGA), parfois appelé « sécheresse » ou plus exactement « sécheresse géotechnique », ou encore « mouvements différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols », décrit l’évolution des mouvements des sols argileux sous l’effet de la succession de périodes de déshydratation du sol (« retrait ») et de pluies abondantes (« gonflement »). Ce RGA peut faire varier l’amplitude du sol jusqu’à plus ou moins 10 %, entraînant des mouvements sur le bâti en surface qui, en l’absence de fondations suffisamment profondes, finit par se fissurer.

Les désordres prennent la forme de fissures typiquement « en escalier », aux endroits où la maison présente des défauts ou des faiblesses de résistance (ouvertures, zones sans chaînage…). Il peut également en résulter une dislocation des dallages et une torsion des encadrements de portes ([4]).

 

Un nombre très important de personnes est exposé au risque de RGA. D’après les données du Bureau de recherches géologiques et ministères (BRGA), qui a établi une carte d’exposition à l’aléa, 48 % du territoire hexagonal se trouve en zone d’exposition dite « forte » ou « moyenne ». Selon le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité, cela représenterait 10,5 millions de maisons (dont 3,1 millions en zone d’exposition « forte »), sur 19,4 millions de maisons individuelles. 54 % des maisons individuelles sont ainsi potentiellement concernées par le risque RGA – et seules 18 % y échappent entièrement ([5]).

Le potentiel de risque, déjà très élevé doit d’autant plus nous alerter qu’en raison du réchauffement climatique, les épisodes de sécheresse vont se multiplier. À cet égard, il est essentiel de penser plus largement le développement d’une stratégie de prévention du risque RGA.


B.   Une prise en charge insatisfaisante du phénomène de retrait-gonflement d’argile dans le cadre du régime des catastrophes naturelles

Le phénomène de RGA est, depuis 1989, indemnisé dans le cadre du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (« Cat Nat »).

1.   Depuis 1982, le régime d’indemnisation « Cat Nat » ouvre droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles

Créé par la loi du 13 juillet 1982 ([6]), le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou régime « Cat Nat », ouvre droit à l’indemnisation des sinistrés contre les dégâts causés par des catastrophes naturelles.

Ce régime est fondé sur le partage du risque et la solidarité « publicprivé » entre l’État et les assureurs avec l’intervention de la caisse centrale de réassurance (CCR) qui est habilitée, en tant que réassureur public, à délivrer aux assureurs privés qui en font la demande, une couverture de réassurance illimitée qui bénéficie de la garantie intégrale de l’État pour les risques de catastrophes naturelles sur l’ensemble du territoire.

L’article L. 125-1 du Code des assurances définit la notion de catastrophe naturelle comme un événement résultant de l’intensité anormale d’un agent naturel (inondation, sécheresse, séisme, avalanche…) lorsque les mesures à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. L’état de catastrophe naturelle doit être constaté par un arrêté interministériel (dit arrêté « Cat Nat »), qui détermine les communes concernées par l’événement, ainsi que les périodes de reconnaissance et les phénomènes naturels donnant lieu à cette reconnaissance.

La procédure de reconnaissance est toutefois complexe. Le maire de chaque commune sinistrée dépose auprès du préfet une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Le dossier est examiné par la commission interministérielle de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (« commission Cat Nat »), qui rend un avis, sous l’égide de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l’Intérieur. Le ministre de l’Économie et le ministre de l’Intérieur signent ensuite conjointement un arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle (« arrêté Cat Nat ») pour une période définie dans les communes désignées.

 

Source : Préfecture d’Ille-et-Vilaine

2.   Depuis 1989, le risque sécheresse et le phénomène de RGA sont pris en charge par le régime « Cat Nat »

a.   La reconnaissance du risque Sécheresse et du retrait-gonflement des argiles, intégrés au régime « Cat Nat » en 1989, est particulièrement complexe

Le risque Sécheresse est pris en charge par le régime d’indemnisation « Cat Nat » depuis 1989. Le retrait-gonflement des argiles y fut également intégré après les sécheresses de 1976, 1987 et 1989 qui ont permis de comprendre l’incidence du phénomène de RGA sur le bâti.

La procédure de reconnaissance préalable par arrêté ministériel de l’état de catastrophe naturelle est longue et complexe, en particulier dans le cas du risque Sécheresse. Un rapport météorologique doit être établi avant l’examen de la commission interministérielle, rallongeant ainsi la procédure.

En outre, le constat d’un phénomène de retrait-gonflement des argiles ne revêt pas le même caractère d’évidence que le constat d’une inondation ou d’une tempête. La caractérisation de « l’intensité anormale » de l’événement s’effectue par l’analyse des facteurs météorologiques favorisant le phénomène de RGA dans les endroits où, en raison des caractéristiques du sol, ce phénomène est susceptible de se produire. Ce n’est donc pas l’intensité du phénomène de RGA que reconnaît l’arrêté « Cat Nat », mais l’intensité de la sécheresse dans des zones identifiées comme exposées à cet aléa. 

b.   Une circulaire de 2019 fixe des critères précis pour caractériser l’intensité d’un épisode de sécheresse-réhydratation des sols

Une circulaire du 10 mai 2019 ([7]) précise les critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols. L’intensité « anormale » d’un tel phénomène s’apprécie au regard de deux critères :

– un critère géotechnique relatif à la présence d’argiles sensibles au phénomène de retrait-gonflement, mis en œuvre en 1989, est maintenu. Ce critère permet d’identifier les sols présentant une prédisposition au phénomène de RGA, à savoir, les sols contenant au moins 3 % d’argiles « gonflantes ». Sa mise en œuvre demeure combinée à un critère météorologique.

– un critère météorologique qui comporte, depuis 2019, une seule variable – le niveau d’humidité des sols superficiels –, un seuil unique – une durée de retour supérieure ou égale à 25 ans –, et est apprécié pour chaque saison d’une année.

Ainsi, le niveau d’humidité des sols est considéré comme anormal s’il n’apparaît qu’une fois tous les 25 ans. L’analyse du critère météorologique suppose donc de comparer les données disponibles pour une période aux données disponibles, pour la même période, des années précédentes. En pratique, Météo‑France prend en compte les 50 dernières années. Pour qu’elle soit reconnue comme anormale, il faut donc qu’une sécheresse fasse partie des deux sécheresses les plus fortes (sécheresse de rang 1 ou de rang 2) sur les 50 dernières années.

Facteur de complexité supplémentaire, l’analyse météorologique ne se fait pas année par année et commune par commune. Le territoire métropolitain est découpé selon une grille de 8 981 unités géographiques qui prennent la forme de carrés de 8 km de côté appelées « mailles ». À partir des données relatives à un mois et à une « maille » de 64 km², la commission « Cat Nat » décide de reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle pour une commune souvent concernée par plusieurs mailles et pour une période de trois mois correspondant à une « saison » ([8]).

3.   Des critères mal adaptés qui conduisent à un faible taux de reconnaissance et que la proposition de loi propose d’améliorer

Dans son rapport, le comité d’évaluation et de contrôle souligne qu’en raison de critères inadaptés, à peine une commune sur deux, parmi celles qui en font la demande, fait l’objet d’une décision de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, excluant de fait la moitié des sinistres. Sur la période 2011-2021, le taux de reconnaissance moyen pour la sécheresse est de 53 %.

 

S’agissant en particulier du critère météorologique, le rapport souligne que « l’indice météorologique lui-même n’est pas directement mesuré, mais calculé à partir d’une modélisation numérique. On compte environ 3 000 points d’observations météorologiques (pluviométrie, vent, rayonnement du solaire…), soit environ un point de relevé pluviométrique pour trois mailles. Au-delà du caractère par définition artificiel de la modélisation, les critères ont pour limite de ne s’intéresser qu’à « l’intensité » d’une sécheresse en négligeant l’existence ou non du lien de causalité entre l’événement naturel et les conséquences sur le bâti. »

La période de retour de 25 ans est quant à elle jugée arbitraire et excessive par la majorité des acteurs du secteur.

Pour remédier à cette situation, la proposition de loi propose deux évolutions :

 elle diminue la période de retour de 25 à 5 ans. Les débats en commission des finances et la consultation d’acteurs du secteur ont toutefois conduit votre rapporteure à déposer un amendement en séance publique pour ramener cette durée de 5 à 10 ans. Une durée de retour de 5 ans risquerait en effet d’aboutir à un état de catastrophe naturelle permanent, alors qu’il a vocation à rester exceptionnel. La proposition de loi reprendrait ainsi la proposition n° 3 formulée dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité ;

 elle fixe la durée de l’arrêt de catastrophe naturelle reconnaissant la sécheresse à 12 mois. Les fissures provoquées par le RGA pouvant apparaître plusieurs mois après l’épisode de sécheresse, une telle durée permettra aux victimes de sinistres d’être mieux indemnisées.

II.   Améliorer l’indemnisation des dommages liés au reTRait‑gonflement d’argile DÈS LORS QUE la situation de catastrophe naturelle sécheresse EST reconnue

1.   L’instauration d’une présomption de causalité entre le phénomène de RGA et les dommages constatés

Une fois l’état de catastrophe naturelle reconnu dans une commune, encore faut-il que le lien de causalité entre l’événement naturel et les dommages constatés soit établi pour chaque maison afin que les sinistrés puissent être individuellement indemnisés. Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 125-1, sont en effet pris en charge dans le cadre du régime « Cat Nat » les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante » une catastrophe naturelle. L’assureur se saisit alors de la possibilité qui lui est ouverte par l’article L. 125-2 du code des assurances et ordonne une expertise.

La vérification de ce lien de causalité constitue ainsi un second « filtre » qui conduit, selon votre rapporteure, à un véritable déni d’indemnisation. Dans plus d’un cas sur deux, les dossiers rejetés le sont parce que l’expert n’a pas retenu la sécheresse comme « cause déterminante » du sinistre ([9]).

Comme l’explique votre rapporteure dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité, les fissures constatées sur le bâti ne sont en effet jamais liées à une cause unique. « Plusieurs facteurs interviennent de manière concomitante : le retrait-gonflement du sol, la qualité de la construction, l’environnement (présence de végétaux pouvant affecter l’état hydrique du sol) ou un éventuel défaut d’étanchéité des réseaux d’évacuation des eaux. L’identification de la « cause déterminante » est confiée à l’expert mandaté par la compagnie d’assurance, qui dispose pour cela d’une marge d’appréciation importante pouvant parfois donner l’impression d’une forme d’arbitraire, ce d’autant que les liens de dépendance économique entre l’expert et l’assureur peuvent alimenter un doute sur l’impartialité de l’expertise. » ([10])  

Pour y remédier, la proposition de loi propose d’instaurer une présomption de lien entre le dommage constaté et le RGA. Cette proposition avait été d’ailleurs énoncée par votre rapporteure dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité ([11]).

L’assureur conservera la possibilité d’ordonner une expertise, laquelle devra cependant désormais démontrer que le dommage n’a pas comme cause déterminante le phénomène de RGA. Afin de garantir le sérieux de cette expertise, la proposition de loi impose que soit réalisée une étude de sols de type G5, ayant comme objectif de vérifier que les fondations des constructions sont adaptées aux caractéristiques du sol. Enfin, l’assuré pourra se faire assister par un expert d’assuré aux fins de contre-expertise, dont les honoraires seront pris en charge par l’assureur – une idée également formulée dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité ([12]).

Enfin, le nouvel article L. 125-2-1 A du code des assurances prévoit que l’« aggravation d’une fissure est considérée comme un événement nouveau […] ouvrant droit à indemnisation si l’aggravation de la fissure est apparue pendant la période de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse ». Cette précision va dans le sens d’une meilleure protection de l’assuré, qui pourra faire de nouveau appel à son assureur sans que ce dernier puisse exciper du fait que la fissure dont il est question a déjà fait l’objet d’une indemnisation.

2.   La mise en place de labels à destination des experts et des entreprises

Votre rapporteure a été alertée, durant les auditions qu’elle a menées, sur le travail parfois douteux réalisé par les experts ainsi que par les entreprises chargées des travaux de remise en état. Le défaut de compétence parfois constaté laisse les assurés totalement démunis.

Votre rapporteure proposait ainsi dans le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité de créer un agrément légal pour les experts sécheresses ([13]). La proposition de loi va plus loin et propose de créer deux labels, respectivement à destination des experts et des entreprises chargées de ces travaux. Ils doivent permettre de rassurer les assurés, mais aussi les assureurs, quant à la compétence de ces acteurs.

Les modalités de délivrance de ce label seront déterminées par décret.

 

 


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   travaux de la commission

   discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 29 mars 2023, la commission a examiné la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile (n° 887) (Mme Sandrine Rousseau, rapporteure).

M. le président Éric Coquerel. Concernant la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l’argile, j’ai été conduit à déclarer quatorze amendements irrecevables, deux car ils étaient sans lien avec les dispositions de la proposition de loi et douze car ils instituaient une charge publique. En effet, dans la mesure où le régime des catastrophes naturelles entraîne une réassurance publique par le biais de la Caisse centrale de réassurance, laquelle entre dans le champ de l’article 40, l’élargissement des possibilités d’indemnisation dans ce cadre est coûteux pour les finances publiques, de même que la facilitation des conditions de déclenchement de ce régime d’indemnisation.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. J’ai l’honneur de vous présenter la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retraitgonflement de largile (RGA), qui sera discutée en séance le 6 avril prochain lors de la niche écologiste.

Ce texte répond à un phénomène déjà massif et d’une ampleur croissante. Le phénomène de retrait-gonflement de l’argile se caractérise par des mouvements alternatifs des sols argileux selon la variation de la teneur en eaux des sols : tantôt les argiles se rétractent et se fracturent en cas de sécheresse, tantôt elles se gonflent sous l’effet de l’accumulation en eau en cas de forte pluviométrie. Il en résulte une variation des sols de l’ordre de plus ou moins 10 %, provoquant d’importantes fissures sur les bâtiments.

Le rapport d’évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement de l’argile, que j’ai rédigé avec Sandra Marsaud, dresse un état des lieux alarmant. En 2022, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) indiquait que près de 50 % des sols du pays sont concernés par des retraits et des gonflements d’intensité moyenne et forte ; 10 millions de maisons individuelles sont très exposées, dont 3,5 millions situées en zone rouge. Dans 75 % des communes françaises, c’est plus de la moitié des habitations qui sont concernées.

Les dégâts pour les personnes victimes de ces sinistres sont matériels mais aussi psychologiques et beaucoup de propriétaires sont totalement démunis face à ce phénomène. Les lacunes du droit positif, s’agissant tant de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, préalable indispensable, que de l’indemnisation elle-même – concrètement, pas plus de la moitié des victimes sont indemnisées – conduisent le législateur à agir.

L’article 1er vise à graver dans le marbre de la loi une méthodologie adaptée à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse. Celle-ci doit se fonder sur un critère de variation de l’humidité des sols mesurée sur le terrain.

Il diminue également sensiblement la « période de retour ». Aujourd’hui, pour que la sécheresse soit caractérisée, l’indicateur d’humidité des sols doit être l’un des deux plus bas sur les cinquante dernières années, soit une période de retour de vingt-cinq ans. Nous proposons de la ramener à cinq ans : la sécheresse sera caractérisée dès lors que l’indicateur sera l’un des dix plus bas des cinquante dernières années.

Enfin, l’article 1er dispose que l’arrêté de catastrophe naturelle pris en cas de sécheresse ne peut avoir une durée inférieure à douze mois. C’est important, car les fissures découlant du RGA peuvent se manifester bien après la période de sécheresse elle-même. Ces évolutions permettront aux victimes d’être mieux indemnisées.

Le texte vise ensuite à instaurer un rapport de force favorable aux assurés en inversant la charge de la preuve du lien entre dommage et RGA. La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle n’est qu’une première étape. En effet, une fois cet état reconnu, les assureurs engagent des experts parfois peu scrupuleux pour démontrer que le dommage constaté n’est en réalité par lié au phénomène de RGA. La proposition de loi instaure ainsi une présomption de causalité entre le dommage constaté et le RGA. L’assureur peut toujours faire appel à un expert, mais qui devra cette fois prouver l’absence de lien entre RGA et dommage. Afin de s’assurer que l’analyse de l’expert est complète, le texte lui impose de réaliser une étude de sols de type G5.

J’ai par ailleurs déposé un amendement qui vise à protéger encore davantage les assurés, en créant deux labels, l’un destiné aux experts, l’autre aux entreprises chargées des travaux de remise en état du bâti ayant subi des dommages liés au RGA. Ces labels seront la garantie que ces entreprises et ces experts ont suivi une formation spécifique sur le RGA. C’est une demande des associations de sinistrés.

J’ai également déposé des amendements à la suite des auditions que nous avons réalisées. Le premier a pour objectif d’assurer une meilleure information des assurés et des communes en cas de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Trop d’associations de victimes nous ont fait part de leur désarroi face au silence de la puissance publique dans cette situation. Le deuxième amendement revient sur l’une des dispositions de l’ordonnance du 8 février 2023, qui limite l’utilisation de l’indemnité reçue par l’assuré à la réparation du bâti ayant subi des dommages. Étant donné l’état désastreux dans lequel se trouvent certains de ces bâtiments, il nous paraît souhaitable de permettre aux victimes d’utiliser cette indemnité pour se faire construire un nouveau domicile si cela est nécessaire.

Au-delà de ce texte, il sera nécessaire de penser la prévention, qui n’a pu être incluse dans le texte car cela aurait été irrecevable au titre de l’article 40. Les populations sont trop peu informées et il n’y a pas suffisamment de recherches pour prévenir le phénomène de RGA. Compte tenu du réchauffement climatique et du nombre d’habitations susceptibles d’être touchées, le renforcement de la prévention est un enjeu majeur.

Le phénomène de RGA touche des millions de nos concitoyens qui sont démunis face à la fois à une procédure complexe et peu transparente et à des assureurs prêts à tout pour ne pas les indemniser. Voter cette proposition de loi, c’est leur montrer que leurs représentants ont entendu leur appel de détresse. C’est aussi protéger les populations contre le risque que fait courir le réchauffement climatique, dans la perspective d’une France à + 4 degrés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Merci d’amener ce sujet très important, qui touche beaucoup de nos territoires et de nos concitoyens, dans le débat public. Je salue aussi le rapport que vous avez cosigné avec notre collègue Sandra Marsaud pour le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Ma première question concerne son articulation avec la présente proposition de loi : je n’ai pas le sentiment que toutes les recommandations du rapport y aient été reprises. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Deuxième remarque, qui ne vous surprendra pas : je veux alerter nos collègues sur le coût de cette proposition de loi. De votre point de vue, quel serait-il, pour nos finances publiques ? Comment assurer un financement pérenne du système de catastrophes naturelles ? Quelles seraient les parts respectives des assureurs et de l’État dans ce financement ?

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs de groupe.

Mme Sandra Marsaud (RE). Le phénomène de RGA affecte une bonne partie du territoire. Cette variation de volume du sol entraîne des mouvements sur le bâti, surtout quand les fondations ne sont pas suffisamment profondes. Un peu plus de 10 millions de maisons individuelles sont situées en zone d’aléa fort ou moyen, selon les cartes très précises établies par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).

Avec Sandrine Rousseau, nous avons formulé vingt-deux propositions pour améliorer l’expertise et l’indemnisation, renforcer la prévention et adapter le fameux régime « CatNat ». Nombre d’entre elles ont été reprises par le Gouvernement dans son ordonnance du 8 février dernier, en réponse à plusieurs limites du système actuel. Un projet de ratification est à venir, de même qu’un projet de mission parlementaire complémentaire.

Notre majorité porte une vive attention à ce sujet. Au regard de l’ampleur des conséquences pour nos concitoyens dans tout le territoire, nous contribuerons à cette proposition de loi, qui comporte quelques lacunes, en y apportant les modifications qui nous paraissent nécessaires. Nous proposerons notamment que le Gouvernement remette un rapport au Parlement pour évaluer l’impact financier des mesures à prendre.

Le groupe Renaissance ne s’opposera donc pas à votre texte, sous réserve de ces quelques modifications, soulignant ainsi l’intérêt qu’il y a à travailler tous ensemble à l’avenir.

M. Pierrick Berteloot (RN). La loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles a bouleversé le subtil équilibre entre assureurs et assurés. Des habitants de ma circonscription m’ont fait part des graves problèmes qu’ils ont rencontrés à la suite de phénomènes de sécheresse-réhydratation. Je n’ai pu que constater leur terrible détresse : non seulement leurs maisons sont complètement détruites par la sécheresse, mais ils font face à des assurances peu enclines à faire avancer leurs dossiers, sans même parler des défauts de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Quand on voit des fissures béantes, des maisons en ruine et une loi inadaptée, on conçoit qu’il y ait urgence à légiférer.

La loi de 2021 est beaucoup trop favorable aux assurances. Son article 6 limite l’indemnisation à la valeur du bien au moment du sinistre. L’ordonnance du 8 février 2023 limite quant à elle la garantie aux dommages susceptibles d’affecter le bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment. De ce fait, les dégâts non structurels sont désormais à la charge du sinistré. Le phénomène de sécheresse-réhydratation étant hélas de plus en plus fréquent, des milliers de Français se retrouvent seuls face à des assurances proposant des indemnités scandaleusement faibles – quand elles en proposent.

Les parlementaires ont bien compris l’urgence de la situation. J’ai moi-même déposé une proposition de loi sur ce sujet. Le présent texte, s’il est le bienvenu, ne va toutefois pas assez loin dans la défense des assurés. C’est pourquoi nous vous proposerons des amendements allant dans l’intérêt des victimes. L’objectif, que j’espère nous partageons, est de rétablir un juste équilibre entre les assureurs et les assurés, équilibre rompu avec la loi de 2021 et encore plus avec l’ordonnance de 2023.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Le nombre de logements touchés en France est particulièrement important. Permettez-moi de relater le témoignage d’un habitant de ma circonscription. Après m’avoir fait visiter sa maison endommagée par le RGA, il m’a montré sa chaudière à gaz, qui n’est plus aux normes et qu’il n’a pas les moyens de changer, en raison des travaux à faire. Il m’a dit : « Parfois, je me dis que ce serait mieux que la chaudière pète, et la maison avec, comme ça ce serait réglé… » C’est dire le désespoir de ces personnes qui voient le bien dans lequel elles ont investi toute leur vie se fissurer et s’affaisser, au point que l’on ne peut même plus ouvrir les portes ou les fenêtres.

Le problème est que le système n’est absolument pas adapté à la réalité de cette détresse, dans un contexte d’état de catastrophe naturelle permanent lié au changement climatique. Si la prise de conscience des conséquences de l’anthropocène dans le champ politique est assez récente, nous devons nous débarrasser de la vision du passé et envisager les choses d’une manière nouvelle pour assurer l’indemnisation des victimes. C’est dans cet état d’esprit d’ouverture que nous abordons l’étude de ce texte et que nous proposerons des amendements afin de mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Si ce phénomène n’est pas nouveau, nous constatons qu’il s’accélère. Cette proposition de loi constituerait indéniablement une avancée pour les propriétaires victimes de RGA. Néanmoins, elle va sans doute un peu trop loin car elle risque d’entraîner une forte augmentation des primes d’assurance, ce qui empêcherait de nombreux particuliers de s’assurer. Il faut parvenir à un équilibre entre la couverture du risque et la possibilité de s’assurer.

La disposition déclenchant automatiquement l’état de catastrophe naturelle quand une année fait partie des dix plus sèches des cinquante dernières années pose une réelle difficulté. Ne pourrait-on envisager, plus simplement, d’inscrire dans le périmètre déclaré en état de catastrophe naturelle les communes voisines de la commune concernée ? Ce serait déjà un réel progrès pour les propriétaires. Il faut éviter de provoquer une forte hausse du coût de l’assurance habitation.

Enfin, la proposition de renforcer la prévention et le traitement me semble intéressante. Il faudrait pour cela mobiliser le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, pour financer des expérimentations et des techniques de prévention, par exemple l’injection de résine ou l’installation de micropieux. Il faut aussi soutenir la recherche pour améliorer la connaissance et résoudre les difficultés que rencontrent les propriétaires. Raser une maison et construire en l’état sur le même terrain, ce n’est pas la solution. Telle est la proposition du groupe Les Républicains.

M. Luc Geismar (Dem). Le rapport de Sandrine Rousseau et Sandra Marsaud souligne les deux principaux enjeux auxquels fait face le régime actuel : d’une part les difficultés d’indemnisation, dues à une inadaptation du régime CatNat au risque RGA, d’autre part le problème de la soutenabilité financière du système au regard de l’augmentation du nombre de sinistres, consécutive au réchauffement climatique. Bientôt, l’État devra soutenir la Caisse centrale de réassurance (CCR).

La forte hausse du nombre des sinistres et l’extension territoriale du phénomène nous ont conduits à avancer sur le premier de ces enjeux. La loi Elan de 2018 a revu les règles applicables aux constructions nouvelles. La loi du 28 décembre 2021, dite loi Baudu, du nom de notre ancien collègue du groupe Démocrate, vise à améliorer la transparence des procédures. L’ordonnance du 8 février 2023 renouvelle la procédure CatNat pour le RGA. Il nous paraît plus raisonnable d’évaluer les effets de toutes les mesures qui ont déjà été prises avant de procéder à une énième modification.

Nous regrettons que la question du financement soit éludée. Nous ne devons pas nous précipiter en adoptant un texte incomplet. Continuons à réfléchir ensemble sur le sujet, par exemple dans le cadre d’un groupe de travail transpartisan chargé d’établir un bilan des mesures récentes et surtout d’envisager de nouvelles modalités de financement. Dans cette attente, nous nous abstiendrons.

M. Philippe Brun (SOC). Le retrait-gonflement de l’argile est de plus en plus fréquent en raison de l’urbanisation croissante, des changements climatiques, de l’utilisation intensive des terres et de l’exploitation des nappes phréatiques. Les conséquences en sont importantes sur la sécurité des personnes et des biens, ainsi que sur les finances, dans la mesure où les personnes concernées ne peuvent ni vivre dans leur habitation ni la vendre.

La procédure d’indemnisation actuelle est inadaptée en raison des conditions de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, de la dépendance des experts aux assureurs et de la nature même de ce phénomène – contrairement à une inondation, qui arrive soudainement, les dégâts causés par le RGA s’installent progressivement, faisant souvent suite à plusieurs sécheresses, ce qui permet d’ailleurs aux assureurs d’éviter le classement en catastrophe naturelle. La question se pose aussi de l’indemnisation des catastrophes naturelles à venir, qui seront plus fréquentes en raison du changement climatique. Dans ma circonscription, 95 % des communes sont concernées. À Terres de Bord, commune de 1 500 habitants, 36 dossiers ont déjà été déposés.

Réformer l’indemnisation du RGA, c’est faire œuvre utile et c’est adapter notre droit aux changements climatiques que connaîtra le XXIe siècle.

Mme Lise Magnier (HOR). Ce sujet concerne un nombre croissant de nos concitoyens, sous l’effet du réchauffement climatique. Environ la moitié de notre territoire connaît une exposition moyenne ou forte au retrait-gonflement de l’argile, soit plus de 10 millions de maisons individuelles. Le Gouvernement et les parlementaires se sont saisis depuis plusieurs années de cette question, qu’il s’agisse de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, de l’indemnisation ou encore de la prévention. La loi Elan, la loi Baudu, la loi « 3DS » de février 2022 et l’ordonnance de février 2023 ont tenté d’apporter des réponses. Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques avait lancé des travaux sur le sujet lors de la précédente législature, travaux dont Mme la rapporteure a pris la suite avec Sandra Marsaud, et il reste encore à faire.

La proposition de loi apporte une réponse partielle. L’article 2 vise une meilleure indemnisation des assurés lorsque l’état de catastrophe naturelle est reconnu. Je salue cette avancée. Cependant, l’obligation de réalisation d’une étude des sols par l’expert pourrait être contre-productive au regard de ses conséquences sur le coût et les délais de procédure. Par ailleurs, l’amendement CF42 de la rapporteure, qui vise à imposer une motivation de la décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, nous semble nécessaire pour assurer une bonne compréhension par nos concitoyens des décisions qui les concernent directement. En revanche, l’article 1er n’a pas à figurer dans le texte car il relève du pouvoir réglementaire.

En conclusion, nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi, qui constitue un pas supplémentaire pour mieux accompagner nos concitoyens face aux conséquences du réchauffement climatique. Il sera cependant nécessaire de poursuivre ce travail sur la base des propositions du rapport rédigé par la rapporteure avec Sandra Marsaud.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Dix millions : c’est le nombre de maisons individuelles construites sur des sols argileux qui sont menacées par le phénomène de RGA. Cette situation pourrait d’ailleurs s’aggraver, jusqu’à concerner une maison sur deux ! C’est le résultat de choix de construction datant des années 1970 et 1980, effectués par les pouvoirs publics et les constructeurs sans tenir compte de la spécificité des sols, dans une dynamique d’artificialisation à outrance de notre pays.

Le texte que nous vous proposons permet de venir en aide à ces millions de concitoyens qui font face aux lourdes procédures d’indemnisation des dommages. Il permet d’assouplir les démarches de reconnaissance de catastrophe naturelle et d’améliorer la charge de la preuve. Selon le BRGM, 48 % du territoire métropolitain se trouve en zone d’exposition forte ou moyenne. Voter ce texte, c’est décider d’accompagner des gens qui, pour la plupart, ont épargné toute leur vie pour vivre dans des maisons désormais inhabitables. Ce texte prévoit des mesures concrètes et efficaces pour garantir le droit à une vie digne et à un logement salubre.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux face aux risques avérés du changement climatique et à ses conséquences désastreuses déjà perceptibles. La France métropolitaine vient d’enregistrer trente-deux jours consécutifs sans pluie significative, ce qui fait de février 2023 le mois le plus sec jamais enregistré, avec un déficit de précipitations d’environ 50 % et 80 % des nappes phréatiques à des niveaux bas à très bas. Chaque jour d’inaction, chaque recul, chaque reniement nous rapproche d’une catastrophe climatique incontrôlable.

Le Gouvernement s’applique à envisager une France à + 4 degrés, alors même que le PDG d’AXA nous prévenait, il y a quelques années, qu’un monde à + 3 degrés n’était pas assurable. Très récemment, en commission des finances, Groupama, Crédit Agricole et Pacifica nous indiquaient que le secteur assurantiel était organisé pour le risque conjoncturel, pas pour le risque structurel. Nous voterons donc pour ce texte.

M. Yannick Monnet (GDR-NUPES). Le Parlement a déjà voté sur ce sujet, à l’initiative du groupe Modem, la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles. Celle-ci n’a toujours pas de décret d’application. Ce n’est pas très sérieux.

Le problème déjà très présent du retrait-gonflement des sols argileux va se renforcer avec la multiplication des phénomènes climatiques exceptionnels. Il est donc essentiel d’agir sur les failles du dispositif d’indemnisation : le régime des catastrophes naturelles n’est pas parfaitement adapté aux phénomènes de sécheresse-réhydratation et de nombreux sinistrés sont englués dans des litiges avec leur assurance.

Nous saluons cette proposition de loi, qui vise notamment à inverser la charge de la preuve lorsqu’il s’agit de déterminer le lien entre le retrait-gonflement des sols et les dommages causés sur le bâti. Cette disposition fait consensus parmi les associations de sinistrés. Nous approuvons aussi le relevé physique d’humidité des sols ou la définition de l’aggravation de fissures comme événement nouveau.

Son examen se télescope néanmoins avec la publication de l’ordonnance du 8 février 2023, qui prévoit une limitation des garanties des sinistrés, ce qui n’est pas acceptable et constituerait un cas unique au sein du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous espérons que l’examen de cette proposition de loi permettra de revenir sur cette disposition.

M. Charles de Courson (LIOT). Le retrait-gonflement de l’argile est un phénomène grave et important. Des millions de maisons y sont très exposées et on estime son coût, au cours des trente-trois dernières années, à environ un demi-milliard par an. Les prévisionnistes nous indiquent que ce chiffre pourrait passer à 1,3 milliard d’euros dans les trente ans à venir. La proposition de loi entend faciliter l’indemnisation de ce type de sinistres en simplifiant la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et en présumant le lien de causalité entre le retrait-gonflement et les dégâts subis.

Madame la rapporteure, pourriez-vous nous éclairer sur l’explosion du coût des dégâts ? S’agissant des délais de travaux, les entreprises compétentes en matière de micropieux sont peu nombreuses et leurs carnets de commandes explosent : pouvez-vous nous éclairer sur les tensions qui existent sur ce marché ? Réfléchissez-vous à des solutions pour réduire le temps qui s’écoule entre l’apparition des fissures et la rénovation ?

La prévention des dégâts demeure un angle mort. Interdire toute construction sur les sols argileux semblerait une solution extrême ; il faut l’écarter, d’autant qu’elle poserait des problèmes de foncier, notamment dans le sud de la France. Renforcer les normes de construction renchérirait les coûts, alors que les prix s’envolent dans le secteur du bâtiment et que l’accès au crédit est difficile. Quelle est votre position sur ces sujets ?

Enfin, le problème de l’articulation entre le niveau d’indemnisation des sinistrés dans le cadre du dispositif de catastrophe naturelle, d’une part, et dans le cadre de leurs propres contrats d’assurance d’autre part, n’a pas été abordé. Or il arrive que le premier indemnise moins bien que les contrats.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Merci de toutes ces remarques.

Le retrait-gonflement de l’argile nous invite en effet à nous interroger sur l’avenir de notre système assurantiel face au réchauffement climatique et à ses effets sur les particuliers. C’est un problème d’une ampleur dont nous ne prenons pas suffisamment la mesure. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a montré que le réchauffement climatique n’est pas sous contrôle : nous devons aussi nous pencher sur la protection des populations et la résilience du système assurantiel dans notre État social.

On nous dit que cela coûte trop cher ; mais si nous limitons les dépenses d’indemnisation, ces coûts seront supportés par des particuliers. Nous laisserions des sinistrés sur le bord de la route. Nous y reviendrons, mais je suis prête à accepter des amendements qui amélioreraient le financement du régime CatNat.

S’agissant du lien entre le rapport et la proposition de loi, le premier a été remis après des mois d’auditions avec Sandra Marsaud, que je remercie ; il formule différentes propositions que je n’ai pas pu toutes reprendre dans ce texte, car certaines relèvent du domaine réglementaire et d’autres n’auraient pas passé la barre de l’article 40. Cela limite évidemment la portée de la proposition de loi. Mais je tenais à prolonger ce rapport, car l’ordonnance du 8 février 2023, loin de résoudre tous les problèmes, en crée de nouveaux. Nous avons connu cet été, puis cet hiver, une sécheresse exceptionnelle : nous devons envoyer aux sinistrés un signal fort, leur montrer que la représentation nationale s’occupe de leur situation.

Un amendement vise à demander un rapport sur l’impact financier de la proposition de loi. Sans trop spoiler, je lui donnerai un avis favorable. On estime le coût de la sécheresse de 2022 à 2,9 milliards d’euros. Si ce montant n’est pas pris en charge par un système assurantiel, alors ce sont des particuliers qui devront assumer les conséquences de cette sécheresse.

Monsieur Berteloot, nous constatons la même chose que vous : nombre de sinistrés sont laissés avec des fissures béantes et sans réponse d’aucune sorte. C’est pour cela que nous avons suggéré des améliorations concernant les arrêtés de péril.

S’agissant du rapport de force entre assurés et assureurs, la proposition de loi inverse la charge de la preuve : les assurés auront ainsi bien plus de poids, alors qu’aujourd’hui, pour refuser l’indemnisation, les assureurs prétendent souvent que le RGA n’est pas la cause des fissures.

S’agissant du montant des primes d’assurance, je suis prête à travailler, aujourd’hui ou d’ici à la séance, à des amendements sur ce thème.

Les communes limitrophes sont un sujet important : les arrêtés de catastrophe naturelle s’arrêtent aujourd’hui à la frontière administrative des communes concernées, alors que certaines communes limitrophes peuvent être affectées. Je n’ai pas pu l’inscrire dans la proposition de loi, en raison de l’article 40, mais je sais que le Gouvernement travaille sur ce sujet.

Sur la prévention, le fonds Barnier ne suffirait pas, mais serait un premier signe. Il faudrait certainement lui adjoindre d’autres crédits spécifiquement consacrés au RGA.

En ce qui concerne la question des travaux et des délais, nous proposons un label, car nombre de sinistrés se plaignent de travaux mal réalisés et de fissures qui réapparaissent.

S’agissant de la prévention et des conséquences du RGA, le Gouvernement vient de lancer un appel à projets dans le cadre du programme France 2030. Mais la recherche est bien trop absente : nous mettons la tête dans le sable face à l’ampleur de ce phénomène.

Il est donc essentiel de protéger nos concitoyennes et nos concitoyens en votant cette proposition de loi.

 

 

 


— 1 —

 

   Examen des articles

Avant l’article 1er

Amendement CF28 de M. Pierrick Berteloot.

M. Pierrick Berteloot (RN). Cet amendement porte sur le montant de la franchise spécifique, qui est plus élevée pour les dégâts consécutifs à un phénomène de sécheresse-réhydratation du sol. En effet, l’article A. 125-6 du code des assurances dispose que « pour les biens définis à l’article D. 125-5-3, le montant de la franchise applicable, pour chaque événement, aux dommages matériels directs définis au troisième alinéa de l’article L. 125-1 est fixé à 380 euros, sauf en ce qui concerne les dommages imputables à un mouvement de terrain consécutif à un phénomène de sécheresse-réhydratation du sol, pour lesquels le montant de la franchise est fixé à 1 520 euros ».

Cet amendement vise à interdire qu’une franchise plus élevée soit appliquée pour les dommages consécutifs à un phénomène de sécheresse-réhydratation du sol. Cela nous semble un acte de justice et de bon sens, car c’est là une rupture d’égalité. Il n’est pas concevable que, selon la catastrophe naturelle dont vous êtes victime, les franchises varient du simple au quadruple.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Le texte propose déjà des avancées concrètes pour mieux indemniser les assurés. La fixation d’une franchise plus élevée permet de maintenir quelque peu l’équilibre du système.

La proposition n° 10 du rapport que j’ai écrit avec Sandra Marsaud prévoit notamment la création d’un fonds social destiné à aider les personnes dont les franchises seraient trop élevées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF28.

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Article 1er A
Améliorer l’information des communes en cas de refus
de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

I.   L’état du droit

L’article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles ([14]), dite loi « Baudu », prévoit depuis le 1er janvier 2023 une meilleure information des élus locaux et des sinistrés en cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. 

L’alinéa 4 dispose ainsi que l’arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle :

– la décision des ministres, motivée de façon claire, détaillée et compréhensible ;

– la mention des voies et délais de recours ;

– les règles de communication des documents administratifs, notamment les rapports d’expertise ayant fondé cette décision.

Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée, par le représentant de l’État, en précisant les conditions de communication des rapports d’expertise.

Cette loi entendait ainsi améliorer l’information qui doit accompagner la procédure de prise de « l’arrêté cat nat », dans un objectif de meilleure compréhension de la part des communes. Le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale soulignait en effet une procédure « mal comprise, opaque et soupçonnée de partialité », ou encore « l’inégale information des personnes touchées par un sinistre relevant d’une catastrophe naturelle de leurs droits et des caractéristiques de la procédure » ([15]).

Outre ces obligations d’informations complémentaires devant accompagner l’arrêté, la loi instaure un délégué à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle dans chaque département. Codifié à l’article L. 125-1-2 du code des assurances, ce « référent départemental » est chargé d’accompagner les communes dans leurs démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle (information sur les démarches, constitution du dossier etc.), et plus généralement de « promouvoir une meilleure information des communes et des habitants » ([16]).

II.   Le dispositif proposé

En dépit des avancées permises par la loi de décembre 2021, que la rapporteure salue, plusieurs associations ont alerté la rapporteure sur l’absence d’information en cas de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Une telle situation peut surprendre dans la mesure où la meilleure information des communes et des sinistrés voulue par la loi semblait également s’appliquer aux cas de décision défavorable. Dans les travaux préparatoires, le rapporteur du texte alerte en effet sur « la méfiance et l’incompréhension que suscitent les réponses défavorables aux demandes des communes, à la fois quant à la typologie des aléas naturels relevant de la garantie CatNat, aux critères et aux études utilisés ou au mode de fonctionnement, jugé opaque, de la Commission interministérielle. » ([17])

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 125-1 pourrait toutefois être interprété comme instaurant une obligation d’information uniquement dans le cas où l’arrêté ministériel est effectivement pris, dès lors qu’il dispose que « l’arrêté précise […] la décision des ministres, qui est motivée de façon claire […] ».

Afin d’y remédier et d’assurer une information complète pour les communes et les sinistrés, que l’arrêté soit ou non pris, la proposition de loi complète l’article L. 125-1 du code des assurances afin d’imposer le même niveau d’information en cas de décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle.

Article 1er A de la proposition de loi

« Lorsque l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, la décision de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle est motivée de façon claire, détaillée et compréhensible et mentionne les voies et délais de recours ainsi que les règles de communication des documents administratifs, notamment des rapports d’expertise ayant fondé cette décision, dans des conditions fixées par décret. »

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Amendement CF42 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Les décisions de refus de reconnaissance d’un état de catastrophe naturelle ne sont pas motivées. Il est souhaitable qu’elles le soient, afin qu’il y ait un fondement sur lequel fait appel.

La commission adopte l’amendement CF42 et l’article additionnel 1er A ainsi rédigé.

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Article 1er
Précision de la méthodologie de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse et adaptation de la durée de l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle au phénomène de retrait-gonflement des argiles

I.   L’état du droit

L’article L. 125-1 du code des assurances dispose que « sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises. » Il en découle que l’état de catastrophe naturelle résulte de la caractérisation d’une « intensité anormale » d’un agent naturel.

L’ordonnance du 8 février 2023 ([18]) relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, prise par le Gouvernement sur le fondement de l’article 161 de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale ([19]), dont les dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur, complète cet article L. 125-1 pour mieux prendre en compte le phénomène de RGA, en instaurant un nouveau critère de reconnaissance des catastrophes naturelles qui doit entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2024. S’agissant des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, seront ainsi considérés comme les effets des catastrophes naturelles les dommages ayant eu pour cause « la succession anormale d’événements de sécheresse d’ampleur significative ». À la date d’écriture de ce rapport, aucune information n’est cependant disponible quant à ce qui pourra être qualifié de « succession anormale » ou d’« ampleur significative ».

En l’état du droit, les critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrain différentiels sont fixés par une circulaire du 10 mai 2019 ([20]). L’intensité « anormale » s’apprécie au regard de deux critères :

– un critère géotechnique, relatif à la présence d’argiles sensibles au phénomène de retrait-gonflement. Il permet d’identifier les sols présentant une prédisposition au phénomène de RGA, à savoir, les sols contenant au moins 3 % d’argiles « gonflantes » ;

– un critère météorologique, qui comporte, depuis 2019, une seule variable : le niveau d’humidité des sols superficiels. Il est mesuré par Météo France au moyen d’un indice spécifique, dit soil wetness index (SWI).

La durée de retour de ce critère doit être supérieure ou égale à 25 ans. Autrement dit, pour caractériser un phénomène de sécheresse qualifié d’anormal au sens du régime CatNat, le critère météorologique doit démontrer que la variation de l’humidité des sols sur le périmètre concerné est la plus significative ou la deuxième plus significative des relevés effectués sur les cinquante dernières années ([21]).

II.   Le dispositif proposé

1.   Une précision de la méthodologie de mesure du critère météorologique

L’article 1er de la proposition de loi inscrit tout d’abord dans la loi le critère météorologique dans sa rédaction figurant dans la circulaire du 10 mai 2019 précitée. Si la présence d’argiles, qui fonde le critère géologique, est un facteur de prédisposition, c’est bien la variation du taux d’humidité des sols qui « déclenche » le phénomène de retrait-gonflement – et il n’apparaît dès lors pas concevable que ce critère puisse ne pas être pris en compte. Inscrire ce critère dans le marbre de la loi lui assurera une certaine pérennité.

La proposition de loi va cependant plus loin, en précisant que la mesure des variations d’humidité du sol doit être effectuée « sur le terrain ». Actuellement, en effet, Météo-France n’est en capacité de mesurer cet indicateur que sur des surfaces de 64 km2, compte tenu du maillage de ses stations ; une précision jugée insuffisante par votre rapporteure pour une approche fine de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Le rapport du comité d’évaluation et de contrôle précité déplore ainsi une « analyse dans des zones virtuelles appelées « mailles » ne correspondant pas au cadre spatio-temporel de la reconnaissance ». ([22])

La précision apportée par la présente proposition de loi a vocation à remédier à cette déconnexion entre l’échelle de la mesure du critère météorologique et le terrain effectivement concerné.

2.   Une durée de retour ramenée à cinq ans

L’alinéa 3 de l’article 1er de la proposition de loi prévoit une diminution de la « durée de retour », aujourd’hui arbitrairement fixée à 25 ans, à cinq ans. Pour ce faire, elle dispose que pour que l’état de catastrophe naturelle soit décrété, l’indicateur d’humidité des sols doit être l’un des dix plus faibles des 50 dernières années.

Lors de la discussion du texte en commission des finances, plusieurs députés ont alerté votre rapporteure sur la trop courte durée de retour prévue, qui aurait pour effet d’instaurer un état de catastrophe naturelle de sécheresse permanent, alors même que l’essence de ce régime est d’être exceptionnel.

Par conséquent, votre rapporteure déposera en séance publique un amendement pour ramener cette durée de retour à 10 ans.

3.   Une durée de l’arrêté de catastrophe naturelle adaptée au phénomène RGA

Alors que les catastrophes naturelles entraînent généralement des dommages de manière immédiate (par exemple dans le cas d’une inondation), le RGA présente la particularité de pouvoir être la cause de dommages pouvant apparaître avec un décalage de plusieurs mois.

Pour tenir compte de cette spécificité, la proposition de loi précise que l’arrêté interministériel de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne pourra avoir une durée inférieure à douze mois. Dès lors qu’une catastrophe naturelle sécheresse sera reconnue, le territoire concerné par l’arrêté sera donc en état de catastrophe naturelle pendant un an. Les dommages ayant pour cause le RGA, mais survenant postérieurement à l’épisode de sécheresse, pourront dès lors être indemnisés.

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*     *

Amendement de suppression CF38 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud (RE). Cet article traite d’un sujet que nous abordons dans notre rapport, mais qui est d’ordre réglementaire. De plus, il ne correspond pas à nos propositions.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Supprimer cet article 1er, ce serait accepter que le législateur ne prenne pas la parole sur un sujet qui touche des millions de Français. L’ordonnance du 8 février est insuffisante, et elle est en outre conditionnée à la parution de décrets, dans des délais dont nous ignorons tout. Le législateur doit prendre position et proposer des évolutions concrètes pour répondre dès maintenant à ce fléau.

Mme Véronique Louwagie (LR). Je ne comprends pas cet amendement de suppression. La situation est alarmante : plus de la moitié du territoire français serait concernée, 10 millions de maisons individuelles exposées. Mme la rapporteure a rappelé le coût extrêmement élevé de l’épisode de sécheresse en 2022 : 2,9 milliards, contre 445 millions en moyenne par an jusqu’en 2020, selon un rapport du Sénat.

Face à de tels risques, il nous appartient de nous emparer de ce sujet qui touche un grand nombre de propriétaires aujourd’hui démunis. La proposition de loi mérite sans doute des aménagements, comme l’a rappelé Mme Dalloz, mais nous nous opposons à la suppression du dispositif retenu.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous sommes tout à fait ouverts sur ce texte et le sujet est important ; notre collègue Vincent Ledoux y travaille depuis des années, comme notre ancien collègue Stéphane Baudu.

Nous assumons qu’il est difficile de comprendre le critère météorologique. Mais nous ne souhaitons pas figer les critères dans la loi. Le règlement est un outil beaucoup plus souple.

La commission rejette l’amendement CF38.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF43 de Mme Sandrine Rousseau, rapporteure.

Amendement CF15 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson (LIOT). Il vise à réduire le seuil à partir duquel la sécheresse peut être considérée comme une catastrophe naturelle, et élargit ainsi le nombre de cas dans lesquels le retrait-gonflement de l’argile peut ouvrir droit à une indemnisation.

Avec le réchauffement climatique, les règles proposées par notre rapporteure me paraissent trop laxistes : ce phénomène va devenir bien plus fréquent.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Aujourd’hui, la loi prévoit une durée de retour de vingt-cinq ans ; votre amendement propose une durée de quinze ans, plus favorable que la loi actuelle mais bien moins favorable que la proposition de loi, qui la ramène à cinq ans. Je vous propose donc de le retirer.

M. Charles de Courson (LIOT). Mais en bon centriste, je vous propose un compromis ! Si nous allons trop loin, les coûts vont exploser, et cela se répercutera sur les taxes sur les conventions d’assurance. Avez-vous pu établir une simulation sur les différentes durées ? Car avec une durée de cinq ans, nous risquons d’être en permanence dans un état de sécheresse.

M. Luc Geismar (Dem). Il convient d’abord de revoir le financement et d’évaluer les mesures nouvelles prises ces deux dernières années : nous voterons contre l’amendement.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Monsieur de Courson, je vous propose de discuter d’ici à la séance pour arriver à un compromis à dix ans – une proposition de centriste-gauche !

La commission rejette l’amendement CF15.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels CF44 et CF54 de Mme Sandrine Rousseau, rapporteure.

Amendement CF55 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Il vise à inscrire dans la loi la méthodologie du critère météorologique.

La commission rejette l’amendement CF55.

Amendement CF25 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie (LR). La proposition de loi prévoit que « lorsque l’année considérée se classe entre le premier rang et le dixième rang des valeurs les plus basses de l’indicateur d’humidité des sols superficiels, l’état de catastrophe naturelle de sécheresse est constaté ». Ce critère semble trop large : les épisodes de sécheresse se multipliant, et chaque année qui vient risquant d’être plus chaude que la précédente, la déclaration de catastrophe naturelle serait trop systématique. Nous risquerions alors de voir une forte augmentation des primes d’assurance, ce qui empêcherait de nombreux particuliers de s’assurer. Cet amendement vise à corriger cette situation.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Avis défavorable. Je vous propose également de travailler ensemble d’ici à la séance publique pour trouver un compromis.

L’amendement CF25 est retiré.

Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel CF56 de Mme Sandrine Rousseau, rapporteure.

Amendement CF58 de Mme Sandrine Rousseau et sous-amendement CF60 de M. Charles de Courson.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Il s’agit d’inscrire dans la loi le lien applicable entre les mailles et les communes, consolidant ainsi la doctrine actuelle. Lorsqu’une catastrophe naturelle de sécheresse est constatée sur une maille, c’est l’ensemble de la commune qui doit être reconnu en état de catastrophe naturelle.

M. Charles de Courson (LIOT). Le sous-amendement apporte une précision rédactionnelle afin d’éviter tout revirement de la doctrine administrative.

La commission adopte le sous-amendement CF60, puis l’amendement CF58 ainsi sous-amendé.

Elle adopte l’article 1er modifié.

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Après l’article 1er

Amendement CF31 de M. Pierrick Berteloot.

M. Pierrick Berteloot (RN). Lorsque se produit un phénomène aussi complexe que celui de la sécheresse-réhydratation des sols, le citoyen est le plus souvent démuni, et plus encore lorsqu’il fait face seul à un expert mandaté par son assurance pour évaluer les dégâts et leurs causes. L’assuré, dans la plupart des cas, ne peut pas se défendre lors de la première expertise, pourtant déterminante pour la constitution du dossier.

Cet amendement vise à permettre à un propriétaire victime d’un épisode de sécheresse de se faire assister par un expert d’assuré, pris en charge par l’assurance. Le débat contradictoire doit avoir lieu dès le début de l’expertise : c’est capital pour que la victime soit correctement indemnisée.

Sans l’aide d’un expert d’assuré, le sinistré ne peut se défendre car il n’est pas un technicien ; il méconnaît bien souvent le fonctionnement du phénomène sécheresse-réhydratation. Une personne fragile ou âgée peut voir son dossier écarté sans savoir qu’elle peut demander une contre-expertise. C’est pourquoi la présence d’un expert d’assuré dès les premières investigations est essentielle.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Cette mesure nous paraît nécessaire pour qu’assureurs et assurés soient à armes égales. Nous avons cependant déposé un amendement qui satisfait le vôtre. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF31.

Amendement CF33 de M. Pierrick Berteloot.

M. Pierrick Berteloot (RN). La contre-expertise engagée par l’assuré doit être prise en charge par son assurance.

Il n’est pas rare que le rapport de l’expert mandaté par l’assurance ne soit pas conforme aux attentes de l’assuré. Pourtant c’est de lui que dépend le sort du dossier. Il est donc normal qu’un sinistré qui se sent lésé se défende et engage un expert pour mener une contre-expertise.

Or la prise en charge par l’assureur d’une contre-expertise n’est pas systématique en cas de dommage consécutif à une sécheresse ; à ce jour, seule une minorité de compagnies d’assurance ont une clause qui la garantit, à l’inverse de ce qui se passe pour les incendies ou les inondations. Il y a une différence de traitement flagrante entre les victimes de sécheresse et d’autres catastrophes naturelles, ainsi qu’une inégalité lors de la détermination de l’origine des dommages entre le sinistré et le professionnel qui est un expert formé.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Même avis que précédemment, pour les mêmes raisons. Demande de retrait ou défavorable.

La commission rejette l’amendement CF33.

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Article 2
Instauration d’une présomption de lien de causalité entre les dommages constatés en cas de sécheresse et le phénomène de retrait-gonflement des argiles et labélisation des principaux acteurs intervenant en situation de RGA

I.   L’état du droit

En application de l’article L. 125-1 du code des assurances, « à compter de la réception de la déclaration du sinistre ou de la date de publication, lorsque celle‑ci est postérieure, de la décision administrative constatant l’état de catastrophe naturelle, l’assureur dispose d’un délai d’un mois pour informer l’assuré des modalités de mise en jeu des garanties prévues au contrat et pour ordonner une expertise lorsque l’assureur le juge nécessaire. »

En effet, la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sécheresse n’ouvre pas automatiquement droit à indemnisation ; encore faut-il que le lien de causalité entre les dommages et le RGA soit établi. L’article L. 125-1 dispose en effet que sont pris en charge dans le cadre du régime « Cat Nat » les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante » une catastrophe naturelle.

L’article L. 125-1 dispose encore que « l’assureur communique à l’assuré le rapport d’expertise définitif relatif au sinistre déclaré » et qu’« en cas de contestation de l’assuré auprès de l’assureur des conclusions du rapport d’expertise, l’assureur informe l’assuré de sa faculté de faire réaliser une contre-expertise dans les conditions prévues au contrat et de se faire assister par un expert de son choix ».

En l’état du droit, il n’existe aucun agrément ou label particulier à destination des experts susceptibles d’effectuer ces expertises, ou des entreprises chargées par la suite de réaliser les travaux de remise en état.

II.   Le dispositif proposé

A.   Une présomption de causalité entre dommage et RGA

Votre rapporteure considère que les sinistrés victimes de dommages RGA font aujourd’hui face à un véritable « déni d’indemnisation » ([23]), dû en partie à l’important taux de rejet des dossiers par les assureurs. À peine plus de la moitié des sinistres déclarés dans les communes reconnues « Cat Nat » sont, in fine, effectivement indemnisés. Dans plus d’un cas sur deux, les dossiers rejetés le sont parce que l’expert n’a pas retenu la sécheresse comme « cause déterminante » du sinistre (1) ; une fissure constatée sur le bâti n’étant jamais liée à une cause unique.

 

 

L’identification de la « cause déterminante » est laissée à l’expert mandaté par la compagnie d’assurance, qui dispose pour cela d’une marge d’appréciation importante pouvant donner l’impression d’une forme d’arbitraire ; et ce d’autant que les liens de dépendance économique entre l’expert et l’assureur peuvent alimenter un doute sur le caractère en principe impartial de l’expertise. » ([24])

Afin de remédier à cette situation, la proposition de loi crée un nouvel article L. 125-2-1 A ([25]) dans le code des assurances, qui instaure une présomption de causalité entre le dommage constaté et le RGA. L’assureur dispose bien entendu toujours de la faculté d’ordonner une expertise, qui devra cependant désormais démontrer que le RGA n’est pas la cause déterminante du dommage. Pour garantir le sérieux de cette expertise, la proposition de loi prévoit qu’elle devra obligatoirement contenir une étude de sol « de type G5 », c’est-à-dire une étude vérifiant que les fonctions des constructions sont adaptées aux caractéristiques du sol.

Afin que l’assuré et l’assureur soit à égalité durant cette procédure, la proposition de loi prévoit également que l’assuré peut être assisté par un expert d’assuré aux fins de contre-expertise, dont les honoraires seront pris en charge par l’assureur.

Enfin, le nouvel article L. 125-2-1 A du code des assurances prévoit que l’« aggravation d’une fissure est considérée comme un événement nouveau […] ouvrant droit à indemnisation si l’aggravation de la fissure est apparue pendant la période de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle de sécheresse ». Cette précision va dans le sens d’une meilleure protection de l’assuré, qui pourra faire de nouveau appel à son assureur sans que ce dernier puisse se prévaloir du fait que la fissure dont il est question a déjà fait l’objet d’une indemnisation.

B.   Un label à destination des experts et des entreprises

L’article 2 de la proposition de loi crée également un nouvel article L. 125‑2-1 B dans le code des assurances, qui prévoit la création de deux labels, d’une part à destination des experts et, d’autre part, des entreprises susceptibles de réaliser les travaux de remise en état du bâti.

Votre rapporteure a en effet été alertée par différentes associations de victimes de dommages RGA sur le manque de probité et de compétences de certains experts et de certaines entreprises. Le manque de connaissance sur la spécificité du phénomène RGA peut conduire les premiers à formuler un diagnostic erroné, et les seconds à effectuer des travaux non adaptés.

La création de ces labels, dont les modalités d’octroi sont renvoyées à un décret, doit permettre d’assurer au sinistré, mais également à l’assureur, la compétence des professionnels auxquels il sera fait appel.

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La commission adopte les amendements rédactionnels CF45, CF46, CF47, CF48 et CF49 de Mme Sandrine Rousseau, rapporteure.

Amendement CF50 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Pour répondre à une très forte demande des assurés, l’amendement vise à obliger les experts à réaliser une étude de type G5.

La commission adopte l’amendement CF50.

En conséquence, l’amendement CF20 de M. Frédéric Mathieu tombe.

Amendement CF37 de M. Pierrick Berteloot.

M. Pierrick Berteloot (RN). Par cet amendement, nous souhaitons garantir une expertise fiable et honnête, dans l’intérêt des sinistrés. Les conflits entre les assurés et les assurances portent presque exclusivement sur le rapport d’expertise. Ce n’est guère étonnant puisque les experts en assurance sont commissionnés par les assurances elles-mêmes et travaillent conformément aux intérêts de leur employeur. Ce lien de subordination empêche souvent une expertise véritablement juste. Contraindre les assurances à faire appel à un expert indépendant garantirait une expertise impartiale et apaiserait les rapports entre les parties. Rappelons que l’expert prête serment d’accomplir sa mission, et de donner son avis avec honneur et conscience, objectivité et impartialité.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Cet amendement sera satisfait, à mon sens, par la création de labels spécifiques à l’expertise dont nous allons discuter. Le fait qu’un expert soit reconnu par un organisme d’État inscrit sur les listes des cours d’appel et des cours administratives d’appel, comme vous le proposez, ne permettrait de justifier ni de leur compétence sur les RGA, ni de leur indépendance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF37.

Amendement CF21 de Mme Élise Leboucher.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Nous proposons que, lorsque l’assuré conteste les conclusions de l’expertise réalisée par l’assureur, il puisse faire procéder à une contre-expertise par un expert mandaté par les services de l’État, à la charge de l’assureur.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Avis favorable. Cela rassurerait les sinistrés.

Mme Sandra Marsaud (RE). Le financement intégral par l’assureur créerait des effets d’aubaine : tous les assurés demanderaient une contre-expertise. Cela détériorerait, entre autres, le résultat technique des assurances et se répercuterait tôt ou tard sur la surprime, au détriment des assurés.

Vous proposez en outre que l’expert de l’assuré soit mandaté par l’État. L’application de cette disposition se heurterait à des difficultés concrètes à court terme. Il est nécessaire de constituer un corps d’experts réputés compétents, comme nous le proposons dans notre rapport, avant de voter ce type d’amendements.

M. Pierrick Berteloot (RN). Nous voterons pour cet amendement. Madame Rousseau, vous avez dit, au début de la réunion, que vous donneriez un avis favorable aux amendements qui visent à améliorer la proposition de loi. Or, l’amendement que j’ai proposé précédemment est très similaire à celui-ci ; par certains côtés, il va même plus loin. Mieux vaudrait que vous disiez clairement que vous ne voterez aucun des amendements émanant de notre groupe, bien qu’ils aient été préparés avec M. Dehaudt, président de l’association CatNat Flandres, avec qui vous avez travaillé pour élaborer votre rapport.

M. Charles de Courson (LIOT). La rédaction de cet amendement n’est pas très claire. En effet, il prévoit que l’assuré a la faculté « de se faire assister par un expert mandaté par les services de l’État ». On peut en déduire que l’assuré ne pourra pas choisir l’expert. Pourrait-on avoir des précisions à ce sujet ?

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Je partage votre avis : c’est une formulation ambiguë. Mieux vaudrait écrire que l’expert est labellisé par les services de l’État, ce qui est l’objet d’un prochain amendement. Madame Leboucher, je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement CF21 est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CF51 de Mme Sandrine Rousseau, rapporteure.

Amendement CF52 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Voilà cet amendement qui propose de créer un label pour les entreprises et les experts, ce qui, outre le fait de rassurer les sinistrés, permettrait de remédier à l’incapacité des experts à mesurer tous les effets des RGA, que l’on constate dans nombre de dossiers. C’est une mesure très importante.

M. Luc Geismar (Dem). L’idée est très bonne mais il faudrait au préalable travailler sur le sujet avec les assureurs et les experts. Il ne faut pas forcément passer par la loi. Nous voterons contre l’amendement.

M. Philippe Brun (SOC). En tant que législateur, nous ne pouvons pas renvoyer en permanence au décret. L’intérêt de cette proposition de loi est de nous offrir l’occasion de débattre d’un sujet majeur dans nos territoires.

En outre, nous savons depuis 1982 et la décision du Conseil constitutionnel Blocage des prix et des revenus que le législateur peut adopter des dispositions dans le domaine du règlement, le Gouvernement ayant ensuite la faculté de les délégaliser sur le fondement de l’article 37, alinéa 2, de la Constitution. L’argument selon lequel certaines des dispositions de la proposition de loi appartiendraient au domaine réglementaire n’est donc pas recevable. Nous nous honorons à agir dans l’intérêt de nos concitoyens, pour assurer une meilleure indemnisation de ces dégâts écrasants.

La commission adopte l’amendement CF52.

Elle adopte l’article 2 modifié.

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Article 2 bis
Possibilité offerte à la victime de dommages RGA d’utiliser l’indemnité reçue en réparation de ceux-ci pour faire construire ou acquérir
un nouveau logement

I.   L’état du droit

L’article L. 125-2 du code des assurances dispose que « dans la limite du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, les indemnisations dues à l’assuré au titre des sinistres liés aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols couvrent les travaux permettant un arrêt des désordres existants consécutifs à l’événement lorsque l’expertise constate une atteinte à la solidité du bâtiment ou un état du bien le rendant impropre à sa destination ».

L’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols encadre les conditions d’indemnisation pour l’assuré des sinistres RGA. L’ordonnance modifie ainsi l’article L. 125-2 qui prévoira au plus tard à compter du 1er janvier 2024 que :

– pour les dommages ayant eu pour cause déterminante les mouvements de terrain différentiels, la garantie est limitée aux dommages susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment ;

– pour ces sinistres, l’indemnité due par l’assureur doit être utilisée par l’assuré pour réparer les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels.

II.   Le dispositif proposé

Votre rapporteure considère que la règle d’utilisation des indemnités reçues posée par l’ordonnance du 8 février 2023 est trop restrictive pour l’assuré et peut même à terme être contre-productive.

En effet, plusieurs personnes auditionnées ont souligné que les fissures provoquées par le RGA menaçaient parfois le bâti de ruine et le rendaient en tout état de cause inhabitable. Les indemnités reçues pour ces sinistres ne permettent pas, dans ces situations, de réparer définitivement le bâti.

La proposition de loi revient ainsi sur la rédaction de l’ordonnance du 8 février 2023 et prévoit qu’un sinistré se retrouvant dans une telle situation peut librement utiliser l’indemnité reçue de son assureur pour changer de domicile, en achetant un nouveau logement ou en le faisant construire.

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Amendements CF22 de M. Frédéric Mathieu et CF53 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune).

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Nous proposons de tirer par anticipation les conséquences de l’adoption de la proposition de loi en demandant l’abrogation de l’ordonnance du 8 février 2023.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. L’amendement CF53 vise à ce que l’indemnité perçue pour réparer les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels puisse être employée à la construction d’un nouveau logement. C’est une demande très forte des sinistrés, qui n’ont pas tous la possibilité d’effectuer les travaux nécessaires.

Monsieur Mathieu, je vous propose de retirer votre amendement. L’ordonnance du 8 février dernier est certes insuffisante mais elle se traduit tout de même par quelques avancées, en particulier la reconnaissance de la « succession anormale d’événements de sécheresses d’ampleur significative », qui ne figure pas dans la proposition de loi. Par ailleurs, les défauts de l’ordonnance sont assez bien compensés par la loi.

M. Charles de Courson (LIOT). Une ordonnance doit être ratifiée. Quand le Gouvernement souhaite-t-il la soumettre au vote ? Il en sera question en séance publique.

L’amendement CF22 est retiré.

La commission adopte l’amendement CF53 et l’article additionnel 2 bis ainsi rédigé.

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Après l’article 2 bis

Amendement CF24 de M. Frédéric Mathieu.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous souhaitons évaluer les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle en cas de retrait-gonflement de l’argile afin, notamment, de s’assurer que la proposition de loi permettra une meilleure prise en charge des sinistres. Les critères actuels sont peu adaptés au RGA, dont la causalité peut être complexe à établir, notamment du fait d’une possible apparition des dégâts de manière différée. Le critère météorologique est la principale source de contentieux. Le modèle de simulation de Météo France repose sur des calculs par saison, sans prise de mesures sur le terrain. Selon la Cour des comptes, le critère de la sécheresse saisonnière n’est pas adapté à l’alternance entre sécheresse et réhydratation. En outre, la modélisation à partir de mailles de 64 kilomètres carrés se traduit par le fait que l’intensité anormale de la sécheresse ne s’apprécie ni au niveau de la parcelle concernée par le sinistre, ni au niveau de la commune.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit de prendre en compte les mesures de variation d’humidité du sol prises sur le terrain afin de caractériser le RGA, et de reconnaître l’état de catastrophe naturelle dès lors que l’année considérée fait partie des dix les plus sèches des cinquante années qui l’ont précédée. Nous proposons d’évaluer ces critères afin de confirmer qu’ils permettent de réaliser des analyses sur site.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Avis favorable.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je voterai cet amendement. La commune de Vierzon, dont j’ai été le maire pendant quelques années, est traversée par une veine argileuse. Nous avons créé une association avec les victimes de RGA et leur demandons de déposer un dossier tous les deux mois, pour s’assurer qu’ils n’auront pas de problème de dates. Cela ne peut pas continuer comme cela. Il est indispensable d’élargir les périodes prises en compte.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Depuis le début, il y a un grand oublié dans ce débat : le coût de cette indemnisation supplémentaire. Nous souhaitons tous que les critères soient élargis, mais de deux choses l’une : soit ces 500 millions sont financés par l’État, et il faut expliquer comment, soit le dispositif est assurantiel, ce qui implique un prélèvement sur les marges des assurances – pourquoi pas ? – ou une surprime payée par les Français. Si c’est votre choix, il faut l’assumer. À titre personnel, j’y suis tout à fait défavorable. Nous avons déposé l’amendement qui suit pour que le Gouvernement nous soumette des pistes de financement de cet élargissement.

La commission rejette l’amendement.

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Article 2 ter
Demande de rapport sur les incidences financières de la présente loi

I.   L’état du droit

Créé par la loi du 13 juillet 1982 ([26]), le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou régime « Cat Nat », ouvre droit à l’indemnisation des sinistrés contre les dégâts causés par des catastrophes naturelles. Le risque Sécheresse est pris en charge par le régime d’indemnisation « Cat Nat » depuis 1989.

Ce régime est fondé sur le partage du risque et la solidarité « public-privé » entre l’État et les assureurs avec l’intervention de la caisse centrale de réassurance (CCR) qui est habilitée, en tant que réassureur public, à délivrer aux assureurs privés qui en font la demande, une couverture de réassurance illimitée qui bénéficie de la garantie intégrale de l’État pour les risques de catastrophes naturelles en France.

Le régime « Cat Nat » est financé par une prime additionnelle, ou « surprime », sur la prime afférente aux garanties dommages des particuliers et des professionnels. Cette surprime finance l’ensemble des risques couverts par le régime « Cat Nat » (inondations, séismes, avalanches…), sans possibilité de choisir d’être couvert seulement pour tel aléa ou de moduler le taux en fonction de l’exposition au risque.

Depuis 2000, le taux de la surprime est de 12 % des primes pour les biens immeubles (habitations et locaux professionnels) et de 6 % pour les véhicules terrestres. La prime moyenne (hors taxes) d’un contrat multirisque habitation (MRH) s’élève à 260 euros, mais l’assiette de la surprime est un peu plus réduite car elle porte seulement sur la prime dommages à l’exclusion des primes responsabilité civile et protection judiciaire. La « surprime Cat Nat » coûterait à un particulier en moyenne 24 euros par an sur son contrat MRH. La « surprime Cat Nat » représente tous les ans un produit de 1,8 milliard d’euros, un montant relativement stable qui augmente à proportion de l’évolution du montant des contrats d’assurance ([27]).

Le taux de surprime a été fixé par un arrêté du 30 décembre 2022 et figure actuellement à l’article A 125-2 du code des assurances.

 

Article A125-2 du code des assurances

Le taux annuel de la prime ou cotisation relative à la garantie contre les effets des catastrophes naturelles est fixé comme suit :

– contrats garantissant des risques appartenant à la catégorie d’opérations 23 de l’article A. 344-2 : 6 % des primes ou cotisations afférentes aux garanties vol et incendie, ou, à défaut, 0,5 % des primes ou cotisations afférentes aux garanties dommages ;

– contrats garantissant des risques appartenant à la catégorie d’opérations 24 de l’article A. 344-2 : 12 % de l’ensemble des primes ou cotisations afférentes au contrat, à l’exception des primes ou cotisations afférentes aux garanties des dommages aux biens résultant d’actes de terrorisme ou d’attentats, lorsque ces primes ou cotisations sont individualisées dans l’avis d’échéance du contrat, des primes ou cotisations afférentes aux garanties de responsabilité civile générale, de protection juridique, d’assistance et de dommages corporels ;

– contrats garantissant des risques appartenant aux catégories d’opérations 25 ou 26 de l’article A. 344-2 ou garantissant des risques mentionnés à l’article L. 125-1 (deuxième alinéa) : 12 % de l’ensemble des primes ou cotisations afférentes au contrat, à l’exception des primes ou cotisations afférentes aux garanties des dommages aux biens résultant d’actes de terrorisme ou d’attentats, lorsque ces primes ou cotisations sont individualisées dans l’avis d’échéance du contrat, des primes ou cotisations afférentes aux garanties de responsabilité civile générale, de protection juridique, d’assistance et de dommages corporels et aux garanties couvrant les dommages mentionnés à l’article L. 125-5.

Toutefois, les taux annuels fixés aux deux alinéas précédents s’appliquent aux primes et cotisations afférentes aux garanties de la responsabilité civile contractuelle de l’assuré en qualité de propriétaire, locataire ou occupant des biens désignés aux contrats et de la responsabilité civile qu’il encourt en cette qualité, à l’égard des tiers du fait d’un incendie, d’une explosion ou d’un dégât des eaux :

– garanties de dommages aux biens visés à l’article L. 125-1 du code des assurances attachées à des contrats appartenant à des catégories d’opérations autres que celles visées aux quatre alinéas précédents : 12 % des primes ou cotisations afférentes à ces garanties.

Les taux ci-dessus sont calculés sur les primes ou cotisations nettes de toutes taxes afférentes aux contrats susvisés.

 

II.   Le dispositif proposé

La proposition de loi modifie à plusieurs égards le système actuel d’indemnisation des victimes de RGA, dans un sens favorable aux assurés. Elle prévoit notamment :

– une meilleure analyse du critère météorologique ;

– une réduction de la période de retour ;

– une durée minimale d’un an de l’arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle sécheresse ;

– ou encore une présomption de causalité entre dommage et RGA.

Ces différentes mesures conduiront à une augmentation des cas d’indemnisations de victimes RGA. Au regard de la technicité du sujet et de la multitude de paramètres entrant en jeu, il est complexe pour la rapporteure de proposer un chiffrage fiable du coût des mesures de cette proposition de loi.

Le présent article de la proposition de loi prévoit ainsi la remise par le Gouvernement au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport évaluant l’incidence financière de ses dispositions. Il présentera également des propositions de réforme afin de s’assurer de la soutenabilité financière du régime des catastrophes naturelles et des pistes de financement assurantiel des personnes victimes de ces catastrophes. 

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Amendement CF40 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud (RE). Nous proposons donc que le Gouvernement remette un rapport sur les conséquences de l’accroissement du nombre de sinistres à indemniser que va entraîner la présente proposition de loi. Nous avons mis en lumière, dans notre rapport d’information, la fragilisation du régime actuel et les défauts du système d’indemnisation. Nous devons connaître plus précisément les pistes de financement.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Avis favorable. Je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes opposés à la demande de rapport de l’amendement précédent, qui visait à revoir les frontières du régime des catastrophes naturelles. Il faut permettre l’évolution de ce régime, qui a atteint ses limites.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Madame la rapporteure, comment comptez-vous évaluer le coût de cet élargissement, et le compenser ? Quelles propositions ferez-vous en séance ?

M. Charles de Courson (LIOT). Le coût annuel moyen de ces catastrophes, au cours des trente dernières années, s’est élevé à 500 millions. Les études les plus récentes montrent qu’il devrait être multiplié par deux et demi, pour atteindre 1,3 milliard. Je ne vois qu’une solution : l’augmentation des taxes affectées. Il ne faut pas le dissimuler.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Le changement climatique va coûter de l’argent, et même beaucoup, ce n’est pas un scoop. C’est pour cela qu’il faut s’adapter au plus vite. En attendant, ma proposition de loi vise à changer le rapport de force entre assurés et assureurs, pour donner un peu d’air à des personnes qui se trouvent en très grande détresse. Et j’accepte votre demande de rapport, car le financement est un sujet important.

La commission adopte l’amendement CF40 et l’article additionnel 2 ter ainsi rédigé.

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Article 2 quater
Demande de rapport sur les incidences sur les finances publiques de l’allongement du délai durant lequel l’assurer peut déclarer un sinistre à l’assureur à compter de la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle

I.   L’état du droit

L’article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de la loi du 28 décembre 2021, dite « loi Baudu », prévoit depuis le 1er janvier 2023 que les contrats d’assurance, nonobstant toute stipulation contraire, sont réputés inclure une clause prévoyant l’obligation pour l’assuré de donner avis à l’assureur de tout sinistre de nature à entraîner la garantie mentionnée au même article L. 125-1, dès qu’il en a eu connaissance, et au plus tard trente jours après la publication de l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. L’assureur communique à l’assuré le rapport d’expertise définitif relatif au sinistre déclaré.

La loi revient ainsi sur le délai de dix jours prévu auparavant par l’annexe I de l’article A. 125-1 du code des assurances, que le rapporteur jugeait « inadapté eu égard aux caractéristiques de la procédure » ([28]).

II.   Le dispositif proposé

La proposition de loi prévoit la remise dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi d’un rapport étudiant l’impact sur les finances publiques d’une extension de ce délai au-delà des trente jours figurant aujourd’hui dans le code des assurances.

L’allongement du délai de déclaration de sinistre par l’assuré à son assureur est en effet un élément clé d’une meilleure indemnisation des dégâts causés par le phénomène de RGA.

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Amendement CF57 de Mme Sandrine Rousseau et sous-amendement CF59 de M. Charles de Courson.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. C’est encore une demande de rapport, pour évaluer les conséquences de l’allongement du délai pendant lequel l’assuré peut déclarer un sinistre à l’assureur à la suite de la publication de l’arrêté interministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. En effet, les fissures peuvent apparaître dans un second temps. Les assurés subissent une véritable maltraitance administrative, il faut y mettre fin.

M. Charles de Courson (LIOT). Les propriétaires ont dix jours pour déposer leur demande une fois l’arrêté publié. C’est bien trop bref. J’avais déposé un amendement pour porter ce délai à trente jours, auquel vous avez opposé, monsieur le président, l’irrecevabilité financière. Je m’en étonne, puisque les droits sont déjà ouverts.

M. le président Éric Coquerel. Votre amendement indiquait « au moins trente jours ».

M. Charles de Courson (LIOT). Il faut trouver une solution. Beaucoup de gens laissent passer le délai. Les maires sont contraints de diffuser des tracts pour alerter la population, et même cela ne suffit pas. Je me joins donc à cette demande de rapport.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Avis favorable au sous-amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Madame la rapporteure, personne ne découvre aujourd’hui que la transition écologique nécessite des fonds colossaux dans de nombreux domaines. Nous nous efforçons de dégager des marges de manœuvre pour la mener à bien. La loi de finances pour 2023 en atteste, et j’espère que le projet de loi de finances pour 2024 amplifiera le mouvement. Mais il n’est pas scandaleux que les commissaires aux finances soulèvent la question du financement de votre proposition de loi. Le rapport demandé au Gouvernement devrait apporter des clarifications, qui s’ajouteront à celles que vous avez fournies dans le rapport d’information publié par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Toutefois, je m’étonne que vous ne nous disiez pas d’ores et déjà comment vous envisagez les choses.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Notre rapport d’information et le rapport que remettra le Gouvernement dessineront des pistes très intéressantes pour consolider le régime CatNat.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF59 et l’amendementCF57 ainsi sous-amendé et l’article additionnel 2 quater ainsi rédigé.

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Article 2 quinquies
Demande de rapport sur la prévention du risque
de sécheresse-réhydratation des sols

I.   L’état du droit

L’article 8 de loi du 8 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles prévoyait la remise par le Gouvernement du Parlement d’un rapport « sur l’opportunité et les moyens d’un renforcement des constructions existantes, dans un objectif de prévention des dommages causés par le retrait-gonflement des argiles ». Le rapport devait être remis dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, soit avant la fin du mois de juin 2022.

Le rapport n’a toujours pas été remis à ce jour.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article réitère la demande d’un rapport sur la présentation du risque de sécheresse-réhydratation des sols – déjà formulée dans la loi de 2021.

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Amendement CF14 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous demandons un rapport du Gouvernement, dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi, sur la prévention du risque de sécheresse-réhydratation des sols. Un rapport avait été demandé par la loi du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles mais, quinze mois après sa promulgation, il n’a toujours pas été transmis.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. La loi le prévoit déjà, en effet, mais cela servira de piqûre de rappel… Avis favorable !

La commission adopte l’amendement CF14 et l’article additionnel 2 quinquies ainsi rédigé.

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Article 2 sexies
Demande de rapport sur l’opportunité d’élargir les possibilités de recours
des sinistrés et des élus locaux vis-à-vis de l’État et des assurances, particulièrement lorsque l’état de catastrophe naturelle n’a pas été prononcé

I.   L’état du droit

Créé par la loi du 13 juillet 1982 ([29]), le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, ou régime « Cat Nat », ouvre droit à l’indemnisation des sinistrés contre les dégâts causés par des catastrophes naturelles.

Le risque Sécheresse est pris en charge par le régime d’indemnisation « Cat Nat » depuis 1989. Le retrait-gonflement des argiles y fut également intégré après les sécheresses de 1976, 1987 et 1989 qui ont permis de comprendre l’incidence du phénomène de RGA sur le bâti.

L’existence de ce régime « Cat Nat » se justifie par le fait que les risques liés aux catastrophes naturelles sont par nature inassurables et ne peuvent être laissés aux mécanismes de marché.

II.   Le dispositif proposé

Il résulte de cette situation que les victimes de dommages découlant de catastrophes naturelles ne peuvent prétendre à indemnisation que dès lors que l’état de catastrophe naturelle est reconnu.

Le présent article propose ainsi que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur l’opportunité d’élargir les possibilités de recours des sinistrés et des élus locaux vis-à-vis de l’État et des assurances, particulièrement lorsque l’état de « Cat Nat » n’a pas été constaté.

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Amendement CF1 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo (LR). Compte tenu de la multiplication des épisodes de sécheresse et de précipitations abondantes, l’état de catastrophe naturelle n’est pas systématiquement décidé. Lorsque l’arrêté n’est pas pris, les personnes affectées par le RGA sont privées de tout droit de recours individuel ; les maires ne peuvent pas davantage intervenir. Je propose qu’il nous soit remis un rapport évaluant l’opportunité d’élargir les possibilités de recours dans ce cas.

Mme Sandrine Rousseau, rapporteure. Il s’agit d’un sujet très important, qui mérite la remise d’un rapport.

M. Charles de Courson (LIOT). L’indemnisation prévue par le contrat d’assurance est souvent plus avantageuse que celle résultant du dispositif des catastrophes naturelles. Il y a un vrai problème d’articulation entre ce dispositif et les assurances privées. Il faut en discuter avec la Fédération française de l’assurance.

La commission adopte l’amendement CF1 et l’article additionnel 2 sexies ainsi rédigé.

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Article 2 septies
Demande de rapport sur l’opportunité de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les expérimentations
de techniques de prévention du risque de retrait-gonflement de l’argile

I.   L’état du droit

Le Fonds de préventions des risques naturels majeurs (FPRNM), plus communément appelé « fonds Barnier », a été créé par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement ([30]).

Le champ d’intervention de ce fonds comprend les axes majeurs de la prévention des risques naturels. Il est devenu la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels de l’État et un élément central de sa structuration et connu des collectivités. Le FPRNM s’articule avec le régime CatNat. Le retrait-gonflement des argiles ne fait pas l’objet de financement dans le cadre du FPRNM, dans la mesure où le RGA présente des caractéristiques différentes de celles des risques pris en charge par le fonds en ce qu’il ne présente pas d’impact direct sur les vies humaines.

Le FPRNM soutient également, sous conditions, des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises. La philosophie de cette mobilisation du fonds est cependant que chaque euro investi doit générer des économies –les mesures techniques financées doivent avoir un impact avéré et les techniques de prévention doivent être moins coûteuses que le coût des réparations ([31]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article propose la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement, au plus tard le 31 août 2023, sur l’opportunité de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les expérimentations de techniques de prévention, du risque de RGA.

Cet article, issu d’un amendement déposé par le groupe Les Républicains en commission des finances, reprend ainsi l’une des propositions formulée dans le rapport de Mme Christine Lavarde, sénatrice, portant sur le financement du risque de RGA et de ses conséquences sur le bâti de février 2023.

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Amendement CF27 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie (LR). Cet amendement reprend une proposition de la sénatrice Christine Lavarde, qui est l’auteure d’un rapport d’information sur le financement du risque de retrait-gonflement de l’argile et de ses conséquences sur le bâti. Il vise à renforcer la prévention, qui est probablement l’angle mort de la politique publique de lutte contre les dégâts liés au retrait et au gonflement de l’argile. Nous demandons la remise d’un rapport sur l’opportunité de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les expérimentations en matière de prévention du risque d’ici au 31 août prochain.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CF 27 et l’article additionnel 2 septies ainsi rédigé.

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Article 3
Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 3 non modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.


— 1 —

 

   Personnes auditionnÉes par la rapporteure

 

-         M. Antoine Bonduelle, ingénieur et économiste

-         Mme Emma Haziza, hydrologue

 

Association urgences maisons fissurées (AUMF)

-         M. Mohamed Benyahia, président-fondateur

 

Association des maires de France (AMF)

-         M. Eric Menassi, co-président du groupe de travail Risques et maire de Trèbes

-         M. Sébastien Leroy, co-président du groupe de travail Risques et maire de Mandelieu-La Napoule

-         Mme Stéphanie Bidault, chargée de mission

-         Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

 

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

-         Mme Véronique Lehideux, cheffe du service des risques naturels et hydrauliques

-         Mme Margaret Herbaux, chargée de mission risques mouvements de terrain

 

France Assureurs *

-         M. Christophe Delcamp, directeur Assurances dommages & responsabilité

-         Mme Anne-Sophie Roussel-Trouffy, responsable risque habitation & Outre-mer

-         Mme Viviana Mitrache, directrice des Affaires publiques France

 

 

 

 

 

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* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

 


([1]) Rapport d’information n° 1003 sur l’évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement des argiles, Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, Mmes Sandra Marsaud et Sandrine Rousseau, députées.  

([2]) Article 1 2° a) de l’ordonnance.

([3]) D’autres dispositions de l’ordonnance ont une entrée en vigueur prévue au plus tard au 1er janvier 2025.  

([4]) Op. cit, p. 28

([5]) Op. cit., p. 30

([6])  Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

([7]) Circulaire du 10 mai 2019 n° INTE1911312C - Procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle - Révision des critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrain différentiels.

([8]) Rapport du comité d’évaluation et de contrôle, op. cit

([9]) Rapport du comité d’évaluation et de contrôle, op. cit.

([10]) op. cit

([11]) Proposition n° 1 du rapport.

([12]) Proposition n° 17 du rapport.  

([13]) Proposition n° 20 du rapport.  

([14]) Loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles.

([15]) Rapport n° 3785 sur la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, M. Stéphane Baudu, député, janvier 2021.

([16]) Op. cit.

([17]) Op. cit

([18]) Ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

([19]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([20]) Circulaire n °INTE1911312C du 10 mai 2019, Procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle - Révision des critères permettant de caractériser l’intensité des épisodes de sécheresse-réhydratation des sols à l’origine de mouvements de terrain différentiels.

([21]) Sénat, Rapport d’information n° 354, sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti, Mme Christine Lavarde, Sénatrice, février 2023.

([22]) De nombreux autres rapports ont conclu à cette insuffisance. Voir à cet effet le rapport du Sénat op.cit., ou encore le rapport d’information n° 628 (2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy, sénatrice, fait au nom de la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes d’indemnisation, juillet 2019.

([23]) Rapport du comité d’évaluation et de contrôle, op. cit.

([24]) op. cit.

([25]) Cette numérotation de l’article est liée au fait que l’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 crée déjà dans le code des assurances un nouvel article L. 125-2-1.  

([26]) Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

([27]) Rapport du comité d’évaluation et de contrôle, op. cit.

([28]) Rapport n° 3785 sur la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelle, M. Stéphane Baudu, député, janvier 2021.

([29]) Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles.

([30]) Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement.

([31]) Sénat, Rapport d’information n° 354, sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti, Mme Christine Lavarde, sénatrice, février 2023.