—  1  —

N° 1180

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 mai 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à rendre obligatoire le pavoisement
des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies

 

PAR M. Mathieu LEFÈVRE

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voir le numéro : 1011.


—  1  —

 

 

 

   SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 5

exposé général

EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

Article unique Apposition sur la façade de chaque mairie du drapeau tricolore et du drapeau européen

1. L’état du droit

2. Le dispositif proposé

3. La position de la Commission

Travaux de la commission

Personnes entendues

Annexe : Étude de la sociÉtÉ française de vexillologie

 


—  1  —

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies comporte un article unique ainsi rédigé :

« Le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade de chaque mairie.

« Le drapeau européen utilisé est celui adopté en 1955 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe.

Les couleurs nationales tiennent la place d’honneur. »

En dépit de l’intérêt qu’elle présentait, cette proposition de loi n’a pas été adoptée par la commission des Lois.

Lors de sa réunion du mercredi 3 mai 2023, la commission des lois a adopté deux amendements de suppression de l’article unique.

Elle n’a, par ailleurs, adopté aucun amendement portant article additionnel.

Ces décisions, qui ont vidé la proposition de loi de son contenu, ont donc abouti, de fait, à un rejet du texte. 

Dès lors, la discussion en séance de la proposition de loi portera en séance sur le texte initialement déposé, conformément à l’alinéa premier de l’article 42 de la Constitution et à l’article 90 du règlement de l’Assemblée nationale.

 

*

*     *


   exposé général

Le drapeau français, formé de trois bandes verticales égales bleue, blanche et rouge, trouve son origine dans la cocarde tricolore apparue lors de la Révolution française.

Le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge

Réunion des couleurs du roi (blanc) et de la ville de Paris (bleu et rouge), c’est d’abord sous la forme d’une cocarde que l’emblème national est né, avant que l’usage des drapeaux ne se développe au XIXe siècle.

La cocarde tricolore fut présentée en ces termes à la fin du mois de juillet 1789 par La Fayette, en sa qualité de commandant de la Garde nationale qui venait d’être créée :

« Je vous apporte, Messieurs, une cocarde qui fera le tour du monde ».

Les bannières tricolores sont présentes lors de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, comme en attestent les nombreux tableaux et gravures d’époque.

La naissance du drapeau tricolore coïncide ainsi avec celle de la Nation française.

Écarté sous la Seconde Restauration (1815-1830) au profit du drapeau blanc, le drapeau tricolore fut rétabli par la Monarchie de Juillet. L’article 67 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830 proclame fièrement que « la France reprend ses couleurs » et qu’« à l’avenir, il ne sera plus porté d’autre cocarde que la cocarde tricolore ».

Lors de la proclamation de la Deuxième République, le 24 février 1848, alors que des insurgés réclament un nouvel emblème national, totalement rouge, Alphonse de Lamartine sauve le drapeau tricolore avec ces mots célèbres :

« le drapeau tricolore a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie » tandis que « le drapeau rouge n’a fait que le tour du Champ de Mars, traîné dans le sang du peuple ».

Depuis lors, l’histoire du drapeau tricolore est intimement liée à l’histoire de la République. Elle charrie avec elle notre imaginaire commun comme les combats pour son affirmation depuis les soldats de l’An II jusqu’aux compagnons de la Libération en passant par les martyrs de Verdun.

L’attachement de la République au drapeau tricolore est exprimé à l’article 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui énonce : « l’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge ».

Cet attachement a d’ailleurs été exprimé par le législateur avec la création d’un délit d’outrage au drapeau français par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure. Ainsi, le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d’amende. Lorsqu’il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (article 433-5-1 du code pénal) ([1]).

*

*     *

Cette histoire est indissociable de celle du Conseil de l’Europe et de la construction de l’Union européenne. Ces institutions portent des promesses de paix, de prospérité et de fraternité à l’échelle du continent.

Le Conseil de l’Europe est fondé le 5 mai 1949, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, dans l’idée de promouvoir les droits de l’homme.

Le 9 décembre 1955, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe décide que le drapeau européen sera un drapeau sur fond bleu ciel, « orné d’étoiles formant un cercle au nombre invariable de douze, symbolisant les idéaux d’unité, de solidarité et d’harmonie entre les peuples d’Europe ».

Aussitôt, en France, de nombreuses municipalités ont décidé spontanément de pavoiser leurs édifices publics aux couleurs de l’Europe. La  circulaire n° 246 du 4 mai 1963 a précisé qu’il n’existait à cela aucune objection de principe dès lors que ces initiatives « concernent effectivement le drapeau adopté en 1955 par le Comité des ministres du conseil de l’Europe : douze étoiles sur champ d’azur ».

Le 11 avril 1983, le Parlement européen propose que ce drapeau devienne l’emblème des Communautés européennes (qui deviendront l’Union européenne). Les 28 et 29 juin 1985, le Conseil européen – composé des chefs d’État et de Gouvernement – adopte le motif du drapeau imaginé par le Conseil de l’Europe. Les institutions de l’Union européenne utilisent ce drapeau depuis 1986.

Enfin, depuis la révision du 25 juin 1992, l’article 88-1 de la Constitution énonce que « la République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences ».

*

*     *

De cette histoire, française et européenne, il résulte une tradition et des usages républicains qui commandent la présence du drapeau national tricolore et du drapeau européen étoilé sur plusieurs catégories d’édifices publics, relevant tant de l’État que des collectivités territoriales.

Pourtant, aucun texte législatif ou réglementaire ne fixe d’obligation générale concernant les règles de pavoisement des édifices publics en France.

De nombreux pays ont fait un choix différent et ont inscrit dans la loi les dispositions protocolaires relatives au pavoisement.

Tel est le cas, selon une étude de la Société française de vexillologie transmise à votre rapporteur (voir en annexe), de l’Australie, de l’Espagne, des États-Unis, de la Grèce, de la Nouvelle-Zélande, de la principauté de Monaco, de la Lituanie, de la Roumanie et de la Slovaquie.

« Pavoisement »

Le pavoisement est le fait de garnir un bâtiment d’étoffes colorées ou de drapeaux.

Ce terme fut d’abord utilisé dans la marine (« le pavoisement des navires »). Par extension, il a désigné le fait d’orner tout bâtiment de drapeaux.

Le terme « pavoisement » vient du mot « pavois » qui désignait un grand bouclier en usage au Moyen Âge. Au sens figuré, le pavois était une tenue exceptionnelle.

● En France, la loi fixe uniquement des dispositions spécifiques de pavoisement permanent pour certains édifices publics relevant du milieu scolaire.  

L’article L. 111-1-1 du code de l’éducation –  issu d’un amendement parlementaire ([2]) adopté lors de l’examen de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République – rend obligatoire le pavoisement des écoles et des établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat. Cet article énonce que « la devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des écoles et des établissements d’enseignement du second degré publics et privés sous contrat ».

Le ministère de l’Éducation nationale a précisé, dans une réponse en date du 12 avril 2018 à la question écrite n° 01964 de M. Jean-Louis Masson, que cette obligation devait être considérée comme une dépense de fonctionnement et qu’il revenait donc aux communes « de prendre en charge les dépenses de pavoisement de leurs écoles ». Il a également établi qu’aucune sanction spécifique n’était attachée au non-respect de cette obligation.

Cette obligation de pavoisement a été étendue à « la façade des centres de formation d’apprentis » par l’article 24 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, codifié à l’article L. 6231-7 du code du travail.

● Le pavoisement permanent des autres édifices publics est, en revanche, une tradition républicaine qui n’a pas de fondement législatif.

Cet usage républicain est largement respecté, en particulier s’agissant des mairies comme l’a confirmé, lors de son audition par votre rapporteur, Madame Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF).

En pratique, les drapeaux sont soit apposés sur la façade, soit hissés sur des mâts sur le toit ou à proximité directe de l’édifice.

Les représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) du ministère de l’Intérieur et des outre-mer ont indiqué à votre rapporteur qu’il n’existait aucun obstacle juridique pour inscrire dans la loi le pavoisement permanent des édifices publics relevant des collectivités territoriales.

● Le pavoisement temporaire ou ponctuel des édifices publics relevant des collectivités territoriales présente un caractère obligatoire, sur un fondement réglementaire, pour les cérémonies organisées à l’initiative du Gouvernement ou à l’initiative d’une autorité publique en vertu de l’article 1er du décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires.

Des instructions de pavoisement aux couleurs nationales sont ainsi établies par le ministre de l’Intérieur, puis transmises par les préfets aux maires, pour l’organisation de cérémonies publiques.

Par ailleurs, une réponse ministérielle a précisé que « le pavoisement aux couleurs de l’Europe est requis à l’occasion de la journée du 9 mai, en association avec les couleurs nationales qui tiennent la place d’honneur (de face, drapeau européen à gauche du drapeau français) » ([3]).

Dates de pavoisement aux couleurs nationales pour l’année 2023

Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

19 mars

Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la Déportation

dernier dimanche d’avril (30 avril)

Commémoration de la victoire du 8 mai 1945

8 mai

Journée de l’Europe (couleurs nationales + couleurs de l’Union européenne).

9 mai

Journée commémorative du souvenir de l’esclavage et de son abolition.

10 mai

Fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme

2ème dimanche de mai

Journée nationale de la Résistance

27 mai

Journée nationale d’hommage aux "morts pour la France" en Indochine

8 juin

Journée nationale commémorative de l’appel du général de Gaulle, le 18 juin 1940, à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi

18 juin

Fête nationale

14 juillet

Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux "Justes" de France

16 juillet si c’est un dimanche, ou le dimanche qui suit

Journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives

25 septembre

Commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918 et hommage rendu à tous les morts pour la France

11 novembre

Journée nationale d’hommage aux morts de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie

5 décembre

Le maire, en sa qualité d’agent de l’État, est responsable du déroulement des cérémonies publiques dans sa commune (3° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales).

Les préfets sont chargés de veiller au respect de ces instructions. Le ministre de l’Intérieur dispose du pouvoir de suspendre les maires ou les adjoints qui méconnaissent les devoirs de leur charge (article L. 2122-16 du code général des collectivités territoriales) ([4]).

Par un arrêt du 1er février 1967 (n° 65484), le Conseil d’État a rejeté le recours d’un maire qui avait été suspendu par arrêté préfectoral après avoir refusé de pavoiser sa commune à l’occasion des cérémonies du 18 juin.

● D’une manière générale, des instructions relatives au pavoisement des édifices publics peuvent également être établies par le Premier ministre pour des occasions particulières, notamment s’agissant du drapeau européen.

Par exemple, la circulaire n° 5305/SG du 20 mai 2008 avait prévu que durant le semestre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne « les édifices publics relevant de l’État devront être pavoisés aux couleurs nationales et aux couleurs de l’Union européenne ».

● Selon un usage républicain, le drapeau européen ne peut toutefois être hissé qu’en y associant les couleurs françaises et sous réserve qu’il soit placé à droite du drapeau français (et donc vu à gauche de ce dernier pour une personne placée face à l’édifice public) ([5]).

Ainsi, le guide du protocole à l’usage des maires, édité par le ministère de l’Intérieur, précise que le drapeau européen est obligatoirement apposé sur les édifices publics, à côté du drapeau français, lors de la journée commémorative du 9 mai (Journée de l’Europe).

Le même guide précise qu’il est aussi possible que les drapeaux d’autres États soient suspendus en haut de mâts lors de certaines cérémonies, mais que leur utilisation doit toujours être accompagnée du drapeau national. Il n’existe pas de règles de préséance entre les drapeaux d’États étrangers. Il est cependant recommandé, lors du pavoisement de plusieurs pavillons de pays étrangers, de classer les drapeaux de ces pays par ordre alphabétique et dans la langue du pays d’origine.

Le guide précise encore que des insignes et emblèmes régionaux ou départementaux peuvent être apposés sur les édifices publics, à condition que ce pavoisement soit temporaire et que le drapeau national soit à la place d’honneur.

La place d’honneur dépend du dispositif et du nombre de drapeaux hissés ou apposés. Elle est définie ainsi dans la documentation publiée notamment par le ministère des Armées :

- à droite lorsque les drapeaux sont au nombre de deux ;

- au centre lorsque les drapeaux sont au nombre de trois ;

- tout à gauche lorsqu'il y a plus de trois drapeaux.

● Les mêmes règles et usages s’appliquent en outre-mer.

L’usage du drapeau européen dans les collectivités d’outre-mer ne pose pas de difficultés tant pour celles qui relèvent du statut des régions ultrapériphériques (RUP) que pour celles qui constituent des pays et territoires d’outre-mer (PTOM) au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les RUP font, en effet, partie intégrante de l’Union européenne avec des possibilités accrues d’adaptations du droit européen.

Les PTOM font, quant à eux, l’objet d’une association étroite avec l’Union européenne. À noter que les PTOM français font, en tout état de cause, partie du Conseil de l’Europe.

L’Union européenne et la France des outre-mer

Les régions ultrapériphériques (RUP) sont définies à l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En France, la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte, La Réunion et Saint-Martin sont des RUP.

Les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) sont définis à l’article 198 du TFUE. Il s’agit de dépendances et territoires d’outre-mer des États membres, mais qui ne font toutefois pas partie intégrante de l’Union européenne elle-même. En France, les PTOM sont la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances, la Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises, les îles Wallis et Futuna et Saint-Barthélemy. Le régime applicable est celui d’une association renforcée avec l’Union européenne. Les citoyens des PTOM qui disposent de la citoyenneté d’un État membre disposent automatiquement de la citoyenneté européenne.

*

*     *

Compte tenu de leur importance dans notre histoire, la présente proposition de loi vise à rendre obligatoire le pavoisement des mairies avec l’apposition du drapeau français et du drapeau européen sur leur fronton.

Symbole de proximité, la mairie est un édifice républicain bien identifié et auquel les Français sont profondément attachés.

En rendant obligatoire l’ornement de leur façade par les drapeaux français et européen, la présente proposition de loi tend à exprimer l’attachement de la représentation nationale à la Nation et à la construction européenne.

Outre sa force symbolique, la présente proposition de loi doit permettre de renforcer l’unité de la pratique du pavoisement sur le territoire national.

Elle consacre l’usage républicain selon lequel le drapeau national conserve la place d’honneur.

De façon similaire à ce qui a été prévu pour le pavoisement en milieu scolaire, le pavoisement des mairies avec le drapeau national et le drapeau européen a vocation à s’appliquer de façon uniforme sur le territoire français.

 

Notion juridique de « mairie »

Bien que la notion de mairie ne soit pas définie dans la loi, il est admis qu’il s’agit de l’édifice public qui abrite l’administration communale à titre principal.

Cela se déduit du 1° de l’article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales, qui impose aux communes d’entretenir un « hôtel de ville ».

De nombreuses dispositions législatives visent la « mairie » comme le lieu où doit être accomplie une formalité, la plus connue étant sans doute l’article 75 du code civil relatif à la célébration des mariages. L’article 166 du même code prévoit que les bans doivent y être publiés préalablement.

Le législateur fait aussi référence à la mairie :

– pour la mise à disposition du public de documents (articles L. 421-8 du code de l’action sociale et des familles, 261-1 du code de procédure pénale, et L. 342-21 du code de tourisme) ;

– pour un affichage (articles L. 2391-5 du code de la défense, 327 du code des douanes, L. 433-10 du code de l’énergie, L. 1411-13 du code général des collectivités territoriales, 1510 et 1521 du code général des impôts, L. 251-4 et L. 251-8 du code de justice militaire, 241-2 et 251-20 du code minier, 860 du code de procédure pénale, et L. 121-12 du code rural et de la pêche maritime) ;

–  ou encore pour une formalité à accomplir (articles L. 131-1 du code de l’action sociale et des familles, 324 du code des douanes, 847 du code de procédure pénale, et L. 113-2 du code du service national).

Le fait de travailler dans une « mairie » peut aussi constituer une circonstance aggravante de l’infraction visée à l’article L. 92 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

*

*     *

 


   EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI

Article unique
Apposition sur la façade de chaque mairie du drapeau tricolore et du drapeau européen

Supprimé par la commission

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend obligatoire l’apposition des drapeaux tricolore et européen sur le fronton des mairies. Il précise que la place d’honneur doit revenir aux couleurs nationales.

● Dernières modifications législatives intervenues

L’article 24 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, codifié à l’article L. 6231-7 du code du travail, a prévu l’apposition des drapeaux tricolore et européen sur « la façade des centres de formation d’apprentis ».

● Position de la commission

La commission a supprimé le présent article.

1.   L’état du droit

● L’article 2 de la Constitution prévoit que « l’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge ». L’article 88-1 énonce que « la République participe à l’Union européenne ».

Le pavoisement permanent des mairies, avec l’apposition sur leur façade ou à proximité des drapeaux français et européen, relève d’un usage républicain. Il n’est pas régi par la loi.

Le pavoisement temporaire des édifices publics relevant des collectivités territoriales peut être rendu obligatoire sur un fondement réglementaire lors de l’organisation de cérémonies publiques – décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires – ou d’évènements particuliers par voie d’instructions transmises par les préfets.

● Le principe de libre administration des collectivités territoriales issu de l’article 72 de la Constitution, implique notamment que les obligations et les charges auxquelles la loi assujettit les collectivités territoriales ou leurs groupements répondent à « des exigences constitutionnelles » ou concourent à « des fins d’intérêt général ». Elles doivent également être « définies de façon suffisamment précise quant à leur objet et à leur portée » (décision nº 2000-436 DC du 7 décembre 2000 « Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains »).

2.   Le dispositif proposé

● Le présent article comporte trois alinéas.

Le premier alinéa prévoit que « le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade de chaque mairie ».

Il consacre ainsi une tradition républicaine, en rendant obligatoire le pavoisement permanent des mairies avec l’apposition sur leur fronton des drapeaux français et européen.

Le deuxième alinéa dispose que « le drapeau européen utilisé est celui adopté en 1955 par le comité des ministres du Conseil de l’Europe », c’est-à-dire le drapeau sur fond bleu orné d’étoiles formant un cercle au nombre invariable de douze, symbolisant les idéaux d’unité, de solidarité et d’harmonie entre les peuples d’Europe.

 Enfin, le troisième alinéa énonce que « les couleurs nationales tiennent la place d’honneur ».

Autrement dit, et selon l’usage républicain, le drapeau tricolore doit être à droite du drapeau européen en regardant l’édifice public. Lorsque trois drapeaux sont apposés – avec par exemple l’apposition d’un drapeau régional – le drapeau français doit être au centre. Lorsque plus de trois drapeaux sont présents, le drapeau français doit être tout à gauche.

● Le présent article clarifie les règles de pavoisement et les définit selon des principes issus de l’article 2 (pour le drapeau français) et 88-1 (pour le drapeau européen) de la Constitution.

Il permet d’unifier la pratique du pavoisement des mairies sur le territoire national et il conforte les usages républicains en la matière.

Il répond ainsi à un motif d’intérêt général.

Ce faisant, il respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales, ainsi que les représentants de la DGCL auditionnés l’ont confirmé à votre rapporteur.

3.   La position de la Commission

En dépit d’un avis défavorable de votre rapporteur, la Commission a adopté deux amendements de suppression du présent article.

*

*     *

 

   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 3 mai 2023, la Commission examine la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies (n° 1011) (M. Mathieu Lefèvre, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/9vqNu3

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies, qui sera débattue en séance publique le 9 mai prochain.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Cette proposition de loi vise à conforter un usage républicain et une pratique répandue, celle du pavoisement des drapeaux français et européen sur nos mairies. J’en assume la portée symbolique, d’autant que ce texte viendra en séance publique pour la Journée de l’Europe, anniversaire de la déclaration de Robert Schuman.

Nous voulons ainsi réaffirmer notre attachement au drapeau français – si l’emblème tricolore figure dans la Constitution, il n’existe aucune obligation légale de pavoisement – mais aussi à la construction européenne. Je précise que le drapeau européen est d’abord celui du Conseil de l’Europe, et non celui de l’Union européenne comme j’ai pu le lire ces derniers jours.

Dans le contexte du Brexit comme de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, il paraît essentiel de rappeler les valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés : les droits de l’homme, la cohésion des États souverains membres de l’Union européenne, le pluralisme, la démocratie.

J’ai lu que ce texte ne relevait pas du domaine législatif. Je rappelle que l’obligation de pavoisement des écoles et des centres de formation d’apprentis a été inscrite dans la loi en 2013, à la suite d’un amendement de M. Rudy Salles du groupe UMP, aujourd’hui groupe Les Républicains, voté à l’unanimité. La direction générale des collectivités locales nous a d’ailleurs indiqué que rien ne s’opposait à l’inscription de cette pratique dans la loi.

Je proposerai un amendement de rédaction globale de l’article unique, afin d’inscrire la disposition dans le code général des collectivités territoriales, par souci de cohérence et de lisibilité.

La rédaction que nous proposons est suffisamment souple pour que les drapeaux ne doivent pas être forcément au fronton même des mairies, pour ne pas trop contraindre les collectivités.

Il s’agit donc de redire l’attachement des Français et de la représentation nationale à nos municipalités, symbole fort de proximité républicaine. Je ne suis pas opposé à l’extension de cette obligation à d’autres collectivités. En revanche, l’élargissement à des édifices publics au sens large me semble excéder le champ de cette proposition de loi.

M. le président Sacha Houlié. Nous entendons maintenant les porte-parole des groupes.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Cette proposition de loi importante donnera un cadre légal au pavoisement de nos mairies et, je l’espère, de nos sièges de conseils régionaux, de conseils départementaux et d’établissements publics de coopération intercommunale – bref, de tous les lieux où s’exerce le pouvoir démocratique et républicain dans nos collectivités territoriales. Nous rejoignons là la pratique de très nombreux pays et comblons un vide juridique, puisque le pavoisement est seulement obligatoire pour les établissements scolaires et d’apprentissage.

On pourrait penser que la coutume suffit, mais quand je vois que certains peuvent utiliser notre hymne national, lui aussi inscrit à l’article 2 de la Constitution, pour faire taire l’hémicycle et pour pourrir nos débats, je me dis que, partout et toujours, il faut conforter la République et la démocratie.

Ce texte rappelle que notre drapeau est le symbole de notre souveraineté. Celle-ci s’incarne aussi en partie dans une construction commune, celle du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, qui ont choisi le même drapeau. Fidèles aux articles 2 et 88 de notre Constitution, nous considérons que notre emblème national doit être accompagné du drapeau européen. C’est d’ailleurs le cas dans l’hémicycle.

N’oublions jamais que l’origine de la construction européenne se trouve dans les deux conflits mondiaux, nés en Europe, qui ont ravagé notre continent au siècle dernier, dans les camps de concentration et d’extermination, dans le « plus jamais ça », qui ne furent pas des points de détail de l’histoire mais ont rappelé que le retour de la barbarie était possible dans toute civilisation. La construction européenne est l’œuvre de femmes et d’hommes meurtris qui ont pensé une Europe des nations démocratiques, une construction commune et une souveraineté partagée pour éviter de nouvelles guerres. C’est ce que nous rappellent nos amis ukrainiens, qui ne rêvent que de nous rejoindre pour échapper aux diktats de ceux qui n’acceptent ni la démocratie, ni la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, ni les droits de l’homme et du citoyen.

Cette souveraineté partagée, c’est d’abord celle de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme que nous réaffirmons ici.

Merci, monsieur le rapporteur, de cette initiative.

M. Thomas Ménagé (RN). Quelle étonnante leçon d’histoire de M. Rebeyrotte, qui a été rappelé à l’ordre pour avoir fait un salut nazi dans l’hémicycle !

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Pour vous condamner, monsieur !

M. Thomas Ménagé (RN). Notre pays connaît une situation économique et sécuritaire qui appelle des réformes sérieuses, profondes et justes. Alors que les Français souffrent, se préoccuper de pavoiser nos mairies avec le drapeau européen paraît bien éloigné de la réalité du terrain.

Ce texte est révélateur de deux tendances propres au macronisme.

La première, c’est l’affichage et la communication : alors que nos concitoyens nous parlent du pouvoir d’achat, des prix de l’alimentation et de l’énergie ou des difficultés à se soigner, vous leur répondez drapeau, après avoir annoncé, mais sans aucune proposition concrète, cent jours pour redresser un pays que vous avez vous-mêmes détruit. Adeptes de l’effort inutile, vous voulez créer une obligation que personne ne considère comme nécessaire. Il suffit de jeter un œil sur les propositions de la présidence du groupe Renaissance pour prendre conscience de vos priorités !

On nous dira que cette proposition de loi est symbolique. L’heure n’est pas aux symboles, mais aux actes concrets pour améliorer la vie des Français. Quelle image donne la représentation nationale quand elle discute du sexe des anges pendant que les Français ne peuvent plus se nourrir, se soigner ou se chauffer correctement ?

En 2005, ces mêmes Français ont majoritairement rejeté, par référendum, le traité établissant une Constitution pour l’Europe. En votant non, ils ont refusé le fédéralisme et les États-Unis d’Europe fantasmés par certains. Comme pour la réforme des retraites, la volonté populaire a été niée. Votre proposition de pavoiser les mairies avec le drapeau européen rappelle aux Français que leur vote a été violé. Ils n’ont jamais reconnu de valeur officielle à ce symbole. Dès lors qu’aucune mairie n’est empêchée de s’en pavoiser si elle le souhaite, nous assistons bien à une de ces opérations de communication politique incessantes de la majorité, qui pense pouvoir tendre des pièges à ses adversaires pour les accuser stérilement d’anti-européisme primaire.

La deuxième tendance, c’est celle de l’inflation normative. Cette proposition de loi ne crée aucun droit nouveau, aucune liberté nouvelle ; comme à l’accoutumée, le macronisme utilise la loi pour faire peser une nouvelle contrainte sur les collectivités locales, déjà assaillies de normes plus incohérentes les unes que les autres. Le groupe Renaissance ne nous propose rien de concret pour desserrer l’étau autour de nos communes ; il préfère créer une nouvelle obligation, notamment financière – car il faudra bien les acheter, ces drapeaux !

Bref, voilà une proposition de loi pour régler un problème qui n’existe pas. Si vous rencontrez des maires, ils vous le diront. Vous nous faites perdre notre temps.

Le groupe Rassemblement national aurait préféré examiner des textes qui donnent de nouvelles libertés à nos communes, qui les aident à faire face à la hausse des coûts de l’énergie qui rogne leurs capacités d’investissement et leur vitalité, qui facilitent leur gestion, ou encore qui instaurent un véritable statut protecteur de l’élu local. Rien de tout cela n’est proposé, mais nous gardons l’espoir, même si c’est de plus en plus difficile, d’un sursaut de réalisme politique qui nous amènerait à traiter des vrais sujets.

Le Rassemblement national a toujours défendu une Europe des nations et des coopérations, celle qui a permis l’avènement d’Airbus et d’Ariane et qui a soutenu notre prospérité.

Le groupe Renaissance choisit d’oublier l’essentiel pour se concentrer sur l’accessoire. Les Français espèrent pourtant des actions. Ils n’attendent plus rien de vous, comme le montrent toutes les enquêtes d’opinion. En revanche, ils pourront compter sur nous dans les prochaines années !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Décidément, collègues macronistes, vous abaissez notre assemblée ! Empêtrés dans la réforme des retraites, vous ne savez plus quoi inventer et vous nous ensevelissez sous des textes sans consistance ni intérêt. Le rapporteur l’a dit lui-même ce matin sur RMC : « Ce texte ne répond pas aux défis politiques et sociaux du moment, incontestablement. » C’est bien de l’avouer ! Mais ce n’est pas comme cela que vous tournerez la page des retraites – comptez sur nous pour vous rappeler que c’est le sujet du moment.

Pour distraire l’Assemblée nationale, nous parlons donc aujourd’hui d’une nouvelle obligation, celle de pavoiser toutes les mairies de France des drapeaux français et européen. Il y avait apparemment urgence à régler ce problème épineux, plutôt que de parler de la gestion catastrophique du maintien de l’ordre par M. Darmanin, que la commission des lois, dont c’est le rôle, aurait pu auditionner.

Je ne reviens pas sur la question de l’Europe. Je note seulement qu’il n’y a qu’avec la Commission européenne que vous êtes honnêtes : en envoyant le programme de stabilité 2022-2027 à Bruxelles, vous avez confirmé que vous feriez de nouveaux cadeaux aux entreprises « tout en garantissant la soutenabilité de nos finances publiques via une maîtrise de la dépense publique sur tous les sous-secteurs […]. Une réforme des retraites […] contribuera notamment à cet objectif. » C’est finalement bien utile, l’Union européenne, pour savoir à quoi votre politique sert réellement !

Le drapeau européen figurait dans le traité constitutionnel européen de 2005, rejeté par référendum. Les symboles européens ont été explicitement retirés du traité de Lisbonne négocié par la suite par Nicolas Sarkozy, précisément pour cette raison. Chers collègues Les Républicains, j’espère qu’il vous reste un peu de sarkozysme !

Cette proposition de loi est de surcroît contraire au principe de la libre administration des communes, garantie par l’article 72 de la Constitution.

En outre, dans la plupart des communes, le drapeau européen est déjà là. Vous créez un clivage sur un sujet qui ne crée pas de conflit dans l’essentiel des communes !

Vous vous rendez compte vous-même du ridicule de la situation, puisque vous allez défendre un amendement pour que les drapeaux puissent se trouver ailleurs que sur le fronton de la mairie : quand il n’y a qu’un seul mât, il faut éviter une dépense supplémentaire pour en déployer deux… Voilà où nous en sommes !

Enfin, puisqu’il est question de symboles, je veux vous rappeler l’origine du drapeau européen. C’est un symbole religieux. Son créateur lui-même a dit dans la revue catholique Magnificat qu’il s’était inspiré d’une médaille de la Vierge Marie, et qu’il était heureux que le symbole de l’Europe soit celui de Notre-Dame. À sa mort, sa veuve a dit : « Il fallait garder le secret, car il n’y a pas que la religion catholique en Europe. »

S’il y a encore ici quelques laïcs, on pourrait discuter de ce drapeau et proposer d’y faire figurer vingt-sept étoiles, par exemple, comme les vingt-sept pays de l’Union. En tout cas, nous ne tomberons pas dans votre piège et ne voterons pas cette proposition de loi de diversion.

M. le président Sacha Houlié. Nous avons entendu le ministre de l’intérieur le 5 avril dernier. Mais je comprends qu’il vous manque : nous le recevrons à nouveau très bientôt.

M. Philippe Gosselin (LR). Je le dis en souriant, l’une des sources de ce texte est un amendement que j’avais déposé dans le cadre du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Il avait curieusement été déclaré irrecevable sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, donc comme n’ayant aucun lien direct ou indirect avec le texte. Surpris, j’avais réagi par une proposition de loi. Mais il s’agissait plutôt pour moi de prendre date que de faire voter un texte dont on peut douter de l’utilité !

Le drapeau tricolore est clairement inscrit dans l’article 2 de la Constitution, et de façon éparse dans le code de l’éducation ou le code du travail. De façon coutumière, les collectivités – et non seulement les mairies – affichent le drapeau français, à côté parfois d’emblèmes régionaux. Dans ma commune, le drapeau normand flotte fièrement et je ne doute pas qu’il en aille de même avec d’autres drapeaux sous d’autres cieux.

Ce qui n’est pas interdit est autorisé. En revanche, on peut s’interroger sur l’inflation législative. En 1992, le Conseil d’État avait déploré la « logorrhée législative et réglementaire ». Nous sommes les premiers à nous en plaindre… et à y contribuer sans cesse ! La Première ministre se gargarisait récemment du nombre de lois votées depuis son arrivée à Matignon, comme si c’était un bon moyen de juger de la réussite d’un gouvernement.

Parfois, il serait bon de laisser les collectivités, les entreprises et les citoyens respirer. Je ne pense pas que ce texte soit très attendu : j’ai rencontré une soixantaine de maires dans ma circonscription, et ils n’y sont pas follement attachés, même s’ils pavoisent eux-mêmes leurs mairies sans aucune difficulté.

On pourrait se poser la question de rendre obligatoire le seul drapeau français, même s’il est prévu que nous nous retrouvions en séance le 9 mai, Journée de l’Europe – le symbole ne nous a pas échappé. Le drapeau européen serait alors facultatif, ce qui est déjà le cas.

Vous comprenez mon embarras. En tout cas, nous ne comptons pas rejouer la bataille d’Hernani pour ce texte. Nous avons quelques heures, sinon à perdre, du moins à passer en commission sur ce sujet, mais il nous laisse dubitatifs.

J’avais, dans le même ordre d’idée, proposé que la coutume, qui remonte à la IIIe République, d’afficher dans les salles de conseil municipal le portrait du Président de la République soit également inscrite dans la loi. Peut-être nous aiderons-nous mutuellement à voter ces nouveaux textes ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Il y a quelques jours, la Première ministre a présenté sa feuille de route, destinée à répondre aux attentes et aux inquiétudes des Français, qui attendent des solutions concrètes aux grands défis de notre temps. Le groupe Dem est sensible à ces mots.

Cette proposition de loi, en revanche, ne nous semble pas répondre aux préoccupations de nos compatriotes comme des élus de nos communes. Nous n’avons pas connaissance de conflits sur ce sujet et nous ne disposons d’aucun état des lieux quantitatif. Je constate, de façon empirique, que l’écrasante majorité de nos maires sont républicains. Les communes qui refusent ou omettent le drapeau tricolore sont rarissimes. Nos compatriotes identifient même le plus souvent la mairie au fait qu’elle est pavoisée.

Vous connaissez notre attachement à l’Europe, et imaginiez sans doute que nous serions très favorables à ce texte. Mais il nous semble que la question européenne ne saurait se résumer à un drapeau. Nous craignons d’ailleurs plutôt une nouvelle occasion de honnir l’Europe – il n’est pas utile de rappeler les débats qui eurent lieu en 2007 quand la ministre déléguée aux affaires européennes a proposé d’introduire le drapeau européen dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale aux côtés du drapeau français.

La question de la libre administration des communes a déjà été soulevée – mon village est pavoisé en ce moment avec le drapeau de l’Ukraine, et il est important de leur laisser cette liberté. Elles attendent plutôt de nous un soutien financier et d’ingénierie. Cette proposition de loi créerait d’ailleurs une dépense nouvelle pour les communes, non négligeable pour les plus petites.

Nous voulons répondre aux préoccupations de nos concitoyens, et les chantiers sont nombreux : renforcement des moyens de la justice, plein emploi, réindustrialisation, logement, transition écologique, accès aux services publics, réflexion sur nos institutions… Nous serons à vos côtés pour aborder ces problèmes. Nous sommes attachés comme vous aux usages républicains et à l’unité de la nation. Reste que notre pays a besoin d’un climat pacifié et apaisé. C’est pourquoi nous laisserons la commission des lois juger de l’opportunité de ce dispositif.

M. Hervé Saulignac (SOC). La majorité reproche souvent à l’opposition de ne traiter que de petits sujets. Vous admettrez que celui que vous nous proposez ce matin ne relève pas d’une urgence absolue. Nous aimerions plutôt vous voir légiférer sur les déserts médicaux, sur l’appauvrissement des Français, sur la crise démocratique, sur l’ubérisation de la société, sur le malaise de l’école… Vous préférez nous occuper deux journées, en commission puis en séance, pour accrocher deux drapeaux sur les mairies de nos villages !

La tradition républicaine du pavoisement n’a jamais été consacrée par une obligation législative ou réglementaire, à l’inverse de nombreux autres pays. La France s’en porte-t-elle plus mal ? Certainement pas. La mairie est toujours bien identifiée ; c’est un symbole de proximité. C’est là que se prennent des décisions qui touchent à la vie quotidienne : en général, on n’y délibère pas pour amuser la galerie. Elle est aussi parfois le dernier service public du village : après la fermeture de l’école, du bureau de poste, de la perception, de la brigade de gendarmerie, il reste l’état civil, quelques pouvoirs de police et une démocratie locale tellement précieuse.

Nous contribuerons à arborer ces drapeaux, car les socialistes sont attachés aux valeurs républicaines, comme à une Europe qui protège les nations. Néanmoins, quand les manifestations continuent de rassembler les foules, quand l’inflation ruine certains de nos compatriotes et que d’autres doivent faire 50 kilomètres pour se rendre aux urgences, et alors que le Président de la République vous a demandé de l’audace pour trouver le chemin de l’apaisement, répondre par ce symbole paraît léger.

Vous créez en outre une obligation de dépense supplémentaire pour les communes – vous aimez les contraintes. Mais 70 % des communes comptent moins de 1 000 habitants, et leurs maires n’ont pas un kopeck à mettre dans des drapeaux. Dans un souci d’apaisement, je suppose que vous aurez prévu d’ici à la discussion en séance publique les modalités de prise en charge de cette dépense – plusieurs milliers d’euros pour un motif somme toute futile. À défaut, je ne vous garantis pas l’apaisement chez les maires de ces petites communes.

M. Philippe Pradal (HOR). Le drapeau tricolore est un symbole de la République française, comme l’a dit Lamartine : « La France et le drapeau tricolore, c’est une même pensée, un même prestige, une même terreur au besoin pour nos ennemis. » Il symbolise l’unité de notre nation ; à ses côtés, le drapeau de l’Union européenne, fort de ses douze étoiles dorées sur fond bleu, rappelle l’unité, la solidarité et l’harmonie entre les peuples européens.

Le groupe Horizons et apparentés soutiendra cette proposition de loi.

D’abord, nous sommes profondément convaincus que les symboles nationaux permettent de renforcer l’unité de la nation en construisant une mémoire et une histoire communes. Le symbole de Marianne, comme le drapeau tricolore, sont intrinsèquement liés à la Révolution et accompagnent l’émergence de la nation républicaine. Ils incarnent notre histoire et forment la base de notre culture commune. Il nous paraît pertinent de prévoir ce pavoisement sur l’ensemble des 34 955 mairies françaises : c’est le symbole de la présence de l’État dans les territoires, et de notre attachement à une histoire partagée.

Ensuite, nous sommes profondément attachés à la construction européenne. Les douze étoiles du drapeau, qui représentent le mouvement dans la stabilité, sont plus que jamais d’actualité. L’unité des peuples européens est chaque jour plus déterminante à l’heure où la guerre est à nos portes. Le drapeau européen symbolise une Europe souveraine, unie et démocratique, que nous devons nous atteler à protéger, à développer et à chérir, car c’est l’arme la plus puissance dont nous disposions face aux défis de demain.

Nous nous étonnons donc de certains amendements qui, tout en souhaitant l’installation du drapeau français sur les préfectures, commissariats, casernes et autres bâtiments publics, veulent exclure le drapeau européen.

La force du symbole se passe de mots : ce double pavoisement reflète notre fidélité à notre histoire et notre volonté d’un avenir commun. « Oui, c’est l’Europe, depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, c’est toute l’Europe qui décidera du destin du monde ! » a dit le général de Gaulle. Nombre de nos compatriotes ont dû se battre pour défendre les valeurs incarnées par le drapeau tricolore, et celui de l’Europe incarne la paix que le génie des peuples européens a su construire sans reniement.

Nous appelons toutefois l’attention du rapporteur sur le coût important que peuvent représenter l’achat et l’installation de ces drapeaux pour les communes, notamment les plus petites. Contraints par les règles de recevabilité des amendements, nous ne pouvons que demander un rapport sur ce sujet, mais insistons en faveur d’un financement par l’État de ce dispositif.

Le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de loi et espère que le Gouvernement donnera les moyens aux maires de répondre à cet appel républicain.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). Les députés de la majorité présidentielle et néanmoins relative, qui n’ont pas eu le courage de s’opposer aux derniers coups de force de l’exécutif contre notre assemblée, ce qui est grave, se trouvent réduits à nous proposer de légiférer sur des drapeaux. Il n’y a pas de quoi pavoiser, si vous me permettez l’expression.

Sur la question européenne, les symboles ne suffisent pas. Trois exemples : sur les pesticides, le Gouvernement a voulu déroger à l’interdiction des néonicotinoïdes, et cette décision a été cassée par la Cour de justice de l’Union européenne ; sur la préservation de la ressource halieutique, le Gouvernement détourne la réglementation européenne en autorisant les thoniers français à pratiquer des pesées globales et non espèce par espèce, rendant caduque la politique des quotas, ce qui nous a valu une mise en demeure de la Commission européenne ; sur la protection des oiseaux, le Gouvernement a autorisé la chasse à la glu, violant les directives européennes et obligeant la Commission européenne à délivrer un sévère rappel à l’ordre.

Sur le plan politique, nous pouvons également regretter le manque de courage des positions françaises pour faire respecter les valeurs humanistes qui fondent le projet européen. Je pense notamment à la Pologne et à la Hongrie, où le droit à l’avortement est gravement remis en cause et où l’État de droit et les libertés publiques sont attaqués.

Les écologistes sont viscéralement attachés à la construction européenne. Nous voulons une défense européenne, une intégration fiscale, y compris en abandonnant l’unanimité, une Europe ambitieuse sur les questions climatiques et environnementales, une Europe qui pèse davantage sur la scène internationale, une Europe humaniste, sociale, démocratique et, à terme, fédérale.

En France, nous ne sommes pas tous d’accord sur ce que devraient être les institutions de la République, et encore moins sur les politiques publiques à mener ; nous sommes pourtant tous attachés au drapeau. Les écologistes estiment qu’il en va de même pour le drapeau européen. Un drapeau est un signe de ralliement, d’appartenance ; en pavoiser nos mairies, c’est prendre conscience de nos valeurs communes, c’est montrer que nous, citoyens français, sommes aussi citoyens européens. C’est prendre conscience de notre communauté de destin.

Si légiférer sur la question du drapeau a quelque chose de dérisoire, et ne suffit certainement pas à rendre ambitieuse votre politique européenne, les écologistes voteront en faveur de cette proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cette proposition de loi de nos collègues du groupe Renaissance a toutes les couleurs d’une opération politicienne. C’est peu dire qu’elle est éloignée des attentes de nos concitoyens, qui s’expriment fortement en ce moment – parfois même à l’aide de dispositifs sonores portatifs. Le groupe Gauche démocrate et républicaine ne soutiendra pas ce texte et ne participera pas à l’opération « tourner la page ».

Je passe sur l’empilement législatif tant décrié par le Président de la République lui-même.

En 2019, le ministre de l’intérieur, M. Castaner, répondant à une question écrite sur ce sujet, montrait quelque considération pour les collectivités, écrivant que « le principe de libre administration leur garantit de pouvoir librement organiser le pavoisement des édifices leur appartenant », et ajoutant : « Ce dispositif équilibré confère au pavoisement une valeur commémorative et honorifique qu’il convient de préserver, en ne le banalisant pas. » Je partage cette analyse.

Nous ne voyons aucun intérêt à cette proposition de loi, à part caresser le groupe LR dans le sens du poil pour élargir la majorité, puisqu’ils ont manifesté à plusieurs reprises leur volonté de voir le drapeau tricolore ondoyer sur le fronton de toutes les mairies – même si je ne veux pas parler à leur place.

Vous cherchez peut-être à réaffirmer l’europhilie de la France ? Commencez alors par respecter les règles communautaires, au lieu d’enchaîner les condamnations – je ne citerai que les conditions de détention ou les violences exercées dans le cadre du maintien de l’ordre.

À moins encore qu’il ne s’agisse de lutter contre la défiance que nourrissent les citoyens à l’égard des institutions européennes ? Il serait alors étrange de continuer dans la lignée de Nicolas Sarkozy, qui avait imposé par la voie parlementaire des mesures rejetées démocratiquement par la population.

J’ai l’impression que vous ne retenez pas grand-chose de l’histoire de notre pays et que vous ne comprenez pas grand-chose à ses attentes.

M. Paul Molac (LIOT). Je peine à comprendre l’utilité de cette proposition de loi. Les déserts médicaux, l’adaptation au changement climatique, le logement… Voilà des problèmes dont j’aimerais que vous vous saisissiez.

Ce n’est pas avec un drapeau qu’on peut mettre des valeurs en avant. Peut-être est-il censé nous représenter tous, mais le drapeau français, en fonction de l’histoire de chacun, peut être lu de façon très différente – comme un symbole révolutionnaire, ou celui d’un conservatisme, voire de la colonisation. Je continue de croire que c’est l’exemplarité de notre action qui nourrira l’attachement à la France, ou à l’Europe : ce n’est pas parce qu’un drapeau serait déployé sur le fronton d’une mairie que nous serions plus européens ou plus français !

Certains pourraient en outre saisir cette occasion de faire le buzz en défiant la loi et en refusant tel ou tel drapeau.

Et, franchement, vous enfoncez une porte ouverte : dans ma circonscription, toutes les mairies ont les drapeaux français, européen et breton ; en Occitanie, je vois la croix occitane ; en Alsace, je vois le Rot un Wiss ; cela ne pose aucun problème. Les rares communes où ces drapeaux ne sont pas déployés en permanence, ce sont les plus petites, qui pavoisent pour certaines occasions et rangent les drapeaux le reste du temps – ce sont des choses qui s’abîment, surtout le rouge. D’ailleurs cette proposition de loi a un coût, certes modéré, et je suis surpris qu’elle n’ait pas été jugée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

En politique, je suis libéral : à la contrainte par la loi, je préfère le bon sens et la bonne volonté des élus locaux. Ceux-ci vivent en outre assez mal que le Parlement prenne des décisions dont ils payent, eux, le prix.

Bref le pavoisement est inscrit dans les mœurs, et les contestations sont minoritaires. Cette proposition de loi me paraît sans intérêt.

M. le président Sacha Houlié. Nous avons un seul orateur individuel.

M. Erwan Balanant (Dem). Ce n’est en effet pas le texte le plus utile du moment. Ce n’est pas une raison pour faire naître des polémiques, surtout si elles se fondent sur les approximations historiques que j’ai entendues.

Les propos de Paul Molac sont frappés au coin du bon sens : il n’y a pas de conflit sur ce sujet. Beaucoup de communes affichent le drapeau français, certaines le drapeau européen ; en Bretagne, quasiment toutes ont aussi le drapeau breton ; et d’autres en ajoutent en fonction des circonstances, le drapeau ukrainien en ce moment, ou celui des villes avec lesquelles elles sont jumelées… À Concarneau, une douzaine de drapeaux flottent fièrement, qui varient suivant l’actualité.

Je vois aussi un risque : en mentionnant deux drapeaux, certains pourraient penser que les autres sont interdits. Nous y reviendrons dans les débats.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Évidemment qu’il y a d’autres priorités : cette proposition de loi n’a pas pour vocation de répondre aux défis politiques et sociaux que connaît notre pays. Mais la politique, c’est aussi des symboles. Le groupe RN a déposé une proposition de résolution demandant le rapatriement des cendres de Napoléon III : il s’agit d’un symbole. Et nos collègues de La France insoumise parlaient, en 2017, de « torchon européiste » en voyant le drapeau européen dans l’hémicycle. C’est dire l’importance des symboles.

J’entends aussi que le pavoisement obligatoire serait contraire au principe de libre administration des collectivités. Celui-ci s’exerce dans le cadre de la loi, et s’applique à l’organisation institutionnelle des collectivités.

Je suis en revanche sensible à l’objection relative au coût. Le pavoisement coûte environ 200 euros, d’après l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Je souhaite que le Gouvernement prévoie une prise en charge financière, notamment pour les petites communes.

On nous dit aussi qu’une telle décision ne relèverait pas du domaine législatif. Mais pourquoi alors est-ce le cas pour nos écoles et nos centres de formation d’apprentis ? La mairie est-elle si peu, pour vous, un symbole de proximité, une maison commune républicaine, qu’il ne serait pas justifié d’inscrire à son fronton notre double appartenance à la France et à l’Union européenne ?

Vos arguments me semblent quelque peu contradictoires. Soit le pavoisement est la pratique habituelle, et alors il faut conforter cet usage républicain en l’inscrivant dans la loi ; soit cela ne l’est pas, et alors la loi doit le prévoir.

On nous parle enfin de coercition à l’encontre des collectivités, mais nous n’avons évidemment prévu aucune sanction en cas de non-respect de cette obligation.

Je précise enfin que rien n’interdit le pavoisement d’autres drapeaux, notamment régionaux.

Article unique : Apposition sur la façade de chaque mairie du drapeau tricolore et du drapeau européen

Amendements de suppression CL23 de M. Antoine Léaument et CL31 de M. Thomas Ménagé.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je suis content de la tournure que prend le débat : il est intéressant de parler de symboles, et de leur pertinence. Je suis aussi d’accord avec MM. Molac et Balanant sur le fait qu’aucun problème réel ne se pose. Vous avez soulevé ce sujet dans une logique politicienne, pour détourner l’attention.

Pour gagner du temps, nous vous proposons de supprimer l’article unique de la proposition de loi, puisque la commission des lois semble largement d’accord sur le fait que le pavoisement relève d’un usage largement répandu et que l’obligation risquerait même de poser problème, en imposant des dépenses supplémentaires aux communes ou en les empêchant d’arborer d’autres drapeaux. Car il y a des questions purement matérielles : il y a des mairies qui n’ont qu’un seul mât, et qui ne vont pas en payer un autre alors qu’elles n’ont même pas les sous pour des travaux essentiels !

Tout se passe bien dans la plupart des communes. Ceux qui ont envie de pavoiser le font, ceux qui n’en ont pas les moyens ou pas envie ne le font pas : cela relève de la libre administration. Honnêtement, cette discussion est un peu ridicule. Vous rabaissez l’Assemblée nationale en nous faisant débattre de ce sujet alors que les frigos des Français sont vides.

M. Yoann Gillet (RN). Les Français sont de plus en plus nombreux à ne plus réussir à boucler leurs fins de mois, à ne plus manger à leur faim. Le climat social est délétère. Chaque semaine, les violences sont plus importantes ; cette semaine encore, de nombreux commerces ont été détruits, pillés, des policiers ont été blessés, et même victimes de tentatives de meurtre.

Pendant ce temps-là, le parti présidentiel veut imposer la présence du drapeau européen sur les façades des mairies. C’est là un texte inutile, qui ne répond pas aux attentes des Français et qui achève de prouver, s’il en était besoin, votre mépris à leur encontre – un doigt d’honneur aux Français qui ont, en 2005, voté contre le traité établissant une Constitution pour l’Europe. Vous voudriez imposer aux maires de s’incliner devant l’Union européenne. Vous voulez imposer un drapeau qui ne fera que nourrir un sentiment profond, qui correspond à une réalité, celle de la dépossession collective, sans raison et alors même que la France est contributrice nette au budget de l’Union européenne.

Soyons sérieux : pourquoi passer par l’obligation alors qu’aucune disposition législative n’interdit de procéder au pavoisement du drapeau européen ? Pourquoi ne pas laisser aux maires un peu de liberté ? Liberté, Égalité, Fraternité : cela n’évoque-t-il rien pour vous ? Si vous, élus macronistes, souhaitez déployer ce drapeau, libre à vous de revendiquer votre soumission ; mais si un maire ne le souhaite pas, libre à lui ! Que faites-vous de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par la Constitution ? Que faites-vous de l’identité française, de nos identités locales, de notre patrimoine culturel dont nous sommes individuellement et collectivement responsables ?

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Il est intéressant que ces amendements de suppression émanent à la fois du Rassemblement national et de La France insoumise.

Dans le fond, vous ne jugez pas cette disposition inutile, mais contestable : votre projet, c’est un Frexit déguisé. Ne protestez pas, il suffit de reprendre les programmes présidentiels de M. Mélenchon et de Mme Le Pen !

Le drapeau européen a d’abord été celui du Conseil de l’Europe, et il ne date pas de 2005 mais de 1955. La France est partie au Conseil de l’Europe depuis 1949. Monsieur Léaument, s’il y a douze étoiles sur ce drapeau, c’est pour une question d’harmonie et non pour des raisons christiques ! Votre argument sur le traité européen de 2005 n’a absolument aucun sens.

M. Erwan Balanant (Dem). Dans un autre temps, j’ai eu la chance de faire mon service militaire au service historique de l’armée de terre et de m’intéresser à l’héraldique et aux drapeaux.

Le drapeau européen est particulier, c’est celui d’un groupe de pays qui ont un jour décidé de faire la paix et d’unir leurs forces pour le bien-être des Européens. Son histoire est passionnante, et la caricaturer est regrettable : vous altérez l’histoire de l’Europe en faisant croire que ce drapeau serait un symbole religieux. D’abord, dans un processus créatif, il faut dissocier l’intention et l’inspiration. Ensuite, ce drapeau n’a pas d’auteur, il est issu d’une longue réflexion. Lisez simplement la fiche Wikipédia du drapeau européen : c’est très bien expliqué !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Franchement, je suis ravi de ce débat !

Les symboles, vous l’avez dit très justement, viennent de quelque part, et on leur donne ensuite un sens. J’ai voulu rappeler l’origine du drapeau européen : qu’il veuille dire autre chose désormais, je ne le conteste pas. Le drapeau français lui-même, M. Molac l’a rappelé, a une histoire particulière. On s’est demandé, à gauche, au moment de la révolution de 1848, s’il ne fallait pas préférer le drapeau rouge au drapeau tricolore, et il y en a encore des débats dans certains cercles. Mais dans le drapeau tricolore, le blanc de la monarchie est encadré des couleurs du peuple ; je n’approuve pas la monarchie mais je trouve très beau de l’encadrer de cette façon.

Le piège de cette proposition de loi a été largement dénoncé : il s’agit de parler de sujets qui ne sont pas les plus urgents, et au passage d’essayer de créer des polémiques sans fondement, comme le rapporteur l’a fait de la manière la plus caricaturale qui soit. Mais le Frexit ne fait absolument pas partie de notre programme !

Pourtant, nous avons eu un débat très intéressant sur les symboles. Le rapporteur a voulu soulever un sujet politicien, absolument nul, pour laver la Macronie de sa forfaiture sur la réforme des retraites, mais les députés ont su élever le niveau.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article unique est supprimé et tous les autres amendements qui y sont relatifs tombent.

Après l’article unique

Amendement CL27 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). La devise Liberté, Égalité, Fraternité n’est pas toujours présente au fronton des mairies. Il n’y a pas d’obligation. Nous proposons de vérifier ce qu’il en est, et de définir si les mairies ont les moyens de la faire afficher. C’est le ciment de l’unité nationale.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. Je croyais que les symboles n’avaient pas beaucoup d’importance… Mais cet amendement excède le champ de la proposition de loi. Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Afficher, c’est bien, appliquer, c’est mieux ! Les symboles sont nécessaires mais bien insuffisants ; cette devise, c’est une promesse, mais pas une garantie. Quand le Gouvernement piétine la contestation majoritaire des Français et utilise la violence en détournant la mission de nos gardiens de la paix pour intimider et réprimer la colère populaire, on a beau jeu de pavoiser nos mairies avec ce drapeau français, symbole d’unité. On peut s’interroger sur la symbolique du drapeau européen, mais tous les citoyens peuvent s’approprier notre devise.

Dans cette course à l’échalote de l’hypocrisie à laquelle nous venons d’assister et qui caractérise si bien le Gouvernement, nous proposons donc l’obligation d’apposer sur le fronton des mairies ces trois mots Liberté, Égalité, Fraternité qui rappellent des valeurs que piétine ce régime moralement à la dérive.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL10 de M. Philippe Pradal.

M. Philippe Pradal (HOR). Il s’agit d’un amendement d’appel, sous la forme d’une demande de rapport, afin d’inciter le Gouvernement à dégager un financement pour les communes qui en auraient besoin.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur. J’y suis favorable mais, l’article unique ayant été supprimé, je vous invite plutôt à le retirer afin que nous en débattions en séance publique.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL28 de M. Arnaud Le Gall.

M. le président Sacha Houlié. L’article unique de la proposition de loi ayant été supprimé et aucun article additionnel n’ayant été adopté, les amendements suivants deviennent sans objet.

Les amendements CL20 de Mme Julie Lechanteux, CL11, CL21, CL12, CL13 et CL14 de M. Ian Boucard et CL46 de M. Erwan Balanant tombent.

M. Ian Boucard (LR). Je n’aurai donc pas l’occasion de présenter mes amendements relatifs au titre de la proposition de loi, que notre commission a décidé, dans sa grande sagesse, de rejeter. Ce texte visait surtout à occuper l’Assemblée nationale dans une période où le Gouvernement a renoncé à inscrire des textes législatifs à notre ordre du jour.

Sur le fond, je proposais de faire porter l’obligation de pavoisement sur le seul drapeau français. Je suis tout à fait favorable au pavoisement du drapeau européen par les maires qui le souhaitent, mais la République a pour seul emblème le drapeau tricolore bleu, blanc, rouge. Je proposais aussi, si le pavoisement avait été rendu obligatoire sur le fronton de nos mairies, qu’il le soit également sur celui des commissariats, des préfectures et des casernes de gendarmerie, qui me semblent être des bâtiments républicains tout aussi essentiels que nos mairies, qui sont les postes avancés de la République dans chacune de nos 35 000 communes.

La commission ayant supprimé l’article unique de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies (n° 1011).


—  1  —

 

 

Personnes entendues

   Mme Murielle Fabre, secrétaire générale

   M. Stéphane Brunot, directeur adjoint à la direction générale des collectivités locales

   Mme Karine Delamarche, sous-directrice des compétences et des institutions locales

   Mme Émilie Vouillemet, cheffe de bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

   Mme Claire Gonzague, adjointe à la cheffe de bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

   M. Cédric de Fougerolle, président

   M. Nasha Gagnebin, secrétaire général adjoint

 


   Annexe : Étude de la sociÉtÉ française de vexillologie

Droit vexillologique comparé. Dispositions protocolaires. Essai de recensement.

En Espagne, le protocole vexillologique est notamment régi par la loi 39/1981 du 28 octobre 1981.

En Grèce, le protocole vexillologique est notamment régi par une loi du 20 janvier 2013.

En Lituanie, le protocole vexillologique est notamment régi par une loi du 30 janvier 2013.

En Roumanie, le protocole vexillologique est notamment régi par une loi du 16 juillet 1994.

En Slovaquie, le protocole vexillologique est notamment régi par une loi du 18 février 1993.

À Monaco, le protocole vexillologique est notamment régi par la loi du 19 juillet 1939.

Au Portugal, le protocole vexillologique est notamment régi par un décret-loi du 30 mars 1987.

En Australie et en Nouvelle-Zélande, le protocole vexillologique est notamment régi par la loi.

Aux États-Unis, le protocole vexillologique est régi par le chapitre 4 du United States Code regroupant des dispositions législatives (pour la plupart) et réglementaires.

En Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Croatie, en Hongrie, en Italie, en Lettonie, au Pays- Bas, en Norvège, en Suisse, le protocole vexillologique national est régi par des dispositions réglementaires.

Au Canada, le protocole vexillologique est régi par l’usage.

Au Royaume-Uni, le protocole vexillologique est régi par l’usage. Il a fait l’objet d’une brochure (« authoritative guide ») co-édité par le Flag Institute (l’association vexillologique britannique) et le UK Parliamentary Flags & Heraldry Committee.

En Irlande du Nord, l’usage du drapeau de la police fait l’objet d’une loi.

En Irlande, le protocole vexillologique a fait l’objet d’une brochure éditée par les services du chef du gouvernement.

En Pologne, le protocole vexillologique a fait l’objet d’une brochure éditée par la cour suprême de contrôle (équivalent de la Cour des comptes mais pour l’ensemble de l’action gouvernementale).

Avril 2023

 

 

Société savante, régie par la loi de 1901, crée en 1985.

Membre de la Fédération internationale des associations vexillologiques.

c/o Montbel | 8, rue de Courcelles | 75008 Paris | president@drapeaux-sfv.org | drapeaux-sfv.org |


([1]) Il existe également une contravention de la cinquième classe qui punit le fait, lorsqu'il est commis dans des conditions de nature à troubler l'ordre public et dans l'intention d'outrager le drapeau tricolore, de détruire celui-ci, le détériorer ou l'utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public, ou encore pour l'auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l'enregistrement d'images relatives à leur commission (article R. 645-15 du code pénal).

([2]) Introduit à l’Assemblée nationale en première lecture par un sous-amendement de M. Rudy Salles, député des Alpes-Maritimes, la mention du « drapeau tricolore » a été codifiée dans le code de l’éducation lors de l’examen du texte au Sénat.

([3]) Rép. min. n° 13031 : JO Assemblée nationale, 30 octobre 2018, p. 9774.

([4]) Réponse ministérielle Sénat du 10/11/2005, n° 18643

([5]) Rép. min. n° 05391 : JO Sénat, 25 février 2010, p. 458.