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N° 1270

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mai 2023.

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094),

 

 

 

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

 

Rapporteur général,

 

Député.

 

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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

travaux de la commission

audition de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094)

examen des articles

Article liminaire Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2021

Article 1er Résultats du budget de l’année 2021

Article 2 Tableau de financement de l’année 2021

Article 3 Résultat de l’exercice 2021  Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

Article 4 Budget général  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Après l’article 4

Article 5 Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Article 6 Comptes spéciaux  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Après l’article 6

 


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   INTRODUCTION

Le Parlement est amené à se prononcer pour la deuxième fois sur l’exécution budgétaire de l’année 2021, après le rejet par les deux assemblées d’un premier projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 au cours de l’été 2022.

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L’examen initial du projet de loi de règlement pour 2021 a conduit à son rejet in extremis en lecture définitive, alors qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale au cours des étapes antérieures de la navette parlementaire.

Présenté une première fois par le Gouvernement au Parlement le 4 juillet 2022, il a été adopté par l’Assemblée nationale en séance publique le 13 juillet 2022 avant d’être rejeté par le Sénat lors de sa séance du 19 juillet 2022.

Le 20 juillet 2022, la commission mixte paritaire a constaté qu’elle ne pouvait parvenir à un accord et a conclu à l’échec de ses travaux. Une telle conclusion était au demeurant inévitable, dès lors que le projet de loi de règlement avait été rejeté dans son ensemble par le Sénat.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale comme le Sénat ont confirmé leur vote initial, la première adoptant le texte lors de sa séance publique du 27 juillet 2022, le second le rejetant en séance publique le 2 août 2022.

En application de l’alinéa 4 de l’article 45 de la Constitution, le Gouvernement a demandé à l’Assemblée nationale de se prononcer définitivement sur le texte. Le mercredi 3 août 2022, malgré son adoption par la commission des finances, le projet de loi de règlement pour 2021 a été rejeté en séance publique.

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Le rejet en 2022 par le Sénat du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 s’est inscrit dans la continuité des votes de cette assemblée dont le dernier vote en faveur d’un projet de loi de règlement remonte à l’exercice 2017. Par le rejet des résultats de l’exercice budgétaire 2021, la majorité sénatoriale a entendu critiquer la situation dégradée des finances publiques.

Chacun connaît pourtant les raisons de la détérioration des comptes publics en 2021 : une pandémie coûteuse en mesures d’urgence – presqu’autant qu’en 2020 –, un plan de relance substantiel dont 2021 a été la première année de plein décaissement et un début d’envolée des prix qui a conduit à de premières mesures de protection des Français. Exercice budgétaire hors norme, 2021 ne pouvait donc être le reflet d’une politique budgétaire de rétablissement des finances publiques.

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Le sort finalement réservé au projet de loi de règlement pour 2021 par l’Assemblée nationale est plus surprenant puisqu’après avoir été approuvé en commission des finances et en séance publique lors des première et nouvelle lectures, il a été adopté en commission des finances avant d’être rejeté en séance publique en lecture définitive.

Le seul cas connu de rejet de l’exécution des comptes par les deux chambres remonte à 1833, le Parlement refusant de ratifier les dépenses engagées en 1830 par le baron de Montbel, alors ministre de l’intérieur, pour inciter les troupes à combattre les insurgés des Trois Glorieuses.

Plus récemment, l’Assemblée nationale avait dû examiner deux fois successivement un projet de loi portant règlement définitif du budget de 1983 ([1]). L’Assemblée nationale s’était ainsi prononcé une seconde fois en faveur du règlement du budget pour 1983, à la suite de l’annulation d’un premier texte par le Conseil constitutionnel pour un vice de procédure tenant à une utilisation irrégulière de la procédure d’urgence ([2]).

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Le caractère exceptionnel du rejet du projet de loi de règlement est lié à la nature même de cet exercice qui ne se prête pas à l’expression d’un désaccord politique : il s’agit de constater les résultats d’une exécution et d’approuver les comptes d’un exercice budgétaire passé.

Le nouveau projet de loi de règlement pour 2021 (n° 1094) comporte sept articles qui se bornent à couvrir le domaine obligatoire de ce texte financier prévu par l’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([3]).

Aussi, le Rapporteur général invite à adopter ce texte : au-delà des débats sur la politique budgétaire – qui trouvent toute leur place dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances et des orientations pluriannuelles des finances publiques –, il est nécessaire, face aux observateurs et acteurs nationaux et internationaux, que le Parlement valide le texte législatif qui certifie les résultats comptables de l’exécution budgétaire 2021.

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Le présent rapport retrace les travaux de la commission qui s’est réunie le 24 mai 2022, en vue de l’examen, en première lecture, du présent projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021.

Il propose des commentaires pour chacun des articles figurant dans ce projet de loi. À l’exception de l’article liminaire qui a été légèrement corrigé pour prendre en compte les derniers résultats macroéconomiques de l’INSEE relatifs à l’année 2021 et de l’article 6 relatif à l’exécution des comptes spéciaux, les cinq autres articles du présent projet de loi sont strictement identiques à ceux du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022. Par ailleurs, le dispositif de l’article 7 du projet de loi déposé en 2022, portant abandon de créances détenues par la République fédérale de Somalie au titre de l’aide publique au développement, a été adopté à l’occasion de la seconde loi de finances rectificative pour 2022 ([4]).

Pour plus de détails sur l’exécution budgétaire 2021, le lecteur pourra également se reporter aux travaux parlementaires associés à l’examen par le Parlement du  projet de loi de règlement pour 2021 déposé en 2022 ([5]) .

 

 

 


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   travaux de la commission

audition de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094)

Au cours de sa séance du mercredi 26 avril après-midi, la commission a procédé à l’audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes ainsi que sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094).

M. le président Éric Coquerel. Comme nous sommes en période de suspension des travaux de l’Assemblée, nous tenons une réunion hybride, à la fois dans la salle de la commission et en visioconférence, afin de permettre aux députés éloignés de Paris de participer à cette audition.

Je remercie Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué, chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à présenter le programme de stabilité, délibéré ce matin même en conseil des ministres et qui nous a été communiqué. Certains chiffres nous avaient déjà été transmis la semaine dernière, par Bruno Le Maire, ce qui fait que les membres de la commission avaient déjà eu des informations.

Je précise que, du fait de la réforme organique du 28 décembre 2021, le rapport sur les orientations des finances publiques n’est plus un document distinct : il est intégré au programme de stabilité.

Ont également été délibérés, dès le 13 avril, le projet de loi de règlement du budget pour 2022, ainsi qu’un nouveau projet de loi de règlement du budget pour 2021.

Après cette audition, la séquence relative aux orientations et à la programmation des finances publiques se poursuivra avec un débat en séance publique, le mercredi 10 mai, comme le permet l’article 1er K de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il nous semblait important d’évoquer ces sujets en commission des finances pour avoir le loisir d’interroger les ministres afin de préparer au mieux le débat du 10 mai.

Le programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et les hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer une stratégie budgétaire. Le programme de stabilité que vous nous avez communiqué établit ainsi une trajectoire jusqu’en 2027.

Le solde des administrations publiques, qui s’est finalement établi à – 4,7 % en 2022, devrait être plus dégradé en 2023, puisqu’il serait porté à – 4,9 %. Néanmoins, la réduction ultérieure du déficit public, d’environ 0,5 point de PIB par an, permettrait d’atteindre un déficit inférieur à 3 % en 2027. De même, la dette publique se stabiliserait à un niveau inférieur à 109 % du PIB en 2027 et la dépense publique décroîtrait en part du PIB pour passer sous la barre des 54 % en 2027, alors qu’elle est de 56 % en 2023.

Il serait intéressant de comprendre comment une trajectoire qui semble assez mal partie pour 2023, du fait d’un creusement du déficit public par rapport à 2022, pourrait autant s’améliorer à partir de 2024.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis très heureux de vous présenter, avec le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, le programme de stabilité, tel que nous le transmettrons à nos partenaires européens. Il marque notre volonté d’accélérer le désendettement de la France. S’il y a une chose à en retenir, c’est en effet que le niveau de la dette publique sera inférieur de 4 points par rapport au précédent programme de stabilité, ce qui traduit notre détermination à accélérer la réduction des déficits et de la dette publique. Nous faisons ce choix d’accélérer le désendettement après avoir protégé massivement nos compatriotes.

Nous l’avons fait à deux reprises, d’abord pendant la crise du covid, avec le « quoi qu’il en coûte ». Nous avons alors dépensé 240 milliards d’euros, soit environ 10 % de notre richesse nationale. Ce choix du Président de la République a permis d’éviter des vagues de faillites et une explosion du chômage, et nous a permis de réussir, mieux que tous nos partenaires européens, la relance économique qui a suivi, à hauteur de 100 milliards d’euros. Nous sommes, je le rappelle, la première nation de la zone euro à avoir retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise à la fin 2021.

La deuxième crise à laquelle nous avons répondu, c’est celle de l’inflation, avec le bouclier tarifaire. Ce bouclier, qui était la principale mesure destinée aux ménages, a permis à ces derniers d’économiser entre 180 et 200 euros par mois sur l’augmentation des factures de gaz et d’électricité. La politique que nous avons menée a eu un coût de 44 milliards d’euros, dont 24 milliards pour le bouclier tarifaire, qui a été en partie compensé par la taxation des surprofits des entreprises énergéticiennes.

La conséquence de ce choix de protection, c’est une forte augmentation des dépenses publiques : le déficit s’est établi à 6,5 % en 2021 et la dette a progressé de 16 points entre 2019 et 2021, passant de 97 % à 113 % du PIB. Contrairement à celle liée à la crise financière de 2008-2010, cette augmentation de la dette publique se situe dans la moyenne des autres pays européens. Au cours de la même période, de 2019 à 2021, la dette publique allemande a augmenté de 10 points, celle de l’Italie, de 16 points, et celle de l’Espagne, de 20 points. Le décrochage de la dette publique française par rapport à celle de nos voisins européens remonte à la crise financière de 2008-2010, et non à la crise du covid.

En 2022, nous avons commencé à rétablir les comptes : le déficit a alors été de 4,7 %, soit 0,3 point de moins que ce qui était prévu, et la dette a commencé à baisser, passant de 113 % à 111,6 % du PIB. En 2023, nous avons fait le choix d’accélérer ces réductions, en ciblant davantage les dépenses et en sortant définitivement du « quoi qu’il en coûte ». Nous avons notamment remplacé des mesures générales par des mesures ciblées, le meilleur exemple étant la remise sur les carburants, qui était de 30 centimes par litre pour tous nos compatriotes : elle est devenue une indemnité carburant de 100 euros, réservée aux personnes qui travaillent. Le coût du bouclier sur l’essence, en passant de 8 milliards en 2022 à moins de 1 milliard en 2023, a ainsi été divisé par huit.

Nous voulons maintenant accélérer la maîtrise des dépenses publiques et le désendettement de la France. Alors qu’en juillet 2022, nous avions comme objectif d’atteindre 2,9 % de déficit public en 2027, nous nous fixons désormais un objectif de 2,7 %. S’agissant de la dette, notre objectif pour 2027 passe de 112,5 % à 108,3 % du PIB, soit 4 points de moins. L’accélération du désendettement de la France vient d’être saluée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Ces objectifs nouveaux et plus exigeants sont évidemment fixés sans toucher à nos prévisions de croissance. Nous ne jouons pas sur ce facteur pour modifier le ratio de dette publique. La croissance potentielle reste fixée à 1,35 %.

Pourquoi prenons-nous la décision d’accélérer le désendettement ? Nous le faisons pour trois raisons.

La première, c’est la nécessité de reconstituer nos marges de manœuvre dans l’hypothèse où nous devrions faire face, demain, à un nouveau choc et à une nouvelle crise conjoncturelle. Par ailleurs, après avoir demandé à nos compatriotes de faire un effort en matière de durée du travail pour rétablir les équilibres financiers, dans le cadre de la réforme des retraites, il me paraît juste de demander à l’État, aux collectivités locales et aux acteurs publics de faire également un effort pour rétablir les finances publiques.

En deuxième lieu, et c’est sans doute le point décisif, les conditions de financement de notre dette ont radicalement changé : nous sommes dans un nouvel univers monétaire. Notre responsabilité, étant dans la majorité, est de nous confronter à cette réalité monétaire plutôt que de la fuir ou de la nier. La nécessité de lutter contre l’inflation et de revenir à des taux moins pénalisants en la matière pour les Européens, pour nos compatriotes et en particulier pour les catégories les plus modestes, a mis fin à toute politique monétaire accommodante. Le resserrement de la politique monétaire, en Europe comme aux États-Unis, se traduit par une augmentation rapide des taux d’intérêt, à un rythme que l’on n’avait pas connu depuis plusieurs décennies. En douze mois, les taux d’intérêt ont ainsi augmenté de 200 points de base. Alors qu’ils étaient de l’ordre de 1 % à dix ans, ils sont passés à 2,9 ou 3 %.

Voilà la nouvelle réalité financière et monétaire de la France. Elle est évidemment commune à tous les pays de la zone euro et à tous les pays développés, mais elle nous amène à accentuer notre désendettement. La France est, en effet, le premier émetteur de dette de la zone euro, à hauteur de 270 milliards d’euros pour 2023. La charge de la dette est d’autant plus sensible à la variation des taux d’intérêt : 1 point de taux d’intérêt en plus, comme lors des derniers mois, représente 15 milliards d’euros de dépenses supplémentaires au titre de la charge de la dette à l’horizon 2027. C’est de l’argent jeté par les fenêtres ! Ces 15 milliards pourraient être mieux employés pour les hôpitaux, les écoles, les crèches, les universités, c’est-à-dire le service public. Réduire la dette, c’est donc retrouver de la liberté, de la souveraineté.

Enfin, dernière raison, nos partenaires européens se sont engagés dans la même politique. Il me semble, lorsqu’on fait partie d’une zone monétaire, d’un club monétaire qui vous a assuré sa protection pendant la crise du covid, par l’émission de dette en commun, qu’il est préférable de jouer le même jeu que vos partenaires européens. Ils se sont tous, sans exception, engagés dans un rétablissement rapide de leurs finances publiques.

Comment allons-nous mettre en œuvre cette politique ? Notre stratégie repose sur les mêmes piliers que ceux que nous avions utilisés en 2017 et 2018, avec succès, puisque nous avions rétabli les finances publiques. Nous étions revenus, à ce moment-là, sous les 3 % de déficit.

Le premier pilier est la croissance. Nous ne voulons pas d’austérité. Nous n’y croyons pas : lorsque la France a fait le choix de l’austérité, elle a tout perdu, en matière de croissance, de chômage et même, au bout du compte, de finances publiques. Nous voulons simplement ralentir la dépense publique, pour que son évolution ne soit pas supérieure au rythme de l’inflation, et augmenter la prospérité de la France par la croissance.

Pour avoir plus de croissance, nous voulons d’abord continuer à investir. Cela reste un des maîtres mots de notre politique économique : nous voulons continuer à investir dans l’innovation, dans les nouvelles technologies, dans l’industrie verte, dans la décarbonation de notre économie, dans l’intelligence artificielle, dans le calcul quantique, dans tout ce qui fera de la France une des grandes nations qui comptent au XXIe siècle. J’en fais une priorité absolue. Nous pouvons conjuguer rétablissement des finances publiques et maintien d’un haut niveau d’investissement dans l’innovation, et je crois même que l’un est la condition de l’autre. Nous avons donc décidé de sanctuariser les crédits de France 2030 – 54 milliards d’euros –, de maintenir le crédit d’impôt recherche et de développer, comme l’a proposé la Première ministre, un Fonds vert pour les collectivités locales, afin de les aider à investir dans la décarbonation.

La croissance, c’est l’investissement, mais aussi le travail. Nous continuons notre politique de développement du volume global de travail en France, qui reste un des plus faibles de tous les pays développés. La réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites et la création de France travail font partie des moyens d’augmenter le volume global de travail de la nation française pour qu’elle ait plus de prospérité. Il me semble qu’il est cohérent de dire que nous voulons garder un système de redistribution généreux et efficace et de le financer par un volume global de travail plus important.

Enfin, la croissance suppose que nous continuions à baisser des impôts. Nous maintiendrons, par conséquent, la politique que nous avons engagée, avec le Président de la République, depuis six ans. Nous avons supprimé la contribution à l’audiovisuel public, la taxe d’habitation sera définitivement supprimée d’ici à la fin 2023, et nous aurons également supprimé de façon définitive, fin 2024, la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui est un impôt de production pesant sur notre industrie.

Cette politique de baisse des impôts permettra de réduire de 1 point le taux des prélèvements obligatoires en France. Il passera de 45,3 % du PIB en 2022 à 44,4 % en 2027. Cette baisse de près de 1 point des prélèvements obligatoires laissera, malgré tout, la France dans le peloton de tête des pays développés pour ce qui est du niveau des taxes et impositions. C’est bien pour cela que nous ne voulons pas varier de ligne.

Le deuxième pilier de l’accélération du désendettement, au-delà de la croissance, est la sortie du bouclier énergétique dans les deux années à venir. Nous voulons sortir du bouclier sur le gaz et du bouclier sur l’électricité progressivement, mais totalement, d’ici début 2025.

Nous commencerons par le bouclier sur le gaz. Les prix en la matière sont revenus à ce qu’ils étaient avant la crise, à savoir 50 euros le mégawattheure. Il n’y a donc pas de raison de maintenir un bouclier sur les prix du gaz.

Nous sortirons progressivement du bouclier sur l’électricité : nous prendrons là plus de temps, car les prix de l’électricité restent encore élevés en France. Nous agirons progressivement d’ici au début de l’année 2025.

Le troisième pilier est le refroidissement de la dépense publique. La dépense publique, de l’État et des collectivités locales, augmentera moins vite que l’inflation.

Nous avons fait le choix de mettre l’accent sur la dépense de l’État. Une des modifications importantes par rapport au précédent programme de stabilité, c’est que le ralentissement des dépenses de l’État sera en moyenne, en volume par an, supérieur au ralentissement de la dépense des collectivités locales – il sera de 0,8 % pour l’État et de 0,5 % pour les collectivités locales. J’insiste sur ce point, parce que les collectivités locales s’étaient émues, à juste titre, que les exigences pour l’État étaient inférieures dans le précédent programme de stabilité, à 0,4 % pour l’État et 0,5 % pour les collectivités locales. Nous avons fait le choix, avec Gabriel Attal, de proposer un ralentissement plus marqué pour les dépenses de l’État.

Le refroidissement de la dépense s’accompagnera de deux éléments de méthode. La revue des dépenses publiques doit, tout d’abord, se conclure par des assises des finances publiques, qui auront lieu fin mai-début juin. Cela nous permettra d’identifier très clairement les dépenses inefficaces ou dont le rendement est insuffisant, afin d’économiser plusieurs milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024. Le deuxième élément de méthode est la lettre de cadrage signée par la Première ministre, qui demande à chaque membre du Gouvernement d’identifier 5 % de marge de manœuvre sur son budget.

Ce nouveau programme de stabilité, vous le voyez, marque notre détermination à accélérer le désendettement, qui est un choix politique, au sens le plus noble du terme, de liberté. En effet, il ne peut pas y avoir de liberté pour une grande nation lorsque sa dette est excessive. Le désendettement est une affirmation de notre souveraineté et de notre indépendance.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Vous me permettrez de compléter les propos de Bruno Le Maire au sujet du programme de stabilité et de dire un mot des projets de loi de règlement auxquels cette audition est, je crois, également consacrée.

Le programme de stabilité traduit notre volonté de maîtriser nos finances publiques dans un contexte macroéconomique qui, comme Bruno Le Maire l’a dit, n’a rien à voir avec celui qui nous avait permis de mener le « quoi qu’il en coûte ». Il y a un an, lorsque j’ai pris mes fonctions, la France empruntait encore à un taux d’intérêt d’environ 1 %. Elle emprunte aujourd’hui à plus de 3 %, autrement dit, nos taux d’intérêt ont triplé en deux ans. Aucun pays au monde pourrait ne rien changer quand tout change autour de lui, et il est urgent de reprendre le contrôle en s’engageant résolument sur une trajectoire de désendettement.

Il faut reprendre le contrôle, mais pas de n’importe quelle manière. Nous refusons un réflexe fiscal qui consisterait à augmenter les impôts. Depuis 2017, nous les avons baissés de 50 milliards d’euros : 25 milliards pour les ménages et 25 milliards pour les entreprises. C’est un motif de fierté, d’autant que nous collectons davantage avec des taux plus bas. Nous avons, par exemple, fait passer le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, mais nous collectons plus d’impôt sur les sociétés qu’à l’époque où le taux était de 33 %, parce que la baisse de la fiscalité libère l’activité économique, élargit l’assiette taxable et permet donc davantage de recettes pour l’État.

Nous assumons, par ailleurs, de faire des économies en 2024 et les années suivantes, sans renoncer aux priorités qui ont été fixées. La revue des dépenses que nous avons lancée permettra d’entrer dans le détail de ces économies, mais nous savons d’ores et déjà que nous pouvons mieux faire dans de nombreux domaines. Une lettre de cadrage adressée par la Première ministre à l’ensemble des ministres nous invite à identifier 5 % de marge de manœuvre dans les budgets des ministères. En clair, ce n’est pas de l’austérité, mais tout simplement de la responsabilité.

Bruno Le Maire l’a dit, nous rehaussons nos ambitions concernant le déficit pour 2027. Je crois profondément qu’il n’y a pas d’autre chemin que celui du sérieux budgétaire, car être sérieux, c’est ce qui permet d’être ambitieux pour nos services publics, pour notre école, notre police, notre justice et notre armée, pour lesquelles nous avons engagé un réarmement budgétaire inédit, et ambitieux aussi pour notre hôpital public et nos soignants, qui ont tant donné pendant la crise sanitaire et que nous devons continuer à soutenir.

Enfin, je pense qu’il faut prouver aux contribuables que leur argent est bien employé. Quand la dépense publique d’un pays représente un tel volume, les citoyens sont en droit d’attendre les meilleurs services publics d’Europe. Nous voulons diminuer le poids de la dépense publique par rapport à la richesse nationale : dans le programme de stabilité qui vous est présenté, il passera de 57,5 % du PIB en 2022 à 53,5 % en 2027, mais l’enjeu n’est pas tant de dépenser moins que de dépenser mieux. Beaucoup de Français, en réalité, ont le sentiment de payer beaucoup d’impôts mais de ne pas toujours voir à quoi ils servent.

C’est la raison pour laquelle j’ai lancé hier l’opération « En avoir pour mes impôts », qui permettra de faire une transparence totale et de dire clairement aux Français comment leurs impôts sont dépensés, au niveau national comme au niveau local. Les contribuables pourront retrouver, à l’échelle de leur département, la déclinaison de ce que leurs impôts financent. Ils pourront le savoir dans leur préfecture, dans leur centre des impôts, dans leur espace France service et, bien sûr, sur internet.

Cette opération permet également de lancer une grande consultation grâce à laquelle chaque Français pourra dire directement comment il pense que ses impôts doivent être dépensés, pour quelles priorités et pour quels services publics, mais aussi quelles économies peuvent être réalisées.

Je souhaite, au fond, avec Bruno Le Maire, placer la stratégie de réduction de notre déficit et de notre dette sous le signe de la confiance : la confiance que les Français doivent retrouver dans l’impôt, la confiance dans nos services publics, qui sont notre priorité et que nous voulons hisser de nouveau au premier rang en Europe, et la confiance dans l’État et en sa capacité à lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques – c’est l’objet du grand plan que je présenterai prochainement. La première traduction concrète en est le projet de loi de modernisation des pouvoirs de nos douaniers, dont l’examen commencera au Sénat à la fin du mois de mai et devrait débuter ici à la mi-juin.

J’en viens, rapidement, à la question de l’exécution budgétaire. Cette année, la situation est originale, puisque nous présentons pour la première fois deux projets de loi de règlement. Nous devons, en effet, présenter à nouveau le projet de loi de règlement pour 2021 parce que, chacun s’en souvient, il a été rejeté à l’Assemblée nationale en lecture définitive, le 3 août dernier, alors qu’il y avait été adopté lors des deux précédentes lectures. Par ailleurs, nous présentons la loi de règlement pour l’exercice 2022.

Chacun vote évidemment comme il l’entend, mais je veux faire part de la circonspection qui est la mienne face au rejet d’un texte d’exécution budgétaire. Il s’agit, certes, d’un texte financier, et il est naturel que nous ayons des désaccords sur la politique à mener – sinon nous appartiendrions tous à la même famille politique –, c’est-à-dire des désaccords sur l’avenir, mais pas sur la constatation de ce qui s’est produit dans le passé. Je suis conseiller municipal, d’opposition, depuis près de dix ans, et je n’ai pas le souvenir d’avoir voté contre un compte administratif présenté au printemps par la majorité de ma commune, car c’est tout simplement l’état des comptes de l’année précédente. On peut changer l’avenir, mais difficilement le passé.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de la photographie de 2022 ? Le premier est l’efficacité de notre politique économique. En nous attaquant au prix de l’énergie, nous avons préservé la croissance économique et donc contribué au dynamisme des recettes, principal facteur de l’amélioration de notre déficit public. Les recettes ont, en effet, progressé de 7,3 % en 2022, après avoir augmenté de 8,4 % en 2021. Cette évolution repose principalement sur la progression de l’impôt sur les sociétés, qui a augmenté de 15,8 milliards d’euros. Cela nous a permis d’atteindre un record : 62,1 milliards ont été prélevés à ce titre l’année dernière, ce qui a fortement contribué à la baisse de notre déficit public, qui est passé de 6,5 % à 4,7 %. La réalité, c’est que nos choix économiques se sont révélés vertueux sur le plan budgétaire. Comme pendant la crise du covid, nous avons fait le choix de la protection des Français face à la vie chère, tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques.

Néanmoins, et c’est le deuxième enseignement du projet de loi de règlement pour 2022, le solde des administrations publiques demeure très dégradé, précisément parce que nous avons déployé des moyens considérables pour casser la spirale inflationniste. Au total, pour les années 2021 et 2022, nous avons mis 34,5 milliards sur la table pour lutter contre l’inflation grâce au bouclier énergétique.

Dernier point, nous devons impérativement tenir nos objectifs en matière de finances publiques à l’horizon 2027. Il faudra engager des efforts importants en ce qui concerne la dépense publique. C’est le travail que nous avons lancé, avec Bruno Le Maire, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Nous ne proposons pas, je le rappelle très clairement, l’austérité ; nous défendons seulement la responsabilité.

Les prochaines marches vers les 3 %, à l’horizon 2027, seront plus difficiles à franchir, parce que l’environnement économique n’est plus le même. En 2022, nous avons été portés par une croissance de 2,6 % ; elle s’établira autour de 1 % cette année, dans un contexte de ralentissement mondial, même si la France continue à mieux s’en sortir que la plupart de ses voisins et des autres pays.

M. le président Éric Coquerel. Votre volonté, vous l’avez dit, est de désendetter la France et de réduire les déficits. Vous niez le terme de politique d’austérité, mais je maintiens que vous menez une politique d’offre, ce que vous ne contestez pas, et une politique d’austérité. Quand on compare les évolutions que vous proposez pour les dépenses de l’État et des collectivités, c’est-à-dire – 0,8 % pour l’État et – 0,5 % pour les collectivités, et la croissance tendancielle qu’il faudrait pour répondre aux besoins de la population dans les années à venir, notamment compte tenu de la démographie, à savoir 1,2 % selon le Gouvernement et 1,7 % selon l’Institut Montaigne, on voit bien qu’il y aura une cure d’austérité, la plus forte que la Ve République ait connue. Par ailleurs, une baisse de 5 points de PIB d’ici à 2027, en dehors des dépenses liées à la charge de la dette, représenterait 135 milliards d’euros d’économies.

Encore cela ne tient-il pas compte des effets de la loi de programmation militaire. Nous avons auditionné, le 5 avril, Pierre Moscovici, en sa qualité de président du HCFP : il nous a dit que pour tenir les objectifs de la loi de programmation militaire, il faudrait en réalité une baisse de 1,4 % de toutes les autres dépenses de l’État. Je maintiens qu’une telle politique mérite le nom d’austérité. Tout cela dépend, en outre, d’une prévision de croissance, de 1,7 % en 2025-2027, que le HCFP vient de considérer, dans son avis, comme optimiste et de chiffres très certainement sous-estimés en matière d’inflation, puisque vous évaluez celle-ci à 2,6 % en 2024.

Vu la situation, que personne ne nie, c’est-à-dire les différentes urgences auxquelles nous avons affaire, qu’il s’agisse de la transition écologique, de la refondation de l’hôpital public, évoquée par le chef de l’État il y a plus de huit jours, notamment la nécessité de faire en sorte que plus un service d’urgence ne soit engorgé – même si ce n’est pas tant la question de l’engorgement qui se pose, mais plutôt celle de la fermeture de certains services d’urgence, faute de moyens –, ou qu’il s’agisse de l’éducation nationale et de la défense, je crois qu’un programme de stabilité ne devrait pas partir de la question impérieuse de la réduction des déficits. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les réduire, mais que ce n’est pas ce qui devrait être fixé en priorité ; c’est de la réponse à apporter aux besoins qu’il faut partir. Je continue à considérer qu’après une année 2022 qui a été la plus chaude en mer et sur terre, et au cours de laquelle nous avons atteint un record de fonte des glaciers, notamment en France, la question de la dette écologique que nous laisserons à nos enfants est bien plus importante que celle de la dette financière.

S’agissant du déficit, vous justifiez le fait de redescendre à 2,7 % du PIB par l’augmentation des taux d’intérêt, mais je vous ferai remarquer qu’ils augmentent moins que l’inflation ; les taux d’intérêt réels restent donc encore négatifs. Vous pouvez également dire qu’il faut absolument, afin de rassurer les marchés, faire en sorte que la dette n’augmente pas de manière inconsidérée, mais je vous ferai également observer que la demande pour nos titres est largement supérieure aux montants offerts. Nous ne sommes donc pas dans une situation de risque telle que cela devrait être la priorité absolue.

Quant à l’idée selon laquelle il serait juste qu’après avoir imposé un effort à nos concitoyens, l’État s’en impose un à lui-même, je rappelle que l’État et les services publics sont au service des citoyens, de telle sorte que ce sont, en dernière instance, nos concitoyens qui en paieraient le prix parce qu’ils bénéficieraient de moins de services publics et de mécanismes de solidarité nationale.

Pour ce qui concerne les dépenses publiques, nous pourrions éventuellement nous entendre sur les moyens de réduire la dette si nous estimions que c’était la priorité. Mais, dès lors que vous excluez de remettre en question les dépenses fiscales, qui ont considérablement augmenté – elles représentent 50 milliards d’euros par an depuis 2017 et devraient atteindre 60 milliards par an pour les cinq prochaines années – et qui, comme le montrent toutes les études, servent davantage à nos concitoyens les plus aisés, notamment aux détenteurs du capital, ce sont évidemment les dépenses publiques qui en pâtissent. À cela s’ajoutent les aides aux entreprises, qui ont atteint environ 200 milliards par an, soit une augmentation de 80 milliards par an en cinq ans, sans contrepartie. Je précise à cet égard que, pour nous, les aides aux entreprises, si elles sont légitimes, doivent néanmoins être ciblées, avec des critères et des contreparties, afin d’éviter qu’elles soient, par exemple, utilisées pour distribuer des dividendes. Il existe là d’autres réserves possibles avant de toucher aux dépenses publiques.

Je rappelle, enfin, que les dépenses publiques sont des recettes. Si la France n’a pas connu de récession après la crise des subprimes, c’est parce que le feu de l’activité économique n’était pas entretenu par le marché privé, mais par les dépenses, car celles-ci, en vertu d’un coefficient multiplicateur, rejaillissent dans toute l’économie en termes d’emplois ou de marchés, par exemple pour le BTP via la construction de logements sociaux. La réduction de ces dépenses induit donc un risque récessionniste dans une période économique à venir que je continue à juger inquiétante.

J’en viens à mes questions. Pour réduire le déficit public de l’ordre de 0,5 point de PIB par an et retrouver en 2027 un déficit inférieur à 3 %, il est nécessaire de maîtriser fortement l’évolution annuelle de la dépense publique. Lors du précédent programme de stabilité, cette maîtrise devait s’appliquer dans les mêmes proportions aux dépenses de l’État et à celles des collectivités territoriales. Avec le nouveau programme de stabilité que vous présentez, cette stratégie de maîtrise du rythme de progression de la dépense publique est révisée de manière différenciée pour l’État et pour les collectivités territoriales, qui ne connaîtraient plus la même progression. L’effort portant sur la part des dépenses revenant à l’État est, de fait, accru. Alors que les engagements des lois de programmation déjà votées ou en cours de discussion sont ambitieux et prévoient une croissance forte de certaines dépenses budgétaires, n’est-il pas illusoire de prévoir une aussi faible croissance de l’ensemble de la dépense publique ?

Vous indiquez, en page 56 du programme de stabilité, que les collectivités locales seront « associées à l’effort de modération de la dépense publique selon des modalités qui seront déterminées en concertation avec les différents acteurs, sans rétablissement du mécanisme de sanction de la précédente loi de programmation ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ces modalités de modération de la dépense publique locale ?

Dans vos prévisions d’évolution des recettes publiques, vous relevez qu’il est difficile de chiffrer les recettes qui résulteront de la mise en œuvre de l’imposition minimale des grandes entreprises, soit la réforme du pilier 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont vous dites, en page 57 du programme de stabilité, qu’elle ne serait attendue qu’à compter de 2026. La réforme ne devrait-elle pas entrer en vigueur dès 2024 et produire des effets en recettes dès 2025 ?

Vous indiquez par ailleurs, en page 27 du programme de stabilité, que la trajectoire de ce dernier « provisionne la sortie des boucliers tarifaires et la réduction de certaines dépenses fiscales et sociales inefficaces. » Pourriez-vous préciser le chiffrage du surcroît de recettes qui devrait ainsi provenir chaque année de la suppression ou de la diminution de certaines niches fiscales ?

Enfin, s’agissant du projet de loi de règlement, dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État pour l’année 2022, la Cour des comptes a relevé l’importance des reports de crédits non consommés en 2022 sur l’exercice 2023 pour quarante programmes et un montant total de 18,7 milliards, et a souligné que ces reports ne pouvaient pas se justifier, comme en 2020 et 2021, par l’incertitude découlant de la crise sanitaire. Cela pose donc un problème au regard des principes d’annualité et de spécialité budgétaires. Comment ajuster de façon plus satisfaisante, lors du prochain collectif budgétaire de fin d’année, à un moment où l’exécution est déjà bien avancée, les crédits des missions budgétaires pour éviter dans le futur des reports de crédits d’une telle ampleur ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’observe tout d’abord que les dépenses du budget général augmentent de 4,4 % en 2022, alors même que les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire reculent de 47 milliards d’euros, et que les dépenses publiques dans leur ensemble connaîtront, selon dans le programme de stabilité une augmentation en volume de 0,6 %, ce qui signifie que les dépenses publiques augmenteront plus rapidement que l’inflation. Il convient donc de n’employer qu’avec prudence le terme d’« austérité ».

En 2022, les résultats constatés sont à la fois meilleurs qu’en 2021 et meilleurs qu’anticipé. Alors qu’il était de 6,5 % du PIB en 2021, le déficit public s’est établi à 4,7 % en 2022, soit moins que les 5 % prévus. La dette publique est, quant à elle, passée de 112,9 % à 111,6 % du PIB, soit légèrement en dessous des prévisions. Nous devons ces résultats à une économie résiliente, rendue plus robuste, solide et agile par les réformes économiques, sociales et fiscales menées avec constance depuis 2017 et dont le ministre vient de parler longuement. L’augmentation des emplois qui en résulte se traduit par moins de chômage, plus de salaires, plus de bénéfices et d’investissements, ainsi que par un dynamisme accru des rentrées fiscales et sociales, ce qui améliore la situation relative de nos finances publiques. Je voudrais, à cet égard, rappeler que l’impôt sur les sociétés rapportera 15 milliards d’euros de plus que prévu en 2022. Je remercie tous les acteurs économiques qui, au-delà de notre politique de l’offre, font le succès de nos entreprises.

Certains répètent depuis des années qu’il n’est pas important d’avoir une dette, qu’il ne faut pas la rembourser et qu’il s’agit d’une dette perpétuelle. Les chiffres, hélas, nous ramènent à la triste réalité : les intérêts de la dette nous coûtent 50 milliards d’euros en 2022, soit environ 12 milliards de plus qu’en 2021, et la projection de cette valeur pour la fin de la période, en 2027, s’élève à 71 milliards d’euros. En d’autres termes, si nous n’étions pas endettés, nous aurions 71 milliards de recettes supplémentaires pour investir dans les hôpitaux, dans la transition écologique et dans nos politiques publiques. Donc, de grâce, n’affirmons pas qu’il n’est pas important de désendetter notre pays !

Pour ce qui est du projet de loi de règlement pour 2021, je ferai écho aux propos du ministre. On nous dit depuis le mois de juin dernier que notre majorité n’aurait pas tiré toutes les leçons du fait qu’elle est une majorité relative. Mais nos oppositions ont-elles conscience de ce que, prises dans une alliance des contraires, elles bloquent un texte qui n’est qu’une photographie comptable de ce que nous avons fait les années précédentes ? C’est une chose que de voter un projet de loi de finances ou un projet de loi de programmation des finances publiques, qui comporte évidemment des choix politiques sur lesquels nous pouvons diverger, et c’en est une autre que de ne pas accepter ce qui a eu lieu – c’est, en fait, assez incompréhensible.

S’agissant du projet de loi de règlement pour 2022, on ne peut que se féliciter que le solde structurel soit en amélioration d’un point.

Il n’en est pas moins nécessaire de trouver comment avoir des finances publiques saines dans la durée, et il faut absolument associer à cet effort les collectivités territoriales. En effet, si les dépenses de l’État s’élèvent à 450 milliards d’euros, celles des collectivités territoriales représentent 300 milliards : on voit bien qu’on ne peut pas réussir globalement sans faire conjointement cet effort et il est bon que l’État montre l’exemple en la matière.

Par ailleurs, le fait que notre pays vive au-dessus de ses moyens est assurément justifié par les crises exceptionnelles que nous avons traversées et qui nous ont obligés à mobiliser des sommes colossales, mais il est maintenant nécessaire que la revue des dépenses publiques porte ses fruits et que l’efficacité de nos politiques publiques soit passée au crible pour retrouver des sources d’économies. J’approuve donc les principes qui sous-tendent la programmation actualisée des finances publiques que nous propose le Gouvernement, qui vise des objectifs plus ambitieux, avec un solde public désormais fixé à – 2,7 % en 2027 et un désendettement constant sur la période, alors qu’il ne commençait qu’en 2026 dans le projet de loi de programmation des finances publiques. Ces éléments ont vocation à s’inscrire dans une loi de programmation des finances publiques actualisée par rapport au projet déposé par le Gouvernement en septembre dernier. La Première ministre a annoncé que nous examinerions à nouveau ce projet de loi au mois de juillet. Je rappelle que l’adoption de ce texte revêt une grande importance pour que la Commission européenne verse à la France les fonds issus du plan de relance européen. L’enjeu pour 2023 est de 11 milliards d’euros d’aides européennes.

Je soutiens donc l’action résolue prévue en matière de dépenses, dont témoigne, sur la période, une trajectoire ambitieuse du ratio des dépenses publiques dans le PIB et la stabilité du taux de prélèvements obligatoires. Nous nous donnons les moyens d’y parvenir, notamment en ayant réformé l’assurance chômage et les retraites. Il est en outre demandé aux ministères de déterminer un quantum de 5 % de crédits, hors ressources humaines, à identifier pour faire des choix de verdissement ou d’économie. La méthode est nouvelle et intéressante, et la majorité veillera à ce qu’elle donne des résultats.

J’en viens à mes trois questions. Tout d’abord, quelles sont les raisons qui vous amènent à saisir à nouveau le Parlement du projet de loi de règlement pour 2021 ? N’aurait-il pas suffi de le faire pour 2022 ?

La gestion 2022 a été marquée par une succession d’ouvertures et d’annulations de crédits qui ont profondément modifié l’autorisation parlementaire initiale. Le décret d’avance et les deux lois de finances rectificatives ont permis de répondre à l’accentuation de la hausse des prix de l’énergie observée à compter du début de la guerre en Ukraine. Comme l’a également relevé le Haut Conseil des finances publiques, la gestion 2022 a été marquée par un volume massif de reports de crédits sur 2023, de l’ordre de 18 milliards d’euros, et par un reste à payer colossal de 215 milliards d’euros. Une succession de crises a certes donné lieu à l’instauration de dispositifs exceptionnels, mais ces montants sont probablement trop élevés. Quels moyens envisagez-vous pour revenir à des volumes plus raisonnables ?

Pour ce qui est, enfin, du bouclier tarifaire, pour lequel la Cour des comptes notait une sous-exécution en 2022, je ne retrouve pas les chiffres correspondants dans le tableau qui figure aux pages 25 et 26 du programme de stabilité. Je ne retrouve pas non plus dans les recettes de 2022 l’imposition des superprofits des énergéticiens que nous avons votée. Pouvez‑vous nous apporter des précisions sur ces deux points et nous indiquer quel rendement vous prévoyez pour cet impôt en 2023 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous confirme que nous avons quelques divergences, qui sont toutefois naturelles dans cette commission, et même bienvenues pour le dynamisme de notre vie démocratique.

Oui, nous assumons une politique d’offre ; non, nous n’instaurons pas une politique d’austérité. La dépense publique baissera en volume annuel, avec les chiffres que j’ai indiqués pour les collectivités locales et pour l’État, mais les chiffres bruts font apparaître que la dépense publique augmentera de 219 milliards d’euros entre 2022 et 2027. C’est moins que si nous avions appliqué le taux de l’inflation, et cela permet de réduire la dépense publique par rapport à l’augmentation de la richesse nationale. Nous voulons que la dépense croisse moins vite que la richesse nationale. Ce principe ne signifie pas, cependant, que la dépense ne continue pas à augmenter : pour les seules collectivités locales, ce seront ainsi 35 milliards de plus entre 2022 et 2027.

Une politique d’austérité se définit par le fait d’assumer une réduction de la dépense supérieure à l’augmentation la richesse nationale, c’est-à-dire de tailler dans les dépenses plus qu’on ne crée de richesse. Je ne crois pas à cette politique et ce n’est pas celle que nous appliquons.

Je rappelle, en outre, que la dépense publique, même si elle baisse de quatre points grâce à notre action résolue, représentera 53,5 % du PIB en 2027, ce qui place encore la France parmi les pays où elle est la plus élevée des pays développés.

Enfin, nous maintenons cette politique de l’offre pour la simple raison qu’elle produit des effets qu’aucune autre politique n’a produits dans les décennies passées, avec 1,3 million d’emplois créés, un niveau de chômage au plus bas depuis quarante ans, des usines qui rouvrent et des embauches d’ouvriers et d’ingénieurs.

Pour ce qui est de la priorité à la dette écologique, je pense comme vous, monsieur le président, qu’il faut investir massivement dans la décarbonation de l’économie. En revanche, une dette financière excessive empêche de réduire la dette écologique, car la charge de ses intérêts nous prive de milliards d’euros qui auraient pu être utilisés beaucoup plus efficacement pour la décarbonation de l’économie, le déploiement des éoliennes ou le soutien aux batteries électriques ou à l’hydrogène vert. Réduire la dette financière, c’est dégager des marges de manœuvre pour payer notre dette écologique. Les deux sont, pour moi, intimement liés.

Je vous confirme que la demande de nos titres est stable et que le financement de la dette de la France n’est pas une préoccupation. Il faut cependant tenir compte aussi du fait que tous les autres États européens ont également pris la décision d’accélérer leur désendettement. L’Italie, par exemple, a décidé d’avancer de 2026 à 2025 le passage de son déficit sous le seuil de 3 %. Si nous voulons que notre dette reste attractive, nous devons prendre aussi des décisions d’accélération de notre désendettement.

Quant aux taux d’intérêt, nous avons envisagé qu’ils seraient de 3,4 % à l’horizon de 2024. La prévision d’inflation est, à cette date, de 2,6 %, et ce chiffre baissera progressivement à 1,75 %, de telle sorte que les taux d’intérêt réels seront bien positifs à compter de 2024, ce qu’ils ne sont en effet pas aujourd’hui.

Pour ce qui est, enfin, du coefficient multiplicateur, j’estime que si son efficacité était prouvée, nous aurions, compte tenu de notre niveau de dépense publique, la croissance la plus élevée de tous les pays de l’OCDE, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Le véritable coefficient multiplicateur réside dans l’investissement et l’innovation beaucoup plus que dans la pure dépense publique.

L’imposition minimale sur les entreprises, combat que nous avons mené depuis maintenant plus de cinq ans, entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2024 et devrait générer une recette de l’ordre de 2 milliards d’euros qui sera disponible à partir de 2026, les revenus de l’exercice 2024 étant déclarés en 2025 pour un paiement effectif à partir du 1er janvier 2026.

Je souhaite, moi aussi – car nous avons, malgré tout, des points de convergence –, réduire les niches fiscales brunes. Ce n’est pas simple, car ces exonérations de fiscalité touchent par exemple le gazole non routier, mais il nous faut, pour réussir notre transition écologique, basculer d’une fiscalité favorable aux énergies fossiles à une fiscalité favorable aux énergies décarbonées. En termes de méthode, je suggère que, lorsque nous réduisons l’avantage fiscal accordé aux énergies fossiles, nous conservions une partie de l’économie réalisée pour aider le secteur concerné à investir dans la décarbonation. Il s’agirait que ces sommes ne soient pas toutes consacrées au désendettement, mais par exemple qu’une partie de l’effort demandé au secteur du transport routier soit utilisée pour permettre aux transporteurs routiers d’investir dans des camions équipés de batteries électriques ou de moteurs à hydrogène.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le président, les collectivités locales sont déjà associées au processus. Dans le cadre de la revue de dépenses et en prévision des assises des finances publiques, Bruno Le Maire et moi-même avons reçu les associations d’élus, qui travaillent aussi, au niveau technique, avec nos équipes. Une nouvelle réunion importante se tiendra d’ailleurs demain pour nous permettre de cheminer ensemble vers une maîtrise de la progression des dépenses de fonctionnement pour les cinq années à venir, même si les dispositifs que nous avions proposés dans le cadre de la précédente loi de programmation des finances publiques et que vous avez rappelés n’ont pas été retenus à la suite de l’annonce faite par la Première ministre au congrès des maires, voilà quelque mois.

Le niveau des reports de crédits non consommés est certes encore élevé, mais il baisse par rapport aux années précédentes, où il était très important, du fait notamment de la crise du covid-19 et du plan de relance, qui sont désormais derrière nous. Cependant, une crise succédant à une autre, nous connaissons maintenant celle de l’inflation, qui a conduit à engager l’année dernière d’autres dépenses massives, dont certaines ont été reportées en 2023. Ainsi, pour les différents chèques adoptés par le Parlement pour le fioul ou le bois, par exemple, les crédits n’ont pas été consommés dans leur intégralité en 2022 et sont reportés en 2023 ; de même, le guichet d’aide aux entreprises en difficulté à cause du prix de l’énergie fait l’objet d’un report très important sur 2023.

Parmi les dépenses hors crise, les reports sont importants notamment pour le plan d’investissement dans les compétences et son volet régional, qui accusent une assez forte sous-consommation avec 1,8 milliard d’euros non consommés en 2022 – dont, par exemple, 762 millions pour la région Île-de-France. Les régions où les crédits sont les plus fortement consommés sont celles où le plan d’investissement dans les compétences est opéré par Pôle emploi, faute de conventionnement avec les conseils régionaux concernés – je pense notamment à la région Auvergne Rhône-Alpes. Il y a donc, globalement, une diminution du volume des reports, passé de 36,7 milliards d’euros en 2020 à 23,3 milliards en 2021 et 18,8 milliards en 2022. C’est encore trop, évidemment, car, en rythme de croisière normal, ce montant est de l’ordre de 3 milliards d’euros. Notre objectif est donc de revenir à un volume normal de reports mais, comme je l’ai dit, la crise de l’inflation explique l’essentiel de ces derniers.

Enfin, nous ajoutons l’amortissement de la dette covid, soit 165 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2022, ce qui gonfle très fortement les restes à payer.

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour répondre au rapporteur général sur les boucliers et la sous-exécution des crédits, tout cela est dû à la variation des prix de l’électricité et du gaz, difficile à anticiper. Nous avons été agréablement surpris par la chute du prix du gaz, revenu à 50 euros le mégawattheure, ce qui a une incidence sur la contribution sur la rente inframarginale (Crim) et sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Pour 2022, nous avons perçu 11,5 milliards d’euros de recettes liées à la taxation des superprofits. Pour 2023, nous anticipions 35,8 milliards de recettes, avec notamment une CSPE de 23,8 milliards et une Crim de 11 milliards. Nous prévoyons désormais des chiffres beaucoup plus faibles en raison de la baisse des prix : 9,5 milliards pour la CSPE et 4,3 milliards pour la Crim, soit un total de recettes de 14,5 milliards.

M. le président Éric Coquerel. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Parler d’austérité dans un pays qui a près de 3 000 milliards d’euros de dette publique et dont la dépense publique est supérieure à 50 % du PIB est, à tout le moins, hors de propos. Les ministres ont bien démontré à quel point l’État a été protecteur ces trois dernières années – aucun autre pays n’a d’ailleurs fait autant pour ses citoyens et son tissu économique –, ce qui nous a permis d’éviter les faillites, le chômage et l’érosion du pouvoir d’achat des Français. Cette politique a évidemment eu des conséquences sur notre endettement et notre niveau de dépenses publiques, et ceux qui en critiquent l’augmentation sont les premiers à proposer des solutions bien plus onéreuses et bien moins efficaces pour les Français, comme la baisse de la TVA ou le blocage des prix.

À l’issue de cette période exceptionnelle, il était temps de retrouver le chemin de l’équilibre de nos comptes, non par idéologie néolibérale ni par une cure d’austérité, mais en misant sur le travail, la croissance et le sérieux budgétaire. Nous l’avons fait dès 2022, en ramenant le déficit à 4,7 % du PIB, soit 0,3 point de moins que prévu, et la dette de 113 à 111,6 % du PIB. C’est donc dès l’an dernier que nous avons engagé le redressement de nos finances publiques. Pour le groupe Renaissance, ce redressement doit être poursuivi, tant pour reconstituer une marge de manœuvre en cas de crise systémique, que pour investir dans la transition écologique et refuser la fatalité de l’endettement, qui fait les impôts de demain.

Nous saluons donc l’accélération du désendettement que traduit ce programme de stabilité par le recours à un déficit public de 2,7 % en 2027 et un abaissement de la dette publique à 108,3 % du PIB cette même année, soit quatre points de moins que ce qui avait été envisagé voilà un an.

Comment sortir du « quoi qu’il en coûte » tout en continuant à protéger les ménages et les entreprises ? Comment financer ces mesures de protection sans matraquage fiscal ? Combien de recettes anticipez-vous de la contribution sur les rentes énergéticiennes, non seulement pour l’an prochain, mais également pour les prochaines années ? Quelles recettes supplémentaires escomptez-vous de la lutte contre la fraude, notamment des trois mesures de lutte contre la fraude sociale annoncées par Gabriel Attal ?

Enfin, vous avez évoqué, monsieur Attal, un « plan Marshall » pour la classe moyenne et avez lancé hier l’opération « En avoir pour mes impôts », qui vise à faire la transparence sur l’utilisation de l’argent public et interroger les Français sur leurs priorités et leur rapport à l’impôt. Pouvez-vous nous rappeler l’impact des dispositions prises en faveur de la classe moyenne et la suite que vous envisagez donner à ces opérations ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il y a bien un lien, monsieur Attal, entre le passé et le futur pour ce qui est du vote des textes budgétaires et du soutien qu’ils reçoivent : c’est que les oppositions, et en tout cas le Rassemblement national, n’ont plus confiance en vous. Vous utilisez des textes que vous présentez comme techniques pour faire systématiquement de la communication, alors que ce n’est pas le lieu, et vous accusez ensuite les oppositions de ne pas vouloir les voter. Si vous voulez que nous votions vos textes, commencez par en ôter toute la propagande et faites-en, avec une attitude républicaine, des textes purement techniques, voire purement comptables, pour que nous puissions avancer.

Comment voulez-vous que nous ayons confiance lorsque vous présentez un programme de stabilité qui n’en est pas un et qui se résume, la plupart du temps, à des effets comptables ? Vous êtes dans un Gouvernement « radeau », sans rame, sans voile ni moteur, ballotté par la tempête de la guerre économique, de l’inflation et des marchés financiers. Vous essayez de faire croire qu’il vous reste un gouvernail mais vous mélangez tout. Par exemple, vous êtes capables de dire que vous avez baissé les impôts alors que nous avons battu, l’année dernière, le record des prélèvements obligatoires. Comment voulez-vous que nous prenions au sérieux de tels textes ? Je ne donne qu’un exemple parce qu’il est difficile, pour le principal parti d’opposition, d’analyser l’intégralité de votre politique économique et financière en seulement deux minutes.

Vous vous heurtez aux taux d’intérêt, dépense structurelle contre laquelle rien n’a été fait malgré toutes les critiques formulées à l’endroit de la politique monétaire. Dix ans après la crise de l’euro, cette politique n’a pas été repensée alors qu’elle ne compense plus rien en matière d’inflation et de dette publique. Faute d’une réflexion de fond sur ce que les Français doivent amortir et ce qui ne relève pas de leur responsabilité – la désindustrialisation, la crise financière et la crise du covid – nous ne nous en sortirons pas. Ce n’est pas aux Français de financer ces politiques par leurs impôts !

Vous avez reconnu qu’un plan Marshall en faveur des classes moyennes était nécessaire. Reconnaissez-vous qu’après dix ans de votre politique, elles sont ruinées et doivent être reconstruites ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Je ne sais pas trop quoi vous dire…

Vous venez nous voir pour nous dire que vous voulez faire des économies, ce qui impliquera une politique d’austérité. Vous nous dites que vous voulez faire encore plus d’économies que vous ne l’aviez annoncé lors de votre dernière venue, ce qui supposera un sous-financement des services publics, des communes et de notre système de santé, et ressemble à tout sauf à un pacte de stabilité. Choisir de baisser les dépenses alors que les Français ne parviennent plus à vivre de leur travail et que l’hôpital continue de s’effondrer, cela s’apparente plutôt à un pacte d’instabilité.

Vous affirmez qu’après les citoyens, l’État doit prendre sa part, mais qu’est-ce que cela signifie sinon des économies sur les écoles, sur les soutiens aux ménages, sur les communes, l’hôpital, les pompiers, les transports ? Vous proposez de faire des économies alors que les artisans ont de plus en plus besoin d’être aidés, que des classes ferment et continueront de fermer, que des communes tirent la langue, qu’un tiers des ménages les plus pauvres est obligé de supprimer un repas ! Et vous leur proposez maintenant de sauter le petit-déjeuner !

S’agissant de l’hôpital, la sécurité sociale devra faire des économies, ce qui aura donc des incidences sur la santé des Français mais, aussi, sur les soignants. Je vous rappelle qu’un patient est mort sur un brancard, la semaine dernière, à Grenoble, après avoir attendu trois jours pour être pris en charge et que cet hiver, des enfants ont été intubés dans les couloirs des services d’urgence ! Et vous voulez faire des économies ?

Deux choix étaient possibles : faire payer les plus riches et en finir avec les cadeaux que vous avez faits aux entreprises ou faire payer tous les Français et détruire leurs services publics. Vous avez choisi la deuxième option. Vous profitez des fractures nées de la crise des retraites pour faire passer vos pires mesures. Pensez-vous donc que les Français vont suffisamment bien pour leur demander plus d’efforts, plus d’économies et moins de services publics ?

M. Patrick Hetzel (LR). Votre programme de stabilité témoigne d’une prise de conscience nouvelle quant à l’impératif de réduction du déficit et de la dette, dont la charge est bien plus élevée qu’annoncé. Hélas, cette bonne volonté est bien tardive et, au-delà des bonnes intentions, nous jugerons sur les actes, car, ces derniers temps, le Gouvernement a surtout promis des hausses de dépenses.

Nous avons proposé de les réduire à hauteur de 20 milliards à l’horizon de 2025, puis, de 10 milliards à l’horizon de 2027, grâce à une politique de débureaucratisation. Selon le Gouvernement, une telle réduction n’est pas documentée mais les baisses de dépenses qu’il prévoit ne le sont nullement. Comment allez-vous procéder ? Quels secteurs seront concernés ?

À l’initiative de notre groupe, une mission d’information sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaire a été créée, rapportée par Véronique Louwagie et Robin Reda, dont nous espérons que le Gouvernement suivra les conclusions. Comment comptez-vous travailler avec les rapporteurs et faire en sorte que le Parlement, au lieu d’être réduit à une variable d’ajustement, soit écouté ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Notre groupe salue l’orientation principale consistant à accélérer le désendettement par rapport à la trajectoire précisée en 2022.

Votre plan prévoit une nette augmentation du coût de financement de la dette publique, ce qui est logique compte tenu de l’épisode inflationniste que nous connaissons et du durcissement induit des politiques monétaires. Nous risquons donc d’entrer dans le cercle vicieux de la hausse des taux d’intérêt, du coût de financement de la dette, du déficit, donc de la dette. Comment l’Agence France Trésor s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne ? Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI) sont-elles toujours utilisées ?

La hausse du coût de la dette montre combien les politiques publiques doivent être plus efficaces afin d’en réduire la charge, tant pour l’État que pour les autres administrations publiques. Quelles mesures peuvent être envisagées afin d’encourager les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale à atteindre une baisse des dépenses de 0,5 % ou de 0,8 % ?

Le programme de stabilité s’inscrit dans le Semestre européen issu de la réforme de 2011. Quand le nouveau cadre de gouvernance européenne sera-t-il validé ? Le ministre allemand des finances, Christian Lindner, a publié une tribune très critique sur les propositions de la Commission européenne visant seulement à réformer le cadre existant à la marge. Comment abordez-vous les discussions, alors qu’il aura politiquement besoin d’obtenir quelque chose ? Dans ce futur cadre, quelle place les investissements, notamment pour le climat, doivent-ils prendre ?

Enfin, le programme de stabilité se fonde intégralement sur les dépenses, or, à l’heure où l’on demande à tous la sobriété, les députés de mon groupe sont attachés à une fiscalité privilégiant l’investissement plutôt que la distribution de dividendes exceptionnels.

M. Philippe Brun (SOC). Nous avons eu raison de ne pas voter votre projet de loi de programmation des finances publiques : à peine l’Assemblée nationale l’a-t-elle rejeté que vous lui êtes infidèles en proposant une programmation encore plus « austéritaire ». Avec une baisse de 4 points de la dépense publique en cinq ans, vous proposez en effet une véritable cure d’austérité, qui ne s’accompagne d’ailleurs d’aucune réforme structurelle et se traduira par un coup de rabot d’environ 5 % par ministère, ce qui nous semble difficilement crédible.

En effet, comme l’a rappelé le Haut Conseil des finances publiques, vos précisions d’inflation semblent sous-estimées et vos prévisions de croissance, particulièrement optimistes, votre scénario étant plus favorable que celui de la Commission européenne et de la Banque de France, laquelle prévoit une croissance de seulement 0,6 % en 2023.

Vous justifiez cette aggravation de la réduction des dépenses en raison du niveau de la dette, mais pourquoi persistez-vous à recourir aux OATI ? La dernière adjudication a eu lieu le 20 avril, alors que celles de l’année dernière nous ont coûté quasiment 16 milliards en charge de la dette. Si nous recourions moins à ce type d’instrument financier, nous éviterions de telles dépenses supplémentaires.

Quid du bouclier tarifaire, qui coûte 50 milliards chaque année ? Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse du marché européen de l’énergie en mettant fin à la ridicule indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz.

Enfin, allez-vous mettre un terme à votre politique de désarmement fiscal qui, là encore, nous prive de recettes utiles et indispensables ? Si votre politique de l’offre était efficace, notre balance commerciale n’aurait pas été pas déficitaire à hauteur de 164 milliards en 2022.

M. Christophe Plassard (HOR). Notre économie a particulièrement bien résisté en 2021 et en 2022, avec des taux de croissance importants et des résultats inédits sur le front de l’emploi. Sa résilience doit être mise au crédit des travailleurs et des chefs d’entreprise, qui créent de la valeur et permettent de traverser les crises que nous connaissons.

Une telle résilience prouve également que la politique conduite par les gouvernements et la majorité a porté ses fruits. Les puissants dispositifs d’aide déployés pendant la crise sanitaire, puis, pour faire face au choc inflationniste, ont permis d’amortir les effets délétères pour nos concitoyens. Le déploiement des plans France relance et France 2030 permet de redonner du souffle à notre économie et de l’orienter vers les secteurs d’avenir.

Une telle politique, cependant, a un coût élevé pour nos finances publiques et si le déficit se résorbe peu à peu, il reste supérieur à celui de la majorité de nos voisins européens et alimente une dette trop importante. Nous partageons donc la volonté des ministres de réduire notre endettement en maîtrisant les dépenses et en sanctuarisant les recettes. Comment comptez-vous parvenir à réduire la dépense publique à 53,5 % du PIB en 2027, le Haut Conseil des finances publiques jugeant votre prévision de croissance plutôt optimiste ?

Dans le cadre du plan national de relance et de résilience, les financements européens s’élèveraient à 40,3 milliards. Pouvez-vous faire un point des versements intervenus et à venir ?

Enfin, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 pointe une difficulté de recrutement dans la fonction publique, notamment dans l’éducation nationale et les armées. Comment abordez-vous ce problème ? Quelles sont les projections en matière de ressources humaines ?

M. Charles de Courson (LIOT). Que pensez-vous du sondage Elabe du 24 avril 2023 selon lequel 43 % des Français ne sont pas du tout satisfaits de la gestion des dépenses publiques et 34 % pas vraiment satisfaits ? Cela fait 77 %, dont 36 % d’électeurs de la minorité présidentielle.

Comment pouvez-vous retenir un taux de croissance potentielle de 1,35 % par an avec une réduction de l’écart de production proche de zéro en 2027, alors que le taux constaté ces dernières années est de l’ordre de 1 % ?

Les dépenses publiques, de 2017 à 2023, sont passées de 56,5 % du PIB à 56 %, soit une baisse d’un demi-point de PIB, de 12 milliards au total et de 2 milliards chaque année – autant dire presque rien. Selon vos prévisions, de 2023 à 2027, elles passeraient de 56 % à 53,5 %, ce qui représenterait en 2027 un effort de 65 milliards. D’où viendraient de telles économies, hors celles réalisées sur les retraites, que vous avez d’abord évaluées à 13 milliards lors du non-vote de votre projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et que vous estimez maintenant à 8 milliards ? De l’assurance chômage ? Quelles sont les économies structurelles qui nous permettraient de réaliser 16 milliards d’économie par an ?

Dans votre grande bienveillance, vous expliquez que les dépenses des collectivités locales pourront augmenter de 0,8 % en volume contre 0,5 % pour celles de l’État. Or, ces deux dernières années, l’écart entre la croissance des dépenses publiques de l’État et celles des collectivités locales n’a pas été de 0,3 point mais de 1,4 et 1,1 points. Les contrats de Cahors seront-ils réactivés ? Allez-vous appliquer les dispositifs rejetés par l’Assemblée nationale à deux reprises ? Prévoyez-vous de nouveaux mécanismes ?

Enfin, entre 2017 et 2022, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 45,1 % à 45,3 %. Vous avez annoncé des baisses massives qui ont été en fait compensées par des hausses. De 2023 à 2027, la situation serait à peu près stable, puisque les taux seraient respectivement de 44,3 % et de 44,5 %, mais vous avez déclaré lors de votre conférence de presse qu’il convenait de maintenir une politique de diminution des impôts. Comment expliquez-vous une telle contradiction ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous confirme que nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte » et que nous voulons progressivement mettre un terme aux boucliers tarifaires sur le gaz et l’énergie – ce sera le cas au début de 2025 – puisque le prix du gaz est revenu à son niveau d’avant la crise. Un tel retrait des dispositifs de protection est légitime, sauf à vouloir subventionner une énergie fossile. S’agissant de l’électricité, la baisse sera plus progressive. Nous réaliserons ainsi 30 milliards d’économie nets, ce qui permettra de contribuer au rétablissement des finances publiques après une dégradation des comptes qu’explique la protection contre l’inflation.

Je ne partage évidemment pas l’avis de M. Tanguy sur la manière dont nous avons tenu le cap lors de la tempête du covid. Les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, les industriels que nous avons sauvés et que je rencontre très fréquemment savent que nous avons évité l’effondrement de notre économie et une explosion du chômage parce que nous avons pris les bonnes décisions au bon moment.

L’augmentation du taux des prélèvements obligatoires s’explique par le dynamisme de la masse salariale, donc une augmentation des recettes, notamment celles de l’impôt sur les sociétés (IS), même si nous en avons baissé le niveau. Lorsque tel est le cas, la prospérité et le rendement des entreprises augmentent, donc la recette fiscale. Pendant le quinquennat, les impôts baisseront de 1 point.

Je n’ai jamais dit que nous réduirions les dépenses en faveur de l’hôpital. Au contraire, nous les avons massivement augmentées et nous devons continuer à revaloriser les salaires des aides-soignants, des infirmiers, des personnels hospitaliers. Le Ségur de la santé a été l’occasion de la plus forte augmentation des rémunérations des personnels soignants depuis plusieurs années, ce qui n’est d’ailleurs que justice compte tenu du travail qu’ils ont accompli durant la crise du covid et qu’ils continuent d’accomplir chaque jour. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ne résume pas la politique hospitalière. Nous faisons des économies sur d’autres dépenses de santé, par exemple, sur les laboratoires, mais nous investissons et nous continuerons d’investir en faveur de l’hôpital public, qui a été le parent pauvre des politiques de santé lors des dernières décennies – ce qui fut à mes yeux une erreur.

J’invite Patrick Hetzel et la mission d’information à participer aux travaux sur la réduction des dépenses publiques et sur la documentation des économies à réaliser. Le programme de stabilité n’a pas vocation à présenter les économies possibles poste par poste, ministère par ministère, dépense publique par dépense publique. Cela relève du projet de loi de finances. Je suis convaincu que seul un dialogue résolu, le plus large possible, avec les oppositions permettra de trouver des points d’accord.

Le livret d’épargne populaire (LEP) protège totalement les épargnants de l’inflation. Grâce à un taux de rémunération supérieur à l’inflation, il constitue le placement le plus intéressant. Or des millions de compatriotes éligibles n’y ont pas souscrit. Je les invite à le faire. Les dépôts des livrets A sont liés à l’inflation et les émissions d’OATI que nous avons poursuivies permettent de protéger les économies des épargnants.

Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec mes homologues de la zone euro sur le pacte de stabilité. Nous nous réunirons à nouveau à Stockholm vendredi et samedi. Nous souhaitons que la réforme puisse aboutir d’ici à la fin de l’année, c’est-à-dire avant que la clause d’exception générale soit levée, le 1er janvier 2024. Nous souhaitons également trouver un bon équilibre entre le rétablissement des finances publiques et les investissements indispensables à la transition climatique. Nous estimons que les propositions de la Commission européenne constituent une base solide. Elles reposent sur trois piliers : d’abord, la différenciation entre les États – tous n’ont pas le même niveau de dette publique puisqu’elle s’élève, pour certains d’entre eux, à 55 % du PIB et pour d’autres, à 185 % ; ensuite, l’appropriation nationale : il appartient aux États souverains de s’approprier les modalités de réduction de leur dette et de leur déficit – c’est un principe auquel nous tenons, je le dis ici, devant les représentants du peuple souverain ; enfin, la préservation des investissements et la prise en compte des réformes structurelles accomplies par les États – je pense, en l’occurrence, à notre réforme de l’assurance chômage et des retraites.

En revanche, nous sommes fermement opposés à toute règle automatique et uniforme pour réduire la dette et les déficits publics. Le passé a montré combien ces règles aveugles aboutissent à de mauvais résultats, peuvent tuer la croissance et, ainsi, nous priver des investissements nécessaires à la transition climatique. J’aurai l’occasion de rappeler la position française à Stockholm, lors du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin).

La réforme du marché européen de l’énergie est fondamentale. Avec le Président de la République et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, nous nous sommes battus et nous avons obtenu gain de cause : la réforme s’appliquera au 1er janvier 2025 et elle permettra à nos compatriotes de bénéficier du coût de production de l’énergie nucléaire. Ainsi, le prix de l’électricité ne sera plus indexé sur le coût d’ouverture de la dernière centrale à gaz en Europe.

Soyons cependant lucides, si nous voulons que cette réforme soit efficace, la France doit produire plus. Un prix de consommation indexé sur le coût de production suppose que nous retrouvions des capacités de production nucléaire suffisantes, faute de quoi le prix restera élevé.

Je ne parlerai pas de « désarmement fiscal » mais nous voulons, il est vrai, mettre un terme à la course aux armements fiscaux : la multiplication des taxes et des impôts a été une grande singularité française parce que nous n’avons pas eu le courage d’opérer les transformations économiques nécessaires.

La politique de l’offre n’est en rien inefficace. Le déficit commercial a en effet fortement augmenté mais, principalement, parce que la note énergétique a flambé. Une politique de l’offre favorisant l’ouverture de nouvelles usines et le développement de capacités de production électrique dans notre pays permettra de le réduire. Cela passe par une plus grande production d’énergie, à un coût raisonnable, et une augmentation de la production industrielle et d’offre de services, comme nous le faisons et comme nous continuerons à le faire avec le projet de loi sur l’industrie verte.

Les prévisions de croissance sont conformes à celles du Fonds monétaire international et me paraissent donc crédibles.

Je ne suis pas là pour commenter les sondages, monsieur de Courson. Notre politique ne se fonde pas sur eux mais sur nos engagements de campagne, le sens de l’intérêt général et notre détermination à rétablir les finances publiques. Peut-être est-ce la raison de nos divergences à propos des retraites.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans les prochaines semaines, j’aurai l’occasion de présenter le plan de lutte contre toutes les fraudes, fiscales et sociales. Il comprend un volet social fixant des objectifs ambitieux en matière de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Les Urssaf font un travail remarquable mais je souhaite qu’on aille plus loin en recouvrant 5 milliards supplémentaires pendant le quinquennat.

Je souhaite également que l’on vise les plateformes où les travailleurs ne cotisent pas pour leur retraite, ce qui représente un manque à gagner pour notre modèle social et en termes de droits.

Je souhaite aussi que l’on avance sur le phénomène des sociétés éphémères, qui prend de l’ampleur. Des sociétés accumulent un certain nombre de dettes sociales, notamment en matière de cotisation, pour un montant qui, l’année dernière, a été de 100 millions.

Je souhaite encore que l’on aille plus loin en matière de prestations sociales. Nous avons d’ores et déjà adopté un certain nombre de mesures puisqu’à partir du 1er juillet prochain, il ne sera plus possible de verser des allocations sociales sur des comptes bancaires étrangers. Je souhaite que la condition de résidence pour bénéficier des allocations sociales soit rehaussée. Aujourd’hui, il est nécessaire de vivre six mois de l’année en France pour bénéficier des allocations familiales ou du minimum vieillesse, huit mois pour bénéficier de l’aide personnalisée au logement (APL) et neuf mois pour bénéficier du RSA et de la prime d’activité. Je souhaite qu’une période globale de neuf mois soit retenue.

J’ai évoqué avec mon collègue ministre du travail la question des allocations chômage, dont le bénéfice suppose de vivre six mois de l’année en France. L’évolution de la situation dépendra avant tout des partenaires sociaux mais, à titre personnel, je ne trouve pas normal que l’on puisse vivre six mois de l’année hors de France tout en percevant ces allocations. Il me semble qu’un alignement sur les autres allocations sociales devrait être possible, même si l’allocation chômage, j’en suis conscient, est une prestation contributive.

Je rappelle que la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) évalue à 2,8 milliards la fraude et les indus chaque année. Le plan permettra, là encore, d’avancer.

Nous n’avons pas de leçon à recevoir de la part du Rassemblement national sur les classes moyennes. Ce parti est le pire ennemi des classes moyennes.

Le plan Marshall pour les classes moyennes a été engagé dès 2017 en supprimant la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle, en abaissant de 5 milliards d’euros l’impôt sur le revenu pour les premières tranches, en défiscalisant les heures supplémentaires, en autorisant la monétisation des RTT, en revalorisant de manière inédite le barème de l’indemnité kilométrique et, plus récemment, en rehaussant le plafond du crédit d’impôt pour la garde d’enfants. Ce sont autant de mesures en faveur des classes moyennes que le Rassemblement national n’a pas soutenues.

Ensuite, pour la préoccupation majeure des classes moyennes – l’emploi –, le Rassemblement national et les mesures qu’il propose représentent une menace. J’ai en tête un amendement lors du débat sur les retraites, qui m’avait amené à qualifier ses députés de patriotes de pacotille : sous couvert de taxer les superprofits, il touchait des fleurons industriels français – Fleury Michon, les chantiers de l’Atlantique, la Compagnie laitière européenne – et risquait de causer des drames en matière d’emplois. Enfin, le Rassemblement national ne défend pas les classes moyennes lorsqu’il refuse de voter la courageuse réforme de l’assurance chômage dont l’objet est d’inciter à la reprise d’emploi.

Nous sommes les mieux à même d’accompagner les classes moyennes. Oui, monsieur Lefèvre, nous entendons prolonger le plan Marshall en leur faveur, notamment en poursuivant la baisse des prélèvements obligatoires.

Quant au désarmement fiscal que déplore Philippe Brun, je prends comme un compliment les critiques de certaines personnes ou institutions, au demeurant respectables, sur la diminution excessive des impôts, moi qui ai toujours entendu reprocher aux gouvernements d’augmenter les impôts depuis que je suis en âge de m’intéresser à l’actualité. Rares sont les gouvernements ayant réussi à baisser les impôts, je suis fier d’en faire partie. Ce succès sert nos objectifs qui restent de libérer les énergies, de développer l’activité économique et d’améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes qui travaillent.

Monsieur Hetzel, j’ai été auditionné par la mission d’information conduite par Véronique Louwagie et Robin Reda sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaires. Nous attendons beaucoup de leurs propositions pour alimenter notre future stratégie d’économies.

J’ai l’intention de réitérer les dialogues de Bercy dans un format enrichi. Je souhaite qu’ils soient plus précoces et plus nourris et je proposerai prochainement une méthode dans cette optique.

Monsieur Plassard, la sous-consommation d’emplois publics concerne essentiellement les ministères de l’éducation nationale, des armées et des outre-mer. Pour les armées, l’effet générationnel joue fortement. Le projet de loi de programmation militaire prévoit des plafonds de recrutement très importants pour pallier les très nombreux départs à la retraite. En ce qui concerne l’éducation nationale, le métier d’enseignant souffre d’un manque d’attractivité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé des revalorisations de salaires inédites depuis 1990. Il est à noter que la sous-consommation est à peu près équivalente dans l’enseignement public et dans le privé. Celle-ci est aussi la conséquence de la réforme du concours. Les candidats doivent désormais être titulaires d’un master et inscrits en deuxième année, et non plus en première année ; c’était donc le même vivier pour les concours deux années de suite, ce qui a restreint les possibilités de recrutement.

Enfin, monsieur de Courson, nous n’avons pas besoin de sondages pour savoir que les Français aimeraient que les services publics fonctionnent mieux compte tenu de ce qu’ils coûtent. La consultation « En avoir pour mes impôts » que j’ai lancée permettra d’échanger avec eux. Des réunions publiques se tiendront dans les trésoreries de chaque département d’ici à l’été. Stanislas Guerini et moi avons participé hier à la première du genre, dans l’Hérault.

Quant à la réforme des retraites, les 13 milliards d’euros d’économies ont toujours été annoncés pour 2030. Leur montant net sera autour de 8 milliards en 2027 auquel il faut ajouter les recettes liées à la réforme qui sont estimées à 9 milliards hors cotisations vieillesse, signe que celle-ci est aussi importante sur le plan budgétaire.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Dominique Da Silva (RE). Le programme de stabilité indique une hausse de 3,5 % par rapport à 2022 des dépenses des organismes divers d’administration centrale. Cette augmentation est notamment imputable à France Compétences au titre de l’apprentissage. Je soutiens ces dépenses vertueuses, qui contribuent à l’objectif du plein emploi et à la baisse durable du chômage. Six mois après l’obtention du diplôme, 65 % des apprentis sont en emploi.

La subvention de 1,68 milliard d’euros prévue en loi de finances pour soutenir la trésorerie de l’opérateur sera-t-elle suffisante ? Une réflexion est-elle engagée sur la définition d’une trajectoire financière pluriannuelle, que la Cour des comptes appelle de ses vœux pour rétablir sa situation financière et répondre aux choix stratégiques ?

M. Emmanuel Lacresse (RE). L’investissement stimule l’économie et soutient la croissance potentielle. Le programme de stabilité comporte des développements sur les possibilités de réforme de la gouvernance économique européenne afin que les investissements publics soient considérés comme des réformes structurelles destinées à soutenir notre niveau de croissance potentielle.

Comment le programme de stabilité traduit-il les axes prioritaires du Gouvernement que la Première ministre vient de rappeler – le développement du ferroviaire, la rénovation thermique des bâtiments et l’accélération de la décarbonation de notre économie – ainsi que les programmes d’investissement européens dans l’industrie et l’armement ?

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je partage votre volonté de réduire l’endettement de l’État sans augmenter la pression des prélèvements obligatoires.

Comment réduire les coûts administratifs sans rationalisation des effectifs du secteur public et sans limitation des dépenses non essentielles ? Quelles sont les réformes structurelles envisagées pour améliorer l’efficacité du secteur public, notamment en matière de santé et d’éducation ? Ces réformes peuvent-elles aider à réduire les coûts à long terme et à améliorer la soutenabilité des finances publiques ? Quelles mesures sont prévues pour lutter contre les fraudes fiscale et sociale ainsi que contre l’évasion fiscale ? Où trouver des nouvelles ressources sans augmenter les prélèvements obligatoires ? Disposez-vous de marges de manœuvre pour renégocier les conditions d’endettement ?

M. Daniel Labaronne (RE). Le Haut Conseil des finances publiques avait qualifié le programme de stabilité présenté en juillet 2022 de peu ambitieux en matière de redressement des finances publiques. La nouvelle version prévoit une baisse du déficit plus rapide – je m’en réjouis. Comment cela nous place-t-il par rapport à nos voisins ?

Le taux de croissance potentielle est maintenu à 1,35 %. Compte tenu des réformes engagées qui ont permis de créer 1,7 million d’emplois depuis 2017, ne serait-il pas judicieux de relever ce taux ?

Dans la loi de finances pour 2023, nous avons fait un choix fort en indexant le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Sans cette mesure, nombre de foyers auraient connu un taux d’imposition plus élevé en passant à une tranche supérieure. Cette orientation fiscale qui s’adresse aux classes moyennes sera-t-elle conservée ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Le Maire, vous avez déclaré à vos partenaires européens en janvier dernier : « nous refusons que le prix de l’électricité soit dicté par le prix du gaz ». Avez-vous abandonné la réforme du marché européen de l’électricité ou avez-vous cédé à l’Allemagne sur ce point ?

Nous sommes favorables au bouclier tarifaire pour l’électricité. Alors que la France produisait l’électricité la moins chère depuis toujours, grâce à vous, elle a désormais les prix les plus élevés. Serons-nous bientôt saisis d’un nouveau projet de loi de finances rectificative qui tienne compte de cette donnée et de l’inflation ?

Monsieur Attal, le Rassemblement national n’a pas de leçon à recevoir de votre gouvernement. Vous avez très bien appris votre argumentaire. Vous nous accusez de tous les maux, comme d’habitude. Mais, je vous le rappelle, c’est bien vous que la Cour des comptes a épinglé une fois encore pour le niveau inégalé des prélèvements obligatoires, ce dont la TVA est largement responsable.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Vous n’avez pas répondu à la question de Philippe Brun sur les OATI.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre appel aux classes populaires à ouvrir des livrets d’épargne populaire – j’y suis favorable. Que pensez-vous d’un relèvement du plafond de ces livrets, qui n’est que de 7 700 euros contre plus de 22 000 euros pour le livret A ?

Dans le projet de loi de règlement, 36,5 milliards d’euros de crédits ont été ouverts dans la mission Plan de relance. Or seulement 11 milliards ont été consommés par cette mission. Où sont allés les 25 milliards restants ? Prenez-vous l’engagement de mettre fin à ces transferts de crédits qui tiennent à l’écart le Parlement ?

S’agissant de la consultation « En avoir pour ses impôts », après un rapide examen – je suis allé voir le site internet –, le questionnaire me paraît, très orienté. Vous interrogez les Français sur une liste d’impôts que vous avez supprimés – taxe d’habitation, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), contribution à l’audiovisuel public – en oubliant, comme par hasard, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Monsieur Le Maire, le 8 juin 2022, vous avez déclaré : « nous sommes au pic de l’inflation ». Dix mois plus tard, vous nous présentez des documents budgétaires fondés sur une hypothèse d’inflation à 4,9 % cette année et à 2,6 % l’année suivante. Qu’est-ce qui vous fait croire que l’inflation va brutalement diminuer en 2024 alors que le Haut Conseil des finances publiques juge vos prévisions d’inflation trop optimistes ?

En ce moment, des salariés sont mobilisés pour obtenir des hausses de salaire qui sont le seul moyen de faire face à une inflation durable. Tout le monde est en train de se rapprocher du SMIC alors même que le SMIC ne permet plus de vivre dignement.

Monsieur Attal, vous avez lancé un site internet qui nous permet de calculer combien coûte un accouchement, un pompier, un parc, etc. Mais, cela doit être un oubli, rien sur les 150 milliards d’euros d’aides directes et indirectes aux entreprises qui coûtent aux contribuables – les documents budgétaires en attestent – puisque vous ponctionnez notamment les recettes de TVA pour les financer.

M. François Jolivet (HOR). S’agissant des hypothèses sur lesquelles vous avez travaillé pour bâtir le programme de stabilité, avez-vous envisagé des transferts de compétences aujourd’hui détenues par l’État ? Si oui, lesquelles ?

Gabriel Attal connaît mon attachement à la gestion immobilière de l’État, qui représente le deuxième poste de dépense du budget de l’État hors dépenses de personnel. Comptez-vous vous attaquer à une gestion préhistorique ? Le refus de la Cour des comptes de certifier les actifs de l’État est un signe des dysfonctionnements. Quels sont les gisements d’économies dans ce domaine ? La France est le dernier pays d’Europe à ne pas avoir fait un exercice de rationalisation.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains se réjouit qu’enfin le Gouvernement se préoccupe de la réduction des dépenses publiques. Pour autant, la baisse du déficit en 2022 à 4,7 points du PIB est exclusivement due à une évolution très importante des recettes, donc à une hausse des prélèvements obligatoires, mais aucunement à une réduction des dépenses publiques.

La hausse des dépenses, hors dépenses d’urgence sanitaire et dépenses de relance, s’élève à 66,3 milliards d’euros en 2022, ce qui vient s’ajouter à l’augmentation de 37,1 milliards d’euros en 2021 et de 50 milliards en 2020. Or nous n’avons aucune information sur la manière selon laquelle vous comptez réduire les dépenses publiques. Pourriez-vous nous donner plus de précisions ?

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Attal, je partage vos propos sur les travailleurs de plateformes. Pourquoi ne pas transcrire dans le droit français la directive relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme dans sa version adoptée le 2 février par le Parlement européen, aux termes de laquelle est instituée une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes ? Cette solution me semble moins pénalisante pour eux que la requalification a posteriori.

Vous prétendez que les bons chiffres – on pourrait discuter de cette appréciation – de l’emploi en France sont dus à la politique de l’offre. Il me semble pourtant que pendant les deux ans de la pandémie de covid, à moins de considérer que le fait pour l’État de payer les salaires de millions de nos concitoyens en relève, cette politique a été largement mise entre parenthèses, ce qui nous a permis de passer un cap difficile.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le président, je confirme que le « quoi qu’il en coûte » était exceptionnel. La protection conférée par le dispositif d’activité partielle – en vertu duquel les salaires étaient financés par l’argent public – était exceptionnelle. C’était une bonne décision. Nous avons ainsi évité de perdre des compétences et des sites industriels que nous n’aurions jamais retrouvés. Néanmoins, l’exceptionnel a vocation à rester exceptionnel.

Monsieur Da Silva, nous maintiendrons, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, les financements nécessaires pour l’apprentissage. Le développement de l’apprentissage est l’un des grands succès de la politique économique que nous menons depuis plus de six ans – 980 000 apprentis supplémentaires. C’est aussi un succès éducatif et social. De parent pauvre des politiques de l’emploi pendant des décennies, l’apprentissage est devenu la voie royale d’accès à l’emploi en France. Tant mieux.

Monsieur Lacresse, le développement ferroviaire, la rénovation énergétique des bâtiments et la décarbonation seront bien au cœur de nos politiques environnementales dans les années à venir.

Monsieur Laqhila, le meilleur exemple de la capacité de l’administration à réduire ses effectifs tout en conservant son efficacité a été donné par le ministère des finances avec la mise en place du prélèvement à la source. Aucun ministère n’a davantage réduit ses effectifs que le ministère des finances et pourtant la qualité du service a augmenté.

Dans les enquêtes d’opinion, le premier service public cité par les usagers, ce sont les impôts. Je pense au site impots.gouv.fr que nombre de nos concitoyens utilisent en cette période de déclaration fiscale. Il est simple, commode, ouvert. Il montre que, grâce à de nouveaux instruments, on peut réduire la voilure en matière d’emplois publics et augmenter – pas seulement maintenir – la qualité du service public rendu aux usagers.

Monsieur Labaronne, faut-il relever notre prévision de croissance potentielle ? Le taux de 1,35 % me semble raisonnable. Nous n’avons pas voulu le modifier. L’Allemagne a une croissance potentielle à 1 % alors que l’OCDE l’évalue à 0,8 % et à 1,1 % pour la France. En choisissant 1,35 %, nous sommes dans les marges d’écart que pratiquent les autres États européens. Notre croissance potentielle est désormais supérieure à celle de l’Allemagne. C’est là une autre illustration de l’efficacité de la politique de l’offre.

Monsieur Dessigny, l’objectif est de sortir progressivement du bouclier tarifaire sur l’électricité au fur et à mesure de l’application de la réforme du marché européen de l’énergie qui doit commencer au 1er janvier 2025. L’objectif est d’aligner le prix payé par le consommateur sur le coût de production de l’énergie en France, en particulier de l’énergie nucléaire. Je précise, par souci d’honnêteté et de lucidité, que cette convergence n’a de sens que si la France arrête d’importer de l’électricité – l’électricité importée est indexée sur le prix du gaz. Cela suppose d’augmenter le volume de production d’électricité nucléaire en France. C’est un point capital pour l’indépendance et pour la compétitivité industrielle de notre pays. Nous avons obtenu la réforme mais elle n’a d’intérêt que si le volume de production est suffisant pour assurer un prix bas.

Madame Pires Beaune, les coûts de l’indexation de la charge de la dette ont augmenté jusqu’en 2022 à cause de la hausse de l’inflation ; ils baissent entre 2022 et 2023 parce que l’inflation se réduit, donc la charge de la dette diminue de 46 à 41 milliards d’euros ; ensuite, ils augmentent de nouveau à cause de l’impact de la hausse des taux d’intérêt.

Je note votre proposition de relèvement du plafond du LEP. C’est vrai qu’il est plus faible que celui du livret A alors même que le LEP est, de toute évidence, le placement le plus attractif aujourd’hui pour les ménages populaires en France. Cela mérite réflexion. Quant au taux du livret A, j’attends les propositions que me fera le gouverneur de la Banque de France à l’été prochain. Je n’ai pas plus de commentaire à faire pour le moment.

S’agissant du niveau d’inflation, je le répète, nous attendons une baisse à compter de l’été prochain. Nous avons parfaitement conscience que ce qui pèse, aujourd’hui, le plus sur la vie quotidienne des ménages, ce sont les prix alimentaires, d’où mon appel à rouvrir les négociations commerciales entre les grands industriels et les distributeurs pour que soit répercutée sur les prix dans les rayons des supermarchés la baisse des prix de gros que l’on observe aujourd’hui.

Quant au Smic, nous sommes un des seuls pays développés au monde où il est indexé non seulement sur l’inflation mais aussi sur l’augmentation moyenne des salaires, ce qui protège les personnes qui sont au Smic contre l’augmentation de l’inflation. Le Smic a augmenté de 125 euros depuis le début de l’année,

Enfin, madame Louwagie, je vous redis que vous êtes la bienvenue pour participer à la définition des économies de dépenses publiques que nous pourrions réaliser dès le projet de loi de finances pour 2024.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour répondre au président Coquerel, il faut distinguer deux sujets. D’une part, il faut vérifier le statut des travailleurs. À chaque fois que l’inspection du travail, les Urssaf ou d’autres services constatent du travail dissimulé et un lien hiérarchique, des procédures sont engagées pour requalifier des travailleurs indépendants en salariés. Certaines plateformes ont été sanctionnées sur ce motif. D’autre part, il faut s’assurer que les indépendants ayant recours aux plateformes sans être salariés acquièrent bien des droits sociaux correspondant au travail qu’ils fournissent. Sur ce sujet, la France a plutôt été motrice en Europe puisque nous avons poussé pour obliger les plateformes de l’économie collaborative à déclarer les opérations réalisées par leur intermédiaire. Cette obligation a été étendue à l’ensemble des pays de l’Union européenne par la directive DAC7. Les données sont ensuite collectées et affichées sur le parcours en ligne de la déclaration d’impôt sur le revenu des personnes physiques et utilisées par les Urssaf.

Deux approches sont possibles : la première consiste à considérer tous les travailleurs qui utilisent les plateformes comme des salariés. Mais certains d’entre eux sont attachés à leur statut de micro-entrepreneur ou d’indépendant. La seconde approche, qui a notre faveur, consiste à aider les travailleurs à acquérir des droits sociaux. Un récent rapport du Haut Conseil du financement pour la protection sociale (HCFPS) estime à 150 millions d’euros le montant des droits sociaux qui ne sont pas attribués aux travailleurs des plateformes. Je refuse de pénaliser les travailleurs et de diminuer leur pouvoir d’achat. Plusieurs pistes parmi lesquelles la retenue à la source sur les plateformes est à l’étude – certaines sont avancées dans le rapport précité. Aucune décision n’a été prise pour l’instant mais nous devons avancer.

Madame Pires Beaune, pour connaître les crédits issus de la mission Plan de relance transférés à d’autres missions, il faut se référer aux rapports annuels de performance de chaque mission. L’exemple le plus important en volume concerne les primes d’apprentissage : les crédits du plan de relance ont été fléchés vers le ministère du travail.

Monsieur Jolivet, dans sa note, la Cour des comptes estime que l’analyse de l’exécution budgétaire en 2022 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne s’est pas écartée des principes et des règles du droit budgétaire. En revanche, la Cour des comptes interroge la pérennité de notre modèle. En effet, nous serons prochainement confrontés à une raréfaction des biens attractifs, donc à un amenuisement des produits de cession. Les difficultés du CAS sont bien connues. La direction de l’immobilier de l’État qui est rattachée au ministère de l’économie et des finances cherche depuis plusieurs exercices à diversifier ses recettes et à trouver des ressources récurrentes et adaptées aux besoins de financement actuels. Je tiens à votre disposition un intéressant rapport de l’Inspection générale des finances sur le sujet. Le chemin vers une réforme de la politique immobilière de l’État est encore long mais nous pouvons nous entendre sur les priorités politiques : mieux financer la transition énergétique, améliorer l’isolation thermique de nos bâtiments, mobiliser tous les leviers d’optimisation et de mutualisation des surfaces. Avec l’essor du télétravail, nombre de grandes entreprises privées se sont engagées dans cette voie. Il faut évidemment que les bâtiments publics s’adaptent aussi au profond changement dans le rapport au travail et à la surface de travail. Sur ces sujets, je sais que nous pourrons avancer ensemble.

En ce qui concerne la consultation « En avoir pour ses impôts », il s’agit d’une démarche tout à tout à fait inédite. Je vous remercie de vous y intéresser. De très nombreux Français ont déjà répondu au questionnaire. Je vous invite à organiser des réunions publiques dans vos circonscriptions et je viendrai, si vous le souhaitez. Je compte m’impliquer personnellement comme je l’ai fait hier. Le questionnaire peut évoluer, je suis à l’écoute de vos suggestions. S’agissant de la liste des impôts que vous avez mentionnée, c’est le volume financier qu’ils représentent qui explique leur présence dans le questionnaire – c’est le cas de la taxe d’habitation et de la CVAE. La suppression que vous évoquez est bien plus médiatisée que les autres. Je suis prêt à faire évoluer le questionnaire mais si vous citez la suppression de l’ISF, vous devez aussi rappeler celle de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle ainsi que tout ce que nous faisons pour le pouvoir d’achat des Français.

Monsieur Guiraud, je suis prêt à enrichir le questionnaire. Les 150 milliards d’euros que vous qualifiez d’aides aux entreprises sont, dans leur grande majorité, des allégements de cotisations sociales qui bénéficient directement à l’emploi dans notre pays. On en revient au débat lors de la réforme des retraites dans lequel vous proposiez d’augmenter de 700 euros les charges patronales payées par un patron de PME, un artisan, un commerçant pour un salarié au SMIC. Je suis totalement disposé à faire de la pédagogie sur les aides aux entreprises parce que ce sont bien souvent des aides aux salariés.

M. le président Éric Coquerel. Nous en reparlerons. Messieurs les ministres, je vous remercie.

 


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examen des articles

Au cours de sa séance du mercredi 24 mai au matin, la commission a procédé à l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094) et du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022 (n° 1095).

M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivons nos travaux avec l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 et du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022. Je vous rappelle que, sur ces deux textes, présentés en Conseil des ministres le jeudi 13 avril, nous avons déjà auditionné les ministres, le mercredi 26 avril, et également entendu le Premier président de la Cour des comptes.

Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que la commission des finances est amenée à discuter en un seul et même mouvement plusieurs exécutions budgétaires, même s’il faut remonter à l’été 1989 pour trouver un précédent pas trop lointain, avec la discussion et l’adoption de l’exécution budgétaire pour 1986 et pour 1987.

Ce n’est pas non plus la première fois que la commission des finances est saisie une seconde fois d’un projet de loi relatif à une exécution budgétaire pour laquelle le Gouvernement avait déjà présenté un projet : cela s’était déjà produit pour l’exécution du budget pour 1983, qui avait été discuté une première fois en juillet 1985, avant de devoir l’être une seconde fois en janvier 1986. La raison, à l’époque, n’était toutefois pas un rejet du premier texte par le Parlement, mais une censure par le Conseil constitutionnel, pour un motif de procédure.

En somme, nous n’innovons qu’à demi en examinant ce matin deux textes d’exécution budgétaire, dont l’un porte sur un exercice pour lequel un précédent projet de loi a été rejeté.

Sans plus tarder, je vais donner la parole au rapporteur général, et je vous propose que – à l’instar de ce qui sera fait pour la séance publique – nous ayons une seule discussion générale portant conjointement sur les deux textes, avant d’examiner successivement les articles et les amendements portant sur chacun d’entre eux.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous sommes réunis pour l’examen de deux textes, les projets de loi de règlement du budget pour 2021 et pour 2022. Comme vous le savez, le premier projet de loi de règlement pour l’année 2021 a été rejeté par notre assemblée en lecture définitive le 3 août 2022, après avoir recueilli notre approbation en première et en nouvelle lectures.

Je vais essayer de vous convaincre de ne pas entraver l’adoption de ces textes. J’évacue ici les considérations sur l’exécution budgétaire, que chacun connaît : chaque groupe et chaque parlementaire a pu faire valoir son point de vue et interroger, en audition, le Gouvernement et le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Vous connaissez les grands agrégats pour 2022 : le déficit public de la France s’élève à 4,7 % du PIB, contre un niveau de 5 % initialement prévu ; la dette publique correspond à 111,6 % du PIB, un taux lui aussi un peu meilleur que prévu ; l’exécution est marquée par des dépenses non anticipées, massives, en réponse à l’inflation – remise sur le carburant, charge de la dette – et par des recettes supplémentaires, qui ont compensé ces dépenses nouvelles.

Les débats sur ces éléments sont légitimes, nous les avons eus et nous les aurons encore. Mais le contenu des textes que nous examinons est entièrement contraint par l’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et par des constats comptables.

Ainsi, l’article liminaire constate le solde public et ses composantes structurelle et conjoncturelle pour l’année écoulée. L’article 1er constate le solde du budget de l’État, en comparant les recettes et les dépenses. Eu égard à ce solde, l’article 2 décrit comment a été couvert – d’un point de vue technique – le besoin de financement de l’État, notamment par le programme d’émissions de dettes. L’article 3 autorise le transfert du solde de l’État au bilan de l’État et modifie en conséquence les valeurs de l’actif et du passif de l’État. Les articles 4, 5 et 6 constatent les dépenses, au centime d’euro près, sur chaque programme du budget général, sur les budgets annexes et sur les comptes spéciaux. Eu égard à ces dépenses, aux montants ouverts durant la gestion et aux reports effectués, ces articles procèdent aux annulations qui en résultent mécaniquement.

Dès lors, plusieurs éléments plaident pour que nous fassions en sorte, collectivement, de valider ces textes.

Il n’y a aucune marge de manœuvre dans l’écriture de ces dispositions par le Gouvernement. J’en veux pour preuve que le nouveau projet de loi de règlement pour 2021 est identique – à deux ou trois ajustements techniques près – à celui de l’année dernière : les constats comptables s’imposent au Gouvernement, comme ils s’imposent à nous ; aucun acte politique n’est engagé par ces projets de loi. Je constate d’ailleurs qu’un seul amendement, déposé en commission des finances, propose de modifier le texte d’un des deux projets de loi de règlement, puisque vos amendements portent essentiellement sur des demandes de rapport. J’indiquerai, lors de son examen, que cet unique amendement modificateur ne peut pas être adopté, précisément parce qu’il s’écarte du constat du solde public total, qui est une donnée et non pas une variable amendable.

En outre, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour les exercices 2021 et 2022. Sous certaines réserves classiques – de moins en moins nombreuses au fil des années –, la Cour certifie que « le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ». La Cour certifie donc que les éléments techniques et comptables qui fondent les textes que nous examinons sont exacts et sincères.

Néanmoins, l’absence de loi de règlement pose des problèmes techniques. Le bilan de l’État, constitué de son actif et de son passif, n’a pas pu être établi au terme de l’exercice 2021. Dès lors, le projet de loi de règlement pour 2022 est construit sur une base lacunaire, qui oblige à la mise en œuvre d’une modalité de traitement comptable – l’ajout d’une ligne spécifique –, à son article 3. Cette modalité permet, certes, une information complète et fidèle, et a été validée par le Conseil d’État et par la Cour des comptes. On imagine cependant mal que cette rustine grossisse chaque année, sans que jamais le bilan de l’État puisse être constaté et établi. Notre administration et notre comptabilité nationale méritent mieux que d’avoir à gérer un casse-tête technique, grossissant chaque année. L’absence de loi de règlement pose également des problèmes spécifiques sur les comptes spéciaux, empêchant toute modification des montants reportés.

La nouvelle configuration politique à l’Assemblée nationale et la Lolf réformée donnent aux oppositions d’autres outils, plus adéquats et efficaces, pour contester la politique budgétaire du Gouvernement. Je pense aux débats relatifs au programme de stabilité et aux orientations pluriannuelles des finances publiques, en avril ou en mai, aux nouveaux débats annuels sur la dette et sur les collectivités territoriales, à l’automne. Je pense surtout aux débats budgétaires eux-mêmes – à l’occasion des projets de loi de finances (PLF) et des projets de loi de finances rectificative (PLFR) –, ainsi qu’au printemps de l’évaluation, qui a précisément pour objet, pour chaque mission et programme, de confronter chaque ministre à son exécution budgétaire et aux politiques publiques qu’il met en œuvre, sous le regard des rapporteurs spéciaux et de notre commission des finances. L’objet de la loi de règlement n’est donc pas de discuter de l’exécution sur le fond, d’autres outils existant pour cela.

Pour conclure, ne pas disposer d’une loi annuelle de règlement des comptes revient à se priver de constats comptables incontestables ; de plus, cela est non seulement source de tracas pour nos administrations et nos juridictions administratives et financières, mais aussi dépourvu de sens politique. La réalité et la vérité du débat sur les politiques budgétaire et financière sont ailleurs.

Les amendements que nous allons examiner relèvent donc en quasi-totalité de demandes de rapport, donc d’informations. J’essaierai de répondre à chacune d’entre elles, beaucoup des informations sollicitées étant d’ores et déjà disponibles. Plus largement, les amendements déposés conduisent à poser cette question : si les demandes d’information sont satisfaites – dans le débat que nous allons avoir ou par l’adoption de certains amendements –, les oppositions sont-elles prêtes à ne pas entraver l’adoption de ces textes, puisqu’elles ne proposent pas de les modifier ?

J’en appelle donc à l’ensemble des groupes politiques, de façon ouverte et transparente : si vos demandes de rapport sont, pour l’essentiel, satisfaites, votre avis sur ces projets de loi évoluera-t-il en conséquence ? Il ne servirait à rien en effet d’inscrire dans la loi ces rapports sollicités si vous ne votez pas en faveur des textes dont ils découlent... Je suis prêt à en discuter, dans l’hémicycle ou avec chacun d’entre vous avant : pourriez-vous envisager de vous abstenir sur ces projets de loi, si nous accédions à vos demandes de rapport ? Cela contribuerait à simplifier la vie de nos administrations.

M. le président Éric Coquerel. J’ai également noté certains passages du rapport de la Cour des comptes, qui relève « un pilotage des dépenses fiscales défaillant, des programmes d’évaluation non respectés » et rappelle que les objectifs d’évaluation fixés en loi de programmation des finances publiques (LPFP) ne sont pas atteints : « aucune évaluation sur les onze prévues dans le programme de travail pour 2022 n’a été réalisée ».

La question de l’augmentation des dépenses fiscales doit être examinée au regard du passé mais aussi des propositions du Gouvernement figurant dans le programme de stabilité. Entre 2021 et 2022, les dépenses fiscales ont progressé de 4,6 milliards d’euros – passant de 89,6 milliards d’euros, à 94,2 milliards d’euros pour le PLF pour 2023 –, soit une hausse de 5,2 % en un an. On observe par ailleurs que l’ancien dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été remplacé par une exonération pérenne des cotisations sociales : se posent les mêmes problématiques, relatives au coût de la mesure comparée aux emplois générés ainsi qu’aux mécanismes adossés sur les cotisations sociales.

Je m’interroge sur ces dépenses fiscales. Toutes les études le montrent : durant les cinq dernières années, ce sont les plus riches de nos concitoyens, notamment détenteurs de capital, qui en ont surtout profité. Pour toutes ces raisons, mon regard sur l’exécution budgétaire est plutôt négatif.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Comme le rapporteur général, je ne pense pas qu’il faille avoir un avis positif ou négatif sur ce qui n’est qu’une photographie de nos comptes. D’ailleurs, dans les collectivités locales, les oppositions votent fréquemment le compte administratif, l’action politique étant tournée vers l’avenir, et non vers le passé. En l’occurrence, c’est une photographie de nos comptes en sortie de crise qui démontre la cohérence de l’action gouvernementale : protéger les Français et libérer l’activité s’est conjugué parfaitement avec le redressement de nos comptes. Ce sont d’ailleurs précisément les dépenses de protection en sortie de crise ou pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine qui ont permis de protéger notre économie et d’éviter les faillites et le chômage, qui auraient coûté beaucoup plus cher à l’État, donc aux contribuables.

Quant au redressement budgétaire, les chiffres sont incontestables : nous sommes passés d’un déficit public de 9 % du PIB, à 4,7 %, sous l’effet d’un accroissement des recettes fiscales. Cela montre bien que baisser les impôts n’implique pas une diminution des recettes. Au contraire, les recettes fiscales supplémentaires dépassent le chiffre prévisionnel de plus de 37 milliards d’euros en 2021, et de plus de 7 milliards d’euros en 2022. Paradoxalement, baisser les impôts revient à augmenter les recettes.

Concernant l’activité économique, beaucoup d’oiseaux de mauvais augure prétendaient que la croissance n’allait pas résister. Or, la sortie de crise s’est traduite par un rebond historique depuis 1969 ; en 2022, le taux de croissance a atteint 2,6 %. Pour toutes ces raisons, il est inutile de polémiquer. Les motifs administratifs évoqués par le rapporteur général nous invitent également à adopter ces deux projets de loi de règlement.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous souhaitons revenir sur certains des éléments du projet de loi de règlement pour 2021, notamment sur le déficit constaté – 160,9 milliards d’euros, soit 6,4 % du PIB – qui est très éloigné de la prévision de 3 %, chiffre fixé à l’origine par les traités européens, certes de manière arbitraire. Si la crise du covid est censée expliquer ce mauvais résultat, soulignons que celle-ci a eu d’importantes conséquences sur le solde public de l’année 2020, à hauteur de 71,5 milliards d’euros, mais qu’on était repassé à 2,2 milliards d’euros en 2021. Le déficit structurel – 4,4 % du PIB – est effectivement plus favorable.

Vous vous félicitez des rentrées fiscales. Or, une partie de celles-ci est due à l’augmentation des recettes de la TVA : comment se réjouir d’une telle spoliation du pouvoir d’achat des Français ?

Notre position sur le vote de ces textes sera fonction des débats à suivre.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). S’il ne s’agissait que d’un texte comptable, nous n’entendrions pas des membres de la majorité relative expliquer qu’il s’agit d’un budget de protection, reprenant les éléments de langage habituels pour défendre un PLF. Nous évaluerons ainsi notre position sur le vote, non pas en fonction de la nature du texte, mais de ce qui en est dit. Sur deux textes que nous examinons, la hausse des recettes n’est pas due à la baisse des impôts, comme je l’entends dire, mais à la progression des recettes de la TVA – qui représentent une recette de 100 milliards d’euros pour 2022, un peu moins en 2021. Et celle-ci n’est pas due à la baisse des impôts sur les sociétés ou sur les ménages, mais à l’inflation et aux prix qui augmentent.

Il ne s’agit donc pas seulement de textes comptables. Beaucoup de questions se posent : financières d’abord, puisque la France a fait le choix depuis 2015 d’indexer une grosse partie de la dette sur l’inflation, alors qu’elle n’y avait aucun intérêt ; démocratiques ensuite puisque l’État affecte de plus en plus de crédits à la compensation des cadeaux fiscaux octroyés dans le cadre des budgets de la sécurité sociale et des collectivités, alors que ces budgets sont censés être strictement séparés.

Quant à la remarque de M. le rapporteur général, je pense qu’il faut considérer avec intérêt chacun des amendements, sans en rejeter aucun en fonction de la position de vote. Nous défendons des amendements pour réorienter les projets de loi, mais aussi pour faire des propositions de rapport qui nous semblent d’intérêt général.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le projet de loi de règlement est un moment de vérité, en ce qu’il constitue une photographie des politiques publiques menées et de leurs résultats.

En matière de dépenses publiques, le Gouvernement nous avait promis la fin du « quoi qu’il en coûte ». Or les dépenses ordinaires, hormis celles d’urgence sanitaire et de relance, ont continué à augmenter – 3,5 % supplémentaires en 2022 –, soit une hausse de plus de 66 milliards d’euros, venant s’ajouter à celles de 37 milliards d’euros en 2021 et de 50 milliards d’euros en 2020.

Les recettes de l’État atteignent, quant à elles, un niveau jamais atteint, avec, en 2021, 10 milliards d’euros supplémentaires pour l’impôt sur le revenu et plus de 15 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés. Au final, le taux de prélèvements obligatoires – 45,3% du PIB – est l’un des plus élevés en Europe.

Cependant, l’État n’a pas profité de ces recettes exceptionnelles pour se désendetter, les dépenses ayant continué à augmenter. La dette publique atteint un niveau catastrophique, s’établissant à 2 950 milliards d’euros. La charge d’intérêts de la dette a connu une hausse annuelle de 15 milliards d’euros en 2022, pour s’établir à près de 50 milliards d’euros : elle devrait atteindre 71 milliards d’euros en 2027. Les perspectives de désendettement sont peu crédibles et peu ambitieuses : si le Gouvernement multiplie les annonces indiquant que des efforts sont faits, aucune des mesures proposées ne conduit à un désendettement.

Nous ne pouvons donc adhérer aux politiques publiques qui sont menées, dont la traduction figure dans le projet de loi de règlement.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je ne reviendrai pas longuement sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021. Notre soutien aux décisions prises en 2021, qui visaient à accompagner la relance de l’économie française pendant la pandémie du covid, est intact. La résistance de l’emploi à la crise, alors que le taux de chômage s’établit à 7,4 % pour le quatrième trimestre de l’année 2022 et le taux de croissance à 6,8 %, prouve que les mesures prises ont été efficientes. Je regrette donc que les oppositions aient bloqué le projet de loi de règlement pour 2021, texte avant tout technique. Cette décision néfaste impacte négativement la lisibilité des comptes publics et n’emporte aucun effet positif.

J’en viens aux comptes de l’année 2022. Nous espérions, après la pandémie, un retour plus franc vers une trajectoire budgétaire de diminution du ratio de la dette publique. Mais la crise inflationniste mondiale et la guerre en Ukraine ont conduit le Gouvernement et la majorité du Parlement à adopter des mesures urgentes de protection des ménages et des entreprises. Le chèque énergie, le bouclier énergétique, l’amortisseur électricité ont permis à la France d’afficher un taux d’inflation de 6,7 % en décembre 2022, soit 3 points de moins que la moyenne de la zone euro et 4,2 points de moins que la moyenne de l’Union européenne. Un tel effort est considérable ; bien qu’extrêmement coûteux, il a porté ses fruits.

Les différentes crises ont parfois conduit le Gouvernement à s’éloigner des grands principes budgétaires de Maastricht. La Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé. Il faut effectivement œuvrer à un meilleur respect des principes d’annualité et de spécialité budgétaires.

Enfin, le déficit public a diminué en 2022, passant de 6,5 % à moins de 5 % du PIB. Malgré une année encore exceptionnelle sur le plan budgétaire, nous retrouvons le chemin du rétablissement de nos finances publiques : la France connaît un retournement de son taux d’endettement de plus d’1 point, ce qui est une très bonne nouvelle. En cohérence avec nos positions sur les textes budgétaires depuis de début de la législature, le groupe Démocrate votera, sans surprise, en faveur de ces deux textes.

M. Philippe Brun (SOC). Le dernier projet de loi de règlement est, comme le précédent, marqué par l’insincérité de l’exécution budgétaire du Gouvernement. On nous avait ainsi promis la création de 850 postes dans la fonction publique en 2022. Or, loin de remplir ces objectifs, le Gouvernement a diminué de 5 844 équivalents temps plein (ETP) le nombre d’emplois dans la fonction publique d’État. Nous remarquons également un nombre important de reports, à hauteur de 23,2 milliards d’euros de 2021 à 2022, et de 18,8 milliards d’euros de 2022 à 2023.

Dans une note d’exécution budgétaire, la Cour des comptes indique que ces reports « affectent la portée de l’autorisation parlementaire et nuisent à la lisibilité des lois de finances ». La création de postes est insuffisante par rapport aux budgets votés, les reports sont massifs et la charge de la dette explose, en raison du choix suicidaire et répété de recourir à des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi), qui représentent désormais 12 % de notre dette. La charge de la dette augmentera donc de 30 milliards d’euros d’ici à 2027, puisqu’une progression de 1 % du taux de l’’inflation équivaut à une hausse de 2,6 milliards d’euros de la charge de la dette. Le groupe Socialistes et apparentés souhaite donc demander au Gouvernement un certain nombre de rapports, afin d’obtenir des explications sur ces différents points, et notamment sur le choix incompréhensible de recourir à ces emprunts que nous jugeons toxiques et qui mettent gravement en danger nos finances publiques.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous examinons à nouveau le projet de loi de règlement pour 2021, en même temps que celui portant sur l’année 2022. Nous l’avons dit l’été dernier, nous regrettons fortement le rejet du premier texte en lecture définitive, alors qu’il avait été adopté lors des deux lectures précédentes. Les projets de loi de règlement sont des textes formels, arrêtant le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel il se rapporte, ainsi que le solde budgétaire qui en découle. Ils permettent d’affecter au bilan le résultat comptable de l’exercice, d’approuver le compte de résultat de l’exercice, le bilan ainsi que le compte général de l’État.

L’examen de ces textes est l’occasion de revenir sur la gestion des finances publiques des années précédentes et d’émettre un avis à son propos. Mais il s’agit surtout, en responsabilité, d’approuver les comptes de l’État : il en va de la lisibilité des comptes publics, indispensables à la bonne tenue de notre mandat parlementaire, consistant à contrôler l’action du Gouvernement et à voter le budget de notre pays.

Sur le fond, l’exécution budgétaire montre que nos finances publiques ont été fortement sollicitées par les mesures de soutien exceptionnelles déployées pour faire face aux crises sanitaire puis inflationniste. La politique menée par le Gouvernement et la majorité a clairement porté ses fruits : la croissance a bien résisté, en 2021 et en 2022 ; le chômage a atteint un taux historiquement bas ; l’inflation est l’une des moins élevées en Europe. Certes, les politiques d’urgence et de relance ont eu un coût important et nous devons désormais nous atteler à rétablir les finances publiques, conformément à la trajectoire fixée dans le programme de stabilité. En tout état de cause, le groupe Horizons et apparentés votera bien évidemment en faveur de ces deux textes.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Depuis le début de la législature, le groupe Écologiste-NUPES plaide pour une transition écologique et sociale ambitieuse. Les appels en faveur d’un changement clair dans la politique économique du Gouvernement résonnent aujourd’hui avec force. Ainsi, le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz souligne la nécessité de mettre en place des mesures substantielles, afin de relever le défi climatique et de réajuster notre budget en conséquence. Malheureusement, la majorité persiste à éviter ce défi crucial, en se contentant de gestes superficiels : l’exécution budgétaire le reflète.

Le budget vert annexé au projet de loi de règlement comporte des lacunes qualitatives : dans son rapport sur le budget de l’État en 2022, la Cour des comptes l’a qualifié, avec une pointe d’ironie, de « démarche inaboutie ». La Cour rappelle que « sa principale faiblesse a trait à ses résultats modestes en matière de cotation : 10 % des dépenses sont cotées favorables ou défavorables », affaiblissant la portée de l’exercice.

À ce manquement à l’impératif de sincérité écologique s’ajoute – une fois encore – un respect très relatif de l’enjeu de l’annualité budgétaire. Comme l’a démontré la Cour des comptes, vous reconduisez des crédits et des autorisations d’engagement dans des proportions historiques. Si cela fait, certes, suite à la crise exceptionnelle du covid 19, cela échappe au véritable contrôle parlementaire, déjà miné par le recours répété à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

En conclusion, nous ne pourrons pas soutenir un projet de loi de règlement reflétant une politique budgétaire qui se prive de recettes fiscales sur les entreprises et qui n’accorde pas la priorité au service public et à la transition écologique.

M. Michel Castellani (LIOT). Le projet de loi de règlement pour 2021 a été rejeté en lecture définitive, en août dernier. La représentation nationale vous a ainsi alertés sur l’absence de consensus quant à la politique budgétaire menée par le Gouvernement – le Sénat a fait la même analyse.

Je soulèverai quelques points concernant l’exécution budgétaire de l’année 2022. Faut-il se satisfaire de la baisse des impôts ? Le taux de prélèvements obligatoires est resté inchangé entre 2017 et 2022, s’élevant à plus de 45 % du PIB. Il en va de même du taux de chômage : s’il s’élève à 7,2 % en affichage, la réforme de l’assurance chômage masque en réalité un halo de chômage et un taux d’activité sensiblement en baisse.

Si les recettes fiscales ont effectivement augmenté, cette hausse s’explique aussi par l’inflation. De plus, les dépenses de l’État ont également progressé de 200 milliards d’euros en un an ; le solde structurel s’établit à 4 % du PIB ; la charge de la dette a dépassé 50 milliards d’euros en 2022 ; les emprunts d’État émis représentent 260 milliards d’euros.

En outre, vous estimez devoir reporter de deux ans l’âge de la retraite et encadrer les dépenses des collectivités territoriales, alors que seul l’État a été déficitaire en 2022 – à hauteur de 150 milliards d’euros. Bref, la tonalité que nous donnons à l’analyse de la politique budgétaire est bien différente de celle qui nous est proposée.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Émilie Bonnivard (LR). La dette s’élève à 111 % du PIB, soit 2 950 milliards d’euros, ce qui est vertigineux. Je souhaite toutefois exclure la dette covid de l’analyse, car il nous faut être solidaires et ne pas faire preuve d’hypocrisie sur ce point : nous avons tous voté les PLFR correspondants en leur temps et avons tous souhaité soutenir notre économie à ce moment-là. Quelle est la part de cette dette et de sa charge dans la dégradation de la dette publique ?

Par ailleurs, je regrette que nous n’arrivions pas à opérer une réforme structurelle de diminution de la dépense publique, qui représente toujours 58 % du PIB. Nous avons les dépenses publiques les plus élevées au niveau européen, sans que cela se traduise par une meilleure qualité du service public : nos concitoyens ont au contraire le sentiment que celui-ci se dégrade.

M. Frédéric Cabrolier (RN). En 2022, la croissance du PIB a été beaucoup moins dynamique en France que dans le reste de la zone euro : le niveau du PIB n’a augmenté que de 1,3 point par rapport à celui d’avant la crise quand celui des pays européens a progressé en moyenne de 2,8 points depuis 2019. Le reversement à l’État de recettes exceptionnelles engrangées par les producteurs d’électricité et surtout le dynamisme des recettes fiscales et sociales ont partiellement compensé le coût pour les finances publiques des mesures de soutien. Le PIB est uniquement tiré par les entreprises qui ont réinvesti et surtout stocké, les ménages ayant beaucoup moins consommé du fait de la baisse de leur pouvoir d’achat causée par les 5,2 % d’inflation en 2022.

Affectée par la hausse de l’inflation, la charge de la dette a augmenté de 13 milliards d’euros par rapport à 2021, ce qui explique pourquoi le ministre des finances milite pour un assouplissement des critères budgétaires pour que ceux-ci ne tiennent compte que des dépenses primaires nettes et excluent les intérêts de la dette.

Pour repasser sous les fourches caudines de Bruxelles et atteindre un niveau de déficit inférieur à 3 % du PIB en 2027, vous engagez d’ici à 2025 un effort sur les dépenses publiques qui sera deux fois plus soutenu que celui accompli lors des deux dernières décennies. Voilà pourquoi nous voterons contre le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2022.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur Mauvieux, nous ne pouvons pas revenir sur les résultats, nous devons nous prononcer sur un constat et une photographie. Je ne comprends pas le chiffre que vous avez avancé sur les mesures d’urgence. Nous sommes sortis, madame Louwagie, du « quoi qu’il en coûte » : les mesures d’urgence représentaient 70,1 milliards d’euros en 2020, 61,7 milliards en 2021 et 14,8 milliards en 2022 ; elles continuent de peser sur les comptes publics, mais cette charge diminue fortement. Le plan de relance coûtait également 9 milliards en 2021 et la même somme en 2022.

Monsieur Brun, la Cour des comptes ne remet absolument pas en cause la sincérité des comptes ; la dernière fois qu’elle l’a fait, c’était en 2017, quand votre parti était au pouvoir. Vous êtes un spécialiste de l’insincérité et vous vous êtes trompé d’année !

Une partie de nos emprunts est contractée à taux variables adossés à l’inflation : quand, ces dernières années, ceux-ci étaient négatifs et nous faisaient gagner de l’argent, je ne vous ai pas entendu alerter la commission sur ce type d’emprunts. En aucune manière, ceux-ci peuvent être qualifiés de toxiques.

Je voudrais remercier les députés Lecamp et Magnier pour leur soutien et leur appel à la responsabilité collective.

Madame Sas, personne n’a jamais dit que le budget vert était abouti, mais nous avons eu le courage de mettre un pied dans la porte et d’élaborer un premier budget vert. Cette initiative française est inédite en Europe et elle est maintenant copiée. Je ne demande qu’à aller plus loin et j’espère que les débats des prochains moins seront l’occasion pour vous d’avancer des propositions visant à verdir davantage le budget vert.

Madame Bonnivard, je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons tous voté les mesures d’urgence, qui étaient opportunes même si nous constatons aujourd’hui leur poids sur les comptes publics.

La charge de la dette liée au covid s’élève à 165 milliards ; elle a été isolée et sera payée pendant vingt ans : en 2023, elle représentait 6,6 milliards.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094).

Article liminaire
Solde structurel et solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2021

Le présent article met en œuvre l’article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([6]).

Article 8 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

La loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte. Le cas échéant, l’écart aux soldes prévus par la loi de finances de l’année et par la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

Ainsi, est présenté dans cet article un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2021, les soldes prévus par la loi de finances initiale (LFI) pour 2021 ([7]) et par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([8]), ainsi que l’écart aux soldes prévus.

Tableau de synthèse de l’article liminaire

(en points de PIB)

Solde

Exécution 2021

LFI 2021

LPFP 2018-2022 (année 2021)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel

– 4,4

– 3,8

– 0,6

– 1,2

– 3,2

Solde conjoncturel

– 1,9

– 4,5

2,6

0,3

– 2,3

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,1

– 0,2

0,1

0,0

– 0,1

Solde effectif

– 6,5

 8,5

2,1

 0,9

 5,6

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le solde effectif peut différer de la somme de ses composantes

Source : présent projet de loi de règlement.

 

Révisions apportées par le présent texte au projet de loi de règlement pour 2021 de juillet 2022

(en points de PIB)

Solde

Projet de loi de règlement pour 2021

Juillet 2022

Avril 2023

Écart

Solde structurel

– 4,4

– 4,4

Solde conjoncturel

– 2,0

– 1,9

+ 0,1

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,1

– 0,1

Solde effectif

 6,4

– 6,5

 0,1

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le solde effectif peut différer de la somme de ses composantes

Source : présent projet de loi de règlement et projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 5 juillet 2022.

Quelques données de l’article liminaire ont été légèrement révisées par rapport à la présentation du projet de loi de règlement pour 2021, déposé le 4 juillet 2022, pour prendre en compte les derniers résultats publiés par l’INSEE relatifs aux ratios de finances publiques ([9]) et à l’estimation de la croissance en volume ([10]). En particulier :

– le solde conjoncturel passe de – 2,0 à – 1,9 % du PIB. D’après des réponses fournies par le Gouvernement au rapporteur général, la diminution du solde conjoncturel tient au reclassement dans les dépenses structurelles de certaines mesures auparavant traitées comme exceptionnelles et temporaires ;

– le déficit du solde effectif est légèrement accentué de – 6,4 % à – 6,5 % du PIB. Cet ajustement est lié aux conséquences de la décision de l’INSEE de reclasser Action Logement Services, filiale d’Action Logement Groupe, dans le champ des administrations publiques, au sein du sous-secteur des organismes d’administration centrale (ODAC).

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article liminaire non modifié.


Article 1er
Résultats du budget de l’année 2021

Conformément au paragraphe I de l’article 37 de la LOLF ([11]), le présent article arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État en 2021, duquel découle le résultat budgétaire ou le solde d’exécution des lois de finances.

Les résultats du budget de l’année 2021 présentés par le présent article sont identiques à ceux de l’article premier du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022.

Le I arrête le résultat budgétaire de l’État en 2021 à – 170,7 milliards d’euros.

Le II arrête, dans un tableau, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux de l’année 2021. Les données présentées sont calculées hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ([12]).

L’exécution du déficit de l’État en 2021 s’éloigne peu de la prévision de la loi de finances initiale, avec un écart de 2,6 milliards d’euros. La progression des recettes du budget général et l’amélioration du solde des comptes spéciaux et budgets annexes est ainsi un peu supérieure à celle des dépenses.

passage de la LFI 2021 à l’exÉcution 2021

(en milliards d’euros)

Composantes

LFI

Évolution

Exécution

Recettes du budget général (I)

218,3

+ 37,0*

255,2

Recettes fiscales nettes

257,9

+ 37,9*

295,7

Recettes non fiscales

25,3

– 4,1*

21,3

Fonds de concours et attribution de produits

5,7

+ 2,3

8,0

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

27,2

+ 0,8

26,4

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

43,4

+ 0,1*

43,4

Dépenses du budget général (II)

390,6

+ 36,1

426,7

Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

 0,9

+ 1,7

0,8

Déficit à financer (II-I+III)

173,3*

 2,6

170,7

* effet d’arrondi au dixième.

Source : Commission des finances.

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 1er non modifié.


Article 2
Tableau de financement de l’année 2021

Conformément au paragraphe II de l’article 37 de la LOLF, le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2021.

Le besoin et les ressources de financement sont ainsi arrêtés à 285,2 milliards d’euros, sans modification par rapport à l’article 2 du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022.

Ressources et charges de trÉsorerie de l’annÉe 2021

(en milliards d’euros)

Besoin et ressources de financement de l’État

Exécution 2021

Besoin de financement

285,2

Amortissement de la dette à moyen et long termes

118,3

dont remboursement du nominal à valeur faciale

117,5

dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

0,8

Amortissement SNCF réseau

1,3

Amortissement des autres dettes

0

Déficit à financer

170,7

Autres besoins de trésorerie

– 5,1

Ressources de financement

285,2

Émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

– 6,2

Variation des dépôts des correspondants

18,7

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

– 4,4

Autres ressources de trésorerie

17,2

Source : article 2 du présent projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021.

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 2 non modifié.


Article 3
Résultat de l’exercice 2021  Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l’annexe

Le présent article soumet à l’approbation du Parlement les états financiers de l’État. Aux termes du paragraphe III de l’article 37 de la LOLF, « la loi de règlement approuve le compte de résultat de l’exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées » et « elle affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes ».

Ces états sont identiques à ceux présentés à l’article 3 du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022.

Le I du présent article approuve le compte de résultat de l’exercice relatif à l’année 2021, lequel fait ressortir un résultat patrimonial de – 142,1 milliards d’euros, et mentionne dans un tableau les charges et produits de l’État.

Le II affecte au bilan ce résultat à la ligne « report des exercices antérieurs ».

Le III approuve le bilan après affectation du résultat comptable. La situation nette du bilan de l’État s’établit ainsi à – 1 657,6 milliards d’euros au 31 décembre 2021.

Le IV approuve les informations complémentaires figurant à l’annexe du compte général de l’État.

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 3 non modifié.


Article 4
Budget général  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article, identique à l’article 4 du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022, arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur le budget général.

Aux termes du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article « ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

À ce titre, le présent article ouvre des crédits complémentaires pour un montant de 600,2 millions d’euros d’AE et 600,6 millions de CP.

Le présent article procède également à l’annulation de crédits non consommés et non reportés à hauteur de 6,4 milliards d’euros en AE et 2,4 milliards d’euros en CP.

Le lecteur pourra se reporter à la fiche 3 sur les dépenses de l’État et à la fiche 4 relative aux modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2021 du tome 1 du rapport précité ([13]) pour une analyse des données contenues dans le présent article. En outre, le tome 2 de ce rapport commente ces données pour chaque mission du budget général ([14]).

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 4 non modifié.


Après l’article 4

Amendement CF19 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à comprendre l’étendue inexplicable et inexpliquée des reports de crédits touchant la mission Administration générale et territoriale de l’État pour laquelle l’annulation d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées s’élève à 100 millions d’euros. Nous aimerions obtenir des réponses à ce sujet.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si vous le permettez, je ferai une réponse générale pour toutes les demandes de rapport portant sur les annulations de crédits.

Les annulations de crédits non consommés relèvent d’une bonne gestion comptable : il est normal d’annuler les crédits non consommés et il n’est pas nécessaire de les reporter pour couvrir les besoins de l’année suivante. Nous avons traversé deux années particulièrement agitées : qui, ici, avait prévu la guerre en Ukraine, l’augmentation très soutenue de l’inflation et la crise que nous traversons ? Les montants élevés des annulations en 2022 peuvent s’expliquer par les difficultés de prévision liées à la crise et à l’inflation, en particulier pour les missions Crédits non répartis et Écologie, développement et mobilité durables de la loi de finances initiale (LFI) pour 2022, par la complexité de prévoir à l’euro près la masse salariale et par la succession des crises sanitaire et énergétique ; ce sont les missions Plan d’urgence et Plan de relance qui contribuent à la majorité des reports en 2021 et 2022 – ce mouvement restera substantiel en 2023 pour les crédits affectés au plan France relance.

Les informations relatives aux annulations par mission sont disponibles dans les rapports annuels de performances (RAP), qui sont annexés aux projets de loi de règlement, et dans les notes d’exécution budgétaire (NEB) que publie la Cour des comptes au mois d’avril et que je vous encourage à lire ; enfin, il revient à chaque rapporteur spécial chargé du suivi des crédits des missions du budget général d’étudier les mouvements de crédits et d’en rendre compte dans une fiche d’exécution présentée lors des commissions d’évaluation des politiques publiques, qui se déroulent actuellement. Voilà pourquoi j’émettrai un avis négatif sur ces demandes de rapport.

Je ne suis pas favorable à reporter ou à annuler beaucoup de crédits d’une année sur l’autre, mais les nombreux événements imprévus des dernières années expliquent le niveau des montants que nous constatons ; néanmoins, les reports ont diminué en 2021 et en 2022. On ne peut d’ailleurs pas être à la fois contre les annulations et contre les reports ; nous constatons chaque année des écarts, que les ministères essaient d’expliquer, et il faut choisir entre annulations et reports.

Sur votre demande précise de rapport sur les reports de crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État, les dépenses d’investissement relatives au fonctionnement courant de l’administration territoriale ont été surestimées, tout comme les dépenses de personnel, en raison de la reprise progressive par le ministère de l’intérieur et des outre-mer de la paie des agents transférés dans le cadre de la création des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD).

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il y a un paradoxe à refuser de voter les crédits en loi de finances initiale pour déplorer ensuite leur annulation lors de l’exécution. Les propos du rapporteur général sont frappés au coin du bon sens : les annulations de crédits participent de la bonne gestion des deniers publics ; si l’on suivait votre logique, il faudrait tout consommer quelle que soit la nature de la dépense : si un ménage prévoit de dépenser 100 mais qu’il a finalement besoin de ne débourser que 80, pourquoi ne pourrait-il pas garder la différence ?

Vous ne pouvez pas critiquer en permanence les reports et déplorer les annulations de crédits : il vous faut choisir entre les deux !

J’ai lu avec attention le rapport de M. Mauvieux, qui affirme que tous les pays ont en moyenne la même proportion d’OAT indexées sur l’inflation (OATi), à savoir environ 10 % – ce taux atteignant même 25 % au Royaume-Uni. Si c’est un « suicide », pour reprendre vos termes toujours très délicats, il s’agit d’un suicide collectif !

M. Philippe Brun (SOC). Nous ne sommes jamais déçus avec Mathieu Lefèvre et ses interventions toujours empreintes d’arrogance et de fausses nouvelles. Relisez le rapport de M. Mauvieux : le taux d’OAT indexées sur l’inflation est de 6 % aux États-Unis, de 4 % en Allemagne et de 5 % au Royaume-Uni, donc la France ne se trouve pas dans la moyenne.

Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas dire qu’il est impossible de s’opposer à la fois aux annulations et aux reports : dans un pays comme la France, on peut penser qu’il est possible de voter un budget dans lequel la prévision des dépenses est correcte ; les collectivités locales exécutent d’ailleurs 99 % de leur budget de fonctionnement : le montant des annulations et des reports est élevé dans l’État par rapport à ce que font les collectivités territoriales ; l’administration centrale doit être capable de bien exécuter les crédits de fonctionnement.

La commission rejette l’amendement CF19.

Amendement CF22 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous souhaitons obtenir des explications sur les annulations de crédits touchant la mission Cohésion des territoires, à hauteur de 165,5 millions d’euros.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette baisse représente 0,1 % des crédits de paiement de la mission. Ces annulations portent essentiellement sur le programme 135 et découlent du retrait d’engagements antérieurs devenus sans objet.

Mme Perrine Goulet (Dem). J’entends ce que vous avez dit sur les collectivités territoriales : en 2021, l’État les a beaucoup accompagnées et la période, encore marquée par le covid, a conduit en toute logique à des annulations et à des reports de crédits.

Vos demandes de rapport discréditent le travail des rapporteurs spéciaux : il est plus important que ces derniers, qui peuvent effectuer des vérifications sur pièces et sur place, effectuent leur travail et obtiennent les réponses aux questions qu’ils posent – ce qui est le cas,. Rapprochez-vous des rapporteurs spéciaux lorsque vous avez besoin d’éclaircissements plutôt que de demander continuellement des rapports. Veillons à valoriser, tels qu’ils sont effectivement, les compétences et les pouvoirs du Parlement !

La commission rejette l’amendement CF22.

Amendement CF13 de Mme Valérie Rabault.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement, dont ma collègue Valérie Rabault est la première signataire, cherche à savoir pourquoi le Gouvernement a annulé 140,6 millions d’euros de crédits de paiement de la mission Économie du budget général de l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces annulations ne représentent que 0,8 % des autorisations d’engagement de la mission, donc l’exécution de cette mission est plutôt exemplaire. La sous-consommation découle de la priorité donnée au Fonds national pour la société numérique (FSN). Le montant des crédits de paiement prévu en LFI pour 2022 était suffisant pour couvrir les besoins de cette année-là. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF13.

Amendement CF14 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit du même type d’amendement, celui-ci concernant les 244 millions d’annulation de crédits de la mission Enseignement scolaire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les montants peuvent paraître importants, mais ils ne représentent que 0,3 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement consommés. L’exécution est très proche de la prévision, et il est très difficile d’estimer parfaitement la masse salariale en début d’année.

La commission rejette l’amendement CF14.

Amendement CF15 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il concerne la mission Justice, touchée par l’annulation de 388 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 72 millions de crédits de paiement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces annulations représentent 3,8 % des autorisations d’engagement et 0,7 % des crédits de paiement ; elles sont essentiellement liées au décalage de la passation des marchés de gestion déléguée des prisons.

La commission rejette l’amendement CF15.

Amendement CF23 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement au premier projet de loi de règlement pour 2021 avait été adopté, après que le rapporteur général avait donné, me semble-t-il, un avis favorable. Il vise à demander une justification de l’annulation d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement non consommés de la mission Plan de relance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne pense pas qu’il s’agisse du même amendement. Le vôtre porte sur des annulations d’un montant extrêmement faible par rapport aux 7,2 milliards d’autorisations d’engagement et aux 6,25 milliards de crédits de paiement de cette mission. Un rapport sur des annulations aussi faibles serait tout sauf essentiel.

La commission rejette l’amendement CF23.

Amendement CF17 de Mme Valérie Rabault.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à comprendre l’annulation de 48,6 millions de crédits de paiement de la mission Recherche et enseignement supérieur.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette annulation de crédits de paiement découle d’une surestimation en cours de gestion du nombre de boursiers à la fin de l’année 2021, qui a entraîné une sous-consommation des crédits du programme 231 Vie étudiante.

La commission rejette l’amendement CF17.

Amendement CF16 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il porte sur l’annulation de 307 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 117 millions de crédits de paiement dans les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces chiffres peuvent vous paraître impressionnants, mais ils ne représentent que 1,4 % des autorisations d’engagement et 0,6 % des crédits de paiement. Nous avons eu hier une très longue discussion avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui a donné beaucoup d’explications sur ces écarts très minimes.

Pour le programme Police nationale, par exemple, nous avons constaté une sous-mobilisation par les personnels de leur compte épargne-temps.

La commission rejette l’amendement CF16.

Amendement CF20 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Dans la mission Travail et emploi, nous souhaiterions obtenir des explications sur l’annulation de 916 millions d’euros d’autorisations d’engagement non consommées et de 60 millions de crédits de paiement, concentrée dans les programmes Accès et retour à l’emploi et Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La conjoncture économique s’est révélée meilleure que prévu, ce dont chacun doit se réjouir. Tous les crédits n’ont donc pas été consommés, même si de nouveaux outils, assis sur des enveloppes volontaristes, ont été déployés pour aider nos concitoyens à retrouver du travail. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF20.


Article 5
Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des AE et des CP consommés sur les budgets annexes, sans changement par rapport aux montants figurants à l’article 5 du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens présente un niveau de consommation de 2,2 milliards d’euros en AE et en CP au titre de l’exercice 2021. Le budget annexe Publications officielles et information administrative présente un niveau de consommation de 135,5 millions d’euros en AE et 138,6 millions d’euros en CP.

En application du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article procède également à l’annulation d’AE non engagées et non reportées au titre de l’exercice 2021 sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 11,9 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 14,1 millions d’euros.

Parallèlement, il annule les CP non consommés et non reportés sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 12,7 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 10,6 millions d’euros.

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 5 non modifié.


Article 6
Comptes spéciaux  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Le I et le II du présent article arrêtent dans un tableau le montant des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur les comptes spéciaux, au 31 décembre 2021, par mission et programme.

AE ET CP ouverts et consommÉs des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

AE ouvertes

AE consommées

Écart

CP ouverts

CP consommés

Écart

200,6

192,0

 8,6

200,1

192,2

 8,7

Source : loi de finances initiale pour 2021 et présent projet de loi de règlement.

Le III arrête, dans un tableau, à la date du 31 décembre 2021, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se sont poursuivies en 2022.

Le IV reporte à la gestion 2022 les soldes arrêtés au III. L’article 6 du projet de loi de règlement pour 2021 déposé le 4 juillet 2022 prévoyait des exceptions à ces reports pour quatre comptes spéciaux ([15]). Or, ces exceptions aux reports des soldes de comptes spéciaux relèvent du domaine exclusif du projet de loi de règlement ([16]) et ne peuvent être effectuées rétroactivement en vertu du principe d’annualité. Dès lors, en l’absence de vote du projet de loi de règlement pour 2021, l’ensemble des soldes des comptes spéciaux a été reporté à la gestion 2022 conformément aux dispositions de l’article 20 de la LOLF.

Le Rapporteur général propose d’adopter le présent article sans modification.

*

*     *

La commission adopte l’article 6 non modifié.


Après l’article 6

Amendement CF18 de Mme Valérie Rabault.

M. Philippe Brun (SOC). Ma collègue Valérie Rabault, rapporteure spéciale de la mission Participations financières de l’État pour la loi de finances pour 2021, cherche à comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement a annulé 4,4 milliards d’euros de crédits de paiement de cette mission.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous avons discuté de ce sujet à de nombreuses reprises avec le Sénat à l’occasion des projets de loi de règlement : un montant très élevé était prévu pour plusieurs opérations potentielles menées par l’État dans le cadre de la crise sanitaire ; certaines ont bien eu lieu, mais d’autres non. Il est de bonne gestion d’annuler ces crédits et de les reporter au budget de 2023. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF18.

Amendement CF1 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Il a pour objet la réalisation d’une véritable évaluation de l’impact environnemental du budget de l’État, laquelle doit permettre d’aboutir à un plan d’action concret pour réduire et faire disparaître les dépenses publiques néfastes à l’environnement. Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et les alertes scientifiques s’accumulent et dressent le même constat : la lutte contre le dérèglement climatique et la protection de la biodiversité nous obligent à un changement de paradigme dans l’utilisation des dépenses publiques.

Pourtant, en 2023, les dépenses publiques défavorables à l’environnement atteignent 19,9 milliards d’euros en France, en augmentation de 100 % par rapport à 2022. L’État n’est donc pas à la hauteur de cet enjeu immense : 20 milliards d’euros de dépenses néfastes pour l’environnement, c’est énorme – et encore ce chiffre est-il débattu car des associations comme le Réseau action climat aboutissent à un résultat de 67 milliards.

Qu’est-il prévu pour faire mieux ? Rien ou presque, le projet de loi de finances pour 2023, adopté à coup de 49.3 successifs, ne réduisant que de 10 % le ratio entre dépenses brunes et dépenses vertes pendant le quinquennat, alors que nous avons moins de dix ans pour changer toutes nos manières de produire et de consommer. Pour parvenir à ce résultat, il est indispensable de planifier une immense bifurcation économique et sociale : le rapport que nous réclamons et le plan d’action qu’il doit contenir constituent des premiers pas dans la direction d’une planification écologique ambitieuse.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne vois pas tellement l’intérêt d’un rapport sur un rapport qui existe déjà et qui est annexé au projet de loi de finances : le budget vert résulte d’une démarche qui ne demande qu’à être prolongée et amplifiée. Les rapporteurs spéciaux doivent inciter le Gouvernement à améliorer la nomenclature pour la rendre plus fine et plus exhaustive. Tout le monde est prêt à effectuer cet effort supplémentaire.

Je vous propose de déposer, dans le cadre de la prochaine loi de finances, des amendements visant à enrichir le budget vert plutôt que de demander la rédaction d’un rapport sur un rapport. L’objectif de diminuer les dépenses brunes figure dans le projet de loi de programmation, que je vous incite à soutenir afin de mettre la pression sur l’action gouvernementale : ce serait une démarche cohérente.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le rapport environnemental sur le budget de l’État ne demande qu’à être amélioré, tâche à laquelle nous sommes toutes et tous ici prêts à nous consacrer. Trop de dépenses fiscales et budgétaires ne sont actuellement pas évaluées ou sont jugées neutres. Plutôt que d’adopter cet amendement, nous devrions travailler collectivement à enrichir le rapport et à l’élargir aux collectivités locales, qui doivent, elles aussi, parfaire le pilotage de leurs dépenses environnementales.

Si la trajectoire est un instrument utile, encore faut-il proposer des mesures qui la nourrissent. Chaque rapporteur spécial est libre d’agir dans cette optique et dans son domaine de compétence, à l’occasion par exemple du printemps de l’évaluation.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le bouclier tarifaire de 45 milliards d’euros n’a pas été intégré dans les dépenses défavorables au climat alors qu’il constitue une aide à la consommation d’énergies fossiles. Cet exemple pose la question de la sincérité du budget vert. Cet instrument obéit en fait à la volonté de diminuer artificiellement le montant affiché des dépenses défavorables à l’environnement.

Lisez le rapport de la Cour des comptes, qui formule plusieurs préconisations sur les classifications, l’enjeu étant d’intégrer davantage de dépenses ; or le comité qui effectue les cotations n’associe pas suffisamment les administrations : écoutez au moins la Cour des comptes si vous n’écoutez pas les écologistes !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il n’y a pas d’insincérité puisque les documents précisent le périmètre du budget vert et expliquent, par exemple, les raisons de la neutralisation du bouclier tarifaire dans une des présentations proposées : rien n’est caché. Le bouclier est inclus dans les dépenses brunes dans une autre présentation. C’est la trajectoire qui compte, et il n’est pas idiot d’en sortir les dépenses exceptionnelles, même si celles-ci sont de toute évidence des dépenses brunes. J’ai d’ailleurs envoyé un questionnaire au Gouvernement dans une optique d’amélioration du budget vert.

La commission rejette l’amendement CF1.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF2 de Mme Charlotte Leduc.

Amendement CF3 de Mme Charlotte Leduc.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). La Cour des comptes a observé une hausse de 4,6 milliards d’euros, soit 5,2 %, des dépenses fiscales, ces dernières atteignant 94,2 milliards d’euros en 2022. Ce sont donc 94,2 milliards qui ne rentrent pas dans les caisses de l’État. Quelle efficacité économique ont ces cadeaux qui profitent surtout aux plus riches et aux multinationales ? La Cour des comptes déplore la défaillance du pilotage des dépenses fiscales et l’absence de respect des programmes d’évaluation ; elle appelle de ses vœux une montée en puissance des évaluations, celles-ci restant trop rares pour être utiles au pilotage des dispositifs. Sur les trente et une évaluations prévues entre 2020 et 2022, seules trois ont été réalisées. Ces manques ont des conséquences que dénonce la Cour des comptes : entre le PLF pour 2013 et celui pour 2022, la proportion de dépenses fiscales non chiffrées est passée de 8,8 % à 12,5 %.

Ces nombreuses défaillances, relevées année après année, traduisent l’absence d’intégration des mesures fiscales dans une politique globale et cohérente. À ce jour, ni les NEB ni les rapports d’application des lois fiscales ne permettent d’assurer un pilotage cohérent des dépenses fiscales. Face à un tel constat, nous reprenons la recommandation de la Cour des comptes visant à élaborer « un programme d’évaluation des dépenses fiscales, en vue de réduire le nombre de dispositifs et leur impact sur les recettes publiques », et nous demandons que soient élaborés une méthode claire et un calendrier fiable de déploiement d’un programme d’évaluation nécessaire au bon pilotage des dépenses de l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je partage votre objectif quant à l’amélioration de l’information relative aux dépenses fiscales et à la diminution de leur nombre, mais les éléments d’information sur ces dispositifs sont très nombreux : un rapport exhaustif sur l’ensemble des dépenses fiscales est annexé au projet de loi de finances – c’est le tome II des Évaluations des voies et moyens –  dont le contenu a été étoffé dans le cadre de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ; ce document comprend, pour 2023, une partie relative au programme annuel d’évaluation des dépenses fiscales, comme le prescrit désormais l’article 51 de la Lolf. Cette année, les dispositifs fiscaux d’outre-mer, le dispositif éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), les dispositifs de soutien au logement et les dispositifs relatifs à la rénovation des centres-villes feront l’objet d’une évaluation spécifique.

Comme l’a indiqué Pierre Moscovici, la Cour des comptes publiera en juin et juillet une série de neuf notes dans le cadre de revues de dépenses engagées par le Gouvernement, dont l’une portera sur l’évaluation des dépenses fiscales. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

La commission rejette l’amendement CF3.

Amendement CF9 de M. David Guiraud.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Il va dans le même sens que celui que vient de présenter ma collègue Charlotte Leduc sur l’évaluation de l’efficacité économique des niches fiscales les plus coûteuses.

Ces dépenses, hors crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ont dérapé de 14 milliards d’euros en seulement trois ans, montant proche de celui que le Gouvernement compte économiser en dix ans en imposant sa réforme des retraites.

Le crédit d’impôt recherche (CIR) coûte quant à lui 7 milliards d’euros par an sans que son efficacité ait pu être démontrée ; en outre, il est souvent utilisé dans des montages d’évasion fiscale, les groupes cédant, après l’avoir perçu, leurs brevets à l’une de leurs filiales établie dans un paradis fiscal.

L’amendement se contente de suivre la recommandation de la Cour des comptes sur la nécessité d’évaluer ces politiques fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le produit de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) est passé de 74 milliards d’euros en 2020 à 79 milliards en 2021 et à 89 milliards en 2022 : son rendement a donc augmenté malgré une baisse de ses taux. Le produit de l’impôt sur les sociétés a quant à lui progressé de 36 milliards à 46 milliards puis à 62 milliards ces trois dernières années, malgré, là aussi, la baisse des taux.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Votre amendement vise les dépenses fiscales supérieures à un milliard d’euros : je ne comprends pas ce seuil car l’ensemble des dépenses que l’on juge inefficaces doivent être évaluées et pas seulement celles qui représentent plus d’un milliard d’euros. Comme l’a indiqué le rapporteur général, une annexe au projet de loi de finances contribue à cette évaluation.

Monsieur Guiraud, contrairement à ce que vous avez dit, la dernière fois que la TVA a augmenté, c’était pendant le quinquennat de François Hollande.

La commission rejette l’amendement CF9.

Amendement CF10 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Ce ne sont pas les députés de La France insoumise qui vont défendre François Hollande, monsieur Lefèvre.

On entend en permanence dire que l’État est à l’euro près, mais lorsqu’il s’agit des aides aux entreprises, ce principe disparaît. Il serait opportun de procéder à l’évaluation de toutes les décisions prises en la matière depuis 2017, notamment celle des mesures déclassées, ces aides passées dans la norme fiscale.

Les aides publiques aux entreprises ont été multipliées par vingt en quarante ans et ont doublé en dix ans. En 2018, Gérald Darmanin, alors ministre de l’action et des comptes publics, a évoqué le chiffre de 140 milliards d’euros par an ; en 2021, ce montant a atteint 207 milliards hors mesures déclassées et environ 256 milliards si on intègre ces dernières dans le périmètre.

Puisque nous sommes à l’euro près, il est temps de dresser le bilan des aides fiscales aux entreprises dont beaucoup ne sont pas efficaces et sont souvent mal utilisées – je pense notamment au CIR, qui a financé de grands groupes comme Sanofi, alors que cette société a supprimé des emplois dans la recherche en France. Les aides aux entreprises représentent l’un des plus gros postes de dépenses budgétaires de l’État, donc il est temps de disposer d’un bilan exhaustif de leur efficacité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je souhaite que nous ayons ce débat important dans l’hémicycle. Une étude récente a montré que les prélèvements nets sur les entreprises en France étaient parmi les plus élevés, voire les plus élevés, d’Europe. Même après les aides, le poids qui pèse sur les entreprises est supérieur à celui de la moyenne européenne.

Par ailleurs, les données que vous demandez sont déjà disponibles dans des documents que je vous encourage à consulter.

M. Fabien Di Filippo (LR). La logique qui sous-tend les derniers amendements est de considérer tout profit comme indu et d’assigner comme seule raison d’être aux entreprises le paiement de taxes. Ce raisonnement économique est assez dangereux. N’oublions pas que les niches fiscales et les crédits d’impôt existent parce que notre système de prélèvements est historiquement le plus lourd des pays développés. Vous qui proposez toujours d’augmenter les impôts, pensez que vous alimentez ce système de dépenses fiscales, conçu pour équilibrer le poids des prélèvements.

Le CICE, introduit par François Hollande, a été beaucoup décrié car il représentait, de mémoire, 25 milliards d’euros, mais n’oublions pas que sa création a été précédée d’un alourdissement des charges sur les entreprises, décidé par le même président de la République, deux fois supérieur au CICE. La gauche instaure perpétuellement de nouveaux impôts, qu’elle allège ensuite en partie par des dépenses fiscales. Tant que vous ne défendrez pas une baisse des impôts ou, à tout le moins, une simplification du système fiscal, vous nourrirez ce système-là.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il ne faut pas tout mélanger, cher collègue : une exonération d’impôt n’est pas une création d’un impôt supplémentaire.

Concernant les taux, je n’ai pas les mêmes chiffres que vous. Il faudrait regarder un jour qui fait l’effort fiscal quand on accorde de tels cadeaux. Les PME ne paient pas le même taux d’impôt sur les sociétés que les grandes entreprises. Il est vrai, néanmoins, que c’est assez difficile à savoir : la dernière étude un peu concluante à ce sujet a été menée par l’Institut des politiques publiques en 2015.

S’agissant des stratégies d’optimisation des grandes entreprises, que constate-t-on ? Le taux d’impôt sur les sociétés, compte tenu des mécanismes de diminution d’impôt, est de 15,8 % pour les grandes entreprises et de 22 % pour les PME. Il existe tout un labyrinthe de dispositifs : on compte plus de 300 aides différentes. Quand on est boulanger, artisan, on n’a pas la capacité de naviguer dans tout cela : on n’a pas d’expert-comptable pour aider.

Vous créez une inégalité entre les petites boîtes et les grandes, auxquelles vous distribuez de l’argent qui est utilisé pour faire des choses qui ne sont pas profitables au pays. J’estime – c’est un point de désaccord entre nous –, que l’imposition sert à redistribuer, mais il faut, pour cela, que l’argent reste en France.

M. le président Éric Coquerel. Vous savez qu’il existe une excellente mission d’information sur la fiscalité des entreprises, conduite par le rapporteur général et par moi-même.

La commission rejette l’amendement CF10.

Amendement CF6 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport sur les aides publiques perçues par les entreprises du CAC40 et du SBF120 en 2021.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Là encore, les données sont déjà disponibles.

La commission rejette l’amendement CF6.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF8 de M. David Guiraud.

Amendement CF4 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Les recettes fiscales liées à l’inflation sont passées, pour l’État, de 164 milliards en 2021 à 189 milliards en 2022, et cette hausse est constante. Nous souhaitons un rapport qui nous permettrait au moins de connaître l’impact sur les comportements des mesures qui sont prises et l’évolution spontanée des recettes fiscales – il faudrait notamment détailler la part de l’évolution des recettes qui est liée à l’évolution de l’activité réelle et la part qui est liée à l’évolution des différentes ressources fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces informations seront disponibles dans le rapport que je présenterai. Ce n’est pas la peine d’y consacrer un rapport supplémentaire.

La commission rejette l’amendement CF4.

Amendement CF7 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement porte sur une question qui se pose à la fois sur le plan économique et sur le plan démocratique, comme nous l’avons vu, il y a peu de temps, lors de l’audition de M. Moscovici. Les recettes liées à la TVA sont extrêmement dynamiques, notamment en raison de l’augmentation des prix pour les Français, mais qu’en fait-on ? On est en train de les transférer vers des budgets qui ne sont pas ceux de l’État, et qui ne relèvent donc pas de politiques de redistribution, pour compenser des cadeaux fiscaux consentis dans le cadre de budgets séparés – ceux de l’État, des collectivités locales et de la sécurité sociale sont censés l’être.

En 2022, 100 milliards d’euros de recettes de TVA ont ainsi été transférés à des budgets vers lesquels ces crédits ne devraient pas aller. C’est lié à vos choix politiques – pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations qui ne lui permettent pas de s’autofinancer et, pour les collectivités locales, une baisse d’impôts de production qui assèchent les ressources, ce qui conduit ensuite à verser une compensation.

Le problème démocratique, c’est que vous asséchez des budgets qui devraient être en autofinancement et que vous vous mettez ensuite à expliquer que les compensations coûtent trop cher à l’État, c’est-à-dire que les collectivités locales et la sécurité sociale doivent faire des efforts. Je suis pour que les collectivités locales ‑ et j’espère que cela parlera notamment aux élus Les Républicains ‑ puissent faire leurs choix de façon autonome, de même que la sécurité sociale. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas exister des mécanismes de solidarité entre les différents budgets, mais il faut que cela soit ponctuel. Or vous êtes en train de systématiser un mécanisme qui devient malsain pour les finances publiques et l’équilibre démocratique entre trois budgets qui sont censés être séparés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La TVA avait diminué en 2020, et nous avions d’ailleurs protégé les régions contre les effets potentiels associés. Par ailleurs, la question de l’autonomie financière ne se pose pas : les collectivités, en tout cas celles du bloc communal, gardent la capacité d’augmenter leurs ressources.

Quand on remplace la CVAE par de la TVA, on remplace une recette sur laquelle les collectivités n’avaient pas de pouvoir en matière de taux par une recette sur laquelle elles n’en ont pas davantage, mais qui a plutôt une dynamique favorable. Celle-ci sera désormais assez proche, avec le partage de la TVA, pour les recettes des collectivités et pour celles de l’État. Je ne sais pas si c’est une mauvaise nouvelle pour les collectivités – à vrai dire, je pense plutôt le contraire.

Mme Véronique Louwagie (LR). C’est un sujet important. Toute une tuyauterie a été mise en place entre le budget de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. Cela rejoint une question que j’ai posée lorsque nous avons auditionné M. Philippe Martin avant sa nomination au Haut Conseil des finances publiques : ne devons-nous pas engager, à un moment donné, une réflexion sur la création d’un budget unique qui rassemblerait l’ensemble des recettes ?

Dans le budget de la sécurité sociale, les cotisations salariales ont été remplacées par de la CSG et les cotisations patronales par de la TVA. Il est donc très difficile de suivre l’évolution de la TVA au sein des recettes de l’État. En 2022, à périmètre constant par rapport à 2019, les recettes de TVA se seraient élevées à presque 200 milliards d’euros, compte tenu de tout ce qui est transféré à la sécurité sociale et aux collectivités locales, mais ces recettes n’apparaissaient qu’à hauteur de 100 milliards dans le budget de l’État. Un budget unique donnerait de la lisibilité. C’est maintenant au Parlement de se saisir de cette question.

La commission rejette l’amendement CF7.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF21 de M. Philippe Brun.

Amendement CF12 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Le défaut d’adoption du projet de loi de règlement n’a pas tellement de conséquences, sinon celles qui ont été rappelées par le rapporteur général s’agissant de l’établissement du bilan. En revanche, depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), il y a une conséquence pour ce qui est du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale : on ne peut pas présenter de projet de LFSS s’il n’a pas été adopté.

Notre amendement d’appel vise à obtenir une réponse à propos de la différence juridique entre ces deux objets un peu semblables que sont, d’une part, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et, d’autre part, le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’écart éventuel est lié au droit tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, on ne peut pas dire que le rejet du PLR n’a pas de conséquences.

Le Conseil constitutionnel a considéré que l’examen du PLF pour 2023 dans le contexte du rejet du PLR 2021 ne conduisait pas à méconnaître le chaînage vertueux prévu par l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances, qui conditionne l’examen du PLF au vote, en première lecture, du PLR relatif à l’année précédente. Nous l’avions mis aux voix, peu importe le résultat de ce vote.

Il n’y a pas davantage de conséquences sur la certification des comptes, sous une réserve exprimée par la Cour des comptes, qui s’est ainsi posée des questions. Elle a consenti, cette fois, à certifier les comptes, mais cela peut devenir plus compliqué à l’avenir. Même si nous sommes passés pour le moment entre les gouttes, si je puis dire, ce chemin reste hasardeux à l’avenir.

La loi de règlement permet de constater la gestion des deniers publics par le Gouvernement : c’est avant tout un texte de transparence et d’information du Parlement, qui s’accompagne d’une riche documentation budgétaire. Certaines dispositions doivent nécessairement figurer dans la loi de règlement, conformément à l’article 37 de la Lolf. Il existe ainsi un domaine obligatoire des lois de règlement.

L’affectation du solde au bilan patrimonial, en comptabilité générale, n’a pas pu avoir lieu. Cela fait l’objet d’une ligne spécifique à l’article 3 du projet de loi relatif à l’exercice 2022. Vous me direz peut-être que ce n’est qu’un problème technique et administratif, mais ce n’est qu’un arrangement qui n’est pas satisfaisant. En outre, comme ce qui relève du domaine réservé des lois de règlement ne peut figurer dans aucun autre texte, il n’y a dans certaines matières pas de corde de rappel si on n’adopte pas le PLR, en particulier pour la gestion des reports du solde comptable des comptes spéciaux.

Par conséquent, s’il n’y a pas de conséquences financières à proprement parler à l’absence de loi de règlement des comptes, qui ferait par exemple perdre au pays des crédits venant de fonds européens comme c’est le cas en l’absence de loi de programmation des finances publiques, il existe quand même un certain nombre de conséquences techniques défavorables.

M. Charles de Courson (LIOT). Je rappelle que des représentants du peuple ont repoussé une loi de règlement pour la première fois, de mémoire, en 1834. La seule conséquence est que le solde de l’année ne peut pas être reporté sur le déficit cumulé. C’est seulement comptable.

Comme le rapporteur général l’a rappelé, il suffit qu’on ait voté, pour ou contre, le projet de loi de règlement : cela n’empêche pas l’examen des lois de finances ultérieures. Il en est de même pour les lois de financement de la sécurité sociale, grâce à l’interprétation du Conseil constitutionnel, qui a considéré que la disposition que nous avions adoptée n’était pas conforme à l’article 34 de la Constitution.

Vous pouvez donc voter, chers collègues, en toute tranquillité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce n’est pas tout à fait exact. Je peux vous suivre dans une certaine mesure pour la partie bilan, mais c’est un peu plus compliqué pour les comptes spéciaux – il ne peut pas y avoir de gestion des reports.

La commission rejette l’amendement CF12.

Amendement CF11 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous recevons souvent des leçons de bonne gestion, mais la France fait de plus en plus appel à des emprunts indexés sur l’inflation – cela revient assez régulièrement dans le débat public depuis quelques semaines, ce qui est d’ailleurs une bonne chose. On a commencé à le faire quand Emmanuel Macron était ministre des finances. Depuis 2014, environ 150 milliards d’euros d’emprunts ont été indexés sur l’inflation, ce qui coûte cher à la France – 5,5 milliards d’euros supplémentaires en 2021.

Une vraie question se pose : pourquoi a-t-on fait cela, en particulier il y a cinq ou six ans, alors qu’on empruntait à des taux quasiment négatifs ? Pour qu’un emprunt indexé sur l’inflation soit préférable à un emprunt classique, il faudrait que le taux d’inflation reste à peu près à 1,5 % pendant dix ans, ce qui n’était pas possible. Pourquoi a-t-on fait cela et pourquoi continue-t-on à le faire ? Je ne suis pas sûr, même si cela fait l’objet d’un débat, que l’inflation ne restera pas à des niveaux assez hauts pendant plusieurs années, ce qui grèvera encore plus notre budget.

C’est un gain pour ceux à qui on emprunte, mais pas du tout pour la France. Cela représentera, en effet, 15 milliards d’euros de dépenses en plus en 2022, c’est-à-dire l’équivalent de ce qui manque dans le cadre de votre réforme des retraites. Le coût pour les finances publiques, qui est considérable, n’a pas de sens, et c’était encore plus vrai au début du quinquennat Macron. Nous demandons donc un rapport sur cette question. Il faut apporter des réponses aux Français, qui se demandent assez légitimement pourquoi on a fait ce pari perdu d’avance pour tout le monde, sauf pour ceux à qui on empruntait.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Un rapport extrêmement précis sur la dette des administrations publiques est fait chaque année par l’Agence France Trésor (AFT). Il donne toutes les explications que vous souhaitez à ce sujet.

Il faut faire attention à ne pas réinterpréter l’histoire : nous souscrivons depuis 1998 à des emprunts à taux d’intérêt variables indexés sur l’inflation, et le point culminant n’est pas la période actuelle, mais plutôt 2009. Nous sommes en dessous du niveau atteint à cette époque. Par ailleurs, si vous nous demandez maintenant de tout emprunter à taux fixe, que nous raconterez-vous dans trois ans si l’inflation est repassée à 2 % ? Vous nous direz qu’on paierait moins si on n’était pas passé à taux fixe…

Je pense que le risque est géré par des fonctionnaires de très haut niveau. De plus, on ne fait pas ce qu’on veut sur ce marché : il y a des contraintes. L’exposition de la France est assez limitée, et il faut continuer à faire confiance à nos services en charge de la gestion de la dette.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Contrairement à ce que les groupes de gauche répètent, Emmanuel Macron n’a jamais été ministre des finances. C’est Michel Sapin qui en était chargé, avec Christian Eckert comme secrétaire d’État, durant le mandat de François Hollande.

Les OATi – obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation – ont été lancées sous le gouvernement Jospin. Je vous conseille donc d’aller demander à Dominique Strauss-Kahn, Christian Sautter et Laurent Fabius – vous appartenez au même parti qu’eux, monsieur Brun – pourquoi cet outil de financement a été créé et pourquoi ils ont considéré qu’il était intéressant de l’utiliser.

Il serait également utile, monsieur le président, d’interroger directement l’AFT à ce sujet, afin d’objectiver les choses, de les mettre à plat pour sortir des fantasmes.

M. le président Éric Coquerel. Je prends note de cette proposition, qui est intéressante.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Oui, je pense qu’il aurait fallu emprunter à taux fixe. Les taux étaient parfois presque négatifs. Pourquoi, dans ces conditions, prendre un risque en indexant l’emprunt sur l’inflation ?

Et oui, ces émissions d’emprunt existaient avant Emmanuel Macron. Le problème est qu’une accélération a eu lieu. Depuis qu’il a été ministre de l’économie, 150 milliards d’euros d’emprunts ont été indexés sur l’inflation. Nous n’avions pas, dans les années 2000, quasiment 12 % de notre dette ainsi indexée, ce n’est pas vrai. Pourquoi a-t-on accéléré, et pourquoi continue-t-on à le faire, au risque de l’absurdité ? On est encore en train de lancer des emprunts indexés sur l’inflation, parce qu’on ne veut pas apprendre, et c’est en outre de l’inflation européenne qu’il s’agit parfois, alors qu’elle est plus forte que l’inflation française, dont M. Bruno Le Maire n’a pas arrêté de nous dire qu’elle était la plus faible d’Europe. Pourquoi n’indexe-t-on pas sur le niveau de l’inflation en France ? Tout cela n’a pas de sens économiquement. C’est un mauvais calcul.

M. Philippe Brun (SOC). Que la France ait recours à ce type d’instrument financier est légitime. La question est de savoir comment, dans la répartition du portefeuille des obligations émises, on essaie de trouver un équilibre entre les différents risques. Pour une OATi, on sait que le risque est une augmentation de l’inflation.

Notre question ne porte pas sur les OATi en tant que telles mais sur la raison pour laquelle on continue à recourir à elles : je crois qu’on a fait plus de 3 milliards d’euros d’émissions d’OATi supplémentaires depuis le début de l’année, alors qu’on sait qu’on est face à un phénomène inflationniste assez durable. Nous en débattrons dans l’hémicycle.

M. le président Éric Coquerel. Ainsi que jeudi prochain, avec M. Attal, dans le cadre de la commission d’évaluation des politiques publiques consacrée à la mission Engagements financiers de l’État, le rapport de M. Mauvieux portant précisément sur les OATi.

La commission rejette l’amendement CF11.

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Elle adopte l’ensemble du projet de loi de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 sans modification.

 


([1]) Loi n°86-94 du 20 janvier 1986 portant règlement définitif du budget de 1983.

([2]) Voir la décision du Conseil constitutionnel n° 85-190 DC du 24 juillet 1985.

([3]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([4]) Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022, article 23.

([5]) Rapport n° 16 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, tomes I et II, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2022.

Rapport n° 792 de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, tomes I et II, enregistré à la Présidence du Sénat le 19 juillet 2022.

([6]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([7]) Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([8]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([9]) Comptes nationaux des administrations publiques - premiers résultats, INSEE, 28 mars 2023.

([10]) Les comptes de la Nation en 2021, INSEE, 31 mai 2022.

([11]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([12]) Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article, cette convention tient au fait que le compte d’opérations monétaires Opérations avec le FMI retrace « pour mémoire » le montant de la créance de la France sur le FMI (correspondant à sa quote-part dans le capital de l’institution). Les crédits de ce compte sont adoptés sans découvert autorisé en LFI puis, en loi de règlement, une autorisation de découvert est adoptée, à hauteur du montant de la créance (18,65 milliards début 2021, diminué du solde créditeur des opérations 2021 de 1,4 milliard d’euros). Au total, le découvert complémentaire demandé dans la loi de règlement correspond à la balance de sortie de compte, débitrice à hauteur de 17,3 milliards d’euros. L’importance du montant justifie que le solde de ce compte soit exclu des résultats budgétaires de l’année, afin d’éviter tout biais comptable.

([13]) Rapport n° 16 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2022.

([14]) Voir le rapport n° 16 de M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021, tome I et II, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juillet 2022 (lien).

([15]) 4° du IV de l’article 37 de la LOLF.  

([16]) Il s’agissait de soldes débiteurs de 360 millions d’euros au titre du compte de concours financier Prêts à des États étrangers, et de 14 millions d’euros au titre du comptes d’opérations monétaires Pertes et bénéfices de change, ainsi que de soldes créditeurs de 46,6 millions d’euros au titre du compte de commerce Opérations commerciales des domaines et de 108 millions d’euros au titre du compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques.