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N° 1179

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 mai 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants,
pour un « Erasmus de l’apprentissage »,

 

 

Par M. Sylvain Maillard,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 576.

 

 

 


 


  1  —

SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. la mobilitÉ internationale des alternants, une pratique longtemps confidentielle et dÉpourvue de base lÉgale

A. l’Édification d’un cadre juridique propice À la multiplication des expÉriences professionnelles hors du territoire national, un levier supplÉmentaire au service de l’insertion des jeunes dans l’emploi

B. La montÉe en puissance de la mobilitÉ internationale des alternants, BIEN QUE TIMIDE, EST RÉELLE

1. Des chiffres encourageants

2. Des initiatives qui se multiplient pour promouvoir la mobilité des alternants

3. Une mobilité qui reste malheureusement trop rare dans le parcours de l’alternance

4. La mobilité des alternants est, de surcroît, bien plus courte que celle des étudiants

II. l’objectif de la proposition de loi : lever les freins persistants au dÉveloppement de la mobilitÉ internationale des alternants

Commentaire des articles

Article 1er Assouplir les conditions de mise en œuvre de la mobilité internationale des alternants

Article 2 Simplifier la conclusion de conventions dans le cadre des mobilités dans un organisme de formation

Article 3 Favoriser l’harmonisation des prises en charge  et garantir une couverture sociale minimale

Article 3 bis (nouveau) Rapport au Parlement sur les bourses et aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité

Article 4 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

ANNEXE N° 2 : Liste des contributions Écrites adressÉes au rapporteur

Annexe  3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 


  1  —

   introduction

Depuis 2017, la majorité présidentielle a fait de la recherche du plein emploi l’un des objectifs prioritaires de son action. Pour y parvenir, elle a engagé de nombreuses réformes, intéressant des domaines essentiels de la vie économique et sociale du pays, portées par une ambition sans cesse réaffirmée, la promotion par tous les moyens de l’insertion dans l’emploi de celles et ceux qui en sont le plus éloignés.

Parmi ces réformes structurelles, celle de la formation professionnelle et de l’apprentissage, véritable marqueur du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, figure en bonne place. Ainsi la transformation du cadre juridique issue de la loi du 5 septembre 2018 s’est-elle traduite par une amélioration significative des performances françaises dans ces matières ([1]). On compte désormais près d’un million d’apprentis, contre 500 000 à la fin de l’année 2019 ([2]). Ce nombre augmente de façon constante.

Les résultats d’aujourd’hui sont à la hauteur des espoirs d’hier. S’en féliciter ne doit pas empêcher, chaque fois que cela apparaît nécessaire, d’œuvrer au perfectionnement des dispositifs, à l’enrichissement du droit avec en ligne de mire, toujours, l’amélioration de l’accès durable des populations les plus fragiles au marché du travail.

La présente proposition de loi, qui lève un certain nombre de freins à la mise en œuvre de la mobilité des alternants au-delà de nos frontières, en hausse depuis quelques années mais encore trop peu développée, traduit pleinement ce souci. Fruit d’une réflexion de plusieurs mois, réclamée par les acteurs du secteur, empreinte de pragmatisme, elle est une pierre supplémentaire à l’édifice construit avec détermination depuis plus de cinq ans pour que soit exaucé le vœu formé par le Président de la République qui, à l’aube de son premier mandat, déclarait qu’« [e]n 2024, la moitié d’une classe d’âge [devrait avoir] passé, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen » ([3]).

*

*     *


  1  —

I.   la mobilitÉ internationale des alternants, une pratique longtemps confidentielle et dÉpourvue de base lÉgale

La possibilité pour les salariés en apprentissage de réaliser une partie de leur formation dans un autre pays a beau être ancienne, elle n’a longtemps concerné qu’un nombre anecdotique de personnes. Depuis quelques années, cependant, ce nombre progresse sous l’effet de la hausse des moyens financiers mobilisés par les autorités européennes. Au-delà, la multiplication des départs à l’étranger n’est pas sans lien avec l’élaboration d’une réglementation destinée à encadrer le phénomène au plan juridique.

A.   l’Édification d’un cadre juridique propice À la multiplication des expÉriences professionnelles hors du territoire national, un levier supplÉmentaire au service de l’insertion des jeunes dans l’emploi

● Au début du quinquennat précédent, la mobilité internationale des apprentis, y compris à l’intérieur de l’Union européenne, était très peu développée. Cette situation s’expliquait par un certain nombre de freins de tous ordres tenant, pour l’essentiel, aux obligations pesant sur les entreprises françaises en matière de rémunération des intéressés et de paiement des cotisations de sécurité sociale le temps de la mobilité, mais aussi, à en croire l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), « aux calendriers pédagogiques des [centres de formation d’apprentis], aux difficultés de la certification des compétences et à la complexité des procédures administratives de mobilisation des crédits d’Erasmus + » ([4]).

Le caractère confidentiel de la pratique, nonobstant le déploiement d’initiatives européennes pour l’encourager ([5]), contrastait avec le succès incontestable du programme Erasmus. La ministre du travail n’observait‑elle pas devant les sénateurs, au début de l’année 2018, que plus de 600 000 étudiants français avaient pu se rendre à l’étranger depuis la création de ce dernier quand 25 000 apprentis seulement avaient bénéficié d’une expérience professionnelle hors de France, expérience dont la durée s’avérait du reste très limitée, oscillant entre deux et trois semaines ([6]) ?

Pourtant, les bienfaits de la mobilité pour les apprentis, de l’immersion dans une culture différente à l’acquisition de nouvelles techniques professionnelles, en passant par le développement des compétences linguistiques, le tout au service d’une meilleure insertion dans l’emploi, ainsi que pour les employeurs et les organismes de formation, étaient reconnus de tous les observateurs. Ces bienfaits, les interlocuteurs du rapporteur les ont rappelés à l’occasion des travaux préparatoires à l’examen de la présente proposition de loi.

Les effets positifs de la mobilitÉ internationale des alternants

Source : L’Observatoire Erasmus+, Analyse des apports de la mobilité Erasmus+ pour les apprenant.e.s, les personnels et les organismes : enquête 2020, Notes, n° 19, septembre 2022, p. 3.

Le constat commandait donc une action résolue des pouvoirs publics, qui plus est dans le contexte d’une augmentation sensible du budget européen dédié à la promotion des séjours à l’étranger des salariés en apprentissage.

La mobilité européenne des apprentis à l’aube du quinquennat précédent
vue par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas)

Dans un rapport publié en novembre 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) faisait, au terme d’une mission débutée en juin de la même année, les quatre principaux constats suivants :

– une quasi-inexistence de la mobilité européenne des apprentis, avec des cohortes très peu nombreuses pour les mobilités courtes et presque nulles pour les mobilités longues ;

– en corollaire, une pauvreté de la littérature académique sur ce sujet, l’absence d’études quantitatives et de systèmes d’information pour suivre et mesurer ce volet particulier de l’apprentissage ;

– une unanimité des acteurs interrogés quant aux bienfaits de la mobilité européenne des apprentis pour eux-mêmes et pour les entreprises qui les emploient, même quand il s’agit de mobilités courtes ;

– l’existence de freins importants au développement de la mobilité qui tiennent pour l’essentiel aux obligations de l’entreprise française, tenue de rémunérer l’apprenti et de payer les cotisations pendant la période de mobilité à l’étranger, aux calendriers pédagogiques des CFA, aux difficultés de la certification des compétences et à la complexité des procédures administratives de mobilisation des crédits d’Erasmus+.

Source : Inspection générale des affaires sociales, La mobilité européenne des apprentis, rapport établi par Patrice Borel et Mireille Gaüzere, novembre 2017, p. 3.

● Cette action prit corps avec l’adoption de la loi du 29 mars 2018 ([7]). Inspiré par l’important travail ([8]) de Jean Arthuis, alors député européen, le législateur profita de la discussion consacrée à la ratification de plusieurs ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 ([9]) pour conférer un véritable cadre légal à la mobilité internationale des apprentis ([10]).

i.   La loi du 29 mars 2018

Le dispositif, créé par voie d’amendement sénatorial et largement soutenu, fut introduit dans une section dédiée – intitulée « Mobilité internationale et européenne des apprentis » – du chapitre II du titre II du livre II de la sixième partie du code du travail, titre portant sur le contrat d’apprentissage.

Trois articles la composèrent dès l’origine.

Le premier, l’article L. 6222-42, autorisait expressément le principe de l’exécution du contrat d’apprentissage en partie à l’étranger pour une durée déterminée et, en tout état de cause, limitée à un an. Pendant la période de mobilité dans un État membre de l’Union européenne, précisait-il, l’entreprise ou le centre de formation d’accueil serait seul responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti, conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans l’État en question, notamment en matière de santé et sécurité au travail, de rémunération, de durée du travail, de repos hebdomadaire et de jours fériés. Au demeurant, l’apprenti devrait relever, pendant la même période, de la sécurité sociale dudit État, sauf à ce qu’il n’y soit pas considéré comme un salarié, auquel cas sa couverture sociale serait régie par le code de la sécurité sociale française. Enfin, l’apprenti, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger auraient la possibilité de conclure une convention pour la mise en œuvre de la mobilité.

Le deuxième, l’article L. 6222-43, prévoyait l’application du code du travail aux apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne effectuant une période de mobilité en France, à l’exception de certaines dispositions limitativement énumérées :

– l’article L. 6211-1, relatif à la finalité du contrat d’apprentissage ;

– l’article L. 6222-7-1, relatif à la durée du contrat d’apprentissage ;

– le deuxième alinéa de l’article L. 6222-12, relatif aux conditions d’intégration d’une formation en apprentissage ;

– l’article L. 6233-8, relatif à la durée de la formation en apprentissage.

Le troisième, l’article L. 6222-44 ([11]), renvoyait à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer le contenu des relations conventionnelles liant l’employeur, l’apprenti et l’entreprise ou les entreprises d’un autre pays susceptibles de l’accueillir temporairement.

ii.   La loi du 5 septembre 2018

Avec la loi du 5 septembre 2018, porteuse de profonds changements pour la formation professionnelle et l’apprentissage, le législateur aménagea le dispositif imaginé quelques mois plus tôt afin d’en étendre la portée et d’en faciliter le déploiement ([12]).

Il fut décidé que la durée d’exécution du contrat en France ne pourrait être inférieure à six mois.

Il fut précisé que la règle cardinale de l’alternance entre formation en entreprise et enseignements dispensés en centre de formation d’apprentis (CFA), énoncée à l’article L. 6211-2 du code du travail, ne s’appliquerait pas durant la période de mobilité.

En outre, il fut jugé opportun d’étendre l’application des prescriptions sur la responsabilité de l’entreprise ou du centre de formation d’accueil quant aux conditions d’exécution du travail de l’apprenti et de celles touchant à sa couverture sociale au cas dans lequel la mobilité s’effectuerait dans un pays situé hors de l’Union européenne ([13]).

Par cohérence, la possibilité ouverte aux parties intéressées de conclure une convention pour la mise en œuvre de la mobilité serait, elle aussi, étendue au cas dans lequel cette dernière s’effectuerait hors de l’Union européenne.

Nouveauté supplémentaire, une convention de mise à disposition de l’apprenti pourrait désormais être conclue entre celui-ci, l’employeur en France, le centre de formation en France et le centre de formation à l’étranger ainsi que, le cas échéant, l’employeur à l’étranger, à la condition que la durée de la mobilité n’excède pas quatre semaines. L’employeur établi en France demeurerait responsable des conditions d’exécution du travail, le contrat n’étant pas mis en veille, et continuerait de verser à l’apprenti sa rémunération et d’assurer sa protection sociale.

La loi maintint également, pour l’opérateur de compétences (Opco), la faculté de prendre en charge, comme l’organisme collecteur paritaire agréé (Opca) avant lui, tout ou partie de la perte de ressources et des coûts de toute nature, y compris ceux correspondant aux cotisations sociales, de même que la rémunération et les frais annexes générés par la mobilité internationale des apprentis ([14]).

En outre, la loi du 5 septembre 2018 ouvrit aux titulaires d’un contrat de professionnalisation prévu à l’article L. 6325‑1 du code du travail la possibilité de l’exécuter en partie à l’étranger dans des conditions largement similaires à celles prévalant pour les apprentis.

Le cas particulier de l’apprentissage transfrontalier
(chapitre V du titre III du livre II de la sixième partie du code du travail)

Introduit dans le code du travail par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, l’apprentissage transfrontalier ouvre à un apprenti la possibilité d’effectuer une partie de sa formation pratique ou théorique dans un pays frontalier de la France.

Les modalités de sa mise en œuvre sont précisées par une convention conclue entre la France et le pays frontalier. Cette convention précise :

1° les dispositions relatives au régime juridique applicable au contrat de travail, en ce qui concerne notamment les conditions de travail et de rémunération, la santé et la sécurité au travail ainsi que la protection sociale de l’apprenti, lorsque la partie pratique de la formation par apprentissage est réalisée dans le pays frontalier ;

2° les dispositions relatives à l’organisme de formation et à la certification professionnelle visée par le contrat ainsi que les modalités applicables au déroulement de la formation et à la délivrance de la certification professionnelle, lorsque la partie théorique de la formation par apprentissage est réalisée dans le pays frontalier ;

3° les dispositions relatives au financement de l’apprentissage transfrontalier, notamment les contributions des parties et leurs relations sur le plan financier.

Les dispositions du code du travail relatives à la mobilité internationale et européenne des apprentis ne sont pas applicables.

Les modalités de mise en œuvre et de financement du dispositif ont été précisées par l’ordonnance n° 2022-1607 du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier.

Lorsque l’apprenti suit la formation théorique dans le pays frontalier, les frais afférents sont pris en charge par ce pays dans des conditions précisées par l’accord bilatéral. Les règles relatives aux obligations des organismes de formation et aux exigences de certification qualité (Qualiopi) ne sont pas applicables.

Lorsque la formation pratique se déroule dans le pays frontalier, un opérateur de compétences (Opco) prend en charge les frais supportés par le centre de formation d’apprentis (CFA) pour un montant arrêté par décret ainsi que les dépenses d’investissement nécessaires à la réalisation des formations et les frais annexes supportés par le CFA. Les règles relatives aux missions de l’opérateur de compétences en direction de l’entreprise et à la prise en charge des frais liés au maître d’apprentissage ou au tutorat externe, ainsi que celles relatives à la participation des employeurs au financement de la formation professionnelle ne sont pas applicables.

À titre dérogatoire, la gestion de l’ensemble des contrats d’apprentissage transfrontalier est confiée à un OPCO unique.

L’ordonnance prévoit aussi que, s’agissant des collectivités d’outre-mer, l’apprentissage transfrontalier peut se développer dans leur environnement géographique direct.

B.   La montÉe en puissance de la mobilitÉ internationale des alternants, BIEN QUE TIMIDE, EST RÉELLE

1.   Des chiffres encourageants

● Malgré le contexte sanitaire des années 2020-2021 peu propice à la mobilité des apprenants de manière générale, les chiffres publiés par l’Observatoire Erasmus+ pour la période précédant la crise sanitaire soulignent une progression significative de la mobilité des alternants depuis la réforme de la mobilité européenne et internationale des apprentis de 2018 ([15]).

6 870 alternants ont effectué une mobilité en 2018-2019, soit une progression de 30 % par rapport à la période 2016-2017. Selon les données prévisionnelles communiquées par Erasmus+, la dynamique devrait s’être poursuivie en 2022 avec 10 000 alternants en mobilité.

LE PROFIL DES ALTERNANTS EN MOBILITÉ

Source : L’Observatoire Erasmus+, L’alternance dans Erasmus+, Notes, n° 17, septembre 2021, p. 3.

● Les alternants en mobilité sont principalement des hommes d’origine sociale modeste. Toutefois, ce profil est à nuancer puisque si les apprentis sont majoritairement des hommes (67 %), les salariés en contrat de professionnalisation partant à l’étranger sont davantage des femmes (57 %). Plus de quatre alternants sur dix en mobilité ont une origine sociale populaire ([16]). Pour ces candidats à la mobilité internationale, la possibilité de partir représente une formidable ouverture sur le monde. Elle est pour nombre d’entre eux l’occasion de prendre pour la première fois l’avion alors que leurs propres parents n’ont jamais eu cette opportunité.

● Les mobilités concernent très majoritairement les alternants de l’enseignement secondaire (80 %). Toutefois, la part des alternants de l’enseignement supérieur est en constante augmentation, portée par les écoles d’ingénieurs qui sont parmi les établissements les plus actifs dans l’organisation des mobilités ([17]). Les apprentis d’écoles d’ingénieurs comptent également parmi ceux qui effectuent les mobilités les plus longues.

Au total, la France est le deuxième pays d’envoi d’alternants en mobilité Erasmus +, derrière l’Allemagne et devant la Pologne ([18]).

2.   Des initiatives qui se multiplient pour promouvoir la mobilité des alternants

La mobilité internationale des alternants est un sujet de préoccupation, en particulier à l’échelle européenne. Il ne s’agit pas ici de dresser un panorama exhaustif des initiatives diverses, mais plusieurs programmes méritent d’être salués tant ils contribuent à la promotion de cette modalité d’apprentissage.

● Avec l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, l’Allemagne compte parmi les destinations privilégiées des alternants en mobilité. La Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA France) souligne que « l’Allemagne est le premier partenaire d’envoi et d’accueil à travers des jumelages et partenariats historiques entre les chambres de métiers en France et en Allemagne » ([19]). L’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) est particulièrement impliqué dans la mobilité des alternants ainsi que l’ont mentionné tous les acteurs entendus par le rapporteur.

L’Ofaj apporte, en effet, un soutien financier aux projets d’échange entre lycées professionnels français et établissements professionnels allemands accueillant des alternants suivant une formation identique dans l’un et l’autre des établissements. Une subvention peut être accordée pour un séjour d’une durée minimale de quatre jours et ne pouvant excéder vingt et un jours ; elle couvre les frais de voyage, de séjour, de programme voire de l’animation linguistique. La demande de subvention doit émaner de l’établissement d’origine de l’apprenti désirant se rendre dans le pays d’accueil ([20]).

● L’association Euro App Mobility (EAM), fondée en 2020 par Jean Arthuis, s’est précisément donné pour mission de développer la mobilité internationale des alternants à travers le projet Mona « Mon apprentissage en Europe ». Avec un budget de 25 millions d’euros, dont 17 millions d’euros de financement de l’État dans le cadre du plan « France 2030 », cette expérimentation de quatre ans regroupe aujourd’hui 43 CFA volontaires pour construire et développer des programmes de jumelage dans l’Union européenne.

● S’agissant des entreprises les plus impliquées dans le programme Erasmus +, l’Agence Erasmus + note que, bien que la majorité des entreprises qui accueillent des stagiaires ou participent à des projets de coopération soient des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises (PME et TPE), en cohérence avec la structuration de l’économie française, les grands groupes ne sont pas en reste – grâce à des filiales à l’étranger qui leur permettent d’accueillir des alternants de manière simplifiée ([21]).

Le développement de la mobilité géographique des alternants :
un objectif porté à l’échelle de l’Union européenne

Un certain nombre d’initiatives promeuvent le développement de la mobilité des alternants en Europe. On en citera quelques-unes :

– l’Alliance européenne pour l’apprentissage (EAfA), lancée en juillet 2013 et renouvelée en juillet 2020, qui réunit les autorités nationales et les principaux acteurs concernés dans le but de renforcer la qualité, l’offre et l’image globale de l’apprentissage en Europe, tout en promouvant la mobilité des apprentis ;

– la stratégie en matière de compétences adoptée par la Commission européenne en 2016 et renouvelée en 2021, dont l’action n° 4, qui a pour objet de faire en sorte que les personnes possèdent les compétences professionnelles adéquates, a donné lieu à une recommandation du Conseil de l’Union européenne en date du 24 novembre 2020 (1) destinée à favoriser l’apprentissage dans les États membres et l’essor de la mobilité internationale des apprenants. Elle « a pour but de remplir l’objectif de l’espace européen de l’éducation consistant à mettre en place un véritable espace d’apprentissage européen dans lequel aucune frontière n’empêche une éducation et formation inclusives de qualité et qui vise à supprimer les obstacles à la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur et de l’enseignement et de la formation secondaires de deuxième cycle ainsi que des périodes d’apprentissage à l’étranger, et à œuvrer en faveur d’une validation transfrontière plus aisée des acquis des activités de formation et d’apprentissage tout au long de la vie » (considérant 15).

Cette recommandation fixe un cap : 8 % des étudiants de l’enseignement et de la formation professionnels (EFP) devront bénéficier d’une mobilité à des fins d’apprentissage à l’étranger d’ici à 2025.

Avant elle, une recommandation du Conseil de l’Union européenne du 15 mars 2018 (2) invitait les mêmes États membres à soutenir l’apprentissage à travers quatorze points clés ;

– le socle européen des droits sociaux pour une Europe équitable, inclusive et riche en perspectives, adopté lors du sommet de Göteborg le 17 novembre 2017, dont le premier principe veut que chacun ait droit « à un enseignement inclusif et de qualité, à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie afin de conserver et d’acquérir des compétences permettant de participer pleinement à la société et de gérer avec succès les transitions vers le marché du travail ». Un plan d’action contenant des mesures pour atteindre ces objectifs fait de la mobilité des apprentis l’un des leviers à actionner ;

– la déclaration d’Osnabrück du 30 novembre 2020 (3), par laquelle les États membres affirment leur volonté d’encourager la mobilité, notamment de longue durée, des alternants.

Par ailleurs, l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) finance depuis des années des programmes d’échanges professionnels qui bénéficient notamment aux apprentis.

(1) Recommandation du Conseil du 24 novembre 2020 en matière d’enseignement et de formation professionnels (EFP) en faveur de la compétitivité durable, de l’équité sociale et de la résilience 2020/C 417/01.

(2) Recommandation du Conseil du 15 mars 2018 relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.

(3) Déclaration sur l’éducation et la formation professionnels comme facteurs de relance et de transitions justes vers des économies numériques et vertes.

3.   Une mobilité qui reste malheureusement trop rare dans le parcours de l’alternance

Malgré les bonnes volontés pour développer la mobilité internationale des apprenants, trop peu d’entre eux profitent de cette opportunité. Les alternants ne représentent que 10 % des apprenants en mobilité Erasmus +. Dans le détail, les apprentis comptent pour 7,6 % des mobilités tandis que les titulaires de contrat de professionnalisation ne sont que 2,4 % des effectifs globaux ([22]).

Or, la croissance dynamique de l’alternance observée ces dernières années doit s’accompagner d’une offre d’opportunités réelles pour les jeunes gens en apprentissage. Pour rappel, fin octobre 2022, ce sont 767 200 contrats d’apprentissage qui avaient débuté depuis le début de l’année, en progression de 14,1 % sur un an et portant à 971 800 le nombre total d’apprentis ([23]). S’agissant des contrats de professionnalisation, 95 100 nouveaux contrats ont débuté entre janvier et fin octobre 2022, portant leur nombre total à 130 900 ([24]).

Rapporté à ce quasi million d’apprentis, le départ de quelques milliers d’entre eux seulement en mobilité chaque année interpelle. Il oblige à accélérer l’effort de promotion de cette option de formation.

4.   La mobilité des alternants est, de surcroît, bien plus courte que celle des étudiants

La durée de mobilité des alternants reste relativement faible, atteignant en moyenne 41 jours avec une médiane à 18 jours ([25]). Il apparaît que les mobilités sont légèrement plus longues pour les alternants en contrat d’apprentissage que pour les salariés en contrat de professionnalisation (39 jours contre 42 jours) mais ces derniers sont moins nombreux à connaître une mobilité inférieure à 20 jours (57 % contre 66 % pour les apprentis).

Selon les données de l’agence Erasmus +, les mobilités longues – supérieures à un mois et pouvant durer jusqu’à un an – ne représentaient qu’environ 7 % des mobilités effectuées au cours de la période 2014-2020. Concrètement, seuls 933 alternants sont partis plus d’un mois hors de France en six ans. Erasmus + anticipe une légère augmentation en 2021 avec une part de mobilités longues s’élevant à 10 %. Mais elle aurait chuté à 5 % pour l’année 2022.

Le constat est donc sans appel : les alternants sont trop peu nombreux à bénéficier d’une réelle expérience d’immersion dans un pays étranger, dans ou hors de l’Union européenne.

De surcroît, les alternants de l’enseignement supérieur sont nettement plus nombreux à effectuer une mobilité longue que les autres. Cette différence est en partie structurelle puisque la durée minimale éligible de la mobilité dans le programme Erasmus + varie selon les profils. Elle est, en effet, de 14 jours dans l’enseignement et la formation professionnels contre deux mois dans l’enseignement supérieur.

Allonger la durée des échanges pour favoriser une véritable implantation dans le pays d’accueil doit faire partie des priorités dans le développement des mobilités hors de France.

II.   l’objectif de la proposition de loi : lever les freins persistants au dÉveloppement de la mobilitÉ internationale des alternants

● L’édifice juridique encadrant la mobilité internationale des alternants, quoique consolidé peu de temps après son élaboration, comporte encore un certain nombre de rigidités que la proposition de loi entend assouplir.

À l’heure actuelle, dès lors qu’elle dure plus de quatre semaines, la mobilité entraîne la mise en veille du contrat de travail, synonyme de levée des responsabilités de l’employeur en France en ce qui concerne la rémunération et la protection sociale de l’apprenti ou du salarié en contrat de professionnalisation.

Or, la mise en veille du contrat, perçue un temps comme la solution idoine, présente en réalité des inconvénients pour les différentes parties prenantes. Elle est source d’insécurité pour le titulaire dudit contrat, « privé » de son salaire bien qu’exposé à des frais de différents ordres (transport, hébergement, restauration...) et potentiellement moins bien couvert au plan social ([26]). Elle ne répond pas nécessairement aux attentes des entreprises, à commencer par celles disposant de filiales à l’étranger, qui souhaitent parfois continuer à exercer leurs responsabilités vis-à-vis de leurs alternants lorsqu’ils optent pour une mobilité d’une durée supérieure à quatre semaines, dont les bénéfices sont bien connus. Elle est, du reste, à l’origine d’un alourdissement des tâches dévolues aux CFA, mobilisés sur des questions complexes touchant par exemple à la couverture sociale des individus accompagnés.

Les insuffisances du régime de la mise en veille du contrat de travail : le constat sans appel de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas)

Dans un rapport remis en décembre 2022, l’Igas dresse le constat suivant lequel la situation de mise en veille est quasi unanimement critiquée après quelques années de mise en pratique :

« ● Par les CFA, qui se retrouvent avec une charge administrative supplémentaire et une responsabilité qui leur paraît indue puisque d’une certaine manière, concernant le risque AT-MP, c’est comme si le CFA se substituait à l’entreprise.

« ● Par les entreprises, ou en tout cas une partie d’entre elles, dont les services RH ne sont pas rassurés de savoir qu’un de leurs apprentis – dont le contrat, tout en étant suspendu, perdure – est à l’étranger sous un régime social fragile, et sans rémunération. Pour certaines entreprises, il y a la crainte que l’apprenti perde confiance dans l’entreprise qui est pourtant son entreprise formatrice et qui à l’occasion de son départ en mobilité (et à son corps défendant) cesse de le soutenir.

« ● Par les apprentis eux-mêmes et leurs familles, qui se heurtent à beaucoup d’incertitudes sur leur couverture sociale et qui subissent généralement une perte de rémunération qui ne correspond pas évidemment à ce pour quoi ils ont fait le choix de l’apprentissage. »

Source : Inspection générale des affaires sociales, Le développement de la mobilité européenne des apprentis, rapport établi par Mikaël Hautchamp et Cécile Courrèges, décembre 2022, p. 33.

● L’article 1er apporte une réponse aux difficultés soulevées par la législation actuelle en ouvrant la voie à la réalisation d’une mobilité qui, indépendamment de sa durée, pourra s’accompagner, au choix, d’une mise en veille du contrat ou d’une mise à disposition de la personne auprès de la structure d’accueil, auquel cas les responsabilités évoquées plus haut continueront d’être assumées par l’employeur d’origine.

Les interlocuteurs du rapporteur ont unanimement salué la création de ce droit d’option, gage de souplesse propice au développement des mobilités de longue durée, que la mission d’évaluation de la loi du 5 septembre 2018 avait d’ailleurs appelée de ses vœux il y a un peu plus d’un an ([27]) et que l’Igas a elle aussi recommandée dans un récent rapport ([28]).

Les bénéfices d’une mobilité de longue durée
(égale ou supérieure À 4 semaines)

Source : L’Observatoire Erasmus +, L’alternance dans Erasmus +, Notes, n° 17, septembre 2021, p. 25.

L’article 2 engage une simplification dans les démarches administratives à accomplir entre établissements d’envoi et d’accueil afin de lever les freins à la mobilité dans certaines structures particulièrement recherchées par les alternants et qui ont, malheureusement, tendance à privilégier l’accueil des étudiants par commodité.

L’article 3 vise à pallier l’hétérogénéité des niveaux de prise en charge des frais liés à la mobilité par les opérateurs de compétences afin d’encourager une convergence. Il introduit également l’obligation pour les opérateurs de compétences de prendre en charge la protection sociale des apprentis en mobilité.

 


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   Commentaire des articles

Article 1er
Assouplir les conditions de mise en œuvre
de la mobilité internationale des alternants

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er assouplit les conditions de mise en œuvre de la mobilité internationale des salariés en apprentissage et des salariés en contrat de professionnalisation en autorisant sa réalisation, indépendamment de sa durée, sous le régime de la mise en veille du contrat ou sous le régime de la mise à disposition de l’intéressé auprès de la structure d’accueil à l’étranger.

1.   Le droit en vigueur

Malgré la grande similitude des régimes juridiques, il convient de distinguer les règles applicables aux apprentis d’une part, aux titulaires d’un contrat de professionnalisation d’autre part.

Contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation : de quoi s’agit-il ?

● Le contrat d’apprentissage, régi par le titre II du livre II de la sixième partie du code du travail, est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié. Il vise à permettre de suivre une formation générale, théorique et pratique, en vue d’acquérir un diplôme d’État (CAP, baccalauréat, BTS, licence, master, etc.) ou un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

● Le contrat de professionnalisation, régi par le chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie du même code, est un contrat de travail conclu entre un employeur et un salarié. Il permet l’acquisition, dans le cadre de la formation continue, d’une qualification professionnelle (diplôme, titre, certificat de qualification professionnelle, etc.) reconnue par l’État ou la branche professionnelle.

a.   Le régime juridique applicable aux apprentis

Depuis la loi du 29 mars 2018 ([29]), la mobilité internationale et européenne des apprentis est régie par la section 7 du chapitre II du titre II du livre II de la sixième partie du code du travail, qui a été modifiée par la loi du 5 septembre 2018 ([30]) puis, de manière plus ponctuelle, par l’ordonnance du 21 août 2019 ([31]).

● L’article L. 6222-42 rassemble les dispositions qui encadrent la mobilité au-delà des frontières des apprentis établis sur le territoire national.

Le I prévoit que le contrat d’apprentissage peut être exécuté en partie à l’étranger pour une durée limitée à un an mais qu’il doit être exécuté en France durant six mois au minimum.

Par ailleurs, il précise que le principe de l’alternance entre formation en entreprise et enseignements en centre de formation d’apprentis (CFA), au fondement même du concept d’apprentissage, ne s’applique pas le temps de la mobilité.

Le II trace les contours de la mise en veille du contrat de travail au cours de cette période.

D’abord, il fait de l’entreprise ou du centre de formation d’accueil le seul responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti, telles qu’elles sont déterminées par le droit du pays d’accueil, notamment pour ce qui a trait :

– à la santé et à la sécurité au travail ;

– à la rémunération ;

– à la durée du travail ;

– au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

Ensuite, il prévoit que l’apprenti relève de la sécurité sociale de l’État d’accueil, à moins qu’il n’y bénéficie pas du statut de salarié ou assimilé, auquel cas sa couverture sociale est assurée par le régime français de sécurité sociale pour ce qui concerne les risques maladie, vieillesse, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles et invalidité ([32]).

Enfin, par dérogation au droit commun ([33]), il autorise l’apprenti, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger à conclure une convention – dont le modèle est déterminé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle ([34]) – pour la mise en œuvre de la mobilité. Le détail de ses stipulations figure à l’article R. 6222‑66.

Article R. 6222-66 du code du travail

« La convention conclue entre l’apprenti et ses représentants légaux pour les mineurs, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger, en application du II de l’article L. 622242, précise, notamment :

« 1° La date de début et de fin de la période de mobilité ;

« 2° L’objet de la formation et la nature des tâches confiées à l’apprenti en lien avec la certification visée, objet du contrat d’apprentissage ;

« 3° Les lieux de travail et le cas échéant, de formation ;

« 4° Le nom et la qualification des personnes chargées d’en suivre le déroulement en France, au sein du centre de formation d’apprentis et dans le pays d’accueil ainsi que les modalités de suivi ;

« 5° Les équipements et produits utilisés ;

« 6° Les horaires de travail, la durée du travail, les repos hebdomadaires, les congés et les jours fériés ;

« 7° Le cas échéant, les modalités de prise en charge de la rémunération et des frais annexes générés par la mobilité ;

« 8° Le cas échéant, les modalités d’évaluation et de validation des compétences acquises à l’étranger ;

« 9° Les dispositions applicables à l’apprenti dans le pays d’accueil en matière de santé et sécurité au travail ;

« 10° L’information relative aux garanties prises en matière de responsabilité civile ou de couverture de risques équivalents dans le pays concerné, par l’apprenti, l’entreprise d’accueil et, le cas échéant, le centre de formation d’accueil.

« Un arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle détermine le modèle de cette convention. »

Le III ouvre la voie à ce qu’un apprenti puisse être mis à disposition de la structure qui l’accueille à l’étranger pour une durée inférieure ou égale à quatre semaines, moyennant la conclusion d’une convention entre les parties ([35]) – dont le modèle est déterminé par arrêté du même ministre ([36]) –, de sorte que l’employeur établi en France continue de prendre en charge sa rémunération et sa protection sociale. À cet égard, une instruction interministérielle du 15 mai 2020 apporte les précisions suivantes : « Lorsque le contrat de travail reste actif, la mobilité des alternants concernés devra être considérée comme un séjour temporaire dans un autre État membre pour raison professionnelle. Leur couverture sociale française, en tant que salarié, ne sera donc pas affectée par cette mobilité. » ([37])

Le détail des stipulations de la convention figure à l’article R. 6222‑67.

Article R. 6222-67 du code du travail

« La convention conclue entre l’apprenti et ses représentants légaux pour les mineurs, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation d’apprentis en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger, en application du III de l’article L. 6222-42, précise, notamment :

« 1° La date de début et de fin de la période de mobilité ;

« 2° L’objet de la formation et la nature des tâches confiées à l’apprenti en lien avec la certification visée, objet du contrat d’apprentissage ;

« 3° Les lieux de travail et le cas échéant de formation ;

« 4° Le nom et la qualification de la personne chargée d’en suivre le déroulement en France et dans le pays d’accueil ainsi que les modalités de suivi ;

« 5° Les équipements utilisés et produits ;

« 6° Les horaires de travail, la durée du travail, les repos hebdomadaires, les congés et les jours fériés ;

« 7° Le cas échéant, les modalités de prise en charge des frais annexes générés par la mobilité ;

« 8° Le cas échéant, les modalités d’évaluation et de validation des compétences acquises à l’étranger ;

« 9° Les dispositions applicables à l’apprenti dans le pays d’accueil en matière de santé et sécurité au travail ;

« 10° L’information relative aux garanties prises en matière de responsabilité civile ou de couverture de risques équivalents dans le pays concerné, par l’apprenti, l’entreprise d’accueil et, le cas échéant, le centre de formation d’accueil.

« Un arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle détermine le modèle de cette convention. »

● L’article L. 6222-43 rassemble les dispositions qui régissent la mobilité sur le territoire national des apprentis originaires d’un État membre de l’Union européenne. S’il leur octroie le bénéfice du livre II de la sixième partie du code du travail, consacré à l’apprentissage, il exclut néanmoins que leur soient applicables plusieurs dispositifs, plus précisément ceux prévus :

– à l’article L. 6211-1 relatif à la finalité du contrat d’apprentissage ;

– à l’article L. 6222-7-1 relatif à la durée du contrat d’apprentissage ;

– au deuxième alinéa de l’article L. 6222-12 relatif aux conditions d’intégration d’une formation en apprentissage ;

– à l’article L. 6211-2 relatif à la durée de la formation en apprentissage.

● L’article L. 6222-44, successeur de l’article L. 6211-5, renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’arrêter le contenu des relations conventionnelles liant l’apprenti, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et le centre de formation à l’étranger.

b.   Le régime juridique applicable aux titulaires d’un contrat de professionnalisation

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, le code du travail ouvre expressément au titulaire du contrat de professionnalisation prévu à l’article L. 6325-1 le droit d’exécuter une partie de ce contrat à l’étranger, sur le modèle de la législation conçue pour les apprentis.

C’est l’article L. 6325-25, unique article de la section 7 – intitulée « Mobilité dans l’Union européenne et à l’étranger » – du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie du code, qui en définit le cadre juridique ([38]).

Le I prévoit que le contrat peut être exécuté en partie à l’étranger pour une durée limitée à un an mais qu’il doit être exécuté en France durant six mois au minimum. Pour permettre la mobilité, ajoute-t-il, la durée du contrat peut être portée à vingt-quatre mois.

Par ailleurs, il précise que l’obligation pesant, selon les cas, sur l’organisme de formation ou l’entreprise elle-même consistant dans la mise en œuvre d’actions de positionnement, d’évaluation et d’accompagnement ainsi que d’enseignements généraux, professionnels et technologiques, d’une part, et la règle selon laquelle ces actions et enseignements doivent compter pour 15 % à 25 % de la durée totale du contrat ([39]), d’autre part, ne s’appliquent pas.

Le II trace les contours de la mise en veille du contrat de travail.

D’abord, il fait de l’entreprise ou de l’organisme de formation d’accueil le seul responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles dans le pays d’accueil, notamment pour ce qui a trait :

– à la santé et à la sécurité au travail ;

– à la rémunération ;

– à la durée du travail ;

– au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

Ensuite, il prévoit que le titulaire du contrat de professionnalisation relève de la sécurité sociale de l’État d’accueil, à moins qu’il n’y bénéficie pas du statut de salarié ou assimilé, auquel cas sa couverture sociale est assurée par le régime français de sécurité sociale pour ce qui concerne les risques maladie, vieillesse, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles et invalidité ([40]).

Enfin, il autorise ledit titulaire, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, l’organisme de formation en France et, le cas échéant, le centre de formation à l’étranger à conclure une convention – dont le modèle est déterminé par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle ([41]) – pour la mise en œuvre de la mobilité. Le détail de ses stipulations figure à l’article R. 6325-33.

Le III ouvre la voie à ce que le bénéficiaire du contrat de professionnalisation puisse être mis à disposition de la structure qui l’accueille à l’étranger pour une durée inférieure ou égale à quatre semaines, moyennant la conclusion d’une convention entre les parties intéressées ([42]) – dont le modèle est déterminé par arrêté du même ministre ([43]) –, de sorte que l’employeur établi en France continue de prendre en charge sa rémunération et sa protection sociale. Le détail des stipulations de la convention figure à l’article R. 6325-34.

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La prise en charge, par l’opérateur de compétences (Opco), des coûts engendrés par la mobilité internationale des alternants obéit à des règles qui diffèrent suivant la nature des dépenses considérées. Elles sont présentées au commentaire de l’article 3 de la proposition de loi.

2.   Le droit proposé

L’article 1er aménage le cadre juridique de la mobilité internationale des alternants de façon à y apporter davantage de souplesse, gage d’une progression du phénomène, en accord avec les aspirations des acteurs du secteur.

a.   En ce qui concerne les apprentis

Le A apporte deux changements substantiels à l’article L. 6222-42.

● En premier lieu, il modifie le I de cet article pour prévoir que le contrat d’apprentissage pourra être exécuté en partie à l’étranger pour une durée insusceptible d’excéder la moitié de sa durée totale, et en tout état de cause une année (ce point étant inchangé), mais qu’il n’aura plus à être exécuté en France durant une période minimale de six mois (a et b du ). Ce changement ouvrira aux titulaires de contrats de courte durée la possibilité d’effectuer une mobilité internationale ([44]).

● En second lieu, il réécrit assez sensiblement le II du même article aux fins d’en faire le support unique des deux régimes sous lesquels la mobilité pourra être organisée (a et b du ).

Aux termes du premier alinéa, les conditions de mise en œuvre de la mobilité seront prévues par une convention conclue entre les parties au contrat, le CFA en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger ([45]).

La convention pourra prévoir, d’une part, que la mobilité sera réalisée dans le cadre d’une mise en veille du contrat, auquel cas, sera-t-il précisé au nouveau 1° du II, la structure d’accueil à l’étranger sera (comme aujourd’hui) seule responsable des conditions d’exécution du travail de l’apprenti, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. La couverture sociale de l’apprenti continuera d’obéir aux règles actuelles, énoncées au sixième alinéa du même II (non modifié).

La convention pourra prévoir, d’autre part, que la mobilité, quelle que soit sa durée, sera réalisée dans le cadre d’une mise à disposition de l’apprenti auprès de la structure d’accueil, hypothèse qui relèvera du nouveau 2° dudit II, auquel cas l’employeur établi en France continuera d’assumer ses responsabilités vis-à-vis du travailleur ([46]).

b.   En ce qui concerne les titulaires d’un contrat de professionnalisation

Le B de l’article 1er porte des changements similaires à l’article L. 6325‑25.

 En premier lieu, il modifie le I de cet article pour prévoir que le contrat de professionnalisation pourra être exécuté en partie à l’étranger pour une durée insusceptible d’excéder la moitié de sa durée totale, et en tout état de cause une année (ce point étant inchangé), mais qu’il n’aura plus à être exécuté en France durant une période minimale de six mois (a et b du ). Ce changement ouvrira aux titulaires de contrats de courte durée ([47]) la possibilité d’effectuer une mobilité au-delà de nos frontières ([48]).

● En second lieu, il fait évoluer assez significativement la rédaction du II du même article aux fins d’en faire le support unique des deux régimes sous lesquels la mobilité pourra être organisée (a et b du ).

Aux termes du premier alinéa, les conditions de mise en œuvre de la mobilité seront prévues par une convention conclue entre les parties au contrat, l’organisme de formation en France et la structure ou, le cas échéant, les structures d’accueil à l’étranger ([49]).

Là encore, la convention pourra prévoir, d’une part, que la mobilité sera réalisée dans le cadre d’une mise en veille du contrat, auquel cas, sera-t-il précisé au nouveau 1° du II, la structure d’accueil à l’étranger sera (comme aujourd’hui) seule responsable des conditions d’exécution du travail, telles qu’elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles en vigueur dans le pays d’accueil, notamment pour ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail, à la rémunération, à la durée du travail, au repos hebdomadaire et aux jours fériés. La couverture sociale du bénéficiaire du contrat continuera d’obéir aux règles actuelles, énoncées au sixième alinéa du même II (non modifié).

La convention pourra prévoir, d’autre part, que la mobilité, quelle que soit sa durée, sera réalisée dans le cadre d’une mise à disposition du bénéficiaire auprès de la structure d’accueil, hypothèse qui relèvera du nouveau 2° dudit II, auquel cas l’employeur établi en France continuera d’assumer ses responsabilités vis-à-vis du travailleur ([50]).

3.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à lever un frein supplémentaire au développement de la mobilité internationale des alternants. À cette fin, il ouvre la possibilité que la convention de mise en veille soit, par dérogation au régime de droit commun, conclue uniquement entre l’apprenti ou le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, le CFA ou l’organisme de formation et l’employeur établi en France (b du des A et B).

La modification répond à une difficulté identifiée par les acteurs de terrain. À l’heure actuelle, en effet, certains partenaires étrangers refusent de signer ladite convention au motif qu’ils ne se sentent pas liés par les stipulations d’un document qui, selon eux, n’intéresse en réalité que les contractants français.

La conclusion d’une convention entre les seules parties françaises paraît une solution de nature à contourner cette difficulté. Toutefois, elle ne sera possible que dans le cas où il sera établi que l’employeur de l’État d’accueil apporte des garanties à l’alternant – notamment par l’intermédiaire du contrat de travail ou de la convention de stage –, en particulier en termes d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles qu’il lui aurait apportées dans le cadre de la convention de mise en veille « classique », dont le contenu est largement standardisé (garanties relatives à la relation de travail, à la santé et la sécurité au travail, aux objectifs pédagogiques, à la responsabilité civile, etc.). Le détail de ces garanties sera fixé par l’autorité réglementaire.

Sur proposition du rapporteur également, la commission a adopté sept amendements apportant au texte des améliorations rédactionnelles.

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Article 2
Simplifier la conclusion de conventions dans le cadre
des mobilités dans un organisme de formation

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 facilite la conclusion de conventions pour les alternants effectuant une mobilité internationale dans un organisme de formation en supprimant l’obligation d’une convention individuelle de mobilité.

1.   Le droit en vigueur

a.   Un dispositif similaire pour les apprentis et les titulaires d’un contrat de professionnalisation

● L’article L. 6222-42 du code du travail qui encadre la mobilité internationale et européenne des apprentis prévoit au III qu’une « convention de mise à disposition organisant la mise à disposition d’un apprenti peut être conclue entre l’apprenti, l’employeur en France, le centre de formation en France et le centre de formation à l’étranger ainsi que, le cas échéant, l’employeur à l’étranger » pour les périodes de mobilité n’excédant pas quatre semaines.

● De la même manière, aux termes du III de l’article L. 6325-25 du code du travail, « pour les périodes de mobilité n’excédant pas quatre semaines, une convention organisant la mise à disposition d’un bénéficiaire d’un contrat de professionnalisation peut être conclue entre le bénéficiaire, l’employeur en France, l’organisme de formation en France et l’organisme de formation à l’étranger ainsi que, le cas échéant, l’employeur à l’étranger. »

Concrètement, dans le cadre d’une mobilité courte, pour chaque apprenti ou titulaire d’un contrat de professionnalisation qui part à l’étranger, une convention individuelle de mobilité peut être signée entre le bénéficiaire, l’employeur en France, le CFA ou l’organisme de formation en France, l’organisme de formation à l’étranger voire l’employeur à l’étranger dans le cas d’une formation pratique qui se déroule pour partie hors de France.

b.   La signature de conventions individuelles s’avère trop contraignante pour les « mobilités d’étude »

De l’avis unanime des acteurs entendus, la signature d’une convention individuelle pour chaque départ à l’étranger est une démarche rigide et complexe dans le cas des mobilités dites « d’étude » effectuées dans un organisme de formation étranger. Il est, en effet, répandu que les alternants ne suivent qu’un enseignement théorique durant leur mobilité internationale.

Or, les établissements d’enseignement supérieur français signalent les difficultés qu’ils rencontrent à faire accepter la conclusion de conventions individuelles à leurs homologues étrangers avec lesquels ils ont déjà conclu un partenariat. Les universités d’accueil auraient tendance à privilégier les démarches simplifiées pour l’accueil d’étudiants avec lesquels il n’est pas nécessaire de signer une convention individuelle, au détriment des alternants. La mobilité des alternants se trouve ainsi entravée par la procédure.

2.   Le droit proposé

● Dans sa rédaction issue de l’article 1er de la présente proposition de loi, le II de l’article L. 6222-42 du code du travail rend obligatoire la conclusion d’une convention entre les parties contractantes au contrat d’apprentissage, le centre de formation d’apprentis en France et la ou les structures d’accueil à l’étranger pour mettre en œuvre la mobilité d’un apprenti.

Symétriquement, le II de l’article L. 6325-25 réaffirme ce même caractère obligatoire pour le bénéficiaire du contrat de professionnalisation.

● Afin de simplifier les démarches auprès des établissements de formation d’accueil, l’article 2 introduit une dérogation pour les apprentis et les titulaires de contrats de professionnalisation qui effectuent une mobilité théorique dans un établissement de formation.

Le donne, en ce sens, une nouvelle rédaction au III de l’article L. 6222‑42 du code du travail. Est ainsi assouplie l’obligation de conclure une convention individuelle dans le cas où une convention de partenariat préexiste entre les organismes de formation français et étranger. Cette disposition concerne exclusivement les échanges entre établissements de formation et ne s’applique pas dans le cas d’une mobilité auprès d’un employeur étranger. Elle simplifie les démarches d’accueil pour les alternants qui se rendent dans des établissements avec lesquels les CFA ont déjà signé des conventions de partenariat.

Le prévoit cette même dérogation pour les titulaires de contrats de professionnalisation.

3.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à étendre la dérogation de signature de conventions individuelles aux structures avec lesquelles le centre de formation des apprentis a conventionné afin de délivrer tout ou partie des enseignements ([51]). Cette dérogation concerne les structures visées aux articles L. 6232-1 et L. 6233-1 du code du travail. Elle répond à une crainte soulevée par les acteurs de terrain de voir une inégalité de traitement s’instaurer entre les apprentis selon la structure à laquelle ils sont rattachés.

Sur proposition du rapporteur également, la commission a adopté trois amendements apportant au texte des améliorations rédactionnelles ([52]).

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Article 3
Favoriser l’harmonisation des prises en charge
et garantir une couverture sociale minimale

Adopté par la commission sans modification

L’article 3 prévoit, d’une part, un processus de convergence des prises en charge par les opérateurs de compétences et, d’autre part, le caractère obligatoire de la compensation des coûts liés aux cotisations sociales.

1.   Le droit en vigueur

a.   La prise en charge des coûts engendrés par la mobilité à l’étranger d’un apprenti ou du titulaire d’un contrat de professionnalisation

L’article L. 6222-44 du code du travail renvoie au niveau réglementaire la définition du « contenu des relations conventionnelles qui lient l’apprenti, l’employeur en France, l’employeur à l’étranger, le centre de formation en France et le centre de formation à l’étranger ». Le décret n° 2019-1086 du 24 octobre 2019 portant diverses dispositions relatives à la mobilité à l’étranger des apprentis et des bénéficiaires des contrats de professionnalisation a introduit dans le code du travail les articles R. 6222‑66 à R. 6222‑69 précisant ces dispositions.

● L’article R. 6222-66 encadre le contenu de la convention relatif aux conditions d’exécution du travail de l’apprenti :

1° La date de début et de fin de la période de mobilité ;

2° L’objet de la formation et la nature des tâches confiées à l’apprenti en lien avec la certification visée, objet du contrat d’apprentissage ;

3° Les lieux de travail et le cas échéant, de formation ;

4° Le nom et la qualification des personnes chargées d’en suivre le déroulement en France, au sein du centre de formation d’apprentis et dans le pays d’accueil ainsi que les modalités de suivi ;

5° Les équipements et produits utilisés ;

6° Les horaires de travail, la durée du travail, les repos hebdomadaires, les congés et les jours fériés ;

7° Le cas échéant, les modalités de prise en charge de la rémunération et des frais annexes générés par la mobilité ;

8° Le cas échéant, les modalités d’évaluation et de validation des compétences acquises à l’étranger ;

9° Les dispositions applicables à l’apprenti dans le pays d’accueil en matière de santé et sécurité au travail ;

10° L’information relative aux garanties prises en matière de responsabilité civile ou de couverture de risques équivalents dans le pays concerné, par l’apprenti, l’entreprise d’accueil et, le cas échéant, le centre de formation d’accueil.

L’article R. 6222-67 apporte les mêmes précisions s’agissant des mobilités courtes, n’excédant pas quatre semaines. Quant à l’article R. 6222-68, il prévoit qu’avant la conclusion de la convention, « le centre de formation d’apprentis adresse à l’opérateur de compétences de l’employeur en France, le projet de convention avec une demande de prise en charge des frais générés par la mobilité hors du territoire national de l’apprenti. L’opérateur de compétences se prononce sur la prise en charge financière et informe le ministère chargé de la formation professionnelle, sous forme dématérialisée, des conventions qui lui sont transmises ainsi que des modifications qui leur sont apportées. »

Enfin, l’article R. 6222-69 prévoit que l’employeur adresse également à son opérateur de compétences le projet de convention avec une demande de prise en charge des frais générés par la mobilité.

● La prise en charge, par l’opérateur de compétences (Opco), des coûts de mobilité internationale des alternants obéit à des règles distinctes selon la nature des dépenses.

D’une part, en vertu du 4° de l’article D. 6332-83 du code du travail, sont obligatoirement pris en charge, de manière forfaitaire, les frais d’ingénierie supportés par les CFA pour la mise en œuvre de la mobilité, tels ceux afférents à la présence en leur sein d’un « référent mobilité », à leurs actions de communication ou, plus généralement, aux démarches administratives qui leur incombent.

D’autre part, peuvent être pris en charge, sur le fondement du 3° du II de l’article L. 6332-14 du même code, tout ou partie de la perte de ressources et des coûts de toute nature, y compris ceux correspondant aux cotisations sociales, ainsi que, le cas échéant, la rémunération et les frais annexes générés par la mobilité des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation.

Il apparaît que les niveaux de prises en charge sont très hétérogènes selon les Opco.

FRAIS DE MOBILITÉ DANS ET hors union EuropÉenne

Opco

Forfait obligatoire

Prises en charge facultatives

Afdas

Inférieur à 4 semaines : 400 € par mobilité

De 4 semaines à 6 mois : 500 € par mobilité

Supérieur à 6 mois : 600 € par mobilité

Majoration de 10 % pour les niveaux bac et infra

Inférieur à 4 semaines UE + Islande, Norvège, Suisse, Royaume-Uni : 1 000 € / 1 500 € pour les autres pays

Supérieur à 4 semaines UE + Islande, Norvège, Suisse, Royaume-Uni : 2 000 € / 2 500 € pour les autres pays

Akto

500 € par apprenti pour les supérieurs au bac

600 € par apprenti pour les bac ou infra

Inférieur à 4 semaines UE : 1 000 € / 1 500 € pour les autres pays

Supérieur à 4 semaines UE : 1 500 € / 2 500 € pour les autres pays

Atlas

500 € couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

2 500 € en cas de mise en veille du contrat par l’entreprise, au-delà de 4 semaines.

1 800 € en cas de mise à disposition de l’apprenti par l’entreprise jusqu’à 4 semaines.

Constructys

1 680 € couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

 

L’Opcommerce

500 € par apprenti couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

 

Ocapiat

500 € par apprenti couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

Hébergement plafonné à 6 € par nuitée.

Restauration plafonnée à 3 € par repas

Un déplacement aller-retour sur présentation d’un justificatif.

Opco 2i

500 € par apprenti couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

Transport, hébergement, repas dans la limite de 800 € par apprenti si mobilité courte (avec mise à disposition) et de 1 600 € si mobilité longue (avec mise en veille du contrat)

Opco EP

500 € pour le forfait référent, par alternant accompagné

Jusqu’à 4 semaines : forfait de 500 € par semaine, dans la limite de 2 000 €

Au-delà de 4 semaines : forfait de 300 € par semaine, dans la limite de 3 000 €

Opco Mobilités

1 200 € pour les mobilités européennes

1 500 € pour les mobilités internationales

 

Opco Santé

500 € couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

Hébergement plafonné à 6 € par nuitée,

Restauration plafonnée à 3 € par repas

Frais de transport sur justificatif

La rémunération relative aux heures se déroulant chez un employeur à l’international à hauteur de 5 € de l’heure, dans le cas où le salaire est maintenu par l’employeur.

Uniformation

500 € couvrant les frais engagés par le CFA pour le référent mobilité

Hébergement plafonné à 6 € par nuitée,

Restauration plafonnée à 3 € par repas

Frais de transport sur justificatif

b.   Une compensation facultative de la couverture sociale

L’article L. 6332-14 du code du travail précise les prises en charge obligatoires et facultatives des opérateurs de compétences.

Parmi les dépenses que peuvent prendre en charge les Opco figurent « tout ou partie de la perte de ressources ainsi que des coûts de toute nature, y compris ceux correspondant aux cotisations sociales et, le cas échéant, la rémunération et les frais annexes générés par la mobilité hors du territoire national des apprentis et des salariés en contrat de professionnalisation ».

Les dépenses relatives à la couverture des alternants en mobilité font donc l’objet d’une compensation facultative de la part des Opco.

2.   Le droit proposé

a.   Favoriser la convergence des niveaux de financements de la mobilité par les Opco

De l’avis unanime des acteurs entendus, les prises en charge des frais de mobilité sont excessivement disparates d’un Opco à l’autre. Il n’est pas rare qu’au sein d’une même promotion d’apprentis, les frais de mobilité pris en charge varient du simple au triple, notamment s’agissant des frais pris en charge de manière optionnelle.

Les frais obligatoirement dépensés par les Opco pour couvrir l’ingénierie sont indispensables pour promouvoir la mobilité européenne et internationale auprès des alternants.

Le rôle clef du référent mobilité

Un personnel dédié à la mobilité nationale et internationale des apprentis doit être nommé au sein de chaque CFA, qu’il dispense ou non des formations prévoyant l’exécution de périodes de mobilité européenne ou internationale.

Ce référent mobilité a notamment pour missions :

– de rechercher des financements ;

– de nouer des partenariats (par exemple avec des organismes de formation dans l’Union européenne ou à l’international) ;

– d’aider les parties prenantes pour la conclusion de la convention de mobilité ;

– d’informer en amont les alternants et les entreprises ;

– d’aider à la préparation du départ en mobilité en accompagnant l’alternant et l’employeur dans la rédaction et l’envoi des courriers à la caisse d’assurance maladie, en effectuant les démarches nécessaires à l’obtention des aides auprès des différents financeurs, en prenant contact avec l’autorité qui délivre le diplôme ou la certification afin d’organiser les modalités de reconnaissance des acquis de la mobilité ;

– d’assurer un suivi et un accompagnement de l’alternant pendant la période de mobilité, notamment en cas de difficulté.

Les financements pour rémunérer le référent mobilité sont délivrés au prorata du nombre d’apprentis effectuant une mobilité, en général un forfait de 500 euros est débloqué par apprenti.

Le élargit le champ du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 6222‑44 du code du travail qui déterminera les modalités de mise en œuvre de la section relative à la mobilité internationale et européenne des apprentis, notamment – et non plus uniquement – le contenu des relations conventionnelles.

Cette évolution législative favorisera la convergence des niveaux de prises en charge par les Opco en encadrant au niveau réglementaire leur caractère forfaitaire, leur périmètre, le nombre de versements par contrat, leur plafond et leur minoration possible en cas d’octroi d’une bourse Erasmus.

En cohérence, les mêmes dispositions réglementaires sont prévues pour la mobilité des titulaires de contrats de professionnalisation à l’article L. 6325-25 du code du travail.

b.   Instaurer une compensation obligatoire des coûts relatifs à la protection sociale

Le prévoit que les coûts correspondant aux cotisations sociales ne feront plus partie des dépenses compensées de manière facultative par les Opco telles que déterminées au II de l’article L. 6332-14 du code du travail.

Les frais engagés par les CFA ou les organismes de formation pour la prise en charge de la protection sociale des alternants en mobilité seront obligatoirement compensés par l’opérateur de compétences.

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Article 3 bis (nouveau)
Rapport au Parlement sur les bourses et aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité

Introduit par la commission

L’article 3 bis prévoit la remise d’un rapport sur les bourses et aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger.

Cet article résulte de l’adoption par la commission, avec avis défavorable du rapporteur, d’un amendement de M. Sébastien Peytavie et de ses collègues du groupe Écologiste - NUPES ([53]).

Il vise à ce que soit remis au Parlement un rapport du Gouvernement sur l’état des lieux des bourses et aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité à l’étranger. Il prévoit que le rapport examine les perspectives en matière d’harmonisation des dispositifs de soutien financier existants et d’augmentation des aides financières pour les mobilités d’apprentissage à l’étranger.

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Article 4
Gage financier

Adopté par la commission sans modification

L’article 4 prévoit un mécanisme de compensation de la charge pour l’État qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

La proposition de loi est de nature à accroître les charges pour l’État. Le présent article prévoit donc de gager cette charge par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 3 mai 2023, la commission examine la proposition de visant à faciliter la mobilité internationale des alternants pour un « Erasmus de l’apprentissage » (n° 576) (M. Sylvain Maillard, rapporteur ([54]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous examinons la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants pour un « Erasmus de l’apprentissage », dont je salue le rapporteur Sylvain Maillard. Elle est inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du mardi 9 mai prochain.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Fruit d’une réflexion de plusieurs mois, réclamée par les acteurs du secteur, pragmatique, la proposition de loi que je défends au nom du groupe Renaissance est une pierre supplémentaire à l’édifice construit depuis plus de cinq ans pour que soit exaucé le vœu formulé en 2017 par le Président de la République et que la moitié d’une classe d’âge passe, avant ses 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen.

Depuis lors, la majorité présidentielle a fait de la recherche du plein emploi l’un des objectifs prioritaires de son action. Nous sommes conscients que la formation reste le meilleur bouclier contre le chômage de masse des publics les plus éloignés de l’emploi, comme le sont les jeunes.

Selon l’Agence européenne de promotion de l’alternance, « il existe un large consensus en Europe sur le fait que l’apprentissage peut être un moyen efficace pour aider les jeunes à effectuer une transition plus harmonieuse entre l’école et l’emploi et remédier aux déséquilibres du marché du travail ».

Outre une meilleure employabilité de nos jeunes, une expérience à l’étranger comme un stage en entreprise ou une formation présente de nombreux avantages. Selon l’étude de l’Observatoire Erasmus+ publiée en décembre 2022, elle permet d’améliorer le niveau de langue, de développer des compétences, un réseau à l’international mais également des capacités d’adaptation et d’autonomie en s’ouvrant à d’autres cultures.

Le 13 mars dernier, notre collègue Fanta Berete et moi avons échangé sur le campus d’Orly avec des élèves et leurs professeurs de baccalauréat professionnel « maintenance de véhicules ». Les élèves nous ont parlé de leur expérience inoubliable et très formatrice en Italie, à l’occasion d’un voyage qui les a transformés. Leurs yeux brillaient ! Ils ont fait part de techniques de réparation de véhicules, d’enseignements différents. À l’issue de nos échanges, ils ont confié être impatients de renouveler cette expérience pendant une période plus longue. Leurs professeurs ont même réfléchi à une évolution des techniques d’apprentissage.

En 2018, la mobilité́ internationale des apprentis, y compris à l’intérieur des frontières de l’Union européenne, était très peu développée puisque 25 000 seulement, parmi eux, avaient bénéficié́ d’une expérience professionnelle hors de France entre deux et trois semaines, contre plus de 600 000 étudiants français qui avaient pu se rendre à l’étranger depuis la création du programme Erasmus. Le rapport de Jean Arthuis remis à Muriel Pénicaud en 2018 pour lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe pointait d’ailleurs la discrimination dont sont victimes les apprentis par rapport aux étudiants.

Le programme Leonardo da Vinci, auquel a succédé Erasmus+ en 2014, a permis de lever partiellement ce frein à la mobilité européenne pour les jeunes en formation professionnelle.

Dans un rapport publié en novembre 2017, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dénonçait déjà l’existence de freins importants au développement de la mobilité, tenant pour l’essentiel à l’obligation, pour les entreprises françaises, de rémunérer l’apprenti et de payer les cotisations pendant la période de mobilité à l’étranger, aux calendriers pédagogiques des centres de formation d’apprentis (CFA), aux difficultés de la certification des compétences et à la complexité des procédures administratives de mobilisation des crédits d’Erasmus+.

Dans un autre rapport sur le développement de la mobilité européenne des apprentis, publié en décembre 2022, l’Igas a formulé vingt et une recommandations afin d’augmenter significativement le nombre d’apprentis qui partent en mobilité́ européenne. Cette proposition de loi s’inscrit dans l’esprit de ce rapport.

Ainsi, même si la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a posé un nouveau cadre juridique pour la mobilité des apprentis et des bénéficiaires de contrats de professionnalisation en créant deux types de mobilités – en fonction notamment de la durée de la période à l’étranger –, elle ne laisse pas la possibilité de maintenir la rémunération du jeune en cas de mobilité de plus de quatre semaines, ce qui contrevient au souhait de certaines entreprises et qui peut mettre en difficulté l’apprenti lorsqu’il ne perçoit aucune rémunération dans le pays d’accueil.

Il était donc important de rendre optionnelle la mise en veille de certaines clauses du contrat d’apprentissage. En effet, la disposition légale qui oblige à mettre en veille certaines clauses des contrats d’apprentissage et de professionnalisation pour les mobilités de plus de quatre semaines est de nature à freiner, voire empêcher, la mobilité internationale de certains apprentis dont les maîtres d’apprentissage entendent maintenir l’indemnisation, notamment dans l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, cette mise en veille obligatoire du contrat de travail dissuade les jeunes qui perdent, de fait, leur salaire sans que les sommes qu’ils peuvent percevoir des opérateurs de compétences (Opco), variables d’un opérateur à l’autre, assurent une compensation suffisante. Certaines entreprises elles-mêmes ne sont pas demandeuses de la mise en veille du contrat de travail car, en embauchant l’apprenti, elles ont intégré qu’une partie de son temps en CFA s’effectuerait à l’étranger.

Il s’agit par conséquent d’autoriser le statut de « mise à disposition de l’alternant » pour tout type de mobilité, dès lors que maître d’apprentissage et apprenti en conviennent. La mise en veille resterait une autre solution praticable, au choix des parties prenantes. Tel est l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi, qui répond aux souhaits des entreprises et des CFA. Le vote de ce dispositif substitue l’option à l’obligation.

L’article 2 facilite la conclusion de conventions pour les alternants effectuant une mobilité internationale dans un organisme de formation en supprimant l’obligation d’une convention individuelle de mobilité́ lorsqu’un partenariat existe déjà.

L’article 3 prévoit d’organiser une convergence des prises en charge financières par les opérateurs de compétences et de rendre obligatoire la compensation des coûts liés aux cotisations sociales.

Dans un contexte où le marché du travail est mondialisé, la mobilité des alternants à l’étranger constitue un levier pour favoriser l’insertion dans l’emploi. Malgré le contexte sanitaire peu propice à la mobilité de manière générale, les chiffres publiés par l’Observatoire Erasmus+ pour la période précédant la crise sanitaire sont encourageants puisqu’ils témoignent d’une progression significative depuis la réforme de 2018. En effet, 6 870 alternants ont effectué une mobilité en 2018-2019, soit une progression de 30 % par rapport à l’année scolaire précédente.

Nous devons maintenant accélérer cette dynamique. L’année 2022 a permis à notre politique de l’apprentissage de franchir un nouveau cap avec – c’est un record historique – 837 000 nouveaux contrats signés. Nous devons continuer à soutenir, à accompagner et à réguler la formation des parties prenantes de l’apprentissage.

Soutenir, en pérennisant l’aide de 6 000 euros à l’embauche des alternants pour tous jusqu’en 2027, comme annoncé par le Président de la République ; accompagner, en augmentant le nombre d’apprentis afin d’atteindre un million d’apprentis par an d’ici à la fin du quinquennat ; réguler, grâce à la certification de France Compétences pour améliorer la qualité des formations, mieux connecter l’offre et la demande.

Ce texte consensuel s’inscrit dans la continuité des politiques conduites en matière de formation et d’apprentissage. Il leur donne une dimension européenne et internationale. Vous en conviendrez : chaque jeune devrait avoir une expérience européenne. Devenir citoyen européen ne se décrète pas : cette relation doit se construire et se nourrir à travers de multiples rencontres au-delà des frontières de notre pays. Les étudiants et les apprentis ont tant à apprendre de nos homologues européens – et réciproquement car nous parlons bien d’échanges d’alternants !

Au nom du groupe Renaissance, je tiens à saluer Jean Arthuis, ancien ministre de l’économie, sénateur et député européen, président d’Euro App Mobility, qui depuis tant d’années a défendu avec force et conviction la cause de la mobilité des apprentis. Je remercie également les administrateurs de l’Assemblée nationale pour les auditions menées, indispensables pour anticiper et comprendre les enjeux liés à la mobilité internationale des apprentis.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Fanta Berete (RE). Cette proposition de loi vise principalement à faciliter la mobilité des apprentis à l’étranger, soit leur départ mais aussi leur accueil. Le programme Erasmus est un succès, avec près de 600 000 étudiants qui partent à l’étranger chaque année, mais seuls 25 000 apprentis, en moyenne, en bénéficient. Si les lois du 29 mars et du 5 septembre 2018 ont permis d’augmenter leur nombre, celui-ci reste encore trop peu élevé en raison d’un certain nombre de freins.

Pourtant, la mobilité garantit la valorisation du parcours de formation des apprentis grâce à la connaissance d’une langue et au développement de compétences telles que l’ouverture à la nouveauté ou l’adaptabilité. Elle conforte également leur employabilité.

L’insertion des jeunes est l’une des priorités du Gouvernement. Ce texte comporte des mesures importantes, attendues des employeurs, des CFA et des associations comme Euro App Mobility mais aussi préconisées par le rapport de l’Igas de décembre 2022. Il propose une alternative à la mise en veille du contrat, jusqu’ici unique option offerte aux entreprises pour les mobilités de plus de quatre semaines. Les responsabilités de l’entreprise étaient alors levées, comme la rémunération et la couverture sociale. Dorénavant, la mise à disposition permettra aux employeurs qui le souhaitent de jouer pleinement leur rôle et de faire de l’apprentissage un des leviers de leur politique de ressources humaines. Quelle que soit l’option choisie, la proposition de loi sécurise également la protection sociale de l’apprenti, qui n’aura pas à débourser 1 euro pour disposer d’une couverture minimale. Je vous propose donc de soutenir ce texte.

M. Victor Catteau (RN). Cette proposition de loi est l’occasion d’évoquer cette importante question que sont les programmes de mobilité pour les alternants, qui offrent une solution concrète pour renforcer la compétitivité de la France sur le marché international. Ces programmes permettent aux étudiants de travailler et d’apprendre dans des environnements variés, de développer leurs compétences linguistiques et professionnelles, de bâtir un réseau de contacts internationaux qui leur seront utiles pendant toute leur carrière.

S’il est évident que notre projet politique n’est pas en accord avec celui que défendent les auteurs de ce texte, la mondialisation et la concurrence internationale n’en sont pas moins des réalités auxquelles nous devons faire face. Notre pays se doit de rester compétitif pour prospérer et pour assurer l’emploi des travailleurs français.

Cette proposition de loi vise à faciliter l’utilisation de ces programmes en éliminant les obstacles administratifs, en fournissant un soutien financier et logistique aux étudiants et aux entreprises. Nous avons espoir que celles-ci assureront l’accessibilité de ces programmes à tous les étudiants français, indépendamment de leurs origines sociales ou géographiques.

Nous devons donc veiller à ce que les programmes de mobilité des alternants soient conçus de façon à protéger les intérêts de notre pays et de ses travailleurs, et à nous assurer que les étudiants qui y participent ne soient pas utilisés comme une main-d’œuvre bon marché par les entreprises étrangères. Nous devons également garantir que les entreprises françaises puissent accéder à des programmes similaires à l’étranger afin de renforcer la réciprocité et la protection de l’emploi en France, tout en faisant rayonner la francophonie.

Compte tenu de ces éléments, nous ne pouvons faire échec à ce texte, qui relève d’un certain bon sens. Nous le voterons donc.

M. Jérôme Legavre (LFI - NUPES). Cette proposition de loi poursuit un objectif certes louable de simplification et de sécurisation de l’accès à la mobilité des alternants et apprentis. Cependant, elle prolonge la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel défendue en son temps par Muriel Pénicaud. Depuis 2019, la loi permet aux entreprises d’ouvrir leurs propres centres de formation et d’alternance, mettant ainsi en cause la voie professionnelle sous statut scolaire. Le nombre de CFA a triplé – ils sont au nombre de 3 000. Les universités et lycées professionnels publics sont fragilisés par cette concurrence. Les élèves bacheliers et étudiants qui n’ont pas pu accéder à la filière de leur choix à cause de Parcoursup et, à présent, de la plateforme Mon Master sont orientés directement ou indirectement vers des contrats d’apprentissage, dont le nombre a explosé dans le supérieur. Tout confondu, ils sont passés de 500 000 à près d’un million de 2019 à fin 2022.

Pour chaque contrat d’apprentissage signé, des milliers d’euros sont versés à l’entreprise afin de financer la formation et une partie de la rémunération de l’apprenti. En trois ans, comme l’a dénoncé la Cour des comptes, 35 milliards d’euros ont été versés en aides et subventions au titre de l’apprentissage. Muriel Pénicaud l’a d’ailleurs compris en intégrant le conseil d’administration de Galileo Global Education, devenu fleuron mondial de l’enseignement supérieur privé et implanté dans dix-huit pays.

Un obstacle, cependant, pour continuer de percevoir les financements : le contrat est mis en veille au-delà de quatre semaines de mobilité à l’étranger. Sous couvert de sécurisation, il s’agit en fait d’ouvrir et d’élargir le marché toujours plus juteux de la formation privée.

Nous proposons quant à nous une garantie d’autonomie pour les jeunes en formation de 18 à 25 ans, et dès 16 ans pour ceux qui sont en formation professionnelle, ainsi que le rétablissement d’un véritable service public de la formation continue, indispensable pour garantir l’égalité financière. C’est pourquoi nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

M. Stéphane Viry (LR). Il est nécessaire de promouvoir et de faciliter la mobilité européenne des apprentis qui, aujourd’hui, demeure une exception. Erasmus ne doit pas être le privilège des étudiants, ni réservé à l’enseignement supérieur. De plus, les mobilités sont encore trop courtes. Tout ce qui peut être fait pour encourager la mobilité internationale des alternants doit l’être : c’est bénéfique pour eux, pour les entreprises et les économies nationales, qui peuvent être stimulées.

L’instauration d’une mobilité internationale dans le cadre d’un contrat d’apprentissage et selon les niveaux de diplôme demeure complexe en raison d’un manque d’autonomie de nombreux apprenants, qu’il conviendrait de mieux accompagner, et de problèmes linguistiques. L’insuffisance des bourses peut également être un frein financier. Enfin, les financements sont parfois trop illisibles ou inégalitaires.

Il conviendra également de réfléchir au positionnement et aux obligations des entreprises françaises. Des simplifications seraient de bonne politique, notamment s’agissant de la protection sociale des apprenants.

De ce point de vue, cette proposition de loi mérite d’être enrichie. Nous la voterons mais il conviendra de la renforcer lors des discussions en séance publique.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous voterons cette proposition de loi.

Jean Arthuis fut un infatigable militant européen qui sut combien, ensemble, nous pouvons être plus forts, sans perdre pour autant nos identités, en permettant à des jeunes de découvrir les pays voisins.

Ce texte rappelle la loi ambitieuse de 2018 déjà citée. J’ai longtemps entendu dire qu’il n’était pas possible d’aller au-delà de 300 000 apprentis. Nous en sommes à 800 000 et nous avons l’objectif du million. L’alternance est une possibilité extraordinaire pour ceux à qui une formation théorique ne convient pas. La suppression d’un certain nombre de freins, l’octroi de nouveaux moyens, l’amélioration de la couverture sociale et les facilités offertes aux entrepreneurs sont autant de chances pour les entreprises et les jeunes à qui nous offrons, en quelque sorte, un nouveau passeport pour la vie.

Je fais confiance à notre intelligence collective. Il est toujours possible de bouder, de considérer que ce texte ne va pas assez loin. Mais une telle opportunité pour la jeunesse doit nous réunir. Peut-être ferons-nous ainsi un peu rêver notre jeunesse, dans le contexte difficile que nous connaissons !

M. Arthur Delaporte (SOC). Depuis six ans, chaque année, en moyenne, 155 alternants partent plus d’un mois en Erasmus. En tout, ils sont 933, ce qui est trop peu. Il convient de remédier à une telle situation. Sur 100 000 mobilités financées par l’agence française, 7 000 alternants ont été concernés. Nous pouvons mieux faire, comme pour la durée des séjours, bien trop courte pour les alternants.

Les apports d’Erasmus sont indéniablement positifs et contribuent à la construction d’une identité européenne. Comme disait François Mitterrand, il faut faire en sorte que les jeunes d’Europe se connaissent davantage et la période des études ou de la formation, de ce point de vue, est propice. L’ancien Président de la République était frappé, en effet, que les jeunes préfèrent alors partir aux États-Unis plutôt que dans des pays européens.

Comment permettre aux classes les plus défavorisées de bénéficier de cette expérience à l’étranger ? Comment développer la possibilité, pour les alternants et les personnes en contrat professionnel, d’en profiter en plus grand nombre et plus longuement ? Ainsi, 12 % des personnes économiquement vulnérables ont pris part au programme Erasmus. Si cela ne signifie pas que seules les classes favorisées y ont participé, le diable se cache dans les détails puisque les séjours les plus longs, donc les plus coûteux, ne bénéficient pas aux classes populaires. Cette proposition de loi ne répond pas spécifiquement à cette question.

Il faut également s’interroger quant aux dispositifs d’incitation, d’acculturation, de bourse. En offrant un cadre juridique aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation – tout en simplifiant leur signature – et en garantissant des droits, ce texte lève des freins. Mais nous regrettons que la loi ne garantisse pas les ambitions de son exposé des motifs et qu’elle s’en remette à un décret. Nous souhaitons accroître la démocratisation de cette belle expérience qu’est Erasmus.

M. Paul Christophe (HOR). Depuis sa création en 1987, le programme Erasmus a permis à plus de 3 500 000 jeunes européens d’améliorer leurs compétences linguistiques et de découvrir de nouvelles pratiques professionnelles et culturelles. Source d’une immense richesse pour notre jeunesse, la valeur de ce dispositif ne fait aucun doute. Nous constatons tous, néanmoins, une inégalité d’accès, les apprentis ne représentant qu’une part infime des bénéficiaires. Ce sont quelque 180 000 d’entre eux qui ont effectué une mobilité à l’étranger depuis 1995, date à laquelle le programme Erasmus leur a été ouvert.

Parallèlement, nous avons toujours eu à cœur de redonner ses lettres de noblesse à l’apprentissage, notamment à travers la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Cette réforme est un véritable succès puisque, depuis 2018, plus de 2 500 000 jeunes se sont engagés dans cette voie d’excellence. Cette tendance ne faiblit pas.

Avec des conditions sans doute trop strictes, cette loi a étendu les possibilités d’exécution du contrat d’apprentissage à l’étranger. Or, les conditions d’autorisation constituent des freins au développement de la mobilité internationale de nos apprentis.

Je tiens à saluer le travail du rapporteur Sylvain Maillard visant à perfectionner ce dispositif. Par l’autorisation donnée à l’employeur de mettre l’apprenti à disposition pour une mobilité de plus de quatre semaines tout en maintenant sa rémunération, par la clarification ou la simplification du cadre juridique des conventions individuelles de mobilité, par l’organisation d’une convergence des niveaux de financement de la mobilité par les opérateurs de compétences et la garantie d’une couverture sociale gratuite pour tous, ce texte lèvera les freins juridiques à la mobilité de nos apprentis. Cette proposition de loi est une excellente nouvelle pour les jeunes, en ce qui concerne tant leur employabilité dans un marché du travail mondialisé que leur ouverture au monde. Nous la voterons.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Cette proposition de loi répond à une inégalité dans l’accès à l’éducation et à la mobilité internationale. En effet, les mobilités Erasmus en formation professionnelle ne représentent que 22 % des demandes. Force est de constater que le droit du travail freine sérieusement les jeunes pour aller se former à l’étranger. En ce sens, ce texte est une première pierre à l’édifice afin que les mobilités Erasmus ne soient pas réservées aux seuls étudiants de l’enseignement supérieur. Toutefois, s’il s’agit de lever les obstacles juridiques à la mobilité des apprentis, la proposition de loi ne fait rien contre de nombreux autres freins.

Des freins administratifs tout d’abord : si la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a ouvert la voie à la création de référents mobilité dans les CFA, ceux-ci sont trop peu nombreux et les informations trop éparses. Il convient de faire un état des lieux de la généralisation des référents mobilité et d’étudier la possibilité d’un portail unique de la mobilité en apprentissage.

Des freins géographiques, ensuite : les bénéfices de la mobilité internationale ne doivent pas être réservés aux seuls apprentis d’Europe. Nous aurions aimé que des programmes d’échanges favorisent également la mobilité des apprentis des territoires d’outre-mer au sein des pays voisins.

Des freins financiers, enfin : l’accès aux bourses de mobilité est insuffisant. Tous les étudiants devraient avoir l’opportunité de se former à l’étranger, quels que soient leurs milieux d’origine, leurs revenus et leurs études.

Nous soutenons cette proposition de loi. Mais nous appelons à aller au-delà des freins juridiques car si les voyages forment la jeunesse, ils doivent aussi former les apprentis.

M. Frédéric Maillot (GDR - NUPES). Cette question est importante. Je crois à la pertinence des échanges avec l’étranger pour l’ensemble des étudiants. Il est regrettable que les apprentis, pourtant de plus en plus nombreux, ne puissent bénéficier des meilleures conditions pour s’emparer pleinement de ces possibilités.

Le Gouvernement encourage l’apprentissage avec l’objectif de parvenir à un million d’apprentis, l’apprentissage étant le garant d’une insertion progressive et réussie sur le marché du travail. La mise en veille automatique du contrat, en effet, est un frein. La mise à disposition doit être privilégiée pour la mobilité internationale. Nous soutenons quant à nous la prise en charge obligatoire par les Opco de leur protection sociale.

Les obstacles financiers doivent être également aplanis : nous proposons de majorer le contrat d’apprentissage lorsque celui-ci se déroule à l’étranger. D’autres freins doivent être levés, notamment outre-mer et singulièrement à La Réunion, où nous souhaitons développer les échanges avec les pays du bassin océanique. Nous souhaitons que la mobilité soit cohérente avec l’histoire et la culture des territoires où les apprentis auront vocation à exercer. Enfin, même si cela excède le cadre de cette proposition de loi, il est important de valoriser l’apprentissage des langues, bien en amont de l’apprentissage.

Nous attendons de connaître la teneur des débats et le sort réservé à nos amendements pour nous prononcer. Mais notre priorité demeure la protection des apprentis en termes de droits sociaux et de conditions de travail, ici comme à l’étranger.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Cette proposition est intéressante car elle vise à faciliter concrètement la mobilité des alternants, ce qui est bénéfique tant pour eux que pour les structures qui les accueillent. Elle en simplifie l’accès et sécurise les parcours. Cela étant, il faut clarifier le périmètre du dispositif. Les dimensions internationale et européenne ont été évoquées. Or, on sait qu’un des obstacles à la mobilité réside dans les différences en matière de droit applicable. On a vu quelles ont été les conséquences du Brexit pour les jeunes qui rêvaient d’aller au Royaume-Uni dans le cadre du programme Erasmus.

L’objectif de votre proposition est-il européen ou international ? Lorsque la mobilité a lieu en dehors de l’Union européenne, y a-t-il des obstacles à l’application des mesures prévues en ce qui concerne les conventions individuelles, les simplifications et la convergence des niveaux de financement ?

M. Didier Le Gac (RE). Cette proposition permet d’élargir davantage le bénéfice de l’excellent programme Erasmus en l’étendant aux apprentis, ce qui permet de réduire les inégalités. C’est une bonne nouvelle.

On parle assez peu du cadre européen dans cette proposition. Or, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne en 2022, il était prévu que la Commission européenne propose de nouvelles mesures pour lever les obstacles à la mobilité des apprentis et pour construire un réseau européen d’apprentissage. Comment votre proposition s’articule‑t‑elle avec le cadre réglementaire européen ? Y a-t-il une convergence entre les deux ?

Mme Isabelle Valentin (LR). Nous devons évidemment favoriser la mobilité internationale des apprentis. Des avancées ont vu le jour notamment en ce qui concerne les niveaux certificat d’aptitude professionnelle et baccalauréat professionnel, et l’on peut s’en féliciter. De nombreuses bourses et aides à la mobilité internationale sont proposées mais elles diffèrent énormément en fonction des Opco et des régions. Nous devons gommer ces inégalités.

Actuellement, la mise à disposition de l’alternant dans le pays d’accueil est possible uniquement pour les mobilités courtes n’excédant pas quatre semaines. L’article 1er de la proposition de loi prévoit que les mobilités pourront avoir lieu soit dans le cadre d’une mise en veille du contrat – la responsabilité de l’employeur en matière de santé et de sécurité est alors levée et il n’a pas à verser de rémunération –, soit dans le cadre de la mise à disposition de l’alternant, ce qui permet de maintenir la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de son alternant et la rémunération de ce dernier. Je me réjouis de cette avancée.

Toutefois, il est fort probable que les entreprises ne comprennent pas l’intérêt réel de cette option, pour elles et les apprentis. Nombre d’entreprises m’ont fait part de leur inquiétude quant aux conséquences de cette nouvelle législation. Quelles garantie pouvez-vous leur apporter afin de les rassurer et de les convaincre des bienfaits de votre proposition ?

M. le rapporteur. Je remercie Fanta Berete pour son soutien lors de l’élaboration de cette proposition de loi. Nous avons en effet vécu un moment fort à l’occasion de notre rencontre avec des jeunes travaillant dans un CFA spécialisé dans la réparation automobile à Orly. Un séjour de seulement deux semaines à l’étranger les avait profondément changés ; il avait également amené leurs enseignants à faire évoluer la formation. Ce CFA souhaite que les jeunes repartent à l’étranger. Mais il est confronté à la limite des quatre semaines. Le texte permettra de lever ce frein. Les jeunes ne partent pas à l’étranger principalement pour des raisons financières. Nous devons apporter une réponse pragmatique avec les Opco et les entreprises. C’est l’objet de cette proposition de loi.

Monsieur Catteau, il s’agit bien d’un programme d’échanges : un apprenti français peut aller à l’étranger quand un apprenti étranger est accueilli en France. Comme vous l’avez relevé, un séjour à l’étranger est bénéfique pour les jeunes. Je me réjouis que vous soyez favorable à ce texte. Peut-être votre projet politique va-t-il évoluer...

Monsieur Legrave, la proposition de loi s’inscrit bien dans le prolongement de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel votée en 2018. Notre majorité a toujours favorisé le développement de l’apprentissage car nous pensons qu’il est formateur pour les jeunes et qu’il permet d’obtenir plus facilement un emploi. Votre groupe y est plutôt opposé. Alors que Jean-Luc Mélenchon a été en quelque sorte le ministre des apprentis il y a trente ans, je reste bouche bée devant un tel revirement.

M. Viry a dit nombre de choses avec lesquelles je suis d’accord. Il a mentionné le problème de la maîtrise des langues étrangères, qui a été relevé dans beaucoup de CFA. Mais nombre d’entre nous sont partis étudier à l’étranger avec un niveau de langue parfois moyen. La motivation vient du désir d’aller à l’étranger et le niveau progresse lors du séjour. Cher collègue, vous avez indiqué que vous souhaitiez muscler la proposition. J’étudierai les amendements que vous déposerez en séance publique avec bienveillance.

Je remercie M. Vigier pour son soutien continu au développement de l’apprentissage. Nous partageons la même filiation politique aux côtés de Jean Arthuis.

Vous avez raison, monsieur Delaporte : il n’y a pas assez de mobilités de plus de quatre semaines. Les chiffres que vous avez cités et qui figurent dans mon rapport ne sont pas satisfaisants. La proposition de loi vise précisément à lever les freins et à trouver des solutions pragmatiques pour accroître les échanges à l’étranger pendant plus de quatre semaines. Nous souhaitons aussi une prise en charge obligatoire par les Opco. Des engagements seront pris à cet égard par le Gouvernement en séance publique.

Je remercie M. Christophe pour son soutien sans faille.

Madame Garin, vous avez évoqué à juste titre la contrainte des frais administratifs. Il est hors de question que l’administration empêche le développement de l’apprentissage que nous organisons depuis 2018.

Comme M. Maillot, vous avez abordé la question de la mobilité des apprentis outre-mer. Un système d’échange y existe déjà grâce à des conventions signées avec les États voisins. Pour Mayotte et La Réunion, il s’agit des pays d’Afrique de l’Est. Pour la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, cela concerne l’Amérique du Nord et la façade atlantique de l’Amérique du Sud. Est-ce au niveau de ce que nous souhaitons ? Évidemment non, mais le cadre juridique existe. La possibilité d’aller au-delà de quatre semaines d’échange va renforcer ces mobilités. Le programme Erasmus vise l’Europe mais il repose sur l’idée que les jeunes puissent aussi partir découvrir le monde. Pour que le système fonctionne outre-mer, il est probablement plus efficace de l’organiser avec les pays proches.

Trente-trois pays participent au programme Erasmus+, monsieur Bazin. La proposition de loi vise à accroître les échanges au sein de l’Union européenne, mais la démarche est pragmatique. Pour des raisons de coût, mieux vaut prévoir les échanges outre-mer avec les pays voisins ; c’est aussi plus cohérent avec la zone économique où les jeunes seront amenés à travailler. Il s’agit également d’organiser des échanges avec des pays qui proposent une protection sociale équivalente à celle de la France – ce qui est plus facile avec des pays européens. La proposition de loi assure une telle protection aux apprentis et elle prévoit que celle-ci soit financée ou complétée par les entreprises ou les Opco, le cas échéant.

Monsieur Le Gac, l’action de l’Union européenne et les dispositions de ce texte convergent. La difficulté liée à la limite de quatre semaines relève du cadre juridique français. Cela réduit le nombre d’apprentis français à l’étranger, mais aussi d’apprentis étrangers en France. Il nous revient de lever les freins et c’est ce qui est prévu par cette proposition de loi.

Madame Valentin, il faut en effet une convergence de la prise en charge par les Opco. Les différences figurent dans le rapport et c’est simplement édifiant. Après en avoir discuté avec les représentants des différents Opco, nous proposons que l’un d’entre eux prenne le rôle de chef de file pour déterminer un mode opératoire de l’alternance à l’étranger, probablement en prévoyant des forfaits et des formations en fonction des pays. C’est l’Opco qui dispose du plus grand nombre d’apprentis qui a vocation à le faire. Les représentants des Opco ont dit être disposés à suivre cette voie, qui leur évite de tous faire le même travail coûteux. Ils souhaitent qu’on les laisse s’organiser entre eux, à charge pour nous de mettre en place un cadre juridique stable. C’est ce que nous faisons avec cette proposition de loi.

Article 1er : Assouplir les conditions de mise en œuvre de la mobilité internationale des alternants

La commission adopte les amendements rédactionnels AS15, AS16, AS17 et AS 18 du rapporteur.

Amendement AS26 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement apporte une réponse à une difficulté observée sur le terrain. À l’heure actuelle, certains partenaires étrangers refusent de signer la convention de mise en veille au motif qu’ils ne se considèrent pas liés par des stipulations qui n’intéressent selon eux que les contractants français. Cela constitue un obstacle préjudiciable au développement de la mobilité internationale des alternants.

Par dérogation au régime de droit commun, l’amendement permet que la convention de mise en veille soit conclue entre les seules parties françaises – c’est-à-dire l’apprenti ou le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, le CFA ou l’organisme de formation et l’employeur établi en France. Cette possibilité ne sera toutefois ouverte que dans le cas où l’employeur de l’État d’accueil apportera un certain nombre de garanties à l’alternant, notamment en matière d’organisation de la mobilité et de conditions d’accueil, équivalentes à celles données dans le cadre de la convention de mise en veille de droit commun. Le contenu de celle-ci est largement standardisé – garanties relatives à la relation de travail, à la santé et la sécurité au travail, aux objectifs pédagogiques et à la responsabilité civile. La liste de ces garanties sera fixée par voie réglementaire.

Cette simplification administrative permet d’éviter que l’échange soit bloqué par le refus de signature d’une entreprise étrangère alors qu’elle offre en fait les mêmes garanties.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS19 du rapporteur.

Amendement AS8 de M. Yannick Monnet.

M. Frédéric Maillot (GDR - NUPES). Cet amendement ajoute aux missions des entreprises accueillant des apprentis l’information sur la mobilité nationale et internationale. Cet accompagnement doit se faire en lien avec les référents mobilité des CFA, dont le rôle doit être renforcé.

M. le rapporteur. Vous souhaitez que l’obligation pour l’employeur d’informer l’apprenti sur la mobilité nationale et internationale soit inscrite dans la loi. Pour essentielle que soit la délivrance d’une bonne information sur ce point, il ne paraît pas indispensable d’en faire une obligation légale pesant sur l’employeur.

Certes, la loi prévoit que ce dernier s’engage à faire suivre à l’apprenti la formation dispensée par le CFA ou qu’il veille à l’inscription et à la participation de l’apprenti aux épreuves du diplôme. Mais il s’agit d’obligations légales pesant sur l’apprenti. Il n’est donc pas illogique que la loi implique l’employeur dans la mise en œuvre de ces actions.

Toutefois, l’organisation d’une mobilité ne répond pas à la même logique puisqu’elle ne constitue qu’une faculté pour l’apprenti. Imposer à l’employeur de délivrer une information sur cette question ne semble donc pas justifié. Du reste, la désignation d’un « tuteur mobilité » dans l’entreprise ne suppose pas que la loi le prévoie expressément.

Je rappelle que la loi confie aux CFA la mission d’encourager la mobilité nationale et internationale des apprentis en affectant un personnel à cette tâche. C’est avant tout sur ce point qu’il convient de travailler, en faisant progresser la diffusion de l’information dans les CFA et en veillant au bon déploiement des référents mobilité en leur sein.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels AS20 et AS21 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Simplifier la conclusion de conventions dans le cadre des mobilités dans un organisme de formation

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS23 du rapporteur.

Amendement AS25 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement étend la dérogation introduite par l’article 2 aux CFA dont les enseignements sont dispensés par une autre structure, avec laquelle une convention a été conclue afin de délivrer tout ou partie des enseignements. Cette dérogation concerne les établissements d’enseignement ou organismes de formation ou entreprises qui assurent des enseignements normalement dispensés par le CFA, visés aux articles L. 6232‑1 et L. 6233-1 du code du travail.

Cette disposition offrira une égalité de traitement entre apprentis quelle que soit la structure auprès de laquelle ils sont inscrits, le CFA demeurant responsable de la bonne mise en œuvre du dispositif et de la mise à disposition des pièces justificatives en cas de contrôle.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS22 du rapporteur.

Amendement AS14 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement prévoit que, lorsque la convention qui organise la mobilité est conclue en France, elle est notifiée à l’organisme de formation d’accueil situé à l’étranger. Si l’objectif de faciliter la signature d’une convention peut s’entendre afin de ne pas restreindre les chances de mobilité, l’objet de la convention n’en n’est pas moins important car il conditionnera l’accompagnement – et donc la qualité de l’expérience de l’apprenti ou de l’alternant. Il est nécessaire de notifier la convention conclue à l’organisme d’accueil pour qu’il ait pleine connaissance des objectifs, des modalités de la mobilité et de l’accompagnement. Cela permettra de sécuriser les parties prenantes, notamment le jeune.

Cet amendement va dans le sens de cette proposition de loi en réaffirmant le caractère obligatoire de la conclusion de cette convention.

M. le rapporteur. Votre amendement va à l’encontre de notre objectif de simplification. Par ailleurs, les accords de partenariat comporteront toutes les stipulations relatives aux engagements de l’organisme d’accueil vis-à-vis de l’alternant en mobilité. Il est également prévu qu’une liste nominative des alternants concernés soit annexée à ces accords. Toutes les garanties seront donc apportées pour que les alternants bénéficient d’une protection similaire à celle dont ils disposent actuellement.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS24 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 Favoriser l’harmonisation des prises en charge et garantir une couverture sociale minimale

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Après l’article 3

Amendement AS11 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’étudier la création d’un portail de la mobilité en apprentissage, décliné par région. La plateforme comprendrait une cartographie des dispositifs ainsi qu’un recensement des bourses et des aides qui favorisent la mobilité européenne des apprentis.

M. le rapporteur. En demandant un rapport sur la création d’un portail unique consacré à la mobilité, vous soulevez un point crucial : l’information des apprentis sur les possibilités qui leur sont offertes en matière de mobilité. Selon l’Igas, celle-ci est abondante mais souvent éclatée, et de ce fait peu lisible.

Toutefois, il me semble préférable de laisser le soin à la concertation de préciser les contours de la future plateforme dont la création fait l’unanimité. En outre, je suis réservé sur les demandes de rapport d’autant plus lorsqu’elles émanent d’une proposition de loi. Il appartient aux parlementaires de suivre l’application des textes dont ils sont à l’initiative.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens l’amendement, qui a le mérite de pointer les inégalités d’accès à l’information sur la mobilité. On le sait, les premiers bénéficiaires d’Erasmus sont ceux qui sont déjà les mieux insérés. L’amendement a pour objet de rassembler les informations et de les rendre plus accessibles. Son adoption serait le signe d’une démocratisation des dispositifs de mobilité européenne. À défaut de créer lui-même le portail, le Parlement peut le suggérer.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Tout le monde s’accorde sur la nécessité de créer une plateforme. Si le rapport n’est pas la voie appropriée, comment nous assurer qu’elle verra bien le jour ?

M. Stéphane Viry (LR). Je soutiens également l’amendement.

Monsieur le rapporteur, votre réponse illustre l’erreur de méthodologie de la majorité dans cette législature. Vous devez changer de logiciel sinon vous allez au-devant de nouvelles déconvenues dans les mois à venir. Même si l’approbation d’une demande de rapport contrevient à vos principes, dès lors que vous reconnaissez le besoin de créer un portail, acceptez un amendement de l’opposition qui sert l’objectif que recherche la proposition de loi !

M. le rapporteur. Oui, il faut un portail – le rapport de l’Igas le dit clairement – et tous les opérateurs en sont convaincus. C’est à eux de le mettre en place et à nous d’effectuer le suivi. Nous avons besoin du portail et non d’un rapport.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). La commission pourrait adopter l’amendement afin de manifester son soutien à la création d’un portail, charge au Gouvernement de nous convaincre en séance publique de le retirer en présentant les étapes vers celui-ci.

M. le rapporteur. La commission est souveraine. Mais je répète la ligne de conduite que j’ai adoptée depuis six ans : il appartient aux parlementaires de se saisir de l’application d’une proposition de loi. Nonobstant l’unanimité sur la création d’un portail, je maintiens donc mon avis défavorable. Mais je me plierai à la décision de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS12 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Seuls les CFA les plus volontaristes disposent aujourd’hui d’un référent mobilité. Afin de lutter contre les inégalités territoriales d’accès aux opportunités de mobilité, l’amendement demande au Gouvernement un rapport dressant un état des lieux de la présence des référents mobilité dans les CFA.

M. le rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, je ne suis pas favorable aux demandes de rapport. En outre, le déploiement des référents mobilité a déjà fait l’objet d’une évaluation par l’Igas à l’issue de laquelle elle préconise notamment d’assurer le financement d’un poste à mi-temps de référent mobilité dans chaque CFA. Votre demande me semble donc satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 bis (nouveau) : Rapport au Parlement sur les bourses et aides financières destinées aux apprentis souhaitant effectuer une mobilité

Amendement AS13 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Si les bourses du programme Erasmus 3 ont augmenté, leur montant varie selon le pays de destination. Elles peuvent s’avérer insuffisantes, en particulier pour les étudiants les plus précaires. À défaut de pouvoir agir sur le montant des bourses ou les compléments de ressources, nous demandons un état des lieux des dispositifs de soutien financier ainsi qu’une étude des perspectives d’harmonisation et de hausse de ces aides. Notre ambition est de réduire les inégalités sociales et territoriales d’accès à la mobilité internationale des apprentis.

M. le rapporteur. S’agissant de l’état des lieux, plusieurs études publiées apportent d’ores et déjà des éléments de réponse. Les données de l’observatoire Erasmus+ renseignent sur l’évolution du montant des bourses Erasmus. Ainsi, en 2018-2019, un apprenti percevait-il en moyenne une bourse Erasmus de 860 euros pour la totalité de son séjour à l’étranger, soit 46 euros par jour.

Quant à l’harmonisation et l’augmentation des aides financières, elles concernent l’article 3 que nous venons d’adopter. Nous aurons à nous assurer, dans le cadre du contrôle de la bonne application des lois, de la convergence des niveaux de financement que nous appelons de nos vœux. J’émets donc un avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens l’amendement, qui met le doigt là où cela fait mal. Le Gouvernement doit présenter depuis des mois une réforme des bourses. Il n’alloue pas suffisamment de moyens pour permettre aux jeunes de faire leurs études dans de bonnes conditions. Le rapport de l’Igas le confirme : les inégalités sociales dans l’accès aux bourses sont criantes. Selon l’enquête Génération 2013 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications publiée en 2016, qui porte sur les jeunes sortis du système éducatif en 2012-2013, les séjours longs à l’étranger s’adressent principalement aux plus favorisés – ils représentent 60 % des participants.

Le Parlement doit se saisir des inégalités d’accès. Sinon, les séjours Erasmus ne seront jamais l’outil d’ouverture non seulement professionnelle mais aussi sur l’Europe que nous espérons. Ces séjours participent à la construction du projet européen auquel les catégories populaires adhèrent moins, on le sait. Les inégalités d’accès renforcent l’impression que ceux-ci ne profitent qu’aux plus riches. Adopter l’amendement, c’est envoyer un signal.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement cherche, à juste titre, à remédier aux inégalités d’accès aux bourses Erasmus. Je suis favorable à son adoption parce que le rapport permettrait de tracer un chemin vers une harmonisation garante de la démocratisation de la mobilité internationale. Je déplore votre réserve sur un amendement qui vient enrichir votre proposition de loi.

M. Paul Christophe (HOR). Le groupe Horizons soutient cet amendement d’appel. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a présenté un premier train de mesures visant à étendre et à revaloriser les bourses grâce à une enveloppe de 500 millions d’euros. L’adoption de l’amendement serait une incitation à aller plus loin et à compléter une réforme attendue.

Mme Fanta Berete (RE). Le Gouvernement vient d’annoncer un effort de 500 millions d’euros en faveur de la jeunesse. La ministre s’est engagée à présenter d’autres mesures d’ici au mois de septembre. En pleine semaine consacrée à l’évaluation, je ne comprends pas pourquoi les parlementaires préfèrent les demandes de rapport aux questions adressées directement au Gouvernement. Celles-ci me semblent plus utiles pour obtenir des réponses que la mobilisation de dizaines de personnes pour écrire un rapport que nous n’aurons pas le temps de lire.

Je suis issue d’une famille modeste et j’ai pu partir six mois à l’étranger car mon père avait économisé pour me donner 10 000 francs à l’époque. Le séjour à l’étranger est aussi un projet familial. L’État doit évidemment apporter son soutien – j’espère des mesures complémentaires en septembre – mais les familles prennent aussi leur part.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). L’amendement recueille une approbation transpartisane qu’il convient de souligner. Il est pertinent en particulier dans les territoires d’outre-mer où la pauvreté est plus importante. Les jeunes les plus nantis peuvent y bénéficier des dispositifs de mobilité tandis que la grande majorité, issue de familles défavorisées, en est exclue. Je soutiens avec énergie et conviction l’amendement au nom des territoires d’outre-mer.

M. le rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de mieux accompagner les apprentis, en particulier sur le plan financier. Une harmonisation des montants des bourses est indispensable, et tous les acteurs s’y sont engagés.

Vous connaissez mon opposition de principe aux demandes de rapport. Il me semble de surcroît que votre choix n’est pas la meilleure stratégie pour obtenir l’engagement du Gouvernement que vous attendez. Il serait plus pertinent de retirer l’amendement et de lancer le débat dans l’hémicycle pour recevoir des réponses de la ministre.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.

Après l’article 3

Amendement AS9 de M. Frédéric Maillot.

M. Frédéric Maillot (GDR - NUPES). En tant que fervent défenseur de la préférence régionale, je souhaiterais favoriser les échanges pour les apprentis et les alternants dans les zones géographiquement proches. La Réunion profite d’un environnement océanique riche en diversité et en compétences vers lequel il serait bénéfique de se tourner, d’autant que nous entretenons des liens historiques avec les pays qui le composent.

L’amendement répond à un besoin : la promotion et le développement des échanges académiques dans leur bassin océanique pour les étudiants ultramarins. Les territoires ultramarins connaissent un chômage endémique. La seule réponse à ce fléau est aujourd’hui une mobilité européo-centrée qui, outre qu’elle nous rappelle des pages sombres de notre histoire, est souvent stérile. Chez nous, le Conservatoire national des arts et métiers se vante d’être le premier employeur de la jeunesse. L’amendement vise à y remédier en proposant une mobilité tournée vers des pays avec lesquels nous avons des liens culturels et historiques, gage de réussite universitaire et linguistique.

Les exemples de coopération régionale montrent à quel point les liens universitaires et professionnels avec des pays géographiquement proches sont bénéfiques sur le plan économique. Dans notre bassin, nous avons l’Inde qui forme les meilleurs informaticiens du monde, la Chine qui est la première puissance économique et industrielle mondiale, et l’Afrique du Sud qui dispose des meilleures universités du continent.

M. le rapporteur. Vous demandez au Gouvernement la remise d’un rapport relatif à la mobilité des alternants au sein des territoires ultramarins, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.

Le droit n’ignore pas la question de la mobilité des apprentis ultramarins. Des dispositions en ce sens ont récemment été adoptées. La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », complétée par l’ordonnance du 22 décembre 2022 relative à l’apprentissage transfrontalier, a ouvert la possibilité pour les apprentis qui le souhaitent d’effectuer une partie de leur formation, pratique ou théorique, dans un territoire frontalier. Outre-mer, l’apprentissage transfrontalier peut se développer dans l’environnement géographique direct des collectivités, et ce même en l’absence de frontière physique. Dans le cas de La Réunion et de Mayotte, cela concerne, sous réserve d’accords de réciprocité évidemment, Madagascar et tous les pays de la façade orientale de l’Afrique. Pour la Guadeloupe et la Martinique, ce sont les pays d’Amérique du Nord ainsi que ceux de la façade atlantique de l’Amérique du Sud. Les difficultés juridiques étant levées, restent à surmonter les freins financiers et à obtenir la réciprocité.

Je vous propose d’attendre que ces dispositions soient mises en œuvre avant d’évaluer leur efficacité par le biais d’une mission de contrôle de la commission. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Votre réponse ne me semble pas en phase avec l’objet du rapport qui est de mettre en évidence les freins à la mobilité en outre-mer. Les dispositifs créés par la loi 3DS sont-ils opérants ? Que fait l’État pour les promouvoir ? Rien du tout. Ils restent donc virtuels à ce jour. L’amendement vise à obliger l’État à faire le constat de ses propres carences afin d’y remédier dans l’intérêt des jeunes.

M. le rapporteur. Le décret d’application date du 22 décembre dernier – il y a donc moins de six mois. Les dispositifs sont en train de se mettre en place. Les CFA s’en saisissent en ce moment pour essayer d’organiser des échanges – cela prend du temps. Nous n’en sommes qu’au commencement de l’apprentissage transfrontalier. Je vous propose plutôt de créer une mission parlementaire pour aller sur place voir comment les choses se passent et corriger ce qui doit l’être au fur et à mesure.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Nous pourrions accéder à votre demande, monsieur le rapporteur, si la présidente s’engage à créer une telle mission de contrôle.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Pourquoi pas ? J’appelle néanmoins votre attention sur le grand nombre de demandes déjà formulées ainsi que sur le calendrier passablement chargé de la commission. Je ne pourrai pas vous répondre favorablement dans l’immédiat mais nous pourrons en discuter lors d’une prochaine réunion du bureau de la commission.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Les demandes de mission qui concernent les outre-mer ne sont pas si nombreuses. Ce serait un symbole fort de la part de la commission d’en accepter une.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je me permets de rappeler l’existence de la délégation aux outre-mer à laquelle vous pourriez soumettre votre demande.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour la qualité de nos échanges. Nous souhaitons tous développer l’apprentissage et donner à un plus grand nombre de jeunes la chance de partir à l’étranger. Je suis heureux que nous y contribuions dès la semaine prochaine dans l’hémicycle.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ayant enseigné l’anglais vingt-quatre ans en CFA, je vous assure que l’immersion dans un pays étranger est la meilleure manière de faire des progrès en langue. Les jeunes que j’ai connus sont revenus métamorphosés de leur expérience.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1179_texte-adopte-commission#

 

 


  1  —

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

     Audition conjointe :

– Agence Erasmus + – Mme Nelly Fesseau, directrice, et M. Sébastien Thierry, directeur-adjoint

 Association nationale des apprentis de France (ANAF)  MM. Aurélien Cadiou, président, et Baptiste Bouyer, responsable du pôle représentation et relations institutionnelles

– Fédération nationale des associations régionales de centres de formation d’apprentis (Fnadir) – MM. Pascal Picault, président, et JeanPhilippe Audrain, vice-président

     Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFECGC) – M. Éric Freyburger, délégué national en charge de la formation professionnelle

     Mouvement des entreprises de France (Medef) (*) – Mme Florence Gelot, directrice Éducation formation, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission Affaires publiques

     Euro App Mobility (EAM)  MM. Jean Arthuis, président, et Jean-Claude Bellanger, vice-président

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  —

ANNEXE N° 2 :
Liste des contributions Écrites adressÉes au rapporteur

     CCI France

     CMA France

     Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

     Mouvement des entreprises de France (Medef)

     Euro App Mobility (EAM)


  1  —

   Annexe N° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code du travail

L. 6222-42 et L. 6325-25

2

Code du travail

L. 6222-42 et L. 6325-25

3

Code du travail

L. 6222-44, L. 6325-25, L. 6325-25-1 [nouveau] et L. 6332-14

 


([1]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([2]) https://poem.travail-emploi.gouv.fr/synthese/contrats-d-apprentissage.

([3]) Discours d’Emmanuel Macron, Président de la République, pour une Europe souveraine, unie, démocratique, 26 septembre 2017.

([4]) Inspection générale des affaires sociales, La mobilité européenne des apprentis, rapport établi par Patrice Borel et Mireille Gaüzere, novembre 2017, p. 3.

([5]) Programme Leonardo da Vinci, inauguré en 1995, remplacé par le programme Erasmus+ à compter de 2014, et projet Erasmus Pro. Ce dernier, lancé à l’initiative de la Commission européenne et soutenu par le Conseil franco-allemand du 13 juillet 2017, favorise le développement des mobilités de longue durée.

([6]) Compte rendu intégral de la séance du 24 janvier 2018 (session ordinaire de 2017-2018), p. 295.

([7]) Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([8]) Rapport de Jean Arthuis à Muriel Pénicaud, ministre du travail, Erasmus Pro, Lever les freins à la mobilité des apprentis en Europe, janvier 2018.

([9]) Loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([10]) À la veille de l’adoption de la loi du 29 mars 2018 précitée, le concept de mobilité internationale des apprentis n’était pas entièrement absent du droit français puisque l’article L. 6211-5 du code du travail énonçait la règle selon laquelle « le contenu des relations conventionnelles [liant] l’employeur, l’apprenti et la ou les entreprises d’un autre État susceptibles d’accueillir temporairement l’apprenti [devait être] fixé par décret en Conseil d’État ».

([11]) La rédaction de l’ancien article L. 6211-5 fut reprise à l’article L. 6222-44.

([12]) Sont évoquées ci-après les seules modifications apportées à l’article L. 6222-42 du code du travail.

([13]) Dans ce cas de figure, la couverture de l’apprenti serait assurée, sous réserve des dispositions des conventions internationales de sécurité sociale, par une adhésion à une assurance volontaire.

([14]) 3° du II de l’article L. 6332-14 du code du travail. Ce dispositif, initialement créé par la loi n° 2017‑86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, figurait auparavant à l’article L. 6332-16-1 du code du travail, abrogé par la loi du 5 septembre 2018 précitée.

([15]) L’Observatoire Erasmus+, L’alternance dans Erasmus+, Notes, n° 17, septembre 2021.

([16]) Sont considérés comme d’origine sociale populaire les alternants dont les deux parents sont ouvriers, employés, agriculteurs ou inactifs.

([17]) L’Observatoire Erasmus+, L’alternance dans Erasmus+, op.cit., p. 3.

([18]) Agence Erasmus+, « Projet Mona Mon apprentissage en Europe », communiqué de presse, 30 juin 2022.

([19]) Contribution écrite de CMA France.

([20]) Ofaj, Guide pour la mise en œuvre de la mobilité franco-allemande dans la voie professionnelle.

([21]) L’Observatoire Erasmus+, La participation des entreprises au programme Erasmus+ : motivations et apports, Notes, n° 15, janvier 2021, p. 9.

([22]) L’Observatoire Erasmus+, L’alternance dans Erasmus+, op.cit., p. 5.

([23]) Dares, Synthèse – Contrats d’apprentissage, 29 décembre 2022.

([24]) Dares, Synthèse – Contrats de professionnalisation, 29 décembre 2022.

([25]) L’Observatoire Erasmus+, L’alternance dans Erasmus+, op.cit., p. 11.

([26]) S’il n’est pas considéré comme un salarié ou assimilé dans l’État membre de l’Union européenne d’accueil, l’apprenti ou le titulaire d’un contrat de professionnalisation doit être considéré comme un étudiant et bénéficie à ce titre de la couverture sociale afférente (voir l’instruction interministérielle n° DSS/DACI/2020/42 du 15 mai 2020 relative aux modalités de mise en œuvre de la couverture sociale garantie aux apprentis et bénéficiaires de contrat de professionnalisation partant en mobilité dans un État membre de l’Union européenne en vertu des articles L. 6222-42 et L. 6325-25 du code du travail).

([27]) Rapport d’évaluation (n° 4922, XVe législature) de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel fait par Mme Catherine Fabre et M. Gérard Cherpion, M. Sylvain Maillard et M. Joël Aviragnet, Mme Carole Grandjean et Mme Michèle de Vaucouleurs, janvier 2022, pp. 101-103.

([28]) Inspection générale des affaires sociales, Le développement de la mobilité européenne des apprentis, rapport établi par Mikaël Hautchamp et Cécile Courrèges, décembre 2022.

([29]) Loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017‑1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

([30]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([31]) Ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 visant à assurer la cohérence de diverses dispositions législatives avec la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([32]) En dehors de l’Union européenne, cette couverture est assurée, sous réserve des dispositions des règlements européens et des conventions internationales de sécurité sociale, par une adhésion à une assurance volontaire.

([33]) Article L. 6221-1 et second alinéa de l’article L. 6222-4 du code du travail.

([34]) Arrêté du 22 janvier 2020 relatif au modèle de convention prévu aux articles R. 6222‑66 et R. 6325‑33 du code du travail.

([35]) L’apprenti, l’employeur en France, le centre de formation en France et le centre de formation à l’étranger ainsi que, le cas échéant, l’employeur à l’étranger.

([36]) Arrêté du 22 janvier 2020 relatif au modèle de convention prévu aux articles R. 6222-67 et R. 6325-34 du code du travail.

([37]) Instruction interministérielle no DSS/DACI/2020/42 du 15 mai 2020 relative aux modalités de mise en œuvre de la couverture sociale garantie aux apprentis et bénéficiaires de contrat de professionnalisation partant en mobilité dans un État membre de l’Union européenne en vertu des articles L. 6222-42 et L. 6325-25 du code du travail, p. 2.

([38]) L’article L. 6325-25 a été modifié à la marge par l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 précitée.

([39]) Article L. 6325-13 du code du travail.

([40]) En dehors de l’Union européenne, cette couverture est assurée, sous réserve des dispositions des règlements européens et des conventions internationales de sécurité sociale, par une adhésion à une assurance volontaire.

([41]) Arrêté du 22 janvier 2020 relatif au modèle de convention prévu aux articles R. 6222-66 et R. 6325-33 du code du travail.

([42]) Le bénéficiaire du contrat de professionnalisation, l’employeur en France, l’organisme de formation en France et l’organisme de formation à l’étranger ainsi que, le cas échéant, l’employeur à l’étranger.

([43]) Arrêté du 22 janvier 2020 relatif au modèle de convention prévu aux articles R. 6222-67 et R. 6325-34 du code du travail.

([44]) En application de l’article L. 6222-7-1 du code du travail, « [l]a durée du contrat d’apprentissage, lorsqu’il est conclu pour une durée limitée, ou de la période d’apprentissage, lorsque le contrat d’apprentissage est conclu pour une durée indéterminée, varie entre six mois et trois ans, sous réserve des cas de prolongation prévus à l’article L. 6222-11 ».

([45]) Par cohérence, le dernier alinéa du II, dans sa rédaction actuelle, est supprimé.

([46]) Le III, incompatible dans sa rédaction actuelle avec le nouveau 2° du II, est intégralement réécrit à l’article 2 de la proposition de loi.

([47]) En application de l’article L. 6222-7-1 du code du travail, « [l]a durée du contrat d’apprentissage, lorsqu’il est conclu pour une durée limitée, ou de la période d’apprentissage, lorsque le contrat d’apprentissage est conclu pour une durée indéterminée, varie entre six mois et trois ans, sous réserve des cas de prolongation prévus à l’article L. 6222-11 ».

([48]) En application de l’article L. 6325-11 du code du travail, « [l]’action de professionnalisation d’un contrat de professionnalisation à durée déterminée ou qui se situe au début d’un contrat de professionnalisation à durée indéterminée est d’une durée minimale comprise entre six et douze mois ». Cette durée peut toutefois être allongée.

([49]) Par cohérence, l’avant-dernier alinéa du II, dans sa rédaction actuelle, est supprimé.

([50]) Le III, incompatible dans sa rédaction actuelle avec le nouveau 2° du II, est intégralement réécrit à l’article 2 de la proposition de loi.

([51]) AS25.

([52]) AS22, AS23 et AS24.

([53]) AS13.

([54])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13320501_64520b7a55b3e.commission-des-affaires-sociales--faciliter-la-mobilite-internationale-des-alternants-pour-un--era-3-mai-2023