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N° 1087

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
 

visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation

 

PAR M. Jean-Marc TELLIER

Député

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Voir le numéro : 957.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION ...........................................5

Examen de la proposition de loi

Article 1er  (art. 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) Inscription dans la loi organique de l’existence de la dotation globale de fonctionnement et indexation de cette dotation sur l’inflation

I. L’Etat du droit

A. La dotation globale de fonctionnement, instrument principal du financement des collectivités territoriales par l’État, a connu une forte diminution de son montant depuis 2011

1. La dotation globale de fonctionnement est le principal concours financier de l’État aux collectivités territoriales

2. La dotation globale de fonctionnement est un prélèvement sur recettes, composé de dix dotations

a. La DGF est un prélèvement sur recettes dont le montant est fixé chaque année dans la loi de finances

b. Les règles de répartition de la DGF

i. La DGF des communes

ii. La DGF des intercommunalités

iii. La DGF des départements

3. Une trajectoire de baisse du montant de la DGF depuis 2011

a. Une désindexation de la DGF sur l’inflation suivie d’une baisse drastique de la DGF entre 2013 et 2017

b. Une stabilité de la DGF en euros constants entre 2018 et 2022

c. Une compensation partielle du dynamisme des composantes péréquatrices de la DGF en 2023

B. des perspectives inquiétantes pour 2023

1. Une hausse ponctuelle de la DGF est insuffisante face à la hausse des coûts des collectivités locales

2. Une réflexion structurelle sur le financement des besoins est nécessaire

II. Le Droit proposé : la nécessaire indexation sur l’inflation de la DGF

III. La Position de la commission

Article 2 Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

examen en commission

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Les collectivités territoriales, notamment les communes, sont le premier maillon de la République. Elles assurent les services publics de proximité essentiels à nos concitoyens.

Depuis plus de dix ans, la situation de nos collectivités territoriales se dégrade en raison de la diminution des concours financiers qui leur sont versés par l’État. Pour commencer, l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), principal concours financier versé par l’État aux collectivités, sur l’inflation a été supprimée en 2011. Le montant de la DGF a ensuite fait l’objet d’une baisse drastique de 11 milliards d’euros entre 2013 et 2017, sous la forme d’une contribution au redressement des finances publiques.

Ainsi, la DGF, qui a vocation à financer les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, est passée de 41,5 milliards d’euros en 2013 à 31 milliards d’euros en 2017, avant que la part de la DGF versée aux régions ne soit supprimée.

Entre 2018 et 2022, le montant de la DGF a été stabilisé à périmètre constant, aux alentours de 26,6 milliards d’euros. On peut penser que cette stabilisation a eu peu d’impact dans un contexte de faible inflation. C’est oublier l’essence même de la DGF qui est un dû par l’État et non une subvention. Versée aux communes, aux intercommunalités et aux départements, elle vise à donner un niveau de ressources suffisant à ces collectivités pour qu’elles puissent fonctionner.

La diminution de la DGF touche donc au principe même de l’autonomie financière des collectivités territoriales, qui est le pendant financier du principe constitutionnel de libre-administration des collectivités locales.

La DGF comprend deux parties : une dotation forfaitaire ou de compensation, fondée sur des composantes historiques et sur le poids de la population ; des dotations de péréquation, qui visent à soutenir les collectivités ayant des charges particulières. La part de la péréquation au sein de la DGF, particulièrement dynamique, est financée depuis 2017 par un écrêtement de la dotation forfaitaire puisque l’enveloppe globale de la DGF a été gelée.

Le fonctionnement à enveloppe fermée de la DGF a des conséquences importantes sur sa répartition entre les différentes collectivités. En effet, la dotation forfaitaire a fait l’objet d’écrêtements, chaque année pendant cette période, au profit des composantes péréquatrices. Ce mécanisme explique qu’environ la moitié des communes et des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – voient chaque année leur DGF diminuer malgré la stabilisation de l’enveloppe globale depuis 2018.

Les collectivités territoriales sont aujourd’hui confrontées à d’énormes difficultés liées à la forte hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. En 2022 l’inflation s’est établie à 5,2 % environ quand le montant de la DGF restait stable, et elle est estimée à 4,2 % en 2023. Les communes sont particulièrement vulnérables : l’indice des prix des dépenses communales connaît une augmentation bien plus rapide que celle des prix au niveau national. Selon les dernières enquêtes, la hausse des prix du « panier du maire » a atteint 7,2 % en 2022.

L’AMF alerte déjà sur la contraction de l’investissement dans les collectivités territoriales en 2023 en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêts. Votre rapporteur le rappelle, soutenir les collectivités territoriales c’est également soutenir la croissance et l’activité économique puisque l’investissement local représente 70% de l’investissement public.

Le Gouvernement a mis en œuvre quelques mesures pour compenser les surcoûts des collectivités territoriales mais ces mesures, telles que le filet de sécurité, sont mal calibrées et bénéficient finalement à peu de collectivités.

Ces difficultés s’ajoutent à celles qui résultent de la réforme de la fiscalité locale avec les suppressions progressives de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui ont des conséquences importantes sur le niveau de ressources et l’autonomie fiscale des collectivités locales.

D’abord, ces suppressions se sont traduites par une baisse directe des ressources des collectivités locales puisqu’elles n’ont pas été compensées à l’euro près par l’État.  Ensuite, le remplacement d’impôt locaux par des fractions d’impôt national type TVA ou par des dotations sans lien avec les politiques menées par les collectivités locales conduit à une perte d’autonomie fiscale des collectivités locales. Ce mouvement de recentralisation de la fiscalité locale menace la capacité des collectivités à maîtriser leurs coûts et contribue à affaiblir le lien entre le contribuable et l’élu.

Il est aujourd’hui urgent d’agir pour garantir aux collectivités territoriales le moyen de leur subsistance.

Face aux pressions inflationnistes, le Gouvernement a été contraint cette année d’augmenter de 320 millions d’euros la DGF pour financer la progression de la péréquation dans le bloc communal. Elle atteint désormais 26,9 milliards d’euros. Cette enveloppe supplémentaire est bien insuffisante : elle représente une hausse de 1,7 % de la dotation allouée aux communes, un niveau très inférieur aux 4,2 % d’inflation estimés sur l’année. À titre de comparaison, le montant de la DGF se serait élevé 27,7 milliards d’euros s’il avait été indexé sur le montant estimé de l’inflation dans le PLF pour 2023, ce qui représenterait une hausse de 1,12 milliard d’euros dont 770 millions d’euros pour le bloc communal.

Les membres du groupe GDR, lequel a choisi d’inscrire la présente proposition de loi à l’ordre du jour de sa journée d’initiative parlementaire, proposent d’en finir avec des augmentations ponctuelles, liées à la conjoncture, et souhaitent une réforme plus juste qui passe par une mesure d’indexation de la DGF sur la prévision d’évolution des prix à la consommation hors tabac fixée chaque année dans les documents annexés au projet de loi de finances. Ils ont souhaité inscrire cette mesure dans la loi organique pour garantir sa pérennité dans le temps et pour lui conférer un statut particulier.

Cette indexation est d’autant plus nécessaire qu’une réflexion plus structurelle sur l’avenir de la DGF doit être engagée maintenant que la ville de Paris ne contribue plus à l’effort de financement des besoins puisqu’elle ne perçoit plus de dotation forfaitaire.

L’abondement de 320 millions d’euros décidé en 2023 ne peut donc être qu’une solution temporaire tandis que la soutenabilité de l’ensemble du dispositif se pose aujourd’hui. Il est temps que la DGF progresse chaque année du niveau de l’inflation pour compenser les coûts de fonctionnement auxquels font face les collectivités territoriales et ainsi répondre à son objectif premier de garantie de l’autonomie financières de celles-ci.


Examen de la proposition de loi

Article 1er
(art. 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances)
Inscription dans la loi organique de l’existence de la dotation globale de fonctionnement et indexation de cette dotation sur l’inflation

Adopté par la commission avec modification

     Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, modifie l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) : en premier lieu pour inscrire dans la loi organique l’existence de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en tant que prélèvement sur recettes de l’État rétrocédé directement aux collectivités territoriales. En second lieu, il institue à l’article 6 de la LOLF un mécanisme d’indexation de la DGF sur l’inflation en prévoyant que le montant de cette dotation est revalorisé par la loi de finances de l’année sur la base d’un coefficient au moins égal à la prévision d’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac fixée dans le projet de loi de finances.

     Dernières modifications intervenues

L’article 7 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a modifié l’article 6 de la LOLF en instituant un monopole de la loi de finances pour la création des prélèvements sur recette.

L’article 109 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a fixé à 26,93 milliards d’euros le montant de la dotation globale de fonctionnement versée aux collectivités territoriales en 2023.

     Modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel relatif à la date d’entrée en vigueur du dispositif.

I.   L’Etat du droit

A.   La dotation globale de fonctionnement, instrument principal du financement des collectivités territoriales par l’État, a connu une forte diminution de son montant depuis 2011

1.   La dotation globale de fonctionnement est le principal concours financier de l’État aux collectivités territoriales

Les transferts financiers de l’État vers les collectivités territoriales sont composés des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, des dégrèvements d’impôts locaux, des autres concours financiers (subventions spécifiques versées aux collectivités par les ministères, rétrocession du produit des amendes de police ou les versements du fonds « emprunts structurés ») et de la fiscalité transférée.

La dotation globale de fonctionnement (DGF) constitue le principal concours financier que l’État verse aux collectivités territoriales. Son montant a été fixé à 26,93 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2023.

Créée en 1979, la DGF a notamment succédé au versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS) afin de regrouper en un concours unique et libre d’emploi un certain nombre de versements de l’État à destination des collectivités qui étaient auparavant dispersés.

Elle vise aujourd’hui à :

– assurer aux collectivités des ressources relativement stables et prévisibles d’une année sur l’autre ;

– mettre en œuvre une péréquation verticale en apportant un soutien particulier aux collectivités confrontées à des charges importantes sans pour autant disposer des ressources suffisantes pour y faire face.

Ainsi, le rapporteur rappelle que la raison d’être de la DGF est de donner aux collectivités territoriales le moyen de fonctionner, c’est-à-dire de garantir leur principe d’autonomie financière.

Elle est versée à la section de fonctionnement.

Le montant de DGF étant une information nécessaire pour que les collectivités puissent voter leur budget, les montants attribués à chaque collectivité sont rendus publics pour le 31 mars de chaque année.

La DGF est attribuée aux communes, qui touchent 46 % de son montant total, aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre (à 23 %) et aux départements (à 31 %). Depuis le 1er janvier 2018, la DGF versée aux régions a été remplacée par une fraction nationale des recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Ainsi, en 2023 :

– 12,3 milliards d’euros ont été versés aux communes, soit un montant moyen de 169,1 euros par habitant ;

– 6,3 milliards d’euros ont été versés aux EPCI à fiscalité propre, soit un montant moyen de 87 euros par habitant ;

– 8,3 milliards d’euros ont été versés aux départements, soit un montant moyen de 117 euros par habitant.

La DGF représente 15 % des recettes réelles de fonctionnement des communes, 20 % de celles des EPCI et 12 % de celles des départements.

2.   La dotation globale de fonctionnement est un prélèvement sur recettes, composé de dix dotations

a.   La DGF est un prélèvement sur recettes dont le montant est fixé chaque année dans la loi de finances

La DGF prend la forme d’un prélèvement sur recettes (PSR) de l’État.

Consacrés par l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([1]), les prélèvements sur recettes consistent en une rétrocession directe d’un montant déterminé de recettes de l’État au profit des collectivités territoriales ou de l’Union européenne. L’article 6 de la LOLF dispose que « ces prélèvements sur les recettes de l'État sont, dans leur montant, évalués de façon précise et distincte dans la loi de finances. Ils sont institués par une loi de finances, qui précise l'objet du prélèvement ainsi que les catégories de collectivités territoriales qui en sont bénéficiaires ». Il prévoit ainsi le monopole des lois de finances pour la création de nouveaux PSR.

Les PSR s’analysent comme une dérogation au principe d’universalité budgétaire, ce qu’a rappelé le Conseil d’État dans son avis du 21 décembre 2000 ([2]). Cette pratique avait été admise, sous certaines conditions, par le Conseil constitutionnel sous le régime de l’ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 ([3]).

Ces conditions ont été rappelées et précisées dans une récente décision relative à la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([4]) qui précise que le législateur organique peut prévoir une telle dérogation « dès lors que sont précisément et limitativement définis les bénéficiaires et l’objet des prélèvements sur les recettes de l’État, et que sont satisfaits les objectifs de clarté et d’efficacité du contrôle parlementaire » ([5]). À cet effet, le Conseil constitutionnel a relevé l’existence d’une évaluation de chacun des prélèvements sur recettes prévue à l’article 34 de la loi organique et d’un rapport annexé au projet de loi de finances de l’année portant notamment sur l’évolution et l’efficacité des transferts financiers entre l’État et les collectivités territoriales. Par ailleurs, il a ajouté que les documents joints au projet de loi de finances de l’année en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) « devront comporter des justifications aussi précises sur ces prélèvements qu'en matière de recettes et de dépenses » et que « l’analyse des prévisions de chaque prélèvement sur les recettes de l'État devra figurer dans une annexe explicative » ([6]) .

L’article L. 1613‑1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que le montant de la dotation globale de fonctionnement est fixé chaque année par la loi de finances. Depuis 2011, cet article est complété tous les ans par une disposition de la loi de finances qui fixe le montant de la DGF pour l’année.

b.   Les règles de répartition de la DGF

La DGF est calculée à partir d’une trentaine de critères de ressources et de charges, de nature variée (démographique, sociale, financière, géographique ou administrative). Certains critères, tels que le critère de population ou les indicateurs financiers, sont utilisés pour toutes les dotations tandis que d’autres sont utilisés de façon spécifique (par exemple, le nombre de logements sociaux pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale). Suite à la modification du panier de ressources locales, les indicateurs financiers utilisés ont fait l’objet d’une refonte, entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (article 252 de la loi de finances pour 2021) ([7]).

La DGF est composée de dix dotations : quatre dotations au profit des communes, deux dotations au profit des EPCI et quatre dotations au profit des départements. Ces dotations sont réparties en deux catégories : les dotations forfaitaires et de compensation d’une part, et les dotations de péréquation d’autre part.

Les dotations forfaitaires et de compensation prennent en compte la population locale mais intègrent aussi d’anciennes composantes figées, ce qui explique que des collectivités largement similaires en termes de population perçoivent des dotations forfaitaires ou de compensation d’un montant sensiblement différent. Les dotations de péréquation viennent soutenir les collectivités territoriales qui ont des charges particulières.

Depuis 2016, la part des dotations de péréquation augmente de façon significative au sein de la DGF.

 

Composition de la DGF en 2023


(en milliards d’euros)

 

Source : DGCL, Guide pratique de la DGF 2023.

 

 

Le comité des finances locales, composé notamment de représentants d’élus locaux, est associé à la répartition de la DGF.

Le comité des finances locales

Créé en 1979, le comité des finances locales (CFL) est une instance de concertation entre l’État et les collectivités locales sur les questions relatives aux finances locales. Il est composé de 43 membres représentant le Parlement, l’État et les collectivités locales, dont quinze maires et sept présidents d’EPCI à fiscalité propre, deux présidents de conseils régionaux et quatre présidents de conseils départementaux.

Selon l’article L. 1211-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le CFL contrôle la répartition de la DGF. Il est ainsi destinataire, chaque année, du bilan de la répartition de la dotation. Cet article prévoit également que le CFL fixe la clé de répartition de l’écrêtement de la dotation forfaitaire et qu’il peut moduler le niveau des dotations de péréquation, dans le cadre des limites fixées par la loi.

Le Gouvernement peut consulter le CFL sur tout projet de loi ou d’amendement du Gouvernement ou sur toute disposition réglementaire à caractère financier concernant les collectivités locales. Pour les décrets, cette consultation est obligatoire.

Enfin, le CFL constitue une enceinte de réflexion permettant d’élaborer des projets de réforme de certaines dotations.

i.   La DGF des communes

La DGF des communes est composée de deux catégories de dotations : d’une part, la dotation forfaitaire et, d’autre part, de plusieurs dotations de péréquation.

● Depuis 2015 ([8]), la dotation forfaitaire des communes évolue en fonction de la part dynamique de la population. La DGF étant stable à périmètre constant depuis 2017 (voir infra), la dotation forfaitaire a fait l’objet d’une minoration ou d’un écrêtement chaque année, destiné à financer la progression de la péréquation et la hausse mécanique de la dotation forfaitaire.

Cet écrêtement est réalisé selon une clé de répartition fixée par le comité des finances locales lors de sa séance annuelle de février et modulé en fonction de la population et du potentiel fiscal des communes ([9]). Depuis 2017, cet écrêtement est limité à 1 % des recettes réelles de fonctionnement.

Tirant les conséquences de la hausse de 320 millions d’euros de la DGF prévue en 2023 pour financer l’augmentation des dotations de péréquation verticale, l’article 195 de la loi de finances pour 2023 a prévu la suspension de l’application de cet écrêtement en 2023.

Le rapporteur rappelle que si la dotation forfaitaire ne fait pas l’objet d’un écrêtement supplémentaire cette année, les écrêtements réalisés entre 2017 et 2022 sont évidemment maintenus, ce qui signifie que la dotation forfaitaire perçue par les communes est diminuée des écrêtements successifs réalisés entre 2017 et 2022.

Le montant de la dotation forfaitaire des communes s’est élevé à 6,8 milliards d’euros.

● Les communes bénéficient également de plusieurs dotations de péréquation :

– la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) (2,7 milliards d’euros en 2023), attribuée aux communes urbaines ([10]) éligibles en fonction de plusieurs critères – le nombre de logements sociaux et d’ayants droit des aides au logement, le revenu fiscal moyen des habitants et le potentiel financier de la commune. Les communes éligibles deux années de suite à cette dotation ne peuvent voir son montant diminuer d’une année à l’autre ;

– la dotation de solidarité rurale (DSR) (2,1 milliards d’euros en 2023), attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants et à certains chefs-lieux d’arrondissement de moins de 20 000 habitants pour tenir compte, d’une part, des charges qu’ils supportent pour contribuer au maintien de la vie sociale en milieu rural et, d’autre part, de l’insuffisance de leurs ressources fiscales. Cette dotation est composée de trois fractions : la fraction « bourg-centre » pour les communes qui exercent des charges de centralités et doivent disposer à ce titre de certains services, la fraction « péréquation » versée en fonction de plusieurs critères (potentiel financier, prorata de la longueur de voirie classée dans le domaine public communal, proportion du nombre d’enfants résident dans la commune, potentiel financier superficiaire) et la fraction « cible » pour les communes rurales les plus fragiles ;

– la dotation nationale de péréquation (DNP) (0,8 milliard d’euros en 2023) qui assure une péréquation en fonction de la richesse fiscale potentielle des communes. Elle est composée d’une part principale et d’une part « majoration », cette dernière ayant pour objectif de réduire les écarts de richesse mesurés à partir des produits fiscaux perçus à la suite de la suppression de la taxe professionnelle (CVAE, CFE, etc.) ;

– la dotation d’aménagement des communes d’outre-mer (368 millions d’euros en 2023) qui rassemble les quotes-parts de chacune des dotations précédentes mentionnées versées aux communes ultramarines selon des règles permettant de leur attribuer un montant de péréquation supérieur à leur poids démographique dans la population nationale.

L’article 195 de la loi de finances pour 2023 a prévu un abondement supplémentaire de l’enveloppe allouée à la DSR à hauteur de 200 millions d’euros et de celle de la DSU à hauteur de 90 millions d’euros. Ce même article a prévu que la part de l’enveloppe supplémentaire de DSR allouée à sa fraction « péréquation » ne pouvait être inférieure à 60 %, soit 109 millions d’euros après détermination de la quote-part de la DSR revenant aux communes d’outre-mer. Ainsi, le CFL a choisi, lors de la ventilation des 40 % restant de cette enveloppe, de prioriser la fraction « bourgs-centres » (+ 54 millions d’euros contre + 18,1 millions d’euros pour la DSR « cible »).

ii.   La DGF des intercommunalités

La DGF des EPCI à fiscalité propre comprend une dotation de compensation et une composante péréquatrice, la dotation d’intercommunalité.

La dotation de compensation (4,6 milliards d’euros en 2023) correspond à l’ancienne compensation « part salaires » et à la compensation que percevaient certains EPCI au titre des baisses de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) subies entre 1998 et 2001. Afin de financer la hausse des dotations de péréquation, la dotation de compensation fait l’objet d’un écrêtement qui concerne tous les EPCI chaque année. En 2023, la dotation de compensation est réduite de 0,57 % (contre -2,19 % en 2022).

La dotation d’intercommunalité (1,7 milliard d’euros en 2023), à vocation péréquatrice, a fait l’objet d’une réforme importante en loi de finances pour 2019 avec la mise en place d’une enveloppe unique et d’un abondement annuel pérenne de 30 millions d’euros minimum, ce montant pouvant être majoré par le comité des finances locales. Le CFL n’a pas modifié cette enveloppe en 2023. Plusieurs critères sont pris en compte dans le calcul de la dotation : le potentiel fiscal de l’EPCI, son coefficient d’intégration fiscale et le revenu de ses habitants.

iii.   La DGF des départements

La DGF des départements est partagée entre une dotation forfaitaire, une dotation de compensation et deux dotations de péréquation.

La dotation forfaitaire (4,1 milliards d’euros en 2023) regroupe les montants historiques versés aux départements par l’Etat (par exemple, au titre de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle). Elle évolue aujourd’hui en fonction du dynamisme de la population du département et elle est minorée par un écrêtement, selon la même logique que la dotation forfaitaire des communes. En 2023, cette dotation forfaitaire est réduite de 0,66 % pour financer la progression de la péréquation départementale.

La dotation de compensation (2,6 milliards d’euros en 2023) agrège également plusieurs concours financiers historiques de l’Etat. Son montant est presque intégralement figé, les évolutions actuelles correspondant majoritairement à des mesures de recentralisation de compétences de certains départements.

La dotation de péréquation (1,5 milliard d’euros en 2023) des départements est composée de deux dotations : d’une part, la dotation de fonctionnement minimale en métropole, qui bénéficie à tous les départements ruraux et la dotation de péréquation urbaine en métropole versée à la quasi-totalité des départements urbains. Le CFL a décidé d’affecter 75 % de la croissance de la péréquation en 2023, soit 10 millions d’euros, aux départements ruraux et les 25 % restants aux départements urbains.

Les départements d’outre-mer, ainsi que Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin, bénéficient de ces deux dotations au sein d’une quote-part visant à leur attribuer des sommes supérieures à leur poids dans la population nationale et selon des modalités de calcul spécifiques.

3.   Une trajectoire de baisse du montant de la DGF depuis 2011

a.   Une désindexation de la DGF sur l’inflation suivie d’une baisse drastique de la DGF entre 2013 et 2017

Entre 1996 et 2007, les relations entre l’État et les collectivités territoriales étaient régies par un contrat de croissance et de solidarité qui prévoyait une évolution de la DGF supérieure à l’inflation (inflation majorée d’une fraction de la croissance observée sur l’année ([11])).

À partir de 2008, la croissance de la DGF a été indexée sur l’inflation. Elle a ensuite été stabilisée en euros courants entre 2011 et 2013.

Le montant de la DGF a fait l’objet d’une diminution drastique de près de 11 milliards d’euros au titre de la contribution au redressement des finances publiques entre 2013 et 2017. Cette baisse a été concentrée sur la composante forfaitaire de la DGF. La Cour des comptes a mis en évidence l’impact de cette diminution sur les dépenses d’investissement des collectivités locales qui ont reculé de 11 % entre 2013 et 2017 ([12]).

b.   Une stabilité de la DGF en euros constants entre 2018 et 2022

L’article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 a posé une règle de stabilité des concours financiers de l’Etat aux collectivités pour la période. En revanche, la loi de programmation prévoyait une participation du secteur local au redressement des comptes publics à hauteur de 13 milliards d’euros en dépenses de fonctionnement, sous la forme de contrats de maîtrise de la dépense locale, prévus à son article 29.

Dans le contexte de la crise sanitaire, cette norme de dépenses a été dépassée grâce à la mise en place de plusieurs concours exceptionnels visant à atténuer les conséquences de la crise sanitaire et à relancer l’activité. La troisième loi de finances rectificative pour 2020 a par exemple instauré une enveloppe complémentaire de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) de 950 millions d’euros et la mission « Relance » a porté plusieurs concours financiers à destination des collectivités locales.

Le montant de la DGF a cependant stagné entre 2018 et 2022 et à périmètre constant, à hauteur d’environ 26,6 milliards d’euros en 2022. Cette stabilité de façade, a en fait masqué un décrochage des ressources des collectivités en termes réel, un décrochage à bas bruit puisque l’inflation a oscillé entre 0,5 % (2020) et 5,2 % (2022).

En outre, en fonctionnant à enveloppe constante, la DGF a été profondément bouleversée suite à d’importants mouvements internes en raison de la progression mécanique de certaines de ces composantes, notamment des composantes péréquatrices. Ce dynamisme est financé par un écrêtement de la dotation forfaitaire (voir supra). Ce mécanisme explique qu’environ la moitié des communes et des EPCI voient chaque année leur DGF diminuer malgré la stabilisation de l’enveloppe globale depuis 2018.

c.   Une compensation partielle du dynamisme des composantes péréquatrices de la DGF en 2023

Sous la forte pression inflationniste et face aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, le Gouvernement a été contraint de rompre cette règle de stabilité de la DGF et a prévu une hausse de 320 millions d’euros de cette dotation dans la loi de finances pour 2023. Cette enveloppe avait vocation à financer les hausses des dotations de péréquation allouées au bloc communal et intercommunal annoncées par le Gouvernement en 2023 soit :

– + 200 millions d’euros sur la dotation de solidarité rurale (+10,7 % par rapport à 2022), un soutien particulier aux communes rurales ayant été décidé ([13]) ;

– + 90 millions d’euros sur la dotation de solidarité urbaine (+ 3,5 % par rapport à 2022) ;

– + 30 millions d’euros sur la dotation d’intercommunalité versée aux EPCI.

Ainsi, cette hausse de 320 millions d’euros a permis de financer la hausse de la composante péréquatrice, évitant un nouvel écrêtement sur la composante forfaitaire afin de la maintenir stable. De ce fait, seul le dynamisme de la population a fait varier les montants de dotation forfaitaire perçus par les communes. Selon la direction générale des collectivités locales (DGCL), environ 95 % des communes devraient voir leur DGF « augmentée ou stabilisée ».

Contrairement aux communes, les intercommunalités vont, elles, bien voir leur dotation de compensation écrêtée. Cet écrêtement sera néanmoins d’un montant moindre par rapport à l’année 2022 compte tenu de l’enveloppe de 30 millions d’euros ouverte en loi de finances pour 2023 pour financer une partie de la hausse de la dotation d’intercommunalité. Elle sera ainsi réduite de 0,57 % pour l’ensemble des intercommunalités concernées (contre une baisse de 2,19 % en 2022), cette somme aillant vocation à financer le coût de la hausse démographique.

évolution de la DGF de 2012 à 2023

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Montant DGF (en mds€)

41,39

41,50

40,12

36,61

33,22

30,86

26,96

26,95

26,85

26,76

26,61

26,93

Évolution

+0,3 %

-3,3 %

-8,8 %

-9,3 %

-7,1 %

-12,6 %(a)

-0,04 %(b)

-0,4 %(c)

-0,3 %(d)

-0,5 %(e)

+1,2 %

Indice des prix à la consommation (IPC)

2,0 %

0,9 %

0,5 %

0 %

0,2 %

1,0 %

1,8 %

1,1 %

0,5 %

1,6 %

5,2 %

4,2 % (p)

(a) La baisse en 2018 est liée à la sortie de la DGF de la dotation versée aux régions, remplacée par une fraction de TVA : la DGF est stable à périmètre constant.

(b) Variation liée à des mesures de périmètre et au débasage de la DGF pour la création de la dotation Natura 2000 sous la forme d’une dotation budgétaire.

(c) Variation principalement liée à la minoration de la dotation forfaitaire des départements de Mayotte et de La Réunion, dont les compétences en matière de financement et d’attribution du RSA ont été recentralisées, et au débasage de la DGF pour le financement de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité.

(d) Variation principalement liée à des mesures de périmètre liées à la recentralisation sanitaire dans certains départements et à la recentralisation du RSA à Mayotte et La Réunion.

(e) Variation principalement liée à des mesures de périmètre liées à la recentralisation du RSA à La Réunion, en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées-Orientales.

Source : Rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), Les finances des collectivités locales en 2022, janvier 2023 et commission des lois.

Cette augmentation apparaît cependant bien insuffisante pour financer la hausse des coûts auxquels sont confrontées les collectivités territoriales. La forte poussée inflationniste des derniers mois rend plus que jamais nécessaire de garantir une évolution des dotations au moins égale à celle de l’inflation, faute de quoi la situation des collectivités pourrait rapidement devenir financièrement intenable.

B.   des perspectives inquiétantes pour 2023

1.   Une hausse ponctuelle de la DGF est insuffisante face à la hausse des coûts des collectivités locales

L’augmentation de 320 millions d’euros de la DGF en 2023 a représenté une hausse 1,7 % pour le bloc communal sur lequel s’est concentrée l’enveloppe supplémentaire, bien inférieure à l’inflation estimée pour l’année 2023 (4,2 % dans le PLF avec une tendance de révision à la hausse depuis le début de l’année).

Ainsi, le montant de la DGF se serait élevé 27,73 milliards d’euros s’il avait été indexé sur le montant estimé de l’inflation dans le PLF pour 2023, ce qui représenterait une hausse de 1,12 milliard d’euros dont 770 millions d’euros pour le bloc communal.

Cette perte de ressources pour les collectivités en 2023 s’ajoute à celles des années précédentes : baisse sèche de la DGF entre 2013 et 2017 et diminution de la dotation en euros constants (c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation) sur la période 2018-2022. L’impact est particulièrement élevé en 2022 où l’inflation constatée s’est établie à 5,2 % tandis que le montant de la DGF est resté stable.

De plus, l’indice de prix des dépenses communales connaît une augmentation plus rapide que celle de l’indice des prix à la consommation (IPC) national. Ainsi, en novembre 2022, une étude de la Banque postale faisait état d’une hausse de 7,2 % de cet indice en 2022, soit 2 points de plus que celle de l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac enregistré par l’Insee au niveau national. Ce dynamisme s’explique principalement par le poids des dépenses énergétiques des communes dans un contexte d’explosion des prix et par la hausse de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique à compter du 1er juillet 2022.

Les autres aides et concours financiers mis en place par l’État en 2022 et 2023 ont été les bienvenus mais sont insuffisants pour assurer la soutenabilité financière des collectivités locales :

– les filets de sécurité 2022 et 2023 destinés à compenser partiellement la hausse des dépenses d’énergie, d’alimentation et la revalorisation du point d’indice pour les collectivités les plus fragilisées ont été peu utilisés en raison des paramètres très restrictifs retenus ([14])([15]). Par ailleurs, le rapporteur rappelle que ce type de mesure peut engendrer de nombreux effets de bords, à commencer par le fait qu’il s’applique de façon distincte en fonction des choix de gestion des collectivités et défavorise par exemple celles qui ont augmenté leur épargne brute par l’emprunt pour financer des investissements futurs qui n’ont aucun lien avec les surcoûts réellement supportés. Il regrette également que le décret d’application du filet de sécurité 2023 ne soit toujours pas publié, ce qui est porteur d’insécurité juridique, notamment pour les collectivités ayant demandé des avances à ce titre ;

– l’amortisseur électricité pour les collectivités non éligibles au bouclier tarifaire couvre seulement 50 % des volumes d’électricité consommée.

La DGF ayant vocation à financer les dépenses de fonctionnement, elle doit nécessairement être indexée sur l’inflation pour éviter la baisse de l’épargne et de l’investissement des collectivités locales.

L’Association des maires de France (AMI) anticipe une contraction des investissements des collectivités territoriales en 2023 en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt : d’après une enquête réalisée en novembre 2022, 71 % des 4 814 communes interrogées ont prévu de revoir à la baisse leurs projets d’investissements en 2023. L’investissement public local représentant 70 % de l’investissement public en France ([16]), il apparaît primordial d’agir pour soutenir les collectivités locales pour maintenir l’activité économique et la croissance.

La hausse de l’épargne brute globale des collectivités locales par rapport à 2019 et 2021 mise en évidence par la « Situation mensuelle comptable des collectivités territoriales » publiée en mars 2023 par la Direction générale des finances publiques ([17]) est probablement déjà la conséquence de la contraction de l’investissement local et la prudence des collectivités locales face à la hausse des coûts.

Ces difficultés s’inscrivent dans le contexte d’une réforme importante de la fiscalité locale depuis 2018 avec la suppression progressive de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CAVE) qui a des conséquences importantes sur le niveau de ressources et l’autonomie fiscale des collectivités locales. D’une part, ces suppressions se sont traduites par une baisse directe des ressources des collectivités locales puisqu’elles n’ont pas été compensées à l’euro près par l’Etat. D’autre part, le remplacement d’impôt local par des fractions d’impôt national type TVA ou par des dotations sans dynamique et sans lien avec les politiques menées par les collectivités locales conduit à une perte d’autonomie fiscale des collectivités locales. Ce mouvement de recentralisation de la fiscalité locale menace la capacité des collectivités à maîtriser leurs coûts et contribue à affaiblir le lien entre le contribuable et l’élu.

Le rapporteur souhaite insister ici sur la bonne gestion par les collectivités locales de leurs dépenses de fonctionnement. Le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, rejeté par l’Assemblée nationale en première lecture, prévoyait un mécanisme de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales avec un objectif de réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales à horizon 2027. Ce mécanisme venait à la fois remettre en cause le principe d’autonomie des collectivités locales et apparaissait comme un symptôme de la défiance de l’État envers celles-ci.

Le rapporteur rappelle que les collectivités sont soumises à la règle d’or qui implique que la section de fonctionnement ne peut être équilibrée par l’emprunt et que la dette des collectivités locales ne représente que 9 % de l’ensemble de la dette publique française. Le taux d’endettement des collectivités territoriales (encours de dette rapporté aux recettes de fonctionnement) a reculé de deux points en 2021 et s’est établi à 73%.

2.   Une réflexion structurelle sur le financement des besoins est nécessaire

Par ailleurs, une réflexion plus structurelle sur l’avenir de la DGF est indispensable dans un contexte de montée en puissance du financement de la péréquation.

Cette question du financement se pose avec d’autant plus d’acuité que la ville de Paris ne participe plus, à compter de 2023, à l’effort de financement des besoins sous la forme de l’écrêtement puisqu’elle ne perçoit plus de dotation forfaitaire. Or, la ville de Paris supportait jusqu’ici un écrêtement de 30 millions d’euros soit presque 20 % de l’écrêtement total appliqué aux communes.

Si l’enveloppe de la DGF est de nouveau gelée après 2023, le financement de la progression de la péréquation devra être réparti entre les communes soumises à l’écrêtement, ce qui aura un impact très fort sur le niveau de la dotation forfaitaire perçu par celles-ci. Ce mécanisme pose de véritables questions en termes d’acceptabilité du dispositif et, plus grave encore, en matière d’autonomie financière des collectivités territoriales.

L’abondement de 320 millions d’euros décidé en 2023 ne peut donc être qu’une solution temporaire tandis que la soutenabilité de l’ensemble du dispositif se pose aujourd’hui. Il est temps que la DGF progresse chaque année, du niveau de l’inflation pour compenser les coûts de fonctionnement auxquels font face les collectivités territoriales et ainsi répondre à son objectif premier de garantie de l’autonomie financière de celles-ci.

Une fois cette indexation sur l’inflation acquise, une réflexion plus globale sur une réforme de la DGF pourrait utilement avoir lieu dans les prochaines années.

II.   Le Droit proposé : la nécessaire indexation sur l’inflation de la DGF

L’article 1er de la présente proposition de loi organique a pour objectif de garantir un niveau de ressources suffisant pour les collectivités territoriales, qui soit cohérent avec l’évolution des coûts auxquels elles sont confrontées. Ainsi, il prévoit un mécanisme d’indexation de la DGF sur l’inflation.

Le I modifie l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances :

– d’une part, il inscrit dans la loi organique l’existence de la dotation globale de fonctionnement en prévoyant qu’une fraction des prélèvements sur les recettes de l’État directement rétrocédés aux collectivités territoriales prend la forme d’une dotation globale de fonctionnement ;

– d’autre part, il prévoit que le montant de cette dotation est revalorisé par la loi de finances de l’année sur la base d’un coefficient au moins égal à la prévision d’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, retenue pour la même année, dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé chaque année au projet de loi de finances et prévu à l’article 50 de la LOLF. Si le coefficient est inférieur à un, il est porté à cette valeur.

Ce mécanisme d’indexation, fixé au niveau organique, garantit que le montant de la DGF, fixé en loi de finances, est au moins égal au montant de DGF de l’année précédente majorée de l’inflation.

La direction du budget a indiqué au rapporteur que cette mesure coûterait entre 500 et 600 millions d’euros par an à l’État.

Le II prévoit que l’article 1er entre en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2024.

III.   La Position de la commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel relatif à la date d’entrée en vigueur du dispositif, soit lors du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2024. Elle a ensuite adopté l’article ainsi modifié.

*

*     *


Article 2
Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

Adopté par la commission sans modification

 

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 prévoit un gage financier destiné à garantir la recevabilité de la proposition de loi organique lors de son dépôt.

       Modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

 

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*     *


   examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 12 avril 2023, la Commission examine la proposition de loi organique visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation (n° 957) (M. Jean-Marc Tellier, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/fElHWc

Mme Caroline Abadie, présidente. Mes chers collègues, nous en venons à l’examen de la proposition de loi organique visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, dont M. Jean-Marc Tellier a été désigné rapporteur. La proposition de loi organique est inscrite en septième et dernier point de l’ordre du jour de la journée du 4 mai.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission pour présenter ce texte inscrit à l’ordre du jour de la niche du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES.

Son sujet peut sembler technique et plus proche des thématiques dont s’empare la commission des finances, notamment dans le cadre du projet de loi de finances (PLF). Il est en effet question de l’indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation.

Il faut rappeler que la DGF a été indexée sur l’inflation jusqu’en 2011 avant d’être gelée jusqu’en 2013. Elle a ensuite été mise à contribution de façon drastique pour le redressement des finances publiques, à hauteur d’environ 11 milliards d’euros : de 41,5 milliards en 2013, son montant est ainsi passé à environ 31 milliards en 2017, avant que la part de la DGF versée aux régions ne soit supprimée. La Cour des comptes a mis en évidence l’impact de cette diminution sur les dépenses d’investissement des collectivités territoriales, ces dépenses ayant reculé de 11 % pendant la période.

Une telle mesure touche au principe même de l’autonomie financière des collectivités territoriales, pendant financier du principe constitutionnel de leur libre administration. Le sujet est au cœur des compétences de la commission des lois et nous passionne tous parce qu’étant élus d’un territoire composé de collectivités, nous sommes en lien quasi quotidien avec elles. Plusieurs d’entre vous, dont je fais partie, ont aussi eu la chance d’exercer des fonctions exécutives locales et de faire l’expérience de la réalité vécue par les collectivités territoriales.

La DGF est le principal concours financier que l’État verse aux collectivités territoriales – plus précisément aux communes, aux intercommunalités et aux départements. Elle a vocation à donner un niveau de ressources suffisant à ces collectivités pour qu’elles puissent fonctionner : elle vise à garantir leur autonomie financière.

La DGF comprend deux parties : une dotation forfaitaire ou de compensation, fondée sur des composantes historiques et sur le poids de la population ; des dotations de péréquation, qui visent à soutenir les collectivités ayant des charges particulières. La part de la péréquation au sein de la DGF, particulièrement dynamique, est financée depuis 2017 par un écrêtement de la dotation forfaitaire puisque l’enveloppe globale de la DGF a été gelée.

Entre 2018 et 2022, le montant de la DGF a été stabilisé à périmètre constant, aux alentours de 26,6 milliards. On peut penser que cette stabilisation a eu peu d’impact dans un contexte de faible inflation. C’est oublier l’essence même de la DGF, qui est un dû par l’État, non une subvention. André Laignel, président du Comité des finances locales, dit bien que s’il n’y a pas de remboursement en euros constants, c’est-à-dire en tenant de compte de l’inflation, il y a « spoliation ».

Le fonctionnement à enveloppe fermée de la DGF a des conséquences importantes sur sa répartition entre les différentes collectivités. En effet, la dotation forfaitaire a fait l’objet d’écrêtements, chaque année pendant cette période, au profit des composantes péréquatrices. Ce mécanisme explique qu’environ la moitié des communes et des EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – voient chaque année leur DGF diminuer malgré la stabilisation de l’enveloppe globale depuis 2018.

Nos collectivités territoriales sont confrontées à d’énormes difficultés liées à la forte hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation. En 2022 l’inflation s’est établie à 5,2 % environ quand le montant de la DGF restait stable, et elle est estimée à 4,2 % en 2023. Les communes sont particulièrement vulnérables : l’indice des prix des dépenses communales connaît une augmentation bien plus rapide que celle des prix au niveau national. Selon les dernières enquêtes, la hausse des prix du « panier du maire » a atteint 7,2 % en 2022.

Les collectivités territoriales doivent aussi prendre à leur charge la revalorisation du point d’indice, une mesure indispensable mais qui pèse sur les budgets locaux.

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) alerte déjà sur la contraction de l’investissement dans les collectivités territoriales en 2023, en raison de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt. Soutenir les collectivités territoriales, c’est également soutenir la croissance et l’activité économique puisque l’investissement local représente 70 % de l’investissement public.

Le Gouvernement a pris quelques mesures, tel le filet de sécurité, pour compenser les surcoûts des collectivités territoriales, mais elles sont mal calibrées et bénéficient finalement à un petit nombre de collectivités.

Ces difficultés s’ajoutent à celles qui résultent de la réforme de la fiscalité locale, avec la suppression progressive de la taxe d’habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui a des conséquences importantes sur le niveau de ressources et l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Ces suppressions se sont d’abord traduites par une baisse directe des ressources des collectivités territoriales puisqu’elles n’ont pas été compensées à l’euro près par l’État. Ensuite, le remplacement d’impôt locaux par des fractions d’impôt national comme la TVA ou par des dotations sans lien avec les politiques menées par les collectivités territoriales conduit à une perte d’autonomie fiscale. Ce mouvement de recentralisation de la fiscalité locale menace la capacité des collectivités à maîtriser leurs coûts et contribue à affaiblir le lien entre le contribuable et l’élu.

Il est aujourd’hui urgent d’agir pour garantir aux collectivités territoriales les moyens de leur subsistance. Cette année, face aux pressions inflationnistes, le Gouvernement a été contraint d’augmenter de 320 millions la DGF pour financer la progression de la péréquation dans le bloc communal : elle atteint désormais 26,9 milliards. Cette enveloppe supplémentaire est bien insuffisante puisqu’elle représente une hausse de 1,7 % de la dotation allouée aux communes, soit un niveau très inférieur aux 4,2 % d’inflation estimés sur l’année.

À titre de comparaison, le montant de la DGF se serait élevé à 27,7 milliards s’il avait été indexé sur l’inflation estimée dans le PLF pour 2023, ce qui représenterait une hausse de 1,12 milliard, dont 770 millions pour le bloc communal.

Le groupe GDR-NUPES propose d’en finir avec des augmentations ponctuelles, liées à la conjoncture. Il souhaite une réforme plus juste, qui passe par une mesure d’indexation de la DGF sur la prévision d’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, fixée chaque année dans les documents annexés au projet de loi de finances. Nous avons souhaité inscrire cette mesure dans la loi organique pour garantir sa pérennité et lui conférer un statut particulier.

L’indexation est d’autant plus nécessaire qu’une réflexion structurelle sur l’avenir de la DGF doit être engagée, maintenant que la ville de Paris ne contribue plus à l’effort de financement des besoins puisqu’elle ne perçoit plus de dotation forfaitaire. L’abondement de 320 millions décidé en 2023 ne peut être qu’une solution temporaire, et la soutenabilité de l’ensemble du dispositif pose question. Il est temps que la DGF progresse chaque année du niveau de l’inflation pour compenser les coûts de fonctionnement auxquels font face les collectivités territoriales et pour répondre ainsi à son objectif premier de garantir leur autonomie financière.

Dans les prochaines années, une fois cette indexation sur l’inflation acquise, une réflexion plus globale sur une réforme de la DGF pourrait utilement avoir lieu.

Je remercie tous les acteurs que j’ai pu auditionner.

Mme Caroline Abadie, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Nous sommes défavorables à cette proposition de loi organique : le Gouvernement comme la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, créée lors de la précédente législature, et celle du Sénat, en lien avec les associations d’élus, ont changé de méthode, pour être au rendez-vous des secousses rencontrées par nos collectivités territoriales ces dernières années.

Avec près de 27 milliards, la DGF compte pour 15 % des recettes réelles de fonctionnement pour les communes, 20 % pour les EPCI à fiscalité propre et 12 % pour les départements. Constituée à 55 % par une part forfaitaire et, pour le reste, par une dotation de péréquation elle représente en moyenne, par habitant, 169 euros pour les communes, 87 euros pour les intercommunalités et 117 euros pour les départements. De 2012 à 2017, son enveloppe globale a baissé de 11 milliards d’euros, ce qui n’a pas été sans conséquences pour les collectivités territoriales.

À partir de 2017 nous avons sanctuarisé la DGF à 27 milliards, mais l’ensemble des concours de l’État – 47 milliards en 2022 – a augmenté de 2,2 %, contre 1,2 % pour l’inflation. Les deux mécanismes du filet de sécurité et de l’amortisseur sur les prix de l’énergie et de l’électricité ont permis d’abonder les moyens des collectivités territoriales à hauteur de 2,8 milliards, là où une hausse mécanique de la DGF indexée sur l’inflation ne les aurait fait progresser que de 1,1 milliard.

Les associations d’élus et le Comité des finances locales, à l’exception de son président, ne demandent plus l’indexation sur l’inflation : ils souhaitent un dialogue et des mesures adaptées aux besoins des collectivités car une simple indexation risque d’aider davantage, en proportion, les collectivités qui n’ont pas le plus besoin d’un soutien supplémentaire. Le filet de sécurité de 1,5 milliard et l’amortisseur, qui a évité des hausses de 20 à 30 % des coûts de l’énergie et de l’électricité pour certaines collectivités ont été ajustés. Les 320 millions de DGF supplémentaires en 2023 ont neutralisé les effets de la péréquation. Autrement dit, nous avons fait du cousu main dans le budget que nous avons adopté.

Parallèlement, à la suite de la révision des bases théoriques, indexées sur l’inflation, les taxes foncières sur le bâti ont augmenté de 3,4 % en 2022 et progresseront de 7 % en 2023. À l’Assemblée nationale, une partie des oppositions s’est interrogée sur le maintien d’une mécanique d’indexation sur l’inflation, à l’inverse des cosignataires de cette proposition. Les amendements que j’ai déposés me permettront de revenir sur cette question.

M. Julien Rancoule (RN). Nous partageons le constat de la proposition de loi organique : la DGF versée par l’État se substitue à un ensemble de taxes locales initialement prélevées par les collectivités. Il est donc nécessaire d’assurer un montant constant de dotation en termes réels, année après année, pour que les collectivités puissent relever leurs propres défis financiers.

La première des collectivités territoriales reste la commune. Selon l’étude de La Banque postale, en partenariat avec l’Association des maires de France, un grand nombre de communes sont exsangues car l’inflation fait exploser leurs charges. Les plus petites sont les plus touchées par l’inflation et comparativement les plus pénalisées par la stagnation de leur dotation. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à indexer la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) sur l’inflation. Il est essentiel que l’inflation ne condamne pas tous les projets d’investissement des communes rurales, sans quoi elles en mourront.

Le Gouvernement tend souvent à oublier ces petites communes qu’il rêve, hélas, de voir disparaître. Le groupe Rassemblement national estime au contraire qu’elles font la richesse de nos territoires. Nous devons les chérir et les soutenir. Oui, nous devons revoir sur le long terme l’aménagement de notre territoire. Dans la France de demain, il faudra dynamiser les zones rurales car, c’est une évidence, nous ne pourrons pas tous vivre dans les villes. Il faut donc soutenir les collectivités territoriales, dont les communes, et leur assurer un financement durable de leur dotation. Nous soutenons l’indexation de la DGF sur l’inflation car nous la jugeons nécessaire. Elle représentera cependant un coût considérable pour nos finances publiques.

C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à financer cette mesure en minorant les ressources que la France affecte au budget de l’Union européenne. Il a été déclaré irrecevable pour des motifs fallacieux. Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2023 fixe la contribution de la France à 24,5 milliards, une manne énorme qui nous est redistribuée seulement partiellement et sans que nous puissions décider de son affectation.

Les députés du Rassemblement national voteront donc ce texte que soutiennent par ailleurs les associations d’élus locaux, dont nous souhaitons faire entendre ici la voix.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission.

Frédéric Roig, ancien député de ma circonscription, aujourd’hui président de l’AMF34, l’Association des maires de l’Hérault, constatait hier dans Le Midi libre : « C’est le maire qui se fait engueuler en premier. Les citoyens se tournent toujours vers l’élu qui est le plus à même de faire vivre notre démocratie au quotidien. C’est l’histoire de notre république. »

La question de l’indexation de la DGF sur l’inflation est plus politique que technique : quelle autonomie de gestion voulons-nous pour nos collectivités ? Quelle considération portons-nous aux élus, mais aussi aux habitants, dans ce cadre communal qui, mieux que tout autre, peut nous faire sentir pleinement citoyens ?

Tout ce qui augmente l’autonomie des communes, notamment l’indexation de la DGF sur l’inflation, a la faveur du groupe La France insoumise. Nous soutenons donc cette proposition de loi organique du groupe GDR.

L’autonomie des communes est mise à mal par la suppression d’impôts locaux, sans que soient recherchées remise à plat ou « coconstruction », même a posteriori. Cela marque une rupture de confiance entre les maires et l’exécutif. En choisissant d’empêcher tout débat sur les finances des collectivités à l’automne dernier, par dix utilisations de l’article 49.3, le Gouvernement, croyant clouer le bec aux oppositions alors qu’il était minoritaire, a lancé aux élus locaux : « Circulez, y a rien à voir ! »

Ce qu’il ne fallait surtout pas voir, c’étaient les conséquences de la suppression d’une recette, un nouveau cadeau aux entreprises, qui n’en demandaient pas tant. On jurait que la CVAE allait être compensée : elle ne l’est pas entièrement. On annonçait la création d’un Fonds vert pour accélérer la transition écologique dans les territoires : ses 500 millions additionnels n’iront pas à des investissements locaux. La circulaire du 14 décembre 2022 demande aux préfets de s’assurer que les collectivités bénéficient du fonds, au moins à hauteur de la compensation de CVAE prévue. Non seulement la compensation s’évapore après 2023 mais on force la main aux maires, lesquels ne pourront pas investir en fonctionnement. Car subventionner une cantine de qualité, recruter une Atsem – agente territoriale spécialisée des écoles maternelles – de plus à l’école, soutenir une association sportive ou caritative, c’est aussi investir pour l’avenir.

Le Gouvernement n’est pas le seul fautif. La mise à mal a débuté avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite Notre, de Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Emmanuel Macron, largement décriée par nos élus, et avec les baisses de dotation régulières voulues par François Hollande. Après avoir diminué de 11,2 milliards entre 2013 et 2017, la DGF est tombée à 27 milliards. Sa stabilité depuis 2017 est un trompe-l’œil : les charges augmentent et l’inflation se poursuit. Si la DGF avait été indexée sur l’inflation, telle que la Banque de France la calcule, elle serait aujourd’hui de 31 milliards. Il manque donc 4 milliards aux collectivités pour investir.

Nombreux sont les élus qui jettent l’écharpe à terre. On pourrait en conclure avec cynisme qu’il faut supprimer les communes car être maire est trop compliqué. On doit plutôt redonner confiance à nos concitoyens dans la capacité des élus à changer la vie des gens, même modestement. Cela passera par l’échelon communal. En indexant la DGF sur l’inflation, on crée un peu de visibilité et on donne aux communes les moyens d’investir pour l’avenir. Redonnons donc aux élus locaux les moyens de faire république !

M. Raphaël Schellenberger (LR). J’ai bien écouté notre collègue Rémy Rebeyrotte : nous avons changé de méthode. Mais, du coup, on ne comprend plus rien ! C’est ce qui se passe dans les territoires : à force d’instaurer des règles toujours plus subtiles et complexes, qui visent à harmoniser toujours davantage des territoires pourtant fondamentalement différents, on leur fait perdre leur latin.

La démocratie y a-t-elle gagné quelque chose ? La participation des citoyens dans la vie locale s’est-elle accrue grâce à la complexification de nos normes financières locales ? J’ai tendance à penser que non, au regard de l’effritement du nombre de candidats aux élections locales et de la diminution d’une participation qui résistait pourtant à l’abstention. On ne comprend pas mieux les règles aujourd’hui.

Depuis une décennie, plutôt que d’assumer un discours politique qui ne convient pas aux Français – la suppression des petites communes –, les majorités successives ont déployé des règles qui tendaient à asphyxier les collectivités, avec des systèmes de calcul incompréhensibles, notamment pour celles qui ne disposent pas de services financiers étoffés. Résultat, ce sont les plus gros qui s’en sortent le mieux – il est plus facile de comprendre les règles lorsque l’on dispose d’un service financier que quand un secrétaire de mairie s’occupe de tout. Ou alors, comme certaines intercommunalités, il faut recourir à des cabinets de conseil et d’audit, qui optimisent le coefficient d’intégration fiscale et font gagner 10 000 ou 12 000 euros de DGF. Voilà la réalité dans nos territoires !

Augmenter de façon linéaire la DGF en l’indexant sur l’inflation, est-ce la solution ? Je n’en suis pas certain mais c’est peut-être un début de réponse. Dans tous les cas, il faudra une réforme globale des moyens des collectivités territoriales, une réforme qui fixe des règles simples et compréhensibles par tous, permettant à la démocratie de s’exprimer. C’est ce que nous avons complètement oublié. Matin et soir, on fait le culte de la démocratie locale, on trouve formidables tous ces élus locaux qui s’investissent, mais on dégrade chaque jour la capacité de nos concitoyens à comprendre le système, donc à l’accepter.

Comme nous avons changé de méthode, selon M. Rebeyrotte, je regrette que le grand chantier de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, pourtant promis et annoncé, ait été oublié, caché, abandonné, au profit d’une actualité éloignée des préoccupations des collectivités territoriales. Il est grand temps que nous nous attaquions au vaste chantier de l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). La proposition de loi organique vise à ajouter un alinéa à l’article 6 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001, garantissant que le montant des recettes de l’État directement rétrocédées aux collectivités ne puisse être inférieur, à périmètre constant, au montant de l’année précédente, majoré de l’inflation.

La loi de finances pour 2023 apporte soutien et protection aux collectivités territoriales, le budget qui leur est alloué ayant été construit en concertation avec les associations nationales d’élus. Confronté à un contexte inédit, le Gouvernement a fait le choix d’un soutien massif à toutes les strates des collectivités territoriales afin de les protéger au mieux des conséquences de la crise énergétique. Cet accompagnement a pris différentes formes.

D’abord, le Gouvernement a sanctuarisé l’enveloppe globale de la DGF, la principale dotation de fonctionnement de l’État aux collectivités territoriales. Après une période de stabilité, celle-ci a progressé pour la première fois depuis plus de treize ans, atteignant 320 millions, davantage que les 210 millions prévus en septembre 2022. Un tel levier a pour conséquence de garantir le maintien ou l’augmentation de la dotation pour une large majorité de communes et de leur permettre d’assurer les missions de service public. Les territoires ruraux bénéficieront largement de la hausse, avec une dotation de solidarité rurale de 200 millions. Quant à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, elle s’élève à 90 millions et la dotation d’intercommunalité, à 30 millions.

Le second levier réside dans les nombreuses mesures d’accompagnement des investissements des collectivités – le filet de sécurité, pour faire face à la hausse du coût de l’énergie ; la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; la création du Fonds vert ; l’augmentation de la dotation pour la protection de la biodiversité ; l’instauration d’une dotation exceptionnelle de 107 millions visant à compenser les pertes de recettes fiscales pour les régions. Les crédits de paiement du programme Conditions de vie outre-mer ont été augmentés de 43 millions, dont 30 millions destinés au contrat de redressement des outre-mer. Une aide exceptionnelle de 300 millions d’euros a également été ajoutée au projet de loi de finances pour 2023 en faveur des collectivités qui organisent des transports publics.

Par ailleurs les aides à destination des communes en grande difficulté ont quintuplé, pour atteindre 10 millions. Elles visent à soutenir les communes dans lesquelles des circonstances anormales ont entraîné un déséquilibre budgétaire.

Enfin, comme en 2021, les marges de manœuvre financière des collectivités territoriales ont augmenté en 2022. Leur capacité d’autofinancement a été bien supérieure à ce qu’elle était avant la crise. Dépassant les prévisions, les recettes réelles de fonctionnement, soutenues par des recettes fiscales dynamiques, ont progressé de 10,2 milliards en 2022 et surpassé de 8,3 % leur niveau d’avant la crise. Les dépenses sont maîtrisées et l’investissement progresse : la croissance des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités atteint ainsi 4,5 % en 2022, soit plus 8 milliards.

L’investissement, tiré par la hausse des dépenses d’équipement, a continué sa progression par rapport à 2021, à hauteur de 5,6 %. Les investissements restent donc dynamiques malgré les difficultés rencontrées dans les territoires.

L’ambition du groupe MODEM est avant tout de permettre aux collectivités territoriales de tenir et de franchir cette crise, pour continuer d’investir. C’est ce que permet la loi de finances pour 2023.

Une indexation de la DGF sur l’inflation serait une forme de saupoudrage. Nous aiderions davantage les collectivités qui en ont le moins besoin, et réciproquement. L’indexation de cette ressource dynamique sur l’inflation serait en outre contre-productive puisqu’elle n’apporterait que 1,7 milliard. Nos territoires attendent et valent beaucoup mieux.

Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM ne votera pas en faveur de ce texte.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le texte pose une question importante, celle du modèle de décentralisation que nous voulons. Souhaitons-nous une puissance publique à deux vitesses, dont l’extension locale est désarmée et dont l’État central délègue ses compétences sans être à la hauteur quand il s’agit de donner les moyens de les exercer, ou des services publics de proximité répondant aux attentes de nos concitoyens et des collectivités locales attentives aux besoins de leurs habitants et disposant des moyens de leurs ambitions ?

Il n’est pas possible de rappeler à longueur de discours à quel point les collectivités territoriales sont essentielles tout en laissant faire le démantèlement de leurs moyens, qui les laisse exsangues et les plonge dans la difficulté pour assumer leurs attributions. Je parle bien sûr de la chute drastique de la DGF, qui représentait 41,5 milliards d’euros il y a dix ans, 31 milliards il y a cinq ans et 27 milliards aujourd’hui. Il convient de mentionner également l’effet de ciseau : les compétences s’accroissent – pensons à la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS » – et les ressources diminuent du fait de la perte d’autonomie fiscale découlant de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et de la CVAE.

Nous le savons tous, la disparition des services publics de proximité est un facteur déterminant de l’abstention et du vote contestataire : comment ne pas comprendre ces Françaises et ces Français qui éprouvent un sentiment d’abandon, notamment en milieu rural ? C’est pourquoi il faut redonner des ressources aux collectivités, dans l’immédiat pour faire face à l’explosion des factures et, au-delà, pour exercer pleinement leurs missions. Tel était le sens des propositions que nous avions imposées au Gouvernement dans la loi de finances rectificative pour 2022 : compensation aux collectivités de la hausse des dépenses de RSA, de la revalorisation du point d’indice et de la croissance des frais résultant de l’inflation ; les groupes Socialistes et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) avaient, à cette occasion, remporté une belle victoire.

Dans la continuité de nos combats communs, nous soutiendrons la proposition de loi organique, qui consiste simplement à empêcher l’inflation de grignoter la DGF. Cela ne doit pas nous empêcher d’aller plus loin et, comme l’évoquait le rapporteur, de poursuivre ce travail par une vraie réforme de la DGF destinée à la rendre plus adéquate aux réalités actuelles.

M. Philippe Pradal (HOR). Nous tenons à saluer l’initiative du groupe Gauche démocrate et républicaine d’avoir mis à l’ordre du jour une proposition de loi organique qui a trait aux ressources des collectivités territoriales. Les députés du groupe Horizons et apparentés sont particulièrement attachés aux collectivités territoriales, maillons essentiels du fonctionnement de notre pays.

L’indexation de la DGF sur l’inflation est à première vue une idée séduisante : l’exposé des motifs parle même de « bon sens économique ». À y regarder de plus près, cette affirmation peut cependant souffrir certaines objections. D’une part, la DGF est une enveloppe fermée, ce qui signifie qu’une augmentation globale ne se traduit pas forcément par une hausse de la dotation à toutes les collectivités qui la perçoivent. D’autre part, en ce qu’elle regroupe différentes dotations poursuivant des objectifs distincts – compensations, péréquations – à destination de différentes catégories de collectivités et selon des critères d’attribution nombreux et complexes, elle n’est pas un outil facile à manier. Dès lors son indexation sur l’inflation ne semble pas représenter la solution la plus efficace pour protéger les collectivités d’une forte inflation, telle que nous la connaissons encore actuellement.

En réalité, les différents mécanismes de soutien mis en place par les gouvernements successifs et la majorité depuis le début de la crise sanitaire et au plus fort de la crise énergétique sont plus forts que ne l’aurait été une simple indexation de la DGF sur l’inflation. Les députés du groupe Horizons et apparentés ont pris toute leur part de cette politique, puisqu’ils sont à l’origine d’un filet de soutien à l’investissement, déployé dans le cadre de la loi de finances pour 2023, lequel devrait permettre aux collectivités territoriales de faire face à l’inflation et de poursuivre leurs investissements.

Nous connaissons en effet la place de l’investissement public local dans l’investissement public total, donc la nécessité de dégager des marges d’autofinancement au sein des sections de fonctionnement des budgets des collectivités. L’indexation de la DGF sur l’inflation est une proposition qui risque de se révéler court-termiste, puisque les économistes s’accordent à estimer que l’inflation devrait rapidement retrouver des niveaux plus modestes. En période de forte inflation, il est plus adapté de prendre des mesures spécifiques et, en période d’inflation modérée, l’indexation ne représente qu’un soutien modeste.

L’enjeu essentiel autour de la DGF, et plus généralement en matière des transferts de l’État au profit des collectivités territoriales, tient à la visibilité sur plusieurs années. Les collectivités ont besoin de savoir quel sera le montant de leurs dotations dans trois ou cinq ans pour anticiper, prendre des décisions de gestion et d’investissements, et organiser l’incidence sur les budgets des variations potentielles des contributions de l’État. En conséquence, les députés du groupe Horizons et apparentés voteront contre cette proposition de loi organique.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Beaucoup l’ont dit, les collectivités territoriales, notamment les communes, sont le premier maillon de la République ; dans la période actuelle, elles remplissent de nombreuses missions. Pour les citoyens, les communes représentent des lieux de vie, mais également des services publics, que l’on pense aux crèches, aux écoles, aux activités sportives, aux médiathèques, aux centres de loisirs ou au portage des repas, entre autres. Tous nos concitoyens bénéficient quotidiennement de ces services publics de proximité et exercent sur eux un pouvoir d’intervention bien plus grand que sur les services publics de l’État.

Beaucoup de collectivités sont actuellement exsangues, et cette situation ne résulte aucunement d’une mauvaise gestion de leurs finances. Depuis près de dix ans, elles sont en effet malmenées : cela a commencé en 2011 par la désindexation de la DGF, cela a continué par sa baisse drastique de plus de 11 milliards d’euros entre 2013 et 2017 et cela s’est poursuivi avec la majorité actuelle, qui a supprimé des impôts locaux, taxe d’habitation et impôts de production, cette perte n’ayant été que partiellement compensée. La crise du covid et la poussée inflationniste depuis la fin de l’année 2021 ont grandement accru les dépenses ainsi que la demande de services adressée aux communes. Les maires, qui font face à des demandes croissantes et plus précises, doivent beaucoup intervenir, tant les besoins exprimés par les citoyens sont grands.

Il faut désormais arrêter la casse car les collectivités se situent au bord de l’abîme : il me semble que nous pouvons être nombreux à partager ce constat. Elles sont le cœur de la démocratie, donc il faut mesurer le danger que représentent leurs difficultés dans un moment de crise démocratique aussi aiguë. Nos concitoyens ressentent directement les conséquences de cette situation car, dans certaines communes, les services publics ferment plus tôt et des investissements particulièrement utiles sont reportés, faute de trésorerie : comme l’a rappelé le rapporteur, ce n’est pas la rallonge de 320 millions d’euros opérée en 2023 qui réglera la situation, car elle ne représente qu’une goutte d’eau.

Il est temps de soutenir les collectivités locales : vous dites que l’indexation serait inutile, mais elle apporterait de la visibilité aux élus locaux. Elle ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la politique de soutien aux finances des collectivités territoriales, mais elle constitue une mesure d’urgence bienvenue, qui fait sans doute bien plus consensus parmi les maires qu’à la commission des lois de notre assemblée.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Si nous ne votions pas cette proposition de loi organique, nous serions des hypocrites de première catégorie, car nous rendons tous ici hommage au dévouement des élus locaux lorsque nous parcourons nos circonscriptions, de vœux en commémorations, de marchés en manifestations diverses. Nous nous levons régulièrement dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale pour applaudir un élu local mis en cause ou agressé ; nous saluons ces hussards de la République, qui se trouvent en première ligne quand la tension monte dans le pays du fait de la politique gouvernementale : ils subissent alors les conséquences de choix politiques dont ils ne sont pas responsables. Les élus locaux ne nous demandent pas de la commisération, ni des applaudissements ou de belles déclarations d’amour, ils réclament la traduction en actes de la promesse républicaine pour tous les territoires de la nation.

J’adresse un grand remerciement au groupe Gauche démocrate et républicaine et au rapporteur d’avoir déposé cette proposition de loi organique, qui n’est ni un bouleversement révolutionnaire, ni du terrorisme intellectuel ou de l’outrance radicale, mais un simple retour à une règle qui a prévalu de 1979 à 2011. La DGF, dispositif complexe et opaque, doit être indexée sur l’inflation. Depuis 2003, les collectivités locales font face à des charges découlant de la non-compensation de nombreux transferts de compétences.

Pourtant vous dites, mantra des néolibéraux, qu’il faut libérer les énergies, l’esprit d’entreprise, la capacité d’investir et d’entreprendre, etc. C’est vrai pour tout le monde, sauf pour les collectivités locales ! Elles, vous les contraignez, mais il est vrai qu’est suspecte toute entité qui pourrait être un contre-pouvoir ou qui pourrait vouloir faire autre chose que ce que décide l’Élysée. J’ai entendu une collègue évoquer le vote d’un budget, je suis parlementaire depuis moins d’un an, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu le droit de me prononcer sur un projet de loi de finances, je ne me rappelle que de 49.3.

La hausse de la DGF que nous n’avons pas ratifiée est un trompe-l’œil, puisqu’elle est moins élevée que l’inflation : les capacités financières des collectivités ont diminué ou stagné puisqu’elles n’ont pas progressé. Elle ne compense pas non plus des décennies de baisse de la dotation. Prenons l’exemple d’une commune qui m’est chère, celle de Juziers, dans ma circonscription : depuis 2014, sa DGF a été divisée par huit ! Par huit !

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Parlez-en à vos voisins !

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Monsieur Rebeyrotte, les torts sont évidemment partagés, la baisse de la DGF est ancienne et les responsabilités le sont donc aussi. J’avais cependant cru comprendre qu’avec l’arrivée d’Emmanuel Macron un nouveau monde émergeait, dirigé par des professionnels qui en finiraient avec les errements de l’ancien monde. J’attends les preuves ! Des gens vous ont crus, ne les décevez pas !

Les collectivités locales constituent le premier espace de démocratie et de protection sociale grâce à leurs services publics. Elles apportent de la solidarité face aux choix gouvernementaux injustes et brutaux, voilà pourquoi nous soutiendrons avec plaisir cette proposition de loi organique. Je vous invite, mes chers collègues, à faire enfin preuve de courage et de sincérité à l’égard des collectivités et des élus locaux : je ne vois pas comment nous pourrions dire aux maires que nous faisons tout ce que nous pouvons pour les aider à remplir leurs missions, essentielles à la vie de la République et à la cohésion des territoires, si nous n’adoptions pas ce texte.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Depuis quelques années, de nombreux coups de canif ont été donnés à l’autonomie financière des collectivités territoriales, laquelle n’existe pas dans les faits. Les réformes successives de la fiscalité locale ont conduit à un démantèlement progressif du lien entre les contribuables locaux et les élus territoriaux. Les collectivités doivent faire face à une hausse de leurs charges, alors que leur budget est abondé par des dotations désindexées de l’inflation et des fractions d’impôts nationaux sur lesquelles elles n’ont, à ce jour, aucune marge de manœuvre.

Dès le début de cette année, notre groupe a, avec d’autres, relayé la demande des associations d’élus d’indexer la DGF sur l’inflation, mesure rejetée par le Gouvernement. De manière générale, nous avons défendu et nous défendons toujours l’élaboration d’une loi spécifique de financement des collectivités territoriales, tout comme la constitutionnalisation de leur autonomie fiscale. Dans la continuité de ces combats, nous soutiendrons cette proposition de loi organique.

Avant 2011, la DGF était bien indexée sur l’évolution des prix ; aujourd’hui, son niveau ne correspond plus à la réalité des coûts que doivent supporter les collectivités territoriales ; après la pandémie difficile de covid-19, les élus des territoires affrontent désormais une nouvelle crise liée à une inflation qui pèse fortement sur leur budget. Depuis l’été 2022, l’ensemble des collectivités subissent la hausse des dépenses énergétiques et des prix de l’alimentation : cette situation est difficilement soutenable, surtout pour les plus modestes d’entre elles.

Ces difficultés sont loin d’être derrière nous, et la situation est lourde d’incertitudes. Dans son rapport sur les finances locales de 2022, la Cour des comptes a indiqué que la hausse des charges freinerait l’investissement local et contraindrait les élus à reporter voire à annuler certains de leurs projets. Nous estimons qu’il n’est pas possible de laisser les élus territoriaux dans une situation budgétaire compliquée, qui favorise l’attentisme. La DGF est avant tout un lien qui oblige l’État et qui apporte aux départements et au bloc communal des ressources prévisibles.

Depuis 2017, la DGF est figée autour de 27 milliards d’euros : notre groupe regrette la stagnation du principal concours de l’État aux collectivités territoriales ; du fait de l’inflation, cette stabilité n’est qu’un trompe-l’œil budgétaire qui dissimule une érosion continue. Les aides d’urgence ne suffisent plus, et nous avons besoin d’une réforme structurelle des finances locales. Nous ne remettons pas en cause les aides temporaires votées par l’ensemble des parlementaires sous la forme de filets de sécurité dans les lois de finances rectificative pour 2022 et initiale pour 2023, mais force est de constater que ces dispositifs ne suffisent pas et sont souvent mal calibrés. Nous souhaiterions que le Gouvernement cesse de ne faire que réagir, qui plus est dans l’urgence, pour déployer enfin des réformes structurelles : la réindexation de la DGF sur l’inflation en est une.

Je rappelle la nécessité d’ouvrir un débat de fond sur l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales, afin d’aboutir à une réforme profonde du fonctionnement de la République et de ses relations avec les territoires.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Je souhaiterais remercier l’ensemble des groupes qui se sont exprimés. Nous reconnaissons tous l’importance du rôle joué par les collectivités locales, lesquelles assurent proximité, démocratie et services publics – parfois les derniers dans certains territoires. C’est le choix de la méthode qui nous sépare. Les élus des collectivités locales de France doivent voter leur budget et éprouvent parfois du mal à le boucler ; ils savent que les filets de sécurité et les amortisseurs ne donnent pas de perspective sur plusieurs années et ne facilitent pas la préparation des budgets à venir. Voilà pourquoi nous avons choisi un autre chemin, qui repose sur ce qui a déjà fonctionné, à savoir l’indexation de la DGF sur l’inflation ; les collectivités locales bénéficiaient d’une visibilité sur plusieurs années et pouvaient s’organiser. La suppression de cette règle a entraîné de grandes difficultés pour le budget de fonctionnement des collectivités ; celles-ci reportent donc leurs investissements, ce qui posera des problèmes économiques à court terme puisqu’on leur doit 70 % de l’investissement public.

Monsieur Schellenberger, vous souhaitez la tenue d’un vrai débat sur l’organisation et la place des collectivités territoriales : je partage votre vœu mais il y a urgence à répondre aux collectivités. Tel est le sens de cette proposition de loi organique. Les maires doivent avoir des perspectives pour mener leurs projets et répondre aux attentes des citoyens pour faire vivre la démocratie locale.

Article 1er (art. 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances) : Inscription dans la loi organique de l’existence de la dotation globale de fonctionnement et indexation de cette dotation sur l’inflation

Amendement CL10 M. Jean-Marc Tellier.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le mécanisme d’indexation de la DGF sur l’inflation ne se fait qu’à périmètre constant. Ainsi, cette disposition organique n’empêchera pas le législateur de modifier le périmètre de la DGF.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL2 de M. Julien Rancoule.

M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement vise à indexer la DETR sur l’inflation. La DETR a pour but de subvenir spécifiquement aux dépenses d’équipement des communes et des groupements de communes situés essentiellement en milieu rural. La crise inflationniste pèse surtout sur les charges des petites communes. Selon une étude de l’AMF et de La Banque postale, les charges à caractère général, notamment les achats de matières premières et les fournitures énergétiques, représentent 45 % des achats des communes de plus de 100 000 habitants et 52 % de celles dont la population oscille entre 500 et 2 000 habitants. Conséquence évidente, les petites communes sont contraintes de rogner sur leurs dépenses d’investissement. Nous souhaitons donc indexer la DETR sur l’inflation afin d’assurer, année après année, la stabilité du montant réel des dotations.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. J’entends votre argument et je souhaiterais idéalement que la DETR et l’ensemble des dotations augmentent dans la même proportion que l’inflation, mais je vous invite à retirer l’amendement pour conserver au texte sa priorité qu’est l’indexation de la DGF.

En outre, la DETR est une subvention directe du budget de l’État et non un prélèvement sur recettes. Il faut éviter de multiplier ces prélèvements, afin de ne pas dénaturer la Lolf.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Nous sommes opposés à l’amendement. La DETR n’a cessé de progresser, par paliers, depuis 2013, pour atteindre 1 milliard d’euros. Ensuite, il ne faut pas oublier le Fonds de soutien à l’investissement local, créé temporairement par François Hollande et pérennisé lors de la législature précédente sous la forme de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) : elle représente 570 millions d’euros après avoir été augmentée de 6,8 % en 2023, soit 37 millions d’euros. Enfin, vient de se créer le Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit Fonds vert, doté de 2 milliards d’euros. J’ai laissé de côté les 3 milliards d’euros de soutien européen à l’investissement – Fonds européen de développement régional (Feder), Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), programme Liaison entre actions de développement de l’économie rurale (Leader) –, parce que j’ai cru comprendre que nos amis du Front national y étaient absolument opposés, et que je ne voulais pas les fâcher ; je rappelle néanmoins que l’Europe aide nos collectivités territoriales, contrairement à ce que vous racontez. Voilà pourquoi, nous sommes contre l’amendement.

L’une des priorités pourrait être l’augmentation du seuil des marchés publics pour tenir compte de l’inflation et faciliter le travail des collectivités locales avec les entreprises de proximité. Il serait également opportun de réexaminer la répartition de la dotation de solidarité rurale (DSR) au profit des communes rurales, maintenant que la couverture intercommunale du territoire est achevée. De même, il faudrait poser la question du repositionnement des finances locales : je rejoins Raphaël Schellenberger pour regretter la complexité de la DGF, qui repose sur quarante-deux critères : nous ne savons pas comment elle évolue et nous avons besoin d’une fiscalité locale plus transparente. Il s’agit d’un vieux débat, qu’il faudra bien finir par trancher un jour.

M. Fabien Di Filippo (LR). Monsieur Rebeyrotte, ne soyez pas malhonnête : n’oubliez pas qu’il existait un moyen de soutien important aux communes, la réserve parlementaire ; seule une petite partie de cette réserve a abondé la DETR. Vous n’êtes pas plus honnête quand vous parlez de croissance des recettes des collectivités territoriales, puisque vous mélangez les différents niveaux et comparez des intercommunalités avec des communes et des régions avec des départements, alors que certains échelons souffrent réellement.

Dans les communes, l’inflation est galopante dans les cantines et les chantiers, et elle touche également les salaires. Le bouclier tarifaire laisse de côté toutes les villes moyennes, qui assument pourtant des charges de centralités élevées. Vous avez supprimé les leviers fiscaux qui assuraient un minimum d’indépendance financière aux communes, et vous continuez de le faire avec la disparition de la CVAE.

L’amendement est intéressant car il montre que les communes sont de plus en plus dépendantes des subsides de l’État pour investir dans les projets de demain. Cette situation inacceptable frise l’inconstitutionnalité, puisque le principe d’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales est bafoué. Vous vous en gargarisez, vous ne devriez pas !

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il est toujours intéressant de lire les amendements du Front national. Un élément de celui que nous examinons doit retenir notre attention car il met en lumière l’une des constances de l’extrême droite française : on lit dans l’exposé sommaire que « Le coût financier de cette mesure pourrait tout à fait être compensé par une réduction des budgets consacrés à la politique de la ville. » Tiens donc ! C’est encore sur le dos des quartiers populaires que vous voulez faire des économies. Pourquoi êtes-vous obsédés à ce point par l’idée de matraquer les quartiers populaires ? Peut-être parce qu’ils ne ressemblent pas vraiment à la France que vous idéalisez et que vous souhaitez nous imposer ; peut-être parce qu’ils sont divers et multiculturels. On voit bien votre obsession malsaine, empreinte de racisme et de xénophobie, résumée en une phrase dans l’exposé sommaire d’un amendement ; petite phrase certes, mais ô combien révélatrice. Nous voterons évidemment contre votre amendement.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Le groupe Les Républicains est favorable à l’indexation de la DGF sur l’inflation, mais la DETR est d’une autre nature. Cette dotation obéit en effet à une logique différente, car elle ne donne pas directement des moyens aux collectivités territoriales, elle soutient des projets. Il s’agit d’une enveloppe importante, mais l’inflation n’est pas forcément un bon indicateur pour son évolution puisque la consommation de la DETR suit aussi la courbe du cycle de l’investissement local, elle-même largement calée sur le cycle électoral local. En outre, l’articulation entre engagement et paiement est assez complexe car les grands projets qui ont besoin de la DETR courent sur plusieurs années : il n’est donc pas si évident que l’inflation soit le bon indicateur pour faire évoluer la dotation.

L’État doit soutenir les investissements du bloc local, notamment dans les fonctions régaliennes. Je souhaite que nous réfléchissions à la refonte générale du dialogue financier local, afin d’aboutir à l’émergence d’une véritable dotation d’investissement. Il y a là un vrai sujet.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Ma circonscription compte une sous-préfecture, Lodève, qui se trouve à la fois dans une zone de politique de la ville et de revitalisation rurale. Ce cumul concerne de très nombreuses villes, notamment dans le Sud de la France. Ce débat est abscons et montre la méconnaissance du Rassemblement national de la réalité des territoires. Il en va de même pour la DETR, qui s’apparente à une subvention de l’État plafonnant le financement d’un projet à 80 % : si on l’indexe sur l’inflation, on n’augmentera pas la subvention aux collectivités. En outre, la DETR n’est attribuée qu’aux collectivités demandant une subvention pour un projet spécifique, toutes ne la perçoivent donc pas. Enfin, il serait bien plus pertinent d’abonder le fonds de la DETR pour stimuler les investissements, mais il faut, compte tenu du fonctionnement du fonds, que l’épargne brute des collectivités territoriales soit à la hauteur des investissements nécessaires.

M. Julien Rancoule (RN). Je vais répondre à mes collègues d’extrême gauche : vous avez établi un rapport entre la politique de la ville et la population immigrée, ce qui est assez réducteur et surprenant de la part de l’extrême gauche.

La DETR finance en moyenne 25 % des projets déposés : c’est insuffisant ! Si la dotation était indexée sur l’inflation, nous pourrions augmenter ce taux, ce qui permettrait aux collectivités territoriales d’investir dans d’autres projets. Il me semble que nous nous accorderons tous sur ce constat.

Les montants alloués à la politique de la ville ont souvent été surévalués pour un résultat pour ainsi dire nul quand les zones rurales ont été abandonnées : nous faisons le pari de la ruralité et nous l’assumons, il y a là une question de justice sociale. Nous comprenons que nos collègues d’extrême gauche, qui sont majoritairement élus dans les banlieues, rejettent ce choix.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous n’avons pas le droit d’opposer les territoires. Les zones rurales comme les quartiers de la politique de la ville, ou quartiers prioritaires ou populaires, ont des besoins particuliers que relaient les collectivités territoriales depuis quelque temps. Le Comité des finances locales (CFL) a regretté que la DGF ne progresse pas dans la même proportion que l’inflation ; l’État l’a certes augmentée de 320 millions d’euros, mais cette hausse est bien plus faible que celle de l’inflation – 1 % pour la DGF selon l’exécutif, 7 % pour les prix. Les dépenses contraintes des collectivités territoriales pèsent sur leurs finances dans l’ensemble du territoire.

Les collectivités locales sont des victimes collatérales d’une rigueur que l’État ne s’applique pas à lui-même. Il faut prendre en compte l’inflation dans l’évolution des dotations, DGF comme DETR.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Nous profitons de l’examen de cette proposition de loi organique pour revenir sur un sujet important pour la Corse. Nous avons déposé un amendement, qui vise à apporter une réponse au gel depuis 2009 de la dotation de continuité territoriale (DCT), attribuée à la collectivité de Corse pour organiser le service public maritime entre l’île et le continent. Sa vocation première est d’atténuer les contraintes géographiques liées à l’insularité et à ses surcoûts. Ce concours financier essentiel stagne depuis 2009, alors qu’il suivait auparavant le cours de l’inflation.

Les finances locales de la collectivité sont fortement affectées par l’inflation, qui s’élève à presque 6 % en un an : la situation est donc difficile. À titre exceptionnel, la loi de finances rectificative a accordé une rallonge de 33 millions d’euros, mais le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, a rappelé en séance publique, le 8 novembre 2002, que ces crédits ne représentaient qu’une solution temporaire.

Nous profitons de ce texte pour qu’une loi organique consacre l’existence d’une dotation au profit de la Corse, dont le montant est fixé par la loi de finances, son évolution ne pouvant être inférieure à l’inflation. Il nous semble essentiel d’inscrire ce principe de revalorisation dans une loi organique, puisqu’une disposition de loi ordinaire pourrait être trop aisément remise en cause, comme cela a d’ailleurs été malheureusement le cas en 2009.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Je comprends votre intervention, mais je vous demande de retirer l’amendement car il crée un nouveau prélèvement sur recettes, dispositif dérogatoire au principe d’universalité : il faut éviter, autant que faire se peut, de dénaturer la Lolf – loi organique relative aux lois de finances.

Il convient en outre de hiérarchiser les mesures et de donner la priorité à l’indexation de la DGF sur l’inflation, ce qui profitera également à la Corse.

Enfin, l’article L. 4425-26 du code général des collectivités territoriales prévoit une indexation de la DCT sur la DGF jusqu’en 2009. Si nous adoptons le principe d’indexation de la DGF sur l’inflation, il suffira ensuite de modifier le code en loi de finances pour que la DCT soit indexée sur la DGF, donc sur l’inflation.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Je ne veux pas centrer le débat sur la Corse, mais je regrette votre avis car les mécanismes à l’œuvre sont identiques. La prochaine délégation de service public aérien risque de ne pas être attribuée à cause du coût. Il y a donc urgence à agir pour ne pas pénaliser une population insulaire. Il est dommage que l’on ne puisse pas adapter un principe général à un territoire insulaire, à l’image du service public maritime et aérien. Je le regrette profondément et maintiens évidemment l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL9 de M. Jean-Marc Tellier et CL4 de M. Sébastien Rome (discussion commune).

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle concerne la date d’entrée en vigueur du dispositif. Le mécanisme d’indexation de la DGF sur l’inflation entrerait en vigueur lors du dépôt du PLF pour 2024.

Mme Martine Etienne (LFI-NUPES). Notre amendement vise à ce que la proposition de loi organique s’applique dès l’année 2023. Le 49.3 a censuré le débat sur les finances locales du PLF pour 2023. La représentation nationale n’a pas eu l’occasion de défendre des améliorations du texte visant à soutenir les collectivités locales. Nous avions pourtant de nombreuses propositions pour les collectivités, dont l’indexation de la DGF sur l’inflation. La NUPES doit attendre les niches parlementaires pour soumettre ses idées au vote, et je remercie le groupe Gauche démocrate et républicaine d’avoir inscrit le sujet dans la sienne. Nous souhaitons que l’indexation s’applique de manière rétroactive pour l’année 2023, rattrapant ainsi l’absence de vote à l’automne dernier.

Les élus locaux nous disent à quel point cette année est difficile pour leurs collectivités : les dépenses, notamment énergétiques et alimentaires, grimpent ; en outre, les budgets ont dû absorber l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Je ne peux qu’être d’accord avec ces arguments, et je ne vous cache pas y avoir réfléchi. Mais une entrée en vigueur dès 2023 supposerait un projet de loi de finances rectificative, et nous ne pouvons obliger le Gouvernement à en déposer un. Demande de retrait.

La commission adopte l’amendement CL9.

En conséquence, l’amendement CL4 de M. Sébastien Rome tombe.

Amendement CL3 de M. Yoann Gillet.

M. Romain Baubry (RN). La DGF, ressource financière importante pour les collectivités territoriales, comprend différentes composantes que l’amendement prévoit d’indexer sur l’inflation, afin de garantir une juste répartition des ressources et une stabilité des budgets des collectivités. Cela leur permettrait de faire face à l’inflation et de maintenir leurs investissements tout en préservant les services publics locaux.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur. Vous souhaitez que chacune des composantes de la DGF soit indexée sur l’inflation, la proposition prévoyant, elle, l’indexation de son montant global.

Il me semble que c’est au comité des finances locales de répartir cette dotation. Je considère qu’il faut laisser la main aux élus locaux. Demande de retrait.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Notre groupe votera contre cet amendement pour les raisons qui viennent d’être exposées par le rapporteur.

Sans relancer le débat sur le soutien à l’investissement, nous devons faire face au problème de l’inégalité des capacités d’ingénierie entre les communes. Il faudra mener un travail sur ce point.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la
législation et de l’administration générale de la République vous demande
d’adopter la proposition de loi visant à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


Personnes entendues

     M. Thomas Fauconnier, sous-directeur des finances locales et de l'action économique

     M. Adrien Méo, chef de bureau des concours financiers de l'État

     M. Pierre Chavy, sous-directeur à la direction du budget chargé de la Défense, de l’Intérieur et des collectivités territoriales

     M. André Laignel, président

     M. Benjamin Pasquier, directeur de cabinet

 

CONTRIBUTION ÉCRITE


([1])  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([2])  Conseil d’État, avis de la Section des finances du 21 décembre 2000 sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (n° 365546).

([3])  Conseil constitutionnel, déc. n° 82-154 DC, 29 déc. 1982, cons. 21-23, Rec. p. 80 ; Conseil constitutionnel, déc. n° 98-405 DC, 29 déc. 1998, cons. 6, Rec. p. 326.

([4])  Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([5]) Conseil constitutionnel, déc. n°2021-831 DC, 23 décembre 2021, cons. 32-37.

([6]) Ibid.

([7])  L’article 252 de la loi de finances pour 2021 a intégré dans le calcul des indicateurs les nouvelles ressources locales, à savoir le prélèvement sur recettes (PSR) de compensation de la baisse de la CFE et de la TFPB des établissements industriels (pour les communes et EPCI), la TFPB transférée depuis les départements (pour les communes) et la TVA (pour les EPCI et départements).

([8]) Jusqu’en 2015, la répartition de la DGF dépendait de plusieurs composantes – population, superficie, parc national et naturel marin et aussi d’un complément de garantie.

([9])Jusqu’en 2021, seules les communes dont le potentiel fiscal par habitant était supérieur à 75 % du potentiel fiscal par habitant moyen des communes contribuaient à cet écrêtement, avec une modulation en fonction du coefficient logarithmique appliqué à la population. En 2022, ce seuil a été augmenté à 85 %. En 2022, près de 15 600 communes ont été écrêtées (44 % des communes), contre plus de 20 800 communes en 2021 (environ 60 % des communes).

([10])  Elle est ainsi versée à 10 % des communes de métropole comptant entre 5 000 et 10 000 habitants et aux deux tiers des communes de plus de 10 000 habitants.

([11]) L’article 57 de la loi de finances pour 2004, plusieurs fois modifié, a prévu que le montant de la DGF s’accroît en 2004, 2005, 2006 et 2007 « par application d’un indice égal à la somme du taux prévisionnel d’évolution des prix à la consommation des ménages (hors tabac) de l’année de versement et de 33 % du taux d’évolution du produit intérieur brut en volume de l’année précédente associés au projet de loi de finances de l’année de versement ».

([12])  Cour des comptes, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, septembre 2018, pp 69-88.

([13]) En effet, la hausse de la DSR est généralement identique à celle de la DSU.

([14]) Seules les communes et les intercommunalités sont éligibles au filet de sécurité 2022. Les critères retenus pour le filet de sécurité 2022 sont les suivants : (1) un taux d’épargne brute 2021 inférieur à 22 % ; (2) un potentiel financier ou fiscal par habitant inférieur au double de la moyenne de la strate ; (3) une perte d’au moins 25 % d’épargne brute en 2022, du fait principalement de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation, et de la revalorisation du point d’indice. Les collectivités éligibles se voient compenser 50 % des effets de la revalorisation du point et 70 % des effets de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation constatée en 2022. L’enveloppe pour le filet de sécurité 2022 est de 430 millions d’euros.

([15]) L’éligibilité du filet de sécurité 2023 a été élargie aux départements et aux régions. Les critères retenus pour le filet de sécurité 2023 sont les suivants : (1) un potentiel financier ou fiscal par habitant inférieur au double de la moyenne de la strate ; (2) une perte d’au moins 15 % d’épargne brute en 2023. La dotation est égale à 50 % de la différence entre, d’une part, la hausse des dépenses d’énergie et, d’autre part, 50 % de la hausse des recettes réelles de fonctionnement. L’enveloppe pour le filet de sécurité 2022 est de 2,5 milliards d’euros.

([16])  Hors dépenses d’investissements militaires.

([17])https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/media/9_statistiques/data_colloc/smcl_n5/smcl_n5_mars_2023_v2.pdf