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N° 1070

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 avril 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France,

 

 

Par Mmes Annie VIDAL et Laurence CRISTOL,

 

 

Députées.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 643.

 

 

 


  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Article 1er bis (nouveau) Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médicosociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Article 1er ter (nouveau) Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Article 2 Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Article 2 bis (nouveau) Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi

Article 2 ter (nouveau) Rapport du Gouvernement sur la trajectoire de la branche autonomie

Article 3 Amélioration de la lutte contre la maltraitance et renforcement du droit au respect de la vie privée et familiale

Article 3 bis (nouveau) Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Article 3 ter (nouveau) Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Article 4 Renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance

Article 5 Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance

Article 5 bis (nouveau) Création d’un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre »

Article 5 ter (nouveau) Demande de rapport sur les mesures de contention dans les établissements médico-sociaux

Article 5 quater (nouveau) Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles

Article 5 quinquies (nouveau) Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance

Article 5 sexies (nouveau) Évolution du dispositif d’habilitation familiale

Article 6 Expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile

Article 7 Création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile

Article 7 bis (nouveau) Demande de rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique pour les professionnels de l’aide à domicile

Article 8 Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Article 9 Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement

Article 10 Rapport sur l’aide sociale à l’hébergement

Article 11 Financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soin et dépendance attribués aux Ehpad

Article 11 bis (nouveau) Rôle renforcé du médecin coordonnateur en Ehpad

Article 11 ter (nouveau) Obligation de contrôle et de sanction envers les établissements et services sociaux et médicosociaux ne respectant pas les règles du code de l’action sociale et des familles

Article 11 quater (nouveau) Mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’Ehpad

Article 11 quinquies (nouveau) Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les Ehpad

Article 12 Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Article 13 Possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif

Article 13 bis (nouveau) Précision relative à l’aide à la vie partagée dans le code de l’action sociale et des familles

Article 13 ter (nouveau) Renforcement du déploiement de l’habitat inclusif sur l’ensemble du territoire

Article 13 quater (nouveau) Rapport du Gouvernement sur le cadre juridique et financier de l’habitat mixte

Article 14 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 16 heures

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 21 heures

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 21 heures 15

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15 heures

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes

ANNEXE N° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 


  1  —

   Avant-propos

Notre pays connait des changements démographiques majeurs dont il nous faut prendre conscience. Les « baby-boomers », nés en 1945, auront 85 ans en 2030. Le nombre des 75-84 ans va enregistrer une croissance inédite de 49 % entre 2020 et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions ([1]). Ce phénomène touche, dans des proportions diverses, l’ensemble des États de l’Union européenne. En 2022, 21,1 % de la population européenne avait plus de 65 ans, un chiffre qui progresse d’année en année ([2]). Cette transition démographique pose d’immenses défis à l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs, qui se doivent d’y répondre en anticipant les transformations sociales que ces évolutions impliqueront nécessairement. La dernière loi de 2015 ([3]) avait posé d’importants jalons mais ceux‑ci s’avèrent déjà en partie dépassés. Cette transition démographique va entraîner de fait un changement profond du visage de notre société dès 2030 avec un nombre de personnes de plus de 65 ans supérieur à celui des moins de 15 ans. Les attentes et les besoins seront donc différents, tant en termes de prises en charge sanitaire, sociale ou médico-sociale qu’en terme d’adaptation des lieux de vie qu’il s’agisse des logements ou des communes.

● Le développement d’une politique ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie constitue une première priorité.

L’espérance de vie en bonne santé des Français est aujourd’hui inférieure à la moyenne européenne. Le rapport de M. Dominique Libault consécutif à la concertation grand âge autonomie ([4]) indique ainsi qu’à 65 ans, une femme française peut espérer vivre encore près de 23,7 ans mais 10,6 sans incapacité contre 16,6 en Suède et 12,4 en Allemagne ou 11,9 au Danemark. Selon ce même rapport, la part de l’espérance de vie à 65 ans en bonne santé atteint en effet 77,2 % en Suède pour les femmes (79,1 % pour les hommes), contre 44,7 % en France (48,5 % pour les hommes). Cette situation mérite que nous prenions des dispositions pour augmenter la durée de vie sans incapacité.

La perte d’autonomie est un phénomène complexe, lié à une diversité de facteurs mais qui peut être souvent prévenue, limitée, ou retardée. Elle comporte une dimension sociale, et est souvent aggravée par les situations d’isolement social ou géographique.

La prévention de la perte d’autonomie a fait l’objet d’initiatives récentes, mais celles-ci sont à la fois trop peu ambitieuses et insuffisamment coordonnées. Parmi ces initiatives, la création, par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite « loi ASV », des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie a constitué un pas important. Face au constat de la grande diversité d’acteurs et de dispositifs mobilisés sur ce sujet, ces conférences ont pour objectif de coordonner dans chaque département les actions de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans et de leurs financements.

Si la mise en place des conférences des financeurs est une avancée indéniable, la prévention de la perte d’autonomie manque d’une impulsion nationale et mériterait d’être mieux coordonnée sur l’ensemble du territoire. Les politiques engagées ne prennent par ailleurs pas suffisamment en compte les approches populationnelles. Les actions de prévention ne semblent enfin pas constituer une priorité dans les budgets octroyés aux établissements et destinés à financer la prise en charge des soins et de la perte d’autonomie.

La prévention doit occuper aujourd’hui une place essentielle au regard des conséquences qu’elle emporte sur la santé et l’autonomie des personnes âgées. La présente proposition de loi porte plusieurs mesures en ce sens.

L’article 1er vise à mettre en place une stratégie ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie, coordonnée au niveau national et territorial. Elle crée une conférence nationale de l’autonomie chargée d’assurer la cohérence de l’action des conférences des financeurs, en définissant notamment des axes stratégiques qui seront déclinés à l’échelon territorial par ces conférences.

L’article 2 a pour objet de renforcer la lutte contre l’isolement social des personnes vulnérables, en permettant aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données permettant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap isolées.

L’article 11 donne une place centrale à la prévention en précisant que les forfaits soin et dépendance octroyés aux établissements pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) peuvent financer des actions de prévention.

● Le déploiement d’un dispositif législatif solide pour promouvoir la bientraitance en luttant fermement contre les maltraitances constitue une deuxième priorité.

L’affaire dite « Orpea » avait bien entendu mis, au début de l’année 2022, le sujet des Ehpad sur le devant de la scène médiatique, avec des cas insupportables et inacceptables de maltraitances systémiques auxquelles nous devons répondre le plus largement possible. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait alors, en mars 2022, formulé des préconisations pour améliorer la prise en charge des personnes âgées en Ehpad ([5]).

Si des cas de maltraitance ont été largement documentés depuis plusieurs années ([6]), ne se retrouvent pas uniquement dans les établissements, mais aussi à domicile, force est de constater qu’à ce jour nous ne sommes ni en capacité de comptabiliser ou d’objectiver les situations de maltraitance ni de les caractériser. Or, les phénomènes de maltraitance sont complexes et renvoient à des vécus très différents. La maltraitance s’installe parfois faute de compréhension de l’autre et des difficultés que sa privation d’autonomie entraîne. Elle peut être le résultat d’un manque de formation ou de négligences, qui s’exercent en établissement ou à domicile et qui conduisent à des blessures physiques ou psychologiques.

Les maltraitances à l’égard des personnes vulnérables ne sont pas assez connues. Elles font l’objet de tabous encore vifs et requièrent donc toute notre attention, au même titre que l’ensemble des violences intrafamiliales.

La définition de la maltraitance issue de la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre les maltraitances et consacrée par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, et inscrite à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles, est la suivante :

« La maltraitance au sens du présent code vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non. Leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. »

Cela concerne potentiellement toutes les personnes en situation de vulnérabilité, que ce soit en raison de l’âge, de la maladie ou du handicap. Il faut nous préserver de la tentation de distinguer les vulnérabilités, en fonction de leurs causes, mais au contraire embrasser toutes ces situations afin d’être en mesure de protéger les personnes concernées. Nous devons ainsi nous assurer du respect de principes aussi fondamentaux que ceux du libre choix, du consentement éclairé, du droit à l’information, en toutes circonstances.

Pour cela, nous devons clarifier notre dispositif juridique afin de protéger efficacement les personnes en situation de vulnérabilité. C’est ce que propose le titre II de cette proposition de loi, qui garantit notamment à l’article 3, les droits fondamentaux tels que le droit au respect de sa vie privée et familiale, dont la visite des proches, dont nous avons constaté toute l’importance au moment de la crise sanitaire. Le lien social et familial reste l’une des meilleures armes contre les maltraitances et pour le bien-vieillir. L’actualité nous a aussi montré l’importance de disposer d’une instance d’alerte rapide et agile, pour que les personnes concernées, la famille, les proches et les soignants puissent signaler, en toute confiance, les cas de maltraitance qu’ils constatent.

C’est ce que propose l’article 4, qui offre un véritable outil d’alerte, de suivi et de qualification des situations de maltraitance afin d’agir au plus vite et au plus proche des personnes concernées.

Cette proposition de loi conforte aussi le rôle central des mandataires judiciaires qui connaissent la réalité des personnes sous mandant de protection et qui doivent agir dans le respect d’un cadre éthique que nous proposons de clarifier. L’article 5 vise ainsi à préciser le cadre juridique des mandataires et instaure une obligation de signalement des situations de maltraitance dont ils pourraient être témoins.

● La valorisation des métiers de l’aide à domicile, qui constituent un maillon essentiel du « virage domiciliaire » que nous appelons de nos vœux, constitue une troisième priorité.

Cette proposition de loi introduit à l’article 6 une disposition attendue : l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les personnes intervenant à domicile. Il s’agit là de reconnaitre leur qualification et de faciliter leur quotidien, ce que nous devons à une profession essentielle aux personnes âgées dépendantes.

Sans cesse mobilisés, notamment au cœur de la crise sanitaire, pour maintenir le lien avec nos aînés, les professionnels du domicile doivent être mieux considérés et nous savons qu’elles sont confrontées à de réelles difficultés en termes de mobilité. C’est la raison pour laquelle l’article 7 vise à permettre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’aider financièrement les départements qui soutiennent la mobilité de ces professionnels. L’objectif est de permettre une meilleure prise en compte de cette question, notamment pour l’acquisition de véhicules propres et pour le stationnement.

Ces mesures ne doivent toutefois pas nous exonérer d’une réflexion plus large autour du financement et de l’organisation de l’offre de soutien à domicile. Malgré un engagement fort depuis 2017, notamment à l’occasion des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), pour simplifier cette offre, aujourd’hui le maquis institutionnel devient un obstacle à la lisibilité du secteur tant pour les professionnels que pour les usagers. Les trois types de services existants – services d’aide et d’accompagnement à domicile, services de soins infirmiers à domicile et services polyvalents d’aide et de soins à domicile – doivent être mieux coordonnés, ce que nous avons permis grâce à la LFSS 2022 qui propose la mise en place de service autonomie en lieu et place de ces trois types de service pour améliorer la continuité et la coordination de l’accompagnement des bénéficiaires, entre les interventions d’aide et de soin.

En outre les différents modes de structures prestataire, mandataire ou gré à gré complexifient l’accessibilité à cette offre.

L’article 8 de notre proposition de loi vise donc à poursuivre la réflexion autour du financement de cette offre de soutien à domicile, afin de clarifier et de simplifier cette offre pour une plus grande lisibilité et une plus grande équité de rémunération entre les différentes formes de services, et en faveur de l’égal accès des bénéficiaires, y compris des particuliers employeurs. Cet objectif est pleinement partagé par les fédérations qui ont été auditionnées.

● Le déploiement d’une offre de prise en charge et d’hébergement accessible à tous constitue un autre défi fondamental. Les enjeux financiers liés à la prise en charge de l’hébergement sont essentiels et peuvent représenter une difficulté pour les familles. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, le reste à charge après aides diverses atteint 1 850 euros par mois (niveau médian avant aide sociale à l’hébergement) et excède les ressources courantes de la personne âgée dans 75 % des cas. Si l’aide sociale à l’hébergement (ASH) permet de prendre en charge tout ou partie des frais liés à l’hébergement des personnes âgées aux ressources financières modestes, cette aide est dans les faits, peu demandée. La pertinence de la prise en compte des ressources de l’entourage familial dans le calcul et l’attribution de l’ASH est notamment questionnée.

La présente proposition de loi poursuit l’objectif d’une plus grande égalité dans l’accès à l’hébergement des personnes âgées. L’article 9 supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement. En effet, il est important que le lien familial puisse rester avant tout un lieu privilégié d’affection et de transmission, à l’abri des difficultés financières. L’article 10 demande par ailleurs au Gouvernement un rapport portant sur le bilan de l’ASH, qui devrait permettre d’identifier les éventuelles raisons de son faible recours et la manière dont cette aide pourrait être réformée.

● La garantie de la qualité de la prise en charge proposée dans les établissements sociaux et médico-sociaux est également cruciale pour donner toute la confiance nécessaire aux personnels, aux personnes accueillies et à leurs proches. Cette proposition de loi continue à améliorer le dispositif d’évaluation des établissements sociaux et médico‑sociaux créé par la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

L’article 12 de la proposition de loi vise donc à sécuriser la procédure d’accréditation des organismes d’évaluation et ainsi à conforter la législation en vigueur. En outre, nous souhaitons renforcer la transparence et la lisibilité de ces évaluations pour le grand public et élargir les critères permettant de renouveler ou non l’autorisation des établissements et services sociaux et médico- sociaux.

● Le développement de nouvelles formes d’habitat, dépassant le caractère binaire de l’offre, séparée entre le logement autonome et la prise en charge en établissement constitue un dernier enjeu. L’habitat inclusif, qui permet à des personnes âgées ou en situation de handicap d’un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie social et d’un accompagnement est un modèle de plus en plus plébiscité.

L’article 13 de la présente proposition de loi vise à promouvoir ce modèle en rendant effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

● Cette proposition de loi doit constituer le premier jalon d’une nécessaire réforme de l’autonomie, eu égard à la transition démographique importante déjà engagée dans notre pays. La France, tout comme l’Europe, vieillit et c’est une chance mais cela appelle une prise en compte des nouveaux besoins des Français afin qu’ils puissent vieillir en préservant le plus longtemps leurs capacités, en choisissant autant que possible leur lieu de vie et en étant accompagnés tant par la société que par leur proche. C’est là tout le défi qui est devant nous bâtir ensemble une société du bien- vieillir, la société de la longévité.

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Adopté avec modifications

Le présent article crée la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie, chargée de piloter la politique de prévention de la perte d’autonomie au niveau national et de coordonner l’action des conférences des financeurs.

I.   LE DROIT EXISTANT

La prévention de la perte d’autonomie renvoie à l’ensemble des actions visant à anticiper et accompagner les effets du vieillissement. Comme l’indique le rapport de l’atelier n° 5 de la concertation Grand âge et autonomie, il s’agit d’une politique transversale, ayant vocation à se déployer « dans le cadre d’une approche globale dont le but est d’influencer positivement le quotidien des personnes, de susciter leur participation aux pratiques préventives et de s’ancrer dans les politiques publiques au niveau des territoires » ([7]). Cette politique mobilise un grand nombre d’acteurs dont la coordination est aujourd’hui essentielle.

A.   La mise en place des Conférences départementales des financeurs, un premier pas dans le sens d’une coordination des actions de prévention de la perte d’autonomie à l’échelle territoriale

Créées par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement (« ASV »), les conférences des financeurs se sont rapidement affirmées comme incontournables dans la coordination des multiples acteurs concourant à la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans.

1.   Une composition reflétant la grande diversité d’acteurs mobilisés dans le champ de la prévention de la perte d’autonomie

La composition des conférences des financeurs, instituées dans chaque département, illustre la diversité des champs d’action concourant à la prévention de la perte d’autonomie au sein du territoire. Aux termes de l’article L. 233-3 du code de l’action sociale et des familles, ces conférences sont présidées par le président du conseil départemental et comportent des représentants :

– du département ou sur décision de leur assemblée délibérante, de collectivités territoriales autres et d’établissements publics de coopération intercommunale ;

– de l’Agence nationale de l’habitat dans le département et de l’agence régionale de santé (ARS) ;

– des régimes de base d’assurance vieillesse et d’assurance maladie et des fédérations d’institutions de retraite complémentaire ;

– des organismes régis par le code de la mutualité.

Leur composition peut être élargie, en fonction des différents partenariats établis à l’échelle territoriale, « à toute autre personne physique ou morale concernée par les politiques de prévention de l’autonomie ». Il revient à chaque conférence de définir ses règles d’organisation, dans le cadre prévu par le décret n° 2016-209 du 26 février 2016 relatif à la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées.

2.   Un objectif central : améliorer la cohérence des financements alloués à la prévention de la perte d’autonomie à l’échelon départemental

Les conférences des financeurs ont pour mission de renforcer la coordination des financements dédiés à la prévention de la perte d’autonomie au niveau du département. Sur la base d’un diagnostic des besoins et du recensement des initiatives locales, les différentes parties prenantes de la conférence sont chargées d’identifier plusieurs axes prioritaires, afin de les inscrire dans un « programme coordonné pluriannuel de financement » des actions de prévention.

Adopté à la majorité des voix des membres de la conférence pour une durée maximale de cinq années, ce programme doit répondre à six grands objectifs définis à l’article L. 233- 1 du code de l’action sociale et des familles :

– l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, notamment par la promotion de modes innovants d’achat et de mise à disposition ;

– l’attribution du forfait autonomie destiné à soutenir le développement de la prévention dans les résidences autonomie ;

– la coordination et l’appui des actions de prévention mises en œuvre par les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) intervenant auprès des personnes âgées ;

– la coordination et l’appui des actions de prévention mises en œuvre par les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) intervenant auprès des personnes âgées ;

– le soutien aux actions d’accompagnement des proches aidants des personnes âgées en perte d’autonomie ;

– le développement d’autres actions collectives de prévention.

Figure 1 : Les six axes de la conférence des financeurs

Source : Guide technique, conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, avril 2016.

Aux termes de l’article L. 233-4 du code de l’action sociale et des familles, le président du conseil départemental transmet chaque année à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), un rapport d’activité ainsi que « les données nécessaires au suivi de l’activité de la conférence ». En s’appuyant sur ces résultats, la CNSA est chargée d’élaborer et de diffuser des outils méthodologiques dans les domaines de l’appui à la réalisation du diagnostic des besoins, du recensement des initiatives locales et d’élaboration du programme coordonné de financement des actions de prévention de la perte d’autonomie.

B.   Une politique de prévention de la perte d’autonomie qui manque de cohérence au niveau national

Si la mise en place des conférences des financeurs a permis d’améliorer la coopération entre les acteurs au niveau du département, la politique de prévention de la perte d’autonomie est très variable selon les territoires et manque d’une véritable impulsion au niveau national.

La plupart des acteurs entendus par la rapporteure déplorent en effet le manque de coordination entre les différents cadres locaux de mise en œuvre, ainsi que l’absence d’un véritable référentiel, partagé à l’échelle nationale, en matière d’évaluation des besoins et des initiatives relatives à la prévention de la perte d’autonomie.

Ce constat est aussi celui du rapport n° 5 précité, qui formule un certain nombre de critiques à l’égard du fonctionnement actuel des conférences des financeurs. Ces critiques ont principalement trait à l’hétérogénéité des financements selon les départements, aux interprétations variables des modalités de financements des actions, aux freins techniques et réglementaires à l’utilisation des concours versés par la CNSA ainsi qu’au risque de « saupoudrage » et de « substitution des financements identifié en l’absence d’une réelle vision partagée des politiques de prévention ».

Dès 2019, dans un communiqué de presse, la CNSA faisait ainsi état d’un « manque de ressources décisionnelles pour guider les financeurs dans leurs choix d’actions au niveau territorial » ([8]).

II.   Le dispositif proposé

Le présent article propose d’instituer une véritable stratégie de prévention de la perte d’autonomie au niveau tant national que territorial.

Il crée une conférence nationale de l’autonomie, chargée d’assurer le pilotage national de la politique de prévention. Il revient à cette conférence de définir, dans le cadre d’un plan pluriannuel, les axes prioritaires pour l’élaboration des programmes coordonnés de financement des conférences des financeurs mentionnés à l’article L. 233‑1 du code de l’action sociale et des familles. Chaque programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention devra inscrire son action dans le cadre de ces axes.

Afin de mener cette mission, cette conférence s’appuie sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques, piloté par la CNSA chargé d’évaluer, de recenser et de labelliser les équipements et aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ou la prévention de la perte d’autonomie en établissement. La création de ce centre faisait partie des recommandations formulées par le rapport précité de M. Dominique Libault consécutif à la concertation sur le grand âge.

Le présent article précise en outre que lorsque le programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention porte sur l’amélioration de l’accès aux équipements et aux aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile, cela passe « notamment par la mise en place de plateformes de location », la promotion de modes innovants d’achat et de mise à disposition.

Il renvoie enfin à un décret la composition de la conférence nationale de l’autonomie.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs amendements :

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), précisant que la politique de prévention dont il est fait mention dans l’article 1er est bien la prévention de la perte d’autonomie ;

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille, précisant que la conférence nationale de l’autonomie est présidée par le ministre chargé de la politique de l’autonomie ;

– un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille, renommant le centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques en « centre de ressources probantes » ;

 un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, précisant que la conférence nationale de l’autonomie assure également le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du plan pluriannuel des conférences des financeurs ;

 un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, portant amélioration rédactionnelle ;

 quatre amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires, de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES ainsi que de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) et plusieurs membres de son groupe créant un volet spécifique consacré au développement de la lutte contre l’isolement des personnes âgées parmi les domaines sur lesquels porte le programme coordonné de financement défini par les conférences des financeurs.

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Article 1er bis (nouveau)
Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médicosociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la désignation, dans les établissements et services sociaux et médico‑sociaux prenant en charge des personnes agées ou en situation de handicap, d’un référent chargé de la prévention de la perte d’autonomie.

Cet article, issu de l’adoption d’un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)), introduit un nouvel article au sein du code de l’action sociale et des familles, qui dispose que les responsables des établissements et services sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap ou leur apportant une aide à domicile désignent un salarié ou une personne bénévole, référent des actions menées dans le domaine de la prévention de la perte d’autonomie.

Il est précisé que la personne référente bénéficie d’une formation en matière de santé publique.

Les modalités d’application de cet article sont déterminées par décret.

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Article 1er ter (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise chaque année d’un rapport au Parlement d’un rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)). Il dispose que le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport d’évaluation détaillé de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques, créés à l’article 1er de la présente proposition de loi.

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Article 2
Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Adopté avec modifications

Le présent article donne aux services sociaux et sanitaires un accès aux registres des personnes vulnérables et en situation de handicap tenus par les maires afin de lutter contre l’isolement social des personnes âgées et de faciliter la prévention de la perte d’autonomie.

I.   Le droit en vigueur : les registres des personnes vulnÉrables, un outil mobilisable en cas d’urgence ou de risque exceptionnel

1.   Un dispositif permettant de repérer les personnes vulnérables

Issu de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, l’article L. 121‑6‑1 du code de l’action sociale et des familles permet aux maires de recueillir les éléments relatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées qui en ont fait la demande dans des registres de personnes vulnérables. Aux termes de cet article, ces données sont notamment utilisées par les services sanitaires et sociaux pour organiser un contact périodique avec les personnes enregistrées en cas de mise en œuvre du plan d’alerte et d’urgence prévu à l’article L. 116-3 du code de l’action sociale et des familles.

Ce plan, souvent qualifié de « plan canicule », a pour objet de répondre à diverses situations de crise – inondations, incendies, incidents nucléaires, épidémies. Il facilite l’intervention des services sanitaires et sociaux auprès de personnes vulnérables, prévoyant l’ouverture dans chaque commune d’un registre de recensement.

La mission de collecte et d’exploitation de ces données revient au maire, chargé d’informer par tous moyens ses administrés de l’ouverture du registre nominatif, de collecter les demandes d’inscription et d’assurer la conservation, la mise à jour et la confidentialité des éléments enregistrés.

Le préfet peut confier aux maires, dans le cadre de leur mission de police municipale, la mise en œuvre du dispositif d’assistance aux personnes isolées à domicile, une fois déclenché le plan d’alerte et d’urgence.

2.   Un recueil de données strictement encadré

● Aux termes de l’article R. 121-3 du code de l’action sociale et des familles, peuvent solliciter leur inscription au registre les personnes résidant à leur domicile et :

– soit âgées de 65 ans et plus ;

– soit âgées de plus de 60 ans et reconnues inaptes au travail ;

– soit bénéficiant de l’allocation aux adultes handicapés, de la prestation de compensation du handicap, de la carte mobilité inclusion, d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou d’une pension d’invalidité servie au titre d’un régime de base de la Sécurité sociale ou du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

L’inscription au registre procède d’une démarche volontaire de la personne concernée ou d’un tiers agissant pour son compte. Cette condition limite la portée du dispositif à des personnes d’ores et déjà inscrites dans des liens de sociabilité.

Les inscriptions à la demande de tiers – particuliers, professionnels de santé, partenaires associatifs ou institutionnels de la commune – sont présentées obligatoirement par écrit et autorisées à la condition que les personnes concernées ne s’y soient pas opposées expressément. Les tiers ont le devoir d’informer la personne préalablement au dépôt de la demande.

Dans tous les cas de figure, le maire adresse sous huit jours à l’intéressé un accusé de réception dont la réception, à défaut d’opposition, vaut confirmation de son accord à l’enregistrement.

● Les informations collectées, énumérées à l’article R. 121-4 du code de l’action sociale et des familles, sont les suivantes :

– les nom, prénoms et date de naissance de la personne ;

– la qualité au titre de laquelle la personne est inscrite sur le registre nominatif ;

– son adresse et son numéro de téléphone ;

– si nécessaire, les coordonnées du service intervenant à domicile et la personne à prévenir en cas d’urgence.

Les personnes enregistrées peuvent par ailleurs faire inscrire toute information complémentaire qu’elles jugent appropriée.

● Le droit d’accès et de correction de ces données est strictement encadré dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Elles peuvent être consultées seulement par les agents chargés de la gestion du registre et de la mise en œuvre du plan d’alerte et d’urgence.

II.   le droit proposÉ

Le présent article modifie l’article L. 121-6-1 du code de l’action sociale et des familles pour autoriser le recours aux registres nominatifs afin de diligenter des « actions visant à lutter contre l’isolement social ».

L’objectif est de faciliter le repérage par les services sanitaires et sociaux des personnes âgées ou en situation de handicap qui pourraient être concernées par l’isolement social afin de prévenir ce phénomène aux conséquences particulièrement néfastes pour les personnes vulnérables.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs amendements :

– deux amendements identiques de Mme Josiane Corneloup et plusieurs membres du groupe Les Républicains et de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), précisant que les maires peuvent partager les données qu’ils recueillent grâce au registre des personnes vulnérables aux établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge les personnes âgées ou en situation de handicap ;

 un amendement de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), permettant la transmission des données des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) et des personnes en GIR 5 et 6 bénéficiaires de prestations d’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) aux communes afin de les inscrire sur le registre de personnes vulnérables. Un sous-amendement de la rapporteure Laurence Cristol est venu préciser que ces données ne peuvent être transmises qu’avec accord du bénéficiaire ou, le cas échéant, de la personne chargée à son égard d’une mesure de protection juridique ;

– un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, précisant que les services sociaux et sanitaires peuvent utiliser le registre des personnes vulnérables pour informer les personnes âgées et leurs proches des dispositifs d’aide et d’accompagnement existants et de leurs droits ;

– trois amendements d’amélioration rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 2 bis (nouveau)
Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2
de la présente proposition de loi

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi.

Cet article, qui résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs membres du groupe Les Républicains et de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi. Ce rapport précise les actions de lutte contre l’isolement social menées, leurs résultats et le profil des publics accompagnés.

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Article 2 ter (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur la trajectoire de la branche autonomie

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement portant sur la trajectoire de la branche autonomie, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi.

Cet article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de M. Yannick Neuder et plusieurs membres du groupe Les Républicains, dispose que le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la trajectoire financière de la branche autonomie jusqu’en 2030 au regard des évolutions de la démographie et des besoins. Ce rapport formule des propositions pour affecter progressivement de nouvelles ressources au financement de la branche autonomie et pour garantir la pérennité des financements destinés au fonctionnement et à l’investissement de l’ensemble des établissements et des services sociaux et médico-sociaux.

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Article 3
Amélioration de la lutte contre la maltraitance et renforcement du droit au respect de la vie privée et familiale

Adopté par la commission avec modifications

Dans l’objectif de promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances, le présent article vise à inscrire la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale et à conforter le droit à la vie privée et familiale. Pour cela, il consacre le droit à recevoir des visites de proches, que ce soit en établissements social et médico-social ou en établissement médical.

I.   L’État du droit : malgrÉ sa forte reconnaissance juridique, politique et sociale, la lutte contre la maltraitance reste insuffisante

A.   La maltraitance des personnes ÂgÉes : un phÉnomÈne mondial en progression

1.   Les définitions internationale, européenne et nationale de la maltraitance s’intègrent dans un cadre juridique et jurisprudentiel

● La maltraitance des personnes âgées constitue un phénomène qui concerne la plupart des pays dans le monde, défini par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « un acte unique ou répété, ou en l’absence d’intervention appropriée, dans le cadre d’une relation censée être une relation de confiance, qui entraîne des blessures ou une détresse morale pour la personne âgée qui en est victime » ([9]).

● D’après la commission pour la lutte contre la maltraitance, « il y a maltraitance d’une personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action, compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux, et/ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement. Les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non ; leur origine peut être individuelle, collective ou institutionnelle. Les violences et les négligences peuvent revêtir des formes multiples et associées au sein de ces situations. » ([10])

Les conséquences peuvent être multiples : dépendance fonctionnelle, handicap, mauvaise santé physique, déficience cognitive, mauvaise santé mentale, lésions corporelles, décès prématurés, dépression, ruine financière et placement dans une maison de retraite.

● Malgré l’absence de texte international spécifiquement consacré à ce sujet, la lutte contre la maltraitance, notamment des personnes âgées, découle directement, comme l’a rappelé le rapport de la Défenseure des droits ([11]), du principe de respect de la dignité de la personne humaine, reconnu notamment à l’échelle internationale par plusieurs pactes ([12]) et conventions ([13]) ; à l’échelle européenne, par la Convention européenne des droits de l’Homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme ([14]) et la Charte sociale européenne ([15]) ; en France, par la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([16]). En outre, le code de l’action sociale et des familles garantit le respect de la dignité et de l’intégrité de l’usager du secteur médico-social ([17]). Ce droit se décline en plusieurs volets, notamment :

– le droit à la vie privée, à l’intimité, à la sécurité ;

– le droit d’aller et venir librement ;

– le libre choix des prestations adaptées ;

– le droit à une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité, respectant son consentement éclairé ;

– le droit à la confidentialité des informations qui la concernent.

Une Charte des droits et libertés de la personne accueillie a, en outre, été établie ([18]) afin d’être communiquée à chaque résident. Ces droits fondamentaux y sont rappelés.

2.   Définir et quantifier la maltraitance

● Malgré cette forte reconnaissance juridique, la maltraitance continue à être pratiquée, que soit au domicile ou en établissements, sur les personnes âgées dépendantes.

● Selon une analyse réalisée en 2017 et compilant cinquante‑deux études réalisées dans vingt‑huit pays ([19]), environ une personne âgée de plus de 60 ans sur six a été victime d’une forme de maltraitance dans son environnement familier au cours de l’année écoulée et que les établissements tels que les maisons de retraite et les établissements de soins de longue durée étaient particulièrement concernés. La crise sanitaire a également participé à renforcer ce phénomène de près de 84 % ([20]).

Compte tenu du vieillissement rapide de la population mondiale, l’OMS estime que le nombre de victimes pourrait atteindre quelque 320 millions de personnes d’ici à 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans dépassant alors 2 milliards.

● En France, la Fédération 3977 contre les maltraitances envers les personnes en situation de vulnérabilité (notamment âgées ou en situation de handicap) constate « une augmentation massive » du nombre d’appels reçus sur sa plateforme. Selon les données provisoires pour 2022, la fédération a reçu 81 707 appels contre 38 000 estimés en 2021, soit plus qu’un doublement ([21]).

La Défenseure des droits, dans son rapport de 2021, avait bien mis en avant le nombre croissant de réclamations dont elle est saisie sur ce fondement. En janvier 2023, elle a publié un nouveau rapport, permettant le suivi de la mise en œuvre des recommandations du rapport de 2021. Entre mai 2021 et janvier 2023, elle indique avoir reçu 281 nouvelles réclamations individuelles dénonçant des atteintes aux droits, confirmant le « caractère systémique de la maltraitance au sein des EHPAD » ([22]).

Selon la commission de promotion et de lutte contre les maltraitances il existe 4 « modes-types » de maltraitance qui appellent des réponses différentes ([23]). Le premier est l’acte individuel et conscient qui mérite d’être identifié en tant que tel et qui appelle des mesures de sanction, protectrices et réparatrices. Le deuxième est l’acte individuel involontaire qui peut être dû à un manque de formation. L’auteur doit en prendre conscience et être accompagné pour modifier son comportement. Le troisième décrit une situation de maltraitance collective et consciente qui résulte le plus souvent d’une carence grave de l’organisation et d’un dysfonctionnement collectif. Il convient d’y répondre par une mise à niveau des organisations tant quantitative que qualitative. Enfin, le quatrième type de maltraitance correspond à une situation collective et non consciente qui échappe au regard de tous. Il s’agit d’une maltraitance institutionnelle et systémique, qui est le reflet d’un manque de discernement collectif et de la nécessité d’une réflexion éthique sur l’accompagnement des personnes.

La « maltraitance institutionnelle » est représentative de la complexité des phénomènes de maltraitance, car elle repose sur une articulation entre des responsabilités individuelle et collective. On parle de maltraitance institutionnelle « lorsque des situations de maltraitance résultent, au moins en partie, de pratiques managériales, de l’organisation et/ou du mode de gestion d’une institution, d’un organisme gestionnaire, voire de restrictions ou dysfonctionnements au niveau des autorités de tutelle sur un territoire » ([24]). Elle peut donc s’exercer à l’échelle d’un établissement ou d’un groupe d’établissements.

Dès lors, dans une approche afin de prendre en compte toutes les vulnérabilités et la diversité des parcours de vie, il s’agira donc de mieux comprendre les maltraitances, de réagir collectivement, et de prévenir leur survenance.

B.   En France, une prise de conscience rapide qui doit amener À l’action

● En France, le scandale dit « Orpea », en 2022, a permis une prise de conscience collective massive autour des enjeux de la maltraitance. Afin de définir une palette d’actions qui permettent de rassembler les personnes âgées et leurs familles, les acteurs du secteur et les pouvoirs publics, des « états généraux de la maltraitance » ont été lancés par le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées en mars 2023. Ce lancement a été l’occasion de mettre en avant « l’urgence » à agir en la matière.

Ces états généraux se déroulent sur cinq mois et en trois étapes : une consultation des personnes concernées, de leurs familles et de leurs proches ainsi que des professionnels de l’action sanitaire et sociale, un travail avec les forces de l’ordre dans le cadre d’une convention signée avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) et un travail avec les associations, collectifs et fédérations professionnels en vue de mieux repérer, orienter et accompagner les victimes. À la fin du mois de juin, un rapport clôturera les états généraux et une stratégie nationale de lutte contre les maltraitances sera annoncée à l’automne 2023.

● En outre, il faut rappeler que la loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement a prévu la mise en place d’une Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, regroupant le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Comité national consultatif des personnes handicapées.

II.   Le dispositif proposÉ : renforcement du respect au droit à la vie privée et familiale

Les études montrent que la lutte contre la maltraitance passe nécessairement par le renforcement des liens des personnes âgées, qu’elles soient à domicile ou en établissements, avec leurs milieux sociaux et familiaux. La rupture de ce lien doit être évitée à tout prix, ce qui est l’objet du présent article.

A.   Le droit de visite permet le maintien des liens sociaux et familiaux, condition indispensable pour lutter contre la maltraitance

 Le respect du droit à la vie privée et familiale dont le droit de recevoir la visite des proches est garanti aux personnes accueillies en Ehpad par l’article 23 de la convention internationale des droits des personnes handicapées et par l’article L. 311-9 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que les établissements sociaux et médico-sociaux doivent « rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu’à ce qu’il aboutisse ».

S’agissant des majeurs protégés, l’article 459-2 du code civil précise que toute personne sous mesure de protection juridique entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non, et qu’elle a le droit d’être visitée par lui.

Le présent article vise à renforcer les dispositions du code de l’action sociale et des familles en ce qui concerne le droit de visite. Le du I vise d’abord à intégrer, au 1° de l’article L. 311-1 du code de l’action sociale et des familles, dans la liste des missions d’intérêt général de l’action sociale et médico-sociale, la prévention et la lutte contre les maltraitances, afin d’inscrire clairement cet objectif.

● Le du I propose ensuite de modifier l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles, qui définit l’exercice des droits et libertés individuels pour les personnes prises en charge par des établissements sociaux et médico‑sociaux. Le a du du I vise d’abord à insérer un 1° bis à la liste de ces droits et libertés, pour y insérer le « droit de visite ses proches » et le « droit au maintien d’un lien social et à une vie familiale normale ».

● En parallèle, le II propose d’intégrer ce même objectif dans le code de la santé publique, en créant un nouvel article L. 1110-4 dans un chapitre de ce code qui traite des droits de la personne hospitalisée. Comme le proposait déjà la Défenseure des droits dans un avis daté de 2021 ([25]), il s’agit de renforcer l’arsenal juridique sur ce point.

En effet, comme le précise la Défenseure des droits, « la possibilité de recevoir des visites n’est pas affirmée explicitement par des normes de valeur supérieure à [la] circulaire relative à la charte des personnes hospitalisée ([26]) ; elle résulte davantage d’une interprétation du cadre juridique des droits des patients qui fixe dans un texte règlementaire les limites de la venue de visiteurs "qui peuvent être reçus par les médecins" mais "ne doivent pas troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services" », selon les articles R. 1112-44 et R. 1112-47 du code de la santé publique.

Ainsi, le présent article permet d’insérer dans le code de la santé publique la mention du fait que « le patient accueilli au sein d’un établissement de santé bénéficie d’un droit de visite de ses proches, sauf à ce que ce patient s’y oppose ».

B.   Une clarification du rÔle de la personne de confiance dans le secteur mÉdico-social

● En parallèle, le présent article vise également à renforcer et clarifier le rôle de la « personne de confiance ». Cette notion résulte de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015, qui a permis de faire en sorte que la personne âgée accueillie en Ehpad dispose du droit de désigner une personne de confiance qui dispose d’attributions propres dans le secteur médico-social, en particulier la possibilité qui lui est donnée d’accompagner le résident et de veiller au respect de ses droits. La personne de confiance a donc un rôle central pour le résident, en étant consultée en cas de difficulté, en permettant de s’assurer de la validité de son consentement et en l’accompagnant lors de la signature du contrat de séjour.

La personne de confiance dans le secteur médico-social peut également se voir confier les attributions classiques des personnes de confiance dans le secteur sanitaire (assister la personne dans ses démarches, l’accompagner durant les examens médicaux, l’aider dans la prise de décisions relatives à sa santé) ([27]).

● L’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le futur résident doit être informé, en amont de la conclusion du contrat de séjour, de son droit de désigner cette personne de confiance ([28]), même si la Défenseure des droits a considéré, dans son rapport de 2021, que « le résident n’est souvent pas informé de ce droit et, surtout, que le rôle de la personne de confiance n’est pas bien compris par les parties prenantes, fréquemment confondu avec celui du représentant légal » ([29]).

● Ainsi, le b du du I propose ensuite d’ajouter à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles un nouvel alinéa permettant d’encadrer le cas dans lequel une personne serait dans l’incapacité totale ou partielle de s’exprimer. Dans ce cas, il est proposé que la personne concernée soit assistée :

– soit de la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique ;

– soit de la personne de confiance désignée dans le cadre prévu par la loi ;

– soit, à défaut, par un proche.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin, de MM. Pierre Dharéville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine) ainsi que de Mme Servane Hugues et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, dans l’objectif de préciser que la définition de la maltraitance se réfère à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, dans le but d’inclure la lutte contre les situations d’isolement dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure Annie Vidal, visant à apporter des précisions relatives au droit de visite et permettant d’ajouter la mention du droit au respect d’une vie familiale normale, ainsi qu’un amendement de la rapporteure Annie Vidal, permettant de supprimer les alinéas relatifs aux personnes n’étant pas en capacité d’exprimer leur volonté, dans le but d’éviter toute situation de blocage si plusieurs personnes souhaitaient devenir personne de confiance.

Un amendement de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES permet de prévoir que la personne de confiance puisse également se voir remettre des documents obligatoires dont la charte des droits et libertés de la personne accueillie et un amendement de MM. Pierre Dharéville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine) permet, par défaut, la présence de la personne de confiance lors de la conclusion du contrat de séjour, sauf si la personne accueillie s’y oppose.

Enfin, la commission a adopté un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, sous amendé par la rapporteure Annie Vidal, afin d’apporter des précisions concernant la désignation de la personne de confiance et son rôle à l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles.

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Article 3 bis (nouveau)
Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Introduit par la commission

L’article 3 bis prévoit de compléter le contrat de séjour conclu au moment de l’entrée en ESMS par un projet d’accueil personnalisé.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Pascal Lecamp et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants). Il vise à compléter le contrat de séjour avec un « projet d’accueil personnalisé ». Il complète l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles qui définit le contrat de séjour. L’article prévoit que ce projet d’accueil doit être réévalué et adapté au minimum une fois par l’an.

D’après la Haute Autorité de santé (HAS), « le projet personnalisé est un outil de coordination visant à répondre à long terme aux besoins et attentes de la personne accueillie. La vision portée par le législateur dans les différents textes insérés au Code de l’action sociale et des familles (CASF) conduit les personnes accueillies au sein des établissements sociaux et médico-sociaux à participer à leur propre projet dans une dynamique de parcours » ([30]).

La HAS précise que « selon l’Enquête nationale Anesm Bientraitance de 2015, 84 % des Ehpad ont élaboré des projets personnalisés, mais leur réévaluation n’est pas systématique. Et seulement 34 % des Ehpad réévaluent les projets personnalisés en cas de modification des potentialités du résident. 72 % des Ehpad interrogés ont construit le projet personnalisé en co-construction avec le résident (seul ou accompagné par une personne de son entourage), alors que 16 % l’ont effectué sans le résident ou son entourage. »

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Article 3 ter (nouveau)
Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Introduit par la commission

L’article 3 ter prévoit que l’accord écrit préalable de l’occupant au contrôle dans son espace de vie privatif, ou l’expression de son refus, est recueilli à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour ou de l’élaboration du document individuel de prise en charge qu’il signe lors de l’entrée dans l’établissement ou la mise en œuvre du service à domicile.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance. Il permet de mieux assurer l’exercice des droits et libertés individuels garantis à toute personne qui est prise en charge ou accompagnée en établissements sociaux et médico-sociaux.

Au moment de son entrée en établissement ou service ou de la mise en œuvre d’un service à domicile, il est nécessaire de conclure un contrat de séjour ou d’élaborer un document individuel de prise en charge.

L’article 3 ter permet ainsi d’introduire la mention expresse de l’accord ou du refus, révocables à tout moment, de la personne accueillie en ce qui concerne le contrôle de son espace de vie privatif.

Cet article précise, en outre, que la collecte des données personnelles recueillies au cours de sa prise en charge ainsi que leur conservation et traitement éventuel devront se faire dans le respect des droits et libertés garanties aux personnes prises en charge.

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Article 4
Renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à créer une nouvelle instance dont l’objectif sera de recueillir et de traiter les alertes en cas de maltraitance sur des personnes vulnérables. Portées par les ARS via les conférences régionales de santé et de l’autonomie, les alertes recueillies seront ensuite redirigées vers les autorités compétentes dont dependent les personnes pour l’analyse et le suivi. Un bilan annuel des alertes sera établi.

I.   L’État du droit : des dispositifs d’alertes insuffisants en cas de maltraitance des personnes agées vulnérables

A.   l’organisation des alertes en cas de maltraitance

1.   Le rôle de l’État dans le signalement

● La maltraitance des personnes âgées constitue un phénomène que les pouvoirs publics combattent par tous les moyens, en partenariat avec les professionnels. Toutefois, le scandale « Orpéa » ([31]) a mis en avant le manque d’une procédure préalablement définie et portée à la connaissance des personnes concernées, de leur entourage et des soignants.

La maltraitance des personnes vulnérables constitue un phénomène que les pouvoirs publics doivent, avec les professionnels, et les proches aidants empêcher par tous les moyens. La récente crise sanitaire et le scandale « Orpéa » a bien mis en avant le manque de procédure définie et connue des personnes concernées, de leur entourage et des soignants.

Par ailleurs l’étude du CREDOC de janvier 2023 ([32]) indique que 70 % des Français sont inquiets des risques de maltraitance pour eux-mêmes ou leurs proches, 42 % craignent d’y être confortés personnellement, 60 % pensent qu’on ne parle pas assez des maltraitances sur les personnes vulnérables et 65 % considèrent que les pouvoirs publics ne font pas assez pour lutter contre les maltraitances envers les personnes vulnérables.

La lutte contre les maltraitances relève de la responsabilité de l’État. Elle est mise en œuvre sur le terrain par :

– les directions régionales et départementales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, sous l’autorité des préfets, pour les établissements et services sociaux ;

– les agences régionales de santé pour les établissements et services de santé et médico-sociaux ([33]).

Il revient à la direction générale de la cohésion sociale d’animer la politique nationale de prévention et de lutte contre les maltraitances des publics vulnérables ([34]).

● L’action de l’État vient compléter l’action des conseils départementaux, chargés de définir et de mettre en œuvre sur leur territoire la politique sociale en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

● Comme le précise le rapport d’activité de la Fédération 3977 ([35]), cette politique, menée à la fois par l’État et les départements, a trois objectifs :

– faciliter le signalement des faits de maltraitances ;

– répondre aux alertes en organisant des contrôles au sein des établissements ;

– prévenir et repérer les risques de maltraitance en institution par le déploiement d’une politique active de bientraitance.

En outre, la Commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance ([36]) réunit le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et le Conseil national consultatif des personnes handicapées, auxquels sont adjoints des experts et des représentants des secteurs concernés.

2.   La mise en place progressive d’un numéro national permettant les signalements

● À partir de 2008, l’État a financé le fonctionnement d’un numéro national d’accueil des victimes et des témoins de faits de maltraitance : le 3977 ([37]). Les suites données à ces appels relevaient alors d’un autre dispositif – le réseau des centres Alma départementaux ou interdépartementaux ([38]).

Les centres Alma et la plateforme 3977 ont fusionné en 2014 pour donner naissance à la « Fédération 3977 contre la maltraitance », cellule d’écoute des personnes qui signalent une situation de maltraitance, dans l’objectif d’une couverture intégrale du territoire. Entre 2017 et 2019, une convention pluriannuelle avec l’État est venue conforter la Fédération 3977 dans ses missions. Les centres fédéraux reçoivent les signalements, orientent vers les services compétents – professionnels, instances sanitaires ou sociales, personnels de l’État, conseils départementaux, autorité judiciaire.

Une nouvelle convention pluriannuelle 2021 et 2023 a confirmé le rôle dévolu à la Fédération 3977 et ses actions existantes. Elle prévoit également la rédaction d’un rapport annuel destiné à mieux faire connaitre les situations de maltraitance.

● Les signalements s’inscrivent dans un cadre légal répressif. Le code pénal, outre la non-assistance à personne en danger ([39]), sanctionne de peines correctionnelles le silence de toute personne qui a connaissance « de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés (…) à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique » et qui s’abstient d’en informer les autorités judiciaires ou administratives ([40]).

● La loi du 9 décembre 2016 ([41]),dite « loi Sapin II », prévoit une protection des lanceurs d’alertes, au même titre que dans les autres secteurs, pour les agents des établissements sociaux et médico-sociaux ([42]). Malgré cette disposition destinée à faciliter les signalements, la Défenseure des droits identifie des blocages persistants qui font obstacle à la révélation des comportements maltraitants ([43]). Elle identifie notamment le manque de connaissance sur la maltraitance, les conflits de loyauté à l’égard de l’employeur ou encore une législation encore complexe et parfois lacunaire ([44]).

B.   L’afflux d’alertes, notamment après le scandale dit « orpea », doit conduire À renforcer le droit en vigueur

● Le rapport d’activité de la Fédération 3977 précise que 37 519 appels ont été reçus en 2021, soit une croissance sur l’année de 21 % correspondant à 8 830 nouvelles situations de maltraitance ([45]). 73 % des personnes concernées ont plus de 60 ans et 27 % sont en situation de handicap. 73 % vivent à leur domicile et 27 % en établissement. Dans 48 % des cas, l’entourage familial est mis en cause, quand 34 % des appels désignent des comportements imputables à des professionnels. Dans 32 % des situations, la maltraitance prend la forme de violences psychologiques et, dans 18 % des cas, de violences physiques ([46]).

La crise consécutive aux révélations liées à l’affaire dite « Orpéa » a entraîné « un afflux massif et inédit d’alertes portant sur des situations de maltraitances en Ehpad ». La Fédération 3977 indique toutefois qu’il existe probablement une « sous-déclaration sans doute encore massive » des alertes.

● Le rapport annuel 2021 de la Défenseure des droits fait mention « des difficultés que peuvent rencontrer les résidents et, le plus souvent, leurs proches pour porter plainte » ([47]). Outre la faible sensibilisation à ce sujet des personnels de police et de gendarmerie chargés de recueillir les plaintes, il semble que « certains faits restent encore banalisés et il peut être fait preuve d’une plus grande tolérance envers les auteurs en raison des conditions de travail difficiles dans le secteur médico-social ». Les craintes de représailles de la part de l’établissement peuvent également être éprouvées par les membres de la famille.

II.   Le dispositif proposÉ : une nouvelle instance en charge du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes

● Dans le but de renforcer les dispositifs d’alerte existants contre les cas de maltraitance de personnes âgées, le présent article crée une instance départementale spécifique. Un nouvel article L. 116-2-1 est inséré dans le code de l’action sociale et des familles, qui définit cette structure chargée du recueil, du traitement et de l’évaluation des alertes relatives aux personnes majeures en situation de vulnérabilité en raison de leur âge, leur maladie, leur handicap ou leur qualité́ de majeur protégé et victimes de maltraitance.

L’instance territoriale réunit le président du conseil départemental, le représentant de l’État dans le département, le représentant de l’Agence régionale de santé et les partenaires institutionnels ou associatifs concernés.

● L’instance territoriale conduit les enquêtes pluridisciplinaires nécessaires à sa mission d’évaluation. Elle est dotée d’une structure de pilotage pour établir une synthèse des situations de maltraitance déclarées dans le département. Elle peut procéder à un signalement judiciaire ([48]).

Un décret définira la composition et les modalités de fonctionnement précises de la nouvelle instance territoriale.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal. Celui-ci a modifié l’article selon plusieurs axes :

– tous les acteurs sont réunis au sein d’une instance qui est située au niveau départemental ;

– l’instance est placée sous la responsabilité des agences régionales de santé dans le cadre d’une nouvelle mission d’animation territoriale de la politique publique de lutte contre les maltraitances envers les adultes ;

– une fois par an, les données relatives aux maltraitances sont partagées avec les parties prenantes de la démocratie en santé au sein de la commission régionale de la santé et de l’autonomie ;

– une formation dédiée pourra être mise en œuvre par l’École des hautes études en santé publique.

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Article 5
Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à préciser et clarifier les missions du mandataire de protection judiciaire, dont le rôle est central auprès des personnes sous nprotection judiciaire, notamment dans la préservation de ses libertés et de son autonomie et dans l’objectif d’assurer sa sécurité juridique. Par ailleurs, cet article vise à introduire une charte éthique que les mandataires devront suivre dans l’exercice de leurs missions. Il instaure également une obligation de déclaration au procureur de la république de toute situation de maltraitance constatée.

I.   L’État du droit : la protection judiciaire des majeurs constitue un outil indispensable pour garantir la protection des personnes ÂgÉes dépendantes

A.   LEs mesures de protection judiciaires et non judiciaires

● Dans le cas où une personne âgée ne serait plus capable de prendre soin d’elle-même et de s’occuper de ses affaires courantes, deux types de protection juridiques existent :

– des mesures de protection non judiciaires, avec notamment le mandat de protection future ([49]), qui permet de choisir les personnes qui vont exercer sa protection et d’en définir l’étendue, et l’habilitation familiale ([50]), qui permet à un proche de représenter une personne ou de l’assister lorsqu’elle est dans l’incapacité de pourvoir seule à ses intérêts ;

– des mesures de protection judiciaires : la sauvegarde de justice (mesure provisoire ([51])), la curatelle (mesure d’assistance et de contrôle) et la tutelle (mesure de représentation) ([52]).

Les mesures de protection judiciaire sont toujours progressives et limitées dans le temps, étant prononcées pour cinq années au maximum ([53]). Il revient au juge des contentieux de la protection ([54]) de décider de la mesure la plus adaptée.

Ces mesures, quelle qu’en soit la nature, visent à éviter qu’une personne ne coure le risque de mettre sa vie ou celle des autres en danger, qu’une mauvaise gestion de son patrimoine ne lui soit préjudiciable ou qu’un abus de faiblesse ne soit commis.

● Dans le cas où il doit prononcer le recours à des mesures de protection judiciaire, le juge se prononce en fonction de quatre principes :

– le principe de nécessité, afin de vérifier que la situation justifie un tel recours et que les facultés mentales de la personne sont effectivement altérées ;

– le principe de subsidiarité, visant à privilégier d’autres solutions si cela est possible ;

– le principe de proportionnalité, afin de choisir la solution la plus adaptée aux capacités de la personne.

B.   Le rÔle du mandataire judiciaire À la protection des majeurs

● Le mandataire judiciaire intervient dans le cas où le juge n’a pas pu désigner un membre de la famille pour tenir le rôle de tuteur, curateur ou mandataire. Dans ce cas, un professionnel de la justice est désigné, celui-ci devant être inscrit sur une liste départementale établie par le préfet ([55]).

Il peut s’agir :

– d’une personne morale, telle qu’une association tutélaire ;

– d’un mandataire privé exerçant à titre individuel ;

– d’un préposé dans un établissement d’hébergement ([56]).

● Les mandataires judiciaires se caractérisent donc par une forte diversité de statuts. Dans tous les cas, il est nécessaire d’être titulaire d’un certificat national de compétence, accessible, après une formation de 300 heures théoriques et 250 heures de pratique professionnelle auprès d’un mandataire, à toute personne ayant 25 ans révolus, titulaire d’un diplôme de niveau III ([57]) et ayant occupé pendant au moins trois ans un poste dans le domaine juridique, patrimonial ou social.

Son rôle est multiple : il peut intervenir tant d’un point de vue financier que social ou juridique (gestion des biens et du budget, paiement des factures, notamment). Il est rémunéré par la personne sous mesure de protection ou, en cas d’impossibilité, par l’État ([58]).

● Le mandataire judiciaire est également tenu d’assurer une bonne information de l’entourage de la personne protégée, dans un objectif de lutte contre les risques de maltraitance ([59]), en leur fournissant :

– une notice d’information à laquelle est annexée une charte des droits de la personne protégée ([60]) ;

– un document individuel de protection des majeurs ([61]). Ce document, introduit par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, permet de résumer les objectifs et la nature de la mesure de protection, dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et, le cas échéant, du projet de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que le montant prévisionnel des prélèvements opérés sur les ressources de la personne protégée.

II.   Le dispositif proposÉ : prÉciser le rÔle du mandataire judiciaire, notamment face À des cas de maltraitance

● Le a du propose d’abord d’ajouter à l’article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles afin d’ajouter, dans les compétences potentielles des mandataires judiciaires, celle du mandat de protection future. En effet, le mandataire désigné pour représenter l’auteur qui établit le mandat, en anticipation d’une éventuelle perte de capacité physique ou morale, peut être soit une personne physique choisie par le mandant (membre de la famille, proche, professionnel) soit un mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

● Plus substantiellement, le b du propose de clarifier les missions du mandataire judiciaire dans le cadre du même article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles, afin d’y mentionner :

– la préservation des libertés fondamentales de la personne protégée et l’exercice de ses droits ;

– la promotion de son autonomie en s’assurant de l’expression de sa volonté ainsi que la protection de ses intérêts patrimoniaux et son accompagnement ;

– l’objectif de conforter la sécurité juridique des actes accomplis par la personne protégée et la vérification de la manifestation de leur consentement ;

– le respect, par les mandataires judiciaires, d’une charte éthique et de déontologie définie par voie réglementaire, en associant les mandataires professionnels et les représentants des usagers.

● Enfin, le propose de créer, au sein du code de l’action sociale et des familles, un nouvel article L 471-8-1, demandant aux mandataires judiciaires de prévenir l’autorité administrative ou le juge compétent de « tout dysfonctionnement ou événement grave portant atteinte aux droits des personnes protégées, à leur santé, leur sécurité » ainsi que des « démarches » entreprises pour remédier à cette situation. En cas de maltraitance, les mandataires judiciaires devraient en informer le procureur de la République.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal, afin de permettre de sécuriser juridiquement le dispositif.

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Article 5 bis (nouveau)
Création d’un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre »

Introduit par la commission

L’article 5 bis introduit un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre ».

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de Mmes Béatrice Piron et Natalia Pouzyreff (groupe Renaissance). Il permet d’introduire, dans l’objectif de renforcer le droit à l’information sur les modalités de prise en charge des résidents, un livret d’accueil supplémentaire, au moment de l’entrée dans un établissement ou un service social ou médico-social.

Il est précisé que ce livret devra être en format « facile à lire et à comprendre » (FALC), afin d’être diffusé le plus largement possible.

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Article 5 ter (nouveau)
Demande de rapport sur les mesures de contention dans les établissements médico-sociaux

Introduit par la commission

L’article 5 ter demande un rapport au Gouvernement sur les mesures de contention physique et médicamenteuse réalisées dans les établissements médico-sociaux.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine). Il demande un rapport au Gouvernement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, évaluant le recours aux mesures de contention physique et médicamenteuse dans les établissements médico-sociaux.

Le rapport de la Défenseure des droits sur les droits fondamentaux des personnes en Ehpad ([62]) avait en effet pointé que « la pratique de la contention physique – attachement, installation de barrières, etc.  et médicamenteuse – sédation – est répandue en EHPAD sur tout le territoire. Elle est notamment utilisée pour pallier le manque de personnel ou encore l’inadaptation de l’établissement à l’état de la personne. Le recours aux moyens de contention peut ainsi avoir pour simple origine des installations qui ne sont pas suffisamment sécurisées ou adaptées aux besoins du résident. De plus, le recours aux mesures de contention au sein de ces établissements est laissé à la libre appréciation des équipes. Il peut ainsi s’effectuer sans analyse de la proportionnalité, sans prescription médicale, sans limite dans le temps et sans être tracé. »

L’article 5 ter demande ainsi au Gouvernement de proposer, le cas échéant, des propositions visant à mieux encadrer l’usage de la contention et à la réduire.

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Article 5 quater (nouveau)
Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles

Introduit par la commission

L’article 5 quater permet au juge des tutelles de désigner un curateur ou tuteur de « remplacement », en anticipation du décès de la personne initialement désignée.

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal.

Il complète l’article 447 du code civil afin de permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les proches du majeur protégé, un curateur ou tuteur de « remplacement », dont la mission débutera au décès de la personne désignée en premier lieu. Le juge pourra procéder à cette désignation au moment de l’ouverture de la mesure de protection judiciaire, ou ultérieurement.

Enfin, les mots « pères et mères » sont remplacés à l’article 448 du même code, afin de faire référence aux parents.

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Article 5 quinquies (nouveau)
Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance

Introduit par la commission

L’article 5 quinquies crée un mandat de protection future aux fins d’assistance.

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal. Il modifie l’article 477 du code civil afin de créer un mandat de protection future aux fins d’assistance, aux côtés de celles de représentation. La nature du mandat sera susceptible d’évoluer « en fonction du degré d’altération des facultés personnelles du bénéficiaire du mandat ». Cette mesure, introduite en droit français par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, permet actuellement à toute personne d’anticiper un besoin de représentation en cas de survenance d’une vulnérabilité future.

Les articles 483 et 493 du même code sont également modifiés afin de faire évoluer la terminologie liée au mandat de protection future. Le terme de « mandant » est ainsi remplacé par « bénéficiaire du mandat », afin de couvrir les situations dans lesquelles le mandant n’est pas la personne concernée par le mandat, tels que les parents des enfants en situation de handicap.

Enfin, les conditions de mise à exécution du mandat sont rénovées. L’article 481 du même code ainsi modifié prévoit que le mandat soit mis à exécution sur transmission au greffe du tribunal judiciaire d’un « certificat médical circonstancié », et non seulement d’un certificat médical.

L’introduction de l’habilitation familiale aux fins d’assistance par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice nécessite en outre des adaptations des textes relatifs au mandat de protection future.

Cet article additionnel renforce par ailleurs les conditions de mise à exécution du mandat de protection future, en exigeant la production d’un certificat médical circonstancié, contre un simple certificat médical en l’état actuel des textes, pour que le mandat puisse prendre effet.

L’introduction de l’habilitation familiale aux fins d’assistance par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice nécessite en outre des adaptations des textes relatifs au mandat de protection future.

Enfin, cet article renforce les conditions de mise à exécution du mandat de protection future, en exigeant la production d’un certificat médical circonstancié, contre un simple certificat médical en l’état actuel des textes, pour que le mandat puisse prendre effet.

Le présent article s’inscrit dans le cadre des préconisations formulées à l’occasion des États généraux de la justice ([63]).

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Article 5 sexies (nouveau)
Évolution du dispositif d’habilitation familiale

Introduit par la commission

L’article 5 sexies fait évoluer le dispositif d’habilitation familiale en élargissant la liste des personnes pouvant être habilitées et en prévoyant la possibilité pour le juge de nommer une personne habilitée de « remplacement ».

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de la rapporteure Annie Vidal. Il modifie l’article 494-1 du code civil dans un double objectif :

 élargir la liste des personnes habilitées à assister ou à représenter un adulte vulnérable, limitée en l’état actuel à « ses ascendants ou descendants, frères et sœurs », à tout « parent ou allié » ;

 permettre au juge des tutelles de désigner, parmi les autres proches du majeur protégé, une personne habilitée « de remplacement », dont la mission débutera immédiatement et automatiquement au décès de la personne initialement désignée.

Enfin, cet article tire les conséquences des dispositions votées dans le cadre de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, favorisant le prononcé de l’habilitation aux fins d’assistance, en clarifiant le régime juridique de cette mesure.

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Article 6
Expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile

Adopté par la commission avec modification

L’article 6 autorise l’expérimentation d’une carte professionnelle destinée aux aides à domicile afin de mieux identifier les personnes intervenant dans l’habitation des personnes âgées, de reconnaître leur qualification et de faciliter leur accès à certains services.

I.   L’État du droit : L’aide À domicile, un Secteur dispersÉ en mAnque de reconnaissance

A.   Des mÉtiers au cœur du « virage domiciliaire »

Alors que la part des personnes âgées au sein de la population augmente et que les Français expriment majoritairement le souhait de vieillir chez eux, les professions de l’aide à domicile sont appelées à voir leur rôle renforcé dans les prochaines années.

● Mentionnés à l’article L. 7231-1 du code du travail, les services de l’aide à domicile constituent une sous-catégorie des services à la personne. Aux termes de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ils interviennent auprès des publics vulnérables, âgés ou handicapés, et apportent :

– une assistance dans les actes quotidiens de la vie ;

– des prestations de soins ;

– une aide à l’insertion sociale ;

– un accompagnement médico-social en milieu ouvert pour les personnes en situation de handicap.

 Il existe aujourd’hui trois types de services d’aide à domicile pour personnes âgées, qui peuvent être publics, associatifs ou privés lucratifs :

– les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), qui assurent des prestations d’aide à la personne pour les activités ordinaires et les actes essentiels de la vie quotidienne comme l’entretien du logement, la préparation des repas ou l’assistance à l’habillage. Ces services sont autorisés, tarifés et financés majoritairement par les départements ;

– les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) qui apportent, sur prescription médicale et selon les compétences de leurs dispensateurs, des soins d’hygiène (aide à la toilette), et des soins infirmiers (pansements, injections, distribution de médicaments). Prodiguées majoritairement par des infirmiers et des aides-soignants, ces prestations contribuent à prévenir la perte d’autonomie, facilitent le retour à domicile et retardent l’entrée en établissement des personnes âgées. Ces services assurent la coordination des professionnels médicaux et paramédicaux ;

– les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), qui constituent une nouvelle prestation qui pourvoit à la fois des soins infirmiers et des aides à domicile. Ils sont autorisés par les départements et les agences régionales de santé. Ils reçoivent des financements des départements, pour les actions d’aide, ainsi que de la branche autonomie de la sécurité sociale, en ce qui concerne les soins.

● Ces services sont soumis à des conditions préalables d’exercice. Un régime d’autorisation délivrée par le président du conseil départemental s’applique aux Saad, qui doivent se conformer au cahier des charges que prévoit l’article L. 313‑1-3 du code de l’action sociale et des familles. Les services d’aide à domicile doivent également obtenir un agrément délivré par l’État suivant des critères de qualité.

Les modes d’exercice du métier d’aide à domicile

Les services de l’aide à domicile peuvent être proposés selon trois modes d’exercice différents :

– le mode prestataire. Il s’agit du mode d’intervention le plus répandu. L’aide à domicile exerçant sous ce mode est salarié d’une structure d’aide à domicile. Le bénéficiaire de l’aide paie la prestation au service, qui rémunère l’employé.

– le mode mandataire. Le bénéficiaire de l’aide est lui-même employeur. Toutefois, il recourt à une structure d’aide à domicile pour la sélection de l’intervenant à domicile et la gestion des formalités administratives. Le bénéficiaire propose ensuite un contrat de travail à l’intervenant, qu’il rémunère directement.

– l’emploi direct. Le bénéficiaire est l’employeur de l’intervenant et assume la responsabilité des tâches administratives.

Source : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

B.   confrontÉ À des besoins croissantS, le secteur souffre d’un dÉfaut de reconnaissance et d’atTractivitÉ

1.   Les métiers de l’aide à domicile sont insuffisamment identifiés par le grand public et les autres professionnels

Les métiers de l’aide à domicile sont mal identifiés et peu valorisés auprès du grand public et des autres professionnels du secteur sanitaire et social.

● Ce manque de lisibilité est à relier à la multiplicité des métiers, exercés sous l’autorité d’employeurs aux statuts juridiques différents, qui nuisent à la coordination entre les prestations d’aide et de soin et à la compréhension par les usagers.

Dans un avis de décembre 2020, le Conseil économique, social et environnemental souligne ainsi la complexité du paysage juridique des métiers de l’aide à domicile, pour lesquels sept conventions collectives sont applicables et trois opérateurs de compétences concernés (santé, cohésion sociale et entreprises de proximité) ([64]).

● Les emplois de l’aide à domicile sont également morcelés en fonction des différents niveaux de formation des intervenants et du fait de l’émiettement des diplômes et certifications professionnelles. Au diplôme d’État d’accompagnement éducatif et social (DEAES) s’ajoutent une dizaine de formations diplômantes ([65]). Toutefois, il n’existe pas de diplôme obligatoire pour l’exercice des métiers de l’aide et de l’accompagnement à domicile. C’est ainsi que 65 % des professionnels sont sans diplôme, en dépit de réelles compétences forgées par l’expérience ([66]).

2.   Majoritairement occupés par des femmes, les emplois de l’aide à domicile sont peu attractifs du fait de leur pénibilité

Occupés à 95 % par des femmes, les métiers de l’aide à domicile souffrent d’un défaut d’attractivité lié à la difficulté physique des actes effectués, aux temps de travail fragmentés et irréguliers, et à la multiplicité des lieux d’intervention.

● Les rapports successifs sur les métiers de l’aide à domicile mettent en évidence les difficultés du secteur à recruter et à fidéliser les jeunes salariés ([67]). Selon une enquête menée par l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una), un poste sur cinq était à pourvoir en 2018. Dans le cadre de son enquête annuelle, Pôle Emploi constate que le métier « aides à domicile et aides ménagères » figure parmi les principaux secteurs en tension. Ce sont 85 % des recrutements envisagés qui sont perçus comme difficiles par les employeurs.

Les acteurs auditionnés soulignent également un taux de rotation élevé chez les jeunes salariés, qui quittent leur poste après quelques semaines lorsqu’ils sont confrontés à la réalité du métier.

● Ce manque d’attractivité s’enracine principalement dans la pénibilité des conditions d’exercice. Une large majorité des professionnels de l’aide à domicile travaille à temps partiel (76 %). Pour plus d’un quart d’entre eux, ce temps partiel est subi. Les horaires morcelés et atypiques, les lieux de travail multiples concourent à cette désaffection ([68]).

Les aides à domicile sont plus fortement exposés à des facteurs de risques professionnels tant physiques (troubles musculo-squelettiques) que psychiques (fatigue, anxiété). La fréquence des accidents du travail pour les métiers d’accompagnement et de soin auprès des personnes âgées et à domicile est trois fois supérieure à la moyenne ([69]).

Selon une étude témoin des services de l’État dans la région des Hauts‑de‑France, les aides à domicile expriment jusqu’à deux fois plus que les autres professionnels de la région un sentiment de fatigue et de lassitude ([70]). À l’échelle nationale, 76 % des professionnels de l’aide à domicile estiment leur salaire insuffisant au vu de leurs efforts et 75 % estiment être traités injustement dans leur travail ([71]).

II.   Le dispositif proposÉ : une carte professionnelle expérimentale pour la reconnaissance et la simplification du quotidien des aides À domicile

L’expérimentation d’une carte professionnelle pour les intervenants à domicile répond à une demande des professionnels du secteur. Elle vise à mieux identifier les personnes intervenant au domicile des personnes âgées, reconnaître leur rôle et leur donner un accès facilité à certains services.

● Le I du présent article prévoit que soit autorisée, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la création d’une carte professionnelle pour les professionnels des services de l’aide et de l’accompagnement à domicile.

● Le II renvoie à un décret les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation et la désignation des territoires concernés. Il définit notamment la forme matérielle ou électronique de la carte ainsi que ses conditions de délivrance.

● Le III dispose que cette expérimentation donne lieu, avant son terme, à un rapport d’évaluation remis par le Gouvernement au Parlement aux fins d’apprécier l’opportunité de sa généralisation.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de la rapporteure Annie Vidal, permettant de procéder directement à la généralisation de la carte professionnelle, sans passer par l’expérimentation et prévoyant une entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2025.

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Article 7
Création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 prévoit la création d’une aide financière annuelle versée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements afin de contribuer au développement de solutions de mobilité pour les professionnels de l’aide à domicile.

I.   L’État du droit : la prise en charge des frais liÉs À la mobilitÉ revient aux employeurs, appuyÉs le cas ÉchÉant par les dÉpartemenTS

Les professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile sont amenés à effectuer de nombreux déplacements dans l’exercice de leurs fonctions pour se rendre au domicile des personnes accompagnées, a fortiori dans les zones rurales. La Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap) estime la distance moyenne parcourue par les aides à domicile entre 300 et 400 kilomètres par semaine ([72]).

● Avant la hausse des prix des carburants liée aux conséquences de la guerre en Ukraine, plusieurs organisations représentatives des services d’aide à domicile alertaient déjà sur l’augmentation des frais de déplacement pour les professionnels. Citée par le Haut Conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge, l’étude Argos menée par l’Union de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una) soulignait ainsi une augmentation du coût des trajets de 13,1 % entre 2015 et 2017 ([73]). Sur le temps long, cette augmentation est portée par le morcellement des interventions en visites de courte durée.

A.   L’indEmnisation des frais liÉs À la mobilitÉ revient en premier lieu À l’employeur

1.   La prise en charge des temps et frais de déplacement par les employeurs répond à une obligation de branche

a.   L’indemnisation des frais de déplacement

● L’accord de branche du 29 novembre 2005 relatif aux indemnités kilométriques instaure le principe d’indemnisation des frais de déplacement pour les salariés des « associations et organismes employeurs privés à but non lucratif qui, à titre principal, ont pour activité d’assurer aux personnes physiques toute forme d’aide, de soin, d’accompagnement, de services et d’intervention à domicile ou de proximité ». Le montant de la prise en charge est alors fixé à :

– 0,35 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un véhicule automobile ;

– 0,15 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un deux-roues à moteur.

● Ces dispositions sont par la suite intégrées à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement des soins et des services à domicile (BAD) du 21 mai 2010, en son article 14.

L’avenant 36-2017 du 25 octobre 2017 relatif aux frais de déplacement précise les modalités d’indemnisation des frais de déplacement entre deux lieux d’intervention. Ces frais sont couverts :

– soit par le versement d’indemnités kilométriques ;

– soit par la mise à disposition d’un véhicule ;

– soit par le remboursement du prix de l’abonnement des transports en commun.

● L’avenant 50-2022 du 23 mars 2022 relatif à l’indemnisation des frais de déplacement a par la suite revalorisé ces indemnités kilométriques. Ainsi, depuis le 1er octobre 2022, les salariés relevant de cette branche se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de :

– 0,38 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un véhicule automobile ;

– 0,16 euro par kilomètre pour l’utilisation d’un deux-roues à moteur.

● Malgré ces dispositions, l’Una a souligné, lors de son audition par la rapporteure ([74]), que les frais de déplacement sont inégalement pris en charge selon les secteurs et une part importante du coût reste à la charge des intervenants. Selon l’étude d’EY pour la Fédération des services à la personne et de proximité (Fédésap), les frais de déplacement pris en charge ne représenteraient que 11 % des frais réels ([75]).

b.   La rémunération des temps de déplacement

● Dans un arrêt du 2 septembre 2014, la Cour de cassation a examiné la question de la qualification des temps de trajet entre deux lieux d’intervention. En s’appuyant sur l’article L. 3121-4 du code du travail, la Cour qualifie ces trajets de temps de travail effectif, devant ouvrir droit à rémunération ([76]).

Cette jurisprudence a été reprise par l’avenant 36-2017 du 25 octobre 2017 à la convention BAD, qui pose le principe selon lequel « les déplacements des personnels d’intervention font partie intégrante de leur exercice professionnel et sont pris en charge ».

Ainsi, sont définis comme temps de travail effectif et rémunéré comme tel « les temps de déplacement nécessaires entre deux séquences successives de travail effectif au cours d’une demi-journée [...] dès lors qu’elles sont consécutives. Lorsque les séquences successives de travail effectif au cours d’une même demijournée ne sont pas consécutives, le temps de déplacement entre ces deux séquences est reconstitué et considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel. »

2.   D’autres dispositifs de financement de la mobilité concourent à la prise en charge des frais de transport pour les intervenants à domicile

a.   La prime de transport

Prévue à l’article L. 3261-4 du code du travail, la prime de transport permet à l’employeur de proposer une prise en charge aux salariés des frais de carburant ou d’alimentation électrique pour leur véhicule.

Elle ne concerne que les salariés dont la résidence habituelle ou le lieu de travail se trouvent en dehors d’un périmètre de transports urbains. Elle ne peut être étendue aux voitures de fonction ou de service.

● La prime de transport est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 400 euros en 2022 et 2023 par salarié pour les frais de carburant et 700 euros pour les frais d’alimentation des véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogènes ([77]).

En Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte, ces plafonds sont de respectivement 600 euros et 900 euros.

b.   L’abonnement aux transports publics

Conformément aux dispositions prévues à l’article L. 3261-2 du code du travail, la participation de l’employeur aux frais de transports publics est obligatoire.

Pour les salariés comme pour les agents de la fonction publique, l’employeur doit prendre en charge 50 % du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail. Les services publics de location de vélo sont également concernés.

Tous les travailleurs bénéficient de la prise en charge obligatoire, y compris ceux à temps partiel.

B.   des inItiatives dÉpartementales existent afin de favoriser la mobilitÉ des intervenants À domicile

Aux termes de l’article L. 121-4 du code de l’action sociale et des familles, le département peut, à son initiative, mettre en place des mesures d’aide et d’action sociales autres que celles prévues par la loi. Le cas échéant, il « assure la charge financière de ses décisions ».

● Aussi, pour pallier les insuffisances des indemnités kilométriques, qui n’avaient pas été revalorisées depuis 2005, les départements ont imaginé d’autres types de soutien, notamment :

– le financement aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) d’indemnités kilométriques supérieures au tarif défini par la convention de branche ;

– le cofinancement de la location ou de l’achat d’un véhicule ;

– la mise à disposition d’une flotte de véhicules.

● À titre d’exemple, le département de l’Ain a, pour la période de juillet à décembre 2022, abondé le financement de l’indemnité kilométrique des Saad, passant, pour l’utilisation d’un véhicule automobile, de 0,35 à 0,60 euro par kilomètre. Une flotte de véhicules électriques a également été mise à disposition ([78]).

De la même manière le département de la Dordogne a mis en place un groupement d’achat, afin de faciliter la location de voitures de service pour les employeurs d’aides à domicile. Cette initiative s’ajoute à la flotte de véhicules mise à disposition par la collectivité ([79]).

● Ces initiatives en faveur de la mobilité des intervenants à domicile s’inscrivent dans le développement de solutions de « mobilité verte ».

Elles peuvent être appuyées le cas échéant par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), proposant des aides aux départements pour l’acquisition de véhicules électriques.

Instituée par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ([80]), la CNSA a vu ses missions s’accroître jusqu’à devenir la caisse centrale de la cinquième branche de la sécurité sociale ([81]). Elle finance les aides en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées et veille à garantir l’égalité d’accès aux prestations et services qui leur sont destinés.

II.   Le dispositif proposÉ : CrÉation d’une aide financiÈre annuelle de la cnsa pour les dÉpartements soutenant la mobilitÉ des intervenants À domicile

Le présent article propose la création d’une aide financière annuelle de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements, en complément des dotations prévues au titre de l’allocation pour l’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), afin de contribuer à la mobilité des professionnels de l’aide à domicile.

● Sont concernés par cette aide les professionnels intervenant au sein des structures désignées à l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, à savoir :

« – les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ;

« – les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert ».

Le montant ainsi que les modalités du versement de cette aide financière sont fixés par décret.

● Cette mesure répond à plusieurs objectifs :

– d’une part, accompagner les professionnels de l’aide à domicile afin de faire évoluer leur véhicule personnel, parfois vieillissant, vers des solutions plus durables, en accord avec les réglementations de circulation, notamment les zones à faibles émissions (ZFE) dans les aires urbaines. Il pourra également s’agir d’une aide au financement du contrôle technique, au paiement des frais kilométriques et à l’acquisition de véhicules électriques ;

– d’autre part, favoriser l’attractivité des métiers de l’aide à domicile, en limitant les coûts de déplacement à la charge des professionnels.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains), de Mme Josiane Corneloup (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), précisant que l’aide pourra concerner tous les modes de transport individuel ou collectif.

La commission a également adopté des amendements identiques M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains) et de Mme Josiane Corneloup (groupe Les Républicains), dans le but de préciser que cette aide devra concerner tous les territoires.

Un amendement de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés a permis d’ajouter que les départements devront transmettre annuellement à la CNSA le montant et les objets de ces affectations ainsi que le bilan de cette aide sur le soutien du secteur du domicile sur le département.

Enfin, la commission a adopté un amendement de M. François Gernigon et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, précisant qu’il sera nécessaire de veiller à ce que ces financements soient dirigés, lorsque cela est possible, en direction de véhicules à faibles émissions ou très faibles émissions.

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Article 7 bis (nouveau)
Demande de rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique pour les professionnels de l’aide à domicile

Introduit par la commission

L’article 7 bis demande au Gouvernement un rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométriques à hauteur de 0,45 euro par kilomètre pour les professionnels de l’aide à domicile.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. François Ruffin et ses collègues du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale. Il s’agit de demander au Gouvernement, dans un délai de six à compter de la promulgation de la présente loi, de remettre un rapport relatif aux modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique à hauteur de 0,45 euro par kilomètre pour les professionnels de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile.

L’avenant 43 de la branche de l’aide à domicile a permis en 2021 des revalorisations de 15 % en moyenne, pour les employés du secteur associatif. Concernant les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) relevant de la fonction publique territoriale, le décret n° 2022-740 du 28 avril 2022 élargit le bénéfice de la revalorisation de 183 euros nets aux aides à domicile des centres communaux d’action sociale (CCAS) et centres intercommunaux d’action sociale (Cias) exerçant leurs missions auprès de bénéficiaires de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH).

En miroir, les avenants à la convention collective de la branche de l’aide à domicile portant revalorisation des plus bas coefficients de salaire et de la valeur du point ont été agréés. Plus spécifiquement sur les questions de mobilités, le Gouvernement a agréé, par arrêté du 19 août 2022, l’avenant 50 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, qui revalorise le montant des indemnités kilométriques.

À partir du 1er octobre 2022, les salariés relevant de la branche de l’aide à domicile se voient rembourser leurs frais de déplacement à hauteur de 0,38 euro par kilomètre en cas d’utilisation de leur véhicule.

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Article 8
Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile, quelle que soit la nature du service d’intervention. Ce rapport sera notamment consacré à des propositions visant à améliorer l’équité de traitement des bénéficiaires et des professionnels de l’aide à domicile.

I.   L’État du droit : essentiellement portÉ par les dÉpartements, le financement de l’offre de soutien À domicile a ÉtÉ régulièrement rÉformÉ

A.   les aides sociales dÉpartementales favorisent le maintien À domicile des personnes ÂgÉes dÉpendantes

Selon les travaux de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) menés en 2016, la prise en charge de la dépendance à domicile représente un coût annuel de 9,2 milliards d’euros, parmi lesquels 8 milliards d’euros correspondraient à des dépenses « publiques », financées en large partie par les départements, et 1,3 milliard d’euros à des dépenses « privées », à la charge des ménages ([82]).

La part des dépenses incombant aux départements s’explique par leur rôle de financeurs de l’aide sociale aux personnes âgées. Aux termes de l’article L. 121‑4 du code de l’action sociale et des familles, « le conseil départemental peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations [d’aide sociale]. Le département assure la charge financière de ces décisions ».

L’aide sociale départementale aux personnes âgées se compose essentiellement de :

– l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ;

– l’aide sociale à l’hébergement en établissement ou chez des particuliers et des aides ménagères (ASH) ;

– la prestation de compensation pour le handicap (PCH).

a.   L’allocation personnalisée d’autonomie à domicile

La loi du 20 juillet 2001 a institué l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) au bénéfice des personnes âgées de 60 ans et plus en perte d’autonomie ([83]). Pour les personnes résidant à domicile, cette aide correspond au coût évalué dans le cadre d’un plan d’aide, notifié par le département après évaluation sur site. Pour les personnes résidant en établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad), elle couvre une partie du tarif dépendance fixé par l’établissement.

En 2020, 92 % des montants versés au titre de l’APA à domicile sont mobilisés pour financer le recours d’un intervenant à domicile, via un service mandataire, prestataire ou en emploi direct. En moyenne, en 2019, l’APA couvrait 81 % du coût de l’aide à domicile, qui s’élevait à 483 euros par mois et par personne. Cette proportion était plus élevée pour les bénéficiaires les plus dépendants (GIR 1 et 2) ([84]).

PRISE EN CHARGE DE LA DÉPENDANCE ET TAUX D’EFFORT DES BÉNÉFICIAIRES DE L’APA À DOMICILE, EN 2019

Source : Drees, L’aide et l’action sociales en France, 2022.

● Afin de soutenir le maintien à domicile, la loi du 28 décembre 2015 ([85]) a réformé l’APA à domicile :

– les plafonds des plans d’aide de l’APA ont été revalorisés ;

– le point d’entrée du ticket modérateur, c’est-à-dire le niveau de ressources au-delà duquel une partie de la dépense reste à la charge du bénéficiaire, a été augmenté ;

– un mécanisme de modulation du ticket modérateur en fonction du montant du plan d’aide et du niveau de ressources a été mis en place.

● Instauré par la loi de finances pour 2017 ([86]), le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile pour les inactifs contribue à réduire le taux d’effort des bénéficiaires de l’APA.

b.   La prestation de compensation du handicap

Prévue aux articles L. 245-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles, la prestation de compensation du handicap (PCH) est versée par les départements pour financer les dépenses liées à la perte d’autonomie. À partir de 60 ans, son bénéficiaire peut choisir de basculer vers l’APA, les deux aides n’étant pas cumulables.

En 2020, le nombre de bénéficiaires chez les 60-64 ans dépasse 11 pour 1 000 habitants ([87]).

c.   Les autres aides aux personnes âgées

● Les personnes âgées en perte d’autonomie ou en risque de perte d’autonomie à domicile peuvent bénéficier d’une aide ménagère. Prévue à l’article L. 231‑1 du code de l’action sociale et des familles, cette aide est accordée sous condition de ressources – en nature ou en espèces.

L’aide ménagère n’est pas cumulable avec l’allocation personnalisée d’autonomie. Elle est récupérable auprès des obligés alimentaires des bénéficiaires et par recours sur succession.

● En complément des aides légales, certaines aides et actions facultatives peuvent être décidées par les départements en faveur de l’accompagnement des personnes âgées ([88]). Il s’agit notamment :

– de l’aide à l’amélioration ou à l’adaptation du logement pour favoriser le maintien à domicile de la personne en perte d’autonomie ;

– du subventionnement d’associations spécialisées pour favoriser la vie en autonomie à domicile, à l’image des services sociaux associatifs spécialisés ;

– de l’aide aux déplacements ou aux transports (allocation pour se rendre en accueil de jour, prestation pour bénéficier des transports adaptés, allocation chèque taxi, etc.) ;

– d’une allocation versée aux enfants ou petits-enfants qui vivent avec leur ascendant.

● Enfin, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale peuvent seconder l’action des départements à travers des mesures d’aide et d’action sociales auprès des personnes âgées. Les services de livraison de repas, les actions de prévention et d’accompagnement entrent dans ce cadre.

B.   Le financement des services de soutien À domicile a ÉtÉ renovÉ pour davantage de lisibilitÉ et d’ÉquitÉ

Les départements interviennent également dans le financement de l’offre de soutien à domicile par l’intermédiaire des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad). Les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) sont, quant à eux, financés par l’Agence régionale de santé.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a réformé l’organisation du secteur de l’aide et de l’accompagnement à domicile ainsi que ses modalités de financement ([89]). Cette réforme avait pour principal objectif de remédier à une offre de services fragmentée, compliquant les démarches de l’usager et de ses aidants et affaiblissant la cohérence des interventions d’aide et de soin.

1.   La structure de l’offre de service a évolué vers un modèle intégré

L’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 crée, à l’article L. 313-1-3 du code de l’action sociale et des familles, les services autonomie à domicile (SAD), en remplacement des Saad, Ssiad et Spasad. Ces services proposeront à la fois des prestations d’aide et de soin afin de fluidifier le parcours de la personne accompagnée.

Une fois la réforme entrée en vigueur, à horizon 2025, il n’existera donc que deux catégories de services :

– les services dispensant de l’aide et du soin ;

– les services ne dispensant que de l’aide, la possibilité étant laissée au Saad d’organiser la réponse aux besoins de soins sous la forme d’une convention de partenariat avec d’autres professionnels.

2.   Les modalités de financement des services ont également été rénovées

Avant la réforme engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, chaque département fixait les tarifs des heures d’aide et d’accompagnement accomplies au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap. Par conséquent, la prise en charge était hétérogène d’un département à l’autre, variant pour l’allocation personnalisée d’autonomie de 17,50 euros à 27,09 euros en 2018 ([90]). De surcroît, les écarts entre tarif horaire et coût réel de prestation observés dans certains départements amenaient les services à limiter leurs coûts, avec des conséquences sur la qualité de la prestation et les conditions d’exercice des professionnels.

● Dans ce contexte, l’article 44 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a opéré une refonte du modèle de financement des services à domicile, en suivant un double objectif : d’une part, améliorer la solvabilisation de l’offre de service en rapprochant les tarifs de leur coût de revient pour les services habilités comme non habilités ; d’autre part, attribuer aux structures des dotations modulées, tenant compte du niveau de perte d’autonomie et des besoins des personnes prises en charge.

Habilitation à l’aide sociale

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a unifié le régime juridique des services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) au profit de l’autorisation par le conseil départemental :

– si l’autorisation vaut habilitation à l’aide sociale, les services sont tarifés par le département, qui fixe un tarif horaire pris intégralement en charge par l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, sous réserve du ticket modérateur applicable en fonction du revenu ;

– si l’autorisation est délivrée sans habilitation à l’aide sociale, les services sont libres de déterminer leurs prix, sous réserve de respecter un taux maximal de progression annuelle fixé chaque année par arrêté ministériel. L’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap est versée au bénéficiaire dans la limite d’un tarif de référence établi par le conseil départemental.

● Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, l’article L. 314‑2‑1 du code de l’action sociale et des familles articule le financement des services d’autonomie à domicile, habilités ou non à l’aide sociale, autour de deux volets :

– au titre de leur activité d’accompagnement à domicile, le tarif horaire des services habilités à l’aide sociale est défini par le président du conseil départemental et ne peut être inférieur à un tarif plancher fixé chaque année par arrêté ministériel. Son montant s’élève à 23 euros pour l’année 2023 ([91]). Pour les services non habilités à l’aide sociale, le montant de la prestation est destiné à couvrir tout ou en partie le prix du service – à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie ou la prestation de compensation du handicap, et ne peut être inférieur au montant susmentionné ;

– au titre de l’activité de soins, l’Agence régionale de santé verse, selon l’article 44 de la LFSS pour 2022, chaque année, d’une part, une « dotation globale relative aux soins, dont le montant tient compte notamment du niveau de perte d’autonomie et des besoins en soins des personnes accompagnées », et d’autre part, « une dotation destinée au financement des actions garantissant le fonctionnement intégré de la structure et la cohérence de ses interventions auprès de la personne accompagnée ».

Enfin, une dotation complémentaire peut être octroyée aux services habilités et non habilités à l’aide sociale dans le cadre d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclu avec le département au terme d’un appel à projets. Cette dotation finance des actions répondant à des objectifs d’amélioration de la qualité du service à l’usager, énumérés à l’article L. 314‑2‑2 du code de l’action sociale et des familles, parmi lesquels l’accompagnement à domicile des usagers dont le profil de prise en charge présente des spécificités (grande dépendance, polyhandicap), la prestation de service le soir, en fin de semaine et les jours fériés, l’accompagnement des aidants, etc.

3.   Les carrières du secteur ont été rénovées et sont mieux rémunérées

● Entré en vigueur le 26 février 2020, l’avenant 43 à la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile vise à accroître l’attractivité des métiers de la branche par la revalorisation des salaires et des parcours professionnels ([92]). Il prévoit :

– la mise en place d’un système de classification explicitant le positionnement des emplois de la branche les uns par rapport aux autres afin de faciliter la mobilité des salariés du secteur ;

– la revalorisation moyenne de 15 % du salaire des salariés des structures conventionnées, rendue opérationnelle au 1er octobre 2021. Cette revalorisation concerne près de deux tiers des structures de l’intervention à domicile.

● Enfin, l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit une aide de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements finançant un dispositif de soutien aux professionnels des Saad exerçant leur activité en direction des personnes âgées et handicapées.

Cette aide annuelle de 200 millions d’euros soutient la prise charge des coûts directement supportés par les départements au terme de la conclusion de conventions ou accords collectifs revalorisant les rémunérations des salariés concernés.

II.   Le dispositif proposÉ : un rapport Évaluant l’organisation et les modalitÉs de financement de l’offre de soutien À domicile

A.   les rÉformes rÉcentes de la tarification de l’offre de soins À domicile nourrissent des questions

Si elle simplifie l’offre de soutien à domicile et rationnalise les modalités de financement, la réforme susmentionnée présente un certain nombre d’inconnues.

● Le tarif plancher pour la facturation des actions d’accompagnement à domicile ne s’applique pas à l’emploi direct d’un salarié, accompagné ou non par un service mandataire. Or, dans son avis sur l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) rappelait : « dans nombre de départements, le tarif de référence en emploi direct est inférieur au coût horaire de la prestation. Or l’emploi entre particuliers constitue une part très significative des prises en charge au titre du plan APA dans certains départements. De ce fait, le recours à cet emploi donne lieu à un RCA [reste à charge] ‘au-dessus’ des références réglementaires » ([93]). Ainsi l’impact de la réforme sur le reste à charge des ménages, bien qu’en partie compensé au moyen du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, nécessiterait-il d’être mieux appréhendé.

● L’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles a souligné, lors de son audition par la rapporteure, les potentielles conséquences du tarif plancher sur le choix des services de rester habilités à l’aide sociale ou d’en faire la demande ([94]).

B.   Un rapport au parlement pour Évaluer l’efficacitÉ du financement de l’offre de soutien À domicile ET identifier ses insuffisances

L’article 8 de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport du Gouvernement « évaluant l’organisation et les modalités de financement de l’offre à domicile, et appréciant l’équité du soutien public et de la régulation tarifaire entre les différentes formes de services à domicile existantes, notamment entre les services prestataires, associatifs et lucratifs, les services mandataires et l’emploi direct ».

Une partie de ce rapport sera consacrée à la formulation de propositions :

– pour améliorer la lisibilité et l’équité de traitement des bénéficiaires de plan d’aide d’allocation personnalisée pour l’autonomie ;

– pour assurer une rémunération convergente des salariés de l’aide à domicile et soutenir leur mobilité, indépendamment du statut de l’employeur.

III.   les Modifications apportées par la commission

Outre des amendements rédactionnels de la rapporteure Annie Vidal, la commission a adopté des amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) et de Mme Isabelle Valentin (groupe Les Républicains), visant à préciser que les services prestataires pourront être ou non détenteurs de l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. La commission a également adopté des amendements identiques de MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine), de Mme Justine Gruet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains ainsi que de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), précisant que le rapport devra également évaluer les modalités de mise en œuvre d’un pilotage des services autonomie à domicile.

Des amendements identiques de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), de M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, de MM. Yannick Monnet et Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine), de Mme Justine Gruet et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) ainsi que de M. Olivier Falorni et des membres du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ajoutent également que le rapport devra formuler des propositions pour assurer l’effectivité de l’expression et de la participation des usagers à domicile.

La commission a par ailleurs adopté des amendements identiques AS95 de Mme Alexandra Martin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES), de M. Jean‑Pierre Taite et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de MM. Yannick Monnet et Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine) ainsi que de Mme Josiane Corneloup et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, dans le but de compléter l’objet du rapport en demandant une évaluation de l’adéquation entre les formations des professionnels de l’aide à domicile et les besoins des personnes accompagnées ou qui pourraient bénéficier d’un accompagnement.

Enfin, la commission a adopté un amendement de Mme Martine Etienne et des membres du groupe La France insoumise  Nouvelle Union Populaire écologique et sociale, qui demande à ce que le rapport évalue aussi quantitativement et qualitativement l’adéquation entre l’offre de soutien à domicile et les besoins des personnes, des familles et des proches aidants, notamment au regard du reste à charge des personnes, du besoin en matériel et de la coordination avec les autres professionnels du secteur médico-social ou de la santé.

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Article 9
Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement

Adopté avec modifications

Cet article supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants s’agissant de l’aide sociale à l’hébergement.

 

I.   le droit existant

A.   L’obligation alimentaire, un principe de solidarité familiale qui prime la solidarité collective

● L’obligation alimentaire renvoie à l’obligation d’aider matériellement des personnes de sa famille, lorsque ces dernières se trouvent dans le besoin. Elle est prévue à l’article 205 du code civil qui dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ».

Expression juridique de la solidarité familiale, l’obligation alimentaire peut revêtir plusieurs formes. La notion d’« aliments » renvoie en effet aux besoins fondamentaux de la personne tels que la nourriture, l’habillement, les soins ou le logement. Dans les faits, elle se traduit essentiellement par le versement d’une prestation financière. Le montant de cette dernière, révisable, est déterminé en fonction des besoins de la personne à aider et de la capacité financière des obligés alimentaires.

Les personnes tenues à cette obligation sont appelées des « débiteurs d’aliments » et les personnes bénéficiaires de la pension alimentaire des « créanciers d’aliments ». L’obligation alimentaire concerne les enfants, petits‑enfants et arrière-petits-enfants des personnes à aider. Elle s’applique aux gendres et belles-filles envers leur beau‑père ou belle‑mère même si elle prend fin en cas de divorce ou de décès de l’époux ou épouse qui établissait le lien d’affinité, ainsi que des enfants issus de cette union. La même obligation alimentaire est imposée envers les enfants majeurs ([95]).

● L’obligation alimentaire est intégrée dans la législation sur l’aide sociale, au sein de laquelle elle prime la solidarité collective. L’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles dispose en effet que « les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais ».

● La loi ne fixe pas le barème de l’obligation alimentaire. Les obligés alimentaires doivent s’entendre à l’amiable sur le montant de l’aide à verser à leur proche dans le besoin. Seul le juge aux affaires familiales (JAF) est compétent pour fixer la contribution individuelle de chaque obligé alimentaire en fonction de sa situation familiale et financière.

B.   Une articulation délicate entre l’obligation alimentaire et le bénéfice de l’aide sociale : l’exemple de l’Aide sociale à l’hébergement

Selon l’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles précité, conformément au principe de subsidiarité de l’aide sociale, la proportion des aides consenties par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l’obligation alimentaire.

S’agissant de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) qui peut être demandée par les personnes âgées hébergées en établissement ou chez des accueillants familiaux qui ont des ressources inférieures au montant des frais d’hébergement, le conseil départemental prend en compte, pour l’attribution et le calcul de l’aide, les revenus de la personne et le cas échéant, de ses obligés alimentaires.

Cette prise en compte de l’obligation alimentaire dans le cadre de l’ASH pose cependant un certain nombre de difficultés, mises en lumière par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport de 2011 ([96]).

Le régime de l’obligation alimentaire est d’abord source d’insécurité juridique des décisions d’ASH. Comme indiqué supra, le conseil départemental n’a pas la compétence juridique pour déterminer qui est obligé alimentaire, ni pour établir une participation aux frais d’hébergement et répartir le coût de celle-ci entre les obligés. La décision en matière d’ASH ne peut être exécutée et sécurisée qu’en cas d’accord entre le conseil départemental et les obligés alimentaires sur les montants de participation. En l’absence de cet accord, la décision du conseil départemental peut être remise en cause à tout moment par le JAF, qui peut fixer le montant de l’obligation à un montant inférieur ou supérieur.

L’hétérogénéité des règles relatives à la désignation des obligés alimentaires et à l’appréciation de leurs ressources constitue une deuxième difficulté. Ainsi, selon la Drees ([97]), si tous les départements déclarent recourir à l’obligation alimentaire auprès des enfants du bénéficiaire et 92 % d’entre eux, auprès des gendres ou des belles-filles, ils ne sont que 32 % à la pratiquer auprès des petits‑enfants. Les montants mis à la charge des obligés varient par ailleurs parfois significativement selon les départements.

Enfin, le principe de l’obligation alimentaire est souvent considéré comme étant en décalage avec les évolutions contemporaines des structures familiales, notamment s’agissant des obligations incombant aux petits-enfants et leurs descendants. L’obligation alimentaire peut d’ailleurs constituer une cause de tension au sein même des familles, et par conséquent, de non-recours à l’aide sociale. Ce dispositif tendrait en outre à perpétuer les situations de pauvreté, en sollicitant essentiellement les enfants et petits-enfants des retraités modestes qui, du fait des limites de la mobilité sociale, ont davantage de risques d’avoir un niveau de vie inférieur à la moyenne.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article réduit et harmonise le champ de l’obligation alimentaire, en supprimant cette obligation pour les petits-enfants et des descendants s’agissant de l’ASH.

Cette mesure a pour objectif de rendre les règles d’attribution de l’ASH plus équitables au niveau national et plus adaptées à la configuration actuelle de la société. Elle devrait permettre par ailleurs de simplifier et d’écourter les procédures de demandes d’ASH.

III.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de précision rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 10
Rapport sur l’aide sociale à l’hébergement

Adopté sans modifications

Le présent article prévoit, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’aide sociale À l’hébergement vise à DIMINUER LES FRAIS D’HÉBERGEMENT DES PERSONNES EN PERTE D’AUTONOMIE

● Prévue à l’article L. 231-4 du code de l’action sociale et des familles, l’aide sociale à l’hébergement prend en charge tout ou partie des frais liés à l’hébergement d’une personne âgée en établissement d’hébergement pour personnes âgées ou chez un accueillant familial.

Financée par les départements, elle a pour vocation de réduire le coût de l’hébergement qui représente le principal effort financier des personnes âgées résidant en établissement. Le reste à charge moyen mensuel est en effet de 1 850 euros pour une chambre avant aide sociale, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

● L’aide sociale à l’hébergement est accordée aux personnes de plus de 65 ans, ou de 60 ans en cas d’inaptitude au travail, résidant en France, en perte d’autonomie ou risque de perte d’autonomie, sous condition de ressources.

Il s’agit d’une prestation sociale de nature subsidiaire, qui vise à combler l’écart entre les ressources d’une personne en perte d’autonomie et les dépenses d’hébergement qui lui incombent. Le montant de l’aide correspond à la totalité des frais d’hébergement du bénéficiaire, diminués de sa participation et de la contribution éventuelle de ses obligés alimentaires ([98]).

Conformément à l’article L. 132-3 du code de l’action sociale et des familles, la participation demandée au bénéficiaire ne doit pas le priver de toute ressource. Celui-ci doit disposer, après avoir participé aux frais d’hébergement, d’au moins 10 % de ses ressources initiales. En outre, ce reste à vivre doit se situer au-dessus d’une somme plancher mensuelle fixée par l’article R. 231-6 du code de l’action sociale et des familles à 1 % du minimum vieillesse annuel, soit 115 euros.

Les sommes versées au titre de l’aide sociale à l’hébergement sont récupérables après le décès du bénéficiaire, voire de son vivant si sa situation financière s’améliore.

B.   Un dispositif imparfait, caractérisé par un faible taux de recours

Le taux de recours à l’aide sociale à l’hébergement est particulièrement faible. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, 116 500 personnes âgées en bénéficiaient au titre d’un hébergement en établissement fin 2020, soit moins de 1 % de la population âgée de 60 ans ou plus ([99]). Ces personnes occupaient seulement 22 % des 519 000 places habilitées à l’aide sociale au 31 décembre 2019, alors même que 79 % de l’ensemble des personnes résident en Ehpad n’ont pas, à elles-seules, les ressources courantes permettant d’acquitter le tarif d’hébergement. Les leviers mobilisés pour financer ce reste à charge sont alors la consommation de l’épargne, la cession du patrimoine ou le financement par des proches.

● Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible taux de recours à l’aide sociale à l’hébergement.

En premier lieu, les personnes éligibles au titre d’un hébergement en Ehpad doivent nécessairement, pour percevoir l’aide, occuper une place habilitée par le conseil départemental. Or, ces places sont inégalement réparties selon le type d’établissement. Dans les secteur public et non lucratif, l’essentiel des Ehpad sont habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement sur l’ensemble de leurs places disponibles – respectivement 93 % et 91 %. Ce n’est le cas que de 4 % des Ehpad privés à but lucratif, près de six sur dix d’entre eux n’offrent d’ailleurs aucune place habilitée à l’aide sociale ([100]).

L’instruction de la demande d’aide sociale se révèle longue et complexe. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié en 2011, estimait les délais d’instruction osciller entre cinq et neuf mois, et pouvoir même dépasser un an ([101]). Toute demande d’instruction sollicite plusieurs acteurs, qu’il s’agisse des établissements dotés de places habilitées à l’aide sociale, des services du conseil départemental et des communes chargées de la recherche des obligés alimentaires. Cette complexité décourage, selon l’Igas, de potentiels bénéficiaires.

Enfin et surtout, le faible recours à l’aide sociale à l’hébergement s’explique par ses conditions et ses modalités de versement. La participation des obligés constitue un premier frein pour les potentiels bénéficiaires, qui ne souhaitent pas représenter une charge pour leurs proches et créer des conflits familiaux. La récupération des sommes versées au titre de l’aide sociale à l’hébergement sur l’héritage, si l’actif net successoral dépasse un certain montant ([102]), produirait en outre un effet désincitatif analogue.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article ordonne au Gouvernement la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, d’un rapport établissant le bilan de la mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement. Ce rapport éclairera le législateur sur les freins au recours de cette aide. Il évaluera notamment l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires, actuellement fixé à 46 000 euros.

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Article 11
Financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soin et dépendance attribués aux Ehpad

Adopté avec modifications

Le présent article dispose que les forfaits soins et dépendances attribués aux Ehpad peuvent prendre en charge des actions de prévention de la perte d’autonomie.

I.   Le droit en vigueur

Prévu à l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles, le financement des Ehpad et des petites unités de vie accueillant des personnes âgées dépendantes ([103]) repose aujourd’hui sur trois forfaits :

– un forfait « soins », financé par l’assurance maladie via les agences régionales de santé (ARS), qui finance les dépenses médicales réelles, soit principalement les personnels soignants et les actes médicaux. Ce forfait est versé sous la forme d’une dotation globale calculée sur la base d’une équation tarifaire nationale qui tient compte de la charge en soins des résidents ;

– un forfait « dépendance », financé majoritairement par les conseils départementaux au titre de l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et en partie par les résidents, qui a vocation à régler les prestations d’aide et de surveillance des résidents ;

– un forfait « hébergement », pris en charge par les résidents et, pour les personnes aux revenus les plus modestes, par les départements au titre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), qui finance les dépenses liées à l’hôtellerie, à la restauration, à l’entretien, à l’administration ou encore aux animations.

II.   le droit proposÉ

Le présent article dispose que les forfaits soins et dépendance attribués aux Ehpad et aux petites unités de vie peuvent financer des actions de prévention de la perte d’autonomie.

Cette disposition devrait encourager le financement d’actions aujourd’hui uniquement prises en charge par le forfait hébergement et pourtant essentielles à la prévention de la perte d’autonomie comme l’intervention d’éducateurs en établissement, ou l’organisation d’activités relatives au sport-santé.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de M. Freddy Sertin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, précisant que les forfaits soin et dépendance attribués aux ESMS prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap pourront financer des actions de prévention et notamment, l’intervention de référents qualité. Ces référents sont chargés du suivi des plans d’action pour améliorer la qualité de l’accompagnement, du respect de la réglementation ou encore pour évaluer la gestion des risques.

La commission a également adopté un amendement de précision rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 11 bis (nouveau)
Rôle renforcé du médecin coordonnateur en Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article reconnait le pouvoir de prescription du médecin coordonateur dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée et prévoit la possibilité de désigner le médecin coordonnateur, médecin traitant du résident.

Le présent article, introduit par l’adoption d’un amendement de M. Bastien Marchive et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, renforce et précise le rôle du médecin coordonnateur dans les Ehpad et les unités de soins de longue durée.

● Il dispose d’abord que ce médecin assure l’encadrement de l’équipe soignante de l’établissement et le suivi médical des résidents de l’établissement, pour lesquels il peut réaliser des prescriptions médicales. Cette disposition constitue un élargissement significatif du pouvoir de prescription du médecin coordonnateur aujourd’hui limité aux situations d’urgence ou de risques vitaux, ainsi qu’en cas de survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Il est par ailleurs prévu que le médecin coordonnateur est chargé de veiller à la qualité de la prise en charge médicale des résidents et que cette fonction peut être exercée par un ou plusieurs médecins.

● Le présent article prévoit en outre la possibilité pour le résident ou le cas échéant, son représentant légal ou sa personne de confiance, de désigner le médecin coordonnateur comme médecin traitant du résident. Au moment de l’admission dans l’établissement, le contrat de séjour ou le document individuel de prise en charge fait mention du choix du résident, qui peut être modifié à tout moment de son séjour dans l’établissement.

Cette évolution des fonctions de médecins coordonnateurs entend, selon le rédacteur de l’amendement, répondre aux demandes d’un meilleur suivi médical des résidents et renforce l’attractivité de cette fonction, « en permettant de combiner les fonctions de coordination et d’encadrement des équipes avec une approche clinique ».

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Article 11 ter (nouveau)
Obligation de contrôle et de sanction envers les établissements et services sociaux et médicosociaux ne respectant pas les règles du code de l’action sociale et des familles

Introduit par la commission

Le présent article prévoit l’automaticité des injonctions et sanctions prononcées par l’autorité compétente envers les établissements et services sociaux et médico‑sociaux ne respectant pas leur obligations.

L’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles précise que des injonctions de mise en conformité peuvent être adressées aux établissements, services ou lieux d’accueil dont les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement, dérogent aux dispositions ce même code par l’autorité compétente, soit l’agence régionale de santé ou le conseil départemental. Il prévoit par ailleurs que des sanctions peuvent être prononcées contre les structures qui n’auraient pas remédié aux manquements dans un délai fixé.

Toutefois, en l’état actuel du droit, ces injonctions et sanctions ne sont pas automatiques.

Cet article additionnel, résultant de l’adoption en commission d’un amendement déposé par M. Patrick Hetzel et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, modifie la rédaction de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles, de manière à systématiser ces injonctions et sanctions.

Il précise par ailleurs que l’autorité compétente prévoit les conditions d’affichage des injonctions au sein des établissements ou services mis en cause.

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Article 11 quater (nouveau)
Mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article dispose d’une part que les établissements sociaux et médico‑sociaux ont l’obligation de consulter régulièrement les résidents sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis et d’autre part que les établissements accueillant des personnes âgées respectent un cahier des charges spécifiques, relatif à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés.

Le présent article, introduit par l’adoption d’un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, a pour objectif d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas proposés aux résidents des établissements sociaux et médico‑sociaux (ESMS).

Il étend, d’une part, aux gestionnaires d’établissements sociaux et médico‑sociaux l’obligation faite actuellement aux gestionnaires de cantines scolaires et universitaires, ainsi que des établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans, de consulter régulièrement les résidents sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis. Le conseil de la vie sociale pourra notamment être informé et consulté sur ce sujet.

Il prévoit d’autre part que les établissements accueillant des personnes âgées respectent un cahier des charges spécifique, relatif à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation.

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Article 11 quinquies (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les Ehpad

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les établissements et services accueillant des personnes âgées.

L’article 11 quinquies, introduit par l’adoption d’un amendement de M. Didier Martin et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer un taux minimal d’encadrement dans les établissements et services accueillant des personnes âgées, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

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Article 12
Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Adopté avec modifications

Dans le sillage des réformes récentes de l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, le présent article vise à préciser les modalités d’habilitation des évaluateurs des organismes d’évaluation et à instaurer un principe de transparence de ces évaluations par la publication des résultats dans un langage clair et accessible à tous.

A.   L’évaluation, outil central de contrôle du respect des principes de l’action sociale et mÉdico-sociale

● L’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) a été progressivement consacrée dans le droit. Près de 40 000 établissements et services sont concernés. Ils sont visés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, sauf dérogation prévue par ce même code.

● Comme l’a rappelé le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur l’évolution de la démarche qualité au sein des Ehpad et de son dispositif d’évaluation, l’évaluation constitue « la pierre angulaire de l’action sociale et médico-sociale » ([104]).

En effet, il s’agit de faire application des principes établis par le code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que l’action sociale et médico-sociale « repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature » ([105]).

B.   L’évaluation a connu d’importantes évolutions depuis 2002

● La loi du 2 janvier 2002 ([106]) a rendu obligatoire l’évaluation des activités et de la qualité des prestations des ESSMS. L’objectif était alors « d’apprécier la qualité des activités et prestations délivrées par ces structures aux personnes accueillies par des organismes habilités » ([107]).

● Le décret du 21 décembre 2016 ([108]) a contraint les ESSMS à signaler « tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d’affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout évènement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ».

● La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([109]) a transféré à la Haute Autorité de santé les missions en matière d’évaluation de la qualité des ESSMS auparavant dévolues à l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux ([110]). Toutefois, la loi du 24 juillet 2019 ([111]) a fait évoluer les missions de la Haute Autorité de santé dans ce type d’évaluation, en lui demandant d’élaborer :

– une nouvelle procédure d’évaluation commune à tous les ESMS ;

– un nouveau cahier des charges fixant les exigences requises pour devenir un organisme autorisé à réaliser ces évaluations.

● L’évaluation est définie à l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles qui en prévoit deux sortes :

– une évaluation interne, dans l’objectif d’engager et de structurer une démarche qualité propre à chaque établissement, intégrée dans le projet d’établissement et connue de l’ensemble des équipes ;

– une évaluation externe, par un organisme habilité à cette fin.

C.   En 2022, Une importante révision du référentiel et du cahier des charges par la haute autorité de santé

● Conformément à la loi précitée du 24 juillet 2019, le début de l’année 2022 a vu la Haute Autorité de santé définir un référentiel commun pour l’évaluation des ESSMS ([112]).

Construit en trois chapitres (la personne, les professionnels, l’ESSMS), il met en avant neuf thématiques : la bientraitance et l’éthique, les droits de la personne accompagnée, l’expression et la participation de la personne accompagnée, la co-construction et la personnalisation du projet d’accompagnement, l’accompagnement à l’autonomie, l’accompagnement à la santé, la continuité et la fluidité des parcours, la politique des ressources humaines, enfin la démarche qualité et gestion des risques.

Au total, ce nouveau référentiel décline 42 objectifs en 157 critères d’évaluation avec, pour chacun d’entre eux, une claire délimitation du champ d’application, du niveau d’exigence, des éléments d’évaluation et des référencements associés. 129 de ces critères sont communs à tous les ESSMS quand 28 d’entre eux sont spécifiques au secteur d’activité, au type de structure et au public accompagné. Enfin, 18 critères sont dits impératifs car impliquant la mise en place d’un plan d’actions spécifiques.

Les évaluations ont lieu tous les cinq ans, en cohérence avec la temporalité des projets d’établissements. Elles sont diligentées par un organisme tiers indépendant de la structure. Les résultats sont transmis à l’autorité de tarification et de contrôle et à la Haute Autorité de santé.

● En 2022, la Haute Autorité de santé a également révisé en profondeur la procédure d’accréditation des organismes en charge des évaluations. Cette dernière suppose, conformément au décret du 28 avril 2022 ([113]), le respect d’un cahier des charges défini par la Haute Autorité de santé et dont la dernière mouture a été publiée en mai 2022 ([114]).

Une plateforme internet dédiée, appelée « Synaé » ([115]), met en lien la Haute Autorité de santé, les ESSMS et les organismes accrédités. La liste actualisée de ces organismes pour chaque département est rendue publique par la Haute Autorité de santé ([116]).

évolutions de la procédure d’accréditation des organismes en charge de l’évaluation des ESsMS par la Haute Autorité de santé, avant et après l’entrée en vigueur du nouveau cahier des charges en mai 2022

Source : Haute Autorité de santé.

II.   Le dispositif proposÉ : renforcer la transparence et l’accessibilité des indicateurs qualité et des rÉsultats des évaluations

● Par un amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale ([117]), la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoyait, à son article 52 ([118]), des ajustements législatifs en vue d’assurer une bonne entrée en vigueur de la réforme de l’évaluation des ESSMS, dans le but d’améliorer à la fois la lisibilité et la transparence sur la qualité de ces établissements et services et les exigences d’indépendance et de qualité attendues par les organismes chargés des évaluations.

Or, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions dudit article n’avaient qu’un effet trop indirect sur les régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Il en a donc prononcé la censure ([119]).

Toutefois, les dispositions en cause étaient indispensables à la bonne mise en œuvre de la réforme de l’évaluation des ESSMS. C’est pourquoi elles se trouvent reprises dans l’article 12 de la présente proposition de loi. Afin de continuer à améliorer les procédures d’évaluation de la qualité des ESSMS, celui-ci comprend plusieurs dispositifs devant accroître la transparence et l’accessibilité à la fois des indicateurs et des résultats de ces évaluations.

● Le du A modifie en plusieurs points l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, qui définit les principes de l’évaluation des ESSMS. Il supprime la deuxième phrase du premier alinéa, qui décrit succinctement le mécanisme d’accréditation par la Haute Autorité de santé. Il remplace les deuxième et troisième alinéas par trois nouveaux alinéas qui visent à :

– décrire la procédure d’accréditation par l’instance nationale d’accréditation, le comité français d’accréditation (COFRAC) ([120]) ;

– préciser que la Haute Autorité de santé définit un cahier des charges qui décrit les exigences demandées, en plus de celles exigées dans le cadre de l’accréditation, aux organismes souhaitant devenir évaluateurs. L’instance nationale d’accréditation est également chargée de vérifier la bonne application de ce cahier des charges ;

– donner la possibilité à la Haute Autorité de santé de signaler à l’instance nationale d’accréditation les éventuels manquements au cahier des charges dont elle aurait eu connaissance. L’instance d’accréditation informe alors la Haute Autorité de santé des mesures prises à la suite de ce signalement.

Le  du A précise aussi le dernier alinéa de ce même article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, afin de demander à la Haute Autorité de santé d’élaborer ou de valider les recommandations de bonnes pratiques professionnelles pour l’accompagnement des publics des établissements sociaux et médico-sociaux, alors qu’elle doit seulement, en l’état actuel du droit, établir et diffuser ces recommandations.

● Il est proposé d’abroger l’article L. 312-8-1 du code de l’action sociale et des familles, qui établit une dérogation dans l’application de l’article L. 312-8 pour les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile. Ces derniers doivent communiquer les résultats d’au moins une évaluation interne dans un délai fixé par décret.

● En outre, le  du A complète l’article L. 312-9 du code de l’action sociale et des familles, qui régit les données dont disposent les ESMS, notamment leur confidentialité et les règles de leurs transmissions à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Le  du A ajoute qu’un décret fixe les modalités de publication par la Caisse des indicateurs applicables aux ESSMS, dans un format clair et accessible aux usagers et à leurs familles. Ces indicateurs pourront relever :

– de l’activité et du fonctionnement de ces établissements et services ;

– de l’évaluation et de la qualité au sein de ces mêmes établissements et services.

● Enfin, dans le but de tirer les conséquences de ces évolutions, le  du B modifie l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles afin de ne plus subordonner « exclusivement » le renouvellement de l’autorisation des ESSMS à l’évaluation de leur qualité et de prendre en compte le fait que ces évaluations peuvent être multiples. La même évolution est proposée à l’article L. 313-5.

III.   les Modifications apportées par la commission

La commission a adopté, outre des amendements rédactionnels de la rapporteure Annie Vidal, des amendements identiques de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains) ainsi que de Mme Isabelle Valentin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains qui doivent permettre d’anticiper les cas de retrait de l’habilitation par la Haute Autorité de santé à un organisme évaluateur.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure Annie Vidal qui précise le rôle des recommandations de bonnes pratiques professionnelles dans le cadre du nouveau dispositif d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux élaboré par la Haute Autorité de santé, et en particulier leur prise en compte lors de l’évaluation quinquennale des établissements et services.

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Article 13
Possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif

Adopté avec modifications

Le présent article permet la location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif.

I.   le droit existant

● Inscrit à l’article L. 281- 1 du code des affaires sociales et des familles depuis la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan », l’habitat inclusif est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d’un « mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national ».

Ce projet de vie sociale et partagée, défini par un arrêté du 24 juin 2019, favorise la vie sociale et citoyenne de ses habitants. Il se caractérise par l’organisation d’activités de convivialité, ludiques ou culturelles, au sein ou à l’extérieur de l’habitat. Il est souvent fait appel à une personne morale chargée de porter ce projet partagé.

La personne morale porteuse du projet partagé (ou personne 3P([121])

La personne morale « porteuse du projet partagé » ou « personne 3P » joue un rôle important en concourant à l’élaboration par les habitants du projet de vie sociale et partagée, en assurant une mission d’organisation et de régulation de la vie à plusieurs, mais également en venant en appui du parcours de vie de chaque habitant. La « personne 3P » est l’interlocuteur-pivot des autres intervenants extérieurs (bailleurs, services d’aide à la personne) et des pouvoirs publics (État, département, Agence régionale de santé).

● La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « loi 3DS » a conforté le modèle de l’habitat inclusif par diverses mesures visant à le déployer plus largement sur l’ensemble du territoire.

Cette loi a notamment permis de développer l’habitat inclusif dans le parc social en autorisant les organismes d’habitations à loyers modérés à louer, aux organismes bénéficiant de l’agrément relatif à l’intermédiation locative et à la gestion locative sociale, des logements sociaux bénéficiant de l’autorisation spécifique prévue à l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation. Ils peuvent ainsi les sous-louer à des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, le cas échéant dans le cadre d’une colocation.

Les autorisations spécifiques

Aux termes de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation, la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements créée dans chaque organisme d’habitations à loyers modérés peut attribuer en priorité, s’ils n’ont pas fait l’objet d’une réservation par le représentant de l’État dans le département, tout ou partie des logements construits ou aménagés spécifiquement pour cet usage à des personnes en perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap, dans le cadre de programmes bénéficiant d’une autorisation spécifique délivrée par le représentant de l’État dans le département.

II.   le dispositif proposÉ

Le présent article vise à rendre effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

Il complète l’article L. 442-8-1-2 du code de la construction et de l’habitation, issu de la loi 3DS. Il précise que la location des logements bénéficiant de l’autorisation spécifique prévue à l’article L. 441-2 aux organismes disposant de l’agrément relatif à l’intermédiation locative et à la gestion locative sociale peut s’accompagner de celles de locaux communs situés dans le même immeuble ou groupe d’immeubles. La mise en œuvre du projet de vie sociale et partagé prévu à l’article L. 281-1 du code de l’action sociale et des familles s’en trouvera facilitée.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement d’amélioration rédactionnelle de la rapporteure Laurence Cristol.

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Article 13 bis (nouveau)
Précision relative à l’aide à la vie partagée dans le code de l’action sociale et des familles

Introduit par la commission

Le présent article modifie l’article L. 233-1-1 du code de l’action sociale et des familles afin de tirer les conséquences du remplacement du forfait habitat inclusif par l’aide à la vie partagée, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2025.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, modifie l’article L. 233-1-1 du code de l’action sociale et des familles.

Il prend en compte le remplacement du forfait habitat inclusif par l’aide à la vie partagée, prévu par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2025. La mention du forfait habit est supprimée de l’article L. 233-1-1, relatif à la conférence des financeurs habitat inclusif.

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Article 13 ter (nouveau)
Renforcement du déploiement de l’habitat inclusif
sur l’ensemble du territoire

Introduit par la commission

Le présent article ajoute un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat, dans l’objectif d’encourager le déploiement de ce type d’habitat sur l’ensemble du territoire national.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de M. François Gernigon et des membres du groupe Horizons et apparentés, a pour objectif de favoriser le déploiement de l’habitat inclusif en renforçant la programmation sur le territoire.

Il ajoute un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat, en cohérence avec mission de coordination du développement de l’habitat inclusif qui revient, depuis la loi « 3DS », au président du conseil départemental.

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Article 13 quater (nouveau)
Rapport du Gouvernement sur le cadre juridique et financier
de l’habitat mixte

Introduit par la commission

Le présent article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement portant sur la définition d’un cadre juridique et financier pour l’hébergement mixte.

Le présent article, qui résulte de l’adoption d’un amendement de Mme Émilie Bonnivard et M. Yannick Neuder (groupe Les Républicains), dispose que le Gouvernement remet, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport au Parlement établissant un cadre juridique et financier pour l’hébergement mixte. Selon les auteurs de l’amendement, ce type d’hébergement « représente une solution pour l’accueil des personnes en perte d’autonomie, et ne sont ni des Ehpad, ni des établissements médico-sociaux » ; pourtant « il n’existe pas de cadre réglementaire et juridique qui consacre la réalité et les besoins spécifiques de ces établissements ».

Ce rapport évaluera le coût du financement des projets, notamment le coût réel des professionnels qui interviennent dans ces hébergements.

Article 14
Gage financier

L’article 14 assure la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution au moyen d’un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

Le présent article vise à assurer la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution, grâce à un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs au bénéfice de l’État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales.

 

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 16 heures

Au cours de sa première réunion du lundi 3 avril 2023, la commission examine la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France (n° 643) ([122]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France.

Mme Monique Iborra, qui en était l’une des rapporteures, m’a indiqué ne pas être en mesure, pour des raisons personnelles, d’assurer cette tâche. Nous devons donc désigner un remplaçant. J’ai été saisie de la candidature de Mme Laurence Cristol.

Y a-t-il des objections ?

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Oui. Nous avons appris, par la convocation qui nous est parvenue vendredi, qu’il y aurait un changement de rapporteur. Nous sommes très étonnés que cette réunion ait été maintenue.

En effet, un rapporteur n’ayant pas été nommé à cette heure n’a pas pu travailler les amendements. Notre collègue dont la nomination est proposée devra donc émettre des avis sans avoir étudié les amendements ni déposé des amendements en tant que rapporteure, ce qui la place dans une situation très déplaisante. Dans ces conditions, j’aurais pu moi aussi présenter ma candidature, à moins que le choix de notre collègue ne remonte à vendredi, ce qui pose problème du point de vue du fonctionnement de notre assemblée.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mme Cristol a accepté d’être rapporteure. Je fais entièrement confiance à ses compétences et à sa capacité à répondre aux interrogations et à travailler le texte, d’autant qu’elle a été assidue aux travaux préparatoires et qu’elle a assisté à toutes les auditions. Sa nomination ne me semble donc poser aucun problème.

Mme Laurence Cristol (RE). Chère collègue, j’entends votre inquiétude. Mais j’ai travaillé la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France très en amont et depuis longtemps, avec notamment Mmes Iborra, Vidal et Panosyan-Bouvet. Je suis chef de file du groupe Renaissance sur ce texte. J’ai eu grand plaisir à assister aux auditions menées la semaine dernière. En outre, l’objet de ce texte s’inscrit dans le cadre de mes compétences et de mon expérience professionnelle. Ma situation est certes inconfortable, mais être rapporteure du texte est un honneur que j’accepte bien volontiers.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Vous venez de me convaincre, alors que moi aussi je suis très attachée au texte et ai également travaillé avec Monique Iborra, de postuler à la fonction de rapporteure.

Mme Fadila Khattabi (RE). Chère collègue, votre demande me surprend un peu. La proposition de loi émane du groupe Renaissance, dont les deux rapporteures sont membres – cela avait été décidé bien en amont –, même si elle a été travaillée avec les autres composantes de la majorité présidentielle.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Madame la présidente, vous dites que la proposition de loi émane du groupe Renaissance. J’avais cru comprendre qu’elle était portée par la majorité tout entière.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur Isaac-Sibille, comme je vous l’ai longuement expliqué au téléphone dans la nuit de vendredi à samedi, la proposition de loi est portée par la majorité présidentielle. Simplement, Mme Iborra, membre du groupe Renaissance, ayant dû renoncer à en être rapporteure, il a semblé logique de choisir sa remplaçante au sein de ce groupe.

Je remercie Mme Cristol d’avoir accepté de la remplacer. Je pense très sincèrement qu’elle saura être à la hauteur de nos travaux et répondre aux interrogations des uns et des autres. Le sujet est clos.

Le président Pancher m’a fait parvenir vendredi dernier, en fin de journée, un courrier appelant mon attention sur l’organisation ce samedi, en salle Lamartine, à la demande de son groupe, d’un débat sur le thème « Pour une politique ambitieuse du grand âge ». Malheureusement, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France sera examinée dès mardi prochain en séance publique, le lundi étant férié. Le délai de dépôt des amendements expire donc ce jeudi à 17 heures.

Dans cette perspective, notre commission doit avoir achevé ses travaux en temps utile. Nous les entamons donc dès aujourd’hui. Je l’ai indiqué au président Pancher, en regrettant que les agendas soient quelque peu discordants.

S’agissant du texte, 740 amendements ont été déposés. Dix-huit ont été retirés par leurs auteurs avant discussion et douze étaient des doublons. Par ailleurs, j’ai suivi l’avis du président de la commission des finances, qui a estimé que quatre‑vingt-quinze amendements étaient contraires aux dispositions de l’article 40 de la Constitution.

Pour ma part, j’en ai déclaré cent trente irrecevables, en application des dispositions de l’article 45. Ils étaient sans lien, même indirect, avec le texte, dont je rappelle qu’il porte sur le pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, sur la lutte contre les maltraitances et sur leur hébergement.

Ne pouvaient donc être considérés comme recevables les amendements portant sur les jeunes adultes handicapés, sur le rôle des infirmières libérales, sur les compétences des conseils départementaux, sur les investissements immobiliers dans les Ehpad, sur les interventions précoces auprès des enfants naissant avec des troubles du neuro-développement ou sur l’âge de départ à la retraite. Il en est de même des amendements tendant à relever le niveau du Smic à 1 600 euros et des amendements visant à mettre en place une expérimentation de la télémédecine dans certains territoires ultramarins ou à modifier le financement de la branche autonomie.

Nous examinerons donc près de 500 amendements.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition de loi pour bâtir la société du bien vieillir en France a été rédigée et portée par la majorité, que je remercie de ses travaux collectifs. Je remercie particulièrement Astrid Panosyan-Bouvet, qui en a assuré la coordination, et Mme la présidente de la commission, dont le soutien est indéfectible.

Je sais que les attentes sont fortes parmi les personnes âgées, leurs familles et les professionnels. Toutefois, nous nous inscrivons dans le cadre restreint d’une proposition de loi. Nous n’épuiserons donc pas le sujet du grand âge avec ce texte. En particulier, nous n’aborderons pas deux points essentiels qui structureraient un projet de loi.

S’agissant de la gouvernance, nous sommes tous d’accord qu’elle doit être renouvelée, mais, à ce jour, il faut bien constater que les parties prenantes ne sont pas d’accord entre elles sur ce point. Il faudra donc aller chercher ce consensus, d’autant que le Gouvernement s’y est engagé.

Par ailleurs, il faut trouver des financements de l’ordre de 10 milliards d’euros par an à échéance de 2030. Nous savons que la branche autonomie, qui dispose pour 2023 d’un budget de 37,3 milliards d’euros, sera abondée à partir de 2024 de 0,15 point de CSG supplémentaire, ce qui équivaut à 2,4 milliards par an, soit près de 10 milliards supplémentaires en 2027. Cela devrait nous permettre de planifier les futures dépenses dans un texte législatif ad hoc, sans exclure une réflexion plus profonde sur le reste à charge en établissement et à domicile.

En outre, de nombreuses mesures ont été prises depuis 2017, notamment les revalorisations salariales, la généralisation de la présence d’une astreinte d’infirmier de nuit dans les Ehpad, l’adoption d’un tarif plancher pour les services d’aide à domicile et l’engagement de procéder, d’ici à 2027, à 50 000 recrutements, soit une augmentation de 25 %, ce qui permettra d’atteindre un taux d’encadrement « au chevet » de cinq sur dix, soit 7,5 au total. Citons encore, parmi les principales mesures, l’ouverture aux Ehpad du plan d’aide à l’investissement du quotidien et la rédaction d’un référentiel commun d’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Notre texte comprend plusieurs mesures relatives au développement d’une politique plus ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie. L’espérance de vie en bonne santé des Français est inférieure à la moyenne européenne ; cela n’est pas acceptable pour un pays comme le nôtre. Nous pouvons agir face à ce constat : la perte d’autonomie est un phénomène complexe, lié à une diversité de facteurs mais qui peut souvent être prévenu, limité ou retardé.

La prévention de la perte d’autonomie a certes fait l’objet d’initiatives récentes, mais elles étaient trop peu ambitieuses et insuffisamment coordonnées. La création, par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi ASV, des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie, a constitué un pas important.

Face au constat de la grande diversité d’acteurs et de dispositifs mobilisés sur ce sujet, ces conférences ont pour objectif de coordonner, dans chaque département, les actions de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 60 ans et leurs financements. Si leur mise en place est une avancée indéniable, la prévention de la perte d’autonomie manque d’une impulsion nationale et mériterait d’être mieux coordonnée sur l’ensemble du territoire.

Tel est l’objet de l’article 1er du texte, qui vise à mettre en œuvre une stratégie ambitieuse de prévention de la perte d’autonomie coordonnée aux niveaux national et territorial. Il crée une conférence nationale de l’autonomie chargée d’assurer la cohérence de l’action des conférences des financeurs, en définissant notamment des axes stratégiques, qui seront déclinés à l’échelon territorial par ces conférences. Cet article nous semble essentiel pour l’efficacité et l’ambition de la politique de prévention. Il pourra d’ailleurs être utilement enrichi par plusieurs dispositions proposées par amendement.

L’article 2 a pour objet de renforcer la lutte contre l’isolement social des personnes vulnérables, qui constitue un véritable fléau, en permettant aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données permettant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap isolées. L’article 11 donne une place centrale à la prévention, en précisant que les forfaits « soins » et « dépendance » octroyés aux Ehpad peuvent financer des actions de prévention.

La proposition de loi que nous portons vise en outre l’objectif d’une plus grande égalité dans l’accès à l’hébergement des personnes âgées. L’article 9 supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH). Il importe que le lien familial reste avant tout un lien privilégié d’affection et de transmission, à l’abri des difficultés financières. L’article 10 demande au Gouvernement un rapport sur le bilan de l’ASH, qui devrait permettre d’identifier les raisons de son faible taux de recours et la manière dont cette aide pourrait être réformée.

Le développement de formes d’habitat nouvelles et alternatives, dépassant le caractère binaire de l’offre, séparée entre le logement autonome et la prise en charge en établissement, constitue un dernier enjeu. L’habitat inclusif, qui permet à des personnes âgées ou en situation de handicap d’accéder à un mode d’habitation regroupé, entre elles ou avec d’autres personnes, assorti d’un projet de vie sociale et d’un accompagnement, est un modèle de plus en plus plébiscité. L’article 13 de la présente proposition de loi vise à le promouvoir, en rendant effectif le déploiement de l’habitat inclusif dans le parc social.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous souhaitons en outre déployer un dispositif législatif solide pour promouvoir la bientraitance, en luttant fermement contre les maltraitances. Il y a de vrais sujets, qui attendent des réponses. Tel est notamment le cas de la lutte contre les maltraitances.

D’après une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publiée en janvier, 70 % des Français craignent qu’eux-mêmes ou un de leurs proches soit victime de maltraitance, et 65 % attendent que l’État fasse davantage en ce domaine. Nous savons que les cas de maltraitances peuvent survenir en établissement comme à domicile.

Il faut regarder cette réalité en face et prendre des mesures concrètes pour renforcer notre dispositif juridique. C’est pourquoi l’article 3 inscrit la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale et garantit les droits fondamentaux tels que le droit au respect de sa vie privée ou familiale, dont la visite des proches, dont nous avons tous mesuré l’importance pendant la crise sanitaire.

L’actualité nous a aussi montré la nécessité de disposer d’une instance d’alerte rapide et agile pour que les personnes concernées – famille, proches, soignants – puissent signaler en toute confiance les cas de maltraitance qu’elles constatent. L’article 4 offre un véritable dispositif d’alerte, de suivi et de qualification des situations de maltraitance.

Nous proposons également de conforter le rôle central des mandataires judiciaires, qui connaissent la réalité des personnes sous mandat de protection. L’article 5 vise à préciser le cadre juridique dans lequel s’inscrivent les mandataires et instaure une obligation de signalement des situations de maltraitance dont ils pourraient être témoins.

Le second axe que je défendrai vise à revaloriser la place des intervenants du domicile, maillon indispensable du virage domiciliaire que nous appelons tous de nos vœux. Nous proposons à l’article 6 l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les personnes intervenant à domicile. Il s’agit de reconnaître leur qualification et de faciliter leur quotidien. J’indique d’ores et déjà que je suis favorable à la généralisation de cette carte sans attendre les résultats de l’expérimentation, sous réserve de précisions techniques à élaborer en vue de l’examen du texte en séance publique.

L’article 7 vise à permettre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’aider financièrement les départements qui soutiennent la mobilité de ces professionnels. L’objectif est de permettre une meilleure prise en compte de cette question, notamment pour l’acquisition de véhicules propres.

Ces mesures ne doivent pas nous exonérer d’une réflexion plus large sur le financement et l’organisation de l’offre de soutien à domicile, qui est particulièrement complexe. L’article 8 de notre proposition de loi vise à alimenter cette réflexion, grâce à un état des lieux précis de l’offre de soutien à domicile, afin de la clarifier et de la simplifier, et d’améliorer la visibilité et l’équité de rémunération des professionnels entre les diverses formes de services, indépendamment de leur statut.

À l’article 12, nous confortons la législation relative à l’évaluation de la qualité des ESSMS par l’accréditation des évaluateurs, assortie d’une obligation de transparence des résultats.

Mes chers collègues, se saisir de ce sujet est une opportunité pour notre commission. Cette proposition de loi à visée sociétale porte en elle l’intérêt des personnes qui vieillissent, de leurs proches aidants et des professionnels qui les accompagnent. Les chantiers à venir après son examen restent immenses. Cette proposition de loi n’est pas une fin en soi ; elle doit être le levier d’une future réforme.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Freddy Sertin (RE). Je me réjouis que nous examinions la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Elle est le fruit de travaux menés dès l’automne dernier par les membres du groupe Renaissance de cette commission, conjointement avec ceux des groupes Horizons et Démocrate. Nous avons été nombreux, au sein de la majorité, à vouloir faire du grand âge et de l’autonomie l’une des priorités des travaux de cette commission. Ensemble, nous avons rappelé, au sein de nos groupes respectifs, l’urgence de la situation.

Face au vieillissement de sa population, la France doit disposer d’un arsenal juridique et réglementaire à la hauteur des enjeux du grand âge et de l’autonomie, tant au sein de structures spécialisées que par le maintien à domicile. En tout état de cause, il convient de permettre aux personnes âgées ou en situation de vulnérabilité de bénéficier de prestations de qualité, dans un objectif d’accompagnement et de lutte contre la maltraitance. Cet objectif ne pourra être atteint qu’en améliorant l’attractivité des métiers de l’accompagnement et de l’aide à domicile. Plusieurs mesures du texte y concourent.

C’est donc tout naturellement que je salue chaque membre de la majorité ayant contribué à la rédaction de la proposition de loi, qui se veut essentielle et responsable : essentielle pour les professionnels des services à domicile au sein des ESSMS et surtout pour les patients ainsi que pour leurs familles ; responsable, car nous savons que le chemin est encore long, et qu’une véritable révolution est à faire pour ce secteur, compte tenu des enjeux à venir.

Mes chers collègues, permettez-moi d’appeler votre attention sur un point. Nous ne pourrons pas tout inscrire dans la proposition de loi. Tel n’est d’ailleurs pas l’objectif visé. J’espère que nous arriverons, tous ensemble, à travailler de concert et en responsabilité. Puissions-nous, ensemble, prendre des mesures fortes et pragmatiques, avec en ligne de mire la protection de nos aînés, des plus fragiles et des professionnels de ces secteurs, qui sont trop souvent invisibles et attendent beaucoup de notre engagement à leurs côtés !

Plus que jamais, nous devons replacer l’humain au cœur de nos préoccupations. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, que je vous invite à adopter.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les acteurs du secteur de la prise en charge ne cessent d’alerter, depuis des années, sur le manque de moyens pour les structures d’aide à domicile, les difficultés de recrutement et les problèmes pour répondre aux demandes. Le souhait de la plupart des Français de vieillir chez eux s’avère parfois difficile à réaliser, en raison d’un manque de structures d’aide à domicile. Le secteur connaît de graves difficultés en matière de recrutement, de financement des structures et de reconnaissance.

Le texte que nous examinons est à des lieues des vrais problèmes du grand âge en France. La volonté politique reste insuffisante pour agir dans la durée sur la prévention, l’anticipation et l’articulation des financements nécessaires. Les professionnels du grand âge attendent depuis des années que le Gouvernement s’engage et investisse massivement pour répondre au défi du vieillissement. Lors du précédent quinquennat, une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à l’autonomie, a été créée, mais la loi « grand âge » n’a toujours pas vu le jour.

Indépendamment du fait que 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile, cette transition sociétale devient une urgence à anticiper. « Nous devons amplifier les mesures en faveur d’un véritable virage domiciliaire », indique l’exposé des motifs. Pour ce faire, il faut un changement profond des méthodes d’accompagnement de la vieillesse, afin de garantir que les personnes âgées bénéficient d’un suivi de qualité. Il faut assurer l’accès à une aide financière adaptée aux besoins des seniors, dans le cadre d’un système de gestion équitable et solidaire.

Mesdames les rapporteures, votre texte n’est pas la révolution espérée par les acteurs du secteur, qui attendent depuis de nombreuses années une loi sur le grand âge. Le droit à la compensation du handicap reste ineffectif. L’ordre médico‑social ne dispose toujours pas des moyens adaptés pour engager une transformation de l’offre en profondeur, sur la base de professionnels bien formés et bien rémunérés, permettant de répondre aux aspirations et aux besoins de toute personne en situation de handicap. Toutefois, dès lors que le texte prévoit quelques mesures concrètes pour les personnes vieillissantes et pour les professionnels, notre groupe l’examinera attentivement.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). La proposition de loi se contente de demi‑mesures, qui sont loin de répondre aux enjeux. Selon la Fédération hospitalière de France, seuls 6 % des logements sont adaptés au vieillissement. Le rapport de Luc Broussy publié en 2021 dresse un constat glaçant : chaque année, 10 000 personnes âgées meurent des suites d’une chute. Quelles solutions d’hébergement face à cela ? Quel plan pour recruter et former les 240 000 soignants nécessaires au secteur du grand âge, conformément aux préconisations du rapport Fiat-Iborra ?

La libéralisation du secteur de l’autonomie est très dangereuse. Elle entraîne – c’est prouvé – une dégradation des soins et de la prise en charge. Nos personnes âgées, rappelons-le avec force, ne sont pas des marchandises. L’exposé des motifs recommande un virage domiciliaire, mais les emplois du secteur de l’aide à domicile sont mal payés et précaires, alors même qu’il s’agit de métiers essentiels.

En outre-mer, la situation des personnes âgées est encore plus grave, compte tenu de nos réalités sociales, économiques et culturelles. Chez moi, à La Réunion, elle est une véritable bombe à retardement si rien n’est fait. Nos aînés ne doivent plus être la cinquième roue de la charrette, mais les bénéficiaires d’une cinquième branche dotée de moyens humains et financiers dignes du respect que nous leur devons !

Nous voterons certains articles du texte, relatifs notamment à la prévention et à la lutte contre les maltraitances, et à la suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, car ils vont dans le bon sens. Nous avons fait, quant à nous, des propositions pour enrichir encore la proposition de loi. En fonction des débats et du sort réservé à nos amendements, nous déterminerons notre vote.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous sommes réunis pour étudier la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France. Les mots ont un sens. « Bâtir » : lorsque l’on bâtit, on définit une stratégie, une méthode. « Bien vieillir » : de quoi parlons-nous ? Bien vieillir, c’est vivre plus longtemps en meilleure santé, grâce à une politique de prévention de la dépendance efficace et accessible à tous ; c’est permettre à chacun de vieillir dignement, en respectant ses choix, ses attentes et ses droits ; c’est garantir à chacun un hébergement adapté correspondant à son âge et à son niveau de dépendance ; c’est permettre à chacun de bénéficier de prestations de qualité, fournies par des professionnels soignants auxiliaires de vie en nombre suffisant, formés et soutenus dans leur pratique.

Quelles réponses la proposition de loi apporte-t-elle à ces préoccupations ? Aucune. En outre, elle n’est assortie d’aucun financement. C’est une coquille vide ne répondant en rien aux immenses attentes du secteur du grand âge et du vieillissement.

Quatorze articles pour n’apporter aucun début de solution aux problèmes rencontrés sur le terrain ! Une proposition de loi technocratique avec des demandes de rapport qui diffèrent encore les actions ! La conférence nationale de l’autonomie : un truc supplémentaire ! Certes, je salue l’introduction d’une carte professionnelle des auxiliaires de vie et du versement d’une aide financière aux départements par la CNSA pour aider la mobilité, mais la réponse n’est pas du tout à la hauteur des attentes.

Le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans passera de dix‑sept millions actuellement à vingt‑sept millions en 2050. À cette date, quatre millions de seniors seront en perte d’autonomie. Nous avons besoin d’adapter notre société au défi du vieillissement.

La réforme du grand âge, annoncée par Emmanuel Macron en 2017, demandée et attendue par tous les acteurs du grand âge, a sans cesse été repoussée. Où est la politique ambitieuse qui permettra aux 80 % de Français qui le souhaitent de vieillir chez eux ? Où est la politique ambitieuse permettant à chacun de bénéficier d’un accueil intermédiaire entre le domicile et l’Ehpad ?

L’article 4 renforce le dispositif de recueil et de traitement des situations de maltraitance, mais il occulte la maltraitance institutionnelle, celle qui n’est pas le fait des soignants, mais la conséquence du dysfonctionnement du système dans son ensemble. Elle est le résultat d’effectifs réduits et d’une surcharge administrative en raison desquels les soignants ne peuvent plus exercer leur métier comme ils le souhaitent, c’est-à-dire passer du temps avec les résidents et respecter leur rythme. Que proposez-vous aux soignants épuisés, qui ne trouvent plus de sens à ce qu’ils font, se mettent en arrêt maladie et démissionnent, obligeant les structures à avoir recours à des intérimaires ?

Mme Anne Bergantz (Dem). La vieillesse n’est pas une maladie. Elle constitue notre devenir à tous. La priorité n’est plus d’allonger la durée de vie, mais bien d’améliorer la qualité de vie des personnes vieillissantes.

La proposition de loi que nous étudions évite l’écueil de percevoir la vieillesse de la population uniquement à travers le prisme de la charge. La prévention du mal vieillir, la valorisation des métiers et l’émergence d’une culture de la bienveillance ont été au cœur des réflexions des rapporteures.

Nous devons être attentifs à ne pas complexifier inutilement ce secteur ni opposer les acteurs entre eux. Il importe, au contraire, d’assurer une meilleure synergie entre ces derniers et de soutenir les multiples initiatives et les solutions existantes, telles que l’habitat inclusif ou mêlant les générations, afin que chacun trouve la solution qui lui convienne le mieux à un moment donné. Pour ce faire, il faut replacer l’individu au centre de nos réflexions et changer notre perception du grand âge, afin de cultiver ce que Marie de Hennezel appelle à raison l’art de vieillir.

Cela suppose d’agir sur les métiers, qui sont la pierre angulaire du grand âge, comme le rappelle Dominique Libault. Il faut leur rendre de l’attractivité. La formation, l’évolution des carrières et les conditions de travail sont des leviers essentiels. La carte professionnelle est un outil porteur de reconnaissance.

La prévention est un autre sujet fondamental. En effet, la perte d’autonomie est difficilement réversible. L’état de santé d’une personne de 85 ans est le reflet de toute sa vie. Il faut trouver les moyens d’identifier les personnes qui sont hors des radars, dépourvues de suivi médical, isolées, précaires, pour engager des actions de dépistages ciblées. Tel est le sens de certains amendements déposés par le groupe Démocrate.

Nous souhaitons que nos travaux, sur un sujet que nous espérons consensuel, soient guidés par cette formule de Paul Ricœur : « Une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes ». Tel est l’état d’esprit dans lequel le groupe Démocrate enrichira et soutiendra la proposition de loi.

M. Jérôme Guedj (SOC). Que vous dire, mesdames les rapporteures ? Je connais, pour chacune d’entre vous comme pour nous tous, l’engagement résolu à aborder le sujet du vieillissement de la population et à faire en sorte que la promesse présidentielle soit enfin honorée. Vous avez donc décidé, en tant que parlementaires, de vous saisir de votre droit de légiférer, la procrastination gouvernementale nous privant depuis quatre ans d’un grand débat national, du choix des financements et des priorités à mettre en œuvre.

Il y a eu l’annonce du Président de la République. Il y a eu un calendrier, qui a été présenté mais pas respecté. Il y a eu des rapports de qualité, administratifs et parlementaires, dressant un diagnostic et précisant ce que nous devions faire. Il y a eu la crise du covid. Il y a eu Les Fossoyeurs et l’affaire Orpea. Et maintenant que vous vous indignez, si j’ose dire, que rien ne soit fait par le Gouvernement, vous accouchez d’une souris !

Ce faisant, vous envoyez un signal désastreux à celles et ceux qui pensent sincèrement que nous devons légiférer, et peut-être produire, je le souhaite, un consensus à la hauteur de l’enjeu. Vous faites un écran de fumée législatif, vous proposez une coquille vide, un cache‑misère ! Demain, le ministre, qui lui aussi repousse l’échéance de mois en mois, accélérera son calendrier pour annoncer les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) « Bien vieillir » – qui lui-même a été le moyen de gagner une année supplémentaire – et présenter sa feuille de route, qui devait l’être au mois de mai.

Voici donc des parlementaires qui légifèrent sans connaître la vision d’ensemble du Gouvernement ! Pire : vous ne proposez aucune vision d’ensemble et vous vous contentez d’aborder quelques sujets, alors qu’il faut traiter, dans la transversalité, la révolution de la longévité et de la transition démographique. Le tout, comme vous le reconnaissez vous-mêmes, sans aucun financement à la clé offrant une perspective longue. Je vous le dis : c’est une frustration gigantesque et un signal désastreux !

Nous tenterons d’enrichir le texte, faute de quoi vous nous accuserez de ne pas considérer le sujet comme prioritaire. Vous tendez collectivement un piège à tous les acteurs ! Ne pensez-vous pas qu’il serait plus utile de réunir les parlementaires autour de la table pour rédiger la loi « grand âge, vieillissement et autonomie » que nous appelons de nos vœux ?

J’ai une proposition à vous soumettre. Je ne demande qu’une chose : que tout le monde s’en empare et que tous les parlementaires disent au Gouvernement « Ça suffit ! Vous procrastinez depuis trop longtemps ! Nous, nous avons une vision ! ». Il paraît qu’on cherche des textes fédérateurs ; celui-là peut en être un. Mais ne légiférons pas sur la base d’un texte aussi creux et vide, qui suscitera plus de frustration et de colère qu’il n’apportera de solutions !

M. François Gernigon (HOR). La proposition de loi porte sur un sujet majeur. Il s’agit de répondre à des milliers de professionnels et à des millions de personnes âgées qui, chaque jour, sur le terrain, nous demandent d’agir.

Ce texte s’inscrit dans un large débat sur le sujet du grand âge, nourri par différents travaux, dont ceux menés ces derniers mois par le Gouvernement dans le cadre du CNR « Bien vieillir ». Le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans enregistrera une croissance inédite d’ici à 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions ; celui des plus de 85 ans passera de 1,4 million à 5 millions en 2060. Il s’agit donc d’un sujet essentiel à l’heure où nous voulons encourager davantage encore le virage domiciliaire.

La proposition de loi vise à renforcer la politique de prévention de la perte d’autonomie, notamment par la création de la conférence nationale de l’autonomie, qui vise à assurer une stratégie coordonnée entre l’échelon national et les territoires, et à faciliter le repérage des personnes âgées par les services sociaux et sanitaires. Elle comporte des dispositions visant à lutter contre les maltraitances de manière plus efficace et plus rapide. Elle répond aux besoins de renforcement de l’attractivité des métiers de domicile et de soutien aux professionnels, notamment en satisfaisant les demandes fortes du terrain que sont la carte professionnelle et le soutien aux mobilités, notamment par l’aide à l’acquisition de véhicules, laquelle constitue trop souvent un véritable obstacle.

Évidemment, cette proposition de loi ne résoudra pas tout, et nous évoquerons, je n’en doute pas, des sujets tels que le financement de la cinquième branche, l’adaptabilité des logements, la gouvernance territoriale et la coordination de l’ensemble des acteurs du domicile, en lien avec les Ehpad. Ce texte va toutefois dans le bon sens et apporte plusieurs réponses concrètes aux problèmes des professionnels et des usagers. C’est en ce sens que le groupe Horizons et apparentés soutient cette proposition de loi étudiée avec les députés de la majorité.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le 20 septembre dernier, alors que j’étais encore hospitalisé, je déposais une proposition de loi constitutionnelle visant à garantir le droit à la vie digne. La dignité humaine ne se mérite ni ne se décrète : il faut la reconnaître et la garantir, dans une société qui permet à toutes et à tous d’avoir accès à l’éducation, aux soins et à l’accompagnement, quels que soient l’âge, la pathologie ou le handicap, une société qui refuse la maltraitance et l’impuissance.

Je posais ce premier acte comme la boussole de mon mandat. Or vivre dignement, c’est aussi pouvoir vieillir dignement et, sur ce point aussi notre société est défaillante. Ce n’est certainement pas par manque de connaissances ou d’expertise car, depuis vingt ans, les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales ou de personnalités qualifiées se succèdent. C’est la conséquence d’un manque de volonté politique qui fait que le choc démographique auquel notre société sera confrontée risque de devenir un mur, que la transformation de l’offre médico-sociale, indispensable au respect du libre choix de vieillir à domicile ou en établissement, est bien lente, et que le choc d’attractivité des métiers du soin et de l’accompagnement se fait attendre.

Ces changements structurels que nous appelons de nos vœux ne se feront pas à moyens constants. C’est bien par manque de volonté politique que la branche autonomie est encore largement sous-dotée. La société de la vie digne appelle des moyens financiers dignes.

J’aurais pu évoquer les rapports Libault, El Khomri et Vachey – les constats sont connus, les solutions aussi –, mais j’ai préféré vous parler de courage, du courage qu’il faut pour faire preuve de volonté politique et de celui qu’il faudra pour enrichir ce texte qui, s’il témoigne d’une bonne volonté, manque d’ambition.

Il nous aura fallu vingt ans pour entamer la société inclusive. On peut enfin dire : montrez-moi ces vieux et ces handicapés que l’on ne saurait voir ! Devrons-nous encore attendre vingt ans de plus pour garantir à toutes et à tous le droit de vieillir dignement, ou sommes-nous prêts à faire enfin preuve de courage ?

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cette proposition de loi a le mérite de poser la question de la place du grand âge dans notre société et de la situation des professionnels. Il est urgent de légiférer en la matière pour tous ces travailleurs qui se décrivent eux-mêmes comme les premiers de corvée que l’on n’a jamais applaudis pendant la crise du covid-19.

Néanmoins, le véhicule législatif que vous avez choisi n’est malheureusement pas à la hauteur de cette urgence. En recourant à une proposition de loi pour un texte pourtant très étroitement travaillé avec le ministère des solidarités, vous nous privez, par exemple, d’études d’impact, pourtant essentielles, sur les dispositifs prévus et dont les mesures sont, du reste, souvent renvoyées aux décrets.

Outre cette question de forme, le fond du texte nous semble lui aussi particulièrement insuffisant face à l’ampleur des problèmes que rencontre le secteur du bien vieillir. Les professionnels des Ehpad et des structures d’aide à domicile déplorent de nombreux difficultés : recrutement avec des contrats courts, intensité du travail, manque de reconnaissance. Celui-ci tient bien évidemment à la faiblesse des salaires trop faibles pour des métiers très difficiles, mais aussi au sentiment de défiance qu’éprouvent au quotidien ces professionnels à la suite du scandale Orpea, et que ce texte ne combat pas – bien au contraire. Les accuser de mal faire leur travail ne remet pas en cause seulement un métier, mais aussi, souvent, une vocation.

Par ailleurs, le texte n’aborde pas les modalités de financement des structures. Les intentions, c’est bien, mais les moyens, c’est mieux !

Enfin, le consensus que vous affirmez rechercher supposerait que vous changiez de méthode. Nous avons, par exemple, été très surpris de constater que certains de nos amendements ont été jugés irrecevables pour des charges qu’ils créeraient, alors qu’ils ne visaient qu’à préciser les missions de la CNSA, ou de moins sa composition.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Monsieur Monnet, vous pourrez interroger à ce propos M. Coquerel, président de la commission des finances, qui a écarté ces amendements. Il n’a fait toutefois qu’appliquer l’article 40 de la Constitution, et je prends donc sa défense.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nombreux étaient ceux qui, depuis plusieurs années, attendaient un texte de refondation exprimant une ambition forte pour faire évoluer l’accompagnement de nos aînés. Le Président de la République est intervenu assez clairement et à de nombreuses reprises en ce sens, mais la crise sanitaire a emporté avec elle les ambitions d’une grande réforme. Je ne remets pas en question le travail ni l’engagement des corapporteures, mais cette proposition de loi nous a été présentée avant même que le CNR « Bien vieillir » ne rende ses conclusions. Sera-t-elle réellement suivie, comme vous le dites, d’un grand projet de loi global consacré au grand âge, aux enjeux du vieillissement et de l’autonomie, et qui exprimerait un vrai projet de société ? La réponse à cette question éclairerait différemment l’analyse de votre texte, qui contient en effet des dispositions positives.

Une loi sur le bien vieillir doit faire des métiers du lien sa priorité et aborder les questions de la formation, des salaires, de la sinistralité et des conditions de travail, en établissement comme à domicile. Elle doit assurer le bien-être des professionnels et des personnes accompagnées, notamment par l’élévation du taux d’encadrement, et refonder l’ASH, pour la rendre plus juste. Elle doit simplifier la tarification des Ehpad, inutilement complexe. Elle doit aussi réaffirmer la place de chef de file qui revient aux départements dans la planification comme dans l’accompagnement. Elle doit encore améliorer la coordination de tous les acteurs, à l’échelle du bassin de vie, au plus près du terrain et des usagers. Elle doit, enfin, consacrer un volet à l’outre-mer et aux territoires insulaires, où les enjeux liés au vieillissement sont décuplés. Toutes ces avancées ne se feront pas sans des investissements conséquents et pérennes ni sans donner à la branche autonomie de nouvelles sources de financement.

Nous espérons donc que cette proposition sera enrichie par le travail parlementaire et qu’elle sera, non une fin, mais une étape.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Dino Cinieri (LR). Dans ma circonscription de la Loire, tous les professionnels du grand âge, que ma suppléante Sylvie Bonnet et moi-même rencontrons régulièrement, nous demandent, en urgence, que le Gouvernement s’engage et investisse massivement pour répondre aux défis du vieillissement. Nous attendons en effet depuis six ans la loi « grand âge » promise par le candidat Macron.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à instaurer une politique de prévention, afin d’anticiper les problèmes liés à la perte d’autonomie due au vieillissement, et de permettre ainsi aux Français de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Vous proposez de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées dans de bonnes conditions et de mieux lutter contre l’isolement social, qui est l’une des conséquences de la perte d’autonomie.

Par ailleurs, les professionnels de santé, les soignants et les aidants seront sensibilisés à la bientraitance de nos anciens. Dans les Ehpad, il est urgent de remettre les résidents au cœur des priorités en rendant notamment les établissements plus fonctionnels et, surtout, en libérant du temps de travail pour les soignants auprès des patients. Je regrette, malgré tout, que rien ne soit prévu pour améliorer l’attractivité des métiers d’aides-soignants, indispensables au quotidien pour accompagner les personnes âgées ou dépendantes.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Cela fait quatre ans que, lorsque j’interpelle le Gouvernement à propos des aides à domicile ou des aides-soignantes dans les Ehpad, on me répond de ne pas m’inquiéter, parce que la loi « grand âge » va venir. Alors que ce texte est sans cesse repoussé depuis quatre ans, nous apprenons finalement qu’il n’y aura pas de projet de loi « grand âge » et que nous aurons droit, à la place, à cette petite chose minuscule et ridicule qu’est votre proposition de loi.

C’est « un vide sidéral », pour reprendre les mots d’une auxiliaire de vie qui a lu et analysé votre proposition de loi avec ses collègues. En effet, ce texte ne prévoit rien à propos des salaires, des horaires, des statuts ni des revenus, ni même rien de concret pour les frais de déplacement. Le vide aussi pour ce qui concerne les aidants familiaux : le mot n’existe même pas dans la proposition de loi – c’est à la limite de l’insulte à l’égard de ces quatre millions d’hommes et de femmes qui s’occupent de leurs parents. Pas un mot, pas un article pour leur faciliter la vie, améliorer les moments de répit dont ils pourraient bénéficier, ou chercher à connaître et à résoudre leurs difficultés. Le vide encore à propos des aides‑soignantes, dont nous connaissons la fatigue et l’épuisement dans les Ehpad et qui nous font constamment part, lorsque nous allons les voir, de leur sentiment de maltraiter les personnes âgées – certes pas en leur donnant des coups, mais du seul fait qu’elles ne pourront leur donner une douche qu’une semaine sur deux. Rien n’est prévu pour donner des moyens aux Ehpad.

Si du moins il s’agissait d’une coquille vide que nous puissions remplir ! Mais nous ne le pouvons même pas, et nos amendements sont rejetés en série, considérés comme des cavaliers au motif qu’ils n’ont pas de lien avec le texte. Et pour cause : puisque le texte ne parle pas des aidants familiaux, nous sommes hors-sujet lorsque nous les évoquons ! Il faut donc, au minimum, que nous puissions remplir le vide de cette proposition de loi.

Mme Caroline Colombier (RN). Vous avez reconnu que nous sommes, selon vos propres mots, dans un cadre restreint, qu’il faudrait une politique plus ambitieuse et que cette proposition de loi n’est pas une fin en soi. Aussi cette conférence nationale de l’autonomie n’est-elle pour nous que l’un des multiples gadgets de ce gouvernement, alors que la cause du grand âge devait être, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron durant son premier quinquennat, une priorité nationale. Nous en sommes très loin !

L’initiative part certainement d’un bon sentiment, mais rien n’est achevé et le financement n’existe pas. Les Français attendent autre chose qu’un semblant de loi. Vous allez, une fois encore et comme vous venez de le faire pour la loi sur les retraites, créer déceptions et désillusions chez nos concitoyens.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’objet que nous examinons est un peu étrange. D’une part, en effet, il procède d’une intention du Parlement, et il est dans l’ordre des choses que le Parlement se saisisse d’un sujet et tente d’y apporter des réponses. D’autre part, cependant, on se demande à quelle question vous entendez véritablement répondre avec cette proposition de loi. En effet, celle relative à la perte d’autonomie est sur la table depuis très longtemps, avec des promesses répétées de la part de l’exécutif.

La création, voilà quelques mois, de la CNSA, que nous avions dénoncée comme une coquille vide, n’a rien changé à l’affaire. En outre, le Gouvernement renonce à produire le projet de loi tant attendu et sur lequel il avait, je présume, travaillé avec certains acteurs et actrices à l’échelle nationale, pour recourir au véhicule qui nous est soumis aujourd’hui. Si le Gouvernement a des propositions à nous faire, qu’il les fasse dans les règles, avec notamment les études d’impact qui conviennent.

Ce choix du Gouvernement vous met vous-mêmes en difficulté. La situation est en effet très critique, tant pour les personnels qui travaillent dans les établissements ou dans l’accompagnement à domicile que pour les personnes dont ils s’occupent, pour lesquelles nous devons élever le niveau de la protection sociale et des services publics. Si des fonds doivent être investis dans l’accompagnement et le soutien à l’autonomie, ils doivent bénéficier aux personnes concernées, et non pas au petit nombre de ceux qui viendraient spéculer sur cette situation.

Votre proposition de loi ne répond donc pas aux enjeux. Nous allons en discuter et voir ce qu’on peut faire. La méthode est toutefois surprenante, et je crains que le résultat ne soit pas à la hauteur.

Mme Caroline Janvier (RE). Je regrette que tant d’orateurs aient dénigré aussi radicalement l’intérêt de cette proposition de loi. Nous sommes convenus d’emblée que ce texte ne pouvait pas traiter tous les problèmes de gouvernance et de financement. Néanmoins, les professionnels du secteur, avec qui j’étais encore ce matin, se déclarent très satisfaits que nous abordions des questions concrètes, comme la mobilité ou la carte professionnelle, qui représenteront de vraies avancées pour les aides à domicile, comme je le sais pour l’avoir été. Ce n’est pas votre cas, monsieur Ruffin, vous êtes peut-être très bon pour tourner des films, mais assez mauvais pour apporter une solution politique aux problèmes concrets de ces professionnels. Après avoir vu votre film, je pense à toutes les femmes auxquelles vous avez promis le Grand soir pour leurs conditions de travail et de rémunération, et qui n’ont rien vu depuis cinq. Qu’avez-vous fait en cinq ans. Rien !

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je vous rappelle que c’est vous qui êtes au pouvoir !

Mme Caroline Janvier (RE). Que faites-vous de votre mandat d’élu ? Des films ! Concrètement, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Vous créez de la déception, année après année, en vous engageant à faire un tas de choses que vous êtes incapable de mener à bien.

Ce texte apportera des améliorations très concrètes, même s’il est vrai qu’une proposition de loi ne peut pas tout résoudre. Certes, on peut perdre son temps à s’agacer de ce qu’un texte de loi ne corresponde pas aux idées que l’on porte – pardon, monsieur Guedj, de ne pas avoir repris non plus votre proposition de loi, dont vous parlez beaucoup mais dont on ne voit pas grand-chose... De notre côté, nous avons travaillé et cette proposition comporte des éléments intéressants, dont j’espère que nous parviendrons à débattre, plutôt que de ce que vous auriez aimé voir figurer dans une loi Guedj ou une loi Ruffin.

Mme Isabelle Valentin (LR). Notre pays compte aujourd’hui dix-sept millions de seniors et en comptera demain vingt-sept millions. Nous attendons tous, depuis cinq ans, cette loi sur l’autonomie et le grand âge, sur laquelle nous avons commencé à travailler au cours de la précédente législature, en juin 2017, avec la mission « flash » Iborra-Fiat, dont nous avons validé certaines propositions. Cela s’est terminé, cinq ans plus tard, avec le scandale Orpea révélé par le livre Les Fossoyeurs. Notre commission a aussi validé certaines propositions à l’unanimité. Entre-temps, de nombreux rapports ont été rendus au Sénat et à l’Assemblée nationale.

Je suis, pour ma part, très déçue de constater qu’au lieu d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie, on nous présente aujourd’hui une proposition de loi intitulée « bâtir la société du bien vieillir en France », car ce n’est pas du tout ce que les professionnels du secteur et nous-mêmes attendions. Les soignants des Ehpad sont fatigués et nous avons l’impression que les choses n’avancent pas, alors qu’il faut travailler sur l’attractivité et la revalorisation des métiers, sur la formation et sur la prévention des accidents. Or le texte est vide et nous ne pouvons pratiquement pas l’amender. J’espère donc que nous pourrons néanmoins avancer et que le Gouvernement prendra la mesure de la situation.

Alors que le projet de loi relatif aux retraites a été très mal reçu par la société et que nous étions, au contraire, tout près de tenir un sujet sur lequel nous aurions pu être pratiquement tous d’accord, ce texte est vide de sens. J’en suis déçue et les professionnels de santé le seront aussi.

M. Nicolas Turquois (Dem). Le texte que nous examinons n’est pas un projet de loi qui viserait à régler tous les problèmes liés à l’autonomie et au grand âge : j’engage mes collègues à questionner le ministre à ce propos. Nous avons, évidemment, des attentes légitimes à propos du grand âge et je remercie Mme la rapporteure de nous proposer diverses pistes, certes limitées, mais qui permettront d’atténuer certaines difficultés.

Je souhaiterais que nous puissions aborder, à l’occasion de l’examen de l’article 1er, la question des doubles tutelles exercées par les départements et les agences régionales de santé (ARS) – tutelles parfois triples, en réalité, si l’on compte les établissements. En effet, les politiques sociales étant confiées aux départements, il faudrait leur en laisser pleinement les moyens, et peut-être pourrait-on mettre les départements qui ont une véritable politique sociale plus en valeur que ceux qui ne l’ont que sur le papier et s’en détachent.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis fier du travail produit par les députés. Nous sommes ici entre parlementaires, sans la présence du Gouvernement, pour travailler sur des préoccupations que nous partageons tous. Inutile, donc, de nous apostropher.

Cette proposition de loi a pour but de fixer un cadre, et il n’est donc pas étonnant qu’elle ne comporte pas de mesures financières, lesquelles relèveront du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). En termes de trajectoire, entre 2020 et 2026, compte tenu de l’apport de la CSG, ce seront plus de 10 milliards d’euros qui auront été consacrés au grand âge.

Quant au cadre, nous le connaissons tous. Il s’agit, tout d’abord, de l’organisation de la prévention et, à cet égard, la conférence nationale peut contribuer à en définir les contenus. Il s’agit aussi de l’attractivité des métiers, à laquelle contribue notamment la création d’une carte professionnelle. Ce n’est pas négligeable ! La situation ne me semble, en revanche, pas mûre pour aborder la double gouvernance exercée par l’ARS et par les départements. Il faut donc avancer, en nous souvenant que c’est nous, parlementaires, qui avons créé par amendement la cinquième branche de l’assurance maladie, ce dont nous pouvons être fiers. Après avoir posé les bases, nous allons peu à peu déposer des pierres, et devons le faire d’une manière apaisée.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Madame Janvier, puisque vous vous demandez ce que nous avons fait depuis cinq ans et que vous trouvez que nous faisons beaucoup de vidéos, je vais vous envoyer toutes celles que nous avons faites depuis 2017.

Monsieur Turquois, vous nous suggérez de questionner le ministre, mais je ne cesse de demander si la loi « grand âge » arrivera bientôt, et je n’ai toujours pas de réponse. Il est archifaux de nous accuser de ne rien faire, et j’en veux pour preuve nos rapports et nos propositions de loi, qui sont toujours refusées.

Monsieur Isaac-Sibille, il est amusant que vous nous invitiez à travailler sur cette proposition de loi en attendant un projet de loi à venir, alors que toutes celles que nous présentons à la faveur de nos niches parlementaires sont rejetées au motif qu’elles ne sont pas assorties d’études d’impact ou qu’elles ne sont pas le bon véhicule et qu’il faut attendre un projet de loi. Quand un texte vient de vous, il faut l’examiner, et quand il vient de nous, ce n’est pas le bon véhicule ! C’est une très mauvaise argumentation.

Enfin, en mars 2018, Monique Iborra et moi-même avons rendu un rapport faisant apparaître qu’il fallait d’urgence 210 000 soignants. Un soignant en Ehpad dispose en effet de 30 minutes par résident et par 24 heures – soit 1 440 minutes. Lorsque je parlais à ce propos de maltraitance, au début du mandat précédent, que n’ai-je entendu ! Il est cependant admis désormais que la maltraitance existe, et qu’elle n’est plus institutionnelle, mais gouvernementale, puisque le Gouvernement a le rapport sous les yeux. Il faut agir rapidement, mais ce n’est pas avec une proposition de loi vide et une rapporteure qui quitte le navire que vous parviendrez à nous convaincre.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous convenons tous que nous avons besoin d’une grande réforme de l’autonomie, qui doit présenter un caractère réglementaire, législatif et stratégique, et qui doit être portée par le Gouvernement. Vous êtes déçus, car vous attendez que cette proposition de loi se substitue à un projet de loi, mais elle n’en est pas un, n’y a pas vocation et n’a jamais été annoncée comme telle. Elle est, je le souhaite, le début de quelque chose, et exprime la volonté de faire ce qui peut être fait tout de suite.

Un projet de loi pourra embrasser tous les sujets, qui sont nombreux. Nul ne pourrait me reprocher de ne pas avoir bataillé pour cela durant les cinq dernières années et de ne pas être convaincue de la nécessité de cette réforme du grand âge. Nous pouvons cependant agir pour les personnes âgées et pour les professionnels, en faisant dès maintenant ce que nous pouvons faire. Donner une carte professionnelle à une aide à domicile améliore son quotidien. Il en va de même des aides à la mobilité, et c’est maintenant que nous le faisons.

L’instauration d’un dispositif de lutte contre la maltraitance est aussi une réponse à l’inquiétude qu’expriment 70 % des Français à la suite, notamment, de l’affaire Orpea. Ce n’est pas le moment de faire un exposé détaillé sur la maltraitance, qui met en jeu des phénomène complexes et renvoie à des vécus très différents, mais nous savons qu’il en existe différentes formes, dont la maltraitance institutionnelle, qui existe bel et bien et qui recoupe la complexité de tous ces phénomènes. Nous ne l’écartons pas dans ce texte, bien au contraire.

Je ne vous laisserai pas dire que ce texte est vide – et vous le constaterez lors de l’examen des articles sur lesquels s’exprimera ma collègue rapporteure. Il est inutile de s’invectiver durant des heures en déplorant l’absence d’un projet de loi, car nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’une réforme de l’autonomie. Nous avons ici la possibilité de débattre de certains points et d’apporter des réponses concrètes. Telle est l’objet de cette proposition qui, je le répète, n’a pas vocation à remplacer un projet de loi.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous reprochez à cette proposition de loi de ne pas être assez ambitieuse. Nous entendons votre inquiétude et ne remettons pas en cause votre engagement. Tous ici, nous sommes impliqués dans cette dynamique. Vous avez produit des rapports et plusieurs d’entre vous sont déjà élus depuis un certain temps. Pour ma part, avant de vous rejoindre, j’étais élue locale, maire et conseillère départementale, médecin coordonnateur dans un Ehpad, où j’exerce toujours – j’étais ce matin encore en consultation de gériatrie.

Cette proposition de loi ne répond certainement pas à tous les enjeux, mais elle n’est pas non plus un piège, et je ne peux pas vous laisser le dire. Elle est une étape, une pierre à l’édifice. Lorsque j’étais maire, voilà peu, au moment de la pandémie de covid-19, j’aurais souhaité avoir plus d’aide pour établir un vrai registre enrichi afin de lutter contre l’isolement social. Or cette proposition de loi répond à ce besoin. J’aurais souhaité aussi, lorsque j’étais médecin coordonnateur, pouvoir engager facilement des actions de prévention à destination de résidents clairement identifiés. La proposition de loi le permet également.

Cette proposition de loi sera ce que nous en ferons. Nous voulons avancer pour que nos concitoyens puissent bien vivre l’avancée en âge. Ce que vous présentez comme un choc démographique me semble être plutôt une transition démographique, dans laquelle nous sommes tous impliqués pour des raisons personnelles, professionnelles et même politiques, et c’est ce qui justifie notre présence ici.

Je propose que nous enrichissions ce texte avec des amendements issus de la majorité comme de l’opposition, car il peut être un texte transpartisan autour duquel nous pouvons nous retrouver. Nous pourrons, dans quelques jours, être tous satisfaits d’avoir apporté quelque chose à tous ceux qui nous le demandent.

Le 17 mars s’est tenue la première journée des aides à domicile. Je les ai reçues dans ma circonscription et j’ai vu que leurs attentes étaient nombreuses. Le texte comporte déjà des propositions qui n’ont rien d’anodin et qui répondront très rapidement à certaines de leurs difficultés. Je vous engage donc à avoir une discussion apaisée sur les amendements qui seront présentés.

Avant l’article 1er

Amendement AS550 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Bâtir une société du bien vieillir est fondamental. Il s’agit d’un projet majeur, sur lequel un débat de fond doit pouvoir être mené. Or ce n’est pas ce que fait la proposition de loi que nous examinons. Ainsi, l’intitulé de son titre Ier ne correspond pas au contenu de celui-ci et cet amendement rédactionnel vise donc à le rédiger comme suit : « Diverses mesures concernant la perte d’autonomie des personnes âgées et la lutte contre l’isolement social », afin d’éviter les désillusions et dissiper les doutes.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le titre que vous proposez n’est aucunement en adéquation avec les dispositions des articles 1er et 2. Il ne mentionne en effet ni la prévention de la perte d’autonomie ni le pilotage de cette politique, qui sont des éléments fondamentaux du texte.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Madame Cristol, j’ai apprécié la modestie avec laquelle vous avez admis que, faute de ce projet de loi « grand âge » que nous souhaitons tous, les députés se saisissent de la question et font ce qu’ils peuvent avec cela.

Au-delà de l’humilité, toutefois, l’intitulé du titre Ier est un slogan publicitaire. Il n’est pas possible de bâtir la société du bien vieillir à partir de ces quelques « machins » ! Définissons un titre qui corresponde aux enjeux, et peut-être alors pourrons-nous voter les quelques bidules qui seront proposés au fur et à mesure. En revanche, si vous montrez un paquet cadeau en promettant des merveilles et allez proclamer devant tous les médias que vous bâtissez la société du bien vieillir, nous ne pouvons pas adhérer à ces promesses. Mme Janvier nous dit que les auxiliaires de vie sont déçues de n’avoir rien vu depuis cinq ans, et c’est parfaitement vrai ! Qui plus est, elles ne vont rien voir de plus maintenant en termes de salaire, d’horaires, de statut ou de revenus.

Même si nous sommes habitués aux déceptions, évoquer une société du bien vieillir suscite une attente de notre part et de la part des aides-soignantes, des auxiliaires de vie et des proches aidants, qui sont complètement oubliés. Je vous propose donc de réduire la publicité dans l’intitulé, afin de le mettre en adéquation avec la réalité du contenu de ce titre Ier.

M. Jérôme Guedj (SOC). Nous sommes tous ici des militants de l’âge et je n’ai pas douté un instant de la détermination de mes collègues, mais – et c’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement comme je soutiendrai celui qui proposera plus tard de modifier le titre de la proposition de loi –, vous ne pouvez afficher un texte qui annonce la société du bien vieillir tout en oubliant des pans entiers de la question du vieillissement dans la société. On ne trouve dans ce texte pas un mot sur le logement, sur les mobilités ni sur les discriminations liées à l’âge.

Quant à la question centrale des moyens alloués à l’accompagnement de la perte d’autonomie, M. Combe nous disait que, n’ayant pu obtenir la loi « grand âge », abandonnée en rase campagne après la promesse présidentielle, il avait obtenu un CNR « Bien vieillir » et promettait que les PLFSS déclineraient ces mesures. Or la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 n’a guère donné de moyens supplémentaires. Le Président de la République promettait en effet 50 000 postes de plis dans les Ehpad, chiffre qui nous paraissait déjà insuffisant, et nous nous attendions donc à en voir créer 10 000 par an, mais la LFSS a fixé le nombre de créations à 3 000, soit un demi-poste par Ehpad, et le conseil de la CNSA qui se réunira demain découvrira probablement que, pour 2023, ce ne seront pas 3 000 postes qui seront créés, mais plutôt entre 1 000 et 1 500.

Pour ce qui est des aides à domicile, vous avez prévu dans la LFSS deux heures supplémentaires par semaine, soit dix-sept minutes par jour. Nous sommes donc toujours méfiants devant votre communication tonitruante. Si vous continuez à parler d’une proposition de loi sur la « société du bien vieillir » ou de promettre un « renforcement du pilotage de la politique de prévention » à propos du titre Ier, qui ne comporte fondamentalement pas de redéfinition du contenu de cette politique ni, surtout, des moyens de son efficacité, il y a un problème.

Nous aurons ce débat avec vous et avec le ministre – et je plains ce dernier, car il se trouvera en séance un mois avant une feuille de route qu’il n’a pas encore présentée et après avoir présenté un peu précipitamment – ce sera demain – les conclusions des groupes du CNR. Ce processus ne rend service à personne.

Mme Isabelle Valentin (LR). Ne nous trompons pas de cible ! Ce qui compte pour le commun des mortels, c’est le renforcement de la politique de prévention. Ce n’est pas le pilotage, mais les moyens. Appelons un chat un chat et adoptons l’amendement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). De deux choses l’une : soit nous modifions le texte pour qu’il permette de bâtir la société du bien vieillir ; soit nous modifions le titre. J’ai peur que la première option ait déjà été écartée.

Sur le fond, j’ai découvert récemment un outil qui pourrait nous permettre de traiter des enjeux : le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) !

Par ailleurs, c’est assez peu visible dans cette commission qui travaille plutôt à marche forcée, mais il y a maintenant un peu de place dans le calendrier parlementaire : ne serait-ce pas l’occasion de débattre d’un projet de loi sur le grand âge et l’autonomie ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Les titres sont souvent plus rutilants que les contenus ! Je vous renvoie à la « niche » du groupe Écologiste de ce jeudi. Avançons donc plutôt sur le fond. J’entends les demandes, elles sont légitimes, et j’aurai moi aussi des questions à poser au ministre en séance.

Quant au PLFRSS, c’est justement en travaillant plus que nous pourrons mieux financer la protection sociale. Nous avons dévalorisé pendant de longues années la valeur travail, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés. Pour abonder les ressources de la sécurité sociale, oui, il faut travailler, et la réforme des retraites va dans ce sens !

M. Didier Martin (RE). Il n’est pas de long voyage qui ne commence pas par un pas. La conférence nationale de l’autonomie sera utile pour parler de prévention, de preuves de la prévention. Nous favoriserons ainsi le maintien à domicile. Avançons pour bâtir ensemble les fondations de cette société du bien vieillir.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je précise que cet amendement porte seulement sur le titre du titre Ier. Par ailleurs, il fait disparaître la notion de prévention ; or c’est l’objectif principal de cette partie du texte. Nous vivons de plus en plus longtemps, mais nous vivons moins longtemps en bonne santé, et la prévention de la perte d’autonomie est essentielle. Elle doit être mieux pilotée. Plusieurs d’entre vous ont insisté sur ce point dans différents rapports.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Monsieur Guedj, j’ai sous les yeux la trajectoire de recrutement, qui émane de la direction de la sécurité sociale : nous aurons bien en 2023 2 200 équivalents temps plein (ETP) au titre des financements pour le recentrage des groupes iso‑ressources (GIR) et 1 800 au titre des hausses de recrutements en Ehpad. Cela fait 4 000 ETP en tout.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS425 de M. Laurent Panifous et AS515 de Mme Josiane Corneloup.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise, en modifiant son titre, à élargir la portée du titre Ier afin que la prévention ne concerne pas les seules personnes âgées.

Mme Josiane Corneloup (LR). La loi du 11 février 2005 posait le principe d’une convergence dans la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Faut-il vraiment continuer à séparer le pilotage de ces politiques ? Les associations représentatives des personnes en situation de handicap, de leurs familles et des aidants le rappellent : il est essentiel que nos réflexions sur le soutien à l’autonomie embrassent la question des enfants et des adultes en situation de handicap.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette proposition de loi porte sur le bien vieillir, même si elle inclut des propositions qui portent sur le champ du handicap, les deux sujets étant parfois liés. Son objet principal est bien la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées. Le sujet du handicap est très complexe et il serait difficile de le traiter ici.

Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je suis choquée de cette remise en cause de la loi de 2005. Le fait de ne considérer ici que les personnes âgées est tout à fait préjudiciable aux personnes handicapées.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne crois pas. Les difficultés des personnes handicapées sont très complexes. L’avancée en âge peut être synonyme de perte d’autonomie, ce que nous voulons prévenir ; mais le handicap est une dynamique bien plus large, qui implique une réflexion bien plus étendue. Vous estimiez notre proposition de loi insuffisamment ambitieuse : réussir à établir une politique d’ensemble de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées serait déjà une bonne chose.

M. Jérôme Guedj (SOC). Non seulement la loi de 2005 posait le principe de la convergence, mais la CNSA a été créée pour piloter à la fois les politiques du handicap et celles relatives aux personnes âgées.

Aujourd’hui, les réponses ne sont pas les mêmes : si vous faites un accident vasculaire cérébral à 59 ans et 6 mois, ou à 60 ans et 1 jour, vous n’aurez pas droit aux mêmes prestations, puisque dans le premier cas vous recevrez la prestation de compensation du handicap, ce qui sera en général plus avantageux que l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) que vous recevrez dans le second cas.

Si nous entérinons la permanence de la barrière d’âge, si nous admettons que les politiques de la perte d’autonomie ne concernent que les personnes âgées, alors nous nous résignons à ce cloisonnement que la création de la CNSA avait précisément pour objet de faire disparaître.

Et je n’aborde pas le sujet des personnes handicapées vieillissantes, qu’il ne faut pas invisibiliser.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’irais même plus loin que vous : en gériatrie, nous ne parlons pas d’âge, ou plutôt nous parlons d’un âge physiologique plutôt que d’un âge chronologique. Nous aurions pu anticiper, il y a vingt ou trente ans, la transition démographique que nous vivons ; nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Mais nous ne résoudrons pas aujourd’hui la question, très vaste et cruciale, que vous soulevez. Restons raisonnables et poursuivons l’examen de cette proposition de loi.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). C’est vous qui avez choisi ce titre, « bâtir la société du bien vieillir »... Je vais peut-être vous apprendre quelque chose, mais depuis que nous avons commencé cette réunion, nous avons tous vieilli ! Les mots ont leur importance. On ne vieillit pas que lorsqu’on est vieux ! Si nous demandions une loi sur le grand âge, ce n’est pas pour rien.

La commission rejette les amendements.

TITRE IER
RENFORCER LE PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION DE LA PERTE D’AUTONOMIE DES PERSONNES ÂGÉES
ET LUTTER CONTRE L’ISOLEMENT SOCIAL

Article 1er : Création de la conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie

Amendements de suppression AS110 de M. Vincent Descoeur, AS418 de M. Pierre Dharréville, AS458 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS485 de M. Laurent Panifous et AS539 de Mme Josiane Corneloup.

M. Dino Cinieri (LR). La création de cette nouvelle instance de dialogue dans le champ de l’autonomie pose de nombreuses questions : quels seront le rôle et la plus-value de cette conférence nationale de prévention de la perte d’autonomie, notamment si l’on se réfère aux missions de la CNSA ?

La proposition de loi ne semble pas prendre en considération les travaux en cours, que ce soit les réflexions de la CNSA sur un nouveau cadre de coopération et le service public territorial de l’autonomie ou les réformes en cours des aides techniques.

Avec une cinquième branche aux contours flous et sans vision politique définie, la création d’une nouvelle instance risque de rendre encore plus complexe le pilotage d’une politique de l’autonomie globale, répondant à la fois aux besoins des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

L’amendement AS110 propose donc de supprimer cet article, qui soulève plus de questions qu’il ne semble résoudre de problèmes.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). C’est un amendement de suppression d’appel, en quelque sorte !

Cet article est, à l’image de ce texte, un peu étrange. Nous ne comprenons pas vraiment ce qu’il entend faire, ni comment. Qu’il soit indispensable de mieux organiser, au niveau national, la politique de la perte d’autonomie, c’est avéré. Je souligne néanmoins qu’une grande confusion continue d’exister entre ce qui relève de la protection sociale et de la solidarité nationale, entre ce qui relève des politiques publiques et de la sécurité nationale ; la CNSA se situe au carrefour de ces contradictions.

La conférence nationale de l’autonomie apparaît comme une instance supplémentaire, et sa création ne semble pas tenir compte de missions de la CNSA ou des conférences des financeurs. Comment s’articulera-t-elle avec les instances existantes ? Comment sera-t-elle composée ? Quel sera l’objet du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie ?

Nous nous demandons donc s’il est vraiment utile de créer cette nouvelle conférence nationale.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les départements sont déjà chargés de l’accompagnement de nos aînés, et on ne se préoccupe pas mieux des gens en s’en éloignant. Or plus nous parlons de déconcentration et de décentralisation, plus les politiques publiques se centralisent ! Il serait bon de mieux considérer les départements, leurs administrations et leurs élus.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je ne suis pas non plus convaincu de la plus‑value de cette nouvelle instance, au contraire : j’y vois une recentralisation, et même une complexification de la décision. La CNSA a précisément été créée pour piloter la politique de prévention de la perte d’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet article vise à répondre à un constat partagé : la politique de prévention de la perte d’autonomie varie beaucoup selon les territoires. Malgré la création des conférences des financeurs en 2015, nous ne disposons pas de référentiel national, tant pour évaluer les besoins que pour faire connaître les initiatives. Nous sommes nombreux ici, dans la majorité comme dans les oppositions, à appeler de nos vœux une politique de prévention structurée, définissant des priorités et bénéficiant d’une impulsion politique.

Sur la prévention de la perte d’autonomie en particulier, le rapport Libault, les travaux de la Cour des comptes et ceux de nos collègues sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier soulignent ce manque de structuration et d’engagement politique dans la durée.

C’est le problème que vise à résoudre cette instance nouvelle. Les départements demeurent les chefs de file de cette politique, et nous sommes profondément attachés à cet aspect ; nous allons même renforcer les conférences des financeurs en matière d’isolement social. La conférence nationale de l’autonomie n’est pas non plus un échelon supplémentaire ; c’est un outil qui permettra de fixer des axes stratégiques, et donc le cadre dans lequel s’inscrira l’action des conférences des financeurs. Nous le voulons le plus opérationnel possible ; c’est pourquoi son action s’appuiera sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie, dont la mission sera d’évaluer et de labelliser les équipements et les dispositifs essentiels pour prévenir la perte d’autonomie. Le rapport Libault recommandait, en 2019, la création de ce centre de preuves.

Cet article nous semble à même de permettre le déploiement d’une stratégie de prévention de la perte d’autonomie ambitieuse coordonnée, cohérente et s’appuyant sur des expertises précieuses. Nous sommes prêts à l’améliorer en retenant plusieurs amendements, de manière transpartisane.

Je souhaite vraiment que les amendements de suppression ne soient pas votés afin que nous enrichissions ensemble cet article.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Tout le monde parle de prévention, mais plusieurs groupes veulent supprimer l’article qui traite de prévention !

Madame Valentin, je ne suis pas d’accord avec vous. Une politique de prévention doit être structurée et pilotée. Qui le fait, aujourd’hui ? La CNSA, c’est une caisse ; elle n’est pas politique. Qui doit fixer les priorités ? Pour moi, c’est le Gouvernement. Qui doit fixer les objectifs ? C’est le Gouvernement. Et, pour suivre cette politique, il faut des indicateurs. La CNSA doit disposer de l’ensemble des indicateurs venant de l’ensemble des caisses, car pour établir une vraie politique de prévention, encore faut-il évaluer ce qui est fait.

J’ai moi-même écrit un rapport sur la prévention. Il y a des milliers d’actions de prévention, mais il n’y en a pas dix qui sont évaluées ! Comment mener une politique probante quand elle est, comme aujourd’hui, sans pilote, sans objectifs, sans indicateurs, sans priorités ? Nous avons cent priorités, c’est-à-dire aucune. Il faut quelqu’un pour fixer ces priorités, à l’échelon national.

Des amendements proposeront de préciser cet article 1er, qui peut en effet paraître flou.

M. Freddy Sertin (RE). Il ne faut pas faire dire à cet article ce qu’il ne dit pas. La conférence nationale de l’autonomie ne vise nullement à supplanter la CNSA, ou à créer un doublon. Nous croyons à la décentralisation et faisons confiance aux acteurs de terrain, qu’ils soient élus locaux ou professionnels. Cette instance nouvelle vise à coordonner, au plus près de la réalité, les actions entreprises par les conférences des financeurs, à leur échelle ; elle est donc complémentaire de la CNSA, sur laquelle elle s’appuie d’ailleurs par l’intermédiaire de son centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie. Vous faites un mauvais procès à cet article, qui comprend par ailleurs d’autres dispositions que celles que vous critiquez. Au lieu de le supprimer, cherchons à l’enrichir collectivement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Comme la conférence nationale de l’autonomie sera-t-elle composée ? Le texte renvoie à un décret, mais il serait utile que le législateur en sache plus avant de se décider. Quelle serait sa composition idéale selon vous, mesdames les rapporteures ? Cela permettrait peut-être de comprendre son articulation avec les conférences des financeurs, et quel sera en particulier son pouvoir de prescription sur le contenu des conférences des financeurs. Vous connaissez les disparités en la matière : elles sont significatives, comme le montre le bilan publié chaque année par la CNSA.

Vous dites que la conférence nationale de l’autonomie s’appuie sur le centre national de preuves, et vous renvoyez au rapport Libault. Mais vous dites que le centre de preuves est piloté par la CNSA, et qu’il évalue et labellise les équipements et aides techniques individuelles – seulement celles-ci. Le rapport Libault, au contraire, proposait que le centre national de preuves soit rattaché à Santé publique France plutôt qu’à la CNSA. Par ailleurs, il lui assignait trois missions : la capitalisation ; l’outillage ; le développement et la coordination des actions. Vous introduisez donc la notion de labellisation – c’est une évolution dont on pourrait parler longuement, et que le rapport de Jean-Pierre Aquino et Marc Bourquin Les Innovations numériques et technologiques dans les établissements et services pour personnes âgées avait envisagée. Votre proposition n’est pas neutre ! Concrètement, des services et des outils techniques devront obtenir un label national avant d’être diffusés. Jusqu’où voulez-vous aller ?

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Expliquez-moi : à seize heures, il ne faut pas attendre que le Gouvernement décide, et que les députés doivent se saisir du sujet grâce à cette proposition de loi ; deux heures plus tard, M. Isaac-Sibille nous dit que c’est au Gouvernement qu’il revient d’agir !

Madame la rapporteure, vous nous dites que c’est là un très bon outil. Je ne vois pas l’intérêt d’une boîte plein d’outils quand on n’a pas un bricoleur ou une bricoleuse pour les utiliser.

Mme Josiane Corneloup (LR). Cette conférence nationale de l’autonomie pose en effet énormément de problèmes. Quel est son objectif ? Apparemment, elle ne remplace pas une autre instance. Intervient-elle dans le cadre d’une gouvernance partagée de la cinquième branche ? Comment s’articule-t-elle avec la CNSA ? Est‑ce, à l’image de la Conférence nationale du handicap, une instance qui n’est pas permanente mais qui se réunit tous les deux ou trois ans pour fixer de grandes orientations ?

Quel est son périmètre ? Pourquoi le réduire à la prévention de la perte d’autonomie et à l’habitat inclusif ? Ne devrait-elle pas à tout le moins prendre comme référence les compétences de la cinquième branche, qui comprennent notamment l’offre d’établissements et de services médico-sociaux à destination des personnes âgées ? Je continue de m’interroger sur l’exclusion des personnes handicapées.

Quelles sont ses compétences ? La proposition de loi parle de pilotage de la politique de prévention. Elle aurait ainsi un pouvoir de décision. Comment, là encore, son action s’articule-t-elle avec celle de la CNSA ?

Monsieur Isaac-Sibille, la CNSA prévoit, dans son cadre de coopération avec les ARS et les départements, la mise en place d’une instance territoriale de l’autonomie pour le pilotage et la cohérence des politiques en matière d’autonomie, la conférence des financeurs déclinant ensuite ces orientations en fonction des problématiques locales. Il me paraît important que les décisions interviennent au plus près du terrain : il ne se passe certainement pas la même chose en Saône‑et‑Loire qu’en Île-de-France !

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La conférence de l’autonomie vise à coordonner les actions des conférences des financeurs. Il ne s’agit pas d’enlever quoi que ce soit aux territoires – les préoccupations diffèrent, en effet, dans la ruralité, dans les métropoles ou encore dans les outre-mer.

Elle agit directement en lien avec la CNSA, notamment par l’intermédiaire du centre de preuves, qui est en cours de création et qui sera totalement intégré à la CNSA.

En ce qui concerne sa composition, nous pourrons demander au Gouvernement de s’engager en séance. Nous devons associer un maximum de parties prenantes pour que la conférence soit visible, tout en conservant de la souplesse.

Voilà pourquoi, je le redis, nous devons rejeter ces amendements et continuer l’examen de cet article : cela permettra de revenir sur les questions que vous avez soulevées, et d’apporter des précisions pour que cette conférence soit un véritable outil de pilotage et de coordination de la politique de prévention de la perte d’autonomie.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS26 de M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il a été dit lors de la discussion générale que cette proposition de loi ne pouvait pas appréhender la question de la gouvernance de la politique du bien vieillir, de la transition démographique et de la révolution de la longévité. Pourtant, la manière dont cette politique est structurée, à l’échelon national comme à l’échelon local, détermine son efficacité. Votre approche, alors même que vous envisagez de créer une conférence nationale de l’autonomie pour assurer une coordination et fixer les orientations de la prévention de la perte d’autonomie, me paraît donc étroite. Nous le disons, les uns et les autres, depuis des années : l’adaptation de la société au vieillissement repose sur la prévention de la perte d’autonomie, et il faut pour cela un outil de pilotage et d’organisation au niveau national. Nous vous proposons d’élargir un peu l’ambition du texte en créant une conférence nationale de la transition démographique.

Je vous ai demandé qui vous vouliez faire siéger au sein de la conférence nationale de l’autonomie que vous voulez créer, mais je n’ai toujours pas eu de réponse à cette question. Il serait pourtant intéressant que le législateur, qui est à l’origine de cette proposition de loi, précise qui, idéalement, il voudrait voir figurer dans cette instance. Nous suggérons de nous inspirer du modèle de la Conférence nationale du handicap, qui fonctionne bien : c’est un lieu politique, dans lequel la définition de la politique du handicap est conconstruite par l’État – les différents ministères –, les collectivités locales, les fédérations représentatives des acteurs du secteur, les personnes âgées elles-mêmes, les organisations syndicales et patronales représentatives, les organisations de sécurité sociale mutualistes, etc.

Au lieu de considérer la question de la prévention de la perte d’autonomie d’une façon étroite, la conférence nationale de la transition démographique que nous proposons de créer servirait à débattre au niveau national, tous les deux ou trois ans, comme le fait la Conférence nationale du handicap, de la définition de la politique qui est menée. Il faudrait également un comité interministériel de la transition démographique, de même qu’il existe un comité interministériel du handicap où, deux fois par an, chaque département ministériel rend compte de la manière dont il a mis en œuvre cette politique. Cela garantirait que la prévention de la perte d’autonomie n’est pas enfermée dans le champ sanitaire et médico-social – c’est en effet le risque de la rédaction actuelle. Il serait intéressant que les ministères du logement, des transports, des sports et de la culture participent à la prévention. La perte d’autonomie n’est pas seulement l’affaire de la direction générale de la cohésion sociale ou de Ségur : c’est un sujet interministériel. Une conférence nationale de la transition démographique permettrait d’appréhender cette question plus efficacement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous remercie d’avoir salué dans votre exposé sommaire la création d’une conférence nationale. Vous proposez néanmoins de réécrire entièrement l’article 1er pour créer une conférence nationale de la transition démographique dont les missions seraient plus étendues et la composition beaucoup plus large. Je vois un danger à créer une instance dont les objectifs ne seraient pas clairement définis et dont les modalités d’action seraient beaucoup moins opérationnelles.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Vous dites que vous avez déposé cette proposition de loi parce que le Gouvernement ne fait pas ce que vous souhaitez, mais vous renvoyez à un décret, c’est-à-dire au Gouvernement lui-même, la composition de la conférence que vous voulez créer : c’est un peu contradictoire. Dites-nous, afin que nous puissions comprendre la philosophie qui vous anime, quelle serait la composition idéale de cette instance.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous aurons avancé sur cette question d’ici à la séance.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je veux bien retirer mon amendement, mais je le redéposerai en séance. Il manque un pilotage politique dans le dispositif que vous proposez.

L’amendement est retiré.

Amendements AS577 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS543 de M. Yannick Monnet (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise réécrire cet article en allant un peu dans le sens que propose M. Guedj, avec d’autres collègues. Je souhaite en effet préciser ce qu’est la conférence nationale de l’autonomie. Il faut lui donner une portée politique. Je ne pense pas, madame Corneloup, que ce soit à la CNSA de définir la politique d’autonomie. Il revient au Gouvernement et au Parlement de le faire, notamment pour ce qui est de la prévention. Confie-t-on à l’assurance maladie la politique de santé ? Non. L’assurance maladie décline une politique de santé définie par le Gouvernement et validée par le Parlement. La conférence nationale de l’autonomie doit être un outil politique, présidé par le ministre.

Par ailleurs, elle doit rassembler l’ensemble des acteurs – je rejoins ainsi ce qu’a dit M. Guedj –, les différents ministères, les différentes expertises, comme celles de Santé publique France et de la Haute Autorité de santé (HAS), l’ensemble des caisses, en particulier la CNSA, l’assurance maladie et l’assurance vieillesse – on connaît le rôle des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat), en matière de prévention –, ainsi que les mutuelles. Je ne pense pas, pour autant, qu’il faudrait définir dans la loi les acteurs concernés : on risquerait de ne pas pouvoir en ajouter d’autres. Le recours à un décret a donc un intérêt.

L’instrument politique que nous devons créer permettra de définir une politique pluriannuelle, ce qui est très important, de coordonner et de valider l’ensemble des actions de prévention, et de coordonner également les stratégies de communication – tout le monde communique aujourd’hui sur la prévention, mais le message n’est pas le même, ce qui est peu efficace. La conférence nationale s’appuiera sur l’expertise d’un centre national de preuves. J’aurai l’occasion de revenir sur cette expression dans un autre amendement : c’est en réalité une mauvaise traduction de l’anglais. Il s’agit plutôt d’un centre de ressources probantes. La CNSA n’a pas l’expertise : elle se trouve plutôt du côté de Santé publique France et de la HAS.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il faut donner à la nouvelle instance un rôle politique, mais également opérationnel. C’est pourquoi nous proposons de créer une conférence nationale du vieillissement et de l’autonomie qui se réunira chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances (PLF) et du PLFSS. Si l’on identifie des besoins, il faut qu’il puisse y avoir derrière des projets politiques prévoyant des moyens – sans cela, l’exercice n’aura aucun sens.

Par ailleurs, il faut élargir la composition de la nouvelle instance, notamment en incluant les élus locaux. Si on veut qu’il y ait une approche territoriale du vieillissement – car on ne vieillit pas de la même façon en ville et à la campagne, et les modes de prise en charge ne sont pas les mêmes –, des élus locaux doivent être présents, en particulier ceux des départements. Ensuite, comment parler de la pénurie de salariés sans en discuter avec les organisations syndicales ou les instances représentatives du personnel et les organisations patronales ?

On doit élargir le périmètre de la conférence et la réunir chaque année, parce que les besoins et les réponses évoluent. Des réponses se construisent dans nos territoires, et elles doivent être prises en compte. Si on fait de la nouvelle instance un « machin » – comme cela a été dit –, une grande discussion nationale déconnectée d’une recherche s’appuyant sur ce qui se passe sur le terrain, cela n’aura pas beaucoup d’impact sur la question du vieillissement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur Isaac-Sibille, je vous remercie pour l’amendement extrêmement construit et structuré que vous avez déposé. Nous connaissons tous la pertinence de votre analyse en matière de prévention de la perte d’autonomie. Néanmoins, cet amendement est quasiment une réécriture complète de l’article 1er, et il nous semble dommage de ne pas partir de la rédaction initiale. Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de ceux, plus ciblés, que vous avez déposés pour défendre les différentes améliorations du texte.

Monsieur Monnet, votre amendement vise à réunir en amont de l’élaboration de chaque PLF et PLFSS une conférence nationale du vieillissement et de l’autonomie qui rassemblerait les différentes parties prenantes. Je partage votre souhait d’un débat sur les besoins de prise en charge. Cependant, l’organe que vous proposez de créer semble peu opérationnel compte tenu du nombre élevé d’acteurs que vous souhaitez y associer, et il paraît difficile d’organiser chaque année une telle conférence en amont des textes financiers, lesquels sont préparés plusieurs mois avant leur examen au Parlement. Par conséquent, je vous propose aussi de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement de Cyrille Isaac-Sibille permet de remplir les creux de la rédaction qui nous est proposée : il précise les objectifs suivant lesquels la conférence doit être composée et certaines de ses missions. En revanche, il est question depuis le début d’un centre national de preuves, qui doit jouer un rôle important aux côtés de la conférence nationale de l’autonomie, puisqu’elle doit s’appuyer sur lui. L’État et la CNSA ont conclu, il y a quelques mois, une convention d’objectifs et de gestion pour 2022-2026, dont l’engagement n° 9 est relatif aux modalités d’intervention du centre national de preuves.

Cette convention, qui reprend les propositions du rapport Libault, prévoit de capitaliser sur les actions de prévention existantes et d’élaborer des référentiels de bonnes pratiques en matière de prévention de la perte d’autonomie. Notre collègue veut y ajouter une mission de labellisation, ce qui n’est pas du tout neutre. Concrètement, pour qu’un nouveau produit, logiciel ou appareillage soit financé au titre des aides techniques ou humaines prévues dans le cadre de l’APA, il devrait être labellisé par le centre national de preuves. C’est une manière d’éviter des produits défaillants ou des technologies immatures, mais cela peut aussi freiner l’émergence de solutions innovantes. On ne peut pas prévoir une telle labellisation au détour d’un amendement.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Madame la rapporteure, j’ai trouvé votre réponse stupéfiante. Vous avez dit que vous étiez d’accord, mais que ce serait trop compliqué à organiser, parce qu’il y aurait trop de monde. J’ai l’impression que vous ne mesurez pas, en réalité, l’importance de ce sujet. Oui, il faut mettre beaucoup d’acteurs autour de la table, parce que les défis sont nombreux et qu’on a glissé la question bien trop longtemps sous le tapis. Est‑on vraiment incapable d’organiser chaque année une conférence nationale avant le PLFSS ? J’ai vu organiser bien plus rapidement des événements autrement plus importants dans la période récente. Je suis un peu surpris que vous craigniez qu’on mette de l’ambition dans ce texte.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je vais retirer mon amendement de réécriture au profit des autres, qui permettront de procéder « à la découpe », si j’ose dire.

Monsieur Guedj, « centre national de preuves » est une mauvaise traduction : c’est un centre de ressources probantes. Cela permettra d’avoir « sur l’étagère » des référentiels, des ressources au sujet des actions probantes, qui ont été évaluées, ou prometteuses, mais ce n’est pas ce centre qui apportera les preuves. L’expertise est plutôt du côté de Santé publique France, de la HAS ou d’autres acteurs.

L’amendement AS577 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS543.

Amendements AS27 de M. Jérôme Guedj, amendements identiques AS324 de M. Sébastien Peytavie et AS516 de Mme Josiane Corneloup, amendements AS422 de M. Pierre Dharréville et AS580 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

M. Jérôme Guedj (SOC). À partir de quel moment est-on dans une politique de prévention de la perte d’autonomie ou dans une politique d’autonomie en général ? Quand des aides techniques sont apportées à des personnes en situation de perte d’autonomie – je pense, par exemple, à des balances connectées pour surveiller la perte de poids, qui est potentiellement un signe de dénutrition, ou à des capteurs de prévention des chutes –, on fait de la prévention de la perte d’autonomie, mais ces outils sont également pertinents pour le suivi de situations de perte déjà avérée d’autonomie. Il ne faut pas de rupture entre ce qui relève de la prévention et ce qui concerne l’accompagnement de la perte d’autonomie, celle-ci étant un processus évolutif. Si on souhaitait se limiter à la prévention, on ne s’intéresserait, pour caricaturer, qu’aux personnes en GIR 5 et 6, puisqu’il ne s’agit pas encore de situations de perte d’autonomie avérée par le bénéfice de l’APA. Pourtant, on doit continuer à faire de la prévention de la perte d’autonomie pour les personnes en GIR 4 et en GIR 3, afin d’éviter qu’elles ne glissent en GIR 2 ou GIR 1. C’est pourquoi nous proposons d’élargir le champ de la future conférence nationale à l’autonomie. Un des leviers doit être la prévention, mais il ne faut pas oublier l’accompagnement des personnes déjà en perte d’autonomie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 1er tend à créer une conférence nationale de l’autonomie dont les missions sont assez restrictives : elles ne tiennent pas compte de l’autonomie des personnes en situation de handicap. Le terme « autonomie » ne doit pas être utilisé abusivement : si la conférence nationale de l’autonomie respecte le cadre de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, elle doit alors donner toute leur place aux actions de prévention et d’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la limitation des missions prévues à la politique de prévention : l’article 1er prévoit que la conférence nationale de l’autonomie supervise les conférences départementales des financeurs de la perte d’autonomie et de l’habitat inclusif, dont le champ d’action dépasse la seule prévention.

La nouvelle conférence doit piloter, au plus près des territoires, une politique répondant aux besoins des personnes âgées comme des personnes handicapées, notamment en matière d’aides techniques et humaines, à domicile et en établissement. À cet effet, mon amendement tend à mentionner explicitement à qui s’adressent les programmes et financements décidés au sein de la conférence nationale de l’autonomie.

Mme Josiane Corneloup (LR). Il doit être question de la prévention de la perte d’autonomie, bien sûr, mais il est également nécessaire de prendre en considération l’accompagnement à mener pour éviter son aggravation – je rejoins ce qui a été dit à propos des personnes en GIR 4.

Si la conférence nationale de l’autonomie respecte le cadre de la cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée au soutien à l’autonomie, je pense aussi qu’elle doit donner toute leur place aux actions de prévention et d’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La conférence nationale de l’autonomie devrait piloter, à l’échelon national, la politique de prévention mais aussi le soutien à l’autonomie. Tel est le sens de l’amendement AS422.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à ajouter la perte d’autonomie parmi les missions de la conférence nationale. Pour moi, philosophiquement, la prévention va du premier jour au dernier.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable à l’amendement de M. Isaac‑Sibille. La précision qu’il apporte est bienvenue.

Monsieur Guedj, nous cherchons à adopter des outils opérationnels. La conférence nationale de l’autonomie a pour objectifs de piloter la prévention et de définir des axes prioritaires pour l’élaboration des programmes des conférences des financeurs. L’action de ces dernières est ciblée sur la prévention. Il ne serait pas cohérent que le champ d’intervention de la conférence nationale ne soit pas ajusté sur celui de la conférence des financeurs. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

Madame Corneloup, monsieur Peytavie, l’élargissement aux actions en faveur des personnes en situation de handicap ne peut pas se faire sans une concertation approfondie avec le monde du handicap. Les besoins et les outils en matière de prévention ne sont pas les mêmes, vous le savez, que pour les personnes âgées. Je vous propose de retirer vos amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Mon amendement a justement fait l’objet d’un travail avec le Collectif Handicaps.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je le comprends bien, mais ce collectif ne représente pas tous les acteurs du handicap. Le champ est extrêmement large. Par ailleurs, les situations sont très différentes, et les outils et les objectifs sont beaucoup plus étendus.

La commission rejette successivement les amendements AS27, AS324, AS516 et AS422 puis elle adopte l’amendement AS580.

Amendements AS581 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS269 de M. Vincent Descoeur (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à s’assurer que la conférence nationale sera un outil politique en la plaçant sous la présidence du ministre compétent : c’est le Gouvernement qui fixe les priorités et les objectifs de la politique de prévention. Par ailleurs, la composition de la nouvelle instance sera définie par décret : il ne faut pas être trop précis dans la loi, afin de ne pas risquer d’oublier certains acteurs. Il faudra inclure tous ceux qui jouent un rôle en matière de prévention, qu’il s’agisse des acteurs institutionnels, comme les ministères et les différentes caisses, des financeurs, notamment les mutuelles, ou des acteurs ayant une expertise, comme Santé publique France et la HAS.

Mme Isabelle Valentin (LR). Il me paraît préférable qu’un président de conseil départemental préside cette conférence, afin que l’on se place au plus près du terrain et que l’on fasse bien remonter les besoins. D’où l’amendement AS269 que nous avons déposé.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis très favorable au premier amendement. Il est essentiel de donner une place prioritaire à la conférence et de faire en sorte qu’elle ait un portage politique très fort.

Il ne me paraît pas opportun de confier sa présidence à un président de conseil départemental. La nouvelle instance aura, en effet, une dimension nationale : il est important qu’elle soit présidée par le ministre chargé de l’autonomie, étant entendu qu’elle aura une relation très forte avec les conférences des financeurs, organisées au niveau départemental. Avis défavorable, donc, au second amendement.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je n’ai rien contre le ministre, bien entendu, mais je pense que les avis seront ainsi beaucoup trop technocratiques et qu’on sera très loin de la réalité du terrain. Il serait beaucoup mieux que ce soit un président de conseil départemental, voire celui de l’Assemblée des départements de France, qui soit chargé de présider.

M. Jérôme Guedj (SOC). Derrière la question légitime de la présidence de la conférence nationale de l’autonomie se cache une interrogation sur le rôle et le niveau de prescription qui lui reviendront.

Dans la rédaction actuelle, la future instance fixera les orientations principales des conférences des financeurs, mais on imagine qu’il s’agira de la dotation venant de la CNSA. Or les conférences des financeurs portent sur des financements croisés – une des très bonnes idées de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement était de créer un seul lieu là où existaient plusieurs guichets. Il y a, en effet, les dotations de la CNSA qui sont allouées aux conseils départementaux, les dotations propres de ces derniers et les dotations de toute une autre série d’acteurs.

L’argent vient majoritairement de la CNSA – nous entrerons plus tard dans le détail de la structuration des conférences des financeurs – et il serait presque logique, en conséquence, que la conférence nationale de l’autonomie soit présidée par le président de la CNSA ou par un de ses vice-présidents – l’un d’entre eux, cela tombe bien, est souvent un président de conseil départemental. Si c’est l’État qui a la main, une petite question se posera sur la façon dont on coconstruit la politique de prévention de la perte d’autonomie avec les départements, qui sont en première ligne pour le pilotage des conférences des financeurs.

Vous faites de la tuyauterie avec ce texte, mais je ne comprends pas quel sera le niveau de prescription de la conférence nationale de l’autonomie : s’agira‑t‑il du contenu des conférences des financeurs, qui sont aussi nombreuses que les départements, ou, ce qui n’est pas tout à fait la même chose, des crédits que la CNSA dégage, dans le cadre d’enveloppes, pour l’ensemble de ces conférences ?

Mme Fanta Berete (RE). L’amendement de M. Isaac-Sibille renvoie à un décret la composition de la conférence. Or il me semble qu’il a été dit, lors de l’examen de l’amendement AS26, que l’on travaillerait d’ici à la séance sur la liste des membres.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce débat est intéressant : la politique de prévention de la perte d’autonomie est-elle nationale ou décentralisée ? À partir du moment où la CNSA est une caisse nationale, je pense qu’il faut un pilote à ce niveau. Pour moi, il s’agit du ministre, du Gouvernement, et la politique qui est menée doit être validée par le Parlement. C’est le Gouvernement qui fixe les priorités et les indicateurs, et c’est le Parlement qui vote les crédits de la CNSA. Il y a ensuite, au niveau de la CNSA, une déclinaison dans les territoires, et il est normal que le président du département préside la conférence des financeurs.

La conférence nationale sera un peu le pendant des conférences départementales des financeurs. Rendons aux départements ce qui est aux départements et au Gouvernement ce qui est national.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis un peu embêté : l’article 1er tend à créer une conférence pour piloter la politique de prévention et détailler les missions, mais le ministre compétent n’a pas besoin d’une conférence pour mener une politique publique qui dépend de l’État. On risque de créer un « machin » qui s’ajoutera à la CNSA, au risque de faire doublon en matière d’arbitrage. Qui tranchera ?

Si l’État et les départements copilotent cette politique publique, à un niveau qui permet un traitement efficient, et on sait bien que les départements, comme leur nom l’indique, agissent à l’échelle départementale, l’organisation et la gouvernance, en matière de priorités, doivent être situées à ce niveau-là. Si, en revanche, on recentralise les missions sous la tutelle de l’État et que celui-ci, par l’intermédiaire du ministre compétent, se met à chapeauter le tout, on n’est plus dans l’esprit qui est celui de la CNSA et des conférences des financeurs à l’échelle locale. Je comprends l’intérêt que vous y voyez, mais je ne suis pas sûr que ce soit opportun.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous avez peut-être un peu manqué nos échanges précédents, monsieur Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Je les ai bien suivis, ne soyez pas désagréable.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne pense pas l’être, mais je vous laisse juge, cher collègue.

Nous avons déjà apporté des réponses à bien des questions que vous venez de soulever. J’ai été conseillère départementale : je connais le fonctionnement des conseils départementaux, et j’y suis très attachée. L’objectif n’est pas de leur enlever quoi que ce soit. En revanche, comme M. Isaac-Sibille l’a très bien dit, il faut une instance pour coordonner, pour harmoniser, pour définir des objectifs nationaux. Une guidance nationale est indispensable, et il faut un véritable portage politique.

La commission adopte l’amendement AS581.

En conséquence, les amendements AS269 de M. Vincent Descoeur et AS584 de M. Michel Castellani tombent.

Amendement AS632 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de préciser que la conférence nationale fixe, dans un cadre pluriannuel, les priorités de la politique de prévention et les indicateurs permettant de l’évaluer. En effet, pour piloter une politique de prévention, il faut avoir des indicateurs et des données, qu’il est important de pouvoir croiser. Comme vous le savez, un arrêté permet à l’ensemble des caisses, la Caisse nationale de l’assurance maladie, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et les Carsat, les caisses d’allocations familiales ou encore la CNSA, de croiser leurs données. C’est très intéressant et très important, selon moi, car cela permet de repérer les pré-fragilités et de faire, par anticipation, de la prévention. Si je propose de préciser qu’il doit y avoir des priorités et des indicateurs permettant d’évaluer la politique menée, c’est parce que nous avons beaucoup de politiques en France, mais peu d’indicateurs, malheureusement, pour évaluer leur efficacité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai l’impression que ce que vous proposez entre un peu difficilement dans la rédaction actuelle. Si vous en êtes d’accord, nous pourrons essayer de réécrire votre amendement d’ici à la séance.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). S’agit-il de réécrire l’amendement ou de le placer à un meilleur endroit dans le texte ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne comprends pas bien la valeur ajoutée de l’amendement par rapport à la rédaction actuelle. Il faudrait peut-être le formuler d’une façon un peu plus précise.

L’amendement est retiré.

Amendement AS270 de M. Vincent Descoeur.

M. Dino Cinieri (LR). Afin que la conférence nationale de l’autonomie ne se résume pas à une couche de millefeuille supplémentaire, l’amendement AS270 vise à préciser que la nouvelle instance pilote la politique de prévention en lien étroit avec la CNSA.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous demande de le retirer car il est satisfait. En effet, la conférence nationale de l’autonomie s’appuie sur un centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques qui est piloté par la CNSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS596 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement a pour objet de confier à la conférence nationale de l’autonomie la mission d’impulser la mise en place d’un service public territorial de l’autonomie (SPTA). Il s’agit, dans des territoires à la géographie et à la sociologie différentes, d’offrir aux usagers et aux professionnels un point d’entrée unique et facilement accessible avec d’éventuelles implantations de proximité, comme le préconise le rapport de Dominique Libault Vers un service public territorial de l’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est très intéressant. Le SPTA est très attendu par les citoyens et par les acteurs du secteur. Il est cependant nécessaire de lui donner une assise juridique solide. Le Gouvernement y travaille et s’est engagé à proposer en séance publique d’inscrire le dispositif dans le code de l’action sociale et des familles.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis quelque peu surpris. À vous entendre, la proposition de loi créerait des dispositifs inédits. Heureusement, on ne l’a pas attendue pour accompagner les personnes en perte d’autonomie dans nos territoires et répondre à leurs besoins.

Alors que les solutions doivent être apportées à l’échelon local, vous instituez une conférence nationale pour homogénéiser et coordonner la politique de prévention. Avec le service public territorial, vous faites croire que vous innovez mais beaucoup de choses existent déjà.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’appel à structurer un service public territorial que lance l’amendement est indispensable.

Je suis un fervent partisan des départements mais la lucidité oblige à dire que le service public allégeant le parcours du combattant des aidants et des personnes âgées confrontés à la perte d’autonomie n’existe pas encore malheureusement. À certains endroits, des centres locaux d’information et de coordination gérontologique (Clic), des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) ou des centres communaux d’action sociale (CCAS) remplissent parfois ce rôle.

Dans un état unitaire comme le nôtre, un service public destiné à garantir l’accès à l’information sur l’autonomie repose sur un cahier des charges – c’est tout l’intérêt du rapport de M. Libault que d’essayer de le définir – mais il est géré non pas par un opérateur unique mais par le département, une structure associative ou hospitalière – il n’y a pas de caisse locale de la CNSA.

Il est intéressant que la conférence nationale de l’autonomie promeuve le service public territorial, mais, sans être taquin, ce sujet mérite d’être traité de manière plus globale. Votre petite loi « grand âge » n’est pas le lieu idoine. Il est très frustrant de parler du SPTA sans disposer du bras armé pour le rendre accessible.

Je suis toutefois favorable à l’amendement, ne serait-ce que pour obliger le Gouvernement à tenir sa parole – cela figure dans la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la CNSA – et pour que le SPTA voie le jour.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous sommes tous favorables à la déclinaison territoriale de la politique d’autonomie. Comment le SPTA s’articulera‑t-il avec l’instance territoriale de l’autonomie, chapeautée par la CNSA, qui fait le lien entre les départements et les ARS ?

M. François Gernigon (HOR). Il importe de donner de la lisibilité et de la visibilité. À chaque rendez-vous dans ma circonscription, on me parle de DAC, de Clic ou d’engagement commun pour le logement et l’autonomie sur les territoires. Il faut unifier les dispositifs en tenant compte des particularités des territoires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Oui, nous sommes enthousiastes car nous sommes fiers de défendre ce texte ; les petits ruisseaux font parfois les grandes rivières, monsieur Bazin.

M. Guedj l’a dit, tous les départements jouent un rôle à leur manière mais ils ne sont pas égaux. Il faut à la fois unifier l’offre et apporter de la lisibilité. Égarées par le millefeuille territorial et la variété des dispositifs, les familles ne savent pas vers qui se tourner.

Le SPTA est une démarche innovante qui permettra de réunir divers dispositifs locaux et de garantir ainsi dans chaque département l’accès à l’information et aux services dont les personnes âgées ont besoin.

Je vous demande de retirer l’amendement dans l’attente de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS326 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à rendre obligatoire la consultation de la conférence nationale de l’autonomie dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de santé.

La stratégie nationale de santé, qui est définie pour une durée maximale de dix ans, précise les domaines d’action prioritaires et les objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre les conséquences de la maladie, de l’accident et du handicap.

Au-delà des aspects financiers, la création d’une cinquième branche a signé la reconnaissance par la nation de la perte d’autonomie comme un cinquième risque devant faire l’objet d’une protection nationale par la sécurité sociale. Elle est un premier pas. Face au choc démographique à venir, la conférence nationale de l’autonomie doit être un pilier de la planification la politique du grand âge et de l’autonomie qui est appelée à être prioritaire.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait puisque la conférence nationale de l’autonomie pourra donner son avis dans le cadre de la consultation publique prévue par l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il existe une différence notable entre la possibilité que vous mentionnez et l’obligation qu’impose l’amendement.

Il faut absolument que les acteurs de l’autonomie participent à l’élaboration de la stratégie nationale de santé. Le manque de soignants est le premier responsable de la perte d’autonomie : faute de personnels, on vous installe sur une chaise au lieu de vous faire marcher et vous perdez très rapidement votre mobilité ; on vous met une protection au lieu de vous emmener aux toilettes et vous devenez incontinents très rapidement.

Il est exaspérant de devoir nous contenter de créer une nouvelle instance en faisant l’impasse sur la question des moyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS635 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de préciser que la conférence nationale de l’autonomie « coordonne les acteurs impliqués dans la politique de prévention de la perte d’autonomie et les stratégies de communication des politiques publiques en faveur de l’autonomie et contre l’âgisme ».

En France, nous sommes très forts pour administrer, nous le sommes moins pour coordonner. L’exigence de coordination vaut pour les nombreuses actions de prévention qui sont menées dans tous les territoires mais aussi pour les actions de communication.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La coordination des acteurs mais surtout des stratégies de communication des politiques publiques en faveur de l’autonomie est aujourd’hui dévolue à la CNSA. Il ne me paraît pas pertinent de complexifier la gouvernance actuelle en confiant les mêmes prérogatives à des organes différents. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne suis pas d’accord. En matière de prévention, les campagnes, qu’elles soient nationales ou locales, sont le fait d’une multitude d’acteurs. Ces derniers doivent se mettre autour d’une table pour décider du message qu’ils veulent diffuser. Chacun a sa place mais il faut absolument coordonner les actions des uns et des autres.

M. Thibault Bazin (LR). Les amendements très pertinents de M. Isaac-Sibille confirment la confusion que suscite la rédaction actuelle de l’article 1er. Certaines missions sont confiées à la conférence nationale de l’autonomie, d’autres sont laissées à la CNSA.

La communication, quand elle est nationale, vise à faire connaître les dispositifs existants ; quand elle est locale, elle a pour but de renseigner sur le guichet auquel s’adresser pour être accompagné dans ses démarches.

La conférence nationale de l’autonomie suscite des attentes importantes car on aimerait qu’elle soit la solution à tous les dysfonctionnements. Mais la création d’une instance nationale, sous la coupe du ministre, ne me paraît pas aller dans le bon sens alors que les solutions sont nécessairement locales. J’en viens à me demander s’il ne serait pas préférable de supprimer l’article 1er et d’y revenir lorsque l’organisation aura été clarifiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS640 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M.Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La conférence nationale de l’autonomie doit s’appuyer sur la CNSA pour décliner la politique de prévention, mais pas seulement par le biais du centre national de preuves.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous invite à retirer l’amendement car il est satisfait : le texte établit déjà un lien étroit entre la conférence nationale de l’autonomie et la CNSA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS650 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de revoir la dénomination et les missions du centre national de preuves.

Le nom de « centre national de preuves » est une mauvaise traduction des « what works centers » britanniques. La directrice générale de la CNSA préférerait celui de « centre de ressources probantes ». Ce n’est pas la CNSA qui fait la preuve – elle n’a pas l’expertise nécessaire, contrairement à Santé publique France –, elle répertorie les preuves que d’autres ont apportées ; elle offre un catalogue des actions dont le caractère probant est avéré.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La définition actuelle des missions du centre de preuves me semble plus pertinente que la vôtre : évaluer et labelliser les équipements et aides techniques individuelles favorisant le soutien à domicile ou la prévention de la perte d’autonomie en établissement.

En outre, « centre national de preuves » est la terminologie utilisée dans le rapport Libault.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce n’est pas parce que Dominique Libault, que je respecte profondément, l’a écrit que nous devons l’inscrire dans la loi. La CNSA refuse cette terminologie, qui est une traduction de l’expression « evidence based » employée à mauvais escient. Pour dissiper tout malentendu, l’expression « centre de ressources probantes » est plus appropriée.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je ne suis pas favorable à la réécriture des missions du centre que vous suggérez dans l’amendement. En revanche, j’approuve le changement de dénomination proposé dans l’amendement AS663.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je retire l’amendement au profit du suivant.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure Laurence Cristol, la commission adopte l’amendement AS663 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Amendements identiques AS44 de M. Yannick Neuder, AS163 de M. Thibault Bazin, AS295 de Mme Isabelle Valentin et AS585 de M. Cyrille IsaacSibille, amendement AS421 de M. Yannick Monnet (discussion commune).

M. Dino Cinieri (LR). Je défends l’amendement AS44. Compte tenu du poids du centre national de preuves dans les orientations de la politique nationale et dans les actions financées par les collectivités locales, il est important de garantir son autonomie et sa transparence. Il doit être intégré à la CNSA plutôt que piloté par elle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’émets un avis favorable aux amendements identiques et je demande le retrait de l’amendement AS421.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS421 tombe.

Amendement AS325 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement a pour objet d’associer la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale (Cnoss) à la définition des axes prioritaires par la conférence nationale de l’autonomie.

L’expertise du Cnoss et sa composition – représentants des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale ; des institutions et des établissements de santé ; des établissements sociaux, publics ou privés ; des établissements assurant une activité de soins à domicile ; des personnels de ces institutions et établissements et de leurs représentants d’usagers ; personnalités qualifiées – sont de nature à renforcer la démocratie sanitaire et à impulser une véritable dynamique populationnelle dans les politiques de prévention de la perte d’autonomie dans chaque territoire.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette proposition ne me semble pas adaptée. En effet, le Cnoss rend des avis sur les projets de schéma d’organisation sanitaire, les indices nationaux de besoins, les conditions de fonctionnement et les demandes relevant de la compétence du ministre de la santé. Son action est très différente de celle des conférences des financeurs, centrée sur la prévention de la perte d’autonomie.

M. Thibault Bazin (LR). Le ministre peut consulter les experts de son choix dont le Cnoss fait partie. D’une certaine manière, il peut déjà s’appuyer sur une sorte de conférence nationale de l’autonomie qui ne dit pas son nom pour prendre des décisions dans le domaine de la perte d’autonomie. Le texte ne fait que nommer ce qui existe déjà.

Pourquoi ne pas écrire que le Cnoss peut être consulté puisque c’est déjà le cas ? Cela permet de clarifier l’articulation entre les différentes instances.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement de bon sens. Ce serait un très mauvais message adressé aux professionnels que de ne pas associer le Cnoss. Une fois encore, ce serait une marque de mépris à leur égard que de ne pas écouter leur avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS618 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à ajouter aux missions de la conférence nationale de l’autonomie le suivi et l’évaluation du plan pluriannuel qu’elle est chargée d’élaborer.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable.

M. Thibault Bazin (LR). La conférence nationale de l’autonomie a-t-elle vocation à exercer une tutelle sur les conférences des financeurs ?

Les membres des conférences assurent normalement le suivi et l’évaluation dont la qualité est garantie par la composition de ces instances. L’amendement confierait cette tâche à une instance nationale. Or si celle-ci doit être menée au niveau national, c’est au Parlement de s’en acquitter. Non seulement nous ne pouvons pas nous dessaisir de notre mission d’évaluation dévolue par la Constitution mais la conférence nationale de l’autonomie ne peut pas être à la fois juge et partie. Il appartient à la représentation nationale de suivre la mise en œuvre du plan pluriannuel d’autant que les plans ne sont pas toujours appliqués – l’exemple des soins palliatifs est à cet égard très décevant.

M. François Gernigon (HOR). Cela n’enlève rien à l’évaluation menée par les conférences des financeurs. Il est utile de disposer d’une évaluation consolidée et de s’assurer du suivi effectif du plan à l’échelon national.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis favorable à l’amendement. L’État, par le biais de la CNSA, est le garant de l’équité entre les territoires. Pour y parvenir, l’évaluation est un outil indispensable.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’évaluation doit rester entre les mains des acteurs territoriaux. Il me paraît judicieux que le travail des conférences des financeurs puisse alimenter le centre de preuves de la CNSA mais je m’oppose à ce que le suivi relève exclusivement de l’échelon national.

M. Thibault Bazin (LR). Le terme « Elle », dans l’amendement renvoie‑t‑il à la conférence nationale de l’autonomie ou à la CNSA ? S’il s’agit de la seconde, je remise mes réserves.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage les doutes de M. Bazin sur le pronom « elle ». Quant à l’évaluation, il convient de trouver les moyens d’y associer les membres de la commission des affaires sociales. Cela vaut pour d’autres politiques sociales sur lesquelles nous sommes amenés à nous prononcer et qui sont ensuite déclinées par les départements de manière hétérogène.

M. François Gernigon (HOR). « Elle » renvoie sans ambiguïté à la conférence nationale de l’autonomie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS616 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à prévoir que la conférence nationale de l’autonomie se réunira tous les trois ans, à l’instar de la Conférence nationale du handicap.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Demande de retrait, car la conférence nationale de l’autonomie n’a ni le même rôle ni le même format que la Conférence nationale du handicap, qui définit des orientations dans un champ beaucoup plus large. Il est difficile d’établir un rapprochement entre les deux instances.

M. François Gernigon (HOR). Ne serait-il pas intéressant, tout de même, d’indiquer une temporalité, même inférieure à deux ans ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. On pourrait y réfléchir en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS484 de Mme Isabelle Valentin, amendements identiques AS45 de M. Yannick Neuder, AS183 de M. Thibault Bazin et AS631 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement vise à prévoir qu’un décret définira la composition, l’organisation, le fonctionnement, l’objectif et les orientations du centre national de preuves de la prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

M. Dino Cinieri (LR). Par l’amendement AS45, nous souhaitons qu’un décret définisse la composition, l’organisation et le fonctionnement du centre national de preuves de la prévention de la perte d’autonomie et de ressources gérontologiques.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le centre national est intégré à la CNSA. Il ne me paraît pas nécessaire de préciser que ses modalités d’action et sa composition seront définies par décret, ces éléments figurant dans la convention d’objectifs et de gestion 2022-2026 signée entre l’État et la CNSA.

Je vous propose donc de retirer vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS459 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il s’agit de prévoir que les axes prioritaires seront définis pour avis par le plan pluriannuel établi par la conférence nationale de l’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Conférer un caractère consultatif aux axes définis par la conférence nationale de l’autonomie réduirait la portée du dispositif. Je ne peux donc pas y être favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS617 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à préciser que les conférences des financeurs doivent prendre en compte non seulement les axes prioritaires définis dans le plan pluriannuel mais aussi les spécificités territoriales, notamment celles des zones rurales. En effet, les attentes peuvent différer en fonction des territoires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette précision me semble inutile car l’article L. 233-1 du code de l’action sociale et des familles évoque le territoire départemental et infradépartemental, ainsi que l’adaptation aux besoins de chaque territoire.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS718 de Mme Laurence Cristol.

En conséquence, les amendements AS426 de M. Pierre Dharréville, AS103 de Mme Emmanuelle Anthoine, AS46 de M. Yannick Neuder, AS165 de M. Thibault Bazin, AS296 de Mme Isabelle Valentin, AS528 de Mme Josiane Corneloup et AS427 de M. Yannick Monnet tombent.

La commission adopte l’amendement AS709 de Mme Laurence Cristol.

Amendements identiques AS187 de M. Yannick Neuder, AS237 de M. Laurent Panifous, AS356 de M. Sébastien Peytavie et AS690 de Mme Anne Bergantz.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS187 est défendu.

M. Laurent Panifous (LIOT). Mon amendement vise à faire de la lutte contre l’isolement des personnes âgées un axe à part entière de la politique de prévention de la perte d’autonomie. Il s’agit d’un enjeu majeur pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées et accompagner le virage domiciliaire. Les actions menées pour lutter contre l’isolement de ces personnes, qui sont financées par les conférences des financeurs, s’inscrivent dans le cadre plus général des actions collectives de prévention. En faire un axe à part entière réduirait les disparités importantes que l’on constate entre les départements.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Les actions de lutte contre l’isolement des personnes âgées sont aujourd’hui financées par les conférences des financeurs dans le cadre plus général des actions collectives de prévention. Les bilans réalisés attestent d’importantes disparités entre les départements. Reconnaître la lutte contre l’isolement comme un facteur déterminant de la prévention de la perte d’autonomie suppose d’en faire un axe à part entière du financement de cette dernière. Si les actions collectives de prévention constituent le premier poste de dépenses de la conférence des financeurs et mobilise la majorité des projets soumis, la création d’un volet spécifique à l’isolement garantirait la poursuite des efforts d’innovation au service de la lutte contre l’isolement, permettrait de suivre l’évolution des financements dédiés, de les faire croître et de généraliser des appels à projets spécifiques.

Cette évolution était préconisée dans le rapport de Jérôme Guedj 36 propositions et pistes pour une politique pérenne de lutte contre l’isolement des personnes âgées de juillet 2020. Dans son baromètre sur la solitude et l’isolement des plus de 60 ans, publié en 2021, l’association Les Petits Frères des Pauvres cite des chiffres qui doivent nous interpeller. On y lit que 300 000 personnes âgées de plus de 60 ans seraient en situation de mort sociale ; autrement dit, elles ne rencontreraient quasiment jamais ou très rarement d’autres personnes, qu’il s’agisse du cercle familial ou amical, des voisins ou du réseau associatif. Cette mort sociale touche plus particulièrement les femmes de plus de 75 ans disposant de revenus modestes. Cet isolement absolu se caractérise par des relations très amoindries : 67 % de ces personnes n’ont personne pour parler de choses intimes – contre 32 % pour l’ensemble des Français de 60 ans et plus –, 39% n’ont personne à qui confier leurs clefs – contre 13 % pour l’ensemble des Français de 60 ans et plus – et 50 % n’ont personne avec qui déjeuner ou dîner. Par ailleurs, 27 % sortent une fois par semaine ou moins souvent de chez eux, 21 % se sentent malheureuses et 9 % des personnes ne se disent pas autonomes.

Mme Anne Bergantz (Dem). On parle d’isolement social lorsque la personne subit l’absence de relations régulières avec d’autres personnes. Cela concernerait plus de 900 000 personnes de plus de 60 ans, et ce chiffre serait en nette augmentation depuis la crise sanitaire. L’isolement peut engendrer des dépressions et des troubles neurologiques altérant les facultés cognitives, à quoi s’ajoute le non-recours aux soins. Mon amendement, qui suit les préconisations de Jérôme Guedj, vise à reconnaître la lutte contre l’isolement comme un facteur déterminant de la prévention de la perte d’autonomie en en faisant un axe à part entière.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage totalement votre volonté de lutter contre le fléau de l’isolement social et ses conséquences désastreuses. C’est un défi qui nous rassemble tous. Votre proposition visant à inscrire pleinement cet objectif parmi les axes prioritaires des conférences des financeurs apparaît donc tout à fait bienvenue.

Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS599 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Je propose de sensibiliser toute personne atteignant l’âge de 60 ans à l’importance de prévenir la perte d’autonomie par l’envoi d’un courrier visant à encourager l’adaptation du domicile, afin de faire face à d’éventuels changements dans la mobilité. La personne concernée aurait la possibilité de prendre rendez-vous avec un professionnel de santé qualifié, en particulier un ergothérapeute, pour évaluer son niveau d’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet objectif est déjà satisfait. En effet, les caisses de retraite de base et complémentaires organisent déjà cette sensibilisation dans un cadre inter-régimes. Elles apportent des informations sur les dispositifs de prévention de la perte d’autonomie auprès de leurs assurés à la retraite ou approchant du passage à la retraite. En outre, la LFSS 2023 prévoit des rendez‑vous de prévention à plusieurs âges de la vie qui ont précisément pour objet de sensibiliser les patients à la prévention, qui inclut la perte d’autonomie.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS677 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Afin de s’assurer de la prise en compte par l’ensemble des politiques publiques des spécificités, besoins et aspirations des personnes âgées dans la société, il est proposé de créer une conférence nationale des personnes âgées, à l’image de l’instance dédiée aux personnes en situation de handicap. Il s’agit de doter le système institutionnel et politique des mêmes outils d’information, de sollicitation et de concertation que ceux existants dans le champ du handicap, qui sont insuffisants pour les personnes âgées. On reconnaîtrait ainsi leurs besoins spécifiques et la nécessité d’y répondre par des politiques publiques dédiées. Il ne s’agit pas de segmenter les politiques publiques par tranche d’âge mais, au contraire, de faire en sorte que l’on prenne en considération les exigences liées au grand âge dans le cadre de l’élaboration de toutes les politiques publiques.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous nous rejoignons tous autour de l’objectif d’associer davantage les personnes âgées aux décisions relatives à la politique de l’autonomie. Toutefois, après en avoir discuté avec le Gouvernement, il semble que les acteurs du secteur soient plutôt défavorables à la création d’une telle instance, qui pourrait avoir pour effet de stigmatiser le vieillissement. Ils préfèrent être représentés dans des instances plurielles, comme le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Le Gouvernement s’est néanmoins engagé à proposer un dispositif, en séance, sur cette question. D’ici là, nous pouvons, si vous le souhaitez, travailler ensemble sur ce sujet.

Je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS548 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Cet amendement d’appel a pour objet de dissocier la politique de santé de la politique d’autonomie. La proposition de loi vise à développer les contrats locaux d’autonomie selon une logique propre, sans les associer aux contrats locaux de santé, lesquels ne sont toutefois pas remis en cause. Il nous faut tenir compte de la compétence des départements en matière d’autonomie. Il convient de bâtir un dispositif compréhensif, évitant la complexification administrative, pour que les collectivités concernées puissent coordonner l’action des acteurs du territoire en matière d’autonomie. L’amendement vise à ce que les départements puissent élaborer un contrat local d’autonomie par l’intermédiaire de la conférence des financeurs.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le Gouvernement déposera un amendement en séance sur le déploiement du service territorial de l’autonomie afin de clarifier et de renforcer l’efficacité de la politique d’autonomie à l’échelon territorial.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, à écouter vos avis, je me demande parfois si vous parlez au nom de la commission ou du Gouvernement. Nous verrons ce que dira le Gouvernement en séance mais nous aimerions connaître votre point de vue de rapporteure. Vous pouvez parfaitement défendre certaines de nos propositions si elles vous paraissent pertinentes.

Le vrai sujet, ce sont les moyens. Cet amendement sur le contrat local d’autonomie pose la question de fond. Vous répondez en évoquant le service public territorial de l’autonomie, qui ne donne pas pleinement satisfaction et dont il faut déterminer les modalités de mise en œuvre. En outre, l’autonomie peut se jouer bien avant 60 ans ; ce n’est d’ailleurs pas une question d’âge. Elle peut concerner des gens qui ne sont pas en mauvaise santé, à l’image de certaines personnes en situation de handicap. Cette distinction est importante. Nous devons tenir les promesses faites dans la loi de 2005. Le contrat local d’autonomie favoriserait une approche plus globale, à l’instar de ce qui est fait dans le domaine de la santé, y compris mentale. Cela permettrait de mettre tout le monde autour de la table, de se fixer des objectifs, de se donner les moyens de notre action et d’évaluer les résultats à l’échelon local.

Mme Isabelle Valentin (LR). Pouvez-vous nous dire en quoi consiste exactement le SPTA et en quoi il se distingue des maisons de l’autonomie, qui sont prises en charge par les départements ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le SPTA a vocation à regrouper sur un même site tous les services destinés aux personnes en demande d’information et de coordination. Il n’existe pas véritablement à l’heure actuelle, puisque ces missions sont prises en charge par des instances différentes et que l’on ne bénéficie pas de la même lisibilité d’un département à un autre. Nous souhaitons créer une conférence nationale de l’autonomie pour harmoniser l’accès aux informations.

Monsieur Bazin, je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que l’on peut prévoir la perte d’autonomie de façon bien plus précoce. La consultation à 40 ou 45 ans sera centrée sur la prévention de certaines maladies chroniques. La consultation prévue à 60 ou 65 ans, c’est peut-être déjà un peu tard. Cette évolution exigerait une coordination des consultations de prévention de la perte d’autonomie.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er bis (nouveau) : Désignation d’un référent en charge de la prévention de la perte d’autonomie dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux prenant en charge des personnes âgées ou en situation de handicap

Amendements AS669 et AS675 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est essentiel que, dans chaque établissement et service social ou médico-social, une personne soit désignée référente pour la prévention. Il ne doit pas s’agir nécessairement d’un professionnel de santé – ces professionnels étant généralement occupés à d’autres choses. Ce peut être un salarié ou un bénévole ; il recevra une formation en santé publique.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’objectif est louable mais il paraît difficile de faire reposer l’ensemble de la politique de prévention, qui touche à de nombreux sujets – la vision, l’audition, la nutrition, la cognition, la locomotion, la santé mentale... – sur une personne unique, tant au regard de la charge de travail que de l’efficience. En outre, il existe déjà de nombreux référents au sein des établissements ; leur multiplication risque de conduire à une perte de lisibilité.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pour qu’un sujet soit porté, il faut qu’un référent, formé, soit présent dans chaque établissement et chaque service. À défaut, il n’y aura pas de politique de prévention.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Il me paraît important de définir une stratégie de prévention de la perte d’autonomie à l’échelle de chaque établissement. Toutefois, la présence d’un référent n’est pas suffisante pour assurer efficacement la prévention. Je vous confie le témoignage d’une directrice d’Ehpad : « Les Ehpad sont financés en fonction du degré de dépendance des résidents. Plus les résidents sont dépendants, plus le GIR moyen pondéré est élevé, plus les financements sont importants. Le manque de personnel nous fait rendre les résidents grabataires. Il est plus rapide de faire à la place de que de faire faire, et cela permet d’obtenir plus de financements. J’ai toujours pensé que ce système n’était pas adapté et qu’il allait à l’inverse de ce que nous devions faire. Si nos agents font faire les choses aux résidents, cela leur prend plus de temps mais permet aux personnes âgées de rester autonomes plus longtemps et, paradoxalement, nous sommes moins financés. » Voilà le cœur du problème. Nous devons impérativement parler des moyens.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis d’accord avec vous mais, actuellement, personne n’est référent dans les établissements ou les services, personne ne porte le sujet de la prévention ni n’est formé à cela. Comment voulez‑vous, dans ces conditions, avoir une politique de prévention décentralisée, au plus proche des gens ? On parle dans le vague.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Pour que l’on puisse désigner un référent, encore faudrait-il qu’il y ait suffisamment de personnel. Il n’y a déjà pas assez d’effectifs pour effectuer les soins correctement. Là réside la principale difficulté, qui n’est pas traitée par le texte.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos arguments me conduisent à revenir sur ma position et à émettre un avis de sagesse sur l’amendement AS669. La désignation d’un référent peut en effet se révéler pertinente, à condition que les moyens soient réunis.

La commission adopte l’amendement AS669.

En conséquence, l’amendement AS675 tombe.

Après l’article 1er

Amendement AS511 de M. Olivier Serva.

M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à intégrer dans les schémas d’organisation sociale et médico-sociale de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion la question du grand âge et donc du bien vieillir. En effet, plusieurs de ces territoires connaissent des problématiques de vieillissement plus accentuées qu’en métropole, et l’ensemble d’entre eux souffrent d’une insuffisance des dispositifs à destination des personnes âgées. À titre d’exemple, l’offre d’Ehpad, déjà jugée insuffisante dans l’Hexagone, est encore plus faible en outre-mer. Compte tenu de ces retards structurels, certaines collectivités locales d’outre-mer, à l’instar de Saint-Pierre-et-Miquelon, ont pris les devants. Cet amendement a pour objet d’inciter les collectivités locales et les représentants de l’État à s’inscrire dans une démarche de planification des politiques publiques relatives au grand âge.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je partage bien évidemment l’objectif consistant à développer largement l’offre médico-sociale dans les territoires ultramarins et d’y déployer une planification efficace et cohérente. Cela étant, je ne suis pas sûre que la rédaction que vous proposez soit satisfaisante en l’état. Je vous propose plutôt d’interroger le Gouvernement en séance sur les modalités précises et le calendrier d’application de son plan de rattrapage de l’offre pour les personnes âgées outre-mer.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS268 de M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise à créer une convention pluriannuelle territoriale. Il s’agit de faire en sorte que les acteurs du secteur médico-social à destination des personnes âgées situés sur un même bassin de vie puissent se rencontrer. En effet, des acteurs de statut différent – public, privé, associatif –, qui travaillent côte à côte, ne se croisent parfois jamais. Cet outil contribuerait à améliorer l’accompagnement des usagers, à domicile ou en établissement. Il conviendrait, le cas échéant, de définir, par décret, les bassins de vie, les acteurs et la périodicité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je comprends votre objectif mais il ne paraît pas pertinent de confier à un Ehpad un rôle de coordination, lequel relève d’un autre niveau. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement s’est engagé à déposer en séance publique un amendement visant à mettre en place un service public territorial de l’autonomie, qui devrait répondre à cet enjeu.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Au-delà de la négociation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), qui n’engagent que les opérateurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, ainsi que leurs autorités de tarification, il faut bâtir de véritables contrats de territoire portés par l’ensemble des acteurs de l’accessibilité, de l’éducation, de l’emploi et du soin. Cela concerne aussi les pouvoirs publics et la société civile. Les contrats de territoire s’inscriraient dans le cadre de projets régionaux de santé en cohérence avec les schémas territoriaux et les objectifs définis dans le cadre des CPOM.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je crains que cette proposition n’aboutisse à une nouvelle strate qui complexifierait un paysage déjà compliqué. Le service public territorial de l’autonomie, recommandé par le rapport Libault, nous semble en mesure de relier les acteurs.

Je vous propose de retirer votre amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne voulons pas complexifier le dispositif mais donner aux acteurs du territoire les moyens d’atteindre leurs objectifs. Or l’agence régionale de santé ne signe pas des CPOM avec tous les établissements. Alors que bon nombre d’entre eux voudraient développer des pôles d’activités et de soins adaptés, des accueils de jour, rénover, moderniser, adapter leurs infrastructures à la perte d’autonomie de leurs résidents, tous n’ont pas la chance d’avoir signé un CPOM qui leur garantira des financements.

Rassurez-vous, je vais retirer cet amendement d’appel. On attendait une loi « grand âge » mais hélas, en dehors de quelques mesures qui vont dans le bon sens, nous sommes loin du compte. Les contrats de territoire présentent le mérite de contraindre l’État à être au rendez‑vous. Même si c’est difficile, ce que je conçois aisément, tout le monde doit finir par s’engager. J’espère que vous relayerez ma demande auprès du ministre, madame la rapporteure.

L’amendement est retiré.

Amendement AS271 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous (LIOT). Afin de simplifier l’organisation et d’améliorer la coordination des acteurs, l’amendement tend à réduire les multiples schémas d’organisation médico-sociale en ne conservant qu’un seul schéma porté par le département en lien avec les acteurs du soin et de la prévention. Il prévoit ainsi de fusionner le volet médico-social du schéma régional de santé, intégré au projet régional de santé, avec le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale, afin de ne plus avoir deux documents qui se superposent et qui sont parfois établis dans des temporalités différentes.

Un seul schéma serait ainsi présenté par le département, en cohérence avec le projet régional de santé, celui-ci ayant vocation à intégrer le schéma régional de santé.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement reviendrait à confier le pilotage au conseil départemental pour fixer les objectifs quantitatifs et qualitatifs de l’offre médico‑sociale, y compris celles qui relèvent de la compétence de l’ARS et de son autorisation, ce qui ne me semble pas opportun.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS145 de M. Thibault Bazin et AS241 de M. Laurent Panifous.

M. Thibault Bazin (LR). Afin de renforcer leur complémentarité et leur cohérence, mon amendement vise à ce que les schémas régionaux de santé et les schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale, soient élaborés sur la même temporalité, après concertation entre l’État, les conseils départementaux et l’ensemble des acteurs. Il arrive en effet que ces deux schémas, conclus pour une durée de cinq ans, ne s’inscrivent pas dans la même temporalité à l’échelle d’un territoire, ce qui peut rompre la continuité du parcours des personnes accompagnées.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je comprends votre volonté de renforcer la cohérence de ces deux schémas mais encore faut-il que votre proposition soit réalisable et ne bloque pas la dynamique d’élaboration des projets régionaux de santé, soumise à un calendrier national en phase avec la stratégie nationale de santé. À l’inverse, nous avons des schémas différents pour cent départements.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne voulais pas remettre en cause le protocole de révision et d’évaluation des schémas régionaux de santé car des équipements sont attendus dans plusieurs territoires mais les autres schémas pourraient être signés entre l’État et les départements sur la même période pour coordonner les politiques publiques, quitte à accélérer leur définition. Je retire l’amendement mais j’espère que vous saurez convaincre le ministre.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je maintiens le mien car je ne suis pas convaincu qu’il soit si difficile que cela d’établir les deux schémas pour la même période.

L’amendement AS145 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS241.

Article 1er ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves de prévention de la perte d’autonomie

Amendement AS587 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de prévoir que le Gouvernement remette chaque année au Parlement un rapport d’évaluation de l’activité de la conférence nationale de l’autonomie et du centre national de preuves.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous aurons besoin d’évaluer cet outil dont nous attendons beaucoup. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Amendements AS692 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendements identiques AS166 de M. Thibault Bazin et AS497 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement tend à permettre aux maires de partager les données administratives qu’ils recueillent sur les personnes âgées et les personnes handicapées afin de leur venir en aide plus rapidement.

M. Thibault Bazin (LR). Le Conseil d’État a-t-il donné son avis sur la mesure que vous proposez à l’article 2 ? Je sais bien qu’il s’agit d’une proposition de loi, qui n’est donc pas soumise à l’avis du Conseil d’État, mais nous savons tous que le Gouvernement est à la manœuvre. Qu’en pense la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ?

Lors de la crise sanitaire, les maires, qui étaient en première ligne, ont utilisé les données en question pour venir en aide aux personnes vulnérables. Je vous propose de sécuriser le dispositif en autorisant les maires à partager les données qu’ils recueillent sur les personnes âgées et les personnes handicapées, en sus des services sociaux et sanitaires, avec les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou des personnes handicapées, ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale.

L’expérience des confinements a mis en lumière la nécessité d’améliorer les synergies locales.

Mme Josiane Corneloup (LR). La crise sanitaire a prouvé qu’il était crucial d’identifier rapidement les personnes âgées et les personnes handicapées les plus isolées et de renforcer, à cette fin, le maillage entre les professionnels de santé et les élus. Il s’agit, par conséquent, d’autoriser les maires à partager les données dont ils disposent, en particulier celles recueillies dans le cadre du plan national canicule.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre objectif est satisfait puisque les données figurant dans le registre communal sont déjà connues des établissements et services sociaux et médico-sociaux qui accompagnent les personnes âgées et en situation de handicap. Elles sont notamment renseignées dans les systèmes d’information pour la gestion de l’APA et celui des maisons départementales des personnes handicapées.

D’autre part, l’acception large de l’expression « services sanitaires et sociaux », retenue dans le code, et l’insertion en amont de l’adverbe « notamment », risquent d’ouvrir la possibilité d’utiliser ces données à d’autres acteurs qui concourent à la lutte contre l’isolement social. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

Mme Caroline Janvier (RE). De nombreuses associations et structures se plaignent de manquer d’informations. Les données privées sont protégées par la loi. C’est bien mais leur partage peut en être empêché. Des dérogations pourraient être admises pour protéger les personnes fragiles isolées, comme cela est autorisé dans le cadre de la protection de l’enfance, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant l’exige. Nous devons autoriser les élus, les associations et les professionnels de santé à communiquer entre eux car, bien souvent, les professionnels de santé ne transmettent leurs informations qu’à d’autres professionnels de santé.

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez été maire, madame la rapporteure. Je ne sais pas comme vous vous organisiez dans l’Hérault mais dans d’autres départements, il n’était pas expressément prévu de partager les données entre les communes et les établissements médico‑sociaux.

Nous sommes soucieux d’éviter toute dérive et c’est pour cette raison que je me suis inquiété de l’avis de la Cnil. Peut-être faudrait-il revoir la rédaction de l’amendement mais il me semble important d’autoriser les maires à partager leurs données, car les établissements médico-sociaux n’y ont pas accès.

Mme Béatrice Piron (RE). Je vais présenter un amendement pour autoriser les mairies et les CCAS à constituer des fichiers afin de suivre le public vulnérable. Les maires ne savent pas exactement quelles données ils ont ou non le droit de stocker, d’autant plus que, très souvent, les données recueillies sont celles des personnes qui se sont présentées d’elles-mêmes pour être inscrites. Par exemple, l’écart est colossal entre les données de la liste électorale et celles du fichier du plan canicule. Les gens ignorent jusqu’où ils peuvent aller pour s’enquérir des personnes vulnérables. C’est à la Cnil de clarifier la situation.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’en profite moi aussi pour présenter l’un de mes prochains amendements, qui tend à renforcer la coordination entre les services sociaux et sanitaires et les maires. Ces élus de proximité sont les mieux placés pour connaître l’état et les besoins de leur population. Ils ne peuvent pas être tenus à l’écart des actions menées pour lutter contre l’isolement social de nos aînés. Malheureusement, les administrés ont le sentiment que l’administration est de plus en plus distante.

M. Paul Christophe (HOR). Le besoin de partager les informations à plus grande échelle se fait ressentir, ce qui pose le problème de la gouvernance. Lors de la crise sanitaire, les maires se sont rendu compte qu’ils ne disposaient pas de données suffisantes pour venir en aide à la population la plus fragile. Il a fallu faire signer des conventions aux départements, dépositaires de ces données, afin de permettre cette transmission. Ces mesures ponctuelles, qui s’apparentaient plutôt à du bricolage, ne permettent pas de résoudre le problème. Le texte devrait prévoir des mesures pour clarifier la situation et renforcer l’efficacité du dispositif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le débat témoigne de l’intérêt que nous portons tous au sujet de la transmission des données. Je m’engage à ce l’on étudie avec attention votre proposition d’ici à l’examen en séance publique et que l’on demande son avis à la Cnil. Nous présenterions alors un amendement pour sécuriser le partage de données qui repose aujourd’hui sur le volontariat et est soumis à plusieurs conditions.

Je vous invite à retirer les amendements.

L’amendement AS692 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS710 de Mme Laurence Cristol.


  1 

Réunion du lundi 3 avril 2023 à 21 heures

Au cours de sa seconde réunion du lundi 3 avril 2023, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([123]).

Article 2 (suite) : Utilisation des registres nominatifs pour lutter contre l’isolement social des personnes vulnérables

Amendement AS36 de M. Jérôme Guedj et sous-amendement AS742 de Mme Laurence Cristol.

M. Jérôme Guedj (SOC). En raison de leur caractère déclaratif, les registres municipaux des personnes vulnérables sont mal renseignés. Les conseils départementaux, au contraire, disposent de fichiers fiables de personnes fragiles, sur les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Il en est de même pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, qui connaît les personnes classées dans les groupes iso-ressources 5 et 6. L’amendement autorise la transmission de ces listes de bénéficiaires aux communes pour qu’elles puissent leur proposer de figurer sur le registre des personnes vulnérables.

En outre, il conviendrait de modifier les formulaires de demande d’APA et de PCH en ajoutant une case qu’il suffirait de cocher pour indiquer que l’on accepte d’être contacté par sa commune en cas de situation exceptionnelle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis très favorable à la solution proposée pour renforcer la coordination entre services. Mais il apparaît nécessaire de préciser que la transmission de données ne peut se faire qu’avec l’accord des personnes concernées. C’est l’objet de mon sous-amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cette transmission doit naturellement être encadrée. Le volontariat me semble couler de source mais il faudra peut-être préciser par décret que la transmission ne donne pas au centre communal d’action sociale (CCAS) des informations sur la nature de la pathologie ou de la perte d’autonomie de la personne. L’information doit simplement permettre de savoir à qui proposer l’inscription.

M. Thibault Bazin (LR). Nous soutiendrons l’amendement et le sous‑amendement. Il faudrait les compléter d’ici à la séance publique pour ajouter les centres intercommunaux d’action sociale.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS464 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement précise que le contact périodique avec les personnes vulnérables se fait en liaison avec les maires.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il est satisfait car l’article 2 permet aux services sanitaires et sociaux, qui comprennent les services communaux, de s’appuyer sur le registre pour mener des actions de lutte contre l’isolement social. L’article tend en outre à renforcer la coordination entre les acteurs et l’implication des communes dans la lutte contre l’isolement social.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS679 de M. Pascal Lecamp.

Mme Anne Bergantz (Dem). Nombre de personnes de plus de 60 ans n’utilisent jamais internet ou souffrent d’illectronisme. L’amendement crée une obligation d’envoi annuel d’un courrier postal afin de s’assurer de la pleine information des personnes visées à l’article 2.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La solution proposée par Jérôme Guedj, qui vise à transmettre les informations collectées lors des demandes d’APA et de PCH aux services sanitaires et sociaux, apparaît plus efficace.

Demande de retrait.

Mme Anne Bergantz (Dem). Ce n’est pas exactement la même chose. Je parle d’une information générale aux personnes âgées et isolées pour leur faire connaître les maisons départementales d’autonomie ou les centres locaux d’information et de coordination.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS711 de Mme Laurence Cristol.

Amendement AS613 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement prévoit que les services sociaux et sanitaires pourront utiliser le registre pour informer les personnes âgées et leurs proches des dispositifs d’aide et d’accompagnement existants et de leurs droits.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis favorable car cela complète les actions de lutte contre l’isolement social prévues dans le cadre du registre communal.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis également très favorable à cet amendement. Les communes sont en première ligne pour structurer une politique pérenne de lutte contre l’isolement, laquelle n’est pas que municipale : elle mobilise aussi les associations, les bailleurs sociaux, les commerçants, les pharmaciens, bref tous ces acteurs qui ont connaissance de situations d’isolement mais qui ne savent pas forcément à qui les signaler.

Il faudra sans doute que l’on définisse dans un prochain texte ce qu’est une politique locale de lutte contre l’isolement. Pour le moment, c’est au bon vouloir des CCAS : certains sont pionniers et proposent des missions de lutte contre l’isolement, d’autres sont plus démunis. Il ne serait pas inintéressant d’adopter un cahier des charges type des actions que les CCAS peuvent envisager. L’Union nationale des CCAS y est favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS258 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Nous ne nous intéressons qu’à différents services et institutions, mais les infirmiers libéraux prennent en charge 75 % des patients de plus de 75 ans. Leur proximité leur permet de jouer un rôle dans le signalement de situations d’isolement. Je propose de compléter l’article avec l’alinéa suivant : « L’infirmier en charge du patient en perte d’autonomie organise et coordonne la transmission des informations caractérisant les situations d’isolement aux services sociaux et sanitaires ainsi qu’aux maires. Il devient l’interlocuteur référent pour assurer le suivi de leur prise en charge dans le cadre du parcours de soins et en relation avec les autres professionnels mobilisés. »

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, que nous avons adoptée il y a quelques semaines, reconnaît le rôle important joué par les infirmiers dans le système de soins en ouvrant l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée. Votre proposition est trop restrictive, d’autres acteurs intervenant dans la lutte contre l’isolement. En outre, beaucoup de personnes âgées isolées ne sont pas suivies par un infirmier à domicile.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (LR). Nous sommes un peu étonnés par cet avis défavorable. Les infirmiers sont un maillon essentiel dans le dispositif. Nous espérons que le rejet de cet amendement ne constitue pas une forme de mépris à leur égard.

M. Thibault Bazin (LR). Mon amendement mériterait sans doute d’être complété, les infirmiers n’étant pas les seuls à intervenir à domicile. Je le retire donc afin d’en présenter une nouvelle version en séance publique, qui intégrera l’ensemble des acteurs du soin à domicile dans la politique de prévention.

M. Yannick Neuder (LR). La proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ne soutient pas les infirmiers, elle ne fait qu’aggraver la situation : en partageant les responsabilités entre médecins et infirmiers, ce que ne souhaitent pas les différentes coordinations, elle expose inutilement ces derniers et crée des déserts médicaux. Mais elle n’est pas encore définitivement votée, attendons les résultats de la commission mixte paritaire. Quoi qu’il en soit, je m’étonne que l’on ne valorise pas le rôle des infirmiers, indispensables pour la coordination dans les Ehpad. Je souhaite le maintien de cet amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cet amendement illustre l’importance de ce que j’appelais la structuration de la politique locale de lutte contre l’isolement. Tous les tiers de confiance qui franchissent le seuil du domicile d’une personne âgée peuvent repérer une situation de fragilité. Il faudrait mieux les identifier, dans une vision plus globale. Je vois au moins trois catégories d’intervenants : les professionnels du soin et de l’aide à domicile, dont les médecins et les infirmiers ; les gardiens d’immeuble ; les facteurs, mais dans le cadre d’une mission de service public et non d’un service marchand. Tout cela implique de poser la question du financement de cette mission de repérage de la fragilité, en associant notamment la conférence des financeurs.

L’amendement est retiré.

Amendement AS412 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Il s’agit de renvoyer à un décret la définition des informations qui pourraient être stockées et partagées par les CCAS et les mairies.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cet amendement n’est pas nécessaire dans la mesure où il existe déjà un registre communal dédié au repérage et au suivi des personnes vulnérables.

Mme Béatrice Piron (RE). Les fichiers existants sont déclaratifs : ils ne sont pas exhaustifs. Depuis la crise du covid‑19, les mairies cherchent à élargir ces fichiers. L’amendement vise à diversifier les sources d’information et à mieux stocker les données.

M. Jérôme Guedj (SOC). Un décret sera nécessaire afin d’établir l’organisation de ces fichiers, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Par exemple, pendant la crise du covid‑19, des communes ont utilisé les listes électorales pour faire du repérage de fragilité à partir des dates de naissance. C’était pertinent car elles ont pu aller au-devant des personnes concernées, mais il est nécessaire de sécuriser les modalités du partage de données.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le principe n’est pas de bloquer la collecte d’informations mais de la sécuriser, avec la Cnil, pour éviter des dérives concernant des personnes vulnérables. Je vous propose de travailler à un amendement en ce sens en séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination AS712 de Mme Laurence Cristol.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements identiques AS41 de M. Jérôme Guedj et AS122 de M. Thibault Bazin.

M. Jérôme Guedj (SOC). La prévention de l’isolement relève de la prévention de la perte d’autonomie. La santé psychique des personnes âgées, notamment en établissement, doit mobiliser la section soins de l’assurance maladie pour financer des postes de psychologues, d’animateurs, de professionnels de la vie sociale et culturelle. Actuellement, ces postes relèvent du tarif hébergement et sont répercutés sur le prix de journée, donc sur le reste à charge des familles, alors que cela devrait être considéré comme du soin. Cet amendement d’appel vise donc à repenser totalement la tarification des Ehpad en révisant ce qui relève de la section soins, de la section dépendance et de la section hébergement. Un consensus semble se dégager pour fusionner les deux premières, mais cela ne figure pas dans votre proposition de loi.

M. Thibault Bazin (LR). Les modalités de financement du système ne suivent pas les décisions que nous prenons. Alors que le sport s’est développé dans les Ehpad parce qu’il prévient la perte d’autonomie, il ne peut être financé par les crédits de l’assurance maladie. Ces amendements promeuvent une approche globale de la santé, tenant compte à la fois du physique, du mental et du social, en faisant financer les activités de sport des personnes âgées par la section soins.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 11 prévoit la possibilité d’utiliser les forfaits soin et dépendance afin de financer des actions de prévention, ce qui devrait répondre en grande partie à votre objectif. Par ailleurs, vous souhaitez financer des actions de vie sociale et culturelle sans visibilité sur l’étendue des actions concernées.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS358 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Vivre dignement, c’est aussi pouvoir vivre, chez soi ou en établissement, le plus longtemps possible. Cet impératif devrait guider l’ensemble des politiques publiques de soin et d’accompagnement. Pour le groupe Écologiste - NUPES, il devrait d’ailleurs guider un projet de société tout entier.

L’espérance de vie en bonne santé est de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. Le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans fera qu’un homme passera en moyenne seulement quatre mois de sa retraite en pleine santé, contre deux ans actuellement, tandis qu’une femme passera moins de deux ans de sa retraite en pleine santé, contre 3,3 ans actuellement. L’injuste réforme des retraites ayant réduit le temps au repos et en bonne santé de nos concitoyens, faisons au moins de l’espérance de vie en bonne santé un objectif prioritaire de santé publique.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’aimerais savoir d’où vous tirez vos chiffres. Si je partage votre volonté de faire de l’espérance de vie en bonne santé une priorité, votre amendement s’éloigne de l’objet du texte.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS545 de Mme Justine Gruet.

Mme Isabelle Valentin (LR). Il s’agit d’informer les personnes vulnérables de la possibilité de bénéficier d’un bilan de désadaptation psychomotrice dressé par des masseurs kinésithérapeutes. Ce bilan, souvent méconnu des médecins généralistes, a toute sa place en matière de prévention. Quelques séances de kinésithérapie seront toujours moins onéreuses qu’une hospitalisation à la suite d’une chute.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Si le code de la santé publique fixe les objectifs des rendez-vous de prévention, il n’est pas envisageable d’y intégrer tous les types de bilans et de suites pouvant être prescrits lors de ces rendez-vous, au risque de ne pas être exhaustif.

Avis défavorable.

Mme Isabelle Valentin (LR). Les chutes sont une des premières causes d’hospitalisation des personnes âgées : il s’agit de faire de la prévention.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est vrai, mais les chutes ne sont pas la cause unique : la dénutrition en est une autre. La prévention est nécessaire mais il n’est pas pertinent d’entrer dans ce niveau de détail.

M. Nicolas Turquois (Dem). Étant surpris par les chiffres énoncés par notre collègue Sébastien Peytavie, je viens de les vérifier. Les chiffres de l’espérance de vie en bonne santé qu’il a rappelés sont ceux calculés à la naissance. Or, en 2021, l’Insee a mesuré cette même espérance de vie à 65 ans : elle est de 12,6 ans pour les femmes et de 11,3 ans pour les hommes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS681 de Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement vise à inclure la détection des fragilités et la prévention de la perte d’autonomie dans le cadre des consultations de prévention instaurées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Si nous appelons de nos vœux la création d’une quatrième consultation de prévention, leur nombre et leur périodicité relèvent du domaine réglementaire et non législatif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre amendement est satisfait, le code de la santé publique intégrant déjà dans les rendez-vous de prévention « la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie ».

L’amendement est retiré.

Amendement AS682 de Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il paraît important de renforcer l’adhésion des Français aux actions de promotion de la santé comme les bilans périodiques de santé, dont le déploiement reste insuffisant pour produire des effets significatifs. Cet amendement élargit l’information systématique aux assurés de plus de 55 ans.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces bilans de santé sont en effet sous-utilisés. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a toutefois introduit les rendez-vous de prévention aux moments clés de la vie, notamment à 65 ans et lors du passage à la retraite. Des travaux sur les modalités d’organisation, les conditions d’éligibilité et le contenu de ces rendez‑vous sont en cours.

L’amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS547 de Mme Justine Gruet et AS568 de M. Thibault Bazin.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS547 vise à inscrire dans la proposition une nouvelle mission conférée aux Ehpad, celle de former des pôles interconnectés du grand âge dans les départements, au sein des contrats territoriaux de santé.

Si le virage domiciliaire doit disposer de moyens pour se déployer à l’échelon national et si les Ehpad doivent entamer leur mutation pour ne pas demeurer des structures inadaptées, qu’il s’agisse des bâtiments ou de leur état sanitaire, ils sont néanmoins deux piliers permettant la formation de tels pôles dans chaque territoire. Les Ehpad doivent se renouveler car le taux de remplissage avoisine les 90 % : ils doivent faire face à des problèmes de rentabilité.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il est important de ne pas imposer des thématiques de santé dans les contrats locaux de santé (CLS) et de laisser aux acteurs de terrain la liberté de contractualiser au plus près des besoins des territoires. L’enjeu est de préserver le caractère souple et modulable du CLS ainsi que sa capacité à répondre aux spécificités des territoires et aux priorités retenues dans les projets régionaux de santé. Par ailleurs, les enjeux de coordination des parcours de santé des personnes âgées et d’articulation entre établissements de santé, Ehpad et domicile sont déjà traités par des dispositifs existants, notamment les centres de ressources territoriaux et les filières gériatriques.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Nos amendements prévoient un volet relatif au grand âge dans les contrats locaux de santé, qui concernent non seulement le territoire mais aussi l’État, les différents échelons partenaires et l’agence régionale de santé (ARS), laquelle s’engage sur certaines modalités et sur des plans d’action spécifiques. Certes, il faut laisser de la liberté aux territoires, mais le grand âge les concernera tous.

Dans les territoires où les réseaux gériatriques regroupant les acteurs – collectivités, professionnels du soin et du domicile – fonctionnaient, le déploiement des dispositifs d’appui à la coordination à l’échelle du département a conduit à réduire la proximité existant sur le périmètre des contrats locaux de santé pour le dépistage, la prévention ou l’accompagnement. On a créé de grosses machines qui ne sont pas pertinentes.

Nous avons besoin d’une nouvelle déclinaison de l’ARS dans les territoires qui ont la chance de disposer d’un contrat local de santé, ce qui n’est pas le cas de tous. L’ARS s’engage ainsi sur des moyens, déployés dans la proximité, afin d’y réussir la prévention.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS323 de M. Sébastien Peytavie, AS680 de Mme Anne Bergantz, amendements identiques AS219 de M. Vincent Descoeur et AS256 de M. Thibault Bazin, amendements AS263 de M. Jérôme Guedj et AS540 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le présent amendement du groupe Écologiste - NUPES a pour objet de mettre en place une loi de programmation pluriannuelle de l’accompagnement à l’autonomie. Si le scandale Orpea a mis en lumière de nombreuses défaillances de l’action sociale, le sujet du soin et de l’accompagnement des personnes âgées en Ehpad, de la dégradation des conditions de travail et de la maltraitance institutionnelle ne date pas de 2022. Dès 2018, un fort mouvement de contestation nationale sur le travail en Ehpad et les conditions d’accompagnement avait vu le jour.

Dans les années qui viennent, la France devra faire face à une révolution démographique. À partir de 2025 et pendant trente ans, elle verra croître fortement le nombre de personnes âgées de 85 ans en perte d’autonomie. Le modèle d’accompagnement de la perte d’autonomie liée à l’âge a largement évolué ces vingt dernières années : le modèle de la maison de retraite a progressivement laissé place à celui de l’Ehpad, notamment du fait de l’évolution des profils accueillis, de plus en plus atteints par des maladies neurodégénératives et nécessitant davantage des soins qu’un accompagnement à la vie sociale.

La promesse d’une loi « grand âge » a pourtant été faite. Les rapports sur les besoins financiers et sur les mesures nécessaires à l’adaptation de l’offre ainsi qu’au choc d’attractivité des métiers se sont succédé, du rapport Libault au rapport El Khomri sur l’attractivité des métiers, en passant par le rapport Vachey.

Si elle va dans le bon sens, la proposition de loi manque d’ambition. La transformation de l’offre médico-sociale ne peut plus attendre pour faire du bien‑vieillir un horizon enviable et envisageable pour tous.

Mme Anne Bergantz (Dem). Les besoins du secteur sont importants et le seront davantage à l’avenir. De nombreux acteurs nous ont interpellés sur l’impérieuse nécessité d’une politique à la hauteur et, surtout, de fixer un cap.

Notre amendement a pour objet de relever les défis en matière de grand âge et d’autonomie, dans une démarche de gestion pluriannuelle assortie d’objectifs clairs permettant d’en mesurer l’efficience – l’augmentation de l’espérance de vie sans incapacité, la diminution du nombre d’hospitalisations et de la mortalité dues aux chutes des personnes âgées de plus de 65 ans, la diminution de la prévalence du diabète, par exemple. Il vise à instaurer une loi d’orientation et de programmation des financements du grand âge. Examinée tous les cinq ans, elle déterminera les priorités d’action de la politique du grand âge et les moyens budgétaires annuels qui lui sont consacrés.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement d’appel AS219 prévoit également une loi de programmation pour le grand âge. D’ici à 2030, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans passera en France de 15 à 20 millions : elles représenteront un tiers de la population et la part des plus de 65 ans dépassera celle des moins de 15 ans.

Avec l’État et la sécurité sociale, les départements participent au financement de l’autonomie. Mais un soutien massif est nécessaire pour alimenter la cinquième branche : le rapport Libault de 2019 l’évalue à 9 milliards d’euros. Il est regrettable que la proposition de loi n’offre pas de réponse financière car les évolutions ne peuvent absolument pas être conduites à moyens constants.

M. Thibault Bazin (LR). Les Républicains ont été nombreux à déposer un amendement d’appel pour obtenir enfin cette loi « grand âge » dont on parle depuis six ans. Par son titre ambitieux, votre proposition donne l’impression de vouloir être une telle loi. Elle en est loin. Certaines de ses dispositions ne sont pas inintéressantes, mais elle a pour principale lacune de faire l’impasse sur les moyens.

Or, nous attendons une loi de moyens. Ce texte n’est pas au rendez-vous. Il faut d’urgence une politique volontariste, qui s’adapte au vieillissement de la population, qui renforce l’attractivité des métiers du secteur, qui remette la personne en perte d’autonomie au centre. Certaines dispositions du texte s’apparentent plus à des solutions technocratiques qui, si elles sont nécessaires, nous éloignent du cœur du sujet.

Il est souhaitable que le Gouvernement comprenne que nous attendons une loi de moyens et présente un projet, un délai et des financements. Nous ne cautionnerons pas une fausse piste.

M. Jérôme Guedj (SOC). Depuis le début, les rapporteures disent avec beaucoup de sincérité que cette proposition de loi n’est qu’une première étape et que chacun appelle de ses vœux une véritable loi « grand âge », je dirai même une loi « panoramique » sur le vieillissement – j’y travaille depuis vingt-cinq ans et j’ai fait des propositions. Par cohérence, elles doivent voter les amendements qui demandent au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Le ministre Jean-Christophe Combe doit présenter au mois de mai sa feuille de route après les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au bien‑vieillir. Il n’est toutefois pas sûr de pouvoir présenter un projet de loi pour concrétiser ces conclusions et il entend s’appuyer sur des propositions de loi et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, cela ne suffit pas à la vision panoramique que j’évoquais. Surtout, il n’a pas le financement nécessaire pour se lancer dans une trajectoire qui corresponde au consensus, c’est-à-dire aux 9 à 10 milliards d’euros que le président Emmanuel Macron avait mis en avant lors du congrès de la Mutualité française à Montpellier, en juin 2018 – ajoutant qu’on « irait chercher » ces moyens. Notre amendement permet de concrétiser le consensus.

En attendant, les calendriers se télescopent : en ce moment même, le ministre Combe participe à l’Assemblée au débat « pour une politique ambitieuse du grand âge » dans le cadre de la semaine de contrôle, à l’initiative de nos collègues du groupe LIOT. Il ne sera avec nous que la semaine prochaine, dans l’hémicycle. On marche sur la tête !

Les amendements remettent de l’ordre : grâce à eux, le législateur, souverain, demande au Gouvernement de lui présenter une véritable loi « grand âge », qu’il pourra amender sans problème de recevabilité et pour laquelle se tiendra un grand débat national. Si tout le monde est d’accord, il faut voter ces amendements.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous avons besoin d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge. Il faut définir une trajectoire des finances publiques pour l’autonomie des personnes âgées et effectuer le virage domiciliaire, avec les financements nécessaires.

Nous discutons aujourd’hui d’un ersatz de loi. Il est indispensable de remettre le résident au cœur des priorités. Nous voulons une politique de prévention de la perte d’autonomie mais le système, par son organisation, nuit à l’autonomie des personnes. Dans les Ehpad, les soignants, pour aller plus vite, sont contraints d’agir à la place des résidents, ce qui n’est pas bon pour leur autonomie. Du fait du virage domiciliaire, les personnes seront admises en Ehpad à un âge plus avancé. Il en résulte un fort besoin de médicalisation et d’un personnel plus nombreux et mieux formé.

Le problème des prescriptions médicales se pose également car nombre de résidents en Ehpad, parfois plus de la moitié, n’ont pas de médecin référent. J’avais proposé que le médecin coordonnateur puisse devenir médecin prescripteur ; mon amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40, ce qui est inacceptable.

J’appelle de mes vœux cette loi de programmation pluriannuelle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces amendements portent sur la mise en place d’une loi de programmation pluriannuelle pour financer la politique de l’autonomie. Le fait de prévoir une loi de programmation pluriannuelle dans une loi n’a pas de portée juridique : le Parlement ne peut se contraindre lui-même. Je comprends cependant votre volonté de disposer d’une vision à long terme de la politique de l’autonomie. Je vous propose de réserver cette question pour la séance publique car il est difficile de ne pas associer le Gouvernement à la réflexion.

Mme Isabelle Valentin (LR). Le problème sur lequel nous butons, c’est que la proposition de loi n’a pas de financement. Ce sont les départements qui sont chargés des solidarités. Or, leurs moyens sont limités. En Haute-Loire, l’application de l’avenant 43 à la convention collective et les mesures issues du Ségur de la santé coûtent déjà 12 millions d’euros, sans dotation supplémentaire. D’ici à 2030, nous aurons 4 000 personnes âgées en perte d’autonomie de plus. Nous ne pouvons pas reculer sans arrêt : nous avons besoin d’une vision à long terme et d’une stratégie. C’est pourquoi la loi de programmation pluriannuelle est essentielle.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’une visibilité tant sur les dépenses à venir que sur les recettes possibles. Cependant, le vote de ces amendements en faveur d’une loi de programmation ne donnera aucune garantie : cela n’oblige personne à présenter une telle loi. Un engagement du ministre au banc sur la planification de l’utilisation des ressources aurait plus de valeur, d’autant qu’à compter du 1er janvier 2024, nous aurons 2,4 milliards d’euros par an supplémentaires.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ces 2,4 milliards d’euros ne suffisent pas. Et ils ne sont pas annuels !

Mme Annie Vidal, rapporteure. Bien sûr que si !

M. Patrick Hetzel (LR). Plusieurs groupes ont présenté ces amendements d’appel car la proposition de loi est une coquille vide. Cela fait six ans que nous attendons la loi « grand âge » promise par le Président de la République. Il est révélateur que, parmi les 700 amendements déposés sur le texte, plus de 200 aient été déclarés irrecevables alors qu’ils portaient sur des questions fondamentales. Une vingtaine de mes amendements sur les Ehpad ont été considérés cavaliers. C’est de l’enfumage : il y a un décalage énorme entre ce que vous dites et ce que vous proposez.

Qui pourrait être contre l’idée de bien‑vieillir en France ? Mais, dès lors que vous ne déployez pas les moyens correspondants, vos propositions n’aboutiront à rien – comme la cinquième branche du Président de la République, elle aussi une coquille vide. Nous souhaitons avancer pour que les promesses faites lors de la campagne présidentielle de 2017 deviennent enfin une réalité.

M. Yannick Neuder (LR). Les sujets importants se télescopent : nous discuterons prochainement de la question de mourir dans la dignité, mais nous avons aussi la volonté de soigner dans la dignité.

Il est inconcevable d’invoquer l’article 40 pour déclarer irrecevables des amendements qui amélioraient la prise en charge médicale des résidents dans les Ehpad. Vous instaurez partout la télémédecine ou l’accès direct à des infirmiers en pratique avancée, mais vous refusez que les médecins coordonnateurs prescrivent, ce qui éviterait pourtant d’encombrer les urgences. De même, les infirmières manquent pour les astreintes de nuit mais certaines sont suspendues pour avoir refusé la vaccination depuis deux ans. Tout cela crée de la maltraitance avec des patients qui restent douze, vingt-quatre, trente-six heures sur des brancards. Je comprends que l’on édicte des règles mais si l’on veut redonner de la confiance aux rares concitoyens qui nous regardent débattre pendant des heures, il faut une solution. Les Français ont l’impression que rien ne s’améliore au quotidien, ni pour les soignants, ni pour les résidents.

Patrick Hetzel l’a dit : tout le monde veut « bien vieillir ». Je ne peux pas croire qu’Annie Vidal, avec son passé, soit dans l’affichage. J’entends ce que vous dites sur les 2,4 milliards d’euros et l’engagement du Gouvernement au banc. Mais nous ne pouvons être suspendus aux conclusions d’un CNR dédié au grand âge pour savoir s’il y aura une loi. Heureusement que l’on n’attend pas l’issue de tous les CNR pour connaître le contenu des politiques publiques !

M. Thibault Bazin (LR). Le débat a le mérite de vous faire part de notre scepticisme concernant la proposition de loi. Il y a un écart entre le titre, l’exposé des motifs, les objectifs affichés, que l’on peut partager, et la réalité des dispositifs du texte. Il y a des lacunes et un manque de moyens. Il faudrait une approche globale du bien‑vieillir, qui traite du logement, de l’environnement, des parcours de vie. Or, les éléments de la proposition de loi, intéressants pour certains, restent parcellaires. Le titre pourrait du moins être modifié afin qu’il corresponde à la réalité de ce qui est proposé. De même, l’exposé des motifs devrait être plus humble.

Nous avons des besoins importants, qui vont s’accroître. Aux difficultés en volume – le nombre de personnes en perte d’autonomie va augmenter – s’ajoutent des défis de qualité. La question de l’attractivité et de la reconnaissance des métiers se pose également. Or, le texte fait l’impasse sur ces enjeux.

Certes, nous soutenons l’octroi d’une carte professionnelle aux acteurs de l’aide à domicile, mais cela ne résume pas la reconnaissance des métiers !

L’article 9, qui supprime l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, peut se justifier par un souci d’harmonisation mais il nous amène à nous interroger sur la solidarité intergénérationnelle. Des grands-parents pourraient considérer que, si leurs petits-enfants ne sont pas tenus de s’occuper d’eux, la réciproque est vraie.

Sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, nous pouvons être ambitieux mais nous devons adopter une approche globale, ce qui n’est pas le cas. Vous devez entendre l’appel que nous lançons car nous risquons de nous retrouver dans une impasse en séance publique.

Mme Caroline Janvier (RE). Nous avons déjà acté que cette proposition de loi n’équivaut pas à un projet de loi « grand âge » et que le besoin de financement s’estime entre 8 et 10 milliards d’euros à l’horizon 2030. Mais dès que nous entrons dans le cœur du sujet pour parler de la façon dont financer ces besoins, personne n’est d’accord.

En 2020, les pistes de financement qu’avait définies Laurent Vachey avaient été accueillies froidement, qu’il s’agisse des prélèvements obligatoires, des financements privés ou des transferts. Chacun refusait de faire contribuer davantage les actifs, les retraités ou les patrons. Peu de voix font des propositions de financement réalistes. On peut certes parler à l’envi de taxer Bernard Arnault ou les transactions financières, comme lors de la réforme des retraites, mais quand on aborde le sujet sérieusement, les solutions ne sont pas si nombreuses. Nous devons pourtant considérer ces questions.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons la possibilité d’envoyer un message clair au ministre sur nos attentes. Une majorité semble se dessiner en ce sens. Ayons le courage de le faire !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’entends les arguments des Républicains et des socialistes. Mais on attend toujours la loi « grand âge » de M. Sarkozy et celle de M. Hollande. Reconnaissez que notre majorité, elle, depuis cinq ans, a avancé et qu’elle continue de le faire ! Bien sûr, ce n’est qu’une proposition de loi, pas un texte du Gouvernement, mais travaillons ! Nous ne faisons pas d’incantation. Travaillons en parlementaires ! Chacun sa responsabilité : ni M. Bazin ni M. Guedj ne sont au Gouvernement, alors travaillons de manière sérieuse à la proposition de loi et voyons ce qui figurera ensuite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous dire que nous ne prenons pas les choses au sérieux est un peu fort. Nous essayons d’entrer dans le cœur du sujet du bien‑vieillir, et la proposition de loi nous en empêche ! Quand parle-t-on du reste à charge pour les familles ou des salaires de la profession ?

Mme Michèle Peyron (RE). On en a parlé au début. C’est une proposition de loi, il n’y a pas les financements !

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Vous êtes vraiment obsédés par l’argent. Si vous aviez voulu parler d’argent, vous auriez fait un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Aujourd’hui, vous affichez des intentions pour faire croire que vous vous préoccupez du bien‑vieillir. Mais vous ne vous en préoccupez pas. Sinon, il y a longtemps que nous aurions abordé ces questions. Nous, nous jouons le jeu !

M. Jérôme Guedj (SOC). Monsieur Isaac-Sibille, ces amendements visent évidemment à interpeller le Gouvernement pour mener à bien ce qui n’a été fait ni par lui, ni par les précédents. À l’époque, j’avais bataillé contre François Hollande : la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement était insuffisante, il manquait la seconde étape.

La différence, c’est qu’Emmanuel Macron a annoncé en juin 2018 qu’une loi serait présentée à la fin de l’année 2019 et qu’elle coûterait 9 à 10 milliards d’euros. Sept rapports ont été commandés pour la préparer – les rapports Libault, El Khomri, Vachey, Broussy, Dufeu sur l’âgisme, Piveteau Wolfrom sur l’habitat inclusif, et celui que j’ai rédigé sur l’isolement. Jamais le travail de préparation n’a été aussi important. Au sortir du confinement, dans son discours du 11 mai 2020, le Président de la République a dit qu’il tirait trois enseignements de la crise, en particulier la nécessité d’un « plan massif » pour nos aînés. Brigitte Bourguignon a été nommée pour faire cette loi et certains d’entre nous ont eu un avant-projet dans les mains. Bref, nous n’avons jamais été aussi avancés.

Le Gouvernement procrastine. Mme Janvier a raison : le nerf de la difficulté réside dans le financement. Pour qu’un débat national se tienne et tranche les différentes hypothèses pour trouver ces 9 à 10 milliards d’euros, il faut un cadre qui n’existe pas pour l’instant. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne le permet pas puisque la loi ne relève pas uniquement de la branche autonomie : la prévention, l’adaptation des logements, la mobilité n’entrent pas dans le champ sanitaire et médico-social.

Nous demandons au Gouvernement d’offrir aux parlementaires, mais surtout à la société, la possibilité d’un grand débat, que nos concitoyens appellent de leurs vœux. Par la suite, les parlementaires de la droite, de la gauche et du centre soutiendront telle ou telle solution. Si nous sommes d’accord pour trouver 9 à 10 milliards d’euros, nous les trouverons.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Des mesures ont été prises après le covid‑19 par Brigitte Bourguignon, notamment le virage domiciliaire pour accompagner nos aînés. Ne dites pas qu’il n’y a rien eu ! Je rappelle également les nombreuses missions menées à la suite du scandale Orpea.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Cet amendement est l’un des seuls utiles de la proposition de loi : il élargit un cadre très étroit afin que tout soit enfin débattu. Votre proposition de loi est effectivement très étroite. Elle ne contient pas un mot sur les aidants : plus de 4 millions de personnes qui s’occupent de leurs parents, et pas un mot ! Lorsque nous déposons des amendements à ce sujet, ils sont considérés soit coûteux donc irrecevables, soit cavaliers puisque les aidants ne figurent pas dans le texte. Vous rendez-vous compte du mépris qu’il faut pour rédiger une proposition de loi sur le « bien vieillir » sans mentionner les aidants ? Un plan pluriannuel comme celui que nous demandons permettrait d’aborder ces questions.

Quand j’entends Mme la présidente parler d’un virage domiciliaire au sortir de la crise du covid19, je prends cela pour de l’humour. Interrogez les auxiliaires de vie : leur vie est toujours une galère avec de petits salaires et de sales horaires. Cette réalité ne donne aucune envie de se diriger vers ces métiers. Ceux qui s’en plaignent le plus, ce sont les directeurs et directrices des services, qui n’arrivent pas à recruter. Que contient votre « bidule » pour résoudre cela ? Ce n’est pas une pastille qui permettra d’attirer vers le métier d’auxiliaire de vie !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je signale, puisque vous ne l’avez jamais fait, que la réforme des retraites prévoit la prise en considération du congé de proche aidant.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Sous la précédente législature, nous avions pour objectif une loi sur le grand âge, mais le covid‑19 l’a empêchée. Surtout, nous nous sommes aperçus que si nous voulions non pas nous contenter de traiter des Ehpad mais embrasser l’ensemble de la prise en charge des personnes – l’habitat, l’alimentation, les soins... – nous allions faire exploser le budget. C’est pourquoi nous avons considéré préférable d’avancer progressivement, par des propositions de loi dotées de budgets inférieurs à ce que nous aurions espéré, mais qui permettent d’améliorer les choses.

Nous avons néanmoins revalorisé ces métiers à la suite du Ségur de la santé, apporté des financements à certains établissements, créé des places dans les instituts de formation, ainsi que des postes. Ceux-ci restent en partie vacants. Pourquoi ? En raison de la mauvaise image de l’Ehpad. On n’a cessé de parler d’Orpea, de maltraitance, de métiers « épouvantables ». Comment voulez-vous rendre ces professions attractives ?

Il faut bien à un moment donné se poser la question du financement de la cinquième branche. Son budget ne s’alimentera pas seul ! Faut-il une participation financière des résidents, des familles, des actifs ? La cause n’est pas perdue mais il faut y aller progressivement, en se projetant dans l’avenir.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Au cours de ces cinq dernières années, des mesures ont été prises en faveur des proches aidants. Nous avons créé l’indemnisation du congé de proche aidant, tant attendue. Grâce à Paul Christophe, l’allocation journalière a été portée au niveau du Smic. C’est insuffisant, certes, mais je vous rappelle qu’avant 2017, il n’y avait rien : en pratique, très peu de proches aidants prenaient le congé institué par la loi d’adaptation de la société au vieillissement. Depuis, leur nombre a fortement augmenté. Nous avons aussi assoupli les conditions de bénéfice du congé.

Nous avons tous envie de cette loi qui engloberait l’ensemble des sujets relatifs au grand âge. Mais nous avons été claires en présentant le présent texte : c’est une proposition de loi au périmètre par définition beaucoup plus restreint. Elle apporte néanmoins immédiatement un certain nombre de réponses pratiques. Nous pouvons débattre des heures de ce qu’aurait pu être le projet de loi souhaité. Mais ce soir, nous devons plutôt nous efforcer d’élaborer un texte utile aux personnes âgées, à leurs familles et aux professionnels, et susceptible de montrer la voie à une réforme de l’autonomie. Celle-ci sera conduite par le ministre au moyen de textes pour partie réglementaires et possiblement, pour partie, législatifs. Ce sera l’occasion de définir une stratégie ambitieuse pour accompagner le vieillissement de la population. Je le regrette mais ce n’est pas l’objet de ce texte, précisément parce qu’il s’agit d’une proposition de loi.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mme Vidal a parfaitement rappelé le contexte. Cette proposition de loi n’ambitionne que d’être une première pierre pour bâtir la société du bien‑vieillir. Il est évident que ce n’est pas par amendement que l’on peut instituer une loi de programmation pluriannuelle. Même si l’un des amendements en discussion commune était adopté, il n’aurait aucune portée juridique. En revanche, il est tout à fait possible d’interpeller le Gouvernement en séance publique. Nous avons tous envie d’avancer mais je ne pense pas que ce soit le cadre adéquat pour prendre une telle décision.

L’amendement AS680 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement AS570 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Parlons d’argent, monsieur Monnet ! L’automne dernier, en séance publique, nous n’avons pas pu examiner le moindre article de la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale consacrée aux recettes. Le débat annuel sur les moyens, nous ne l’avons pas eu. Or, l’article 40 limite considérablement le champ des amendements que nous pouvons déposer sur le présent texte.

Sur un tel sujet, la représentation nationale peut-elle se contenter d’une proposition de loi de quatorze articles ? Non, et c’est pourquoi nous proposons des amendements portant article additionnel. En l’occurrence, il s’agit de demander au Gouvernement un rapport en vue de lancer une expérimentation, dont les modalités pratiques seront à déterminer par décret, visant à créer des pôles interconnectés du grand âge dans certains départements et à l’évaluer au bout d’un an. Dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale, il avait été prévu de confier expérimentalement aux Ehpad une mission de centre de ressources. Cela n’a débouché sur rien. Pourtant, les compétences existent ; un tel dispositif fluidifierait et faciliterait les parcours.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable : il existe déjà des dispositifs, tels que les filières gériatriques ou les centres de ressources territoriaux, ayant pour mission de coordonner le lien entre établissement et domicile et, plus largement, l’offre médico-sociale sur le territoire.

M. Thibault Bazin (LR). L’ordre du jour de la semaine prochaine est fixé par le Gouvernement. Rien n’empêchait ce dernier de soumettre à notre examen un projet de loi comprenant des moyens plutôt que cette proposition de loi. Quant aux centres de ressources territoriaux, certes nous avons ouvert en 2022 la possibilité pour les Ehpad d’en être un, mais combien le sont devenus ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est une disposition très récente. Attendons les résultats des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) sur le sujet pour vous répondre !

La commission rejette l’amendement.

Article 2 bis (nouveau) : Rapport du Gouvernement portant sur l’évaluation de l’article 2 de la présente proposition de loi

Amendement AS442 de M. Yannick Monnet et amendements identiques AS67 de M. Yannick Neuder et AS129 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Mme la rapporteure Vidal a fini par reconnaître que cette proposition de loi n’était pas à la hauteur des enjeux : c’est déjà ça !

L’article 2 prévoit que les services sociaux et sanitaires pourront proposer aux personnes âgées et en situation de handicap des actions de lutte contre l’isolement social. Nous demandons un rapport d’évaluation de ces actions afin de les améliorer.

M. Yannick Neuder (LR). L’article 2 vise à repérer les personnes âgées ou handicapées isolées. Cela semble une bonne idée, notamment durant les périodes de canicule. Mais comment va-t-on faire si l’on n’utilise pas les fichiers municipaux existants : fichier du CCAS, liste électorale, abonnés de l’eau ? D’où cette demande de rapport. Il n’y a aucun piège : il s’agit de voir ce qu’on entend par isolement et d’évaluer, après dix-huit mois, si cela vaut le coup d’investir dans de telles actions. De même, il eût été souhaitable de répondre par la sagesse à l’amendement de Mme Corneloup : cela aurait prouvé que vous aviez envie que nous travaillions ensemble. Si vous rejetez même ce type d’amendements, qui ne coûtent rien, je ne sais pas trop ce que nous allons pouvoir construire ensemble.

M. Thibault Bazin (LR). J’aime les demandes de rapport parce qu’elles permettent d’exiger des comptes du Gouvernement. Prenez les annonces relatives à la loi « grand âge » ou même certaines dispositions que nous avons adoptées dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale : aucune suite n’y a été donnée.

Mme Dubré-Chirat dit qu’il vaut mieux procéder par petits pas : dont acte, mais assurons-nous qu’ils sont réellement faits ! Nous demandons que le Gouvernement nous dise clairement où il en est des actions de lutte contre l’isolement social, quels en sont les résultats et quel est le profil des publics accompagnés. Forts de ce rapport, nous pourrons envisager le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale – sous réserve que nous puissions en discuter, y compris la partie relative aux recettes, avant qu’il soit fait usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution...

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous ne considérons pas que vous nous tendez des pièges, au contraire. Nous vous remercions d’apporter votre pierre à l’édifice.

Concernant les fichiers, notre préoccupation est de respecter les libertés individuelles. Une intrusion peut être mal vécue, surtout par des personnes, par définition, vulnérables et fragiles. En outre, il faut être vigilant quant à l’utilisation potentielle de ces fichiers par certains acteurs. Si nous sommes opposés à vos amendements, ce n’est pas par principe. C’est que la prudence est de mise et le mieux parfois l’ennemi du bien.

La remise d’un rapport d’évaluation de la mise en œuvre de l’article 2 est un objectif difficile à atteindre dans la mesure où les actions de lutte contre l’isolement social, dans le respect des libertés, seront complexes à mener, à l’échelon communal comme intercommunal, et feront intervenir une multiplicité d’acteurs. Je n’y suis pas opposée parce qu’il me semble légitime de demander un tel rapport, mais j’appelle votre attention sur les difficultés que l’on risque de rencontrer.

Avis défavorable sur l’amendement AS442 et favorable sur les amendements AS67 et AS129.

M. Yannick Neuder (LR). Dans l’exposé des motifs, vous affirmez que l’article 2 permettra « aux services sociaux et sanitaires de disposer plus facilement des données facilitant le repérage des personnes âgées ou en situation de handicap qui sont isolées et donc les prises de contacts utiles ». J’y suis favorable mais, concrètement, comment cela va-t-il se passer ? Comment allez-vous faire, vu les réponses apportées à propos des fichiers, pour rendre ces dispositions effectives ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article me semble clair et il sera complété par une mission d’expertise de la Cnil. Je pense que, lors de l’examen du texte en séance publique, grâce d’ailleurs aux amendements que vous avez déposés, nous disposerons d’une meilleure visibilité concernant les actions menées pour dépister l’isolement.

La commission rejette l’amendement AS442.

Puis elle adopte les amendements identiques et l’article 2 bis est ainsi rédigé.

Article 2 ter (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la trajectoire financière de la branche autonomie

Amendement AS189 de M. Yannick Neuder.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Quel bricolage ! On pouvait imaginer que, comme bien vieillir réclame des moyens, on allait discuter des financements, voire passer par le projet de loi de financement de la sécurité sociale – mais la porte a été fermée. On espérait un projet de loi « grand âge » ; on a à la place une proposition de loi du groupe Renaissance. Nous sommes ici en train de discuter de peccadilles alors que, dans le même temps, le ministre Combe intervient en salle Lamartine sur la politique du grand âge. C’est surréaliste ! Nous devrions suspendre la réunion et aller interpeller le Gouvernement sur le projet de loi « grand âge » qu’il promet depuis des années.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La réunion en salle Lamartine résulte d’une demande du groupe LIOT. Le ministre sera au banc la semaine prochaine pour répondre à vos questions.

M. Thibault Bazin (LR). Puisque le ministre est dans nos murs, ne pourrait-il pas, à la fin de la séance publique, traverser la rue pour nous rejoindre ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Il serait bon d’établir une distinction entre le recensement des personnes isolées effectué durant les périodes de canicule par les communes et la communication des informations récoltées, qui regarde la Cnil. Il faudrait que le rapport en tienne compte.

M. Yannick Neuder (LR). Tout ce que je demande, à travers ce rapport, c’est savoir comment l’article 2, qui part d’un bon sentiment, s’appliquera et comment on dépistera les personnes isolées, âgées ou handicapées. Les élus locaux recourent habituellement aux CCAS : c’est ainsi que l’on a procédé durant les canicules pour mettre les personnes concernées au frais et les faire boire. S’il existe une autre méthode, j’aimerais la connaître. Et si j’obtiens une réponse à cette question, je retirerai mon amendement quand bien même il aurait reçu un avis favorable.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Les fichiers à disposition des collectivités ont été constitués de différentes manières. Si l’on y fait référence dans la loi, cela obligera les collectivités à transmettre les informations aux acteurs sociaux qui en ont besoin, ce qui impliquera des partages de données. C’est pourquoi nous allons demander à la Cnil une expertise pour la semaine prochaine.

Une évaluation des dispositions retenues sera tout à fait bienvenue. Le temps que les décrets d’application soient publiés et qu’on ait un peu de recul, elle ne pourra intervenir avant dix-huit mois. Cela pourra se faire par le biais de notre instance permanente, la Mecss, ou dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il existe de nombreux fichiers susceptibles d’être croisés, notamment ceux des organismes sociaux : ceux des caisses nationales d’assurance maladie, d’assurance vieillesse, de santé au travail, d’allocations familiales, qui recensent qui est en affection de longue durée, qui n’a pas de médecin traitant, qui perçoit l’APA... En croisant ces données administratives, on peut repérer les personnes fragiles et ce sont ces données qui pourraient être communiquées aux organismes qui jouent un rôle de proximité, notamment aux mairies. La question est de savoir si c’est possible.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le débat est intéressant mais n’aurait-il pas dérivé ? Nous sommes censés examiner une demande de rapport sur la trajectoire financière de la branche autonomie !

La commission adopte l’amendement et l’article 2 ter est ainsi rédigé.

TITRE II
PROMOUVOIR LA BIENTRAITANCE EN LUTTANT CONTRE LES MALTRAITANCES DES PERSONNES EN SITUATION DE VULNÉRABILITÉ ET GARANTIR LEURS DROITS FONDAMENTAUX

Amendement AS719 de Mme Annie Vidal, amendements identiques AS68 de M. Yannick Neuder et AS444 de M. Yannick Monnet, amendement AS549 de Mme Justine Gruet (discussion commune).

Mme Annie Vidal, rapporteure. Compte tenu des auditions menées, il me semble préférable que le titre II s’intitule ainsi : « Promouvoir la bientraitance en luttant contre les maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux ». Cette rédaction satisfera plusieurs autres amendements allant dans le même sens.

Mme Isabelle Valentin. L’amendement AS549 est défendu.

La commission adopte l’amendement AS719. En conséquence, l’intitulé du titre II est ainsi modifié et les amendements AS68, AS444 et AS549 tombent.

Amendement AS530 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). On utilise beaucoup le terme de « maltraitance ». Il serait bon de parler des établissements de manière plus positive et attractive. Je propose donc de remplacer les mots « luttant contre les maltraitances » par les mots « respectant le bien-être physique, mental et social », ce qui correspond à la définition de la santé par l’Organisation mondiale de la santé.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il peut en effet être indélicat, voire tabou de parler de maltraitance. Toutefois, celle-ci répond à une définition précise, qui diffère du non-respect du bien-être physique, mental et social. Notre objectif est de promouvoir la bientraitance. C’est un long processus qui débute nécessairement par la lutte contre les maltraitances.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Amélioration de la lutte contre la maltraitance par le renforcement du droit de visite et du lien familial

Amendement AS531 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Cet amendement a le même objet que le précédent : remplacer les mots « lutte contre les maltraitances » par « vérification de la bientraitance ».

Mme Annie Vidal, rapporteure. La maltraitance est définie à l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles. Cette définition, établie par la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance grâce à une méthode solide, fait consensus. Il semble plus opportun de lutter contre les maltraitances sur cette base que de « vérifier la bientraitance » selon des critères difficiles à établir. Je le répète : notre politique publique consiste à promouvoir la bientraitance en luttant fermement contre les maltraitances.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS69 de M. Yannick Neuder, AS130 de M. Thibault Bazin, AS445 de M. Pierre Dharréville et AS648 de Mme Servane Hugues.

M. Yannick Neuder (LR). Je ne voudrais pas que nous passions trop de temps à discuter sémantique : que le texte vise à favoriser la bientraitance ou à lutter contre la maltraitance, le plus important est d’identifier, outre les personnes âgées handicapées et isolées, celles qui sont maltraitées, à leur domicile ou dans un établissement. La maltraitance à domicile, en particulier, est l’un des angles morts des dispositifs. Il est difficile pour les conseils départementaux d’effectuer des visites à cette fin. Il faut aussi organiser le contrôle en établissement, en liaison avec la Haute Autorité de santé. Les amendements ont pour objet de nous doter d’indicateurs efficaces.

Mme Servane Hugues (RE). Les amendements précisent que la notion de maltraitance retenue est bien celle issue de l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles, consacrée par la « loi Taquet » du 7 février 2022 et qui est largement fondée sur les travaux de la commission nationale pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, créée en 2018. La maltraitance est ainsi « un geste, une parole, une action ou un défaut d’action » visant une personne vulnérable et portant « atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé ». Dans ces cas, la maltraitance est caractérisée, qu’elle soit ponctuelle ou durable, intentionnelle ou involontaire, individuelle ou collective. Cette définition prend en compte plusieurs formes de violence et de négligence, de façon à couvrir autant de situations que possible. En y faisant référence, notre objectif est de sécuriser juridiquement le dispositif.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je remercie tous les collègues qui ont relevé cette absence de référence à une définition à laquelle je suis très attachée. Avis favorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je partage l’objectif mais la rédaction qui résulterait de l’adoption de l’amendement ne serait pas très cohérente.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous procéderons à un ajustement en séance publique à travers un amendement rédactionnel. Le texte définitif sera le suivant : « telles que définies à l’article L. 119-1 ».

M. Thibault Bazin (LR). Ne pourrions-nous pas rectifier les amendements dès à présent, si tout le monde en est d’accord ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Tous les auteurs en étant d’accord, les amendements sont ainsi rectifiés.

La commission adopte les amendements tels qu’ils viennent d’être rectifiés.

Amendement AS359 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Selon l’association Les Petits Frères des Pauvres, 300 000 personnes âgées de plus de 60 ans seraient en situation de mort sociale, c’est‑à‑dire qu’elles ne rencontrent quasiment jamais personne. Pour y remédier, l’amendement ajoute les mots : « les situations d’isolement ».

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’isolement des personnes âgées, notamment dépendantes, est une question centrale. Certes, les pouvoirs publics et les associations mènent déjà de nombreuses actions. Mais nous devons continuer à renforcer les dispositifs. À cet égard, l’inscription de la lutte contre les situations d’isolement dans le domaine de l’action sociale et médico-sociale pourra être très utile.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS519 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je défendrai dans quelques instants un amendement sur cette partie du texte qui devrait améliorer la rédaction. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS720 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je propose là une rédaction plus cohérente au regard du droit en vigueur. Le droit de visite figure déjà de manière très claire dans la charte des droits et libertés de la personne accueillie. Toutefois, depuis le début de la pandémie de covid-19, les familles et les résidents se voient parfois opposer par les établissements que des contacts téléphoniques ou en visioconférence suffisent à assurer le respect du droit à la vie privée. Il faut donc faire figurer le droit de visite des proches dans un texte de niveau législatif. Afin de sécuriser ce dispositif, l’amendement a pour objet d’intégrer le respect de la vie familiale – et pas seulement celui de la vie privée – et de mentionner expressément la visite des proches et le maintien d’un lien social.

Il s’agit également d’assurer une bonne coordination avec les articles du code de l’action sociale et des familles permettant l’application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et en Polynésie française.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, les amendements AS451 de M. Pierre Dharréville, AS706 de Mme Josiane Corneloup, AS492 de M. Laurent Panifous, AS361 de M. Sébastien Peytavie, AS707 de M. Pierre Dharréville ainsi que les amendements identiques AS446 de M. Yannick Monnet et AS487 de M. Laurent Panifous tombent.

Amendement AS615 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement affirme dans la loi le droit individuel des personnes prises en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux à être informées, ainsi que leur famille, de leurs droits et des recours possibles en cas de maltraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le droit à l’information sur les recours possibles en cas de maltraitance est fondamental. Or, ces derniers ne sont pas assez connus – je pense notamment au numéro d’appel dédié, le 3977. C’est tout l’objet de l’article 4, qui crée une instance chargée du recueil des signalements. Toutefois, l’inscription de ce droit dans le texte n’aurait aucune portée normative et ne changerait rien aux difficultés de communication sur le sujet. Cela dit, il est nécessaire que le Gouvernement s’engage, en séance publique, à mener des campagnes d’information pour faire connaître les circuits d’alerte. Je propose donc que vous retiriez l’amendement pour le présenter à nouveau la semaine prochaine.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne comprends pas pourquoi l’amendement AS451 est tombé. Il créait un droit de visite quotidien, de manière à éviter toute restriction. Il s’agissait d’un amendement de précision, en quelque sorte.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il est tombé car il se rapportait à un alinéa que l’amendement AS720 a réécrit. Quoi qu’il en soit, j’y aurais été défavorable car il n’est pas possible d’inscrire dans la loi un droit de visite quotidien : du moment qu’un droit de visite est accordé à un proche, les visites peuvent être quotidiennes, hebdomadaires ou tout ce qu’on veut.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’en profite pour indiquer que l’amendement AS361, tombé lui aussi, avait pour objet de préciser que les visites pouvaient avoir lieu « sous réserve que la personne ne s’y oppose pas ». Certaines familles sont toxiques : le résident doit pouvoir refuser des visites.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS706 avait un objet voisin. Si une personne âgée placée dans un établissement est considérée comme chez elle, elle doit pouvoir s’opposer aux visites qu’elle ne souhaite pas. Ce point a-t-il été pris en compte dans l’amendement AS720 ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous réaffirmons simplement dans la loi le droit à recevoir la visite d’un proche. Un droit s’utilise, ou pas : le droit de recevoir une visite suppose de manière implicite celui de ne pas en recevoir. C’est un droit, pas une obligation.

Mme Caroline Colombier (RN). Je ne comprends pas pourquoi il serait impossible de préciser dans la loi qu’un membre de la famille a un droit de visite « quotidien » – que ce droit soit utilisé ou pas.

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement AS431, que je défendrai un peu plus loin, ressemble à ce que proposent nos collègues : il s’agit de permettre aux familles, à travers le conseil de la vie sociale, de définir quantitativement les visites, avec la direction de l’établissement. En raison d’un manque de personnel, certains établissements interdisent les visites en fin de semaine ou les limitent à certains créneaux horaires. On pourrait même imaginer qu’un établissement décide d’autoriser les visites uniquement le lundi entre quinze heures et seize heures ! Il pourrait arguer du fait qu’il accorde ainsi un droit de visite, mais celui-ci serait si limité que les familles ne pourraient pas l’exercer en pratique.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). J’entends, madame la rapporteure, que le droit du résident de ne pas recevoir de visite existe. Mais d’un autre côté, les visiteurs pourraient se prévaloir du fait qu’ils ont le droit de venir pour s’imposer. Il est donc important de préciser que le résident a le droit de s’y opposer.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). La Défenseure des droits a recensé de nombreuses limitations aux visites dans les établissements. Parmi ses recommandations, figurait ainsi l’inscription dans la loi d’un droit de visite quotidien du résident par ses proches. C’est donc que c’est possible. Ou alors, la Défenseure des droits ne connaît pas le droit...

M. Freddy Sertin (RE). La rédaction de la proposition de loi prévoit un droit de portée absolue. Adopter des précisions, comme le proposent nos collègues Neuder et Piron, conduit mécaniquement à réduire sa portée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je confirme ce que vient de dire M. Sertin. Par ailleurs, ce droit est ouvert au résident, pas à ses proches. Le résident peut utiliser ce droit, mais tout aussi bien décider de ne pas accepter la visite. Il n’a pas d’obligation. Si l’on vous accorde le droit d’aller à la piscine, il n’est pas nécessaire de préciser que ce droit est valable tous les jours : vous avez le droit d’y aller, tout simplement.

M. Thibault Bazin (LR). D’ici à la séance publique, il serait bon de clarifier les choses. Je comprends bien le concept : le résident a la liberté de recevoir ou pas. Mais dans la pratique, ce n’est pas si facile. Les résidents peuvent subir des visites non désirées quand quelqu’un arrive à l’improviste. Certes, l’établissement est considéré comme le domicile des résidents. Mais il n’y a pas de sonnette à l’entrée d’une chambre d’Ehpad.

Lors de l’épidémie de covid‑19, certains résidents auraient aimé avoir des visites mais ils n’y ont pas eu droit. Ici, il s’agit de faire en sorte que les résidents puissent au quotidien dire qu’ils ne souhaitent pas recevoir une visite, et que les chambres d’Ehpad soient considérées de véritables domiciles. Cela pourrait se faire par le biais du règlement intérieur, par ailleurs nécessaire : comme pour tout habitat partagé, il faut des règles de vie collective. Quoi qu’il en soit, il faut repenser notre modèle pour permettre l’exercice de la liberté individuelle dans les Ehpad.

Mme Maud Petit (Dem). Les amendements de nos collègues, notamment celui qui visait à autoriser des visites quotidiennes, s’adressaient davantage aux établissements qu’aux résidents : il s’agissait de faire en sorte que les établissements ouvrent leurs portes chaque jour.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition de loi tient compte des enseignements de la crise sanitaire : elle proclame le droit au respect de la vie privée et familiale, laquelle inclut les visites de proches. Nous réaffirmons solennellement, en inscrivant ce principe dans la loi, que c’est l’un des droits fondamentaux de la personne, et qu’il appartient aux établissements de le respecter.

Dans la pratique, les horaires de visite sont toujours encadrés. Mais ils ne doivent pas être trop restrictifs : le texte permettra à un proche ou au conseil de la vie sociale (CVS) d’indiquer à un directeur d’établissement trop strict qu’il doit respecter le droit des résidents de recevoir des visites.

L’amendement AS615 est retiré.

Amendement AS721 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’alinéa 7 entraîne une confusion entre la mission de la personne chargée d’une mesure de protection et celle de la personne de confiance, laquelle n’exerce pas de fonction d’assistance et de représentation. Le fait de prévoir l’intervention d’un proche dans le cas où la personne accueillie ne bénéficie pas d’une mesure de protection et n’a pas désigné de personne de confiance peut également être source de difficultés : si le résident n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté, comment vérifier que l’intervention de ce proche correspond à ses souhaits ? En outre, si plusieurs proches demandent à protéger les droits de la personne accueillie, cela pourrait conduire à un blocage en cas de désaccord entre eux.

Il semble donc important, dans l’intérêt des personnes vulnérables, de supprimer cet alinéa. La rédaction est susceptible de fragiliser leurs droits en entraînant une confusion entre les rôles des différents intervenants.

M. Nicolas Turquois (Dem). Quand une personne se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, certains de ses proches peuvent quand même savoir ce qui est bon pour elle : toutes les familles ne sont pas dysfonctionnelles... Or, en supprimant l’alinéa 7, on laisse la main à la direction de l’établissement. Celle-ci pourra décider que la personne n’a plus le droit de recevoir des visites sous prétexte qu’elle n’est plus en mesure d’en exprimer le souhait. Si je comprends la difficulté que vous soulevez, je m’interroge sur l’opportunité de supprimer purement et simplement cet alinéa.

M. Thibault Bazin (LR). L’alerte de M. Turquois mérite d’être prise en compte. Il faut sans cesse essayer de recueillir le consentement et l’avis de la personne, y compris quand elle n’est pas en mesure de les donner. On ne saurait se contenter de substituts. La question est profonde et difficile, surtout dans un contexte de réflexion sur la légalisation programmée du suicide assisté, alors qu’on ne sait pas ce qu’il adviendra pour les personnes qui ne sont pas en mesure de donner leur avis.

Il est vrai que la proposition de loi n’a pas vocation à répondre à toutes les situations. J’ai compris, en particulier, que vous ne souhaitiez pas aborder le champ du handicap. Quoi qu’il en soit, s’agissant des visites, il faut rechercher le consentement des personnes vulnérables. Je ne dis pas que c’est simple mais nous devons en discuter.

M. Yannick Neuder (LR). L’actualité nous rend sensibles à la notion de personne de confiance. La population a du mal à s’approprier cette notion, de même que les directives anticipées, et c’est particulièrement le cas dans les établissements médico-sociaux et les Ehpad.

Madame Vidal, votre amendement a le mérite d’éviter un problème : j’entends ce que vous dites à propos des difficultés que pourraient rencontrer la direction et l’équipe soignante si, en l’absence d’une personne de confiance clairement désignée, plusieurs enfants par exemple entendaient jouer ce rôle. Cependant, son adoption créera un vide. Nous ne le comblerons pas ce soir mais nous devrons nous y atteler.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Si je comprends l’objectif poursuivi, j’approuve les remarques de M. Turquois. La suppression de l’alinéa risque d’entraîner plus de problèmes qu’elle n’en évitera. Dans certains établissements, une majorité des résidents a du mal à exprimer ses volontés. Par ailleurs, désigner un proche est une manière de maintenir un lien.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Du point de vue sémantique, la « personne de confiance » est déjà difficile à définir pour les gens dans le cadre de la fin de vie. Il vaudrait mieux parler de « personne-ressource » ou de « personne référente », ce qui éviterait toute confusion.

Mme Caroline Colombier (RN). Une personne dont je suis proche, à qui je rends visite régulièrement, est placée sous tutelle. Elle refuse de parler au téléphone avec la personne exerçant la tutelle en disant que celle-ci ne vient jamais la voir et ne s’occupe pas d’elle. Je suis donc considérée, y compris par l’Ehpad, « personne de confiance ». Il serait bon d’écrire ce genre de choses quelque part pour que l’établissement en soit informé dès l’arrivée de la personne âgée. Il est dommage pour les patients que l’on supprime d’un coup cette disposition.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il faudrait faire en sorte que la personne de confiance soit bien identifiée par l’établissement. Dans l’Ehpad de ma commune, on peut voir des personnes qui ont perdu l’usage de la parole mais dont le plaisir de recevoir leurs enfants ou leurs petits-enfants est manifeste. Or, il y a eu certaines complications avec la directrice de l’établissement. Il ne faudrait pas que la perte de la capacité à s’exprimer serve de prétexte pour restreindre les visites. Si une personne a été préalablement désignée, je ne vois pas pourquoi il y aurait un changement.

M. Yannick Neuder (LR). Attention : on est en train de confondre la « personne-ressource », ou « référente », qui peut aller faire des courses et rendre de nombreux services à un résident, et la personne de confiance, laquelle est chargée de l’exécution des directives anticipées. Il faut une personne de confiance pour que les directives anticipées soient exécutées et que le consentement libre et éclairé du résident soit respecté ; cela n’a rien à voir avec la personne-ressource qui l’aide au quotidien. N’utilisons pas un terme pour un autre alors que nous nous apprêtons à revoir la « loi Claeys‑Leonetti » !

Mme Annie Vidal, rapporteure. Tout d’abord, dans le cadre des trois articles de ce titre relatif à la promotion de la bientraitance et à la lutte contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, il est question des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Ensuite, l’alinéa 7 de l’article 3 est relatif non pas au droit de visite mais à la représentation et à l’assistance des personnes se trouvant dans l’impossibilité de s’exprimer. En mentionnant à la fois la personne de confiance, le tuteur ou curateur et « un proche », il complique les choses et mélange les rôles des uns et des autres, ce qui conduirait immanquablement à des blocages.

Par ailleurs, en ce qui concerne la personne de confiance, nous examinerons plus loin un amendement précisant son rôle, ses missions et les cas où elle peut intervenir. Il est extrêmement important de le faire car elle n’intervient pas seulement à propos d’euthanasie ou de suicide assisté : son rôle auprès des personnes fragiles est beaucoup plus large.

Nous préciserons aussi, à l’article 5, le rôle des mandataires pour les majeurs protégés. Après l’article 5, je vous proposerai des amendements modifiant le régime des tutelles, curatelles, habilitations familiales et mandats de protection future. Cet ensemble de dispositions sécurisera les personnes s’exprimant à la place de majeurs protégés ou les assistant en cas de besoin.

Pour toutes ces raisons, je propose de supprimer l’alinéa 7, qui risque d’apporter plus de confusion que d’aide.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous faisiez état d’une confusion possible, madame la rapporteure. Parmi les éléments susceptibles de l’entretenir figure la fin de l’alinéa : « ou, à défaut, par un proche ». Ces mots ouvrent des possibilités extrêmement larges, qui peuvent s’éloigner des volontés de la personne. Un établissement pourrait ainsi choisir la personne qui lui convient le mieux. Il faudra être attentif à cette dimension en cas de réécriture du dispositif.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, si vous envisagez une nouvelle rédaction pour la séance publique, pourriez-vous nous communiquer le texte au plus vite ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je ne proposerai pas de réécriture : après la suppression de cet alinéa, des amendements viendront préciser le rôle de la personne de confiance.

M. Yannick Neuder (LR). En 1998, le Comité consultatif national d’éthique a assigné un double rôle à la personne de confiance. Le premier consiste à accompagner le patient dans ses démarches de santé. Le second est lié aux directives anticipées. Il faut que le terme de « personne de confiance » conserve un lien avec les directives anticipées et que l’on trouve un terme plus adéquat pour tout ce qui concerne l’accompagnement du patient dans ses démarches quotidiennes, qu’elles concernent ou non la santé.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS447 de M. Pierre Dharréville, les amendements identiques AS70 de M. Yannick Neuder, AS92 de Mme Alexandra Martin, AS131 de M. Thibault Bazin, AS147 de M. Jérôme Guedj, AS236 de Mme Émilie Bonnivard, AS450 de M. Yannick Monnet, AS521 de Mme Josiane Corneloup et AS649 de Mme Servane Hugues, les amendements AS683 de Mme Anne Bergantz, AS362 de M. Sébastien Peytavie et AS567 de Mme Christelle D’Intorni tombent.

Amendement AS365 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement propose que la personne de confiance puisse également se voir remettre les documents obligatoires mentionnés à l’article L. 311-4 du code de l’action sociale et des familles, dont la charte des droits et libertés de la personne accueillie – notamment dans le cas où la personne majeure accueillie se trouverait dans l’incapacité totale ou partielle de s’exprimer, sans nécessairement faire l’objet d’une mesure de protection juridique.

Bien qu’il soit proposé à toute personne accueillie dans un établissement ou un service social ou médico-social de désigner une personne de confiance, il est possible que cette dernière ait déjà été désignée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique. Dans ce cas, la personne de confiance pourra recevoir la charte des droits et libertés de la personne accueillie, ainsi que le règlement de fonctionnement de l’établissement. L’amendement permet de garantir les droits mentionnés à l’article L. 311-3 du code de l’action sociale et des familles et de prévenir les risques de maltraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cet amendement intéressant renforce le rôle indispensable de la personne de confiance. Il est nécessaire qu’elle ait connaissance de l’ensemble des droits et libertés dont bénéficie la personne accueillie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS449 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement s’inspire d’une recommandation formulée par la Défenseure des droits dans le cadre de son rapport « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », publié en 2021. Le code de l’action sociale et des familles prévoit que l’entretien d’admission dans un établissement social ou médico-social se déroule hors de la présence de toute autre personne que la personne accueillie, sauf si cette dernière réclame la présence d’une personne de confiance. L’amendement prévoit que cette dernière est d’emblée invitée, sauf si la personne accueillie ne le souhaite pas.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je suis d’accord.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS454 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement, issu de propositions de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD‑PA), vise à garantir dans le contrat de séjour la liberté d’aller et venir du résident. Comme la Défenseure des droits, l’AD‑PA constate que cette liberté est souvent entravée sans que cela soit justifié par des motifs liés à la nécessité d’assurer la sécurité du résident.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le contrat de séjour fixe les conditions du séjour dans l’établissement et les droits et obligations des parties. Ce contrat n’a pas pour objet de rappeler des droits qui existent par ailleurs : cela ne leur donnerait pas davantage de portée. La liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale. L’amendement est redondant et inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS659 de M. Freddy Sertin et sous-amendement AS741 rectifié de Mme Annie Vidal.

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement apporte des précisions à l’article L. 311‑5‑1 du code de l’action sociale et des familles en ce qui concerne la désignation et le rôle de la personne de confiance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le sous-amendement apporte des précisions rédactionnelles.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AS389 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). L’amendement reprend le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 12 octobre 2021. Le refus de visite doit être encadré par la loi et demeurer l’exception. Il ne faut pas que se reproduisent les drames connus pendant la crise sanitaire, durant laquelle certains résidents se sont laissé mourir.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’appréciation de la périodicité du droit de visite des proches relève bien entendu des droits inhérents à la personne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS431 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Cet amendement porte sur le droit de visite, déjà longuement évoqué. Il s’agit de prévoir que le conseil de la vie sociale soit consulté avant une modification du règlement intérieur portant sur les horaires de visite.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cet amendement est redondant. Nous avons prévu un droit général de visite à l’article 3. Les CVS émettent déjà un avis et des propositions sur les questions de fonctionnement de l’établissement. Il leur appartiendra de se saisir du nouveau droit affirmé avec force dans ce texte.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS443 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement prévoit que la personne de confiance participe à l’élaboration des règles en matière de sorties non accompagnées. Le plus souvent, ces règles sont définies par la direction de l’établissement ou par le médecin, de façon parfois arbitraire. Or, les restrictions affectent les habitudes des résidents et nuisent aux relations sociales.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La personne de confiance n’a pas pour rôle d’interférer dans les décisions médicales ou sociales prises au sujet des personnes accueillies en établissement et service social et médico-social (ESSMS). Or, votre amendement lui permet de déterminer les conditions d’accueil.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS455 de M. Yannick Monnet et AS557 de Mme Justine Gruet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement, issu des propositions de la Mutualité française, vise à rendre obligatoire une formation à la promotion de la bientraitance pour les professionnels des ESSMS. Ces formations existent déjà de façon facultative.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’article 3 vise à promouvoir la bientraitance, lutter contre les maltraitances envers les personnes vulnérables et renforcer les droits des personnes en perte d’autonomie. Il s’attache également à la prévention. Dans ce cadre, il est important d’aller plus loin dans l’accompagnement des professionnels. L’amendement propose de rendre obligatoire une formation à la promotion de la bientraitance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La formation à la bientraitance doit être renforcée. L’article 22 de la loi du 7 février 2022 prévoit déjà que les ESSMS doivent préciser leur politique de lutte contre la maltraitance. Un décret est en cours de rédaction. Je vous propose de retirer vos amendements et de les représenter en séance publique afin que le ministre précise le contenu du décret et sa date de parution.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS448 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’amendement vise à garantir au patient un droit de visite de ses proches qui soit par défaut quotidien, afin que toute restriction de ce droit demeure une exception justifiée par un motif médical ou par le refus du patient.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Outre tout ce dont nous avons déjà parlé, la rédaction de l’amendement laisse penser que c’est le droit qui serait quotidien, et non la visite.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS612 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Cet amendement précise que le droit de visite est respecté en toutes circonstances, sous réserve que les conditions sanitaires fixées par l’établissement soient observées.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Votre amendement fait évidemment écho à la crise sanitaire que nous avons traversée et qui a durement touché les ESSMS, en privant notamment les résidents en Ehpad de visites pendant de longues semaines. Les droits s’évaluent bien évidemment en fonction des situations particulières. Toutefois, il n’est pas nécessaire de préciser que des conditions spécifiques pourraient limiter le droit de visite, puisque nous voulons au contraire le consacrer dans ce texte.

Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS386 de Mme Caroline Colombier.

Mme Caroline Colombier (RN). Cet amendement vise à garantir aux proches le droit de visiter les personnes en fin de vie ou dont l’état requiert des soins palliatifs. Les drames vécus au cours de la crise sanitaire ne doivent pas se renouveler. Les établissements définissent les conditions qui permettent d’assurer ces visites.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La proposition garantit le droit de visite, quel que soit l’état de santé du résident. Votre amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Compte tenu de l’avis défavorable de la rapporteure, les amendements AS388 et AS387 de Mme Caroline Colombier sont retirés

La commission adopte l’article 3 modifié.

Article 3 bis (nouveau) : Systématisation d’un projet d’accueil personnalisé en établissements et services sociaux et médico-sociaux

Amendement AS634 de M. Pascal Lecamp.

M. Nicolas Turquois (Dem). On sait combien l’arrivée en établissement peut être mal vécue. L’amendement prévoit donc que le projet d’accueil et d’accompagnement soit élaboré au plus tard dans les deux mois qui suivent, afin de permettre à la personne accueillie de mieux se projeter.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’accueil des résidents est un enjeu central. Mais je ne pense pas que l’ajout de dispositions législatives permet d’améliorer la situation. Ce qui compte vraiment, c’est que le projet d’accueil soit élaboré au moment de la signature du contrat et que la personne soit accueillie dans les meilleures conditions. Lors de la crise sanitaire, la rédaction des projets d’accueil a pris beaucoup de retard. Il faut affirmer une nouvelle fois qu’ils sont nécessaires.

M. Nicolas Turquois (Dem). En réalité, dans beaucoup d’établissements le projet d’accueil n’est pas mené à bien. Il serait pertinent de l’imposer à tous les établissements.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 3 ter (nouveau) : Amélioration du recueil du consentement des personnes accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux en ce qui concerne le contrôle de leur espace de vie privatif

Amendement AS653 de M. Freddy Sertin.

M. Freddy Sertin (RE). L’amendement prévoit que l’accord écrit préalable de l’occupant au contrôle dans son espace de vie privatif et à la collecte de ses données est recueilli à l’occasion de la conclusion du contrat de séjour.

Mme Annie Vidal, rapporteure. C’est un amendement utile pour compléter le contrat de séjour et clarifier les règles applicables à la collecte de données. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 ter est ainsi rédigé.

Après l’article 3

Amendement AS620 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Yannick Neuder (LR). La notion de personne de confiance a été introduite dans notre droit à la suite d’un avis du Comité consultatif national d’éthique de 1998. Cette personne joue un double rôle d’accompagnement, dans les démarches quotidiennes de santé mais aussi en matière de directives anticipées. Il faut que ses fonctions soient mieux expliquées aux personnes âgées ou handicapées ainsi qu’à leur entourage. L’amendement propose qu’une campagne nationale d’information soit organisée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il est effectivement essentiel d’organiser une campagne d’information afin d’inciter davantage à désigner une personne de confiance. Mais cela ne relève pas d’une disposition législative. Je suggère que vous déposiez cet amendement en séance publique pour que le Gouvernement fasse part de ses intentions au sujet d’une telle campagne.

L’amendement est retiré.

Article 4 : Renforcement du dispositif d’alerte en cas de maltraitance

Amendement AS740 de Mme Annie Vidal et sous-amendement AS743 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cet amendement, que j’ai adressé préalablement aux responsables des différents groupes politiques, propose une nouvelle rédaction de l’article 4, où nous créons une cellule territoriale dédiée aux alertes de maltraitance.

Tous les acteurs seront réunis au sein d’une instance de recueil et de suivi des signalements. Elle sera départementale car les situations de maltraitance doivent être traitées à proximité. Ces instances sont placées sous la responsabilité des ARS, à qui est confiée une nouvelle mission d’animation territoriale de la politique publique de lutte contre les maltraitances envers les adultes. Il est normal que cette politique relève de l’État car ces maltraitances affectent la santé et la sécurité des Français.

Les données relatives aux maltraitances seront partagées une fois par an avec les parties prenantes de la démocratie sanitaire au sein de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA).

Mais une instance départementale ne suffit pas pour faciliter le travail coopératif des acteurs. Une formation particulière organisée par l’École des hautes études en santé publique leur permettra de se connaître, de partager un même vocabulaire et de mettre en place des protocoles de travail.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’organisation d’un réseau départemental d’alerte chargé du recueil des signalements de maltraitance constituait la proposition n° 21 du rapport remis par Dominique Libault à la suite de la concertation « Grand âge et autonomie ». La nouvelle rédaction proposée par la rapporteure y est davantage fidèle que la rédaction initiale.

Pour aller jusqu’au bout de la démarche et donner encore plus d’ambition aux politiques de prévention et de lutte contre la maltraitance, le sous-amendement confie à la CNSA la rédaction d’un rapport annuel sur la maltraitance s’appuyant sur les données consolidées collectées dans le cadre prévu à cet article.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Mon amendement prévoit que l’instance départementale adresse chaque année à la CRSA un compte rendu des signalements effectués.

Votre sous-amendement est donc satisfait. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, si vous projetez de déposer d’autres amendements de réécriture en séance publique, pourrez-vous prévenir l’ensemble des membres de la commission ? Je n’avais connaissance de celui-ci.

Tout d’abord, la création de l’instance départementale va dans le bon sens. Elle permettra des enquêtes pluridisciplinaires. Mais il conviendrait de compléter la nouvelle rédaction en prévoyant la conclusion de protocoles avec les conseils départementaux, portant notamment sur les modalités du contrôle.

Ensuite, je souhaite que les modalités de saisine et de signalement soient bien précisées, car il s’agit de deux choses différentes.

Enfin, il faudrait prévoir un signalement systématique auprès de l’instance de tous les cas de suspicion de maltraitance, à la manière de ce qui est prévu pour les cellules d’accueil spécialisé de l’enfance en danger.

Mme Annie Vidal, rapporteure. J’ai adressé ce projet de rédaction aux responsables de tous les groupes politiques pour ce texte. Je prends note de votre observation pour l’avenir.

L’objectif de cet article est bien de sensibiliser à la nécessité de donner l’alerte. L’instance départementale recueillera tous les signalements, qu’ils proviennent des proches, des établissements ou des professionnels de santé et qu’ils soient adressés à la police, à la gendarmerie, aux ARS ou aux départements.

Il paraît difficile de prévoir un signalement systématique par les professionnels ou les proches – peut-être pourrez-vous proposer un amendement sur ce point en séance publique pour préciser votre proposition ? En revanche, c’est tout à fait possible pour les mandataires judiciaires. Je proposerai une nouvelle rédaction de l’article 5 qui leur impose d’informer sans délai le procureur de la République.

La commission rejette le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement et l’article 4 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS621 de M. Michel Castellani, AS33 de M. Jérôme Guedj, AS452 de M. Yannick Monnet, AS368 de M. Sébastien Peytavie et AS465 de Mme Sandrine DogorSuch, les amendements identiques AS213 de M. Vincent Descoeur, AS227 de M. Yannick Neuder, AS252 de M. Thibault Bazin et AS500 de Mme Josiane Corneloup, les amendements AS466 de Mme Sandrine DogorSuch, AS38 de M. Jérôme Guedj, AS372 et AS369 de M. Sébastien Peytavie, AS611 de M. François Gernigon, AS373 de M. Sébastien Peytavie, AS281 et AS282 de Mme Martine Etienne, les amendements identiques AS47 de M. Yannick Neuder, AS167 de M. Thibault Bazin et AS297 de Mme Isabelle Valentin, l’amendement AS498 de Mme Josiane Corneloup, les amendements identiques AS48 de M. Yannick Neuder et AS80 de Mme Émilie Bonnivard, les amendements identiques AS168 de M. Thibault Bazin et AS298 de Mme Isabelle Valentin ainsi que l’amendement AS283 de Mme Caroline Fiat tombent.

Article 5 : Précision des missions de la protection juridique des majeurs, notamment face à des cas de maltraitance

Amendement AS722 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’amendement clarifie la rédaction de cet article sans en modifier le fond. La seule différence réside dans le fait que la version initiale prévoyait de « vérifier l’existence et la manifestation » du consentement de la personne protégée tandis que, dans la nouvelle version, « son consentement éclairé doit être systématiquement recherché ».

La commission adopte l’amendement et l’article 5 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AS467 de Mme Sandrine DogorSuch, les amendements identiques AS639 de M. François Gernigon et AS662 de M. Freddy Sertin ainsi que les amendements AS468 de Mme Sandrine DogorSuch et AS609 de M. François Gernigon tombent.



  1 

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 21 heures 15

Au cours de sa seconde réunion du mardi 4 avril 2023, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([124]).

Après l’article 5

Amendement AS363 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’article 3 du texte tend à promouvoir la bientraitance en intégrant la prévention et la lutte contre les maltraitances dans les missions de l’action sociale. Cet amendement du groupe Écologiste - NUPES vise à renforcer encore ces dispositions, en imposant que la charte nationale conjointement établie par les fédérations et organismes représentatifs des personnes morales publiques et privées gestionnaires d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) comporte un objectif de bientraitance et de lutte contre l’isolement social.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’amendement est satisfait. La charte établie par les fédérations et les ESSMS inclut les principes éthiques et déontologiques afférents au mode de fonctionnement et d’intervention, ce qui me paraît couvrir l’objectif de bientraitance. Toute précision supplémentaire relève d’un décret. En outre, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants prévoit que les ESMSS doivent préciser leur politique de lutte contre les maltraitances, formation incluse.

Je suggère le retrait de l’amendement en vue de le présenter en séance publique, pour interroger le Gouvernement sur le décret qui doit être publié prochainement. À défaut, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Notre collègue Peytavie soulève une vraie question. Il importe de rappeler, outre l’objectif de bientraitance, celui de lutter contre l’isolement, l’un n’impliquant pas forcément l’autre.

La charte précitée comporte certes des principes éthiques et déontologiques, mais la question, dont nous sommes tous coresponsables, est de savoir comment corréler les objectifs, que nous partageons, et les moyens, sur lesquels nous faisons l’impasse. La question du comment est la plus dure à résoudre. Lutter contre l’isolement et promouvoir la bientraitance sont des objectifs qui nous rassemblent.

Au demeurant, les dispositions relatives à la bientraitance ont été précisées par l’adoption d’un amendement, adopté hier, énumérant certains droits fondamentaux. On peut se demander si la lutte contre l’isolement n’en fait pas partie. Dans cette proposition de loi qui fixe surtout des objectifs sans forcément y associer des moyens, il me semble souhaitable de le préciser.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). M. Bazin a raison : la question de l’isolement social n’est pas traitée du seul fait que nous traitons la question de la bientraitance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS216 de Mme Astrid Panosyan-Bouvet.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). La charte des droits et libertés de la personne accueillie est applicable dans tous les ESSMS. En pratique, elle se contente de rappeler les droits et les libertés fondamentales, en prévoyant que leur exercice peut être limité par les exigences de la « prise en charge » de la personne ou les nécessités de la vie collective, telles qu’elles résultent notamment du « règlement de fonctionnement » de l’établissement.

Cette conciliation d’apparent bon sens est en réalité l’héritage d’une époque qui mettait en avant l’incapacité des personnes plutôt que leurs capacités et leurs envies et qui, faisant de la protection un but plus qu’un simple moyen, admettait, en évoquant la « prise en charge » des personnes vulnérables, que celle-ci suppose une limitation de leurs droits fondamentaux.

Il faut changer collectivement et radicalement d’approche. Ni l’accompagnement professionnel ni la vie en collectivité n’ont pour but de limiter les droits et les libertés. Les protections qu’ils apportent doivent, au contraire, être entièrement orientées vers ce qui permet à la personne, sans se mettre en danger, l’exercice de ses droits et de ses libertés, le plus possible et le plus longtemps possible. Ce changement radical de philosophie de l’accompagnement des personnes vulnérables, en même temps qu’il met en avant la reconnaissance du « pouvoir d’agir » des personnes fragiles, a des conséquences positives sur l’attractivité des métiers du travail social et médico-social.

L’élaboration de la nouvelle charte que nous proposons doit être l’occasion d’une large appropriation par tout le champ social et médico-social, au-delà du seul grand âge. Elle doit associer les représentants des personnes elles-mêmes et la société civile, notamment le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Cet amendement a été élaboré en liaison avec le Cercle Vulnérabilités et Société.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Sur le fond, je suis complètement favorable à cette proposition. Toutefois, si l’arrêté du 8 septembre 2003 instituant la charte précitée n’a pas été très opérant, plusieurs mesures ont été prises depuis lors, notamment dans le cadre de l’article 22 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite « loi Taquet », dont nous attendons toujours les décrets d’application.

Par ailleurs, la rédaction de l’amendement comporte certaines redondances, s’agissant notamment des exigences faites aux directeurs d’établissement. Je vous invite à le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis un peu heurté par l’exposé sommaire de l’amendement, qui semble opposer l’avant et l’après, l’héritage d’une époque et la perspective d’un changement futur, comme si tout ce qui a existé par le passé se réduisait à la question de l’incapacité. J’ai plutôt le sentiment que nos aïeux ont su accompagner les personnes vulnérables dans la dignité, la fraternité et la solidarité, et que les établissements ont su comment faire, sans forcément réduire les personnes à leur incapacité. Je peux citer plusieurs témoignages de personnes bien intégrées et bien accompagnées. Certes, les thérapeutiques et les connaissances n’étaient pas aussi évoluées qu’aujourd’hui, les pratiques étaient moins protocolisées, mais il y avait, en certains endroits, moins de solitude, et une présence remarquable des œuvres sociales. La charte de 2003 a codifié certaines bonnes pratiques, elle ne les a pas fait apparaître.

Gardons-nous de toute généralisation. En matière d’accueil des personnes, la diversité des établissements est grande. Votre situation varie selon que vous êtes en unité de vie protégée, en institut médico-éducatif, en maison d’accueil spécialisée, en foyer d’hébergement ou en résidence pour personnes âgées. Les modèles évoluent. Nous devons relever deux défis, l’un quantitatif, l’autre qualitatif. L’erreur, dans l’élaboration de la loi, est de viser un modèle unique. Nous devons nous adapter à chaque personne, ce qui n’empêche pas de nourrir une ambition forte. Dès lors, il faut peut-être adapter la charte aux établissements.

M. Jérôme Guedj (SOC). Thibault Bazin a raison de rappeler que la charte des droits et libertés de la personne accueillie a formalisé des bonnes pratiques développées et déployées au lendemain de l’adoption de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico‑sociale et auparavant.

L’amendement d’Astrid Panosyan-Bouvet a le mérite de proposer un changement de paradigme dans l’approche de la personne accueillie, en mettant l’accent sur ses capacités. Il ne s’agit pas d’un message subliminal. Il s’agit d’élaborer « un protocole partagé qui précise les conditions et modalités selon lesquelles l’accompagnement individuel et, le cas échéant, la vie collective, respectent les principes fixés par la charte des droits et libertés de la personne accompagnée ».

Sur ce point, j’aimerais obtenir des précisions. Ce protocole ressemble beaucoup au projet d’accompagnement personnalisé élaboré dans le cadre de la charte de la personne accueillie. S’agit-il d’élaborer un projet de vie à l’échelle plus large de l’établissement ? Là où ce serait intéressant, c’est que le conseil de la vie sociale serait consulté alors qu’il n’est pas toujours saisi de ce sujet. Ou alors, s’agit-il de préciser les projets d’accompagnement personnalisé de chaque personne en matière de droits et de libertés, ou sur des sujets compliqués comme le recours à la contention qui existe parfois dans certains établissements et qui est une atteinte aux droits fondamentaux ?

Mme Caroline Janvier (RE). L’amendement, qu’il faut peut-être réécrire, me semble intéressant. Dans de nombreux établissements, l’approche a beaucoup changé depuis 2002. On ne parle plus de bénéficiaires, mais d’usagers. Or être usager, c’est avoir des droits. On est passé d’hébergements collectifs – j’ai eu l’occasion de visiter des foyers d’hébergement ayant encore des dortoirs – à des chambres individuelles, parfois au regret de certains usagers. Je suis d’accord avec M. Bazin sur un point : on a changé de dimension et certains usagers ont perdu leurs repères.

Néanmoins, on va quand même dans le sens d’un plus grand respect de certains droits, tels que le droit à l’exercice d’un culte et le droit à une vie sexuelle. Ce dernier soulève des questions très concrètes : certains travailleurs sociaux refusent que des personnes s’enferment dans les chambres, d’autres ne savent pas trop comment réagir. Ces droits, il faut les respecter, ce qui suppose d’en parler. Il faut que les équipes d’accompagnement formalisent tout cela et se mettent d’accord sur la façon dont on en permet le plein exercice.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Il s’agit bien d’introduire un changement de paradigme. Loin de moi l’idée de critiquer les pratiques précédentes. Il s’agit, comme le font d’ores et déjà de nombreux établissements, de partir de la capacité des personnes et de leur envie, là où souvent on parle de ce qu’elles ne sont plus capables de faire et de ce qu’elles n’ont plus envie de faire, ce qui a des répercussions considérables sur leur état de santé physique et morale.

Je retire l’amendement pour le réécrire en vue de l’examen en séance publique et en enrichir l’exposé des motifs des observations de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition.

L’amendement est retiré.

Article 5 bis (nouveau) : Création d’un livret d’accueil pour la personne accueillie, en format « facile à lire et à comprendre »

Amendement AS417 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Il s’agit de rendre obligatoire la remise d’un livret d’accueil en facile à lire et à comprendre (FALC) lors de l’admission en ESSMS.

Mme Annie Vidal, rapporteure. De nombreux documents sont fournis lors de l’admission en ESSMS. En outre, le livret d’accueil FALC n’est pas adapté à tout un chacun. Il n’est pas non plus la seule voie pour rendre des documents accessibles. Par ailleurs, l’amendement fait peser une obligation indistincte sur tous les établissements.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Béatrice Piron (RE). De nombreuses personnes ont des difficultés à lire et à comprendre la documentation qui leur est remise. Certaines sont en situation d’illettrisme, d’autres en situation de handicap, d’autres encore n’ont pas envie de lire de longs documents. Cette demande est formulée par de nombreuses personnes. Les directeurs d’établissement sont formés pour faciliter la communication avec les résidents âgés. L’amendement me semble introduire une évolution positive.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Rien n’empêche les directeurs de remettre un livret d’accueil FALC à tous les nouveaux résidents. Par ailleurs, la disposition proposée ne relève pas nécessairement du domaine de la loi.

J’émets un avis de sagesse.

Mme Fanta Berete (RE). Si certains établissements font tout ce qu’il faut faire, d’autres doivent être accompagnés dans la remise à niveau, en raison d’un manque de temps ou de priorités autres. Nous avons amplement évoqué l’accessibilité en général. Le geste proposé me semble positif.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous avons eu l’occasion de rappeler, notamment lors de l’examen de la réforme des retraites, que certaines évolutions n’ont pas lieu sans contraintes.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 bis est ainsi rédigé.

 

Après l’article 5

Amendement AS32 de M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’obliger les ESSMS à formaliser leur plan de formation des professionnels ainsi que leur politique de prévention et de lutte contre la maltraitance, dans le cadre du projet d’établissement ou de service. Certains établissements créent des comités d’éthique. Faut-il les généraliser ? Le travail de formalisation que nous proposons est une façon de l’envisager.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je comprends tout à fait l’intérêt de la formation, dont nous savons tous qu’elle est un outil majeur en matière de ressources humaines, tant d’un point de vue stratégique qu’opérationnel. Toutefois, l’article L. 311-8 du code de l’action sociale et des familles que l’amendement vise à modifier dispose que « ce projet précise également la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance mise en œuvre par l’établissement », ce qui inclut la formation.

Par ailleurs, l’article 22 de la loi du 7 février 2022 dispose : « Ce projet précise également la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance mise en œuvre par l’établissement ou le service, notamment en matière de gestion du personnel, de formation et de contrôle ». Un décret précisera cette disposition.

L’amendement est donc satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). La modification rédactionnelle proposée par l’amendement enrichit l’article précité, mais j’admets que le décret s’en chargera et retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS367 de M. Sébastien Peytavie, amendements identiques AS559 de M. Thibault Bazin et AS702 de M. Olivier Falorni (discussion commune).

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Dans le cadre d’une politique de prévention et de lutte contre la maltraitance, le ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées prévoit d’accompagner les professionnels en assurant un contrôle de la qualité des ESSMS, et de favoriser une culture d’un accompagnement bientraitant. Dans cet objectif et afin d’aller plus loin dans l’accompagnement des professionnels, mon amendement vise à rendre obligatoire une formation à la promotion de la bientraitance.

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de prévoir une formation à la promotion de la bientraitance. On ne peut pas prévoir des sanctions et le dépistage des signalements sans encourager les bonnes pratiques et traiter l’enjeu de la formation, tant initiale que continue. Les métiers évoluent, et chacun peut avoir de mauvais réflexes induisant une maltraitance. Il faut s’adapter, également lorsqu’on évolue dans des structures différentes : les situations de maltraitance peuvent varier en fonction des structures.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’amendement AS702 vise à préciser que le forfait « soins » pourra financer des actions de prévention, notamment en matière de dénutrition, qui est un facteur bien connu et majeur de la perte d’autonomie. Elle entraîne un affaiblissement du corps, des risques d’infection accrus, une dégradation des fonctions essentielles et une fonte de la masse musculaire. Le financement d’actions de prévention telles que l’intervention de diététiciens permettrait de prévenir efficacement la dénutrition.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Ces amendements visent à rendre obligatoire une formation à la bientraitance. J’y souscris pleinement et envisageais moi-même de déposer un amendement en ce sens. Toutefois, la réforme de la formation des agents des ESSMS est en cours depuis la loi du 7 février 2022. Son contenu sera précisé dans le décret qui doit être publié bientôt.

Je suggère le retrait des amendements en attendant leur examen en séance publique.

M. Thibault Bazin (LR). Nous sommes ici pour voter la loi, mais aussi pour contrôler l’action du Gouvernement. Si le législateur a prévu des dispositions dont le Gouvernement ne publie pas les décrets d’application, nous devons agir, d’autant qu’il s’agit d’un sujet qui nous tient à cœur. Des décrets d’application qui ne sont jamais publiés, nous en connaissons. Il me semble nécessaire de ne pas nous détourner de cette question. Nous avons l’occasion d’agir, saisissons-la !

Mme Annie Vidal, rapporteure. La loi du 7 février 2022 prévoit une réforme de la formation des agents. Le décret afférent est en cours de rédaction. Les amendements sont satisfaits.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’exposé sommaire de notre amendement ne correspond pas à son contenu. Nous le maintenons néanmoins.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 5 ter (nouveau) : Demande de rapport sur les mesures de contention dans les établissements médico-sociaux

Amendement AS453 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement suit une recommandation exprimée par la Défenseure des droits dans son rapport de 2021 intitulé « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad », où elle observe que la pratique de la contention physique et médicamenteuse est très répandue en Ehpad sur l’ensemble du territoire pour pallier le manque de personnel ou l’inadaptation de l’établissement à l’état des personnes concernées. Ces situations, qui ne sont acceptables ni pour les résidents ni pour les personnels soignants, trop souvent acculés à ces pratiques par un manque de moyens, doivent être éclaircies et prendre fin. Cette question, que nous avons déjà abordée à propos de la psychiatrie, doit aussi être documentée à propos des Ehpad, pour lesquels nous devrions prendre des mesures d’ordre général et particulier.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Les contentions peuvent être jugées violentes et irrespectueuses des personnes. Il est tout à fait positif de faire le point sur cette question.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 ter est ainsi rédigé.

TITRE II BIS
RENFORCER L’AUTONOMIE DES ADULTES VULNÉRABLES EN FAVORISANT L’APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

(Division nouvelle)

Article 5 quater (nouveau) : Permettre la désignation d’un curateur ou tuteur de « remplacement » par le juge des tutelles

Amendement AS723 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je souhaite que nous prenions en considération les préoccupations des familles liées au décès du proche de l’adulte vulnérable désigné en qualité de tuteur ou de curateur.

Il s’agit de permettre au juge des tutelles, au moment du jugement d’ouverture de la mesure de protection et à tout moment sur demande du majeur protégé ou de son entourage, de désigner, parmi les autres proches du majeur protégé, un curateur ou un tuteur de remplacement, dont la mission commencera immédiatement et automatiquement au décès de la personne initialement désignée. Il s’agit de mieux anticiper le décès de la personne désignée comme curateur ou tuteur auprès d’une personne vulnérable, et d’assurer une continuité dans sa protection.

Nous savons toutes et tous qu’il s’agit d’une vraie préoccupation des familles et des parents dont les enfants devenus adultes sont en situation de vulnérabilité.

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit d’un sujet très important. La disposition proposée ne figure pas dans la proposition de loi initiale. Nous n’avons pas d’étude d’impact. Certes, plusieurs lois relatives à la justice adoptées lors de la précédente législature traitent ce sujet. Toutefois, compte tenu de la situation des mandataires judiciaires, qui attendent de la considération et un statut, et des débats que nous avons avec eux, ne faudrait-il pas, sans nier la bonne intention dont procède l’amendement, traiter la question des personnes protégées au sein d’un texte ad hoc, afin de valoriser les personnes qui les représentent ?

Les attentes demeurent sans réponse, en dépit d’un véritable travail mené par la chancellerie. Je comprends que ce sujet soit abordé après l’article 5, mais j’observe que, lorsque nous abordons des sujets, on nous répond que ce n’est pas le lieu. Il s’agit d’un vrai sujet, dont le traitement exige une solide analyse juridique.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le sujet a été abordé dans le cadre des états généraux de la justice. Il a largement fait l’objet de discussions et de concertations, et fait consensus. Nous pouvons, sans attendre un texte ad hoc, l’aborder à la suite de l’article 5 de la proposition de loi, qui précise les missions de la protection juridique des majeurs. Nous disposons d’un véhicule législatif permettant de répondre aux attentes et aux préoccupations de nombreuses personnes. L’amendement fait partie des enrichissements prévus dès le départ.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 quater est ainsi rédigé.

Article 5 quinquies (nouveau) : Créer un mandat de protection future aux fins d’assistance

Amendement AS725 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’amendement, issu des états généraux de la justice, vise à modifier les règles relatives au mandat de protection future. Il s’agit d’introduire dans le droit français la réforme de la protection juridique des majeurs, qui permet d’anticiper un besoin de représentation en cas de survenance d’une vulnérabilité future.

L’amendement vise à créer un mandat de protection future aux fins d’assistance pour toute personne qui pourrait avoir besoin d’être assistée dans les actes de la vie civile. Le mandat de protection future aux fins de représentation existe mais n’inclut pas les missions d’assistance. La nature du mandat pourra évoluer en fonction de l’altération des facultés de la personne accompagnée. L’amendement renforce les conditions de mise à exécution du mandat de protection future.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Madame la rapporteure, vous posez des questions nécessaires et vous efforcez de résoudre des problèmes, mais votre amendement est presque aussi long que votre proposition de loi, et nécessiterait une analyse.

M. Thibault Bazin (LR). Il y a un réel intérêt à prévoir de telles situations, mais ce sont là des questions très délicates, qui touchent au libre choix, à la possibilité de révoquer ses volontés et à la désignation de personnes susceptibles de protéger celles qui ne peuvent plus s’exprimer.

Par ailleurs, comment définir le « certificat médical circonstancié » et le « simple certificat médical », évoqués dans l’exposé des motifs de l’amendement ? Quant à la « vulnérabilité future », quels sont les champs que couvre cette notion, et les vulnérabilités futures temporaires sont-elles prises en compte ?

Ces questions excèdent la compétence de la commission des affaires sociales et la commission des lois pourrait se saisir pour avis de certains aspects du texte. Il est, du reste, un peu gênant de modifier autant le texte par le biais d’amendements. Avec qui avez-vous travaillé ceux-ci ? Ce travail repose-t-il sur une analyse sérieuse du garde des sceaux, et celui-ci se trouvera-t-il au banc aux côtés du ministre chargé des solidarités, dont les propres compétences sont elles-mêmes dépassées ?

Enfin, il faut, au-delà des personnes vulnérables, sécuriser et protéger par un texte ad hoc celles qui exerceront cette responsabilité, et dont les missions sont très étendues.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La notion de certificat médical circonstancié est un terme juridique qui s’applique déjà pour les mises sous curatelle. Quant au mandat de protection future, il existe déjà aussi, mais s’applique à des missions de représentation, alors qu’il s’agirait ici de missions d’assistance.

Par ailleurs, j’ai travaillé ces amendements avec la chancellerie et le ministre sera présent lors de leur examen.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 quinquies est ainsi rédigé.

Article 5 sexies (nouveau) : Évolution du dispositif d’habilitation familiale

Amendement AS724 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’amendement vise à favoriser le recours à l’habilitation familiale et à en faire une alternative aux mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Il est ainsi proposé d’élargir la liste des personnes habilitées à assister ou à représenter un adulte vulnérable à tout « parent ou allié », afin d’englober toutes les organisations familiales, qui peuvent jouer un rôle fondamental dans la protection des adultes vulnérables mais ne peuvent pas, en application des textes actuels, être désignées en qualité de personnes habilitées.

Afin de mieux prendre en considération les préoccupations des familles liées au décès du proche de l’adulte vulnérable désigné en qualité de personne habilitée, cet amendement a par ailleurs pour objet de permettre au juge des tutelles de proposer une personne habilitée de remplacement, comme on l’a proposé dans les amendements précédents à propos d’autres mandats.

L’objectif de cette disposition est d’anticiper le décès du proche qui accompagne afin d’éviter une rupture dans la continuité de l’accompagnement de l’adulte vulnérable.

M. Thibault Bazin (LR). Comme les deux précédents, cet amendement pose question. S’ils ont été rédigés par la chancellerie, un projet de loi assorti d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État serait préférable, vu la gravité des questions abordées. Cela n’implique pas que la mesure n’aille pas dans le bon sens, mais nous devons le vérifier.

Alors que nous examinons un texte sur le bien‑vieillir, ces mesures de protection concernent parfois des adultes qui ne sont pas du tout âgés – ces personnes peuvent avoir 20 ou 30 ans – ni nécessairement en perte d’autonomie, notamment dans le contexte du handicap. Voulons-nous ouvrir, avec ces amendements, l’ensemble du texte sur le handicap ? L’autonomie est en effet une question plus large que celle du bien‑vieillir, et elle se pose à tous les âges.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Face à des situations complexes, la rapporteure s’efforce de faciliter la vie des personnes vulnérables et de mieux les protéger. Toutefois, comme vient de le dire M. Bazin, cet amendement risque d’être un cavalier législatif, car il s’éloigne de l’objet initial du texte. En effet, les personnes vulnérables ne sont pas seulement les personnes âgées.

Par ailleurs, on ne voit guère la cohérence de ces trois amendements, qui manquent d’une vision d’ensemble. Quelles sont les imbrications de ces dispositifs et comment s’adaptent-ils à différentes situations ? Sans doute y avez-vous réfléchi, mais ce n’est pas la première fois que cette question se pose et nous sommes saisis, dans nos circonscriptions, par des familles en difficulté, confrontées à des tutelles ou des curatelles qui se passent mal ou dans l’impossibilité de désigner la personne qui conviendrait. Ces questions sont réelles, mais elles demandent une approche globale et cohérente que cette manière de légiférer ne permet pas.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Ces trois amendements tendent à introduire des changements importants et il est regrettable que nous n’ayons pas le temps de les examiner vraiment en détail. Nous pouvons certes les amender en vue de la séance, mais le délai de dépôt fixé à jeudi dix-sept heures est très proche. C’est peu respectueux du travail parlementaire.

Mme Josiane Corneloup (LR). Dans le débat assez fourni que nous avons eu hier sur l’article 1er et la conférence nationale de l’autonomie, j’ai évoqué la loi de 2005, qui visait à faire converger les situations des personnes âgées et des personnes handicapées, mais on m’a répondu que la situation des personnes handicapées était plus compliquée et ne pouvait pas être concernée par cet article. Or, avec ces trois articles qui pourraient à eux seuls constituer un texte consacré à cette question, nous changeons de champ : il ne s’agit plus de la perte d’autonomie telle qu’elle était présentée initialement dans l’exposé des motifs.

M. Yannick Neuder (LR). Il semble en effet que nous assistions à un changement de pied. On nous a « vendu » le bien‑vieillir comme une première étape avant une loi « grand âge », nous avons discuté des financements, notamment de 2,4 milliards d’euros qui arriveraient progressivement, et on nous a dit qu’il fallait attendre la clôture des travaux du Conseil national de la refondation. Et voilà que, d’un coup, il est question de personnes vulnérables qui ne sont pas forcément âgées. Il semble que cela nous mène à marche forcée vers des sujets certes importants, mais qui ne relèvent pas vraiment de ce texte. Pouvez-vous nous indiquer, madame la rapporteure, ce qui motive leur introduction dans cette proposition, présentée comme une occasion de débattre avec le ministre ? De fait, nous restons sur notre faim, car ce qui nous paraît important ne figure pas dans le texte, tandis que des mesures qui justifieraient un texte spécifique sont introduites sous forme d’amendements. Il y a là un certain changement de stratégie !

M. Jérôme Guedj (SOC). Cette proposition de loi a, nous l’avons déjà dit, un caractère de fourre-tout assez sympathique, mais ces amendements en modifient la finalité en introduisant la protection juridique des majeurs, question qui nécessite certes des évolutions législatives, mais qui ne peut faire l’objet que d’une appréciation globale.

La magistrate Agnès Caron-Déglise a produit en 2018 un rapport sur cette question, comportant des dizaines de propositions dont certaines ont été mises en œuvre dans des textes. Nous avons eu l’occasion d’évoquer ces points avec elle dans le cadre d’auditions portant sur l’évaluation de la « loi Claeys-Leonetti », et certaines des propositions avancées aujourd’hui font écho à des pistes qui figuraient dans ce rapport.

Toutefois, on ne saurait appréhender la refonte nécessaire de la tutelle et de la curatelle, et plus largement de la protection juridique des majeurs, par petits bouts. Cette question doit être étudiée avec la commission des lois et faire l’objet d’une étude d’impact significative. Or nous n’avons pas même le début du commencement d’une appréciation des conséquences de ces changements, qui auront des effets en cascade. Cela confirme que ce texte soulève des problèmes de méthode.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous sommes tous sollicités, dans nos circonscriptions, à propos de ces questions de curatelle, de tutelle et d’habilitations familiales, et nous entendons les inquiétudes des parents ayant des enfants sous protection. Dans le cadre des états généraux de la justice, j’ai travaillé avec la chancellerie pour proposer ces amendements, qui sont attendus. Ce texte n’est pas un fourre-tout, et son article 5 traite des mandataires judiciaires et des majeurs protégés. Pour ce qui est de l’intégration des personnes en situation de handicap, je vous ai dit dès que nous avons commencé l’analyse des articles 3, 4 et 5, consacrés à la promotion de la bientraitance des personnes vulnérables, que nous intégrions aux vulnérabilités prises en compte celles qui sont liées à l’âge et au handicap, ce qui pose nécessairement la question de la protection des majeurs.

Conformément à l’objet même de cette proposition de loi, ces amendements visent à répondre à des attentes identifiées sur le terrain. Ils ne figuraient certes pas dans le texte initial, mais ils se fondent sur un véritable travail. On ne saurait en effet imaginer que les états généraux de la justice ne se soient pas entourés de toutes les précautions nécessaires avant de proposer ces mesures, attendues par les magistrats autant que par les familles. Il s’agit, avec ces dispositifs, de renforcer l’autonomie des adultes vulnérables et de permettre l’expression d’un choix anticipé.

Enfin, je le répète, le ministre sera présent au banc et vous pouvez encore amender ces trois articles additionnels d’ici à l’examen du texte en séance publique.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 sexies est ainsi rédigé.

TITRE III
GARANTIR À CHACUN DES CONDITIONS D’HABITAT AINSI QUE DES PRESTATIONS DE QUALITÉ ET ACCESSIBLES, GRÂCE À DES PROFESSIONNELS ACCOMPAGNÉS ET SOUTENUS DANS LEURS PRATIQUES

Amendement AS522 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup (LR). La plupart des solutions d’habitat proposées aux personnes âgées et aux personnes handicapées sont bien trop rigides et corsetées pour qu’elles puissent se sentir chez elles. Force est de constater que, la plupart du temps, ni la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ni l’habitat inclusif, ni les divers modes de vie en institutions, ni la vie chez des proches, ni même dans un logement indépendant ne répondent entièrement à leurs attentes. Il est donc urgent d’imaginer des politiques publiques qui permettent une diversité de solutions modulables, afin que chaque personne puisse avoir un mode d’habitat – qu’il soit collectif, semi-collectif, familial, indépendant, en colocation ou participatif – adapté à ses aspirations et à ses besoins.

L’amendement vise à remplacer le terme « hébergement » par la mention d’un « habitat » dans lequel ces personnes se sentent véritablement chez elles et vivent en fonction de leurs choix, de leurs habitudes et de leurs préférences.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cette évolution me semble très utile et j’y souscris pleinement. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’intitulé du titre III est ainsi modifié.

Article 6 : Expérimentation d’une carte professionnelle de l’aide à domicile

Amendement AS744 de Mme Annie Vidal et sous-amendement AS745 de Mme Caroline Janvier, amendement AS685 de Mme Anne Bergantz, amendements identiques AS556 de Mme Justine Gruet et AS560 de M. Thibault Bazin, amendements AS471 de M. Pierre Dharréville, AS264 de M. Dino Cinieri et AS529 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune).

Mme Annie Vidal, rapporteure. Mon amendement vise à remplacer l’expérimentation initialement prévue par une généralisation de la carte professionnelle pour les intervenants à domicile. Cette évolution a été travaillée avec nos collègues des groupes de la majorité. Les modalités d’application et les conditions d’accès à cette carte seront fixées par décret, après avoir été définies notamment avec les organisations représentatives des professionnels. L’application du dispositif interviendra dès la parution du décret, au plus tard le 1er janvier 2025.

Mme Caroline Janvier (RE). Mon sous-amendement vise à préciser les objectifs et le contenu de cette carte professionnelle – idée qui, je le rappelle, revient à notre collègue Véronique Hammerer, dont la proposition, présentée sous la forme d’un amendement à un précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), avait été rejetée comme un cavalier législatif. Il s’agit cependant d’une avancée très concrète pour faciliter les déplacements des aides à domicile, qui, dans la majorité des cas, utilisent leur véhicule personnel et pour qui le temps passé à trouver une place de stationnement entre deux interventions de trente minutes, ainsi que les frais y afférents, sont de véritables contraintes. Il avait également été envisagé que cette carte puisse être utilisée par ces professionnels pour perdre moins de temps à faire la queue lorsqu’ils font les courses, ce qui peut leur arriver jusqu’à cinq fois par jour. La proposition de loi ne fournissant pas une précision suffisante, c’est l’objet de ce sous-amendement.

Mme Anne Bergantz (Dem). Mon amendement vise à accélérer l’application de la carte de mobilité. Le sous-amendement de Mme Janvier tend judicieusement à associer à cette carte des droits et des avantages, et l’accès aux zones à faible émission (ZFE) serait à cet égard un élément très positif car, même si certains départements prévoient déjà le financement de voitures électriques, cela ne pourra pas être le cas pour toutes les personnes travaillant dans le domaine de l’aide à domicile. Au reste, ce dispositif d’exemption peut être comparé à celui de la carte mobilité inclusion.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS556 vise à déployer la carte professionnelle et à étendre son éligibilité à l’ensemble des professionnels exerçant dans un établissement ou service médico-social, sans passer par l’expérimentation prévue à l’article 6 de la proposition de loi. On sait en effet combien souffrent ces personnes, qui ont besoin de voir leur statut revalorisé. La carte professionnelle permettrait de leur donner un peu d’espoir et de leur témoigner une certaine reconnaissance.

M. Thibault Bazin (LR). Si je comprends bien, l’amendement de la rapporteure, éventuellement sous-amendé, fera tomber tous les autres. Il est un peu dommage, madame la rapporteure, que vous réécriviez votre propre proposition de loi dès son examen en commission. J’espère qu’il ne nous sera pas proposé une nouvelle réécriture en séance, car il est bon de savoir sur quoi nous travaillons.

Par ailleurs, la date du 1er janvier 2025 est très lointaine et mieux vaudrait envisager une entrée en vigueur plus rapide de ce dispositif.

En outre, si certains professionnels interviennent à domicile, il ne faut pas oublier pour autant ceux qui travaillent dans des établissements.

Enfin, la loi précisera-t-elle diverses hypothèses ou renverra-t-elle systématiquement au décret pour tous les éléments du dispositif ? Sommes-nous assurés que ce décret traitera des formations et des capacités, ainsi que des conditions de retrait de cette carte professionnelle ? En effet, la création de droits entraîne parfois des abus, et les professionnels eux-mêmes demandent de la vigilance pour la délivrance de cette carte. Ce nouvel amendement de réécriture totale de l’article soulève donc de nombreuses questions. Le bricolage continue !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). On peut en effet s’interroger, comme nous le faisons depuis le début, sur les objectifs visés. Ne pas recourir à l’expérimentation nous semble une bonne chose, et la Mutualité française partage cet avis. La carte professionnelle est une proposition qui figurait déjà dans les rapports Libault et El Khomri, et notre amendement vise à en élargir les usages, afin de lever quelques entraves à l’exercice des missions de ces professionnels. L’essentiel reste toutefois qu’il n’y aura pas d’expérimentation.

M. Dino Cinieri (LR). La carte professionnelle créée pour les professionnels des services d’autonomie à domicile permet à son détenteur de bénéficier du stationnement gratuit dans des conditions déterminées par décret. Cette mesure ne doit pas être réservée à certains territoires, mais bénéficier à tous les soignants et aidants à domicile.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Mon amendement tend à supprimer l’expérimentation pour accélérer l’entrée en vigueur de la carte professionnelle, sans attendre 2025. Cette mesure est en effet attendue depuis un certain temps.

Par ailleurs, alors que l’attribution et le retrait des cartes professionnelles sont généralement gérés par les ordres concernés, ce n’est pas le cas ici et il faut donc préciser mieux les modalités de ce dispositif.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Mon amendement est plus d’écoute que de bricolage. Les nombreuses personnes que j’ai auditionnées, ainsi que nombre de nos collègues, s’interrogent sur la durée de cette expérimentation, déjà censurée par le Conseil constitutionnel dans une LFSS, et se demandent pourquoi attendre. J’ai travaillé à cette question pour tenter de répondre dès ce soir à une attente très forte de votre part et de celle des organisations.

Le texte prévoit bien les modalités de délivrance et de retrait de cette carte, destinée à l’ensemble des intervenants au domicile des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. En revanche, il ne serait pas pertinent d’inscrire dans la loi toutes les modalités possibles, qui seront fixées par un décret dont l’élaboration permettra de discuter avec les organisations professionnelles des qualifications nécessaires pour avoir accès à cette carte.

La mesure a bien évidemment vocation à s’appliquer à toutes les personnes intervenant au domicile et à tous les territoires, mais certaines mesures pratiques doivent être discutées avec les organisations professionnelles. Ces modalités seront donc précisées par décret, ce qui nous donnera le temps de cette discussion – laquelle aurait, du reste, été également nécessaire pour l’expérimentation.

Quant au sous-amendement, j’y suis défavorable, afin de ne pas inscrire dans la loi une modalité plutôt qu’une autre.

Mme Caroline Janvier (RE). Je retire donc mon sous-amendement pour le présenter à nouveau en séance, car je souhaiterais savoir comment le Gouvernement compte rédiger ce décret.

M. Yannick Neuder (LR). La carte professionnelle nous semble répondre à une demande. Certains amendements, soulevant par exemple les problèmes bien réels des ZFE ou du temps passé aux courses, sont de bon sens, mais vous ne les reprenez pas, en nous expliquant qu’il faut encore un peu de temps. Cela ne vous pose donc aucun problème de faire passer en une demi-heure trois amendements ayant pratiquement le volume d’un texte entier et portant sur la situation de personnes vulnérables qui ne relèvent pas de la loi « grand âge » et qui ne sont même pas âgées, alors que, même en supprimant l’expérimentation, vous imposez un délai d’au moins dix-huit mois pour la mise en service d’une carte qui est une mesure de bon sens et qui assurera l’accessibilité des acteurs de l’aide à domicile dans les différents territoires, qu’il s’agisse ou non de ZFE et que ces acteurs soient ou non équipés de véhicules électriques. C’est un peu décevant ! Nous voulons bien être constructifs, mais il ne faut pas multiplier les difficultés.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il était très surprenant que votre rédaction initiale ait retenu l’hypothèse de l’expérimentation, qui avait été censurée dans le cadre de la LFSS. C’est une bonne chose que vous vous en soyez rendu compte et ayez déposé un amendement pour y remédier. Vous renvoyez néanmoins au décret les modalités d’application. Or, en la matière, le diable se niche dans les détails.

Quels types de professionnels seront concernés ? Certains amendements soulèvent des questions intéressantes. Les personnes travaillant pour des services prestataires devraient, bien sûr, bénéficier du dispositif, mais quid des services mandataires et de l’emploi direct ? Ce dernier représente 1 700 000 salariés, qui peuvent faire aussi bien de l’aide à domicile, auprès de personnes de plus de 70 ans, que du jardinage ou de la garde d’enfants. Va-t-on leur donner cette carte ? S’agissant des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), il faudrait quand même expliciter qu’ils bénéficieront de cette mesure. Par ailleurs, les articles auxquels la proposition de loi renvoie ne mentionnent pas les accueillants familiaux, qui accompagnent à leur domicile les personnes âgées.

On a aussi l’impression que la seule finalité de la carte sera de faciliter le stationnement. Or on s’est rendu compte, durant la crise du covid, qu’il y avait d’autres difficultés : les professionnels de l’aide à domicile étaient censés être prioritaires pour l’obtention, dans les pharmacies, d’équipements de protection individuelle, notamment des masques, mais beaucoup ne pouvaient pas attester leur qualité, ce qui a conduit à des scènes ubuesques. Il a fallu travailler sur cette question avec l’Ordre des pharmaciens pour que des équipements soient distribués à des gens qui ne pouvaient montrer que des attestations de type chèque emploi service universel (Cesu) ou des fiches de paie.

Il y aurait donc un travail intéressant à mener, en tant que législateurs, mais vous renvoyez à un décret.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous avons, effectivement, un peu le sentiment de nous dépouiller de notre rôle législatif en procédant de la sorte. Nos amendements, qui risquent de tomber, visent notamment à préciser quels professionnels pourront prétendre à cette carte et quelles seront les conditions minimales requises – nous pensons aux professionnels des services d’autonomie à domicile et aux salariés des particuliers‑employeurs, qu’ils fassent appel ou non à une personne morale.

Il est un peu singulier que des amendements très précis aient été adoptés tout à l’heure en deux temps, trois mouvements et que nous nous privions maintenant de la possibilité de faire notre travail. Nous devons regarder de quelle manière cette carte répondra aux enjeux qui conduisent à la créer.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous parlons depuis hier du manque de personnel et de la nécessité de renforcer l’attractivité des métiers. La carte professionnelle ne peut pas être qu’une simple carte : elle doit apporter des avantages, et ceux-ci doivent être précisés. On a vu durant la crise sanitaire les problèmes rencontrés par les aides à domicile lors des distributions de masques. Par ailleurs, ces personnes sont fréquemment appelées à faire des courses pour ceux qu’elles accompagnent, et il semble important de leur permettre d’accéder à des caisses prioritaires. Il faut aussi penser à la distribution de carburant en cas de pénurie : nous avons dû intervenir auprès des préfets, car les aides à domicile avaient été oubliées lors de la constitution des listes. Il faudrait travailler point pour point sur ces différentes questions pour faciliter, au quotidien, le travail des aides à domicile.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’essentiel est de sortir de l’expérimentation afin d’aller vers une généralisation de la carte professionnelle. La rédaction proposée est volontairement très large en vue d’englober le maximum de professionnels. L’amendement ne précise pas si les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), les Ssiad ou les Spasad sont concernés, car tout le monde l’est. Je comprends toutefois, dans la perspective du décret, la volonté d’être précis. Vous pourrez déposer d’autres amendements d’ici à la séance publique.

Le sousamendement AS745 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS744 et l’article 6 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent ainsi que l’amendement AS598 de M. François Gernigon, les amendements identiques AS49 de M. Yannick Neuder, AS169 de M. Thibault Bazin, AS242 de Mme Émilie Bonnivard, AS299 de Mme Isabelle Valentin et AS469 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS156 de M. Thibault Bazin, AS591 de M. Cyrille IsaacSibille et AS671 de Mme MarieAgnès PoussierWinsback, les amendements AS170 de M. Thibault Bazin, AS470 de M. Yannick Monnet et AS300 de Mme Isabelle Valentin, les amendements identiques AS188 de M. Yannick Neuder et AS499 de Mme Josiane Corneloup, les amendements AS175 de M. Jérôme Guedj, AS565 de Mme Danielle Brulebois et AS728 de Mme Annie Vidal, les amendements identiques AS214 de M. Vincent Descoeur, AS253 de M. Thibault Bazin et AS541 de Mme Josiane Corneloup, les amendements AS262 de M. Dino Cinieri, AS672 de Mme MarieAgnès PoussierWinsback, AS301 de Mme Isabelle Valentin et AS608 de M. François Gernigon, les amendements identiques AS50 de M. Yannick Neuder, AS171 de M. Thibault Bazin, AS243 de Mme Émilie Bonnivard et AS302 de Mme Isabelle Valentin, les amendements identiques AS51 de M. Yannick Neuder, AS172 de M. Thibault Bazin, AS244 de Mme Émilie Bonnivard, AS303 de Mme Isabelle Valentin et AS597 de M. François Gernigon et l’amendement AS571 de Mme Christelle D’Intorni.

Article 7 : Création d’une aide financière annuelle pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l’aide à domicile

Amendements identiques AS52 de M. Yannick Neuder, AS173 de M. Thibault Bazin, AS304 de Mme Isabelle Valentin, AS506 Mme Josiane Corneloup et AS684 de Mme Anne Bergantz, et amendement AS472 de M. Yannick Monnet (discussion commune).

M. Yannick Neuder (LR). Nous souhaitons assouplir les critères en remplaçant le terme « mobilité », qui est un peu restrictif, par une rédaction permettant d’inclure tous les modes de transport, individuels ou collectifs, des salariés travaillant pour des personnes âgées ou à mobilité réduite en raison d’un handicap.

M. Thibault Bazin (LR). Cet article de la proposition de loi est bienvenu. On sait, en effet, que la mobilité compte dans l’attractivité des métiers. Certains services autonomie mettent des véhicules à la disposition de leur personnel, d’autres réfléchissent à du partage, et d’autres encore versent des indemnités, même si l’évolution de ces dernières, en particulier lorsqu’elles sont kilométriques, n’est pas toujours adaptée.

Les périmètres d’intervention sont divers. Quand on travaille dans une métropole très bien dotée en services de transport en commun, il est plus pertinent et plus écologique de les utiliser. En milieu très rural, en revanche, ce n’est pas tout à fait vrai. Il faut veiller à la bonne adaptation du dispositif aux réalités territoriales, afin d’assurer l’attractivité des métiers aussi du point de vue de la mobilité, pour tous et partout. Mon amendement fait ainsi référence à tous les modes de transport, individuels et collectifs – il resterait peut-être à ajouter « partagés ».

Mme Isabelle Valentin (LR). Il est important de préciser que l’aide financière versée aux départements par la CNSA doit permettre de soutenir la mobilité des professionnels intervenant à domicile, par tous types de transport et de modes de déplacement.

J’ai par ailleurs une question : comment aider les personnes rémunérées par le biais du Cesu ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Chacun sait la part de la mobilité dans le budget des aides à domicile. Toute aide supplémentaire de la CNSA aux départements pour aider à prendre en charge le coût relatif aux déplacements est vraiment bienvenue. Il faut néanmoins veiller à prendre en compte tous les types de transport, dans tous les territoires, qu’ils soient urbains, ruraux ou périurbains. Beaucoup de départements et de fédérations achètent ou louent des véhicules, ce qui est tout à fait judicieux – c’est très apprécié des aides à domicile et cela contribue à améliorer l’attractivité des métiers.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il est important de proposer des aides financières pour tous les types de transport, qu’ils soient individuels ou collectifs. Cela fait partie, effectivement, de l’attractivité des métiers.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous avons déposé notre amendement dans le même état d’esprit. Les professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile, qui ont des rémunérations relativement faibles et souffrent de l’inflation, subissent une situation assez intenable. Nous devons leur permettre de bénéficier d’une aide, en évitant de créer des inégalités selon les situations. Par ailleurs, cela ne doit pas empêcher les départements de mettre en œuvre des politiques offensives pour aider à transformer les équipements, notamment par des investissements dans les transports collectifs. En effet, ce n’est pas grâce au type de dispositif que nous sommes en train d’examiner qu’on parviendra à améliorer les modes de déplacement.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis favorable aux amendements identiques, qui apportent une précision utile, mais défavorable à l’amendement AS472, pour des raisons rédactionnelles.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je soutiens ce dernier amendement, et j’aimerais en profiter pour revenir plus généralement sur l’article 7, qui est inspiré par une louable intention, mais conduit, au fond, à aborder la question de la tarification des services à domicile en s’y prenant, comme vous le faites systématiquement pour ces sujets gigantesques, voire principiels, par le petit bout de la lorgnette. C’est l’employeur qui supporte actuellement le coût de l’indemnisation des frais de transport – je pense notamment aux frais kilométriques, qui sont de 0,35 euro par kilomètre –, et vous savez qu’une demande récurrente est que la prise en charge tienne compte de la problématique du surcoût de l’essence.

L’article 7 prévoit que la CNSA verse une aide financière annuelle aux départements afin de contribuer au soutien à la mobilité des professionnels, mais nous n’avons aucune vision de l’impact que cela aura sur la tarification. Comment cette aide va-t-elle ruisseler, si je puis le dire ainsi ? Il est prévu que les modalités du versement de l’aide aux départements seront fixées par décret – puisqu’il faudra bien que cela transite de la CNSA vers les départements –, mais on ne sait rien de la manière dont, ensuite, ces derniers en tiendront compte pour la tarification des services à domicile. De quelle façon a-t-on travaillé sur cette proposition avec l’Assemblée des départements de France (ADF) ? Il y a autant de départements que de systèmes de tarification. Je viens, par exemple, d’un territoire dans lequel nous avons mis une prestation horaire qualité prévoyant un bonus. Dans la rédaction actuelle de l’article, on ne sait pas exactement comment pourra être assurée, même un tant soit peu, une égalité de traitement au niveau territorial.

M. Thibault Bazin (LR). Tout l’intérêt du cumul des mandats est de permettre, notamment quand on est en même temps conseiller départemental, d’avoir une expertise. La question posée par Jérôme Guedj est fondamentale.

Les dispositifs de financement de l’autonomie engagés pour un cycle de trois ans portent sur la création de dotations qualité dans les services autonomie et l’attractivité des métiers de l’accompagnement, notamment sous l’angle de la mobilité. Certaines mesures ont déjà été expérimentées, parfois sans financement national. Lorsqu’on a, ainsi, déjà commencé à travailler sur la mobilité, risque-t-on de ne pas bénéficier, demain, de la dotation que vous prévoyez ? Vous direz peut-être que vous ne pouvez pas répondre à cette question, parce que cela dépend du Gouvernement, mais il faudrait tout de même faire en sorte de ne pas pénaliser ceux qui sont aujourd’hui mieux‑disants. Ce serait une profonde injustice.

À travers cette question de la mobilité et plus généralement de l’attractivité des métiers, on voit bien qu’il faut veiller à ce que le modèle ou l’approche que nous imaginons permette d’assurer une forme d’équité entre ceux qui exercent ces métiers parfois compliqués et nécessitant de faire de nombreux trajets. C’est un peu un des soucis à l’heure actuelle : un problème d’harmonisation se pose, car une forme de concurrence a pu se développer par le biais de l’indemnisation kilométrique, à défaut d’autres possibilités d’action dans le cadre de la convention collective – il faut se dire les choses au sein de cette commission. La question, potentiellement très intéressante, de la mobilité doit être intégrée dans une approche plus globale de valorisation des acteurs du soin à domicile et des établissements.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La question de savoir comment on assure la rémunération de ces professionnels et la tarification dans les organismes est assez centrale. Comme l’a souligné le secrétaire général du réseau Aide à domicile en milieu rural lors de la séance de contrôle qui s’est déroulée hier soir, il existe des disparités extrêmement fortes entre les départements. Elles sont liées, en partie, à des choix politiques, mais aussi aux difficultés financières que rencontrent certaines collectivités compte tenu des dotations versées – ou non – par l’État. Le niveau de rémunération souhaité pour les personnels concernés, qui doit au moins leur permettre de faire face au quotidien, et la manière dont on accompagne les organismes pour leur donner véritablement les moyens de fonctionner sont de véritables questions. Un certain nombre d’organismes ont en permanence des difficultés à garder la tête hors de l’eau : ils tirent le diable par la queue tous les mois depuis des années.

La manière dont vous abordez le sujet suscite l’interrogation. Vous prévoyez que la CNSA verse une aide financière annuelle aux départements, mais on ne connaît ni le niveau de cette aide, ni les besoins auxquels elle doit correspondre, ni les critères qui seront appliqués. L’intention est peut-être louable, mais l’imprécision de ce que vous proposez risque de conduire à une loi assez inopérante : on se demande si ce texte contribuera réellement à aider les départements à être au bon niveau et à équilibrer la situation dans l’ensemble du territoire. Plus je lis cet article de la proposition de loi, plus je suis dubitatif quant à ses effets.

Mme Isabelle Valentin (LR). Thibault Bazin a parlé de l’équité entre les territoires. Il faut également faire attention à l’équité entre les salariés – ceux des structures et ceux des particuliers‑employeurs. Comment allons-nous inclure ces derniers dans cette aide à la mobilité ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Cette aide destinée aux départements mérite d’être retravaillée, car elle aura immédiatement une incidence sur les coûts de fonctionnement. Des disparités existent déjà : certains services mettent à la disposition de tous leurs salariés, ou seulement d’une partie d’entre eux, des véhicules qu’ils ont achetés. On est incapable d’apprécier les répercussions sur le coût horaire d’un abondement qui serait versé par les départements. Cette mesure conduirait à des disparités encore plus fortes en fonction de la prise en charge, partielle ou complète, du transport.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’idée est de compenser le coût du soutien à la mobilité. Il faut accompagner les départements qui ont déjà pris des initiatives et encourager les autres à agir également, que ce soit sous forme de l’acquisition de véhicules propres, de la location ou du versement d’une aide pour le contrôle technique. Nous reviendrons sur la tarification des services à la faveur de l’article suivant.

M. François Gernigon (HOR). J’ajoute que l’aide de la CNSA aux départements permettra aux structures d’aide à domicile qui versent des indemnités kilométriques de faire des économies.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS472 tombe.

Amendements identiques AS53 de M. Yannick Neuder, AS174 de M. Thibault Bazin, AS305 de Mme Isabelle Valentin et AS507 de Mme Josiane Corneloup, et amendement AS636 de Mme Émilie Bonnivard (discussion commune).

M. Yannick Neuder (LR). Cet article pose des questions en matière d’équité. Tant mieux si on peut travailler, grâce aux amendements qui ont été adoptés, sur les différentes formes de mobilité, collectives ou individuelles, mais il faut aussi penser à l’équité géographique, entre les secteurs urbains, ruraux et périurbains. Je ne veux pas stigmatiser, bien au contraire, les métropoles qui créent des ZFE afin de préserver la qualité de l’air, mais il faut faire attention à ce que ceux qui se rendent au domicile des personnes âgées ou handicapées puissent bien bénéficier d’exonérations, de dispenses – d’où l’intérêt d’une carte professionnelle à laquelle elles seraient attachées. Il ne faudrait pas que l’idée d’une mobilité collective partagée dans tous les territoires empêche de se rendre au domicile des personnes à cause du prix du carburant ou des distances à parcourir, qui font que tout le monde ne peut pas avoir un véhicule électrique. Nous devons favoriser tous les modes de déplacement des aides à domicile, en s’assurant que les coûts sont les plus équitables possible.

M. Thibault Bazin (LR). La LFSS 2022 a prévu une évolution des dotations d’autonomie sur plusieurs années. Dans ce cadre, les dotations qualité peuvent varier en fonction des engagements des départements et des acteurs concernés. Les vannes, si j’ose dire, ne sont pas ouvertes partout de la même manière. Le petit tuyau de la mobilité aura-t-il la même taille dans tous les territoires, peu importe la vitesse de croisière atteinte dans le département en matière d’autonomie, ou bien est-ce un des éléments constitutifs de la vanne ? Mon amendement tend à préciser qu’il ne doit pas exister de distinctions entre les territoires.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement AS636 est défendu.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je ne peux pas, après la défense imagée de notre collègue Bazin, refuser les amendements identiques. La précision qu’ils tendent à apporter me va très bien. Avis défavorable, en revanche, à l’amendement AS636, pour des raisons rédactionnelles.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement AS636 tombe.

Amendement AS176 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Ce sont normalement les rapporteurs qui déposent des amendements rédactionnels. Je vous propose donc celui-ci, qui vise à corriger une erreur de référence, avec un certain plaisir.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Ce n’est pas exactement un amendement rédactionnel... Nous devons laisser l’article dans sa rédaction actuelle afin de prendre en compte la fusion prochaine des Saad, des Ssiad et des Spasad – tous les acteurs du soin à domicile sont compris.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Effectivement, ce n’est pas un amendement rédactionnel. De fait, la question du périmètre du public qui va bénéficier de cette mesure se pose.

L’article L. 313‑1‑3 du code de l’action sociale et des familles renvoie lui-même à l’article L. 312-1 – celui que notre collègue Bazin propose d’y substituer –, au sixième alinéa duquel il est question des établissements et services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale. Les services autonomie à domicile, qui sont au cœur de l’article 7 de la proposition de loi, n’y figurent pas encore. Le dispositif que vous mettez en place pourrait donc tout aussi bien – et pourquoi pas ? – bénéficier aux Ehpad ou aux foyers d’accueil médicalisés.

Autre problème, un certain nombre d’acteurs risquent d’être exclus, même si les services autonomie à domicile sont concernés. Le présent article s’appliquera-t-il uniquement, puisqu’il est question d’une aide transitant au niveau départemental, aux services tarifés par les départements ? Quid de l’emploi direct et des accueillants familiaux, dont nous avons déjà parlé, et des autres catégories d’intervenants à domicile qui ne sont pas incluses dans ces dispositions ?

M. Thibault Bazin (LR). J’ajoute que les Ehpad peuvent devenir des centres de ressources territoriaux : il ne faudrait pas exclure certains acteurs qui participeraient à des exercices mixtes. Nous devrions peut-être réécrire totalement cet article d’ici à la séance publique.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Non. L’article s’appliquera lorsqu’entreront en vigueur, à partir de juin 2023, les services autonomie prévus en LFSS, à la place des actuels Saad, Ssiad et Spasad.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS610 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Cet amendement a pour objectif de préciser que l’aide annuelle versée par la CNSA est déterminée en fonction des besoins du département – ces derniers sont très divers en matière de mobilité, suivant la nature des territoires.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable.

Cette précision ne me semble pas utile : les aides de la CNSA ont vocation à aider au financement du soutien fourni par les départements en matière de mobilité, sans distinction d’ordre territorial.

L’amendement est retiré.

Amendement AS606 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Il s’agit de préciser que les affectations et le bilan des aides versées doivent être transmis à la CNSA, afin qu’une évaluation de l’efficacité du dispositif dans chaque département puisse être réalisée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cette précision-là est utile. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS624 de M. Michel Castellani.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nous voulons nous assurer, grâce à une précision rédactionnelle, que l’aide financière prévue à l’article 7 pourra être perçue non pas seulement par les départements, mais aussi par les collectivités territoriales uniques – la Corse, la Martinique, la Guyane et Mayotte.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il va de soi que cette aide concerne tout le territoire national, y compris la Corse, la Martinique, la Guyane et Mayotte. Votre demande est satisfaite.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS600 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Je propose de compléter l’article pour veiller à la bonne prise en compte de la pluralité des modalités de transport et du périmètre géographique d’action des professionnels concernés.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Ces précisions ont déjà été apportées grâce à l’adoption d’autres amendements. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement AS593 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Il faudrait veiller à ce que les aides versées servent à financer, lorsque c’est possible, des véhicules à faibles ou très faibles émissions.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis favorable. Il est effectivement très intéressant de s’orienter dans ce cadre vers des véhicules propres.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS336 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Nous entamons l’examen d’une série d’amendements issus du rapport Bonnell-Ruffin, rapport construit, donc, avec un ancien député de la majorité.

Je précise que nous demandons une augmentation de l’aide reçue par les départements, même si l’article 40 nous empêche d’en discuter.

Ces amendements demandent que le versement des aides financières annuelles de la CNSA se fasse sous certaines conditions.

Les accidents du travail sont plus fréquents chez les auxiliaires de vie sociale que chez les maçons. Il faut des formations, nous y viendrons ; il faut doubler les auxiliaires pour certaines pathologies lourdes. Il faudrait, en amont de l’intervention des aides à domicile, établir un diagnostic du domicile pour s’interroger sur les accidents qui pourraient survenir. Une usine, un bureau sont des lieux faits pour le travail ; un domicile ne l’est pas. C’est pourquoi cet amendement exige la réalisation d’un diagnostic du domicile des bénéficiaires.

Certains départements imposent déjà un tel diagnostic aux associations, mais il faudrait le généraliser : où risque-t-on de se brûler ? Y a-t-il des marches dangereuses ? Y a‑t‑il un chien ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Ce que vous dites est tout à fait pertinent. Il ne me paraît néanmoins pas utile de placer le versement de ces aides sous conditions : l’objectif est qu’un maximum de départements en bénéficient.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). J’admets que vous me disiez que ce n’est peut‑être pas le bon endroit dans la loi, qu’il ne faut pas que l’aide aux départements soit assortie de conditions. Mais comment généraliser le diagnostic de l’appartement ou de la maison, afin d’éviter des accidents du travail ? Vous n’apportez aucune réponse, alors qu’une minorité seulement des associations pratiquent ce diagnostic, parce que cela coûte cher et qu’elles sont toutes sur la corde raide du point de vue financier.

Mme Caroline Janvier (RE). En exigeant que certaines conditions soient remplies, vous restreignez le dispositif. Cela ne me semble pas une bonne chose.

Par ailleurs, l’exposé sommaire de votre amendement... pardon, mais c’est un peu n’importe quoi. Vous parlez de chien, de clefs, de risques de se brûler… Dès lors qu’il y a une gazinière, on risque de se brûler ! Ayant été aide à domicile, je peux vous dire que les risques sont, autant qu’à ceux que vous citez, ceux des mauvaises postures quand la personne que vous aidez est obèse, par exemple. Les personnes peuvent aussi être agressives. Les risques d’usure professionnelle sont élevés, c’est vrai, et des formations sont nécessaires notamment pour apprendre les bons gestes et les bonnes postures. Mais la généralisation de ce diagnostic ne me paraît nécessaire.

M. François Gernigon (HOR). Il paraît en effet difficile de conditionner l’aide. Néanmoins, le sujet est important : quel que soit le lieu où l’on travaille, on doit le faire dans de bonnes conditions. La solution réside, je crois, plutôt dans la prévention. Il faut alerter sur le fait que le logement doit être adapté à la perte d’autonomie, et donc à l’accueil d’un personnel d’accompagnement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les questions posées par François Ruffin sont essentielles. Comment améliorer les conditions de travail et la sécurité afin d’éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles ? Quelle politique les départements mènent-ils en ce sens ? Au-delà, qu’est-ce qui se fait à l’échelle nationale, et y a-t-il une harmonisation ?

Mme Janvier craint que l’adoption de cet amendement ne restreigne le dispositif. Mais ce dispositif, nous n’en connaissons pas l’ampleur : pour le moment, ce n’est même pas une ligne budgétaire. On ne sait pas combien va verser la CNSA. Je peux entendre l’argument technique, mais cela nous ramène à la question initiale, celle de la portée réelle de cet article.

Ces enjeux sont réels, et appellent une loi ambitieuse.

M. Jérôme Guedj (SOC). Cette série d’amendements est intéressante.

Il existe aujourd’hui un fonds d’intervention de la CNSA pour la modernisation et la professionnalisation des services à domicile que vous voulez abonder. On ne sait pas de quelle somme – d’ailleurs, nul ne sait combien coûte cette proposition de loi. C’est étonnant de ne pas disposer du début du commencement d’un chiffrage !

Les amendements de François Ruffin renvoient à la question de la tarification des services à domicile. La CNSA verse une aide complémentaire aux départements, à qui il revient d’établir cette tarification ; il n’est pas incongru de vouloir, en contrepartie de cette aide, orienter des financements vers des priorités – ici de conditions de travail, de tutorat, de diagnostic d’environnement de travail. La proposition d’une demi-journée de deuil pour les auxiliaires de vie sociale en cas de décès d’un de leurs bénéficiaires, qui permettrait par exemple de participer aux obsèques, est particulièrement judicieuse.

Encore une fois – c’est inévitable, nous allons nous répéter –, nous nous heurtons à la question majeure de la tarification, à laquelle vous apportez une réponse sympathique et louable, mais qui ne traite pas l’ensemble des enjeux.

M. Thibault Bazin (LR). Le coût de cette proposition de loi doit être financé par l’augmentation du prix du tabac... De combien le paquet de cigarettes va-t-il devoir augmenter ?

Des enveloppes ont été prévues, ainsi que des trajectoires jusqu’à 2030, avec des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. Une enveloppe supplémentaire sera-t-elle prévue pour financer la mobilité ? Si oui, quels montants sont prévus et sur quelles lignes budgétaires ? Dans les départements, on s’inquiète, car souvent l’État prévoit des mesures qu’ils doivent ensuite payer.

M. Yannick Neuder (LR). Nos discussions sont lunaires ! Les questions sont bonnes. Nous voulons tous que les personnes qui interviennent à domicile le fassent dans de bonnes conditions, que les logements soient aussi adaptés que possible – il ne s’agit, après tout, que de reproduire ce que l’on prévoit pour l’agrément d’une nourrice qui accueille des enfants, sauf qu’il s’agit ici du logement du bénéficiaire. Il faudrait donc savoir de quel type de logement on parle, quels moyens sont prévus pour l’équiper et le transformer, par exemple en remplaçant des baignoires par des douches ou en rassemblant ces équipements au rez-de-chaussée. Bien sûr, ne pas être mordu par le chien, c’est fondamental. Mais n’oublions pas le bien-être de la personne qui vit à son domicile : elle aussi a besoin de bonnes conditions pour accueillir des aidants. Mais on ne sait pas combien tout cela coûte ; et ce sont les départements qui vont payer.

Nous cherchons avec une grande bonne volonté à trouver des arguments en faveur de ce texte, mais plus nous en débattons, plus cela devient difficile. Le texte est très imprécis, et les paramètres, notamment financiers, que nous ignorons beaucoup plus nombreux. Je le redis, c’est lunaire !

Mme Josiane Corneloup (LR). Il paraît difficile de conditionner l’aide à la réalisation de diagnostics. Et en effet, dès lors qu’il y a une plaque au gaz dans un appartement, on risque de se brûler...

En revanche, il me semblerait intéressant d’utiliser les économies que réaliseront les services grâce au financement de la mobilité pour proposer des formations à la bienveillance, à la bientraitance. Ce serait un cercle vertueux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS337 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je rappelle à nouveau que je défends l’idée d’une hausse des budgets accordés aux départements pour l’accompagnement des personnes âgées.

La condition proposée ici pour le versement des aides est l’instauration d’une heure par semaine de groupe de parole, de rencontre entre les auxiliaires de vie. Ce métier est aussi difficile sur le plan affectif : accompagner une personne malade ou vieillissante, c’est encaisser des douleurs. Les relations avec ces personnes peuvent aussi être difficiles. Or les contacts avec les collègues comme avec la hiérarchie se restreignent : le téléphone portable fait office d’agenda, les plannings y arrivent directement et chacun reste dans son couloir. Voilà pourquoi nous proposons une heure par semaine de rencontre entre les professionnels, éventuellement avec la hiérarchie, voire avec une psychologue.

La majorité me dira que conditionner les aides n’est pas le bon moyen d’agir. J’en conviens, mais vous ne proposez aucune piste pour relever la qualité de vie des auxiliaires de vie sociale. J’entends que la plaque à gaz ou le chien, ce serait du grand n’importe quoi : ce sont pourtant des accidents du travail bien réels, et que le diagnostic du logement, que nombre d’associations réalisent, permet d’éviter.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour le précédent : ce que vous dites est pertinent sur le fond, mais il n’est pas question de conditionner ces aides, qui sont destinées à tous les territoires.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Merci, monsieur Ruffin, de mettre sur la table la question du temps collectif. Aide à domicile, c’est un métier isolé. C’est seulement au gré de rencontres volontaires, sur leur temps propre, qu’elles peuvent se rencontrer, échanger sur les bonnes pratiques et sur les bonnes postures, par exemple – je dis « elles » car ce sont le plus souvent des femmes. On a parlé de prévention : le temps collectif permet cela aussi.

J’entends la réponse de Mme la rapporteure, mais nous pourrions peut-être réfléchir à un amendement sur la nécessité de temps collectifs, en vue de la séance publique. C’est un sujet essentiel et une demande formulée de longue date.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je rejoins Mme Panosyan-Bouvet. Il n’est pas question de conditionner les aides à la mobilité, mais ces temps collectifs devraient être systématiquement organisés. Les aides à domicile enchaînent souvent de multiples interventions, et elles sont souvent nombreuses à intervenir chez une même personne. Si elles n’ont pas de temps pour échanger sur la prise en charge, cela peut aussi être source de maltraitance – de façon absolument pas intentionnelle, mais en raison du mode de fonctionnement du service.

M. François Gernigon (HOR). L’échange est indispensable, mais parlez-vous d’un échange entre les aides à domicile, ou bien d’un échange plus large, notamment avec le personnel soignant ? Il manque, dans l’organisation des aides à domicile, une coordination de proximité.

Mme Caroline Janvier (RE). Il me paraît en effet nécessaire de prévoir des temps d’échange et de supervision. Mais je pense que le dispositif proposé ici n’est pas le bon.

Je rappelle que nous avons voté une dotation qualité de 3 euros pour les Saad qui améliorent la qualité du service rendu. Nous pourrons interroger le Gouvernement sur ce point. Cela me paraît une meilleure piste, car les contrats des bénéficiaires d’aide à domicile ne couvrent que le temps de l’intervention proprement dite : il faut donc que la CNSA dégage des financements.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). On me dit que l’amendement est pertinent, intéressant, et qu’il faut prévoir des temps collectifs, tout en maintenant que le dispositif n’est pas le bon. Je le redis, je n’attends qu’une chose : que vous repreniez la balle au bond, comme Mme Panosyan-Bouvet se propose de le faire. Je retirerais toute la série d’amendements si l’on me disait que le Gouvernement ou la majorité sont prêts à voter des avancées sur tous ces points en séance. Les auxiliaires de vie sociale doivent voir du mieux !

Si nous n’avançons pas avec cette proposition de loi, quand avancerons-nous ? Cela fait quatre ans que l’on me balade ! Ce ne serait pas grave si ce n’était que moi, mais ce sont des centaines de milliers de personnes que l’on balade avec moi. Après la crise du covid, on leur a promis reconnaissance et rémunération – et, vous le voyez, mes amendements sont minimaux, ils ne prévoient même pas d’amélioration de leurs revenus, alors qu’elles gagnent en moyenne 800 euros par mois, et que l’exigence de rémunération est bien présente. Vous devez, madame la rapporteure, intégrer des propositions pour relever cette profession !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS338 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je rappelle avec constance que je suis favorable à un relèvement des budgets accordés aux départements pour l’accompagnement des personnes âgées. L’article 40 ne permet pas aux députés de le voter.

Des femmes – en général, ce sont des femmes – sont, du jour au lendemain, balancées chez des personnes âgées sans formation. Je suis favorable à l’idée que la profession d’aide à domicile doit rester ouverte : n’importe qui doit pouvoir y aller, essayer. Mais un accompagnement à l’entrée dans le métier est indispensable.

Nous proposons ici un système de tutorat. Cela existe dans certaines associations : je ne propose rien ici qui sorte directement de mon cerveau ; toutes ces propositions reprennent des initiatives qui fonctionnent déjà et qui apportent davantage de bien-être. Les premières journées se font en tandem, puis, pendant la première année, une ancienne aide une nouvelle lorsqu’il y a des difficultés. Ce sont des métiers où chaque journée est particulière : aider une personne qui souffre d’Alzheimer, ce n’est pas comme aider une personne en fauteuil roulant. Ce sont des problèmes très matériels, très concrets. Nous proposons l’extension de ce système, dont la grande majorité des auxiliaires de vie sociale ne bénéficient pas.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Pour les mêmes raisons toujours, avis défavorable. L’aide que la CNSA apportera aux départements s’ajoutera à ce qui est prévu ; elle concerne tous les territoires et tous les types de mobilité. Le montant est en cours d’arbitrage ; il devrait se situer entre 25 et 50 millions d’euros.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Des femmes se retrouvent chez des personnes âgées sans soutien. Vous n’apportez aucune réponse sur ce point. Il faut faire quelque chose, pour les unes comme pour les autres ! Si nous ne le prévoyons pas ici, quand agirons-nous ? Ce ne sera inscrit nulle part ! Cette manière de traiter tant la salariée que la personne âgée ne me paraît pas humaine.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je répète que l’aide prévue ici concerne la mobilité.

Il est possible que certains services ne prévoient pas d’accompagnement. Mais j’ai aussi entendu des représentants des Saad. Ils prévoient un accompagnement, organisent des temps de coordination. Certes, ces derniers ne sont peut-être pas toujours à la hauteur de ce qu’ils devraient être, mais je ne peux pas vous laisser dire que rien n’est fait ! Oui, quelques femmes sont peut-être laissées seules ; et ce sont des métiers où l’on travaille seul. Mais ces temps de coordination existent : les personnes que j’ai auditionnées me l’ont dit, et j’ai pu le constater dans ma circonscription, où je discutais encore vendredi avec des aides à domicile qui m’assuraient qu’elles étaient accompagnées pendant les premières journées de leur travail. Ce n’est pas partout, mais cela existe. Je reconnais les énormes difficultés de ce secteur. Mais je ne peux pas vous laisser dire qu’on laisse en péril toutes ces jeunes femmes qui font un travail que, comme vous, monsieur Ruffin, je respecte énormément.

M. Yannick Neuder (LR). Ne confondons pas les temps collectifs qui ont été demandés, notamment avec les patients, et les temps de coordination des équipes. Ce n’est pas la même chose. On peut imaginer que ces temps collectifs servent aussi à créer du lien social entre les patients.

Ces questions sont intéressantes. Quand pourrons-nous les évoquer, madame la rapporteure ? On voit bien que vous n’allez pas accepter ces amendements, mais cette proposition de loi n’est-elle pas pourtant le bon moment pour débattre de ces sujets ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS339 de M. François Ruffin.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Je ferai un tout petit commentaire personnel : quand j’entends les réponses apportées à M. Ruffin, je me demande où est le bien‑vieillir !

Cet amendement propose de conditionner le versement de l’aide prévue à cet article à la mise en place d’un service de médiation pour les auxiliaires de vie sociale. Il s’agirait d’un agent, payé par le département, pour servir de médiateur afin d’apaiser les désaccords et les conflits entre les salariées, les bénéficiaires, les associations de l’aide à domicile...

La prise en charge quotidienne de personnes âgées peut en effet donner lieu à des tensions entre les personnels et les bénéficiaires, ou les proches de ceux-ci. Sans dialogue, les conflits se cristallisent, et ils sont subis dans l’isolement. Il n’y a pas toujours de recours possible, d’une part comme de l’autre. Des conflits existent aussi parfois entre la personne aidée et sa famille.

Nous proposons donc d’inciter les départements à créer des médiateurs départementaux, qui seraient formés aux métiers de l’accompagnement et connaîtraient précisément les droits et obligations de chacun. Ils auraient les capacités techniques pour conseiller les bénéficiaires et les familles, et pour se faire le relais des associations d’aide à domicile. Une grande capacité d’écoute et le respect de la confidentialité des échanges seraient évidemment primordiaux.

La Défenseure des droits a insisté sur l’importance d’un dispositif effectif de médiation pour prévenir les conflits. Si l’on veut véritablement favoriser le secteur de l’autonomie, il semble primordial d’inciter les départements à instaurer des dispositifs efficaces d’accompagnement en fléchant au mieux les aides financières apportées au secteur de la dépendance.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour les amendements précédents.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je suis convaincu, madame la rapporteure, que la plupart des auxiliaires de vie, mais aussi des cadres et des directeurs et directrices des associations comme des entreprises font au mieux ! Je redis que je n’ai inventé aucune des mesures que je propose : elles existent, elles sont appliquées. Mais puisqu’elles fonctionnent dans certains endroits, le législateur doit les étendre. Il faut une contagion des bonnes pratiques.

Or vous ne proposez rien ! Je viens avec ma bonne volonté : la situation doit changer. Il y a des femmes qui aiment ce métier, mais qui n’aiment pas la façon dont elles le vivent. S’il y a un tel turnover chez les auxiliaires de vie, c’est parce que la manière dont on les oblige à exercer leur travail les use précocement. Certaines arrivent avec la vocation mais s’en vont après deux ou trois ans parce que les conditions sont inadmissibles. Notre responsabilité est d’aider ce métier à se structurer, de faire en sorte que les gens qui l’exercent y soient bien, qu’ils y restent, que leur carrière puisse éventuellement évoluer. Qui, sinon nous, va mener ce travail ?

Les directeurs et directrices jonglent, vous le savez très bien, à cause des multiples départs et arrêts maladie. Ils finissent souvent par faire des choses eux-mêmes, le week-end, parce qu’il n’y a personne d’autre...

Nous devons faire en sorte que ce ne soit pas la jungle ! Or je ne vois aucune avancée dans cette proposition de loi.

Mme Fanta Berete (RE). Cette proposition de loi n’est peut-être pas le cadre idéal, mais ce que j’entends résonne en moi. Des structures nous contactent pour nous parler de leurs difficultés de recrutement, de tous les sujets qui ont été évoqués par tous les intervenants. Il me semble que la commission des affaires sociales devrait se saisir de ces enjeux. Sinon, nous risquons d’aller droit dans le mur. J’habite Paris, et la tension y est telle qu’il y a des personnes qui ne sont pas prises en charge le matin. C’est une responsabilité énorme qui nous revient, et je n’ai pas envie de voir cette situation perdurer.

Je ne dis pas que les réponses sont faciles, mais nous devons nous saisir de cette question, peut-être dans un cadre transpartisan. J’entends que cette proposition de loi n’est pas le cadre idéal, mais d’autres véhicules législatifs nous permettront peut-être de le faire. Nous sommes nombreux à vouloir avancer. Je ne sais pas quand se terminera notre mandat, mais ces personnes sont en première ligne, elles ne nous ont pas lâchés à des moments importants au cours des dernières années, et si nous pouvons les aider, nous en sortirons grandis.

Mme Anne Bergantz (Dem). Pour régler les conflits, il existe un dispositif gratuit : le conciliateur de justice.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Je prends l’exemple de ma propre maman, qui bénéficie de l’aide à domicile : le récapitulatif qui lui est envoyé dresse la liste des intervenants. En un mois, elle comprend souvent vingt-huit, vingt-neuf, trente personnes différentes. Ce n’est agréable ni pour la personne aidée, ni pour les aidants. Il faut vraiment agir.

M. Yannick Neuder (LR). La question de Mme Berete est de bon sens. Mais ne tournons pas autour du pot : bien vieillir à domicile implique de multiples interventions ; cela a un coût. Quelles sont les nouvelles recettes possibles ? Il est regrettable que nous n’ayons pas pu en débattre lors de l’examen du PLFSS.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS340 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Le coût de cet amendement est sans doute important mais il vise à structurer la profession.

En dépit d’une grande amplitude horaire, nombre d’auxiliaires de vie sociale touchent un salaire inférieur au Smic faute d’un nombre d’heures suffisant. Leurs interventions sont de courte durée mais étalées sur une journée.

Dans l’amendement, il s’agit de s’inspirer pour elles de l’organisation du travail en tournée que connaissent les services de soins infirmiers à domicile : une équipe travaille de sept heures à quatorze heures ; une autre de quatorze heures à vingt et une heures ; une troisième travaille de nuit. Ce modèle se rapproche d’un temps plein donc d’un salaire plein pour la salariée qui peut également mieux concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale.

Le travail transpartisan que certains appellent de leurs vœux – et je le salue – a déjà été fait. J’ai commis un rapport d’information sur les « métiers du lien » avec Bruno Bonnell avec lequel les affinités ne semblaient pourtant pas évidentes au départ. Or nous avons réussi à faire des propositions communes dont celles que je vous soumets. On ne peut pas remettre cent fois l’ouvrage sur le métier.

La messe est dite, il n’y aura pas de projet de loi sur le grand âge. Il faut dire la vérité : si nous ne le faisons pas ici, dans une proposition de loi sur le « bien vieillir », nous ne le ferons jamais pendant cette législature.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable pour la même raison que précédemment : le refus de conditionner l’aide aux départements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS341 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Le manque d’auxiliaires de vie est tel qu’une personne qui se présente dans une association pour être embauchée, peut commencer le lendemain à s’occuper d’une personne âgée. C’est tout de même bizarre.

S’il convient de maintenir l’ouverture de la profession, il est indispensable de former les personnes qui y entrent. Nous avons suggéré le tutorat. Ici, nous proposons que les auxiliaires aient accès à une formation qualifiante au cours de leur première année d’exercice. Contrairement à ce que vous croyez, la formation n’a rien d’automatique. Certaines auxiliaires peuvent travailler pendant plusieurs années sans en bénéficier.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Même avis pour la même raison.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Vous m’opposez un argument technique, mais, vis-à-vis de la profession, vous devez adopter un autre discours. Vous devez ouvrir des portes et des fenêtres pour que nous essayions ensemble de sauver cette profession.

J’entends l’ouverture de certains députés de la majorité. De votre part, je n’en entends aucune. Vous ne pouvez pas vous contenter d’un regard technique.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il est question ici de l’aide à la mobilité versée aux départements. Nous évoquerons les sujets qui vous tiennent à cœur lors de l’examen de l’article 8.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS342 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Il s’agit d’un amendement que je qualifierais d’humanité.

La personne qui s’est occupée d’une personne âgée pendant des années fait presque partie de la famille. Lui permettre d’assister aux funérailles va de soi. Tel est l’objet de l’amendement.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Comme souvent, monsieur Ruffin, vous abordez des sujets d’une importance indéniable, mais vous en profitez pour nous donner des leçons d’humanité. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de votre part en la matière.

J’en resterai à ma réponse affreusement technique – l’article 7 concerne l’aide à la mobilité –, mais je ne nie pas pour autant la force des sujets que vous pointez.

M. Jérôme Guedj (SOC). Madame Vidal, vous reconnaissez l’importance des sujets mais vous refusez que nous les traitions ici. Alors, où et quand pourrons-nous le faire ?

Vous décidez de ce dont nous avons le droit de discuter. Vous choisissez l’aide à la mobilité, question pertinente à nos yeux à laquelle nous tentons de rattacher toutes les autres préoccupations.

Votre texte n’est pas un gruyère, ce sont des trous avec un peu de fromage autour. Je ne doute pas de votre engagement, mais comprenez que nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos seules propositions. En séance, nous nous tournerons vers le ministre pour lui demander un espace juridique dans lequel tous les sujets pourront être abordés. Si le ministre nous donnait un tel espace, la somme de bonnes volontés, d’intelligences et de connaissances dans le domaine nous assurerait de prendre les bonnes mesures. Certes, le financement resterait un problème, mais au moins, nous aurions un espace de débat.

Vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main les amendements. Leur adoption permettrait d’interpeller le ministre et d’ouvrir le débat.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Vous faites un mauvais procès. Nous ne pouvons pas conditionner l’aide à la mobilité à tous les sujets, aussi importants soient-ils, liés à l’aide à domicile, sinon cette aide ne sera jamais versée aux départements. Vous aurez l’occasion d’évoquer ces points à l’article 8.

La proposition de loi n’a pas vocation à épuiser toutes les questions que pose le grand âge. J’ai fait la même proposition que vous sur l’accompagnement, monsieur Ruffin, dans un rapport en 2018. Ne nous faites pas de procès en inhumanité.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je ne donne pas de leçons d’humanité, en revanche, j’en appelle à l’humanité de tous les députés ici présents.

L’un des premiers motifs d’appel à la plateforme d’accompagnement psychologique des aides à domicile Pros-consulte est le traumatisme lié au décès de la personne aidée. Je n’ai pas le monopole de l’humanité ni des bonnes idées qui circulent largement. Puisque ma proposition figurait déjà dans votre rapport en 2018 et que vous êtes désormais rapporteure, qu’elle devienne réalité pour les 500 000 auxiliaires de vie de notre pays !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 7 bis (nouveau) : Demande de rapport sur les modalités d’augmentation des indemnités du barème kilométrique pour les professionnels de l’aide à domicile

Amendement AS351 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). La première source de difficulté pour les auxiliaires de vie est liée au barème des indemnités kilométriques, encore plus depuis que le prix du litre d’essence a dépassé 2 euros.

L’amendement vise à porter ces indemnités à 0,45 euro par kilomètre pour les professionnels de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable, car votre amendement a pour objet de demander un rapport.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne comprends pas pourquoi vous rejetez l’idée d’un rapport sur une hausse des indemnités kilométriques. C’est une manière d’envoyer un signal, faible je le reconnais, sur un sujet de préoccupation majeur. Dans les territoires ruraux, certaines aides à domicile font le choix de travailler à mi-temps parce que les déplacements leur coûtent trop cher.

M. Jérôme Guedj (SOC). Vous rejetez l’amendement au motif qu’il s’agit d’une demande de rapport. Pourtant, vous êtes la rapporteure d’une proposition de loi qui réussit la prouesse de consacrer deux articles sur treize à des demandes de rapport.

Il a fallu attendre l’avenant à la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile, entré en vigueur au 1er octobre 2022, pour que les indemnités kilométriques soient revalorisées à hauteur de 0,38 euro par kilomètre. La hausse proposée est très mesurée compte tenu de l’inflation.

Un troisième rapport ou un complément au rapport prévu à l’article 8 sur un problème aussi central, pour les départements et pour les professionnels, est pleinement justifié.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je ne pense pas qu’un rapport permettra de répondre au problème que vous soulevez. En outre, les départements sont libres d’allouer l’aide à la mobilité comme ils l’entendent. Celle-ci pourrait donc servir à financer les frais kilométriques. Enfin, rien ne vous empêche d’amender l’article 8 pour élargir l’objet du rapport à ce sujet.

M. François Gernigon (HOR). Le montant des indemnités kilométriques relève d’une discussion entre les partenaires sociaux.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). En effet, mais le dialogue dans la branche professionnelle qui nous intéresse est inexistant. L’amendement, sous réserve de le corriger pour écrire 0,45 euro « par kilomètre », et non « par litre », fait référence à un récent accord d’entreprise signé à l’issue d’une longue grève dans le secteur lucratif.

Je ne comprends pas l’opposition à la demande d’un rapport sur les indemnités kilométriques tant le pouvoir d’achat des professionnelles est aujourd’hui grevé par le coût des déplacements. C’est un premier signal que nous leur adressons.

M. Yannick Neuder (LR). Les acteurs de l’aide à domicile sont aujourd’hui fortement pénalisés par le coût de l’essence. La demande de rapport est l’occasion de mettre en lumière ce point. Nous savons pertinemment que le Sénat la supprimera, mais nous devons marquer notre préoccupation et entendre les besoins des professionnels. Sinon, comment donner du sens à ce que nous faisons ici ?

Accepter la demande de rapport ne me semble pas vous engager trop, madame la rapporteure.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). J’espérais que vous refuseriez le rapport pour inscrire directement dans le texte la hausse des indemnités.

S’il s’agit d’envoyer un signe fort au Gouvernement en lui demandant de produire un rapport sur les indemnités kilométriques, allons-y, mais je doute que ce soit de nature à susciter une brutale prise de conscience en haut lieu. Sans doute ne suis-je pas assez optimiste.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Si vous tenez tant à envoyer un signal, j’émets un avis de sagesse.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Avant de le mettre aux voix, l’amendement doit être rectifié pour remplacer les mots : « par litre » par les mots : « par kilomètre ».

La commission adopte l’amendement rectifié et l’article 7 bis est ainsi rédigé.

Article 8 : Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Amendement AS115 de M. Vincent Descoeur.

Mme Isabelle Valentin. L’amendement est défendu.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable. L’ADF sera nécessairement associée à l’élaboration du rapport dans la mesure où les départements sont partie prenante du financement de l’offre de soins à domicile.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS463 de Mme Sandrine Dogor-Such et adopte l’amendement AS734 de Mme Annie Vidal, tous deux rédactionnels et soumis à une discussion commune.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS730 de Mme Annie Vidal.

Amendements identiques AS54 de M. Yannick Neuder, AS177 de M. Thibault Bazin et AS306 de Mme Isabelle Valentin.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement vise à mieux définir les services prestataires en précisant qu’ils sont détenteurs ou non de l’habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS731 de Mme Annie Vidal.

Amendements identiques AS480 de M. Pierre Dharréville, AS558 de Mme Justine Gruet et AS561 de M. Thibault Bazin.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Inspiré d’une proposition de la Mutualité française, l’amendement AS480 vise à inclure dans le rapport une évaluation des modalités et des impacts d’un pilotage des futurs services d’aide et d’accompagnement à domicile par l’agence régionale de santé (ARS). Afin de renforcer le virage domiciliaire, l’ARS pourrait ainsi financer un seul forfait global « soins et dépendance », ce qui permettrait de supprimer la tarification horaire qui a atteint ses limites.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis favorable. Il s’agit d’une précision utile dans un souci légitime de simplification,

M. Jérôme Guedj (SOC). L’objet de l’article 8 est de demander un rapport sur le point le plus important : le virage domiciliaire et, plus largement, les moyens, si ce n’est de sauver le secteur de l’aide à domicile, au moins d’en finir avec l’archaïsme de sa tarification et de son organisation, qui interdit de satisfaire la demande prioritaire et majoritaire en faveur du maintien à domicile.

Une loi aurait pu dès à présent tirer les enseignements des nombreux travaux qui ont été menés – je n’en tiens pas rigueur au Gouvernement. En revanche, en demandant un rapport sur un sujet aussi fondamental, vous faites fi du rapport de Dominique Libault, du plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge de Myriam El Khomri et des nombreux rapports parlementaires.

En instaurant un tarif plancher pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile et en le portant à 23 euros, les récentes lois de financement de la sécurité sociale sont allées dans le bon sens. Mais tous les acteurs du secteur considèrent qu’il faudrait le fixer à 30 euros pour qu’il corresponde au prix de revient.

Je le répète, il y a un décalage entre l’urgence à venir en aide au secteur et la demande d’un rapport, alors que rarement une politique publique a été aussi documentée ces dernières années que celle du grand âge et de l’autonomie.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS732 de Mme Annie Vidal.


Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9 heures 30

Au cours de sa première réunion du mercredi 5 avril 2023, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([125]).

 

Article 8 (suite) : Rapport du Gouvernement sur l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile

Amendements identiques AS71 de M. Yannick Neuder, AS132 de M. Thibault Bazin et AS478 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Neuder (LR). L’article 8 ne demande au Gouvernement d’évaluer l’organisation et les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile qu’au profit des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il nous paraît important de viser aussi les bénéficiaires du soutien à domicile qui sont porteurs d’un handicap. Mon amendement tend donc à ce que les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap (PCH) soient inclus dans le champ du rapport.

M. Thibault Bazin (LR). Les services de soutien à domicile interviennent auprès des personnes en perte d’autonomie non seulement lorsqu’elles sont âgées, mais aussi lorsqu’elles bénéficient d’un plan personnalisé de compensation du handicap. La complémentarité de l’approche est d’ailleurs conforme à l’esprit de la loi de 2005. Intégrer ces personnes au périmètre du rapport ne coûtera rien, puisqu’il ne s’agit que d’un rapport, et serait logique compte tenu des ajouts déjà faits hier concernant les personnes protégées.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Désormais, les personnes qui connaissent le handicap vivent plus vieilles – tant mieux. C’est une raison supplémentaire de les intégrer dans le champ du rapport demandé. Même s’il existe déjà beaucoup de documentation, il faut continuer d’avancer pour tenir compte de cette évolution.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le champ du rapport est déjà large ; je crains une dilution des réponses si on l’étend encore. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). En tout cas, il faut réfléchir à une évolution de la PCH. Beaucoup d’associations la demandent. Peut-être notre commission devrait-elle lancer une mission à ce sujet. La PCH n’a pas été revalorisée depuis très longtemps et sa capacité à répondre aux besoins des personnes concernées est en question.

M. Yannick Neuder (LR). La question de la PCH est en effet importante, et on ne peut pas prétendre que l’intégrer alourdisse le rapport après avoir adopté hier soir trois amendements sur la protection des adultes vulnérables, laquelle aurait pu faire à elle seule l’objet d’un texte de loi. Il s’agit du bien vieillir ; or on peut être âgé et handicapé.

Mme Annie Vidal, rapporteure. J’entends vos arguments et reconnais leur pertinence. Je n’en continue pas moins de craindre un rapport trop lourd, mais je vous propose d’en rediscuter en séance.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS55 de M. Yannick Neuder, AS178 de M. Thibault Bazin et AS307 de Mme Isabelle Valentin.

M. Thibault Bazin (LR). Tout l’intérêt d’une proposition de loi est de nous donner l’occasion de débattre de sujets d’initiative parlementaire. Il y a, d’un côté, les ambitions du titre et de l’exposé des motifs et, de l’autre, les moyens ; il faut que ceux-ci correspondent aux objectifs. Les exigences de qualité ont augmenté ; il faut se donner les moyens correspondants.

Il ne s’agit pas là d’une injonction à l’exécutif, mais de mettre en cohérence nos politiques publiques. Pourquoi ne pas ajouter dans le rapport la précision que nous demandons ? En vérifiant les coûts du soutien à domicile qui résultent des obligations légales et réglementaires, on demande aussi qui assume ces coûts : est-ce ou non l’État, la solidarité nationale ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Ces amendements sont satisfaits. Il est déjà clairement écrit que le rapport doit « appréci[er] l’équité du soutien public et de la régulation tarifaire entre les différentes formes de services à domicile ». Ajouter cette précision, qui a par ailleurs du sens, brouillerait le message.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Ce débat est très étriqué. À l’article 7, j’ai aligné une série d’amendements pour proposer un congé de deuil, la tournée pour les auxiliaires de vie sociale, des formations, du tutorat ; on m’a dit : « Vous verrez à l’article 8. » On se retrouve à l’article 8, dont l’objet est une demande de rapport, c’est-à-dire, normalement, un petit machin qui vient à la fin d’un texte, introduit par un amendement. Là, c’est un article à part entière, comme si cette production de papier était quelque chose de majeur alors que, sur ce thème, il y a déjà eu des rapports, des rapports et encore des rapports.

Ce qu’on attend de la majorité et du Gouvernement, c’est de l’action, pour les personnes âgées et pour les salariés du secteur. On se retrouve à débattre de ce qu’on va mettre ou non dans le rapport : quel niveau abyssal de vide ! Ce n’est pas de votre fait, cela vient des marges de manœuvre qu’il vous reste puisqu’il n’y aura pas de loi « grand âge ». Mais nous nous retrouvons à déguster des cacahuètes en entendant dire que c’est un festin.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS594 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Actuellement, le tarif horaire national de 23 euros ne couvre pas le coût de revient de l’heure d’intervention, estimé à plus de 30 euros. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoit de financer des heures supplémentaires pour les tâches de lien social et un supplément horaire pour les interventions le soir ou le week-end.

Ce mode de financement ne permet pas de pérenniser le fonctionnement des structures d’aide à domicile. Un financement à l’intervention comprenant les temps de lien social, de transport et de coordination permettrait de simplifier et donnerait davantage de lisibilité.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Merci de me donner l’occasion de préciser l’objet de la demande de rapport, qui est un peu plus que cela.

Nous constatons tous les difficultés de fonctionnement, d’organisation et de financement des services autonomie. Malgré les excellents rapports de Dominique Libault et Myriam El Khomri, tout ce que nous avons pu faire pour les soutenir, dont la création du tarif plancher, désormais indexé sur la majoration de la tierce personne, ne permet pas de consolider leur modèle économique. En effet, cela ne concerne pas toutes les personnes qui interviennent à domicile, en particulier les salariés du particulier employeur, et cela ne permet ni d’améliorer l’attractivité des métiers, ni de rémunérer à leur juste valeur les professionnels du domicile.

Certains d’entre vous ont proposé hier, à juste titre, que nous nous emparions de cette question. L’enjeu est le modèle même du financement des services à domicile, qui mérite une réforme systémique. Pour mener cette réflexion, il nous faut disposer d’éléments très précis, factuels et à jour – depuis 2019 et les précédents rapports, il s’est passé plusieurs choses, dont la crise sanitaire et l’inflation. C’est l’objet du rapport ici demandé.

Peut-être pourrons-nous alors formuler des propositions sur la tarification. Nous avons revalorisé la tarification à l’heure. Les acteurs parlent de 26, 28, 30, jusqu’à 32 euros pour certains, et j’ai même entendu 34. D’autres nous disent qu’ils ne s’en sortiront jamais avec la tarification horaire. Faut-il en sortir ?

Il s’agit aussi d’inviter le Gouvernement à nous répondre. L’amendement préempte la conclusion de cette démarche.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS477 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Dans le même esprit que le précédent, l’amendement propose que le rapport s’intéresse à la manière d’améliorer la reconnaissance des professionnels et à leur revalorisation salariale, question centrale.

Soit, madame la rapporteure, il s’agit d’interpeller le Gouvernement et de faire pression sur lui puisqu’il ne se passe rien et que la grande loi promise ne vient jamais. Mais cela reste insatisfaisant. La réflexion sur ces enjeux existe depuis longtemps, plusieurs rapports ont été commis. Est-ce le rapport des rapports que nous allons obtenir ? Pourquoi pas, mais alors soyons plus exigeants dans notre commande.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le rapport doit formuler des « propositions pour assurer une rémunération convergente des salariés de l’aide à domicile ». Les rémunérations peuvent être très différentes d’un service à l’autre. N’étendons pas trop l’objet du rapport, restons-en à l’essence de la demande.

Avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). La rapporteure nous dit que l’article vise à mettre sur le métier ce qui ne serait pas suffisamment identifié et à demander au Gouvernement des propositions pour une réforme « systémique » des services d’aide à domicile. Tout le monde appelle cette réforme de ses vœux : le système est à bout de souffle.

Or le périmètre du rapport détermine jusqu’où l’on est prêt à faire aller cette réforme systémique. Vous avez évoqué la possibilité que le montant du tarif horaire ne soit pas suffisant, madame la rapporteure, mais on pourrait aussi faire figurer l’éventualité de sortir de la tarification horaire, en indiquant très clairement que le rapport doit examiner les modalités éventuelles d’instauration d’une dotation globale. Car faire de l’heure, voire de la demi-heure l’unité de mesure, cela entraîne des effets pervers, notamment en matière de suivi et de contrôle.

Puisque vous souhaitez une concertation large sur la réforme globale des services à domicile, l’objet du rapport mérite d’être étendu. Vous avez considéré à juste titre que la convergence des rémunérations entre les différents secteurs, un vrai enjeu, devait figurer expressément dans le cahier des charges, mais il faudrait y ajouter, outre la question de la dotation globale, celle de l’appel à un prestataire, à un mandataire ou à un emploi direct. Nous reviendrons donc en séance avec un cahier des charges étoffé.

M. Thibault Bazin (LR). Je vous crois de bonne volonté, madame la rapporteure. Mais nous en sommes à l’article 8, qui se borne à une demande de rapport. Il faut des pierres, dites-vous ; mais c’est plutôt du papier. On est en train de consentir, me semble-t-il, à une forme d’impuissance parlementaire.

Vous dites qu’il nous manque des rapports à jour, mais les données vont évoluer chaque mois. Les conseils départementaux contractualisent en permanence avec les services d’aide à domicile et les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Au niveau budgétaire, les données, on les connaît.

L’article introduit de l’obscurité par rapport à ce qui a été promis dans les dernières LFSS. Le soir et le week-end, le temps de coordination ont déjà été évoqués dans le cadre de la LFSS 2022, sans parler du répit pour les collaborateurs. Des enveloppes, une programmation pluriannuelle ont été décidées. Comment ces enveloppes sont-elles consommées ? Où en est‑on de la contractualisation avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ?

On fait l’impasse sur les moyens, on continue à parler d’objectifs, on dit qu’on va faire des rapports. Madame la rapporteure, pour qu’on gagne, « musclez votre jeu », comme disait Aimé Jacquet à Robert Pirès en 1998 ! Soyons force de proposition vis-à-vis du Gouvernement. Je me demande même si, pour les branches autonomie et famille, on ne devrait pas faire une loi de financement rectificative de la sécurité sociale... Tout se tient. Il n’y a jamais eu autant de moyens, mais on ne les voit pas sur la première ligne, celle qui touche les personnes.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous aurons de toute façon le débat en séance avec le ministre.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). J’ai l’impression qu’on a affaire à une proposition de loi d’appel. La majorité dit au ministre : « Coucou, on a besoin d’un texte sur le grand âge ! » Je le répète, l’article 8 ne sert qu’à dire ce qu’on va mettre dans le énième rapport sur la question. Le minimum serait qu’il affirme plus nettement la volonté de revaloriser le salaire des auxiliaires de vie, mais aussi de construire leur statut, de modifier leurs horaires, bref de tirer la profession vers le haut. On nous dit qu’il va y avoir une convergence entre les salariés de l’aide à domicile. Excusez-moi, mais la convergence entre du prestataire qui ne va pas bien et du mandataire qui va encore moins bien, ce n’est pas ça qui va tirer la profession vers le haut. Même dans la demande de rapport, cet objectif n’apparaît pas.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il y a des évidences auxquelles vous semblez ne pas vouloir vous confronter. Le besoin d’une revalorisation salariale dans ces métiers est clair, et il y a urgence. Il ne faut pas être timide. On fait un rapport sur la convergence ; ensuite, on va en faire un sur l’éventualité de revaloriser les financements et les salaires... Il faut aller un peu plus vite ! Et il faut des signes forts. Sinon, on laisse le secteur dans une grande difficulté.

M. Nicolas Turquois (Dem). La discussion est intéressante. J’ai été surpris de voir que la proposition de loi demandait un rapport, alors que nous disons toujours que les rapports, qui relèvent du Gouvernement et de l’administration, n’ont pas grand-chose à faire dans un texte de loi. Je l’ai dit à l’intention des oppositions lors de la discussion générale, une proposition de loi a nécessairement des enjeux limités.

Cela dit, une vraie avancée serait un rapport très exhaustif, portant sur tous les enjeux cités par nos collègues de l’opposition et sur les financements nécessaires – il faudrait questionner à cet égard le rôle variable des conseils départementaux. Je ne comprends pas bien que l’on exclue certains éléments. Il faudrait faire du rapport l’objet d’un consensus s’agissant des besoins comme des financements – c’est la vraie difficulté de cette majorité. Les demandes que j’entends me semblent parfaitement légitimes. Le rapport pourrait faire date et, selon les positionnements politiques de chacun, faire utilement avancer le débat.

Mme Isabelle Valentin (LR). De plus en plus de personnes veulent vieillir à domicile et de moins en moins veulent travailler dans ces secteurs. C’est un vrai problème, auquel il va bien falloir trouver des solutions. On a un texte de loi, mais aucun moyen correspondant. Vous semblez bridés par le Gouvernement : chaque fois que l’on propose quelque chose, vous nous dites : « Vous verrez avec le ministre au banc. » Nous sommes une commission, nous sommes là pour travailler ; il faut avancer. Mais je suis très sceptique sur notre capacité à le faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS733 de Mme Annie Vidal et AS293 de Mme Caroline Fiat (discussion commune).

Mme Annie Vidal, rapporteure. Amendement rédactionnel.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Aux termes de notre amendement AS293, lui aussi rédactionnel, le rapport formule des propositions afin de garantir une rémunération « minimale » – et non plus « convergente » – pour les salariés du secteur de l’aide à domicile.

Vous aviez l’occasion de faire une proposition de loi sur l’autonomie, sur la dépendance et le bien vieillir. Vous avez choisi de traiter la rémunération des aides à domicile et auxiliaires de vie sociale par une simple demande de rapport, sans que celle-ci évoque une revalorisation par le haut de leur grille salariale. Vous passez délibérément le sujet sous silence alors qu’il est primordial et que les grèves se multiplient partout. Le Gouvernement ne propose toujours pas de rémunération suffisante ; pourtant, la revalorisation des salaires dans ce secteur est vitale.

Les salaires sont dérisoires, les démissions innombrables. La crise sanitaire a rappelé, s’il en était besoin, l’importance des aides à domicile, mais celles-ci n’ont pas bénéficié de la reconnaissance attendue des pouvoirs publics. Dans ce secteur à 97 % féminin, les temps partiels et les horaires irréguliers sont la règle. Le salaire moyen est à peine supérieur à 900 euros : qui peut vivre avec une telle somme ? Certaines sont payées moins, ou utilisent une partie de ce salaire pour financer les frais kilométriques, toujours pas pris en compte dans le temps de travail effectif, ou les repas qu’elles sont obligées de manger dans leur voiture entre deux patients.

Il est temps de se poser la question d’une rémunération minimale qui leur permette de vivre convenablement de leur travail. Il est inquiétant de parler des rémunérations des professionnels de l’aide à domicile sans dire qu’elles sont insuffisantes ni évoquer les conditions de travail et de ne pas mentionner l’urgence d’une revalorisation immédiate.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Mon amendement tend à remplacer « rémunération convergente » par « convergence des rémunérations », ce qui ne change pas le sens de la phrase. Le vôtre propose de remplacer « convergente » par « minimale » : le sens n’est plus le même. Ce n’est donc pas un amendement rédactionnel.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Il y a un consensus pour dire que le mauvais traitement des auxiliaires de vie sociale est scandaleux. Il aurait dû y avoir une action depuis des années, au moins depuis l’après-crise du covid. Mais on n’a rien vu, ou pas grand-chose – l’avenant 43 n’a pas changé considérablement la profession.

Voilà une proposition de loi qui devrait amener des changements. Or non seulement elle ne prévoit aucune action, mais la demande de rapport n’indique même pas l’objectif d’amélioration. Comment allez-vous construire une majorité à propos de ce texte, et avec qui, si vous n’acceptez pas des amendements ultraminimaux des oppositions et que vous ne voyez pas la nécessité de revoir profondément au moins le contenu du rapport ? Vous construisez tout seuls, pour un texte au sujet duquel vous devriez aller chercher le consensus. En fait, il n’y a aucun désir de faire évoluer le texte, d’y intégrer des propositions pour parvenir à ce consensus.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Vous ne pouvez pas tout à fait dire cela : nous avons accepté plusieurs de vos amendements, qui ont utilement précisé ou enrichi le texte.

La demande de rapport cible les différences de rémunération entre les types de services selon leur statut et leur organisation. Pour parvenir à des conclusions utilisables, mieux vaut en rester à cet objet précis.

La commission adopte l’amendement AS733.

En conséquence, l’amendement AS293 tombe.

Amendement AS491 de Mme Émilie Bonnivard.

M. Yannick Neuder (LR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS595 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Il convient de préciser que le rapport devra formuler des propositions pour « valoriser les temps de coordination avec les autres professionnels de l’aide à domicile ».

Mme Annie Vidal, rapporteure. J’ai déjà répondu que je ne souhaitais pas multiplier les demandes. Les conclusions du rapport devront se concentrer sur l’objet de l’article 8.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS294 de M. Jérôme Guedj, AS379 de M. Sébastien Peytavie, AS479 de M. Yannick Monnet, AS555 de Mme Justine Gruet, AS562 de M. Thibault Bazin et AS704 de M. Olivier Falorni.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il y a, depuis le début de l’examen de cette proposition de loi, comme un sérieux problème de méthode. Vous demandez au Gouvernement un rapport sur des thèmes, parfois très précis, que vous avez déjà choisis ; or, au moment où nous voulons coconstruire cette demande de rapport, vous nous répondez qu’il ne faudrait pas en alourdir le contenu. Puisque nous sommes opiniâtres, nous allons quand même tenter d’enrichir le cahier des charges.

Vous ne pouvez pas réfléchir à une refonte systémique de l’organisation et du financement des services d’aide à domicile sans considérer que cette réforme doit permettre d’« assurer l’effectivité de l’expression et de la participation [...] des usagers à domicile ». Cette précision nous semble indispensable. Dans les établissements, la prise en compte de la parole des résidents s’est fort heureusement améliorée, notamment dans le cadre des conseils de la vie sociale (CVS), même s’il reste beaucoup à faire. Dans les services à domicile, en revanche, rien n’est prévu pour recueillir cette parole et en tenir compte, tant dans l’organisation des éventuelles actions collectives que dans la relation bilatérale entre la personne âgée et son auxiliaire de vie.

Encore une fois, nous aurions pu définir ensemble un cahier des charges plus précis, sur le fondement des points déjà très précis que vous avez décidé de retenir sans aucune concertation.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit en effet d’une précision essentielle. La prise en compte de la parole des usagers, qui a permis une transformation complète des institutions, manque cruellement dans les services à domicile.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’amendement AS479, que nous avons rédigé en lien avec la Mutualité française, vise à ajouter la prise en compte de l’expression et de la participation des usagers dans la liste de courses de cette demande de rapport. Il rejoint l’avis rendu le 8 mars 2023 par la Conférence nationale de santé, et plus particulièrement sa recommandation n° 4 consistant à « conforter la représentation et la participation des usagers tout au long du parcours de santé », spécialement dans le cadre des soins de ville et des soins à domicile.

Mme Justine Gruet (LR). Notre amendement AS555 vise à intégrer au rapport une réflexion plus globale sur le financement de la prise en charge en vue de favoriser le maintien à domicile. Il s’agit de trouver un équilibre entre la qualité de l’accompagnement, le niveau du reste à charge pour les usagers et la soutenabilité financière des dispositifs pour les collectivités et organismes compétents. L’association des usagers nous semble donc toute naturelle.

M. Thibault Bazin (LR). Mme la rapporteure a donc inclus dans sa proposition de loi une demande de rapport sur un sujet majeur, parce qu’elle estime qu’il s’agit d’un élément essentiel permettant de bâtir la société du bien vieillir. Je sais bien qu’il est nécessaire de passer par une demande de rapport, parce qu’une proposition de loi ne peut prévoir un accroissement des moyens et que les mesures relatives aux clefs de financement relèvent plutôt du champ des LFSS.

La LFSS 2022 a prévu une évolution des services à domicile, sur plusieurs années, sur la base de critères et d’objectifs bien définis. Nous savions que les moyens alloués ne correspondaient pas forcément au coût de cette évolution, mais nous nous disions que l’État faisait déjà une part du chemin et que les départements feraient probablement le reste – nous avions alors discuté des conditions de contractualisation. L’État passe donc par les conseils départementaux, qui passent eux-mêmes par les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et d’autres structures, si bien que les usagers sont finalement assez éloignés du prescripteur initial. Si nous voulons véritablement réfléchir à l’adéquation entre les moyens alloués et les objectifs fixés, il faut que ces derniers soient coconstruits avec les bénéficiaires. Ce n’est pas toujours évident : dans les Saad, par exemple, l’interlocuteur du prestataire n’est parfois pas l’usager lui-même, mais sa famille. Les réseaux gérontologiques participent aussi, d’une certaine manière, à la définition des besoins. Il est donc nécessaire d’élargir le périmètre de votre demande de rapport, faute de quoi la réponse apportée par le Gouvernement sera tronquée.

Mme Anne Bergantz. L’amendement AS704 est défendu.

Mme Annie Vidal, rapporteure. On peut supposer que, pour établir ce rapport d’évaluation de l’organisation et des modalités de financement des services à domicile, le Gouvernement sollicitera l’expression des usagers. C’est précisément ce que vise notre proposition de loi. Par cohérence, je m’en remets à la sagesse de notre commission.

M. Yannick Neuder (LR). Nous entendons bien votre volonté de profiter de ce rapport pour dresser un état des lieux de « l’expression des usagers », pour reprendre votre expression, et des conditions dans lesquelles les travailleurs du domicile exercent leur métier.

J’aurais dû présenter davantage l’amendement AS491 de Mme Bonnivard, que la commission a rejeté tout à l’heure. Pour se projeter, il faut savoir d’où l’on vient. Or, pour un même patient, les intervenants à domicile sont multiples – on peut en compter sept ou huit pour couvrir une semaine entière, jour et nuit. Je comprends que vous ne vouliez pas alourdir la demande de rapport mais, alors que de nombreuses professions ont été revalorisées, les acteurs du domicile, qui ont continué leur activité auprès des personnes âgées et handicapées pendant la pandémie, ont été les grands oubliés du Ségur. Un peu de justice sociale ! Nous avons ici des discussions d’initiés : je ne suis pas sûr que les acteurs du domicile et leurs employeurs âgés ou handicapés qui suivent nos travaux comprennent que la question de la rémunération ne soit pas évoquée dans le cadre d’une proposition de loi visant à bâtir la société du bien vieillir. Ce serait même un peu choquant ! Tout le monde a des problèmes de pouvoir d’achat. On a parlé de la revalorisation des indemnités kilométriques, il faut donc évoquer aussi celle du coût horaire net des interventions à domicile. Il ne s’agit pas d’alourdir le rapport, mais de montrer que les professionnels au service des personnes désireuses de bien vieillir à domicile ne sont pas oubliés. Alors qu’ils ont déjà été oubliés dans le Ségur, le fait de ne pas les inclure dans le champ du rapport serait pour eux une double peine.

Mme Caroline Janvier (RE). Ces amendements identiques visent à compléter le champ de la demande de rapport portant sur les modalités de financement de l’accompagnement à domicile.

Je partage l’interrogation de M. Neuder : avec le Ségur, on est parti des hôpitaux, puis on a élargi les mesures aux Ehpad avant de se pencher sur la rémunération des aides à domicile à travers les avenants 43 et 44 à la convention collective du secteur. Nous savons bien que ces rémunérations et revalorisations ne sont pas suffisantes. Il me paraît donc important que le rapport aborde cette question.

Il faudra aussi s’interroger sur la gouvernance, car on voit bien que l’impact des revalorisations décidées dépend beaucoup des financeurs. La différence entre les agences régionales de santé et les départements est criante – il faudra un jour mettre les pieds dans le plat.

La rapporteure ayant formulé un avis de sagesse, il me semble opportun d’adopter ces amendements. Cependant, pour avoir travaillé sur la question de la participation au sein des établissements, je sais – comme un certain nombre d’entre vous – que les CVS ont souvent du mal à fonctionner. Ces instances se transforment plus ou moins en commissions des menus, car la question des repas est toujours celle qui revient naturellement. Le CVS n’est pas associé aux réflexions sur la stratégie et l’organisation de l’établissement. Dans ces conditions, je ne vois pas très bien comment nous pourrions instaurer la participation à domicile. Très concrètement, j’imagine assez mal les usagers participer à des réunions, dans les services, pour donner leur avis. Certes, des questionnaires pourraient être distribués. Si l’intention est bonne, l’application de ce principe me semble en réalité assez compliquée.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ces amendements importants visent à assurer « l’effectivité de l’expression et de la participation [...] des usagers à domicile ». Tous les commissaires ayant pris la parole ont évoqué les différences de prise en charge et de reste à charge en fonction des financeurs, des départements et des employeurs. On se retrouve avec des situations absurdes : pour le même travail, on constate des inégalités salariales énormes. Souvenez-vous des Domidom qui, à l’issue d’une grève de quarante-cinq jours à Caen, ont arraché une revalorisation de 10 % des salaires de l’ensemble des collaborateurs de cette filiale d’Orpea à l’échelle du pays ! Nous en avions beaucoup parlé avec Mme Panosyan-Bouvet, qui s’intéresse à ce sujet. Cependant, ce n’est pas parce que ces travailleurs ont obtenu une revalorisation qu’ils perçoivent des salaires décents et que les usagers bénéficient d’un plan d’aide à domicile important.

Nous devons nous mobiliser à ce sujet, mais ce n’est pas avec un rapport que nous réglerons les problèmes posés et que nous répondrons à l’urgence de la situation. Ces amendements sont donc un moindre mal : tout en permettant d’améliorer le texte, ils soulignent ses lacunes. Il faut agir ici et maintenant. C’est au Gouvernement de prendre la mesure de la situation et de faire cesser les inégalités entre les territoires, entre le public et le privé, et entre les secteurs associatifs.

M. Laurent Panifous (LIOT). Pour avoir également animé plusieurs CVS, je peux témoigner de la difficulté à faire vivre ces instances, pourtant très positives. Quand on s’en donne les moyens, elles favorisent clairement l’expression des usagers au sein des établissements. Il est tout à fait bienvenu d’essayer de donner la parole aux usagers à domicile, même en ayant parfaitement conscience de la difficulté que cela représente. Je soutiens donc ces modestes amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendements AS195 de Mme Christelle Petex-Levet, AS416 de Mme Martine Etienne, AS133 de M. Thibault Bazin ; amendements identiques AS95 de Mme Alexandra Martin, AS148 de M. Jérôme Guedj, AS249 de M. Jean-Pierre Taite, AS473 de M. Yannick Monnet et AS524 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Nous sommes tous conscients du manque de personnel permettant de bâtir la société du bien vieillir. Il est donc fondamental que le rapport comporte une évaluation qualitative et quantitative de l’adéquation entre les formations offertes aux professionnels de l’aide à domicile et les besoins réels. Tel est l’objet de l’amendement AS195 : les formations ne doivent plus être organisées sans que soient pris en compte les besoins des territoires, du terrain. Je parle non seulement des besoins des personnes âgées, mais aussi de ceux des familles et des aidants.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Mon amendemen vise à ajouter au champ du rapport une évaluation de l’offre de formation destinée aux professionnels de l’aide à domicile. Nous souhaitons en effet que soit étudiée la possibilité d’un élargissement de l’offre de formation et d’une amélioration de son accessibilité.

Il est devenu urgent de renforcer les moyens accordés aux professionnels de l’aide à domicile afin d’accompagner correctement les personnes en situation de handicap ou connaissant des épisodes psychologiques liés au grand âge. Sans remettre en cause les compétences des aides à domicile, qui sont excellentes et indispensables, il convient d’organiser des formations sécurisantes, tant pour les professionnels que pour les bénéficiaires. L’amélioration des conditions de travail des professionnels passe par l’investissement dans des formations au respect des droits et de la dignité des usagers, à la gestion des éventuels conflits, ou encore à la prise en charge des épisodes psychologiques lourds.

La pénurie de personnel et les horaires impossibles dans ce secteur empêchent parfois les aides à domicile d’accéder aux formations auxquelles elles ont pourtant droit. Les proches aidants ne parviennent pas à trouver le temps et n’ont parfois pas accès à des formations en présentiel sur leur territoire.

La question de l’adaptation de ces formations à la réalité du secteur de l’autonomie doit donc être posée. Un financement massif doit être injecté dans l’offre de formation et dans son accessibilité. À La France insoumise, nous souhaitons construire un grand service public de la dépendance, qui se chargera entre autres d’accompagner les professionnels de l’aide à domicile et les proches aidants sur tous les territoires, notamment en élargissant l’offre et l’accessibilité des formations. Peut-être le rapport demandé au Gouvernement aboutira-t-il aux mêmes conclusions.

M. Thibault Bazin (LR). Des campus des métiers et des qualifications « autonomie et inclusion » se développent à certains endroits. Nous devons améliorer la validation des acquis de l’expérience (VAE) et permettre, dans le cadre de la formation continue, à des professionnels déjà engagés dans l’aide à domicile de construire des parcours cohérents, d’évoluer et d’accéder à d’autres métiers en fonction de leurs compétences.

Il y a non seulement un enjeu de fidélisation et d’attractivité de ces métiers, mais aussi un besoin de lieu de ressourcement où les aides à domicile, qui se sentent très seules pour relever de vrais défis au quotidien, pourraient se retrouver et partager leurs expériences. Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien : on parle malheureusement davantage des abus et des dérives que de ce qui se fait dans l’ombre, avec beaucoup d’humanité et de dignité.

Le rapport que vous demandez doit donc aussi traiter de la formation, initiale et continue, et préciser où en est la VAE, dont nous avons souvent parlé dans notre commission. On veut construire des parcours attractifs pour tous ceux et surtout toutes celles qui s’engagent dans ces métiers, mais on sent que les choses patinent.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). L’amendement AS95 est défendu.

M. Jérôme Guedj (SOC). Mon amendement vise à préciser que le rapport devra évaluer l’adéquation entre les formations proposées aux professionnels de l’aide à domicile et les besoins des personnes accompagnées. Il convient donc de s’assurer que ces besoins sont correctement exprimés et d’en tenir compte dans l’élaboration du référentiel des formations initiales et continues.

M. Yannick Neuder (LR). Je défends l’amendement AS249.

La nécessité d’une flexibilité de la formation, qu’elle soit initiale, continue ou surtout par apprentissage, est l’un des grands enseignements du covid. Si la pandémie a détourné certains soignants de leur tâche, elle a aussi attiré d’autres personnes en quête de sens vers les métiers du soin à domicile. Cette grande flexibilité ne doit pas faire l’impasse sur l’indispensable attractivité de ces métiers.

Grâce aux progrès de la médecine, nous allons vieillir mieux et vivre plus longtemps, si possible à notre domicile. Ce n’est pas en privant les aides à domicile de la revalorisation du Ségur que nous allons favoriser l’attractivité de ces métiers.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Après la question de la revalorisation des salaires, celle de la formation des aides à domicile est un sujet central. Elle permet en effet de valoriser ces métiers, de les rendre plus attractifs. Elle est aussi utile pour les usagers, car il faut répondre à la demande croissante des personnes âgées de rester à domicile. La diversité de ces personnes nous incite d’autant plus à nous pencher sur la formation. Ce qui rebute les gens dans ces métiers, c’est souvent le manque de connaissance des publics auxquels ils s’adressent. Il y a beaucoup d’appréhension à ce sujet. Il me semble donc indispensable de compléter le rapport par une évaluation de l’adéquation entre l’offre de formation et les nouveaux besoins des populations.

Mme Josiane Corneloup (LR). J’aimerais revenir sur la nécessité de former ces personnels. Nous sommes confrontés à d’énormes problèmes de recrutement : aussi, sans formation, le maintien à domicile et la transition vers des solutions appropriées restent difficiles voire impossibles pour certaines personnes. Cela entrave la liberté des personnes âgées ou handicapées de choisir leur mode de vie et met en grande difficulté les auxiliaires de vie dont les formations ne sont pas forcément adaptées aux besoins. Demain, en raison du virage domiciliaire, cette inadéquation sera encore plus percutante, d’autant qu’il y aura de plus en plus de patients polypathologiques du fait de leur âge avancé. Ce constat ne concerne pas seulement les auxiliaires de vie, mais également tous les personnels intervenant à domicile – les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les services d’accompagnement à la vie sociale, les services d’accompagnement médico-sociaux pour adultes handicapés...

Nous ne devons ignorer aucune des formations – ni la formation initiale, ni la formation continue, ni l’apprentissage, ni la VAE, à laquelle je suis très attachée. Bien que nous ayons récemment voté un texte visant à la rendre plus fluide, nous n’avançons pas beaucoup dans ce domaine.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La simplification de la VAE, à laquelle nous croyons toutes et tous, figure dans la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, que nous avons adoptée récemment. Laissez-lui le temps d’être mise en œuvre !

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je rappelle une nouvelle fois que l’article 8 prévoit un rapport d’évaluation de l’organisation et des modalités de financement de l’offre à domicile. Nous convenons tous de l’importance et de la nécessité de la formation. En cette matière, cependant, les adaptations relèvent plutôt du domaine réglementaire : c’est pourquoi je suis très réservée à l’idée d’inscrire cette question dans le rapport. Nous savons tous que l’attractivité de ces métiers est essentielle, mais nous attendons aussi que le ministre définisse, à l’issue du Conseil national de la refondation (CNR), sa feuille de route, qui comprendra nécessairement un volet relatif à l’attractivité.

Bien que je sois persuadée que vos amendements ne sont pas particulièrement opérants, puisque de telles mesures relèvent plutôt du domaine réglementaire, j’entends votre forte demande et je m’en remets donc à la sagesse de notre commission.

M. Yannick Neuder (LR). Je salue votre avis de sagesse, mais cela me fait mal aux oreilles d’entendre qu’il faut attendre la clôture des travaux du CNR pour savoir ce que nous devons faire. Je n’étais pas député lors de la précédente législature, mais j’ai beaucoup entendu parler du rapport Iborra-Fiat. Il est vrai que Mme Iborra n’est pas avec nous ce matin, mais peu importe – chacun a ses problèmes. Je déplore qu’hier, un ministre soit allé conclure le CNR « Bien vieillir » plutôt que de participer aux questions au Gouvernement et de répondre à la représentation nationale. Nous ne sommes pas contre ce genre d’initiative, mais cela pose quand même un petit problème...

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il est dans son rôle, quand même ! Il a lancé ce CNR, il est normal qu’il le conclue.

M. Yannick Neuder (LR). J’entends bien, mais trop de démocratie tue la démocratie.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Votre formule est étonnante !

M. Yannick Neuder (LR). Si nous utilisions intelligemment le temps parlementaire, plutôt que d’entendre des exposés lyriques ou de subir de l’obstruction, aurions-nous vraiment besoin de tous ces CNR ? J’ai participé à certains d’entre eux : ils ne servent qu’à amuser la galerie et à faire publier des articles dans la presse quotidienne, sans résoudre aucunement les problèmes des Français.

Mme Prisca Thevenot (RE). J’entends ce que vous dites, mais je crois que nous convenons tous que trop de démocratie ne tue pas la démocratie. Les initiatives que vous critiquez nous permettent parfois de nous réajuster et, surtout, d’entendre ce qui est dit en dehors de ces murs par celles et ceux que nous sommes censés représenter. Les CNR visent à répondre à une demande émanant non seulement de nos concitoyens en général, mais également des élus locaux et des acteurs du quotidien qui, dans les territoires, ont envie de participer à un certain nombre de travaux sur des sujets dont ils sont des experts, en première ligne pour mettre en œuvre les politiques que nous décidons ici.

D’aucuns critiquent la concomitance entre le CNR « Bien vieillir », la présente proposition de loi et des annonces faites par ailleurs. Montrons-nous agiles, non pour tirer la couverture à nous – en tant que parlementaires, notre rôle est de légiférer – mais pour avancer au regard de cette actualité qui bouge en permanence. C’est ce que nous faisons ensemble, en commission, depuis plusieurs jours, sur un certain nombre de sujets. Ne nous opposons pas aux autres initiatives, mais agissons en complémentarité avec elles d’autant que c’est nous, législateurs, qui aurons le fin mot de l’histoire. Mettons de côté notre ego pour faire avancer nos idéaux !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Personne n’a oublié ce qui a motivé la mise en place de ces conseils nationaux de la refondation – pour nous, l’acronyme CNR renvoie à une institution de la grande histoire, qui n’est pas tout à fait comparable. Ne nous racontons pas d’histoires : du fait de l’élection d’une majorité relative, l’exécutif a essayé de contourner le Parlement en discutant dans d’autres cadres. C’était un peu la suite du grand débat, du grand sketch organisé pour faire semblant d’écouter notre peuple en colère. L’opération de com’ ne prend pas très bien. Quoi qu’il en soit, le fait que vous nous renvoyiez à une sorte de légitimité nécessairement extérieure au Parlement nous pose problème. Chacun ici est aux prises avec la réalité. Le fait d’être députés ne nous empêche pas de discuter et de travailler avec des acteurs des politiques publiques en dehors de cet hémicycle, ni d’œuvrer pour plus de démocratie. Nous proposons par exemple un référendum sur la question des retraites : ce pourrait être une manière intéressante de faire participer les gens à la décision !

Lorsque nous devons délibérer dans notre assemblée, nous ne pouvons pas attendre que le ministre ait tiré les conclusions de discussions qu’il a engagées par ailleurs. Soit nous faisons la loi en essayant d’être à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés, soit nous attendons et nous nous reverrons lorsque nous en aurons le temps ou lorsque le sujet sera mûr. Le problème, c’est que nous n’avons pas l’impression que la présente proposition de loi soit à la hauteur des questions posées. Or les questions relatives à la formation sont centrales, essentielles. Nous avons, par exemple, besoin de définir un plan de formation.

Mme la présidente Fadila Khattabi. C’est bien pour cela que Mme la rapporteure a émis un avis de sagesse sur les amendements identiques. Les autres amendements soumis à la discussion commune font l’objet d’une demande de retrait de la rapporteure ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette successivement les amendements AS195, AS416 et AS133.

Puis elle adopte les amendements identiques AS95, AS148, AS249, AS473 et AS524.

Amendement AS415 de Mme Martine Etienne, amendements identiques AS72 de M. Yannick Neuder, AS134 de M. Thibault Bazin et AS476 de M. Pierre Dharréville (discussion commune).

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Mon amendement vise à compléter les prérogatives du rapport en y ajoutant une évaluation de l’adéquation entre les besoins des bénéficiaires et les moyens dont disposent les aidants.

Pour que l’offre à domicile s’adapte au public, et non l’inverse, il est impératif de mieux cartographier les besoins dans les territoires, notamment ceux des personnes sans solution. L’offre de soutien à domicile doit en effet mieux s’adapter aux situations vécues par chacun : je pense en particulier aux proches aidants qui ne disposent pas de matériel adéquat pour s’occuper d’une personne âgée et qui, souvent, doivent s’en procurer sur leurs propres deniers, avec un reste à charge impressionnant. Je pense également aux professionnels du secteur de l’aide à domicile, qui ont connu de grandes difficultés lors de la crise du covid et qui ont encore du mal à accéder aux matériels dont ils ont besoin.

Pour affiner les politiques publiques et mieux répondre aux besoins, il faut recueillir des données précises et chiffrées, qualitatives et quantitatives. La question du reste à charge des personnes et de sa nécessaire diminution doit être traitée dans ce rapport, tout comme la coordination entre l’offre à domicile et l’offre de services libéraux de santé.

Plus globalement, cette proposition de loi aurait dû inclure de telles questions. Il n’est pas possible de prétendre vouloir réformer le secteur de l’économie et bâtir une société du bien vieillir sans réfléchir aux besoins des bénéficiaires et aux conditions de travail des aidants de première ligne.

M. Yannick Neuder (LR). Le maintien à domicile suppose des professionnels bien formés et des métiers attractifs, ce qui passe par la rémunération. Il y a un comité – une communauté – de financeurs : veillons à ne pas prendre les bonnes idées ici tout en transférant la note à nos amis des départements.

L’attractivité passe également par une débureaucratisation des procédures. Un travailleur à domicile peut être employé par une douzaine de personnes âgées ou handicapées sans qu’il puisse bénéficier d’un guichet unique permettant une bonne coordination. Dans ma circonscription, l’un d’entre eux a dû fournir à la sécurité sociale 144 feuilles de paie pour un arrêt maladie !

Enfin, il n’est pas possible de prétendre que le CNR est issu d’une demande des élus locaux. Ils sont sur le terrain, ils connaissent leurs Ehpad, leurs services de soins à domicile et ils n’ont pas besoin d’un gadget médiatique.

M. Thibault Bazin (LR). Je vous plains, madame la rapporteure, et je nous plains aussi car nos travaux sont révélateurs d’une certaine impuissance...

Outre ce qui vient d’être dit, il convient de prendre en compte l’aspect territorial. Les territoires peu denses sont en effet éloignés des centres de ressources gérontologiques à venir, ce qui complique encore l’organisation des professionnels.

Je vous invite à revenir au « en même temps » en associant les questions liées au financement des services et à la convergence des rémunérations à celles du reste à charge des bénéficiaires. Le lien est en effet patent entre la convergence des rémunérations et la qualification mais, aussi, avec le soutien à la mobilité des professionnels et, du côté des bénéficiaires, avec celle du reste à charge. Il serait profondément injuste que ces derniers supportent le coût de la fracture territoriale alors que cela relève de la solidarité nationale.

Si nous voulons une proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, il n’est pas possible de se contenter d’un exposé des motifs disposant que ce rapport « formulera [...] des propositions pour assurer une rémunération convergente des salariés de l’aide à domicile », à moins de changer le titre du texte !

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il convient en effet d’évaluer l’adéquation entre l’offre de soutien à domicile et les besoins des personnes concernées. Nous savons fort bien qu’une montée en charge rapide sera nécessaire pour répondre aux attentes. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est aux aidants de prendre le relais autant qu’ils le peuvent, ce qui ne suffit pas à répondre aux besoins et qui, pour beaucoup, est insupportable. Il n’est pas possible de leur faire prendre en charge ce qui doit relever de la solidarité nationale. Nous avons besoin d’un personnel formé qui puisse travailler dans de bonnes conditions.

La question du reste à charge se pose et la situation n’est pas satisfaisante puisque les renoncements sont nombreux. Le rapport devrait évaluer de tels enjeux.

Par ailleurs, je vois bien que la liste des courses s’allonge pour le Gouvernement et que nous-mêmes ne disposons que d’une très faible marge de manœuvre. Je défends certes cet amendement, qui me paraît nécessaire, mais je n’ai aucune illusion sur sa portée réelle.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’inclusion de telles dispositions alourdirait considérablement ce rapport et retarderait sa publication. Or nous avons besoin d’une évaluation des modalités d’organisation et de financement.

Avis défavorable à ces demandes, malgré leur intérêt.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ces amendements n’enlèvent rien à la rédaction actuelle et sont autant d’ajouts.

Nous évaluons la cohérence logique entre des organisations et des dispositifs existants mais il convient également de tenir compte du fait que l’offre de soutien ne correspond pas forcément à la façon dont les gens veulent vivre. Nous devons connaître leurs besoins, les modes de recours, considérer la situation de ceux qui n’ont aucune solution et comprendre pourquoi il en est ainsi malgré les dispositifs en vigueur.

J’ajoute que cet amendement est issu du Collectif Handicaps, donc de personnes qui savent de quoi elles parlent.

La commission adopte l’amendement AS415.

En conséquence, les amendements AS72, AS134 et AS476 tombent.

Amendement AS378 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Notre groupe souhaite que le rapport intègre une dimension relative à l’évaluation financière du relayage à domicile vingt-quatre heures sur vingt-quatre ainsi qu’à la question de sa solvabilisation dans le cadre de l’APA.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je suis très engagée sur cette question du relayage à domicile, en particulier quant à son développement sur le temps long, ce qui implique un engagement financier et une adaptation du droit du travail. J’en discute avec le Gouvernement et je vous invite à en faire de même en séance publique.

Demande de retrait.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). L’enjeu n’est pas mince et je suis un peu inquiet. Je perçois en effet la tentation de modifier le code du travail afin d’autoriser un certain nombre de choses qui ne le sont pas.

Lors d’un débat en salle Lamartine, il y a deux jours, Mme Jocelyne Cabanal, secrétaire national de la CFDT, a fait part de ses doutes sur l’adéquation aux besoins d’une telle mesure, considérant qu’il y avait bien d’autres choses à faire plutôt que de modifier le droit du travail, à commencer par des actions en faveur de la formation des professionnels. Un débat aussi important ne doit pas être réglé par l’adoption d’un amendement de dernière minute défendu par le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS644 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Le rapport doit également évaluer la différence de coût, pour l’État et les particuliers, entre une prise en charge des personnes en perte d’autonomie à domicile et une prise en charge en établissement.

Alors que nous tendons de plus en plus à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées et que 80 % des Français indiquent vouloir vieillir à domicile, il convient d’obtenir des chiffres récents pour traiter au mieux cette question.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Il ne me paraît pas de bonne politique de trop élargir le champ de ce rapport visant à évaluer les modalités de financement de l’offre de soutien à domicile.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 8 modifié.

La réunion est suspendue de onze heures quinze à onze heures quarante-cinq.

Après l’article 8

Amendement AS154 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Les personnes âgées sont encore confrontées à des différences d’accompagnement en fonction de leur lieu de résidence et de leur âge, notamment en raison de politiques départementales différentes. L’État doit pouvoir assurer un traitement égalitaire pour tous, c’est une question de solidarité nationale.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Votre amendement se borne à proclamer des droits qui restent vagues sans apporter de réponses concrètes. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). J’avais précisément l’impression, ainsi, d’être fidèle à l’esprit de cette proposition de loi incantatoire ! Quelle injustice que ce rejet !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS228 de M. Yannick Neuder, AS254 de M. Thibault Bazin et AS501 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Isabelle Valentin (LR). L’amendement AS228 est défendu.

M. Thibault Bazin (LR). Les départements sont déterminés à continuer à accompagner le virage domiciliaire souhaité par la grande majorité des Français. Cependant, une simplification et une meilleure lisibilité de l’offre dans ce secteur sont nécessaires.

Ainsi, la CNSA pourrait se doter d’une commission spécialisée où les départements seraient majoritaires afin d’instruire et de publier une liste de Saad bénéficiant d’une « labellisation nationale » qui serait adressée aux départements. Chaque conseil départemental conserverait sa liberté d’autorisation.

Outre qu’une telle mesure permettrait de restaurer puis de garantir la confiance, elle valoriserait les acteurs qui, notamment, s’engagent dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

Mme Josiane Corneloup (LR). Une telle labellisation nationale constituerait en effet une forme de reconnaissance et une garantie de qualité.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La demande d’une labellisation des services autonomie à domicile avant qu’ils soient créés me semble un peu prématurée. En outre, cela relève moins de la loi que du règlement.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Ce ne serait pas le premier article de ce texte qui relèverait plutôt du règlement !

D’un point de vue méthodologique, il convient au contraire d’envisager en premier lieu une labellisation à partir des critères définis par la LFSS 2022, mais peut-être direz-vous qu’il convient d’attendre la loi « grand âge et autonomie »...

Mme Josiane Corneloup (LR). Sur un plan formel, nous pourrions au moins acter un tel principe.

Mme Danielle Brulebois (RE). Un agrément délivré par l’État existe déjà, dont le cahier des charges est très contraignant.

Mme Béatrice Piron (RE). Le régime d’autorisation en vigueur est départemental. Les services bénéficient des autorisations délivrées à partir des critères départementaux mais ils ne peuvent se charger d’un bénéficiaire qui vivrait à 5 kilomètres au-delà d’une limite départementale. Une labellisation nationale permettrait d’aller au-delà, ce qui serait bienvenu pour des personnes qui, à ce jour, n’ont aucune solution.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS152 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). L’article 44 de la LFSS 2022 a créé les services autonomie à domicile afin de développer une offre intégrée d’aide et de soins en direction des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

Afin de garantir le succès du développement de ces nouveaux services, il convient de sécuriser juridiquement les différentes formes juridiques de constitution en tenant compte des éléments positifs de cette expérimentation. Cette proposition permettrait de sécuriser la transformation des actuels Ssiad en services autonomie à domicile en leur permettant de développer une activité « d’aide et d’accompagnement » par convention ou par groupement avec un service ne délivrant qu’une prestation d’aide et d’accompagnement à domicile, comme cela a été fait avec les pharmacies à usage intérieur. De fait, nous avons souvent dans les territoires une pluralité d’acteurs, ce qui peut créer des trous dans la raquette.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La loi prévoit déjà une constitution en groupement mais il est vrai que la constitution des services autonomie rencontre des difficultés. Je vous propose de retravailler votre amendement en vue de la séance publique ; sinon, avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Il y a en effet urgence à travailler ensemble d’ici à demain dix-sept heures ! Je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement AS643 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je propose de compléter l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé : « Toute personne en perte d’autonomie ou en fin de vie a le droit à une prise en charge médicale et paramédicale à domicile. Chaque demande est satisfaite égalitairement sur l’ensemble du territoire et de manière continue et coordonnée. »

Mme Annie Vidal, rapporteure. Tous les principes ici mentionnés figurent déjà dans le droit, me semble-t-il. Il est inutile d’en rajouter. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS399 de Mme Béatrice Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Je propose d’insérer un article rédigé en ces termes : « Les personnes âgées de plus de 80 ans ainsi que les personnes en perte d’autonomie éligibles à l’APA dans les conditions définies à l’article L. 232‑2 du code de l’action sociale et des familles bénéficient d’un accès à des téléconsultations médicales et à des visites médicales à domicile. Ces téléconsultations et ces visites médicales à domicile sont effectuées par du personnel médical. »

Mme Annie Vidal, rapporteure. Nous avons déjà débattu des téléconsultations lors des débats sur la LFSS. Nous ne sommes pas en mesure de les assurer sur l’ensemble du territoire. La création de ce droit générique ne me semble donc pas opportune.

Avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). Cet amendement vise à offrir une prise en charge médicale sous toutes ses formes. Autant la téléconsultation n’est probablement pas possible partout et pour tous, autant la création d’un centre de téléconsultation, en Ehpad et par secteur géographique, devrait l’être.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS660 de M. Freddy Sertin est retiré.

Article 9 : Suppression de l’obligation alimentaire pour les petits-enfants et leurs descendants dans le cadre de l’aide sociale à l’hébergement

Amendements de suppression AS118 de M. Thibault Bazin et AS392 de Mme Caroline Colombier.

M. Thibault Bazin (LR). L’article 9 entend, selon un objectif louable et largement partagé, préserver le pouvoir d’achat des plus jeunes générations. Cependant, tel qu’il est rédigé – « les petits-enfants et leurs descendants sont dispensés de fournir [l’aide sociale à l’hébergement] à leurs grands-parents » –, il créerait une grave inégalité pouvant déstabiliser le code civil, grèverait les finances publiques et contribuerait à accroître l’isolement des aînés en ne respectant pas le principe de solidarité intergénérationnelle et intrafamiliale.

Premièrement, si l’article 205 du code civil dispose que « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin », un tel devoir ne se comprend qu’à la lumière de l’article 207 du même code disposant que « les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques ». Cette logique de réciprocité entre les ascendants et les descendants induit, par exemple, que des grands-parents puissent être amenés à verser une aide financière à leurs petits-enfants en cas de défaillance des parents. Or, si les dispositions de l’article 9 tendent à exonérer les descendants de leurs obligations vis-à-vis de leurs ascendants, elles le font de manière unilatérale puisqu’aucune exonération n’est prévue pour les ascendants. Concrètement, les grands-parents seront toujours tenus d’aider leurs petits‑enfants, mais ces derniers n’auront plus d’obligations en retour. Dès lors, ces dispositions introduisent une rupture de réciprocité créant des obligations inégales et inéquitables entre les générations. Le principe d’égalité doit donc nous conduire à les rejeter.

Deuxièmement, en dispensant les petits-enfants et les descendants de l’obligation de verser une aide, l’article 9 pourrait mécaniquement augmenter les sommes perçues au titre de l’aide sociale à l’hébergement (ASH) puisque la part des petits-enfants et des descendants jusqu’alors déduite par le département du montant de l’aide ne le sera plus. Cela ne sera pas sans conséquence sur les finances des conseils départementaux, à moins que la solidarité nationale ne compense cette charge. Or la proposition de loi fait l’impasse sur la question des moyens de financement de la dépendance. L’alternative pour les départements qui voudraient stabiliser le niveau de leurs dépenses pourrait être d’augmenter le montant de la part des enfants, afin de compenser le retrait des autres descendants. Cette option ne semble pas plus souhaitable au moment où tous nos compatriotes sont durement touchés par l’inflation.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’article 9, qui vise à supprimer l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, est une disposition qui va à l’encontre de toute solidarité familiale, à l’heure où, justement, il convient de renforcer la famille dans tous ses aspects. L’obligation alimentaire est réciproque entre les ascendants et les descendants, et elle doit le rester : elle s’applique aussi bien aux grands-parents, qui ont le devoir d’aider leurs petits‑enfants, qu’aux petits-enfants, qui ont le devoir d’aider leurs grands-parents. La disposition actuelle ouvre gravement la porte à la disparition de toutes les obligations qui lient les membres des familles entre eux. Il convient, pour ces raisons, de conserver l’état du droit actuel. Tel est l’objet de l’amendement AS392.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos amendements visent à supprimer l’article 9 de la proposition de loi, lequel porte sur la suppression de l’obligation alimentaire qui repose sur les petits-enfants pour l’ASH.

Cet article nous semble important pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le principe de l’obligation alimentaire complique la procédure d’attribution de l’ASH. Il est normal que les enfants soient mis à contribution, mais cela est moins justifié pour les petits-enfants et leurs descendants, à cause de la complexité de la recherche des obligés alimentaires.

Ensuite, on observe des disparités territoriales s’agissant de la mise à contribution des petits-enfants dans le cadre de l’ASH, puisque seuls 32 % des départements la pratiquent : cette hétérogénéité est anormale.

Enfin, ce principe est souvent considéré comme injuste car il tendrait à perpétuer les situations de pauvreté, en sollicitant essentiellement les enfants et les petits-enfants des retraités modestes qui, du fait des limites de la mobilité sociale, ont davantage de risques d’avoir un niveau de vie inférieur à la moyenne.

« En règle générale, à l’âge où les grands-parents deviennent dépendants, les petitsenfants construisent leur projet de vie. Ils fondent ou souhaitent fonder une famille avec les charges qui y sont liées ; ils sont ou souhaitent devenir propriétaires d’un logement, bien souvent en le finançant par un emprunt. Le pouvoir d’achat des jeunes parents de classe moyenne est limité. Si les petits-enfants sont sollicités pour participer au financement de l’Ehpad de leurs aïeux, ils accueillent parfois cette décision avec étonnement voire injustice. Certains, notamment dans les classes moyennes, sont obligés de revoir leur projet de vie par manque de moyens ; cela génère parfois des tensions intrafamiliales, or il nous faut veiller à la cohésion sociale. » C’est vous, monsieur Bazin, qui avez prononcé ces mots, lors de la session publique du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, le 12 décembre dernier : je les partage totalement.

De nombreux départements, dont le mien, ont d’ores et déjà choisi de supprimer cette obligation alimentaire pour les petits-enfants. Il nous semble que le principe de solidarité intergénérationnelle reste préservé. Cette extinction ne concerne que l’ASH, et le code civil n’est en rien modifié.

Mme Danielle Brulebois (RE). La libre administration des départements implique qu’ils puissent décider eux-mêmes de leur politique. De nombreux départements, comme celui du Jura, refusent de récupérer l’ASH auprès des petits-enfants, car les familles concernées sont très modestes. Au moment où les petits-enfants construisent une famille, il est délicat de leur imposer une charge supplémentaire.

M. Jérôme Guedj (SOC). La proposition de loi aborde ici un sujet essentiel, mais une nouvelle fois par le petit bout de la lorgnette – si vous me permettez d’employer une nouvelle fois cette expression. Vous proposez de dispenser les petits-enfants de fournir l’ASH à leurs grands-parents. Comme vous l’avez dit, plusieurs départements ont déjà supprimé cette obligation – la mesure a été prise en 2003 ou 2004 dans l’Essonne.

Que dites-vous de l’ASH ? Que dites-vous de la récupération sur les successions ? Que dites-vous de l’élaboration d’un barème national pour éviter les disparités très fortes qui existent dans le pays ? Dans un excellent rapport de 2020, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) a formulé plusieurs propositions. Comme hier avec celle, très parcellaire, de Mme Vidal sur la protection des majeurs, vous éludez la question centrale du devenir de l’ASH. On donne le sentiment qu’en supprimant l’obligation alimentaire pour les petits-enfants, qui est très marginale, on règle le problème.

Je suis favorable à la suppression de cette obligation dans le code civil, mais il ne faut pas s’exonérer d’une réflexion globale sur l’ASH – même si j’imagine que vous nous direz que nous en débattrons en séance publique –, laquelle me semble plus essentielle que cette petite mesure.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je soutiens l’argumentation de Mme la rapporteure. Il faut certes réfléchir à l’ASH dans son ensemble, mais c’est la lecture de la proposition de loi qui m’a appris l’existence de cette obligation pesant sur les petits-enfants, car je n’ai jamais occupé de responsabilités départementales. On fait appel aux petits-enfants, soit parce que les enfants ont disparu, soit parce qu’ils n’ont pas les moyens de fournir l’ASH à leurs parents, ce qui entraîne le report de la charge sur la génération suivante et de nombreuses difficultés.

M. Bazin évoque une rupture d’égalité, mais la relation entre grands-parents et petits‑enfants n’est pas égale, puisque le parcours de vie arrive à son terme pour les premiers quand il commence pour les seconds. Cette mesure a du sens, même si elle appréhende l’ASH par le « petit bout de la lorgnette », comme le dit M. Guedj. Je vous remercie d’avoir inséré cette disposition dans la proposition de loi, parce que les situations peuvent être complexes ; autant, j’entends que les enfants doivent soutenir leurs parents, autant, il faut laisser les petits‑enfants construire et amorcer leur projet de vie, en les engageant simplement à apporter un soutien moral à leurs grands-parents.

M. Thibault Bazin (LR). Je vous remercie de me citer, madame la rapporteure : je connais le problème, dont je ne conteste pas l’existence. Dans certains départements, cette obligation prévaut, mais pas dans d’autres, ce qui crée un sentiment d’injustice pour ceux qui sont appelés à contribuer. Néanmoins, votre réponse consistant à percuter le code civil ne me semble pas la bonne. Qui financera l’ASH aux personnes âgées à la place des petits-enfants ? Vous faites l’impasse sur la question du financement et de la solidarité. Je défendrai des solutions alternatives à la vôtre, notamment une harmonisation par le bas pour limiter la charge pesant sur les petits-enfants.

Vous mettez en avant la complexité de la procédure, mais celle-ci ne diffère pas de celle entourant l’aide que l’on demande aux grands-parents d’apporter à leurs petits-enfants quand leurs enfants ne le peuvent pas. Les difficultés sont complexes, en général, donc cet argument n’est pas pertinent.

Il ne faut pas remettre en cause le principe de solidarité intergénérationnelle, y compris entre générations qui ne se suivent pas directement ; la question porte sur l’application de ce principe et sur le modèle du financement de l’autonomie. J’ai d’abord pensé à appeler les départements à alléger la contrainte pesant sur les petits-enfants, mais ils m’ont fait part de leur difficulté à financer cette diminution de la contribution de la famille. Vous souhaitez que l’on ne puisse plus solliciter les petits-enfants, mais vous n’avez pas résolu le problème du financement. Je ne suis pas sûr qu’il faille procéder à la modification du code civil que vous proposez, mais je suis sûr qu’il faut apporter une solution au problème du financement de l’autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous remercie, monsieur Turquois, pour votre soutien.

Monsieur Guedj, vous lisez dans nos pensées puisque l’article 10 a pour objet de dresser, dans un rapport, le bilan de la mise en œuvre de l’ASH. Cette dernière est sous-utilisée, comme en atteste le nombre élevé de places non pourvues. La complexité des dossiers, notamment pour le volet lié à la récupération, est un problème important, qui justifie la rédaction d’un tel rapport. Celui-ci réalisera une évaluation globale de l’ASH, afin de disposer de propositions visant à surmonter les difficultés actuelles. Ce n’est pas le « petit bout de la lorgnette » !

Les petits-enfants sont actuellement concernés, mais peut-être demain seront-ce les arrière-petits-enfants car nous vivons – c’est une bonne nouvelle – de plus en plus vieux. Que l’article 9 enlève l’obligation alimentaire aux petits-enfants de l’ASH – et uniquement de l’ASH – nous semble positif et loin d’être accessoire ; puis nous allons plus loin dans l’article 10 afin de mener une vraie réflexion sur la meilleure façon d’aider les personnes âgées éprouvant de petites ou de grandes difficultés financières – il y a une grande inégalité dans la progressivité de l’ASH.

Monsieur Bazin, nous ne modifions pas le code civil, et j’ose espérer que le lien entre les générations ne repose pas seulement sur le soutien financier.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS119 et AS120 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). L’article 9 modifie l’article L. 132-6 du code de l’action sociale et des familles en y insérant une disposition mentionnant l’article L. 231-4 du même code pour dispenser les petits-enfants et leurs descendants de fournir l’ASH à leurs grands‑parents. Or, aux termes de l’article 205 du code civil, « les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin » et l’article 207 dispose que ces obligations sont réciproques. L’article 9 percute donc bien le code civil.

M. Guedj a évoqué les reprises sur héritage auxquelles certains départements procèdent et qui peuvent concerner les petits-enfants. Il s’agit d’un sujet important pour lequel nous ne disposons d’aucune étude d’impact puisque le texte est une proposition de loi. L’amendement AS119 vise donc à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’élaborer un barème fixant le montant maximum de l’aide pouvant être fournie par les petits-enfants et leurs descendants : l’idée est de réfléchir à l’émergence d’une harmonisation nationale des règles, plutôt que de heurter un principe inscrit dans le code civil. Nous vivons dans un beau pays d’égalité, et nous pourrions voir des gens remettre en cause l’aide qu’ils apportent à d’autres, par exemple des grands-parents participant au financement des études de leurs petits-enfants, sous prétexte de la suppression de la réciprocité. J’ignore jusqu’où tout cela pourrait nous conduire – peut-être jusqu’à une question prioritaire de constitutionnalité –, mais cela pourrait avoir des conséquences néfastes sur la solidarité intergénérationnelle.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre propos peut se résumer par une question : pourrait-on obliger les grands-parents à recevoir une aide financière des petits‑enfants lorsqu’ils demandent l’aide au logement ? L’article 9 est centré sur l’ASH des personnes âgées ; vous vous êtes arrêté au milieu du gué, et votre question ne me semble pas pertinente.

La rédaction actuelle de l’article 9, qui ne porte que sur l’ASH aux personnes âgées et qui ne concerne aucune réciprocité d’aide intergénérationnelle, porte une mesure de simplification et de justice.

J’émets un avis défavorable à l’adoption de vos amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS117 et AS116 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement AS117 introduit la notion de barème progressif, que pratiquent certains départements. Il vise à ce qu’un décret du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées définisse un barème fixant le montant maximum de l’aide pouvant être fournie par les petits-enfants et leurs descendants ; ce barème, par sa progressivité, permettrait une harmonisation et diminuerait le sentiment d’injustice entre les territoires.

L’amendement AS116 vise à fixer par décret un plafond au montant de l’aide fournie par les petits-enfants et leurs descendants.

Vous me reprochez de rester au milieu du gué, mais le logement n’est pas le seul aspect de la question de l’autonomie. Je suis persuadé que la société du bien‑vieillir se fonde sur la solidarité intergénérationnelle et familiale. On peut se contenter du petit bout de la lorgnette de l’aide à l’hébergement, mais le sujet est bien plus vaste. Une personne appelée à rédiger un cautionnement au moment de l’entrée de l’un de ses grands-parents dans un Ehpad voit qu’il entre dans une chaîne de responsabilité qui dépasse le simple hébergement et qui englobe la dépendance et les soins. Si des défaillances de paiement se font jour, il faudra toutes les combler, pas simplement une partie d’entre elles. Je comprends votre raisonnement juridique, mais il faut également développer un raisonnement politique sur ce qui fait société.

Vous avez mis ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée, à un moment où un débat sévit sur notre système de protection sociale et sur les liens entre les générations, et où les petits‑enfants ne croient plus du tout dans notre système par répartition. Comment créer le consentement aux efforts et assurer l’acceptabilité sociale ? Il faut travailler sur le lien qui fait qu’une personne percevra une pension de retraite parce que les enfants et les petits-enfants travailleront. Il s’agit d’une relation d’ensemble dont on ne peut pas percevoir qu’un aspect. Il faut encourager la solidarité intergénérationnelle plutôt que l’individualisme.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous écoute attentivement et comprends certains de vos arguments, monsieur Bazin, mais la suppression de l’obligation alimentaire des petits-enfants est une mesure de justice sociale nécessaire.

Nous reparlerons de la question de l’ASH dans sa globalité et de la fixation d’un barème progressif lorsque nous examinerons l’article 10, qui va dans le sens de votre réflexion.

L’avis est défavorable sur vos amendements.

M. Yannick Neuder (LR). La discussion est très intéressante mais nous parlons d’une compétence des départements. Je me méfie de ce que nous décidons ici, parce que nous prenons des mesures qui touchent à la libre administration des collectivités locales. J’entends que l’on veuille garantir une solidarité nationale dans ce domaine, mais comment peut-on demander aux départements d’exercer des compétences avec des standards et des moyens élevés, tout en les bloquant dans leur réflexion sur les recettes ? Je suis tout à fait favorable à l’entraide familiale, à la solidarité intergénérationnelle et à l’égalité territoriale, mais doit-on maintenir cette compétence à l’échelon départemental ? Quel est le point de vue des départements à ce sujet ? Nous avons auditionné leurs représentants dans le cadre de la préparation de ce texte, et ils n’ont pas du tout abordé ce thème.

Combien de départements demandent aux petits-enfants de fournir l’ASH à leurs grands-parents ? Nous ne connaissons pas la réponse, qui nous intéresserait. Sans faire d’analogie, le sujet me fait penser aux soins palliatifs, qui ne sont pas déployés partout mais sur lesquels on veut encore légiférer. Quel est l’état des lieux et quelle est la demande ? Très peu de familles sont venues me voir pour m’alerter d’un problème de charge à assurer pour les petits-enfants. Quand les petits-enfants n’ont pas les moyens, l’aide s’éteint d’elle-même, donc sommes-nous en train de débattre d’un véritable problème ? Je l’ignore.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La République est une, monsieur Neuder, et l’État est garant de l’équité des citoyens devant la loi. Vous posez la question de la décentralisation, de la compétence des collectivités locales et de leur libre administration. Faut-il pénaliser certains citoyens parce qu’ils résident dans une collectivité plutôt que dans une autre ? Je ne le crois pas. Il faut garantir l’équité dans les politiques sociales. L’État doit jouer le rôle de garant et les collectivités celui de gestionnaire. J’ai rédigé un rapport sur la prévention santé en faveur de la jeunesse ; dans le domaine de la protection maternelle et infantile, certains départements jouent le jeu, mais il existe de grandes disparités entre eux dans les dépenses qu’ils y consacrent, par enfant de moins de 3 ans : le rapport est ainsi de un à trente. Peut-on admettre un si grand écart ? Il me semble que non.

L’article 9 rendra tous les petits-enfants égaux devant la loi, ce qui me semble intéressant. Vous posez un véritable problème, celui de l’articulation entre la libre administration des collectivités territoriales et l’égalité des citoyens devant la loi.

M. François Gernigon (HOR). Il y a également un sujet d’équité sociale. Dans ma circonscription, j’ai entendu parler de suicides de personnes âgées ; un couple s’est ainsi suicidé car il refusait de demander à ses enfants un soutien financier dont il avait besoin. Ce couple avait travaillé toute sa vie et perçu de petits revenus mais il était parvenu à acquérir une maison, seul bien qu’il possédait. Cet homme et cette femme, des petits commerçants, voulaient que leurs enfants en héritent, parce que ceux-ci avaient souffert de l’absence de leurs parents qui avaient consacré leur vie à leur travail. Au-delà de la solidarité intergénérationnelle, il faut se pencher sur la prise en charge du vieillissement et de la perte d’autonomie : nous devons relever cet enjeu de solidarité nationale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis d’accord avec l’idée selon laquelle la République doit garantir l’égalité de tous devant la loi et suis favorable à la suppression de l’obligation alimentaire des petits-enfants, car cette disposition désuète crée des difficultés et des incompréhensions. Si c’est le principe de l’égalité républicaine qui nous guide, alors nous devons avoir la lucidité de regarder les immenses disparités, bien plus fortes que la récupération de l’obligation alimentaire sur les petits-enfants, qui touchent au périmètre et aux modalités de calcul des aides d’un département à l’autre.

Certains départements considèrent que le conjoint est un obligé alimentaire, mais pas d’autres ; or les conjoints de personnes bénéficiaires de l’ASH sont bien plus nombreux que les petits-enfants sollicités pour l’ASH de leurs grands-parents. Si l’État est égalitaire, l’une des solutions est l’élaboration d’un barème national ; aucun barème national ne définit aujourd’hui les ressources prises en compte – dont le périmètre varie donc entre les départements – ni ne prévoit une harmonisation des pratiques. Celles-ci sont très disparates, tant pour les modalités de fixation des contributions alimentaires, que pour les dépenses effectivement couvertes par l’ASH et la fixation du « reste à vivre » : ce dernier peut s’établir à 8 % dans un département et atteindre 9 %, 11 %, ou 12 % dans un autre. Pourquoi ? Nous l’ignorons. En outre, certains départements imposent au demandeur de l’ASH de mobiliser son patrimoine financier avant d’ouvrir ses droits.

Il faut donc élaborer un barème national si l’on veut suivre l’orientation tracée par Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Josiane Corneloup (LR). Le rapport destiné à faire la lumière sur l’ASH ne se penchera pas sur l’opportunité d’une dispense, pour les petits enfants, de fournir l’ASH à leurs grands-parents : je le regrette. Certes, il existe de grandes disparités entre les départements mais nous en ignorons la nature. Prendre une décision à la hâte sans en mesurer les conséquences et sans compenser la charge financière qu’elle induit me paraît léger.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur Guedj, j’ai le même regard que vous : le chantier est immense, d’où l’importance de l’article 10 pour dresser un bilan clair et parvenir à l’équité dans tout le territoire.

Monsieur Neuder, le département de l’Isère, où vous êtes élu, ne demande pas aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants de fournir l’ASH ; il fait partie des soixante-huit départements qui ont supprimé l’obligation alimentaire pour les petits-enfants. La grande majorité des départements ont déjà abandonné cette mesure.

Madame Corneloup, il faut avancer étape par étape : supprimer l’obligation alimentaire des petits-enfants est une pierre importante de l’édifice de l’équité territoriale et intergénérationnelle. On évoque les situations idéales dans lesquelles vivent quatre générations, des grands-parents aux arrière-petits-enfants, mais celles-ci ne se rencontrent pas souvent dans notre société. Comme l’a dit M. Bazin, les circonstances peuvent être extrêmement complexes, et il faut veiller à ne pas mettre à mal la solidarité et le lien affectif dans les familles : nous devons vraiment éviter de créer ce type de problèmes actuellement.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS713 de Mme Laurence Cristol.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Article 10 : Rapport sur l’aide à l’hébergement

Amendement AS57 de M. Yannick Neuder.

M. Yannick Neuder (LR). Mon amendement vise à élargir le périmètre du rapport que le Gouvernement remettra au Parlement sur l’ASH. Tout d’abord, nous souhaitons que ce rapport évalue également l’aide sociale apportée par les services habilités à recevoir les bénéficiaires. En outre, il serait opportun que le rapport réfléchisse aux prises en charge à domicile par les Saad. On observe des disparités de financement entre les services habilités à l’aide sociale départementale et ceux, non habilités, qui sont simplement autorisés ; ainsi, une heure de prestation d’aide ménagère réalisée par un service habilité est facturée 2,38 euros de plus que la même heure effectuée par un service non habilité. Il serait nécessaire d’harmoniser ces tarifs afin d’accroître l’attractivité des structures pour les salariés sans que le reste à charge soit plus élevé pour les ayants droit.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’ai un peu de mal à vous comprendre, car l’amendement diffère profondément de son exposé sommaire. Dans votre amendement, vous souhaitez que les Saad puissent accueillir un pourcentage minimum de bénéficiaires à l’aide sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées, alors que l’exposé sommaire évoque le tarif horaire des prestations effectuées par les services habilités à l’aide sociale et par ceux qui ne le sont pas.

L’amendement vise à ce que le rapport étudie l’opportunité d’une habilitation à l’aide sociale d’une partie des Saad, sans coût supplémentaire ou à coût moindre pour les collectivités territoriales. Vous dites que l’habilitation a un impact sur les dépenses du département, puisque le service est financé à hauteur des dépenses réelles acceptées par le conseil départemental. L’objectif de votre amendement, à savoir limiter les dépenses voire réaliser des économies, contredit les dispositifs prévus. En outre, la capacité d’accueil des Saad s’exprime en zones d’intervention, non en nombre de places ; il serait donc complexe de définir le pourcentage minimum de bénéficiaires concernés, d’autant que vous voulez prendre la main sur des dispositions prises par les conseils départementaux sur le fondement des spécificités territoriales.

J’ai bien étudié votre amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.

M. Yannick Neuder (LR). L’essentiel est que nous nous comprenions bien. Je me fonde sur une étude de 2018 portant sur quatre-vingt-huit départements dans lesquels une heure de prestation réalisée par un service habilité à l’aide sociale est facturée 2,38 euros de plus que la même heure facturée par un service non habilité. Comment expliquer cette différence de coût, pour le salarié comme pour la personne qui finance le reste à charge ? Je suis prêt à réécrire mon amendement, mais je suis surpris qu’il existe, à prestations identiques, une différence de 2,38 euros, dont je crains qu’elle ne s’avère être un reste à charge supplémentaire.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ma réponse porte sur le fond de votre amendement, pas sur votre argumentaire. Si vous souhaitiez soulever la question, l’argumentaire pouvait apporter une pierre à l’édifice et ouvrir une réflexion. Tel n’est pas le cas. Comme M. Guedj, vous appelez l’attention sur des différences de prise en charge et de tarif entre départements et considérez qu’il faut mettre les choses à plat, mais ce n’est pas l’objet de votre amendement tel qu’il est rédigé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS384 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’hébergement en Ehpad est principalement financé par les personnes elles-mêmes et par leur famille. Le tarif médian, pour un résident d’Ehpad, s’élève à près de 1 949 euros par mois, selon l’analyse des tarifs des Ehpad en 2016 réalisée par la CNSA en 2017. D’après la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), la pension moyenne de retraite en France nette de prélèvements sociaux s’élève à 1 400 euros par mois. Ainsi, le reste à charge des résidents excède encore trop souvent leurs ressources.

Le dispositif de l’ASH vise à garantir une accessibilité financière des Ehpad. Son bénéfice est conditionné à l’occupation d’une place habilitée à l’aide sociale. L’enquête Ehpad de 2015 reflétait une sous-occupation des places habilitées à l’aide sociale par les bénéficiaires de cette aide. Les Ehpad offraient près de 442 000 places habilitées, dont seulement 120 000 étaient occupées par des résidents bénéficiaires. Par ailleurs, le non-recours à l’ASH est un fléau.

Le présent amendement vise à faire en sorte que le rapport prévu intègre des pistes de simplification de l’habilitation à l’aide sociale, qu’elle soit totale ou partielle, relativement à une part des places définie à l’échelon national avec les acteurs du secteur, quel que soit le statut juridique de l’établissement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous partageons le constat que nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état. C’est pourquoi nous souhaitons obtenir un rapport.

Vous souhaitez que le rapport envisage « des pistes de simplification du dispositif d’habilitation à l’aide sociale, comme la possibilité d’une habilitation totale ou d’une habilitation partielle, sur une part des places à définir au niveau national avec les acteurs du secteur, quel que soit le statut juridique de l’établissement ». Or le statut juridique des établissements est complexe.

Vous dressez à l’avance une forme de conclusion du rapport, en précisant son contenu. Peut-être ce sujet y figurera-t-il, peut-être pas. Le rapport explorera sans doute bien d’autres pistes de travail. L’article 10, tel qu’il est rédigé, ne limite pas le champ de l’étude à l’ASH, mais prévoit aussi de dresser le bilan de sa mise en œuvre, procédures d’habilitation et de tarification incluses.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement de notre collègue Peytavie appelle l’attention sur un sujet qui n’est pas connexe, mais directement lié à l’ASH : l’habilitation à l’aide sociale des établissements, dont ils peuvent tirer un bénéfice potentiel. Tirer le fil permet d’élargir la perspective et d’enrichir le rapport.

Madame la rapporteure, j’aimerais vous interroger sur le bilan de la mise en œuvre de l’ASH. L’article 10 dispose : « Ce rapport évalue notamment l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires. » Vous indiquez une piste dont vous souhaitez qu’elle soit explorée. Ma question est la suivante : quel est le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires ? Elle n’est ni anodine ni piégée. Le seuil de 90 % de l’actif net successoral correspond à des définitions très disparates selon les départements.

S’agit-il d’introduire un nouveau seuil, voire de supprimer l’actuel ? Des propositions ont été formulées en ce sens. Nous pouvons nous aligner sur le minimum vieillesse, qui est de 39 000 euros, en attendant son éventuelle modification par la réforme des retraites, si elle est validée dans quelques jours, ce que je ne souhaite pas. Que signifie « relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires » ? Quel est ce seuil ?

Mme Danielle Brulebois (RE). L’exposé sommaire de l’amendement rappelle que de nombreuses places habilitées à l’aide sociale ne sont pas occupées et propose de simplifier le dispositif. Or la principale cause de non-recours à ces places est la récupération sur succession. Les gens ne veulent pas de l’ASH parce qu’ils savent que leur bien sera récupéré.

On objectera qu’il suffit de transmettre son bien à ses enfants ou à ses petits-enfants avant de demander l’ASH. Cet argument se heurte au fait qu’il faut le faire plus de dix ans avant le premier versement de l’ASH. Ce délai est peut-être trop court. Dix ans, dans une vie, c’est vite passé, d’autant que nous vivons de plus en plus longtemps. Nous pourrions nous inspirer des dispositions applicables à l’assurance-vie, qui varient selon que l’on a moins de 60 ans ou moins de 70 ans.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je remercie Mme Brulebois de ses explications pertinentes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS39 de M. Jérôme Guedj et AS245 de M. Laurent Panifous.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit toujours de tirer le fil de l’ASH, en liaison avec la question de l’habilitation à l’aide sociale. Cet amendement d’appel vise à explorer, dans le rapport, l’opportunité de créer une redevance assise sur les lits dans les Ehpad non majoritairement habilités à l’aide sociale.

Cette proposition, qui figure notamment dans l’excellent rapport des sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier, vise à dégager des ressources pour financer la perte d’autonomie. Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter prochainement. Nous l’avons évoquée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et elle mérite d’être creusée.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’article 10 prévoit un rapport évaluant « l’opportunité de relever le seuil de recouvrement sur la succession des bénéficiaires ». Outre la question complexe des seuils, nous avons rappelé le fort non-recours à l’ASH, lié à la récupération sur succession.

Mon amendement vise à lutter contre ce non-recours, mais aussi contre les effets de seuil et les inégalités entre départements en général. Nous proposons d’étudier l’opportunité de transformer l’ASH en une prestation sociale dégressive pilotée par la branche autonomie.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Monsieur Guedj, vous connaissez les divers statuts dont relèvent les établissements, qui peuvent être à but lucratif ou à but non lucratif – solidaires ou publics. J’émets un avis défavorable à votre amendement, car le système de redevance proposé risque de renchérir le coût de l’hébergement en Ehpad de nombre de nos concitoyens non éligibles à l’aide sociale et n’ayant pas trouvé de lit habilité pour bénéficier de ce tarif fixe, sans effet incitatif démontré. Laissons au rapport le soin d’avancer sur ce point avant de faire peser un risque sur les personnes non éligibles aux tarifs particuliers.

Monsieur Panifous, j’émets un avis défavorable à votre amendement. Tel qu’il est rédigé, l’article 10 n’exclut en aucun cas l’étude de l’opportunité de transformer l’ASH en une prestation sociale dégressive pilotée par la branche autonomie. Nous souhaitons que le Gouvernement étudie l’opportunité et la faisabilité d’une ASH plus juste et plus adaptée, tenant compte de la capacité des personnes à financer leur hébergement compte tenu de leurs revenus et de leur patrimoine mobilisable.

La question est complexe et plusieurs pistes méritent d’être explorées, étant entendu qu’il faut veiller à ne pas créer de difficultés supplémentaires dans une situation déjà difficile à gérer pour un grand nombre de nos concitoyens.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’aimerais lever une ambiguïté. Les statuts énumérés par Mme la rapporteure ne figurent pas dans le code de l’action sociale et des familles. Il existe des établissements publics, des établissements privés solidaires associatifs et des établissements privés commerciaux, mais cette distinction ne figure nulle part dans le code, qui distingue deux types d’établissements.

Dans les Ehpad habilités au titre de l’aide sociale, la tarification journalière est fixée par un arrêté du président du conseil départemental et s’applique à tous les résidents, qu’ils soient ou non bénéficiaires de l’aide sociale, ce qui crée un effet d’aubaine pour certains d’entre eux. Je plaide donc pour une modulation de la tarification en fonction des revenus de la personne. Dans les Ehpad qui ne sont pas majoritairement habilités au titre de l’aide sociale, les tarifs, libres, évoluent en fonction d’un taux directeur fixé chaque année par Bercy et la direction générale de la cohésion sociale.

La redevance que nous proposons ne s’appliquera pas dans les établissements majoritairement habilités à l’aide sociale. Concrètement, elle ne s’appliquera qu’aux établissements privés commerciaux, dont certains tirent un bénéfice parfois très indu d’une autorisation administrative qui leur est donnée.

Elle s’inspire des licences de téléphonie mobile et des concessions d’autoroute, qui consiste à donner l’autorisation d’utiliser un bien public en contrepartie d’une redevance. Nous avons donné une autorisation à des opérateurs privés commerciaux, qui gagnent de l’argent, ce dont ils ont parfaitement le droit. Il s’agit de leur demander de verser une redevance en contrepartie des financements publics qui financent les personnels médicaux de leurs établissements, ce qui est une façon de lisser les bénéfices exorbitants de certains d’entre eux. Ni le pouvoir d’achat des bénéficiaires de l’aide sociale ni celui des résidents des Ehpad publics et associatifs qui n’en bénéficient pas n’est impacté.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS246 de M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous (LIOT). Entre les départements, les inégalités territoriales sont sensibles. D’un territoire à l’autre, les revenus diffèrent fortement. Un recours accru à l’ASH combiné à une récupération sur succession plus faible, en raison de patrimoines plus modestes, peut apparaître comme une double peine. L’amendement vise à faire en sorte que le rapport étudie l’opportunité d’une compensation intégrale du coût net de l’aide sociale à l’hébergement par la CNSA.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le rapport a pour objet de dresser le bilan le plus complet possible de l’ASH. Tel qu’il est rédigé, l’article 10 inclut les sujets que vous souhaitez aborder.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS313 de Mme Martine Etienne.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). L’article 10 prévoit un rapport sur la mise en œuvre de l’ASH ; mais comment rédiger un rapport sur la mise en œuvre d’une aide sociale sans s’intéresser au non-recours dont elle fait l’objet ? Plusieurs études sur les prestations sociales montrent que le taux de non-recours est souvent supérieur à 30 % en France, quelle que soit la prestation sociale. Il est plus élevé parmi les personnes âgées, qui forment pourtant le public ciblé par la proposition de loi.

En général, le non-recours est dû à un manque d’information, à l’isolement croissant et à une fracture numérique dont souffrent particulièrement les personnes âgées. Si la récupération sur succession est généralement citée comme la première cause de non-recours, le manque d’information, la complexité administrative et la stigmatisation sociale sont également à prendre en compte.

On ne peut pas prétendre lutter contre le non-recours sans en étudier toutes les causes. Il est temps d’analyser les chiffres et les causes du non-recours pour trouver des solutions et permettre à chacun de commencer à sortir de la précarité, en bénéficiant des prestations qui lui reviennent de droit. Tel est le sens de l’amendement.

La pauvreté n’épargne pas les personnes âgées : un retraité sur dix a un niveau de vie inférieur à 1 128 euros par mois et par unité de consommation. La réforme des retraites, si elle n’est pas retirée, ne fera qu’empirer ce phénomène en baissant automatiquement les pensions et en dégradant encore plus les conditions de vie des retraités.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Madame Etienne, vos chiffres sont exacts. Il va de soi que le non-recours à l’ASH sera examiné dans le rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 non modifié.

Après l’article 10

Amendement AS315 de Mme Caroline Fiat.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). L’amendement est défendu.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement vise à supprimer la récupération sur succession de l’ASH. Nous œuvrons déjà, dans la proposition de loi, à la justice sociale, en supprimant l’obligation alimentaire des petits-enfants s’agissant de l’ASH. Le rapport prévu à l’article 10 permettra de faire le point sur les modalités et les perspectives d’évolution de l’ASH. Par ailleurs, la suppression de la récupération sur succession donnerait un avantage important aux propriétaires d’un patrimoine, dont la transmission serait ainsi indirectement subventionnée par des fonds publics.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS327 de Mme Caroline Fiat.

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS247 de M. Laurent Panifous.

M. Laurent Panifous (LIOT). Il s’agit de créer une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires pour les établissements non habilités à l’aide sociale souhaitant pratiquer des tarifs d’hébergement libres. L’évolution de leurs tarifs est de plus en plus indexée sur l’inflation. Tel n’est pas le cas de celle des tarifs pratiqués par les structures habilitées majoritairement à l’aide sociale, qui varie entre 0 et 1 %, voire 1,5 % les belles années. Pour compenser ce qui est une forme d’inégalité et d’injustice, nous proposons d’envisager l’instauration d’une redevance proportionnelle au chiffre d’affaires des structures à tarifs libres.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Cette disposition est contraire à des principes juridiques tels que l’égalité devant les charges publiques et la libre concurrence. Il n’est pas envisageable de s’engager dans cette voie. Par ailleurs, elle aurait pour conséquence d’accroître le reste à charge pesant sur les résidents, ce qu’il faut absolument éviter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS160 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement vise à préciser les modalités d’évolution annuelle des tarifs d’hébergement des bénéficiaires de l’aide sociale, et ce dans les mêmes conditions que les résidents admis à titre payant. Il s’agit d’une indexation sur le pourcentage fixé annuellement par l’arrêté ministériel, qui s’applique d’ailleurs déjà pour les Ehpad majoritairement habilités à l’aide sociale accueillant moins de 50 % de bénéficiaires de l’aide sociale.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement ne semble pas opportun. La fixation des tarifs de l’ASH relève des compétences du président du conseil départemental, de même que la politique d’habitation des places.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS394 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit de procéder à une expérimentation permettant d’augmenter les capacités des établissements à accueillir des personnes habilitées à l’aide sociale au-delà de l’habilitation permise.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je m’interroge sur la pertinence d’une telle proposition. Les places habilitées à l’ASH souffrent d’une sous-occupation. Dès lors, permettre l’accueil de bénéficiaires de l’ASH au-delà d’une capacité habilitée non remplie au préalable n’améliore pas l’accessibilité des places ni ne réduit le reste à charge.

Avis défavorable.

M. Laurent Panifous (LIOT). Les structures habilitées à l’ASH pourraient faire l’objet d’une priorité en matière de création de places. Cette piste pourrait être explorée dans le rapport.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS205 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois (RE). L’amendement prévoit la remise d’un rapport étudiant la possibilité de soumettre les Ehpad à une obligation d’habilitation à l’ASH.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Des travaux sur la tarification des Ehpad, relatifs notamment à l’impact de l’habilitation des établissements et au reste à charge imputé aux résidents, sont en cours et feront l’objet d’un rapport au Parlement. La mission d’information Pires Beaune sur le reste à charge en Ehpad devrait également nous éclairer sur la modulation de la tarification selon les capacités des résidents, par exemple sous forme d’un supplément de loyer de solidarité. Le rapport ici prévu est donc prématuré.

Je suggère le retrait de l’amendement, qui est satisfait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements AS322 et AS328 de Mme Martine Etienne (discussion commune).

Mme Martine Etienne (LFI - NUPES). Par cet amendement nous demandons la remise d’un rapport sur la suppression de la récupération sur succession de l’ASH, qui oppose à ses bénéficiaires des critères dissuasifs. Il faut assouplir ses conditions, comme nous avons assoupli celles de la prestation sociale dépendance.

Dans cette perspective, la récupération sur succession doit être réinterrogée. Le seuil de récupération, fixé à 46 000 euros d’actif net par l’article R. 132-12 du code de l’action sociale et des familles, est dissuasif pour des personnes ayant besoin de l’aide sociale mais disposant de patrimoines modestes.

En supprimant la récupération sur succession, les membres du groupe LFI - NUPES souhaitent assurer l’universalité de l’ASH, à l’égal d’autres prestations sociales telles que l’APA. Le HCFEA chiffre le déverrouillage de l’ASH à environ 2,8 milliards d’euros, sur la base des données de la Drees.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La suppression de la récupération sur succession ne semble pas opportune. Le rapport prévu à l’article 10 devrait nous éclairer à ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements.


Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 15 heures

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 5 avril 2023, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([126]).

M. Thibault Bazin (LR). Madame la présidente, la date limite de dépôt des amendements en vue de la séance publique a été fixée à demain, dix-sept heures. Il me semblerait opportun, en considération des conditions de travail des parlementaires, de leurs équipes et des administrateurs, et alors que nous finirons probablement nos travaux dans quelques heures, de prévoir un délai un peu plus raisonnable, sachant que le texte ne passe en séance que mardi.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je comprends tout à fait votre demande, mais il se trouve que lundi prochain est un jour férié. Puisque vous vous souciez aussi de l’administration, il faut lui permettre de traiter, avec nos rapporteures, l’ensemble des amendements qui seront déposés. En tout état de cause, la décision ne nous appartient pas : c’est plutôt vers la présidente de notre assemblée que vous pourriez vous tourner. Nous ferons néanmoins au mieux.

Article 11 : Financement d’actions de prévention de la perte d’autonomie dans les forfaits soins et dépendance attribués aux Ehpad

Amendement de suppression AS331 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’article 11 permet l’ouverture du forfait soins des établissements et des services médico-sociaux pour personnes âgées aux actions de prévention contre la perte d’autonomie, qui d’ordinaire dépendent plutôt du forfait dépendance.

Si le mode de financement des établissements est à repenser, nous prônons de l’établir en fonction des besoins plutôt que des objectifs de dépense. Le transfert de postes de dépense d’un forfait à l’autre n’augmentera pas l’assiette globale des établissements et des services médico-sociaux.

Cet article renforcerait, en réalité, les imperfections du système actuel. De nombreux postes sont financés sur deux sections, et certaines affectations de postes sont non pertinentes. Ouvrir le forfait soins aux activités de prévention et de lutte contre la perte d’autonomie conduirait à un nouveau chevauchement. Ces calculs de boutiquier ne répondent pas au besoin de réforme des méthodes de financement du secteur de la dépendance.

Le rapport Fiat-Iborra préconisait, quant à lui, de « transférer certains postes aujourd’hui financés par le résident sur la section hébergement vers les sections qui bénéficient de financements publics ». L’hébergement adapté est un véritable enjeu compte tenu du vieillissement de la population. Malgré les aides actuelles, le reste à charge demeure bien souvent trop élevé. Comment justifier le fléchage des financements publics inscrit dans cet article ? Nous demandons sa suppression.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis un peu surprise. Cet article est très attendu par les acteurs concernés et vraiment important pour les personnes âgées. Il devrait, en effet, encourager le financement par le forfait hébergement d’actions essentielles pour la prise en charge, comme l’intervention d’éducateurs dans les établissements et l’organisation d’activités de sport santé, qui sont au cœur du dispositif de lutte contre les chutes, la sarcopénie et les facteurs précipitant la perte d’autonomie.

Je ne peux qu’être défavorable à cet amendement de suppression.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS174 de Mme Laurence Cristol et AS607 de M. François Gernigon (discussion commune).

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Mon amendement est rédactionnel.

M. François Gernigon (HOR). Le mien vise à préciser que les actions de prévention qui pourront être financées par le forfait global relatif aux soins ciblent non seulement la prévention de la perte d’autonomie mais également, de façon plus générale, la promotion de la santé des personnes âgées dépendantes.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis complètement d’accord avec vous quant à la nécessité de préciser qu’il s’agit de faire de la prévention de la perte d’autonomie – c’est d’ailleurs l’objet de mon amendement. La notion de promotion de la santé, en revanche, va de soi tout en n’étant pas suffisamment précise.

Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Je sens que vous devenez sensible, au fil de l’examen des amendements, à l’alerte que nous lançons : la perte d’autonomie peut concerner des personnes qui ne sont pas âgées. La prévention en la matière et la promotion de la santé doivent avoir lieu à tous les âges de la vie et pour toutes les personnes potentiellement en situation de handicap, celui-ci se traduit souvent par une perte partielle d’autonomie. L’amendement de M. Gernigon me semble donc préférable.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis totalement d’accord avec l’idée que la prévention de la perte d’autonomie et la promotion de la santé valent pour tous les âges, y compris le nôtre – même si je ne connais pas votre âge. Néanmoins, c’est du financement des Ehpad qu’il est question, et donc plutôt de personnes âgées. L’amendement de M. Gernigon serait très bien sans la notion, un peu trop vague, de promotion de la santé.

M. Thibault Bazin (LR). Vous assimilez les Ehpad aux personnes âgées, alors que certaines de ces structures, par exemple en Lorraine, sont spécialisées dans l’accueil de personnes en situation de handicap, bien avant 80 ans.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 11, que je vous invite à relire, concerne l’hébergement en Ehpad, où la moyenne d’âge est de 85 ans.

La commission adopte l’amendement AS714.

En conséquence, l’amendement AS607 tombe.

Amendement AS656 de M. Freddy Sertin.

Mme Prisca Thevenot (RE). L’article 11 prévoit que le forfait soins des Ehpad pourra être mobilisé pour financer des actions de prévention. Nous souhaitons préciser que cela concernera notamment l’intervention des référents qualité en Ehpad. Ils jouent un rôle important, car ils sont en particulier chargés du suivi des plans d’action visant à améliorer la qualité de l’accompagnement, du respect de la réglementation et de l’évaluation de la gestion des risques.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je suis totalement d’accord avec vous, ces référents jouent un rôle très important en ce qu’ils contribuent à garantir la qualité de la prise en charge. Je suis donc très favorable à votre amendement.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je dois dire que je suis choquée : un forfait soins est destiné aux soins. Alors qu’on manque de soignants et d’accompagnement dans nos Ehpad, on ajoute des référents qualité. Il faut trouver d’autres ressources que les forfaits soins pour leur financement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La qualité est très importante dans les établissements. Par ailleurs, compte tenu de la rédaction de l’article, le forfait dépendance sera également mis à contribution.

Mme Isabelle Valentin (LR). Nous nous rendons tous dans des Ehpad : on nous dit qu’il y a beaucoup trop de personnel administratif et pas assez de monde pour s’occuper des résidents. Nous devons trouver des moyens pour payer des soignants et des gens qui s’occupent d’eux. N’ajoutons pas encore une couche d’administratif ! Les médecins, par exemple, sont vent debout contre les nouveaux logiciels dans lesquels tous les dossiers doivent être intégrés – c’est très lourd.

Mme Chantal Bouloux (RE). Il existe déjà des référents qualité dans les Ehpad. Ils relèvent du forfait soins, dans le cadre de budgets supplémentaires fixés lors de la conclusion des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, et n’ont rien à voir avec des administratifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS605 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). Aux termes du présent article, la prévention dans les établissements pourrait être financée par deux forfaits distincts, l’un relatif à la dépendance et l’autre aux soins. En vue de réaliser un bilan des actions menées, nous proposons que les modalités d’utilisation des crédits soient communiquées aux organismes financeurs, les agences régionales de santé (ARS) et les départements, dans un document unique.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Un tel rapport ne paraît pas utile, car les financements de la prévention sont accordés en contrepartie d’engagements. L’évaluation des actions menées est assurée par l’autorité ayant attribué les financements, notamment l’ARS.

Je vous propose donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS509 de Mme Josiane Corneloup.

Article 11 bis (nouveau) : Rôle renforcé du médecin coordonnateur en Ehpad

Amendement AS657 de M. Bastien Marchive.

M. Bastien Marchive (RE). J’ai visité plusieurs Ehpad depuis juin dernier, et j’ai pu constater que de nombreux résidents avaient des difficultés à voir leur médecin et à se faire prescrire des médicaments dont ils avaient besoin. Quand bien même les résidents ont un médecin traitant, celui-ci n’a souvent plus le temps de se déplacer, et les téléconsultations ne sont pas toujours possibles. Les médecins coordonnateurs qui interviennent dans les Ehpad n’ont pas le droit de pallier ce manque, sauf dans des situations très particulières. Des patients qui ont un médecin traitant mais ne peuvent pas le consulter et qui voient régulièrement un médecin coordonnateur qui ne peut pas leur prescrire de médicaments : voilà bien le paradoxe !

Afin de garantir à nos aînés un accès aux soins effectif, le présent amendement tend à charger le médecin coordonnateur du suivi médical des résidents en élargissant son pouvoir de prescription et en laissant aux résidents qui le souhaitent la possibilité d’en faire leur médecin traitant dès leur entrée en Ehpad. Grâce à la combinaison des fonctions de coordination et d’encadrement des équipes et d’une approche clinique, nous pourrions faire d’une pierre deux coups, et rendre aussi plus attractive la fonction de médecin coordonnateur, dont les Ehpad manquent grandement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vous parlez à une convaincue. Dans une autre vie, j’ai exercé la profession de médecin coordonnateur dans des Ehpad – c’était à l’époque de la mise en place des conventions tripartites –, et j’ai été mise en difficulté de nombreuses fois pour la raison que vous avez évoquée. La situation s’est aggravée ces dernières années à cause de la désertification médicale. La mesure que vous proposez me paraît particulièrement utile pour renforcer la prise en charge en Ehpad. J’y suis très favorable.

La commission adopte l’amendement et l’article 11 bis est ainsi rédigé.

Article 11 ter (nouveau) : Obligation de contrôle et de sanction envers les Ehpad privés lucratifs ne respectant pas les règles du code de l’action sociale et des familles

Amendements AS24 de M. Patrick Hetzel et AS396 de M. Sébastien Peytavie (discussion commune).

Mme Isabelle Valentin (LR). Le scandale des Ehpad privés commerciaux qui a été révélé par le livre Les Fossoyeurs a mis en lumière le fait qu’un certain nombre d’acteurs du secteur lucratif utilisaient la complexité des financements pour masquer un enrichissement non justifié sur des deniers issus de la solidarité nationale. L’amendement déposé par notre collègue Hetzel vise à instaurer une obligation de contrôle renforcée. Afin de donner une suite contraignante aux résultats des évaluations et des contrôles, des sanctions devront être prises systématiquement en cas de constat d’un mauvais état d’entretien de l’immeuble ou de non‑réalisation de travaux.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Si le scandale Orpea a révélé de nombreuses défaillances de l’action sociale, la question du soin et de l’accompagnement des personnes âgées en Ehpad, de la dégradation des conditions de travail et de la maltraitance institutionnelle ne date pas de 2022. Un fort mouvement de contestation nationale du travail en Ehpad et des conditions d’accompagnement avait déjà émergé en 2018.

La loi de financement de la sécurité sociale de 2023 a enfin permis de renforcer le régime des sanctions pouvant être prononcées à l’égard des groupes peu scrupuleux qui s’enrichissent sur le dos de nos aînés. Notre amendement a pour objet d’automatiser les sanctions à l’encontre des établissements qui ne respecteraient pas leurs obligations de qualité des soins et de l’accompagnement à la suite des injonctions adressées par les autorités compétentes.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le constat est partagé : ce scandale nous a tous profondément choqués. En revanche, donner un caractère systématique aux sanctions me gêne. On connaît des Ehpad dont l’habitat est ancien et nécessite parfois des travaux, mais on sait aussi à quel point il peut être compliqué d’adapter les logements. Certaines maisons de retraite ont été construites il y a quarante ou cinquante ans : la réglementation en matière d’accessibilité ou d’aménagement n’était pas la même qu’aujourd’hui. Il est vrai que ces structures devraient se mettre en conformité, mais la systématisation des sanctions pourrait entraîner des difficultés dans des Ehpad qui ont pris du retard pour certains aménagements. Avis défavorable à l’amendement AS24.

Monsieur Peytavie, ce que vous avez dit semble couler de source, mais il y a, heureusement, plus d’établissements qui sont dans la bientraitance et l’éthique que d’établissements qui ne le sont pas. Il faut laisser une certaine souplesse en cas de difficultés, notamment de calendrier pour la mise en place de certaines mesures, afin de pas stigmatiser les établissements et de ne pas aboutir à des fermetures. Il existe clairement des cas particuliers de maltraitance et d’excès, comme le livre Les Fossoyeurs l’a montré, mais faisons attention aux milliers d’établissements qui fonctionnent bien, qui accueillent avec bienveillance et d’une manière éthique leurs résidents, mais qui, pour diverses raisons, ne sont pas totalement dans les clous par rapport à certaines réglementations. Il s’agit simplement de laisser un peu de souplesse, sur le plan administratif, pour éviter des fermetures ou des difficultés qui dégraderaient le bien-être des résidents. Laissons aux autorités compétentes une marge de manœuvre.

M. Thibault Bazin (LR). Le scandale Orpea a conduit des collègues, notamment Patrick Hetzel, à réaliser des travaux qui ont mis en lumière des dérives sur le plan immobilier. Bien sûr, madame la rapporteure, on ne peut pas mettre sur le même plan des Ehpad dont l’immobilier est géré d’une manière correcte et ceux qui ont des pratiques frauduleuses, qui n’entretiennent pas les bâtiments pour lesquels ils ont reçu des investissements privés et organisent de fait des transferts d’autorisation qui peuvent jeter les investisseurs dans le désarroi. Certains acteurs se permettent des conduites d’autant plus immorales que le fonctionnement des structures est en partie assuré grâce à un financement public. Le ministre Jean-Christophe Combe a ainsi déclaré que le Gouvernement avait l’intention de déposer des amendements qui viseront notamment à mieux contrôler les transferts d’autorisation.

Ces derniers peuvent se justifier par le fait que l’immeuble s’est dégradé, la plupart du temps faute d’investissements. Il arrive que des gestionnaires – je ne parle pas d’Ehpad anciens, qui ont cinquante ou soixante ans et qui peinent à être éligibles au Ségur de l’investissement –, se livrent à des manœuvres frauduleuses : ils n’entretiennent pas les bâtiments, voire s’organisent pour se retrouver dans une situation justifiant un transfert d’autorisation. L’amendement AS24 demande que l’injonction prononcée liste les travaux de mise en conformité, d’entretien ou d’amélioration qui s’imposent afin de garantir l’effectivité de la prise en charge des personnes accueillies ou accompagnées. Le terme « systématique » ne figure pas dans le dispositif, qui demande simplement un contrôle accru en cas de dysfonctionnement ou de non-conformité.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Madame la rapporteure, votre réponse est très surprenante. Nous sommes là pour écrire la loi. Quand vous demandez de la souplesse, c’est comme si vous disiez que le contrôle technique d’une voiture est obligatoire mais qu’il peut ne pas avoir lieu dans des cas particuliers, lorsque les gens n’ont pas le choix de faire autrement. Non, il existe une règle écrite, et elle doit être respectée. Si vous acceptez de la souplesse, c’est‑à‑dire que les établissements ne soient pas en conformité, vous inscrivez dans la loi un droit à la négligence. On ne peut pas l’entendre pour ce secteur d’activité. Les cas particuliers seront traités, comme d’habitude, mais on ne peut pas laisser penser qu’on sera coulant en matière de respect des normes dans ce type d’établissements.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je suis également assez étonnée. Les propositions issues des missions « flash » sur le scandale Orpea, à la fin de la législature précédente, ont été validées à l’unanimité, et cet amendement en faisait partie. Vous nous dites aujourd’hui que vous êtes contre – je ne comprends plus !

Mme Fanta Berete (RE). Nous touchons à un sujet sensible, et j’aimerais qu’on prenne le temps d’y réfléchir. Nous avons tous été bousculés, avant même l’affaire Orpea, qui résonne encore, par le livre Suzanne, du journaliste Frédéric Pommier, qui dénonçait déjà un certain nombre de choses.

Nous avons bien compris que ce texte ne serait pas notre grande loi sur le sujet, mais je n’ai pas envie, à titre personnel, de laisser penser que nous sommes faibles. Ce que nous pouvons faire dès maintenant doit être fait.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je trouve que nous sommes allés un peu vite sur l’amendement précédent, mais nous aurons l’occasion d’y revenir en séance.

Nous avons adopté il y a quelques jours une proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, parce que nous avons considéré qu’il y avait des problèmes dans ce domaine. On peut faire un parallèle avec les Ehpad. Nous devons afficher de la fermeté sur ce sujet. La loi actuelle, qui n’évoque qu’une possibilité d’injonction, n’est pas satisfaisante ; elle devrait être plus prescriptive.

Mme Caroline Janvier (RE). Je viens de relire l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles, que cet amendement tend à modifier. La loi en vigueur va assez loin lorsque les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement présentent des risques susceptibles d’affecter la prise en charge.

Je suis toujours un peu prudente à l’égard des sanctions automatiques – cette notion, monsieur Bazin, est bien présente dans l’exposé sommaire de l’amendement de M. Hetzel, et dans celui de l’amendement de M. Peytavie. On enclencherait systématiquement un processus comportant l’affichage public, sur les murs de l’établissement, ce qui revient à porter atteinte à son image, des injonctions de l’autorité compétente. Il peut y avoir des raisons à cela, mais je ne voudrais pas que l’on organise tout en fonction de l’affaire Orpea, au sujet de laquelle nous sommes d’accord : les comportements en question sont extrêmement graves, et ils ont porté atteinte à l’image de tout le secteur. Je m’interroge, en revanche, sur les cas dans lesquels un établissement connaît quelques incidents ou retards par rapport aux travaux qu’il compte faire : il serait publiquement mis au ban, avec tout ce que cela implique pour la confiance des usagers et de leurs proches dans l’établissement. Je suis plutôt réservée quant à l’idée de rendre automatiques, ou systématiques, ces dispositions très lourdes de conséquences.

M. Jérôme Guedj (SOC). Les arguments des collègues Hetzel et Peytavie sont pertinents. Par ailleurs, on nous dit que des amendements gouvernementaux seront déposés : nous les découvrirons on ne sait quand, ce qui pose une petite difficulté d’ordre méthodologique. Nous étions, au demeurant, en train d’examiner ce texte lorsque le ministre a présenté une synthèse des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) sur le bien‑vieillir, avant la présentation d’une feuille de route – c’était donc une étape intermédiaire, dont nous avons compris qu’elle avait été bricolée, improvisée pour permettre au ministre d’exister un peu dans la séquence législative actuelle.

Nous avons ainsi découvert qu’il y aurait de nouvelles mesures de transparence et de moralisation pour le secteur des Ehpad, dans la continuité de ce qui a été fait depuis la crise Orpea. C’est bien cette crise qui est le fait générateur des nouvelles mesures, dont certaines ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Certains d’entre nous avaient pu faire adopter des amendements à cette occasion. Un meilleur contrôle des transferts d’autorisation et un nouveau partage de la valeur au sein de ces entreprises – mais je ne sais pas ce que cela veut dire – sont prévus.

Nous découvrirons en séance de nouvelles dispositions, alors que nous sommes déjà en train de légiférer. Je m’adresse aux rapporteures : savez-vous quels amendements le Gouvernement envisage de déposer – j’imagine que vous êtes en contact avec lui – et y a-t-il une concertation en la matière ? Je pense que nous méritons d’être éclairés sur ces deux points.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous remercie pour ce débat, qui est important. C’est une très bonne chose qu’il ait lieu.

Je l’ai dit d’emblée, c’est le caractère systématique qui me pose un problème dans ces amendements. Il y a, bien sûr, la dimension affective – nous sommes très impliqués dans ces questions – et nous avons toujours en tête l’exception qui nous mettra en difficulté, mais nous sommes là pour écrire des articles de loi qui seront opposables. Comme l’a dit très justement Caroline Janvier, il faut donc être extrêmement prudent. Aujourd’hui, l’automaticité des sanctions que vous réclamez risque de mettre en danger des établissements qui fonctionnent très bien.

Je refuse d’employer l’expression de contrôle technique lorsqu’il est question d’Ehpad et de personnes âgées.

Je donne un avis de sagesse tout en mettant en garde contre le risque de fragiliser des établissements vertueux.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Avant que les sanctions s’appliquent, les établissements disposent tout de même d’un délai pour se mettre en conformité.

Madame Janvier, un retard dans les travaux n’est pas de même nature que les dérives observées dans l’affaire Orpea.

Mme Caroline Janvier (RE). L’effet sur l’opinion sera le même.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Non, l’opinion fait la distinction entre un délai pour des travaux et de la maltraitance. Il importe de pouvoir sanctionner les établissements lorsque la gravité des manquements est avérée.

La commission adopte l’amendement AS24 et l’article 11 ter est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AS396 tombe.

Après l’article 11

Amendement AS401 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le scandale Orpea a révélé des pratiques peu scrupuleuses de la part des Ehpad privés commerciaux, telles que des rétrocommissions grâce auxquelles l’argent public venait directement garnir les bénéfices sans que les résidents en voient la moindre trace, ni dans leurs assiettes ni dans les effectifs.

Pour lutter contre ces pratiques délétères, l’amendement a pour objet d’interdire à toute personne morale sanctionnée au titre de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles de bénéficier des financements publics de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Avis défavorable.

Même si je partage votre volonté de renforcer l’arsenal de sanctions à l’encontre des établissements et groupes coupables de pratiques abusives, il paraît excessif de leur interdire tout financement public, notamment pour ne pas pénaliser tous les établissements gérés par une même personne morale.

Compte tenu des tensions sur la disponibilité des places en Ehpad, nous devons être à la fois prudents et fermes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS400 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Afin de renforcer les sanctions qui ont déjà été alourdies par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023, l’amendement vise à imposer la publication sur le site de l’ARS des injonctions dont font l’objet les groupes peu scrupuleux qui s’enrichissent sur le dos de nos aînés.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles prévoit l’affichage de l’injonction à l’entrée des locaux de l’établissement concerné. En outre, le décret du 28 avril 2022 impose aux Ehpad la publication d’indicateurs permettant au grand public d’être informé de la qualité d’accueil et de prise en charge.

Je vous invite à retirer votre amendement, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 11 quater (nouveau) : Mesures en faveur de l’amélioration de la santé nutritionnelle des résidents d’Ehpad

Amendement AS717 de Mme Laurence Cristol.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Il s’agit d’améliorer la quantité et la qualité des repas dans les établissements accueillant des personnes âgées pour prévenir et lutter contre la dénutrition.

En dépit de l’obligation de respecter un cahier des charges relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances sur la gestion des établissements du groupe Orpea souligne « l’absence de garantie suffisante sur la satisfaction des besoins nutritifs » des résidents et l’existence d’un « protocole discutable de lutte contre la dénutrition ».

Il est donc proposé que les Ehpad respectent un cahier des charges spécifique afin de mieux prendre en compte les besoins particuliers des personnes âgées. En outre, l’amendement vise à étendre aux gestionnaires d’établissements sociaux et médico-sociaux l’obligation de consulter régulièrement les résidents sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis. Le conseil de la vie sociale pourra notamment être informé et consulté.

M. Thibault Bazin (LR). Combien d’articles comptez-vous ajouter à la proposition de loi ? Ici, vous vous aventurez sur le terrain de l’alimentation qui participe évidemment au bien-être des résidents.

Je ne voudrais pas laisser croire, à cause du scandale Orpea, que tout va mal. Certains établissements sont engagés dans des démarches pour satisfaire les besoins des résidents.

La qualité nutritionnelle dépasse le champ de compétences de notre commission puisqu’elle n’est pas sans lien avec la production agricole ainsi qu’avec l’exigence de produits de qualité et durables à laquelle la restauration collective est soumise. Cette préoccupation ne doit pas être limitée aux établissements mais être étendue au portage de repas à domicile qui concerne un nombre bien plus grand de personnes.

Je vous conseille de retravailler l’amendement afin qu’il garantisse une alimentation saine à l’ensemble des personnes âgées.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La prévention de la perte d’autonomie et la prise en charge des résidents nécessitent d’actionner plusieurs leviers au premier rang desquels la nutrition. J’en conviens, notre commission n’est pas le lieu pour parler de la relocalisation alimentaire, qui est un enjeu crucial pour notre pays.

À ma connaissance, les services de portage de repas à domicile répondent déjà à un cahier des charges très précis. Je vais néanmoins le vérifier.

La commission adopte l’amendement et l’article 11 quater est ainsi rédigé.

Après l’article 11

Amendement AS582 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Plusieurs rapports l’ont démontré, une simplification de la gouvernance et de la tarification des Ehpad est nécessaire.

À cette fin, le rapport Libault préconise – c’est la proposition 125 – une fusion des sections tarifaires « soins » et « dépendance ». Dans son rapport sur la prise en charge médicale des personnes en Ehpad publié en février 2022, la Cour des comptes observait que « la construction d’un modèle unifié de tarification où l’assurance maladie assumerait le financement quasi intégral des charges relatives aux soins et à la dépendance permettrait de mettre en cohérence et de simplifier la structure de financement, ainsi que de regrouper au niveau des ARS, les discussions financières relatives à la prise en charge des personnes ».

L’amendement vise donc à concrétiser ces recommandations récurrentes en proposant d’expérimenter l’unification des sections « soins » et « dépendance » en une seule section « soins et entretien de l’autonomie » qui serait pilotée par l’ARS. Les Ehpad auraient ainsi un seul interlocuteur, l’ARS, s’agissant de l’offre de soins et d’accompagnement dans les actes de la vie quotidienne. Une telle réforme permettrait aussi de renforcer l’équité de traitement sur le territoire national, notamment grâce à la suppression du « point GIR » dont la valeur est très différente selon les départements. Conformément aux préconisations du rapport Libault, les départements conserveraient le pilotage de la section « hébergement » pour les établissements habilités à l’aide sociale.

La nouvelle section pourrait être financée par un transfert aux ARS d’une partie des concours alloués par la CNSA aux départements. Les crédits destinés au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie en établissement pourraient ainsi être versés aux ARS participant à l’expérimentation.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. J’étais médecin coordonnateur lorsque la tarification a été instaurée. À l’époque, les établissements accueillaient plutôt des résidents que des patients, de telle sorte que la tarification était pertinente. Aujourd’hui, on peut s’interroger mais la question est plus complexe que ce vous présentez. Elle nécessite une étude d’impact financier ainsi qu’une concertation entre les divers acteurs pour déterminer la gouvernance appropriée. L’expérimentation ne me semble pas la méthode la plus opportune. Le Gouvernement étudie actuellement la possibilité de fusionner les deux sections.

Contrairement à ce que vous laissez croire, la proposition 125 du rapport Libault envisage deux scénarios pour le pilotage, sans trancher en faveur de l’un ou l’autre.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je renouvelle ma question aux rapporteures : avez-vous eu un contact avec le ministre ou son cabinet ? Avez-vous connaissance des amendements envisagés et avez-vous été associées à leur rédaction ?

La nécessité de la fusion des sections fait l’objet d’un consensus. Reste à trancher la question du pilotage de la nouvelle section, vous avez raison, madame la rapporteure. Des discussions sont en cours avec l’Assemblée des départements de France (ADF).

Face à l’inertie dans le débat sur la gouvernance qui nous fait prendre du retard, la proposition de M. Peytavie, à laquelle j’adhère, a le mérite de faire un choix. Sans fusion des sections, il n’est pas possible de revoir le financement des différentes sections ni d’envisager la socialisation de certaines dépenses dans les Ehpad qui permettrait notamment de diminuer le reste à la charge. Il serait bon de voter l’amendement pour envoyer un signal au Gouvernement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Je vous confirme que le Gouvernement étudie le sujet mais je n’en sais pas plus. Je vous invite donc à interroger le ministre en séance.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement choisit l’un des deux scénarios et propose une expérimentation pour en vérifier la pertinence et l’efficacité.

M. Thibault Bazin (LR). Selon Gerontonews, le Gouvernement s’intéresse au transfert d’établissement mais pas au plafonnement des crédits pouvant être mis en réserve.

L’ingénierie financière a permis à certains groupes et établissements – cela concerne le secteur de la dépendance mais aussi du handicap – de mettre en réserve des sommes importantes. Certains groupements couvrent plusieurs départements et dépendent parfois de plusieurs ARS, ce qui leur permet de mettre en commun leurs excédents, au risque parfois de dépouiller certains de leurs établissements des crédits nécessaires à leur fonctionnement et de dégrader les conditions de travail des salariés et d’accueil des résidents.

Pourquoi ne pas donner un avis de sagesse à cette demande de rapport, quitte à le supprimer si le Gouvernement arrive avec des propositions de mécanismes de contrôle ?

Mme Caroline Janvier (RE). La tarification et la gouvernance sont au cœur des débats depuis un certain temps. L’ADF elle-même reconnaît qu’elle n’est pas en mesure de parler au nom de l’ensemble des départements. C’est la principale difficulté à laquelle nous nous heurtons mais nous devons avancer. Je suis favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS3 de M. Patrick Hetzel.

Mme Justine Gruet (LR). Il s’agit de demander un rapport clarifiant les règles d’imputation des dépenses de personnel entre les différentes sections tarifaires des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que la réglementation et les prérogatives des autorités sur les imputations budgétaires et l’usage des excédents par les gestionnaires d’Ehpad.

Le but est d’instituer un plafonnement du montant des crédits pouvant être mis en réserve avant la fin de l’année 2023. En effet, le scandale des Ehpad privés commerciaux a montré que certains acteurs privés lucratifs utilisaient la complexité des financements pour masquer un enrichissement injustifié grâce à des deniers issus de la solidarité nationale. Nos aînés et leurs familles ne peuvent accepter que nous les laissions faire plus longtemps.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les règles de répartition des dépenses de personnel sont précisées par décret. Elles peuvent donc être modifiées sans qu’un rapport au Parlement soit établi préalablement.

Quant au plafonnement des mises en réserve, l’article 62 de la LFSS 2023 apporte une première réponse. Il revient sur le principe de libre affection des résultats par le gestionnaire en limitant dans le temps l’utilisation des excédents budgétaires des établissements afin qu’ils soient effectivement dépensés.

Je vous invite donc à retirer l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS360 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Les Ehpad sont souvent très coûteux et le reste à charge, très élevé pour les personnes âgées. Il peut atteindre 1 500 euros par mois, contre 60 euros pour une personne dépendante vivant chez elle. Dans 75 % des cas, il excède les ressources courantes de la personne accueillie dans un Ehpad.

C’est encore pire en outre-mer. Le coût très élevé des Ehpad constitue un frein pour de nombreuses personnes âgées et les établissements manquent de places et de personnels, ce que les syndicats ne cessent de dénoncer. Les moyens ne sont pas suffisants pour assurer un accompagnement satisfaisant des résidents. Les équipes soignantes et les personnes âgées sont les premières à en souffrir.

C’est la raison pour laquelle nous demandons un rapport évaluant l’impact sur les finances sociales d’un transfert de charges depuis le forfait « hébergement » vers les deux autres forfaits socialisés des Ehpad pour diminuer le reste à charge des résidents.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. De nombreux travaux portent sur le reste à charge, en particulier la mission confiée à Christine Pires Beaune ayant pour objet l’évaluation des soutiens publics permettant de limiter le reste à charge des personnes âgées en perte d’autonomie, qui n’a pas encore achevé ses travaux. Un nouveau rapport ne semble donc pas nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS370 de Mme Caroline Fiat.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Les personnes âgées ne sont pas des marchandises. Il est indécent que certains fassent des bénéfices sur leur dos. Orpea a engrangé 233,8 millions d’euros de bénéfice net en 2019 ; le groupe Korian a redistribué environ 50 millions d’euros à ses actionnaires chaque année entre 2015 et 2019.

De quoi parle-t-on ? De l’isolement et de la souffrance de nombreux seniors qui sont refusés dans les établissements privés parce que trop pauvres. Pourtant, ces établissements sont largement subventionnés par de l’argent public, alors que, dans les établissements publics, les places sont rares. Plusieurs rapports ont mis en lumière la maltraitance institutionnelle.

L’amendement vise à demander un rapport sur la création d’un réseau public de maisons de retraite avec des tarifs harmonisés et accessibles au plus grand nombre. Même si les conditions de vie dignes de nos personnes âgées n’ont pas de prix, le rapport doit aussi évaluer l’impact sur le budget de la sécurité sociale d’une telle mesure.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous partageons l’inquiétude sur la disponibilité et le financement des places en Ehpad pour nos aînés

Toutefois, la place de votre amendement, dès lors qu’il porte sur l’impact sur le budget de la sécurité sociale, est dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je conteste votre analyse, madame la rapporteure. L’amendement pose une question qui est très largement occultée pour l’instant : le devenir des Ehpad publics.

Ces derniers représentent un peu moins de 50 % de l’offre de places. Leur structuration est fragilisée par la dissémination des établissements. Le rattachement de la plupart d’entre eux à des groupements hospitaliers de territoire ne les a probablement pas aidés. En outre, le rapport Libault a relevé que près de 45 % des établissements publics n’ont pas connu de rénovation significative depuis vingt-cinq ans. Face à l’énorme enjeu immobilier, il faut qu’ils soient dotés de capacités d’investissement.

Si nous voulons éviter le transfert des autorisations des opérateurs publics vers des opérateurs privés – s’ils sont solidaires, pourquoi pas, mais la tentation est surtout d’aller vers les commerciaux –, phénomène que l’on observe déjà à certains endroits, l’idée de créer un réseau, départemental ou national, d’Ehpad publics est intéressante et mérite d’être creusée. Au-delà de la soutenabilité financière, la masse critique permet de mettre en place des actions plus pertinentes. J’ai créé, dans le département de l’Essonne, un réseau de maisons de retraite publiques, le service public essonnien du grand âge, qui est géré directement par le département – c’est le seul en France.

Le rapport Libault avait envisagé de fixer un seuil minimal pour être reconnu comme Ehpad afin d’inciter au regroupement et de pouvoir atteindre cette masse critique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS266 de M. Yannick Neuder.

Mme Josiane Corneloup (LR). Afin de garantir la qualité des soins, de la prise en charge, des animations et des conditions d’exercice en Ehpad, il paraît opportun d’envisager l’instauration d’un ratio minimal de professionnels par lit. L’amendement vise à demander un rapport sur le sujet.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Votre demande est satisfaite puisque, à l’initiative de notre collègue Caroline Fiat, a été adopté dans la LFSS 2023 le principe d’un rapport sur le taux d’encadrement minimum dans les Ehpad. Il est en cours de rédaction. Vous pourrez interroger le Gouvernement en séance sur la date prévue pour sa remise.

M. Jérôme Guedj (SOC). Pour la troisième fois, mesdames les rapporteures, avez‑vous connaissance des amendements que le Gouvernement envisage de déposer ? Avez‑vous été consultées ou associées étroitement à leur rédaction ?

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Pardonnez-moi si je n’ai pas été claire. Depuis le début de l’examen du texte, Mme Vidal et moi avons relayé auprès du Gouvernement les sujets que les débats ont mis en exergue.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Le Gouvernement est informé des questions sur lesquelles vous attendez, et nous aussi, des réponses. Vous aurez certainement l’occasion d’en poser en séance.

À cette heure, sur les grands sujets qui ne relèvent peut-être pas d’une proposition de loi mais d’un texte à portée législative plus grande, nous avons transmis vos demandes et nous attendons un retour. Sur les questions dans le périmètre de la proposition de loi, j’espère que vous l’aurez remarqué, nous avons intégré nombre de vos suggestions – pour lesquelles nous vous remercions – pour enrichir le texte.

M. Thibault Bazin (LR). C’est bien le périmètre qui est en question. Les amendements que vous avez acceptés n’ont pas bouleversé la proposition de loi. Nous aurions bien aimé, mais la recevabilité limite considérablement nos marges de manœuvre.

Les enrichissements sont annoncés par le Gouvernement par la voie médiatique – c’est lors d’un point presse que le ministre a annoncé la création du service public territorial de l’autonomie (SPTA). Ces amendements sont-ils déjà écrits ? Quand en serons-nous destinataires ? Ouvrent-ils de nouveaux champs sur lesquels nous pourrions travailler ?

Ne serait-il pas plus prudent de reporter l’examen du texte pour nous laisser le temps de prendre connaissance des nouveaux éléments qu’apportera le Gouvernement ? Ce ne sont pas des conditions de travail dignes pour un débat serein sur un sujet aussi important pour nos concitoyens.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je trouve mes collègues excessivement diplomates et gentils. Je ne vous fais pas de procès d’intention, car vous êtes victimes, comme nous, de cette situation, mesdames les rapporteures. Voilà une semaine que nous examinons ce texte et que le Gouvernement s’assied sur le travail des parlementaires, le ministre préférant écouter le CNR plutôt que les députés. Et nous apprenons à présent que tout le travail réalisé sera sans doute anéanti par l’adoption d’amendements du Gouvernement qui veut tout réécrire ! Vous-mêmes vous retrouvez en porte-à-faux puisque vous nous avez expliqué au début de l’examen de ce texte que vous rechercheriez le consensus. Je n’aimerais pas à votre place ! Un ministre peut-il se moquer à ce point du travail des parlementaires ? Ce n’est pas sérieux. Je souscris à la demande de reporter l’étude du texte.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Sans me faire l’avocat du diable... et du ministre, je rappelle que le ministre était à l’Assemblée nationale lundi soir pour débattre de la politique du grand âge et répondre aux questions des députés. Et il sera dans l’hémicycle la semaine prochaine.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Faut-il vous rappeler qu’il s’agit d’une proposition de loi, donc du fruit d’un travail parlementaire ? Vous avez commencé par critiquer le manque d’envergure du véhicule législatif et le fait que le Gouvernement n’ait pas déposé de projet de loi. À présent que le ministre souhaite enrichir le texte par des mesures majeures, vous vous en offusquez ! Nous devrions, au contraire, tous nous en réjouir, dans l’intérêt de nos concitoyens. Quoi qu’on fasse, vous n’êtes jamais contents !

Mme Émilie Bonnivard (LR). Quel amateurisme ! Le sujet est fondamental et nous aurions pu aboutir à un consensus autour d’un projet de loi qui prévoie les mesures indispensables pour renforcer l’attractivité des métiers et améliorer la formation des professionnels. On a l’impression que le Gouvernement, dépassé par l’ampleur du sujet, profite de l’occasion pour proposer quelques mesures en faveur du grand âge parce qu’il n’a pas pris la peine d’inscrire de texte à son agenda. Ce n’est pas à la hauteur de notre assemblée, surtout après la réforme des retraites ! Il faut abandonner cette méthode de coucou, qui occulte les parlementaires.

Article 11 quinquies (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la mise en place d’un taux d’encadrement minimal dans les Ehpad

Amendement AS668 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin (RE). Dans les établissements, le plus important est d’avoir le temps – de prendre soin, d’écouter, d’aider les résidents à s’alimenter, à faire leur toilette. Deux professionnels sont parfois nécessaires pour accomplir ces gestes correctement, ne pas les expédier sous prétexte qu’il est plus simple de mettre une protection à une personne peu mobile que de la conduire dans la salle de bains et lui donner une douche, quotidiennement ou deux fois, voire trois, par semaine. Le temps passé au chevet de chaque résident est fondamental pour garantir la qualité de l’accompagnement et des soins, et respecter la dignité des personnes.

L’amendement tend, par conséquent, à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de créer un ratio d’encadrement dans les établissements et services de santé. Il conviendrait qu’un établissement ne puisse ouvrir si le ratio minimal de personnels au chevet des personnes âgées n’est pas atteint.

Les personnels de ces établissements nous l’ont dit : la maltraitance institutionnelle commence lorsque l’on n’a pas le temps de travailler correctement, dans le respect des résidents, avec de la douceur et, pourquoi pas, de la tendresse aussi.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Vos mots traduisent l’expérience du soignant et nous devons les entendre. Je suis d’accord avec vous, nous devons progresser. Cependant, votre demande est déjà satisfaite puisqu’une demande de rapport a été adoptée dans la LFSS 2023, à l’initiative de Caroline Fiat, sur le taux d’encadrement minimal dans les Ehpad. Vous pourrez demander au Gouvernement, en séance publique, à quelle date ce document devrait être remis.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je soutiens l’esprit de cet amendement et je le voterai. Sans vouloir relancer le débat, il me semble que l’éclairage qu’ont apporté les rapporteures sur le déroulement des échanges avec le Gouvernement est édifiant. Si le Gouvernement a l’intention de déposer des amendements relatifs à des sujets essentiels, à quoi servons-nous ? Nous ne savons même pas quand il les déposera ! Hier, le ministre a annoncé la création, par amendement, du SPTA. C’est une mesure cruciale dont dépendront sans doute de nombreux autres dispositifs susceptibles d’être décidés. Nous n’en aurons pas débattu en commission et nous ne découvrirons qu’au dernier moment les choix du Gouvernement, sans pouvoir déposer d’amendement.

Vous avez, madame la rapporteure, alerté le Gouvernement à propos des sujets qui nous tenaient à cœur, mais encore aurait-il fallu que nous puissions présenter des amendements qui s’y rapportaient ! Beaucoup, déjà, ont été jugés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution sous prétexte qu’ils n’avaient pas de lien avec le texte. Imaginez si nous avions déposé un amendement relatif au SPTA, même pas prévu par ce texte !

Le Gouvernement a certainement compris trop tard qu’il aurait dû déposer un projet de loi, le soumettre à une étude d’impact, solliciter les commissions compétentes, lesquelles auraient alors auditionné les professionnels concernés. À la place, il nous place devant le fait accompli en nous imposant une solution déjà ficelée. Les parlementaires peuvent s’en indigner à juste titre, me semble-t-il !

Je suis bien d’accord pour aller plus loin, monsieur Isaac-Sibille, mais pas de cette façon : le Gouvernement aurait pu déposer un projet de loi relatif au SPTA plutôt que de squatter ce texte et se donner l’illusion d’exister après n’avoir pas fait grand-chose depuis huit mois !

Mme Joëlle Mélin (RN). Tant mieux si l’amendement est satisfait mais il demeure important d’insister sur ce point, car la carence en personnels est au cœur du fonctionnement de tous les établissements amenés à accompagner des personnes en perte d’autonomie. N’oublions pas non plus que ces établissements sont devenus le domicile de ces personnes et que la vie doit y être la moins différente possible que celle qu’ils connaissaient chez eux.

Pour le reste, il n’est plus acceptable de travailler dans ces conditions. Les parlementaires sont régulièrement mis en difficulté et il serait temps de retrouver la sérénité.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je ne pense pas que l’amendement soit satisfait et je le voterai. La LFSS prévoit la remise d’un rapport sur le taux d’encadrement mais le temps passé est une notion bien différente. Si deux personnes sont au chevet d’un patient, le taux d’encadrement sera doublé mais le temps passé auprès du résident restera le même. Avant de calculer le taux d’encadrement, il faudrait convenir du temps passé auprès de la personne.

M. Didier Martin (RE). Il ne serait pas superfétatoire de souligner notre attachement à l’expérimentation de la fixation d’un ratio d’encadrement dans les établissements.

La commission adopte l’amendement et l’article 11 quinquies est ainsi rédigé.

Article 12 : Renforcement de l’évaluation de la qualité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux

Amendements identiques AS179 de M. Thibault Bazin et AS310 de Mme Isabelle Valentin.

M. Thibault Bazin (LR). L’article 12 ayant trait à l’accréditation des organismes évaluateurs par le Comité français d’accréditation (Cofrac) puis leur habilitation par la Haute Autorité de santé (HAS), il doit apporter toutes les garanties qualitatives.

L’amendement tend à ce que le retrait de l’habilitation délivrée par la Haute Autorité de santé à un organisme évaluateur ne produise ses effets qu’à compter de la notification adressée à l’organisme par la même HAS. Le retrait ou la non-confirmation de cette habilitation ne remettrait pas en cause la validité des évaluations réalisées.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement AS310 est défendu.

Mme Annie Vidal, rapporteure. J’ai interrogé la HAS au sujet de cette accréditation intermédiaire. Sa réponse n’était pas claire mais, à titre personnel, je considère qu’une personne est accréditée tant que l’accréditation n’est pas retirée, même si l’accréditation n’est que temporaire. À ce titre, les évaluations réalisées sont valables.

Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement AS735 rédactionnel de Mme Annie Vidal.

Amendement AS604 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise, par la transmission d’une déclaration de conflits d’intérêts des organismes accrédités à chaque évaluation, à assurer l’indépendance de cet organisme vis-à-vis de l’établissement ou du groupement qu’il évalue.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Votre amendement est satisfait, car l’obligation d’indépendance est déjà mentionnée dans la norme d’accréditation et dans le cahier des charges applicable aux organismes chargés de l’évaluation.

Je vous invite à le retirer, sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS180 de M. Thibault Bazin et AS311 de Mme Isabelle Valentin.

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement tend à ce que, dans le cas où l’établissement relève d’une organisation multi-établissements, que l’autorisation soit détenue par un organisme gestionnaire au sens du code de l’action sociale et des familles ou non, les évaluations puissent être mutualisées dans des conditions fixées par la HAS.

Mme Josiane Corneloup (LR). Il s’agit de faire en sorte que les évaluations puissent être mutualisées lorsque l’établissement ou le service social et médico-social (ESSMS) fait partie d’un groupe de plusieurs établissements, afin de limiter les coûts, selon des règles définies par la HAS.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cette proposition est déjà prévue par instruction, ainsi que la possibilité de regrouper les évaluations des différents ESSMS du groupe sur un même créneau, si l’ESSMS le souhaite. En outre, cette disposition ne relève pas de la loi.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS504 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement tend à renforcer l’assise juridique en mettant en conformité l’article L. 312-8 du code de l’action sociale et des familles, qui vise une habilitation des organismes par la HAS et non pas l’accréditation des organismes par le Cofrac.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je suis d’accord pour la mise en conformité mais la suppression des équivalences, si elle est pertinente, est encore prématurée. Les évaluations sur la base du référentiel applicable depuis le 1er septembre n’ont commencé que le 1er janvier. Toutes n’ont pas encore été faites. Laissons du temps avant de supprimer ces équivalences, pour ne pas mettre en difficulté les établissements très spécifiques.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS64 de Mme Émilie Bonnivard, AS124 de M. Thibault Bazin et AS513 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Pour garantir un accompagnement de qualité en établissement, les recommandations de bonnes pratiques doivent y être appliquées et constituer une référence indispensable. La qualité des prestations ne saurait être évaluée qu’au seul regard du référentiel généraliste de la HAS ; elle doit continuer à l’être également au regard des recommandations de bonnes pratiques, ce sur quoi revient l’alinéa 10.

Pour garantir l’appropriation et l’application de ces bonnes pratiques, il est urgent de renforcer la formation initiale et continue de tous les professionnels, à domicile comme en établissement, et d’octroyer des moyens financiers, techniques et humains à la hauteur des besoins des personnes accompagnées.

Mme Josiane Corneloup (LR). La qualité des prestations délivrées par les établissements et les services ne saurait être évaluée qu’au seul regard du référentiel généraliste de la HAS. Il doit être complété par les recommandations de bonnes pratiques.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je suis d’accord avec vous, mais je vous invite à retirer vos amendements au profit du mien, que je vous présenterai tout de suite après, et dont la rédaction me semble juridiquement plus solide.

Les amendements AS64 et AS513 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS124.

Amendement AS738 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal, rapporteure. L’amendement tend à rétablir la référence aux recommandations de bonnes pratiques professionnelles, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des ESSMS.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS739 de Mme Annie Vidal.

Amendement AS483 de M. Yannick Monnet.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 16, qui prévoit d’assouplir les conditions de renouvellement de l’autorisation délivrée aux établissements sociaux et médico-sociaux, en remplaçant le terme « exclusivement » par « notamment ». Soit d’autres critères sont prévus et nous aimerions les connaître, soit ce n’est pas le cas et nous n’approuvons pas l’altération de la qualité attachée à l’habilitation.

Mme Annie Vidal, rapporteure. La prise en compte des bonnes pratiques a déjà fait perdre de son sens au terme « exclusivement ». Le rapport de l’Igas de 2017, relatif aux évaluations internes et externes des ESSMS, préconise que l’évaluation ne soit plus le critère exclusif de renouvellement de l’autorisation des ESSMS. Nous devrons réfléchir à la rédaction de cet alinéa mais je ne suis pas d’accord pour le supprimer.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS590 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le combat d’adverbes entre « notamment » et « exclusivement » brouille le message. Après en avoir discuté avec les responsables de la HAS, qui en conçoivent de la gêne, je vous propose de les supprimer.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le terme « exclusivement » est excessif, celui de « notamment », insuffisant. Si l’on supprime l’un et l’autre, nous parviendrons à une rédaction équilibrée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS538 de Mme Danielle Brulebois.

Mme Danielle Brulebois (RE). Une autre solution serait de compléter l’alinéa 17 par « dans des conditions définies par décret ».

L’article 12 prévoit de remplacer le terme « exclusivement » par « notamment ». Cependant, dès lors que ces critères supplémentaires ne sont pas précisés, chaque autorité publique pourrait déterminer ses propres critères, ce qui pourrait générer des disparités et être à l’origine de blocages : en cas d’autorisations conjointement attribuées par un conseil départemental et une ARS, il est possible que ces deux autorités posent des conditions différentes de renouvellement, ce qui placerait les services dans des situations inextricables. S’il est compréhensible de ne pas limiter le renouvellement des autorisations aux seuls résultats des évaluations, il convient également de mieux circonscrire les autres critères de renouvellement possibles.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Votre amendement est satisfait puisqu’un décret doit prévoir les conditions de renouvellement des autorisations. Je vous invite à le retirer.

Mme Danielle Brulebois (RE). J’accepte de le retirer mais nous devrons revoir la rédaction de l’article.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination AS736 de Mme Annie Vidal.

Amendement AS461 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). L’amendement tend à renforcer la publicité sur les objectifs que les Ehpad s’engagent à respecter. La publicité des diverses analyses a toujours eu un effet bénéfique sur les objectifs du personnel et, par conséquent, sur l’état sanitaire des établissements. Viser la perfection est une évidence, mais pour atteindre ces objectifs, il faut du personnel formé et en nombre suffisant.

Améliorer la visibilité de ces objectifs pour les pensionnaires, le personnel, la direction et les visiteurs renforcera leur obligation de moyens en la matière.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Je constate un décalage entre l’objet de l’amendement, qui vise à publier les objectifs des Ehpad, et la légistique, qui comprend la publication des résultats d’évaluation.

S’agissant de la demande légistique, elle est déjà satisfaite puisque le code de l’action sociale et des familles prévoit de publier les résultats d’évaluation. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 12 modifié.

Article 13 : Possibilité de location de locaux communs de logements sociaux pour mettre en œuvre un projet de vie sociale et partagée dans un habitat inclusif

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS715 de Mme Laurence Cristol.

Puis elle adopte l’article 13 ainsi modifié.

Après l’article 13

Amendement AS429 de Mme Béatrice Piron

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement tend à supprimer l’obligation de remettre en l’état d’origine les aménagements d’accessibilité entrepris par le locataire lorsqu’il quitte son logement. Le locataire a pu bénéficier d’aides pour transformer, par exemple, sa baignoire en douche, mais lorsqu’il quitte son logement pour un Ehpad ou s’il décède, sa famille doit payer de nouveaux travaux pour réinstaller une baignoire ! C’est d’autant plus absurde que les appartements adaptés ou accessibles sont en nombre insuffisant dans le parc locatif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 dispose, en son alinéa f, que le bailleur ne peut exiger la remise des lieux en l’état lorsque les travaux d’adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie, ou des travaux de rénovation énergétique sont réalisés aux frais du locataire.

Votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer, sinon avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Vous avez abordé à l’article 13 le problème du logement au travers du prisme étroit de la nécessité de développer l’habitat inclusif dans le parc social pour pallier les lacunes de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Elan ».

Or le logement devrait être au centre d’un texte consacré au bien‑vieillir. Les personnes âgées veulent pouvoir vieillir à leur domicile. Nous devons mener une politique ambitieuse pour adapter les logements. Le rapport intitulé « Nous vieillirons ensemble », remis par Luc Broussy en 2022, a décliné tous les enjeux liés à l’adaptation du logement, de l’aménagement de l’intérieur jusqu’à celui du quartier.

L’amendement de Mme Piron est pertinent et je ne partage pas votre analyse, madame la rapporteure. L’article que vous avez cité, en effet, vise les travaux réalisés aux frais du locataire. Or, en pratique, il est demandé de remettre le logement en l’état parce que les logements devenus adaptés ne sont pas dédiés aux personnes qui vieillissent. Nous devrions nous inspirer du protocole prévu pour les personnes à mobilité réduite et, lors des commissions d’attribution des logements, réserver en priorité ces appartements aux personnes vieillissantes. L’adaptation ne tient pas seulement au remplacement d’une baignoire par une douche. Il peut avoir été nécessaire de baisser la hauteur des meubles dans la cuisine, par exemple.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. C’est un sujet important mais il n’a pas de rapport avec l’amendement de Mme Piron.

Mme Béatrice Piron (RE). Si le bailleur a donné son accord pour faire les travaux, il n’exigera pas la remise en état à la sortie du locataire. En revanche, certains bailleurs refusent de donner leur accord et demandent la remise en l’état.

La commission rejette l’amendement.

Article 13 bis (nouveau) : Précision relative à l’aide à la vie partagée dans le code de l’action sociale et des familles

Amendement AS716 de Mme Laurence Cristol.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. L’amendement vise à renforcer le déploiement de l’habitat inclusif en renforçant la programmation sur le territoire.

La commission adopte l’amendement et l’article 13 bis est ainsi rédigé.

Après l’article 13

Amendements identiques AS330 de M. Vincent Descoeur, AS414 de M. Sébastien Peytavie, AS628 de Mme Danielle Brulebois et AS687 de Mme Anne Bergantz.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’application de la réglementation incendie à l’habitat inclusif pose un vrai problème. Si certains de ces locaux peuvent relever de la qualification d’établissement recevant du public (ERP), cela ne doit pas entraîner par principe l’application de cette qualification à l’ensemble des habitats inclusifs. Une telle contrainte, s’agissant de locaux privatifs d’habitation, rend la situation très complexe. Il est donc proposé d’inverser la présomption.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Selon un constat largement partagé, l’application erratique de la réglementation incendie aux habitats inclusifs tient à un vide juridique dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite « ASV ». Nous proposons d’inverser la présomption concernant ces habitats.

Mme Danielle Brulebois (RE). Les habitats inclusifs sont considérés comme des ERP, ce qui rend leur développement trop contraignant.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il s’agit de répondre à une demande de nombreux acteurs, notamment les services départementaux d’incendie et de secours, qui ont des difficultés pour qualifier ces logements et les classent parfois en ERP. Il est donc proposé de préciser qu’un habitat inclusif n’est pas, par principe, un ERP mais un immeuble à usage d’habitation.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Ces amendements identiques, qui viennent de tous les bords, montrent qu’il y a une réelle difficulté sur le terrain. Toutefois, le sujet étant technique et complexe, je vous propose de retirer vos amendements afin que nous les expertisions et que nous parvenions à une rédaction commune.

L’amendement AS628 est retiré.

La commission rejette les autres amendements identiques.

Amendement AS589 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les actions de prévention qui se déroulent dans les parties communes d’un habitat inclusif ne sont pas prises en charge parce que la définition de l’habitat inclusif ne tient compte que des parties privatives. Il est donc important d’y intégrer aussi les parties communes, lieux de vie partagés qui font l’intérêt de ce type de logements.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les services à la personne peuvent intervenir auprès de la personne aidée quel que soit le lieu où elle se trouve, même en dehors de son domicile. Ils peuvent donc déjà intervenir dans les parties communes d’un habitat inclusif.

Demande de retrait.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les activités réalisées en commun, comme la préparation des repas, le sont dans les parties communes. Or elles n’obtiennent pas de financement précisément pour cette raison, car les aides sont réservées aux animations dans les parties privatives.

Mme Émilie Bonnivard (LR). L’habitat inclusif manque d’un cadre réglementaire et de moyens adaptés à la vie telle qu’on veut la construire dans ces habitats. Dans mon département, il a été extrêmement difficile de trouver un financement pour un établissement hébergeant à la fois des personnes âgées et des personnes handicapées. C’est finalement le département qui, en dehors de tout cadre réglementaire, a décidé de lancer une expérimentation et de financer ce projet.

Mme Béatrice Piron (RE). Je soutiens la position de la rapporteure. Les services d’accompagnement à domicile peuvent intervenir partout, dans les parties privatives et communes et même à l’extérieur, pour accompagner les bénéficiaires chez le médecin ou au supermarché. M. Isaac-Sibille vise sans doute l’absence de financement de groupe, par opposition au financement d’activités individuelles. Toutefois, rien n’empêche plusieurs personnes de se partager le coût d’un service commun en payant à tour de rôle.

Mme Josiane Corneloup (LR). Il conviendrait tout d’abord de définir ce qu’est un habitat inclusif. Un immeuble regroupant des personnes âgées et des personnes handicapées ne relève pas pour moi de l’habitat inclusif ; il s’agit plutôt de mixité sociale. Cela pose un vrai problème, car les financements auxquels ouvre droit la prévention de la perte d’autonomie sont perdus dès lors que vous ajoutez des jeunes et des familles.

Quant aux activités réalisées dans les parties communes, elles s’inscrivent bien dans cette logique de prévention et devraient être prises en charge au titre de l’aide à la vie partagée (AVP).

M. Jérôme Guedj (SOC). La transformation du forfait habitat inclusif en AVP permet en effet de financer ces activités. Il s’agit d’une aide attribuée à la personne et non à la structure, et destinée à financer toutes les actions de coordination et de mise en œuvre du projet de vie partagée. Elle permet ainsi de prendre en charge des actions dans les parties communes de l’habitat inclusif et en dehors de la résidence, par exemple l’organisation d’une sortie dans le cadre de la lutte contre l’isolement.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il existe des différences de traitement entre les départements selon que l’habitat inclusif est privé ou public. L’intérêt de mon amendement est que l’AVP serait versée à tous.

La commission rejette l’amendement.

Article 13 ter (nouveau) : Renforcement du déploiement de l’habitat inclusif sur l’ensemble du territoire

Amendement AS602 de M. François Gernigon.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement vise à ajouter un volet « habitat inclusif » dans les plans départementaux de l’habitat afin de favoriser la prise en compte de ce sujet dans la programmation territoriale de l’habitat. Cette disposition s’inscrit en cohérence avec la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », qui charge le président du conseil départemental de la coordination du développement de l’habitat inclusif.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement et l’article 13 ter est ainsi rédigé.

Après l’article 13

Amendements identiques AS419 de Mme Béatrice Piron et AS688 de Mme Anne Bergantz, amendements AS689 de Mme Anne Bergantz et AS423 de Mme Béatrice Piron (discussion commune).

Mme Béatrice Piron (RE). L’amendement AS419 a pour objet de garantir que la « contrepartie financière modeste » versée par une personne hébergée dans le cadre de la cohabitation intergénérationnelle solidaire est significativement inférieure au loyer habituel du même type de logement. En effet, certains intermédiaires mettant en relation les seniors et les jeunes adultes, particulièrement les plateformes numériques, choisissent de facturer leurs services non pas par une cotisation annuelle mais en prélevant un pourcentage sur le loyer versé, ce qui entraîne de facto une hausse des loyers, lesquels atteignent parfois des niveaux comparables à ceux des locations classiques.

Mme Anne Bergantz (Dem). Il s’agit de veiller à ce que la contrepartie financière modeste versée par la personne hébergée soit au minimum inférieure de 30 % aux prix du marché. L’objectif est de renforcer l’attractivité de cette forme d’habitat qui offre l’expérience d’un vrai lien intergénérationnel dans la durée, soulage les aidants familiaux, permet de reculer l’entrée en maison de retraite de plusieurs années et participe à la réussite des étudiants qui n’ont pas à travailler pour financer leur hébergement.

Mme Béatrice Piron (RE). Plusieurs formules de cohabitation intergénérationnelle sont autorisées qui, toutes, nécessitent le versement obligatoire d’une contrepartie financière modeste, librement convenue entre les parties. L’amendement AS423 vise à supprimer cette obligation et à autoriser la mise à disposition du logement à titre gratuit.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La précision apportée par les amendements identiques n’apporte pas de plus-value évidente par rapport à la notion de contrepartie financière modeste. Elle risque, au contraire, de rendre plus complexe l’établissement d’un juste tarif et peut être source de contentieux.

Les deux autres amendements visent à supprimer totalement la contrepartie financière modeste et à la remplacer par un engagement de présence. Il serait très difficile de préciser dans une relation contractuelle ce que peut constituer un tel engagement : dès lors que la personne de moins de 30 ans réside dans le logement, cette condition serait remplie.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS377 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’accueil familial est une solution adaptée pour les personnes âgées ou en situation de handicap ne pouvant plus ou ne souhaitant plus rester à leur domicile, et dont l’accueil en établissement n’est pas nécessaire. Encore peu répandu, son développement passe par la sécurisation de la situation financière des accueillants pour leur permettre de faire face aux frais induits. À cette fin, l’amendement tend à indexer l’indemnité prévue pour la mise à disposition de la ou des pièces réservées à la personne accueillie sur l’indice national d’évolution des loyers.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le mode d’accueil en question constitue en effet une solution intermédiaire plébiscitée. Votre amendement est satisfait puisque cette indemnité est déjà indexée sur l’indice de référence des loyers.

Demande de retrait.

M. Jérôme Guedj (SOC). Voilà encore une disposition que nous aurions aimé voir traiter avec plus d’ambition dans une loi relative au bien‑vieillir. Mireille Robert et Josiane Corneloup ont formulé une vingtaine de propositions sur l’accueil familial dans un rapport publié en 2020, et pourtant, votre texte ne comporte aucune disposition sur ce sujet. Encore raté !

Mme Josiane Corneloup (LR). Lorsque nous avons rédigé ce rapport, la France comptait quelque 10 000 accueillants familiaux ; il n’y en a plus que 7 000. Je peux vous assurer que la sécurisation financière des accueillants est un véritable problème, qui recouvre plusieurs aspects : calcul de la retraite sur une petite partie de la rémunération ; pas de modalités de remplacement ; absence de droit au chômage quand la personne accueillie décède ; endettement pour adapter le logement. De très nombreux freins existent au développement de l’accueil familial alors que nous devrions davantage valoriser cette solution. Je regrette vraiment que ce mode d’accueil ne figure pas dans ce texte.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Nous soutenons tous le développement de l’accueil familial, mais l’amendement ne portait que sur l’indexation de l’indemnité, alors que le sujet est beaucoup plus vaste.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS376 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement a pour objet, à titre expérimental, de permettre au département de confier à un organisme public ou privé, dans le cadre d’une délégation de service public, des missions de recensement, de mise en relation et d’accompagnement d’accueillants et de personnes recherchant ce type de logement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Les compétences du département dans la gestion de ce dispositif sont très encadrées par la loi. Or les missions que vous avez évoquées n’en font pas partie.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Le tiers mandataire peut constituer une solution : le département a la possibilité de confier à une personne morale publique ou privée certaines de ces missions. Le tiers mandataire a toutefois du mal à se développer, peu de départements ayant signé une telle convention. Le recours à des accueillants salariés permet de lever certains des freins cités, comme la protection sociale ou le droit au chômage, mais cela soulève d’autres difficultés. Bref, ce sujet mérite bien plus que d’être étudié par le petit bout de la lorgnette.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS382 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement a pour objet la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement relatif au développement et à la sécurisation de l’accueil familial, identifiant les freins juridiques et financiers à son développement et proposant différents scénarios pour lever ces freins – sécurisation du statut juridique de l’accueillant, droit au chômage, coordination avec le soin, couverture réelle de certains frais induits par ce mode d’accompagnement.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Le rapport d’information rédigé en 2020 par Mmes Corneloup et Robert a permis de dresser un bilan très complet du dispositif et de formuler une vingtaine de propositions pour le développer et le sécuriser.

M. Nicolas Turquois (Dem). Dans mon département, une structure tierce a été mise en place pour faire de l’intermédiation. Elle a permis de sortir l’accueil familial du domicile au profit de lieux adaptés – logement séparé de la famille, studio pour un remplaçant qui serait mutualisé entre différentes structures. Cependant, elle a été sanctionnée par l’Urssaf, car elle est soumise à un régime fiscal différent. C’est là un exemple de frein au développement de l’accueil familial. Une réflexion plus poussée, dans le cadre d’un rapport, aurait du sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS75 de M. Yannick Neuder, AS113 de M. Vincent Descoeur et AS240 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport évaluant la qualité des différentes modalités d’habitat inclusif – logement accompagné, partagé et inséré dans la vie locale, AVP, forfait habitat inclusif, mise en commun de la prestation de compensation du handicap (PCH) individuelle. Cette dernière est particulièrement difficile à mettre en œuvre, alors qu’une personne en habitat inclusif a besoin d’accompagnement, par exemple une veille de nuit pour une personne lourdement handicapée, ce qui ne peut se faire que par le biais d’heures de PCH individuelles mutualisées.

M. Ian Boucard (LR). L’évaluation des dispositifs existants aux termes de l’amendement AS113 vise à vérifier que l’accompagnement est adapté au maintien des personnes à domicile dans le cadre d’un habitat inclusif.

Mme Laurence Cristol, rapporteure. Toutes ces informations peuvent être trouvées dans le rapport d’activité de la conférence des financeurs de l’habitat inclusif, transmis chaque année à la CNSA.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Article 13 quater (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur le cadre juridique et financier de l’habitat mixte

Amendement AS532 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Si nous voulons vraiment accélérer le développement de l’habitat inclusif sur tout le territoire – ce qui me semble être le cas, et les besoins sont avérés –, il faut nous en donner les moyens. Cela suppose, d’abord, de lever toutes les contraintes réglementaires ralentissant les projets, puis de prévoir les moyens financiers nécessaires et de déterminer qui paie. À cet égard, le politique doit garder la main.

Mon amendement a donc pour objet d’élaborer un plan national de l’habitat inclusif et de lancer un appel à projets doté de moyens budgétaires et financiers. Comme l’a dit Josiane Corneloup, les dispositifs financiers accompagnant les personnes handicapées et âgées sont adaptés à l’individu. Pour développer l’habitat inclusif, il faut inventer un mécanisme ciblant aussi le collectif. Les collectivités, notamment les communes, pourraient se mobiliser à travers l’appel à projets, ce qui permettrait d’accélérer le déploiement de l’habitat inclusif.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement et l’article 13 quater est ainsi rédigé.

Article 14 : Gage financier

M. Jérôme Guedj (SOC). Mesdames les rapporteures, avez-vous une idée de l’impact financier de votre proposition de loi ? Avez-vous une cible ? Il n’en est pas question dans le projet de rapport, et le gage que vous avez choisi constitue un symbole terrible : le financement de la société du bien‑vieillir repose sur les taxes sur les tabacs. Or on peut espérer que le produit de ces taxes ira en diminuant, puisqu’il s’agit d’une fiscalité comportementale, visant à inciter les gens à arrêter de fumer.

Nous avons évoqué des enjeux importants tels que le taux d’encadrement dans les Ehpad, le renforcement de la médicalisation, le développement de l’accueil familial, ou encore la modification de la tarification des services à domicile, de manière à créer une dotation globale plutôt qu’une tarification à l’heure. Que vous n’indiquiez pas de trajectoire de financement à la hauteur de ces enjeux pose problème. Les besoins sont estimés à 9 ou 10 milliards d’euros, au bas mot, à l’horizon de 2030. Avec ce texte, vous ne faites qu’un petit pas législatif, car il s’agit de mesurettes ; il serait intéressant de mesurer aussi son impact financier.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Tous les parlementaires utilisent le même gage dans leurs propositions de loi – nous, dans l’article 14, vous, dans l’article 166 de votre texte.

M. Jérôme Guedj (SOC). Et le chiffrage de ces mesures ?

La commission adopte l’article 14 non modifié.

Titre

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS456 de Mme Sandrine Dogor-Such.

Amendements AS551 de Mme Justine Gruet et AS514 de Mme Josiane Corneloup (discussion commune).

Mme Josiane Corneloup (LR). L’amendement AS551 est défendu.

Au-delà d’un texte relatif au bien‑vieillir, il faut une loi garantissant l’autonomie de tous. L’objectif doit être de bâtir une société dans laquelle chacun peut faire valoir ses droits, exercer pleinement sa citoyenneté et vivre selon ses choix, ses préférences et ses habitudes, quels que soient son âge, son handicap, son état de santé ou le lieu où il vit. L’amendement AS514 vise donc à modifier le titre du texte pour élargir son cadre : il s’agirait d’une proposition de loi « portant diverses mesures de soutien à l’autonomie ».

Mme Laurence Cristol, rapporteure. La proposition de loi a pour titre « bâtir la société du bien vieillir ». C’est tout à fait de cela qu’il s’agit : apporter une pierre à l’édifice.

Mme Caroline Fiat (LFI - NUPES). Puisqu’on vieillit chaque minute qui passe, tout le monde peut être concerné par ce titre, « bien vieillir ». Je serais d’accord pour le changer, mais pas pour « mesures de soutien à l’autonomie », sachant que la clef pour maintenir l’autonomie est d’augmenter le ratio soignants/résidents et que vous vous y refusez. Je ne pourrai donc pas voter pour ce changement de titre, et encore moins pour la proposition de loi.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1070_texte-adopte-commission#

 

 

 

 


  1 

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes

(Par ordre chronologique)

 

       Table ronde :

 Union nationale de l’aide, des soins et des services à domicile (UNA) –M. Vincent Vincentelli, directeur politiques publiques, et Mme Clémence Marraud des Grottes, chargée de mission médico-social

 Fédération des services à la personne et de proximité (Fédésap)* –M. Frank Nataf, président, Mme Anne Richard, responsable médico-social, et M. Julien Jourdan, directeur général

       Table ronde des acteurs de l’habitat inclusif :

 Fédération nationale des sociétés HLM – M. Didier Poussou, directeur général, et M. Geoffroy Antonietti, directeur Habitat Solidaire NEOLIA

 Acteurs spécialisés dans l’habitat inclusif : M. Gaël Brenaut, président bénévole de la Fondation des Petits Frères des Pauvres, président bénévole de l’association Hapi (monhabitatinclusif.fr), et M. Jean-Luc Suarez, fondateur et directeur général des résidences Héraclide

 Caisse des dépôts et consignations – Mme Laure de La Bretèche, directrice déléguée des politiques sociales, et Mme Giulia Carré, directrice adjointe des relations institutionnelles

       Centre national pour la recherche scientifique (CNRS)  M. Claude Martin, sociologue, directeur de recherche au CNRS, directeur du PPR Autonomie, Mme Emmanuelle Cambois, démographe, directrice de recherche à l’Ined, directrice de l’Institut de la longévité, des vieillesses et du vieillissement, Mme Claudia Marquet, cheffe de projet PPR Autonomie, CNRS, et M. Thomas Borel, responsable des affaires publiques au CNRS

       Mme Véronique Ghadi, ancien membre de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance, et Mme Chantal Gatignol, conseillère santé à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires

       M. Dominique Libault, directeur de l’École nationale supérieure de sécurité sociale, président du Haut Conseil du financement de la protection sociale

 

       Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)  Mme Virginie Magnant, directrice générale, et Mme Anne-Marie Ho Dinh, conseillère technique

       Assemblée des départements de France – M. Olivier Richefou, président du groupe de travail Grand Âge, président du département de la Mayenne, Mme Miléna Munoz, conseillère spéciale de M. Olivier Richefou, M. Éric Bellamy, directeur Solidarités, et M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

       Nexem*M. Stéphane Racz, directeur général

       Fédération 3977 Lutte contre la maltraitance  M. Pierre Czernichow, président

       Audition conjointe :

 Gérontopôle Nouvelle-Aquitaine  M. Alexandre Petit, président, et Mme Françoise Tenenbaum, présidente de l’Union des gérontopôles de France (UGF)

 Gerontopôle Seine Estuaire Normandie – Mme Carole HenryDugué, directrice

       Haute Autorité de santé (HAS)  Mme Angélique Khaled, directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social (DIQASM), et Mme Sandra Grimaldi, cheffe du service évaluation (DIQASM)

       M. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale

       Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem) – Mme Marie Béatrice Levaux, présidente, M. Michaël Christophe, directeur de cabinet de la présidence et délégué aux affaires publiques sectorielles, et Mme Pauline Nien, chargée de mission politiques sociales - Autonomie et Handicap

       Fédération des entreprises de services à la personne (FESP)* – M. Brice Alzon, président, M. Loïc Gobe, président de la commission Maintien à domicile, M. Pierre-Emmanuel Bercegeay, administrateur de la commission Mandataire, et M. Mehdi Tibourtine, directeur général adjoint

       États généraux de la maltraitance – Mme Danièle Langloys, membre du comité de pilotage au titre du Conseil national consultatif des personnes handicapées

       M. Sylvain Bottineau, magistrat de l’ordre judiciaire, premier vice-président adjoint du tribunal judiciaire de Créteil

       Agences régionales de santé  Mme Amélie Verdier, présidente du collège des directeurs généraux, Mme Isabelle Bilger, directrice de l’Autonomie, et Mme Marie Hélène Lecenne, directrice générale de l’ARS Corse

       Table ronde des fédérations des directeurs d’établissements :

 Syndicat national des établissements et résidences privées pour personnes âgées (Synerpa)*  Mme Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale, M. Justin de Bailliencourt, directeur des opérations et de la coordination, et Mme Diane-Sophie Laroche, conseillère affaires publiques

 Fédération hospitalière de France (FHF)*  M. Vincent Roques, directeur de cabinet, M. Marc Bourquin, conseiller stratégie, et M. Marc-Antoine Thevenot, responsable-adjoint pôle Autonomie-Parcours

 Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa)*  Mme Annabelle Vêques, directrice

 Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) –M. Éric Fregona, directeur adjoint

       Union nationale des associations familiales (Unaf)  Mme Marie-Andrée Blanc, présidente, Mme Guillemette Leneveu, directrice générale, Mme Valérie Bonne, coordonnatrice du pôle Protection et Droits des personnes, Mme Céline Bouillot, chargée de mission au pôle Protection sociale - Santé - Vieillesse, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

 

 

 

 

 

 * Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1 

ANNEXE N° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 233-1 A [nouveau] et L. 233-1

1er bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 312-2

2

Code de l’action sociale et des familles

L. 121-6-1

3

Code de l’action sociale et des familles

L. 311-1, L. 311-3, L. 311-4, L. 311-5-1, L. 554‑1, L. 564‑1 et L. 574-1

3

Code de la santé publique

L. 1110-14 [nouveau]

bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 311-4

ter

Code de l’action sociale et des familles

L. 311-4, L. 313-13-1 et L. 342-1

4

Code de l’action sociale et des familles

L. 119‑2 [nouveau]

4

Code de la santé publique

L. 1432‑1

5

Code de l’action sociale et des familles

L. 471-1 et L. 471-8-1 [nouveau]

bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 311‑4

quater

Code civil

447, 448, 463, 503 et 510

quinquies

Code civil

477, 478‑1 [nouveau], 479, 481, 483, 490 et 493

sexies

Code civil

494-1 et 494-7

6

Code de l’action sociale et des familles

L. 313-1-4 [nouveau]

9

Code de l’action sociale et des familles

L. 132-6

11

Code de l’action sociale et des familles

L. 314-2

11 bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 313‑12

11 ter

Code de l’action sociale et des familles

L. 313‑14

11 quater

Code rural et de la pêche maritime

L. 230‑5

12

Code de l’action sociale et des familles

L. 312-8, L. 312-8-1 [abrogé], L. 312-9, L. 313-1 et L. 313-5

12

Loi n° 2015‑1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement

89

13

Code de la construction et de l’habitation

L. 442-8-1-2

13 bis

Code de l’action sociale et des familles

L. 233-1-1

13 ter

Code de la construction et de l’habitation

L. 302-10

 

 


([1]) Broussy, Luc, « Nous vieillirons ensemble... 80 propositions pour un nouveau Pacte entre générations », rapport remis à la ministre déléguée à l’autonomie, à la ministre de la cohésion des territoires et à la ministre déléguée au logement, mai 2021.

([2]) https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tps00028/default/table?lang=fr

([3]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([4]) Concertation grand âge et autonomie, Dominique Libault, mars 2019.

([5]https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-affaires-sociales/(block)/44525

([6]) Défenseure des droits, « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », 2021.

([7]) Prévention de la perte d’autonomie et bien vivre son avancée en âge, rapport de l’atelier n° 5

https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_atelier_5_prevention_et_bien_vivre_son_avancee_en_age.pdf

([8]) Communiqué de presse : Mettre en œuvre des actions de prévention de la perte d’autonomie pertinentes, l’intérêt d’un centre ressources. Publié en mars 2019 par la CNSA.

https://www.cnsa.fr/documentation-et-donnees-espace-presse/2019/communique-de-presse-mettre-en-oeuvre-des-actions-de-prevention-de-la-perte-dautonomie-pertinentes-linteret-dun-centre-ressources

([9]) https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/abuse-of-older-people#:~:text=La%20maltraitance%20des%20personnes%20%C3%A2g%C3%A9es%20consiste%20en%20un%20acte%20unique,%C3%A2g%C3%A9e%20qui%20en%20est%20victime.

([10]https://solidarites.gouv.fr/sites/solidarite/files/2022-10/maltraitances-des-mineurs-et-des-majeurs-definition-partagee-et-reperes-operationnels_court__1.pdf

([11]) Défenseure des droits, « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », 2021.

([12]) Le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels et le Pacte international des droits civils et politiques définissent un droit à un recours effectif, à la protection de la vie privée et à la jouissance du meilleur état de santé physique et mentale possible.

([13]) Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (articles 3 et 17), dont peuvent se prévaloir les personnes âgées en situation de handicap ou de perte d’autonomie.

([14]) La Cour européenne des droits de l’homme affirme que « la dignité, comme la liberté, est l’essence même de la Convention » (C.R. c. Royaume-Uni et S.W. c. Royaume-Uni, les deux du 22 novembre 1995 ; Pretty c. Royaume-Uni, 29 avril 2002).

([15]) La Charte sociale européenne révisée affirme le droit à la protection de la santé et le droit des personnes âgées à une protection sociale incluant, pour celles qui vivent en établissements, la garantie d’une assistance appropriée dans le respect de la vie privée et la participation à la détermination des conditions de vie dans l’institution.

([16]) Le Conseil constitutionnel a reconnu à la dignité et à l’intégrité une valeur constitutionnelle en énonçant que « la sauvegarde de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle » (décisions n° 94‑343/344 DC du 27 juillet 1994 Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, n° 94‑359 DC du 19 janvier 1995 Loi relative à la diversité de l’habitat et n° 98‑403 DC du 29 juillet 1998 Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions).

([17]) Article L. 311-3 1° du code de l’action sociale et des familles.

([18]) https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/exe_a4_accue284e.pdf

([19]) Yon Y, Mikton CR, Gassoumis ZD, Wilber KH, « Elder abuse prevalence in community settings : a systematic review and meta-analysis » Lancet Glob Health, février 2017 ; 5(2): e147-e156. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28104184

([20]) Chang ES, Levy B R., « High prevalence of elder abuse during the COVID-19 pandemic : risk and resilience factors », The American Journal of Geriatric Psychiatry, 2021. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33518464/

([21]) https://www.ash.tm.fr/dependance-handicap/lancement-des-etats-generaux-des-maltraitances-nous-attendons-quils-changent-la-donne-725339.php

([22]) Défenseure des droits, « Suivi des recommandations du rapport sur les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », 2023.

([23]) Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, Note d’orientation pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie, janvier 2019, pp. 16-24

([24]) Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, mars 2021, op. cit., p. 16

([25]) Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1C/SD4A n° 2006-90 du 2 mars 2006 relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée.

([26]) Avis du Défenseur des droits n° 21-14, 4 octobre 2021.

https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=20980

([27]) Article L. 1116-1 du code de la santé publique.

([28])  Décret n° 2016-1395 du 18 octobre 2016 fixant les conditions dans lesquelles est donnée l’information sur le droit de désigner la personne de confiance mentionnée à l’article L. 311-5-1 du code de l’action sociale et des familles.

([29]) Défenseure des droits, « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », 2021 (p. 10).

([30]) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-10/fiche-repere-projet_personnalise_ehpad.pdf

([31]) La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’était saisie du sujet, en menant quatre missions flash https://www2.assemblee-nationale.fr/15/commissions-permanentes/commission-des-affaires-sociales/(block)/44525

([32]) Solen Berhuet, Sandra Hoibian, Eliot Forcadell, Elodie Albérola, « La perception de la maltraitance par les Français », Crédoc, janvier 2023

([33]) Depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([34]) Décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l’administration centrale des ministères chargés des affaires sociales et portant création d’une direction générale de la cohésion sociale.

([35]) Fédération 3977 contre les maltraitances, rapport d’activité 2021.

([36]) Cette commission a été créée par la loi du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement, dans l’objectif de procéder à des concertations afin d’élaborer un vocabulaire partagé de la maltraitance pour les secteurs de l’enfance, de l’âge et du handicap, de renforcer la coordination des acteurs locaux pour l’identification, l’alerte et le traitement des situations de maltraitance et de valoriser des initiatives locales de promotion de la bientraitance.

([37]) Il était également possible de contacter un opérateur par voie électronique ou postale. Une plateforme spécifique était destinée aux personnes sourdes et malentendantes.

([38]) Chaque centre Alma (« Allo Maltraitances ») ou apparenté est animé par des bénévoles formés. Ces centres poursuivent l’écoute amorcée par la plateforme nationale, accompagnent et orientent les appelants lorsque cela est nécessaire, dans la résolution des risques et situations de maltraitance signalés en assurant un lien avec les acteurs et autorités locales compétents (conseils départementaux, agences régionales de santé, centres communaux d’action sociale (CCAS), centres locaux d’information et de coordination (CLIC), dispositifs d’appui à la coordination (DAC), maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), services de médiation, autorités judiciaires, etc.).

([39]) Article 223-6 du code pénal.

([40]) Article 434-3 du code pénal.

([41]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([42]) Article L. 313-24 du code de l’action sociale et des familles.

([43]) Défenseure des droits, Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en Ehpad, 2021, p. 32.

([44]) Selon le rapport précité de la Défenseure des droits, « l’employé n’est protégé que contre les représailles de son employeur ; seules les situations les plus graves – crimes ou délits – sont visées ».

([45]) Fédération 3977 contre les maltraitances, rapport d’activité 2021.

([46]) Les autres cas relèvent des négligences involontaires, de la maltraitance financière, du non-respect des droits et des maltraitances liées aux soins.

([47]) Défenseure des droits, op. cit., p. 31.

([48]) Aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale, « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

([49]) Articles 477 à 494 du code civil.

([50]) Articles 494-1 à 494-12 du code civil.

([51]) Article 439 du code civil.

([52]) Articles 440 à 476 du code civil.

([53]) Article 428 du code civil.

([54]) La fonction de juge des tutelles est exercée par le juge des contentieux de la protection qui est un magistrat du siège rattaché au tribunal judiciaire. Il est spécialisé dans la surveillance des administrations légales et de tutelles relatives aux personnes majeures protégées résidant dans son ressort.

([55]) Article L. 471-2 du code de l’action sociale et des familles.

([56]) Les établissements de plus de 80 places sont dans l’obligation de désigner un mandataire judiciaire préposé d’établissement.

([57]) BTS, DUT, DEUG.

([58]) Article L. 471-5 du code de l’action sociale et des familles.

([59]) Article L. 471-6 du code de l’action sociale et des familles.

([60]) https://handicap.gouv.fr/IMG/pdf/charte_des_droits_et_libertes_de_la_pmp.pdf

([61]) Article D. 471-8 du code de l’action sociale et des familles.

([62]) Défenseure des droits, « Les droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en EHPAD », 2021 (pages 24-25).

([63]) https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/285620.pdf

([64]) Conseil économique, social et environnemental, Le travail à domicile auprès des personnes vulnérables : des métiers du lien, décembre 2020.

([65]) Citons le diplôme d’État de technicien de l’intervention sociale et familiale, le certificat d’aptitude aux fonctions d’aide à domicile (Cafad), le baccalauréat professionnel accompagnement, soins et services à la personne, ou encore le brevet d’études professionnelles carrières sanitaires et sociales. La liste n’est pas exhaustive.

([66]) Pôle emploi, Secteur de la santé et du soin à domicile : une quête d’attractivité pour des métiers qui font sens, 2022.

([67]) Myriam El Khomri, Grand âge et autonomie. Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge 20202024, 2019 ; Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, Le recours des personnes âgées vulnérables aux emplois et services d’aide à domicile, 2020.

([68]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Quels risques psychosociaux chez les salariées de l’aide à domicile ?, 2021.

([69]) Cour des comptes, Les services de soins à domicile, 2022.

([70]) Direccte Hauts-de-France, La santé au travail dans les Hauts-de-France. Aide à domicile et hébergement médicalisé, 2020.

([71]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, op. cit.

([72]) Fédésap, Prime carburant exceptionnelle pour les aides à domicile, avril 2022.

([73]) HCFEA, Le recours des personnes âgées vulnérables aux emplois et services d’aide à domicile, 2020.

([74]) Audition de l’Una du 22 mars 2023, avec M. Vincent Vincentelli, directeur politiques publiques, et Mme Clémence Marraud des Grottes, chargée de mission médico-social.

([75]) Rapport du HCFEA, op. cit., 2020.

([76]) Cour de cassation, Chambre criminelle, 2 septembre 2014, 13-80.665, publié au bulletin.

([77]) Article 2 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 2022.

([78]) Département de l’Ain, Dossier de presse. Le département soutient la mobilité des intervenants auprès des personnes âgées et handicapées, juillet 2022.

([79]) Département de la Dordogne, Le département met en œuvre son plan 1 000 voitures pour les aides à domicile, mars 2021.

([80]) Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

([81]) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées ; loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; loi n° 2015-1176 du 23 décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement ; loi n° 2016‑41 du 28 janvier 2016 relative à la modernisation de notre système de santé ; loi organique n° 2020‑991 et loi n° 2020‑992 du 7 août 202 relatives à la dette sociale et à l’autonomie.

([82]) Drees, Dépendance des personnes âgées : qui paie quoi ?, mars 2016.

([83]) Loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie.

([84]) Drees, Aides à l’autonomie des personnes âgées : qui paie quoi ?, juillet 2022. Le GIR (groupe iso‑ressources) correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée. Il est calculé à partir de l’évaluation effectuée à l’aide de la grille AGGIR. Il existe six GIR : le GIR 1 est le niveau de perte d’autonomie le plus fort et le GIR 6 le plus faible

([85]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([86]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([87]) Drees, L’aide et l’action sociales en France, 2022.

([88]) Drees, 2016, op. cit.

([89]) Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([90]) Direction générale de la cohésion sociale, Le financement des services APA et PCH, 2019.

([91]) Arrêté du 30 décembre 2022 fixant le montant du tarif minimal mentionné au I de l’article L. 314-2-1 du code de l’action sociale et des familles pour 2023.

([92]) Convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 – Textes Attachés – Avenant n° 43-2020 du 26 février 2020 relatif à la classification des emplois et au système de rémunération (titre III de la convention collective).

([93]) HCFEA, avis sur le projet de décret et d’arrêté relatifs à l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et les deux projets de décret relatifs à l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, 14 mars 2022.

([94]) Audition du 22 mars 2023 de M. Vincent Vincentelli, directeur politiques publiques, et Mme Clémence Marraud des Grottes, chargée de mission médico-social.

([95]) Cette obligation est à distinguer de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (mineurs ou jeunes majeurs mais non autonomes).

([96]) Inspection générale des affaires sociales : Modalités de mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement, rapport publié en mai 2011.

([97]) Drees, L’aide et l’action sociales en France - Perte d’autonomie, handicap, protection de l’enfance et insertion - Édition 2022 : L’aide sociale à l’hébergement des personnes âgées.

([98])  Article 205 et suivants du code civil (cf commentaire de l’article 9).

([99]) Drees, L’aide et l’action sociales en France - Perte d’autonomie, handicap, protection de l’enfance et insertion, 2022.

([100]) Drees, L’aide et l’action sociales en France, fiche 17, 2020.

([101]) Igas, Modalités de mise en œuvre de l’aide sociale à l’hébergement, 2011.

([102]) Fixé à 46 000 euros selon l’article R. 132-12 du code de l’action sociale et des familles.

([103]) Les petites unités de vie sont, selon l’article L. 314-2 du code de l’action sociale et des familles, les établissements qui accueillent un nombre de personnes âgées dépendantes dont la capacité est inférieure à un seuil fixé par décret.

([104]) Annie Vidal, rapport d’information n° 1214 déposé en application de l’article 145 du Règlement par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur l’évolution de la démarche qualité au sein des Ehpad et de son dispositif d’évaluation, 26 juillet 2018.

([105]) Article L. 116-1 du code de l’action sociale et des familles.

([106]) Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

([107]) https://www.has-sante.fr/jcms/c_2838131/fr/comprendre-la-nouvelle-evaluation-des-essms

([108]) Décret n° 2016-1813 du 21 décembre 2016 relatif à l’obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales.

([109]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([110]) L’Agence avait été créée par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007.

([111]) Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

([112]) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-03/referentiel_devaluation_de_la_qualite_essms.pdf

([113]) Décret n° 2022-742 du 28 avril 2022 relatif à l’accréditation des organismes pouvant procéder à l’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS).

([114]) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-05/cahier_des_charges_accreditation.pdf

([115]) https://synae.has-sante.fr/prweb/PRWebLDAP1/app/synae/-sPDjli2JlECD84cvMNZ8wxIe7urqtp8*/!STANDARD

([116]) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-08/liste_des_organismes_autorises_pour_l_evaluation_des_essms.pdf

([117]) Amendement n° 2325 de Mme Annie Vidal au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/4523/AN/2325.pdf

([118]) Il s’agissait de l’article 32 quater à l’issue de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 à l’Assemblée nationale.

([119]) Conseil constitutionnel, décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, considérant n° 88.

([120]) Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([121]) Denis Piveteau et Jacques Wolfrom, Demain, je pourrai choisir d’habiter avec vous !, rapport au Gouvernement, 26 juin 2020.

([122])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13200428_642ada0c48192.commission-des-affaires-sociales--batir-la-societe-du-bien-vieillir-en-france-3-avril-2023

 

([123]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13203769_642b215e69f1e.commission-des-affaires-sociales--batir-la-societe-du-bien-vieillir-en-france-suite-3-avril-2023

([124]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13216462_642c75a05e42e.commission-des-affaires-sociales--batir-la-societe-du-bien-vieillir-en-france-suite-4-avril-2023

 

([125]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13220348_642d264c201e3.commission-des-affaires-sociales--batir-la-societe-du-bien-vieillir-en-france-suite-5-avril-2023

 

([126]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13229382_642d6f5ebec7b.commission-des-affaires-sociales--batir-la-societe-du-bien-vieillir-suite-5-avril-2023