N° 1024

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1014),
DE M. PIEYRE-ALEXANDRE ANGLADE,


relative aux transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie,

PAR M. Pieyre-Alexandre ANGLADE

Député

 

 

 

 

 

 

(1)   La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


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La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice‑présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Mme Anne-Laure BLIN, M. Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mme Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Philippe JUVIN, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, Mmes Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, M. Christophe PLASSARD, Mme Barbara POMPILI, MM. Jean-Pierre PONT, Richard RAMOS, Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Une volonté de détruire l’Ukraine, sa société et son identité

A. Le refus russe d’une Ukraine indépendante

B. Crimes de guerre russes et déplacements de populations

II. Les déportations d’enfants

A. Les transferts vers le territoire russe

B. Les conditions de séjour

C. Les éventuelles suites judiciaires

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

proposition de résolution européenne INITIALE

amendements examinÉs par la commission

Proposition de résolution européenne

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Il y a un peu plus d’un an, le 24 février 2022, le gouvernement russe déclenchait contre la république d’Ukraine une guerre d’agression visant à la disparition de ce pays. Depuis cette date, les forces armées russes ont commis en Ukraine toutes sortes de crimes de guerre, allant de bombardements de cibles civiles à des massacres de masse de civils ukrainiens. Le présent rapport vise à mettre l’accent sur l’un de ces crimes, qui n’est pas le plus coûteux en vies humaines mais qui s’avère d’une particulière gravité parce qu’il cible des enfants.

La Russie, depuis le début des hostilités, a en effet déporté vers son territoire plusieurs milliers d’enfants ukrainiens, dont 16 226 ont pu être identifiés formellement au 20 mars dernier, mais leur nombre réel est certainement très supérieur et pourrait s’élever selon le gouvernement ukrainien à plusieurs centaines de milliers. De tels agissements indiquent de la part de la Russie une volonté de réduire à néant la société ukrainienne et son identité en se saisissant de sa jeunesse afin de l’assimiler par la force. Le présent rapport vise à attirer l’attention sur la portée et la gravité particulière de ce crime.

I.   Une volonté de détruire l’Ukraine, sa société et son identité

A.   Le refus russe d’une Ukraine indépendante

L’invasion de l’Ukraine déclenchée le 24 février 2022 s’inscrit dans le contexte d’une négation de plus en plus explicite du droit à l’existence de l’Ukraine indépendante de la part de la Russie. Malgré la reconnaissance officielle de la République d’Ukraine par la Russie à la suite de sa déclaration d’indépendance du 27 août 1991, la Russie est constamment intervenue dans la vie politique ukrainienne en soutenant les partis politiques et les candidats qui lui étaient favorables, en particulier Viktor Yanoukovitch, élu à la présidence en 2010. Le refus par ce dernier de signer un accord d’association avec l’Union européenne, perçu par Moscou comme susceptible d’éloigner l’Ukraine de sa sphère d’influence, est l’élément déclencheur de la révolution de Maïdan qui aboutit en février 2014 à son renversement, en réaction duquel la Russie annexe l’Ukraine et déclenche un nouveau conflit dans l’Est de l’Ukraine en soutenant des mouvements séparatistes.

L’interventionnisme de la Russie en Ukraine s’inscrit dans la revendication plus globale d’une sphère d’influence dans l’« étranger proche » de la Russie, cette dernière s’estimant détentrice d’un droit de regard particulier sur les affaires des anciennes républiques soviétiques. Dans le cas de l’Ukraine, la vision du Kremlin est explicitée dans l’article signé par Vladimir Poutine, publié le 12 juillet 2021 et intitulé « De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens », dans lequel le président de la Fédération de Russie affirme que la Russie et l’Ukraine, unis sous une même souveraineté pendant plusieurs siècles, n’ont existé en tant qu’États distincts que de façon temporaire et artificielle.

Enfin, lorsqu’elle a agressé l’ensemble de l’Ukraine en février 2014, la Russie a dans un premier temps tenté de s’emparer de la capitale ukrainienne et non de la seule partie orientale du pays où les populations russophones sont plus nombreuses. En d’autres termes, la guerre déclenchée par Moscou ne visait pas simplement à la conquête de territoires frontaliers, ni même à une « finlandisation » de l’Ukraine, mais à sa conquête intégrale et, vraisemblablement, à son annexion à la Fédération de Russie, autrement dit à sa disparition.

B.   Crimes de guerre russes et déplacements de populations

Le comportement de l’armée russe dans les territoires conquis à partir de février 2022 dénote une volonté russe d’assimilation forcée de l’Ukraine et de sa population.

L’armée russe s’est rendue coupable depuis le 24 février 2022 de crimes de guerre multiples indiquant un mépris complet des populations locales, ou du moins de celles n’ayant pas manifesté leur soutien aux mouvements séparatistes pro‑russes. C’est notamment ce que suggèrent la découverte de multiples fosses communes ou de corps laissés à l’abandon dans les territoires reconquis par l’armée ukrainienne, notamment dans la ville de Boutcha, ou des actes tels que le bombardement délibéré de zones peuplées de civils ou de cibles telles que le théâtre de Marioupol, dont environ 600 civils ont été victimes.

À ces tactiques de nettoyage ethnique se sont ajoutés des transferts apparemment massifs de population vers le territoire russe. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) estimait qu’entre le 24 février et le 17 octobre 2022, 2,8 millions de réfugiés ukrainiens avaient été transférés vers la Russie, tandis que les autorités russes annonçaient un chiffre de 4,5 millions au 5 octobre 2022, dont 690 000 enfants ([1]). Si rien n’indique que ces déplacements soient tous involontaires, de nombreux témoignages indiquent qu’une partie d’entre eux l’ont été, tandis que les autorités russes ont empêché l’évacuation des populations civiles vers les territoires contrôlés par l’armée ukrainienne, même lorsque la situation l’aurait permis. Ces « réfugiés » selon la Russie, en réalité des déportés pour beaucoup d’entre eux, après avoir subi un processus de filtrage chaotique impliquant dans de nombreux cas une détention de durée variable et des actes de torture, ont été ensuite répartis sur le territoire russe dans des conditions actuellement mal documentées mais apparemment précaires.

II.   Les déportations d’enfants

Ces éléments de contexte permettent sans doute de mieux appréhender la politique de déportation massive d’enfants ukrainiens mise en œuvre par les autorités russes depuis le début de l’invasion, le 24 février 2022.

La Russie s’est elle-même prévalue dès le début des hostilités d’avoir accueilli sur son territoire environ 740 000 « réfugiés », sauvés selon elle des combats déclenchés par ses ennemis. Le transfert de populations vers le territoire russe est ainsi présenté par la propagande russe comme une opération à but humanitaire dont l’accueil d’enfants, et plus particulièrement d’orphelins, est plus particulièrement mis en avant. Dès les premiers mois du conflit, la télévision russe ou les sites internet officiels du gouvernement russe ont ainsi commencé à diffuser des images d’accueil d’enfants, qualifiés d’orphelins, dans des aéroports, souvent en présence de Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits de l'enfant auprès du président de la Fédération de Russie, qui fait l’objet depuis le 17 mars dernier d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale.

A.   Les transferts vers le territoire russe

Si l’on peut affirmer que la réalité de ces transferts est très éloignée de celle d’une opération humanitaire, les données précises sont rares. Au mois de mars 2023, le nombre d’enfants transférés en Russie depuis l’Ukraine n’est pas connu avec précision. Le gouvernement ukrainien disait en avoir identifié formellement 16 226 à la date du 20 mars 2023, mais estime que le nombre réel d’enfants concernés peut atteindre plusieurs centaines de milliers, sans plus de précisions. Un recensement précis étant à l’évidence impossible dans les conditions actuelles, et en l’absence de toute information fiable en provenance de Russie, les différentes enquêtes se sont appuyées sur des témoignages individuels qui permettent d’établir certaines modalités de la politique mise en œuvre par la Russie.

L’enrôlement des enfants a pris des formes multiples. Dans certains cas, les autorités d’occupation russes ont pu convaincre des familles de leur confier leurs enfants afin, selon elles, de les mettre à l’abri des combats, voire, dans les régions peu affectées, en leur proposant des séjours de vacances. Certaines familles ont apparemment donné leur consentement et ont retrouvé leurs enfants à la fin de la période convenue. De nombreuses familles ont toutefois rencontré de grandes difficultés pour retrouver leurs enfants dont le séjour a été prolongé sans explication pour une durée indéterminée, et avec lequel la communication a souvent été rendue impossible. Selon plusieurs témoignages, le consentement des familles a cependant été obtenu par divers moyens de contrainte ou de pression, et les refus ont fréquemment été ignorés, les enfants étant alors emmenés contre la volonté de leurs familles.


Beaucoup d’enfants ont par ailleurs été enrôlés dans ce que les autorités russes ont qualifié d’orphelinats, désignant en réalité des institutions ukrainiennes qui accueillent entre autres des orphelins, mais également beaucoup d’enfants dont les familles ne sont pas en mesure d’assurer la garde pour des raisons matérielles mais demeurent leurs responsables légaux. Le fait qu’une partie de ces enfants soient effectivement orphelins ne rend cependant pas moins illicites les agissements de la Russie, c’est-à-dire le transfert d’enfants d’une région occupée vers le territoire de la puissance occupante.

B.   Les conditions de séjour

Encore moins d’informations précises sont disponibles concernant les conditions de séjour des enfants. Le rapport de l’Université de Yale intitulé : « Russia’s systematic program for the re-education & adoption of Ukraine’s children » ([2]) recense 43 camps hébergeant les enfants, mais indique qu’ils peuvent être plus nombreux. Dans ces camps, dont le plus lointain est situé à plus de 6 000 kilomètres de la frontière ukrainienne, les enfants sont principalement soumis à des « programmes d’intégration », c’est-à-dire à des séances d’endoctrinement visant à les « intégrer » à la société russe, c’est-à-dire, concrètement, à remplacer leur identité nationale d’origine par une identité russe conforme à la vision officielle actuelle de l’histoire et de la culture de la Russie, vision qui, entre autres choses, exclut l’existence d’une nation et d’une culture ukrainiennes distinctes.

Pour les enfants les plus âgés, des efforts sont apparemment faits pour les amener à rester en Russie plus longtemps, notamment en les attirant vers des universités russes ou, pour certains d’entre eux, vers l’armée, à travers des séances d’entraînement paramilitaire. Ce qui peut encore présenter l’aspect d’un choix partiellement volontaire pour les plus âgés devient cependant, pour les plus jeunes, un déracinement forcé, avec le risque d’un oubli pur et simple de leur histoire personnelle.

La volonté russe de garder les enfants de façon durable se manifeste en effet par la politique initiée par le gouvernement en vue de multiplier les adoptions d’enfants ukrainiens par des familles russes. Le caractère délibéré de cette politique s’est manifesté par la signature, le 30 mai 2022, par le président de la Fédération de Russie, d’un décret visant à faciliter et accélérer la procédure d’adoption des enfants ukrainiens et à autoriser leur changement d’état-civil, créant ainsi un cadre juridique qui faciliterait non seulement l’adoption de ces enfants par des familles russes, mais également leur disparition aux yeux du monde extérieur, en particulier leur pays et, le cas échéant, leur famille.


Le nombre de ces cas d’adoption est inconnu. À l’été 2022, la commissaire Maria Lvova-Belova faisait état de plus d’un millier d’orphelins ukrainiens en attente d’adoption par des familles russes, mais il est à ce stade impossible d’accorder un crédit quelconque aux données officielles russes.

Il reste que le système mis en place permet, matériellement et légalement, aux autorités russes de saisir par la force des enfants ukrainiens et de les faire disparaître au sein de la société russe par des moyens variables, soit en les persuadant sous la contrainte de rejoindre la nation russe, soit en les coupant de leur famille, de leur culture et de leur nation d’origine dès leur plus jeune âge.

Il convient enfin de mentionner que si les sources d’information disponibles sur les déportations d’enfants ukrainiens n’ont établi que peu de cas de mauvais traitements ([3]), le simple fait que nous ne savons rien de ce qui a pu arriver à la plus grande partie des enfants concernés ne peut que nous inquiéter. C’est pour cette raison que la priorité doit être donnée au recueil d’informations et qu’il convient de soutenir les efforts du gouvernement ukrainien et des organisations gouvernementales et non-gouvernementales compétentes en vue de retrouver ces enfants et de les rendre à leurs familles et à leurs tuteurs légaux. Prévenir le crime ou limiter sa portée n’empêche cependant pas de poursuivre les criminels.

C.   Les éventuelles suites judiciaires

Le 17 mars 2023, le procureur de la Cour pénale internationale Karim A. A. Khan KC a annoncé dans une déclaration que la CPI avait émis deux mandats d’arrêts internationaux, le premier à l’encontre de M. Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, le second à l’encontre de Mme Maria Lvova‑Belova, Commissaire aux droits des enfants auprès du Cabinet du Président de la Fédération de Russie, deux personnages dont la responsabilité pénale serait engagée concernant la déportation illégale et le transfert d’enfants ukrainiens de zones occupées en Ukraine vers la Fédération de Russie, en violation des articles 8‑2‑a‑vii et 8‑2‑a‑viii du Statut de Rome.

L’article 8 du Statut de Rome qualifie de crime de guerre « La déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale » (article 8-2-a-vii) et « La prise d'otages » (article 8-2-a-viii), et déclare la Cour compétente « en particulier lorsque ces crimes s'inscrivent dans le cadre d'un plan ou d'une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle », conditions certainement remplies s’agissant de la situation des enfants ukrainiens déportés vers la Russie.


De telles pratiques sont également susceptibles d’être qualifiés d’actes de génocide. D’après l’article 2 de la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, auxquelles sont parties la Russie et l’Ukraine (l’URSS l’ayant ratifiée en 1954), le « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe », s’il est « commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », constitue un génocide, les mêmes termes étant repris par l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998.

Le statut de Rome qualifie pour sa part de génocide l’acte de « Déportation ou transfert forcé de population » s’il est « commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ».

Les déportations d’enfants ukrainiens violent en tout état de cause la plupart des autres grandes conventions internationales visant à la sauvegarde des droits de l’homme, notamment la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ou la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949.

Il convient également de souligner que les agissements visés impliquent de nombreuses autres personnes. Le rapport de l’Université de Yale précité identifie seize personnes au sein du gouvernement fédéral, des gouvernements régionaux et des autorités d’occupation ayant été directement impliquées dans les déportations d’enfants, mais la liste est certainement beaucoup plus longue.

C’est toutefois aux juges de la Cour pénale internationale qu’il appartiendra de procéder à l’analyse juridique la plus pertinente possible. Il convient surtout de garder à l’esprit le fait que ces dispositions ont pour finalité ultime de faire en sorte que de tels crimes ne puissent plus se produire.

    


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   Conclusion

Comme le mentionne plus haut le présent rapport, la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie est loin d’être le seul crime commis par la Russie à l’occasion de son agression contre l’Ukraine, le premier d’entre eux étant d’ailleurs l’agression elle-même ([4]). La particularité des déportations d’enfants tient toutefois, au-delà de leur caractère monstrueux, à ce qu’elles dénotent de la part de la Russie la volonté de faire littéralement disparaître l’Ukraine en tant que nation historique.

L’agression russe contre l’Ukraine n’est donc pas dirigée contre la seule Ukraine, mais bien contre l’ordre international fondé sur la souveraineté des État, l’intangibilité des frontières et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est ce à quoi nous renoncerions en acceptant que les agissements russes demeurent sans conséquence.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 29 mars 2023, sous la présidence de Monsieur Pieyre-Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Il y a maintenant un peu plus d’un an, le 24 février 2022, le gouvernement russe déclenchait une guerre de grande ampleur et à grande échelle contre l’Ukraine. Depuis cette date, les forces armées russes ont commis en Ukraine toutes formes de crimes de guerre, allant de bombardements de cibles civiles, à des massacres de masse de civils ukrainiens.

Nous avons tous en tête les cas de torture, les viols, la découverte de multiples fosses communes dans les territoires reconquis tels que Izioum, Boutcha, avec des corps laissés à l’abandon dans les rues. Je pense aussi aux bombardements de cibles civiles qui ont été perpétrés, notamment contre la gare de Kramatorsk, ou le théâtre de Marioupol où près de 600 civils ont trouvé la mort. Parmi eux, des enfants. Chacun a aussi en mémoire la destruction de nombreuses villes ukrainiennes : Roubijné, Popasna, Lyman, Sievierodonetsk, Soledar ou encore Bakhmout.

Force est de constater qu’avec une grande lâcheté, l’armée russe, qui connaît de grandes difficultés sur le champ de bataille, s’en prend avec une cruauté indicible à la population ukrainienne. Ce sont des pluies de missiles et de drones meurtriers qui se sont abattus tout l’hiver sur le pays. Rien n’a été épargné : ni les quartiers d’habitation, ni les immeubles résidentiels, ni les écoles, ni les maternités, ni les hôpitaux, selon une stratégie de terreur, conçue, planifiée, organisée par le Kremlin.

Terroriser la population civile pour que l’Ukraine cède aux velléités impérialistes, voilà le projet monstrueux, barbare, inacceptable de Vladimir Poutine. Ses crimes ne sont pas le fruit de dérapage de quelques soldats, ils sont commandités, intentionnels et voilà ce que nous voulons dénoncer aujourd’hui dans les termes les plus clairs : la guerre menée par Vladimir Poutine est une guerre terroriste.

À cette stratégie de terreur s’ajoute l’horreur des transferts, apparemment massifs, de populations vers le territoire russe. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés estimait qu’entre le 24 février et le 17 octobre 2022, 2,8 millions de réfugiés ukrainiens avaient été transférés vers la Russie. Si rien n’indique que ces déplacements soient tous involontaires, de nombreux témoignages indiquent qu’une partie d’entre eux l’ont été, en particulier ceux d’enfants, que cette proposition de résolution européenne dénonce. Ce sont déjà plus de 16 000 enfants ukrainiens qui ont été déportés par la Russie. Ce chiffre, déjà massif, est très inférieur à la réalité. Il ne regroupe que les enfants qui ont pu être formellement identifiés. Les autorités ukrainiennes estiment que ce sont plusieurs centaines de milliers d’enfants qui ont été subtilisés à leurs familles. À cela s’ajoute la rééducation à laquelle les enfants ukrainiens enlevés sont soumis. Dans les quelque 43 camps identifiés partout en Russie, ces victimes innocentes de la guerre subissent un véritablement lavage de cerveau, visant à exterminer toute conscience nationale.

Nous serions bien naïfs de croire que ce qui est à l’œuvre en Ukraine est un soubresaut malheureux de la guerre. Tout découle directement de la volonté du président russe : Vladimir Poutine a donné son blanc-seing à cette mécanique génocidaire, en signant le 30 mai 2022 un décret accélérant l’adoption d’enfants ukrainiens réputés orphelins en une journée seulement. Plus grave encore, le décret signé par Vladimir Poutine autorise la modification de l’état civil des enfants déportés pour en faire de parfaits citoyens russes. Derrière ces détails administratifs, se cache une volonté de nier leur identité nationale mais aussi de travestir leur mémoire personnelle pour qu’elle disparaisse.

Face à la barbarie russe qui se déchaîne contre les enfants ukrainiens, la communauté internationale n’est pas restée inerte : le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis deux mandats d’arrêts internationaux, l’un à l’encontre de Vladimir Poutine, l’autre à l’encontre de Maria Lvova‑Belova, pour le crime de guerre de déportation illégale d’enfants ukrainiens depuis le début de l’invasion russe, fin février 2022.

Voyons les choses telles qu’elles sont : la déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie s’inscrit dans une logique génocidaire, comme il est défini aux termes de l’article 2 de la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi que dans l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui qualifie de génocide le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe, « commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Tout, dans nos valeurs européennes, fondées sur les droits de l’homme et notamment ceux de l’enfant, rejette les exactions de Vladimir Poutine. Avec cette proposition de résolution, je propose que nous soutenions les efforts faits pour retrouver ces enfants et à les rapprocher de leurs familles. Avec cette proposition de résolution européenne, je vous propose également que nous alertions les autorités européennes pour qu’elles sanctionnent les coupables de ces déportations, et mettre en échec ce projet.

Les valeurs européennes, fondées sur les droits de l’homme et notamment ceux de l’enfant, nous engagent aujourd’hui à dénoncer cela dans les termes les plus clairs. Avec cette résolution, je souhaite que nous condamnions formellement, et avec la plus grande force, les transferts d’enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie, et que soient mis en œuvre tous les moyens humains et matériels requis pour venir en aide à ces enfants. Voilà ce que nous demandons avec clarté dans ce texte aujourd’hui.

Il viendra immanquablement ce jour où les responsables de ces crimes et leurs complices devront rendre des comptes devant la justice internationale. Devant l’horreur de ce conflit, qui n’hésite pas à faire planer sur le monde entier des menaces nucléaires, économiques, de famine, et qui systématiquement utilise la terreur contre les civils et contre les plus vulnérables. J’ai la conviction que nous devons, de concert avec la communauté internationale, travailler afin que la justice soit rendue vite, haut et fort, conformément aux valeurs universelles dont notre pays est le flambeau, et que porte aussi l’Union européenne. Nous le devons à l’Ukraine, aux Ukrainiens et à leurs enfants.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Benjamin Haddad (RE). En tant que président du groupe d’amitié France-Ukraine, je tiens à vous remercier d’avoir pris l’initiative de cette proposition de résolution européenne, qui pointe une des nombreuses horreurs de cette guerre en Ukraine et qui nous touche : celle des transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

Pourquoi ce sujet nous touche tout particulièrement et que c’est notre responsabilité de nous en emparer ? Hier, nous avons adopté en séance la proposition de résolution de notre collègue Madame Anne Genetet, reconnaissant comme génocide l’Holodomor, cette grande famine organisée par la Russie de Staline contre les Ukrainiens.

Ce que l’on voit dans cette guerre contre l’Ukraine, ce n’est pas seulement des bombardements, des immeubles détruits, des occupations de territoires, mais une volonté d’effacer l’identité nationale, d’effacer l’existence même de l’Ukraine. De l’effacer par la mémoire, en niant la spécificité de sa mémoire, et c’est pour cela que c’était important pour notre groupe de rappeler l’importance, l’existence, du génocide de l’Holodomor. En revanche, effacer l’identité ukrainienne c’est aussi effacer son avenir. Effacer son avenir, c’est ce que l’on voit à travers ces déportations d’enfants, à travers ces rapts organisés, et à travers la négation même de la mémoire individuelle de chacun de ces enfants, comme rappelé dans la résolution.

16.226 : c’est le nombre d’enfants ukrainiens qui ont d’ores et déjà été identifiés, enlevés, déportés, par la Russie. En revanche, ce nombre est dérisoire par rapport à la réalité. Entre les facilités administratives qui ont été consenties par Vladimir Poutine, permettant d’adopter un enfant ukrainien en une journée par le décret du 30 mai 2022, deux mois après le début de la guerre et les modifications de leurs documents pour les faire passer pour des enfants russes, la négation de l’identité ukrainienne ne s’arrête pas là. Ces enfants sont arrachés à leurs familles, ils sont parfois orphelins de parents qui ont été assassinés lors d’exactions russes, et sont envoyés dans des camps de rééducation en Russie où ils sont victimes de la propagande du Kremlin, et sont obligés de parler uniquement russe et d’apprendre à manier les armes. Une logique génocidaire est à l’œuvre contre l’Ukraine et ses enfants.

La Cour pénale internationale a réagi en émettant deux mandats d’arrêts en raison de ces faits, contre de Vladimir Poutine et contre Maria Lvova Belova. Il faut se réjouir que la France, par la voie de la Ministre des Affaires Étrangères, Madame Catherine Colonna, ait appuyé cette procédure et l’a soutenue.

En tant qu’Européens, nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, abandonner ces enfants aux mains de Vladimir Poutine et du régime russe. Il est de notre devoir de soutenir tous les efforts des pouvoirs publics pour leur permettre de retrouver leurs familles, leurs proches, leur pays, leur culture, mais aussi de faire traduire en justice les responsables de toutes ces horreurs perpétrées à l’encontre du peuple ukrainien.

C’est un enjeu de justice et de paix : il ne pourra y avoir de paix possible sans que tous ces enfants retrouvent leurs familles en Ukraine. Le groupe Renaissance soutient sans réserve cette proposition de résolution.

M. Thibaut François (RN). Ce conflit a trop duré : avec plus de 300 000 morts, des enfants enlevés, des milliers de déplacés et de réfugiés de guerre. Notre groupe condamne fermement ces transferts massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie. Par conséquent, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution.

Nous pensons qu’une réponse à l’échelle internationale est nécessaire, notamment par le biais des Nations unies. Nous continuerons de condamner l’invasion du territoire souverain de l’Ukraine et à appeler au rétablissement des principes de droit international le plus rapidement possible.

La sortie rapide de ce conflit passera par le retrait des troupes russes en Ukraine mais aussi par un jugement de crime. Il est légitime de s’interroger sur toute poursuite de l’escalade. C’est pourquoi nous continuerons de soutenir toute action diplomatique du gouvernement qui favoriserait une sortie pacifique et rapide de ce conflit, par exemple en organisant une conférence mondiale pour la paix, en France, et donc à notre initiative. L’issue du conflit passera par l’organisation de cette conférence, réunissant plusieurs pays d’Europe comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis ainsi que plusieurs États frontaliers de l’Ukraine comme la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et la Slovaquie.

Mme Félicie Gérard (HOR). Le 18 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine. Ce mandat fait suite aux nombreuses preuves obtenues par des organisations non-gouvernementales (ONG) et des études indépendantes, indiquant le transfert forcé massif d’enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie. Le groupe Horizons ne peut qu’approuver la décision de la Cour, qui prouve que notre justice internationale fonctionne.

Cette décision doit permettre de briser l’ambiguïté de certains États vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine. Le chef d’accusation est extrêmement grave et doit nous mobiliser de toute urgence pour permettre aux autorités ukrainiennes de garder la trace de ces enfants transférés de force, de pouvoir les rapatrier, et d’engager les mesures d’aide et de secours aux victimes.

Les institutions européennes doivent se saisir clairement de ce problème : c‘est tout le sens de la proposition de résolution européenne qui nous est présentée. Aux sanctions qui touchent déjà les dirigeants russes depuis le début de l’invasion de l’Ukraine doivent s’ajouter des mesures visant spécifiquement les personnes responsables de ces faits terribles. Nous devons par ailleurs, avec nos partenaires européens, engager une action humanitaire coordonnée.

C’est un sujet d’importance qui est traitée par ce texte, j’espère que nous saurons unanimement l’adopter pour condamner ces agissements. Le groupe Horizons votera en faveur de cette proposition de résolution.

M. Jean-Luc Warsmann (LIOT). J’apporte mon soutien à cette proposition de résolution européenne. Toutefois, je veux attirer votre attention sur deux points. En premier lieu, l’alinéa 47 invite la CPI à étendre la procédure de mandats d’arrêts à l’ensemble des auteurs ayant pris part aux crimes contre l’humanité. Il me semble que cette formulation peut poser problème car il revient au parquet de la CPI de lancer des poursuites et je ne voudrais pas que des élus semblent émettre des injonctions à l’égard de juges indépendants. En second lieu, l’alinéa 45 de la proposition de résolution évoque un crime contre l’humanité au singulier alors même que dans d’autres points du texte il est fait mention de « crimes » au pluriel, je pense donc qu’il faudrait également mettre au pluriel le mot crime dans l’alinéa 45.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Les deux modifications que vous proposez me semblent tout à fait pertinentes. Je vous propose que l’on passe à présent à l’examen des amendements.

Amendements n° 1, 2 et 3 de Mme Brigitte Klinkert (discussion commune).

Mme Brigitte Klinkert (RE). Le premier amendement concerne l’alinéa 3. Il substitue à la mention du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) celle du Traité sur l’Union européenne (TUE). En effet, dans la mesure où la PPRE fait référence aux valeurs de l’Union, il semble plus adéquat de faire référence au TUE. Le deuxième amendement porte l’alinéa 10 et a pour objet de compléter les articles du Statut de Rome qui sont visés dans la résolution en ajoutant l’article 7.i du Statut, lequel définit les disparitions forcées comme des crimes contre l’humanité. Le troisième et dernier amendement que je propose concerne l’alinéa 11. Il propose de compléter cet alinéa en le complétant par « notamment son article 25 ». Il s’agit ainsi de mentionner l’article 25 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées qui porte en particulier sur les disparitions d’enfants. Je voudrais souligner que c’est aujourd’hui la dissimulation des documents attestant l’identité des enfants ukrainiens qui constitue un obstacle majeur à leur retour dans leur pays.

Mme Constance Le Grip (RE). J’apporte le soutien du groupe Renaissance à ces trois amendements. Je voudrais également mentionner que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé, à l’issue du conseil européen du 23 mars dernier, l’organisation d’une conférence à l’initiative de l’UE pour aider à localiser les enfants ukrainiens et permettre leur retour. Le président Macron a approuvé au nom de la France l’organisation d’une telle conférence.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Je donne un avis favorable à ces amendements.

Les amendements n° 1, 2 et 3 sont successivement adoptés.

Amendement n° 4 du rapporteur.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Sur la suggestion de M. Jean-Luc Warsmann, cet amendement vise à faire mention de « crimes » au pluriel à l’alinéa 45.

L’amendement n° 4 est adopté.

Amendement n° 5 du rapporteur.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Sur la suggestion de M. Jean-Luc Warsmann, cet amendement vise à préciser que c’est le procureur de la Cour pénale internationale qui doit être saisi afin d’étendre la procédure à l’ensemble des responsables ayant pris une part active aux déportations d’enfants ukrainiens.

M. Thibaut Francois (RN). Je voudrais apporter une précision rédactionnelle à cet amendement. En effet, il me semble que le procureur pouvant lancer des poursuites est le procureur de l’État dans lequel le crime a été commis. On ne peut pas saisir directement le procureur de la CPI.

M. Benjamin Haddad (RE). Il y a trois mécanismes de saisine de la CPI. Elle peut être saisie par un État membre du Statut de Rome, par le conseil de sécurité des nations unies et le procureur de la CPI peut lui-même s’autosaisir.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Je vous propose de retenir la formulation suivante : « invite les autorités compétentes à saisir la procureur de la CPI afin qu’il étende…».

L’amendement n° 5 rectifié est adopté.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. La parole est à Frédéric Petit pour une explication de vote.

M. Frédéric Petit (Dem). Le groupe Démocrate soutient cette proposition de résolution européenne. Je veux souligner que l’entreprise de la Russie de déculturation des enfants ukrainiens a également lieu sur le territoire ukrainien. Par exemple, à Kherson, des nouveaux manuels en langue russe ont été envoyés dont le titre était « Donbass, cœur de la Russie ».

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur. Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution ainsi modifié.

La commission adopte l’article unique modifié.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est donc adoptée.

 

 

 


—  1  —

   proposition de résolution européenne INITIALE

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 2 et 3, paragraphes 3 et 5, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 12, 13 et 15,

Vu la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, notamment ses articles 4, 49 et 50,

Vu le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, notamment ses articles 77 et 78,

Vu l’article 3 du Protocole n° 4 du 16 septembre 1963 complétant la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier Protocole additionnel à la Convention,

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, notamment ses articles 18, alinéa 4, et 24,

Vu la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, notamment ses articles 7, 8, 9, 21, 22, 25, 28 et 30,

Vu le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, signé le 17 juillet 1998, notamment ses articles 5, 6-e, 7-d, 8-a-vii, 8-b-i, 8-b-xxi, 15, 25, 53 et 81,

Vu la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée le 20 décembre 2006,

Vu l’ordonnance de la Cour internationale de justice du 16 mars 2022 sur les allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie),

Vu la proposition de résolution européenne dénonçant les transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie adoptée par le Sénat le 9 mars 2023,

Vu les résolutions 2433 (2022) et 2436 (2022) et 2482 (2023), notamment ses alinéas 10, 12, 15-7, 17 et 25-5, de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

Vu la résolution 2022/2564 du Parlement européen du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine,

Vu la résolution 2022/2655 du Parlement européen du 19 mai 2022 sur la lutte contre l’impunité des crimes de guerre en Ukraine,

Vu la loi russe sur le non-respect par la Russie des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme adoptée le 7 juin 2022 par la Douma d’État, l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,

Vu le rapport de la faculté de santé publique de l’université de Yale, intitulé « Le programme systématique de la Russie tendant à la rééducation et à l’adoption d’enfants ukrainiens », publié le 14 février 2023,

Vu le rapport de l’organisation Human Rights Watch intitulé « “We must provide a family, not rebuild orphanages”, the consequences of Russia’s invasion of Ukraine for children in ukrainian residential institutions », publié le 4 mars 2023,

Vu le rapport de l’organisation Amnesty International intitulé « “Like a prison convoy”, Russia’s unlawful transfer and abuse of civilians in Ukraine during ‘filtration’ », publié le 10 novembre 2022,

Vu le rapport du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne intitulé « Une analyse juridique indépendante des violations de la convention sur le génocide par la Fédération de Russie en Ukraine et de l’obligation de prévenir », publié en mai 2022,

Vu l’article intitulé « De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens », publié le 12 juillet 2021 par le Président de la Fédération de Russie,

Vu la loi russe autorisant la Russie à ne pas tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme adoptée le 7 juin 2022 par la Douma d’État, l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,

Vu le décret du Président de la Fédération de Russie du 30 mai 2022 visant à faciliter et à accélérer la procédure d’adoption des enfants ukrainiens et à autoriser leurs changements d’état-civil,

Considérant que, selon de nombreux témoignages et enquêtes conduites tant par le Gouvernement ukrainien que par des associations, dont les organisations non-gouvernementales Amnesty International et Human Rights Watch, les autorités d’occupation russes ont procédé depuis le mois de février 2022 à la déportation vers le territoire russe de plusieurs milliers d’enfants ukrainiens ;

Considérant que le Gouvernement ukrainien a été en mesure, au 20 mars 2023, d’identifier 16 226 enfants mais que leur nombre total est considéré avec certitude comme beaucoup plus élevé par les organisations non-gouvernementales ayant enquêté sur ce sujet ;

Considérant que, selon le rapport de l’université de Yale, certains de ces enfants étaient âgés de moins d’un an au moment de leur déportation ;

Considérant que les autorités d’occupation russes ont déporté ces enfants ukrainiens sans le consentement de leurs parents ou tuteurs légaux, ou en obtenant leur consentement par la contrainte, l’intimidation ou de fausses promesses, ou en déclarant orphelins des enfants qui ne l’étaient pas ;

Considérant que les enfants déportés ont été placés dans des camps, parmi lesquels quarante-trois ont pu être identifiés par le rapport de l’université de Yale, et dont certains sont situés à plus de 6 000 kilomètres de la frontière ukrainienne, rendant pratiquement impossible à leurs familles d’aller les récupérer ou de communiquer avec eux ;

Considérant que les enfants transférés sont, dans de nombreux cas cités par le rapport de l’université de Yale, retenus au-delà de la durée annoncée par les autorités russes, sans que les familles ne connaissent les motifs, ni la durée de ce prolongement, ni ne puissent communiquer avec les enfants transférés ;

Considérant que les enfants transférés sont, selon le rapport de l’université de Yale ainsi que de nombreux témoignages, soumis à des programmes d’entraînement paramilitaire ainsi qu’à des programmes de rééducation et de propagande visant à l’effacement de leur héritage national ;

Considérant que le Président de la Fédération de Russie a signé le 30 mai 2022 un décret visant à faciliter et accélérer la procédure d’adoption des enfants ukrainiens et à autoriser leur changement d’état-civil ;

Considérant qu’en application de ce décret, les autorités russes ont fait adopter, au minimum, plusieurs centaines d’enfants ukrainiens par des familles russes dans l’intention explicite d’effacer leur identité d’origine, nationale comme familiale ;


Considérant qu’en pratiquant des transferts forcés de population, les autorités d’occupation russe violent l’obligation de protection des populations civiles qui incombe à la puissance occupante en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, et contreviennent en particulier à son article 49 ;

Considérant que le « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe », dès lors qu’il est « commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », constitue un génocide aux termes de l’article 2 de la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi qu’à ceux de l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ;

Considérant que la déportation ou le transfert forcé de population, lorsqu’ils sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » constituent aux termes de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale un crime contre l’humanité ;

Considérant que les déportations d’enfants ukrainiens obéissent à une politique élaborée au plus haut niveau de l’État russe et exécutée à tous les niveaux de l’administration ;

1. Condamne avec la plus grande vigueur les transferts forcés d’enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie au plus haut niveau de l’État ;

2. Estime qu’en procédant au changement des données d’état-civil des enfants déportés, les autorités russes cherchent à empêcher à tout jamais leurs familles ukrainiennes d’origine de les retrouver ;

3. Considère que cette négation de la mémoire personnelle des enfants transférés, jointe à leur éloignement géographique, leur endoctrinement et leur assimilation forcée au sein de la société russe, relève d’une stratégie délibérée de destruction de l’identité nationale et de la société ukrainiennes ;

4. Estime urgent que le Gouvernement français et l’Union européenne fournissent toute l’aide matérielle et humaine nécessaire au Gouvernement et à la société civile d’Ukraine en vue de recenser les enfants déportés ou disparus et de les rapprocher de leurs familles ou de leurs tuteurs légaux ;

5. Demande au Gouvernement français et à la Commission européenne de mettre à la disposition des institutions et des organisations non-gouvernementales ukrainiennes et européennes les moyens nécessaires à un accompagnement médical, psychologique et social adapté, dans la durée, des enfants victimes ainsi que de leurs familles, pendant et après leur rapatriement ;

6. Appelle également la France et l’Union européenne à agir afin que les organisations internationales compétentes, en particulier le Fonds des Nations unies pour l'enfance et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés mettent en œuvre les moyens humains et matériels requis pour venir en aide aux enfants concernés en vue de leur rapatriement et une fois celui-ci effectué ;

7. Considère cependant qu’au-delà des mesures visant à aider les victimes des agissements russes, ces derniers doivent faire l’objet de suites judiciaires afin que de telles pratiques ne soient pas répétées lors de conflits futurs ;

8. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne de fournir l’aide matérielle et humaine requise au Gouvernement ukrainien comme aux autorités judiciaires internationales afin que les responsables de ces agissements soient identifiés, traduits en justice et répondent de leurs actes ;

9. Invite le Gouvernement français à prendre une part active à l’initiative conjointe de la présidente de la Commission européenne et du Premier ministre de Pologne annoncée le 27 février 2023 par la porte-parole de la Commission européenne et visant à ce que les enfants enlevés soient retrouvés et les responsables de ce crime traduits en justice ;

10. Demande à l’Union européenne l’extension de la liste des personnes et entités faisant l’objet de sanctions à l’ensemble des acteurs ayant contribué aux déportations d’enfants depuis le territoire ukrainien vers celui de la Fédération de Russie ;

11. Se félicite de l’émission par la Cour pénale internationale, le 17 mars 2023, d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, et de Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits de l'enfant auprès du président de la Fédération de Russie ;

12. Invite la Cour pénale internationale à étendre cette procédure à l’ensemble des responsables ayant pris une part active aux déportations d’enfants ukrainiens.

 

 


—  1  —

   amendements examinÉs par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 mars 2023


Transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Brigitte Klinkert

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 3, substituer à la référence :

« Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne »

La référence :

« Traité sur l’Union européenne »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Amendement visant à rectifier le texte visé.

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 mars 2023


Transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Brigitte Klinkert

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 10, après la référence : « 7-d, », insérer la référence : « 7-i, ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Amendement visant à compléter les articles visés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 mars 2023


Transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Brigitte Klinkert

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Compléter l’alinéa 11 par les mots : « , notamment son article 25 ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Amendement visant à préciser les articles visés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 mars 2023


Transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

Pieyre-Alexandre Anglade

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 45, substituer aux mots : « ce crime », les mots : « ces crimes ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Amendement rédactionnel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.


 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 mars 2023


Transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens
par la Fédération de Russie

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Pieyre-Alexandre Anglade

----------

ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 47, substituer aux mots : « la Cour pénale internationale à étendre », les mots : « les autorités compétentes à saisir le procureur de la Cour pénale internationale afin qu’il étende ».

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Ce n’est pas à l’Assemblée nationale d’inviter directement le Procureur de la Cour pénale internationale à poursuivre et à étendre son travail, mais aux autorités compétentes énumérées à l’article 13 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

 

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.

 


—  1  —

   Proposition de résolution européenne

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 2 et 3, paragraphes 3 et 5, du Traité sur l’Union européenne,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 12, 13 et 15,

Vu la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, notamment ses articles 4, 49 et 50,

Vu le protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, notamment ses articles 77 et 78,

Vu l’article 3 du Protocole n° 4 du 16 septembre 1963 complétant la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier Protocole additionnel à la Convention,

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, notamment ses articles 18, alinéa 4, et 24,

Vu la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, notamment ses articles 7, 8, 9, 21, 22, 25, 28 et 30,

Vu le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, signé le 17 juillet 1998, notamment ses articles 5, 6-e, 7-d, 7-i, 8-a-vii, 8-b-i, 8-b-xxi, 15, 25, 53 et 81,

Vu la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée le 20 décembre 2006, notamment son article 25,

Vu l’ordonnance de la Cour internationale de justice du 16 mars 2022 sur les allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie),

Vu la proposition de résolution européenne dénonçant les transferts forcés massifs d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie adoptée par le Sénat le 9 mars 2023,

Vu les résolutions 2433 (2022) et 2436 (2022) et 2482 (2023), notamment ses alinéas 10, 12, 15-7, 17 et 25-5, de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

Vu la résolution 2022/2564 du Parlement européen du 1er mars 2022 sur l’agression russe contre l’Ukraine,

Vu la résolution 2022/2655 du Parlement européen du 19 mai 2022 sur la lutte contre l’impunité des crimes de guerre en Ukraine,

Vu la loi russe sur le non-respect par la Russie des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme adoptée le 7 juin 2022 par la Douma d’État, l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,

Vu le rapport de la faculté de santé publique de l’université de Yale, intitulé « Le programme systématique de la Russie tendant à la rééducation et à l’adoption d’enfants ukrainiens », publié le 14 février 2023,

Vu le rapport de l’organisation Human Rights Watch intitulé « “We must provide a family, not rebuild orphanages”, the consequences of Russia’s invasion of Ukraine for children in ukrainian residential institutions », publié le 4 mars 2023,

Vu le rapport de l’organisation Amnesty International intitulé « “Like a prison convoy”, Russia’s unlawful transfer and abuse of civilians in Ukraine during ‘filtration’ », publié le 10 novembre 2022,

Vu le rapport du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne intitulé « Une analyse juridique indépendante des violations de la convention sur le génocide par la Fédération de Russie en Ukraine et de l’obligation de prévenir », publié en mai 2022,

Vu l’article intitulé « De l'unité historique des Russes et des Ukrainiens », publié le 12 juillet 2021 par le Président de la Fédération de Russie,

Vu la loi russe autorisant la Russie à ne pas tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme adoptée le 7 juin 2022 par la Douma d’État, l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,

Vu le décret du Président de la Fédération de Russie du 30 mai 2022 visant à faciliter et à accélérer la procédure d’adoption des enfants ukrainiens et à autoriser leurs changements d’état-civil,

Considérant que, selon de nombreux témoignages et enquêtes conduites tant par le Gouvernement ukrainien que par des associations, dont les organisations non-gouvernementales Amnesty International et Human Rights Watch, les autorités d’occupation russes ont procédé depuis le mois de février 2022 à la déportation vers le territoire russe de plusieurs milliers d’enfants ukrainiens ;

Considérant que le Gouvernement ukrainien a été en mesure, au 20 mars 2023, d’identifier 16 226 enfants mais que leur nombre total est considéré avec certitude comme beaucoup plus élevé par les organisations non-gouvernementales ayant enquêté sur ce sujet ;

Considérant que, selon le rapport de l’université de Yale, certains de ces enfants étaient âgés de moins d’un an au moment de leur déportation ;

Considérant que les autorités d’occupation russes ont déporté ces enfants ukrainiens sans le consentement de leurs parents ou tuteurs légaux, ou en obtenant leur consentement par la contrainte, l’intimidation ou de fausses promesses, ou en déclarant orphelins des enfants qui ne l’étaient pas ;

Considérant que les enfants déportés ont été placés dans des camps, parmi lesquels quarante-trois ont pu être identifiés par le rapport de l’université de Yale, et dont certains sont situés à plus de 6 000 kilomètres de la frontière ukrainienne, rendant pratiquement impossible à leurs familles d’aller les récupérer ou de communiquer avec eux ;

Considérant que les enfants transférés sont, dans de nombreux cas cités par le rapport de l’université de Yale, retenus au-delà de la durée annoncée par les autorités russes, sans que les familles ne connaissent les motifs, ni la durée de ce prolongement, ni ne puissent communiquer avec les enfants transférés ;

Considérant que les enfants transférés sont, selon le rapport de l’université de Yale ainsi que de nombreux témoignages, soumis à des programmes d’entraînement paramilitaire ainsi qu’à des programmes de rééducation et de propagande visant à l’effacement de leur héritage national ;

Considérant que le Président de la Fédération de Russie a signé le 30 mai 2022 un décret visant à faciliter et accélérer la procédure d’adoption des enfants ukrainiens et à autoriser leur changement d’état-civil ;

Considérant qu’en application de ce décret, les autorités russes ont fait adopter, au minimum, plusieurs centaines d’enfants ukrainiens par des familles russes dans l’intention explicite d’effacer leur identité d’origine, nationale comme familiale ;

Considérant qu’en pratiquant des transferts forcés de population, les autorités d’occupation russe violent l’obligation de protection des populations civiles qui incombe à la puissance occupante en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, et contreviennent en particulier à son article 49 ;

Considérant que le « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe », dès lors qu’il est « commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », constitue un génocide aux termes de l’article 2 de la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, ainsi qu’à ceux de l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ;

Considérant que la déportation ou le transfert forcé de population, lorsqu’ils sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » constituent aux termes de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale un crime contre l’humanité ;

Considérant que les déportations d’enfants ukrainiens obéissent à une politique élaborée au plus haut niveau de l’État russe et exécutée à tous les niveaux de l’administration ;

1. Condamne avec la plus grande vigueur les transferts forcés d’enfants ukrainiens perpétrés par la Fédération de Russie au plus haut niveau de l’État ;

2. Estime qu’en procédant au changement des données d’état-civil des enfants déportés, les autorités russes cherchent à empêcher à tout jamais leurs familles ukrainiennes d’origine de les retrouver ;

3. Considère que cette négation de la mémoire personnelle des enfants transférés, jointe à leur éloignement géographique, leur endoctrinement et leur assimilation forcée au sein de la société russe, relève d’une stratégie délibérée de destruction de l’identité nationale et de la société ukrainiennes ;

4. Estime urgent que le Gouvernement français et l’Union européenne fournissent toute l’aide matérielle et humaine nécessaire au Gouvernement et à la société civile d’Ukraine en vue de recenser les enfants déportés ou disparus et de les rapprocher de leurs familles ou de leurs tuteurs légaux ;

5. Demande au Gouvernement français et à la Commission européenne de mettre à la disposition des institutions et des organisations non-gouvernementales ukrainiennes et européennes les moyens nécessaires à un accompagnement médical, psychologique et social adapté, dans la durée, des enfants victimes ainsi que de leurs familles, pendant et après leur rapatriement ;

6. Appelle également la France et l’Union européenne à agir afin que les organisations internationales compétentes, en particulier le Fonds des Nations unies pour l'enfance et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés mettent en œuvre les moyens humains et matériels requis pour venir en aide aux enfants concernés en vue de leur rapatriement et une fois celui-ci effectué ;

7. Considère cependant qu’au-delà des mesures visant à aider les victimes des agissements russes, ces derniers doivent faire l’objet de suites judiciaires afin que de telles pratiques ne soient pas répétées lors de conflits futurs ;

8. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne de fournir l’aide matérielle et humaine requise au Gouvernement ukrainien comme aux autorités judiciaires internationales afin que les responsables de ces agissements soient identifiés, traduits en justice et répondent de leurs actes ;

9. Invite le Gouvernement français à prendre une part active à l’initiative conjointe de la présidente de la Commission européenne et du Premier ministre de Pologne annoncée le 27 février 2023 par la porte-parole de la Commission européenne et visant à ce que les enfants enlevés soient retrouvés et les responsables de ces crimes traduits en justice ;

10. Demande à l’Union européenne l’extension de la liste des personnes et entités faisant l’objet de sanctions à l’ensemble des acteurs ayant contribué aux déportations d’enfants depuis le territoire ukrainien vers celui de la Fédération de Russie ;

11. Se félicite de l’émission par la Cour pénale internationale, le 17 mars 2023, d’un mandat d’arrêt à l’encontre de Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, et de Maria Lvova-Belova, Commissaire aux droits de l'enfant auprès du président de la Fédération de Russie ;

12. Invite les autorités compétentes à saisir le procureur de la Cour pénale internationale afin qu’il étende cette procédure à l’ensemble des responsables ayant pris une part active aux déportations d’enfants ukrainiens.

 

 


([1]) Rapport d’Amnesty International « “Like a prison convoy”, Russia’s unlawful transfer and abuse of civilians in Ukraine during ‘filtration’ », novembre 2022.

([2]) « Russia’s systematic program for the re-education & adoption of Ukraine’s children », Yale School of Public Health, Humanitarian Research Lab, 14 février 2023.

([3]) En dehors des difficultés éprouvées par les familles pour entrer en contact avec leurs enfants ou pour les retrouver.

([4]) L’article 8 bis du Statut de Rome définit ainsi le crime d’agression : « Aux fins du présent Statut, on entend par «crime d’agression» la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un État, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies. »