N° 1067

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco-andorrane

 

PAR M. Alain David

Député

——

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir le numéro : 867


SOMMAIRE

Pages

introduction

I. UN ACCORD AU SERVICE D’UNE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE RENFORCÉE ENTRE TERRITOIRES VOISINS

A. Un ACCORD VISANT À amÉliorer la connexion entre la France et L’ANDORRE

B. UN OUTIL d’approfondissement de la relation bilatÉrale ENTRE LA France ET L’ANDORRE

II. UN ACCORD relativement classique AUX CONSÉQUENCES POSITIVES POUR LA France

A. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD NE SOULÈVENT pas de DIFFICULTÉ JURIDIQUE

B. LES RÉSULTATS attendus DE LA MISE EN œuvre DE CET ACCORD SONT GLOBALEMENT FAVORABLES À LA FRANCE

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe  1 : texte adoptÉ par la commission

annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnÉes

 


 

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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est appelée à se prononcer sur le projet de loi n° 867 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco‑andorrane. Ce texte a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 15 février 2023.

Conclu le 20 avril 2022, l’accord bilatéral dont il est question d’autoriser l’approbation vise à sécuriser les voies de circulation entre la France et l’Andorre face aux risques naturels et aux évènements climatiques, ainsi qu’à limiter la fermeture de ces axes routiers en période hivernale. Il constitue le pendant, côté Pyrénées-Orientales, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco‑andorrane, signé le 22 mars 2017 et en cours de mise en œuvre à la satisfaction des deux parties.

La conclusion de cet accord est le résultat d’une volonté commune de poursuivre l’amélioration de la connexion entre les deux pays, compte tenu de l’importance du développement économique et touristique des Pyrénées‑Orientales et d’Andorre, ainsi que des échanges transfrontaliers entre ces territoires.

 


 

—  1  —

 

I.   UN ACCORD AU SERVICE D’UNE COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE RENFORCÉE ENTRE TERRITOIRES VOISINS

A.   Un ACCORD VISANT À amÉliorer la connexion entre la France et L’ANDORRE

La desserte de la Principauté d’Andorre, qui ne dispose d’aucune gare ni d’aucun aéroport, est actuellement assurée par deux axes du réseau routier national français : la route nationale (RN) 20 dans l’Ariège, reliant Pamiers à l’Andorre, qui se dédouble vers Perpignan avec la RN 320 et, près d’Andorre, avec la RN 22, ainsi que la RN 116, seule route bidirectionnelle d’un bon niveau de service permettant de relier Perpignan à l’Andorre. Le trafic moyen journalier de la RN 20 dans l’Ariège, en approche de l’Andorre, s’établit à 5 800 véhicules et celui de la RN 22 à 5 000 véhicules ([1]) ; la RN 116 supporte, quant à elle, un trafic journalier oscillant entre 9 000 véhicules au niveau de Prades et 3 500 véhicules en Andorre.

Or, au-delà de la ville de Prades, l’environnement immédiat des routes nationales devient montagneux et les RN 116, 20, 320 et 22 sont soumises à d’importants risques naturels : avalanches, formation de congères, chutes de blocs rocheux et glissements de terrains récurrents. Les déviations sont très rares ou constituées par des routes sinueuses ne permettant pas la circulation des poids lourds. Aussi, l’accès à l’Andorre depuis Perpignan a connu plusieurs coupures majeures ces dernières années ([2]) :

– une coupure de la RN 22, dans la direction de l’Andorre, pendant deux semaines entre avril et mai 2019, suite à un glissement de terrain ;

– une coupure de la RN 16 à Corneilla-de-Conflent, au niveau du barrage du Riubanys. Après une période de restriction de la circulation, puis la mise en place de la circulation alternée à compter du mois de juin 2019, une interruption totale de celle-ci a été rendue nécessaire pendant les vacances scolaires de la Toussaint, afin d’effectuer des travaux de confortement d’urgence, au regard des risques d’effondrement de la chaussée ;

– une coupure de la RN 116 sur le secteur du Pallat pendant trois mois et demi en 2020, en raison d’un glissement de terrain et d’un soulèvement de la chaussée occasionnés par la tempête dite Gloria.

D’autres coupures plus ponctuelles de la circulation interviennent fréquemment du fait de chutes de blocs de pierres ou de glissements de terrain de plus faible ampleur. Les interruptions de la circulation en période hivernale, entre le 1er novembre et le 30 avril, causées par la formation de congères sont également fréquentes sur la RN 320 autour du col du Puymorens et sur la RN 22.

De manière générale, les chutes de blocs rocheux ne sont pas rares : on en dénombre une cinquantaine par an sur la RN 116 et la RN 20, en particulier entre février et la fin avril, causées par l’alternance de périodes de gel et de dégel en journée, ainsi qu’entre la fin septembre et la fin novembre, en raison des pluies d’automne. Elles aboutissent le plus souvent à la mise en place de la circulation alternée sur les axes routiers concernés, et ce pendant plusieurs heures, le temps de dégager les matériaux présents sur la chaussée. Il est à noter que le réchauffement climatique s’accompagne d’une augmentation de la fréquence de ces épisodes de gel et de dégel et donc des risques de glissements de terrain et de chutes de pierre.

Pour pallier ces difficultés, l’accord dont l’approbation est sollicitée vise à sécuriser ces différentes voies de circulation. Il poursuit trois objectifs définis à son article 1er :

– améliorer la résilience climatique et la viabilité de l’accès routier à la Principauté d’Andorre depuis la commune de Prades ;

– définir l’enveloppe allouée au financement des études et travaux de prévention des risques naturels affectant cet axe routier, ainsi que la répartition dans le temps de la contribution andorrane ;

– fixer les modalités de décision concernant le programme des travaux, la hiérarchisation des priorités et le calendrier de leur réalisation.

La genèse de cet accord remonte à 2015, lorsque la direction interdépartementale des routes du Sud-Ouest (DIRSO), gestionnaire des routes nationales concernées par l’accord, et les services du gouvernement de la Principauté d’Andorre sont convenus d’agir de concert pour la réduction des risques naturels et de leurs conséquences sur la viabilité de l’accès à la Principauté. Ces services ont notamment collaboré dans le cadre d’un projet de sécurisation des accès pyrénéens face au risque d’avalanche (SAPYRA) doté d’un budget de 4,34 millions d’euros cofinancé par la France, l’Andorre et l’Union européenne (Programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre – POCTEFA). Ce programme a permis de financer l’installation de paravalanches dans certaines zones ainsi que la conduite d’études visant à définir le système de maîtrise des risques d’avalanche et l’amélioration de la prévision et des tirs préventifs contre les avalanches sur l’ensemble du massif.

C’est dans le prolongement de ces initiatives qu’a été signé un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco‑andorrane, le 22 mars 2017. Sa mise en œuvre est désormais en cours : à la fin de l’année 2022, environ 4 millions d’euros ont été engagés sur les 21 millions d’euros prévus. Cet accord a d’ores et déjà permis de réaliser de nombreux aménagements parmi lesquels la pose de filets pare-avalanches, de filets pare-blocs et la création d’aires de chaînage. L’aménagement principal qui en résulte et qui doit consister en la construction d’une galerie paravalanche de 300 mètres de long sera réalisé au cours des étés 2024 et 2025 et mis en service à l’automne 2025. Sa réussite a, par ailleurs, conduit le premier ministre français Jean Castex à solliciter le chef du gouvernement andorran Xavier Espot à l’occasion de leur rencontre, le 5 février 2022 à Tarascon-sur-Ariège, en vue de la conclusion d’un nouvel accord du même type visant à améliorer la résilience climatique et la viabilité de l’accès à l’Andorre depuis Perpignan. Le ministre délégué chargé des transports Jean‑Baptiste Djebbari a ensuite chargé le préfet de la région Occitanie, le 18 février 2022, d’engager des négociations avec la Principauté d’Andorre à cette fin. Les négociations ont eu lieu en avril 2022 et ont rapidement abouti à la décision de signer l’accord dont l’approbation est soumise à l’Assemblée nationale.

B.   UN OUTIL d’approfondissement de la relation bilatÉrale ENTRE LA France ET L’ANDORRE

La France et l’Andorre entretiennent des liens historiques et institutionnels. La Constitution du 14 mars 1993 définit, en effet, l’Andorre comme une co-principauté parlementaire dotée de deux coprinces, l’évêque d’Urgell et le président de la République française, symboles et garants de la permanence et de la continuité du pays disposant chacun d’un représentant en Andorre. La Principauté a également signé en 1993 un traité tripartite de bon voisinage, d’amitié et de coopération avec la France et l’Espagne, lequel lui confère une garantie en cas de menace ou de violation de sa souveraineté et de l’intégrité de son territoire, ainsi que la faculté de se faire représenter diplomatiquement auprès de pays tiers par la France ou l’Espagne.

La coopération transfrontalière franco-andorrane est dynamique. Elle s’étend désormais à toutes les dimensions de la relation bilatérale, qu’elle concerne l’économie, l’environnement, la culture, la santé ou l’éducation. En 2022, 11,4 % des importations andorranes proviennent de France, qui s’est imposée comme le deuxième fournisseur de biens de la Principauté, derrière l’Espagne (65,8 % des importations andorranes), mais devant l’Allemagne (5 %) et la Chine (3 %). La France est aussi le deuxième client de l’Andorre en tant que destinataire de 5,8 % de ses exportations, cependant loin derrière l’Espagne (76,8 % des exportations andorranes). L’Andorre compte, par ailleurs, 3 665 résidents français en 2022, selon les statistiques andorranes, et 2 031 Français sont inscrits sur le registre de l’ambassade de France, en janvier 2023. Le système d’enseignement français dans la Principauté comprend onze écoles et un établissement du second degré, le lycée Comte-de-Foix, composé d’un collège disposant d’une section d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA) et d’un lycée doté de filières générale et professionnelle : à la rentrée 2022, le nombre d’élèves français scolarisés en Andorre s’élève à 1 902 dans le premier degré et 1 591 dans le second degré.

Néanmoins, depuis une trentaine d’années, la présence française en Andorre s’étiole au profit de celle de l’Espagne. La France demeure certes une référence autant qu’un allié lorsqu’il s’agit d’obtenir un appui politique ou économique (négociation d’un accord d’association avec l’Union européenne qui pourrait aboutir fin 2023, coopération durant la crise sanitaire, recherche d’expertises techniques de haut niveau ou de formations d’excellence, par exemple) ; toutefois, l’Espagne, en particulier la Catalogne, reste le partenaire du quotidien et mène le jeu en matière économique et culturelle pour des raisons géographiques, démographiques, culturelles et linguistiques. Ce tropisme est encouragé par des gestes concrets et fréquents de la part du gouvernement andorran : rencontres régulières entre les deux ministres des affaires étrangères, nomination de ressortissants espagnols à des responsabilités clefs, y compris dans l’administration publique ou au sein d’organes de supervision et de contrôle. Les opérateurs français ont un accès difficile au marché andorran et les étudiants d’Andorre, même lorsqu’ils ont fait leur cursus secondaire au lycée français, choisissent souvent de poursuivre leur formation dans les universités espagnoles.

Or, le gouvernement andorran souhaite désormais renforcer ses liens avec la France et poursuit une politique de rapprochement en ce sens. Plusieurs entretiens entre les chefs de gouvernement andorran et français ont eu lieu en 2018, 2020 et 2021, ainsi qu’avec le premier ministre français Jean Castex, le 16 février 2022. La visite du président de la République Emmanuel Macron en sa qualité de coprince, le 13 septembre 2019, a été saluée comme un grand succès par les Andorrans. De même, plusieurs accords ont été récemment conclus entre la France et l’Andorre en matière de sécurité civile ([3]) et de coopération transfrontalière policière et douanière ([4]) ; c’est également dans ce cadre que l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 872 franco-andorran relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles. Enfin, un accord bilatéral concernant la démarcation et l’entretien de la frontière a été signé le 16 juin 2022 ; un second en matière de coopération transfrontalière dans le domaine sanitaire est en cours de négociation.

 

II.   UN ACCORD relativement classique AUX CONSÉQUENCES POSITIVES POUR LA France

A.   LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD NE SOULÈVENT pas de DIFFICULTÉ JURIDIQUE

L’accord concerné est de facture classique et ne présente pas de difficulté juridique majeure.

Après un article 1er consacré à l’énoncé des trois objectifs de l’accord déjà mentionnés, l’article 2 détermine son champ d’application, soit les portions de routes nationales 116, 20, 320 et 22 sur lesquelles portent les travaux d’aménagement, ainsi que les études préalables et la nature des travaux visés par l’accord. Le programme d’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité de l’accès à la Principauté d’Andorre n’est pas encore précisément défini, mais il pourrait prévoir :

– la mise en place de dispositifs préventifs contre les chutes de blocs sur la RN 116 ;

– la mise en place de dispositifs pare-congères sur les RN 22 et 320 ;

– l’amélioration de la stabilisation du secteur du Pallat sur la RN 116 ;

– la stabilisation de la plateforme de la RN 22.

L’article 3 précise à qui doit revenir la propriété et la maîtrise d’ouvrage de ces travaux : les ouvrages réalisés seront propriétés de l’État français et affectés, selon le cas, à la direction interdépartementale des routes nationales du Sud-Ouest (DIR Sud‑Ouest) ou au service de restauration des terrains en montage (RTM) de l’Office national des forêts (ONF) ; la direction interdépartementale assurera la maîtrise d’ouvrage par délégation du ministre français en charge des transports. Il est, par ailleurs, précisé que les dépenses liées aux travaux de maintenance des ouvrages créés ou aménagés seront à la seule charge de la République française.

L’article 4 précise les modalités de financement du programme d’amélioration de la résilience climatique au cœur de l’accord, ainsi que les conditions de répartition et de participation de chacune des parties. Ce programme se voit consacrer un budget de 18 millions d’euros, dont 12 millions d’euros pour les aménagements des RN 20, 320 et 22 et 6 millions d’euros pour ceux destinés à la RN 116. Il convient de noter que même si l’État français est le seul propriétaire des infrastructures créées, la Principauté d’Andorre accepte de les financer à hauteur de 40 % dans le cas des RN 20, 320 et 22 et de 20 % s’agissant de la RN 116. Un échéancier est déjà arrêté à cet effet : il prévoit la répartition de la participation andorrane sur quatre ans, à hauteur de 1,5 million d’euros par an. S’agissant de la participation française, elle sera apportée dans le cadre du volet 2023-2027 du contrat de plan État-région Occitanie et dans le respect de l’enveloppe pluriannuelle inscrite à ce contrat.

Or, la mise en œuvre concrète des articles 3 et 4 présente une spécificité : en application de la décision du 4 janvier 2023, publiée au Journal officiel du 8 janvier 2023, déterminant la liste des autoroutes, routes et portions de voies qui sont transférées ou mises à disposition en application des articles 38 et 40 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, la RN 116 sera transférée au département des Pyrénées-Orientales à compter du 1er janvier 2024. Celui-ci exercera notamment la maîtrise d’ouvrage des travaux d’aménagements à compter de cette date. Les financements établis par l’accord franco-andorran au titre des aménagements de la RN 116 seront versés dans leur ensemble, selon les modalités prévues, au département, l’État recueillant préalablement la participation andorrane. Si le département devient le propriétaire et le gestionnaire de la RN 116 ainsi transférée, l’État reste seul garant de l’application de l’accord et, partant, l’interlocuteur du gouvernement andorran.

Par ailleurs, la même décision du 4 janvier 2023 fait entrer les RN 20, 320 et 22 dans le champ de la mise à disposition expérimentale prévue par les dispositions de l’article 40 de ladite loi n° 2022-217 : ces dernières pourront être mises à disposition de la région Occitanie à condition qu’une convention entre l’État et la région soit conclue au plus tard le 4 septembre 2023 et en précise l’ensemble des conditions de mise en œuvre, dont sa date d’entrée en vigueur. Il est à noter que les voies susmentionnées resteraient dans le réseau routier national, la région étant uniquement compétente en termes d’aménagement, d’entretien et d’exploitation des axes routiers durant toute la durée de l’expérimentation, qui couvre les huit années suivant la promulgation de la loi n° 2022-217, c’est‑à‑dire jusqu’au 20 février 2030. Soulignons que, dans le cadre de la mise à disposition des RN 20, 320 et 22 à la région Occitanie, la direction interdépartementale des routes nationales du Sud-Ouest serait également mise à disposition de la région et assurerait à ce titre la conduite opérationnelle de la maîtrise d’ouvrage des travaux.

Notons enfin que les collectivités concernées ont connaissance de l’accord franco-andorran du 20 avril 2022, tout comme du précédent accord du 22 mars 2017, même si elles n’en sont pas signataires. Elles y sont très favorables.

En vertu des stipulations de l’article 5, les marchés publics nécessaires à la mise en œuvre des opérations prévues relèvent des dispositions du code de la commande publique en vigueur en France. L’application de l’accord ne nécessite donc pas d’adaptation du droit français.

Conformément à l’article 6, qui fixe les règles de gouvernance applicables, il est prévu la création d’un comité paritaire de pilotage stratégique, chargé de la mise en œuvre de l’accord, et celle d’un comité paritaire technique doté de la responsabilité de préparer les décisions du comité de pilotage stratégique et d’assurer un suivi de la mise en œuvre de ces décisions. Ces dernières seront prises par consensus au sein des deux comités. Concernant leurs modalités de fonctionnement, l’étude d’impact précise que le comité technique réunit deux fois par an les représentants des préfets de département, des services techniques andorrans et du gestionnaire des routes concernées, la direction interdépartementale des routes du Sud-Ouest. Le comité stratégique est, quant à lui, coprésidé par le préfet de la région Occitanie et le chef du gouvernement andorran : il réunit une fois par an les ministres andorrans et les directeurs des services techniques et d’aménagement du territoire andorran, ainsi que, côté français, les directeurs des services de l’État (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Dans la pratique, et pour plus de facilité, les parties sont convenues de réunir les comités stratégique et technique paritaires concomitamment avec ceux mis en place dans le cadre de l’accord du 22 mars 2017 concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon sur Ariège et la frontière franco-andorrane.

Il convient de noter qu’au regard des futures compétences du département des Pyrénées-Orientales et de la région Occitanie, si la convention de mise à disposition devait être conclue, ces collectivités territoriales seraient associées aux prochains comités paritaires de pilotage stratégique et technique en tant que membres.

L’article 7 énonce les modalités de règlement des différends qui relèvent, classiquement, de la voie diplomatique. La modification de l’accord peut intervenir à tout moment. L’article 8 précise que ses éventuelles modifications entrent en vigueur suivant des procédures établies conjointement par la France et l’Andorre.

Enfin, conformément aux stipulations de son article 9, l’accord entrera en vigueur pour une durée de six ans renouvelable par tacite reconduction pour de nouvelles périodes d’un an, le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les parties se seront notifiées l’accomplissement de leurs procédures internes ; le Parlement andorran a déjà ratifié cet accord, le 6 octobre 2022. Le même article prévoit également les modalités de dénonciation de l’accord : chacune des parties peut le dénoncer à tout moment avec un préavis de six mois et six mois au moins avant l’expiration de sa validité.

B.   LES RÉSULTATS attendus DE LA MISE EN œuvre DE CET ACCORD SONT GLOBALEMENT FAVORABLES À LA FRANCE

La mise en œuvre de cet accord présentera des avantages certains pour la France sur les plans sécuritaire, économique, financier et social.

En réduisant les cas de coupure de l’axe routier en direction de l’Andorre comme de l’Espagne, il devrait permettre non seulement de diminuer les risques auxquels sont exposés les automobilistes mais aussi de limiter les coûts résultant de la réparation des routes et des dédommagements à prévoir en cas de chutes de blocs de pierres et de glissements de terrain. À titre d’exemple et comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi, les travaux de confortement du talus de la RN 22 ont nécessité que l’État investisse 2,3 millions d’euros en 2019, ceux de la chaussée de la RN 116, à Corneilla‑de‑Conflent, 2 millions d’euros, et ceux du talus de la RN 116, 4,6 millions d’euros en 2020.

De plus, l’amélioration de la fiabilité de l’itinéraire entre l’Andorre et la France devrait favoriser les échanges commerciaux entre les deux États, notamment en période hivernale, lorsque l’activité touristique est importante du fait de la fréquentation des stations de ski. Environ 8 millions de passagers transitent ainsi chaque année à la frontière franco-andorrane, ce qui correspond en moyenne à 3 300 véhicules légers, 15 poids lourds et 10 bus par jour, entrant et sortant du territoire français.

Enfin, la fiabilité accrue de l’itinéraire entre l’Andorre et la France facilitera les échanges transfrontaliers des résidents français et andorrans, ainsi que le tourisme local.

 

Quant à l’impact environnemental potentiel de l’accord, il appelle plusieurs remarques. Les projets de sécurisation prévus n’étant pas encore précisément définis, qu’il s’agisse de leur emplacement exact ou de leur dimensionnement, il est, pour l’heure, impossible de déterminer avec certitude quelles seront leurs incidences environnementales. Toutefois, les aménagements qu’ils impliquent peuvent exiger de déplacer quelques spécimens d’espèces protégées. Aussi est-il indispensable que soient menées des études préalables détaillées sur les atteintes à l’environnement prévisibles, et ce d’autant plus que la partie la plus haute de l’itinéraire d’accès à l’Andorre, située dans les Pyrénées‑Orientales, se trouve dans une zone de protection spéciale (ZPS) pour les oiseaux et le site d’intérêt communautaire (SIC) « Capcir, Carlit et Camcardos ».

 

En tout état de cause, les projets de sécurisation dont l’accord prévoit le financement devront nécessairement respecter les directives européennes, notamment la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, la directive 2000/60/CE du Parlement et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau et la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

L’accord offre des garanties de prise en compte du risque environnemental et écologique. L’étude d’impact du projet de loi prévoit bien la réalisation d’évaluations préalables dont les objectifs affichés sont : « éviter, réduire, et, le cas échéant, compenser l’impact du projet lors de sa mise en œuvre ». Elle précise, en outre, que les projets d’aménagement seront notamment soumis à évaluation d’incidences sur les sites Natura 2000 et sur les espèces et habitats protégés par les directives européennes, en particulier la directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages déjà citée et la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

 

 


 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 5 avril 2023, à 9 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière francoandorrane (n° 867).

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi dont nous sommes saisis en vue de l’approbation d’accords passés par le Gouvernement avec les autorités de la Principauté d’Andorre.

Il s’agit de deux textes de portée assez technique, mais chacun d’entre nous connaît la force des liens institutionnels, économiques et culturels de la France avec ce petit État, dont le président de notre République est le coprince en vertu de la Constitution du 14 mars 1993. Cela nous oblige à une attention d’autant plus grande et bienveillante dans le suivi de nos relations bilatérales.

Le premier de ces deux textes est le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco andorrane.

À titre liminaire, je soulignerai que les échanges transfrontaliers sont d’une importance majeure pour le développement économique et touristique d’Andorre et des Pyrénées-Orientales.

Or les routes nationales qui permettent d’accéder à la principauté subissent fréquemment des coupures, particulièrement en période hivernale, du fait de glissements de terrain et de chutes de blocs ou de congères. La frontière est en effet délimitée par des sommets culminant à plus de 2 000 mètres.

L’accord du 20 avril 2022, dont il est question d’autoriser l’approbation, vise principalement à faciliter la réalisation d’aménagements préventifs sur les axes routiers qui desservent la Principauté. Il définit également le financement des études et travaux de prévention des risques naturels, avec la participation de chacune des parties, et précise les modalités de décision concernant le programme de travaux, la hiérarchisation des priorités et le calendrier de réalisation.

M. Alain David, rapporteur. La commission des affaires étrangères est saisie d’un projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord entre la France et l’Andorre, conclu le 20 avril 2022, concernant la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 entre Prades, commune des Pyrénées-Orientales – dont Jean Castex a été le maire – et la frontière franco-andorrane.

La desserte de la Principauté d’Andorre est actuellement assurée par deux axes du réseau routier national français : la route nationale (RN) 20 dans l’Ariège, qui relie Pamiers à l’Andorre et se dédouble vers Perpignan avec la RN320 et, près d’Andorre, avec la RN22, d’une part ; la RN116, seule route bidirectionnelle de bon niveau de service permettant de relier Perpignan à l’Andorre, d’autre part.

Or, au-delà de la ville de Prades, l’environnement immédiat des routes nationales devient montagneux et les RN116, 20, 320 et 22 sont sujettes à d’importants risques naturels : avalanches, formation de congères, chutes de blocs rocheux et glissements de terrain récurrents. Les coupures de la circulation, principalement en hiver, sont ainsi fréquentes et les déviations sont rares ou empruntent des routes sinueuses ne permettant pas le passage des poids lourds.

Pour pallier ces difficultés, l’accord du 20 avril 2022 vise à améliorer et à sécuriser ces axes routiers. Il poursuit, plus précisément, trois objectifs.

Le premier est d’améliorer la résilience climatique et la viabilité de l’accès routier à la Principauté d’Andorre depuis Prades. Il s’agit, concrètement, de recourir à des aménagements préventifs en cours d’identification, tels que des dispositifs contre les chutes de blocs rocheux et des pare-congères, ainsi que la stabilisation de certains secteurs.

Le deuxième objectif consiste à définir l’enveloppe allouée au financement des études et travaux de prévention des risques naturels affectant ces axes routiers, ainsi que la répartition dans le temps de la contribution andorrane. Le budget consacré au maintien de la viabilité des routes concernées s’élève à 18 millions d’euros au total, dont 12 millions pour les aménagements des RN20, 320 et 22, et 6 millions pour ceux destinés à la RN116.

Bien que le projet porte sur des infrastructures entièrement situées sur notre territoire et dont l’État français restera propriétaire, Andorre a accepté de prendre à sa charge une part non négligeable de ce montant, selon un échéancier déjà arrêté, soit 40 % de l’enveloppe de 12 millions et 20 % de celle de 6 millions d’euros. Je tiens à souligner l’importance de cet effort financier pour faire aboutir le projet.

Le troisième et dernier objectif est la fixation des modalités de décision concernant le programme des travaux, la hiérarchisation des priorités et le calendrier de leur réalisation.

La spécificité de l’accord du 20 avril 2022 réside dans l’application de la décision du 4 janvier 2023, publiée au Journal officiel du 8 janvier 2023, déterminant la liste des autoroutes, routes et portions de voies qui sont transférées ou mises à disposition en application des articles 38 et 40 de la loi du 21 février 2022, dite « 3DS ». En effet, la RN116 sera transférée, à compter du 1er janvier 2024, au département des Pyrénées-Orientales, qui exercera notamment la maîtrise d’ouvrage des travaux d’aménagement à compter de cette date.

Les financements définis par l’accord franco-andorran au titre des aménagements de la RN116 seront versés dans leur ensemble, selon les modalités prévues, au département, l’État recueillant préalablement la participation andorrane.

Les RN20, 320 et 22 entrent dans le champ de la mise à disposition expérimentale prévue par l’article 40 de la loi 3DS : ces dernières pourront être mises à la disposition de la région Occitanie à condition qu’une convention entre l’État et la région soit conclue au plus tard le 4 septembre 2023. Le cas échéant, les voies concernées resteront dans le réseau routier national, la région étant uniquement compétente pour l’aménagement, l’entretien et l’exploitation des axes routiers durant toute la durée de l’expérimentation, qui court jusqu’au 20 février 2030. La direction interdépartementale des routes nationales du Sud-Ouest sera également mise à disposition de la région et assurera à ce titre la conduite opérationnelle de la maîtrise d’ouvrage des travaux.

Ces dispositions n’emportent cependant pas de difficultés juridiques particulières. Les deux collectivités concernées ont connaissance de l’accord franco-andorran du 20 avril 2022 et y sont très favorables.

Pour ce qui est de la gouvernance, les décisions seront prises par consensus au sein du comité de pilotage stratégique et du comité technique, auxquels seront associées les collectivités susmentionnées.

S’agissant des éventuelles conséquences environnementales des aménagements envisagés, des études préalables seront réalisées afin d’éviter, de réduire, voire de compenser l’impact du projet. Les projets d’aménagement seront notamment soumis à évaluation d’incidences sur les sites Natura 2000 et sur les espèces et habitats protégés par les directives européennes.

Vous le voyez, cet accord très pratique est bien encadré et ne présente pas de difficultés juridiques particulières. Il devrait permettre de réduire les risques pour la sécurité des usagers et de limiter les coûts de réparation et de dédommagement associés. En évitant les coupures des axes routiers entre la France et l’Andorre, il devrait également favoriser le commerce, l’attractivité et l’activité touristique de part et d’autre de la frontière, notamment pendant la période hivernale.

Enfin, cet accord s’inscrit dans une démarche plus générale de rapprochement entre nos deux pays engagée par la Principauté, qui cherche à rééquilibrer ses relations avec la France après un déclin certain, ces dernières années, au profit de l’Espagne. C’est à ce titre que nous sommes également saisis ce matin du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Andorre relatif à l’exercice des activités professionnelles des membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif des missions officielles.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l’approbation de cet accord.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Clémentine Autain (LFI-NUPES). Nous devons nous prononcer sur un projet d’accord qui vise à effectuer des travaux sur les routes reliant la France à l’Andorre. Or, hier, nous apprenions que la France avait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 2,5 % en 2022, un chiffre évidemment en trompe-l’œil. La communauté scientifique s’accorde à dire que cette réduction est très conjoncturelle. Comment aller plus loin dans la réponse à l’urgence climatique ? Il n’y a pas de solution magique. Il faut mesurer systématiquement l’impact des politiques publiques sur l’environnement et tenter de les réduire autant que possible.

À cet égard, le rapport et l’étude d’impact révèlent notre retard. Les routes dont il est question traversent les zones montagneuses, où nous savons que résident des espèces protégées. Or le rapport sur lequel nous devons nous prononcer se cantonne à une aimable pétition de principe selon laquelle il faudra « éviter, réduire et, le cas échéant, compenser l’impact du projet lors de sa mise en œuvre ». Rien ne nous est dit quant aux mesures compensatoires prévues. Plus préoccupant, l’étude d’impact reconnaît l’impossibilité de prévoir l’impact environnemental du projet.

Dès lors, pourquoi vouloir effectuer les travaux au plus vite ? Parce qu’il s’agit de favoriser la pratique des sports d’hiver dans la région ? Parce qu’il faut faciliter les trajets des personnalités qui y résident pour profiter des conditions fiscales avantageuses de la Principauté d’Andorre ? Parce que le maire de Prades, ancien premier ministre, met tout son poids dans la balance ?

Aucune urgence – si ce n’est l’exigence de rénovation de l’ensemble de nos infrastructures routières – ne justifie le vote d’un projet sans une étude d’impact éclairant notre réflexion. En l’absence d’éléments nous permettant de décider en conscience, notre groupe s’abstiendra.

M. Alain David, rapporteur. Vous avez raison d’insister sur la prise en compte de l’urgence climatique et de la protection de l’environnement. Je précise qu’il s’agit de travaux ponctuels et d’une ampleur assez réduite, qui permettront de faire face aux risques d’avalanche et de remédier aux difficultés que rencontrent les usagers des routes, principalement en hiver et au printemps. Nous ferons part des remarques que vous avez formulées pour que l’environnement soit respecté.

M. Frédéric Zgainski (DEM). Nous avons à nous prononcer sur l’approbation d’un accord dont la portée dépasse largement le bon état des routes nationales dans les Pyrénées. Ne nous y trompons pas : soutenir ce projet de coopération entre la France et l’Andorre, ce n’est pas seulement limiter la fermeture de routes enneigées ou éviter que des éboulis ne bloquent la circulation. Approuver cet accord, c’est, en premier lieu, renforcer la relation plus qu’étroite qu’entretiennent la Principauté d’Andorre et la République française depuis plus de quatre siècles. Dans le prolongement d’une tradition fondée par le Béarnais Henri IV, le président de la République française est systématiquement intronisé coprince d’Andorre lors de son élection. En notre qualité de parlementaires français, il est de notre devoir de poursuivre cette œuvre unique d’union institutionnelle et de coopération politique qui caractérise les relations franco-andorranes.

Loin d’être des vestiges du passé, les échanges entre l’Andorre et la France revêtent des enjeux économiques et touristiques majeurs, en particulier pendant la saison des sports d’hiver. Chaque année, près de 8 millions de passagers traversent la frontière, désenclavant les hautes vallées andorranes et assurant un développement commercial vital aux départements de l’Ariège et des Pyrénées-Orientales. En l’absence de gare ou d’aéroport, les réseaux routiers revêtent une importance toute particulière. Les routes nationales relient l’Andorre à la plaine du Roussillon, de Prades jusqu’à Perpignan et à la mer Méditerranée, et assurent une voie de circulation entre la principauté et le cœur de l’Occitanie : Foix, Pamiers et Toulouse.

Dès lors, l’interruption brutale des flux de personnes et de marchandises due à des glissements de terrain, à des chutes de pierres ou à l’apparition de congères s’avère hautement problématique. Sans avoir l’ambition de préserver les routes nationales 116, 22, 320 et 20 de tous les aléas climatiques, l’accord qu’il est question d’autoriser traduit la volonté de nos deux pays de coopérer pour préserver leurs échanges transfrontaliers. Allons de l’avant et accompagnons ces initiatives. Le groupe Démocrate votera en faveur de l’approbation de cet accord.

M. Alain David, rapporteur. L’attractivité d’Andorre est due notamment à une différence de taxation, en particulier de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). De nombreuses personnes vont y acheter, à des prix beaucoup plus avantageux, des alcools, des tabacs et des produits alimentaires. Cela étant, l’Union européenne est en train de faire pression sur la Principauté, bien qu’elle n’en soit pas un Etat membre, pour parvenir à une harmonisation de la taxation avec l’Espagne et la France.

M. Guillaume Garot (SOC). Ce rapport soulève l’enjeu des relations entre la France et l’Andorre, à partir de la question des voies de communication. Nous savons qu’à Andorre il n’y a ni gare, ni aéroport. Seules les voies routières offrent un accès à ce petit pays. Chaque jour, 20 000 véhicules empruntent les RN116, 20, 320 et 22, ce qui soulève un enjeu de sécurité pour les usagers, d’autant plus que le réchauffement climatique a une incidence sur l’état de la voirie. Pour faire face aux risques d’éboulement, d’avalanche, de chute de pierres et de blocs, ainsi que de glissement de terrain, il faut agir, comme le propose ce protocole, auquel nous souscrivons. Lorsqu’on peut contribuer à assurer la sécurité de manière rapide et efficace, il ne faut pas hésiter.

Cela étant, j’entends les arguments très justes de Clémentine Autain. Nous devons évidemment mener ce projet en respectant les exigences environnementales de 2023. On ne construit pas des ouvrages de sécurité comme on le faisait il y a vingt ans. Je ne doute pas que notre rapporteur y soit très attentif : c’est aussi le sens de son travail.

Nous voterons en faveur de l’accord.

M. Alain David, rapporteur. Il est en effet essentiel de prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger la flore et la faune, qui sont d’ailleurs mises à mal par des phénomènes comme les avalanches et les glissements de terrain.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Nous nous réjouissons que le gouvernement andorran souhaite renforcer ses liens avec la France, et réciproquement. De multiples entretiens entre les deux chefs de gouvernement ont eu lieu depuis 2018, et ce jusqu’au 20 avril 2022, date à laquelle a été actée la volonté de rapprochement. La proximité géographique et institutionnelle a permis de nombreuses coopérations transfrontalières. Au-delà des accords douaniers et de la coopération en matière de sécurité civile, le dialogue est constant depuis 2017 entre l’Andorre, la France et l’Espagne.

Je veux souligner le rôle des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, qui participent, avec l’Andorre et l’Espagne, au projet Interreg Poctefa, qui promeut le développement durable des territoires frontaliers des trois pays.

L’accord qui nous est soumis nous paraît équilibré et pertinent. Il a pour objet d’encadrer les dépenses engagées par chaque partie et de permettre la réalisation des études routières nécessaires et des travaux de prévention, qui profiteront tant à la France qu’à l’Andorre.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de l’approbation de l’accord.

M. Alain David, rapporteur. Je me réjouis, comme vous, que les représentants des trois pays se soient mis autour de la table et se rencontrent plus fréquemment.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Je partage l’avis des orateurs précédents, à commencer par celui de Clémentine Autain, qui aurait pu m’inciter à m’abstenir. Toutefois, comme mes autres collègues, je voterai en faveur de cet accord car il permet de sécuriser certains sites. J’aurais préféré que l’on nous propose de tirer une voie ferrée pour relier l’Andorre à notre pays plutôt que de s’efforcer de contrôler la nature dans des espaces où elle aura toujours le dernier mot, même si l’on bétonne et si l’on grillage – on n’empêchera ni les éboulements, ni leurs effets car la montagne bouge. Il y aura toujours des tremblements de terre dans les Pyrénées. Le tout est d’éviter qu’ils fassent des victimes. Protéger les usagers de la route est une bonne chose mais il faudra trouver des solutions de remplacement, même si elles supposent des investissements importants : de telles infrastructures sont une survivance du passé ; cela n’est plus tenable.

En ce qui concerne le commerce entre l’Andorre et la France, je me suis rendu une fois dans la principauté, comme tout le monde, à l’époque où je fumais… Maintenant, je n’ai plus de raison d’y aller. D’ailleurs, je paie les taxes en France et je suis un défenseur de l’impôt : il est important de soutenir financièrement notre pays. Je ne suis ni un adepte, ni un défenseur du tourisme commercial. La découverte de la biodiversité et de la culture d’un autre pays, c’est intéressant mais je n’en dirai pas autant d’une ville où il n’y a que des bijoutiers et des vendeurs de tabac et d’alcool.

Le groupe GDR-NUPES votera donc en faveur de l’accord. Nous remercions également Alain David de nous avoir présenté la question avec autant de précision et d’avoir réussi à la rendre intéressante. Il en va de même de vos interventions à tous, chers collègues.

M. Alain David, rapporteur. Le type de tourisme qui s’est développé en Andorre peut en effet appeler certaines critiques, encore qu’il y ait des gens à qui cela plaît… La protection de la nature est également un enjeu fondamental ; il faudra trouver d’autres solutions que la route, même si ce n’est pas facile compte tenu des spécificités géographiques du secteur, notamment les dénivelés importants. Quoi qu’il en soit, pour le moment, il n’y a que les routes : il convient donc de s’en occuper.

M. Stéphane Vojetta (RE). Merci de m’accueillir pour quelques heures au sein de votre belle commission.

En tant que député des Français de la péninsule ibérique, y compris donc de ceux qui résident dans la Principauté d’Andorre, je suis heureux d’intervenir sur un texte qui permettra d’améliorer concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens habitant de part et d’autre de la frontière franco-andorrane.

Nos échanges transfrontaliers avec la Principauté sont importants : la France est le deuxième partenaire commercial de l’Andorre et 8 millions de passagers transitent chaque année par cette frontière, exclusivement en voiture et en autobus. Les axes routiers sont donc essentiels pour le développement économique et touristique d’Andorre, ainsi que des Pyrénées-Orientales.

Puisque l’occasion de m’exprimer m’est offerte, j’en profiterai pour corriger certaines idées reçues, notamment à propos du tourisme andorran. Je vous conseille d’aller dans cette Principauté : on n’y trouve pas seulement des cigarettes et de l’alcool. Les Français et les Espagnols qui s’y rendent découvrent des stations de ski incroyables, les meilleures des Pyrénées, et, en été, le tourisme vert offre des possibilités extraordinaires, notamment dans des parcs naturels fantastiques. Le tourisme n’est donc pas uniquement lié au commerce, même si celui-ci est important, bien entendu, d’autant que de nombreux Français qui vivent et travaillent en Andorre animent ce secteur.

Les axes routiers sont un sujet du quotidien pour les travailleurs frontaliers venant d’Ariège ou des Pyrénées-Orientales, ainsi que pour les 4 000 Français résidant dans la Principauté. L’état de ces infrastructures a un impact sur la capacité de nos compatriotes à se déplacer pour des raisons professionnelles car, contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas tous des évadés fiscaux : ils travaillent, emploient, entreprennent ; ils ont parfois besoin, également, de se rendre à des rendez-vous médicaux, notamment à Toulouse. Outre son impact sur le confort des voyageurs, le mauvais état des routes peut présenter des dangers.

La viabilité de certains commerces peut également être mise en cause, particulièrement au Pas-de-la-Case, où de nombreux commerces français vivent du flux de voitures quotidien en provenance de la France puis revenant de l’Andorre.

Avant de m’exprimer devant vous, j’ai réalisé un sondage auprès des Français d’Andorre. Au total, 100 personnes y ont répondu, soit 5 % de nos compatriotes qui y résident. Les résultats sont donc assez représentatifs. À la question : « À quelle fréquence empruntez-vous les liaisons routières qui relient l’Andorre à la France ? », 60 % ont répondu : « Une fois par mois », 20 % : « Une fois par semaine » et 10 % : « Encore plus souvent ». Cela montre l’importance de l’enjeu. Ma seconde question était la suivante : « Quelle route empruntez-vous le plus souvent ? » Sans surprise, près de 90 % empruntent la RN20, qui va vers Toulouse, plutôt que la RN116, qui part vers Prades et Perpignan. Or la situation de la frontière franco-andorrane rend les routes particulièrement sujettes à des coupures, notamment en hiver, du fait d’avalanches, de glissements de terrain, de chutes de blocs et de congères. Il y a quelques années, j’ai moi-même été victime d’un accident lié à des chutes de pierres, même si – je l’avoue – c’était du côté espagnol.

Cet accord constituera donc une amélioration indéniable, aussi bien en matière de sécurité des usagers que de développement économique, et permettra de rétablir une position d’équilibre avec l’Espagne, car de très nombreux Français consultés l’ont confirmé : l’accès du côté français est beaucoup plus souvent bloqué, empêché ou ralenti que du côté espagnol.

À l’évidence, nous nous prononcerons en faveur de l’accord.

M. Alain David, rapporteur. Merci pour ces précisions qui reflètent l’expérience du terrain : vous nous avez fait part de la manière dont vivent ces personnes, ainsi que des contraintes auxquelles elles sont confrontées. L’hiver, en particulier, les conditions de circulation sont assez aléatoires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Au-delà des stéréotypes, il s’agit en effet de gens normaux, ayant les mêmes problèmes que tout le monde. Vous avez eu raison de le rappeler.

M. Frédéric Falcon (RN). En tant que député d’Occitanie et membre du groupe d’amitié France-Andorre, je précise qu’il est très injuste de réduire ce pays à une « Principauté supermarché ».

Le projet de loi est nécessaire car il répond à des problèmes de sécurité : comme le souligne l’exposé des motifs, les routes nationales reliant l’Andorre et la France subissent depuis plusieurs années une augmentation des risques naturels tels que les épisodes de gel puis de dégel, les glissements de blocs et les congères, qui causent des coupures régulières. Ainsi, en janvier, la circulation a été fortement perturbée sur la RN20, reliant l’Ariège à l’Andorre, à cause de conditions météorologiques difficiles. Des tirs préventifs ont été nécessaires en raison du risque d’avalanche et des coupures sont intervenues.

Celles-ci sont fréquentes, ce qui est pénalisant pour les flux de marchandises et les échanges touristiques, et certains épisodes ont été plus violents encore, portant atteinte à la sécurité des usagers. En l’espace de trente ans, une dizaine d’avalanches ont été recensées, dont quatre ont touché des véhicules et mis directement en danger les personnes. La sécurité et la prévention des accidents sont des éléments essentiels, qui démontrent le bien-fondé de l’accord : assurer la sécurité de tous nos concitoyens est une priorité.

L’accord s’inscrit également dans la logique de deux précédents accords conclus avec l’Andorre et ratifiés par le Parlement, visant à renforcer la coopération en matière de sécurité civile, d’une part, et en matière policière et douanière, d’autre part.

Toutefois, dans la mesure où la charge liée aux travaux est importante pour la France, vous nous permettrez d’émettre certaines réserves quant à la définition du programme. Compte tenu du niveau de notre dette publique, nous ne saurions accepter un manque de clarté en la matière. Dans la partie de l’étude d’impact intitulée « Objectifs de l’accord », on lit la phrase suivante : « Le programme d’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité de l’accès à la Principauté d’Andorre n’est pas encore précisément défini ». Nous souhaitons nous assurer que le programme va dans le sens des intérêts français, ce qui n’est pas clair pour le moment. Il est important de connaître le détail des améliorations et stabilisations qui seront proposées. Le Rassemblement national déterminera sa position en fonction de la réponse que vous voudrez bien lui apporter.

M. Alain David, rapporteur. J’ai exposé en détail le problème routier ; vous avez bien compris tout l’intérêt qu’il présentait. Pour le reste, des négociations sont en cours pour améliorer notre coopération avec l’Andorre. La France et l’Europe voudraient aller plus loin, en particulier en matière de liberté de circulation des personnes et des biens, car nous avons toujours une frontière douanière avec l’Andorre, ce qui n’est pas le cas avec l’Espagne. L’enjeu est donc de normaliser cette situation pour que les habitants soient traités de la même façon d’un côté et de l’autre de la frontière. C’est un travail de longue haleine.

*

Article unique (approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco‑andorrane, signé à Paris le 20 avril 2022)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.


 

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   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

 

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la résilience climatique et de la viabilité des routes nationales 116, 20, 320 et 22 liées aux risques naturels entre Prades et la frontière franco-andorrane, signé à Paris le 20 avril 2022, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 867)


 

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   annexe n° 2 :
Liste des personnes auditionnÉes

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

 

Direction interdépartementale des routes sud-ouest

 

 

 

 


([1]) Cf. étude d’impact.

([2]) Idem.

([3]) Loi n° 2018-52 du 31 janvier 2018 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à la coopération technique et à l’assistance mutuelle en matière de sécurité civile.

([4]) Loi n° 2018-53 du 31 janvier 2018 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière.