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N° 1070

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France,

 

 

Par Mmes Annie VIDAL et Laurence CRISTOL,

 

 

Députées.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 643.

 

 

 


  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Article 1er bis (nouveau) Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médicosociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Article 1er ter (nouveau) Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Article 2 Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Article 2 bis (nouveau) Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi

Article 2 ter (nouveau) Rapport du Gouvernement sur la trajectoire de la branche autonomie

Article 3 Amélioration de la lutte contre la maltraitance et renforcement du droit au respect de la vie privée et familiale

Article 3 bis (nouveau) Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Article 3 ter (nouveau) Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Article 4 Renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance

Article 5 Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance

Article 5 bis (nouveau) Création d’un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre »

Article 5 ter (nouveau) Demande de rapport sur les mesures de contention dans les établissements médico-sociaux

Article 5 quater (nouveau) Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles

Article 5 quinquies (nouveau) Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance

Article 5 sexies (nouveau) Évolution du dispositif d’habilitation familiale

Article 6 Expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile

Article 7 Création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile

Article 7 bis (nouveau) Demande de rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique pour les professionnels de l’aide à domicile

Article 8 Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Article 9 Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement

Article 10 Rapport sur l’aide sociale à l’hébergement

Article 11 Financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soin et dépendance attribués aux Ehpad

Article 11 bis (nouveau) Rôle renforcé du médecin coordonnateur en Ehpad

Article 11 ter (nouveau) Obligation de contrôle et de sanction envers les établissements et services sociaux et médicosociaux ne respectant pas les règles du code de l’action sociale et des familles

Article 11 quater (nouveau) Mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’Ehpad

Article 11 quinquies (nouveau) Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les Ehpad

Article 12 Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Article 13 Possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif

Article 13 bis (nouveau) Précision relative à l’aide à la vie partagée dans le code de l’action sociale et des familles

Article 13 ter (nouveau) Renforcement du déploiement de l’habitat inclusif sur l’ensemble du territoire

Article 13 quater (nouveau) Rapport du Gouvernement sur le cadre juridique et financier de l’habitat mixte

Article 14 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 16 heures

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 21 heures

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 21 heures 15

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15 heures

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes

ANNEXE N° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 


  1  —

   Avant-propos

Notre pays connait des changements démographiques majeurs dont il nous faut prendre conscience. Les « baby-boomers », nés en 1945, auront 85 ans en 2030. Le nombre des 75-84 ans va enregistrer une croissance inédite de 49 % entre 2020 et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions ([1]). Ce phénomène touche, dans des proportions diverses, l’ensemble des États de l’Union européenne. En 2022, 21,1 % de la population européenne avait plus de 65 ans, un chiffre qui progresse d’année en année ([2]). Cette transition démographique pose d’immenses défis à l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, qui se doivent d’y répondre en anticipant les transformations sociales que ces évolutions impliqueront nécessairement. La dernière loi de 2015 ([3]) avait posé d’importants jalons mais ceux‑ci s’avèrent déjà en partie dépassés. Cette transition démographique va entraîner de fait un changement profond du visage de notre société dès 2030 avec un nombre de personnes de plus de 65 ans supérieur à celui des moins de 15 ans. Les attentes et les besoins seront donc différents, tant en termes de prises en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale qu’en terme d’adaptation des lieux de vie qu’il s’agisse des logements ou des communes.

● Le développement d’une politique ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie constitue une première priorité.

L’espérance de vie en bonne santé des Français est aujourd’hui inférieure à la moyenne européenne. Le rapport de M. Dominique Libault consécutif à la concertation grand âge autonomie ([4]) indique ainsi qu’à 65 ans, une femme française peut espérer vivre encore près de 23,7 ans mais 10,6 sans incapacité contre 16,6 en Suède et 12,4 en Allemagne ou 11,9 au Danemark. Selon ce même rapport, la part de l’espérance de vie à 65 ans en bonne santé atteint en effet 77,2 % en Suède pour les femmes (79,1 % pour les hommes), contre 44,7 % en France (48,5 % pour les hommes). Cette situation mérite que nous prenions des dispositions pour augmenter la durée de vie sans incapacité.

La perte d’autonomie est un phénomène complexe, lié à une diversité de facteurs mais qui peut être souvent prévenue, limitée, ou retardée. Elle comporte une dimension sociale, et est souvent aggravée par les situations d’isolement social ou géographique.

La prévention de la perte d’autonomie a fait l’objet d’initiatives récentes, mais celles-ci sont à la fois trop peu ambitieuses et insuffisamment coordonnées. Parmi ces initiatives, la création, par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite « loi ASV », des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie a constitué un pas important. Face au constat de la grande diversité d’acteurs et de dispositifs mobilisés sur ce sujet, ces conférences ont pour objectif de coordonner dans chaque département les actions de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans et de leurs financements.

Si la mise en place des conférences des financeurs est une avancée indéniable, la prévention de la perte d’autonomie manque d’une impulsion nationale et mériterait d’être mieux coordonnée sur l’ensemble du territoire. Les politiques engagées ne prennent par ailleurs pas suffisamment en compte les approches populationnelles. Les actions de prévention ne semblent enfin pas constituer une priorité dans les budgets octroyés aux établissements et destinés à financer la prise en charge des soins et de la perte d’autonomie.

La prévention doit occuper aujourd’hui une place essentielle au regard des conséquences qu’elle emporte sur la santé et l’autonomie des personnes âgées. La présente proposition de loi porte plusieurs mesures en ce sens.

L’article 1er vise à mettre en place une stratégie ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie, coordonnée au niveau national et territorial. Elle crée une conférence nationale de l’autonomie chargée d’assurer la cohérence de l’action des conférences des financeurs, en définissant notamment des axes stratégiques qui seront déclinés à l’échelon territorial par ces conférences.

L’article 2 a pour objet de renforcer la lutte contre l’isolement social des personnes vulnérables, en permettant aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données permettant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap isolées.

L’article 11 donne une place centrale à la prévention en précisant que les forfaits soin et dépendance octroyés aux établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peuvent financer des actions de prévention.

● Le déploiement d’un dispositif législatif solide pour promouvoir la bientraitance en luttant fermement contre les maltraitances constitue une deuxième priorité.

L’affaire dite « Orpea » avait bien entendu mis, au début de l’année 2022, le sujet des Ehpad sur le devant de la scène médiatique, avec des cas insupportables et inacceptables de maltraitances systémiques auxquelles nous devons répondre le plus largement possible. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait alors, en mars 2022, formulé des préconisations pour améliorer la prise en charge des personnes âgées en Ehpad ([5]).

Si des cas de maltraitance ont été largement documentés depuis plusieurs années ([6]), ne se retrouvent pas uniquement dans les établissements, mais aussi à domicile, force est de constater qu’à ce jour nous ne sommes ni en capacité de comptabiliser ou d’objectiver les situations de maltraitance ni de les caractériser. Or, les phénomènes de maltraitance sont complexes et renvoient à des vécus très différents. La maltraitance s’installe parfois faute de compréhension de l’autre et des difficultés que sa privation d’autonomie entraîne. Elle peut être le résultat d’un manque de formation ou de négligences, qui s’exercent en établissement ou à domicile et qui conduisent à des blessures physiques ou psychologiques.

Les maltraitances à l’égard des personnes vulnérables ne sont pas assez connues. Elles font l’objet de tabous encore vifs et requièrent donc toute notre attention, au même titre que l’ensemble des violences intrafamiliales.

La définition de la maltraitance issue de la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre les maltraitances et consacrée par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, et inscrite à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles, est la suivante :

« La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »

Cela concerne potentiellement toutes les personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit en raison de l’âge, de la maladie ou du handicap. Il faut nous préserver de la tentation de distinguer les vulnérabilités, en fonction de leurs causes, mais au contraire embrasser toutes ces situations afin d’être en mesure de protéger les personnes concernées. Nous devons ainsi nous assurer du respect de principes aussi fondamentaux que ceux du libre choix, du consentement éclairé, du droit à l’information, en toutes circonstances.

Pour cela, nous devons clarifier notre dispositif juridique afin de protéger efficacement les personnes en situation de vulnérabilité. C’est ce que propose le titre II de cette proposition de loi, qui garantit notamment à l’article 3, les droits fondamentaux tels que le droit au respect de sa vie privée et familiale, dont la visite des proches, dont nous avons constaté toute l’importance au moment de la crise sanitaire. Le lien social et familial reste l’une des meilleures armes contre les maltraitances et pour le bien-vieillir. L’actualité nous a aussi montré l’importance de disposer d’une instance d’alerte rapide et agile, pour que les personnes concernées, la famille, les proches et les soignants puissent signaler, en toute confiance, les cas de maltraitance qu’ils constatent.

C’est ce que propose l’article 4, qui offre un véritable outil d’alerte, de suivi et de qualification des situations de maltraitance afin d’agir au plus vite et au plus proche des personnes concernées.

Cette proposition de loi conforte aussi le rôle central des mandataires judiciaires qui connaissent la réalité des personnes sous mandant de protection et qui doivent agir dans le respect d’un cadre éthique que nous proposons de clarifier. L’article 5 vise ainsi à préciser le cadre juridique des mandataires et instaure une obligation de signalement des situations de maltraitance dont ils pourraient être témoins.

● La valorisation des métiers de l’aide à domicile, qui constituent un maillon essentiel du « virage domiciliaire » que nous appelons de nos vœux, constitue une troisième priorité.

Cette proposition de loi introduit à l’article 6 une disposition attendue : l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les personnes intervenant à domicile. Il s’agit là de reconnaitre leur qualification et de faciliter leur quotidien, ce que nous devons à une profession essentielle aux personnes âgées dépendantes.

Sans cesse mobilisés, notamment au cœur de la crise sanitaire, pour maintenir le lien avec nos aînés, les professionnels du domicile doivent être mieux considérés et nous savons qu’elles sont confrontées à de réelles difficultés en termes de mobilité. C’est la raison pour laquelle l’article 7 vise à permettre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’aider financièrement les départements qui soutiennent la mobilité de ces professionnels. L’objectif est de permettre une meilleure prise en compte de cette question, notamment pour l’acquisition de véhicules propres et pour le stationnement.

Ces mesures ne doivent toutefois pas nous exonérer d’une réflexion plus large autour du financement et de l’organisation de l’offre de soutien à domicile. Malgré un engagement fort depuis 2017, notamment à l’occasion des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), pour simplifier cette offre, aujourd’hui le maquis institutionnel devient un obstacle à la lisibilité du secteur tant pour les professionnels que pour les usagers. Les trois types de services existants – services d’aide et d’accompagnement à domicile, services de soins infirmiers à domicile et services polyvalents d’aide et de soins à domicile – doivent être mieux coordonnés, ce que nous avons permis grâce à la LFSS 2022 qui propose la mise en place de service autonomie en lieu et place de ces trois types de service pour améliorer la continuité et la coordination de l’accompagnement des bénéficiaires, entre les interventions d’aide et de soin.

En outre les différents modes de structures prestataire, mandataire ou gré à gré complexifient l’accessibilité à cette offre.

L’article 8 de notre proposition de loi vise donc à poursuivre la réflexion autour du financement de cette offre de soutien à domicile, afin de clarifier et de simplifier cette offre pour une plus grande lisibilité et une plus grande équité de rémunération entre les différentes formes de services, et en faveur de l’égal accès des bénéficiaires, y compris des particuliers employeurs. Cet objectif est pleinement partagé par les fédérations qui ont été auditionnées.

● Le déploiement d’une offre de prise en charge et d’hébergement accessible à tous constitue un autre défi fondamental. Les enjeux financiers liés à la prise en charge de l’hébergement sont essentiels et peuvent représenter une difficulté pour les familles. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le reste à charge après aides diverses atteint 1 850 euros par mois (niveau médian avant aide sociale à l’hébergement) et excède les ressources courantes de la personne âgée dans 75 % des cas. Si l’aide sociale à l’hébergement (ASH) permet de prendre en charge tout ou partie des frais liés à l’hébergement des personnes âgées aux ressources financières modestes, cette aide est dans les faits, peu demandée. La pertinence de la prise en compte des ressources de l’entourage familial dans le calcul et l’attribution de l’ASH est notamment questionnée.

La présente proposition de loi poursuit l’objectif d’une plus grande égalité dans l’accès à l’hébergement des personnes âgées. L’article 9 supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement. En effet, il est important que le lien familial puisse rester avant tout un lieu privilégié d’affection et de transmission, à l’abri des difficultés financières. L’article 10 demande par ailleurs au Gouvernement un rapport portant sur le bilan de l’ASH, qui devrait permettre d’identifier les éventuelles raisons de son faible recours et la manière dont cette aide pourrait être réformée.

● La garantie de la qualité de la prise en charge proposée dans les établissements sociaux et médico-sociaux est également cruciale pour donner toute la confiance nécessaire aux personnels, aux personnes accueillies et à leurs proches. Cette proposition de loi continue à améliorer le dispositif d’évaluation des établissements sociaux et médico‑sociaux créé par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

L’article 12 de la proposition de loi vise donc à sécuriser la procédure d’accréditation des organismes d’évaluation et ainsi à conforter la législation en vigueur. En outre, nous souhaitons renforcer la transparence et la lisibilité de ces évaluations pour le grand public et élargir les critères permettant de renouveler ou non l’autorisation des établissements et services sociaux et médico- sociaux.

● Le développement de nouvelles formes d’habitat, dépassant le caractère binaire de l’offre, séparée entre le logement autonome et la prise en charge en établissement constitue un dernier enjeu. L’habitat inclusif, qui permet à des personnes âgées ou en situation de handicap d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie social et d’un accompagnement est un modèle de plus en plus plébiscité.

L’article 13 de la présente proposition de loi vise à promouvoir ce modèle en rendant effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

● Cette proposition de loi doit constituer le premier jalon d’une nécessaire réforme de l’autonomie, eu égard à la transition démographique importante déjà engagée dans notre pays. La France, tout comme l’Europe, vieillit et c’est une chance mais cela appelle une prise en compte des nouveaux besoins des Français afin qu’ils puissent vieillir en préservant le plus longtemps leurs capacités, en choisissant autant que possible leur lieu de vie et en étant accompagnés tant par la société que par leur proche. C’est là tout le défi qui est devant nous bâtir ensemble une société du bien- vieillir, la société de la longévité.

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Adopté avec modifications

Le présent article crée la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie, chargée de piloter la politique de prévention de la perte d’autonomie au niveau national et de coordonner l’action des conférences des financeurs.

I.   LE DROIT EXISTANT

La prévention de la perte d’autonomie renvoie à l’ensemble des actions visant à anticiper et accompagner les effets du vieillissement. Comme l’indique le rapport de l’atelier n° 5 de la concertation Grand âge et autonomie, il s’agit d’une politique transversale, ayant vocation à se déployer « dans le cadre d’une approche globale dont le but est d’influencer positivement le quotidien des personnes, de susciter leur participation aux pratiques préventives et de s’ancrer dans les politiques publiques au niveau des territoires » ([7]). Cette politique mobilise un grand nombre d’acteurs dont la coordination est aujourd’hui essentielle.

A.   La mise en place des Conférences départementales des financeurs, un premier pas dans le sens d’une coordination des actions de prévention de la perte d’autonomie à l’échelle territoriale

Créées par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement (« ASV »), les conférences des financeurs se sont rapidement affirmées comme incontournables dans la coordination des multiples acteurs concourant à la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans.

1.   Une composition reflétant la grande diversité d’acteurs mobilisés dans le champ de la prévention de la perte d’autonomie

La composition des conférences des financeurs, instituées dans chaque département, illustre la diversité des champs d’action concourant à la prévention de la perte d’autonomie au sein du territoire. Aux termes de l’article L. 233-3 du code de l’action sociale et des familles, ces conférences sont présidées par le président du conseil départemental et comportent des représentants :

– du département ou sur décision de leur assemblée délibérante, de collectivités territoriales autres et d’établissements publics de coopération intercommunale ;

– de l’Agence nationale de l’habitat dans le département et de l’agence régionale de santé (ARS) ;

– des régimes de base d’assurance vieillesse et d’assurance maladie et des fédérations d’institutions de retraite complémentaire ;

– des organismes régis par le code de la mutualité.

Leur composition peut être élargie, en fonction des différents partenariats établis à l’échelle territoriale, « à toute autre personne physique ou morale concernée par les politiques de prévention de l’autonomie ». Il revient à chaque conférence de définir ses règles d’organisation, dans le cadre prévu par le décret n° 2016-209 du 26 février 2016 relatif à la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées.

2.   Un objectif central : améliorer la cohérence des financements alloués à la prévention de la perte d’autonomie à l’échelon départemental

Les conférences des financeurs ont pour mission de renforcer la coordination des financements dédiés à la prévention de la perte d’autonomie au niveau du département. Sur la base d’un diagnostic des besoins et du recensement des initiatives locales, les différentes parties prenantes de la conférence sont chargées d’identifier plusieurs axes prioritaires, afin de les inscrire dans un « programme coordonné pluriannuel de financement » des actions de prévention.

Adopté à la majorité des voix des membres de la conférence pour une durée maximale de cinq années, ce programme doit répondre à six grands objectifs définis à l’article L. 233- 1 du code de l’action sociale et des familles :

– l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, notamment par la promotion de modes innovants d’achat et de mise à disposition ;

– l’attribution du forfait autonomie destiné à soutenir le développement de la prévention dans les résidences autonomie ;

– la coordination et l’appui des actions de prévention mises en œuvre par les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) intervenant auprès des personnes âgées ;

– la coordination et l’appui des actions de prévention mises en œuvre par les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) intervenant auprès des personnes âgées ;

– le soutien aux actions d’accompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte d’autonomie ;

– le développement d’autres actions collectives de prévention.

Figure 1 : Les six axes de la conférence des financeurs

Source : Guide technique, conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, avril 2016.

Aux termes de l’article L. 233-4 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental transmet chaque année à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), un rapport d’activité ainsi que « les données nécessaires au suivi de l’activité de la conférence ». En s’appuyant sur ces résultats, la CNSA est chargée d’élaborer et de diffuser des outils méthodologiques dans les domaines de l’appui à la réalisation du diagnostic des besoins, du recensement des initiatives locales et d’élaboration du programme coordonné de financement des actions de prévention de la perte d’autonomie.

B.   Une politique de prévention de la perte d’autonomie qui manque de cohérence au niveau national

Si la mise en place des conférences des financeurs a permis d’améliorer la coopération entre les acteurs au niveau du département, la politique de prévention de la perte d’autonomie est très variable selon les territoires et manque d’une véritable impulsion au niveau national.

La plupart des acteurs entendus par la rapporteure déplorent en effet le manque de coordination entre les différents cadres locaux de mise en œuvre, ainsi que l’absence d’un véritable référentiel, partagé à l’échelle nationale, en matière d’évaluation des besoins et des initiatives relatives à la prévention de la perte d’autonomie.

Ce constat est aussi celui du rapport n° 5 précité, qui formule un certain nombre de critiques à l’égard du fonctionnement actuel des conférences des financeurs. Ces critiques ont principalement trait à l’hétérogénéité des financements selon les départements, aux interprétations variables des modalités de financements des actions, aux freins techniques et réglementaires à l’utilisation des concours versés par la CNSA ainsi qu’au risque de « saupoudrage » et de « substitution des financements identifié en l’absence d’une réelle vision partagée des politiques de prévention ».

Dès 2019, dans un communiqué de presse, la CNSA faisait ainsi état d’un « manque de ressources décisionnelles pour guider les financeurs dans leurs choix d’actions au niveau territorial » ([8]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article propose d’instituer une véritable stratégie de prévention de la perte d’autonomie au niveau tant national que territorial.

Il crée une conférence nationale de l’autonomie, chargée d’assurer le pilotage national de la politique de prévention. Il revient à cette conférence de définir, dans le cadre d’un plan pluriannuel, les axes prioritaires pour l’élaboration des programmes coordonnés de financement des conférences des financeurs mentionnés à l’article L. 233‑1 du code de l’action sociale et des familles. Chaque programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention devra inscrire son action dans le cadre de ces axes.

Afin de mener cette mission, cette conférence s’appuie sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques, piloté par la CNSA chargé d’évaluer, de recenser et de labelliser les équipements et aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ou la prévention de la perte d’autonomie en établissement. La création de ce centre faisait partie des recommandations formulées par le rapport précité de M. Dominique Libault consécutif à la concertation sur le grand âge.

Le présent article précise en outre que lorsque le programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention porte sur l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, cela passe « notamment par la mise en place de plateformes de location », la promotion de modes innovants d’achat et de mise à disposition.

Il renvoie enfin à un décret la composition de la conférence nationale de l’autonomie.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs amendements :

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), précisant que la politique de prévention dont il est fait mention dans l’article 1er est bien la prévention de la perte d’autonomie ;

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille, précisant que la conférence nationale de l’autonomie est présidée par le ministre chargé de la politique de l’autonomie ;

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille, renommant le centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques en « centre de ressources probantes » ;

 un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, précisant que la conférence nationale de l’autonomie assure également le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du plan pluriannuel des conférences des financeurs ;

 un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, portant amélioration rédactionnelle ;

 quatre amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires, de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES ainsi que de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) et plusieurs membres de son groupe créant un volet spécifique consacré au développement de la lutte contre l’isolement des personnes âgées parmi les domaines sur lesquels porte le programme coordonné de financement défini par les conférences des financeurs.

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Article 1er bis (nouveau)
Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médicosociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la désignation, dans les établissements et services sociaux et médico‑sociaux prenant en charge des personnes agées ou en situation de handicap, d’un référent chargé de la prévention de la perte d’autonomie.

Cet article, issu de l’adoption d’un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), introduit un nouvel article au sein du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que les responsables des établissements et services sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap ou leur apportant une aide à domicile désignent un salarié ou une personne bénévole, référent des actions menées dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie.

Il est précisé que la personne référente bénéficie d’une formation en matière de santé publique.

Les modalités d’application de cet article sont déterminées par décret.

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Article 1er ter (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise chaque année d’un rapport au Parlement d’un rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)). Il dispose que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport d’évaluation détaillé de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques, créés à l’article 1er de la présente proposition de loi.

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Article 2
Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Adopté avec modifications

Le présent article donne aux services sociaux et sanitaires un accès aux registres des personnes vulnérables et en situation de handicap tenus par les maires afin de lutter contre l’isolement social des personnes âgées et de faciliter la prévention de la perte d’autonomie.

I.   Le droit en vigueur : les registres des personnes vulnÉrables, un outil mobilisable en cas d’urgence ou de risque exceptionnel

1.   Un dispositif permettant de repérer les personnes vulnérables

Issu de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, l’article L. 121‑6‑1 du code de l’action sociale et des familles permet aux maires de recueillir les éléments relatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande dans des registres de personnes vulnérables. Aux termes de cet article, ces données sont notamment utilisées par les services sanitaires et sociaux pour organiser un contact périodique avec les personnes enregistrées en cas de mise en œuvre du plan d’alerte et d’urgence prévu à l’article L. 116-3 du code de l’action sociale et des familles.

Ce plan, souvent qualifié de « plan canicule », a pour objet de répondre à diverses situations de crise – inondations, incendies, incidents nucléaires, épidémies. Il facilite l’intervention des services sanitaires et sociaux auprès de personnes vulnérables, prévoyant l’ouverture dans chaque commune d’un registre de recensement.

La mission de collecte et d’exploitation de ces données revient au maire, chargé d’informer par tous moyens ses administrés de l’ouverture du registre nominatif, de collecter les demandes d’inscription et d’assurer la conservation, la mise à jour et la confidentialité des éléments enregistrés.

Le préfet peut confier aux maires, dans le cadre de leur mission de police municipale, la mise en œuvre du dispositif d’assistance aux personnes isolées à domicile, une fois déclenché le plan d’alerte et d’urgence.

2.   Un recueil de données strictement encadré

● Aux termes de l’article R. 121-3 du code de l’action sociale et des familles, peuvent solliciter leur inscription au registre les personnes résidant à leur domicile et :

– soit âgées de 65 ans et plus ;

– soit âgées de plus de 60 ans et reconnues inaptes au travail ;

– soit bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés, de la prestation de compensation du handicap, de la carte mobilité inclusion, d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou d’une pension d’invalidité servie au titre d’un régime de base de la Sécurité sociale ou du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

L’inscription au registre procède d’une démarche volontaire de la personne concernée ou d’un tiers agissant pour son compte. Cette condition limite la portée du dispositif à des personnes d’ores et déjà inscrites dans des liens de sociabilité.

Les inscriptions à la demande de tiers – particuliers, professionnels de santé, partenaires associatifs ou institutionnels de la commune – sont présentées obligatoirement par écrit et autorisées à la condition que les personnes concernées ne s’y soient pas opposées expressément. Les tiers ont le devoir d’informer la personne préalablement au dépôt de la demande.

Dans tous les cas de figure, le maire adresse sous huit jours à l’intéressé un accusé de réception dont la réception, à défaut d’opposition, vaut confirmation de son accord à l’enregistrement.

● Les informations collectées, énumérées à l’article R. 121-4 du code de l’action sociale et des familles, sont les suivantes :

– les nom, prénoms et date de naissance de la personne ;

– la qualité au titre de laquelle la personne est inscrite sur le registre nominatif ;

– son adresse et son numéro de téléphone ;

– si nécessaire, les coordonnées du service intervenant à domicile et la personne à prévenir en cas d’urgence.

Les personnes enregistrées peuvent par ailleurs faire inscrire toute information complémentaire qu’elles jugent appropriée.

● Le droit d’accès et de correction de ces données est strictement encadré dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Elles peuvent être consultées seulement par les agents chargés de la gestion du registre et de la mise en œuvre du plan d’alerte et d’urgence.

II.   le droit proposÉ

Le présent article modifie l’article L. 121-6-1 du code de l’action sociale et des familles pour autoriser le recours aux registres nominatifs afin de diligenter des « actions visant à lutter contre l’isolement social ».

L’objectif est de faciliter le repérage par les services sanitaires et sociaux des personnes âgées ou en situation de handicap qui pourraient être concernées par l’isolement social afin de prévenir ce phénomène aux conséquences particulièrement néfastes pour les personnes vulnérables.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs amendements :

– deux amendements identiques de Mme Josiane Corneloup et plusieurs membres du groupe Les Républicains et de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), précisant que les maires peuvent partager les données qu’ils recueillent grâce au registre des personnes vulnérables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge les personnes âgées ou en situation de handicap ;

 un amendement de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), permettant la transmission des données des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et des personnes en GIR 5 et 6 bénéficiaires de prestations d’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) aux communes afin de les inscrire sur le registre de personnes vulnérables. Un sous-amendement de la rapporteure Laurence Cristol est venu préciser que ces données ne peuvent être transmises qu’avec accord du bénéficiaire ou, le cas échéant, de la personne chargée à son égard d’une mesure de protection juridique ;

– un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, précisant que les services sociaux et sanitaires peuvent utiliser le registre des personnes vulnérables pour informer les personnes âgées et leurs proches des dispositifs d’aide et d’accompagnement existants et de leurs droits ;

– trois amendements d’amélioration rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 2 bis (nouveau)
Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2
de la présente proposition de loi

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi.

Cet article, qui résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs membres du groupe Les Républicains et de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi. Ce rapport précise les actions de lutte contre l’isolement social menées, leurs résultats et le profil des publics accompagnés.

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Article 2 ter (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur la trajectoire de la branche autonomie

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement portant sur la trajectoire de la branche autonomie, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.

Cet article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de M. Yannick Neuder et plusieurs membres du groupe Les Républicains, dispose que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la trajectoire financière de la branche autonomie jusqu’en 2030 au regard des évolutions de la démographie et des besoins. Ce rapport formule des propositions pour affecter progressivement de nouvelles ressources au financement de la branche autonomie et pour garantir la pérennité des financements destinés au fonctionnement et à l’investissement de l’ensemble des établissements et des services sociaux et médico-sociaux.

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Article 3
Amélioration de la lutte contre la maltraitance et renforcement du droit au respect de la vie privée et familiale

Adopté par la commission avec modifications

Dans l’objectif de promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances, le présent article vise à inscrire la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale et à conforter le droit à la vie privée et familiale. Pour cela, il consacre le droit à recevoir des visites de proches, que ce soit en établissements social et médico-social ou en établissement médical.

I.   L’État du droit : malgrÉ sa forte reconnaissance juridique, politique et sociale, la lutte contre la maltraitance reste insuffisante

A.   La maltraitance des personnes ÂgÉes : un phÉnomÈne mondial en progression

1.   Les définitions internationale, européenne et nationale de la maltraitance s’intègrent dans un cadre juridique et jurisprudentiel

● La maltraitance des personnes âgées constitue un phénomène qui concerne la plupart des pays dans le monde, défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un acte unique ou répété, ou en l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime » ([9]).

● D’après la commission pour la lutte contre la maltraitance, « il y a maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux, et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non ; leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. » ([10])

Les conséquences peuvent être multiples : dépendance fonctionnelle, handicap, mauvaise santé physique, déficience cognitive, mauvaise santé mentale, lésions corporelles, décès prématurés, dépression, ruine financière et placement dans une maison de retraite.

● Malgré l’absence de texte international spécifiquement consacré à ce sujet, la lutte contre la maltraitance, notamment des personnes âgées, découle directement, comme l’a rappelé le rapport de la Défenseure des droits ([11]), du principe de respect de la dignité de la personne humaine, reconnu notamment à l’échelle internationale par plusieurs pactes ([12]) et conventions ([13]) ; à l’échelle européenne, par la Convention européenne des droits de l’Homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ([14]) et la Charte sociale européenne ([15]) ; en France, par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([16]). En outre, le code de l’action sociale et des familles garantit le respect de la dignité et de l’intégrité de l’usager du secteur médico-social ([17]). Ce droit se décline en plusieurs volets, notamment :

– le droit à la vie privée, à l’intimité, à la sécurité ;

– le droit d’aller et venir librement ;

– le libre choix des prestations adaptées ;

– le droit à une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité, respectant son consentement éclairé ;

– le droit à la confidentialité des informations qui la concernent.

Une Charte des droits et libertés de la personne accueillie a, en outre, été établie ([18]) afin d’être communiquée à chaque résident. Ces droits fondamentaux y sont rappelés.

2.   Définir et quantifier la maltraitance

● Malgré cette forte reconnaissance juridique, la maltraitance continue à être pratiquée, que soit au domicile ou en établissements, sur les personnes âgées dépendantes.

● Selon une analyse réalisée en 2017 et compilant cinquante‑deux études réalisées dans vingt‑huit pays ([19]), environ une personne âgée de plus de 60 ans sur six a été victime d’une forme de maltraitance dans son environnement familier au cours de l’année écoulée et que les établissements tels que les maisons de retraite et les établissements de soins de longue durée étaient particulièrement concernés. La crise sanitaire a également participé à renforcer ce phénomène de près de 84 % ([20]).

Compte tenu du vieillissement rapide de la population mondiale, l’OMS estime que le nombre de victimes pourrait atteindre quelque 320 millions de personnes d’ici à 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans dépassant alors 2 milliards.

● En France, la Fédération 3977 contre les maltraitances envers les personnes en situation de vulnérabilité (notamment âgées ou en situation de handicap) constate « une augmentation massive » du nombre d’appels reçus sur sa plateforme. Selon les données provisoires pour 2022, la fédération a reçu 81 707 appels contre 38 000 estimés en 2021, soit plus qu’un doublement ([21]).

La Défenseure des droits, dans son rapport de 2021, avait bien mis en avant le nombre croissant de réclamations dont elle est saisie sur ce fondement. En janvier 2023, elle a publié un nouveau rapport, permettant le suivi de la mise en œuvre des recommandations du rapport de 2021. Entre mai 2021 et janvier 2023, elle indique avoir reçu 281 nouvelles réclamations individuelles dénonçant des atteintes aux droits, confirmant le « caractère systémique de la maltraitance au sein des EHPAD » ([22]).

Selon la commission de promotion et de lutte contre les maltraitances il existe 4 « modes-types » de maltraitance qui appellent des réponses différentes ([23]). Le premier est l’acte individuel et conscient qui mérite d’être identifié en tant que tel et qui appelle des mesures de sanction, protectrices et réparatrices. Le deuxième est l’acte individuel involontaire qui peut être dû à un manque de formation. L’auteur doit en prendre conscience et être accompagné pour modifier son comportement. Le troisième décrit une situation de maltraitance collective et consciente qui résulte le plus souvent d’une carence grave de l’organisation et d’un dysfonctionnement collectif. Il convient d’y répondre par une mise à niveau des organisations tant quantitative que qualitative. Enfin, le quatrième type de maltraitance correspond à une situation collective et non consciente qui échappe au regard de tous. Il s’agit d’une maltraitance institutionnelle et systémique, qui est le reflet d’un manque de discernement collectif et de la nécessité d’une réflexion éthique sur l’accompagnement des personnes.

La « maltraitance institutionnelle » est représentative de la complexité des phénomènes de maltraitance, car elle repose sur une articulation entre des responsabilités individuelle et collective. On parle de maltraitance institutionnelle « lorsque des situations de maltraitance résultent, au moins en partie, de pratiques managériales, de l’organisation et/ou du mode de gestion d’une institution, d’un organisme gestionnaire, voire de restrictions ou dysfonctionnements au niveau des autorités de tutelle sur un territoire » ([24]). Elle peut donc s’exercer à l’échelle d’un établissement ou d’un groupe d’établissements.

Dès lors, dans une approche afin de prendre en compte toutes les vulnérabilités et la diversité des parcours de vie, il s’agira donc de mieux comprendre les maltraitances, de réagir collectivement, et de prévenir leur survenance.

B.   En France, une prise de conscience rapide qui doit amener À l’action

● En France, le scandale dit « Orpea », en 2022, a permis une prise de conscience collective massive autour des enjeux de la maltraitance. Afin de définir une palette d’actions qui permettent de rassembler les personnes âgées et leurs familles, les acteurs du secteur et les pouvoirs publics, des « états généraux de la maltraitance » ont été lancés par le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées en mars 2023. Ce lancement a été l’occasion de mettre en avant « l’urgence » à agir en la matière.

Ces états généraux se déroulent sur cinq mois et en trois étapes : une consultation des personnes concernées, de leurs familles et de leurs proches ainsi que des professionnels de l’action sanitaire et sociale, un travail avec les forces de l’ordre dans le cadre d’une convention signée avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et un travail avec les associations, collectifs et fédérations professionnels en vue de mieux repérer, orienter et accompagner les victimes. À la fin du mois de juin, un rapport clôturera les états généraux et une stratégie nationale de lutte contre les maltraitances sera annoncée à l’automne 2023.

● En outre, il faut rappeler que la loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement a prévu la mise en place d’une Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, regroupant le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Comité national consultatif des personnes handicapées.

II.   Le dispositif proposÉ : renforcement du respect au droit à la vie privée et familiale

Les études montrent que la lutte contre la maltraitance passe nécessairement par le renforcement des liens des personnes âgées, qu’elles soient à domicile ou en établissements, avec leurs milieux sociaux et familiaux. La rupture de ce lien doit être évitée à tout prix, ce qui est l’objet du présent article.

A.   Le droit de visite permet le maintien des liens sociaux et familiaux, condition indispensable pour lutter contre la maltraitance

 Le respect du droit à la vie privée et familiale dont le droit de recevoir la visite des proches est garanti aux personnes accueillies en Ehpad par l’article 23 de la convention internationale des droits des personnes handicapées et par l’article L. 311-9 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que les établissements sociaux et médico-sociaux doivent « rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu’à ce qu’il aboutisse ».

S’agissant des majeurs protégés, l’article 459-2 du code civil précise que toute personne sous mesure de protection juridique entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non, et qu’elle a le droit d’être visitée par lui.

Le présent article vise à renforcer les dispositions du code de l’action sociale et des familles en ce qui concerne le droit de visite. Le du I vise d’abord à intégrer, au 1° de l’article L. 311-1 du code de l’action sociale et des familles, dans la liste des missions d’intérêt général de l’action sociale et médico-sociale, la prévention et la lutte contre les maltraitances, afin d’inscrire clairement cet objectif.

● Le du I propose ensuite de modifier l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, qui définit l’exercice des droits et libertés individuels pour les personnes prises en charge par des établissements sociaux et médico‑sociaux. Le a du du I vise d’abord à insérer un 1° bis à la liste de ces droits et libertés, pour y insérer le « droit de visite ses proches » et le « droit au maintien d’un lien social et à une vie familiale normale ».

● En parallèle, le II propose d’intégrer ce même objectif dans le code de la santé publique, en créant un nouvel article L. 1110-4 dans un chapitre de ce code qui traite des droits de la personne hospitalisée. Comme le proposait déjà la Défenseure des droits dans un avis daté de 2021 ([25]), il s’agit de renforcer l’arsenal juridique sur ce point.

En effet, comme le précise la Défenseure des droits, « la possibilité de recevoir des visites n’est pas affirmée explicitement par des normes de valeur supérieure à [la] circulaire relative à la charte des personnes hospitalisée ([26]) ; elle résulte davantage d’une interprétation du cadre juridique des droits des patients qui fixe dans un texte règlementaire les limites de la venue de visiteurs "qui peuvent être reçus par les médecins" mais "ne doivent pas troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services" », selon les articles R. 1112-44 et R. 1112-47 du code de la santé publique.

Ainsi, le présent article permet d’insérer dans le code de la santé publique la mention du fait que « le patient accueilli au sein d’un établissement de santé bénéficie d’un droit de visite de ses proches, sauf à ce que ce patient s’y oppose ».

B.   Une clarification du rÔle de la personne de confiance dans le secteur mÉdico-social

● En parallèle, le présent article vise également à renforcer et clarifier le rôle de la « personne de confiance ». Cette notion résulte de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015, qui a permis de faire en sorte que la personne âgée accueillie en Ehpad dispose du droit de désigner une personne de confiance qui dispose d’attributions propres dans le secteur médico-social, en particulier la possibilité qui lui est donnée d’accompagner le résident et de veiller au respect de ses droits. La personne de confiance a donc un rôle central pour le résident, en étant consultée en cas de difficulté, en permettant de s’assurer de la validité de son consentement et en l’accompagnant lors de la signature du contrat de séjour.

La personne de confiance dans le secteur médico-social peut également se voir confier les attributions classiques des personnes de confiance dans le secteur sanitaire (assister la personne dans ses démarches, l’accompagner durant les examens médicaux, l’aider dans la prise de décisions relatives à sa santé) ([27]).

● L’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le futur résident doit être informé, en amont de la conclusion du contrat de séjour, de son droit de désigner cette personne de confiance ([28]), même si la Défenseure des droits a considéré, dans son rapport de 2021, que « le résident n’est souvent pas informé de ce droit et, surtout, que le rôle de la personne de confiance n’est pas bien compris par les parties prenantes, fréquemment confondu avec celui du représentant légal » ([29]).

● Ainsi, le b du du I propose ensuite d’ajouter à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles un nouvel alinéa permettant d’encadrer le cas dans lequel une personne serait dans l’incapacité totale ou partielle de s’exprimer. Dans ce cas, il est proposé que la personne concernée soit assistée :

– soit de la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique ;

– soit de la personne de confiance désignée dans le cadre prévu par la loi ;

– soit, à défaut, par un proche.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin, de MM. Pierre Dharéville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine) ainsi que de Mme Servane Hugues et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, dans l’objectif de préciser que la définition de la maltraitance se réfère à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, dans le but d’inclure la lutte contre les situations d’isolement dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure Annie Vidal, visant à apporter des précisions relatives au droit de visite et permettant d’ajouter la mention du droit au respect d’une vie familiale normale, ainsi qu’un amendement de la rapporteure Annie Vidal, permettant de supprimer les alinéas relatifs aux personnes n’étant pas en capacité d’exprimer leur volonté, dans le but d’éviter toute situation de blocage si plusieurs personnes souhaitaient devenir personne de confiance.

Un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES permet de prévoir que la personne de confiance puisse également se voir remettre des documents obligatoires dont la charte des droits et libertés de la personne accueillie et un amendement de MM. Pierre Dharéville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine) permet, par défaut, la présence de la personne de confiance lors de la conclusion du contrat de séjour, sauf si la personne accueillie s’y oppose.

Enfin, la commission a adopté un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, sous amendé par la rapporteure Annie Vidal, afin d’apporter des précisions concernant la désignation de la personne de confiance et son rôle à l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles.

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Article 3 bis (nouveau)
Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Introduit par la commission

L’article 3 bis prévoit de compléter le contrat de séjour conclu au moment de l’entrée en ESMS par un projet d’accueil personnalisé.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Pascal Lecamp et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants). Il vise à compléter le contrat de séjour avec un « projet d’accueil personnalisé ». Il complète l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles qui définit le contrat de séjour. L’article prévoit que ce projet d’accueil doit être réévalué et adapté au minimum une fois par l’an.

D’après la Haute Autorité de santé (HAS), « le projet personnalisé est un outil de coordination visant à répondre à long terme aux besoins et attentes de la personne accueillie. La vision portée par le législateur dans les différents textes insérés au Code de l’action sociale et des familles (CASF) conduit les personnes accueillies au sein des établissements sociaux et médico-sociaux à participer à leur propre projet dans une dynamique de parcours » ([30]).

La HAS précise que « selon l’Enquête nationale Anesm Bientraitance de 2015, 84 % des Ehpad ont élaboré des projets personnalisés, mais leur réévaluation n’est pas systématique. Et seulement 34 % des Ehpad réévaluent les projets personnalisés en cas de modification des potentialités du résident. 72 % des Ehpad interrogés ont construit le projet personnalisé en co-construction avec le résident (seul ou accompagné par une personne de son entourage), alors que 16 % l’ont effectué sans le résident ou son entourage. »

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Article 3 ter (nouveau)
Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Introduit par la commission

L’article 3 ter prévoit que l’accord écrit préalable de l’occupant au contrôle dans son espace de vie privatif, ou l’expression de son refus, est recueilli à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour ou de l’élaboration du document individuel de prise en charge qu’il signe lors de l’entrée dans l’établissement ou la mise en œuvre du service à domicile.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance. Il permet de mieux assurer l’exercice des droits et libertés individuels garantis à toute personne qui est prise en charge ou accompagnée en établissements sociaux et médico-sociaux.

Au moment de son entrée en établissement ou service ou de la mise en œuvre d’un service à domicile, il est nécessaire de conclure un contrat de séjour ou d’élaborer un document individuel de prise en charge.

L’article 3 ter permet ainsi d’introduire la mention expresse de l’accord ou du refus, révocables à tout moment, de la personne accueillie en ce qui concerne le contrôle de son espace de vie privatif.

Cet article précise, en outre, que la collecte des données personnelles recueillies au cours de sa prise en charge ainsi que leur conservation et traitement éventuel devront se faire dans le respect des droits et libertés garanties aux personnes prises en charge.

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Article 4
Renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à créer une nouvelle instance dont l’objectif sera de recueillir et de traiter les alertes en cas de maltraitance sur des personnes vulnérables. Portées par les ARS via les conférences régionales de santé et de l’autonomie, les alertes recueillies seront ensuite redirigées vers les autorités compétentes dont dependent les personnes pour l’analyse et le suivi. Un bilan annuel des alertes sera établi.

I.   L’État du droit : des dispositifs d’alertes insuffisants en cas de maltraitance des personnes agées vulnérables

A.   l’organisation des alertes en cas de maltraitance

1.   Le rôle de l’État dans le signalement

● La maltraitance des personnes âgées constitue un phénomène que les pouvoirs publics combattent par tous les moyens, en partenariat avec les professionnels. Toutefois, le scandale « Orpéa » ([31]) a mis en avant le manque d’une procédure préalablement définie et portée à la connaissance des personnes concernées, de leur entourage et des soignants.

La maltraitance des personnes vulnérables constitue un phénomène que les pouvoirs publics doivent, avec les professionnels, et les proches aidants empêcher par tous les moyens. La récente crise sanitaire et le scandale « Orpéa » a bien mis en avant le manque de procédure définie et connue des personnes concernées, de leur entourage et des soignants.

Par ailleurs l’étude du CREDOC de janvier 2023 ([32]) indique que 70 % des Français sont inquiets des risques de maltraitance pour eux-mêmes ou leurs proches, 42 % craignent d’y être confortés personnellement, 60 % pensent qu’on ne parle pas assez des maltraitances sur les personnes vulnérables et 65 % considèrent que les pouvoirs publics ne font pas assez pour lutter contre les maltraitances envers les personnes vulnérables.

La lutte contre les maltraitances relève de la responsabilité de l’État. Elle est mise en œuvre sur le terrain par :

– les directions régionales et départementales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, sous l’autorité des préfets, pour les établissements et services sociaux ;

– les agences régionales de santé pour les établissements et services de santé et médico-sociaux ([33]).

Il revient à la direction générale de la cohésion sociale d’animer la politique nationale de prévention et de lutte contre les maltraitances des publics vulnérables ([34]).

● L’action de l’État vient compléter l’action des conseils départementaux, chargés de définir et de mettre en œuvre sur leur territoire la politique sociale en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

● Comme le précise le rapport d’activité de la Fédération 3977 ([35]), cette politique, menée à la fois par l’État et les départements, a trois objectifs :

– faciliter le signalement des faits de maltraitances ;

– répondre aux alertes en organisant des contrôles au sein des établissements ;

– prévenir et repérer les risques de maltraitance en institution par le déploiement d’une politique active de bientraitance.

En outre, la Commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance ([36]) réunit le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Conseil national consultatif des personnes handicapées, auxquels sont adjoints des experts et des représentants des secteurs concernés.

2.   La mise en place progressive d’un numéro national permettant les signalements

● À partir de 2008, l’État a financé le fonctionnement d’un numéro national d’accueil des victimes et des témoins de faits de maltraitance : le 3977 ([37]). Les suites données à ces appels relevaient alors d’un autre dispositif – le réseau des centres Alma départementaux ou interdépartementaux ([38]).

Les centres Alma et la plateforme 3977 ont fusionné en 2014 pour donner naissance à la « Fédération 3977 contre la maltraitance », cellule d’écoute des personnes qui signalent une situation de maltraitance, dans l’objectif d’une couverture intégrale du territoire. Entre 2017 et 2019, une convention pluriannuelle avec l’État est venue conforter la Fédération 3977 dans ses missions. Les centres fédéraux reçoivent les signalements, orientent vers les services compétents – professionnels, instances sanitaires ou sociales, personnels de l’État, conseils départementaux, autorité judiciaire.

Une nouvelle convention pluriannuelle 2021 et 2023 a confirmé le rôle dévolu à la Fédération 3977 et ses actions existantes. Elle prévoit également la rédaction d’un rapport annuel destiné à mieux faire connaitre les situations de maltraitance.

● Les signalements s’inscrivent dans un cadre légal répressif. Le code pénal, outre la non-assistance à personne en danger ([39]), sanctionne de peines correctionnelles le silence de toute personne qui a connaissance « de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés (…) à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique » et qui s’abstient d’en informer les autorités judiciaires ou administratives ([40]).

● La loi du 9 décembre 2016 ([41]),dite « loi Sapin II », prévoit une protection des lanceurs d’alertes, au même titre que dans les autres secteurs, pour les agents des établissements sociaux et médico-sociaux ([42]). Malgré cette disposition destinée à faciliter les signalements, la Défenseure des droits identifie des blocages persistants qui font obstacle à la révélation des comportements maltraitants ([43]). Elle identifie notamment le manque de connaissance sur la maltraitance, les conflits de loyauté à l’égard de l’employeur ou encore une législation encore complexe et parfois lacunaire ([44]).

B.   L’afflux d’alertes, notamment après le scandale dit « orpea », doit conduire À renforcer le droit en vigueur

● Le rapport d’activité de la Fédération 3977 précise que 37 519 appels ont été reçus en 2021, soit une croissance sur l’année de 21 % correspondant à 8 830 nouvelles situations de maltraitance ([45]). 73 % des personnes concernées ont plus de 60 ans et 27 % sont en situation de handicap. 73 % vivent à leur domicile et 27 % en établissement. Dans 48 % des cas, l’entourage familial est mis en cause, quand 34 % des appels désignent des comportements imputables à des professionnels. Dans 32 % des situations, la maltraitance prend la forme de violences psychologiques et, dans 18 % des cas, de violences physiques ([46]).

La crise consécutive aux révélations liées à l’affaire dite « Orpéa » a entraîné « un afflux massif et inédit d’alertes portant sur des situations de maltraitances en Ehpad ». La Fédération 3977 indique toutefois qu’il existe probablement une « sous-déclaration sans doute encore massive » des alertes.

● Le rapport annuel 2021 de la Défenseure des droits fait mention « des difficultés que peuvent rencontrer les résidents et, le plus souvent, leurs proches pour porter plainte » ([47]). Outre la faible sensibilisation à ce sujet des personnels de police et de gendarmerie chargés de recueillir les plaintes, il semble que « certains faits restent encore banalisés et il peut être fait preuve d’une plus grande tolérance envers les auteurs en raison des conditions de travail difficiles dans le secteur médico-social ». Les craintes de représailles de la part de l’établissement peuvent également être éprouvées par les membres de la famille.

II.   Le dispositif proposÉ : une nouvelle instance en charge du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes

● Dans le but de renforcer les dispositifs d’alerte existants contre les cas de maltraitance de personnes âgées, le présent article crée une instance départementale spécifique. Un nouvel article L. 116-2-1 est inséré dans le code de l’action sociale et des familles, qui définit cette structure chargée du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes relatives aux personnes majeures en situation de vulnérabilité en raison de leur âge, leur maladie, leur handicap ou leur qualité́ de majeur protégé et victimes de maltraitance.

L’instance territoriale réunit le président du conseil départemental, le représentant de l’État dans le département, le représentant de l’Agence régionale de santé et les partenaires institutionnels ou associatifs concernés.

● L’instance territoriale conduit les enquêtes pluridisciplinaires nécessaires à sa mission d’évaluation. Elle est dotée d’une structure de pilotage pour établir une synthèse des situations de maltraitance déclarées dans le département. Elle peut procéder à un signalement judiciaire ([48]).

Un décret définira la composition et les modalités de fonctionnement précises de la nouvelle instance territoriale.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal. Celui-ci a modifié l’article selon plusieurs axes :

– tous les acteurs sont réunis au sein d’une instance qui est située au niveau départemental ;

– l’instance est placée sous la responsabilité des agences régionales de santé dans le cadre d’une nouvelle mission d’animation territoriale de la politique publique de lutte contre les maltraitances envers les adultes ;

– une fois par an, les données relatives aux maltraitances sont partagées avec les parties prenantes de la démocratie en santé au sein de la commission régionale de la santé et de l’autonomie ;

– une formation dédiée pourra être mise en œuvre par l’École des hautes études en santé publique.

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Article 5
Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à préciser et clarifier les missions du mandataire de protection judiciaire, dont le rôle est central auprès des personnes sous nprotection judiciaire, notamment dans la préservation de ses libertés et de son autonomie et dans l’objectif d’assurer sa sécurité juridique. Par ailleurs, cet article vise à introduire une charte éthique que les mandataires devront suivre dans l’exercice de leurs missions. Il instaure également une obligation de déclaration au procureur de la république de toute situation de maltraitance constatée.

I.   L’État du droit : la protection judiciaire des majeurs constitue un outil indispensable pour garantir la protection des personnes ÂgÉes dépendantes

A.   LEs mesures de protection judiciaires et non judiciaires

● Dans le cas où une personne âgée ne serait plus capable de prendre soin d’elle-même et de s’occuper de ses affaires courantes, deux types de protection juridiques existent :

– des mesures de protection non judiciaires, avec notamment le mandat de protection future ([49]), qui permet de choisir les personnes qui vont exercer sa protection et d’en définir l’étendue, et l’habilitation familiale ([50]), qui permet à un proche de représenter une personne ou de l’assister lorsqu’elle est dans l’incapacité de pourvoir seule à ses intérêts ;

– des mesures de protection judiciaires : la sauvegarde de justice (mesure provisoire ([51])), la curatelle (mesure d’assistance et de contrôle) et la tutelle (mesure de représentation) ([52]).

Les mesures de protection judiciaire sont toujours progressives et limitées dans le temps, étant prononcées pour cinq années au maximum ([53]). Il revient au juge des contentieux de la protection ([54]) de décider de la mesure la plus adaptée.

Ces mesures, quelle qu’en soit la nature, visent à éviter qu’une personne ne coure le risque de mettre sa vie ou celle des autres en danger, qu’une mauvaise gestion de son patrimoine ne lui soit préjudiciable ou qu’un abus de faiblesse ne soit commis.

● Dans le cas où il doit prononcer le recours à des mesures de protection judiciaire, le juge se prononce en fonction de quatre principes :

– le principe de nécessité, afin de vérifier que la situation justifie un tel recours et que les facultés mentales de la personne sont effectivement altérées ;

– le principe de subsidiarité, visant à privilégier d’autres solutions si cela est possible ;

– le principe de proportionnalité, afin de choisir la solution la plus adaptée aux capacités de la personne.

B.   Le rÔle du mandataire judiciaire À la protection des majeurs

● Le mandataire judiciaire intervient dans le cas où le juge n’a pas pu désigner un membre de la famille pour tenir le rôle de tuteur, curateur ou mandataire. Dans ce cas, un professionnel de la justice est désigné, celui-ci devant être inscrit sur une liste départementale établie par le préfet ([55]).

Il peut s’agir :

– d’une personne morale, telle qu’une association tutélaire ;

– d’un mandataire privé exerçant à titre individuel ;

– d’un préposé dans un établissement d’hébergement ([56]).

● Les mandataires judiciaires se caractérisent donc par une forte diversité de statuts. Dans tous les cas, il est nécessaire d’être titulaire d’un certificat national de compétence, accessible, après une formation de 300 heures théoriques et 250 heures de pratique professionnelle auprès d’un mandataire, à toute personne ayant 25 ans révolus, titulaire d’un diplôme de niveau III ([57]) et ayant occupé pendant au moins trois ans un poste dans le domaine juridique, patrimonial ou social.

Son rôle est multiple : il peut intervenir tant d’un point de vue financier que social ou juridique (gestion des biens et du budget, paiement des factures, notamment). Il est rémunéré par la personne sous mesure de protection ou, en cas d’impossibilité, par l’État ([58]).

● Le mandataire judiciaire est également tenu d’assurer une bonne information de l’entourage de la personne protégée, dans un objectif de lutte contre les risques de maltraitance ([59]), en leur fournissant :

– une notice d’information à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée ([60]) ;

– un document individuel de protection des majeurs ([61]). Ce document, introduit par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, permet de résumer les objectifs et la nature de la mesure de protection, dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et, le cas échéant, du projet de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée.

II.   Le dispositif proposÉ : prÉciser le rÔle du mandataire judiciaire, notamment face À des cas de maltraitance

● Le a du propose d’abord d’ajouter à l’article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles afin d’ajouter, dans les compétences potentielles des mandataires judiciaires, celle du mandat de protection future. En effet, le mandataire désigné pour représenter l’auteur qui établit le mandat, en anticipation d’une éventuelle perte de capacité physique ou morale, peut être soit une personne physique choisie par le mandant (membre de la famille, proche, professionnel) soit un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

● Plus substantiellement, le b du propose de clarifier les missions du mandataire judiciaire dans le cadre du même article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles, afin d’y mentionner :

– la préservation des libertés fondamentales de la personne protégée et l’exercice de ses droits ;

– la promotion de son autonomie en s’assurant de l’expression de sa volonté ainsi que la protection de ses intérêts patrimoniaux et son accompagnement ;

– l’objectif de conforter la sécurité juridique des actes accomplis par la personne protégée et la vérification de la manifestation de leur consentement ;

– le respect, par les mandataires judiciaires, d’une charte éthique et de déontologie définie par voie réglementaire, en associant les mandataires professionnels et les représentants des usagers.

● Enfin, le propose de créer, au sein du code de l’action sociale et des familles, un nouvel article L 471-8-1, demandant aux mandataires judiciaires de prévenir l’autorité administrative ou le juge compétent de « tout dysfonctionnement ou événement grave portant atteinte aux droits des personnes protégées, à leur santé, leur sécurité » ainsi que des « démarches » entreprises pour remédier à cette situation. En cas de maltraitance, les mandataires judiciaires devraient en informer le procureur de la République.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal, afin de permettre de sécuriser juridiquement le dispositif.

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Article 5 bis (nouveau)
Création d’un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre »

Introduit par la commission

L’article 5 bis introduit un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre ».

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mmes Béatrice Piron et Natalia Pouzyreff (groupe Renaissance). Il permet d’introduire, dans l’objectif de renforcer le droit à l’information sur les modalités de prise en charge des résidents, un livret d’accueil supplémentaire, au moment de l’entrée dans un établissement ou un service social ou médico-social.

Il est précisé que ce livret devra être en format « facile à lire et à comprendre » (FALC), afin d’être diffusé le plus largement possible.

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Article 5 ter (nouveau)
Demande de rapport sur les mesures de contention dans les établissements médico-sociaux

Introduit par la commission

L’article 5 ter demande un rapport au Gouvernement sur les mesures de contention physique et médicamenteuse réalisées dans les établissements médico-sociaux.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine). Il demande un rapport au Gouvernement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, évaluant le recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les établissements médico-sociaux.

Le rapport de la Défenseure des droits sur les droits fondamentaux des personnes en Ehpad ([62]) avait en effet pointé que « la pratique de la contention physique – attachement, installation de barrières, etc.  et médicamenteuse – sédation – est répandue en EHPAD sur tout le territoire. Elle est notamment utilisée pour pallier le manque de personnel ou encore l’inadaptation de l’établissement à l’état de la personne. Le recours aux moyens de contention peut ainsi avoir pour simple origine des installations qui ne sont pas suffisamment sécurisées ou adaptées aux besoins du résident. De plus, le recours aux mesures de contention au sein de ces établissements est laissé à la libre appréciation des équipes. Il peut ainsi s’effectuer sans analyse de la proportionnalité, sans prescription médicale, sans limite dans le temps et sans être tracé. »

L’article 5 ter demande ainsi au Gouvernement de proposer, le cas échéant, des propositions visant à mieux encadrer l’usage de la contention et à la réduire.

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Article 5 quater (nouveau)
Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles

Introduit par la commission

L’article 5 quater permet au juge des tutelles de désigner un curateur ou tuteur de « remplacement », en anticipation du décès de la personne initialement désignée.

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal.

Il complète l’article 447 du code civil afin de permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les proches du majeur protégé, un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débutera au décès de la personne désignée en premier lieu. Le juge pourra procéder à cette désignation au moment de l’ouverture de la mesure de protection judiciaire, ou ultérieurement.

Enfin, les mots « pères et mères » sont remplacés à l’article 448 du même code, afin de faire référence aux parents.

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Article 5 quinquies (nouveau)
Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance

Introduit par la commission

L’article 5 quinquies crée un mandat de protection future aux fins d’assistance.

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal. Il modifie l’article 477 du code civil afin de créer un mandat de protection future aux fins d’assistance, aux côtés de celles de représentation. La nature du mandat sera susceptible d’évoluer « en fonction du degré d’altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat ». Cette mesure, introduite en droit français par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, permet actuellement à toute personne d’anticiper un besoin de représentation en cas de survenance d’une vulnérabilité future.

Les articles 483 et 493 du même code sont également modifiés afin de faire évoluer la terminologie liée au mandat de protection future. Le terme de « mandant » est ainsi remplacé par « bénéficiaire du mandat », afin de couvrir les situations dans lesquelles le mandant n’est pas la personne concernée par le mandat, tels que les parents des enfants en situation de handicap.

Enfin, les conditions de mise à exécution du mandat sont rénovées. L’article 481 du même code ainsi modifié prévoit que le mandat soit mis à exécution sur transmission au greffe du tribunal judiciaire d’un « certificat médical circonstancié », et non seulement d’un certificat médical.

L’introduction de l’habilitation familiale aux fins d’assistance par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice nécessite en outre des adaptations des textes relatifs au mandat de protection future.

Cet article additionnel renforce par ailleurs les conditions de mise à exécution du mandat de protection future, en exigeant la production d’un certificat médical circonstancié, contre un simple certificat médical en l’état actuel des textes, pour que le mandat puisse prendre effet.

L’introduction de l’habilitation familiale aux fins d’assistance par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice nécessite en outre des adaptations des textes relatifs au mandat de protection future.

Enfin, cet article renforce les conditions de mise à exécution du mandat de protection future, en exigeant la production d’un certificat médical circonstancié, contre un simple certificat médical en l’état actuel des textes, pour que le mandat puisse prendre effet.

Le présent article s’inscrit dans le cadre des préconisations formulées à l’occasion des États généraux de la justice ([63]).

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Article 5 sexies (nouveau)
Évolution du dispositif d’habilitation familiale

Introduit par la commission

L’article 5 sexies fait évoluer le dispositif d’habilitation familiale en élargissant la liste des personnes pouvant être habilitées et en prévoyant la possibilité pour le juge de nommer une personne habilitée de « remplacement ».

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal. Il modifie l’article 494-1 du code civil dans un double objectif :

 élargir la liste des personnes habilitées à assister ou à représenter un adulte vulnérable, limitée en l’état actuel à « ses ascendants ou descendants, frères et sœurs », à tout « parent ou allié » ;

 permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les autres proches du majeur protégé, une personne habilitée « de remplacement », dont la mission débutera immédiatement et automatiquement au décès de la personne initialement désignée.

Enfin, cet article tire les conséquences des dispositions votées dans le cadre de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, favorisant le prononcé de l’habilitation aux fins d’assistance, en clarifiant le régime juridique de cette mesure.

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Article 6
Expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile

Adopté par la commission avec modification

L’article 6 autorise l’expérimentation d’une carte professionnelle destinée aux aides à domicile afin de mieux identifier les personnes intervenant dans l’habitation des personnes âgées, de reconnaître leur qualification et de faciliter leur accès à certains services.

I.   L’État du droit : L’aide À domicile, un Secteur dispersÉ en mAnque de reconnaissance

A.   Des mÉtiers au cœur du « virage domiciliaire »

Alors que la part des personnes âgées au sein de la population augmente et que les Français expriment majoritairement le souhait de vieillir chez eux, les professions de l’aide à domicile sont appelées à voir leur rôle renforcé dans les prochaines années.

● Mentionnés à l’article L. 7231-1 du code du travail, les services de l’aide à domicile constituent une sous-catégorie des services à la personne. Aux termes de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ils interviennent auprès des publics vulnérables, âgés ou handicapés, et apportent :

– une assistance dans les actes quotidiens de la vie ;

– des prestations de soins ;

– une aide à l’insertion sociale ;

– un accompagnement médico-social en milieu ouvert pour les personnes en situation de handicap.

 Il existe aujourd’hui trois types de services d’aide à domicile pour personnes âgées, qui peuvent être publics, associatifs ou privés lucratifs :

– les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), qui assurent des prestations d’aide à la personne pour les activités ordinaires et les actes essentiels de la vie quotidienne comme l’entretien du logement, la préparation des repas ou l’assistance à l’habillage. Ces services sont autorisés, tarifés et financés majoritairement par les départements ;

– les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) qui apportent, sur prescription médicale et selon les compétences de leurs dispensateurs, des soins d’hygiène (aide à la toilette), et des soins infirmiers (pansements, injections, distribution de médicaments). Prodiguées majoritairement par des infirmiers et des aides-soignants, ces prestations contribuent à prévenir la perte d’autonomie, facilitent le retour à domicile et retardent l’entrée en établissement des personnes âgées. Ces services assurent la coordination des professionnels médicaux et paramédicaux ;

– les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), qui constituent une nouvelle prestation qui pourvoit à la fois des soins infirmiers et des aides à domicile. Ils sont autorisés par les départements et les agences régionales de santé. Ils reçoivent des financements des départements, pour les actions d’aide, ainsi que de la branche autonomie de la sécurité sociale, en ce qui concerne les soins.

● Ces services sont soumis à des conditions préalables d’exercice. Un régime d’autorisation délivrée par le président du conseil départemental s’applique aux Saad, qui doivent se conformer au cahier des charges que prévoit l’article L. 313‑1-3 du code de l’action sociale et des familles. Les services d’aide à domicile doivent également obtenir un agrément délivré par l’État suivant des critères de qualité.

Les modes d’exercice du métier d’aide à domicile

Les services de l’aide à domicile peuvent être proposés selon trois modes d’exercice différents :

– le mode prestataire. Il s’agit du mode d’intervention le plus répandu. L’aide à domicile exerçant sous ce mode est salarié d’une structure d’aide à domicile. Le bénéficiaire de l’aide paie la prestation au service, qui rémunère l’employé.

– le mode mandataire. Le bénéficiaire de l’aide est lui-même employeur. Toutefois, il recourt à une structure d’aide à domicile pour la sélection de l’intervenant à domicile et la gestion des formalités administratives. Le bénéficiaire propose ensuite un contrat de travail à l’intervenant, qu’il rémunère directement.

– l’emploi direct. Le bénéficiaire est l’employeur de l’intervenant et assume la responsabilité des tâches administratives.

Source : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

B.   confrontÉ À des besoins croissantS, le secteur souffre d’un dÉfaut de reconnaissance et d’atTractivitÉ

1.   Les métiers de l’aide à domicile sont insuffisamment identifiés par le grand public et les autres professionnels

Les métiers de l’aide à domicile sont mal identifiés et peu valorisés auprès du grand public et des autres professionnels du secteur sanitaire et social.

● Ce manque de lisibilité est à relier à la multiplicité des métiers, exercés sous l’autorité d’employeurs aux statuts juridiques différents, qui nuisent à la coordination entre les prestations d’aide et de soin et à la compréhension par les usagers.

Dans un avis de décembre 2020, le Conseil économique, social et environnemental souligne ainsi la complexité du paysage juridique des métiers de l’aide à domicile, pour lesquels sept conventions collectives sont applicables et trois opérateurs de compétences concernés (santé, cohésion sociale et entreprises de proximité) ([64]).

● Les emplois de l’aide à domicile sont également morcelés en fonction des différents niveaux de formation des intervenants et du fait de l’émiettement des diplômes et certifications professionnelles. Au diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social (DEAES) s’ajoutent une dizaine de formations diplômantes ([65]). Toutefois, il n’existe pas de diplôme obligatoire pour l’exercice des métiers de l’aide et de l’accompagnement à domicile. C’est ainsi que 65 % des professionnels sont sans diplôme, en dépit de réelles compétences forgées par l’expérience ([66]).

2.   Majoritairement occupés par des femmes, les emplois de l’aide à domicile sont peu attractifs du fait de leur pénibilité

Occupés à 95 % par des femmes, les métiers de l’aide à domicile souffrent d’un défaut d’attractivité lié à la difficulté physique des actes effectués, aux temps de travail fragmentés et irréguliers, et à la multiplicité des lieux d’intervention.

● Les rapports successifs sur les métiers de l’aide à domicile mettent en évidence les difficultés du secteur à recruter et à fidéliser les jeunes salariés ([67]). Selon une enquête menée par l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una), un poste sur cinq était à pourvoir en 2018. Dans le cadre de son enquête annuelle, Pôle Emploi constate que le métier « aides à domicile et aides ménagères » figure parmi les principaux secteurs en tension. Ce sont 85 % des recrutements envisagés qui sont perçus comme difficiles par les employeurs.

Les acteurs auditionnés soulignent également un taux de rotation élevé chez les jeunes salariés, qui quittent leur poste après quelques semaines lorsqu’ils sont confrontés à la réalité du métier.

● Ce manque d’attractivité s’enracine principalement dans la pénibilité des conditions d’exercice. Une large majorité des professionnels de l’aide à domicile travaille à temps partiel (76 %). Pour plus d’un quart d’entre eux, ce temps partiel est subi. Les horaires morcelés et atypiques, les lieux de travail multiples concourent à cette désaffection ([68]).

Les aides à domicile sont plus fortement exposés à des facteurs de risques professionnels tant physiques (troubles musculo-squelettiques) que psychiques (fatigue, anxiété). La fréquence des accidents du travail pour les métiers d’accompagnement et de soin auprès des personnes âgées et à domicile est trois fois supérieure à la moyenne ([69]).

Selon une étude témoin des services de l’État dans la région des Hauts‑de‑France, les aides à domicile expriment jusqu’à deux fois plus que les autres professionnels de la région un sentiment de fatigue et de lassitude ([70]). À l’échelle nationale, 76 % des professionnels de l’aide à domicile estiment leur salaire insuffisant au vu de leurs efforts et 75 % estiment être traités injustement dans leur travail ([71]).

II.   Le dispositif proposÉ : une carte professionnelle expérimentale pour la reconnaissance et la simplification du quotidien des aides À domicile

L’expérimentation d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile répond à une demande des professionnels du secteur. Elle vise à mieux identifier les personnes intervenant au domicile des personnes âgées, reconnaître leur rôle et leur donner un accès facilité à certains services.

● Le I du présent article prévoit que soit autorisée, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la création d’une carte professionnelle pour les professionnels des services de l’aide et de l’accompagnement à domicile.

● Le II renvoie à un décret les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation et la désignation des territoires concernés. Il définit notamment la forme matérielle ou électronique de la carte ainsi que ses conditions de délivrance.

● Le III dispose que cette expérimentation donne lieu, avant son terme, à un rapport d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement aux fins d’apprécier l’opportunité de sa généralisation.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal, permettant de procéder directement à la généralisation de la carte professionnelle, sans passer par l’expérimentation et prévoyant une entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2025.

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Article 7
Création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 prévoit la création d’une aide financière annuelle versée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements afin de contribuer au développement de solutions de mobilité pour les professionnels de l’aide à domicile.

I.   L’État du droit : la prise en charge des frais liÉs À la mobilitÉ revient aux employeurs, appuyÉs le cas ÉchÉant par les dÉpartemenTS

Les professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile sont amenés à effectuer de nombreux déplacements dans l’exercice de leurs fonctions pour se rendre au domicile des personnes accompagnées, a fortiori dans les zones rurales. La Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap) estime la distance moyenne parcourue par les aides à domicile entre 300 et 400 kilomètres par semaine ([72]).

● Avant la hausse des prix des carburants liée aux conséquences de la guerre en Ukraine, plusieurs organisations représentatives des services d’aide à domicile alertaient déjà sur l’augmentation des frais de déplacement pour les professionnels. Citée par le Haut Conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge, l’étude Argos menée par l’Union de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una) soulignait ainsi une augmentation du coût des trajets de 13,1 % entre 2015 et 2017 ([73]). Sur le temps long, cette augmentation est portée par le morcellement des interventions en visites de courte durée.

A.   L’indEmnisation des frais liÉs À la mobilitÉ revient en premier lieu À l’employeur

1.   La prise en charge des temps et frais de déplacement par les employeurs répond à une obligation de branche

a.   L’indemnisation des frais de déplacement

● L’accord de branche du 29 novembre 2005 relatif aux indemnités kilométriques instaure le principe d’indemnisation des frais de déplacement pour les salariés des « associations et organismes employeurs privés à but non lucratif qui, à titre principal, ont pour activité d’assurer aux personnes physiques toute forme d’aide, de soin, d’accompagnement, de services et d’intervention à domicile ou de proximité ». Le montant de la prise en charge est alors fixé à :

– 0,35 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un véhicule automobile ;

– 0,15 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un deux-roues à moteur.

● Ces dispositions sont par la suite intégrées à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement des soins et des services à domicile (BAD) du 21 mai 2010, en son article 14.

L’avenant 36-2017 du 25 octobre 2017 relatif aux frais de déplacement précise les modalités d’indemnisation des frais de déplacement entre deux lieux d’intervention. Ces frais sont couverts :

– soit par le versement d’indemnités kilométriques ;

– soit par la mise à disposition d’un véhicule ;

– soit par le remboursement du prix de l’abonnement des transports en commun.

● L’avenant 50-2022 du 23 mars 2022 relatif à l’indemnisation des frais de déplacement a par la suite revalorisé ces indemnités kilométriques. Ainsi, depuis le 1er octobre 2022, les salariés relevant de cette branche se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de :

– 0,38 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un véhicule automobile ;

– 0,16 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un deux-roues à moteur.

● Malgré ces dispositions, l’Una a souligné, lors de son audition par la rapporteure ([74]), que les frais de déplacement sont inégalement pris en charge selon les secteurs et une part importante du coût reste à la charge des intervenants. Selon l’étude d’EY pour la Fédération des services à la personne et de proximité (Fédésap), les frais de déplacement pris en charge ne représenteraient que 11 % des frais réels ([75]).

b.   La rémunération des temps de déplacement

● Dans un arrêt du 2 septembre 2014, la Cour de cassation a examiné la question de la qualification des temps de trajet entre deux lieux d’intervention. En s’appuyant sur l’article L. 3121-4 du code du travail, la Cour qualifie ces trajets de temps de travail effectif, devant ouvrir droit à rémunération ([76]).

Cette jurisprudence a été reprise par l’avenant 36-2017 du 25 octobre 2017 à la convention BAD, qui pose le principe selon lequel « les déplacements des personnels d’intervention font partie intégrante de leur exercice professionnel et sont pris en charge ».

Ainsi, sont définis comme temps de travail effectif et rémunéré comme tel « les temps de déplacement nécessaires entre deux séquences successives de travail effectif au cours d’une demi-journée [...] dès lors qu’elles sont consécutives. Lorsque les séquences successives de travail effectif au cours d’une même demijournée ne sont pas consécutives, le temps de déplacement entre ces deux séquences est reconstitué et considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel. »

2.   D’autres dispositifs de financement de la mobilité concourent à la prise en charge des frais de transport pour les intervenants à domicile

a.   La prime de transport

Prévue à l’article L. 3261-4 du code du travail, la prime de transport permet à l’employeur de proposer une prise en charge aux salariés des frais de carburant ou d’alimentation électrique pour leur véhicule.

Elle ne concerne que les salariés dont la résidence habituelle ou le lieu de travail se trouvent en dehors d’un périmètre de transports urbains. Elle ne peut être étendue aux voitures de fonction ou de service.

● La prime de transport est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 400 euros en 2022 et 2023 par salarié pour les frais de carburant et 700 euros pour les frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogènes ([77]).

En Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte, ces plafonds sont de respectivement 600 euros et 900 euros.

b.   L’abonnement aux transports publics

Conformément aux dispositions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail, la participation de l’employeur aux frais de transports publics est obligatoire.

Pour les salariés comme pour les agents de la fonction publique, l’employeur doit prendre en charge 50 % du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail. Les services publics de location de vélo sont également concernés.

Tous les travailleurs bénéficient de la prise en charge obligatoire, y compris ceux à temps partiel.

B.   des inItiatives dÉpartementales existent afin de favoriser la mobilitÉ des intervenants À domicile

Aux termes de l’article L. 121-4 du code de l’action sociale et des familles, le département peut, à son initiative, mettre en place des mesures d’aide et d’action sociales autres que celles prévues par la loi. Le cas échéant, il « assure la charge financière de ses décisions ».

● Aussi, pour pallier les insuffisances des indemnités kilométriques, qui n’avaient pas été revalorisées depuis 2005, les départements ont imaginé d’autres types de soutien, notamment :

– le financement aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) d’indemnités kilométriques supérieures au tarif défini par la convention de branche ;

– le cofinancement de la location ou de l’achat d’un véhicule ;

– la mise à disposition d’une flotte de véhicules.

● À titre d’exemple, le département de l’Ain a, pour la période de juillet à décembre 2022, abondé le financement de l’indemnité kilométrique des Saad, passant, pour l’utilisation d’un véhicule automobile, de 0,35 à 0,60 euro par kilomètre. Une flotte de véhicules électriques a également été mise à disposition ([78]).

De la même manière le département de la Dordogne a mis en place un groupement d’achat, afin de faciliter la location de voitures de service pour les employeurs d’aides à domicile. Cette initiative s’ajoute à la flotte de véhicules mise à disposition par la collectivité ([79]).

● Ces initiatives en faveur de la mobilité des intervenants à domicile s’inscrivent dans le développement de solutions de « mobilité verte ».

Elles peuvent être appuyées le cas échéant par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), proposant des aides aux départements pour l’acquisition de véhicules électriques.

Instituée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ([80]), la CNSA a vu ses missions s’accroître jusqu’à devenir la caisse centrale de la cinquième branche de la sécurité sociale ([81]). Elle finance les aides en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées et veille à garantir l’égalité d’accès aux prestations et services qui leur sont destinés.

II.   Le dispositif proposÉ : CrÉation d’une aide financiÈre annuelle de la cnsa pour les dÉpartements soutenant la mobilitÉ des intervenants À domicile

Le présent article propose la création d’une aide financière annuelle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements, en complément des dotations prévues au titre de l’allocation pour l’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), afin de contribuer à la mobilité des professionnels de l’aide à domicile.

● Sont concernés par cette aide les professionnels intervenant au sein des structures désignées à l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, à savoir :

« – les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ;

« – les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert ».

Le montant ainsi que les modalités du versement de cette aide financière sont fixés par décret.

● Cette mesure répond à plusieurs objectifs :

– d’une part, accompagner les professionnels de l’aide à domicile afin de faire évoluer leur véhicule personnel, parfois vieillissant, vers des solutions plus durables, en accord avec les réglementations de circulation, notamment les zones à faibles émissions (ZFE) dans les aires urbaines. Il pourra également s’agir d’une aide au financement du contrôle technique, au paiement des frais kilométriques et à l’acquisition de véhicules électriques ;

– d’autre part, favoriser l’attractivité des métiers de l’aide à domicile, en limitant les coûts de déplacement à la charge des professionnels.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains), de Mme Josiane Corneloup (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), précisant que l’aide pourra concerner tous les modes de transport individuel ou collectif.

La commission a également adopté des amendements identiques M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains) et de Mme Josiane Corneloup (groupe Les Républicains), dans le but de préciser que cette aide devra concerner tous les territoires.

Un amendement de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés a permis d’ajouter que les départements devront transmettre annuellement à la CNSA le montant et les objets de ces affectations ainsi que le bilan de cette aide sur le soutien du secteur du domicile sur le département.

Enfin, la commission a adopté un amendement de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, précisant qu’il sera nécessaire de veiller à ce que ces financements soient dirigés, lorsque cela est possible, en direction de véhicules à faibles émissions ou très faibles émissions.

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Article 7 bis (nouveau)
Demande de rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique pour les professionnels de l’aide à domicile

Introduit par la commission

L’article 7 bis demande au Gouvernement un rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométriques à hauteur de 0,45 euro par kilomètre pour les professionnels de l’aide à domicile.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. François Ruffin et ses collègues du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale. Il s’agit de demander au Gouvernement, dans un délai de six à compter de la promulgation de la présente loi, de remettre un rapport relatif aux modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique à hauteur de 0,45 euro par kilomètre pour les professionnels de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile.

L’avenant 43 de la branche de l’aide à domicile a permis en 2021 des revalorisations de 15 % en moyenne, pour les employés du secteur associatif. Concernant les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) relevant de la fonction publique territoriale, le décret n° 2022-740 du 28 avril 2022 élargit le bénéfice de la revalorisation de 183 euros nets aux aides à domicile des centres communaux d’action sociale (CCAS) et centres intercommunaux d’action sociale (Cias) exerçant leurs missions auprès de bénéficiaires de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

En miroir, les avenants à la convention collective de la branche de l’aide à domicile portant revalorisation des plus bas coefficients de salaire et de la valeur du point ont été agréés. Plus spécifiquement sur les questions de mobilités, le Gouvernement a agréé, par arrêté du 19 août 2022, l’avenant 50 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui revalorise le montant des indemnités kilométriques.

À partir du 1er octobre 2022, les salariés relevant de la branche de l’aide à domicile se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de 0,38 euro par kilomètre en cas d’utilisation de leur véhicule.

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Article 8
Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile, quelle que soit la nature du service d’intervention. Ce rapport sera notamment consacré à des propositions visant à améliorer l’équité de traitement des bénéficiaires et des professionnels de l’aide à domicile.

I.   L’État du droit : essentiellement portÉ par les dÉpartements, le financement de l’offre de soutien À domicile a ÉtÉ régulièrement rÉformÉ

A.   les aides sociales dÉpartementales favorisent le maintien À domicile des personnes ÂgÉes dÉpendantes

Selon les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) menés en 2016, la prise en charge de la dépendance à domicile représente un coût annuel de 9,2 milliards d’euros, parmi lesquels 8 milliards d’euros correspondraient à des dépenses « publiques », financées en large partie par les départements, et 1,3 milliard d’euros à des dépenses « privées », à la charge des ménages ([82]).

La part des dépenses incombant aux départements s’explique par leur rôle de financeurs de l’aide sociale aux personnes âgées. Aux termes de l’article L. 121‑4 du code de l’action sociale et des familles, « le conseil départemental peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations [d’aide sociale]. Le département assure la charge financière de ces décisions ».

L’aide sociale départementale aux personnes âgées se compose essentiellement de :

– l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ;

– l’aide sociale à l’hébergement en établissement ou chez des particuliers et des aides ménagères (ASH) ;

– la prestation de compensation pour le handicap (PCH).

a.   L’allocation personnalisée d’autonomie à domicile

La loi du 20 juillet 2001 a institué l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) au bénéfice des personnes âgées de 60 ans et plus en perte d’autonomie ([83]). Pour les personnes résidant à domicile, cette aide correspond au coût évalué dans le cadre d’un plan d’aide, notifié par le département après évaluation sur site. Pour les personnes résidant en établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), elle couvre une partie du tarif dépendance fixé par l’établissement.

En 2020, 92 % des montants versés au titre de l’APA à domicile sont mobilisés pour financer le recours d’un intervenant à domicile, via un service mandataire, prestataire ou en emploi direct. En moyenne, en 2019, l’APA couvrait 81 % du coût de l’aide à domicile, qui s’élevait à 483 euros par mois et par personne. Cette proportion était plus élevée pour les bénéficiaires les plus dépendants (GIR 1 et 2) ([84]).

PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE ET TAUX D’EFFORT DES BÉNÉFICIAIRES DE L’APA À DOMICILE, EN 2019

Source : Drees, L’aide et l’action sociales en France, 2022.

● Afin de soutenir le maintien à domicile, la loi du 28 décembre 2015 ([85]) a réformé l’APA à domicile :

– les plafonds des plans d’aide de l’APA ont été revalorisés ;

– le point d’entrée du ticket modérateur, c’est-à-dire le niveau de ressources au-delà duquel une partie de la dépense reste à la charge du bénéficiaire, a été augmenté ;

– un mécanisme de modulation du ticket modérateur en fonction du montant du plan d’aide et du niveau de ressources a été mis en place.

● Instauré par la loi de finances pour 2017 ([86]), le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile pour les inactifs contribue à réduire le taux d’effort des bénéficiaires de l’APA.

b.   La prestation de compensation du handicap

Prévue aux articles L. 245-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap (PCH) est versée par les départements pour financer les dépenses liées à la perte d’autonomie. À partir de 60 ans, son bénéficiaire peut choisir de basculer vers l’APA, les deux aides n’étant pas cumulables.

En 2020, le nombre de bénéficiaires chez les 60-64 ans dépasse 11 pour 1 000 habitants ([87]).

c.   Les autres aides aux personnes âgées

● Les personnes âgées en perte d’autonomie ou en risque de perte d’autonomie à domicile peuvent bénéficier d’une aide ménagère. Prévue à l’article L. 231‑1 du code de l’action sociale et des familles, cette aide est accordée sous condition de ressources – en nature ou en espèces.

L’aide ménagère n’est pas cumulable avec l’allocation personnalisée d’autonomie. Elle est récupérable auprès des obligés alimentaires des bénéficiaires et par recours sur succession.

● En complément des aides légales, certaines aides et actions facultatives peuvent être décidées par les départements en faveur de l’accompagnement des personnes âgées ([88]). Il s’agit notamment :

– de l’aide à l’amélioration ou à l’adaptation du logement pour favoriser le maintien à domicile de la personne en perte d’autonomie ;

– du subventionnement d’associations spécialisées pour favoriser la vie en autonomie à domicile, à l’image des services sociaux associatifs spécialisés ;

– de l’aide aux déplacements ou aux transports (allocation pour se rendre en accueil de jour, prestation pour bénéficier des transports adaptés, allocation chèque taxi, etc.) ;

– d’une allocation versée aux enfants ou petits-enfants qui vivent avec leur ascendant.

● Enfin, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent seconder l’action des départements à travers des mesures d’aide et d’action sociales auprès des personnes âgées. Les services de livraison de repas, les actions de prévention et d’accompagnement entrent dans ce cadre.

B.   Le financement des services de soutien À domicile a ÉtÉ renovÉ pour davantage de lisibilitÉ et d’ÉquitÉ

Les départements interviennent également dans le financement de l’offre de soutien à domicile par l’intermédiaire des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad). Les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) sont, quant à eux, financés par l’Agence régionale de santé.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a réformé l’organisation du secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile ainsi que ses modalités de financement ([89]). Cette réforme avait pour principal objectif de remédier à une offre de services fragmentée, compliquant les démarches de l’usager et de ses aidants et affaiblissant la cohérence des interventions d’aide et de soin.

1.   La structure de l’offre de service a évolué vers un modèle intégré

L’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 crée, à l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, les services autonomie à domicile (SAD), en remplacement des Saad, Ssiad et Spasad. Ces services proposeront à la fois des prestations d’aide et de soin afin de fluidifier le parcours de la personne accompagnée.

Une fois la réforme entrée en vigueur, à horizon 2025, il n’existera donc que deux catégories de services :

– les services dispensant de l’aide et du soin ;

– les services ne dispensant que de l’aide, la possibilité étant laissée au Saad d’organiser la réponse aux besoins de soins sous la forme d’une convention de partenariat avec d’autres professionnels.

2.   Les modalités de financement des services ont également été rénovées

Avant la réforme engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, chaque département fixait les tarifs des heures d’aide et d’accompagnement accomplies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap. Par conséquent, la prise en charge était hétérogène d’un département à l’autre, variant pour l’allocation personnalisée d’autonomie de 17,50 euros à 27,09 euros en 2018 ([90]). De surcroît, les écarts entre tarif horaire et coût réel de prestation observés dans certains départements amenaient les services à limiter leurs coûts, avec des conséquences sur la qualité de la prestation et les conditions d’exercice des professionnels.

● Dans ce contexte, l’article 44 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a opéré une refonte du modèle de financement des services à domicile, en suivant un double objectif : d’une part, améliorer la solvabilisation de l’offre de service en rapprochant les tarifs de leur coût de revient pour les services habilités comme non habilités ; d’autre part, attribuer aux structures des dotations modulées, tenant compte du niveau de perte d’autonomie et des besoins des personnes prises en charge.

Habilitation à l’aide sociale

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a unifié le régime juridique des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) au profit de l’autorisation par le conseil départemental :

– si l’autorisation vaut habilitation à l’aide sociale, les services sont tarifés par le département, qui fixe un tarif horaire pris intégralement en charge par l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, sous réserve du ticket modérateur applicable en fonction du revenu ;

– si l’autorisation est délivrée sans habilitation à l’aide sociale, les services sont libres de déterminer leurs prix, sous réserve de respecter un taux maximal de progression annuelle fixé chaque année par arrêté ministériel. L’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap est versée au bénéficiaire dans la limite d’un tarif de référence établi par le conseil départemental.

● Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, l’article L. 314‑2‑1 du code de l’action sociale et des familles articule le financement des services d’autonomie à domicile, habilités ou non à l’aide sociale, autour de deux volets :

– au titre de leur activité d’accompagnement à domicile, le tarif horaire des services habilités à l’aide sociale est défini par le président du conseil départemental et ne peut être inférieur à un tarif plancher fixé chaque année par arrêté ministériel. Son montant s’élève à 23 euros pour l’année 2023 ([91]). Pour les services non habilités à l’aide sociale, le montant de la prestation est destiné à couvrir tout ou en partie le prix du service – à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, et ne peut être inférieur au montant susmentionné ;

– au titre de l’activité de soins, l’Agence régionale de santé verse, selon l’article 44 de la LFSS pour 2022, chaque année, d’une part, une « dotation globale relative aux soins, dont le montant tient compte notamment du niveau de perte d’autonomie et des besoins en soins des personnes accompagnées », et d’autre part, « une dotation destinée au financement des actions garantissant le fonctionnement intégré de la structure et la cohérence de ses interventions auprès de la personne accompagnée ».

Enfin, une dotation complémentaire peut être octroyée aux services habilités et non habilités à l’aide sociale dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu avec le département au terme d’un appel à projets. Cette dotation finance des actions répondant à des objectifs d’amélioration de la qualité du service à l’usager, énumérés à l’article L. 314‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles, parmi lesquels l’accompagnement à domicile des usagers dont le profil de prise en charge présente des spécificités (grande dépendance, polyhandicap), la prestation de service le soir, en fin de semaine et les jours fériés, l’accompagnement des aidants, etc.

3.   Les carrières du secteur ont été rénovées et sont mieux rémunérées

● Entré en vigueur le 26 février 2020, l’avenant 43 à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile vise à accroître l’attractivité des métiers de la branche par la revalorisation des salaires et des parcours professionnels ([92]). Il prévoit :

– la mise en place d’un système de classification explicitant le positionnement des emplois de la branche les uns par rapport aux autres afin de faciliter la mobilité des salariés du secteur ;

– la revalorisation moyenne de 15 % du salaire des salariés des structures conventionnées, rendue opérationnelle au 1er octobre 2021. Cette revalorisation concerne près de deux tiers des structures de l’intervention à domicile.

● Enfin, l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit une aide de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements finançant un dispositif de soutien aux professionnels des Saad exerçant leur activité en direction des personnes âgées et handicapées.

Cette aide annuelle de 200 millions d’euros soutient la prise charge des coûts directement supportés par les départements au terme de la conclusion de conventions ou accords collectifs revalorisant les rémunérations des salariés concernés.

II.   Le dispositif proposÉ : un rapport Évaluant l’organisation et les modalitÉs de financement de l’offre de soutien À domicile

A.   les rÉformes rÉcentes de la tarification de l’offre de soins À domicile nourrissent des questions

Si elle simplifie l’offre de soutien à domicile et rationnalise les modalités de financement, la réforme susmentionnée présente un certain nombre d’inconnues.

● Le tarif plancher pour la facturation des actions d’accompagnement à domicile ne s’applique pas à l’emploi direct d’un salarié, accompagné ou non par un service mandataire. Or, dans son avis sur l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) rappelait : « dans nombre de départements, le tarif de référence en emploi direct est inférieur au coût horaire de la prestation. Or l’emploi entre particuliers constitue une part très significative des prises en charge au titre du plan APA dans certains départements. De ce fait, le recours à cet emploi donne lieu à un RCA [reste à charge] ‘au-dessus’ des références réglementaires » ([93]). Ainsi l’impact de la réforme sur le reste à charge des ménages, bien qu’en partie compensé au moyen du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, nécessiterait-il d’être mieux appréhendé.

● L’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles a souligné, lors de son audition par la rapporteure, les potentielles conséquences du tarif plancher sur le choix des services de rester habilités à l’aide sociale ou d’en faire la demande ([94]).

B.   Un rapport au parlement pour Évaluer l’efficacitÉ du financement de l’offre de soutien À domicile ET identifier ses insuffisances

L’article 8 de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport du Gouvernement « évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre à domicile, et appréciant l’équité du soutien public et de la régulation tarifaire entre les différentes formes de services à domicile existantes, notamment entre les services prestataires, associatifs et lucratifs, les services mandataires et l’emploi direct ».

Une partie de ce rapport sera consacrée à la formulation de propositions :

– pour améliorer la lisibilité et l’équité de traitement des bénéficiaires de plan d’aide d’allocation personnalisée pour l’autonomie ;

– pour assurer une rémunération convergente des salariés de l’aide à domicile et soutenir leur mobilité, indépendamment du statut de l’employeur.

III.   les Modifications apportées par la commission

Outre des amendements rédactionnels de la rapporteure Annie Vidal, la commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) et de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains), visant à préciser que les services prestataires pourront être ou non détenteurs de l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. La commission a également adopté des amendements identiques de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine), de Mme Justine Gruet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains ainsi que de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), précisant que le rapport devra également évaluer les modalités de mise en œuvre d’un pilotage des services autonomie à domicile.

Des amendements identiques de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, de MM. Yannick Monnet et Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine), de Mme Justine Gruet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) ainsi que de M. Olivier Falorni et des membres du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ajoutent également que le rapport devra formuler des propositions pour assurer l’effectivité de l’expression et de la participation des usagers à domicile.

La commission a par ailleurs adopté des amendements identiques AS95 de Mme Alexandra Martin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), de M. Jean‑Pierre Taite et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de MM. Yannick Monnet et Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine) ainsi que de Mme Josiane Corneloup et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, dans le but de compléter l’objet du rapport en demandant une évaluation de l’adéquation entre les formations des professionnels de l’aide à domicile et les besoins des personnes accompagnées ou qui pourraient bénéficier d’un accompagnement.

Enfin, la commission a adopté un amendement de Mme Martine Etienne et des membres du groupe La France insoumise  Nouvelle Union Populaire écologique et sociale, qui demande à ce que le rapport évalue aussi quantitativement et qualitativement l’adéquation entre l’offre de soutien à domicile et les besoins des personnes, des familles et des proches aidants, notamment au regard du reste à charge des personnes, du besoin en matériel et de la coordination avec les autres professionnels du secteur médico-social ou de la santé.

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Article 9
Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement

Adopté avec modifications

Cet article supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants s’agissant de l’aide sociale à l’hébergement.

 

I.   le droit existant

A.   L’obligation alimentaire, un principe de solidarité familiale qui prime la solidarité collective

● L’obligation alimentaire renvoie à l’obligation d’aider matériellement des personnes de sa famille, lorsque ces dernières se trouvent dans le besoin. Elle est prévue à l’article 205 du code civil qui dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

Expression juridique de la solidarité familiale, l’obligation alimentaire peut revêtir plusieurs formes. La notion d’« aliments » renvoie en effet aux besoins fondamentaux de la personne tels que la nourriture, l’habillement, les soins ou le logement. Dans les faits, elle se traduit essentiellement par le versement d’une prestation financière. Le montant de cette dernière, révisable, est déterminé en fonction des besoins de la personne à aider et de la capacité financière des obligés alimentaires.

Les personnes tenues à cette obligation sont appelées des « débiteurs d’aliments » et les personnes bénéficiaires de la pension alimentaire des « créanciers d’aliments ». L’obligation alimentaire concerne les enfants, petits‑enfants et arrière-petits-enfants des personnes à aider. Elle s’applique aux gendres et belles-filles envers leur beau‑père ou belle‑mère même si elle prend fin en cas de divorce ou de décès de l’époux ou épouse qui établissait le lien d’affinité, ainsi que des enfants issus de cette union. La même obligation alimentaire est imposée envers les enfants majeurs ([95]).

● L’obligation alimentaire est intégrée dans la législation sur l’aide sociale, au sein de laquelle elle prime la solidarité collective. L’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles dispose en effet que « les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais ».

● La loi ne fixe pas le barème de l’obligation alimentaire. Les obligés alimentaires doivent s’entendre à l’amiable sur le montant de l’aide à verser à leur proche dans le besoin. Seul le juge aux affaires familiales (JAF) est compétent pour fixer la contribution individuelle de chaque obligé alimentaire en fonction de sa situation familiale et financière.

B.   Une articulation délicate entre l’obligation alimentaire et le bénéfice de l’aide sociale : l’exemple de l’Aide sociale à l’hébergement

Selon l’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles précité, conformément au principe de subsidiarité de l’aide sociale, la proportion des aides consenties par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire.

S’agissant de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) qui peut être demandée par les personnes âgées hébergées en établissement ou chez des accueillants familiaux qui ont des ressources inférieures au montant des frais d’hébergement, le conseil départemental prend en compte, pour l’attribution et le calcul de l’aide, les revenus de la personne et le cas échéant, de ses obligés alimentaires.

Cette prise en compte de l’obligation alimentaire dans le cadre de l’ASH pose cependant un certain nombre de difficultés, mises en lumière par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport de 2011 ([96]).

Le régime de l’obligation alimentaire est d’abord source d’insécurité juridique des décisions d’ASH. Comme indiqué supra, le conseil départemental n’a pas la compétence juridique pour déterminer qui est obligé alimentaire, ni pour établir une participation aux frais d’hébergement et répartir le coût de celle-ci entre les obligés. La décision en matière d’ASH ne peut être exécutée et sécurisée qu’en cas d’accord entre le conseil départemental et les obligés alimentaires sur les montants de participation. En l’absence de cet accord, la décision du conseil départemental peut être remise en cause à tout moment par le JAF, qui peut fixer le montant de l’obligation à un montant inférieur ou supérieur.

L’hétérogénéité des règles relatives à la désignation des obligés alimentaires et à l’appréciation de leurs ressources constitue une deuxième difficulté. Ainsi, selon la Drees ([97]), si tous les départements déclarent recourir à l’obligation alimentaire auprès des enfants du bénéficiaire et 92 % d’entre eux, auprès des gendres ou des belles-filles, ils ne sont que 32 % à la pratiquer auprès des petits‑enfants. Les montants mis à la charge des obligés varient par ailleurs parfois significativement selon les départements.

Enfin, le principe de l’obligation alimentaire est souvent considéré comme étant en décalage avec les évolutions contemporaines des structures familiales, notamment s’agissant des obligations incombant aux petits-enfants et leurs descendants. L’obligation alimentaire peut d’ailleurs constituer une cause de tension au sein même des familles, et par conséquent, de non-recours à l’aide sociale. Ce dispositif tendrait en outre à perpétuer les situations de pauvreté, en sollicitant essentiellement les enfants et petits-enfants des retraités modestes qui, du fait des limites de la mobilité sociale, ont davantage de risques d’avoir un niveau de vie inférieur à la moyenne.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article réduit et harmonise le champ de l’obligation alimentaire, en supprimant cette obligation pour les petits-enfants et des descendants s’agissant de l’ASH.

Cette mesure a pour objectif de rendre les règles d’attribution de l’ASH plus équitables au niveau national et plus adaptées à la configuration actuelle de la société. Elle devrait permettre par ailleurs de simplifier et d’écourter les procédures de demandes d’ASH.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 10
Rapport sur l’aide sociale à l’hébergement

Adopté sans modifications

Le présent article prévoit, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’aide sociale À l’hébergement vise à DIMINUER LES FRAIS D’HÉBERGEMENT DES PERSONNES EN PERTE D’AUTONOMIE

● Prévue à l’article L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles, l’aide sociale à l’hébergement prend en charge tout ou partie des frais liés à l’hébergement d’une personne âgée en établissement d’hébergement pour personnes âgées ou chez un accueillant familial.

Financée par les départements, elle a pour vocation de réduire le coût de l’hébergement qui représente le principal effort financier des personnes âgées résidant en établissement. Le reste à charge moyen mensuel est en effet de 1 850 euros pour une chambre avant aide sociale, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

● L’aide sociale à l’hébergement est accordée aux personnes de plus de 65 ans, ou de 60 ans en cas d’inaptitude au travail, résidant en France, en perte d’autonomie ou risque de perte d’autonomie, sous condition de ressources.

Il s’agit d’une prestation sociale de nature subsidiaire, qui vise à combler l’écart entre les ressources d’une personne en perte d’autonomie et les dépenses d’hébergement qui lui incombent. Le montant de l’aide correspond à la totalité des frais d’hébergement du bénéficiaire, diminués de sa participation et de la contribution éventuelle de ses obligés alimentaires ([98]).

Conformément à l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, la participation demandée au bénéficiaire ne doit pas le priver de toute ressource. Celui-ci doit disposer, après avoir participé aux frais d’hébergement, d’au moins 10 % de ses ressources initiales. En outre, ce reste à vivre doit se situer au-dessus d’une somme plancher mensuelle fixée par l’article R. 231-6 du code de l’action sociale et des familles à 1 % du minimum vieillesse annuel, soit 115 euros.

Les sommes versées au titre de l’aide sociale à l’hébergement sont récupérables après le décès du bénéficiaire, voire de son vivant si sa situation financière s’améliore.

B.   Un dispositif imparfait, caractérisé par un faible taux de recours

Le taux de recours à l’aide sociale à l’hébergement est particulièrement faible. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, 116 500 personnes âgées en bénéficiaient au titre d’un hébergement en établissement fin 2020, soit moins de 1 % de la population âgée de 60 ans ou plus ([99]). Ces personnes occupaient seulement 22 % des 519 000 places habilitées à l’aide sociale au 31 décembre 2019, alors même que 79 % de l’ensemble des personnes résident en Ehpad n’ont pas, à elles-seules, les ressources courantes permettant d’acquitter le tarif d’hébergement. Les leviers mobilisés pour financer ce reste à charge sont alors la consommation de l’épargne, la cession du patrimoine ou le financement par des proches.

● Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible taux de recours à l’aide sociale à l’hébergement.

En premier lieu, les personnes éligibles au titre d’un hébergement en Ehpad doivent nécessairement, pour percevoir l’aide, occuper une place habilitée par le conseil départemental. Or, ces places sont inégalement réparties selon le type d’établissement. Dans les secteur public et non lucratif, l’essentiel des Ehpad sont habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement sur l’ensemble de leurs places disponibles – respectivement 93 % et 91 %. Ce n’est le cas que de 4 % des Ehpad privés à but lucratif, près de six sur dix d’entre eux n’offrent d’ailleurs aucune place habilitée à l’aide sociale ([100]).

L’instruction de la demande d’aide sociale se révèle longue et complexe. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en 2011, estimait les délais d’instruction osciller entre cinq et neuf mois, et pouvoir même dépasser un an ([101]). Toute demande d’instruction sollicite plusieurs acteurs, qu’il s’agisse des établissements dotés de places habilitées à l’aide sociale, des services du conseil départemental et des communes chargées de la recherche des obligés alimentaires. Cette complexité décourage, selon l’Igas, de potentiels bénéficiaires.

Enfin et surtout, le faible recours à l’aide sociale à l’hébergement s’explique par ses conditions et ses modalités de versement. La participation des obligés constitue un premier frein pour les potentiels bénéficiaires, qui ne souhaitent pas représenter une charge pour leurs proches et créer des conflits familiaux. La récupération des sommes versées au titre de l’aide sociale à l’hébergement sur l’héritage, si l’actif net successoral dépasse un certain montant ([102]), produirait en outre un effet désincitatif analogue.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article ordonne au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, d’un rapport établissant le bilan de la mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement. Ce rapport éclairera le législateur sur les freins au recours de cette aide. Il évaluera notamment l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires, actuellement fixé à 46 000 euros.

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Article 11
Financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soin et dépendance attribués aux Ehpad

Adopté avec modifications

Le présent article dispose que les forfaits soins et dépendances attribués aux Ehpad peuvent prendre en charge des actions de prévention de la perte d’autonomie.

I.   Le droit en vigueur

Prévu à l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles, le financement des Ehpad et des petites unités de vie accueillant des personnes âgées dépendantes ([103]) repose aujourd’hui sur trois forfaits :

– un forfait « soins », financé par l’assurance maladie via les agences régionales de santé (ARS), qui finance les dépenses médicales réelles, soit principalement les personnels soignants et les actes médicaux. Ce forfait est versé sous la forme d’une dotation globale calculée sur la base d’une équation tarifaire nationale qui tient compte de la charge en soins des résidents ;

– un forfait « dépendance », financé majoritairement par les conseils départementaux au titre de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et en partie par les résidents, qui a vocation à régler les prestations d’aide et de surveillance des résidents ;

– un forfait « hébergement », pris en charge par les résidents et, pour les personnes aux revenus les plus modestes, par les départements au titre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), qui finance les dépenses liées à l’hôtellerie, à la restauration, à l’entretien, à l’administration ou encore aux animations.

II.   le droit proposÉ

Le présent article dispose que les forfaits soins et dépendance attribués aux Ehpad et aux petites unités de vie peuvent financer des actions de prévention de la perte d’autonomie.

Cette disposition devrait encourager le financement d’actions aujourd’hui uniquement prises en charge par le forfait hébergement et pourtant essentielles à la prévention de la perte d’autonomie comme l’intervention d’éducateurs en établissement, ou l’organisation d’activités relatives au sport-santé.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, précisant que les forfaits soin et dépendance attribués aux ESMS prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap pourront financer des actions de prévention et notamment, l’intervention de référents qualité. Ces référents sont chargés du suivi des plans d’action pour améliorer la qualité de l’accompagnement, du respect de la réglementation ou encore pour évaluer la gestion des risques.

La commission a également adopté un amendement de précision rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 11 bis (nouveau)
Rôle renforcé du médecin coordonnateur en Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article reconnait le pouvoir de prescription du médecin coordonateur dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée et prévoit la possibilité de désigner le médecin coordonnateur, médecin traitant du résident.

Le présent article, introduit par l’adoption d’un amendement de M. Bastien Marchive et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, renforce et précise le rôle du médecin coordonnateur dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée.

● Il dispose d’abord que ce médecin assure l’encadrement de l’équipe soignante de l’établissement et le suivi médical des résidents de l’établissement, pour lesquels il peut réaliser des prescriptions médicales. Cette disposition constitue un élargissement significatif du pouvoir de prescription du médecin coordonnateur aujourd’hui limité aux situations d’urgence ou de risques vitaux, ainsi qu’en cas de survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Il est par ailleurs prévu que le médecin coordonnateur est chargé de veiller à la qualité de la prise en charge médicale des résidents et que cette fonction peut être exercée par un ou plusieurs médecins.

● Le présent article prévoit en outre la possibilité pour le résident ou le cas échéant, son représentant légal ou sa personne de confiance, de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant du résident. Au moment de l’admission dans l’établissement, le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge fait mention du choix du résident, qui peut être modifié à tout moment de son séjour dans l’établissement.

Cette évolution des fonctions de médecins coordonnateurs entend, selon le rédacteur de l’amendement, répondre aux demandes d’un meilleur suivi médical des résidents et renforce l’attractivité de cette fonction, « en permettant de combiner les fonctions de coordination et d’encadrement des équipes avec une approche clinique ».

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Article 11 ter (nouveau)
Obligation de contrôle et de sanction envers les établissements et services sociaux et médicosociaux ne respectant pas les règles du code de l’action sociale et des familles

Introduit par la commission

Le présent article prévoit l’automaticité des injonctions et sanctions prononcées par l’autorité compétente envers les établissements et services sociaux et médico‑sociaux ne respectant pas leur obligations.

L’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles précise que des injonctions de mise en conformité peuvent être adressées aux établissements, services ou lieux d’accueil dont les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement, dérogent aux dispositions ce même code par l’autorité compétente, soit l’agence régionale de santé ou le conseil départemental. Il prévoit par ailleurs que des sanctions peuvent être prononcées contre les structures qui n’auraient pas remédié aux manquements dans un délai fixé.

Toutefois, en l’état actuel du droit, ces injonctions et sanctions ne sont pas automatiques.

Cet article additionnel, résultant de l’adoption en commission d’un amendement déposé par M. Patrick Hetzel et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, modifie la rédaction de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles, de manière à systématiser ces injonctions et sanctions.

Il précise par ailleurs que l’autorité compétente prévoit les conditions d’affichage des injonctions au sein des établissements ou services mis en cause.

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Article 11 quater (nouveau)
Mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article dispose d’une part que les établissements sociaux et médico‑sociaux ont l’obligation de consulter régulièrement les résidents sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis et d’autre part que les établissements accueillant des personnes âgées respectent un cahier des charges spécifiques, relatif à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés.

Le présent article, introduit par l’adoption d’un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, a pour objectif d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas proposés aux résidents des établissements sociaux et médico‑sociaux (ESMS).

Il étend, d’une part, aux gestionnaires d’établissements sociaux et médico‑sociaux l’obligation faite actuellement aux gestionnaires de cantines scolaires et universitaires, ainsi que des établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans, de consulter régulièrement les résidents sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis. Le conseil de la vie sociale pourra notamment être informé et consulté sur ce sujet.

Il prévoit d’autre part que les établissements accueillant des personnes âgées respectent un cahier des charges spécifique, relatif à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation.

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Article 11 quinquies (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les établissements et services accueillant des personnes âgées.

L’article 11 quinquies, introduit par l’adoption d’un amendement de M. Didier Martin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer un taux minimal d’encadrement dans les établissements et services accueillant des personnes âgées, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

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Article 12
Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Adopté avec modifications

Dans le sillage des réformes récentes de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, le présent article vise à préciser les modalités d’habilitation des évaluateurs des organismes d’évaluation et à instaurer un principe de transparence de ces évaluations par la publication des résultats dans un langage clair et accessible à tous.

A.   L’évaluation, outil central de contrôle du respect des principes de l’action sociale et mÉdico-sociale

● L’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) a été progressivement consacrée dans le droit. Près de 40 000 établissements et services sont concernés. Ils sont visés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, sauf dérogation prévue par ce même code.

● Comme l’a rappelé le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur l’évolution de la démarche qualité au sein des Ehpad et de son dispositif d’évaluation, l’évaluation constitue « la pierre angulaire de l’action sociale et médico-sociale » ([104]).

En effet, il s’agit de faire application des principes établis par le code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que l’action sociale et médico-sociale « repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature » ([105]).

B.   L’évaluation a connu d’importantes évolutions depuis 2002

● La loi du 2 janvier 2002 ([106]) a rendu obligatoire l’évaluation des activités et de la qualité des prestations des ESSMS. L’objectif était alors « d’apprécier la qualité des activités et prestations délivrées par ces structures aux personnes accueillies par des organismes habilités » ([107]).

● Le décret du 21 décembre 2016 ([108]) a contraint les ESSMS à signaler « tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout évènement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ».

● La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([109]) a transféré à la Haute Autorité de santé les missions en matière d’évaluation de la qualité des ESSMS auparavant dévolues à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ([110]). Toutefois, la loi du 24 juillet 2019 ([111]) a fait évoluer les missions de la Haute Autorité de santé dans ce type d’évaluation, en lui demandant d’élaborer :

– une nouvelle procédure d’évaluation commune à tous les ESMS ;

– un nouveau cahier des charges fixant les exigences requises pour devenir un organisme autorisé à réaliser ces évaluations.

● L’évaluation est définie à l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles qui en prévoit deux sortes :

– une évaluation interne, dans l’objectif d’engager et de structurer une démarche qualité propre à chaque établissement, intégrée dans le projet d’établissement et connue de l’ensemble des équipes ;

– une évaluation externe, par un organisme habilité à cette fin.

C.   En 2022, Une importante révision du référentiel et du cahier des charges par la haute autorité de santé

● Conformément à la loi précitée du 24 juillet 2019, le début de l’année 2022 a vu la Haute Autorité de santé définir un référentiel commun pour l’évaluation des ESSMS ([112]).

Construit en trois chapitres (la personne, les professionnels, l’ESSMS), il met en avant neuf thématiques : la bientraitance et l’éthique, les droits de la personne accompagnée, l’expression et la participation de la personne accompagnée, la co-construction et la personnalisation du projet d’accompagnement, l’accompagnement à l’autonomie, l’accompagnement à la santé, la continuité et la fluidité des parcours, la politique des ressources humaines, enfin la démarche qualité et gestion des risques.

Au total, ce nouveau référentiel décline 42 objectifs en 157 critères d’évaluation avec, pour chacun d’entre eux, une claire délimitation du champ d’application, du niveau d’exigence, des éléments d’évaluation et des référencements associés. 129 de ces critères sont communs à tous les ESSMS quand 28 d’entre eux sont spécifiques au secteur d’activité, au type de structure et au public accompagné. Enfin, 18 critères sont dits impératifs car impliquant la mise en place d’un plan d’actions spécifiques.

Les évaluations ont lieu tous les cinq ans, en cohérence avec la temporalité des projets d’établissements. Elles sont diligentées par un organisme tiers indépendant de la structure. Les résultats sont transmis à l’autorité de tarification et de contrôle et à la Haute Autorité de santé.

● En 2022, la Haute Autorité de santé a également révisé en profondeur la procédure d’accréditation des organismes en charge des évaluations. Cette dernière suppose, conformément au décret du 28 avril 2022 ([113]), le respect d’un cahier des charges défini par la Haute Autorité de santé et dont la dernière mouture a été publiée en mai 2022 ([114]).

Une plateforme internet dédiée, appelée « Synaé » ([115]), met en lien la Haute Autorité de santé, les ESSMS et les organismes accrédités. La liste actualisée de ces organismes pour chaque département est rendue publique par la Haute Autorité de santé ([116]).

évolutions de la procédure d’accréditation des organismes en charge de l’évaluation des ESsMS par la Haute Autorité de santé, avant et après l’entrée en vigueur du nouveau cahier des charges en mai 2022

Source : Haute Autorité de santé.

II.   Le dispositif proposÉ : renforcer la transparence et l’accessibilité des indicateurs qualité et des rÉsultats des évaluations

● Par un amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ([117]), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoyait, à son article 52 ([118]), des ajustements législatifs en vue d’assurer une bonne entrée en vigueur de la réforme de l’évaluation des ESSMS, dans le but d’améliorer à la fois la lisibilité et la transparence sur la qualité de ces établissements et services et les exigences d’indépendance et de qualité attendues par les organismes chargés des évaluations.

Or, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions dudit article n’avaient qu’un effet trop indirect sur les régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Il en a donc prononcé la censure ([119]).

Toutefois, les dispositions en cause étaient indispensables à la bonne mise en œuvre de la réforme de l’évaluation des ESSMS. C’est pourquoi elles se trouvent reprises dans l’article 12 de la présente proposition de loi. Afin de continuer à améliorer les procédures d’évaluation de la qualité des ESSMS, celui-ci comprend plusieurs dispositifs devant accroître la transparence et l’accessibilité à la fois des indicateurs et des résultats de ces évaluations.

● Le du A modifie en plusieurs points l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, qui définit les principes de l’évaluation des ESSMS. Il supprime la deuxième phrase du premier alinéa, qui décrit succinctement le mécanisme d’accréditation par la Haute Autorité de santé. Il remplace les deuxième et troisième alinéas par trois nouveaux alinéas qui visent à :

– décrire la procédure d’accréditation par l’instance nationale d’accréditation, le comité français d’accréditation (COFRAC) ([120]) ;

– préciser que la Haute Autorité de santé définit un cahier des charges qui décrit les exigences demandées, en plus de celles exigées dans le cadre de l’accréditation, aux organismes souhaitant devenir évaluateurs. L’instance nationale d’accréditation est également chargée de vérifier la bonne application de ce cahier des charges ;

– donner la possibilité à la Haute Autorité de santé de signaler à l’instance nationale d’accréditation les éventuels manquements au cahier des charges dont elle aurait eu connaissance. L’instance d’accréditation informe alors la Haute Autorité de santé des mesures prises à la suite de ce signalement.

Le  du A précise aussi le dernier alinéa de ce même article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, afin de demander à la Haute Autorité de santé d’élaborer ou de valider les recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour l’accompagnement des publics des établissements sociaux et médico-sociaux, alors qu’elle doit seulement, en l’état actuel du droit, établir et diffuser ces recommandations.

● Il est proposé d’abroger l’article L. 312-8-1 du code de l’action sociale et des familles, qui établit une dérogation dans l’application de l’article L. 312-8 pour les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile. Ces derniers doivent communiquer les résultats d’au moins une évaluation interne dans un délai fixé par décret.

● En outre, le  du A complète l’article L. 312-9 du code de l’action sociale et des familles, qui régit les données dont disposent les ESMS, notamment leur confidentialité et les règles de leurs transmissions à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Le  du A ajoute qu’un décret fixe les modalités de publication par la Caisse des indicateurs applicables aux ESSMS, dans un format clair et accessible aux usagers et à leurs familles. Ces indicateurs pourront relever :

– de l’activité et du fonctionnement de ces établissements et services ;

– de l’évaluation et de la qualité au sein de ces mêmes établissements et services.

● Enfin, dans le but de tirer les conséquences de ces évolutions, le  du B modifie l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles afin de ne plus subordonner « exclusivement » le renouvellement de l’autorisation des ESSMS à l’évaluation de leur qualité et de prendre en compte le fait que ces évaluations peuvent être multiples. La même évolution est proposée à l’article L. 313-5.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté, outre des amendements rédactionnels de la rapporteure Annie Vidal, des amendements identiques de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Isabelle Valentin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains qui doivent permettre d’anticiper les cas de retrait de l’habilitation par la Haute Autorité de santé à un organisme évaluateur.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure Annie Vidal qui précise le rôle des recommandations de bonnes pratiques professionnelles dans le cadre du nouveau dispositif d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux élaboré par la Haute Autorité de santé, et en particulier leur prise en compte lors de l’évaluation quinquennale des établissements et services.

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Article 13
Possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif

Adopté avec modifications

Le présent article permet la location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif.

I.   le droit existant

● Inscrit à l’article L. 281- 1 du code des affaires sociales et des familles depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan », l’habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un « mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national ».

Ce projet de vie sociale et partagée, défini par un arrêté du 24 juin 2019, favorise la vie sociale et citoyenne de ses habitants. Il se caractérise par l’organisation d’activités de convivialité, ludiques ou culturelles, au sein ou à l’extérieur de l’habitat. Il est souvent fait appel à une personne morale chargée de porter ce projet partagé.

La personne morale porteuse du projet partagé (ou personne 3P([121])

La personne morale « porteuse du projet partagé » ou « personne 3P » joue un rôle important en concourant à l’élaboration par les habitants du projet de vie sociale et partagée, en assurant une mission d’organisation et de régulation de la vie à plusieurs, mais également en venant en appui du parcours de vie de chaque habitant. La « personne 3P » est l’interlocuteur-pivot des autres intervenants extérieurs (bailleurs, services d’aide à la personne) et des pouvoirs publics (État, département, Agence régionale de santé).

● La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS » a conforté le modèle de l’habitat inclusif par diverses mesures visant à le déployer plus largement sur l’ensemble du territoire.

Cette loi a notamment permis de développer l’habitat inclusif dans le parc social en autorisant les organismes d’habitations à loyers modérés à louer, aux organismes bénéficiant de l’agrément relatif à l’intermédiation locative et à la gestion locative sociale, des logements sociaux bénéficiant de l’autorisation spécifique prévue à l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation. Ils peuvent ainsi les sous-louer à des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, le cas échéant dans le cadre d’une colocation.

Les autorisations spécifiques

Aux termes de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements créée dans chaque organisme d’habitations à loyers modérés peut attribuer en priorité, s’ils n’ont pas fait l’objet d’une réservation par le représentant de l’État dans le département, tout ou partie des logements construits ou aménagés spécifiquement pour cet usage à des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, dans le cadre de programmes bénéficiant d’une autorisation spécifique délivrée par le représentant de l’État dans le département.

II.   le dispositif proposÉ

Le présent article vise à rendre effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

Il complète l’article L. 442-8-1-2 du code de la construction et de l’habitation, issu de la loi 3DS. Il précise que la location des logements bénéficiant de l’autorisation spécifique prévue à l’article L. 441-2 aux organismes disposant de l’agrément relatif à l’intermédiation locative et à la gestion locative sociale peut s’accompagner de celles de locaux communs situés dans le même immeuble ou groupe d’immeubles. La mise en œuvre du projet de vie sociale et partagé prévu à l’article L. 281-1 du code de l’action sociale et des familles s’en trouvera facilitée.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement d’amélioration rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 13 bis (nouveau)
Précision relative à l’aide à la vie partagée dans le code de l’action sociale et des familles

Introduit par la commission

Le présent article modifie l’article L. 233-1-1 du code de l’action sociale et des familles afin de tirer les conséquences du remplacement du forfait habitat inclusif par l’aide à la vie partagée, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, modifie l’article L. 233-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

Il prend en compte le remplacement du forfait habitat inclusif par l’aide à la vie partagée, prévu par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2025. La mention du forfait habit est supprimée de l’article L. 233-1-1, relatif à la conférence des financeurs habitat inclusif.

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Article 13 ter (nouveau)
Renforcement du déploiement de l’habitat inclusif
sur l’ensemble du territoire

Introduit par la commission

Le présent article ajoute un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat, dans l’objectif d’encourager le déploiement de ce type d’habitat sur l’ensemble du territoire national.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, a pour objectif de favoriser le déploiement de l’habitat inclusif en renforçant la programmation sur le territoire.

Il ajoute un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat, en cohérence avec mission de coordination du développement de l’habitat inclusif qui revient, depuis la loi « 3DS », au président du conseil départemental.

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Article 13 quater (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur le cadre juridique et financier
de l’habitat mixte

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur la définition d’un cadre juridique et financier pour l’hébergement mixte.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Émilie Bonnivard et M. Yannick Neuder (groupe Les Républicains), dispose que le Gouvernement remet, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement établissant un cadre juridique et financier pour l’hébergement mixte. Selon les auteurs de l’amendement, ce type d’hébergement « représente une solution pour l’accueil des personnes en perte d’autonomie, et ne sont ni des Ehpad, ni des établissements médico-sociaux » ; pourtant « il n’existe pas de cadre réglementaire et juridique qui consacre la réalité et les besoins spécifiques de ces établissements ».

Ce rapport évaluera le coût du financement des projets, notamment le coût réel des professionnels qui interviennent dans ces hébergements.

Article 14
Gage financier

L’article 14 assure la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution au moyen d’un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

Le présent article vise à assurer la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution, grâce à un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs au bénéfice de l’État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales.

 

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 16 heures

Au cours de sa première réunion du lundi 3 avril 2023, la commission examine la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France (n° 643) ([122]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.

Mme Monique Iborra, qui en était l’une des rapporteures, m’a indiqué ne pas être en mesure, pour des raisons personnelles, d’assurer cette tâche. Nous devons donc désigner un remplaçant. J’ai été saisie de la candidature de Mme Laurence Cristol.

Y a-t-il des objections ?

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Oui. Nous avons appris, par la convocation qui nous est parvenue vendredi, qu’il y aurait un changement de rapporteur. Nous sommes très étonnés que cette réunion ait été maintenue.

En effet, un rapporteur n’ayant pas été nommé à cette heure n’a pas pu travailler les amendements. Notre collègue dont la nomination est proposée devra donc émettre des avis sans avoir étudié les amendements ni déposé des amendements en tant que rapporteure, ce qui la place dans une situation très déplaisante. Dans ces conditions, j’aurais pu moi aussi présenter ma candidature, à moins que le choix de notre collègue ne remonte à vendredi, ce qui pose problème du point de vue du fonctionnement de notre assemblée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mme Cristol a accepté d’être rapporteure. Je fais entièrement confiance à ses compétences et à sa capacité à répondre aux interrogations et à travailler le texte, d’autant qu’elle a été assidue aux travaux préparatoires et qu’elle a assisté à toutes les auditions. Sa nomination ne me semble donc poser aucun problème.

Mme Laurence Cristol (RE). Chère collègue, j’entends votre inquiétude. Mais j’ai travaillé la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France très en amont et depuis longtemps, avec notamment Mmes Iborra, Vidal et Panosyan-Bouvet. Je suis chef de file du groupe Renaissance sur ce texte. J’ai eu grand plaisir à assister aux auditions menées la semaine dernière. En outre, l’objet de ce texte s’inscrit dans le cadre de mes compétences et de mon expérience professionnelle. Ma situation est certes inconfortable, mais être rapporteure du texte est un honneur que j’accepte bien volontiers.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Vous venez de me convaincre, alors que moi aussi je suis très attachée au texte et ai également travaillé avec Monique Iborra, de postuler à la fonction de rapporteure.

Mme Fadila Khattabi (RE). Chère collègue, votre demande me surprend un peu. La proposition de loi émane du groupe Renaissance, dont les deux rapporteures sont membres – cela avait été décidé bien en amont –, même si elle a été travaillée avec les autres composantes de la majorité présidentielle.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Madame la présidente, vous dites que la proposition de loi émane du groupe Renaissance. J’avais cru comprendre qu’elle était portée par la majorité tout entière.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur Isaac-Sibille, comme je vous l’ai longuement expliqué au téléphone dans la nuit de vendredi à samedi, la proposition de loi est portée par la majorité présidentielle. Simplement, Mme Iborra, membre du groupe Renaissance, ayant dû renoncer à en être rapporteure, il a semblé logique de choisir sa remplaçante au sein de ce groupe.

Je remercie Mme Cristol d’avoir accepté de la remplacer. Je pense très sincèrement qu’elle saura être à la hauteur de nos travaux et répondre aux interrogations des uns et des autres. Le sujet est clos.

Le président Pancher m’a fait parvenir vendredi dernier, en fin de journée, un courrier appelant mon attention sur l’organisation ce samedi, en salle Lamartine, à la demande de son groupe, d’un débat sur le thème « Pour une politique ambitieuse du grand âge ». Malheureusement, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera examinée dès mardi prochain en séance publique, le lundi étant férié. Le délai de dépôt des amendements expire donc ce jeudi à 17 heures.

Dans cette perspective, notre commission doit avoir achevé ses travaux en temps utile. Nous les entamons donc dès aujourd’hui. Je l’ai indiqué au président Pancher, en regrettant que les agendas soient quelque peu discordants.

S’agissant du texte, 740 amendements ont été déposés. Dix-huit ont été retirés par leurs auteurs avant discussion et douze étaient des doublons. Par ailleurs, j’ai suivi l’avis du président de la commission des finances, qui a estimé que quatre‑vingt-quinze amendements étaient contraires aux dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Pour ma part, j’en ai déclaré cent trente irrecevables, en application des dispositions de l’article 45. Ils étaient sans lien, même indirect, avec le texte, dont je rappelle qu’il porte sur le pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, sur la lutte contre les maltraitances et sur leur hébergement.

Ne pouvaient donc être considérés comme recevables les amendements portant sur les jeunes adultes handicapés, sur le rôle des infirmières libérales, sur les compétences des conseils départementaux, sur les investissements immobiliers dans les Ehpad, sur les interventions précoces auprès des enfants naissant avec des troubles du neuro-développement ou sur l’âge de départ à la retraite. Il en est de même des amendements tendant à relever le niveau du Smic à 1 600 euros et des amendements visant à mettre en place une expérimentation de la télémédecine dans certains territoires ultramarins ou à modifier le financement de la branche autonomie.

Nous examinerons donc près de 500 amendements.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir en France a été rédigée et portée par la majorité, que je remercie de ses travaux collectifs. Je remercie particulièrement Astrid Panosyan-Bouvet, qui en a assuré la coordination, et Mme la présidente de la commission, dont le soutien est indéfectible.

Je sais que les attentes sont fortes parmi les personnes âgées, leurs familles et les professionnels. Toutefois, nous nous inscrivons dans le cadre restreint d’une proposition de loi. Nous n’épuiserons donc pas le sujet du grand âge avec ce texte. En particulier, nous n’aborderons pas deux points essentiels qui structureraient un projet de loi.

S’agissant de la gouvernance, nous sommes tous d’accord qu’elle doit être renouvelée, mais, à ce jour, il faut bien constater que les parties prenantes ne sont pas d’accord entre elles sur ce point. Il faudra donc aller chercher ce consensus, d’autant que le Gouvernement s’y est engagé.

Par ailleurs, il faut trouver des financements de l’ordre de 10 milliards d’euros par an à échéance de 2030. Nous savons que la branche autonomie, qui dispose pour 2023 d’un budget de 37,3 milliards d’euros, sera abondée à partir de 2024 de 0,15 point de CSG supplémentaire, ce qui équivaut à 2,4 milliards par an, soit près de 10 milliards supplémentaires en 2027. Cela devrait nous permettre de planifier les futures dépenses dans un texte législatif ad hoc, sans exclure une réflexion plus profonde sur le reste à charge en établissement et à domicile.

En outre, de nombreuses mesures ont été prises depuis 2017, notamment les revalorisations salariales, la généralisation de la présence d’une astreinte d’infirmier de nuit dans les Ehpad, l’adoption d’un tarif plancher pour les services d’aide à domicile et l’engagement de procéder, d’ici à 2027, à 50 000 recrutements, soit une augmentation de 25 %, ce qui permettra d’atteindre un taux d’encadrement « au chevet » de cinq sur dix, soit 7,5 au total. Citons encore, parmi les principales mesures, l’ouverture aux Ehpad du plan d’aide à l’investissement du quotidien et la rédaction d’un référentiel commun d’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Notre texte comprend plusieurs mesures relatives au développement d’une politique plus ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie. L’espérance de vie en bonne santé des Français est inférieure à la moyenne européenne ; cela n’est pas acceptable pour un pays comme le nôtre. Nous pouvons agir face à ce constat : la perte d’autonomie est un phénomène complexe, lié à une diversité de facteurs mais qui peut souvent être prévenu, limité ou retardé.

La prévention de la perte d’autonomie a certes fait l’objet d’initiatives récentes, mais elles étaient trop peu ambitieuses et insuffisamment coordonnées. La création, par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, a constitué un pas important.

Face au constat de la grande diversité d’acteurs et de dispositifs mobilisés sur ce sujet, ces conférences ont pour objectif de coordonner, dans chaque département, les actions de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans et leurs financements. Si leur mise en place est une avancée indéniable, la prévention de la perte d’autonomie manque d’une impulsion nationale et mériterait d’être mieux coordonnée sur l’ensemble du territoire.

Tel est l’objet de l’article 1er du texte, qui vise à mettre en œuvre une stratégie ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie coordonnée aux niveaux national et territorial. Il crée une conférence nationale de l’autonomie chargée d’assurer la cohérence de l’action des conférences des financeurs, en définissant notamment des axes stratégiques, qui seront déclinés à l’échelon territorial par ces conférences. Cet article nous semble essentiel pour l’efficacité et l’ambition de la politique de prévention. Il pourra d’ailleurs être utilement enrichi par plusieurs dispositions proposées par amendement.

L’article 2 a pour objet de renforcer la lutte contre l’isolement social des personnes vulnérables, qui constitue un véritable fléau, en permettant aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données permettant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap isolées. L’article 11 donne une place centrale à la prévention, en précisant que les forfaits « soins » et « dépendance » octroyés aux Ehpad peuvent financer des actions de prévention.

La proposition de loi que nous portons vise en outre l’objectif d’une plus grande égalité dans l’accès à l’hébergement des personnes âgées. L’article 9 supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Il importe que le lien familial reste avant tout un lien privilégié d’affection et de transmission, à l’abri des difficultés financières. L’article 10 demande au Gouvernement un rapport sur le bilan de l’ASH, qui devrait permettre d’identifier les raisons de son faible taux de recours et la manière dont cette aide pourrait être réformée.

Le développement de formes d’habitat nouvelles et alternatives, dépassant le caractère binaire de l’offre, séparée entre le logement autonome et la prise en charge en établissement, constitue un dernier enjeu. L’habitat inclusif, qui permet à des personnes âgées ou en situation de handicap d’accéder à un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie sociale et d’un accompagnement, est un modèle de plus en plus plébiscité. L’article 13 de la présente proposition de loi vise à le promouvoir, en rendant effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous souhaitons en outre déployer un dispositif législatif solide pour promouvoir la bientraitance, en luttant fermement contre les maltraitances. Il y a de vrais sujets, qui attendent des réponses. Tel est notamment le cas de la lutte contre les maltraitances.

D’après une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publiée en janvier, 70 % des Français craignent qu’eux-mêmes ou un de leurs proches soit victime de maltraitance, et 65 % attendent que l’État fasse davantage en ce domaine. Nous savons que les cas de maltraitances peuvent survenir en établissement comme à domicile.

Il faut regarder cette réalité en face et prendre des mesures concrètes pour renforcer notre dispositif juridique. C’est pourquoi l’article 3 inscrit la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale et garantit les droits fondamentaux tels que le droit au respect de sa vie privée ou familiale, dont la visite des proches, dont nous avons tous mesuré l’importance pendant la crise sanitaire.

L’actualité nous a aussi montré la nécessité de disposer d’une instance d’alerte rapide et agile pour que les personnes concernées – famille, proches, soignants – puissent signaler en toute confiance les cas de maltraitance qu’elles constatent. L’article 4 offre un véritable dispositif d’alerte, de suivi et de qualification des situations de maltraitance.

Nous proposons également de conforter le rôle central des mandataires judiciaires, qui connaissent la réalité des personnes sous mandat de protection. L’article 5 vise à préciser le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les mandataires et instaure une obligation de signalement des situations de maltraitance dont ils pourraient être témoins.

Le second axe que je défendrai vise à revaloriser la place des intervenants du domicile, maillon indispensable du virage domiciliaire que nous appelons tous de nos vœux. Nous proposons à l’article 6 l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les personnes intervenant à domicile. Il s’agit de reconnaître leur qualification et de faciliter leur quotidien. J’indique d’ores et déjà que je suis favorable à la généralisation de cette carte sans attendre les résultats de l’expérimentation, sous réserve de précisions techniques à élaborer en vue de l’examen du texte en séance publique.

L’article 7 vise à permettre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’aider financièrement les départements qui soutiennent la mobilité de ces professionnels. L’objectif est de permettre une meilleure prise en compte de cette question, notamment pour l’acquisition de véhicules propres.

Ces mesures ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion plus large sur le financement et l’organisation de l’offre de soutien à domicile, qui est particulièrement complexe. L’article 8 de notre proposition de loi vise à alimenter cette réflexion, grâce à un état des lieux précis de l’offre de soutien à domicile, afin de la clarifier et de la simplifier, et d’améliorer la visibilité et l’équité de rémunération des professionnels entre les diverses formes de services, indépendamment de leur statut.

À l’article 12, nous confortons la législation relative à l’évaluation de la qualité des ESSMS par l’accréditation des évaluateurs, assortie d’une obligation de transparence des résultats.

Mes chers collègues, se saisir de ce sujet est une opportunité pour notre commission. Cette proposition de loi à visée sociétale porte en elle l’intérêt des personnes qui vieillissent, de leurs proches aidants et des professionnels qui les accompagnent. Les chantiers à venir après son examen restent immenses. Cette proposition de loi n’est pas une fin en soi ; elle doit être le levier d’une future réforme.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Freddy Sertin (RE). Je me réjouis que nous examinions la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Elle est le fruit de travaux menés dès l’automne dernier par les membres du groupe Renaissance de cette commission, conjointement avec ceux des groupes Horizons et Démocrate. Nous avons été nombreux, au sein de la majorité, à vouloir faire du grand âge et de l’autonomie l’une des priorités des travaux de cette commission. Ensemble, nous avons rappelé, au sein de nos groupes respectifs, l’urgence de la situation.

Face au vieillissement de sa population, la France doit disposer d’un arsenal juridique et réglementaire à la hauteur des enjeux du grand âge et de l’autonomie, tant au sein de structures spécialisées que par le maintien à domicile. En tout état de cause, il convient de permettre aux personnes âgées ou en situation de vulnérabilité de bénéficier de prestations de qualité, dans un objectif d’accompagnement et de lutte contre la maltraitance. Cet objectif ne pourra être atteint qu’en améliorant l’attractivité des métiers de l’accompagnement et de l’aide à domicile. Plusieurs mesures du texte y concourent.

C’est donc tout naturellement que je salue chaque membre de la majorité ayant contribué à la rédaction de la proposition de loi, qui se veut essentielle et responsable : essentielle pour les professionnels des services à domicile au sein des ESSMS et surtout pour les patients ainsi que pour leurs familles ; responsable, car nous savons que le chemin est encore long, et qu’une véritable révolution est à faire pour ce secteur, compte tenu des enjeux à venir.

Mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur un point. Nous ne pourrons pas tout inscrire dans la proposition de loi. Tel n’est d’ailleurs pas l’objectif visé. J’espère que nous arriverons, tous ensemble, à travailler de concert et en responsabilité. Puissions-nous, ensemble, prendre des mesures fortes et pragmatiques, avec en ligne de mire la protection de nos aînés, des plus fragiles et des professionnels de ces secteurs, qui sont trop souvent invisibles et attendent beaucoup de notre engagement à leurs côtés !

Plus que jamais, nous devons replacer l’humain au cœur de nos préoccupations. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, que je vous invite à adopter.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les acteurs du secteur de la prise en charge ne cessent d’alerter, depuis des années, sur le manque de moyens pour les structures d’aide à domicile, les difficultés de recrutement et les problèmes pour répondre aux demandes. Le souhait de la plupart des Français de vieillir chez eux s’avère parfois difficile à réaliser, en raison d’un manque de structures d’aide à domicile. Le secteur connaît de graves difficultés en matière de recrutement, de financement des structures et de reconnaissance.

Le texte que nous examinons est à des lieues des vrais problèmes du grand âge en France. La volonté politique reste insuffisante pour agir dans la durée sur la prévention, l’anticipation et l’articulation des financements nécessaires. Les professionnels du grand âge attendent depuis des années que le Gouvernement s’engage et investisse massivement pour répondre au défi du vieillissement. Lors du précédent quinquennat, une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l’autonomie, a été créée, mais la loi « grand âge » n’a toujours pas vu le jour.

Indépendamment du fait que 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile, cette transition sociétale devient une urgence à anticiper. « Nous devons amplifier les mesures en faveur d’un véritable virage domiciliaire », indique l’exposé des motifs. Pour ce faire, il faut un changement profond des méthodes d’accompagnement de la vieillesse, afin de garantir que les personnes âgées bénéficient d’un suivi de qualité. Il faut assurer l’accès à une aide financière adaptée aux besoins des seniors, dans le cadre d’un système de gestion équitable et solidaire.

Mesdames les rapporteures, votre texte n’est pas la révolution espérée par les acteurs du secteur, qui attendent depuis de nombreuses années une loi sur le grand âge. Le droit à la compensation du handicap reste ineffectif. L’ordre médico‑social ne dispose toujours pas des moyens adaptés pour engager une transformation de l’offre en profondeur, sur la base de professionnels bien formés et bien rémunérés, permettant de répondre aux aspirations et aux besoins de toute personne en situation de handicap. Toutefois, dès lors que le texte prévoit quelques mesures concrètes pour les personnes vieillissantes et pour les professionnels, notre groupe l’examinera attentivement.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). La proposition de loi se contente de demi‑mesures, qui sont loin de répondre aux enjeux. Selon la Fédération hospitalière de France, seuls 6 % des logements sont adaptés au vieillissement. Le rapport de Luc Broussy publié en 2021 dresse un constat glaçant : chaque année, 10 000 personnes âgées meurent des suites d’une chute. Quelles solutions d’hébergement face à cela ? Quel plan pour recruter et former les 240 000 soignants nécessaires au secteur du grand âge, conformément aux préconisations du rapport Fiat-Iborra ?

La libéralisation du secteur de l’autonomie est très dangereuse. Elle entraîne – c’est prouvé – une dégradation des soins et de la prise en charge. Nos personnes âgées, rappelons-le avec force, ne sont pas des marchandises. L’exposé des motifs recommande un virage domiciliaire, mais les emplois du secteur de l’aide à domicile sont mal payés et précaires, alors même qu’il s’agit de métiers essentiels.

En outre-mer, la situation des personnes âgées est encore plus grave, compte tenu de nos réalités sociales, économiques et culturelles. Chez moi, à La Réunion, elle est une véritable bombe à retardement si rien n’est fait. Nos aînés ne doivent plus être la cinquième roue de la charrette, mais les bénéficiaires d’une cinquième branche dotée de moyens humains et financiers dignes du respect que nous leur devons !

Nous voterons certains articles du texte, relatifs notamment à la prévention et à la lutte contre les maltraitances, et à la suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, car ils vont dans le bon sens. Nous avons fait, quant à nous, des propositions pour enrichir encore la proposition de loi. En fonction des débats et du sort réservé à nos amendements, nous déterminerons notre vote.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous sommes réunis pour étudier la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Les mots ont un sens. « Bâtir » : lorsque l’on bâtit, on définit une stratégie, une méthode. « Bien vieillir » : de quoi parlons-nous ? Bien vieillir, c’est vivre plus longtemps en meilleure santé, grâce à une politique de prévention de la dépendance efficace et accessible à tous ; c’est permettre à chacun de vieillir dignement, en respectant ses choix, ses attentes et ses droits ; c’est garantir à chacun un hébergement adapté correspondant à son âge et à son niveau de dépendance ; c’est permettre à chacun de bénéficier de prestations de qualité, fournies par des professionnels soignants auxiliaires de vie en nombre suffisant, formés et soutenus dans leur pratique.

Quelles réponses la proposition de loi apporte-t-elle à ces préoccupations ? Aucune. En outre, elle n’est assortie d’aucun financement. C’est une coquille vide ne répondant en rien aux immenses attentes du secteur du grand âge et du vieillissement.

Quatorze articles pour n’apporter aucun début de solution aux problèmes rencontrés sur le terrain ! Une proposition de loi technocratique avec des demandes de rapport qui diffèrent encore les actions ! La conférence nationale de l’autonomie : un truc supplémentaire ! Certes, je salue l’introduction d’une carte professionnelle des auxiliaires de vie et du versement d’une aide financière aux départements par la CNSA pour aider la mobilité, mais la réponse n’est pas du tout à la hauteur des attentes.

Le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans passera de dix‑sept millions actuellement à vingt‑sept millions en 2050. À cette date, quatre millions de seniors seront en perte d’autonomie. Nous avons besoin d’adapter notre société au défi du vieillissement.

La réforme du grand âge, annoncée par Emmanuel Macron en 2017, demandée et attendue par tous les acteurs du grand âge, a sans cesse été repoussée. Où est la politique ambitieuse qui permettra aux 80 % de Français qui le souhaitent de vieillir chez eux ? Où est la politique ambitieuse permettant à chacun de bénéficier d’un accueil intermédiaire entre le domicile et l’Ehpad ?

L’article 4 renforce le dispositif de recueil et de traitement des situations de maltraitance, mais il occulte la maltraitance institutionnelle, celle qui n’est pas le fait des soignants, mais la conséquence du dysfonctionnement du système dans son ensemble. Elle est le résultat d’effectifs réduits et d’une surcharge administrative en raison desquels les soignants ne peuvent plus exercer leur métier comme ils le souhaitent, c’est-à-dire passer du temps avec les résidents et respecter leur rythme. Que proposez-vous aux soignants épuisés, qui ne trouvent plus de sens à ce qu’ils font, se mettent en arrêt maladie et démissionnent, obligeant les structures à avoir recours à des intérimaires ?

Mme Anne Bergantz (Dem). La vieillesse n’est pas une maladie. Elle constitue notre devenir à tous. La priorité n’est plus d’allonger la durée de vie, mais bien d’améliorer la qualité de vie des personnes vieillissantes.

La proposition de loi que nous étudions évite l’écueil de percevoir la vieillesse de la population uniquement à travers le prisme de la charge. La prévention du mal vieillir, la valorisation des métiers et l’émergence d’une culture de la bienveillance ont été au cœur des réflexions des rapporteures.

Nous devons être attentifs à ne pas complexifier inutilement ce secteur ni opposer les acteurs entre eux. Il importe, au contraire, d’assurer une meilleure synergie entre ces derniers et de soutenir les multiples initiatives et les solutions existantes, telles que l’habitat inclusif ou mêlant les générations, afin que chacun trouve la solution qui lui convienne le mieux à un moment donné. Pour ce faire, il faut replacer l’individu au centre de nos réflexions et changer notre perception du grand âge, afin de cultiver ce que Marie de Hennezel appelle à raison l’art de vieillir.

Cela suppose d’agir sur les métiers, qui sont la pierre angulaire du grand âge, comme le rappelle Dominique Libault. Il faut leur rendre de l’attractivité. La formation, l’évolution des carrières et les conditions de travail sont des leviers essentiels. La carte professionnelle est un outil porteur de reconnaissance.

La prévention est un autre sujet fondamental. En effet, la perte d’autonomie est difficilement réversible. L’état de santé d’une personne de 85 ans est le reflet de toute sa vie. Il faut trouver les moyens d’identifier les personnes qui sont hors des radars, dépourvues de suivi médical, isolées, précaires, pour engager des actions de dépistages ciblées. Tel est le sens de certains amendements déposés par le groupe Démocrate.

Nous souhaitons que nos travaux, sur un sujet que nous espérons consensuel, soient guidés par cette formule de Paul Ricœur : « Une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes ». Tel est l’état d’esprit dans lequel le groupe Démocrate enrichira et soutiendra la proposition de loi.

M. Jérôme Guedj (SOC). Que vous dire, mesdames les rapporteures ? Je connais, pour chacune d’entre vous comme pour nous tous, l’engagement résolu à aborder le sujet du vieillissement de la population et à faire en sorte que la promesse présidentielle soit enfin honorée. Vous avez donc décidé, en tant que parlementaires, de vous saisir de votre droit de légiférer, la procrastination gouvernementale nous privant depuis quatre ans d’un grand débat national, du choix des financements et des priorités à mettre en œuvre.

Il y a eu l’annonce du Président de la République. Il y a eu un calendrier, qui a été présenté mais pas respecté. Il y a eu des rapports de qualité, administratifs et parlementaires, dressant un diagnostic et précisant ce que nous devions faire. Il y a eu la crise du covid. Il y a eu Les Fossoyeurs et l’affaire Orpea. Et maintenant que vous vous indignez, si j’ose dire, que rien ne soit fait par le Gouvernement, vous accouchez d’une souris !

Ce faisant, vous envoyez un signal désastreux à celles et ceux qui pensent sincèrement que nous devons légiférer, et peut-être produire, je le souhaite, un consensus à la hauteur de l’enjeu. Vous faites un écran de fumée législatif, vous proposez une coquille vide, un cache‑misère ! Demain, le ministre, qui lui aussi repousse l’échéance de mois en mois, accélérera son calendrier pour annoncer les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) « Bien vieillir » – qui lui-même a été le moyen de gagner une année supplémentaire – et présenter sa feuille de route, qui devait l’être au mois de mai.

Voici donc des parlementaires qui légifèrent sans connaître la vision d’ensemble du Gouvernement ! Pire : vous ne proposez aucune vision d’ensemble et vous vous contentez d’aborder quelques sujets, alors qu’il faut traiter, dans la transversalité, la révolution de la longévité et de la transition démographique. Le tout, comme vous le reconnaissez vous-mêmes, sans aucun financement à la clé offrant une perspective longue. Je vous le dis : c’est une frustration gigantesque et un signal désastreux !

Nous tenterons d’enrichir le texte, faute de quoi vous nous accuserez de ne pas considérer le sujet comme prioritaire. Vous tendez collectivement un piège à tous les acteurs ! Ne pensez-vous pas qu’il serait plus utile de réunir les parlementaires autour de la table pour rédiger la loi « grand âge, vieillissement et autonomie » que nous appelons de nos vœux ?

J’ai une proposition à vous soumettre. Je ne demande qu’une chose : que tout le monde s’en empare et que tous les parlementaires disent au Gouvernement « Ça suffit ! Vous procrastinez depuis trop longtemps ! Nous, nous avons une vision ! ». Il paraît qu’on cherche des textes fédérateurs ; celui-là peut en être un. Mais ne légiférons pas sur la base d’un texte aussi creux et vide, qui suscitera plus de frustration et de colère qu’il n’apportera de solutions !

M. François Gernigon (HOR). La proposition de loi porte sur un sujet majeur. Il s’agit de répondre à des milliers de professionnels et à des millions de personnes âgées qui, chaque jour, sur le terrain, nous demandent d’agir.

Ce texte s’inscrit dans un large débat sur le sujet du grand âge, nourri par différents travaux, dont ceux menés ces derniers mois par le Gouvernement dans le cadre du CNR « Bien vieillir ». Le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans enregistrera une croissance inédite d’ici à 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions ; celui des plus de 85 ans passera de 1,4 million à 5 millions en 2060. Il s’agit donc d’un sujet essentiel à l’heure où nous voulons encourager davantage encore le virage domiciliaire.

La proposition de loi vise à renforcer la politique de prévention de la perte d’autonomie, notamment par la création de la conférence nationale de l’autonomie, qui vise à assurer une stratégie coordonnée entre l’échelon national et les territoires, et à faciliter le repérage des personnes âgées par les services sociaux et sanitaires. Elle comporte des dispositions visant à lutter contre les maltraitances de manière plus efficace et plus rapide. Elle répond aux besoins de renforcement de l’attractivité des métiers de domicile et de soutien aux professionnels, notamment en satisfaisant les demandes fortes du terrain que sont la carte professionnelle et le soutien aux mobilités, notamment par l’aide à l’acquisition de véhicules, laquelle constitue trop souvent un véritable obstacle.

Évidemment, cette proposition de loi ne résoudra pas tout, et nous évoquerons, je n’en doute pas, des sujets tels que le financement de la cinquième branche, l’adaptabilité des logements, la gouvernance territoriale et la coordination de l’ensemble des acteurs du domicile, en lien avec les Ehpad. Ce texte va toutefois dans le bon sens et apporte plusieurs réponses concrètes aux problèmes des professionnels et des usagers. C’est en ce sens que le groupe Horizons et apparentés soutient cette proposition de loi étudiée avec les députés de la majorité.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le 20 septembre dernier, alors que j’étais encore hospitalisé, je déposais une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à la vie digne. La dignité humaine ne se mérite ni ne se décrète : il faut la reconnaître et la garantir, dans une société qui permet à toutes et à tous d’avoir accès à l’éducation, aux soins et à l’accompagnement, quels que soient l’âge, la pathologie ou le handicap, une société qui refuse la maltraitance et l’impuissance.

Je posais ce premier acte comme la boussole de mon mandat. Or vivre dignement, c’est aussi pouvoir vieillir dignement et, sur ce point aussi notre société est défaillante. Ce n’est certainement pas par manque de connaissances ou d’expertise car, depuis vingt ans, les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales ou de personnalités qualifiées se succèdent. C’est la conséquence d’un manque de volonté politique qui fait que le choc démographique auquel notre société sera confrontée risque de devenir un mur, que la transformation de l’offre médico-sociale, indispensable au respect du libre choix de vieillir à domicile ou en établissement, est bien lente, et que le choc d’attractivité des métiers du soin et de l’accompagnement se fait attendre.

Ces changements structurels que nous appelons de nos vœux ne se feront pas à moyens constants. C’est bien par manque de volonté politique que la branche autonomie est encore largement sous-dotée. La société de la vie digne appelle des moyens financiers dignes.

J’aurais pu évoquer les rapports Libault, El Khomri et Vachey – les constats sont connus, les solutions aussi –, mais j’ai préféré vous parler de courage, du courage qu’il faut pour faire preuve de volonté politique et de celui qu’il faudra pour enrichir ce texte qui, s’il témoigne d’une bonne volonté, manque d’ambition.

Il nous aura fallu vingt ans pour entamer la société inclusive. On peut enfin dire : montrez-moi ces vieux et ces handicapés que l’on ne saurait voir ! Devrons-nous encore attendre vingt ans de plus pour garantir à toutes et à tous le droit de vieillir dignement, ou sommes-nous prêts à faire enfin preuve de courage ?

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cette proposition de loi a le mérite de poser la question de la place du grand âge dans notre société et de la situation des professionnels. Il est urgent de légiférer en la matière pour tous ces travailleurs qui se décrivent eux-mêmes comme les premiers de corvée que l’on n’a jamais applaudis pendant la crise du covid-19.

Néanmoins, le véhicule législatif que vous avez choisi n’est malheureusement pas à la hauteur de cette urgence. En recourant à une proposition de loi pour un texte pourtant très étroitement travaillé avec le ministère des solidarités, vous nous privez, par exemple, d’études d’impact, pourtant essentielles, sur les dispositifs prévus et dont les mesures sont, du reste, souvent renvoyées aux décrets.

Outre cette question de forme, le fond du texte nous semble lui aussi particulièrement insuffisant face à l’ampleur des problèmes que rencontre le secteur du bien vieillir. Les professionnels des Ehpad et des structures d’aide à domicile déplorent de nombreux difficultés : recrutement avec des contrats courts, intensité du travail, manque de reconnaissance. Celui-ci tient bien évidemment à la faiblesse des salaires trop faibles pour des métiers très difficiles, mais aussi au sentiment de défiance qu’éprouvent au quotidien ces professionnels à la suite du scandale Orpea, et que ce texte ne combat pas – bien au contraire. Les accuser de mal faire leur travail ne remet pas en cause seulement un métier, mais aussi, souvent, une vocation.

Par ailleurs, le texte n’aborde pas les modalités de financement des structures. Les intentions, c’est bien, mais les moyens, c’est mieux !

Enfin, le consensus que vous affirmez rechercher supposerait que vous changiez de méthode. Nous avons, par exemple, été très surpris de constater que certains de nos amendements ont été jugés irrecevables pour des charges qu’ils créeraient, alors qu’ils ne visaient qu’à préciser les missions de la CNSA, ou de moins sa composition.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur Monnet, vous pourrez interroger à ce propos M. Coquerel, président de la commission des finances, qui a écarté ces amendements. Il n’a fait toutefois qu’appliquer l’article 40 de la Constitution, et je prends donc sa défense.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nombreux étaient ceux qui, depuis plusieurs années, attendaient un texte de refondation exprimant une ambition forte pour faire évoluer l’accompagnement de nos aînés. Le Président de la République est intervenu assez clairement et à de nombreuses reprises en ce sens, mais la crise sanitaire a emporté avec elle les ambitions d’une grande réforme. Je ne remets pas en question le travail ni l’engagement des corapporteures, mais cette proposition de loi nous a été présentée avant même que le CNR « Bien vieillir » ne rende ses conclusions. Sera-t-elle réellement suivie, comme vous le dites, d’un grand projet de loi global consacré au grand âge, aux enjeux du vieillissement et de l’autonomie, et qui exprimerait un vrai projet de société ? La réponse à cette question éclairerait différemment l’analyse de votre texte, qui contient en effet des dispositions positives.

Une loi sur le bien vieillir doit faire des métiers du lien sa priorité et aborder les questions de la formation, des salaires, de la sinistralité et des conditions de travail, en établissement comme à domicile. Elle doit assurer le bien-être des professionnels et des personnes accompagnées, notamment par l’élévation du taux d’encadrement, et refonder l’ASH, pour la rendre plus juste. Elle doit simplifier la tarification des Ehpad, inutilement complexe. Elle doit aussi réaffirmer la place de chef de file qui revient aux départements dans la planification comme dans l’accompagnement. Elle doit encore améliorer la coordination de tous les acteurs, à l’échelle du bassin de vie, au plus près du terrain et des usagers. Elle doit, enfin, consacrer un volet à l’outre-mer et aux territoires insulaires, où les enjeux liés au vieillissement sont décuplés. Toutes ces avancées ne se feront pas sans des investissements conséquents et pérennes ni sans donner à la branche autonomie de nouvelles sources de financement.

Nous espérons donc que cette proposition sera enrichie par le travail parlementaire et qu’elle sera, non une fin, mais une étape.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Dino Cinieri (LR). Dans ma circonscription de la Loire, tous les professionnels du grand âge, que ma suppléante Sylvie Bonnet et moi-même rencontrons régulièrement, nous demandent, en urgence, que le Gouvernement s’engage et investisse massivement pour répondre aux défis du vieillissement. Nous attendons en effet depuis six ans la loi « grand âge » promise par le candidat Macron.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à instaurer une politique de prévention, afin d’anticiper les problèmes liés à la perte d’autonomie due au vieillissement, et de permettre ainsi aux Français de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Vous proposez de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions et de mieux lutter contre l’isolement social, qui est l’une des conséquences de la perte d’autonomie.

Par ailleurs, les professionnels de santé, les soignants et les aidants seront sensibilisés à la bientraitance de nos anciens. Dans les Ehpad, il est urgent de remettre les résidents au cœur des priorités en rendant notamment les établissements plus fonctionnels et, surtout, en libérant du temps de travail pour les soignants auprès des patients. Je regrette, malgré tout, que rien ne soit prévu pour améliorer l’attractivité des métiers d’aides-soignants, indispensables au quotidien pour accompagner les personnes âgées ou dépendantes.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Cela fait quatre ans que, lorsque j’interpelle le Gouvernement à propos des aides à domicile ou des aides-soignantes dans les Ehpad, on me répond de ne pas m’inquiéter, parce que la loi « grand âge » va venir. Alors que ce texte est sans cesse repoussé depuis quatre ans, nous apprenons finalement qu’il n’y aura pas de projet de loi « grand âge » et que nous aurons droit, à la place, à cette petite chose minuscule et ridicule qu’est votre proposition de loi.

C’est « un vide sidéral », pour reprendre les mots d’une auxiliaire de vie qui a lu et analysé votre proposition de loi avec ses collègues. En effet, ce texte ne prévoit rien à propos des salaires, des horaires, des statuts ni des revenus, ni même rien de concret pour les frais de déplacement. Le vide aussi pour ce qui concerne les aidants familiaux : le mot n’existe même pas dans la proposition de loi – c’est à la limite de l’insulte à l’égard de ces quatre millions d’hommes et de femmes qui s’occupent de leurs parents. Pas un mot, pas un article pour leur faciliter la vie, améliorer les moments de répit dont ils pourraient bénéficier, ou chercher à connaître et à résoudre leurs difficultés. Le vide encore à propos des aides‑soignantes, dont nous connaissons la fatigue et l’épuisement dans les Ehpad et qui nous font constamment part, lorsque nous allons les voir, de leur sentiment de maltraiter les personnes âgées – certes pas en leur donnant des coups, mais du seul fait qu’elles ne pourront leur donner une douche qu’une semaine sur deux. Rien n’est prévu pour donner des moyens aux Ehpad.

Si du moins il s’agissait d’une coquille vide que nous puissions remplir ! Mais nous ne le pouvons même pas, et nos amendements sont rejetés en série, considérés comme des cavaliers au motif qu’ils n’ont pas de lien avec le texte. Et pour cause : puisque le texte ne parle pas des aidants familiaux, nous sommes hors-sujet lorsque nous les évoquons ! Il faut donc, au minimum, que nous puissions remplir le vide de cette proposition de loi.

Mme Caroline Colombier (RN). Vous avez reconnu que nous sommes, selon vos propres mots, dans un cadre restreint, qu’il faudrait une politique plus ambitieuse et que cette proposition de loi n’est pas une fin en soi. Aussi cette conférence nationale de l’autonomie n’est-elle pour nous que l’un des multiples gadgets de ce gouvernement, alors que la cause du grand âge devait être, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, une priorité nationale. Nous en sommes très loin !

L’initiative part certainement d’un bon sentiment, mais rien n’est achevé et le financement n’existe pas. Les Français attendent autre chose qu’un semblant de loi. Vous allez, une fois encore et comme vous venez de le faire pour la loi sur les retraites, créer déceptions et désillusions chez nos concitoyens.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’objet que nous examinons est un peu étrange. D’une part, en effet, il procède d’une intention du Parlement, et il est dans l’ordre des choses que le Parlement se saisisse d’un sujet et tente d’y apporter des réponses. D’autre part, cependant, on se demande à quelle question vous entendez véritablement répondre avec cette proposition de loi. En effet, celle relative à la perte d’autonomie est sur la table depuis très longtemps, avec des promesses répétées de la part de l’exécutif.

La création, voilà quelques mois, de la CNSA, que nous avions dénoncée comme une coquille vide, n’a rien changé à l’affaire. En outre, le Gouvernement renonce à produire le projet de loi tant attendu et sur lequel il avait, je présume, travaillé avec certains acteurs et actrices à l’échelle nationale, pour recourir au véhicule qui nous est soumis aujourd’hui. Si le Gouvernement a des propositions à nous faire, qu’il les fasse dans les règles, avec notamment les études d’impact qui conviennent.

Ce choix du Gouvernement vous met vous-mêmes en difficulté. La situation est en effet très critique, tant pour les personnels qui travaillent dans les établissements ou dans l’accompagnement à domicile que pour les personnes dont ils s’occupent, pour lesquelles nous devons élever le niveau de la protection sociale et des services publics. Si des fonds doivent être investis dans l’accompagnement et le soutien à l’autonomie, ils doivent bénéficier aux personnes concernées, et non pas au petit nombre de ceux qui viendraient spéculer sur cette situation.

Votre proposition de loi ne répond donc pas aux enjeux. Nous allons en discuter et voir ce qu’on peut faire. La méthode est toutefois surprenante, et je crains que le résultat ne soit pas à la hauteur.

Mme Caroline Janvier (RE). Je regrette que tant d’orateurs aient dénigré aussi radicalement l’intérêt de cette proposition de loi. Nous sommes convenus d’emblée que ce texte ne pouvait pas traiter tous les problèmes de gouvernance et de financement. Néanmoins, les professionnels du secteur, avec qui j’étais encore ce matin, se déclarent très satisfaits que nous abordions des questions concrètes, comme la mobilité ou la carte professionnelle, qui représenteront de vraies avancées pour les aides à domicile, comme je le sais pour l’avoir été. Ce n’est pas votre cas, monsieur Ruffin, vous êtes peut-être très bon pour tourner des films, mais assez mauvais pour apporter une solution politique aux problèmes concrets de ces professionnels. Après avoir vu votre film, je pense à toutes les femmes auxquelles vous avez promis le Grand soir pour leurs conditions de travail et de rémunération, et qui n’ont rien vu depuis cinq. Qu’avez-vous fait en cinq ans. Rien !

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je vous rappelle que c’est vous qui êtes au pouvoir !

Mme Caroline Janvier (RE). Que faites-vous de votre mandat d’élu ? Des films ! Concrètement, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Vous créez de la déception, année après année, en vous engageant à faire un tas de choses que vous êtes incapable de mener à bien.

Ce texte apportera des améliorations très concrètes, même s’il est vrai qu’une proposition de loi ne peut pas tout résoudre. Certes, on peut perdre son temps à s’agacer de ce qu’un texte de loi ne corresponde pas aux idées que l’on porte – pardon, monsieur Guedj, de ne pas avoir repris non plus votre proposition de loi, dont vous parlez beaucoup mais dont on ne voit pas grand-chose... De notre côté, nous avons travaillé et cette proposition comporte des éléments intéressants, dont j’espère que nous parviendrons à débattre, plutôt que de ce que vous auriez aimé voir figurer dans une loi Guedj ou une loi Ruffin.

Mme Isabelle Valentin (LR). Notre pays compte aujourd’hui dix-sept millions de seniors et en comptera demain vingt-sept millions. Nous attendons tous, depuis cinq ans, cette loi sur l’autonomie et le grand âge, sur laquelle nous avons commencé à travailler au cours de la précédente législature, en juin 2017, avec la mission « flash » Iborra-Fiat, dont nous avons validé certaines propositions. Cela s’est terminé, cinq ans plus tard, avec le scandale Orpea révélé par le livre Les Fossoyeurs. Notre commission a aussi validé certaines propositions à l’unanimité. Entre-temps, de nombreux rapports ont été rendus au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Je suis, pour ma part, très déçue de constater qu’au lieu d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie, on nous présente aujourd’hui une proposition de loi intitulée « bâtir la société du bien vieillir en France », car ce n’est pas du tout ce que les professionnels du secteur et nous-mêmes attendions. Les soignants des Ehpad sont fatigués et nous avons l’impression que les choses n’avancent pas, alors qu’il faut travailler sur l’attractivité et la revalorisation des métiers, sur la formation et sur la prévention des accidents. Or le texte est vide et nous ne pouvons pratiquement pas l’amender. J’espère donc que nous pourrons néanmoins avancer et que le Gouvernement prendra la mesure de la situation.

Alors que le projet de loi relatif aux retraites a été très mal reçu par la société et que nous étions, au contraire, tout près de tenir un sujet sur lequel nous aurions pu être pratiquement tous d’accord, ce texte est vide de sens. J’en suis déçue et les professionnels de santé le seront aussi.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le texte que nous examinons n’est pas un projet de loi qui viserait à régler tous les problèmes liés à l’autonomie et au grand âge : j’engage mes collègues à questionner le ministre à ce propos. Nous avons, évidemment, des attentes légitimes à propos du grand âge et je remercie Mme la rapporteure de nous proposer diverses pistes, certes limitées, mais qui permettront d’atténuer certaines difficultés.

Je souhaiterais que nous puissions aborder, à l’occasion de l’examen de l’article 1er, la question des doubles tutelles exercées par les départements et les agences régionales de santé (ARS) – tutelles parfois triples, en réalité, si l’on compte les établissements. En effet, les politiques sociales étant confiées aux départements, il faudrait leur en laisser pleinement les moyens, et peut-être pourrait-on mettre les départements qui ont une véritable politique sociale plus en valeur que ceux qui ne l’ont que sur le papier et s’en détachent.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis fier du travail produit par les députés. Nous sommes ici entre parlementaires, sans la présence du Gouvernement, pour travailler sur des préoccupations que nous partageons tous. Inutile, donc, de nous apostropher.

Cette proposition de loi a pour but de fixer un cadre, et il n’est donc pas étonnant qu’elle ne comporte pas de mesures financières, lesquelles relèveront du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). En termes de trajectoire, entre 2020 et 2026, compte tenu de l’apport de la CSG, ce seront plus de 10 milliards d’euros qui auront été consacrés au grand âge.

Quant au cadre, nous le connaissons tous. Il s’agit, tout d’abord, de l’organisation de la prévention et, à cet égard, la conférence nationale peut contribuer à en définir les contenus. Il s’agit aussi de l’attractivité des métiers, à laquelle contribue notamment la création d’une carte professionnelle. Ce n’est pas négligeable ! La situation ne me semble, en revanche, pas mûre pour aborder la double gouvernance exercée par l’ARS et par les départements. Il faut donc avancer, en nous souvenant que c’est nous, parlementaires, qui avons créé par amendement la cinquième branche de l’assurance maladie, ce dont nous pouvons être fiers. Après avoir posé les bases, nous allons peu à peu déposer des pierres, et devons le faire d’une manière apaisée.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame Janvier, puisque vous vous demandez ce que nous avons fait depuis cinq ans et que vous trouvez que nous faisons beaucoup de vidéos, je vais vous envoyer toutes celles que nous avons faites depuis 2017.

Monsieur Turquois, vous nous suggérez de questionner le ministre, mais je ne cesse de demander si la loi « grand âge » arrivera bientôt, et je n’ai toujours pas de réponse. Il est archifaux de nous accuser de ne rien faire, et j’en veux pour preuve nos rapports et nos propositions de loi, qui sont toujours refusées.

Monsieur Isaac-Sibille, il est amusant que vous nous invitiez à travailler sur cette proposition de loi en attendant un projet de loi à venir, alors que toutes celles que nous présentons à la faveur de nos niches parlementaires sont rejetées au motif qu’elles ne sont pas assorties d’études d’impact ou qu’elles ne sont pas le bon véhicule et qu’il faut attendre un projet de loi. Quand un texte vient de vous, il faut l’examiner, et quand il vient de nous, ce n’est pas le bon véhicule ! C’est une très mauvaise argumentation.

Enfin, en mars 2018, Monique Iborra et moi-même avons rendu un rapport faisant apparaître qu’il fallait d’urgence 210 000 soignants. Un soignant en Ehpad dispose en effet de 30 minutes par résident et par 24 heures – soit 1 440 minutes. Lorsque je parlais à ce propos de maltraitance, au début du mandat précédent, que n’ai-je entendu ! Il est cependant admis désormais que la maltraitance existe, et qu’elle n’est plus institutionnelle, mais gouvernementale, puisque le Gouvernement a le rapport sous les yeux. Il faut agir rapidement, mais ce n’est pas avec une proposition de loi vide et une rapporteure qui quitte le navire que vous parviendrez à nous convaincre.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous convenons tous que nous avons besoin d’une grande réforme de l’autonomie, qui doit présenter un caractère réglementaire, législatif et stratégique, et qui doit être portée par le Gouvernement. Vous êtes déçus, car vous attendez que cette proposition de loi se substitue à un projet de loi, mais elle n’en est pas un, n’y a pas vocation et n’a jamais été annoncée comme telle. Elle est, je le souhaite, le début de quelque chose, et exprime la volonté de faire ce qui peut être fait tout de suite.

Un projet de loi pourra embrasser tous les sujets, qui sont nombreux. Nul ne pourrait me reprocher de ne pas avoir bataillé pour cela durant les cinq dernières années et de ne pas être convaincue de la nécessité de cette réforme du grand âge. Nous pouvons cependant agir pour les personnes âgées et pour les professionnels, en faisant dès maintenant ce que nous pouvons faire. Donner une carte professionnelle à une aide à domicile améliore son quotidien. Il en va de même des aides à la mobilité, et c’est maintenant que nous le faisons.

L’instauration d’un dispositif de lutte contre la maltraitance est aussi une réponse à l’inquiétude qu’expriment 70 % des Français à la suite, notamment, de l’affaire Orpea. Ce n’est pas le moment de faire un exposé détaillé sur la maltraitance, qui met en jeu des phénomène complexes et renvoie à des vécus très différents, mais nous savons qu’il en existe différentes formes, dont la maltraitance institutionnelle, qui existe bel et bien et qui recoupe la complexité de tous ces phénomènes. Nous ne l’écartons pas dans ce texte, bien au contraire.

Je ne vous laisserai pas dire que ce texte est vide – et vous le constaterez lors de l’examen des articles sur lesquels s’exprimera ma collègue rapporteure. Il est inutile de s’invectiver durant des heures en déplorant l’absence d’un projet de loi, car nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’une réforme de l’autonomie. Nous avons ici la possibilité de débattre de certains points et d’apporter des réponses concrètes. Telle est l’objet de cette proposition qui, je le répète, n’a pas vocation à remplacer un projet de loi.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous reprochez à cette proposition de loi de ne pas être assez ambitieuse. Nous entendons votre inquiétude et ne remettons pas en cause votre engagement. Tous ici, nous sommes impliqués dans cette dynamique. Vous avez produit des rapports et plusieurs d’entre vous sont déjà élus depuis un certain temps. Pour ma part, avant de vous rejoindre, j’étais élue locale, maire et conseillère départementale, médecin coordonnateur dans un Ehpad, où j’exerce toujours – j’étais ce matin encore en consultation de gériatrie.

Cette proposition de loi ne répond certainement pas à tous les enjeux, mais elle n’est pas non plus un piège, et je ne peux pas vous laisser le dire. Elle est une étape, une pierre à l’édifice. Lorsque j’étais maire, voilà peu, au moment de la pandémie de covid-19, j’aurais souhaité avoir plus d’aide pour établir un vrai registre enrichi afin de lutter contre l’isolement social. Or cette proposition de loi répond à ce besoin. J’aurais souhaité aussi, lorsque j’étais médecin coordonnateur, pouvoir engager facilement des actions de prévention à destination de résidents clairement identifiés. La proposition de loi le permet également.

Cette proposition de loi sera ce que nous en ferons. Nous voulons avancer pour que nos concitoyens puissent bien vivre l’avancée en âge. Ce que vous présentez comme un choc démographique me semble être plutôt une transition démographique, dans laquelle nous sommes tous impliqués pour des raisons personnelles, professionnelles et même politiques, et c’est ce qui justifie notre présence ici.

Je propose que nous enrichissions ce texte avec des amendements issus de la majorité comme de l’opposition, car il peut être un texte transpartisan autour duquel nous pouvons nous retrouver. Nous pourrons, dans quelques jours, être tous satisfaits d’avoir apporté quelque chose à tous ceux qui nous le demandent.

Le 17 mars s’est tenue la première journée des aides à domicile. Je les ai reçues dans ma circonscription et j’ai vu que leurs attentes étaient nombreuses. Le texte comporte déjà des propositions qui n’ont rien d’anodin et qui répondront très rapidement à certaines de leurs difficultés. Je vous engage donc à avoir une discussion apaisée sur les amendements qui seront présentés.

Avant l’article 1er

Amendement AS550 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Bâtir une société du bien vieillir est fondamental. Il s’agit d’un projet majeur, sur lequel un débat de fond doit pouvoir être mené. Or ce n’est pas ce que fait la proposition de loi que nous examinons. Ainsi, l’intitulé de son titre Ier ne correspond pas au contenu de celui-ci et cet amendement rédactionnel vise donc à le rédiger comme suit : « Diverses mesures concernant la perte d’autonomie des personnes âgées et la lutte contre l’isolement social », afin d’éviter les désillusions et dissiper les doutes.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le titre que vous proposez n’est aucunement en adéquation avec les dispositions des articles 1er et 2. Il ne mentionne en effet ni la prévention de la perte d’autonomie ni le pilotage de cette politique, qui sont des éléments fondamentaux du texte.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Madame Cristol, j’ai apprécié la modestie avec laquelle vous avez admis que, faute de ce projet de loi « grand âge » que nous souhaitons tous, les députés se saisissent de la question et font ce qu’ils peuvent avec cela.

Au-delà de l’humilité, toutefois, l’intitulé du titre Ier est un slogan publicitaire. Il n’est pas possible de bâtir la société du bien vieillir à partir de ces quelques « machins » ! Définissons un titre qui corresponde aux enjeux, et peut-être alors pourrons-nous voter les quelques bidules qui seront proposés au fur et à mesure. En revanche, si vous montrez un paquet cadeau en promettant des merveilles et allez proclamer devant tous les médias que vous bâtissez la société du bien vieillir, nous ne pouvons pas adhérer à ces promesses. Mme Janvier nous dit que les auxiliaires de vie sont déçues de n’avoir rien vu depuis cinq ans, et c’est parfaitement vrai ! Qui plus est, elles ne vont rien voir de plus maintenant en termes de salaire, d’horaires, de statut ou de revenus.

Même si nous sommes habitués aux déceptions, évoquer une société du bien vieillir suscite une attente de notre part et de la part des aides-soignantes, des auxiliaires de vie et des proches aidants, qui sont complètement oubliés. Je vous propose donc de réduire la publicité dans l’intitulé, afin de le mettre en adéquation avec la réalité du contenu de ce titre Ier.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes tous ici des militants de l’âge et je n’ai pas douté un instant de la détermination de mes collègues, mais – et c’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement comme je soutiendrai celui qui proposera plus tard de modifier le titre de la proposition de loi –, vous ne pouvez afficher un texte qui annonce la société du bien vieillir tout en oubliant des pans entiers de la question du vieillissement dans la société. On ne trouve dans ce texte pas un mot sur le logement, sur les mobilités ni sur les discriminations liées à l’âge.

Quant à la question centrale des moyens alloués à l’accompagnement de la perte d’autonomie, M. Combe nous disait que, n’ayant pu obtenir la loi « grand âge », abandonnée en rase campagne après la promesse présidentielle, il avait obtenu un CNR « Bien vieillir » et promettait que les PLFSS déclineraient ces mesures. Or la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 n’a guère donné de moyens supplémentaires. Le Président de la République promettait en effet 50 000 postes de plis dans les Ehpad, chiffre qui nous paraissait déjà insuffisant, et nous nous attendions donc à en voir créer 10 000 par an, mais la LFSS a fixé le nombre de créations à 3 000, soit un demi-poste par Ehpad, et le conseil de la CNSA qui se réunira demain découvrira probablement que, pour 2023, ce ne seront pas 3 000 postes qui seront créés, mais plutôt entre 1 000 et 1 500.

Pour ce qui est des aides à domicile, vous avez prévu dans la LFSS deux heures supplémentaires par semaine, soit dix-sept minutes par jour. Nous sommes donc toujours méfiants devant votre communication tonitruante. Si vous continuez à parler d’une proposition de loi sur la « société du bien vieillir » ou de promettre un « renforcement du pilotage de la politique de prévention » à propos du titre Ier, qui ne comporte fondamentalement pas de redéfinition du contenu de cette politique ni, surtout, des moyens de son efficacité, il y a un problème.

Nous aurons ce débat avec vous et avec le ministre – et je plains ce dernier, car il se trouvera en séance un mois avant une feuille de route qu’il n’a pas encore présentée et après avoir présenté un peu précipitamment – ce sera demain – les conclusions des groupes du CNR. Ce processus ne rend service à personne.

Mme Isabelle Valentin (LR). Ne nous trompons pas de cible ! Ce qui compte pour le commun des mortels, c’est le renforcement de la politique de prévention. Ce n’est pas le pilotage, mais les moyens. Appelons un chat un chat et adoptons l’amendement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). De deux choses l’une : soit nous modifions le texte pour qu’il permette de bâtir la société du bien vieillir ; soit nous modifions le titre. J’ai peur que la première option ait déjà été écartée.

Sur le fond, j’ai découvert récemment un outil qui pourrait nous permettre de traiter des enjeux : le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) !

Par ailleurs, c’est assez peu visible dans cette commission qui travaille plutôt à marche forcée, mais il y a maintenant un peu de place dans le calendrier parlementaire : ne serait-ce pas l’occasion de débattre d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Les titres sont souvent plus rutilants que les contenus ! Je vous renvoie à la « niche » du groupe Écologiste de ce jeudi. Avançons donc plutôt sur le fond. J’entends les demandes, elles sont légitimes, et j’aurai moi aussi des questions à poser au ministre en séance.

Quant au PLFRSS, c’est justement en travaillant plus que nous pourrons mieux financer la protection sociale. Nous avons dévalorisé pendant de longues années la valeur travail, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés. Pour abonder les ressources de la sécurité sociale, oui, il faut travailler, et la réforme des retraites va dans ce sens !

M. Didier Martin (RE). Il n’est pas de long voyage qui ne commence pas par un pas. La conférence nationale de l’autonomie sera utile pour parler de prévention, de preuves de la prévention. Nous favoriserons ainsi le maintien à domicile. Avançons pour bâtir ensemble les fondations de cette société du bien vieillir.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je précise que cet amendement porte seulement sur le titre du titre Ier. Par ailleurs, il fait disparaître la notion de prévention ; or c’est l’objectif principal de cette partie du texte. Nous vivons de plus en plus longtemps, mais nous vivons moins longtemps en bonne santé, et la prévention de la perte d’autonomie est essentielle. Elle doit être mieux pilotée. Plusieurs d’entre vous ont insisté sur ce point dans différents rapports.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Monsieur Guedj, j’ai sous les yeux la trajectoire de recrutement, qui émane de la direction de la sécurité sociale : nous aurons bien en 2023 2 200 équivalents temps plein (ETP) au titre des financements pour le recentrage des groupes iso‑ressources (GIR) et 1 800 au titre des hausses de recrutements en Ehpad. Cela fait 4 000 ETP en tout.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS425 de M. Laurent Panifous et AS515 de Mme Josiane Corneloup.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise, en modifiant son titre, à élargir la portée du titre Ier afin que la prévention ne concerne pas les seules personnes âgées.

Mme Josiane Corneloup (LR). La loi du 11 février 2005 posait le principe d’une convergence dans la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Faut-il vraiment continuer à séparer le pilotage de ces politiques ? Les associations représentatives des personnes en situation de handicap, de leurs familles et des aidants le rappellent : il est essentiel que nos réflexions sur le soutien à l’autonomie embrassent la question des enfants et des adultes en situation de handicap.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette proposition de loi porte sur le bien vieillir, même si elle inclut des propositions qui portent sur le champ du handicap, les deux sujets étant parfois liés. Son objet principal est bien la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées. Le sujet du handicap est très complexe et il serait difficile de le traiter ici.

Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je suis choquée de cette remise en cause de la loi de 2005. Le fait de ne considérer ici que les personnes âgées est tout à fait préjudiciable aux personnes handicapées.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne crois pas. Les difficultés des personnes handicapées sont très complexes. L’avancée en âge peut être synonyme de perte d’autonomie, ce que nous voulons prévenir ; mais le handicap est une dynamique bien plus large, qui implique une réflexion bien plus étendue. Vous estimiez notre proposition de loi insuffisamment ambitieuse : réussir à établir une politique d’ensemble de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées serait déjà une bonne chose.

M. Jérôme Guedj (SOC). Non seulement la loi de 2005 posait le principe de la convergence, mais la CNSA a été créée pour piloter à la fois les politiques du handicap et celles relatives aux personnes âgées.

Aujourd’hui, les réponses ne sont pas les mêmes : si vous faites un accident vasculaire cérébral à 59 ans et 6 mois, ou à 60 ans et 1 jour, vous n’aurez pas droit aux mêmes prestations, puisque dans le premier cas vous recevrez la prestation de compensation du handicap, ce qui sera en général plus avantageux que l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) que vous recevrez dans le second cas.

Si nous entérinons la permanence de la barrière d’âge, si nous admettons que les politiques de la perte d’autonomie ne concernent que les personnes âgées, alors nous nous résignons à ce cloisonnement que la création de la CNSA avait précisément pour objet de faire disparaître.

Et je n’aborde pas le sujet des personnes handicapées vieillissantes, qu’il ne faut pas invisibiliser.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’irais même plus loin que vous : en gériatrie, nous ne parlons pas d’âge, ou plutôt nous parlons d’un âge physiologique plutôt que d’un âge chronologique. Nous aurions pu anticiper, il y a vingt ou trente ans, la transition démographique que nous vivons ; nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Mais nous ne résoudrons pas aujourd’hui la question, très vaste et cruciale, que vous soulevez. Restons raisonnables et poursuivons l’examen de cette proposition de loi.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). C’est vous qui avez choisi ce titre, « bâtir la société du bien vieillir »... Je vais peut-être vous apprendre quelque chose, mais depuis que nous avons commencé cette réunion, nous avons tous vieilli ! Les mots ont leur importance. On ne vieillit pas que lorsqu’on est vieux ! Si nous demandions une loi sur le grand âge, ce n’est pas pour rien.

La commission rejette les amendements.

TITRE IER
RENFORCER LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DE LA PERTE D’AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES
ET LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT SOCIAL

Article 1er : Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Amendements de suppression AS110 de M. Vincent Descoeur, AS418 de M. Pierre Dharréville, AS458 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS485 de M. Laurent Panifous et AS539 de Mme Josiane Corneloup.

M. Dino Cinieri (LR). La création de cette nouvelle instance de dialogue dans le champ de l’autonomie pose de nombreuses questions : quels seront le rôle et la plus-value de cette conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie, notamment si l’on se réfère aux missions de la CNSA ?

La proposition de loi ne semble pas prendre en considération les travaux en cours, que ce soit les réflexions de la CNSA sur un nouveau cadre de coopération et le service public territorial de l’autonomie ou les réformes en cours des aides techniques.

Avec une cinquième branche aux contours flous et sans vision politique définie, la création d’une nouvelle instance risque de rendre encore plus complexe le pilotage d’une politique de l’autonomie globale, répondant à la fois aux besoins des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

L’amendement AS110 propose donc de supprimer cet article, qui soulève plus de questions qu’il ne semble résoudre de problèmes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). C’est un amendement de suppression d’appel, en quelque sorte !

Cet article est, à l’image de ce texte, un peu étrange. Nous ne comprenons pas vraiment ce qu’il entend faire, ni comment. Qu’il soit indispensable de mieux organiser, au niveau national, la politique de la perte d’autonomie, c’est avéré. Je souligne néanmoins qu’une grande confusion continue d’exister entre ce qui relève de la protection sociale et de la solidarité nationale, entre ce qui relève des politiques publiques et de la sécurité nationale ; la CNSA se situe au carrefour de ces contradictions.

La conférence nationale de l’autonomie apparaît comme une instance supplémentaire, et sa création ne semble pas tenir compte de missions de la CNSA ou des conférences des financeurs. Comment s’articulera-t-elle avec les instances existantes ? Comment sera-t-elle composée ? Quel sera l’objet du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie ?

Nous nous demandons donc s’il est vraiment utile de créer cette nouvelle conférence nationale.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les départements sont déjà chargés de l’accompagnement de nos aînés, et on ne se préoccupe pas mieux des gens en s’en éloignant. Or plus nous parlons de déconcentration et de décentralisation, plus les politiques publiques se centralisent ! Il serait bon de mieux considérer les départements, leurs administrations et leurs élus.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je ne suis pas non plus convaincu de la plus‑value de cette nouvelle instance, au contraire : j’y vois une recentralisation, et même une complexification de la décision. La CNSA a précisément été créée pour piloter la politique de prévention de la perte d’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet article vise à répondre à un constat partagé : la politique de prévention de la perte d’autonomie varie beaucoup selon les territoires. Malgré la création des conférences des financeurs en 2015, nous ne disposons pas de référentiel national, tant pour évaluer les besoins que pour faire connaître les initiatives. Nous sommes nombreux ici, dans la majorité comme dans les oppositions, à appeler de nos vœux une politique de prévention structurée, définissant des priorités et bénéficiant d’une impulsion politique.

Sur la prévention de la perte d’autonomie en particulier, le rapport Libault, les travaux de la Cour des comptes et ceux de nos collègues sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier soulignent ce manque de structuration et d’engagement politique dans la durée.

C’est le problème que vise à résoudre cette instance nouvelle. Les départements demeurent les chefs de file de cette politique, et nous sommes profondément attachés à cet aspect ; nous allons même renforcer les conférences des financeurs en matière d’isolement social. La conférence nationale de l’autonomie n’est pas non plus un échelon supplémentaire ; c’est un outil qui permettra de fixer des axes stratégiques, et donc le cadre dans lequel s’inscrira l’action des conférences des financeurs. Nous le voulons le plus opérationnel possible ; c’est pourquoi son action s’appuiera sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie, dont la mission sera d’évaluer et de labelliser les équipements et les dispositifs essentiels pour prévenir la perte d’autonomie. Le rapport Libault recommandait, en 2019, la création de ce centre de preuves.

Cet article nous semble à même de permettre le déploiement d’une stratégie de prévention de la perte d’autonomie ambitieuse coordonnée, cohérente et s’appuyant sur des expertises précieuses. Nous sommes prêts à l’améliorer en retenant plusieurs amendements, de manière transpartisane.

Je souhaite vraiment que les amendements de suppression ne soient pas votés afin que nous enrichissions ensemble cet article.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Tout le monde parle de prévention, mais plusieurs groupes veulent supprimer l’article qui traite de prévention !

Madame Valentin, je ne suis pas d’accord avec vous. Une politique de prévention doit être structurée et pilotée. Qui le fait, aujourd’hui ? La CNSA, c’est une caisse ; elle n’est pas politique. Qui doit fixer les priorités ? Pour moi, c’est le Gouvernement. Qui doit fixer les objectifs ? C’est le Gouvernement. Et, pour suivre cette politique, il faut des indicateurs. La CNSA doit disposer de l’ensemble des indicateurs venant de l’ensemble des caisses, car pour établir une vraie politique de prévention, encore faut-il évaluer ce qui est fait.

J’ai moi-même écrit un rapport sur la prévention. Il y a des milliers d’actions de prévention, mais il n’y en a pas dix qui sont évaluées ! Comment mener une politique probante quand elle est, comme aujourd’hui, sans pilote, sans objectifs, sans indicateurs, sans priorités ? Nous avons cent priorités, c’est-à-dire aucune. Il faut quelqu’un pour fixer ces priorités, à l’échelon national.

Des amendements proposeront de préciser cet article 1er, qui peut en effet paraître flou.

M. Freddy Sertin (RE). Il ne faut pas faire dire à cet article ce qu’il ne dit pas. La conférence nationale de l’autonomie ne vise nullement à supplanter la CNSA, ou à créer un doublon. Nous croyons à la décentralisation et faisons confiance aux acteurs de terrain, qu’ils soient élus locaux ou professionnels. Cette instance nouvelle vise à coordonner, au plus près de la réalité, les actions entreprises par les conférences des financeurs, à leur échelle ; elle est donc complémentaire de la CNSA, sur laquelle elle s’appuie d’ailleurs par l’intermédiaire de son centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie. Vous faites un mauvais procès à cet article, qui comprend par ailleurs d’autres dispositions que celles que vous critiquez. Au lieu de le supprimer, cherchons à l’enrichir collectivement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Comme la conférence nationale de l’autonomie sera-t-elle composée ? Le texte renvoie à un décret, mais il serait utile que le législateur en sache plus avant de se décider. Quelle serait sa composition idéale selon vous, mesdames les rapporteures ? Cela permettrait peut-être de comprendre son articulation avec les conférences des financeurs, et quel sera en particulier son pouvoir de prescription sur le contenu des conférences des financeurs. Vous connaissez les disparités en la matière : elles sont significatives, comme le montre le bilan publié chaque année par la CNSA.

Vous dites que la conférence nationale de l’autonomie s’appuie sur le centre national de preuves, et vous renvoyez au rapport Libault. Mais vous dites que le centre de preuves est piloté par la CNSA, et qu’il évalue et labellise les équipements et aides techniques individuelles – seulement celles-ci. Le rapport Libault, au contraire, proposait que le centre national de preuves soit rattaché à Santé publique France plutôt qu’à la CNSA. Par ailleurs, il lui assignait trois missions : la capitalisation ; l’outillage ; le développement et la coordination des actions. Vous introduisez donc la notion de labellisation – c’est une évolution dont on pourrait parler longuement, et que le rapport de Jean-Pierre Aquino et Marc Bourquin Les Innovations numériques et technologiques dans les établissements et services pour personnes âgées avait envisagée. Votre proposition n’est pas neutre ! Concrètement, des services et des outils techniques devront obtenir un label national avant d’être diffusés. Jusqu’où voulez-vous aller ?

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Expliquez-moi : à seize heures, il ne faut pas attendre que le Gouvernement décide, et que les députés doivent se saisir du sujet grâce à cette proposition de loi ; deux heures plus tard, M. Isaac-Sibille nous dit que c’est au Gouvernement qu’il revient d’agir !

Madame la rapporteure, vous nous dites que c’est là un très bon outil. Je ne vois pas l’intérêt d’une boîte plein d’outils quand on n’a pas un bricoleur ou une bricoleuse pour les utiliser.

Mme Josiane Corneloup (LR). Cette conférence nationale de l’autonomie pose en effet énormément de problèmes. Quel est son objectif ? Apparemment, elle ne remplace pas une autre instance. Intervient-elle dans le cadre d’une gouvernance partagée de la cinquième branche ? Comment s’articule-t-elle avec la CNSA ? Est‑ce, à l’image de la Conférence nationale du handicap, une instance qui n’est pas permanente mais qui se réunit tous les deux ou trois ans pour fixer de grandes orientations ?

Quel est son périmètre ? Pourquoi le réduire à la prévention de la perte d’autonomie et à l’habitat inclusif ? Ne devrait-elle pas à tout le moins prendre comme référence les compétences de la cinquième branche, qui comprennent notamment l’offre d’établissements et de services médico-sociaux à destination des personnes âgées ? Je continue de m’interroger sur l’exclusion des personnes handicapées.

Quelles sont ses compétences ? La proposition de loi parle de pilotage de la politique de prévention. Elle aurait ainsi un pouvoir de décision. Comment, là encore, son action s’articule-t-elle avec celle de la CNSA ?

Monsieur Isaac-Sibille, la CNSA prévoit, dans son cadre de coopération avec les ARS et les départements, la mise en place d’une instance territoriale de l’autonomie pour le pilotage et la cohérence des politiques en matière d’autonomie, la conférence des financeurs déclinant ensuite ces orientations en fonction des problématiques locales. Il me paraît important que les décisions interviennent au plus près du terrain : il ne se passe certainement pas la même chose en Saône‑et‑Loire qu’en Île-de-France !

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La conférence de l’autonomie vise à coordonner les actions des conférences des financeurs. Il ne s’agit pas d’enlever quoi que ce soit aux territoires – les préoccupations diffèrent, en effet, dans la ruralité, dans les métropoles ou encore dans les outre-mer.

Elle agit directement en lien avec la CNSA, notamment par l’intermédiaire du centre de preuves, qui est en cours de création et qui sera totalement intégré à la CNSA.

En ce qui concerne sa composition, nous pourrons demander au Gouvernement de s’engager en séance. Nous devons associer un maximum de parties prenantes pour que la conférence soit visible, tout en conservant de la souplesse.

Voilà pourquoi, je le redis, nous devons rejeter ces amendements et continuer l’examen de cet article : cela permettra de revenir sur les questions que vous avez soulevées, et d’apporter des précisions pour que cette conférence soit un véritable outil de pilotage et de coordination de la politique de prévention de la perte d’autonomie.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS26 de M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il a été dit lors de la discussion générale que cette proposition de loi ne pouvait pas appréhender la question de la gouvernance de la politique du bien vieillir, de la transition démographique et de la révolution de la longévité. Pourtant, la manière dont cette politique est structurée, à l’échelon national comme à l’échelon local, détermine son efficacité. Votre approche, alors même que vous envisagez de créer une conférence nationale de l’autonomie pour assurer une coordination et fixer les orientations de la prévention de la perte d’autonomie, me paraît donc étroite. Nous le disons, les uns et les autres, depuis des années : l’adaptation de la société au vieillissement repose sur la prévention de la perte d’autonomie, et il faut pour cela un outil de pilotage et d’organisation au niveau national. Nous vous proposons d’élargir un peu l’ambition du texte en créant une conférence nationale de la transition démographique.

Je vous ai demandé qui vous vouliez faire siéger au sein de la conférence nationale de l’autonomie que vous voulez créer, mais je n’ai toujours pas eu de réponse à cette question. Il serait pourtant intéressant que le législateur, qui est à l’origine de cette proposition de loi, précise qui, idéalement, il voudrait voir figurer dans cette instance. Nous suggérons de nous inspirer du modèle de la Conférence nationale du handicap, qui fonctionne bien : c’est un lieu politique, dans lequel la définition de la politique du handicap est conconstruite par l’État – les différents ministères –, les collectivités locales, les fédérations représentatives des acteurs du secteur, les personnes âgées elles-mêmes, les organisations syndicales et patronales représentatives, les organisations de sécurité sociale mutualistes, etc.

Au lieu de considérer la question de la prévention de la perte d’autonomie d’une façon étroite, la conférence nationale de la transition démographique que nous proposons de créer servirait à débattre au niveau national, tous les deux ou trois ans, comme le fait la Conférence nationale du handicap, de la définition de la politique qui est menée. Il faudrait également un comité interministériel de la transition démographique, de même qu’il existe un comité interministériel du handicap où, deux fois par an, chaque département ministériel rend compte de la manière dont il a mis en œuvre cette politique. Cela garantirait que la prévention de la perte d’autonomie n’est pas enfermée dans le champ sanitaire et médico-social – c’est en effet le risque de la rédaction actuelle. Il serait intéressant que les ministères du logement, des transports, des sports et de la culture participent à la prévention. La perte d’autonomie n’est pas seulement l’affaire de la direction générale de la cohésion sociale ou de Ségur : c’est un sujet interministériel. Une conférence nationale de la transition démographique permettrait d’appréhender cette question plus efficacement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous remercie d’avoir salué dans votre exposé sommaire la création d’une conférence nationale. Vous proposez néanmoins de réécrire entièrement l’article 1er pour créer une conférence nationale de la transition démographique dont les missions seraient plus étendues et la composition beaucoup plus large. Je vois un danger à créer une instance dont les objectifs ne seraient pas clairement définis et dont les modalités d’action seraient beaucoup moins opérationnelles.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Vous dites que vous avez déposé cette proposition de loi parce que le Gouvernement ne fait pas ce que vous souhaitez, mais vous renvoyez à un décret, c’est-à-dire au Gouvernement lui-même, la composition de la conférence que vous voulez créer : c’est un peu contradictoire. Dites-nous, afin que nous puissions comprendre la philosophie qui vous anime, quelle serait la composition idéale de cette instance.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous aurons avancé sur cette question d’ici à la séance.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je veux bien retirer mon amendement, mais je le redéposerai en séance. Il manque un pilotage politique dans le dispositif que vous proposez.

L’amendement est retiré.

Amendements AS577 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS543 de M. Yannick Monnet (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise réécrire cet article en allant un peu dans le sens que propose M. Guedj, avec d’autres collègues. Je souhaite en effet préciser ce qu’est la conférence nationale de l’autonomie. Il faut lui donner une portée politique. Je ne pense pas, madame Corneloup, que ce soit à la CNSA de définir la politique d’autonomie. Il revient au Gouvernement et au Parlement de le faire, notamment pour ce qui est de la prévention. Confie-t-on à l’assurance maladie la politique de santé ? Non. L’assurance maladie décline une politique de santé définie par le Gouvernement et validée par le Parlement. La conférence nationale de l’autonomie doit être un outil politique, présidé par le ministre.

Par ailleurs, elle doit rassembler l’ensemble des acteurs – je rejoins ainsi ce qu’a dit M. Guedj –, les différents ministères, les différentes expertises, comme celles de Santé publique France et de la Haute Autorité de santé (HAS), l’ensemble des caisses, en particulier la CNSA, l’assurance maladie et l’assurance vieillesse – on connaît le rôle des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), en matière de prévention –, ainsi que les mutuelles. Je ne pense pas, pour autant, qu’il faudrait définir dans la loi les acteurs concernés : on risquerait de ne pas pouvoir en ajouter d’autres. Le recours à un décret a donc un intérêt.

L’instrument politique que nous devons créer permettra de définir une politique pluriannuelle, ce qui est très important, de coordonner et de valider l’ensemble des actions de prévention, et de coordonner également les stratégies de communication – tout le monde communique aujourd’hui sur la prévention, mais le message n’est pas le même, ce qui est peu efficace. La conférence nationale s’appuiera sur l’expertise d’un centre national de preuves. J’aurai l’occasion de revenir sur cette expression dans un autre amendement : c’est en réalité une mauvaise traduction de l’anglais. Il s’agit plutôt d’un centre de ressources probantes. La CNSA n’a pas l’expertise : elle se trouve plutôt du côté de Santé publique France et de la HAS.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il faut donner à la nouvelle instance un rôle politique, mais également opérationnel. C’est pourquoi nous proposons de créer une conférence nationale du vieillissement et de l’autonomie qui se réunira chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS. Si l’on identifie des besoins, il faut qu’il puisse y avoir derrière des projets politiques prévoyant des moyens – sans cela, l’exercice n’aura aucun sens.

Par ailleurs, il faut élargir la composition de la nouvelle instance, notamment en incluant les élus locaux. Si on veut qu’il y ait une approche territoriale du vieillissement – car on ne vieillit pas de la même façon en ville et à la campagne, et les modes de prise en charge ne sont pas les mêmes –, des élus locaux doivent être présents, en particulier ceux des départements. Ensuite, comment parler de la pénurie de salariés sans en discuter avec les organisations syndicales ou les instances représentatives du personnel et les organisations patronales ?

On doit élargir le périmètre de la conférence et la réunir chaque année, parce que les besoins et les réponses évoluent. Des réponses se construisent dans nos territoires, et elles doivent être prises en compte. Si on fait de la nouvelle instance un « machin » – comme cela a été dit –, une grande discussion nationale déconnectée d’une recherche s’appuyant sur ce qui se passe sur le terrain, cela n’aura pas beaucoup d’impact sur la question du vieillissement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur Isaac-Sibille, je vous remercie pour l’amendement extrêmement construit et structuré que vous avez déposé. Nous connaissons tous la pertinence de votre analyse en matière de prévention de la perte d’autonomie. Néanmoins, cet amendement est quasiment une réécriture complète de l’article 1er, et il nous semble dommage de ne pas partir de la rédaction initiale. Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de ceux, plus ciblés, que vous avez déposés pour défendre les différentes améliorations du texte.

Monsieur Monnet, votre amendement vise à réunir en amont de l’élaboration de chaque PLF et PLFSS une conférence nationale du vieillissement et de l’autonomie qui rassemblerait les différentes parties prenantes. Je partage votre souhait d’un débat sur les besoins de prise en charge. Cependant, l’organe que vous proposez de créer semble peu opérationnel compte tenu du nombre élevé d’acteurs que vous souhaitez y associer, et il paraît difficile d’organiser chaque année une telle conférence en amont des textes financiers, lesquels sont préparés plusieurs mois avant leur examen au Parlement. Par conséquent, je vous propose aussi de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement de Cyrille Isaac-Sibille permet de remplir les creux de la rédaction qui nous est proposée : il précise les objectifs suivant lesquels la conférence doit être composée et certaines de ses missions. En revanche, il est question depuis le début d’un centre national de preuves, qui doit jouer un rôle important aux côtés de la conférence nationale de l’autonomie, puisqu’elle doit s’appuyer sur lui. L’État et la CNSA ont conclu, il y a quelques mois, une convention d’objectifs et de gestion pour 2022-2026, dont l’engagement n° 9 est relatif aux modalités d’intervention du centre national de preuves.

Cette convention, qui reprend les propositions du rapport Libault, prévoit de capitaliser sur les actions de prévention existantes et d’élaborer des référentiels de bonnes pratiques en matière de prévention de la perte d’autonomie. Notre collègue veut y ajouter une mission de labellisation, ce qui n’est pas du tout neutre. Concrètement, pour qu’un nouveau produit, logiciel ou appareillage soit financé au titre des aides techniques ou humaines prévues dans le cadre de l’APA, il devrait être labellisé par le centre national de preuves. C’est une manière d’éviter des produits défaillants ou des technologies immatures, mais cela peut aussi freiner l’émergence de solutions innovantes. On ne peut pas prévoir une telle labellisation au détour d’un amendement.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Madame la rapporteure, j’ai trouvé votre réponse stupéfiante. Vous avez dit que vous étiez d’accord, mais que ce serait trop compliqué à organiser, parce qu’il y aurait trop de monde. J’ai l’impression que vous ne mesurez pas, en réalité, l’importance de ce sujet. Oui, il faut mettre beaucoup d’acteurs autour de la table, parce que les défis sont nombreux et qu’on a glissé la question bien trop longtemps sous le tapis. Est‑on vraiment incapable d’organiser chaque année une conférence nationale avant le PLFSS ? J’ai vu organiser bien plus rapidement des événements autrement plus importants dans la période récente. Je suis un peu surpris que vous craigniez qu’on mette de l’ambition dans ce texte.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je vais retirer mon amendement de réécriture au profit des autres, qui permettront de procéder « à la découpe », si j’ose dire.

Monsieur Guedj, « centre national de preuves » est une mauvaise traduction : c’est un centre de ressources probantes. Cela permettra d’avoir « sur l’étagère » des référentiels, des ressources au sujet des actions probantes, qui ont été évaluées, ou prometteuses, mais ce n’est pas ce centre qui apportera les preuves. L’expertise est plutôt du côté de Santé publique France, de la HAS ou d’autres acteurs.

L’amendement AS577 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS543.

Amendements AS27 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS324 de M. Sébastien Peytavie et AS516 de Mme Josiane Corneloup, amendements AS422 de M. Pierre Dharréville et AS580 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

M. Jérôme Guedj (SOC). À partir de quel moment est-on dans une politique de prévention de la perte d’autonomie ou dans une politique d’autonomie en général ? Quand des aides techniques sont apportées à des personnes en situation de perte d’autonomie – je pense, par exemple, à des balances connectées pour surveiller la perte de poids, qui est potentiellement un signe de dénutrition, ou à des capteurs de prévention des chutes –, on fait de la prévention de la perte d’autonomie, mais ces outils sont également pertinents pour le suivi de situations de perte déjà avérée d’autonomie. Il ne faut pas de rupture entre ce qui relève de la prévention et ce qui concerne l’accompagnement de la perte d’autonomie, celle-ci étant un processus évolutif. Si on souhaitait se limiter à la prévention, on ne s’intéresserait, pour caricaturer, qu’aux personnes en GIR 5 et 6, puisqu’il ne s’agit pas encore de situations de perte d’autonomie avérée par le bénéfice de l’APA. Pourtant, on doit continuer à faire de la prévention de la perte d’autonomie pour les personnes en GIR 4 et en GIR 3, afin d’éviter qu’elles ne glissent en GIR 2 ou GIR 1. C’est pourquoi nous proposons d’élargir le champ de la future conférence nationale à l’autonomie. Un des leviers doit être la prévention, mais il ne faut pas oublier l’accompagnement des personnes déjà en perte d’autonomie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 1er tend à créer une conférence nationale de l’autonomie dont les missions sont assez restrictives : elles ne tiennent pas compte de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Le terme « autonomie » ne doit pas être utilisé abusivement : si la conférence nationale de l’autonomie respecte le cadre de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, elle doit alors donner toute leur place aux actions de prévention et d’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la limitation des missions prévues à la politique de prévention : l’article 1er prévoit que la conférence nationale de l’autonomie supervise les conférences départementales des financeurs de la perte d’autonomie et de l’habitat inclusif, dont le champ d’action dépasse la seule prévention.

La nouvelle conférence doit piloter, au plus près des territoires, une politique répondant aux besoins des personnes âgées comme des personnes handicapées, notamment en matière d’aides techniques et humaines, à domicile et en établissement. À cet effet, mon amendement tend à mentionner explicitement à qui s’adressent les programmes et financements décidés au sein de la conférence nationale de l’autonomie.

Mme Josiane Corneloup (LR). Il doit être question de la prévention de la perte d’autonomie, bien sûr, mais il est également nécessaire de prendre en considération l’accompagnement à mener pour éviter son aggravation – je rejoins ce qui a été dit à propos des personnes en GIR 4.

Si la conférence nationale de l’autonomie respecte le cadre de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, je pense aussi qu’elle doit donner toute leur place aux actions de prévention et d’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La conférence nationale de l’autonomie devrait piloter, à l’échelon national, la politique de prévention mais aussi le soutien à l’autonomie. Tel est le sens de l’amendement AS422.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à ajouter la perte d’autonomie parmi les missions de la conférence nationale. Pour moi, philosophiquement, la prévention va du premier jour au dernier.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable à l’amendement de M. Isaac‑Sibille. La précision qu’il apporte est bienvenue.

Monsieur Guedj, nous cherchons à adopter des outils opérationnels. La conférence nationale de l’autonomie a pour objectifs de piloter la prévention et de définir des axes prioritaires pour l’élaboration des programmes des conférences des financeurs. L’action de ces dernières est ciblée sur la prévention. Il ne serait pas cohérent que le champ d’intervention de la conférence nationale ne soit pas ajusté sur celui de la conférence des financeurs. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

Madame Corneloup, monsieur Peytavie, l’élargissement aux actions en faveur des personnes en situation de handicap ne peut pas se faire sans une concertation approfondie avec le monde du handicap. Les besoins et les outils en matière de prévention ne sont pas les mêmes, vous le savez, que pour les personnes âgées. Je vous propose de retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendement a justement fait l’objet d’un travail avec le Collectif Handicaps.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je le comprends bien, mais ce collectif ne représente pas tous les acteurs du handicap. Le champ est extrêmement large. Par ailleurs, les situations sont très différentes, et les outils et les objectifs sont beaucoup plus étendus.

La commission rejette successivement les amendements AS27, AS324, AS516 et AS422 puis elle adopte l’amendement AS580.

Amendements AS581 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS269 de M. Vincent Descoeur (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à s’assurer que la conférence nationale sera un outil politique en la plaçant sous la présidence du ministre compétent : c’est le Gouvernement qui fixe les priorités et les objectifs de la politique de prévention. Par ailleurs, la composition de la nouvelle instance sera définie par décret : il ne faut pas être trop précis dans la loi, afin de ne pas risquer d’oublier certains acteurs. Il faudra inclure tous ceux qui jouent un rôle en matière de prévention, qu’il s’agisse des acteurs institutionnels, comme les ministères et les différentes caisses, des financeurs, notamment les mutuelles, ou des acteurs ayant une expertise, comme Santé publique France et la HAS.

Mme Isabelle Valentin (LR). Il me paraît préférable qu’un président de conseil départemental préside cette conférence, afin que l’on se place au plus près du terrain et que l’on fasse bien remonter les besoins. D’où l’amendement AS269 que nous avons déposé.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis très favorable au premier amendement. Il est essentiel de donner une place prioritaire à la conférence et de faire en sorte qu’elle ait un portage politique très fort.

Il ne me paraît pas opportun de confier sa présidence à un président de conseil départemental. La nouvelle instance aura, en effet, une dimension nationale : il est important qu’elle soit présidée par le ministre chargé de l’autonomie, étant entendu qu’elle aura une relation très forte avec les conférences des financeurs, organisées au niveau départemental. Avis défavorable, donc, au second amendement.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je n’ai rien contre le ministre, bien entendu, mais je pense que les avis seront ainsi beaucoup trop technocratiques et qu’on sera très loin de la réalité du terrain. Il serait beaucoup mieux que ce soit un président de conseil départemental, voire celui de l’Assemblée des départements de France, qui soit chargé de présider.

M. Jérôme Guedj (SOC). Derrière la question légitime de la présidence de la conférence nationale de l’autonomie se cache une interrogation sur le rôle et le niveau de prescription qui lui reviendront.

Dans la rédaction actuelle, la future instance fixera les orientations principales des conférences des financeurs, mais on imagine qu’il s’agira de la dotation venant de la CNSA. Or les conférences des financeurs portent sur des financements croisés – une des très bonnes idées de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement était de créer un seul lieu là où existaient plusieurs guichets. Il y a, en effet, les dotations de la CNSA qui sont allouées aux conseils départementaux, les dotations propres de ces derniers et les dotations de toute une autre série d’acteurs.

L’argent vient majoritairement de la CNSA – nous entrerons plus tard dans le détail de la structuration des conférences des financeurs – et il serait presque logique, en conséquence, que la conférence nationale de l’autonomie soit présidée par le président de la CNSA ou par un de ses vice-présidents – l’un d’entre eux, cela tombe bien, est souvent un président de conseil départemental. Si c’est l’État qui a la main, une petite question se posera sur la façon dont on coconstruit la politique de prévention de la perte d’autonomie avec les départements, qui sont en première ligne pour le pilotage des conférences des financeurs.

Vous faites de la tuyauterie avec ce texte, mais je ne comprends pas quel sera le niveau de prescription de la conférence nationale de l’autonomie : s’agira‑t‑il du contenu des conférences des financeurs, qui sont aussi nombreuses que les départements, ou, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, des crédits que la CNSA dégage, dans le cadre d’enveloppes, pour l’ensemble de ces conférences ?

Mme Fanta Berete (RE). L’amendement de M. Isaac-Sibille renvoie à un décret la composition de la conférence. Or il me semble qu’il a été dit, lors de l’examen de l’amendement AS26, que l’on travaillerait d’ici à la séance sur la liste des membres.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce débat est intéressant : la politique de prévention de la perte d’autonomie est-elle nationale ou décentralisée ? À partir du moment où la CNSA est une caisse nationale, je pense qu’il faut un pilote à ce niveau. Pour moi, il s’agit du ministre, du Gouvernement, et la politique qui est menée doit être validée par le Parlement. C’est le Gouvernement qui fixe les priorités et les indicateurs, et c’est le Parlement qui vote les crédits de la CNSA. Il y a ensuite, au niveau de la CNSA, une déclinaison dans les territoires, et il est normal que le président du département préside la conférence des financeurs.

La conférence nationale sera un peu le pendant des conférences départementales des financeurs. Rendons aux départements ce qui est aux départements et au Gouvernement ce qui est national.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis un peu embêté : l’article 1er tend à créer une conférence pour piloter la politique de prévention et détailler les missions, mais le ministre compétent n’a pas besoin d’une conférence pour mener une politique publique qui dépend de l’État. On risque de créer un « machin » qui s’ajoutera à la CNSA, au risque de faire doublon en matière d’arbitrage. Qui tranchera ?

Si l’État et les départements copilotent cette politique publique, à un niveau qui permet un traitement efficient, et on sait bien que les départements, comme leur nom l’indique, agissent à l’échelle départementale, l’organisation et la gouvernance, en matière de priorités, doivent être situées à ce niveau-là. Si, en revanche, on recentralise les missions sous la tutelle de l’État et que celui-ci, par l’intermédiaire du ministre compétent, se met à chapeauter le tout, on n’est plus dans l’esprit qui est celui de la CNSA et des conférences des financeurs à l’échelle locale. Je comprends l’intérêt que vous y voyez, mais je ne suis pas sûr que ce soit opportun.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous avez peut-être un peu manqué nos échanges précédents, monsieur Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Je les ai bien suivis, ne soyez pas désagréable.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne pense pas l’être, mais je vous laisse juge, cher collègue.

Nous avons déjà apporté des réponses à bien des questions que vous venez de soulever. J’ai été conseillère départementale : je connais le fonctionnement des conseils départementaux, et j’y suis très attachée. L’objectif n’est pas de leur enlever quoi que ce soit. En revanche, comme M. Isaac-Sibille l’a très bien dit, il faut une instance pour coordonner, pour harmoniser, pour définir des objectifs nationaux. Une guidance nationale est indispensable, et il faut un véritable portage politique.

La commission adopte l’amendement AS581.

En conséquence, les amendements AS269 de M. Vincent Descoeur et AS584 de M. Michel Castellani tombent.

Amendement AS632 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de préciser que la conférence nationale fixe, dans un cadre pluriannuel, les priorités de la politique de prévention et les indicateurs permettant de l’évaluer. En effet, pour piloter une politique de prévention, il faut avoir des indicateurs et des données, qu’il est important de pouvoir croiser. Comme vous le savez, un arrêté permet à l’ensemble des caisses, la Caisse nationale de l’assurance maladie, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et les Carsat, les caisses d’allocations familiales ou encore la CNSA, de croiser leurs données. C’est très intéressant et très important, selon moi, car cela permet de repérer les pré-fragilités et de faire, par anticipation, de la prévention. Si je propose de préciser qu’il doit y avoir des priorités et des indicateurs permettant d’évaluer la politique menée, c’est parce que nous avons beaucoup de politiques en France, mais peu d’indicateurs, malheureusement, pour évaluer leur efficacité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai l’impression que ce que vous proposez entre un peu difficilement dans la rédaction actuelle. Si vous en êtes d’accord, nous pourrons essayer de réécrire votre amendement d’ici à la séance.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). S’agit-il de réécrire l’amendement ou de le placer à un meilleur endroit dans le texte ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne comprends pas bien la valeur ajoutée de l’amendement par rapport à la rédaction actuelle. Il faudrait peut-être le formuler d’une façon un peu plus précise.

L’amendement est retiré.

Amendement AS270 de M. Vincent Descoeur.

M. Dino Cinieri (LR). Afin que la conférence nationale de l’autonomie ne se résume pas à une couche de millefeuille supplémentaire, l’amendement AS270 vise à préciser que la nouvelle instance pilote la politique de prévention en lien étroit avec la CNSA.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous demande de le retirer car il est satisfait. En effet, la conférence nationale de l’autonomie s’appuie sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques qui est piloté par la CNSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS596 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement a pour objet de confier à la conférence nationale de l’autonomie la mission d’impulser la mise en place d’un service public territorial de l’autonomie (SPTA). Il s’agit, dans des territoires à la géographie et à la sociologie différentes, d’offrir aux usagers et aux professionnels un point d’entrée unique et facilement accessible avec d’éventuelles implantations de proximité, comme le préconise le rapport de Dominique Libault Vers un service public territorial de l’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est très intéressant. Le SPTA est très attendu par les citoyens et par les acteurs du secteur. Il est cependant nécessaire de lui donner une assise juridique solide. Le Gouvernement y travaille et s’est engagé à proposer en séance publique d’inscrire le dispositif dans le code de l’action sociale et des familles.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis quelque peu surpris. À vous entendre, la proposition de loi créerait des dispositifs inédits. Heureusement, on ne l’a pas attendue pour accompagner les personnes en perte d’autonomie dans nos territoires et répondre à leurs besoins.

Alors que les solutions doivent être apportées à l’échelon local, vous instituez une conférence nationale pour homogénéiser et coordonner la politique de prévention. Avec le service public territorial, vous faites croire que vous innovez mais beaucoup de choses existent déjà.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’appel à structurer un service public territorial que lance l’amendement est indispensable.

Je suis un fervent partisan des départements mais la lucidité oblige à dire que le service public allégeant le parcours du combattant des aidants et des personnes âgées confrontés à la perte d’autonomie n’existe pas encore malheureusement. À certains endroits, des centres locaux d’information et de coordination gérontologique (Clic), des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) ou des centres communaux d’action sociale (CCAS) remplissent parfois ce rôle.

Dans un état unitaire comme le nôtre, un service public destiné à garantir l’accès à l’information sur l’autonomie repose sur un cahier des charges – c’est tout l’intérêt du rapport de M. Libault que d’essayer de le définir – mais il est géré non pas par un opérateur unique mais par le département, une structure associative ou hospitalière – il n’y a pas de caisse locale de la CNSA.

Il est intéressant que la conférence nationale de l’autonomie promeuve le service public territorial, mais, sans être taquin, ce sujet mérite d’être traité de manière plus globale. Votre petite loi « grand âge » n’est pas le lieu idoine. Il est très frustrant de parler du SPTA sans disposer du bras armé pour le rendre accessible.

Je suis toutefois favorable à l’amendement, ne serait-ce que pour obliger le Gouvernement à tenir sa parole – cela figure dans la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNSA – et pour que le SPTA voie le jour.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous sommes tous favorables à la déclinaison territoriale de la politique d’autonomie. Comment le SPTA s’articulera‑t-il avec l’instance territoriale de l’autonomie, chapeautée par la CNSA, qui fait le lien entre les départements et les ARS ?

M. François Gernigon (HOR). Il importe de donner de la lisibilité et de la visibilité. À chaque rendez-vous dans ma circonscription, on me parle de DAC, de Clic ou d’engagement commun pour le logement et l’autonomie sur les territoires. Il faut unifier les dispositifs en tenant compte des particularités des territoires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Oui, nous sommes enthousiastes car nous sommes fiers de défendre ce texte ; les petits ruisseaux font parfois les grandes rivières, monsieur Bazin.

M. Guedj l’a dit, tous les départements jouent un rôle à leur manière mais ils ne sont pas égaux. Il faut à la fois unifier l’offre et apporter de la lisibilité. Égarées par le millefeuille territorial et la variété des dispositifs, les familles ne savent pas vers qui se tourner.

Le SPTA est une démarche innovante qui permettra de réunir divers dispositifs locaux et de garantir ainsi dans chaque département l’accès à l’information et aux services dont les personnes âgées ont besoin.

Je vous demande de retirer l’amendement dans l’attente de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS326 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à rendre obligatoire la consultation de la conférence nationale de l’autonomie dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de santé.

La stratégie nationale de santé, qui est définie pour une durée maximale de dix ans, précise les domaines d’action prioritaires et les objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre les conséquences de la maladie, de l’accident et du handicap.

Au-delà des aspects financiers, la création d’une cinquième branche a signé la reconnaissance par la nation de la perte d’autonomie comme un cinquième risque devant faire l’objet d’une protection nationale par la sécurité sociale. Elle est un premier pas. Face au choc démographique à venir, la conférence nationale de l’autonomie doit être un pilier de la planification la politique du grand âge et de l’autonomie qui est appelée à être prioritaire.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait puisque la conférence nationale de l’autonomie pourra donner son avis dans le cadre de la consultation publique prévue par l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il existe une différence notable entre la possibilité que vous mentionnez et l’obligation qu’impose l’amendement.

Il faut absolument que les acteurs de l’autonomie participent à l’élaboration de la stratégie nationale de santé. Le manque de soignants est le premier responsable de la perte d’autonomie : faute de personnels, on vous installe sur une chaise au lieu de vous faire marcher et vous perdez très rapidement votre mobilité ; on vous met une protection au lieu de vous emmener aux toilettes et vous devenez incontinents très rapidement.

Il est exaspérant de devoir nous contenter de créer une nouvelle instance en faisant l’impasse sur la question des moyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS635 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de préciser que la conférence nationale de l’autonomie « coordonne les acteurs impliqués dans la politique de prévention de la perte d’autonomie et les stratégies de communication des politiques publiques en faveur de l’autonomie et contre l’âgisme ».

En France, nous sommes très forts pour administrer, nous le sommes moins pour coordonner. L’exigence de coordination vaut pour les nombreuses actions de prévention qui sont menées dans tous les territoires mais aussi pour les actions de communication.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La coordination des acteurs mais surtout des stratégies de communication des politiques publiques en faveur de l’autonomie est aujourd’hui dévolue à la CNSA. Il ne me paraît pas pertinent de complexifier la gouvernance actuelle en confiant les mêmes prérogatives à des organes différents. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne suis pas d’accord. En matière de prévention, les campagnes, qu’elles soient nationales ou locales, sont le fait d’une multitude d’acteurs. Ces derniers doivent se mettre autour d’une table pour décider du message qu’ils veulent diffuser. Chacun a sa place mais il faut absolument coordonner les actions des uns et des autres.

M. Thibault Bazin (LR). Les amendements très pertinents de M. Isaac-Sibille confirment la confusion que suscite la rédaction actuelle de l’article 1er. Certaines missions sont confiées à la conférence nationale de l’autonomie, d’autres sont laissées à la CNSA.

La communication, quand elle est nationale, vise à faire connaître les dispositifs existants ; quand elle est locale, elle a pour but de renseigner sur le guichet auquel s’adresser pour être accompagné dans ses démarches.

La conférence nationale de l’autonomie suscite des attentes importantes car on aimerait qu’elle soit la solution à tous les dysfonctionnements. Mais la création d’une instance nationale, sous la coupe du ministre, ne me paraît pas aller dans le bon sens alors que les solutions sont nécessairement locales. J’en viens à me demander s’il ne serait pas préférable de supprimer l’article 1er et d’y revenir lorsque l’organisation aura été clarifiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS640 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M.Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La conférence nationale de l’autonomie doit s’appuyer sur la CNSA pour décliner la politique de prévention, mais pas seulement par le biais du centre national de preuves.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous invite à retirer l’amendement car il est satisfait : le texte établit déjà un lien étroit entre la conférence nationale de l’autonomie et la CNSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS650 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de revoir la dénomination et les missions du centre national de preuves.

Le nom de « centre national de preuves » est une mauvaise traduction des « what works centers » britanniques. La directrice générale de la CNSA préférerait celui de « centre de ressources probantes ». Ce n’est pas la CNSA qui fait la preuve – elle n’a pas l’expertise nécessaire, contrairement à Santé publique France –, elle répertorie les preuves que d’autres ont apportées ; elle offre un catalogue des actions dont le caractère probant est avéré.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La définition actuelle des missions du centre de preuves me semble plus pertinente que la vôtre : évaluer et labelliser les équipements et aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ou la prévention de la perte d’autonomie en établissement.

En outre, « centre national de preuves » est la terminologie utilisée dans le rapport Libault.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce n’est pas parce que Dominique Libault, que je respecte profondément, l’a écrit que nous devons l’inscrire dans la loi. La CNSA refuse cette terminologie, qui est une traduction de l’expression « evidence based » employée à mauvais escient. Pour dissiper tout malentendu, l’expression « centre de ressources probantes » est plus appropriée.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne suis pas favorable à la réécriture des missions du centre que vous suggérez dans l’amendement. En revanche, j’approuve le changement de dénomination proposé dans l’amendement AS663.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je retire l’amendement au profit du suivant.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure Laurence Cristol, la commission adopte l’amendement AS663 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Amendements identiques AS44 de M. Yannick Neuder, AS163 de M. Thibault Bazin, AS295 de Mme Isabelle Valentin et AS585 de M. Cyrille IsaacSibille, amendement AS421 de M. Yannick Monnet (discussion commune).

M. Dino Cinieri (LR). Je défends l’amendement AS44. Compte tenu du poids du centre national de preuves dans les orientations de la politique nationale et dans les actions financées par les collectivités locales, il est important de garantir son autonomie et sa transparence. Il doit être intégré à la CNSA plutôt que piloté par elle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’émets un avis favorable aux amendements identiques et je demande le retrait de l’amendement AS421.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS421 tombe.

Amendement AS325 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement a pour objet d’associer la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale (Cnoss) à la définition des axes prioritaires par la conférence nationale de l’autonomie.

L’expertise du Cnoss et sa composition – représentants des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale ; des institutions et des établissements de santé ; des établissements sociaux, publics ou privés ; des établissements assurant une activité de soins à domicile ; des personnels de ces institutions et établissements et de leurs représentants d’usagers ; personnalités qualifiées – sont de nature à renforcer la démocratie sanitaire et à impulser une véritable dynamique populationnelle dans les politiques de prévention de la perte d’autonomie dans chaque territoire.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette proposition ne me semble pas adaptée. En effet, le Cnoss rend des avis sur les projets de schéma d’organisation sanitaire, les indices nationaux de besoins, les conditions de fonctionnement et les demandes relevant de la compétence du ministre de la santé. Son action est très différente de celle des conférences des financeurs, centrée sur la prévention de la perte d’autonomie.

M. Thibault Bazin (LR). Le ministre peut consulter les experts de son choix dont le Cnoss fait partie. D’une certaine manière, il peut déjà s’appuyer sur une sorte de conférence nationale de l’autonomie qui ne dit pas son nom pour prendre des décisions dans le domaine de la perte d’autonomie. Le texte ne fait que nommer ce qui existe déjà.

Pourquoi ne pas écrire que le Cnoss peut être consulté puisque c’est déjà le cas ? Cela permet de clarifier l’articulation entre les différentes instances.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement de bon sens. Ce serait un très mauvais message adressé aux professionnels que de ne pas associer le Cnoss. Une fois encore, ce serait une marque de mépris à leur égard que de ne pas écouter leur avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS618 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à ajouter aux missions de la conférence nationale de l’autonomie le suivi et l’évaluation du plan pluriannuel qu’elle est chargée d’élaborer.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable.

M. Thibault Bazin (LR). La conférence nationale de l’autonomie a-t-elle vocation à exercer une tutelle sur les conférences des financeurs ?

Les membres des conférences assurent normalement le suivi et l’évaluation dont la qualité est garantie par la composition de ces instances. L’amendement confierait cette tâche à une instance nationale. Or si celle-ci doit être menée au niveau national, c’est au Parlement de s’en acquitter. Non seulement nous ne pouvons pas nous dessaisir de notre mission d’évaluation dévolue par la Constitution mais la conférence nationale de l’autonomie ne peut pas être à la fois juge et partie. Il appartient à la représentation nationale de suivre la mise en œuvre du plan pluriannuel d’autant que les plans ne sont pas toujours appliqués – l’exemple des soins palliatifs est à cet égard très décevant.

M. François Gernigon (HOR). Cela n’enlève rien à l’évaluation menée par les conférences des financeurs. Il est utile de disposer d’une évaluation consolidée et de s’assurer du suivi effectif du plan à l’échelon national.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis favorable à l’amendement. L’État, par le biais de la CNSA, est le garant de l’équité entre les territoires. Pour y parvenir, l’évaluation est un outil indispensable.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’évaluation doit rester entre les mains des acteurs territoriaux. Il me paraît judicieux que le travail des conférences des financeurs puisse alimenter le centre de preuves de la CNSA mais je m’oppose à ce que le suivi relève exclusivement de l’échelon national.

M. Thibault Bazin (LR). Le terme « Elle », dans l’amendement renvoie‑t‑il à la conférence nationale de l’autonomie ou à la CNSA ? S’il s’agit de la seconde, je remise mes réserves.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage les doutes de M. Bazin sur le pronom « elle ». Quant à l’évaluation, il convient de trouver les moyens d’y associer les membres de la commission des affaires sociales. Cela vaut pour d’autres politiques sociales sur lesquelles nous sommes amenés à nous prononcer et qui sont ensuite déclinées par les départements de manière hétérogène.

M. François Gernigon (HOR). « Elle » renvoie sans ambiguïté à la conférence nationale de l’autonomie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS616 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à prévoir que la conférence nationale de l’autonomie se réunira tous les trois ans, à l’instar de la Conférence nationale du handicap.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Demande de retrait, car la conférence nationale de l’autonomie n’a ni le même rôle ni le même format que la Conférence nationale du handicap, qui définit des orientations dans un champ beaucoup plus large. Il est difficile d’établir un rapprochement entre les deux instances.

M. François Gernigon (HOR). Ne serait-il pas intéressant, tout de même, d’indiquer une temporalité, même inférieure à deux ans ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. On pourrait y réfléchir en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS484 de Mme Isabelle Valentin, amendements identiques AS45 de M. Yannick Neuder, AS183 de M. Thibault Bazin et AS631 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement vise à prévoir qu’un décret définira la composition, l’organisation, le fonctionnement, l’objectif et les orientations du centre national de preuves de la prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

M. Dino Cinieri (LR). Par l’amendement AS45, nous souhaitons qu’un décret définisse la composition, l’organisation et le fonctionnement du centre national de preuves de la prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le centre national est intégré à la CNSA. Il ne me paraît pas nécessaire de préciser que ses modalités d’action et sa composition seront définies par décret, ces éléments figurant dans la convention d’objectifs et de gestion 2022-2026 signée entre l’État et la CNSA.

Je vous propose donc de retirer vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS459 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il s’agit de prévoir que les axes prioritaires seront définis pour avis par le plan pluriannuel établi par la conférence nationale de l’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Conférer un caractère consultatif aux axes définis par la conférence nationale de l’autonomie réduirait la portée du dispositif. Je ne peux donc pas y être favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS617 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à préciser que les conférences des financeurs doivent prendre en compte non seulement les axes prioritaires définis dans le plan pluriannuel mais aussi les spécificités territoriales, notamment celles des zones rurales. En effet, les attentes peuvent différer en fonction des territoires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette précision me semble inutile car l’article L. 233-1 du code de l’action sociale et des familles évoque le territoire départemental et infradépartemental, ainsi que l’adaptation aux besoins de chaque territoire.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS718 de Mme Laurence Cristol.

En conséquence, les amendements AS426 de M. Pierre Dharréville, AS103 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS46 de M. Yannick Neuder, AS165 de M. Thibault Bazin, AS296 de Mme Isabelle Valentin, AS528 de Mme Josiane Corneloup et AS427 de M. Yannick Monnet tombent.

La commission adopte l’amendement AS709 de Mme Laurence Cristol.

Amendements identiques AS187 de M. Yannick Neuder, AS237 de M. Laurent Panifous, AS356 de M. Sébastien Peytavie et AS690 de Mme Anne Bergantz.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS187 est défendu.

M. Laurent Panifous (LIOT). Mon amendement vise à faire de la lutte contre l’isolement des personnes âgées un axe à part entière de la politique de prévention de la perte d’autonomie. Il s’agit d’un enjeu majeur pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées et accompagner le virage domiciliaire. Les actions menées pour lutter contre l’isolement de ces personnes, qui sont financées par les conférences des financeurs, s’inscrivent dans le cadre plus général des actions collectives de prévention. En faire un axe à part entière réduirait les disparités importantes que l’on constate entre les départements.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les actions de lutte contre l’isolement des personnes âgées sont aujourd’hui financées par les conférences des financeurs dans le cadre plus général des actions collectives de prévention. Les bilans réalisés attestent d’importantes disparités entre les départements. Reconnaître la lutte contre l’isolement comme un facteur déterminant de la prévention de la perte d’autonomie suppose d’en faire un axe à part entière du financement de cette dernière. Si les actions collectives de prévention constituent le premier poste de dépenses de la conférence des financeurs et mobilise la majorité des projets soumis, la création d’un volet spécifique à l’isolement garantirait la poursuite des efforts d’innovation au service de la lutte contre l’isolement, permettrait de suivre l’évolution des financements dédiés, de les faire croître et de généraliser des appels à projets spécifiques.

Cette évolution était préconisée dans le rapport de Jérôme Guedj 36 propositions et pistes pour une politique pérenne de lutte contre l’isolement des personnes âgées de juillet 2020. Dans son baromètre sur la solitude et l’isolement des plus de 60 ans, publié en 2021, l’association Les Petits Frères des Pauvres cite des chiffres qui doivent nous interpeller. On y lit que 300 000 personnes âgées de plus de 60 ans seraient en situation de mort sociale ; autrement dit, elles ne rencontreraient quasiment jamais ou très rarement d’autres personnes, qu’il s’agisse du cercle familial ou amical, des voisins ou du réseau associatif. Cette mort sociale touche plus particulièrement les femmes de plus de 75 ans disposant de revenus modestes. Cet isolement absolu se caractérise par des relations très amoindries : 67 % de ces personnes n’ont personne pour parler de choses intimes – contre 32 % pour l’ensemble des Français de 60 ans et plus –, 39% n’ont personne à qui confier leurs clefs – contre 13 % pour l’ensemble des Français de 60 ans et plus – et 50 % n’ont personne avec qui déjeuner ou dîner. Par ailleurs, 27 % sortent une fois par semaine ou moins souvent de chez eux, 21 % se sentent malheureuses et 9 % des personnes ne se disent pas autonomes.

Mme Anne Bergantz (Dem). On parle d’isolement social lorsque la personne subit l’absence de relations régulières avec d’autres personnes. Cela concernerait plus de 900 000 personnes de plus de 60 ans, et ce chiffre serait en nette augmentation depuis la crise sanitaire. L’isolement peut engendrer des dépressions et des troubles neurologiques altérant les facultés cognitives, à quoi s’ajoute le non-recours aux soins. Mon amendement, qui suit les préconisations de Jérôme Guedj, vise à reconnaître la lutte contre l’isolement comme un facteur déterminant de la prévention de la perte d’autonomie en en faisant un axe à part entière.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage totalement votre volonté de lutter contre le fléau de l’isolement social et ses conséquences désastreuses. C’est un défi qui nous rassemble tous. Votre proposition visant à inscrire pleinement cet objectif parmi les axes prioritaires des conférences des financeurs apparaît donc tout à fait bienvenue.

Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS599 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Je propose de sensibiliser toute personne atteignant l’âge de 60 ans à l’importance de prévenir la perte d’autonomie par l’envoi d’un courrier visant à encourager l’adaptation du domicile, afin de faire face à d’éventuels changements dans la mobilité. La personne concernée aurait la possibilité de prendre rendez-vous avec un professionnel de santé qualifié, en particulier un ergothérapeute, pour évaluer son niveau d’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet objectif est déjà satisfait. En effet, les caisses de retraite de base et complémentaires organisent déjà cette sensibilisation dans un cadre inter-régimes. Elles apportent des informations sur les dispositifs de prévention de la perte d’autonomie auprès de leurs assurés à la retraite ou approchant du passage à la retraite. En outre, la LFSS 2023 prévoit des rendez‑vous de prévention à plusieurs âges de la vie qui ont précisément pour objet de sensibiliser les patients à la prévention, qui inclut la perte d’autonomie.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS677 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Afin de s’assurer de la prise en compte par l’ensemble des politiques publiques des spécificités, besoins et aspirations des personnes âgées dans la société, il est proposé de créer une conférence nationale des personnes âgées, à l’image de l’instance dédiée aux personnes en situation de handicap. Il s’agit de doter le système institutionnel et politique des mêmes outils d’information, de sollicitation et de concertation que ceux existants dans le champ du handicap, qui sont insuffisants pour les personnes âgées. On reconnaîtrait ainsi leurs besoins spécifiques et la nécessité d’y répondre par des politiques publiques dédiées. Il ne s’agit pas de segmenter les politiques publiques par tranche d’âge mais, au contraire, de faire en sorte que l’on prenne en considération les exigences liées au grand âge dans le cadre de l’élaboration de toutes les politiques publiques.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous nous rejoignons tous autour de l’objectif d’associer davantage les personnes âgées aux décisions relatives à la politique de l’autonomie. Toutefois, après en avoir discuté avec le Gouvernement, il semble que les acteurs du secteur soient plutôt défavorables à la création d’une telle instance, qui pourrait avoir pour effet de stigmatiser le vieillissement. Ils préfèrent être représentés dans des instances plurielles, comme le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Le Gouvernement s’est néanmoins engagé à proposer un dispositif, en séance, sur cette question. D’ici là, nous pouvons, si vous le souhaitez, travailler ensemble sur ce sujet.

Je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS548 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Cet amendement d’appel a pour objet de dissocier la politique de santé de la politique d’autonomie. La proposition de loi vise à développer les contrats locaux d’autonomie selon une logique propre, sans les associer aux contrats locaux de santé, lesquels ne sont toutefois pas remis en cause. Il nous faut tenir compte de la compétence des départements en matière d’autonomie. Il convient de bâtir un dispositif compréhensif, évitant la complexification administrative, pour que les collectivités concernées puissent coordonner l’action des acteurs du territoire en matière d’autonomie. L’amendement vise à ce que les départements puissent élaborer un contrat local d’autonomie par l’intermédiaire de la conférence des financeurs.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le Gouvernement déposera un amendement en séance sur le déploiement du service territorial de l’autonomie afin de clarifier et de renforcer l’efficacité de la politique d’autonomie à l’échelon territorial.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, à écouter vos avis, je me demande parfois si vous parlez au nom de la commission ou du Gouvernement. Nous verrons ce que dira le Gouvernement en séance mais nous aimerions connaître votre point de vue de rapporteure. Vous pouvez parfaitement défendre certaines de nos propositions si elles vous paraissent pertinentes.

Le vrai sujet, ce sont les moyens. Cet amendement sur le contrat local d’autonomie pose la question de fond. Vous répondez en évoquant le service public territorial de l’autonomie, qui ne donne pas pleinement satisfaction et dont il faut déterminer les modalités de mise en œuvre. En outre, l’autonomie peut se jouer bien avant 60 ans ; ce n’est d’ailleurs pas une question d’âge. Elle peut concerner des gens qui ne sont pas en mauvaise santé, à l’image de certaines personnes en situation de handicap. Cette distinction est importante. Nous devons tenir les promesses faites dans la loi de 2005. Le contrat local d’autonomie favoriserait une approche plus globale, à l’instar de ce qui est fait dans le domaine de la santé, y compris mentale. Cela permettrait de mettre tout le monde autour de la table, de se fixer des objectifs, de se donner les moyens de notre action et d’évaluer les résultats à l’échelon local.

Mme Isabelle Valentin (LR). Pouvez-vous nous dire en quoi consiste exactement le SPTA et en quoi il se distingue des maisons de l’autonomie, qui sont prises en charge par les départements ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le SPTA a vocation à regrouper sur un même site tous les services destinés aux personnes en demande d’information et de coordination. Il n’existe pas véritablement à l’heure actuelle, puisque ces missions sont prises en charge par des instances différentes et que l’on ne bénéficie pas de la même lisibilité d’un département à un autre. Nous souhaitons créer une conférence nationale de l’autonomie pour harmoniser l’accès aux informations.

Monsieur Bazin, je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que l’on peut prévoir la perte d’autonomie de façon bien plus précoce. La consultation à 40 ou 45 ans sera centrée sur la prévention de certaines maladies chroniques. La consultation prévue à 60 ou 65 ans, c’est peut-être déjà un peu tard. Cette évolution exigerait une coordination des consultations de prévention de la perte d’autonomie.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er bis (nouveau) : Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Amendements AS669 et AS675 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est essentiel que, dans chaque établissement et service social ou médico-social, une personne soit désignée référente pour la prévention. Il ne doit pas s’agir nécessairement d’un professionnel de santé – ces professionnels étant généralement occupés à d’autres choses. Ce peut être un salarié ou un bénévole ; il recevra une formation en santé publique.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’objectif est louable mais il paraît difficile de faire reposer l’ensemble de la politique de prévention, qui touche à de nombreux sujets – la vision, l’audition, la nutrition, la cognition, la locomotion, la santé mentale... – sur une personne unique, tant au regard de la charge de travail que de l’efficience. En outre, il existe déjà de nombreux référents au sein des établissements ; leur multiplication risque de conduire à une perte de lisibilité.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pour qu’un sujet soit porté, il faut qu’un référent, formé, soit présent dans chaque établissement et chaque service. À défaut, il n’y aura pas de politique de prévention.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il me paraît important de définir une stratégie de prévention de la perte d’autonomie à l’échelle de chaque établissement. Toutefois, la présence d’un référent n’est pas suffisante pour assurer efficacement la prévention. Je vous confie le témoignage d’une directrice d’Ehpad : « Les Ehpad sont financés en fonction du degré de dépendance des résidents. Plus les résidents sont dépendants, plus le GIR moyen pondéré est élevé, plus les financements sont importants. Le manque de personnel nous fait rendre les résidents grabataires. Il est plus rapide de faire à la place de que de faire faire, et cela permet d’obtenir plus de financements. J’ai toujours pensé que ce système n’était pas adapté et qu’il allait à l’inverse de ce que nous devions faire. Si nos agents font faire les choses aux résidents, cela leur prend plus de temps mais permet aux personnes âgées de rester autonomes plus longtemps et, paradoxalement, nous sommes moins financés. » Voilà le cœur du problème. Nous devons impérativement parler des moyens.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis d’accord avec vous mais, actuellement, personne n’est référent dans les établissements ou les services, personne ne porte le sujet de la prévention ni n’est formé à cela. Comment voulez‑vous, dans ces conditions, avoir une politique de prévention décentralisée, au plus proche des gens ? On parle dans le vague.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Pour que l’on puisse désigner un référent, encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de personnel. Il n’y a déjà pas assez d’effectifs pour effectuer les soins correctement. Là réside la principale difficulté, qui n’est pas traitée par le texte.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos arguments me conduisent à revenir sur ma position et à émettre un avis de sagesse sur l’amendement AS669. La désignation d’un référent peut en effet se révéler pertinente, à condition que les moyens soient réunis.

La commission adopte l’amendement AS669.

En conséquence, l’amendement AS675 tombe.

Après l’article 1er

Amendement AS511 de M. Olivier Serva.

M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à intégrer dans les schémas d’organisation sociale et médico-sociale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion la question du grand âge et donc du bien vieillir. En effet, plusieurs de ces territoires connaissent des problématiques de vieillissement plus accentuées qu’en métropole, et l’ensemble d’entre eux souffrent d’une insuffisance des dispositifs à destination des personnes âgées. À titre d’exemple, l’offre d’Ehpad, déjà jugée insuffisante dans l’Hexagone, est encore plus faible en outre-mer. Compte tenu de ces retards structurels, certaines collectivités locales d’outre-mer, à l’instar de Saint-Pierre-et-Miquelon, ont pris les devants. Cet amendement a pour objet d’inciter les collectivités locales et les représentants de l’État à s’inscrire dans une démarche de planification des politiques publiques relatives au grand âge.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage bien évidemment l’objectif consistant à développer largement l’offre médico-sociale dans les territoires ultramarins et d’y déployer une planification efficace et cohérente. Cela étant, je ne suis pas sûre que la rédaction que vous proposez soit satisfaisante en l’état. Je vous propose plutôt d’interroger le Gouvernement en séance sur les modalités précises et le calendrier d’application de son plan de rattrapage de l’offre pour les personnes âgées outre-mer.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS268 de M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise à créer une convention pluriannuelle territoriale. Il s’agit de faire en sorte que les acteurs du secteur médico-social à destination des personnes âgées situés sur un même bassin de vie puissent se rencontrer. En effet, des acteurs de statut différent – public, privé, associatif –, qui travaillent côte à côte, ne se croisent parfois jamais. Cet outil contribuerait à améliorer l’accompagnement des usagers, à domicile ou en établissement. Il conviendrait, le cas échéant, de définir, par décret, les bassins de vie, les acteurs et la périodicité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je comprends votre objectif mais il ne paraît pas pertinent de confier à un Ehpad un rôle de coordination, lequel relève d’un autre niveau. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement s’est engagé à déposer en séance publique un amendement visant à mettre en place un service public territorial de l’autonomie, qui devrait répondre à cet enjeu.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Au-delà de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), qui n’engagent que les opérateurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, ainsi que leurs autorités de tarification, il faut bâtir de véritables contrats de territoire portés par l’ensemble des acteurs de l’accessibilité, de l’éducation, de l’emploi et du soin. Cela concerne aussi les pouvoirs publics et la société civile. Les contrats de territoire s’inscriraient dans le cadre de projets régionaux de santé en cohérence avec les schémas territoriaux et les objectifs définis dans le cadre des CPOM.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je crains que cette proposition n’aboutisse à une nouvelle strate qui complexifierait un paysage déjà compliqué. Le service public territorial de l’autonomie, recommandé par le rapport Libault, nous semble en mesure de relier les acteurs.

Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne voulons pas complexifier le dispositif mais donner aux acteurs du territoire les moyens d’atteindre leurs objectifs. Or l’agence régionale de santé ne signe pas des CPOM avec tous les établissements. Alors que bon nombre d’entre eux voudraient développer des pôles d’activités et de soins adaptés, des accueils de jour, rénover, moderniser, adapter leurs infrastructures à la perte d’autonomie de leurs résidents, tous n’ont pas la chance d’avoir signé un CPOM qui leur garantira des financements.

Rassurez-vous, je vais retirer cet amendement d’appel. On attendait une loi « grand âge » mais hélas, en dehors de quelques mesures qui vont dans le bon sens, nous sommes loin du compte. Les contrats de territoire présentent le mérite de contraindre l’État à être au rendez‑vous. Même si c’est difficile, ce que je conçois aisément, tout le monde doit finir par s’engager. J’espère que vous relayerez ma demande auprès du ministre, madame la rapporteure.

L’amendement est retiré.

Amendement AS271 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous (LIOT). Afin de simplifier l’organisation et d’améliorer la coordination des acteurs, l’amendement tend à réduire les multiples schémas d’organisation médico-sociale en ne conservant qu’un seul schéma porté par le département en lien avec les acteurs du soin et de la prévention. Il prévoit ainsi de fusionner le volet médico-social du schéma régional de santé, intégré au projet régional de santé, avec le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale, afin de ne plus avoir deux documents qui se superposent et qui sont parfois établis dans des temporalités différentes.

Un seul schéma serait ainsi présenté par le département, en cohérence avec le projet régional de santé, celui-ci ayant vocation à intégrer le schéma régional de santé.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement reviendrait à confier le pilotage au conseil départemental pour fixer les objectifs quantitatifs et qualitatifs de l’offre médico‑sociale, y compris celles qui relèvent de la compétence de l’ARS et de son autorisation, ce qui ne me semble pas opportun.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS145 de M. Thibault Bazin et AS241 de M. Laurent Panifous.

M. Thibault Bazin (LR). Afin de renforcer leur complémentarité et leur cohérence, mon amendement vise à ce que les schémas régionaux de santé et les schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale, soient élaborés sur la même temporalité, après concertation entre l’État, les conseils départementaux et l’ensemble des acteurs. Il arrive en effet que ces deux schémas, conclus pour une durée de cinq ans, ne s’inscrivent pas dans la même temporalité à l’échelle d’un territoire, ce qui peut rompre la continuité du parcours des personnes accompagnées.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je comprends votre volonté de renforcer la cohérence de ces deux schémas mais encore faut-il que votre proposition soit réalisable et ne bloque pas la dynamique d’élaboration des projets régionaux de santé, soumise à un calendrier national en phase avec la stratégie nationale de santé. À l’inverse, nous avons des schémas différents pour cent départements.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne voulais pas remettre en cause le protocole de révision et d’évaluation des schémas régionaux de santé car des équipements sont attendus dans plusieurs territoires mais les autres schémas pourraient être signés entre l’État et les départements sur la même période pour coordonner les politiques publiques, quitte à accélérer leur définition. Je retire l’amendement mais j’espère que vous saurez convaincre le ministre.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je maintiens le mien car je ne suis pas convaincu qu’il soit si difficile que cela d’établir les deux schémas pour la même période.

L’amendement AS145 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS241.

Article 1er ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Amendement AS587 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de prévoir que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport d’évaluation de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous aurons besoin d’évaluer cet outil dont nous attendons beaucoup. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Amendements AS692 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendements identiques AS166 de M. Thibault Bazin et AS497 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement tend à permettre aux maires de partager les données administratives qu’ils recueillent sur les personnes âgées et les personnes handicapées afin de leur venir en aide plus rapidement.

M. Thibault Bazin (LR). Le Conseil d’État a-t-il donné son avis sur la mesure que vous proposez à l’article 2 ? Je sais bien qu’il s’agit d’une proposition de loi, qui n’est donc pas soumise à l’avis du Conseil d’État, mais nous savons tous que le Gouvernement est à la manœuvre. Qu’en pense la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ?

Lors de la crise sanitaire, les maires, qui étaient en première ligne, ont utilisé les données en question pour venir en aide aux personnes vulnérables. Je vous propose de sécuriser le dispositif en autorisant les maires à partager les données qu’ils recueillent sur les personnes âgées et les personnes handicapées, en sus des services sociaux et sanitaires, avec les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou des personnes handicapées, ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale.

L’expérience des confinements a mis en lumière la nécessité d’améliorer les synergies locales.

Mme Josiane Corneloup (LR). La crise sanitaire a prouvé qu’il était crucial d’identifier rapidement les personnes âgées et les personnes handicapées les plus isolées et de renforcer, à cette fin, le maillage entre les professionnels de santé et les élus. Il s’agit, par conséquent, d’autoriser les maires à partager les données dont ils disposent, en particulier celles recueillies dans le cadre du plan national canicule.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre objectif est satisfait puisque les données figurant dans le registre communal sont déjà connues des établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accompagnent les personnes âgées et en situation de handicap. Elles sont notamment renseignées dans les systèmes d’information pour la gestion de l’APA et celui des maisons départementales des personnes handicapées.

D’autre part, l’acception large de l’expression « services sanitaires et sociaux », retenue dans le code, et l’insertion en amont de l’adverbe « notamment », risquent d’ouvrir la possibilité d’utiliser ces données à d’autres acteurs qui concourent à la lutte contre l’isolement social. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Caroline Janvier (RE). De nombreuses associations et structures se plaignent de manquer d’informations. Les données privées sont protégées par la loi. C’est bien mais leur partage peut en être empêché. Des dérogations pourraient être admises pour protéger les personnes fragiles isolées, comme cela est autorisé dans le cadre de la protection de l’enfance, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige. Nous devons autoriser les élus, les associations et les professionnels de santé à communiquer entre eux car, bien souvent, les professionnels de santé ne transmettent leurs informations qu’à d’autres professionnels de santé.

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez été maire, madame la rapporteure. Je ne sais pas comme vous vous organisiez dans l’Hérault mais dans d’autres départements, il n’était pas expressément prévu de partager les données entre les communes et les établissements médico‑sociaux.

Nous sommes soucieux d’éviter toute dérive et c’est pour cette raison que je me suis inquiété de l’avis de la Cnil. Peut-être faudrait-il revoir la rédaction de l’amendement mais il me semble important d’autoriser les maires à partager leurs données, car les établissements médico-sociaux n’y ont pas accès.

Mme Béatrice Piron (RE). Je vais présenter un amendement pour autoriser les mairies et les CCAS à constituer des fichiers afin de suivre le public vulnérable. Les maires ne savent pas exactement quelles données ils ont ou non le droit de stocker, d’autant plus que, très souvent, les données recueillies sont celles des personnes qui se sont présentées d’elles-mêmes pour être inscrites. Par exemple, l’écart est colossal entre les données de la liste électorale et celles du fichier du plan canicule. Les gens ignorent jusqu’où ils peuvent aller pour s’enquérir des personnes vulnérables. C’est à la Cnil de clarifier la situation.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’en profite moi aussi pour présenter l’un de mes prochains amendements, qui tend à renforcer la coordination entre les services sociaux et sanitaires et les maires. Ces élus de proximité sont les mieux placés pour connaître l’état et les besoins de leur population. Ils ne peuvent pas être tenus à l’écart des actions menées pour lutter contre l’isolement social de nos aînés. Malheureusement, les administrés ont le sentiment que l’administration est de plus en plus distante.

M. Paul Christophe (HOR). Le besoin de partager les informations à plus grande échelle se fait ressentir, ce qui pose le problème de la gouvernance. Lors de la crise sanitaire, les maires se sont rendu compte qu’ils ne disposaient pas de données suffisantes pour venir en aide à la population la plus fragile. Il a fallu faire signer des conventions aux départements, dépositaires de ces données, afin de permettre cette transmission. Ces mesures ponctuelles, qui s’apparentaient plutôt à du bricolage, ne permettent pas de résoudre le problème. Le texte devrait prévoir des mesures pour clarifier la situation et renforcer l’efficacité du dispositif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le débat témoigne de l’intérêt que nous portons tous au sujet de la transmission des données. Je m’engage à ce l’on étudie avec attention votre proposition d’ici à l’examen en séance publique et que l’on demande son avis à la Cnil. Nous présenterions alors un amendement pour sécuriser le partage de données qui repose aujourd’hui sur le volontariat et est soumis à plusieurs conditions.

Je vous invite à retirer les amendements.

L’amendement AS692 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS710 de Mme Laurence Cristol.


  1 

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 21 heures

Au cours de sa seconde réunion du lundi 3 avril 2023, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([123]).

Article 2 (suite) : Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Amendement AS36 de M. Jérôme Guedj et sous-amendement AS742 de Mme Laurence Cristol.

M. Jérôme Guedj (SOC). En raison de leur caractère déclaratif, les registres municipaux des personnes vulnérables sont mal renseignés. Les conseils départementaux, au contraire, disposent de fichiers fiables de personnes fragiles, sur les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Il en est de même pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui connaît les personnes classées dans les groupes iso-ressources 5 et 6. L’amendement autorise la transmission de ces listes de bénéficiaires aux communes pour qu’elles puissent leur proposer de figurer sur le registre des personnes vulnérables.

En outre, il conviendrait de modifier les formulaires de demande d’APA et de PCH en ajoutant une case qu’il suffirait de cocher pour indiquer que l’on accepte d’être contacté par sa commune en cas de situation exceptionnelle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis très favorable à la solution proposée pour renforcer la coordination entre services. Mais il apparaît nécessaire de préciser que la transmission de données ne peut se faire qu’avec l’accord des personnes concernées. C’est l’objet de mon sous-amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cette transmission doit naturellement être encadrée. Le volontariat me semble couler de source mais il faudra peut-être préciser par décret que la transmission ne donne pas au centre communal d’action sociale (CCAS) des informations sur la nature de la pathologie ou de la perte d’autonomie de la personne. L’information doit simplement permettre de savoir à qui proposer l’inscription.

M. Thibault Bazin (LR). Nous soutiendrons l’amendement et le sous‑amendement. Il faudrait les compléter d’ici à la séance publique pour ajouter les centres intercommunaux d’action sociale.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS464 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement précise que le contact périodique avec les personnes vulnérables se fait en liaison avec les maires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il est satisfait car l’article 2 permet aux services sanitaires et sociaux, qui comprennent les services communaux, de s’appuyer sur le registre pour mener des actions de lutte contre l’isolement social. L’article tend en outre à renforcer la coordination entre les acteurs et l’implication des communes dans la lutte contre l’isolement social.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS679 de M. Pascal Lecamp.

Mme Anne Bergantz (Dem). Nombre de personnes de plus de 60 ans n’utilisent jamais internet ou souffrent d’illectronisme. L’amendement crée une obligation d’envoi annuel d’un courrier postal afin de s’assurer de la pleine information des personnes visées à l’article 2.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La solution proposée par Jérôme Guedj, qui vise à transmettre les informations collectées lors des demandes d’APA et de PCH aux services sanitaires et sociaux, apparaît plus efficace.

Demande de retrait.

Mme Anne Bergantz (Dem). Ce n’est pas exactement la même chose. Je parle d’une information générale aux personnes âgées et isolées pour leur faire connaître les maisons départementales d’autonomie ou les centres locaux d’information et de coordination.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS711 de Mme Laurence Cristol.

Amendement AS613 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement prévoit que les services sociaux et sanitaires pourront utiliser le registre pour informer les personnes âgées et leurs proches des dispositifs d’aide et d’accompagnement existants et de leurs droits.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable car cela complète les actions de lutte contre l’isolement social prévues dans le cadre du registre communal.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis également très favorable à cet amendement. Les communes sont en première ligne pour structurer une politique pérenne de lutte contre l’isolement, laquelle n’est pas que municipale : elle mobilise aussi les associations, les bailleurs sociaux, les commerçants, les pharmaciens, bref tous ces acteurs qui ont connaissance de situations d’isolement mais qui ne savent pas forcément à qui les signaler.

Il faudra sans doute que l’on définisse dans un prochain texte ce qu’est une politique locale de lutte contre l’isolement. Pour le moment, c’est au bon vouloir des CCAS : certains sont pionniers et proposent des missions de lutte contre l’isolement, d’autres sont plus démunis. Il ne serait pas inintéressant d’adopter un cahier des charges type des actions que les CCAS peuvent envisager. L’Union nationale des CCAS y est favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS258 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne nous intéressons qu’à différents services et institutions, mais les infirmiers libéraux prennent en charge 75 % des patients de plus de 75 ans. Leur proximité leur permet de jouer un rôle dans le signalement de situations d’isolement. Je propose de compléter l’article avec l’alinéa suivant : « L’infirmier en charge du patient en perte d’autonomie organise et coordonne la transmission des informations caractérisant les situations d’isolement aux services sociaux et sanitaires ainsi qu’aux maires. Il devient l’interlocuteur référent pour assurer le suivi de leur prise en charge dans le cadre du parcours de soins et en relation avec les autres professionnels mobilisés. »

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, que nous avons adoptée il y a quelques semaines, reconnaît le rôle important joué par les infirmiers dans le système de soins en ouvrant l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée. Votre proposition est trop restrictive, d’autres acteurs intervenant dans la lutte contre l’isolement. En outre, beaucoup de personnes âgées isolées ne sont pas suivies par un infirmier à domicile.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes un peu étonnés par cet avis défavorable. Les infirmiers sont un maillon essentiel dans le dispositif. Nous espérons que le rejet de cet amendement ne constitue pas une forme de mépris à leur égard.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement mériterait sans doute d’être complété, les infirmiers n’étant pas les seuls à intervenir à domicile. Je le retire donc afin d’en présenter une nouvelle version en séance publique, qui intégrera l’ensemble des acteurs du soin à domicile dans la politique de prévention.

M. Yannick Neuder (LR). La proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ne soutient pas les infirmiers, elle ne fait qu’aggraver la situation : en partageant les responsabilités entre médecins et infirmiers, ce que ne souhaitent pas les différentes coordinations, elle expose inutilement ces derniers et crée des déserts médicaux. Mais elle n’est pas encore définitivement votée, attendons les résultats de la commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, je m’étonne que l’on ne valorise pas le rôle des infirmiers, indispensables pour la coordination dans les Ehpad. Je souhaite le maintien de cet amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement illustre l’importance de ce que j’appelais la structuration de la politique locale de lutte contre l’isolement. Tous les tiers de confiance qui franchissent le seuil du domicile d’une personne âgée peuvent repérer une situation de fragilité. Il faudrait mieux les identifier, dans une vision plus globale. Je vois au moins trois catégories d’intervenants : les professionnels du soin et de l’aide à domicile, dont les médecins et les infirmiers ; les gardiens d’immeuble ; les facteurs, mais dans le cadre d’une mission de service public et non d’un service marchand. Tout cela implique de poser la question du financement de cette mission de repérage de la fragilité, en associant notamment la conférence des financeurs.

L’amendement est retiré.

Amendement AS412 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Il s’agit de renvoyer à un décret la définition des informations qui pourraient être stockées et partagées par les CCAS et les mairies.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement n’est pas nécessaire dans la mesure où il existe déjà un registre communal dédié au repérage et au suivi des personnes vulnérables.

Mme Béatrice Piron (RE). Les fichiers existants sont déclaratifs : ils ne sont pas exhaustifs. Depuis la crise du covid‑19, les mairies cherchent à élargir ces fichiers. L’amendement vise à diversifier les sources d’information et à mieux stocker les données.

M. Jérôme Guedj (SOC). Un décret sera nécessaire afin d’établir l’organisation de ces fichiers, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Par exemple, pendant la crise du covid‑19, des communes ont utilisé les listes électorales pour faire du repérage de fragilité à partir des dates de naissance. C’était pertinent car elles ont pu aller au-devant des personnes concernées, mais il est nécessaire de sécuriser les modalités du partage de données.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le principe n’est pas de bloquer la collecte d’informations mais de la sécuriser, avec la Cnil, pour éviter des dérives concernant des personnes vulnérables. Je vous propose de travailler à un amendement en ce sens en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination AS712 de Mme Laurence Cristol.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements identiques AS41 de M. Jérôme Guedj et AS122 de M. Thibault Bazin.

M. Jérôme Guedj (SOC). La prévention de l’isolement relève de la prévention de la perte d’autonomie. La santé psychique des personnes âgées, notamment en établissement, doit mobiliser la section soins de l’assurance maladie pour financer des postes de psychologues, d’animateurs, de professionnels de la vie sociale et culturelle. Actuellement, ces postes relèvent du tarif hébergement et sont répercutés sur le prix de journée, donc sur le reste à charge des familles, alors que cela devrait être considéré comme du soin. Cet amendement d’appel vise donc à repenser totalement la tarification des Ehpad en révisant ce qui relève de la section soins, de la section dépendance et de la section hébergement. Un consensus semble se dégager pour fusionner les deux premières, mais cela ne figure pas dans votre proposition de loi.

M. Thibault Bazin (LR). Les modalités de financement du système ne suivent pas les décisions que nous prenons. Alors que le sport s’est développé dans les Ehpad parce qu’il prévient la perte d’autonomie, il ne peut être financé par les crédits de l’assurance maladie. Ces amendements promeuvent une approche globale de la santé, tenant compte à la fois du physique, du mental et du social, en faisant financer les activités de sport des personnes âgées par la section soins.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 11 prévoit la possibilité d’utiliser les forfaits soin et dépendance afin de financer des actions de prévention, ce qui devrait répondre en grande partie à votre objectif. Par ailleurs, vous souhaitez financer des actions de vie sociale et culturelle sans visibilité sur l’étendue des actions concernées.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS358 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Vivre dignement, c’est aussi pouvoir vivre, chez soi ou en établissement, le plus longtemps possible. Cet impératif devrait guider l’ensemble des politiques publiques de soin et d’accompagnement. Pour le groupe Écologiste - NUPES, il devrait d’ailleurs guider un projet de société tout entier.

L’espérance de vie en bonne santé est de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. Le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans fera qu’un homme passera en moyenne seulement quatre mois de sa retraite en pleine santé, contre deux ans actuellement, tandis qu’une femme passera moins de deux ans de sa retraite en pleine santé, contre 3,3 ans actuellement. L’injuste réforme des retraites ayant réduit le temps au repos et en bonne santé de nos concitoyens, faisons au moins de l’espérance de vie en bonne santé un objectif prioritaire de santé publique.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’aimerais savoir d’où vous tirez vos chiffres. Si je partage votre volonté de faire de l’espérance de vie en bonne santé une priorité, votre amendement s’éloigne de l’objet du texte.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS545 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Il s’agit d’informer les personnes vulnérables de la possibilité de bénéficier d’un bilan de désadaptation psychomotrice dressé par des masseurs kinésithérapeutes. Ce bilan, souvent méconnu des médecins généralistes, a toute sa place en matière de prévention. Quelques séances de kinésithérapie seront toujours moins onéreuses qu’une hospitalisation à la suite d’une chute.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Si le code de la santé publique fixe les objectifs des rendez-vous de prévention, il n’est pas envisageable d’y intégrer tous les types de bilans et de suites pouvant être prescrits lors de ces rendez-vous, au risque de ne pas être exhaustif.

Avis défavorable.

Mme Isabelle Valentin (LR). Les chutes sont une des premières causes d’hospitalisation des personnes âgées : il s’agit de faire de la prévention.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est vrai, mais les chutes ne sont pas la cause unique : la dénutrition en est une autre. La prévention est nécessaire mais il n’est pas pertinent d’entrer dans ce niveau de détail.

M. Nicolas Turquois (Dem). Étant surpris par les chiffres énoncés par notre collègue Sébastien Peytavie, je viens de les vérifier. Les chiffres de l’espérance de vie en bonne santé qu’il a rappelés sont ceux calculés à la naissance. Or, en 2021, l’Insee a mesuré cette même espérance de vie à 65 ans : elle est de 12,6 ans pour les femmes et de 11,3 ans pour les hommes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS681 de Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement vise à inclure la détection des fragilités et la prévention de la perte d’autonomie dans le cadre des consultations de prévention instaurées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Si nous appelons de nos vœux la création d’une quatrième consultation de prévention, leur nombre et leur périodicité relèvent du domaine réglementaire et non législatif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait, le code de la santé publique intégrant déjà dans les rendez-vous de prévention « la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie ».

L’amendement est retiré.

Amendement AS682 de Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il paraît important de renforcer l’adhésion des Français aux actions de promotion de la santé comme les bilans périodiques de santé, dont le déploiement reste insuffisant pour produire des effets significatifs. Cet amendement élargit l’information systématique aux assurés de plus de 55 ans.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces bilans de santé sont en effet sous-utilisés. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a toutefois introduit les rendez-vous de prévention aux moments clés de la vie, notamment à 65 ans et lors du passage à la retraite. Des travaux sur les modalités d’organisation, les conditions d’éligibilité et le contenu de ces rendez‑vous sont en cours.

L’amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS547 de Mme Justine Gruet et AS568 de M. Thibault Bazin.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS547 vise à inscrire dans la proposition une nouvelle mission conférée aux Ehpad, celle de former des pôles interconnectés du grand âge dans les départements, au sein des contrats territoriaux de santé.

Si le virage domiciliaire doit disposer de moyens pour se déployer à l’échelon national et si les Ehpad doivent entamer leur mutation pour ne pas demeurer des structures inadaptées, qu’il s’agisse des bâtiments ou de leur état sanitaire, ils sont néanmoins deux piliers permettant la formation de tels pôles dans chaque territoire. Les Ehpad doivent se renouveler car le taux de remplissage avoisine les 90 % : ils doivent faire face à des problèmes de rentabilité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il est important de ne pas imposer des thématiques de santé dans les contrats locaux de santé (CLS) et de laisser aux acteurs de terrain la liberté de contractualiser au plus près des besoins des territoires. L’enjeu est de préserver le caractère souple et modulable du CLS ainsi que sa capacité à répondre aux spécificités des territoires et aux priorités retenues dans les projets régionaux de santé. Par ailleurs, les enjeux de coordination des parcours de santé des personnes âgées et d’articulation entre établissements de santé, Ehpad et domicile sont déjà traités par des dispositifs existants, notamment les centres de ressources territoriaux et les filières gériatriques.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Nos amendements prévoient un volet relatif au grand âge dans les contrats locaux de santé, qui concernent non seulement le territoire mais aussi l’État, les différents échelons partenaires et l’agence régionale de santé (ARS), laquelle s’engage sur certaines modalités et sur des plans d’action spécifiques. Certes, il faut laisser de la liberté aux territoires, mais le grand âge les concernera tous.

Dans les territoires où les réseaux gériatriques regroupant les acteurs – collectivités, professionnels du soin et du domicile – fonctionnaient, le déploiement des dispositifs d’appui à la coordination à l’échelle du département a conduit à réduire la proximité existant sur le périmètre des contrats locaux de santé pour le dépistage, la prévention ou l’accompagnement. On a créé de grosses machines qui ne sont pas pertinentes.

Nous avons besoin d’une nouvelle déclinaison de l’ARS dans les territoires qui ont la chance de disposer d’un contrat local de santé, ce qui n’est pas le cas de tous. L’ARS s’engage ainsi sur des moyens, déployés dans la proximité, afin d’y réussir la prévention.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS323 de M. Sébastien Peytavie, AS680 de Mme Anne Bergantz, amendements identiques AS219 de M. Vincent Descoeur et AS256 de M. Thibault Bazin, amendements AS263 de M. Jérôme Guedj et AS540 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le présent amendement du groupe Écologiste - NUPES a pour objet de mettre en place une loi de programmation pluriannuelle de l’accompagnement à l’autonomie. Si le scandale Orpea a mis en lumière de nombreuses défaillances de l’action sociale, le sujet du soin et de l’accompagnement des personnes âgées en Ehpad, de la dégradation des conditions de travail et de la maltraitance institutionnelle ne date pas de 2022. Dès 2018, un fort mouvement de contestation nationale sur le travail en Ehpad et les conditions d’accompagnement avait vu le jour.

Dans les années qui viennent, la France devra faire face à une révolution démographique. À partir de 2025 et pendant trente ans, elle verra croître fortement le nombre de personnes âgées de 85 ans en perte d’autonomie. Le modèle d’accompagnement de la perte d’autonomie liée à l’âge a largement évolué ces vingt dernières années : le modèle de la maison de retraite a progressivement laissé place à celui de l’Ehpad, notamment du fait de l’évolution des profils accueillis, de plus en plus atteints par des maladies neurodégénératives et nécessitant davantage des soins qu’un accompagnement à la vie sociale.

La promesse d’une loi « grand âge » a pourtant été faite. Les rapports sur les besoins financiers et sur les mesures nécessaires à l’adaptation de l’offre ainsi qu’au choc d’attractivité des métiers se sont succédé, du rapport Libault au rapport El Khomri sur l’attractivité des métiers, en passant par le rapport Vachey.

Si elle va dans le bon sens, la proposition de loi manque d’ambition. La transformation de l’offre médico-sociale ne peut plus attendre pour faire du bien‑vieillir un horizon enviable et envisageable pour tous.

Mme Anne Bergantz (Dem). Les besoins du secteur sont importants et le seront davantage à l’avenir. De nombreux acteurs nous ont interpellés sur l’impérieuse nécessité d’une politique à la hauteur et, surtout, de fixer un cap.

Notre amendement a pour objet de relever les défis en matière de grand âge et d’autonomie, dans une démarche de gestion pluriannuelle assortie d’objectifs clairs permettant d’en mesurer l’efficience – l’augmentation de l’espérance de vie sans incapacité, la diminution du nombre d’hospitalisations et de la mortalité dues aux chutes des personnes âgées de plus de 65 ans, la diminution de la prévalence du diabète, par exemple. Il vise à instaurer une loi d’orientation et de programmation des financements du grand âge. Examinée tous les cinq ans, elle déterminera les priorités d’action de la politique du grand âge et les moyens budgétaires annuels qui lui sont consacrés.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement d’appel AS219 prévoit également une loi de programmation pour le grand âge. D’ici à 2030, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans passera en France de 15 à 20 millions : elles représenteront un tiers de la population et la part des plus de 65 ans dépassera celle des moins de 15 ans.

Avec l’État et la sécurité sociale, les départements participent au financement de l’autonomie. Mais un soutien massif est nécessaire pour alimenter la cinquième branche : le rapport Libault de 2019 l’évalue à 9 milliards d’euros. Il est regrettable que la proposition de loi n’offre pas de réponse financière car les évolutions ne peuvent absolument pas être conduites à moyens constants.

M. Thibault Bazin (LR). Les Républicains ont été nombreux à déposer un amendement d’appel pour obtenir enfin cette loi « grand âge » dont on parle depuis six ans. Par son titre ambitieux, votre proposition donne l’impression de vouloir être une telle loi. Elle en est loin. Certaines de ses dispositions ne sont pas inintéressantes, mais elle a pour principale lacune de faire l’impasse sur les moyens.

Or, nous attendons une loi de moyens. Ce texte n’est pas au rendez-vous. Il faut d’urgence une politique volontariste, qui s’adapte au vieillissement de la population, qui renforce l’attractivité des métiers du secteur, qui remette la personne en perte d’autonomie au centre. Certaines dispositions du texte s’apparentent plus à des solutions technocratiques qui, si elles sont nécessaires, nous éloignent du cœur du sujet.

Il est souhaitable que le Gouvernement comprenne que nous attendons une loi de moyens et présente un projet, un délai et des financements. Nous ne cautionnerons pas une fausse piste.

M. Jérôme Guedj (SOC). Depuis le début, les rapporteures disent avec beaucoup de sincérité que cette proposition de loi n’est qu’une première étape et que chacun appelle de ses vœux une véritable loi « grand âge », je dirai même une loi « panoramique » sur le vieillissement – j’y travaille depuis vingt-cinq ans et j’ai fait des propositions. Par cohérence, elles doivent voter les amendements qui demandent au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Le ministre Jean-Christophe Combe doit présenter au mois de mai sa feuille de route après les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au bien‑vieillir. Il n’est toutefois pas sûr de pouvoir présenter un projet de loi pour concrétiser ces conclusions et il entend s’appuyer sur des propositions de loi et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, cela ne suffit pas à la vision panoramique que j’évoquais. Surtout, il n’a pas le financement nécessaire pour se lancer dans une trajectoire qui corresponde au consensus, c’est-à-dire aux 9 à 10 milliards d’euros que le président Emmanuel Macron avait mis en avant lors du congrès de la Mutualité française à Montpellier, en juin 2018 – ajoutant qu’on « irait chercher » ces moyens. Notre amendement permet de concrétiser le consensus.

En attendant, les calendriers se télescopent : en ce moment même, le ministre Combe participe à l’Assemblée au débat « pour une politique ambitieuse du grand âge » dans le cadre de la semaine de contrôle, à l’initiative de nos collègues du groupe LIOT. Il ne sera avec nous que la semaine prochaine, dans l’hémicycle. On marche sur la tête !

Les amendements remettent de l’ordre : grâce à eux, le législateur, souverain, demande au Gouvernement de lui présenter une véritable loi « grand âge », qu’il pourra amender sans problème de recevabilité et pour laquelle se tiendra un grand débat national. Si tout le monde est d’accord, il faut voter ces amendements.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. Il faut définir une trajectoire des finances publiques pour l’autonomie des personnes âgées et effectuer le virage domiciliaire, avec les financements nécessaires.

Nous discutons aujourd’hui d’un ersatz de loi. Il est indispensable de remettre le résident au cœur des priorités. Nous voulons une politique de prévention de la perte d’autonomie mais le système, par son organisation, nuit à l’autonomie des personnes. Dans les Ehpad, les soignants, pour aller plus vite, sont contraints d’agir à la place des résidents, ce qui n’est pas bon pour leur autonomie. Du fait du virage domiciliaire, les personnes seront admises en Ehpad à un âge plus avancé. Il en résulte un fort besoin de médicalisation et d’un personnel plus nombreux et mieux formé.

Le problème des prescriptions médicales se pose également car nombre de résidents en Ehpad, parfois plus de la moitié, n’ont pas de médecin référent. J’avais proposé que le médecin coordonnateur puisse devenir médecin prescripteur ; mon amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40, ce qui est inacceptable.

J’appelle de mes vœux cette loi de programmation pluriannuelle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces amendements portent sur la mise en place d’une loi de programmation pluriannuelle pour financer la politique de l’autonomie. Le fait de prévoir une loi de programmation pluriannuelle dans une loi n’a pas de portée juridique : le Parlement ne peut se contraindre lui-même. Je comprends cependant votre volonté de disposer d’une vision à long terme de la politique de l’autonomie. Je vous propose de réserver cette question pour la séance publique car il est difficile de ne pas associer le Gouvernement à la réflexion.

Mme Isabelle Valentin (LR). Le problème sur lequel nous butons, c’est que la proposition de loi n’a pas de financement. Ce sont les départements qui sont chargés des solidarités. Or, leurs moyens sont limités. En Haute-Loire, l’application de l’avenant 43 à la convention collective et les mesures issues du Ségur de la santé coûtent déjà 12 millions d’euros, sans dotation supplémentaire. D’ici à 2030, nous aurons 4 000 personnes âgées en perte d’autonomie de plus. Nous ne pouvons pas reculer sans arrêt : nous avons besoin d’une vision à long terme et d’une stratégie. C’est pourquoi la loi de programmation pluriannuelle est essentielle.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’une visibilité tant sur les dépenses à venir que sur les recettes possibles. Cependant, le vote de ces amendements en faveur d’une loi de programmation ne donnera aucune garantie : cela n’oblige personne à présenter une telle loi. Un engagement du ministre au banc sur la planification de l’utilisation des ressources aurait plus de valeur, d’autant qu’à compter du 1er janvier 2024, nous aurons 2,4 milliards d’euros par an supplémentaires.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ces 2,4 milliards d’euros ne suffisent pas. Et ils ne sont pas annuels !

Mme Annie Vidal, rapporteure. Bien sûr que si !

M. Patrick Hetzel (LR). Plusieurs groupes ont présenté ces amendements d’appel car la proposition de loi est une coquille vide. Cela fait six ans que nous attendons la loi « grand âge » promise par le Président de la République. Il est révélateur que, parmi les 700 amendements déposés sur le texte, plus de 200 aient été déclarés irrecevables alors qu’ils portaient sur des questions fondamentales. Une vingtaine de mes amendements sur les Ehpad ont été considérés cavaliers. C’est de l’enfumage : il y a un décalage énorme entre ce que vous dites et ce que vous proposez.

Qui pourrait être contre l’idée de bien‑vieillir en France ? Mais, dès lors que vous ne déployez pas les moyens correspondants, vos propositions n’aboutiront à rien – comme la cinquième branche du Président de la République, elle aussi une coquille vide. Nous souhaitons avancer pour que les promesses faites lors de la campagne présidentielle de 2017 deviennent enfin une réalité.

M. Yannick Neuder (LR). Les sujets importants se télescopent : nous discuterons prochainement de la question de mourir dans la dignité, mais nous avons aussi la volonté de soigner dans la dignité.

Il est inconcevable d’invoquer l’article 40 pour déclarer irrecevables des amendements qui amélioraient la prise en charge médicale des résidents dans les Ehpad. Vous instaurez partout la télémédecine ou l’accès direct à des infirmiers en pratique avancée, mais vous refusez que les médecins coordonnateurs prescrivent, ce qui éviterait pourtant d’encombrer les urgences. De même, les infirmières manquent pour les astreintes de nuit mais certaines sont suspendues pour avoir refusé la vaccination depuis deux ans. Tout cela crée de la maltraitance avec des patients qui restent douze, vingt-quatre, trente-six heures sur des brancards. Je comprends que l’on édicte des règles mais si l’on veut redonner de la confiance aux rares concitoyens qui nous regardent débattre pendant des heures, il faut une solution. Les Français ont l’impression que rien ne s’améliore au quotidien, ni pour les soignants, ni pour les résidents.

Patrick Hetzel l’a dit : tout le monde veut « bien vieillir ». Je ne peux pas croire qu’Annie Vidal, avec son passé, soit dans l’affichage. J’entends ce que vous dites sur les 2,4 milliards d’euros et l’engagement du Gouvernement au banc. Mais nous ne pouvons être suspendus aux conclusions d’un CNR dédié au grand âge pour savoir s’il y aura une loi. Heureusement que l’on n’attend pas l’issue de tous les CNR pour connaître le contenu des politiques publiques !

M. Thibault Bazin (LR). Le débat a le mérite de vous faire part de notre scepticisme concernant la proposition de loi. Il y a un écart entre le titre, l’exposé des motifs, les objectifs affichés, que l’on peut partager, et la réalité des dispositifs du texte. Il y a des lacunes et un manque de moyens. Il faudrait une approche globale du bien‑vieillir, qui traite du logement, de l’environnement, des parcours de vie. Or, les éléments de la proposition de loi, intéressants pour certains, restent parcellaires. Le titre pourrait du moins être modifié afin qu’il corresponde à la réalité de ce qui est proposé. De même, l’exposé des motifs devrait être plus humble.

Nous avons des besoins importants, qui vont s’accroître. Aux difficultés en volume – le nombre de personnes en perte d’autonomie va augmenter – s’ajoutent des défis de qualité. La question de l’attractivité et de la reconnaissance des métiers se pose également. Or, le texte fait l’impasse sur ces enjeux.

Certes, nous soutenons l’octroi d’une carte professionnelle aux acteurs de l’aide à domicile, mais cela ne résume pas la reconnaissance des métiers !

L’article 9, qui supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, peut se justifier par un souci d’harmonisation mais il nous amène à nous interroger sur la solidarité intergénérationnelle. Des grands-parents pourraient considérer que, si leurs petits-enfants ne sont pas tenus de s’occuper d’eux, la réciproque est vraie.

Sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, nous pouvons être ambitieux mais nous devons adopter une approche globale, ce qui n’est pas le cas. Vous devez entendre l’appel que nous lançons car nous risquons de nous retrouver dans une impasse en séance publique.

Mme Caroline Janvier (RE). Nous avons déjà acté que cette proposition de loi n’équivaut pas à un projet de loi « grand âge » et que le besoin de financement s’estime entre 8 et 10 milliards d’euros à l’horizon 2030. Mais dès que nous entrons dans le cœur du sujet pour parler de la façon dont financer ces besoins, personne n’est d’accord.

En 2020, les pistes de financement qu’avait définies Laurent Vachey avaient été accueillies froidement, qu’il s’agisse des prélèvements obligatoires, des financements privés ou des transferts. Chacun refusait de faire contribuer davantage les actifs, les retraités ou les patrons. Peu de voix font des propositions de financement réalistes. On peut certes parler à l’envi de taxer Bernard Arnault ou les transactions financières, comme lors de la réforme des retraites, mais quand on aborde le sujet sérieusement, les solutions ne sont pas si nombreuses. Nous devons pourtant considérer ces questions.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons la possibilité d’envoyer un message clair au ministre sur nos attentes. Une majorité semble se dessiner en ce sens. Ayons le courage de le faire !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’entends les arguments des Républicains et des socialistes. Mais on attend toujours la loi « grand âge » de M. Sarkozy et celle de M. Hollande. Reconnaissez que notre majorité, elle, depuis cinq ans, a avancé et qu’elle continue de le faire ! Bien sûr, ce n’est qu’une proposition de loi, pas un texte du Gouvernement, mais travaillons ! Nous ne faisons pas d’incantation. Travaillons en parlementaires ! Chacun sa responsabilité : ni M. Bazin ni M. Guedj ne sont au Gouvernement, alors travaillons de manière sérieuse à la proposition de loi et voyons ce qui figurera ensuite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous dire que nous ne prenons pas les choses au sérieux est un peu fort. Nous essayons d’entrer dans le cœur du sujet du bien‑vieillir, et la proposition de loi nous en empêche ! Quand parle-t-on du reste à charge pour les familles ou des salaires de la profession ?

Mme Michèle Peyron (RE). On en a parlé au début. C’est une proposition de loi, il n’y a pas les financements !

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Vous êtes vraiment obsédés par l’argent. Si vous aviez voulu parler d’argent, vous auriez fait un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Aujourd’hui, vous affichez des intentions pour faire croire que vous vous préoccupez du bien‑vieillir. Mais vous ne vous en préoccupez pas. Sinon, il y a longtemps que nous aurions abordé ces questions. Nous, nous jouons le jeu !

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur Isaac-Sibille, ces amendements visent évidemment à interpeller le Gouvernement pour mener à bien ce qui n’a été fait ni par lui, ni par les précédents. À l’époque, j’avais bataillé contre François Hollande : la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement était insuffisante, il manquait la seconde étape.

La différence, c’est qu’Emmanuel Macron a annoncé en juin 2018 qu’une loi serait présentée à la fin de l’année 2019 et qu’elle coûterait 9 à 10 milliards d’euros. Sept rapports ont été commandés pour la préparer – les rapports Libault, El Khomri, Vachey, Broussy, Dufeu sur l’âgisme, Piveteau Wolfrom sur l’habitat inclusif, et celui que j’ai rédigé sur l’isolement. Jamais le travail de préparation n’a été aussi important. Au sortir du confinement, dans son discours du 11 mai 2020, le Président de la République a dit qu’il tirait trois enseignements de la crise, en particulier la nécessité d’un « plan massif » pour nos aînés. Brigitte Bourguignon a été nommée pour faire cette loi et certains d’entre nous ont eu un avant-projet dans les mains. Bref, nous n’avons jamais été aussi avancés.

Le Gouvernement procrastine. Mme Janvier a raison : le nerf de la difficulté réside dans le financement. Pour qu’un débat national se tienne et tranche les différentes hypothèses pour trouver ces 9 à 10 milliards d’euros, il faut un cadre qui n’existe pas pour l’instant. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne le permet pas puisque la loi ne relève pas uniquement de la branche autonomie : la prévention, l’adaptation des logements, la mobilité n’entrent pas dans le champ sanitaire et médico-social.

Nous demandons au Gouvernement d’offrir aux parlementaires, mais surtout à la société, la possibilité d’un grand débat, que nos concitoyens appellent de leurs vœux. Par la suite, les parlementaires de la droite, de la gauche et du centre soutiendront telle ou telle solution. Si nous sommes d’accord pour trouver 9 à 10 milliards d’euros, nous les trouverons.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Des mesures ont été prises après le covid‑19 par Brigitte Bourguignon, notamment le virage domiciliaire pour accompagner nos aînés. Ne dites pas qu’il n’y a rien eu ! Je rappelle également les nombreuses missions menées à la suite du scandale Orpea.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Cet amendement est l’un des seuls utiles de la proposition de loi : il élargit un cadre très étroit afin que tout soit enfin débattu. Votre proposition de loi est effectivement très étroite. Elle ne contient pas un mot sur les aidants : plus de 4 millions de personnes qui s’occupent de leurs parents, et pas un mot ! Lorsque nous déposons des amendements à ce sujet, ils sont considérés soit coûteux donc irrecevables, soit cavaliers puisque les aidants ne figurent pas dans le texte. Vous rendez-vous compte du mépris qu’il faut pour rédiger une proposition de loi sur le « bien vieillir » sans mentionner les aidants ? Un plan pluriannuel comme celui que nous demandons permettrait d’aborder ces questions.

Quand j’entends Mme la présidente parler d’un virage domiciliaire au sortir de la crise du covid19, je prends cela pour de l’humour. Interrogez les auxiliaires de vie : leur vie est toujours une galère avec de petits salaires et de sales horaires. Cette réalité ne donne aucune envie de se diriger vers ces métiers. Ceux qui s’en plaignent le plus, ce sont les directeurs et directrices des services, qui n’arrivent pas à recruter. Que contient votre « bidule » pour résoudre cela ? Ce n’est pas une pastille qui permettra d’attirer vers le métier d’auxiliaire de vie !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je signale, puisque vous ne l’avez jamais fait, que la réforme des retraites prévoit la prise en considération du congé de proche aidant.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Sous la précédente législature, nous avions pour objectif une loi sur le grand âge, mais le covid‑19 l’a empêchée. Surtout, nous nous sommes aperçus que si nous voulions non pas nous contenter de traiter des Ehpad mais embrasser l’ensemble de la prise en charge des personnes – l’habitat, l’alimentation, les soins... – nous allions faire exploser le budget. C’est pourquoi nous avons considéré préférable d’avancer progressivement, par des propositions de loi dotées de budgets inférieurs à ce que nous aurions espéré, mais qui permettent d’améliorer les choses.

Nous avons néanmoins revalorisé ces métiers à la suite du Ségur de la santé, apporté des financements à certains établissements, créé des places dans les instituts de formation, ainsi que des postes. Ceux-ci restent en partie vacants. Pourquoi ? En raison de la mauvaise image de l’Ehpad. On n’a cessé de parler d’Orpea, de maltraitance, de métiers « épouvantables ». Comment voulez-vous rendre ces professions attractives ?

Il faut bien à un moment donné se poser la question du financement de la cinquième branche. Son budget ne s’alimentera pas seul ! Faut-il une participation financière des résidents, des familles, des actifs ? La cause n’est pas perdue mais il faut y aller progressivement, en se projetant dans l’avenir.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Au cours de ces cinq dernières années, des mesures ont été prises en faveur des proches aidants. Nous avons créé l’indemnisation du congé de proche aidant, tant attendue. Grâce à Paul Christophe, l’allocation journalière a été portée au niveau du Smic. C’est insuffisant, certes, mais je vous rappelle qu’avant 2017, il n’y avait rien : en pratique, très peu de proches aidants prenaient le congé institué par la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Depuis, leur nombre a fortement augmenté. Nous avons aussi assoupli les conditions de bénéfice du congé.

Nous avons tous envie de cette loi qui engloberait l’ensemble des sujets relatifs au grand âge. Mais nous avons été claires en présentant le présent texte : c’est une proposition de loi au périmètre par définition beaucoup plus restreint. Elle apporte néanmoins immédiatement un certain nombre de réponses pratiques. Nous pouvons débattre des heures de ce qu’aurait pu être le projet de loi souhaité. Mais ce soir, nous devons plutôt nous efforcer d’élaborer un texte utile aux personnes âgées, à leurs familles et aux professionnels, et susceptible de montrer la voie à une réforme de l’autonomie. Celle-ci sera conduite par le ministre au moyen de textes pour partie réglementaires et possiblement, pour partie, législatifs. Ce sera l’occasion de définir une stratégie ambitieuse pour accompagner le vieillissement de la population. Je le regrette mais ce n’est pas l’objet de ce texte, précisément parce qu’il s’agit d’une proposition de loi.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mme Vidal a parfaitement rappelé le contexte. Cette proposition de loi n’ambitionne que d’être une première pierre pour bâtir la société du bien‑vieillir. Il est évident que ce n’est pas par amendement que l’on peut instituer une loi de programmation pluriannuelle. Même si l’un des amendements en discussion commune était adopté, il n’aurait aucune portée juridique. En revanche, il est tout à fait possible d’interpeller le Gouvernement en séance publique. Nous avons tous envie d’avancer mais je ne pense pas que ce soit le cadre adéquat pour prendre une telle décision.

L’amendement AS680 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement AS570 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Parlons d’argent, monsieur Monnet ! L’automne dernier, en séance publique, nous n’avons pas pu examiner le moindre article de la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux recettes. Le débat annuel sur les moyens, nous ne l’avons pas eu. Or, l’article 40 limite considérablement le champ des amendements que nous pouvons déposer sur le présent texte.

Sur un tel sujet, la représentation nationale peut-elle se contenter d’une proposition de loi de quatorze articles ? Non, et c’est pourquoi nous proposons des amendements portant article additionnel. En l’occurrence, il s’agit de demander au Gouvernement un rapport en vue de lancer une expérimentation, dont les modalités pratiques seront à déterminer par décret, visant à créer des pôles interconnectés du grand âge dans certains départements et à l’évaluer au bout d’un an. Dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale, il avait été prévu de confier expérimentalement aux Ehpad une mission de centre de ressources. Cela n’a débouché sur rien. Pourtant, les compétences existent ; un tel dispositif fluidifierait et faciliterait les parcours.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable : il existe déjà des dispositifs, tels que les filières gériatriques ou les centres de ressources territoriaux, ayant pour mission de coordonner le lien entre établissement et domicile et, plus largement, l’offre médico-sociale sur le territoire.

M. Thibault Bazin (LR). L’ordre du jour de la semaine prochaine est fixé par le Gouvernement. Rien n’empêchait ce dernier de soumettre à notre examen un projet de loi comprenant des moyens plutôt que cette proposition de loi. Quant aux centres de ressources territoriaux, certes nous avons ouvert en 2022 la possibilité pour les Ehpad d’en être un, mais combien le sont devenus ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est une disposition très récente. Attendons les résultats des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) sur le sujet pour vous répondre !

La commission rejette l’amendement.

Article 2 bis (nouveau) : Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi

Amendement AS442 de M. Yannick Monnet et amendements identiques AS67 de M. Yannick Neuder et AS129 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mme la rapporteure Vidal a fini par reconnaître que cette proposition de loi n’était pas à la hauteur des enjeux : c’est déjà ça !

L’article 2 prévoit que les services sociaux et sanitaires pourront proposer aux personnes âgées et en situation de handicap des actions de lutte contre l’isolement social. Nous demandons un rapport d’évaluation de ces actions afin de les améliorer.

M. Yannick Neuder (LR). L’article 2 vise à repérer les personnes âgées ou handicapées isolées. Cela semble une bonne idée, notamment durant les périodes de canicule. Mais comment va-t-on faire si l’on n’utilise pas les fichiers municipaux existants : fichier du CCAS, liste électorale, abonnés de l’eau ? D’où cette demande de rapport. Il n’y a aucun piège : il s’agit de voir ce qu’on entend par isolement et d’évaluer, après dix-huit mois, si cela vaut le coup d’investir dans de telles actions. De même, il eût été souhaitable de répondre par la sagesse à l’amendement de Mme Corneloup : cela aurait prouvé que vous aviez envie que nous travaillions ensemble. Si vous rejetez même ce type d’amendements, qui ne coûtent rien, je ne sais pas trop ce que nous allons pouvoir construire ensemble.

M. Thibault Bazin (LR). J’aime les demandes de rapport parce qu’elles permettent d’exiger des comptes du Gouvernement. Prenez les annonces relatives à la loi « grand âge » ou même certaines dispositions que nous avons adoptées dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale : aucune suite n’y a été donnée.

Mme Dubré-Chirat dit qu’il vaut mieux procéder par petits pas : dont acte, mais assurons-nous qu’ils sont réellement faits ! Nous demandons que le Gouvernement nous dise clairement où il en est des actions de lutte contre l’isolement social, quels en sont les résultats et quel est le profil des publics accompagnés. Forts de ce rapport, nous pourrons envisager le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale – sous réserve que nous puissions en discuter, y compris la partie relative aux recettes, avant qu’il soit fait usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution...

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous ne considérons pas que vous nous tendez des pièges, au contraire. Nous vous remercions d’apporter votre pierre à l’édifice.

Concernant les fichiers, notre préoccupation est de respecter les libertés individuelles. Une intrusion peut être mal vécue, surtout par des personnes, par définition, vulnérables et fragiles. En outre, il faut être vigilant quant à l’utilisation potentielle de ces fichiers par certains acteurs. Si nous sommes opposés à vos amendements, ce n’est pas par principe. C’est que la prudence est de mise et le mieux parfois l’ennemi du bien.

La remise d’un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’article 2 est un objectif difficile à atteindre dans la mesure où les actions de lutte contre l’isolement social, dans le respect des libertés, seront complexes à mener, à l’échelon communal comme intercommunal, et feront intervenir une multiplicité d’acteurs. Je n’y suis pas opposée parce qu’il me semble légitime de demander un tel rapport, mais j’appelle votre attention sur les difficultés que l’on risque de rencontrer.

Avis défavorable sur l’amendement AS442 et favorable sur les amendements AS67 et AS129.

M. Yannick Neuder (LR). Dans l’exposé des motifs, vous affirmez que l’article 2 permettra « aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données facilitant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap qui sont isolées et donc les prises de contacts utiles ». J’y suis favorable mais, concrètement, comment cela va-t-il se passer ? Comment allez-vous faire, vu les réponses apportées à propos des fichiers, pour rendre ces dispositions effectives ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article me semble clair et il sera complété par une mission d’expertise de la Cnil. Je pense que, lors de l’examen du texte en séance publique, grâce d’ailleurs aux amendements que vous avez déposés, nous disposerons d’une meilleure visibilité concernant les actions menées pour dépister l’isolement.

La commission rejette l’amendement AS442.

Puis elle adopte les amendements identiques et l’article 2 bis est ainsi rédigé.

Article 2 ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la trajectoire financière de la branche autonomie

Amendement AS189 de M. Yannick Neuder.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Quel bricolage ! On pouvait imaginer que, comme bien vieillir réclame des moyens, on allait discuter des financements, voire passer par le projet de loi de financement de la sécurité sociale – mais la porte a été fermée. On espérait un projet de loi « grand âge » ; on a à la place une proposition de loi du groupe Renaissance. Nous sommes ici en train de discuter de peccadilles alors que, dans le même temps, le ministre Combe intervient en salle Lamartine sur la politique du grand âge. C’est surréaliste ! Nous devrions suspendre la réunion et aller interpeller le Gouvernement sur le projet de loi « grand âge » qu’il promet depuis des années.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La réunion en salle Lamartine résulte d’une demande du groupe LIOT. Le ministre sera au banc la semaine prochaine pour répondre à vos questions.

M. Thibault Bazin (LR). Puisque le ministre est dans nos murs, ne pourrait-il pas, à la fin de la séance publique, traverser la rue pour nous rejoindre ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Il serait bon d’établir une distinction entre le recensement des personnes isolées effectué durant les périodes de canicule par les communes et la communication des informations récoltées, qui regarde la Cnil. Il faudrait que le rapport en tienne compte.

M. Yannick Neuder (LR). Tout ce que je demande, à travers ce rapport, c’est savoir comment l’article 2, qui part d’un bon sentiment, s’appliquera et comment on dépistera les personnes isolées, âgées ou handicapées. Les élus locaux recourent habituellement aux CCAS : c’est ainsi que l’on a procédé durant les canicules pour mettre les personnes concernées au frais et les faire boire. S’il existe une autre méthode, j’aimerais la connaître. Et si j’obtiens une réponse à cette question, je retirerai mon amendement quand bien même il aurait reçu un avis favorable.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Les fichiers à disposition des collectivités ont été constitués de différentes manières. Si l’on y fait référence dans la loi, cela obligera les collectivités à transmettre les informations aux acteurs sociaux qui en ont besoin, ce qui impliquera des partages de données. C’est pourquoi nous allons demander à la Cnil une expertise pour la semaine prochaine.

Une évaluation des dispositions retenues sera tout à fait bienvenue. Le temps que les décrets d’application soient publiés et qu’on ait un peu de recul, elle ne pourra intervenir avant dix-huit mois. Cela pourra se faire par le biais de notre instance permanente, la Mecss, ou dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il existe de nombreux fichiers susceptibles d’être croisés, notamment ceux des organismes sociaux : ceux des caisses nationales d’assurance maladie, d’assurance vieillesse, de santé au travail, d’allocations familiales, qui recensent qui est en affection de longue durée, qui n’a pas de médecin traitant, qui perçoit l’APA... En croisant ces données administratives, on peut repérer les personnes fragiles et ce sont ces données qui pourraient être communiquées aux organismes qui jouent un rôle de proximité, notamment aux mairies. La question est de savoir si c’est possible.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le débat est intéressant mais n’aurait-il pas dérivé ? Nous sommes censés examiner une demande de rapport sur la trajectoire financière de la branche autonomie !

La commission adopte l’amendement et l’article 2 ter est ainsi rédigé.

TITRE II
PROMOUVOIR LA BIENTRAITANCE EN LUTTANT CONTRE LES MALTRAITANCES DES PERSONNES EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ ET GARANTIR LEURS DROITS FONDAMENTAUX

Amendement AS719 de Mme Annie Vidal, amendements identiques AS68 de M. Yannick Neuder et AS444 de M. Yannick Monnet, amendement AS549 de Mme Justine Gruet (discussion commune).

Mme Annie Vidal, rapporteure. Compte tenu des auditions menées, il me semble préférable que le titre II s’intitule ainsi : « Promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux ». Cette rédaction satisfera plusieurs autres amendements allant dans le même sens.

Mme Isabelle Valentin. L’amendement AS549 est défendu.

La commission adopte l’amendement AS719. En conséquence, l’intitulé du titre II est ainsi modifié et les amendements AS68, AS444 et AS549 tombent.

Amendement AS530 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). On utilise beaucoup le terme de « maltraitance ». Il serait bon de parler des établissements de manière plus positive et attractive. Je propose donc de remplacer les mots « luttant contre les maltraitances » par les mots « respectant le bien-être physique, mental et social », ce qui correspond à la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il peut en effet être indélicat, voire tabou de parler de maltraitance. Toutefois, celle-ci répond à une définition précise, qui diffère du non-respect du bien-être physique, mental et social. Notre objectif est de promouvoir la bientraitance. C’est un long processus qui débute nécessairement par la lutte contre les maltraitances.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Amélioration de la lutte contre la maltraitance par le renforcement du droit de visite et du lien familial

Amendement AS531 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Cet amendement a le même objet que le précédent : remplacer les mots « lutte contre les maltraitances » par « vérification de la bientraitance ».

Mme Annie Vidal, rapporteure. La maltraitance est définie à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles. Cette définition, établie par la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance grâce à une méthode solide, fait consensus. Il semble plus opportun de lutter contre les maltraitances sur cette base que de « vérifier la bientraitance » selon des critères difficiles à établir. Je le répète : notre politique publique consiste à promouvoir la bientraitance en luttant fermement contre les maltraitances.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS69 de M. Yannick Neuder, AS130 de M. Thibault Bazin, AS445 de M. Pierre Dharréville et AS648 de Mme Servane Hugues.

M. Yannick Neuder (LR). Je ne voudrais pas que nous passions trop de temps à discuter sémantique : que le texte vise à favoriser la bientraitance ou à lutter contre la maltraitance, le plus important est d’identifier, outre les personnes âgées handicapées et isolées, celles qui sont maltraitées, à leur domicile ou dans un établissement. La maltraitance à domicile, en particulier, est l’un des angles morts des dispositifs. Il est difficile pour les conseils départementaux d’effectuer des visites à cette fin. Il faut aussi organiser le contrôle en établissement, en liaison avec la Haute Autorité de santé. Les amendements ont pour objet de nous doter d’indicateurs efficaces.

Mme Servane Hugues (RE). Les amendements précisent que la notion de maltraitance retenue est bien celle issue de l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles, consacrée par la « loi Taquet » du 7 février 2022 et qui est largement fondée sur les travaux de la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, créée en 2018. La maltraitance est ainsi « un geste, une parole, une action ou un défaut d’action » visant une personne vulnérable et portant « atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé ». Dans ces cas, la maltraitance est caractérisée, qu’elle soit ponctuelle ou durable, intentionnelle ou involontaire, individuelle ou collective. Cette définition prend en compte plusieurs formes de violence et de négligence, de façon à couvrir autant de situations que possible. En y faisant référence, notre objectif est de sécuriser juridiquement le dispositif.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je remercie tous les collègues qui ont relevé cette absence de référence à une définition à laquelle je suis très attachée. Avis favorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage l’objectif mais la rédaction qui résulterait de l’adoption de l’amendement ne serait pas très cohérente.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous procéderons à un ajustement en séance publique à travers un amendement rédactionnel. Le texte définitif sera le suivant : « telles que définies à l’article L. 119-1 ».

M. Thibault Bazin (LR). Ne pourrions-nous pas rectifier les amendements dès à présent, si tout le monde en est d’accord ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Tous les auteurs en étant d’accord, les amendements sont ainsi rectifiés.

La commission adopte les amendements tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

Amendement AS359 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Selon l’association Les Petits Frères des Pauvres, 300 000 personnes âgées de plus de 60 ans seraient en situation de mort sociale, c’est‑à‑dire qu’elles ne rencontrent quasiment jamais personne. Pour y remédier, l’amendement ajoute les mots : « les situations d’isolement ».

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’isolement des personnes âgées, notamment dépendantes, est une question centrale. Certes, les pouvoirs publics et les associations mènent déjà de nombreuses actions. Mais nous devons continuer à renforcer les dispositifs. À cet égard, l’inscription de la lutte contre les situations d’isolement dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale pourra être très utile.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS519 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je défendrai dans quelques instants un amendement sur cette partie du texte qui devrait améliorer la rédaction. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS720 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je propose là une rédaction plus cohérente au regard du droit en vigueur. Le droit de visite figure déjà de manière très claire dans la charte des droits et libertés de la personne accueillie. Toutefois, depuis le début de la pandémie de covid-19, les familles et les résidents se voient parfois opposer par les établissements que des contacts téléphoniques ou en visioconférence suffisent à assurer le respect du droit à la vie privée. Il faut donc faire figurer le droit de visite des proches dans un texte de niveau législatif. Afin de sécuriser ce dispositif, l’amendement a pour objet d’intégrer le respect de la vie familiale – et pas seulement celui de la vie privée – et de mentionner expressément la visite des proches et le maintien d’un lien social.

Il s’agit également d’assurer une bonne coordination avec les articles du code de l’action sociale et des familles permettant l’application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, les amendements AS451 de M. Pierre Dharréville, AS706 de Mme Josiane Corneloup, AS492 de M. Laurent Panifous, AS361 de M. Sébastien Peytavie, AS707 de M. Pierre Dharréville ainsi que les amendements identiques AS446 de M. Yannick Monnet et AS487 de M. Laurent Panifous tombent.

Amendement AS615 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement affirme dans la loi le droit individuel des personnes prises en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux à être informées, ainsi que leur famille, de leurs droits et des recours possibles en cas de maltraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le droit à l’information sur les recours possibles en cas de maltraitance est fondamental. Or, ces derniers ne sont pas assez connus – je pense notamment au numéro d’appel dédié, le 3977. C’est tout l’objet de l’article 4, qui crée une instance chargée du recueil des signalements. Toutefois, l’inscription de ce droit dans le texte n’aurait aucune portée normative et ne changerait rien aux difficultés de communication sur le sujet. Cela dit, il est nécessaire que le Gouvernement s’engage, en séance publique, à mener des campagnes d’information pour faire connaître les circuits d’alerte. Je propose donc que vous retiriez l’amendement pour le présenter à nouveau la semaine prochaine.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne comprends pas pourquoi l’amendement AS451 est tombé. Il créait un droit de visite quotidien, de manière à éviter toute restriction. Il s’agissait d’un amendement de précision, en quelque sorte.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il est tombé car il se rapportait à un alinéa que l’amendement AS720 a réécrit. Quoi qu’il en soit, j’y aurais été défavorable car il n’est pas possible d’inscrire dans la loi un droit de visite quotidien : du moment qu’un droit de visite est accordé à un proche, les visites peuvent être quotidiennes, hebdomadaires ou tout ce qu’on veut.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’en profite pour indiquer que l’amendement AS361, tombé lui aussi, avait pour objet de préciser que les visites pouvaient avoir lieu « sous réserve que la personne ne s’y oppose pas ». Certaines familles sont toxiques : le résident doit pouvoir refuser des visites.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS706 avait un objet voisin. Si une personne âgée placée dans un établissement est considérée comme chez elle, elle doit pouvoir s’opposer aux visites qu’elle ne souhaite pas. Ce point a-t-il été pris en compte dans l’amendement AS720 ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous réaffirmons simplement dans la loi le droit à recevoir la visite d’un proche. Un droit s’utilise, ou pas : le droit de recevoir une visite suppose de manière implicite celui de ne pas en recevoir. C’est un droit, pas une obligation.

Mme Caroline Colombier (RN). Je ne comprends pas pourquoi il serait impossible de préciser dans la loi qu’un membre de la famille a un droit de visite « quotidien » – que ce droit soit utilisé ou pas.

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement AS431, que je défendrai un peu plus loin, ressemble à ce que proposent nos collègues : il s’agit de permettre aux familles, à travers le conseil de la vie sociale, de définir quantitativement les visites, avec la direction de l’établissement. En raison d’un manque de personnel, certains établissements interdisent les visites en fin de semaine ou les limitent à certains créneaux horaires. On pourrait même imaginer qu’un établissement décide d’autoriser les visites uniquement le lundi entre quinze heures et seize heures ! Il pourrait arguer du fait qu’il accorde ainsi un droit de visite, mais celui-ci serait si limité que les familles ne pourraient pas l’exercer en pratique.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’entends, madame la rapporteure, que le droit du résident de ne pas recevoir de visite existe. Mais d’un autre côté, les visiteurs pourraient se prévaloir du fait qu’ils ont le droit de venir pour s’imposer. Il est donc important de préciser que le résident a le droit de s’y opposer.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La Défenseure des droits a recensé de nombreuses limitations aux visites dans les établissements. Parmi ses recommandations, figurait ainsi l’inscription dans la loi d’un droit de visite quotidien du résident par ses proches. C’est donc que c’est possible. Ou alors, la Défenseure des droits ne connaît pas le droit...

M. Freddy Sertin (RE). La rédaction de la proposition de loi prévoit un droit de portée absolue. Adopter des précisions, comme le proposent nos collègues Neuder et Piron, conduit mécaniquement à réduire sa portée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je confirme ce que vient de dire M. Sertin. Par ailleurs, ce droit est ouvert au résident, pas à ses proches. Le résident peut utiliser ce droit, mais tout aussi bien décider de ne pas accepter la visite. Il n’a pas d’obligation. Si l’on vous accorde le droit d’aller à la piscine, il n’est pas nécessaire de préciser que ce droit est valable tous les jours : vous avez le droit d’y aller, tout simplement.

M. Thibault Bazin (LR). D’ici à la séance publique, il serait bon de clarifier les choses. Je comprends bien le concept : le résident a la liberté de recevoir ou pas. Mais dans la pratique, ce n’est pas si facile. Les résidents peuvent subir des visites non désirées quand quelqu’un arrive à l’improviste. Certes, l’établissement est considéré comme le domicile des résidents. Mais il n’y a pas de sonnette à l’entrée d’une chambre d’Ehpad.

Lors de l’épidémie de covid‑19, certains résidents auraient aimé avoir des visites mais ils n’y ont pas eu droit. Ici, il s’agit de faire en sorte que les résidents puissent au quotidien dire qu’ils ne souhaitent pas recevoir une visite, et que les chambres d’Ehpad soient considérées de véritables domiciles. Cela pourrait se faire par le biais du règlement intérieur, par ailleurs nécessaire : comme pour tout habitat partagé, il faut des règles de vie collective. Quoi qu’il en soit, il faut repenser notre modèle pour permettre l’exercice de la liberté individuelle dans les Ehpad.

Mme Maud Petit (Dem). Les amendements de nos collègues, notamment celui qui visait à autoriser des visites quotidiennes, s’adressaient davantage aux établissements qu’aux résidents : il s’agissait de faire en sorte que les établissements ouvrent leurs portes chaque jour.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition de loi tient compte des enseignements de la crise sanitaire : elle proclame le droit au respect de la vie privée et familiale, laquelle inclut les visites de proches. Nous réaffirmons solennellement, en inscrivant ce principe dans la loi, que c’est l’un des droits fondamentaux de la personne, et qu’il appartient aux établissements de le respecter.

Dans la pratique, les horaires de visite sont toujours encadrés. Mais ils ne doivent pas être trop restrictifs : le texte permettra à un proche ou au conseil de la vie sociale (CVS) d’indiquer à un directeur d’établissement trop strict qu’il doit respecter le droit des résidents de recevoir des visites.

L’amendement AS615 est retiré.

Amendement AS721 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’alinéa 7 entraîne une confusion entre la mission de la personne chargée d’une mesure de protection et celle de la personne de confiance, laquelle n’exerce pas de fonction d’assistance et de représentation. Le fait de prévoir l’intervention d’un proche dans le cas où la personne accueillie ne bénéficie pas d’une mesure de protection et n’a pas désigné de personne de confiance peut également être source de difficultés : si le résident n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, comment vérifier que l’intervention de ce proche correspond à ses souhaits ? En outre, si plusieurs proches demandent à protéger les droits de la personne accueillie, cela pourrait conduire à un blocage en cas de désaccord entre eux.

Il semble donc important, dans l’intérêt des personnes vulnérables, de supprimer cet alinéa. La rédaction est susceptible de fragiliser leurs droits en entraînant une confusion entre les rôles des différents intervenants.

M. Nicolas Turquois (Dem). Quand une personne se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, certains de ses proches peuvent quand même savoir ce qui est bon pour elle : toutes les familles ne sont pas dysfonctionnelles... Or, en supprimant l’alinéa 7, on laisse la main à la direction de l’établissement. Celle-ci pourra décider que la personne n’a plus le droit de recevoir des visites sous prétexte qu’elle n’est plus en mesure d’en exprimer le souhait. Si je comprends la difficulté que vous soulevez, je m’interroge sur l’opportunité de supprimer purement et simplement cet alinéa.

M. Thibault Bazin (LR). L’alerte de M. Turquois mérite d’être prise en compte. Il faut sans cesse essayer de recueillir le consentement et l’avis de la personne, y compris quand elle n’est pas en mesure de les donner. On ne saurait se contenter de substituts. La question est profonde et difficile, surtout dans un contexte de réflexion sur la légalisation programmée du suicide assisté, alors qu’on ne sait pas ce qu’il adviendra pour les personnes qui ne sont pas en mesure de donner leur avis.

Il est vrai que la proposition de loi n’a pas vocation à répondre à toutes les situations. J’ai compris, en particulier, que vous ne souhaitiez pas aborder le champ du handicap. Quoi qu’il en soit, s’agissant des visites, il faut rechercher le consentement des personnes vulnérables. Je ne dis pas que c’est simple mais nous devons en discuter.

M. Yannick Neuder (LR). L’actualité nous rend sensibles à la notion de personne de confiance. La population a du mal à s’approprier cette notion, de même que les directives anticipées, et c’est particulièrement le cas dans les établissements médico-sociaux et les Ehpad.

Madame Vidal, votre amendement a le mérite d’éviter un problème : j’entends ce que vous dites à propos des difficultés que pourraient rencontrer la direction et l’équipe soignante si, en l’absence d’une personne de confiance clairement désignée, plusieurs enfants par exemple entendaient jouer ce rôle. Cependant, son adoption créera un vide. Nous ne le comblerons pas ce soir mais nous devrons nous y atteler.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Si je comprends l’objectif poursuivi, j’approuve les remarques de M. Turquois. La suppression de l’alinéa risque d’entraîner plus de problèmes qu’elle n’en évitera. Dans certains établissements, une majorité des résidents a du mal à exprimer ses volontés. Par ailleurs, désigner un proche est une manière de maintenir un lien.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Du point de vue sémantique, la « personne de confiance » est déjà difficile à définir pour les gens dans le cadre de la fin de vie. Il vaudrait mieux parler de « personne-ressource » ou de « personne référente », ce qui éviterait toute confusion.

Mme Caroline Colombier (RN). Une personne dont je suis proche, à qui je rends visite régulièrement, est placée sous tutelle. Elle refuse de parler au téléphone avec la personne exerçant la tutelle en disant que celle-ci ne vient jamais la voir et ne s’occupe pas d’elle. Je suis donc considérée, y compris par l’Ehpad, « personne de confiance ». Il serait bon d’écrire ce genre de choses quelque part pour que l’établissement en soit informé dès l’arrivée de la personne âgée. Il est dommage pour les patients que l’on supprime d’un coup cette disposition.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faudrait faire en sorte que la personne de confiance soit bien identifiée par l’établissement. Dans l’Ehpad de ma commune, on peut voir des personnes qui ont perdu l’usage de la parole mais dont le plaisir de recevoir leurs enfants ou leurs petits-enfants est manifeste. Or, il y a eu certaines complications avec la directrice de l’établissement. Il ne faudrait pas que la perte de la capacité à s’exprimer serve de prétexte pour restreindre les visites. Si une personne a été préalablement désignée, je ne vois pas pourquoi il y aurait un changement.

M. Yannick Neuder (LR). Attention : on est en train de confondre la « personne-ressource », ou « référente », qui peut aller faire des courses et rendre de nombreux services à un résident, et la personne de confiance, laquelle est chargée de l’exécution des directives anticipées. Il faut une personne de confiance pour que les directives anticipées soient exécutées et que le consentement libre et éclairé du résident soit respecté ; cela n’a rien à voir avec la personne-ressource qui l’aide au quotidien. N’utilisons pas un terme pour un autre alors que nous nous apprêtons à revoir la « loi Claeys‑Leonetti » !

Mme Annie Vidal, rapporteure. Tout d’abord, dans le cadre des trois articles de ce titre relatif à la promotion de la bientraitance et à la lutte contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, il est question des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Ensuite, l’alinéa 7 de l’article 3 est relatif non pas au droit de visite mais à la représentation et à l’assistance des personnes se trouvant dans l’impossibilité de s’exprimer. En mentionnant à la fois la personne de confiance, le tuteur ou curateur et « un proche », il complique les choses et mélange les rôles des uns et des autres, ce qui conduirait immanquablement à des blocages.

Par ailleurs, en ce qui concerne la personne de confiance, nous examinerons plus loin un amendement précisant son rôle, ses missions et les cas où elle peut intervenir. Il est extrêmement important de le faire car elle n’intervient pas seulement à propos d’euthanasie ou de suicide assisté : son rôle auprès des personnes fragiles est beaucoup plus large.

Nous préciserons aussi, à l’article 5, le rôle des mandataires pour les majeurs protégés. Après l’article 5, je vous proposerai des amendements modifiant le régime des tutelles, curatelles, habilitations familiales et mandats de protection future. Cet ensemble de dispositions sécurisera les personnes s’exprimant à la place de majeurs protégés ou les assistant en cas de besoin.

Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer l’alinéa 7, qui risque d’apporter plus de confusion que d’aide.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous faisiez état d’une confusion possible, madame la rapporteure. Parmi les éléments susceptibles de l’entretenir figure la fin de l’alinéa : « ou, à défaut, par un proche ». Ces mots ouvrent des possibilités extrêmement larges, qui peuvent s’éloigner des volontés de la personne. Un établissement pourrait ainsi choisir la personne qui lui convient le mieux. Il faudra être attentif à cette dimension en cas de réécriture du dispositif.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, si vous envisagez une nouvelle rédaction pour la séance publique, pourriez-vous nous communiquer le texte au plus vite ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je ne proposerai pas de réécriture : après la suppression de cet alinéa, des amendements viendront préciser le rôle de la personne de confiance.

M. Yannick Neuder (LR). En 1998, le Comité consultatif national d’éthique a assigné un double rôle à la personne de confiance. Le premier consiste à accompagner le patient dans ses démarches de santé. Le second est lié aux directives anticipées. Il faut que le terme de « personne de confiance » conserve un lien avec les directives anticipées et que l’on trouve un terme plus adéquat pour tout ce qui concerne l’accompagnement du patient dans ses démarches quotidiennes, qu’elles concernent ou non la santé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS447 de M. Pierre Dharréville, les amendements identiques AS70 de M. Yannick Neuder, AS92 de Mme Alexandra Martin, AS131 de M. Thibault Bazin, AS147 de M. Jérôme Guedj, AS236 de Mme Émilie Bonnivard, AS450 de M. Yannick Monnet, AS521 de Mme Josiane Corneloup et AS649 de Mme Servane Hugues, les amendements AS683 de Mme Anne Bergantz, AS362 de M. Sébastien Peytavie et AS567 de Mme Christelle D’Intorni tombent.

Amendement AS365 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement propose que la personne de confiance puisse également se voir remettre les documents obligatoires mentionnés à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles, dont la charte des droits et libertés de la personne accueillie – notamment dans le cas où la personne majeure accueillie se trouverait dans l’incapacité totale ou partielle de s’exprimer, sans nécessairement faire l’objet d’une mesure de protection juridique.

Bien qu’il soit proposé à toute personne accueillie dans un établissement ou un service social ou médico-social de désigner une personne de confiance, il est possible que cette dernière ait déjà été désignée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique. Dans ce cas, la personne de confiance pourra recevoir la charte des droits et libertés de la personne accueillie, ainsi que le règlement de fonctionnement de l’établissement. L’amendement permet de garantir les droits mentionnés à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles et de prévenir les risques de maltraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cet amendement intéressant renforce le rôle indispensable de la personne de confiance. Il est nécessaire qu’elle ait connaissance de l’ensemble des droits et libertés dont bénéficie la personne accueillie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS449 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement s’inspire d’une recommandation formulée par la Défenseure des droits dans le cadre de son rapport « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », publié en 2021. Le code de l’action sociale et des familles prévoit que l’entretien d’admission dans un établissement social ou médico-social se déroule hors de la présence de toute autre personne que la personne accueillie, sauf si cette dernière réclame la présence d’une personne de confiance. L’amendement prévoit que cette dernière est d’emblée invitée, sauf si la personne accueillie ne le souhaite pas.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je suis d’accord.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS454 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement, issu de propositions de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD‑PA), vise à garantir dans le contrat de séjour la liberté d’aller et venir du résident. Comme la Défenseure des droits, l’AD‑PA constate que cette liberté est souvent entravée sans que cela soit justifié par des motifs liés à la nécessité d’assurer la sécurité du résident.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le contrat de séjour fixe les conditions du séjour dans l’établissement et les droits et obligations des parties. Ce contrat n’a pas pour objet de rappeler des droits qui existent par ailleurs : cela ne leur donnerait pas davantage de portée. La liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale. L’amendement est redondant et inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS659 de M. Freddy Sertin et sous-amendement AS741 rectifié de Mme Annie Vidal.

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement apporte des précisions à l’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles en ce qui concerne la désignation et le rôle de la personne de confiance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le sous-amendement apporte des précisions rédactionnelles.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS389 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). L’amendement reprend le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 12 octobre 2021. Le refus de visite doit être encadré par la loi et demeurer l’exception. Il ne faut pas que se reproduisent les drames connus pendant la crise sanitaire, durant laquelle certains résidents se sont laissé mourir.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’appréciation de la périodicité du droit de visite des proches relève bien entendu des droits inhérents à la personne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS431 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Cet amendement porte sur le droit de visite, déjà longuement évoqué. Il s’agit de prévoir que le conseil de la vie sociale soit consulté avant une modification du règlement intérieur portant sur les horaires de visite.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cet amendement est redondant. Nous avons prévu un droit général de visite à l’article 3. Les CVS émettent déjà un avis et des propositions sur les questions de fonctionnement de l’établissement. Il leur appartiendra de se saisir du nouveau droit affirmé avec force dans ce texte.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS443 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement prévoit que la personne de confiance participe à l’élaboration des règles en matière de sorties non accompagnées. Le plus souvent, ces règles sont définies par la direction de l’établissement ou par le médecin, de façon parfois arbitraire. Or, les restrictions affectent les habitudes des résidents et nuisent aux relations sociales.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La personne de confiance n’a pas pour rôle d’interférer dans les décisions médicales ou sociales prises au sujet des personnes accueillies en établissement et service social et médico-social (ESSMS). Or, votre amendement lui permet de déterminer les conditions d’accueil.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS455 de M. Yannick Monnet et AS557 de Mme Justine Gruet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement, issu des propositions de la Mutualité française, vise à rendre obligatoire une formation à la promotion de la bientraitance pour les professionnels des ESSMS. Ces formations existent déjà de façon facultative.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’article 3 vise à promouvoir la bientraitance, lutter contre les maltraitances envers les personnes vulnérables et renforcer les droits des personnes en perte d’autonomie. Il s’attache également à la prévention. Dans ce cadre, il est important d’aller plus loin dans l’accompagnement des professionnels. L’amendement propose de rendre obligatoire une formation à la promotion de la bientraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La formation à la bientraitance doit être renforcée. L’article 22 de la loi du 7 février 2022 prévoit déjà que les ESSMS doivent préciser leur politique de lutte contre la maltraitance. Un décret est en cours de rédaction. Je vous propose de retirer vos amendements et de les représenter en séance publique afin que le ministre précise le contenu du décret et sa date de parution.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS448 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à garantir au patient un droit de visite de ses proches qui soit par défaut quotidien, afin que toute restriction de ce droit demeure une exception justifiée par un motif médical ou par le refus du patient.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Outre tout ce dont nous avons déjà parlé, la rédaction de l’amendement laisse penser que c’est le droit qui serait quotidien, et non la visite.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS612 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Cet amendement précise que le droit de visite est respecté en toutes circonstances, sous réserve que les conditions sanitaires fixées par l’établissement soient observées.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Votre amendement fait évidemment écho à la crise sanitaire que nous avons traversée et qui a durement touché les ESSMS, en privant notamment les résidents en Ehpad de visites pendant de longues semaines. Les droits s’évaluent bien évidemment en fonction des situations particulières. Toutefois, il n’est pas nécessaire de préciser que des conditions spécifiques pourraient limiter le droit de visite, puisque nous voulons au contraire le consacrer dans ce texte.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS386 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à garantir aux proches le droit de visiter les personnes en fin de vie ou dont l’état requiert des soins palliatifs. Les drames vécus au cours de la crise sanitaire ne doivent pas se renouveler. Les établissements définissent les conditions qui permettent d’assurer ces visites.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition garantit le droit de visite, quel que soit l’état de santé du résident. Votre amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Compte tenu de l’avis défavorable de la rapporteure, les amendements AS388 et AS387 de Mme Caroline Colombier sont retirés

La commission adopte l’article 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau) : Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Amendement AS634 de M. Pascal Lecamp.

M. Nicolas Turquois (Dem). On sait combien l’arrivée en établissement peut être mal vécue. L’amendement prévoit donc que le projet d’accueil et d’accompagnement soit élaboré au plus tard dans les deux mois qui suivent, afin de permettre à la personne accueillie de mieux se projeter.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’accueil des résidents est un enjeu central. Mais je ne pense pas que l’ajout de dispositions législatives permet d’améliorer la situation. Ce qui compte vraiment, c’est que le projet d’accueil soit élaboré au moment de la signature du contrat et que la personne soit accueillie dans les meilleures conditions. Lors de la crise sanitaire, la rédaction des projets d’accueil a pris beaucoup de retard. Il faut affirmer une nouvelle fois qu’ils sont nécessaires.

M. Nicolas Turquois (Dem). En réalité, dans beaucoup d’établissements le projet d’accueil n’est pas mené à bien. Il serait pertinent de l’imposer à tous les établissements.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 3 ter (nouveau) : Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Amendement AS653 de M. Freddy Sertin.

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement prévoit que l’accord écrit préalable de l’occupant au contrôle dans son espace de vie privatif et à la collecte de ses données est recueilli à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour.

Mme Annie Vidal, rapporteure. C’est un amendement utile pour compléter le contrat de séjour et clarifier les règles applicables à la collecte de données. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 ter est ainsi rédigé.

Après l’article 3

Amendement AS620 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Yannick Neuder (LR). La notion de personne de confiance a été introduite dans notre droit à la suite d’un avis du Comité consultatif national d’éthique de 1998. Cette personne joue un double rôle d’accompagnement, dans les démarches quotidiennes de santé mais aussi en matière de directives anticipées. Il faut que ses fonctions soient mieux expliquées aux personnes âgées ou handicapées ainsi qu’à leur entourage. L’amendement propose qu’une campagne nationale d’information soit organisée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il est effectivement essentiel d’organiser une campagne d’information afin d’inciter davantage à désigner une personne