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N° 1027

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à protéger la jeunesse de la précarité par la solidarité intergénérationnelle,

 

 

 

Par Mme Sophie TaillÉ-Polian,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 884 rect.

 

 

 


– 1 –

SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

I. la prÉcaritÉ de la jeunesse : un phÉnomÈne constant mis en lumiÈre par la crise sanitaire

A. la question de la prÉcaritÉ est une constante chez les jeunes

B. la prÉcaritÉ des jeunes Mise en lumiÈre par la crise sanitaire

II. derriÈre la prÉcaritÉ des jeunes, quels enjeux ?

A. La dÉpendance des jeunes au soutien familial

1. La logique familialiste des aides à la jeunesse

2. Des jeunes dépendants de leurs parents

B. le coÛt et l’accÈs au logement

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er Élargir le revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans

Article 2 Réforme du système de bourses

Article 3 Suppression d’exemptions d’assiette sur les droits de mutation à titre gratuit

Article 4 Lutte contre la fraude en matière de droits de mutation à titre gratuit

Article 5 Gage financier

Examen en commission

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

Annexe n° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 

 


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   Avant-propos

I.   la prÉcaritÉ de la jeunesse : un phÉnomÈne constant mis en lumiÈre par la crise sanitaire

A.   la question de la prÉcaritÉ est une constante chez les jeunes

Les jeunes de 18 à 24 ans représentent la frange de la population la plus touchée par la pauvreté aujourd’hui. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ([1]), 1,4 million de jeunes vivent sous le seuil de pauvreté et un quart des étudiants déclarent connaître des difficultés financières, en 2020 ([2]).

Cette tendance à la dégradation des conditions de vie chez les jeunes est une constante. Déjà en 2018, les jeunes âgés de 18 à 29 ans présentaient un taux de pauvreté monétaire quatre fois supérieur à celui des personnes âgées de plus de 65 ans : 12,5 % pour les jeunes contre 3 % pour les plus âgés, et 8,3 % pour l’ensemble de la population ([3]). Ainsi, c’est chez les jeunes que la pauvreté a connu la progression la plus importante ces quinze dernières années avec un taux de pauvreté en hausse de 50 % entre 2002 et 2017 ([4]).

Et pourtant, le phénomène de pauvreté reste largement sous-estimé chez les jeunes en raison de la difficulté à quantifier leurs ressources réelles, surtout lorsque ces derniers dépendent encore du foyer de leurs parents et bénéficient de transferts monétaires.

La jeunesse n’est qu’un mot ([5])

Il convient de rappeler que derrière le mot jeunesse s’exprime une diversité de réalités sociales. En France aujourd’hui, 50 % des enfants d’ouvriers ne sont pas titulaires du bac, 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification, il y a plus d’un million de jeunes NEETS (ni en étude, ni en emploi, ni en formation) et les étudiants ne représentent que la moitié des 18-25 ans ([6]).

Dans son enquête visant à mesurer la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans ([7]), la Drees tente, à partir des données de l’Insee de 2014, de définir une nouvelle approche du niveau de vie et de la pauvreté monétaire des jeunes sur un champ quasi complet de cette population.

Cette étude distingue les jeunes selon six situations de vie :

        les cohabitants, lorsqu’ils résident exclusivement dans un logement parental ;

        les décohabitants, lorsqu’ils résident une partie de l’année dans un logement autonome ;

        les étudiants, ce sont les jeunes qui suivent une formation au moment de l’enquête, que ce soit dans l’enseignement secondaire ou supérieur. Les apprentis sont considérés comme des étudiants ;

        les jeunes en emploi ;

        les jeunes au chômage ;

        les jeunes NEET, qui sont ni en études, ni en emploi, ni en formation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De manière générale, les jeunes qui ne vivent plus sous le toit de leurs parents connaissent une précarité particulièrement forte. En effet, 40 % des étudiants décohabitants sont pauvres monétairement, notamment du fait de la faiblesse de leurs ressources propres et de leur dépendance aux aides familiales.

Source : Drees-Insee, enquête nationale sur les ressources des jeunes 2014.

Moins nombreux que les étudiants, les jeunes décohabitants sortis d’études et sans emploi sont davantage concernés par cette vulnérabilité financière et par une pauvreté plus marquée. Ainsi, 44 % d’entre eux sont en situation de pauvreté monétaire ([8]), révélant leur forte précarité.

Si les jeunes cohabitants connaissent un taux de pauvreté deux fois inférieur à celui des jeunes décohabitants, il est à nuancer. En effet, une partie des jeunes résidant chez leurs parents ne peuvent simplement pas quitter le domicile parental en raison de ressources trop faibles pour assumer un logement indépendant. Ce maintien au domicile familial se confirme surtout pour les jeunes qui sont sortis de formation et sont en difficulté sur le marché de l’emploi.

Les jeunes issus de familles modestes ou étrangers sont les plus exposés à la pauvreté monétaire et les jeunes issus des départements, régions et collectivités ultramarins subissent un taux de pauvreté monétaire nettement plus élevé qu’en métropole. Ainsi, le taux de pauvreté des jeunes adultes des DROM interrogés dans l’Enquête nationale sur les ressources des jeunes (ENRJ) s’élève à 57 %.

B.   la prÉcaritÉ des jeunes Mise en lumiÈre par la crise sanitaire

La précarité des jeunes s’est aggravée mais aussi révélée avec la crise sanitaire, sans jamais montrer de signe de résorption depuis lors. Les files d’attente de jeunes devant les banques alimentaires se sont multipliées avec la crise et sont devenues particulièrement visibles.

La rapporteure a tenu à auditionner les organisations de solidarité qui se sont mobilisées pour soutenir les étudiants les plus précaires comme COP 1‑Solidarité étudiante et Linkee. Pour les deux organisations, le constat est clair : ces files d’attentes ne désemplissent pas depuis deux ans. Le constat est le même au sein de l’Université de Paris VIII, où la permanence du Secours populaire accueille aujourd’hui plus de 500 étudiants en situation de « dénuement extrême » ([9]).

Ces remontées de terrains ne sont pas une exception et se retrouvent dans les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Ainsi, fin 2021, 83 % des étudiants recourant à l’aide alimentaire déclarent n’y avoir eu recours qu’après le début de la crise, en mars 2020.

Il convient de rappeler que cette précarité ne se cantonne pas à la précarité alimentaire et peut prendre diverses formes. Face aux besoins exprimés par les jeunes notamment pour les produits de première nécessité (vêtement, protections périodiques), les organismes de solidarité auditionnés lors de ces travaux se sont adaptés en élargissant leur offre de distribution.

La crise sanitaire a révélé la profonde précarité des étudiants et permis une prise de conscience. En effet, le baromètre d’opinion ([10]) de la Drees révèle que, dans le contexte de la crise sanitaire, la part des personnes qui jugent leur situation globalement mauvaise double chez les jeunes, là où elle n’augmente que d’un quart dans l’ensemble de la population.

 

II.   derriÈre la prÉcaritÉ des jeunes, quels enjeux ?

A.   La dÉpendance des jeunes au soutien familial

1.   La logique familialiste des aides à la jeunesse

La politique d’aide aux jeunes en France s’est construite à partir d’une logique familialiste, entre autres à travers les allocations familiales et la demi-part fiscale que les familles continuent de percevoir au titre de leurs enfants.

Cette logique de dépendance de l’enfant envers ses parents est ancrée juridiquement. En effet, le code civil prévoit, aux termes de son article 371-2, que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur ». Si cette obligation est d’abord une protection pour les jeunes adultes, elle s’est accompagnée d’un large désengagement de l’État dans l’accompagnement matériel des jeunes.

De cette obligation d’entretien découlent les modalités de calcul des bourses – à partir du revenu des parents – et la possibilité pour les parents de toucher des aides à destination des jeunes, sans que ne puisse être garantie l’inconditionnalité des transferts au niveau intrafamilial.

Lors de son audition par votre rapporteure, Mickaël Portela ([11]) a pointé les inégalités que peut engendrer la qualité des relations entre le jeune et ses parents.

De cette logique familialiste découle également l’inexistence de minima sociaux à destination des jeunes. Le droit au revenu minimum d’insertion (RMI), puis au revenu de solidarité active (RSA), ont ainsi été conçus en excluant, dès le départ, la jeunesse de son périmètre.

Il faut souligner la singularité du cas français par rapport aux autres pays européens qui, pour la grande majorité d’entre eux, garantissent un revenu minimal aux jeunes. Convaincu du bénéfice d’une telle aide pour lutter contre la précarité, le Parlement européen a d’ailleurs voté très récemment une recommandation favorable à l’élargissement du revenu minimum aux jeunes ([12]).

Un revenu minimum pour les jeunes dans les pays européens voisins

Le conditionnement du revenu minimum à un critère d’âge est une particularité française au sein des pays européns. En effet, la majorité des États de l’union europénne ouvrent l’éligibilité au revenu minimum aux jeunes. On pourrait distinguer trois types d’États ([13]) :

-          les États les plus restrictifs, excluant les jeunes de moins de 25 ans du bénéfice du revenu minimum garanti pour leur propre compte (France, Luxembourg) ;

-          les pays dans lesquels les jeunes qui vivent en dehors du foyer parental peuvent bénéficier du revenu minium garanti pour leur compte propre s’ils ne sont pas étudiants (Allemagne, Autriche, Irlande, Portugal, Royaume-Uni) ;

-          les États dans lesquels les jeunes majeurs non étudiants peuvent bénéficier d’un revenu minimum garanti dès lors que leurs propres ressources sont en-dessous d’un plafond, même lorsqu’ils habitent avec leurs parents (Danemark, Finlande, Pays‑Bas).

In fine, la philosophie de notre système d’aide aux jeunes, adossée sur un manque d’engagement de l’État, révèle le manque de confiance de ce dernier à leur égard. La présente proposition de loi tend à émanciper les jeunes de leurs familles et à réduire les inégalités sociales, d’une part en attribuant une garantie minimale aux jeunes âgés de 18 à 25 ans non étudiants et, d’autre part, en soutenant avec plus de force les étudiants, sans pour autant opposer aide familiale et aide publique.

2.   Des jeunes dépendants de leurs parents

Si les ressources étudiantes restent difficilement quantifiables, notamment du fait de la difficile traçabilité des transferts parentaux directs et indirects ainsi que des aides en nature, les études statistiques identifient trois principales sources de revenus d’un étudiant : les aides familiales, les revenus d’activités et les aides publiques.

Structure des ressources mensuelles moyennes des étudiants

 

 

 

 

 

 

 

Source : Observatoire nationale de la vie étudiante, enquête conditions de vie 2020

À la lecture du schéma ci-dessus, il apparait que la dépendance budgétaire des étudiants envers leur famille est forte puisqu’en moyenne 42 % des dépenses des étudiants sont directement prises en charge par les parents, soit un montant de 532 euros par mois. Pour les étudiants cohabitants, cette part s’élève à 75 % tandis que pour l’ensemble des jeunes la part d’aide parentale dans l’ensemble du revenu s’élève à 30 % ([14]).

La majorité des jeunes bénéficie d’un soutien familial. En effet, 70 % des jeunes ont des aides régulières de la part leurs parents, que ce soit sous forme de versement monétaire ou d’une participation à leurs dépenses ([15]). Les jeunes étudiants sont encore davantage soutenus par leurs parents puisque 90 % d’entre eux bénéficient d’un soutien financier régulier. À cet égard, Mickaël Portela ([16]) rappelle que le soutien parental représente une forme d’investissement des parents dans le projet éducatif de leur enfant qui les amène à d’autant plus s’investir que leur enfant est en études.

Ainsi, globalement, les jeunes bénéficient de l’entre-aide familiale. À la lecture du graphique ci-dessous, et de manière assez intuitive, le montant de l’aide versée croît avec les revenus des parents. À l’aune de ce constat, votre rapporteure tient à rappeler toute l’importance d’une politique fortement redistributive, afin de favoriser l’égalisation des chances entre les jeunes.

Source : Drees-Insee, enquête nationale sur les ressources des jeunes.

En outre, ce graphique souligne que ce sont les parents les plus pauvres qui réalisent l’effort le plus important par rapport au niveau de leur revenu (13 % du revenu pour les 10 % les plus pauvres contre 8 % pour les autres déciles). Autrement dit, faute d’aides publiques, ce sont les ressources des parents, même très faibles, qui doivent être partagées avec les enfants.

B.   le coÛt et l’accÈs au logement

Le logement représente une dépense particulièrement difficile à assumer pour les jeunes actifs et les étudiants. Ainsi, le taux d’effort net ([17]) des jeunes consacré au logement s’élève à 22 %, soit le double du taux d’effort net de la population générale.

Les situations de logement des jeunes sont très diversifiées et très hétérogènes, surtout parmi les étudiants. Selon les données issues de l’enquête de l’OVE ([18]) de 2020, 33 % des étudiants habitent chez leurs parents ou chez l’un deux, 45 % sont en location (seul ou à plusieurs) et 12 % vivent en résidence universitaire.

 

RÉpartition des Étudiants selon le type de logement

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Observatoire national de la vie étudiante, enquête conditions de vie 2020.

Le fait de quitter le domicile des parents pour un autre logement a un effet non négligeable sur les conditions de vie des étudiants concernés. Ainsi, selon l’OVE, le logement constitue le premier poste de dépense d’un étudiant. Plus précisément, l’enquête indique que 57% des étudiants déclarent payer un loyer et qu’ils y consacrent en moyenne 484 euros mensuels (soit 52 % des dépenses).

Face à cette réalité, les aides personnalisées au logement (APL) constituent un dispositif central d’aide aux jeunes et jouent un rôle essentiel pour équilibrer leur budget. Au total 791 000 jeunes en bénéficient (soit 12 % des bénéficiaires).

Selon une enquête de l’union professionnelle du logement accompagné ([19]), si la réforme des APL de 2022 ([20]) a contribué à élargir le périmètre des bénéficiaires, ce mouvement s’est réalisé au détriment du niveau de l’aide. Ainsi, entre 2020 et 2021, le montant de l’aide à chuté de 7 % passant de 265 euros mensuels à 247 euros. D’après l’association Collectif Alerte, cette réforme aurait particulièrement touché les jeunes actifs, plus encore que les étudiants et apprentis ([21]).

En ce qui concerne les bailleurs, la population jeune est souvent perçue comme plus à risque, en raison de leurs faibles ressources et de leur forte mobilité. Cela renforce l’exposition des jeunes à l’instabilité et à la précarité. Ainsi, si certains dispositifs comme la garantie visa pour le logement et l’emploi ([22]) (VISALE) visent à faciliter, pour les étudiants, l’obtention d’un garant, les associations auditionnées s’accordent sur un même constat : il reste insuffisamment connu par les bailleurs et continue de faire l’objet d’une certaine réticence.

Les obstacles rencontrés par la jeunesse sur la voie du logement sont pourtant intimement liés à la question de la formation et l’emploi. Les coûts du logement, ou de l’incapacité à trouver un logement, partiellement pris en charge, forcent trop souvent les étudiants à travailler, ce qui constitue progressivement la norme dans certaines universités, ainsi que les personnes auditionnées par votre rapporteure ont pu le confirmer.

 

 

 


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   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
Élargir le revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans

L’article 1er ouvre le revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes gens âgés de 18 à 25 ans et abroge en conséquence le revenu de solidarité active « jeunes actifs ».

I.   les jeunes gens de 18 À 25 ans, une population privÉe de minimum social et renvoyÉe À des aides insuffisantes

A.   Le revenu de solidaritÉ active et les jeunes, un rendez-vous manquÉ

1.   Du revenu minimum d’insertion au revenu de solidarité active, une constante exclusion des jeunes

L’instauration du revenu minimum d’insertion (RMI) en décembre 1988 a introduit dans le contrat social une solidarité à l’égard des exclus du travail en décrétant que nul ne peut se retrouver sans ressources ([23]). L’âge plancher permettant de bénéficier de cette aide est fixé à 25 ans sans que cette question ne soit à l’époque réellement débattue.

Le débat ne sera pas davantage engagé lors des discussions parlementaires sur le revenu de solidarité active (RSA) ([24]). Celui-ci bénéficie aux seules personnes âgées de plus de 25 ans ou assumant la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître ([25]).

Conditions d’éligibilité au revenu de solidarité active

Le revenu de solidarité active est un minimum social non contributif, versé sous conditions de ressources. Cette allocation différentielle permet de compléter les ressources du foyer afin qu’elles atteignent un seuil de revenu garanti dont le barème varie selon la composition du foyer. Une majoration peut être accordée aux parents isolés assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée.

L’éligibilité à ce dispositif est par ailleurs subordonnée aux conditions suivantes :

 – être français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler ;

 – avoir des ressources mensuelles qui ne dépassent pas les plafonds en vigueur ;

 – ne pas être élève, étudiant ou stagiaire au sens de l’article L. 124-1 du code de l’éducation ;

 – ne pas être en congé parental, sabbatique, sans solde ou en disponibilité.

En outre, si le bénéficiaire du revenu de solidarité active est sans emploi ou si ses revenus d’activité sont inférieurs à 500 euros par mois en moyenne au cours des trois mois précédant le versement, il est soumis aux « droits et devoirs » prévus aux articles L. 262‑27 à L. 262‑39 du code de l’action sociale et des familles. Il est alors tenu « de rechercher un emploi, d’entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d’entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle ». En pratique, près de 99 % des bénéficiaires du revenu de solidarité active sont soumis aux droits et devoirs, comme le rappelle la Cour des comptes ([26]).

Fin mars 2022, le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active est estimé à 1,87 million de foyers par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), en baisse de 4,7 % par rapport à mars 2021.

En 2023, le montant mensuel du revenu de solidarité active s’élève à 598,54 euros pour une personne seule, 887,81 euros pour un couple et 1 256,93 euros pour des parents assumant la charge de deux enfants. Il se décline ensuite conformément au tableau ci-dessous.

Montant du revenu de solidarité active

 

 

Allocataire seul

Allocataire seul
avec majoration

Allocataire en couple

Sans enfant

598,54

768,6

897,81

Un enfant

897,81

1 024,8

1 077,37

Deux enfants

1 077,37

1 281,0

1 256,93

Par enfant supplémentaire

239,42

256,2

239,42

Source : législation.

Un forfait logement déductible est également applicable. À hauteur de 71,82 euros pour une personne seule sans enfant à charge, il atteint jusqu’à 177,77 euros pour un foyer de trois personnes et plus.

Toutefois, la question de l’âge requis pour bénéficier de ce minimum social n’est pas nouvelle. Elle apparaît dès 1988 dans les débats parlementaires sur le revenu minimum d’insertion ([27]). Derrière la barrière établie à 25 ans, c’est le discours familialiste qui prime puisqu’il s’agit de « ne pas favoriser la décohabitation des jeunes adultes de leurs familles, singulièrement quand celles-ci ont les moyens de pourvoir à leurs besoins » ([28]). Aussi le revenu minimum d’insertion n’est-il ouvert avant 25 ans qu’aux chargés de famille pour ne pas décourager la natalité dans les jeunes ménages.

En 2008, lors de la discussion de la loi précitée du 1er décembre 2008, la question semble à nouveau contournée ([29]). Le sujet est rapidement abordé lors de l’examen du texte par le biais d’un amendement finalement rejeté ([30]). La condition d’âge pour l’éligibilité au revenu de solidarité active reste ainsi alignée sur celle du revenu minimum d’insertion.

Aujourd’hui, plusieurs travaux institutionnels convergent en faveur du revenu de solidarité active pour les moins de 25 ans :

– en 2016, le rapport de Christophe Sirugue remis au Premier ministre proposait plusieurs scénarii d’ouverture, à terme, du revenu de solidarité active aux personnes âgées de moins de 25 ans ([31]) ;

– en 2017, le Conseil économique, social et environnemental se prononçait en faveur d’une allocation minimale ouverte dès 18 ans ([32]) ;

– les travaux sur le revenu universel d’activité (RUA) semblaient privilégier l’ouverture d’une allocation unique dès 18 ans ;

– le comité d’évaluation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, placé auprès du Premier ministre, s’est clairement prononcé en faveur de l’expérimentation d’un revenu minimum garanti pour les 18-24 ans ([33]) ;

– en 2021, Élisabeth Borne, ministre du travail, évoque une « garantie jeunes universelle » conçue à la fois comme un dispositif d’aide financière et un accompagnement vers l’emploi.

L’introuvable revenu universel d’activité

Le 13 septembre 2018, à l’occasion du lancement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, le Président de la République annonçait sa volonté de mettre en place un « revenu universel d’activité ». Christelle Dubos, alors secrétaire d’État auprès du ministre de solidarités et de la santé, pose la problématique en des termes clairs : « On connaît la pauvreté de ces jeunes et quand on veut lutter contre la pauvreté et permettre qu’ils en sortent ou éviter qu’ils y entrent dans le cadre de la stratégie de prévention, on se pose la question d’intégrer ces jeunes. »

Des travaux techniques ont été lancés en même temps qu’une consultation et des ateliers citoyens de début 2019 à avril 2020, la proposition devant aboutir courant 2020. À l’époque, la question du périmètre se posait avec force puisque le Gouvernement avait annoncé son intention de faire aboutir cette réforme, potentiellement massive compte tenu des quinze minima sociaux qui cohabitaient alors, à budget constant. Ces travaux ont été interrompus par la crise sanitaire.

En 2021, le Gouvernement a proposé une « garantie jeunes universelle ». Deux ans après, aucune garantie apportée par le Gouvernement ne permet de penser qu’un tel revenu pour les jeunes puisse éclore. La précarité des jeunes elle, n’a cessé de croître.

2.   Le revenu de solidarité active « jeunes actifs », une tentative d’ouverture aux moins de 25 ans très restrictive dans sa philosophie

Le revenu de solidarité active « jeunes actifs » est créé à destination des jeunes gens âgés entre 18 et 25 ans sous des conditions très restrictives, par l’article 135 de la loi de finances pour 2010 ([34]).

Cette possibilité prévue à l’article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles a pour vocation de répondre à deux situations :

– celles des jeunes ayant eu un ou des emplois et qui, après avoir épuisé leurs droits, ne disposent plus d’aucune ressource ;

– celles des jeunes ayant travaillé très tôt et percevant des revenus modestes.

Ce revenu de solidarité active à destination des jeunes actifs ne concerne en réalité qu’une très faible partie de cette population. À titre d’exemple, en 2019, la Seine-Saint-Denis ne compte que douze allocataires du revenu de solidarité active « jeunes actifs » tandis que les départements de la Gironde et de La Réunion ne comptent respectivement que vingt et neuf foyers bénéficiaires ([35]).

 

Conditions d’attribution du revenu de solidarité active « jeunes actifs »

La loi de finances pour 2010 a étendu le revenu de solidarité active aux personnes de moins de 25 ans justifiant de deux ans d’activité en équivalent temps plein (soit au moins 3 214 heures) au cours des trois années précédant la demande ([36]).

Pour la détermination de la durée d’activité, sont prises en compte :

 – les activités salariées et non salariées, les heures d’activité occasionnelle ou réduite accomplies pendant des périodes de chômage et ayant donné lieu au maintien des allocations chômage ;

 – les heures d’activité accomplies dans le cadre d’un contrat de volontariat dans les armées, sauf les heures de formation.

Les périodes de chômage sont prises en compte dans la limite de six mois, de telle sorte que l’examen des conditions d’activité peut avoir lieu sur un maximum de trois ans et six mois.

Les périodes de stage ne sont pas assimilées à des périodes d’activité.

Comme pour le revenu de solidarité active de droit commun, le montant du revenu de solidarité active « jeune actif » varie selon la composition du foyer, le nombre d’enfants à charge et les ressources du foyer. S’y applique le même forfait logement.

Ce dispositif semble de moins en moins attractif au regard de la baisse continue du nombre de ses attributaires depuis sa création – exception faite des années 2014 et 2015. En 2022, seulement 520 foyers sont bénéficiaires du revenu de solidarité active « jeune actif » et ce nombre reculerait à 460 foyers en 2023.

Compte tenu de la faible audience de ce dispositif, sa pertinence et son utilité doivent être interrogées. L’exclusion de fait des jeunes gens âgés de moins de 25 ans du principal minimum social semble de plus en plus fragile au vu de la précarisation qu’ils connaissent et, plus généralement, au regard du principe d’égalité.

Le caractère restrictif et contraignant du revenu de solidarité active « jeune actif » est assumé dès le départ par un mode de financement spécifique. En effet, à la différence du revenu de solidarité active de droit commun, dont le financement relève des conseils départementaux, le revenu de solidarité active « jeunes actifs » est entièrement à la charge de l’État.

Pour l’année 2023, il est prévu que le revenu de solidarité active « jeunes actifs » mobilise 2,7 millions d’euros, soit une diminution de 40 % par rapport à l’enveloppe allouée en 2020 ([37]).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Cnaf et CCMSA.

B.   des dispositifs À destination des jeunes gens de moins de 25 ans Épars et insuffisants

1.   Un panorama des dispositifs à destination des jeunes non étudiants

a.   Le contrat d’engagement jeunes, un dispositif ambitieux mais trop limité

Le contrat d’engagement jeunes (CEJ) a été créé par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022. Il est entré en vigueur le 1er mars 2022, se substituant ainsi à la garantie jeunes ([38]).

Au 31 janvier 2023, ce sont 301 725 jeunes gens qui ont signé un contrat d’engagement jeunes. Plus de 90 % des bénéficiaires sont âgés de 18 à 25 ans, 18 % d’entre eux résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville. Les bénéficiaires sont majoritairement masculins (52 %) et sans diplôme (44 %) ([39]).

Cette dynamique positive d’un point de vue quantitatif reste nuancée, selon l’avis général de votre rapporteure et des organisations qu’elle a auditionnées.

Rappelons d’abord que le contrat d’engagement jeunes ne concerne qu’une petite partie de la jeunesse précaire. En 2019 ce ne sont pas moins de 12,9 % des jeunes gens âgés de 15 à 29 ans qui se trouvent sans études, ni emploi, ni formation (NEET), soit 1,5 million de personnes.

Les conditions pour entrer dans le contrat d’engagement jeune (CEJ)

Aux termes de l’article L. 5131-6 du code du travail, le contrat d’engagement jeunes est un droit ouvert aux jeunes gens de 16 à 25 ans révolus, ou 29 ans révolus lorsque la qualité de travailleur handicapé leur est reconnue, qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi durable, qui ne sont pas étudiants et qui ne suivent pas une formation (NEET).

Le CEJ prend la forme d’un accompagnement intensif, élaboré avec le jeune en fonction de ses besoins et pouvant s’étendre sur douze mois maximum. Il est prolongeable jusqu’à dix‑huit mois pour les publics les plus éloignés de l’emploi.

Le contrat donne lieu à allocation mensuelle dégressive en fonction des ressources pour les jeunes gens qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier ou en ne percevant qu’un soutien financier limité de la part de leurs parents. Cette allocation ne peut dépasser un plafond de 520 euros par mois.

Son bénéfice est conditionné au respect d’exigences d’engagement, d’assiduité et de motivation précisées par voie réglementaire.

Par ailleurs, le contrat d’engagement jeunes se veut un dispositif d’accompagnement, autrement dit, celui-ci n’a pas été conçu comme un véritable « filet de sécurité ». Il est ainsi limité dans le temps (maximum dix‑huit mois), limité par sa conditionnalité – obligation d’honorer ses propres engagements – et, enfin, limité par son montant qui ne peut dépasser un plafond de 520 euros mensuels, soit un montant inférieur au RSA. C’est pourtant, aujourd’hui, le dispositif qui, par son ampleur, constitue la réponse principale aux jeunes en recherche d’insertion.

En outre, ce le CEJ ne permet pas toujours d’atteindre les personnes les plus éloignées des institutions. Les modalités de financement des structures pilotes semblent de ce point de vue mal adaptées. En effet, la prise en compte des taux de sorties positives incite les structures à proposer le CEJ aux jeunes ayant le plus de chances d’accéder au marché du travail, au détriment des jeunes les plus éloignés des institutions.

Les personnes auditionnées par votre rapporteure ont, à juste titre, évoqué les limites de ce revenu fortement conditionné, notamment pour les jeunes de moins de 25 ans qui n’ont pas réussi à s’insérer professionnellement à l’issue du CEJ ou ceux qui sont parfois amenés à naviguer entre les différents dispositifs existants, alternant ainsi période assortie d’aide et période sans aide. En réponse à ce constat, la Métropole de Lyon a mis en place un revenu de solidarité pour les jeunes précaires, faisant office de « filet de sécurité ».

Un revenu de solidarité pour les jeunes précaires de moins de 25 ans : l’exemple de la Métropole de Lyon

Mis en œuvre depuis juin 2021, le revenu de solidarité pour les jeunes apporte un soutien financier aux jeunes entre 18 et 25 ans, français ou étranger en situation régulière et habitant dans la métropole de Lyon depuis au moins six mois. L’objectif est de proposer aux jeunes en difficulté une aide d’urgence, souple, qui puisse être d’un secours immédiat.

Cette aide financière individuelle s’élève jusqu’à 400 euros par mois pour les jeunes n’ayant aucune ressource d’activité, et jusqu’à 300 euros s’ils disposent de ressources d’activités. Cette aide ne peut être portée au-delà d’une durée de deux ans.

Afin de ne pas créer de concurrence avec les aides existantes, ce revenu de solidarité vise uniquement les jeunes ne bénéficiant d’aucune aide (RSA, allocation adultes handicapés, allocation éducation de l’enfant handicapé, contrat d’engagement jeune ou contrat jeunes majeurs).

Deux types de profils des jeunes sont identifiés par la Métropole de Lyon :

– des jeunes en grosse difficulté, parfois à la rue, pour lesquels un travail important de repérage et d’accompagnement est nécessaire (levée des freins de santé, addiction)

– des jeunes qui naviguent entre les dispositifs existants et ayant besoin, de façon ponctuelle, d’un filet de sécurité au cours de leur parcours. Cette aide permet de prévenir les décrochages du jeune, par exemple après un échec du CEJ, et lui assurer une forme de stabilité dans le temps.

Ce dispositif peut s’étendre sur une durée de trois mois renouvelables jusqu’à vingt‑quatre mois et peut être sollicité de façon discontinue.

L’existence de ce revenu de solidarité lyonnais révèle les failles du système d’aides actuel et la nécessité de pouvoir proposer aux jeunes un revenu minimum sans interstices, leur assurant une stabilité sur le long terme. À ce titre, les dernières conclusions du conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) préconisent que le CEJ « devienne un droit inconditionnel garantissant une allocation permettant à chacun de subvenir à ses besoins fondamentaux (se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner...) sans aucune restriction de durée » ([40]).

Enfin, rappelons que la mise en œuvre du contrat d’engagement jeunes connaît des disparités géographiques tant les capacités d’accompagnement, l’accès aux services et aux accompagnateurs sociaux peuvent varier selon les territoires.

b.   Le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, un dispositif complémentaire qui profite à très peu de jeunes

Créé à l’article 46 de la loi du 8 août 2016, le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (Pacea) est à l’origine le mode d’action normal de la mission locale envers les jeunes ([41]). Depuis la création du contrat d’engagement jeunes, il constitue un dispositif complémentaire et annexe pouvant être proposé en amont ou en sortie de ce dernier, pendant une durée maximale de vingt-quatre mois consécutifs.

Dans le même esprit que le contrat d’engagement jeunes, le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie propose un accompagnement humain et un soutien financier aux jeunes gens âgés de 16 à 25 ans dans le cadre d’un engagement réciproque. En 2021, 420 000 personnes en ont bénéficié du Pacea – mais seulement 80 000 bénéficiaires ont été recensés en 2022.

c.   Le contrat d’engagement jeunes « jeunes en rupture »

Dans le cadre du contrat d’engagement jeunes, le contrat d’engagement jeunes « Jeunes en rupture » (CEJ JR) a vocation à accompagner les publics les plus éloignés de l’emploi, qui cumulent certaines difficultés – absence de logement stable, illettrisme ou faible maitrise de la langue française, problématique de santé physique ou mentale. Porté dans le cadre de la Stratégie contre la pauvreté, il concernait 20 000 jeunes gens en 2022.

d.   Le parcours emploi compétences

Le « parcours emploi compétences » (PEC) est une forme de contrat aidé à destination des personnes très éloignées de l’emploi. Il comptait en 2021 près de 130 000 jeunes bénéficiaires. Ces dispositifs reposent sur un travail, dont il est normal que le bénéficiaire retire rémunération. Bien qu’ils puissent représenter un filet de sécurité pour ceux qui n’ont rien, ils ne constituent pas une aide minimale garantie et pérenne.

e.   Le dispositif Travail alternatif payé à la journée, une expérimentation à destination d’un public jeune extrêmement précaire

Depuis 2019, le dispositif expérimental Travail alternatif payé à la journée (TAPAJ) est mis en œuvre dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ce programme d’insertion global vise les jeunes gens âgés de 16 à 25 ans en situation de très grande précarité, désocialisés et souffrant de problème d’addiction. Si ce dispositif semble très positif pour la réinsertion d’un public jeune spécifique, il n’a pu bénéficier depuis sa mise en œuvre qu’à 2 500 jeunes.

f.   Les aides personnalisées au logement, un dispositif utile mais centré sur les jeunes qui ont les moyens de décohabiter

Les enjeux des aides personnalisées au logement (APL) doivent être clairement distingués de ceux du revenu de solidarité active. En effet, elles ne constituent pas un revenu en tant que tel puisqu’elles sont liées au paiement d’un loyer. Par ailleurs, les APL bénéficient, par définition, aux jeunes qui ont les moyens de quitter le domicile parental, autrement dit aux plus aisés.

Les acteurs auditionnés par votre rapporteure ont tenu à souligner les effets négatifs de la contemporanéisation des APL pour les jeunes actifs. Le Collectif Alerte rappelle, à juste titre, qu’en situation de précarité, la variation régulière du montant de l’aide peut constituer un obstacle majeur à l’insertion du jeune ([42]).

g.   La garantie Visa pour le logement et l’emploi, un dispositif trop méconnu

Le Visa pour le logement et l’emploi (Visale) est une caution gratuite créée en 2016 en remplacement de la garantie universelle des loyers. Elle est ouverte aux jeunes gens âgés de 19 à 30 ans, sans condition, dans la limite de 1 500 euros à Paris et 1 300 euros dans le reste de la France.

Depuis sa création, cette garantie aurait couvert 300 000 locataires, un constat décevant pour la Cour des comptes qui relevait en janvier 2020 que les résultats atteints « demeurent insuffisants par rapport aux enjeux et à une demande forte » ([43]).

Les auditions menées par votre rapporteure confirment que, en dépit de son utilité, ce dispositif demeure méconnu.

2.   Une étonnante complexité au détriment de l’accès aux droits

Ce panorama, qu’il est difficile de prétendre totalement exhaustif, rappelle la complexité et l’illisibilité des aides à destination des jeunes non-étudiants. L’enchevêtrement de nombreux dispositifs, parfois très précisément ciblés sur un public spécifique, exigent souvent des contreparties, preuve d’un « engagement » fort des bénéficiaires.

Cette situation a inévitablement un effet dommageable sur la connaissance des dispositifs. Et lorsqu’ils sont connus, ils sont généralement mal appréhendés, tant la diversité des conditions requises et la multiplication des démarches successives encouragent les demandes erratiques voire, pire, découragent.

Plus encore, cet ensemble néglige des publics entiers et massifs. Si l’on comprend la nécessité d’un « sur-mesure » pour les publics les plus précaires, qu’en est-il pour les autres dont le profil n’est pas adapté à des politiques aussi ciblées ?

Au regard de cette situation, les organismes de solidarité mais aussi les spécialistes académiques de la jeunesse ont pointé, à très juste titre, l’enjeu de l’accès aux droits pour ces jeunes gens.

II.   Le droit proposÉ : permettre l’accÈs au revenu de solidaritÉ active dÈs l’Âge de 18 ans

A.   Ouvrir le revenu de solidaritÉ active aux jeunes de 18 À 25 ans

Le présent article modifie le 1°de l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles et ouvre ainsi le revenu de solidarité active à tous les jeunes âgés de 18 et 25 ans.

La philosophie de cet article repose sur la confiance envers les jeunes gens en leur assurant un minimum social, comme à leurs concitoyens citoyens âgés de plus de 25 ans. L’enjeu est avant tout de leur ouvrir un droit réel et de sortir ainsi d’une logique de dispositifs disparates et incohérents.

L’extension du revenu de solidarité active aux publics âgés de 18 à 25 ans présente le double mérite de reposer sur une allocation déjà existante et de recueillir un large consensus, réitéré, auprès de nombreux acteurs, que ce soit du côté des associations (collectif Alerte, Secours catholique, ATD Quart Monde) ou des chercheurs spécialistes de la jeunesse comme Nicolas Duvoux, Tom Chevalier ou encore Cécile Van de Velde.

Par ailleurs, les Français ont évolué sur la question. En 2020, ils sont nombreux à déclarer que le risque de pauvreté des jeunes âgés de 18 à 29 ans est plus important que la moyenne de la population française. Dans son baromètre de l’opinion, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) montre que 46 % des interrogés seraient favorables à l’extension du revenu de solidarité active à la population âgée de 18 à 25 ans – dont 68 % des étudiants, 63 % des personnes en emploi et 58 % de ceux qui n’ont pas d’activité professionnelle.

Cette extension apporterait une stabilité à l’ensemble des jeunes non étudiants. Plus encore, elle leur offrirait un véritable droit ouvrant lui-même la porte à d’autres droits sociaux comme l’accès au logement, à la santé, à la formation, etc. Elle rétablirait ainsi une forme d’égalité autour d’un dispositif de droit commun.

B.   supprimer le revenu de solidaritÉ active « jeunes actifs », rendu caduc par l’ouverture du revenu de solidaritÉ active À tous les 18-25 ans

Le présent article abroge l’article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles.

L’extension du revenu de solidarité active aux jeunes, réponse simple et immédiate, a pour conséquence directe de rendre obsolète le revenu de solidarité active « jeunes actifs ». Cet article en tire les conséquences pratiques en supprimant sa base légale.

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Article 2
Réforme du système de bourses

L’article 2 réforme le système de bourses en augmentant leur niveau et en élargissant le périmètre des bénéficiaires. Pour ce faire, il prévoit, d’une part, l’indexation du montant des bourses sur l’inflation et, d’autre part, leur augmentation jusqu’à 60 % du revenu médian. En outre, sont prévus l’annualisation des bourses ainsi que la possibilité d’une majoration pour les étudiants de Nouvelle-Calédonie et de départements, régions et collectivités d’outre-mer. Enfin cet article ouvre le bénéfice des bourses aux étudiants étrangers et crée quatre échelons supplémentaires.

I.   la bourse sur critères sociaux, une aide centrale pour les étudiants mais trop faible et inégalement répartie

A.   une bourse sur critÈres sociaux pour lever les freins matÉriels à la poursuite des Études

1.   La bourse sur critères sociaux, un dispositif central dans le panorama des aides aux étudiants

L’attribution d’aides directes de l’État aux étudiants et la figure du boursier trouvent leurs origines aux débuts de la Troisième République dans une politique générale de rénovation de la vie universitaire ([44]). Les bourses de licence et d’agrégation, créées respectivement en 1877 ([45]) et 1880 ([46]), sont plus tard complétées par des bourses d’études accordées aux candidats se destinant au doctorat ([47]).

Les bourses sur critères sociaux (BCS) définies à l’article L. 821- 1 du code de l’éducation, sont des prestations accordées aux étudiants par la collectivité nationale via le réseau des œuvres universitaires ([48]). Elles sont attribuées à titre principal par le ministère chargé de l’enseignement supérieur et confiées à la gestion du centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et 26 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Les ministères de l’agriculture et de la culture délivrent également des bourses sur critères sociaux selon des modalités semblables.

Cette aide directe de l’État est allouée en priorité à l’étudiant sous conditions de ressources, avec pour objectif de réduire les inégalités sociales.

L’article L 821- 1 du code de l’éducation dispose en outre que les bourses attribuées sur critères sociaux constituent le socle de l’aide directe aux étudiants et peuvent être complétées par des aides spécifiques qui relèvent des collectivités territoriales, ou toute personne morale de droit public ou privé, notamment dans le domaine de la formation professionnelle. Le bénéfice d’une bourse nationale sur critères sociaux peut donc conditionner l’obtention d’aides complémentaires.

La bourse sur critères sociaux conditionne l’accès à d’autres bourses publiques et aides attribuées par l’État et les collectivités territoriales

L’attribution d’une bourse sur critères sociaux conditionne l’accès à d’autres aides versées par le ministère de l’enseignement supérieur, l’échelon de bourse n’ayant pas d’incidence sur l’éligibilité. C’est le cas de :

– l’aide au mérite pour les étudiants boursiers ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat ;

– l’aide à la mobilité Parcoursup, qui peut être accordée aux bacheliers bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée souhaitant suivre une formation dans un établissement hors de leur académie de résidence, ou à l’intérieur de celle-ci, si l’aide permet, compte tenu de la situation du candidat, de faciliter la mobilité ;

– l’aide à la mobilité en master, qui s’adresse aux étudiants boursiers s’inscrivant en première année de master dans une région académique différente de celle dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme de licence l’année précédente ;

– l’aide à la mobilité internationale, pour les boursiers souhaitant suivre une formation supérieure à l’étranger dans le cadre d’un programme d’échanges ou effectuer un stage international dans le cadre de leur cursus.

Conformément à l’article L. 821-1 du code de l’éducation, les collectivités territoriales ont mis en place un certain nombre de dispositifs, qui ont fait l’objet d’une classification par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche ([49]). Il s’agit :

– des aides à la mobilité internationale ;

– des aides visant à accompagner les parcours d’étude, la mobilité sociale et académique ;

– des aides visant à soutenir les formes d’excellence (bourses au mérite) ;

– des aides financières liées à certaines prestations jugées essentielles (transports en commun, permis de conduire, mutuelle, brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, etc.) ;

– des aides de soutien à des politiques territoriales (installation de jeunes médecins) ;

– des aides à des projets de recherche (liés à des thématiques régionales ou non).

En particulier, les conseils régionaux proposent des bourses et aides financières dans des domaines variés :

– des bourses pour les formations sanitaires et sociales pour les étudiants inscrits dans une formation agréée par la collectivité concernée ;

– des aides en matière de mobilité des étudiants à l’étranger, venant s’inscrire dans des stratégies particulières de rayonnement international de la collectivité ;

– des aides aux apprentis (stages, équipements, mobilité, etc.).

En outre, le statut de boursier ouvre à l’étudiant des droits connexes :

– l’exonération des droits d’inscription et du paiement de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ;

– l’exonération des droits d’inscription aux concours des grandes écoles ;

– l’application d’un seuil de ressources plus faible pour bénéficier de l’aide personnalisée au logement (APL) ;

– un tarif préférentiel d’un euro pour les repas distribués dans les restaurants universitaires gérés par les Crous.

2.   Les critères d’attribution

La bourse sur critères sociaux est attribuée à l’étudiant confronté à des difficultés matérielles ne lui permettant pas d’entreprendre ou de poursuivre des études supérieures. Pour en bénéficier, il doit être inscrit dans une formation relevant de la compétence du ministre chargé de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l’enseignement supérieur ou habilitée à recevoir des boursiers (appelée « formation éligible »).

L’étudiant doit en outre satisfaire à un ensemble de critères :

– être âgé de moins de 28 ans au 1er septembre de l’année d’inscription dans une formation d’enseignement supérieur, dans le cas d’une première demande de bourse d’enseignement supérieur sur critères sociaux ([50]) ;

– être titulaire du baccalauréat français ou d’un titre ou diplôme admis en dispense ou en équivalence pour l’inscription en première année d’études supérieures ([51]) ;

Par ailleurs, l’étudiant doit être de nationalité française ou remplir des conditions supplémentaires. Un étudiant ressortissant d’un État membre de l’Union européenne doit justifier qu’un de ses parents a perçu des revenus en France ou avoir lui-même occupé un emploi en France ([52]). Un étudiant de nationalité étrangère doit détenir un titre de séjour, être domicilié en France depuis au moins deux ans et attester d’un foyer fiscal de rattachement en France depuis au moins deux ans.

Enfin, les revenus perçus ne doivent pas dépasser un certain plafond de ressources fixé par l’arrêté du 18 juillet 2022.

Calcul du montant de la bourse

Le niveau de la bourse est défini par un échelon. Pour déterminer l’échelon auquel un candidat est éligible, le revenu brut global des parents est comparé à un ensemble de plafonds qui varient en fonction d’un système de points de charge.

Déterminer le point de charge

Les charges de famille donnant lieu à l’attribution de « points de charge » sont définies en fonction du nombre d’enfants à charge et de la distance entre domicile familial et lieu d’étude. Ce point de charge s’ajoute aux échelons pour fixer le montant de la bourse.

Déterminer l’échelon

La bourse sur critères sociaux comporte aujourd’hui huit échelons, allant de l’échelon 0 bis à l’échelon 7, correspondant à un montant annuel de bourse.

En 2002, seuls 5 échelons de bourses existaient et étaient alloués en neuf mensualités. Dès 2007 et la création de l’échelon 6, puis en 2013 avec l’apparition des échelons 0 bis et 7, ce droit s’étend aux étudiants d’origine modeste et en grandes difficultés.

À partir de l’année 2012, la bourse est versée sur dix mois, ce qui équivaut à un mois supplémentaire de bourse. La possibilité de passer à douze mois concerne uniquement les étudiants qui n’ont pas terminé leurs études au 1er juillet de l’année suivante. Dans ce cas, ils peuvent demander que leur bourse soit versée également durant les mois d’été.

Depuis la loi ORE ([53]), les Crous procèdent au paiement anticipé des bourses au 31 août pour permettre aux étudiants d’en disposer dès les premiers jours de l’année universitaire. Pour les académies de Mayotte et de la Réunion, le paiement anticipé de la mensualité de septembre s’effectue au cours du mois d’août du fait de la date anticipée de la rentrée.

Le montant des bourses sur critères sociaux pour l’année universitaire 2022‑2023 s’établit suivant le tableau ci-après ([54]) :

Bourses sur critères sociaux au cours de l’ANNÉE UNIVERSITAIRE 2022-2023

Type de bourses

Taux annuel sur 10 mois
(en euros)

Taux pour les étudiants bénéficiant du maintien de la bourse pendant les grandes vacances universitaires (en euros)

Échelon 0 bis

1 084 €

1 301 €

Échelon 1

1 793 €

2 152 €

Échelon 2

2 701 €

3 241 €

Échelon 3

3 458 €

4 150 €

Échelon 4

4 217 €

5 060 €

Échelon 5

4 842 €

5 810 €

Échelon 6

5 136 €

6 163 €

Échelon 7

5 965 €

7 158 €

B.   des bÉnÉficiaires plus nombreux mais un creusement des inÉgalitÉs entre les territoires

1.   Une augmentation régulière du nombre de boursiers

Le nombre de bénéficiaires de bourses connaît une augmentation continue, de l’ordre de 20 % depuis 2010). La part des étudiants boursiers du supérieur a augmenté de dix points entre 2002 et 2021 pour atteindre 37 % en 2021.

Au cours des quatre dernières décennies, marquées par la forte croissance du nombre d’étudiants, l’essentiel des efforts du ministère en charge de l’enseignement supérieur s’est porté sur l’élargissement du périmètre des bénéficiaires avec, d’une part, la création de l’échelon 7 à destination des plus précaires et, d’autre part, la création de l’échelon 0 bis pour les inscrits issus des classes moyennes, ouvrant ainsi droit au versement d’une allocation financière ([55]).

Sources : Cnous et direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

L’année universitaire 2020-2021 a été marquée par la crise sanitaire et par une très forte hausse du nombre et de la part de boursiers. Au cours de cette période, 750 000 étudiants ont perçu une aide financière, soit une augmentation de 4 % en un an. Pour les étudiants ayant les plus faibles ressources, la hausse a atteint 7 %.

En revanche, l’année 2021-2022 a vu une baisse à la fois du nombre d’étudiants ayant perçu la bourse sur critères sociaux du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui a diminué à 720 000 étudiants (soit ‑3,9 % en un an) et de la part de boursiers au sein des formations ouvrant droit aux bourses pour atteindre 37,7 % (soit ‑0,7 point). Ces deux reculs s’expliquent en partie par l’augmentation de l’apprentissage, non éligible à la bourse sur critères sociaux, notamment dans les formations courtes.

En 2021-2022, près d’un tiers des étudiants boursiers perçoivent une bourse à l’échelon 0 bis. L’échelon 7, correspondant aux étudiants les plus précaires, concerne 8,1 % des boursiers.

Sources : Cnous et direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

2.   Une concentration des boursiers parmi les étudiantes et au sein des filières techniques

Les étudiantes sont plus souvent boursières (40 %) que les étudiants (30 %). L’écart est plus important au sein des échelons les plus élevés : les étudiantes représentent 61 % des boursiers à l’échelon 7 contre 57 % des bénéficiaires à l’échelon 0 bis.

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Par ailleurs, plus d’un étudiant en section de technicien supérieur sur deux est boursier, et quatre d’entre eux sur dix appartiennent aux échelons les plus élevés, soit deux fois plus que dans les filières d’ingénieurs.

À l’inverse, un étudiant en école de commerce sur neuf est titulaire d’une bourse sur critères sociaux.

Source : direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.

Il convient de souligner l’inégale répartition des étudiants boursiers sur le territoire. Selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, la proportion de boursiers est importante dans les académies de Limoges, de Montpellier, d’Amiens et de Corse (entre 40 % et 50 %) quand elle est inférieure à 25 % dans les académies de Paris et de Versailles. Quant aux académies d’outre-mer, toutes comportent une proportion de boursiers supérieure à 50 % des étudiants.

Académie

Proportion de bourses sur critères sociaux

La Réunion

65,3

Mayotte

58,9

Guadeloupe

58,6

Martinique

52,5

Guyane

52,2

Corse

49,8

Amiens

46,9

Limoges

45,6

Versailles

26,9

Paris

25,2

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Enfin, si le coût de la vie peut varier sensiblement d’un territoire à l’autre (alimentation, logement, santé), à niveau de bourse égale, son impact sera d’autant plus sensible sur le niveau de vie des étudiants dans les zones où les prix sont plus élevés, comme en Île-de-France et outre-mer.

3.   Des effets de seuil qui écartent une part des étudiants

La ventilation des montants par échelon de l’actuel système de bourse sur critères sociaux génère des effets de seuil importants qui ont pour principale conséquence d’exclure une part des étudiants issus de classes moyennes.

Lors de son audition, le cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a constaté que de légères variations du revenu des parents pouvaient entraîner des évolutions importantes du niveau de bourse liées au passage d’un échelon à l’autre. Par exemple, une augmentation de revenu de 22 500 euros à 22 501 euros a pour conséquence une réduction de la bourse de 709 euros par an, soit 40 % de son montant.

Les organisations de solidarité auditionnées par votre rapporteure notent que de nombreux étudiants, dont une part croissante de non-boursiers, doivent recourir à l’aide alimentaire. L’association Linkee a indiqué que 80 % des bénéficiaires des distributions alimentaires qu’elle propose ne percevaient pas de bourse. Ce chiffre est révélateur des failles du système actuel, écartant des jeunes touchés par la précarité.

Par ailleurs, il est difficile de dépasser les premiers échelons, qui n’accordent qu’une centaine d’euros par mois aux étudiants. Or, aujourd’hui, près de la moitié des étudiants boursiers relèvent de l’échelon 0 bis et 1 ; seulement 8,1 % des boursiers appartiennent à l’échelon 7.

C.   Le niveau des bourses reste insuffisant et dÉconnecté des nécessités liées au coût de la vie étudiante

1.   Le montant des bourses est largement insuffisant en dépit d’une augmentation au cours des vingt dernières années

Les niveaux de bourses ainsi que les plafonds de ressources qui servent à leur calcul sont revalorisés chaque année selon des modalités définies par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Aucune indexation ne s’y applique.

Pour l’année universitaire 2022-2023, les montants s’échelonnent de 1 084 euros à 5 965 euros par an, soit de 108,40 euros à 596,50 euros par mois. Les bénéficiaires les plus précaires, à l’échelon 7, perçoivent donc un montant mensuel au mieux équivalent au revenu de solidarité active – 598,54 euros en 2022 ([56]) et 608,12 euros au 1er avril 2023 – et quasiment deux fois inférieur au seuil de pauvreté de 1 102 euros par mois. En outre, la bourse est délivrée pour une période de dix mois à la différence du revenu de solidarité active versé tout au long de l’année.

Par ailleurs la grande majorité des boursiers bénéficie de montants très faibles. La moitié des étudiants – représentés par les échelons 0 bis et 1 – touche moins de 180 euros par mois de bourse.

Enfin, il convient de noter la faible évolution des niveaux des bourses depuis vingt ans. Le tableau ci-dessous fait ainsi apparaître que le taux de bourse de l’échelon 5 a augmenté en moyenne d’1 % par an seulement au cours des dix dernières années.

Évolution des montants des bourses versées depuis 2002

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

2.   Le pouvoir d’achat des boursiers est caractérisé par la variabilité et l’incertitude

La revalorisation des bourses ne suit pas de tendance stable par rapport à l’inflation, au contraire du Smic par exemple, puisqu’elle n’est pas indexée. Les boursiers voient leur pouvoir d’achat fluctuer au détriment, souvent, de leur pouvoir d’achat.

Entre 2002 et 2006, l’inflation est plus forte que l’évolution du niveau de la bourse sur critères sociaux. À l’inverse, l’évolution du niveau des bourses est positive en 2007, puis très positive entre 2010 et 2012 pour atteindre 5,5 %, tandis que l’inflation reste alors cantonnée à 2 %.

Source : commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale.

De 2012 à 2016, les variations des montants des bourses et de l’inflation sont similaires. Ce n’est plus le cas à partir de 2016, et surtout depuis 2021 quand l’inflation reprend fortement, bien plus vigoureusement que l’évolution des bourses. Cette tendance devrait s’accentuer en 2023 puisque, selon l’Insee, l’inflation en février atteint les 6,3 % ([57]),contribuant à l’érosion progressive du pouvoir d’achat des étudiants boursiers alors même que la contemporanéisation des APL a déjà provoqué une baisse mensuelle moyenne de six euros pour les étudiants, selon les organismes de solidarité auditionnés par votre rapporteure ([58]).

II.   le Droit proposÉ : rÉformer le systÈme des bourses en agissant sur leur montant et leur pÉrimÈtre

A.   un soutien fort aux Étudiants ne peut plus attendre

1.   Augmenter le niveau des bourses jusqu’à 60 % du revenu médian et indexer leur montant sur l’indice des prix à la consommation

Pour endiguer la précarité des jeunes étudiants, leur permettre de s’autonomiser et de voir l’avenir avec plus de sérénité, le présent article augmente le niveau des bourses et l’indexe sur l’inflation.

Sur fond d’images de files interminables devant les distributions alimentaires en 2020, la précarisation des étudiants a eu un certain retentissement dans la population. Le Gouvernement a pris, en conséquence, une série de mesures, essentiellement ponctuelles. Le 4 décembre 2020 une réforme des bourses a été annoncée. Elle est toujours attendue. À ce jour, aucune modalité de mise en œuvre n’a été arbitrée, ni son calendrier précisé, compromettant sérieusement la mise en œuvre technique d’une éventuelle réforme pour la rentrée 2023.

Face à la situation sociale inquiétante et persistante dans laquelle sont plongés les étudiants et à la faiblesse de l’action du Gouvernement, le présent article permet d’agir fortement sur le niveau de la bourse sur critères sociaux.

D’une part, il porte le montant mensuel des bourses de 85 euros à 60 % du revenu médian, équivalant au seuil de pauvreté, soit 1 102 euros mensuels pour une personne seule bénéficiant du dernier échelon. L’ambition de cette revalorisation vise avant tout à garantir aux étudiants un niveau de vie suffisant pour leur permettre de ne plus avoir à travailler afin de financer leurs études et subvenir à leurs besoins. Avec cette revalorisation, ils n’auront plus à arbitrer entre le suivi des études et les exigences d’un emploi salarié, premier facteur d’échec universitaire.

D’autre part, le présent article indexe le montant des bourses sur l’indice des prix à la consommation ([59]). Ce mécanisme garantira la stabilité des ressources des étudiants et limitera l’exclusion de boursiers dans les périodes de forte inflation, comme celle que nous vivons actuellement. En effet la décorrélation entre l’inflation et les seuils de revenus du foyer familial pris en compte pour établir le niveau de bourse a conduit de nombreux étudiants à perdre leurs droits cette année. Selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR), 40 000 étudiants ont perdu le bénéfice de la bourse cette année et, parmi eux, plus de la moitié aurait directement pâti de l’absence de revalorisation du barème de bourse ([60]).

2.   Généraliser l’annualisation des bourses

Le présent article prolonge le versement de la bourse sur douze mois au lieu des dix mois actuels. Concrètement, l’étudiant bénéficiera d’un montant de bourse augmenté de deux mois de bourse supplémentaires. Si le code de l’éducation prévoit déjà cette possibilité dans des cas très particuliers, la généralisation de l’annualisation pour l’ensemble des boursiers s’impose désormais. Il va de soi que les coûts supportés, notamment du logement mais aussi des transports ou de la nourriture, ne s’arrêtent pas pendant l’été.

3.   Ouvrir une majoration aux étudiants ultramarins

Le présent article introduit la possibilité, pour les étudiants résidant dans les départements, régions et collectivités d’outremer ainsi qu’en Nouvelle Calédonie, d’obtenir une majoration de leur bourse.

La territorialisation de bourse, intégrant le coût de la vie particulièrement élevé dans ces territoires, est un enjeu essentiel de lutte contre les inégalités entre les étudiants.

B.   élargir le nombre d’étudiants éligibles aux bourses

1.   Ouvrir la bourse aux étrangers

Le présent article modifie l’article L. 821-1 du code de l’éducation en élargissant le bénéfice des bourses sur critères sociaux aux étudiants étrangers.

Le caractère restrictif des conditions d’attribution des bourses pour les étudiants étrangers contribue à les exclure de cette aide. Pourtant, ils ne sont pas épargnés par la précarité et, bien souvent, ils cumulent les difficultés (éloignement familial, isolement, non-éligibilité à certaines aides ou méconnaissance de celles auxquelles ils auraient droit).

Cet article permet ainsi aux étudiants étrangers de bénéficier de bourses selon les mêmes modalités que les Français.

2.   Créer quatre échelons de bourse supplémentaires

Le présent article prévoit enfin la création de douze échelons, au lieu des huit actuels, afin d’atténuer les effets de seuil particulièrement défavorables aux étudiants dont les parents connaissent des variations de revenu préjudiciables au maintien de leurs droits sociaux.

 

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Article 3
Suppression d’exemptions d’assiette sur les droits de mutation à titre gratuit

L’article 3 lutte contre le mitage des droits de mutation à titre gratuit en supprimant des exemptions d’assiette afin de garantir que la présente proposition de loi ne représente pas une charge pour la puissance publique.

À cette fin, il supprime les exemptions de droits sur les contrats d’assurance-vie souscrits avant l’âge de 70 ans, sur les biens qui appartiennent en nue-propriété aux héritiers ainsi que l’absence de prise en compte des donations effectuées plus de quinze ans avant la succession ou la donation.

I.   à fiscalité constante, nous devenons une sociétÉ d’hÉritiers

A.   des inÉgalitÉs de patrimoine massives et croissantes

1.   Des inégalités de patrimoine qui recoupent les différences de générations

Il est d’usage de considérer que la France se distingue, parmi les économies comparables, comme un État dans lesquels les inégalités demeureraient contenues, notamment grâce aux politiques de redistribution et aux prélèvements obligatoires. Selon l’Insee ([61]), l’indice de Gini ([62]) était de 0,289 en 2019, soit un niveau identique à 2017, après avoir connu une augmentation sensible en 2018.

Les inégalités de revenu, relativement contenues, masquent un phénomène bien plus marquant : la croissance exponentielle des inégalités de patrimoine. Toujours selon les données les plus récentes de l’ Insee ([63]), les 50 % des Français les mieux dotés en patrimoine possèdent 92 % de la masse de patrimoine brut de l’ensemble des ménages. Mais les 5 % les mieux dotés en détiennent, à eux seuls, 34 %. Ce taux s’élève à 15 % pour les 1 % les mieux dotés.

S’agissant de la composante financière du patrimoine, elle est particulièrement concentrée : les 5 % des ménages les mieux dotés en patrimoine financier en possèdent 49 %, et les 1 % les mieux dotés, 25 %.

Si l’on se concentre sur les valeurs patrimoniales absolues, la moitié des ménages possédait en 2021 un patrimoine brut supérieur à 177 200 euros et un patrimoine net supérieur à 124 800 euros ([64]). Les 10 % de ménages les mieux dotés en patrimoine brut disposent d’au moins 716 300 euros d’actifs alors que les 10 % les moins dotés possèdent au maximum 4 400 euros, soit un rapport de 1 à 163 entre le premier et le dernier décile. Les 1 % de ménages les mieux dotés détiennent, enfin, au moins 2 239 200 euros de patrimoine brut.

Ces inégalités criantes entre les ménages les plus riches et les plus pauvres recoupent, selon la théorie classique d’accumulation progressive du patrimoine au cours de la vie, les inégalités entre classes d’âge. Le patrimoine net par unité de consommation moyen des 65-69 ans s’élevait à 265 000 euros en 2010 ; il était de 75 000 euros pour les 30-39 ans ([65]). Cette évolution est particulièrement sensible en ce qui concerne le patrimoine net, les personnes âgées de plus de 60 ans ayant souvent, s’agissant du patrimoine immobilier, achevé de rembourser leurs prêts.

2.   Une augmentation récente et massive de la valeur du patrimoine mobilier et immobilier

Entre 1980 et 2015, la valeur réelle du revenu disponible des ménages français a augmenté de 77 %, passant de 719 à 1 275 milliards d’euros ([66]). Au cours de la même période, leur patrimoine était multiplié par trois, bondissant de 3 500 à 10 600 milliards d’euros. Le patrimoine net représente désormais 8 années de revenu disponible des ménages, contre 4,5 années au début des années 1980.

Ce constat est partagé par de nombreux économistes qui attestent de la décorrélation entre l’évolution des agrégats économiques qui commandent l’activité, tels que la richesse nationale, et celle du patrimoine. Alors que la valeur du patrimoine des Français représentait 300 % du produit intérieur brut en 1970, cette proportion a doublé en 2020 pour atteindre 600 % du produit intérieur brut ([67]).

S’il est naturel d’imputer l’augmentation de la valeur du patrimoine à sa seule part immobilière, qui a suivi une tendance haussière sensible depuis les années 1990, le patrimoine financier a largement contribué à cet enrichissement global. Si en 1980, 30 % du patrimoine des ménages était constitué d’actifs financiers, cette part s’élève à 42 % aujourd’hui. Le patrimoine financier a augmenté nettement sur le long terme, en dépit des multiples crises financières. Depuis 1980, il a plus que doublé en années de revenu disponible (passant de 1,4 à 3,5 années), quand le patrimoine immobilier – net des dettes de long terme, correspondant pour l’essentiel aux emprunts immobiliers – augmentait de 50 % (de 3,3 à 4,8 années) ([68]).

B.   les droits sur les successions, un principe fiscal qui fait consensus parmi les Économistes

1.   Un consensus sur l’efficacité

Force est de constater qu’il existe aujourd’hui un décalage entre la réalité des droits sur les successions et sa réalité. Si l’existence de ces impôts est perçue négativement par nombre de Français, cela tient notamment à une mauvaise compréhension de son fonctionnement effectif. Une majorité de la population des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), pense, de manière erronée, que les droits de succession fonctionnent au moyen d’un taux unique et ne sont pas progressifs, que le seuil d’exemption est significativement plus bas que son niveau réel, et que les taux effectifs payés sur les successions sont fortement supérieurs à la réalité. Ces biais de perception vont systématiquement dans le même sens, tendant à surestimer largement le poids des droits de succession sur les classes moyennes ([69]).

À titre d’exemple, en France, les personnes interrogées pensent en moyenne que les transmissions entre personnes mariées ou liées par un pacte civil de solidarité sont imposées à 22 %, alors qu’elles sont exonérées.

À l’inverse, nombre d’économistes estiment que les droits de succession constituent non seulement un impératif d’équité mais aussi d’efficacité économique. Outre les travaux de Clément Dherbécourt et de Camille Landais, que votre rapporteure a tenu à rencontrer, le rapport de la commission internationale commandée par le Président de la République pour réfléchir aux enjeux économiques à la sortie de la crise sanitaire, estime évident le principe même des droits sur les successions : « En principe, l’impôt sur les transmissions de patrimoine entre générations est un type d’impôt important pour améliorer la mobilité intergénérationnelle et contribuer à égaliser les chances entre personnes de différentes origines sociales ([70]). »

2.   Un consensus sur l’équité

L’âge des héritiers a considérablement augmenté à mesure que l’espérance de vie s’est allongée. L’âge moyen des héritiers est aujourd’hui d’environ 50 ans contre 30 ans au début du XXe siècle ([71]). L’héritage intervient donc à un moment où les héritiers ont souvent construit leur propre patrimoine.

Par ailleurs, le basculement progressif de la société française vers une société d’héritiers est de nature à diminuer la reconnaissance de la valeur du travail. Au moment où celle-ci fait l’objet de nombreuses louanges, il est pour le moins paradoxal que notre système fiscal encourage la rente pour les plus riches, au point où il devient plus rémunérateur d’hériter que de travailler. C’est le constat du Conseil d’Analyse économique, qui s’étend jusqu’aux catégories les plus riches : « Le top 1 % des héritiers d’une cohorte peut désormais obtenir, par une simple vie de rentier, un niveau de vie supérieur à celui obtenu par le top 1 % des "travailleurs" » ([72]). Concrètement, les auteurs de cette note estiment que :

– moins de 10 % d’individus hériteront de plus de 500 000 euros de patrimoine au cours de leur vie ;

– le « top 1 % » des héritiers d’une génération recevra en moyenne plus de 4,2 millions d’euros nets de droits et le « top 0,1 % » environ 13 millions d’euros.

Le fait qu’une commission présidée par un titulaire du Prix Nobel d’économie comme l’organe de réflexion du Gouvernement, rattaché à la Première ministre, conseillent de réformer les droits de succession dans le sens d’une plus grande progressivité et d’un meilleur rendement ne peut que confirmer votre rapporteure dans l’idée qu’il s’agit d’une recette particulièrement désignée pour financer les progrès sociaux inscrits aux articles 1er et 2 de cette proposition de loi.

C.   la rÉforme des droits de succession ne peut plus attendre

1.   Lutter contre des évolutions sociales et économiques délétères

Les évolutions sociales et démographiques conduisent aujourd’hui à une accumulation du patrimoine entre les mains des personnes âgées de plus de 60 ans. Cela signifie que les prochaines décennies verront croître les successions, tant dans leur volume que dans leur valeur.

En premier lieu, les transmissions sont passées de 60 à 250 milliards d’euros depuis 1980. Ces flux représentent aujourd’hui 19 % du revenu disponible net des ménages contre 8,5 % en 1980 ([73]). Mais ce mouvement devrait s’amplifier, ainsi que le présente l’OCDE qui, dans une étude récente, constate que « les tendances en matière de transmission de patrimoine pourraient renforcer la concentration des richesses. La part du patrimoine transmis par héritage dans le patrimoine privé total a augmenté dans certains pays au cours des dernières décennies. Les transmissions de patrimoine sont susceptibles d’augmenter en nombre (avec le vieillissement de la génération du baby-boom) et en valeur (si l’évolution des prix des actifs continue sur une trajectoire ascendante). En outre, le patrimoine devrait rester concentré entre les mains des plus âgés, et l’âge auquel les individus héritent devrait continuer de s’élever à mesure que l’espérance de vie s’allonge » ([74]).

Dès lors, compte tenu de la concentration des richesses entre les mains des plus riches dans l’ensemble des pays de l’OCDE ([75]), la même étude estime que « la dynamique d’accumulation des richesses et les transmissions de patrimoine vont probablement aggraver les inégalités de patrimoine à l’avenir. Les successions sont susceptibles d’augmenter en valeur (si l’évolution des prix des actifs continue sur une trajectoire ascendante) et en nombre (avec le vieillissement de la génération du baby-boom). De plus, avec l’allongement de l’espérance de vie, on s’attend à une augmentation de l’âge auquel les individus héritent et à une concentration accrue des richesses, déjà élevée, entre les mains des plus âgés. Il existe également un risque que les politiques monétaires expansionnistes récentes contribuent à la formation de bulles des actifs, susceptibles d’accentuer davantage encore les inégalités de patrimoine et de creuser l’écart entre les générations plus âgées, qui possèdent les actifs, et les générations plus jeunes, qui peuvent rencontrer des obstacles à l’acquisition d’actifs, comme des prix des logements de plus en plus élevés. »

La réforme des droits de succession est donc une urgence à l’échelle de l’ensemble de l’OCDE, mais également en France, pour contrer des dynamiques inégalitaires qui minent la cohésion sociale et intergénérationnelle. Une juste taxation des successions permettrait en outre d’amener les plus-values latentes pour certains actifs, décrits ci-après, qui échappent largement à l’impôt.

Pour autant, les recettes publiques des donations et successions demeurent relativement modestes. La loi de finances pour 2023 évalue ainsi les droits de mutation à titre gratuit ([76]) :

– entre vifs, à savoir sur les donations, à 3,5 milliards d’euros ;

– par décès, à savoir sur les successions, à 14,4 milliards d’euros.

L’ensemble aboutit à un rendement de 17,9 milliards d’euros. Si la tendance pluriannuelle est orientée à la hausse, celle-ci demeure modeste, et ce rendement ne représente qu’environ 0,6 point de produit intérieur brut et 5 % de la valeur économique des actifs transmis annuellement.

2.   Mettre fin au mitage des droits de succession

L’assiette des droits de mutation à titre gratuit fait l’objet de nombreuses exemptions qui ont tendance à en diminuer le rendement et à introduire des distorsions fiscales entre actifs, le plus souvent sans justification. Ces exemptions sont souvent héritées du législateur de la première moitié du XXe siècle et leur légitimité est fortement contestée aujourd’hui, qu’il s’agisse de leurs effets négatifs sur le plan économique ou pour les finances publiques.

S’agissant du premier point, la commission internationale susmentionnée fait le constat suivant : « les exonérations accordées pour des actifs spécifiques dans le système à courte vue actuel et plafonnées à un montant donné de transmission (plutôt qu’en tenant compte du patrimoine reçu au cours de la vie) profitent aux ménages les plus riches pour chaque euro de donation ou d’héritage » ([77]). Les effets des exonérations ont donc un effet régressif contraire à la logique habituelle de progressivité de l’impôt.

Ce constat est également partagé par le Conseil d’analyse économique, qui démontre que le taux effectif d’imposition des plus aisés est sans commune mesure avec le barème des droits de mutation à titre gratuit et donc le taux marginal d’imposition.

Pour rappel, les barèmes des tarifs varient en fonction du degré de parenté, selon la distribution suivante :

Tarif des droits applicables en ligne directe

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

TARIF

applicable (%)

N’excédant pas 8 072 €

5

Comprise entre 8 072 € et 12 109 €

10

Comprise entre 12 109 € et 15 932 €

15

Comprise entre 15 932 € et 552 324 €

20

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40

Au-delà de 1 805 677 €

45

Source : article 777 du code général des impôts.

Tarif des droits applicables entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

TARIF

applicable (%)

N’excédant pas 8 072 €

5

Comprise entre 8 072 € et 15 932 €

10

Comprise entre 15 932 € et 31 865 €

15

Comprise entre 31 865 € et 552 324 €

20

Comprise entre 552 324 € et 902 838 €

30

Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €

40

Au-delà de 1 805 677 €

45

Source : article 777 du code général des impôts.

Tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE

TARIF

applicable (%)

Entre frères et sœurs vivants ou représentés :

 

N’excédant pas 24 430 €

35

Supérieure à 24 430 €

45

Entre parents jusqu’au 4e degré inclusivement

55

Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes

60

Source : article 777 du code général des impôts.

Or, d’après les simulations réalisées par le Conseil d’analyse économique à partir des dernières données sur les transmissions de la direction générale des finances publiques, complétées au moyen des comptes de patrimoines distribués, ces exonérations bénéficient surtout aux plus grandes transmissions : les taux effectifs sur l’intégralité du patrimoine hérité sont en effet plus faibles que ceux affichés par les barèmes susmentionnés.

Ainsi, dans le haut de la distribution, le « top 0,1 % » de chaque cohorte, qui aura reçu au cours de la vie environ 13 millions d’euros de transmissions brutes, paie à peine 10 % de droits de succession sur l’ensemble de ce patrimoine hérité, bien loin du taux marginal de 45 % affiché par le barème au-delà de 1,8 million d’euros transmis en ligne directe ([78]).

En ce qui concerne les transmissions en ligne directe (entre parents et enfants), le taux moyen d’imposition effective a varié, au cours de la dernière décennie, entre 2 % et 3 %.

Outre le fait d’enfreindre le principe de progressivité de l’impôt, les exemptions d’assiette susmentionnées ont tendance à diminuer largement le rendement qui pourrait être attendu des droits de mutation à titre gratuit. Au regard de l’ensemble du flux de transmission patrimoniale, qui s’élève à près de 15 % du produit intérieur brut, le total du patrimoine transmis déclaré à l’administration fiscale est 35 à 40 % plus faible que le flux économique effectivement transmis ([79]).

Le « rendement » total des dispositions inscrites dans le présent article vise à financer intégralement la présente proposition de loi, à hauteur de 16 milliards d’euros. Votre rapporteure souhaite toutefois rappeler, à titre de comparaison, que la réforme des droits de succession proposée ici « rapporte » aux finances publiques un montant supérieur à celui du déficit du système des retraites tel que calculé par le Gouvernement à l’horizon 2030, qui s’élèverait, sous réserve d’un certain nombre d’hypothèses, à 13,5 milliards d’euros ([80]).

II.   Le dispositif proposÉ : la suppression d’exemptions fiscales devenues injustes ou inefficaces

L’article 750 ter du code général des impôts détermine le statut territorial des biens soumis à droit de mutation à titre gratuit pour les biens meubles et immeubles. Les droits de succession frappent, en principe, toutes les transmissions successorales. Mais certains actifs peuvent être exemptés, soit en raison de leur nature, soit en raison d’actes intervenus en amont du décès.

A.   L’exonÉration de taxation de l’usufruit

Au titre de l’article 751 du code général des impôts, un certain nombre de biens peuvent être réputés faire partie de la succession. Cette présomption de propriété s’étend notamment aux biens détenus pour l’usufruit par le défunt et la nue-propriété par un successeur ou une personne légalement présumée lui être interposée ([81]).

Dès lors, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à l’un de ses héritiers présomptifs ou descendants d’eux, même exclu par testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, sont inclus, d’un point de vue fiscal, dans l’assiette des droits de mutation.

Il s’agit, pour le législateur, d’empêcher tout type de fraude permettant, avant le décès, des acquisitions en démembrement de propriété afin d’échapper, au décès, au paiement des droits de succession.

Au moment de la succession, l’insincérité du démembrement conduit à réintégrer la pleine propriété des biens dans l’actif des successions, sauf si le nu-propriétaire, qui est l’héritier, peut démontrer la sincérité du démembrement.

Cette présomption ne s’applique toutefois pas lorsqu’une donation régulière a été effectuée plus de trois mois avant le décès ou en cas de démembrement de propriété effectué à titre gratuit, réalisé plus de trois mois avant le décès, constaté par acte authentique. Cette donation avec réserve d’usufruit ouvre ainsi un net avantage fiscal puisque le montant des droits de mutation est établi à partir de la valeur de la nue-propriété, qui est considérée comme plus faible que la valeur de la propriété entière, avec un barème qui dépend de l’âge de l’usufruitier.

Au décès du donateur, l’usufruit s’éteint au profit des donataires qui deviennent automatiquement pleins propriétaires, sans droit de mutation à acquitter en complément.

barÈme de dÉtermination de la valeur de la nue-propriÉtÉ et de l’usufruit

ÂGE de l’usufruitier

VALEUR de l’usufruit

VALEUR de la nue-propriété

Moins de :

 

 

21 ans révolus

90 %

10 %

31 ans révolus

80 %

20 %

41 ans révolus

70 %

30 %

51 ans révolus

60 %

40 %

61 ans révolus

50 %

50 %

71 ans révolus

40 %

60 %

81 ans révolus

30 %

70 %

91 ans révolus

20 %

80 %

Plus de 91 ans révolus

10 %

90 %

Source : article 669 du code général des impôts

La valeur déclarée des biens donnés en nue-propriété représentait environ 18 milliards d’euros en 2006 – dernière année pour laquelle les valeurs sont estimées fiables – soit 45 % de la valeur de l’ensemble des donations. Les estimations du Conseil d’analyse économique suggèrent que leur coût en termes de finances publiques est de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros ([82]).

L’usage de ce dispositif à des fins détournées d’optimisation fiscale justifie sa suppression, tout comme la nécessité de financer les dispositifs sociaux de la présente proposition de lois.

B.   L’exonÉration des contrats d’assurance-vie

Les contrats d’assurance-vie bénéficient d’un statut particulier au regard des droits de mutation par décès. Dès lors que les contrats prévoient le versement des sommes à un bénéficiaire déterminé ou à des héritiers, celles-ci ne sont pas réputées faire partie de la succession de l’assuré.

Les sommes versées par un assureur à raison du décès de l’assuré ne sont assujetties aux droits de mutation qu’à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans qui excède 30 500 € ([83]). Cette dernière disposition ne concerne toutefois que les contrats souscrits à compter du 20 novembre 1991 ([84]).

Cette exemption d’assiette massive est partiellement compensée par un prélèvement spécifique pour les sommes dues par un ou plusieurs organismes d’assurance et assimilés en raison du décès de l’assuré et qui ne sont pas déjà taxées au titre de l’article 757 B du code général des impôts ([85]). Ce prélèvement s’élève à 20 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire inférieure ou égale à 700 000 euros, et à 31,25 % pour la fraction de la part taxable de chaque bénéficiaire excédant cette limite. Pour autant, ce prélèvement n’est effectué qu’après un abattement de 152 500 euros.

Le principe qui explique cette exclusion, désormais ancienne ([86]), découle du fait que le bénéficiaire du contrat, dénoué au moment de la survenue du décès, tient son droit de sa relation avec l’assureur et non avec la personne décédée, en vertu du mécanisme de stipulation pour autrui.

Les contrats d’assurance-vie demeurent considérés, dans la jurisprudence de la Cour de cassation ([87]), comme des contrats aléatoires ([88]). Cette convention réciproque produit des effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, qui dépendent d’un événement incertain – le décès de l’assuré. Il est pourtant peu douteux que les contrats d’assurance-vie servent majoritairement de moyens de capitalisation qui ne diffèrent pas substantiellement d’autres produits d’épargne. L’OCDE estime en outre que la « justification du traitement fiscal préférentiel accordé aux contrats d’assurance-vie semble limitée car dans de nombreux pays ces supports fiscalement avantageux sont constitués des mêmes produits de placement que ceux que les individus peuvent détenir autrement. Ces types d’exonérations ou de traitements fiscaux préférentiels ont également tendance à être régressifs, bénéficiant davantage aux ménages aisés » ([89]).

Or, les enjeux budgétaires sont, là encore, majeurs. Selon France Assureurs, les encours des contrats d’assurance-vie atteignaient 1 842 milliards d’euros à la fin décembre 2022 ([90]). Au cours de cette même année 2022, les cotisations en assurance vie se sont établies à 144,4 milliards d’euros et la collecte nette a augmenté de 14,3 milliards d’euros, dont 40 % en unité de comptes. Les prestations ont représenté 130,1 milliards d’euros, en hausse de 3 %.

À partir de la base de données Ficovie ([91]) et compte tenu d’une situation qui n’était pas celle du rattrapage post-crise sanitaire actuel, le Conseil d’analyse économique estime, dans la note précitée ([92]), que les transmissions de contrats d’assurance-vie se sont élevées à 44 milliards d’euros en 2019. Par ailleurs, il juge la distribution des transmissions par assurance-vie fortement concentrée. Au cours des années 2017 et 2018, environ 45 000 bénéficiaires par an ont hérité de plus de 152 500 euros, pour un total de 17,5 milliards d’euros. Au sein de ces bénéficiaires, 1 900 personnes héritent de plus de 852 500 euros –en moyenne de 2,8 millions d’euros pour un montant total de 5,5 milliards d’euros.

Compte tenu de l’ensemble de ces données, et même en prenant en compte le prélèvement spécifique sur les primes d’assurance-vie exclues des successions, les auteurs de la note estiment le coût de l’exemption de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros.

Or, cette exemption, sans lien avec le degré de parenté entre l’assuré et les héritiers, produit donc des effets fortement régressifs pour les successions importantes et hors ligne directe. Elle induit en outre une préférence pour des actifs sans rationalité économique autre que l’optimisation fiscale.

C’est pourquoi le présent article propose de la supprimer.

C.   les donations consenties plus de quinze ans avant la succession

Les donations antérieures peuvent être intégrées dans la valeur d’une donation, ou des actifs dans une succession, pour l’application des droits de mutation à titre gratuit. Ce mécanisme de rappel fiscal, initialement fixé à dix ans, conduit à calculer les droits en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la succession celle des biens qui ont fait l’objet de donations antérieures. La durée applicable a été :

– réduite à six ans en 2006 ([93]) ;

– portée à nouveau à dix ans en 2011 ([94]) ;

– portée à quinze ans, soit le régime actuel, en 2012 ([95]).

Sont désormais soumises à rappel fiscal les donations consenties depuis moins de quinze ans et les donations antérieures de plus de quinze ans qui n’ont pas été soumises à la formalité de l’enregistrement. Peuvent donc être transmis 300 000 euros par enfant sur trente ans, sans qu’aucun droit ne soit prélevé sur cette somme.

Ce dispositif s’ajoute aux dispositions précédentes pour constituer un moyen supplémentaire d’éviter le paiement des droits de mutation à l’occasion d’une donation ou d’une succession. Les recettes issues de cette suppression auraient également vocation à financer l’amélioration des conditions de vie de la jeunesse précaire, étudiante ou non.

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*     *

Article 4
Lutte contre la fraude en matière de droits de mutation à titre gratuit

L’article 4 augmente significativement le montant des sanctions en cas d’inextactitude ou d’omission manifestement intentionnelle dans l’établissement de l’impôt, telles que prévues à l’article 1729 du code général des impôts. Il prévoit également la remise d’un rapport du Gouvernement dans les trois mois suivant la publication de la présente proposition de loi afin de faire état des moyens juridiques et humains engagés dans la lutte contre la fraude sur les droits de mutation à titre gratuit.

I.   En l’absence d’information solide, un risque massif d’optimisation

Le mitage de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit, contre lequel s’inscrit la présente proposition de loi ([96]), outre qu’il crée des effets régressifs et diminue le rendement de l’impôt au moment où les recettes publiques connaissent une certaine attrition, encourage en outre les phénomènes d’optimisation fiscale.

C’est ce qu’affirme notamment l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans son étude sur les impôts sur les successions ([97]) : « Le faible niveau des recettes fiscales s’explique en grande partie par des assiettes fiscales étroites et des possibilités d’optimisation fiscale. Dans un certain nombre de pays, la plupart des successions échappent à l’impôt en grande partie en raison du traitement fiscal très préférentiel dont bénéficient les transmissions de patrimoine à de proches parents et des exonérations appliquées aux transmissions de certains actifs (résidence principale, actifs commerciaux et agricoles, plans d’épargne retraite et assurances-vie). Dans certains pays, les impôts sur les successions et les donations peuvent être largement évités grâce aux donations du vivant qui bénéficient d’un traitement fiscal plus favorable. D’autres possibilités d’optimisation fiscale (séparation de la nue-propriété de l’usufruit, utilisation de règles de valorisation préférentielles) permettent également aux contribuables de minimiser leur impôt sur les successions ou les donations. Non seulement certains de ces exonérations et abattements réduisent très sensiblement les recettes perçues, mais ils bénéficient aussi souvent davantage aux ménages les plus riches, ce qui nuit à la progressivité des impôts sur les successions et les donations. »

Ces risques sont d’autant plus grands que l’information concernant les modalités d’établissement des droits de mutation à titre gratuit est particulièrement lacunaire. Ce constat est partagé par différentes sources qui ont abordé la question.

L’absence d’information fiable a été notamment démontrée par notre collègue Christine Pires Beaune au cours de l’examen de la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation ([98]). Il apparaît que cette information s’est même considérablement dégradée au cours des dernières décennies, aboutissant à une situation moins favorable à l’analyse de cette question qu’au cours de la première moitié du XXe siècle.

Ce constat a été partagé auprès de votre rapporteure par les personnes auditionnées, et notamment par les économistes Clément Dherbécourt et Camille Landais, auteurs d’une note relative à la question de l’héritage auprès du Conseil d’analyse économique ([99]). Ils ont rappelé que les données sur lesquelles ils avaient pu s’appuyer, y compris dans le cadre d’un travail supposé éclairer le Gouvernement, reposaient sur un système d’information lacunaire. Ainsi qu’ils le présentaient, déjà, dans leur note :

« En l’état, l’absence d’un véritable système d’information relatif à la fiscalité des successions a des conséquences très négatives, à la fois sur le pilotage de la politique fiscale (impossibilité de prédire l’évolution des recettes, incapacité d’évaluer des mesures budgétaires et leur efficacité, risque d’insincérité budgétaire, etc.), sur l’information publique relative à cette politique, et sur l’administration et le contrôle fiscal. Sur ce dernier point, la faible qualité de l’information fiscale au regard de la multiplicité et de la complexité des dispositifs d’optimisation des transmissions patrimoniales (pactes Dutreil, démembrements de propriété, etc.) favorise dangereusement les abus.

Il s’agit de construire un véritable système d’information à la DGFiP sur la base des déclarations des notaires et des assureurs, sur le modèle de FICOVIE et de constituer un registre de données anonymisées versées au Centre d’accès sécurisé aux données (CASD), de façon à améliorer la qualité de la statistique publique et permettre le développement de recherches indépendantes sur ces données fiscales. »

Manque d’information et risque d’optimisation fiscale, voire de fraude fiscale, sont donc étroitement liés. Or, la politique actuelle en matière de lutte contre la fraude fiscale conduit à en affaiblir inexorablement les résultats. Ainsi que l’a montré notre collègue Charlotte Leduc dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2023, les effectifs du contrôle fiscal ont diminué de plus de 4 000 personnes depuis 2010, dont 1 600 depuis 2017. Et la dernière loi de finances poursuit cette trajectoire à la baisse ([100]).

II.   Le dispositif proposÉ : mieux s’armer contre la fraude fiscale

Compte tenu des constats exposés ci-dessus, le présent article majore de 10 % les sanctions actuellement inscrites à l’article 1729 du code général des impôts pour des faits de fraude fiscale, dès lors que ces faits concernent les mutations à titre gratuit. Il s’agit notamment d’inexactitudes ou d’omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que de la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’État. Les sanctions sont de :

– 40 % en cas de manquement délibéré ;

– 80 % en cas d’abus de droit ;

– 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d’une partie du prix stipulé dans un contrat ou si le manquement porte sur une transmission dans une intention libérale de biens ou droits faisant l’objet d’un contrat de fiducie ou des fruits tirés de l’exploitation de ces biens ou droits, pour lesquels peuvent s’appliquer des droits de mutation à titre gratuit.

L’article 4 demande également au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement dans les trois mois qui suivent la publication de la présente loi. Ce rapport, dans la lignée de la production de notre collègue Charlotte Leduc, vise à évaluer l’efficience des mesures en faveur du contrôle fiscal des droits de mutation à titre gratuit. Il se concentrera sur les moyens juridiques et humains sans lesquels une politique sérieuse de lutte contre la fraude fiscale en la matière est parfaitement illusoire.

 

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Article 5
Gage financier

L’article 5 assure la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution par le biais d’un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

Le présent article vise à assurer la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution, grâce à un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

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   Examen en commission

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 29 mars 2023, la commission a examiné la proposition de loi visant à protéger la jeunesse de la précarité par la solidarité intergénérationnelle (n° 884 rect.) (Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure) ([101]).

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure. Les jeunes représentent la moitié des personnes en situation de précarité dans notre pays. Le sujet est majeur et nous devons le traiter en urgence. Ces jeunes, qui sont nés dans les années 1990 et au début des années 2000, ont massivement manifesté hier contre la réforme des retraites et l’allongement contraint de leur durée de travail, sans doute en écho à leur situation matérielle. Ils font partie d’une génération qui n’a connu que le recul de leurs droits sociaux, qu’il s’agisse de leurs droits à l’assurance chômage ou de leur droit à la retraite. Ils font partie d’une génération qui s’est confinée pour préserver la santé de leurs aînés. Ils font partie, enfin, de la génération qui devra faire face aux conséquences grandissantes de notre inaction pour le climat.

Cette proposition de loi est née d’un constat : contrairement aux générations précédentes, la jeunesse d’aujourd’hui n’a plus foi dans l’idée qu’elle connaîtra des conditions de vie meilleures que celles de ses parents. Outre l’accélération du dérèglement climatique dans les prochaines années, la jeunesse, ou plutôt les jeunesses, sont confrontées à une précarité massive, contre laquelle les pouvoirs publics demeurent atones.

De plus en plus de jeunes sont dans une situation précaire, comme en ont témoigné les nombreuses associations que nous avons auditionnées. Selon un chercheur, la jeunesse n’est pas considérée par notre protection sociale actuelle comme un « risque », alors qu’elle est un passage particulier durant lequel tout peut basculer, dans un sens comme un autre. Les jeunes ont besoin d’être accompagnés, sans perdre leur autonomie. Entre 18 et 25 ans, les jeunes sortent progressivement de la sphère protectrice familiale, quand elle existe, sans bénéficier pour autant de ressources stables. C’est pourquoi les jeunes constituent la population la plus pauvre en France, après les enfants. Les moins de 30 ans représentent un pauvre sur deux.

Précaires parmi les précaires, les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet) représentent 11,6 % des jeunes de 15 à 29 ans, contre 11,4 % au Royaume‑Uni, 9,2 % au Portugal, 7,6 % en Allemagne et 5,7 % aux Pays-Bas. Ces jeunes, majoritairement des femmes, sont venus remplir les files à l’entrée des banques alimentaires avec les étudiants précaires, lors de la crise sanitaire. Ces files n’ont pas désempli, ce qui prouve que la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer un mouvement qui dure depuis plusieurs années. D’ailleurs, une distribution alimentaire a été organisée, il y a quelques heures, sur l’esplanade des Invalides. Il ne faut jamais beaucoup de communication pour que plusieurs centaines d’étudiants se déplacent pour venir chercher un litre de lait ou quelques grammes de beurre.

Le Gouvernement a répondu par des mesures exceptionnelles qui s’apparentent à des rustines, certes vitales, mais qui ne viendront pas à bout des problèmes structurels.

Plutôt que de permettre aux jeunes pauvres de bénéficier, comme toutes les autres générations, d’un minimum social, le Gouvernement leur a proposé le contrat d’engagement jeune (CEJ), dont le montant reste inférieur à celui du revenu de solidarité active (RSA) et qui est conditionné dans le temps – de six à douze mois, parfois dix-huit – comme dans son éligibilité, puisqu’il s’accompagne d’une exigence d’assiduité. Environ 300 000 CEJ étaient signés au début de l’année, ce qui correspond au nombre de jeunes engagés dans la garantie jeunes, dont le CEJ constitue une variante nouvelle, mais fait 100 000 de moins que l’objectif visé par le Gouvernement. Selon le rapport remis au ministre du travail par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse en décembre dernier, ce dispositif n’a pas démontré qu’il pouvait atteindre les personnes durablement éloignées de l’emploi – les jeunes qui en ont bénéficié étaient déjà identifiés par le service public de l’emploi. Enfin, les missions locales font état de difficultés dans l’application des conditions pour bénéficier du CEJ. Dans tous les cas, avec 300 000 contrats signés et 200 000 en exécution, nous sommes loin du 1,5 million de Neet que compte notre pays !

Nous vous proposons de réparer une injustice sociale qui date de la création du revenu minimum d’insertion (RMI), en 1988 : il s’agit d’étendre le RSA, qui l’a remplacé, aux personnes âgées de 18 à 25 ans, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que l’ensemble de la population.

Quand je dis « nous », je vise le groupe Écologiste, mais aussi les associations que nous avons auditionnées, qu’il s’agisse des associations étudiantes, de celles qui s’occupent de la précarité des jeunes, du Secours catholique, de la Fondation Abbé Pierre ou de ATD Quart Monde.

Quand je dis « nous », je pense également aux économistes qui, pour bon nombre d’entre eux, estiment que ce serait une mesure à la fois de justice sociale et d’efficacité économique, susceptible d’améliorer l’insertion des jeunes. Philippe Aghion, que l’on ne peut guère suspecter de partialité politique en notre faveur, a écrit récemment un article dans la revue Journal of Urban Economics pour démontrer qu’un minimum social en France aurait pour effet de réduire de 20 % le nombre de sans-abri âgés de 22 à 27 ans.

Quand je dis « nous », je pense encore aux collectivités territoriales qui, à l’instar du conseil départemental de la Loire-Atlantique ou de la métropole de Lyon, ont prévu des revenus de solidarité pour les personnes âgées de 18 à 24 ans, afin de pallier les impérities de l’action sociale nationale.

Quand je dis « nous », je pense enfin à l’Union européenne, puisque la Commission européenne a présenté en septembre 2022 une recommandation pour lutter contre la pauvreté, invitant les États membres à ouvrir l’accès aux minima sociaux aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Le Parlement européen a lui-même voté, il y a deux semaines, une résolution appelant à une directive européenne sur le sujet.

Dès lors la question se pose : resterons-nous l’un des derniers pays à priver les 18‑25 ans d’un minimum social ? Plutôt que de lutter contre le sens de l’histoire, je vous propose d’adopter ce principe à l’article 1er de la proposition de loi.

Concernant les étudiants, nous souhaitons mettre fin à certaines injustices qui affectent les bourses étudiantes. Là encore, le constat est alarmant. Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques montrent que les étudiants sont bien plus souvent en situation de pauvreté monétaire que les jeunes en emploi et que près d’un quart d’entre eux sont en situation de pauvreté. De plus en plus d’étudiants doivent travailler pour financer leurs études, au point que, dans certaines universités comme Paris VIII, cette situation est devenue la norme. Je ne pensais pas que les conditions de vie des étudiants auraient reculé à ce point durant ces dernières décennies. La France réussit l’exploit d’accumuler toujours plus de richesses et d’avoir des étudiants toujours plus pauvres.

Il me tenait à cœur d’entendre le Gouvernement. J’ai donc auditionné des membres du cabinet du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de celui du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, en particulier au sujet de la réforme des bourses étudiantes, présentée, justement, il y a tout juste une heure. Quelle déception ! Les annonces de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, même si elles vont dans le bon sens, ne suffiront pas à sortir les étudiants de leur pauvreté structurelle. Le Gouvernement se contente de corriger les conséquences de son inaction de l’année dernière, en relevant le barème et en ajoutant quelques euros par mois, mais ces dispositions remettent à peine les choses à l’équilibre. Les 40 000 foyers qui étaient sortis du dispositif à la rentrée dernière semblent réintégrés, au bout d’un an, mais les augmentations couvrent tout juste l’inflation déjà constatée, comme si celle à venir n’existait pas, alors qu’on sait que les étudiants peinent à répondre aux besoins primaires. La rustine et le rafistolage ne suffisent pas.

Pour ce qui nous concerne, nous soutenons une véritable réforme des bourses étudiantes, qui s’appuie sur une refonte des échelons. Les bourses se répartiraient désormais sur douze échelons. Le plus élevé permettrait de verser des bourses correspondant à 60 % du revenu médian, soit le seuil de pauvreté. Pour reconnaître la valeur des étudiants qui s’engagent dans de longs parcours de formation initiale sans pouvoir s’appuyer sur leurs ressources familiales, n’est-ce pas le minimum dans notre République qui prône l’égalité ?

Nous prévoyons en outre que ces bourses soient versées sur une base annuelle, car les charges que les étudiants supportent – alimentation, logement, transport – ne prennent pas de vacances l’été !

Nous souhaitons ouvrir le bénéfice des bourses aux étudiants étrangers qui étudient en France, pour des raisons d’égalité auxquelles notre commission ne peut qu’être sensible, mais aussi pour renforcer le rayonnement de nos universités qui se doivent d’accueillir les étudiants étrangers dans de meilleures conditions.

Enfin, nous voulons adapter le montant des bourses au coût réel de la vie des étudiants, en le majorant dans les départements, régions et collectivités ultramarins, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.

Notre groupe a adopté une démarche responsable et couvert les financements nécessaires par une réforme des droits de succession. Il s’agit de supprimer les exemptions d’assiette actuelles, qui sont autant de dispositifs régressifs, qui favorisent les ménages les plus riches, et de possibilités d’optimisation fiscale. Ces mesures s’appuient sur le travail très documenté du Conseil d’analyse économique (CAE) placé auprès de la Première ministre, sur le rapport que les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard ont remis au Président de la République, et sur le travail qu’a réalisé l’Organisation de coopération et de développement économiques sur les droits de succession en 2021.

C’est le cœur de la solidarité intergénérationnelle. Comme se le demande le CAE, comment éviter de devenir une société d’héritiers ? Des députés ont été élus sur la promesse de lutter contre la rente. Je ne doute pas qu’ils soient sensibles à cette proposition.

Nous vivons à une époque où les héritages sont transmis toujours plus tardivement, en moyenne à l’âge de 50 ans, à des personnes qui sont en général dans une situation beaucoup moins précaire que les jeunes. La part financière des successions et des donations a par ailleurs tendance à augmenter avec la valeur des patrimoines eux-mêmes. Outre le financement de la proposition de loi, l’article 3 tend à rétablir une forme de justice fiscale, alors que les inégalités de patrimoine l’emportent très largement désormais sur les inégalités de revenus.

Nous proposons également de majorer les sanctions applicables à la fraude aux droits de mutation à titre gratuit et nous demandons un rapport au Gouvernement sur les moyens effectivement consacrés au contrôle de la bonne application de la loi fiscale en la matière. Charlotte Leduc, dans son rapport spécial sur la lutte contre l’évasion fiscale, a pu constater que les effectifs de la direction générale des finances publiques affectés au contrôle fiscal avaient considérablement diminué ces dernières années, altérant d’autant notre capacité à assurer la justice fiscale et sociale.

Voici la solidarité intergénérationnelle que nous vous proposons : lutter contre la précarité des jeunes, permettre aux étudiants d’étudier et de s’épanouir en rétablissant une justice dans la fiscalité des donations et des successions, qui bénéficie aujourd’hui majoritairement aux patrimoines très supérieurs à la moyenne française.

L’égalité des chances, c’est donner davantage aux plus modestes pour combler les inégalités à un moment où les choix sont cruciaux et où l’on a besoin de sérénité pour construire son projet sans autre pression que celle de la réussite aux examens.

La confiance est le maître mot de ce texte, celle que nous voulons accorder à la jeunesse. Alors qu’elle devrait être naturelle, chaque nouveau dispositif est assorti de conditions drastiques, qui compliquent encore davantage l’accès au droit. Il faut au contraire faire confiance aux jeunes pour qu’ils puissent s’épanouir et sortir de l’échec scolaire auquel certains sont confrontés. C’est cela qui fonde une relation saine.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Claire Guichard (RE). Quel sujet majeur pour l’avenir de notre pays ! Si nous nous retrouvons tous, je n’en doute pas, autour de l’objectif de protéger notre jeunesse de la précarité, nous ne proposons pas les mêmes moyens d’y parvenir.

Vous souhaitez ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Si certains jeunes perçoivent déjà cette allocation, à condition de justifier d’une certaine durée d’activité professionnelle ou d’une famille à charge, nous ne pensons pas que l’ouverture à tous, sans la contrepartie d’un accompagnement intensif et personnalité, serait efficace pour les sortir de la précarité et les insérer professionnellement.

Le CEJ, lui, instauré sous notre majorité il y a plus d’un an et qui prévoit cet accompagnement, donne de bons résultats. Au 31 janvier 2023, dix mois après son lancement, plus de 300 000 jeunes avaient signé un CEJ. L’efficacité et la justice sociale imposent de privilégier cet outil et de le développer.

Vous proposez également de réformer le système des bourses étudiantes en élargissant le nombre d’étudiants éligibles et en en augmentant les montants. Si nous partageons la philosophie de votre texte à ce sujet, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, vient d’annoncer la revalorisation massive du barème des bourses, ce qui permettra de gommer les effets de seuil et d’intégrer 35 000 nouveaux étudiants dans le système. De surcroît, 140 000 étudiants boursiers actuels pourront basculer à un échelon supérieur, ce qui leur assurera une augmentation significative, allant de 66 à 127 euros par mois. Dès la rentrée prochaine, les montants des bourses augmenteront de 37 euros pour tous les boursiers, à tous les échelons. C’est la plus forte revalorisation depuis 2013. Au total, le Gouvernement ne mobilise pas moins d’un demi-milliard d’euros pour nos étudiants. Une rustine, dites‑vous ? J’espère qu’elle est vendue par paquets de douze !

La majorité agit. À la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents : les effets de seuil seront neutralisés dès cette année.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Bryan Masson (RN). Si cette proposition de loi pointe la réalité de la précarité étudiante, elle n’apporte pas les bonnes réponses. La gauche, à l’origine de ce texte, connue pour promouvoir l’écologie punitive, sort du chapeau un nouveau concept qui lui ressemble bien : la solidarité punitive. Le principe est simple : permettre à ceux qui ne souhaitent pas travailler de continuer à ne rien faire, sur le dos des travailleurs et de leur patrimoine.

Notre groupe ne partage pas du tout cette conception punitive et confiscatoire de la solidarité. Faut-il accompagner la jeunesse de France vers le marché du travail ? Oui. Faut-il rendre plus juste le système des bourses sur critères sociaux ? Oui. Faut-il prendre ces mesures en surtaxant le fruit d’une vie entière de travail des Français des classes populaires et des classes moyennes ? Non.

Je sais bien que la NUPES considère l’héritage comme un privilège bourgeois qu’il faut confisquer, voire abolir. Or ce sont bien les Français modestes qui seraient les plus lésés par votre proposition puisqu’elle vise à supprimer les exemptions d’assiettes sur les droits de mutation à titre gratuit. Beaucoup sont même contraints, faute de moyens, de vendre la maison familiale pour s’acquitter des droits de succession. Plutôt que de confisquer le patrimoine des Français pour financer vos propositions sur le RSA, pourquoi ne pas réserver cette aide aux Français et aux seuls étrangers qui ont travaillé au moins cinq ans dans notre territoire ?

Résumons : accorder automatiquement le bénéfice du RSA aux jeunes de 18 à 24 ans ne résoudra pas le fléau de la précarité des jeunes. De plus, le RSA existe déjà pour les moins de 25 ans qui remplissent certaines conditions et les missions locales proposent déjà des mesures pour les aider financièrement et les accompagner vers l’emploi.

Quant à la lutte contre la fraude fiscale, vous n’avez pas le monopole en la matière. Vous devriez même vous faire tout petits sur ce sujet, quand vous comptez dans vos rangs des socialistes qui ont nommé Jérôme Cahuzac ministre du budget, sous François Hollande ! Nous préférons un ministère de lutte contre les fraudeurs à un fraudeur ministre.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Rappelons le contexte dans lequel nous discutons cette proposition de loi. Vous êtes en train de craquer, tout simplement ! Vous renoncez à rendre le service national universel (SNU) obligatoire, et vous venez d’annoncer une augmentation de 37 euros des bourses étudiantes. Mais puisque vous économisez 2 milliards d’euros avec le SNU, pourquoi ne pas en investir 1,5 milliard dans la réforme des bourses ? Ce n’est pas avec 37 euros de plus chaque mois qu’un étudiant sortira de la précarité !

Vous avez refusé la proposition de loi visant à instaurer une allocation d’autonomie pour les jeunes en formation. Vous avez refusé le repas à 1 euro pour les étudiants, refusé l’augmentation des salaires. Ne vous étonnez pas que des centaines de milliers de jeunes descendent aujourd’hui dans la rue contre vous ! Vous pouvez réprimer les blocages, multiplier les arrestations arbitraires de jeunes qui manifestent, mais vous feriez mieux d’écouter nos conseils, pour gagner du temps. Adoptez cette proposition de loi d’urgence ! Les jeunes sont dans la rue, vous commencez à craquer : quoi qu’il arrive, vous finirez par étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Faites-le maintenant !

Mme Josiane Corneloup (LR). Il ressort des études que la condition étudiante dans notre pays n’est pas normale et que les bourses étudiantes sont moins élevées que chez nos voisins, ce qui ne favorise pas l’égalité des chances. La revalorisation des bourses étudiantes serait un levier puissant contre la précarité étudiante. La jeunesse est l’avenir de notre pays et nous tenons tous à ce que nos jeunes puissent vivre dignement.

En revanche, les moyens que vous proposez ne sont pas de nature à inciter à trouver un emploi. Le RSA jeune actif permet d’aider les jeunes qui ont déjà travaillé à trouver un emploi. C’est un outil de réinsertion professionnelle. Ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ne me semble pas la bonne solution car ce serait favoriser un démarrage de la vie professionnelle dans l’assistanat alors que d’autres dispositifs existent pour y échapper, qu’il s’agisse des aides personnalisées au logement, des bourses ou de la réduction des frais de scolarité.

Le travail est une valeur cardinale qui doit être défendue. Nous devons aider les jeunes et les accompagner pour qu’ils puissent s’épanouir grâce à des formations adaptées et trouver un emploi. La solution n’est pas de les faire baigner dans l’assistanat dès leur plus jeune âge.

D’autre part, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle des boursiers. C’est pourquoi nous devrions réfléchir à étendre la grille pour éviter les effets de seuil. En revanche, les annualiser ferait dépendre les jeunes d’une aide sociale et pourrait ne pas les inciter à chercher du travail.

Enfin, plutôt que de faciliter la transmission du patrimoine entre parents et enfants, vous la rendez plus difficile en voulant taxer encore davantage les patrimoines les plus élevés et les droits de taxation. Au contraire, la diminution de la taxe successorale permettrait de privilégier la solidarité familiale.

La situation des jeunes est une cause importante qui mérite toute notre attention mais cette proposition de loi pourrait plonger la jeunesse dans l’assistanat. Nous devons aider les jeunes en leur permettant de trouver une formation adaptée et, plus tard, un emploi, non en les couvrant d’aides sociales.

Notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.

M. Mickaël Cosson (Dem). Cette proposition de loi reprend de nombreuses dispositions de la campagne du candidat écologiste à l’élection présidentielle : extension du RSA aux moins de 25 ans, réforme de la bouse étudiante, grand soir de la fiscalité sur l’héritage. Ce sont autant de bouleversements majeurs de notre modèle fiscal et social que le groupe Écologiste propose de mener sans étude d’impact ni concertation.

Au-delà de la méthode, il est indéniable que nous devons nous prononcer sur de véritables choix de société : faut-il répondre aux difficultés des jeunes en les enfermant dans un minimum social dès 18 ans, sans accompagnement ni perspective d’insertion ? Multiplier par cinq le montant des bourses universitaires sans s’attaquer à l’injustice des effets de seuil ? Supprimer brutalement l’assurance vie, que l’on présente souvent comme le placement préféré des Français ? Votre texte pose de vrais problèmes mais n’apporte pas les solutions adaptées.

Face à la transition démographique qu’affronte notre pays, nous devons encourager la circulation du capital entre les générations, pas la réduire. Formons et accompagnons les jeunes en difficulté.

Quant aux bourses, la réforme annoncée par la ministre s’appuie sur les revendications des organisations étudiantes. Elle présente des avancées concrètes et réalistes, loin des effets d’annonce. Pour rendre notre économie plus durable et résiliente, nous avons besoin de mobiliser l’encours des assurances vie et non de susciter la défiance, qui pourrait entraîner le retrait des sommes placées.

Notre groupe n’est pas favorable à cette proposition de loi mais le sujet ne doit pas rester en suspens. Nous vous invitons à réfléchir à un texte transpartisan pour notre jeunesse, qui nous rassemblerait plutôt que de nous déchirer sur de fausses vérités. Les bourses étudiantes devraient être destinées aux seuls jeunes qui en ont besoin, pas forcément à M. Boyard.

M. Joël Aviragnet (SOC). L’objectif de la proposition de loi est de répondre à la précarité croissante qui touche notre jeunesse. Les jeunes ont payé le prix fort depuis la crise sanitaire. Ils sont désavantagés à tous les niveaux : alors que les Français sont asphyxiés par l’inflation, les jeunes sont plus précaires que leurs aînés ; ils sont aussi plus nombreux à souffrir de troubles psychiques, qu’il s’agisse d’anxiété ou de dépression. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir de plus en plus de jeunes dans les cortèges des manifestations contre la réforme des retraites. Ils se mobilisent pour plus de justice sociale. Ils se mobilisent car ils sont inquiets pour l’avenir de la planète. Ils se mobilisent car, comme leurs aînés, ils constatent que le système démocratique est fatigué par la présidentialisation à outrance. Enfin, ils se mobilisent car ils ont vu leur niveau de vie se dégrader.

Il est donc urgent d’agir. Il faut favoriser l’émancipation des jeunes, notamment en permettant aux 18-25 ans de percevoir le RSA et en révisant les critères d’octroi des bourses étudiantes. Cependant, les députés socialistes proposeront certaines améliorations au dispositif. Il nous semble essentiel, par exemple, de limiter l’effet de seuil dans l’octroi des bourses. Il faut aussi encourager l’autonomie des jeunes en prenant en compte leurs revenus propres et non ceux de leurs parents.

Je rappelle que le Gouvernement et ses députés se sont opposés au repas à 1 euro pour tous les étudiants. Alors que les Restos du cœur nous apprennent qu’un bénéficiaire sur deux a moins de 26 ans, nous ne pouvons qu’être scandalisés par le rejet de cette mesure peu coûteuse pour l’État mais vitale pour des centaines de milliers de jeunes.

Nous avons été élus pour améliorer le quotidien des Français. En votant ce texte, nous rendrions un grand service à la jeunesse de France.

M. Paul Christophe (HOR). Cette proposition de loi nous offre l’occasion de rappeler que le Gouvernement a mobilisé, à la fin du mois de novembre dernier, une enveloppe exceptionnelle de 10 millions destinée à une aide alimentaire pour les étudiants. De nombreuses mesures consacrées au pouvoir d’achat des jeunes ont été prises en complément. Je pense notamment aux repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires, à la hausse de 4 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée 2022, au versement d’une aide de 100 euros à plus de 1,5 million d’étudiants, à la revalorisation de 3,5 % des aides personnelles au logement (APL) et au gel des loyers dans les résidences étudiantes. Il est également utile de rappeler qu’afin de répondre à la situation de détresse rencontrée par de trop nombreux étudiants, le Gouvernement travaille à une réforme des bourses et au versement à la source de certaines prestations.

Si l’objectif donnant son intitulé à la proposition de loi est de nature à nous rassembler, ses quatre articles nous semblent manquer d’ambition. Ainsi, votre seule proposition pour protéger la jeunesse de la précarité consiste à ouvrir le RSA aux moins de 25 ans. Durant la précédente législature, nous avons déjà mis en place le RSA jeune actif, le plan « 1 jeune, 1 solution », le contrat initiative emploi et le CEJ. Nous avons d’autres perspectives pour la jeunesse qu’un minimum social.

La réforme du système des bourses est nécessaire ; le constat est unanimement partagé. La ministre Sylvie Retailleau vient d’annoncer les premières mesures issues de la concertation. Le système s’en trouvera amélioré, à raison de 500 millions d’euros qui permettront d’accompagner 35 000 étudiants de plus, de revaloriser 140 000 bourses et de mettre fin aux effets de seuil, comme le demandaient les organisations étudiantes – un phénomène très pénalisant que votre proposition de loi ne corrige pas.

L’article 3 a le mérite d’ouvrir la réflexion sur le système des droits de mutation à titre gratuit, dispositif fiscal d’une grande complexité. Reconnaissons-le, il est difficile d’appréhender un tel dispositif dans le cadre d’une proposition de loi, comme l’illustre d’ailleurs votre texte. Nous sommes d’accord pour considérer qu’il est nécessaire de réformer le système et de mieux prévenir les abus. Nous appelons de nos vœux un travail de fond avec les parties prenantes pour mener cette réforme de manière efficace.

Enfin, si nous partageons l’ambition énoncée à travers l’article 4, là encore, le moyen proposé nous semble peu opérant : isoler le temps et les moyens consacrés au contrôle des seuls droits de mutation à titre gratuit n’a pas de sens, puisque les agents vérifient la situation d’un contribuable dans son ensemble.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Hier, M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer a envoyé aux préfets de région un SMS leur demandant de faire « attention aux jeunes ». Mais ce n’est pas seulement dans les manifestations, après les avoir parfois brutalisés, qu’il faut agir ainsi. À travers cette proposition de loi, nous vous demandons justement de faire attention aux jeunes, de les protéger de la pauvreté et de les accompagner vers la citoyenneté.

Tous les jeunes n’ont pas la chance d’être enfants de ministre. Tous ne vivent pas de la même manière ce qui devrait être l’âge de l’insouciance et de l’émancipation. Tous n’ont pas la chance de pouvoir vivre dignement, tout simplement : 1 500 000 vivent sous le seuil de pauvreté.

Depuis le 23 mars, les jeunes sont descendus en masse dans la rue pour défendre notre système de solidarité. Il serait donc temps de penser à les intégrer eux aussi dans notre contrat social. C’est à croire qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres. Dès la création du RMI, en 1988, les moins de 25 ans ont été écartés de cette aide, et ils n’ont pas été réintégrés lors de l’évolution du dispositif en RSA. Les jeunes constituent la frange de la population la plus touchée par la pauvreté. Pourtant, subsiste encore cette inégalité criante et insupportable qui consiste à ne pas leur octroyer le droit à un revenu minimum quand ils ont atteint la majorité, contrairement à ce qui se passe dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne.

Plutôt que d’ouvrir des droits, on se contente de poser des sparadraps, d’accumuler des dispositifs qui ne parviennent pas à éradiquer la pauvreté et la précarité. Cette accumulation rend illisibles les aides et décourage ceux qui pourraient en bénéficier. Ainsi, le non-recours est extrêmement important : un jeune sur deux en a fait les frais à un moment ou à un autre.

Il faut sortir de la banalisation de la précarité étudiante. Non, il n’est pas normal de devoir recourir à l’aide alimentaire ; non, il n’est pas normal de travailler à côté de ses études ; non, toutes les familles, qui font déjà beaucoup, ne peuvent pas faire assez pour chacun de leurs enfants.

Nous sommes conscients de nos responsabilités à l’égard de la jeunesse. C’est pour cela que nous proposons ce texte ambitieux qui ouvre le RSA aux moins de 25 ans et refonde le système des bourses de manière très volontariste, en finançant entièrement l’ensemble grâce à une réforme de la fiscalité sur l’héritage. Car, aujourd’hui, il est plus naturel d’échapper à l’impôt en transmettant plusieurs centaines de milliers d’euros de son vivant ou en léguant une entreprise et des assurances vie que de contribuer à la solidarité nationale et à l’égalité des chances !

Nous espérons que la majorité construira avec nous ce texte au lieu de le vider de sa substance. Jeunesse ne devrait plus jamais rimer avec détresse.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je remercie le groupe Écologiste, en particulier Sophie Taillé-Polian, d’inscrire ce texte à l’ordre du jour.

La question est simple : la situation est-elle satisfaisante pour notre jeunesse ? Pouvons-nous en rester là ? Pour notre part, nous pensons qu’il faut prendre beaucoup plus soin de la jeunesse, dont une part est précarisée. Certains jeunes font la queue devant les banques alimentaires. Ils ne peuvent pas prendre leur envol, se projeter dans la vie. Ce n’est pas acceptable. La solidarité nationale n’est pas au niveau. Les dispositifs en faveur de la jeunesse présentent trop de lacunes, nous l’avons vérifié à l’occasion de la crise sanitaire, et les mesures prises depuis lors sont insuffisantes.

Si le RSA, dispositif de solidarité absolument indispensable, n’est un horizon souhaitable pour personne, et encore moins pour les jeunes, son ouverture aux moins de 25 ans offrirait malgré tout à ces derniers un filet de sécurité et mettrait fin à une forme de discrimination. Il est vrai que les CEJ ont leur utilité, mais le dispositif est plus restreint que le RSA, lequel a lui aussi pour vocation d’aider à l’insertion. Les CEJ s’adressent aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas de formation et présentent des difficultés d’accès à l’emploi durable. Cet accompagnement ne dure que six à douze mois et est rémunéré à hauteur de 500 euros par mois maximum, en échange de quinze à vingt heures de formation par semaine. Pour rappel, les jeunes concernés, qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, représentent 11,6 % des 15-24 ans.

L’augmentation massive des bourses et la limitation des effets de seuil sont des urgences, tant la précarité est grande. Elles n’ont été revalorisées que de 4 % cette année, soit bien au-dessous de l’inflation, ce qui ne fait qu’aggraver une situation dont la réalité a éclaté aux yeux de tous pendant la crise sanitaire.

Nous avions, pour notre part, proposé la création d’un revenu étudiant détaché du foyer fiscal des parents. Toutefois, nous soutiendrons le dispositif conçu par nos collègues écologistes. Il faut agir, et l’Assemblée nationale doit prendre ses responsabilités en la matière. Nous soutenons d’autant plus ces propositions qu’elles sont financées de manière pertinente par une réforme de l’héritage.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Je souhaite rappeler certaines vérités que la Mélenchonie tente de camoufler, persévérant dans les méthodes antidémocratiques que nous subissons depuis un bon moment.

C’est notre majorité qui a fait de la lutte contre les inégalités de destin l’un de ses chevaux de bataille. Mes collègues ont déjà rappelé plusieurs mesures, il y en a d’autres. Le dédoublement des classes de CP et de CE1, c’est nous qui l’avons fait. Les petits-déjeuners gratuits pour les enfants en difficulté, c’est nous qui l’avons fait. La cantine à 1 euro pour les familles modestes, c’est nous qui l’avons fait. La mutuelle gratuite pour les étudiants, c’est nous qui l’avons fait, et aussi les repas à 1 euro pour les étudiants boursiers.

M. Raux vient de dire que tous les jeunes n’ont pas la chance d’être enfants de ministre. C’est précisément pour cela que nous n’avons pas voté la proposition de loi visant à faire bénéficier tous les étudiants des repas à 1 euro : nous voulons cibler ceux qui en ont besoin, c’est-à-dire les boursiers. Quand vous énoncez une vérité partielle, vous fabriquez du mensonge. Je tiens à dénoncer ces méthodes.

Il est vrai que nous ne sommes pas très bons en com’. Nous ne faisons pas des vidéos à gogo, nous ne tweetons pas pour appeler à la haine contre nos collègues, nous n’organisons pas des distributions alimentaires démagos sur l’esplanade des Invalides. Nous, nous agissons, comme l’a fait aujourd’hui la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en annonçant l’augmentation des bourses et du nombre de boursiers, afin de faciliter l’accès aux études supérieures et de continuer à lutter contre les inégalités de destin.

Mme la rapporteure. Si j’en crois les retours du terrain, les missions locales, chargées de l’accompagnement intensif et obligatoire dans le cadre du CEJ, ont bien du mal à proposer aux jeunes des dispositifs adaptés à raison de quinze à vingt heures par semaine. Jusqu’à présent, ces organismes pratiquaient un accompagnement global et construisaient une relation de confiance avec le jeune – c’était même tout leur intérêt. Désormais, certains agents se retrouvent à devoir lui reprocher de ne pas avoir participé à des ateliers collectifs, lesquels ne sont même pas forcément adaptés à des personnes qui, rappelons-le, sont éloignées de toute formation. Nous sommes favorables à l’accompagnement intensif, évidemment, mais ce n’est pas en imposant à des jeunes qui n’ont pas réussi à l’école et qui se retrouvent dans des situations difficiles, sans logement et en rupture familiale, des dispositifs rappelant le milieu scolaire qu’ils s’en sortiront.

Madame Guichard, vous parliez de 35 000 nouveaux boursiers, mais 40 000 avaient perdu leur bourse l’année dernière ! Le barème n’ayant pas été revu, il a suffi d’une légère hausse des revenus liée à l’inflation pour qu’ils ne soient plus éligibles. Mme Retailleau, même si je l’en remercie, ne fait donc que réparer un énorme raté de sa prédécesseure. Si elle n’avait rien fait, 120 000 nouveaux foyers seraient sortis du dispositif cette année.

En ce qui concerne la revalorisation, je trouve étonnant que tous les boursiers touchent 37 euros de plus par mois, que leur bourse soit de 100 euros mensuels ou de 580, alors que vous expliquez sans arrêt qu’il faut cibler les dispositifs au plus près. Ceux qui bénéficient du niveau de bourse le plus élevé devraient avoir droit à une revalorisation qui correspond à l’inflation qu’ils subissent. À cet égard, il faudrait se fonder plutôt sur l’inflation des produits alimentaires, qui est de l’ordre de 14 % ou 15 %, que sur l’inflation globale, qui s’élève à 6 %.

Monsieur Masson, vous préféreriez que l’on accompagne la jeunesse vers le travail. Je vous invite à travailler vous-même davantage, car les chiffres que vous avez donnés sont totalement faux. Notre proposition ne concerne pas du tout les héritages des classes populaires. Au total, 50 % de la population hérite de moins de 70 000 euros. Si l’on tient compte du fait qu’un tiers des foyers n’hérite de rien du tout et un deuxième tiers de pas grand-chose, on mesure l’ampleur des inégalités. Quand on sait que 10 % de la population hérite de plus de 500 000 euros, la concentration des richesses devient évidente. Qui plus est, selon le CAE, organisme placé sous l’autorité du Premier ministre, le taux réel appliqué aux 0,1 % des plus riches est non pas de 45 %, comme le prévoit le code général des impôts, mais de 2 % à 3 %. Trouvez-vous normal que les 0,1 % les plus riches transmettent leur patrimoine en ne payant quasiment rien ? Moi non, surtout au regard de la très grande pauvreté et de la précarité de la jeunesse.

Monsieur Boyard, le SNU ne devrait effectivement pas être généralisé, et je m’en réjouis. Grâce à cette décision, 2 milliards d’euros, au bas mot, pourront être réorientés vers la jeunesse.

Madame Corneloup, vous ne voulez pas de l’assistanat dès le plus jeune âge. Pour ma part, je considère qu’il faut surtout supprimer l’assistanat pour les personnes aisées d’un certain âge : entre les notaires et les conseillers fiscaux, les détenteurs des patrimoines les plus importants sont vraiment très assistés quand il s’agit d’échapper à l’impôt et de profiter de toutes les niches qui mitent la fiscalité des successions ! Il faut remettre tout cela à plat. Cela nous permettra de dégager chaque année plusieurs milliards d’euros en faveur de politiques d’égalité, sans pour autant empêcher quiconque de vivre.

Monsieur Cosson, vous me reprochez l’absence d’étude d’impact. Moi aussi, j’aurais bien aimé en avoir une, mais pour cela il faudrait que la NUPES soit au gouvernement – ce qui se produira le plus rapidement possible, espérons-le. Il n’en demeure pas moins que je m’appuie sur des études très précises, dont celle du CAE. À ce propos, j’ai été extrêmement étonnée qu’il n’existe aucun chiffre du ministère, aucune étude s’agissant du non‑recours aux bourses. Pourtant, chacun sait bien que le non‑recours est un problème généralisé dans les aides sociales. Mais personne ne se demande si des étudiants qui pourraient y avoir droit les perçoivent...

Tout à l’heure, madame Parmentier-Lecocq, j’étais aux Invalides. Ce n’était pas une fausse distribution alimentaire : il y avait de vraies personnes, notamment des étudiants. J’ai interrogé une étudiante en deuxième année de droit et une autre en troisième année de philo, qui ne touchent pas de bourse – j’ai vérifié, parce que je savais ce que vous alliez me le demander, qu’elles ne sont pas les filles de Bernard Arnault. Elles m’ont toutes les deux dit qu’elles avaient eu des difficultés pour accéder aux dossiers. Certes, je ne connais rien de leur vie, mais je suppose que ce n’est pas par plaisir qu’elles sont venues faire une heure et demie de queue pour recevoir un litre de lait. Cela illustre le fait qu’il y a de vrais problèmes d’accès aux droits.

Monsieur Christophe, le Gouvernement a effectivement décidé des aides exceptionnelles. Non seulement elles ne sont pas suffisantes, mais, par nature, elles sont ponctuelles, comme c’est trop souvent le cas pour les aides ciblant les ménages les plus en difficulté. En leur offrant une aide pérenne, nous souhaitons donner aux jeunes la capacité à se projeter, à construire leur parcours, à mieux réussir leurs études, en leur évitant notamment de devoir rater des cours pour aller travailler.

La métropole de Lyon a constaté, depuis qu’elle a créé une aide supplémentaire, il y a un an et demi, que les jeunes émargeant au dispositif n’y restaient pas : le fait de pouvoir compter sur une aide au long cours, de savoir qu’ils auront de quoi manger accroît considérablement leur capacité à rebondir. Cela leur donne confiance. C’est la même idée ici.

Je tiens à vous alerter sur le fait que la contemporanéisation des APL a fait beaucoup de perdants, notamment chez les jeunes : la réforme s’est traduite par une diminution de 6 euros par mois en moyenne pour les étudiants et de 100 euros pour les jeunes travailleurs. C’était une décision de gestion destinée à faire baisser le coût des APL. Malheureusement, elle a fait des dégâts.

Selon vous, le Gouvernement a fait beaucoup. Vous avez énuméré les dispositifs, mais en oubliant que les uns avaient remplacé les autres. Je me souviens très bien de Mme Dubos nous disant qu’elle allait créer un revenu universel d’activité et qu’il s’agirait d’une forme d’élargissement du RSA aux moins de 25 ans. Nous attendons toujours.

Il est nécessaire, nous l’avons tous reconnu, de régler la question de la pauvreté de la jeunesse. Tel est l’objectif de cette proposition de loi, que plusieurs amendements permettront d’enrichir.

Article 1er : Élargir le revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans

Amendements de suppression AS1 de M. Fabien Di Filippo, AS4 de M. Bryan Masson et AS28 de Mme Claire Guichard.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’article 1er vise à étendre le RSA sans contrepartie à tous les jeunes dès 18 ans.

Il y aurait beaucoup à dire à propos des bourses, notamment sur la possibilité d’en bénéficier – un étudiant par exemple dont les parents appartiennent à la classe moyenne et travaillent tous les deux, même s’ils ont des salaires modestes, en est exclu. On pourrait favoriser l’attribution au mérite, mais non : vous choisissez de créer une nouvelle allocation.

Je ne vous ferai pas le procès de l’absence de financement, puisque vous proposez une taxation des héritages, mais notre pays est déjà le champion des prélèvements obligatoires. En effet, on parle beaucoup du déficit et de la dette, mais un autre élément est frappant : plus de 46 % du PIB, soit presque 1 euro sur 2 de richesse produite dans notre pays, est prélevé sous forme d’impôts, de taxes ou de prélèvements obligatoires.

Par ailleurs, sept ans après l’entrée dans le RSA, un tiers seulement des bénéficiaires ont un emploi, si l’on en croit le dernier rapport de la Cour des comptes. Le RSA n’est donc pas du tout le tremplin vers la réussite que vous imaginez.

Cette proposition de loi témoigne d’un rapport à la famille, à travers la taxation de l’héritage et de la solidarité familiale, et d’un rapport au travail qui sont bien éloignés de notre philosophie. C’est pourquoi nous proposons de supprimer purement et simplement l’article 1er.

M. Bryan Masson (RN). Un RSA existe déjà pour les 18-25 ans, et le texte ne pose pas assez d’exigences en matière de travail. Nous demandons nous aussi la suppression de cet article.

Mme Christine Le Nabour (RE). Le RSA jeunes existe déjà, sous certaines conditions. Si l’on entend lutter efficacement contre la précarité des jeunes et favoriser leur insertion professionnelle, une allocation ne saurait se concevoir qu’en contrepartie d’un accompagnement intensif et personnalisé, ainsi que d’activités. C’est la logique du CEJ, qui est déployé depuis un an, en remplacement progressif de la garantie jeunes. Par ailleurs, pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, des appels à projets « CEJ - jeunes en rupture » ont été lancés.

Vous n’avez pas auditionné les missions locales et Pôle emploi, qui sont les principaux prescripteurs du contrat d’engagement jeune. C’est dommage : cela vous aurait évité certaines erreurs.

D’abord, l’objectif pour 2022 était bien de 300 000, et pas davantage ; il a donc été atteint. Le dispositif doit continuer sa montée en charge.

Ensuite, il est faux d’affirmer que la prise en compte des taux de sortie inciterait les structures à proposer le CEJ aux jeunes ayant plus de chances de trouver un emploi, puisque les missions locales sont financées en fonction des entrées et non pas des sorties.

Une enquête effectuée auprès des jeunes bénéficiaires du CEJ montre que 89 % d’entre eux sont satisfaits de l’accompagnement intensif et plébiscitent les quinze heures de mobilisation hebdomadaire.

Il est faux également de déclarer que le revenu de solidarité créé par la métropole de Lyon a été une réponse plus adaptée que le CEJ, puisqu’il est entré en vigueur neuf mois avant.

Pour tout vous dire, moi aussi je suis sur le terrain : je suis présidente d’une mission locale, vice-présidente de l’association régionale des missions locales de Bretagne et vice‑présidente de l’Union nationale des missions locales. Je travaille depuis dix ans avec les conseillers en insertion. Nous voterons ces amendements de suppression.

Mme la rapporteure. Je viens de vérifier : M. Castex avait bien donné le chiffre de 400 000 CEJ comme objectif.

À vous entendre, le RSA jeunes serait quelque chose de formidable. Or, en 2023, il concerne 460 foyers pour toute la France. Au regard de la situation de la jeunesse, c’est microscopique. Cela ne correspond évidemment pas aux besoins.

Il est vrai que certaines titulaires du RSA peuvent y rester fort longtemps, mais ce sont des personnes en milieu ou en fin de carrière et ayant connu des accidents de parcours, ce qui rend leur insertion plus difficile et les éloigne davantage de l’emploi. Des jeunes qui essaient d’entrer sur le marché du travail et ont du mal à se loger – certains sont en décohabitation, ou en rupture familiale – sont dans une situation fondamentalement différente. Les difficultés ne sont pas du tout les mêmes. La société peut les aider à se lancer.

Madame Le Nabour, peut-être avez-vous mal compris ce que j’ai écrit dans le rapport ? Le dispositif créé par la métropole de Lyon ne vient pas du tout concurrencer le CEJ. C’est un dispositif « interstitiel », conçu pour s’ajouter aux autres, étant donné les difficultés d’accès aux aides sociales qui existent. Ce dispositif, qui évite l’enkystement, tourne très bien et offre aux jeunes une visibilité qui leur assure qu’ils pourront dormir sous un toit, manger à leur faim et donc construire leur avenir.

Nous sommes donc très opposés à la suppression de cet article, car le RSA pour les 18-25 ans était et est encore une demande très forte de toutes les associations étudiantes et de jeunesse, urbaines ou rurales. Pour elles, cela serait un moyen de donner à la jeunesse sa pleine majorité, qui n’est pas seulement une majorité politique à 18 ans, mais une majorité sociale.

M. Fabien Di Filippo (LR). Madame la rapporteure, votre raisonnement est très construit, et notre désaccord est purement philosophique : pour moi, cette mesure aurait des conséquences catastrophiques. Aujourd’hui, le RSA enferme les personnes dans la prison de l’assistanat. L’accompagnement est quasiment impossible et l’on voit arriver des générations de personnes qui ont des enfants et qui n’ont jamais travaillé. Notre société a un problème dans son rapport culturel au travail. En onze ans, le nombre de bénéficiaires du RSA n’a pas été multiplié par deux, comme l’indiquait Olivier Dussopt, mais il a augmenté de 50 %, pour atteindre le chiffre de 2 millions. On ne peut pas aller beaucoup plus loin dans une direction qui ne fragilise pas seulement notre économie, mais aussi le pacte social de la nation. Je ne crois pas que le RSA, tel qu’il est construit, permette une insertion sociale pérenne de ces jeunes. Au contraire, il les fait entrer dans un cercle vicieux dont il est d’autant plus difficile de sortir qu’on y est resté longtemps.

Mme Christine Le Nabour (RE). Je répète que, sur l’année 2022, l’objectif était bien de 300 000 entrées : 200 000 pour les missions locales et 100 000 pour Pôle emploi. Pardon, mais je suis dans ces réseaux.

Pour ce qui est des 450 jeunes concernés par le dispositif de la métropole de Lyon, les missions locales concernées m’ont indiqué qu’elles les orientaient vers le CEJ parce qu’il est mieux disant, avec une allocation de 500 euros contre 400 pour le revenu de solidarité.

Quant à l’accompagnement global, il est depuis quarante ans au cœur des missions des missions locales, qui doivent aussi lever les freins liés par exemple au logement, à la santé, à la mobilité ou au mode de garde. Ce que vous proposez remettrait en cause l’accompagnement global qu’elles assurent.

Du reste, dans le cadre du revenu de solidarité de la métropole de Lyon, ce sont bien les missions locales qui accompagnent les jeunes et qui, de plus en plus, les orientent vers le CEJ au détriment de ce dispositif.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Ces amendements brossent en creux un portrait bien peu engageant de notre jeunesse. Notre souhait, par ce texte et tout particulièrement par l’article 1er, était de lui montrer notre confiance en lui octroyant les moyens de son émancipation.

Plutôt que de parler sans cesse d’assistanat, mieux vaudrait rappeler les chiffres qui expriment clairement la dure réalité. La pauvreté chez les jeunes reste largement sous-estimée, car il est difficile de quantifier leurs ressources réelles. Il est en tout cas certain que c’est chez les jeunes que la pauvreté a le plus progressé ces quinze dernières années, avec une hausse de 50 % entre 2002 et 2017. La situation ne s’est pas arrangée depuis lors, avec 1 400 000 jeunes vivant sous le seuil de pauvreté. On ne peut donc pas considérer tous les jeunes comme des profiteurs à qui on donnerait des sommes mirobolantes sans contrepartie. Qui peut être heureux de vivre avec 600 euros par mois ? Et si certains les accusent de frauder, qu’ils n’oublient pas d’autres fraudes, comme celle que j’ai découverte ce matin dans la presse commise par de grandes banques – mais là, on parle de 140 milliards d’euros : c’est comme comparer des cacahuètes et du caviar...

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Tout l’objet de notre débat est tout de même de savoir si la France restera le seul pays d’Europe, avec le Luxembourg, à ne pas accorder de revenu minimum aux jeunes...

Plus d’un quart des moins de 25 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Ils sont donc vulnérables dans leur formation, car lorsqu’on est obligé de fréquenter la banque alimentaire ou d’occuper un emploi de nuit, on ne peut pas se concentrer pour étudier et mener ses études à leur terme – peut-être y êtes-vous parvenus, et je vous en félicite, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Ils sont également vulnérables dans la recherche d’un emploi, lorsqu’ils hésitent à faire un plein d’essence pour se rendre à un entretien d’embauche ou à un forum de l’emploi. Bref nous chipotons sur la sécurité matérielle des jeunes, et tout ça pour des montants qui représentent la moitié du seuil de pauvreté ! C’est en parfait décalage avec ce qui se passe dans le pays. Après tout, l’un des grands enjeux de l’ouverture du RSA, c’est que les jeunes puissent s’offrir du sérum physiologique pour les cas où vous les faites gazer dans les manifestations...

Un autre véritable enjeu est celui des projets que peuvent entreprendre les jeunes. Si vous ne sécurisez pas une aide inscrite dans le temps, qu’ils sachent acquise pour plus d’une année, vous leur rendez difficile de concevoir un projet de formation qualifiante, d’accès à l’emploi, d’installation, de vie de famille. Votre position rend tous les jeunes vulnérables.

Selon vous, le RSA n’est pas un tremplin. Mais la misère en est-elle un ? Car c’est cela, l’alternative ! Sinon, donnez des emplois à tout le monde, et nous retirerons le texte ! La vraie question est de savoir si on a droit à la sécurité matérielle lorsqu’on a moins de 25 ans. Vous dites non, nous oui.

Du reste, toutes les études montrent que le passage de 24 à 25 ans ne change rien au taux de retour à l’emploi. Le RSA n’a donc pas d’effet désincitatif. Bien au contraire, il vient appuyer les projets des jeunes.

M. Paul Christophe (HOR). Je vous rassure, j’ai dû travailler pour financer mes études. Paradoxalement, il fallait à l’époque être salarié pour bénéficier des APL... C’était vraiment très incitatif !

Il y a plusieurs aspects à prendre en compte. Dans certains cas, les jeunes souffrent d’une méconnaissance du droit existant, et d’un déficit manifeste d’orientation, voire de formation. Le RSA n’est alors pas la réponse – peut-être faut-il inventer un autre dispositif.

Quant aux fraudeurs au RSA, il en existe. Dans le Nord, par exemple, où l’on comptait 115 000 allocataires voilà six ans, 2 500 ont disparu d’un coup lorsqu’il a été annoncé qu’on allait accompagner le retour à l’emploi : il s’agissait de ceux qui travaillaient en Belgique tout en bénéficiant du RSA en France. Bien sûr, ce n’est qu’une certaine proportion, mais gardons-nous des amalgames.

Nous voulons tous faire progresser l’accompagnement des plus jeunes, et je ne pense pas que le RSA soit la clef d’entrée. Il a du reste quelque chose de stigmatisant. Les jeunes méritent mieux. Il y a sans doute d’autres dispositifs à réarticuler ou à renforcer.

Mme la rapporteure. Il faut le repréciser : sur le site du Gouvernement, au 2 novembre 2021, Jean Castex a annoncé 400 000 CEJ.

Je connais bien les missions locales, que j’ai auditionnées à de nombreuses reprises en tant que rapporteure spéciale pour le Sénat des crédits de la mission Travail et emploi. Je n’ai donc aucunement l’intention de les attaquer. Ce sont de bons outils. Souvent soutenues par les collectivités locales, elles sont confrontées aux baisses de dotations, comme c’est le cas dans ma région d’Île-de-France en raison de la politique de Mme Pécresse. Pour certains professionnels, toutefois, l’obligation d’accomplir quinze à vingt heures, s’agissant de jeunes très en retrait, nuit au lien que les conseillers créent avec eux. Cette réalité ne correspond pas au projet lancé dans les années 1980 par Bertrand Schwartz, qui reposait sur l’accompagnement global du jeune et qui a fait ses preuves. Nous devons aider et soutenir les missions locales.

Le dispositif de Lyon ne concurrence donc nullement le CEJ. Il vient aider des jeunes qui seraient, par exemple, en attente d’un CEJ ou d’autres aides, en leur donnant, comme le ferait le RSA, la certitude d’avoir un droit. De fait, les autres dispositifs ne sont pas des droits pour les jeunes : il faut y avoir accès. Et pour cela, il faut aller à la mission locale, qui peut être un peu éloignée, ou auprès de Pôle emploi, ce qui peut être difficile, ou encore il faut lever ses propres freins...

En outre, ces dispositifs sont insuffisamment dotés pour répondre à tous les besoins. Alors que plus d’un million de jeunes pourraient relever du CEJ, seuls 200 000 à 300 000 en bénéficient. Les autres, on les retrouve dans les statistiques de la pauvreté. Dans les faits, certains dorment dehors. Allons-nous nous contenter de perpétuer ces dispositifs ?

Supprimer l’article 1er sans proposer rien d’autre que les dispositifs qui existent déjà et dont on connaît l’insuffisance n’est pas responsable. Il faut trouver les voies pour remédier à la situation que connaît aujourd’hui notre jeunesse.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS20 de Mme Christelle D’Intorni, AS21 de Mme Charlotte Leduc et AS5 de M. Bryan Masson tombent.

Après l’article 1er

Amendement AS6 de M. Bryan Masson.

M. Bryan Masson (RN). L’amendement vise à favoriser l’accompagnement des étudiants français dans la poursuite d’études supérieures, parfois compromise par la précarité de leur famille. Accompagner un jeune dans ses études supérieures n’est pas à la portée de toutes les familles. Les plus modestes et les classes moyennes ne peuvent bien souvent pas payer un loyer et des frais de scolarité pour leurs enfants, ce qui compromet leur entrée dans l’âge adulte.

La précarité est devenue un passage obligé, parfois même un horizon, pour des centaines de milliers de jeunes Français. Plusieurs études évaluent à un million le nombre d’étudiants qui travaillent durant leurs études. Il apparaît ainsi essentiel de les soutenir sans réserve, en encourageant non seulement leur activité, mais aussi la réussite de leur formation.

Mme la rapporteure. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’instaurer un système de bourses correspondant aux besoins. Nul besoin de demander un rapport.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Nous connaissons enfin la proposition du Rassemblement national contre la précarité étudiante, et elle s’est éclatée au sol ! Vous voulez donner entre 200 et 300 euros par mois aux étudiants, mais seulement à ceux qui travaillent à côté de leurs études. La première cause d’échec en licence étant les jobs étudiants, vous proposez donc d’encourager la principale inégalité entre étudiants. Qui plus est, tous les jeunes ne parviennent pas à cumuler job et université, et ne méritent pas pour autant d’être privés d’études. Le plus incroyable est qu’un contrat de quinze heures ne permettrait même pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.

Finalement, au Rassemblement national, vous êtes comme Macron, vous acceptez la fatalité d’une précarité étudiante en France. Marine Le Pen est à la précarité ce que Macron est à la démocratie : une gigantesque arnaque.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Au-delà d’un rapport visant à évaluer le niveau de précarité étudiante, cet amendement tend à instaurer une sorte de prime au mérite qui ne coïncide pas avec notre vision de l’universalité et ne répond en outre pas du tout aux besoins des étudiantes et des étudiants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS22 de M. Louis Boyard.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). L’amendement vise à la remise d’un rapport sur les modalités de création et de financement d’une garantie d’autonomie universelle, prenant en compte les propositions formulées par la NUPES pour sortir les étudiants de la précarité, qui sont constamment taxées d’instaurer de l’assistanat.

Nous voulons un débat de fond. Le problème de la précarité étudiante ressemble à celui des retraites. Jadis, on demandait aux familles de financer le grand âge, la vie de personnes qui ne pouvaient plus travailler. Des millions de familles n’étaient malheureusement pas en mesure d’assurer cette solidarité familiale et des retraités vivaient dans la précarité. Il en va de même ici : on demande aux familles de financer les études de leurs enfants en leur assurant un revenu supérieur au seuil de pauvreté, mais une immense partie des familles ne peuvent pas se le permettre.

Voilà pourquoi nous proposons de passer d’une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale. Il ne suffit pas de crier à l’assistanat : nous souhaiterions vous entendre évoquer sur le fond le rapport entre solidarité familiale et solidarité sociale et nationale. Nous pourrions alors avoir un débat apaisé, et peut-être les étudiants pourraient-ils alors vous écouter sans avoir les oreilles qui sifflent.

M. Paul Christophe (HOR). J’ai l’impression que c’est M. Boyard qui est en train de craquer ! La grande solution que vous proposez, c’est donc un... rapport ? Figurez-vous que tout le monde n’a pas eu la chance de financer ses études en passant chez Hanouna ! J’aimerais que vous présentiez vos amendements de façon un peu plus mesurée, les invectives ne sont pas de mise ici.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Notre proposition, qui répond à une urgence et à un problème structurel, ne constitue pas le projet politique global que nous portons pour la jeunesse. Si nous avons proposé bourses et RSA – lequel n’est assurément pas le paradis sur terre – c’est simplement pour apporter des aides et donner un droit.

Il faut engager une réforme fiscale très profonde, qui remette aussi en question la familialisation et la définition des foyers fiscaux, mais cela prend du temps et dépasse le cadre d’une proposition de loi. Il faut une réflexion approfondie pour que les jeunes puissent disposer d’un véritable outil leur permettant de construire leur autonomie. La justice fiscale doit être refondée pour que chaque enfant soit aidé de la même manière, et non pas en fonction du foyer où il naît.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Voter cet amendement est une question de bon sens. Puisque vous ne cessez de dire que vous êtes presque d’accord avec nous, sauf qu’il y a toujours une objection, un rapport permettrait de savoir quelles garanties d’autonomie nous pouvons proposer aux jeunes. C’est bien beau de dire qu’il faut travailler, entrer dans la vie active, mais voulez-vous que les élèves infirmières, qui sont payées 1 euro de l’heure quand elles ont de la chance, aillent travailler le soir dans des fast foods après leurs douze heures de stage ? Nous manquons cruellement de soignants, et vous leur demandez de travailler en plus de leur formation ? Vous êtes satisfaits qu’un interne en médecine, avec le nombre d’heures qu’il effectue, touche moins de 500 euros ? Et il y a tant d’autres exemples... (Exclamations.)

À voir vos réactions, il est clair que quand vous avez tort, vous le prenez mal. Mais il y a des solutions à trouver. Montrez que vous vous intéressez au financement de l’autonomie des jeunes, votez ce rapport, ça vous fera du bien !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS12 de M. Bryan Masson.

M. Bryan Masson (RN). La jeunesse de France, des étudiants aux jeunes actifs, subit de plein fouet la crise du pouvoir d’achat et l’augmentation du prix de la vie. Au‑delà de l’explosion du prix des énergies cette année, celui des transports a aussi un impact considérable sur le budget des jeunes. Or l’entrée en formation professionnelle ou supérieure contraint de nombreux jeunes à s’éloigner de leur famille, le centre de formation des apprentis, l’université ou l’entreprise formatrice n’étant que rarement à proximité du domicile familial : les jeunes sont dès lors souvent contraints d’abandonner la mobilité pour financer leur logement et les produits alimentaires.

La gratuité des transports ferroviaires, qu’il s’agisse de lignes régionales ou nationales, pour tous les Français de 18 à 25 ans et aux heures creuses, serait un véritable coup de pouce pour la santé financière de la jeunesse.

Mme la rapporteure. Les besoins de mobilité de la jeunesse ne se limitent pas aux heures creuses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Réforme du système de bourses

Amendement AS29 rectifié de Mme Anne Brugnera, sous-amendements AS35 et AS38 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Anne Brugnera (RE). Notre système de bourses est primordial pour la démocratisation de l’enseignement supérieur et, surtout, pour l’émancipation de notre jeunesse et la lutte contre les déterminismes sociaux. Ce système, vieux de trente ans, est toutefois complexe et comporte plusieurs limites, dont certaines sont conjoncturelles et d’autres structurelles. C’est pourquoi a été lancée une concertation sur la vie étudiante – j’espère, chers collègues qui êtes intéressés par la question des bourses, que vous y avez participé – et qu’une mission a été confiée à M. Jean-Michel Jolion.

Les principaux écueils auxquels se heurte notre système sont le caractère figé du barème, qui a pu faire sortir certains étudiants du système des bourses, le fait qu’il compte huit échelons, qui produisent des effets de seuil, la perception des bourses sur dix mois, qui peut poser problème l’été, et la non-automaticité des revalorisations. Mon amendement vise donc à l’annualisation les bourses et à leur indexation. J’appelle aussi de mes vœux, dans l’exposé des motifs, la révision du barème et sa linéarisation, qui relève quant à elle d’un arrêté ministériel et non de la loi.

Comme vous je l’espère, et comme les syndicats étudiants, j’ai écouté avec attention les annonces de la ministre sur les premières mesures de la réforme des bourses. À la rentrée 2023, il y aura un engagement financier sans précédent de 500 millions d’euros, une augmentation de 20 % du budget des bourses étudiantes, 35 000 nouveaux boursiers et une annualisation des effets de seuil.

Je retire donc l’amendement et resterai très vigilante quant à la mise en œuvre de ces premières mesures et, surtout, quant à l’acte 2 de la réforme des bourses, qui devra notamment aborder la question plus globale de l’annualisation. Je souhaite que cette réforme soit véritablement transformatrice, simplificatrice et ambitieuse pour tous nos étudiants.

Mme la rapporteure. Je regrette le retrait de cet amendement qui, après les annonces de la ministre, qui nous ont laissés sur notre faim, offrait peut-être une possibilité de converger vers une amélioration notable du système de bourses. Il allait au-delà du rattrapage des difficultés et des erreurs de l’année précédente, avec notamment une indexation sur l’inflation. Même s’il n’était pas aussi ambitieux que les mesures que nous défendons, cet amendement permettait des avancées réelles et importantes au bénéfice des étudiants et des étudiantes. Je regrette que nous ne puissions en débattre.

Mme Anne Brugnera (RE). Je vous invite à étudier de près les annonces de la ministre, qui satisfont plusieurs des points figurant dans cet amendement. Je précise par ailleurs, au vu du premier de vos sous-amendements, que l’année universitaire comporte douze mois, de septembre à août.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). De nombreux étudiants s’intéressent au sort de cet amendement, qui leur a laissé espérer que les députés Renaissance, après avoir refusé le repas à 1 euro, allaient enfin servir à quelque chose dans la lutte contre la précarité étudiante. Et voilà qu’au prétexte d’une augmentation de 37 euros, vous empêchez un débat et un vote sur des mesures dont vous avez vous-même reconnu l’importance : la possibilité de toucher la bourse durant l’été et son indexation sur l’inflation !

Alors que le dépôt de cet amendement répondait à un engagement sincère de votre part, aucune de vos propositions n’est apparue dans celles de la ministre. Les députés Renaissance ont-ils donc, une fois encore, abandonné les étudiants ? Vous avez ouvert des débats très intéressants, sans aucune réponse.

Voilà six ans qu’on nous annonce la réforme des bourses, et c’est pour aboutir à ça, à ce truc low cost ? Et vous retirez votre amendement ? Quelle déception !

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Comme Mme Brugnera le soulignait à juste titre, les bourses permettent de lutter contre les déterminismes sociaux et toutes les inégalités qui s’accroissent dans notre pays, et je regrette moi aussi le retrait de cet amendement. Vous nous renvoyez à des concertations mais, après moult conseils et cahiers de doléances, tous les grands échanges débouchent sur des solutions qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Cette réforme se fera donc en deux temps, comme l’a expliqué la ministre : nous verrons quel sera le second. Certes, 500 millions d’euros, ce n’est pas négligeable, mais c’est loin des 11 milliards que la proposition de loi entendait mobiliser pour permettre à un million et demi d’étudiants, la moitié de ceux que compte la France, de recevoir une bourse.

La distribution alimentaire organisée aux Invalides n’avait rien de démagogique. Ce n’est pas la première fois que j’y assiste, et je n’y fais habituellement pas de photos ou de vidéos. Ces dernières avaient valeur d’invitation. Il est dommage que vous ne soyez pas venus échanger avec ces jeunes, qui vous auraient exposé sans aucune agressivité leur quotidien et leurs difficultés.

M. Paul Christophe (HOR). La ministre ayant présenté ses annonces comme une première série de mesures, j’attends, comme vous, la seconde. On voudrait faire croire que nous ne nous intéressons pas à la question, mais c’est très loin de la vérité.

Je suis cependant dubitatif quant à l’indexation sur l’inflation. Il est arrivé que le Gouvernement décide d’augmenter les montants en l’absence de toute inflation : cela risque de devenir impossible si nous nous enfermons dans cette indexation. Nous devons donc nous doter d’un mécanisme permettant les deux solutions.

Quant aux effets de seuil, votre intention est louable, mais vous ne pourrez pas les supprimer. À quelques euros près de revenus, on peut perdre 600 euros de prestations, comme nous l’ont confirmé des témoignages directs.

Nous n’aurons donc pas clos le sujet et je serai très attentif aux annonces qui compléteront celles qui ont été faites aujourd’hui, qui, si elles ont le mérite de poser une première pierre, n’ont pas réglé tous les problèmes.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Monsieur Boyard, vous demandez que les bourses soient revalorisées face à l’inflation. Mais c’est ce que nous avons fait dès que nous avons été élus, dans le cadre de la loi relative au pouvoir d’achat, que vous n’avez pas votée ! Ne nous donnez pas de leçons, nous vous avons donné l’occasion de faire ce geste avec nous et vous ne l’avez pas fait. Encore une fois, vous passez sous silence toutes les mesures que j’ai énumérées tout à l’heure, de même que les annonces sur l’augmentation du nombre de boursiers et du montant des bourses, ainsi que le renforcement de l’accès aux bourses pour tous les étudiants.

Mme Anne Brugnera (RE). Pour ma part, je participe depuis longtemps aux distributions alimentaires aux étudiants dans ma circonscription, mais je ne me rends pas sur l’esplanade des Invalides pour en faire des vidéos et des tweets. Nous avons déployé de nombreuses aides pendant le covid. Le repas à 1 euro pour tous, c’est nous qui l’avons fait. Nous l’avons ensuite réservé aux boursiers ainsi qu’aux étudiants précaires, justement parce que de nombreux étudiants étaient sortis du barème et que, en attendant sa révision, nous voulions qu’ils aient accès à ce repas à 1 euro.

Certains disent que la concertation vient d’être lancée : elle a lieu depuis plusieurs mois, et je vous encourage à la rejoindre ! Les étudiants y ont d’ailleurs participé en masse, avec tous les acteurs de l’enseignement supérieur ou les associations de l’aide alimentaire. Elle a abouti aux premières mesures de la réforme, et servira aussi à son acte 2.

Parmi les premières mesures figure l’annulation des effets de seuil. Ce n’est pas suffisant : nous voulons la linéarisation et l’indexation automatique des bourses, mesures qui seront intégrées à l’acte 2.

Nous avons revalorisé plusieurs fois les bourses. Ce n’est pas encore satisfaisant, mais dégager 500 millions d’euros supplémentaires ou réintégrer 35 000 étudiants dans le système des bourses, ce n’est pas négligeable – d’autant que, vous le savez, avoir une bourse donne accès à des logements du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), à des repas à 1 euro et à bien d’autres avantages.

Vous ne faites que parler. Nous, nous agissons pour les étudiants, et ils ne sont pas dupes !

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Vous nous prenez vraiment pour des lapins de six semaines ! L’inflation serait donc de 3,5 %, et le prix des pâtes n’aurait pas augmenté ? Quelles bonnes nouvelles !

Quant aux annonces... Lors de la précédente législature, le ministre de la santé et le Président de la République avaient annoncé à plusieurs reprises l’arrivée imminente d’une loi grande âge et autonomie. Six ans plus tard, toujours rien. Je ne suis pas là pour écouter les effets d’annonce d’une ministre, mais pour voter la loi. C’est ce que nous pouvons faire aujourd’hui. Je regrette vraiment que l’amendement soit retiré. Si la ministre fait mieux plus tard, tant mieux, mais en attendant, il faut aider les jeunes !

Quant aux tweets et aux vidéos, ils n’ont rien à voir avec le débat. Beaucoup de personnes qui participent aux distributions ne se filment pas. Arrêtez avec ça : ce qui compte, c’est que des jeunes commencent leur vie en faisant la queue pour pouvoir manger !

Vous dites que vous avez fait plein de choses pendant le covid, mais nous vous avions proposé les mêmes mesures quelques mois auparavant et vous ne les aviez pas votées – les amendements sont faciles à retrouver. Il a fallu la crise covid pour vous dire que nous avions peut-être raison.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ne dites pas que rien n’a été fait. La puissance publique a été présente pendant la crise du covid. Dans la seule région Bourgogne-Franche-Comté, l’aide alimentaire, qui était de 360 000 euros en 2019, est passée à 3 millions en 2020. Les associations sur le terrain le reconnaissent. Certes, je préférerais qu’il n’y ait pas de pauvres, mais la situation des plus vulnérables est prise en compte. Cela mérite d’être dit.

Mme la rapporteure. Peut-être les médias donnent-ils à voir ce qui serait invisible dans notre société ? J’aurais préféré ne jamais avoir à aller sur l’esplanade des Invalides pour participer à...

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Une mascarade !

Mme la rapporteure. Ce que vous appelez une mascarade, ce sont des jeunes venus chercher des pâtes, du lait, du beurre. Mais comme vous l’envisagez ainsi, vous ne cherchez pas à répondre à la situation.

Madame Parmentier-Lecocq, le réel n’est pas une mascarade, pas plus que la situation de détresse des jeunes. Alors parfois, il faut mettre ces situations en pleine lumière, sans quoi elles restent invisibles. Je l’assume. Nous avons organisé cette distribution en lien avec les organisations étudiantes, qui ont effectivement participé à la concertation et qui attendaient beaucoup des annonces de la ministre – beaucoup et longtemps : les annonces devaient arriver en février, et non fin mars. Ce que certaines disent, c’est « Tout ça pour ça ! ».

Oui, il y a un rattrapage. Oui, il y aura davantage d’étudiants boursiers à la rentrée prochaine qu’à la précédente – mais parce que 40 000 foyers avaient été exclus du dispositif l’année dernière, faute de revalorisation du barème ! Alors, que 35 000 étudiants soient réintégrés, tant mieux, mais cela ne peut pas être présenté comme une grande avancée sociale. Ça, c’est de la démagogie, si l’on veut se donner des leçons en la matière.

Je regrette que Mme Brugnera ait retiré son amendement car il comportait des mesures qui ne figurent pas dans les annonces de la ministre. Je pense notamment au versement des prestations sur dix ou douze mois, ainsi qu’à la garantie d’indexation sur l’inflation : quel soulagement ce serait pour les étudiants ! Oui, les annonces sont décevantes et je regrette que nous ne puissions pas construire ensemble un meilleur dispositif que celui de la ministre. Le Parlement doit prendre sa place, au lieu d’attendre les annonces ministérielles !

M. Joël Aviragnet (SOC). Lorsque j’étais directeur de maison d’enfant à caractère social, j’ai vu des jeunes de 18 ans partir pour travailler, perdre leur emploi au bout de six mois et se retrouver sous les ponts. Je me suis aussi occupé de soupes populaires, où des jeunes – certains étudiants, d’autres non – venaient chercher de quoi manger. Face à une telle misère, on ne peut pas parler de mascarade. La misère humaine, cela se respecte. Ces propos sont ignobles.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur le député, personne n’a dit cela, et personne ne le pense. Ce qui était une mascarade, c’était la mise en scène de certains députés, non la misère humaine. Nous avons tous le souci de nos jeunes, qui sont l’avenir de notre pays.

L’amendement est retiré.

En conséquence, les sous-amendements tombent.

Amendement AS2 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement tend à supprimer l’alinéa 6, qui vise à porter le montant des bourses à 60 % du revenu médian, ce que vous estimez être le seuil de pauvreté, c’est-à-dire 1 102 euros.

Il y aurait eu un grand nombre de mesures à discuter. Il aurait pu être question des bourses au mérite pour les classes moyennes ; du logement étudiant dans les grandes villes ; de la localisation des formations – toujours dans les métropoles, où la vie est si chère. Mais non : avec vous, c’est toujours davantage d’argent public, davantage d’aides.

L’extension des bourses aux étudiants étrangers a deux effets pervers. Elle peut conduire ces derniers à s’inscrire le plus longtemps possible dans des cursus, sans nullement vouloir y trouver un débouché professionnel, afin de toucher un montant qui s’approche tout doucement du Smic. Elle peut aussi susciter un appel d’air d’étudiants étrangers qui ne seraient pas attirés par la qualité de nos cursus. Il y a bien mieux à faire.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Les étudiants sont un investissement pour notre pays : il faut les accompagner vers la réussite. Quitte à ce que les jeunes étudient, il faut leur en donner les moyens. Les plus avancés dans leurs études doivent pouvoir aller en cours, faire leurs devoirs, réviser, sans être obligés de travailler en parallèle. Nous assumons ce montant élevé de prestations pour les étudiants éligibles.

S’agissant des étudiants étrangers, dès lors que nous les accueillons dans nos universités, il faut leur permettre d’étudier dans de bonnes conditions. C’est un enrichissement pour la France et pour nos universités. Des pays comme les États-Unis ou le Canada se sont dotés de politiques d’ouverture : ils ont raison, il faut que les étudiants étrangers viennent nous enrichir de leur culture. Certains resteront, d’autres partiront. Dans tous les cas, ils apporteront quelque chose à notre société. Nous voulons donner à ceux qui n’ont pas de moyens personnels – certains en ont – la capacité à vivre dignement dans notre pays.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Vous dites que si l’on revalorise les bourses, des jeunes voudront s’inscrire à la fac. Moi, je trouve que c’est plutôt une bonne nouvelle mais si pour vous c’est une mauvaise, alors votez le texte, instaurez le RSA jeunes ! Vous aurez résolu à la fois le problème de l’accès à l’université et vos contradictions.

Quant aux étudiants étrangers, il me semble qu’il faut soutenir tous les jeunes en formation, quels que soient leur pays d’origine ou leur nationalité. D’abord parce qu’à travail égal, il semble cruel de leur réserver un sort distinct, et ensuite parce qu’il y a un risque de mettre les autres étudiants en difficulté : si vous mettez un obstacle supplémentaire à de jeunes étrangers en formation, la durée de leurs études se trouvera allongée et les amphis surchargés. Au contraire, aider les uns à réussir a toujours un effet bénéfique sur les autres.

Pour ce qui est d’un « appel d’air d’étudiants », je ne crois pas que, dans le tiers monde, les habitants des villages se rassemblent pour étudier quelle filière, du génie mécanique ou des mathématiques appliquées, ouvre les droits les plus intéressants au Crous. Cela n’existe pas. Il n’est pas vrai qu’une aide sociale attirerait les étudiants étrangers : ils viennent en France pour la qualité d’un cursus, pas pour une aide de 10 ou 15 euros.

M. Fabien Di Filippo (LR). On se demande bien pourquoi des étudiants viennent étudier en France si l’accueil qu’on leur réserve est aussi « cruel » !

Lorsque des Français souhaitent étudier à l’étranger, ils peuvent bénéficier de dispositifs de réciprocité légitimes, comme les bourses croisées d’Erasmus au sein de l’Union européenne.

En dehors de l’Union européenne, en revanche, les étudiants français non seulement n’ont pas forcément accès au logement social et aux bourses, mais doivent parfois justifier d’une certaine somme sur leur compte bancaire. Avant de dire que nous accueillons mal les étudiants étrangers et que le contribuable français doit y remédier, on peut se demander si la réciprocité est assurée ailleurs. Mais ces pays ont sans doute un rapport culturel au travail, à l’investissement, à la responsabilité personnelle bien différent du nôtre. J’envisage la mesure que vous proposez comme une dérive.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Monsieur Di Filippo, si vous voulez une réciprocité, il faut qu’un pays commence : pourquoi pas la France ?

Il est question de grands principes, de constats abstraits, d’« appel d’air » ou d’étudiants qui « profiteraient ». Quand parlerons-nous du vrai sujet, les étudiants ? La très grande majorité des étudiants étrangers viennent en France en toute bonne volonté, sans bourse. Comment font-ils pour se loger, boire, manger, s’habiller, ce qui est déjà très difficile pour des étudiants français boursiers ?

Enfin, nous ne disons pas que vous n’avez rien fait mais que, au vu de l’immense misère qui existe dans ce pays, vous ne faites pas assez. On parle d’étudiants qui ne mangent pas à leur faim tous les jours, qui ne peuvent pas se loger ! Vous parlez de budgets qui passent de 360 000 à 3 millions d’euros, de 500 millions consacrés aux bourses, mais les gens se fichent pas mal de ces montants ! Ce qui compte, c’est qu’ils aient dans leur portefeuille de quoi leur assurer le minimum de la dignité humaine, et ce n’est pas le cas aujourd’hui !

Quittez vos tableurs et entrez dans la réalité ! (Exclamations.) Les personnes sur l’esplanade étaient de vrais étudiants précaires, venus vous demander de les entendre. Vous avez refusé le repas à 1 euro. Vous aviez déposé un amendement intéressant, vous l’avez retiré. Et vous parlez de mascarade ! (Mouvements divers.) Ces gens essaient de vous faire entendre des choses. Vous devriez les traiter avec respect.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c’est le Président de la République et cette majorité qui ont instauré le repas à 1 euro. Pendant la crise sanitaire, nous l’avons étendu à l’ensemble des étudiants, sans critères sociaux.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Vous avez refusé de continuer !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ensuite, nous l’avons maintenu pour les boursiers et les étudiants en grande précarité. Ne dites pas que rien n’a été fait ! Oui, je trouverais choquant que l’enfant d’un ingénieur ou d’un député bénéfice du repas à 1 euro. En revanche, un étudiant en rupture familiale trouve de l’accompagnement dans son Crous et bénéficie du repas à 1 euro, ne dites pas le contraire.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Les étudiants en grande précarité n’en bénéficient pas !

Mme Fanta Berete (RE). Ce sont des mensonges ! C’est insupportable !

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). J’entends les arguments de la droite, mais le principe des bourses est qu’il n’y a pas de « contrepartie », comme vous l’évoquez dans votre exposé sommaire. La contrepartie, c’est d’étudier. Une bourse ne se mérite pas, elle compense une situation sociale délicate, pour pouvoir étudier dans de bonnes conditions. Quand les étudiants sont obligés de cumuler études et travail, la moitié d’entre eux arrêtent leurs études.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS17 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

M. Joël Aviragnet (SOC). Cet amendement de repli vise à lisser les effets de seuil que présente le système actuel à huit échelons : entre deux échelons, le montant de la bourse peut différer de 800 euros, ce qui peut être perçu comme injuste par les bénéficiaires. Il inscrit dans le dispositif législatif les seuils supplémentaires que veut créer le texte, soit douze échelons en tout, tout en renvoyant leur fixation à un décret plutôt qu’à un arrêté.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS23 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI - NUPES). Venant de la commission des finances, je suis choquée par l’ambiance qui règne ici, et atterrée par le mépris qui s’exprime pour les étudiants en galère.

L’amendement vise à rendre les étudiants étrangers éligibles au système de bourses universitaires dans les mêmes conditions que les étudiants de nationalité française. Les étudiants étrangers subissent une triple précarité, pédagogique, sociale et administrative. Cette précarité résulte notamment d’une politique discriminatoire. L’accès aux bourses pour les étrangers est un parcours du combattant. Pour y prétendre, les ressortissants européens doivent avoir occupé un emploi en France au cours de l’année de référence n-2, ou avoir des parents qui ont perçu des revenus en France, ou justifier de plus d’un an de présence continue dans le territoire. Les étudiants extra-européens doivent soit justifier d’un statut de réfugié reconnu par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit être titulaires d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de résident, être domiciliés en France et y attester d’un foyer fiscal depuis au moins deux ans. Depuis la rentrée 2019, dans le cadre du programme Bienvenue en France, ils ont subi une augmentation sans précédent des droits d’inscription, passés de 170 à 2 770 euros pour une licence par exemple.

Cette politique est en contradiction avec le droit fondamental à l’égal accès à l’enseignement supérieur pour toutes et tous. Selon le Préambule de la Constitution de 1946, « La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Les étudiants étrangers vivent souvent dans une grande précarité : ils sont nombreux dans les files de distribution d’aide alimentaire. Si nous les avons accueillis pour faire des études et s’ils sont inscrits dans nos universités, nous devons les accompagner vers la réussite. Nous devons leur donner des moyens de subsistance afin qu’ils puissent mener leurs études, voire rester en France et travailler, s’ils le souhaitent, dans les nombreux métiers en tension – informaticiens, médecins, soignants.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Élargir les bourses aux étudiants étrangers figurait dans l’amendement que vous avez retiré, madame Brugnera. La disposition ne figure pas dans les annonces de la ministre. Vous avez ici l’occasion d’ouvrir les droits que vous défendiez : voterez-vous l’amendement ?

M. Marc Ferracci (RE). Monsieur Boyard, j’ai passé beaucoup plus de temps que vous au contact des étudiants, notamment étrangers, en tant qu’enseignant-chercheur, responsable de formation en licence et master. Il faut arrêter l’hypocrisie, la démagogie, arrêter de mépriser les étudiants, notamment étrangers, en faisant de leurs problèmes un carburant politique pour votre parti. Vous pourrez donner des leçons sur les étudiants étrangers lorsque vous aurez passé du temps avec eux pour résoudre leurs problèmes de titre de séjour à la préfecture, ou pour aménager leurs examens, ou pour les aider à travailler – car ils sont demandeurs.

Je réponds à votre interpellation constante : vous vous posez en seul défenseur des étudiants alors qu’il y a ici des gens qui connaissent très bien les étudiants et le monde universitaire. Je pense en particulier à ma collègue Anne Brugnera. Vous donnez des leçons à tout le monde. La réalité est que vous n’êtes nullement en capacité de le faire.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). J’étais dans les distributions alimentaires ! Je connais très bien les étudiants !

Mme la présidente Fadila Khattabi. J’en appelle au calme, et pour tout le monde, monsieur Boyard !

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). Je ne donnerai de leçon à personne. Je souscris à l’amendement de Mme Leduc et du groupe La France insoumise. Les étudiants de nationalité étrangère sont bien plus exposés à la pauvreté et à la précarité. Ils cumulent les difficultés : l’éloignement familial, l’isolement, la non-éligibilité à certaines aides, la méconnaissance de celles auxquelles ils auraient droit. Leur vie est loin d’être un long fleuve tranquille.

Par ailleurs, nous n’avons pas examiné l’amendement précédent, AS19, qui n’a pas été soutenu. Dans les trois lignes de son exposé sommaire figurent les termes de « préférence nationale ». J’en reste sidéré.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Après l’article 2

L’amendement AS30 de Mme Anne Brugnera est retiré.

Article 3 : Suppression d’exemptions d’assiette sur les droits de mutation à titre gratuit

Amendements de suppression AS3 de M. Fabien Di Filippo, AS11 de M. Bryan Masson et AS31 de Mme Claire Guichard.

M. Fabien Di Filippo (LR). Par cet article, visant à financer le revenu jeunes et les bourses étudiantes, vous réussissez l’exploit de punir les classes moyennes qui travaillent toute leur vie pour transmettre un patrimoine à leurs enfants et d’aller encore plus loin dans une fiscalité confiscatoire.

La solidarité familiale est pourtant une valeur noble, même si elle est éloignée de vos principes. En taxant l’héritage à hauteur de 16 milliards d’euros, soit davantage que l’enjeu de la réforme des retraites, vous ferez fuir de nombreuses personnes de notre pays. Si les aides sociales ne démarrent qu’à 25 ans, c’est aussi car les familles sont tenues d’aider leurs enfants dans leurs projets d’études jusqu’à cet âge. Pour moi, attaquer ces solidarités familiales pour leur substituer une solidarité étatique fragilise les fondements mêmes de notre nation.

C’est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.

M. Bryan Masson (RN). Contrairement à la petite musique que l’on entend trop souvent, l’héritage n’est pas un gros mot ; être héritier n’est pas une tare.

Madame la rapporteure, vous disiez vouloir mettre fin à une société d’héritiers. Mais l’héritage n’est pas une punition, ni un fardeau, la solidarité familiale est une valeur importante ! Pour financer l’ouverture de RSA aux jeunes, vous sanctionnez les classes moyennes, ces personnes qui ont travaillé dur toute une vie pour acheter un bien et le transmettre à leurs enfants.

De façon générale, les droits de succession sont à mes yeux une double peine, après la mort. N’ayons pas peur de défendre l’héritage, les donations, la solidarité familiale que vous voulez mettre à mal. La doctrine de la gauche, c’est de faire table rase, de faire éclater la famille.

Mme Claire Guichard (RE). L’article 3 propose une réforme d’ampleur de la fiscalité des successions sans aucune étude d’impact, donc sans en mesurer les conséquences concrètes. En outre, les mesures fiscales que vous envisagez n’ont pas leur place dans une proposition de loi mais dans une loi de finances.

Mme la rapporteure. Comme vous le savez, une proposition de loi ne peut malheureusement pas être assortie d’une étude d’impact. En revanche, l’article 3 s’appuie sur une étude très fouillée du CAE, institution placée auprès de la Première ministre, datant de décembre 2021. Celle-ci montre un creusement des inégalités dans notre pays. Nous devenons une société d’héritiers. Autrement dit, seuls quelques-uns conservent une part de plus en plus importante de la richesse nationale.

Cette note ne recommande pas de mettre davantage à contribution les classes moyennes et, je le répète puisque vous semblez ne pas vouloir l’entendre, notre proposition de loi ne les vise absolument.pas.

Un tiers des Français ne paient pas de droits de succession ; il ne s’agit pas de leur en faire payer. Les 10 % les plus aisés, eux, héritent de plus de 500 000 euros. Le code général des impôts prévoit de les taxer à hauteur de 45 %, mais dans les faits, grâce aux niches fiscales, le taux réel est de... 2 à 3 % !

Vous ne voulez pas que le fils de Bernard Arnault ait accès à un repas à 1 euro, mais vous ne voyez pas d’inconvénient à ce qu’il touche son héritage le plus largement et le plus tranquillement possible. Grâce aux innombrables dispositifs fiscaux, il peut dormir sur ses deux oreilles, il sera aussi riche que son papa.

D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à la fiscalité des successions. Lors de l’examen du projet de loi de finances, ce sujet a fait l’objet d’un débat très intéressant avec le rapporteur général et Jean-Paul Mattei. Tous deux avaient alors admis que le statu quo en la matière n’était plus tenable et plaidé pour la création d’un groupe de travail.

Oui, il y a un problème dans la taxation de l’héritage, qui contribue à creuser les inégalités. Pour financer des aides au profit de la jeunesse, il serait logique que la solidarité intergénérationnelle ne se limite pas au cercle familial. Je suis ravie d’aider mes enfants, et je voudrais que tout le monde ait cette chance. Pour cela, prenons à ceux qui ont énormément d’argent, pour venir en aide à plusieurs enfants !

M. Paul Christophe (HOR). J’admets la nécessité d’une réflexion approfondie sur la fiscalité des successions. La création du groupe de travail que vous avez évoqué montre que c’est une préoccupation partagée.

Mais nous sommes aussi là pour faire du droit et deux points me semblent poser une difficulté juridique : vous introduisez une divergence entre droit civil et droit fiscal qui présente un risque constitutionnel et vous prévoyez une double taxation de l’assurance vie, au titre des droits de succession et du prélèvement libératoire, pour une même finalité.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Contrairement à ce que j’ai entendu, l’héritage ne peut pas faire fuir ceux qui réussissent. Il profite à ceux qui ont un droit de naissance, ce qui n’a rien à voir avec un droit de capacité.

L’héritage est une forme de revenu très inégalement distribué et dont le caractère inégalitaire s’accentue depuis plusieurs décennies. Les 0,1 % de Français les plus aisés toucheront, tout au long de leur vie, sous différentes formes, jusqu’à 13 millions d’euros d’héritage au total, soit 180 fois l’héritage médian. Pendant ce temps, deux tiers des Français héritent de moins de 30 000 euros, et un tiers n’hérite de rien. Il est faux de dire que l’héritage est le carburant d’un investissement, ou d’un projet entrepreneurial : il est trop aléatoire. D’ailleurs, il serait peu joyeux de fonder son projet sur la perte d’un proche.

Vous refusez d’ouvrir des aides avant 25 ans au motif que les parents doivent venir en aide à leurs enfants. Bref, pour vous, le droit au secours des jeunes n’est pas automatique, il ne dépend même pas de leur travail, mais des revenus de leurs parents. Vous recréez tout simplement une société de classe. Quand votre argument entrepreneurial pour défendre l’héritage tombe, il ne reste que votre souci de protéger les rentiers, les seuls qui, pour vous, ont le droit à la paresse et à l’oisiveté.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement AS25 de Mme Charlotte Leduc tombe.

Article 4 : Lutte contre la fraude en matière de droits de mutation à titre gratuit

Amendement AS26 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI - NUPES). Il s’agit de compléter le rapport sur les moyens juridiques et humains du contrôle fiscal qui est demandé par une évaluation précise du manque à gagner pour les finances publiques de l’évitement fiscal en matière de droits de mutation à titre gratuit. Le rapport devra notamment préciser l’étendue de la sous-évaluation des biens et la fréquence des omissions volontaires dans les déclarations des biens hérités.

L’évitement fiscal reste un phénomène mal connu dans notre pays. Pour le combattre efficacement, il est nécessaire de mieux le documenter. Entre 80 et 120 milliards d’euros par an manquent aux caisses de l’État du fait de la fraude des entreprises et des particuliers : de quoi financer des services publics de qualité et une solidarité intergénérationnelle ambitieuse !

S’agissant de la fraude sur les successions et les donations, l’État est aujourd’hui aveugle. À l’automne dernier, dans le cadre de mon rapport spécial consacré à la lutte contre l’évasion fiscale, j’ai auditionné les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et des experts. Tous m’ont confirmé que le contrôle fiscal sur les héritages est défaillant. Pourtant l’enjeu est de taille, compte tenu du poids croissant de l’héritage dans notre pays.

La taxation des successions et des donations peut représenter des milliards très précieux pour les finances publiques, mais elle peut aussi jouer un rôle redistributif prépondérant du fait de la concentration toujours plus importante des patrimoines. Or plus les montants des héritages ou des donations sont élevés, plus la différence entre le taux théorique et le taux effectif d’imposition s’accroît. De là à soupçonner que la fraude et l’évasion fiscale se concentrent sur l’héritage de gros patrimoines, il n’y a qu’un pas que je ne me permets pas de franchir. Je vous demande d’autoriser le rapport à éclaircir ce point.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Les chercheurs qui ont rédigé la note du CAE soulignent les carences de l’appareil statistique du ministère des finances sur les successions. Au-delà des moyens humains supplémentaires, un travail d’envergure s’impose pour réarmer notre pays face à la fraude fiscale.

M. Jean-Claude Raux (Ecolo - NUPES). L’Insee évaluait la fraude fiscale à environ 80 milliards d’euros en 2022. L’évasion fiscale est plus difficile à quantifier mais je crains que ce ne soit vertigineux.

De récents travaux montrent que 35 % des profits des multinationales sont délocalisés artificiellement dans les paradis fiscaux. Cinq banques françaises sont aujourd’hui soupçonnées par le parquet national financier d’avoir permis à leurs clients étrangers d’échapper à l’impôt sur les dividendes. Tout cela incite à soutenir l’amendement. Nous devons absolument améliorer nos outils et renforcer les contrôles. L’argent qui s’évapore pourrait financer une allocation d’autonomie jeunes ou aurait pu combler le déficit des régimes de retraite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS27 de M. Louis Boyard.

Mme Charlotte Leduc (LFI - NUPES). Faute de pouvoir exiger la création de postes dédiés au contrôle fiscal, et c’est bien malheureux, nous demandons un rapport sur la création des 3 900 postes nécessaires.

Le nombre d’agents affectés dans les différents services de contrôle de la DGFiP était de 13 336 en 2010. En 2020, ils ne sont plus que 9 000, soit une baisse d’environ un tiers des effectifs en dix ans. Dans le même temps, les résultats du contrôle fiscal se sont effondrés : alors que le fisc a notifié 21,2 milliards d’euros en redressement fiscal et pénalités en 2015, les montants dépassent à peine les 10 milliards en 2020, 2021 et 2022, soit une diminution de moitié sur les cinq dernières années.

L’État doit cesser de se désarmer et de se faire le complice passif des évadés et fraudeurs fiscaux. Il faut donc rétablir des moyens de contrôle. La légère amélioration des rentrées annoncée en grande pompe par le ministre délégué chargé des comptes publics ne peut cacher l’essentiel : aujourd’hui, le contrôle fiscal est défaillant et les fraudeurs fiscaux ne sont que trop rarement inquiétés. Comment M. Attal peut-il se féliciter de récupérer 14 milliards quand toutes les estimations disponibles évaluent le manque à gagner entre 80 et 120 milliards ?

Dans la proposition de loi, les mesures de progrès social sont financées en luttant plus efficacement contre l’évasion fiscale, qui, disons-le, est une atteinte au contrat social. Pour combattre l’évasion fiscale, il ne suffit pas de renforcer les sanctions contre les fraudeurs, sanctions qui sont déjà loin d’être négligeables : il faut que l’État se donne les moyens de les appliquer, en prenant sur le fait les délinquants financiers. Il n’y a pas de secret, il faut embaucher des agents dédiés au contrôle fiscal. Pour que le Gouvernement en prenne enfin conscience, il nous paraît judicieux de lui demander un rapport sur le sujet.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 : Gage financier

La commission rejette l’article 5.

La commission ayant supprimé ou rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

*

*     *

 

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés ou rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

 

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


– 1 –

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

(Par ordre chronologique)

       Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mmes Laure Vagner-Shaw, adjointe à la directrice générale, cheffe du service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, Laurence Lefèvre, sous-directrice à la réussite et à la vie étudiante, et Albane Borgis, adjointe à la sous-directrice de la réussite et de la vie étudiante

       Table ronde d’associations

 Fondation Abbé Pierre (*)  M. Manuel Domergue, directeur des études

– Secours catholique (*)  M. Daniel Verger, responsable action et plaidoyer

 ATD Quart Monde France (*)  M. Emmanuel Ratouit, responsable du département jeunesse, et Mme Bérénice Cauchard, adjointe au responsable (présente en qualité d’accompagnatrice observatrice)

       Table ronde d’associations :

 Fédération nationale des acteurs de la solidarité (Fnars) (*) Mme Alice Tallon, chargée de mission jeunes et justice, et M. Emmanuel Bougras, responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques

  Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) – M. Nicolas Duvoux, président du comité scientifique

       Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) – M. Mickaël Portela, co-auteur du rapport sur les montants des ressources disponibles pour les jeunes adultes pour la Drees

       Table ronde d’associations :

 

– Collectif Alerte – Mme Marianne Auffret, directrice générale de l’union nationale pour l’habitat des jeunes (UNHAJ), et M. Romain Leclerc, délégué à l’évaluation, l’expérimentation et la recherche

– COP1 – M. Jean Rodolphe a’Weng, dit JR a’Weng, directeur général, et Mme Jenny Dai, directrice des opérations de Cop1

 

 

       Métropole du Grand-Lyon  MM. Bruno Bernard, président, et Antoine Dulin, conseiller technique

       Linkee  M. Julien Meimon, président, et Mme Myriam Boudali, responsable des relations extérieures

       MM. Clément Dherbécourt et Camille Landais, économistes du Conseil d’analyse économique (CAE), co-auteurs de la note du CAE n° 69 Repenser l’héritage

       Cabinet de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche – Mmes Naomi Peres, directrice adjointe, et Louise Thomas-Vaillant, conseillère parlementaire, Élus, Prospective et Discours

       Cabinet du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées – MM. Charles Duportail, conseiller chargé des services aux familles et aux usagers, et Guillaume Zucman, conseiller parlementaire

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


– 1 –

Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 262-4 et L. 262-7-1 [abrogé]

2

Code de l’éducation

L. 821-1

3

Code général des impôts

751, 757 B, 784, 990 I et 1133

 


([1]) « Mesurer le niveau de vie et la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans, Une population particulièrement confrontée à la vulnérabilité économique », Drees, 2023.

([2]) Observatoire national de la vie étudiante, « Enquête 2020 sur les conditions de vie des étudiant-e-s. ».

([3]) Insee Références, « Niveau de vie et pauvreté des adultes selon l’âge », 27 mai 2021.

([4]) Observatoire des inégalités, « Les très bas revenus des jeunes adultes », 4 décembre 2020.

([5]) Pierre Bourdieu, La jeunesse n’est qu’un mot, 1978.

([6]) Camille Peugny, Pour une politique de la jeunesse, janvier 2022.

([7]) « Mesurer le niveau de vie et la pauvreté des jeunes adultes de 18 à 24 ans, Une population particulièrement confrontée à la vulnérabilité économique », Drees, 2023.

([8]) Taux de pauvreté équivalant à 50 % d’un niveau de vie médian.

([9]) Constat établit par Nicolas Duvoux, à l’aune de sa mission de chargé d’accompagnement social des étudiants à l’Université Paris VIII.

([10]) Raphaël Lardeux, Adrien Papuchon, Claudine Pirus, « Un sentiment de pauvreté en hausse chez les jeunes adultes fin 2020 », Drees, 1er juillet 2021. Le Baromètre d’opinion de la Drees permet d’apporter des éléments de réponse à ces questions sur la base de données récentes, pour les personnes vivant en France métropolitaine.

([11]) Audition du 22 mars 2023.

([12]) Parlement européen, Recommendation on minimum income, février 2023.

([13]) Pour les États disposant de dispositifs nationaux, ce qui exclut des pays comme l’Espagne ou l’Italie dont les minimas sociaux sont décentralisés.

([14]) Observatoire national de la vie étudiante, enquête conditions de vie 2020.

([15]) Les principales ressources des 18-24 ans, Enquête nationale sur les ressources des jeunes, Laura Castell, Mickaël Portela et Raphaëlle Rivalin.

([16]) Audition du 22 mars 2023.

([17])  taux d’effort en logement correspond au rapport entre les dépenses moyennes liées à l’habitation principale et les revenus moyens des ménages. Le taux d’effort est « net », c’est-à-dire calculé en déduisant du montant des dépenses les aides au logement.

([18])  Observatoire nationale de la vie étudiante, enquête conditions de vie 2020

([19]) Impact de la réforme des APL, Enquête Unafo, 2022.

([20]) Cette réforme aboutit au versement des APL tel qu’il existe dans sa forme actuelle.

([21]) Audition 22 mars 2023.

([22]) La garantie VISALE est une caution gratuite créée en 2016 en remplacement de la garantie universelle des loyers.

([23]) Loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion.

([24]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([25]) 1° de l’article L. 262‑4 du code de l’action sociale et des familles.

([26]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, rapport public thématique, janvier 2022, p. 39.

([27]) Loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle.

([28]) Intervention de M. Jean-Michel Belorgey à l’Assemblée nationale lors des travaux préparatoires à la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle.

([29]) Loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

([30]) Il s’agit en l’occurrence d’un amendement du député communiste Roland Muzeau souhaitant expérimenter le RSA pour les moins de 25 ans.

([31]) Christophe Sirugue, Repenser les minima sociaux, rapport remis au Premier ministre, avril 2016.

([32]) Marie-Aleth Grard, et Martine Vignau, Revenu minimum social garanti, avril 2017, saisine du Président de l’Assemblée nationale.

([33]) « Une démarche d’expérimentation et d’évaluation de l’impact d’un dispositif de ce type paraît le seul moyen d’observer les effets réels d’une telle politique et d’éclairer la décision publique sur son éventuelle pertinence. Le comité d’évaluation propose donc de mener une expérimentation au niveau national en cas de décision nationale ou dans des départements volontaires en vue de l’introduction d’une prestation monétaire à destination des jeunes adultes en recherche d’emploi, des jeunes en emploi peu rémunéré et des étudiants. Cette aide monétaire pourrait prendre la forme d’un revenu garanti pour les jeunes de 18 à 24 ans, sous conditions de ressources, et en prenant en compte la solidarité familiale sous réserve que le jeune puisse en bénéficier » (Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, 2021).

([34]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

([35]) Cour des comptes, Le revenu de solidarité active, rapport public thématique, janvier 2022.

([36]) Article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles.

([37]) Projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour 2023 (p. 30).

([38]) La garantie jeunes constitue un droit ouvert qui s’adresse aux jeunes de 16 ans à moins de 26 ans en situation de précarité et qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études (NEET). Pour favoriser leur insertion dans l’emploi, ils sont accompagnés de manière intensive et collective et perçoivent une aide financière. En 2021, le contrat d’engagement jeunes (CEJ) supplante la garantie jeunes et introduit notamment une contrainte d’engagement de la part du jeune plus forte.

([39]) Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion.

([40]) Le contrat d’engagement jeune. Suivi et évaluation de sa mise en œuvre dans les territoires, décembre 2022.

([41]) Loi  2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([42]) Audition du 22 mars 2023.

([43]) Référé de la Cour des comptes, « La contribution de la politique du logement à l’amélioration de la situation de l’emploi », janvier 2020.

([44]) Jean-François Condette, « Le bon levain. Les étudiants boursiers en France de 1877 à 1914 », dans Le coût des études. Modalités, acteurs et implications sociales (XVIe-XXe siècle), Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 333-388.

([45]) Arrêté du 5 novembre 1877 concernant les bourses de facultés.

([46]) Règlement du 3 juin 1880 fonde les bourses d’agrégation.

([47]) Arrêté du 31 mai 1886 qui vient fonder des bourses d’études.

([48]) Créé par la loi n° 55-425 du 16 avril 1955.

([49]) Cartographie des bourses publiques de l’enseignement supérieur, Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, 2020.

([50]) La limite d’âge est reportée dans les cas de volontariat dans les armées, service civique ; étudiant parent d’enfant ou étudiant handicapé.

([51]) Cette condition n’est pas exigée pour l’attribution d’une bourse lors du passage en deuxième année d’études supérieures.

([52]) Un emploi à temps plein ou partiel, en tant que salarié ou non.

([53]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([54]) Arrêté du 18 juillet 2022 relatif aux taux des bourses d’enseignement supérieur du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’année universitaire 2022-2023).

([55]) L’échelon 0 permettait une exonération des droits d’inscription, de contribution vie étudiante et de campus (CVEC) et donnait la priorité pour l’attribution d’un logement universitaire CROUS, mais ne donnait pas droit à la perception d’une bourse.

([56]) Montant moyen pour une personne seule sans enfant.

([57]) Insee, 2023.

([58]) Audition du 22 mars 2023

([59]) L’indice des prix à la consommation est l’instrument de mesure de l’inflation. Il permet d’estimer, entre deux périodes données, la variation moyenne des prix des produits consommés par les ménages.

([60]) Le MESR estime que, parmi ces 40 000 étudiants, 40% d’entre eux ont perdu le bénéfice de la bourse en raison de leur entrée dans une formation en apprentissage

([61]) Yann Guidevay, Jorick Guillaneuf, « En 2019, le niveau de vie médian augmente nettement et le taux de pauvreté diminue », Insee Première, octobre 2021.

([62]) L’indice de Gini mesure le degré d’inégalité d’une distribution (ici, le niveau de vie) pour une population donnée. Il varie entre 0 et 1, la valeur 0 correspondant à l’égalité parfaite (tout le monde a le même niveau de vie), la valeur 1 à l’inégalité extrême (une personne a tout le revenu et les autres n’ont rien).

([63]) Aliette Cheptitski, Pierre Cheloudko, Claire Hagège, Orlane Hubert, « Début 2021, 92 % des avoirs patrimoniaux sont détenus par la moitié des ménages », Insee Focus, 25 janvier 2023.

([64]) Cette valeur s’établissait à 166 100 euros en 2018, ce qui constitue une augmentation de près de 7 % en trois ans.

([65]) France Stratégie, Clément Dherbécourt, Simon Fredon, Mathilde Viennot et Pierre Madec, « Qui a vu son niveau de vie augmenter dans les années 2010 ? », Note d’analyse n° 116, janvier 2023.

([66]) France Stratégie, Clément Dherbécourt, « Peut-on éviter une société d’héritiers ? », Note d’analyse n° 116, janvier 2017. Les calculs sont effectués en euros constants 2015.

([67]) Guillaume Allègre, « Repenser la fiscalité lors de l’héritage », L’Économie politique, vol. 96, n° 4, 2022, pp. 20-30.

([68]) France Stratégie, Clément Dherbécourt, « Peut-on éviter une société d’héritiers ? », op. cit.

([69]) Stantcheva S. (2021) : « Tax Policies: How Do People Reason », Quaterly Journal of Economics, vol. 136, n° 4, pp. 2309-236.

([70]) Commission internationale présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole, « Les grands défis économiques », 23 juin 2021.

([71])  Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais, Stefanie Stantcheva, « Repenser l’héritage », note du Conseil d’analyse économique, décembre 2021.

([72]) Ibid.

([73]) Ibid.

([74]) Étude de politique fiscale de l’OCDE, « Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE », n° 28, octobre 2021.

([75]) L’étude précitée constate que, dans les 27 pays de l’OCDE, les 10 % les plus riches possèdent la moitié du patrimoine total en moyenne tandis que 18 % du patrimoine total est concentré entre les mains des 1 % les plus riches.

([76]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([77]) Commission internationale présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole, Les grands défis économiques, 23 juin 2021.

([78]) Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais, Stefanie Stantcheva, « Repenser l’héritage », op. cit.

([79]) France Stratégie, Clément Dherbécourt, « Peut-on éviter une société d’héritiers ? », op. cit.

([80]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023, p.7.

([81]) L’article 911 du code civil prévoit que sont ainsi présumés personnes interposées, jusqu’à preuve du contraire, les père et mère, les enfants et descendants, ainsi que l’époux de la personne incapable.

([82]) Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais, Stefanie Stantcheva, « Repenser l’héritage », op. cit.

([83]) Article 757 B du code général des impôts.

([84]) Article 26 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991.

([85]) Article 990 I du code général des impôts.

([86]) Loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurances.

([87]) Cass ch. mixte, 23 novembre 2004 (3 espèces) : RTD civ. 2004, p. 434, obs. M. Grimaldi.

([88]) Article 1964 du code civil.

([89]) Étude de politique fiscale de l’OCDE, « Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE », n° 28, octobre 2021.

([90]) Communiqué de presse du 2 février 2023, accessible ici : https://www.franceassureurs.fr/espace-presse/les-communiques-de-presse/assurance-vie-retrouve-niveau-avant-crise-sanitaire-144-milliards-cotisations/

([91]) Ce fichier recense les contrats de capitalisation ou les placements de même nature, notamment les contrats d’assurance-vie, dont le montant est supérieur ou égal à 7 500 euros.

([92]) Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais, Stefanie Stantcheva, « Repenser l’héritage », op. cit.

([93]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([94]) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([95]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([96]) Le lecteur est invité à lire à ce sujet le commentaire de l’article 3.

([97]) Étude de politique fiscale de l’OCDE, « Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE », n° 28, octobre 2021.

([98]) Christine Pirès-Beaune, rapport n° 3874 du 10 février 2021 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la proposition de loi visant à réformer la fiscalité des droits de succession et de donation : protéger les classes moyennes et populaires, et mieux redistribuer les richesses (n° 3409 rect.)

([99]) Clément Dherbécourt, Gabrielle Fack, Camille Landais, Stefanie Stantcheva, « Repenser l’héritage », note du Conseil d’analyse économique, décembre 2021.

([100]) Charlotte Leduc, rapport n° 292‑XXVI du 6 octobre 2022 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire : Lutte contre l’évasion fiscale (Gestion des finances publiques).

([101])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13178274_6424350fbed64.commission-des-affaires-sociales--proteger-la-jeunesse-de-la-precarite-par-la-solidarite-intergener-29-mars-2023