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N° 1271

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 mai 2023.

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095),

 

 

TOME I

 

 

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL ET EXAMEN DES ARTICLES

 

 

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

 

Rapporteur général,

 

Député.

 

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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2022

I. Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres

A. La comptabilitÉ budgÉtaire

B. La comptabilitÉ gÉnÉrale

C. La comptabilitÉ nationale

D. Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

a. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

b. De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

II. La reprise Économique A PERMIS UNE diminution mesurÉe du dÉficit public

A. Évolution sur longue pÉriode

B. Analyse du dÉficit public de 2022

1. Un déficit public inférieur aux prévisions initiales

2. Le déficit par sous-secteur d’administrations publiques

C. Le dÉficit public demeure essentiellement structurel

1. Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel

2. La composante structurelle du déficit demeure prépondérante

3. L’avis du Haut Conseil des finances publiques

III. L’Évolution du dÉficit de l’État

A. Formation du solde budgÉtaire 2022

B. Analyse d’exÉcution à exÉcution

C. Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

fiche 2 : Les recettes de l’État En 2022

I. Les recettes fiscales de l’État

A. Montant global

B. Plusieurs Retraitements sont nÉcessaires pour une juste analyse Économique des recettes fiscales de l’État

C. Examen gÉNÉral des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État

1. Analyse d’exécution à exécution

a. En sortie de crise sanitaire, un fort rebond des recettes fiscales

b. Les mesures fiscales nouvelles en 2022

c. Des mesures de périmètre et de transfert significatives

2. Analyse par rapport à la prévision : les recettes fiscales nettes sont en forte augmentation

D. Examen impÔt par impÔt

1. La taxe sur la valeur ajoutée

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

2. L’impôt sur le revenu

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

3. L’impôt sur les sociétés (IS)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

4. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

a. Analyse d’exécution à exécution

b. Analyse de l’écart avec la prévision

5. Les autres recettes fiscales

II. Les recettes non fiscales de l’État

A. Les dividendes et recettes assimilÉes

B. Les autres recettes non fiscales

1. Les produits du domaine de l’État

2. Les produits de la vente de biens et services

3. Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

4. Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

5. Les recettes diverses

Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

I. L’augmentation des dÉpenses de l’État s’est poursuivie en 2022 pour faire face à une inflation soutenue et pour financer les priorités du Gouvernement

A. L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

B. Une sous-Consommation des crÉdits légèrement moindre qu’en 2021

C. L’Évolution des dÉpenses de personnel

1. Des dépenses de personnel en augmentation et légèrement supérieures à la prévision de la loi de finances initiale

2. Les emplois consommés par les ministères diminuent après une hausse en 2021

II. Le respect des normes de dÉpenses

III. Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

Fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues au cours de l’exercice 2022

I. Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2022

A. Des mouvements de crÉdits consÉquents autorisÉs par deux lois de finances rectificatives

1. Le budget général de l’État a été particulièrement mobilisé pour soutenir les ménages et les entreprises face à la hausse des prix

a. Les annulations de crédits

b. Une fin de gestion une nouvelle fois marquée par d’importants mouvements de crédits

2. Des budgets annexes stables et une mobilisation supplémentaire des crédits sur les comptes spéciaux

B. Les mouvements rÉglementaires

1. Les fonds de concours et attributions de produits complètent les crédits budgétaires pour des montants importants

2. Des montants limités d’annulation par décret

3. Un niveau encore substantiel de reports de crédits en 2022

4. Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts

C. Les avancÉes en matiÈre d’assainissement de l’exÉcution budgÉtaire confirmÉes malgrÉ un contexte de crise

1. Le faible taux de mise en réserve des crédits, une pratique poursuivie en 2022

a. Des taux de mise en réserve des crédits élevés entre 2012 et 2017

b. La poursuite de la sincérisation de l’utilisation de la mise en réserve abaissée à 3 %, hors titre 2, depuis 2018

2. Un nouveau recours à un décret d’avance en 2022 justifié par l’urgence

II. Les modifications proposÉes par le prÉsent projet de loi de rÈglement

A. Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

B. Les annulations portant sur le budget gÉNÉral

C. Les mouvements de crÉdits relatifs aux budgets annexes et comptes spÉciaux

Fiche 5 : la dette de l’État

I. Une augmentation de l’endettement de l’État en 2022

A. Un encours de la dette proche de 2 300 milliards d’euros

1. L’accroissement de l’encours total de la dette négociable de l’État

2. La composition de la dette négociable

a. Un allongement de la durée de vie de la dette négociable

b. Une légère remontée de la part de dette détenue par les non-résidents

B. Un besoin de financement encore ÉLEVÉ en 2022

C. Les ressources de financement de l’État

1. La stabilisation à un niveau élevé des émissions de titres à moyen et long termes

2. La diminution de l’encours de titres de dette de court terme

3. Un solde négatif des primes et décotes à l’émission

4. Une stabilisation des dépôts des correspondants du Trésor

II. Une charge de la dette en forte augmentation et supÉrieure À la prÉvision

A. La hausse de la charge de la dette de l’État

B. Une charge de la dette supÉrieure aux prÉvisions de la loi de finances initiale

fiche 6 : La comptabilitÉ gÉNÉrale de l’État

I. Le bilan de l’État : la poursuite de la dÉgradation de la situation nette patrimoniale en dépit de la reprise économique

A. Un actif en progression

1. Des immobilisations en hausse

2. Un actif circulant qui augmente

3. Une hausse mesurée du niveau de trésorerie disponible

C. la dÉgradation du passif

1. Une croissance toujours forte des dettes financières

2. Des dettes non financières en léger recul

3. Une forte hausse des provisions pour risques et charges

4. Une trésorerie passive substantielle

III. Le compte de rÉsultat de l’État : Un rÉsulTat patrimonial qui se dégrade

A. Le cycle de fonctionnement

B. Le cycle d’intervention

C. Le cycle financier

D. Les produits rÉgaliens nets

IV. Les engagements hors bilan

V. LA Certification des comptes

travaux de la commission

audition de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094)

examen des articles

Article liminaire Solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2022

Après l’article liminaire

Article premier Résultats du budget de l’année 2022

Article 2 Tableau de financement de l’année 2022

Article 3 Résultat de l’exercice 2022  Affectation au bilan et approbation du bilan et de l’annexe

Article 4 Budget général  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Après l’article 4

Article 5 Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement et aux crédits de paiement

Article 6 Comptes spéciaux  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Article 7 Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Après l’article 7

 


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   introduction

La commission des finances examine le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour l’année 2022, que le Gouvernement a déposé le 13 avril 2023.

C’est l’occasion de revenir sur l’exécution de nos finances publiques au cours de cet exercice 2022, une nouvelle fois exceptionnel en la matière, après deux années 2020 et 2021 très fortement marquées par la crise sanitaire et le plan de relance. En 2022, c’est la réponse des pouvoirs publics à l’inflation – exacerbée par l’agression de l’Ukraine par la Russie à compter du 24 février 2022 – qui a largement modifié la trajectoire financière initialement prévue pour l’État.

Ainsi la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a-t-elle été notamment modifiée, dans des proportions importantes, par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance et par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, afin de protéger résolument les Français et nos entreprises face à l’augmentation des prix : ristourne à la pompe, poursuite et intensification des boucliers tarifaires gaz et électricité, aides aux entreprises, soutien aux collectivités territoriales, revalorisation exceptionnelle du chèque énergie, aide exceptionnelle pour les ménages modestes à la rentrée scolaire, revalorisation anticipée des prestations sociales dont les retraites, revalorisation du point d’indice pour tous les fonctionnaires.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 a en outre conduit à ouvrir plus de 10 milliards d’euros au titre de la charge de la dette indexée sur l’inflation et une somme d’un montant équivalent pour préparer le rachat des actions de l’entreprise EDF non détenues par l’État, opération qui doit s’achever en 2023. Au total, le montant des dépenses du budget général (hors remboursements et dégrèvements) s’est élevé à 445,7 milliards d’euros contre 398,2 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Modifiées en dépenses au cours de l’exercice, nos finances publiques l’ont été également largement en recettes. S’appuyant sur le développement de la masse salariale et sur le dynamisme non démenti de l’activité (+ 2,6 % de croissance du PIB sur l’année malgré un contexte défavorable), le montant des recettes publiques n’a pas cessé d’être réévalué tout au long de l’exercice – les prévisions associées à la loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022 étant encore dépassées par l’exécution constatée. Ainsi, le montant des recettes nettes du budget général s’est élevé à 287,5 milliards d’euros contre 244,4 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Au total, les résultats constatés s’agissant du solde public dans son ensemble, toutes administrations publiques confondues, sont à la fois meilleurs qu’en 2021 et meilleurs qu’anticipé. Alors que nous partions de – 6,5 % en 2021, le solde public s’est établi en 2022 à – 4,7 % du PIB, soit moins que les – 5 % prévus. Pour la dette publique, elle s’établissait à 112,9 % du PIB fin 2021 ; au 31 décembre 2022, elle est ramenée à 111,6 % du PIB, soit légèrement en deçà de la prévision également.

Ces résultats encourageants ont également pour origine des sous-consommations importantes de crédits sur le budget de l’État. Ainsi, les montants de crédits de paiement que le projet de loi de règlement pour 2022 propose d’annuler pour le budget général s’élèvent à plus de 6 milliards d’euros, alors que les montants d’annulations au terme de l’exercice budgétaire s’élevaient à moins d’un milliard d’euros jusqu’en 2020 compris. En outre, comme aux termes des exercices 2020 et 2021, des montants très importants ont été reportés de l’exercice 2022 sur 2023.

La suite de l’exécution du plan de relance, le report de charges sur l’exercice 2023 pour le financement de certaines aides aux entreprises, le calendrier de l’opération de rachat des titres d’EDF, parmi d’autres éléments, justifient cette situation. Les incertitudes liées à un contexte toujours exceptionnel en 2022 ont été à l’origine de ces mouvements importants. Le constat est toutefois celui d’une lisibilité budgétaire amoindrie, qu’il importe d’améliorer à court terme en matière de volume des reports et annulations.

Nous devons également ces résultats meilleurs qu’attendu pour nos finances publiques à une économie résiliente, rendue plus robuste, solide et agile par des réformes économiques, sociales et fiscales menées avec constance depuis 2017. L’augmentation des emplois qui en résulte se traduit par moins de chômage, plus de salaires, plus de bénéfices et d’investissements dans notre pays. Cela signifie également un dynamisme accru des rentrées fiscales et sociales, ce qui améliore la situation relative de nos finances publiques. L’exercice 2022 illustre le lien entre notre politique de l’offre, une économie et un marché du travail robustes, des recettes publiques dynamiques et une capacité à soutenir la demande de façon ciblée en faveur des ménages qui en ont le plus besoin.

Il n’en reste pas moins que le contenu de tout projet de loi de règlement du budget est largement contraint par l’article 37 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et par des constats comptables :

-          l’article liminaire constate le solde public et ses composantes structurelle et conjoncturelle pour l’année écoulée ;

-          l’article 1er constate le solde du budget de l’État, en comparant recettes et dépenses ;

-          eu égard à ce solde, l’article 2 décrit comment a été couvert techniquement le besoin de financement de l’État, notamment pas le programme d’émissions de dettes ;

-          l’article 3 autorise le transfert du solde de l’État au bilan de l’État et modifie en conséquence les valeurs de l’actif et du passif de l’État ;

-          les articles 4, 5 et 6 constatent les dépenses, au centime d’euro près, sur chaque programme du budget général, budget annexe et compte spécial. Eu égard à ces dépenses, aux montants ouverts durant la gestion et aux reports effectués, ces articles procèdent aux annulations qui en résultent mécaniquement, hors ajustements possibles pour les soldes reportés des comptes spéciaux.

Dès lors, plusieurs éléments plaident pour que nous fassions en sorte collectivement que le Parlement vote ce texte, tout comme il importe qu’il vote le nouveau projet de loi de règlement du budget pour 2021.

Il n’y a aucune marge de manœuvre dans l’écriture de ces dispositions par le Gouvernement. Preuve en est que le nouveau projet de loi de règlement pour 2021 est identique (à deux ou trois ajustements techniques près) à celui de l’année dernière : les constats comptables s’imposent au Gouvernement, comme ils s’imposent aux parlementaires.

La Cour des comptes a en outre certifié les comptes de l’État pour les exercices 2021 et 2022. Sous certaines réserves classiques et d’ailleurs de moins en moins nombreuses au fil des ans, « la Cour certifie que […] le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ». La Cour endosse ainsi solennellement le constat selon lequel les éléments techniques et comptables qui fondent les projets de loi de règlement des budgets 2021 et 2022 sont exacts et sincères.

L’absence de loi de règlement pose au demeurant des problèmes techniques. Le bilan de l’État, constitué de son actif et de son passif, n’a pas pu être établi au titre de l’exercice 2021. Dès lors, le projet de loi de règlement pour 2022 est construit sur une base lacunaire, qui oblige à la mise en œuvre d’une modalité particulière et exceptionnelle de traitement comptable à son article 3. Cette modalité permet certes une information complète et fidèle, et a été validée par le Conseil d’État et la Cour des comptes. On imagine mal cependant que cet arrangement soit reconduit chaque année, en devenant chaque année plus volumineux et sans que jamais le bilan de l’État puisse être constaté et établi. Notre administration et notre comptabilité nationale méritent mieux que d’avoir à gérer un casse-tête technique.

La nouvelle configuration politique à l’Assemblée nationale et la LOLF réformée donnent aux oppositions, y compris au Sénat, d’autres outils, plus adéquats et efficaces, pour contester la politique budgétaire du Gouvernement. Il s’agit des débats relatifs au programme de stabilité et aux orientations pluriannuelles des finances publiques en avril ou mai, ou encore des nouveaux débats sur la dette et les collectivités territoriales à l’automne. Il s’agit bien entendu des débats budgétaires eux-mêmes à l’occasion des PLF et PLFR. À l’Assemblée nationale, il s’agit également du printemps de l’évaluation, qui a pour objet précisément, pour chaque mission et programme, de confronter chaque ministre à son exécution budgétaire et aux politiques publiques qu’il met en œuvre sous le regard des rapporteurs spéciaux et de notre commission des finances.

Ne pas disposer d’une loi annuelle de règlement des comptes, c’est se priver de constats comptables incontestables et c’est une source de tracas infondés pour nos administrations et nos juridictions administratives et financières. J’invite ainsi l’Assemblée nationale et le Sénat à adopter les projets de loi de règlement des budgets 2021 et 2022, nécessité législative et comptable qui n’entrave en rien la capacité de chacun à faire valoir ses arguments sur la politique budgétaire mise en œuvre par le Gouvernement.

 

 

 

 

 


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   fiche 1 : Le dÉficit de l’État en 2022

La loi de règlement arrête le déficit public, toutes administrations publiques confondues, ainsi que le déficit de l’État. Le premier est mesuré selon les principes de la comptabilité nationale, le second selon ceux de la comptabilité budgétaire et générale. Ces trois types de comptabilité ont des objets différents.

Alors que la comptabilité budgétaire, comptabilité « de caisse », retrace les flux budgétaires entrants et sortants, les comptabilités générale et nationale sont fondées sur la constatation des droits et obligations nées au cours de l’exercice concerné.

les mesures du dÉficit en 2022

Déficit public

(toutes administrations publiques)

Comptabilité nationale

124,8 milliards d’euros

soit 4,7 % du PIB

 

Déficit de l’État

Comptabilité budgétaire

151,4 milliards d’euros

Comptabilité générale

160,0 milliards d’euros

Comptabilité nationale

146,9 milliards d’euros

Source : présent projet de loi de règlement.

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB en comptabilité nationale, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et de considérer le respect par la France de ses engagements européens.

La mesure du solde de l’État selon les principes de la comptabilité budgétaire permet d’appréhender son besoin de financement annuel.

La mesure du résultat patrimonial en comptabilité générale permet de déterminer la part de la variation annuelle du patrimoine de l’État qui résulte de la différence entre ses produits et ses charges comptables.

I.   Le dÉficit de l’État peut Être mesurÉ de plusieurs maniÈres

Historiquement, les lois de règlement ont d’abord porté sur la comptabilité budgétaire, qui est une comptabilité de caisse. Plus récente, la comptabilité générale a fourni une approche davantage économique de la situation financière et patrimoniale de l’État. Enfin, la comptabilité nationale permet, dans une approche harmonisée avec les autres États de l’Union européenne, d’agréger le solde de l’État avec celui des administrations publiques locales et de sécurité sociale.

A.   La comptabilitÉ budgÉtaire

L’examen de la loi de règlement a eu longtemps traditionnellement pour but de débattre de l’exécution du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui d’une comptabilité très commentée car elle permet de constater le niveau de recettes, en particulier fiscales, et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la LOLF ([1]). Son article 28 précise que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

Les résultats du budget de l’État pour 2022 sont arrêtés par l’article 1er du présent projet de loi de règlement. Le déficit budgétaire forme, avec l’amortissement de la dette, le besoin de financement de l’État arrêté à l’article 2. Le suivi des autorisations de dépenses et des éventuels reports du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux est assuré par les articles 4, 5 et 6.

B.   La comptabilitÉ gÉnÉrale

Depuis 2006, une comptabilité générale de l’État est annexée au projet de loi de règlement. Cette comptabilité dite d’engagements est tenue selon les mêmes principes qu’une comptabilité d’entreprise : un compte de résultat de l’année en cours est rattaché au bilan de l’État, et une annexe est également prévue pour détailler et justifier la nomenclature comptable. Les charges et les produits sont rattachés à l’exercice durant lequel les droits et obligations sont nés, indépendamment de la date de paiement ou d’encaissement effective.

Article 30 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances

« La comptabilité générale de l'État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d’encaissement.

Les règles applicables à la comptabilité générale de l’État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu’en raison des spécificités de son action.

Elles sont arrêtées après avis d’un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et publié. »

La comptabilité générale permet d’appréhender également des produits et charges qui ne donnent pas lieu à des flux de trésorerie, et qui ne sont donc pas retracés par la comptabilité budgétaire, comme les dotations aux amortissements et aux provisions ou l’état des stocks. Elle retrace aussi les opérations de nature patrimoniale (immobilisations, créances, dettes, etc.), qui ne sont pas décrites en loi de finances, et qui n’ont pas d’impact sur le solde public en comptabilité nationale. La comptabilité générale offre ainsi la possibilité de mesurer les variations annuelles du patrimoine de l’État.

Elle fait généralement l’objet de peu de commentaires dans le débat public, malgré l’enrichissement de l’information qu’elle représente.

Les résultats des comptes de l’État pour 2022 sont arrêtés par l’article 3 du présent projet de loi de règlement.

La comptabilité générale de l’État est analysée de façon plus détaillée dans la fiche 6 du présent rapport. Seul est rappelé ici le résultat patrimonial, c’est-à-dire la différence entre les produits et les charges de l’année 2022.

Le rÉsultat de l’État depuis 2020

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2020

Exercice 2021

Exercice 2022

 

 

Cycle de fonctionnement

Charges (a)

270,2

284,1

305,2

Produits (b)

78,5

77,4

79,6

Charges nettes (I = a-b)

191,7

206,7*

225,6

 

 

Cycle d’intervention

Charges (a)

273,4

269,7

258,6

Produits (b)

50,1

71,0

58,5

Charges nettes (II = a-b)

223,4*

198,7

200,1

 

 

Cycle financier

Charges (a)

71,2

50,1

77,5

Produits (b)

29,5

24,1

26,3

Charges nettes (III = a-b)

41,7

25,9*

51,2

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

456,7

431,3

476,9

 

 

Produits régaliens nets (B)

291,1

290,5

316,9

 

 

Résultat (B-A)

– 165,6

– 140,8

– 160,0

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : projet de loi de règlement 2021 pour 2020 et présent projet de loi de règlement pour 2021 (retraité) et 2022.

C.   La comptabilitÉ nationale

Enfin, depuis 2013, l’examen du projet de loi de règlement permet, sur le fondement de l’article liminaire, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale présentés dans l’article liminaire sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du PIB, qui joue un rôle toujours essentiel dans le cadre de l’examen et de la comparaison des finances publiques au niveau européen.

D.   Les clÉs de passage entre les diffÉrentes mesures du dÉficit de l’État

a.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale

Selon la comptabilité nationale, le déficit de l’État s’établit à 146,9 milliards d’euros, c’est-à-dire 4,5 milliards d’euros de moins que le déficit budgétaire qui atteint 151,4 milliards d’euros.

Cet écart s’explique par trois effets principaux :

– certaines opérations budgétaires sont comptabilisées en opérations financières au sens de la comptabilité nationale, et sont placées ainsi hors du périmètre des « dépenses maastrichtiennes » (comptant pour le calcul du déficit public) – au total, en 2022, le solde en comptabilité nationale est amélioré de 6,5 milliards d’euros. La plupart des prises de participations de l’État en 2022 (5,7 milliards d’euros), de même que les prêts octroyés par l’État (– 0,4 milliard d’euros) n’affectent pas le besoin de financement en comptabilité nationale mais modifient le solde budgétaire ;

 le rattachement comptable de droits constatés à l’exercice 2021 améliore le solde de 8,6 milliards d’euros. L’écart provient, pour 3,7 milliards d’euros, de la façon dont les recettes issues du financement européen du plan de relance français sont comptabilisées. En effet, les dépenses faisant l’objet d’un financement européen sont comptabilisées pour 11,1 milliards d’euros en 2021 en comptabilité nationale alors que seuls 7,4 milliards ont été enregistrés en comptabilité budgétaire. Pour le reste, une partie de l’écart (5,3 milliards) s’explique par le traitement différent des créances de CICE en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale. D’autres variations en droits constatés tiennent à la comptabilisation des dépenses d’investissement en matériel militaire et au coût du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité ;

– les autres opérations sans effet sur le solde budgétaire et détériorant le solde en comptabilité nationale s’élèvent à 10,6 milliards d’euros avec, en particulier, l’enregistrement des intérêts en droits constatés qui améliore le déficit de 5,3 milliards d’euros et, à l’inverse, la reprise de dette de SNCF Réseau, enregistré en dépense en comptabilité nationale, qui dégrade le solde en comptabilité nationale de 10 milliards d’euros. Le relèvement du plafond de l’ARENH est enregistré en dépense dans le compte des administrations publiques sans être une opération du budget de l’État, il dégrade donc le solde en comptabilité nationale de 8,2 milliards d’euros.

Le tableau ci-dessous retrace les clés de passage entre le solde en comptabilité budgétaire et celui en comptabilité nationale.

Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
À la comptabilitÉ nationale en 2022

(en milliards d’euros)

Solde d’exécution des lois de finances

 151,4

Opérations budgétaires traitées en opérations financières

+ 6,5

Corrections en droits constatés

+ 8,6

Opérations non budgétaires affectant le besoin de financement

 10,6

Déficit de l’État en comptabilité nationale

 146,9

Source : présent projet de loi de règlement.

b.   De la comptabilité budgétaire à la comptabilité générale

Selon la comptabilité générale, le résultat patrimonial de l’État, qui est la somme de ses charges et de ses produits mesurés dans le compte de résultat, s’établit à – 160,0 milliards d’euros, soit une aggravation de 8,4 milliards d’euros par rapport au déficit budgétaire. Le solde patrimonial de l’État est donc un peu plus dégradé que son solde budgétaire.

L’écart entre les deux soldes s’explique notamment par :

– les immobilisations financières qui reflètent l’effort d’investissement, notamment dans EDF (8 milliards d’euros pour la seule opération concernant cette entreprise) ;

– les décalages entre produits et recettes (notamment de moindres recettes futures au titre de la Facilité européenne pour la relance et la résilience – FRR – pour – 7,4 milliards d’euros), et entre charges et dépenses (en particulier des dotations nettes de reprises sur provisions pour – 25,8 milliards d’euros et – 7,5 milliards d’euros au titre des charges d’indexation des titres indexés).

Passage de la comptabilitÉ budgÉtaire
à la comptabilitÉ gÉNÉrale en 2021

(en milliards d’euros)

Solde d’exécution des lois de finances

 151,4

Opérations de trésorerie

+ 1,5

Immobilisations incorporelles, corporelles et stocks

+ 6,7

Immobilisations financières

+ 11,6

Opérations sur comptes de tiers et autres opérations

 2,3

Décalage en matière de recettes

 8,4

Décalage en matière de dépenses

 17,6

Déficit de l’État en comptabilité générale

 160,0

Source : présent projet de loi de règlement.

II.   La reprise Économique A PERMIS UNE diminution mesurÉe du dÉficit public

A.   Évolution sur longue pÉriode

L’article liminaire du présent projet de loi de règlement établit le déficit public 2021 à 4,7 % du PIB.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les soldes supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

– 3,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

– 2,6

– 3,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,6

– 3,0

– 2,3

– 3,1*

– 8,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 6,4

– 4,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Hors effet de bascule du CICE, le solde atteint – 2,2 % du PIB.

Source : Insee, base 2014, présent PLR.

L’année 1974 est la dernière pour laquelle le solde public a été exécuté à l’excédent. Les années 1993 et 2009 ont enregistré des pics de déficit, respectivement à 6,4 % et 7,2 % du PIB. La France a ensuite connu neuf années consécutives de déficit supérieur à 3 % du PIB entre 2008 à 2016.

L’année 2017 avait marqué un retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis au Conseil de l’Union européenne de clôturer la procédure de déficit excessif dont la France faisait l’objet lors de sa réunion du 22 juin 2018.

Afin de faire face à la crise sanitaire en mars 2020, l’État a été conduit, à la faveur de l’assouplissement de l’encadrement budgétaire européen permettant des écarts temporaires à la trajectoire d’ajustement des comptes publics, à s’extraire des règles communautaires « maastrichtiennes ».

B.   Analyse du dÉficit public de 2022

Le solde public est déficitaire de 4,7 % du PIB en 2022. L’essentiel de ce déficit est de nature structurelle (3,4 % du PIB), la composante conjoncturelle continuant toutefois de peser (1,2 % du PIB) alors que l’effet des mesures ponctuelles et temporaires reste marginal (0,1 % du PIB).

1.   Un déficit public inférieur aux prévisions initiales

Examinée à l’automne 2021, la loi de finances pour 2022 prévoyait un déficit public de 5,0 % du PIB. Les hypothèses macroéconomiques et de finances publiques de cette loi avaient d’ailleurs été dégradées au cours de la discussion parlementaire, le projet de loi de finances prévoyant initialement un déficit limité à 4,8 % du PIB.

Les deux lois de finances rectificatives pour 2022 ([2]) ont maintenu cette prévision à 5,0 % du PIB, tout en modifiant ses composantes, l’amélioration du solde structurel étant compensée par la dégradation du solde conjoncturel.

In fine, l’amélioration du solde par rapport à cette dernière prévision est liée à la fois à une bonne tenue des recettes fiscales (voir fiche n° 2) et par des sous‑consommations importantes sur certains crédits ouverts en cours de gestion (voir fiche n° 3).

Évolution du solde public en 2022

(en % du PIB)

Composantes

2022

LFI

2022

LFR 1

2022

LFR 2

2022
Exécution

Solde structurel

– 4,0

– 3,6

– 3,7

– 3,4

Solde conjoncturel

– 0,8

– 1,3

– 1,2

– 1,2

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif

 5,0

 5,0

 5,0

 4,7

Source : loi de finances initiale pour 2022, lois de finances rectificatives 1 et 2 pour 2022 et présent projet de loi de règlement.

2.   Le déficit par sous-secteur d’administrations publiques

Le déficit de l’État, qui est l’objet principal de la loi de règlement, n’est pas la seule composante du déficit public en comptabilité nationale : celle-ci prend en compte le solde de l’ensemble des administrations publiques, en y incluant ceux des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.

Solde public par sous-secteur d’administration publique
en valeur relative

(en % de PIB)

Sous-secteur

2021

2022

Administrations publiques centrales

– 5,8

– 5,1

   dont État

 5,7

 5,6

   dont organismes divers d’administration centrale

 0,1

0,5

Administrations publiques locales

0,0

0,5

Administrations de sécurité sociale

– 0,7

0,0

Solde effectif toutes APU

 6,5

 4,7

Source : présent projet de loi de règlement.

Le déficit public tend à se concentrer, en 2022 comme en 2021, sur le déficit de l’État, à la faveur d’une réduction du déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) et que les administrations publiques locales (APUL) contribuent désormais positivement au solde.

Solde public par sous-secteur d’administration publique en euros courants

(en milliards d’euros)

Sous-secteur

2021

2022

Administrations publiques centrales

– 144,0

– 134,9

   dont État

 142,4

 146,9

   dont organismes divers d’administration centrale

 1,5

12,0

Administrations publiques locales

– 0,8

0,8

Administrations de sécurité sociale

– 17,2

9,2

Solde effectif toutes APU

 162,0

 124,9

Source : présent projet de loi de règlement.

C.   Le dÉficit public demeure essentiellement structurel

Le solde structurel se situe à un niveau élevé en 2022, en net repli toutefois par rapport à 2021, en restant accompagné d’une composante conjoncturelle dégradée.

1.   Les notions de déficit structurel et de déficit conjoncturel

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique et des événements exceptionnels. Le déficit conjoncturel correspond, lui, au déficit lié à la conjoncture. La composante structurelle du déficit a fait l’objet d’un encadrement européen renforcé depuis dix ans environ, dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période favorable.

Il convient de noter que le solde structurel est une construction macroéconomique et non budgétaire, qui repose sur des conventions et sur un certain nombre d’hypothèses concernant le PIB potentiel et l’écart de production – qui sont également des notions macroéconomiques.

Ainsi, l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à 1 point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([3]). Ce volet préventif prévoit ainsi que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette publique d’un État membre est supérieure à 60 % de son PIB).

Les modalités de calcul des différentes composantes du déficit sont complexes mais dépendent essentiellement de la notion d’écart de production, c’est-à-dire de la différence entre la production effective et la production potentielle.

Méthode de calcul des composantes structurelle et conjoncturelle du déficit public

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit public fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » (1).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 au rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture sont censés représenter, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB serait, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigée des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Aussi, un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser l’écart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

() Banque de France, « La croissance potentielle. Une notion déterminante mais complexe », Focus n° 13, mars 2015.

Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses de croissance potentielle et d’écarts de production qui ont été fixées dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ; la prévision de croissance potentielle pour 2022 (1,35 % du PIB potentiel) est identique dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) 2023-2027, bien que l’écart de production soit passé de + 1,1 en LPFP 2018-2022 à – 1,1 en PLPFP 2023-2027.

Ces hypothèses avaient été jugées « optimistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis portant sur le PLPFP ([4]). Le programme de stabilité 2023-2027 ne modifie pas ces prévisions.

HypothÈses d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle dans lE PLPFP 2023-2027

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Croissance potentielle (en % du PIB potentiel)

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

1,35

Écart de production (en % du PIB)

– 1,1

– 1,7

– 1,2

– 0,8

– 0,5

0,0

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

2.   La composante structurelle du déficit demeure prépondérante

L’évolution du solde structurel en 2020 n’était pas significative en raison du choix, justifié par les circonstances, de comptabiliser une partie des mesures de réponse à la crise comme ponctuelles et temporaires. Depuis 2021, l’incertitude que ce choix entraînait a disparu et la lisibilité de l’évolution du solde public.

Le déficit structurel des administrations publiques françaises demeure à un niveau élevé de 3,4 %, en amélioration toutefois de 1,0 point de PIB par rapport à 2021, notamment grâce à la forte diminution des mesures d’urgence et à l’évolution spontanée dynamique des prélèvements obligatoires. La composante conjoncturelle du solde atteint par ailleurs un niveau non négligeable de 1,2 %, ce qui témoigne d’une conjoncture encore dégradée et d’un niveau d’activité éloigné de son potentiel.

3.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Le Haut Conseil des finances publiques constate que le solde structurel en 2022 est estimé à – 3,4 points du PIB potentiel figurant dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022, à laquelle il est tenu de se référer bien qu’elle constitue une « référence obsolète ». L’écart à la trajectoire est de 2,6 points de PIB potentiel, ce qui constitue un écart important au sens de l’article 23 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Trajectoire de la LPFP 2018-2022 et exÉcution

(en % de PIB)

Composante

2020

2021

2022

LPFP

Exécution

LPFP

Exécution

LPFP

Exécution

Solde structurel

– 1,6

– 1,3

– 1,2

– 4,4

– 0,8

– 3,4

Solde conjoncturel

0,1

– 4,9

0,3

– 0,1

0,6

– 1,2

Mesures ponctuelles et temporaires

0,0

– 2,8

0,0

– 1,9

0,0

– 0,1

Solde effectif

 1,5

 9,0

 0,9

 6,5

 0,3

 4,7

Source : LPFP 2018-2022 et présent projet de loi de règlement.

Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (extraits) ([5])

« I. ― En vue du dépôt du projet de loi de règlement, le Haut Conseil des finances publiques rend un avis identifiant, le cas échéant, les écarts importants, au sens du II, que fait apparaître la comparaison des résultats de l’exécution de l’année écoulée avec les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Cette comparaison est effectuée en retenant la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé à cette même loi.

Cet avis est rendu public par le Haut Conseil des finances publiques et joint au projet de loi de règlement. Il tient compte, le cas échéant, des circonstances exceptionnelles définies à l’article 3 du traité, signé le 2 mars 2012, précité, de nature à justifier les écarts constatés.

Lorsque l’avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement expose les raisons de ces écarts lors de l’examen du projet de loi de règlement par chaque assemblée. Il présente les mesures de correction envisagées dans le rapport mentionné à l’article 48 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée.

II. ― Un écart est considéré comme important au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel de l’ensemble des administrations publiques définies par la loi de programmation des finances publiques lorsqu’il représente au moins 0,5 % du produit intérieur brut sur une année donnée ou au moins 0,25 % du produit intérieur brut par an en moyenne sur deux années consécutives. »

Le Haut Conseil constate cependant que les circonstances exceptionnelles au sens du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) continuent d’être réunies en 2022. En effet, il revient au Gouvernement de demander au HCFP de constater si les conditions ont cessé de l’être, ce qu’il n’a pas fait à ce jour. Il n’y a, dès lors, pas lieu de déclencher le mécanisme de correction.

Le Haut Conseil souligne cependant que, en débit de la crise énergétique entraînée par la guerre en Ukraine, les conditions économiques sont « en voie de normalisation ». La Commission européenne a, de ce fait, annoncé la levée de la clause dérogatoire générale à partir de l’exercice 2024. Les États membres seront alors à nouveau soumis au cadre budgétaire européen ; aussi, le HCFP renouvelle son invitation, formulée en 2021, à préciser le calendrier de la levée de cette clause et ses conditions.

III.   L’Évolution du dÉficit de l’État

Le déficit budgétaire de l’État s’établit à 151,4 milliards d’euros, en baisse de 19,3 milliards d’euros par rapport au niveau enregistré en 2021.

Le dÉficit budgÉtaire de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

– 138,0

– 113,8*

– 90,7

– 87,2

– 74,9

– 73,6*

– 70,5

– 69,1

– 67,7

– 76,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

– 92,7

– 178,1

– 170,7

– 151,4

 

 

 

 

 

 

hors programmes d’investissements d’avenir (PIA).

Source : lois de règlement de 2009 à 2020, projets de loi de règlement 2021 et 2022.

A.   Formation du solde budgÉtaire 2022

Le tableau d’équilibre ci-dessous permet de détailler la formation du solde budgétaire et son évolution.

Évolution du solde budgÉtaire

(en milliards d’euros)

Composantes

Exécution 2021

LFI 2022

LFR 2 2022

Exécution 2022

Recettes fiscales nettes

295,7

287,6

315,8

323,3

Recettes non fiscales

21,3

20,2

24,7

23,9

Fonds de concours et attribution de produits

8,0

6,3

6,3

7,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

– 26,4

– 26,4

– 24,3

– 24,2

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

– 43,4

– 43,2

– 43,6

– 43,0

Recettes nettes

255,2*

244,4

278,9

287,5

Dépenses nettes

426,7

398,2

453,2

445,7

Solde du budget général

– 171,5

 153,8

 174,3

 158,2

Solde des budgets annexes

0,0

0,0

0,3

0,0

Solde des comptes spéciaux

0,8

– 0,1

3

6,7

Solde budgétaire de l’État

 170,7

 153,8

 171,0

 151,4

* effet d’arrondi au dixième.

Source : Cour des comptes, RBDE 2022.

Le niveau du déficit budgétaire en 2022 résulte, in fine :

– de dépenses nettes du budget général qui se sont élevées à 445,7 milliards d’euros ;

– de recettes nettes du budget général qui ressortent à 287,5 milliards d’euros ;

– et du solde des budgets annexes et comptes spéciaux qui s’établit à 6,7 milliards d’euros.

B.   Analyse d’exÉcution à exÉcution

Le déficit budgétaire s’établit à 151,4 milliards d’euros en 2022, après 170,7 milliards en 2021.

passage du solde 2021 au solde 2022

(en milliards d’euros)

Composantes

2021

Évolution

2022

Recettes du budget général (I)

255,2

+ 32,3

287,5

Recettes fiscales nettes

295,7

+ 27,5

323,3

Recettes non fiscales

21,3

+ 2,7

23,9

Fonds de concours et attribution de produits

8,0

 0,5

7,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

26,4

 2,1

24,2

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

43,4

 0,3

43,0

Dépenses du budget général (II)

426,7

+ 19,0

445,7

Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

0,8

+ 5,9

6,7

Déficit à financer (II-I-III)

170,7

 19,3

151,4*

* effet d’arrondi au dixième.

Source : Cour des comptes, RBDE 2022.

Les recettes budget de l’État ont progressé plus vite que les dépenses (+ 27,5 milliards contre + 19,0 milliards d’euros), tandis que l’amélioration du solde des comptes spéciaux et des budgets annexes de 5,8 milliards d’euros permet une diminution plus marquée du déficit.

C.   Analyse de l’Écart par rapport aux prÉvisions

L’exécution du déficit de l’État en 2022 s’éloigne peu de la prévision de la loi de finances initiale, avec un écart de 2,4 milliards d’euros. La progression des recettes du budget général et l’amélioration du solde des comptes spéciaux et budgets annexes est quasiment compensée par celle des dépenses.

passage de la LFI 2022 à l’exÉcution 2022

(en milliards d’euros)

Composantes

LFI

Évolution

Exécution

Recettes du budget général (I)

244,4

+ 43,0

287,5

Recettes fiscales nettes

287,6

+ 35,7

323,3

Recettes non fiscales

20,2

+3,8

23,9

Fonds de concours et attribution de produits

6,3

+ 1,2

7,5

PSR au profit de l’Union européenne (à déduire)

26,4

– 2,1

24,2

PSR au profit des collectivités territoriales (à déduire)

43,2

– 0,2

43,0

Dépenses du budget général (II)

398,2

+ 47,5

445,7

Solde des budgets annexes et des comptes spéciaux (III)

 0,1

+ 6,8

6,7

Déficit à financer (II-I+III)

153,8

 2,4

151,4

Source : Cour des comptes, RBDE 2022.

 

 

 

 

 


—  1  —

   fiche 2 : Les recettes de l’État En 2022

Les recettes alimentant le budget de l’État se décomposent en recettes fiscales et recettes non fiscales, complétées par les fonds de concours et attributions de produits. Les recettes nettes s’entendent des recettes brutes sous déduction des remboursements et dégrèvements.

Recettes nettes du budget gÉnÉral de l’État en 2022

(en milliards d’euros)

Impôt

Exécution 2021

LFI 2022

LFR 2 2022

Exécution 2022

Écart de l’exécution
aux prévisions

LFI 2022

LFR 2 2022

Impôt sur le revenu

78,7

82,4

87,4

89,0

6,6

1,6

Impôt sur les sociétés

46,3

40,0

59,0

62,1

22,1

3,2

Taxe sur la valeur ajoutée

95,5

98,4

100,6

100,8

2,5

0,2

TICPE

18,3

18,2

18,0

18,0

– 0,2

0,0

Autres

56,9

48,6

50,8

53,4

4,7

2,5

Recettes fiscales nettes

295,7

287,6

315,8

323,3

35,7

7,5

Recettes non fiscales

21,3

20,2

24,7

23,9

3,8

– 0,8

Total

317,0

307,8

340,5

347,2

39,5

6,7

Source : présent projet de loi de règlement.

I.   Les recettes fiscales de l’État

Les 323,3 milliards d’euros de recettes fiscales nettes représentent, en 2022, plus de la moitié des ressources de l’État, une autre grande partie étant constituée des émissions de dette pour 260 milliards d’euros.

A.   Montant global

La chronique du montant des recettes fiscales nettes est présentée dans le tableau ci-dessous.

Recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État depuis 2008

(en milliards d’euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

260,0

214,3

237,0*

255,0

268,4

284,0

274,3

280,1

284,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

 

295,6

295,4

281,3

256,0

295,7

323,3

 

 

 

* Le montant de l’année 2010 n’inclut pas le rendement de 16,6 milliards d’euros des impôts locaux affectés transitoirement à l’État cette année-là.

Source : commission des finances.

Les recettes sont dites « nettes » car elles sont présentées après déduction des remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général ([6]).

Remboursements et dégrèvements

En 2022, le montant des recettes fiscales brutes du budget général a été de 456,0 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements se sont élevés à 132,8 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général se sont établies à 323,3 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop-versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements intervenus en 2022 se décomposent notamment en :

– 85,9 milliards au titre de la mécanique de certains impôts, dont 63,5 milliards d’euros au titre des crédits de TVA, 12,5 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés et 9,7 milliards d’euros de restitutions et compensations de trop-versés d’IR ;

– 23,8 milliards d’euros au titre du soutien à des politiques publiques via des remboursements de crédits d’impôt qui excèdent l’impôt dû ;

– 14,4 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

– 7,0 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

B.   Plusieurs Retraitements sont nÉcessaires pour une juste analyse Économique des recettes fiscales de l’État

Les recettes fiscales nettes du seul budget général ne rendent pas compte du montant total des recettes fiscales nettes affectées à l’État.

Le montant de 323,3 milliards d’euros est celui qui figure dans le tableau d’équilibre des ressources et des dépenses et à l’article 1er du présent projet de loi de règlement. Cette présentation budgétaire est toutefois incomplète, pour deux raisons :

– la présentation budgétaire déduit du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux ;

– la présentation budgétaire écarte les recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État.

La réforme de la loi organique relative aux lois de finances, à la suite de recommandations récurrentes de la Cour des comptes, a permis de résoudre le défaut relatif à la présentation des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux. Dorénavant, l’article 10 de la LOLF, dans sa version entrée en vigueur à compter du dépôt du projet de loi de finances pour l’année 2023 et s’appliquant pour la première fois aux lois de finances afférentes à 2023 ([7]), dispose que « les crédits relatifs aux remboursements, restitutions et dégrèvements des impositions de toutes natures revenant à l’État ne sont pas pris en compte pour l’évaluation des recettes et la présentation du tableau d’équilibre prévues à l’article 34 ». Cependant, le présent projet de loi étant relatif à l’exercice 2022, il n’est pas soumis à ces nouvelles dispositions insérées dans la LOLF.

C.   Examen gÉNÉral des recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État

Les développements ci-après analysent les recettes fiscales nettes du budget général de l’État par rapport à l’exécution constatée en 2021 ainsi que par rapport aux prévisions de la LFI et de la deuxième LFR de l’année 2022.

1.   Analyse d’exécution à exécution

Après une année 2021 marquée par une forte hausse des recettes fiscales nettes (+ 15,5 %), l’année 2022 poursuit cette tendance (+ 9,3 %) en lien avec le dynamisme de l’activité économique.

Évolution des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral

(en milliards d’euros)

Exécution

2021

Évolution

spontanée

Mesures fiscales nouvelles

Mesures
de périmètre

Exécution

2022

295,7

36,1

– 6,5

– 2,1

323,3

Source : Cour des comptes, RBDE 2022.

L’évolution d’une année sur l’autre des recettes fiscales dépend de trois facteurs : l’évolution spontanée, les mesures fiscales nouvelles et les mesures de périmètre et de transfert.

L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre, l’évolution spontanée d’un impôt est de 2 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 102 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Les mesures fiscales

Les mesures fiscales sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances. Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures fiscales ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures fiscales permet de mesurer l’impact des réformes décidées par le Parlement. Par exemple, si du fait des mesures fiscales le rendement d’un impôt augmente de 3 et que celui-ci bénéficie par ailleurs d’une évolution spontanée de 2 %, son rendement passera de 100 à 105. L’impact des mesures fiscales dans la hausse n’est alors que de 3 sur 5.

Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

a.   En sortie de crise sanitaire, un fort rebond des recettes fiscales

Le rebond spontané de 36,1 milliards d’euros des recettes fiscales nettes de l’État (+ 12,2 % par rapport aux recettes fiscales de 2021, après + 18,0 % l’année précédente) est, à nouveau, l’une des principales caractéristiques de l’exécution 2022. L’exercice 2021 avait déjà bénéficié du rebond faisant suite à la récession économique de l’année 2020.

L’élasticité des recettes fiscales nettes (2,2) apparaît ainsi très élevée en 2022 et en légère décélération par rapport à 2021 (2,3). En particulier, les recettes d’impôt sur les sociétés (IS) ont bénéficié de la très forte croissance du bénéfice fiscal des entreprises entre 2020 et 2021.

Notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du PIB en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de – 0,5, l’évolution spontanée est de – 0,5 % bien que le PIB ait cru en valeur de 1 %.

La structure de notre législation fiscale fait qu’en période de faible croissance l’élasticité a tendance à être inférieure ou égale à 1, voire négative, tandis qu’en période de reprise l’élasticité est supérieure à l’unité. En effet, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

Il s’agit de la huitième année consécutive durant laquelle l’élasticité des recettes fiscales est supérieure à l’unité.

ÉlasticitÉ des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral de l’État

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

1,0

4,5

1,6

1,6

– 0,2

– 1,6

– 0,4

0,9

1,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

 

2,0

1,3

1,1

1,5

2,3

2,2

 

 

 

Source : commission des finances.

b.   Les mesures fiscales nouvelles en 2022

Les mesures fiscales nouvelles, qui entraînent une baisse de 2,1 milliards d’euros du rendement des impôts en 2022, sont retracées dans le tableau ci-dessous.

Effet des mesures fiscales nouvelles en 2022

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2022

Suppression du CICE

1,7

Effet retour IS de la baisse des impôts de production

1,3

Effet retour du bouclier tarifaire sur la TICFE

0,7

Assouplissements des reports en arrière

des déficits (IS)

0,5

Baisse du coût des contentieux

1,0

Baisse du plafonnement de la CET

0,4

Baisse du taux d'IS de 33 % à 25 %

– 2,9

Suppression de la TH

– 2,8

Transformation du crédit d’impôt services à la personne en dispositif contemporain

– 0,3

Revalorisation du barème kilométrique (IR)

– 0,4

Bouclier tarifaire

– 4,9

Effet sur la TVA du bouclier tarifaire

– 0,9

Total

 2,1

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

c.   Des mesures de périmètre et de transfert significatives

Depuis 2019, des mesures de périmètre et de transfert significatives affectent la TVA.

En 2021, 23 milliards d’euros avaient été transférés aux départements et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation (TH) et 9,8 milliards d’euros transférés aux régions en compensation de la baisse des impôts de production. L’ajustement des transferts de TVA à la sécurité sociale, prévu par la deuxième loi de finances rectificative pour 2021 (LFR), a par ailleurs grevé les recettes de TVA affectés au budget de l’État de 1,4 milliard d’euros.

En 2022, les modalités d’affectation de la TVA ont évolué : la part affectée en compensation de la suppression de la part régionale contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) représente désormais une fraction de la TVA totale, et non un montant en euros, ce qui permet aux affectataires de bénéficier du dynamisme de la recette.

De plus, un important nouveau transfert (3,6 milliards d’euros) aux entreprises de l’audiovisuel public compense la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP). Ce transfert n’est cependant pas pérenne car l’article 5 de la LOLF proscrit, à partir de 2025, les affectations de TVA en dehors du champ des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales.

Effet des mesures de pÉRIMÈtre et de transfert en 2022

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2022

Transfert de TVA pour financer l’audiovisuel public

– 3,6

Suppression du versement de subvention pour service public aux opérateurs de l’audiovisuel

0,6

Ajustement des transferts de TVA à la sécurité sociale

0,8

Ajustement des transferts de TVA aux collectivités locales

0,4

Recentralisation du RSA en Seine-Saint-Denis

0,3

Transferts aux collectivités (TICPE)

– 0,6

Total

 2,1

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

2.   Analyse par rapport à la prévision : les recettes fiscales nettes sont en forte augmentation

Les recettes fiscales nettes du budget général atteignent, en 2022, un niveau nettement plus élevé que la prévision en loi de finances initiale (323,3 milliards contre 287,6 milliards d’euros prévus, soit + 12,4 %). L’écart est également significatif avec la deuxième loi du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.  

Évaluations successives des recettes fiscales nettes en 2022

(en milliards d’euros)

 

Source : Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2022, Recettes fiscales de l’État, avril 2023, d’après ministère de l’économie, des finances et de la relance.

En valeur, l’écart entre la prévision en loi de finances et l’exécution des recettes fiscales nettes atteint 35,7 milliards d’euros.

Écart des recettes fiscales nettes du budget gÉnÉral aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2022

LFR 2 2022

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 2

323,3

287,6

315,8

+ 35,7

+ 7,5

Source : présent projet de loi de règlement.

 

Les principaux écarts résultent des encaissements d’impôt sur les sociétés (+ 22,1 milliards d’euros) et d’impôt sur le revenu (+ 6,6 milliards).

De façon générale, tant les prévisions de la LFI que celles de la LFR 2 ont été dépassées sur les principales impositions, à l’exception de la TICPE. Les recettes d’IS ont ainsi augmenté de moitié par rapport à la prévision initiale. 

Taux d’exÉcution par impÔt

(en milliards d’euros et en pourcentage de la prévision de LFI)

Impôt

LFI

Exécution

Écart en mds

Écart
(en %)

Impôt net sur le revenu

82,4

89,0

6,6

8,0

Impôt sur les sociétés

40,0

62,1

22,1

55,3

TVA

98,4

100,8

2,5

2,5

TICPE

18,2

18,0

- 0,2

- 1,1

Autres recettes fiscales nettes

48,6

53,4

4,7

9,7

Total des recettes fiscales nettes

287,6

323,3

35,7

12,4

Source : présent projet de loi de règlement et commission des finances.

D.   Examen impÔt par impÔt

Les quatre principaux impôts revenant à l’État (TVA, IR, IS, TICPE) représentent à eux seuls un rendement net de 269,9 milliards d’euros, soit 83,5 % des recettes fiscales nettes du budget général de l’État.

Aussi, ces différents impôts sont présentés ci-après en détail, par ordre d’importance sur le plan du rendement budgétaire. Comme précédemment pour l’ensemble des recettes fiscales, le rendement de chaque impôt pour 2022 est analysé par rapport à l’exécution constatée en 2021 ainsi que par rapport aux prévisions des lois de finances relatives à l’année 2022.

1.   La taxe sur la valeur ajoutée

La TVA est un impôt d’État partagé avec la sécurité sociale et certaines collectivités territoriales. Elle joue un rôle croissant dans les transferts entre l’État et les autres administrations publiques, administrations de sécurité sociale (ASSO) et administrations publiques locales (APUL). Aussi, le produit de TVA qui revient à l’État a fortement diminué ces dernières années, alors que son rendement est nettement croissant au cours des dix dernières années. Il est stabilisé, depuis 2021, autour de 50 % du montant global de la TVA.

Rendement net de la TVA depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

État

133,4

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

100,8

ASSO

10,6

9,2

12,7

11,8

11,2

11,5

10,3

41,5

45,4

53,8

57,4

APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

40,9

Audiovisuel

3,6

Total

144,0

145,5

151,0

153,6

155,6

163,9

171,2

174,7

163,2

186,7

202,7

Source : commission des finances.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes de TVA revenant à l’État sont en hausse de 5,3 milliards d’euros par rapport à 2021. Cette évolution globale résulte de deux mouvements : d’une part, une évolution spontanée qui augmente le rendement de 8,7 milliards d’euros et, de l’autre, des mesures nouvelles et de périmètre ayant un effet total de – 3,4 milliards d’euros.

Des recettes nettes de TVA 2021 aux recettes nettes de tva 2022 (part État)

(en milliards d’euros)

Exécution

2021

Évolution

spontanée

Mesures fiscales nouvelles

Mesures
de périmètre

Exécution

2022

95,5

8,7

– 0,9

– 2,5

100,8

* effet d’arrondi au dixième.

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

En dépit de la progression des transferts aux autres sous-secteurs institutionnels, la part de la TVA affectée à l’État demeure en hausse. Elle est portée en 2022 par la croissance de la consommation et de l’investissement et par l’inflation et. En dépit des incertitudes géopolitiques, l’évolution en volume des emplois taxables est restée positive : + 2,4 % pour l’investissement, qui ralentit mais continue de croître ; + 0,6 % pour l’investissement des ménages malgré le moindre optimisme sur le marché de l’immobilier. La TVA est également portée par des salaires et un niveau d’emploi dynamiques, qui permettent au pouvoir d’achat de progresser de 0,2 % sur l’année 2022.

Le dynamisme de cette évolution spontanée est partiellement compensé par de nouvelles mesures. D’abord, l’ajustement des transferts à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales rapporte respectivement 0,8 et 0,4 milliard d’euros à l’État. Cet effet positif est plus que compensé par l’affectation d’une fraction de TVA au compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public, en compensation de la suppression de la contribution à l’audiovisuelle publique (CAP) (– 3,6 milliards d’euros). Par ailleurs, le bouclier tarifaire pèse à hauteur de 0,9 milliard d’euros sur le produit de la TVA.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

À l’instar de la plupart des recettes fiscales, les prévisions d’encaissements de TVA des différentes lois de finances ont été dépassées.

Écart des recettes nettes de TVA 2022 aux prÉvisions (PART État)

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2022

LFR 2 2022

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 2

100,8

98,4

100,6

+ 2,5

+ 0,2

Source : lois de finances relatives à l’année 2022 et présent projet de loi de règlement.

Le faible écart à la prévision (+ 2,5 %), s’explique, selon l’exposé général des motifs du présent projet de loi, par un scénario macroéconomique plus favorable que prévu au moment de l’examen de la loi de finances initiale.

2.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu, contrairement à la TVA ou la TICPE, est intégralement affecté à l’État, dont il représente 27 % des recettes fiscales nettes. Son rendement a progressé de près de 30 milliards d’euros entre 2012 et 2022.

Rendement net de l’IR depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

51,2

46,7

47,4

51,5

59,8

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

Rendement net

71,7

74

78,7

89,0

 

 

 

 

 

 

 

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Les recettes d’impôt sur le revenu (IR), qui avaient bien résisté durant la crise sanitaire, augmentent fortement en 2022 (+ 10,3 milliards d’euros). La croissance spontanée de l’IR a bénéficié de l’effet de la hausse de l’inflation dès 2022 : elle s’établit à 14,2 %.

Des recettes nettes d’IR 2021 aux recettes nettes d’IR 2022

(en milliards d’euros)

Exécution

2021

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2022

78,7

+ 11,2

– 0,8

0

89,0

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

Le principal déterminant de cette évolution spontanée est la croissance des revenus, notamment des salaires, sous l’effet de la revalorisation du SMIC et de sa diffusion aux salaires plus élevés, en répercussion de l’inflation. Les recettes du prélèvement à la source (PAS) sont en hausse de 6,7 %. Les recettes du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sont aussi portées par la croissance des dividendes (+ 20 %) et des plus-values immobilières (+ 23 %).

Le solde des mesures nouvelles résulte quant à lui de trois mesures pesant négativement sur le produit de l’IR, détaillées dans le tableau ci-dessous.

Mesures nouvelles sur l’IR

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2021

Transformation du crédit d’impôt services à la personne en dispositif contemporain

– 0,3

Amortissement fiscal des fonds de commerce nouvellement acquis dans le cadre du Plan Indépendant

– 0,1

Revalorisation du barème kilométrique dans le cadre du Plan Résilience

– 0,4

Total

– 0,8

Source : présent projet de loi de règlement.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

Les recettes d’IR enregistrés en 2022 se situent à un niveau nettement supérieur à la prévision de la LFI, mais aussi à celle de la LFR 2. 

Tout au long de l’année en effet, les encaissements effectifs ont conduit à revoir la prévision en 2022 à la hausse, d’abord en LFR 1 (+ 2,9 milliards d’euros), puis en LFR 2 (+ 2,1 milliards d’euros). Au total, les lois de finances rectificatives ont augmenté de 6,1 % la prévision de la LFI. L’exécution fait finalement apparaître un niveau supérieur de 8,0 % à la prévision initiale. 

Écart des recettes nettes d’IR 2022 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2021

LFR 2 2021

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 2

89,0

82,4

87,4

6,6

1,6

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2022 et présent projet de loi de règlement.

3.   L’impôt sur les sociétés (IS)

L’impôt sur les sociétés présente un rendement volatil qui, après une période de baisse entre 2013 et 2018, tend à remonter depuis. En 2022, il représente 16 % des recettes fiscales nettes de l’État.

Rendement net de l’IS depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Rendement net

49,3

20,9

32,9

39,1

40,8

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

 

Rendement net

33,5

36,3

46,3

62,1

 

 

 

 

 

 

 

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Le rendement net de l’IS augmente de 15,8 milliards d’euros en 2022 pour s’établir à 62,1 milliards d’euros. Après un rebond de 27,5 % en 2021, l’IS poursuit sa forte croissance et progresse de 34,1 % en 2022.

Des recettes nettes d’IS 2021 aux recettes nettes d’IS 2022

(en milliards d’euros)

Exécution

2021

Évolution

spontanée

Mesures
fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2022

46,3

14,6

+ 1,2

0

62,1

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

L’évolution spontanée des recettes d’IS est particulièrement significative (+ 36,1 %), du même ordre de grandeur qu’en 2021.

Plusieurs mesures nouvelles sur l’IS se compensent mais contribuent à l’augmentation de ses recettes à hauteur de 1,2 milliard.

Mesures nouvelles sur l’IS

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2022

Baisse du taux d’IS de 33 % à 25 %

– 2,9

Suppression du CICE

+ 1,7

Effet retour IS de la baisse des impôts de production

+ 1,3

Assouplissement des reports en arrière des déficits (« carry back »)

+ 0,5

Effet retour IS du bouclier tarifaire

+ 0,7

Autres

– 0,1

Total

+ 1,2

Source : présent projet de loi de règlement.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

L’exécution des recettes d’impôt sur les sociétés dépasse significativement les prévisions associées à la LFI (+ 22,1 milliards d’euros, soit un dépassement de 55,3 %) et à la LFR 2 (+ 3,2 milliards d’euros).

Écart des recettes nettes d’IS 2022 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2022

LFR 2 2022

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 2

62,1

40,0

59,0

22,1

3,2

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2022 et présent projet de loi de règlement.

Le dépassement important des prévisions d’IS s’explique par un « effet base » très positif, le cinquième acompte ayant été meilleur qu’anticipé et les restitutions plus faibles. La croissance du bénéfice fiscal 2021 est plus dynamique que prévu, s’établissant à + 41,0 % contre + 11,5 % en loi de finances initiale pour 2022. Cette hausse contribue aux recettes d’IS à hauteur de 14,6 milliards d’euros.

4.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Le produit de la TICPE est partagé entre le budget général de l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent, pour l’essentiel, de compenser des transferts de compétences.

La TICPE représente 6 % des recettes fiscales nettes de l’État.

a.   Analyse d’exécution à exécution

Après avoir connu une augmentation de 165 % entre 2020 et 2021, les recettes de TICPE ont été quasiment stables en 2022, avec une croissance spontanée légèrement négative. 

Des recettes nettes de TICPE 2021 aux recettes nettes de TICPE 2022

(en milliards d’euros)

Exécution

2021

Évolution

spontanée

Mesures

fiscales

Mesures
de périmètre

Exécution

2022

18,3

– 0,2

0

– 0,1

18,0

* effet d’arrondi au dixième.

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

Si l’année 2021 avait été marquée par un allègement relatif des mesures sanitaires et un rebond de la consommation de carburant, le volume de carburant consommé s’est, au contraire, contracté en 2022 sous l’effet de la hausse des prix (+ 20 % par rapport à 2021). La baisse demeure contenue grâce à la « remise carburant » du Plan Résilience, mais aussi par la dynamique de la croissance en 2022, qui a permis de compenser l’effet négatif de l’élasticité-prix.

En parallèle, les transferts aux collectivités territoriales sont en augmentation.

Mesures nouvelles sur la TICPE

(en milliards d’euros)

Mesure

Effet 2022

Recentralisation du RSA en Seine Saint Denis

+ 0,2

Recentralisation du RSA dans les Pyrénées Orientales

+ 0,1

Impact du Plan Résilience

0,0

Transferts aux collectivités territoriales

– 0,6

Total

 0,3

Source : présent projet de loi de règlement.

b.   Analyse de l’écart avec la prévision

L’exécution 2022 des recettes de TICPE revenant à l’État se distingue des autres recettes fiscales car elle est légèrement inférieure à la prévision initiale, mais aussi aux révisions opérées par les lois de finances rectificatives intervenues en cours d’année.

Écart des recettes nettes de TICPE 2022 par rapport aux prÉvisions

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

 

 

LFI 2022

LFR 2 2022

 

Écart exécution / LFI

Écart exécution / LFR 2

18,0

18,2

18,1

– 0,2

– 0,1

Source : différentes lois de finances relatives à l’année 2022 et présent projet de loi de règlement.

5.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales, qui se composent d’impositions variées, sont en baisse entre 2021 et 2022.

Évolution spontanée des principales autres recettes fiscales nettes

(en milliards d’euros)

Impôt

2021

2022

Évolution

Mds

%

Retenues à la source sur certains bénéfices non commerciaux et de l’impôt sur le revenu

1,0

1,0

0

0

Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes

5,2

4,0

 1,2

 22,3

Impôt sur la fortune immobilière (IFI)

2,1

2,4

+ 0,3

+ 11,9

Prélèvement de solidarité

11,8

13,2

+ 1,6

+ 13,3

Taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)

7,4

2,5

 4,9

 66

Droits de donation

3,9

3,4

 0,5

 13,4

Produits des jeux exploités par La Française des jeux (hors paris sportifs)

2,7

2,8

+ 0,2

+ 6,0

Taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN)

2,3

2,3

0

0

Prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos

0,4

0,9

+ 0,5

+ 121,7

Autres

20,1

20,9

+ 0,8

+ 4,0

Total

56,9

53,4

 3,6

 6,2

Source : Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2022 : recettes fiscales de l’État, avril 2023.

Les mesures nouvelles sont multiples, mais le plus fort impact budgétaire (– 4,9 milliards d’euros) est lié au volet fiscal du bouclier tarifaire, soit la baisse des recettes de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Au total, elles font diminuer le produit des autres recettes fiscales de 5,3 milliards d’euros.

II.   Les recettes non fiscales de l’État

Avec 23,9 milliards d’euros en 2022, les recettes non fiscales constituent une part non négligeable (environ 6,9 %) des recettes totales du budget général de l’État (avant déduction des prélèvements sur recettes). Après avoir connu une forte augmentation en 2021 (+ 43,2 %), elles augmentent de 12,7 % en 2022 (+ 2,7 milliards d’euros).

Recettes non fiscales du budget gÉnÉral de l’État en 2022

(en milliards d’euros)

Recette

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Évolution 2022/2021

Dividendes et recettes assimilées

4,4

3,7

5,3

+ 0,9

Produits du domaine de l’État

1,3

1,1

1,3

0

Produits de la vente de biens et services

2,8

2,7

3,3

+ 0,5

Remboursement des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

0,5

0,4

0,6

+ 0,1

Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

2,8

2,3

2,8

0

Divers

9,5

10,0

10,6

+ 1,1

Total

21,3

20,2

23,9

+ 2,7

Source : présent projet de loi de règlement et loi de finances pour 2022.

A.   Les dividendes et recettes assimilÉes

Les dividendes et recettes assimilées représentent 22 % des recettes non fiscales du budget général de l’État en 2021 avec 5,3 milliards d’euros, un montant en augmentation par rapport à 2021.

L’affectation des recettes des opérations patrimoniales de l’État

Les dividendes sont affectés au budget général de l’État. En revanche, les opérations patrimoniales – c’est-à-dire essentiellement les ventes et les achats de titres, ainsi que l’affectation des produits de cession – relèvent du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

Le dividende versé par la Banque de France atteint 0,6 milliard d’euros, après 1,9 milliard d’euros en 2021 et 3,4 milliards d’euros en 2020. Cette forte baisse est liée au moindre bénéfice réalisé par la Banque.

La Caisse des dépôts a versé 2,2 milliards d’euros de dividendes à l’État, soit une hausse importante par rapport au montant de 2021 (1 milliard d’euros). Ces dividendes se répartissent entre un versement au titre des résultats de l’année N-1 (1,2 milliard d’euros pour l’année 2021) et un acompte versé au titre des résultats de l’année N (1 milliard d’euros pour 2022).

Enfin, les dividendes versés par les entreprises non financières du portefeuille de l’État actionnaire poursuivent leur redressement en 2022 pour atteindre 1,4 milliard d’euros, après 0,9 milliard en 2021. Ces dividendes n’ont pas retrouvé leur niveau de 2019 (1,7 milliard d’euros).

B.   Les autres recettes non fiscales

1.   Les produits du domaine de l’État

Les produits du domaine de l’État se sont élevés à 1,3 milliard d’euros, soit le même montant qu’en 2021. Les redevances d’usage des fréquences radioélectriques représentent plus de 60 % de cette catégorie de recettes.

2.   Les produits de la vente de biens et services

Les produits de la vente de biens et services ont atteint 3,3 milliards d’euros en 2022, en hausse de 0,5 milliard d’euros par rapport à 2021.

Cette hausse marquée s’explique par deux effets principaux :

– la hausse du remboursement des frais d’assiette et de perception des impôts et taxes perçues par l’État au profit du budget de l’Union européenne (+ 0,2 milliard) pour atteindre 0,8 milliard d’euros ;

– l’augmentation des recettes de quotas carbone affectées au budget général de l’État (+ 0,3 milliard d’euros) pour atteindre 1,3 milliard d’euros.

3.   Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

Les remboursements des intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières ont rapporté 0,6 milliard en 2022, contre 0,5 milliard en 2021.

La progression de ces recettes provient de l’augmentation des intérêts perçus au titre des prêts, des avances et des créances liées à des participations.

4.   Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite

Les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite s’établissent à 2,8 milliards d’euros, comme en 2021.

Les recettes tirées des amendes en matière de concurrence s’élèvent à 0,5 milliard d’euros en 2022, en baisse par rapport à 2021. Elles concernent principalement une condamnation d’EDF et des condamnations antérieures à 2022.

Les autres amendes et condamnations pécuniaires s’établissent à 1,3 milliard d’euros, en hausse significative (+ 0,5 milliard d’euros) du fait de la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) avec une grande entreprise de restauration rapide.

Le reste du rendement des amendes provient, pour l’essentiel, du produit des amendes de la police de la circulation et du stationnement routier (0,6 milliard d’euros).

5.   Les recettes diverses

Cette catégorie, qui comprend un grand nombre de types de recettes de faible montant, est en hausse de 1,1 milliard d’euros par rapport à l’année précédente pour s’établir à 10,6 milliards d’euros.

La principale origine de ces recettes est européenne. Après un premier versement de 5,1 milliards d’euros en 2021, la France a touché, au titre de la mise en œuvre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), 7,4 milliards d’euros en 2022. Le montant global des versements à la France, révisé par la Commission européenne en juin 2022, devrait être de 37,5 milliards d’euros. Il est subordonné au respect des cibles et jalons prévus dans le Plan national de relance et de résilience (PNRR) présenté par le Gouvernement pour la période 2021-2022. Le PNRR a été mis à jour en avril 2023 pour intégrer de nouveaux investissements en faveur de la souveraineté et de l’indépendance énergétiques de la France, lesquels pourront bénéficier des subventions de l’instrument REPowerEU pour un montant de 2,8 milliards d’euros.

Additionnés au reliquat d’anciennes programmations du Fonds européen de développement régional (Feder) pour 0,3 milliard d’euros, les versements de l’Union européenne s’élèvent donc à 7,7 milliards d’euros pour 2022.

La rémunération de la garantie par l’État des prêts accordés par les établissements bancaires dans le cadre de la crise sanitaire (PGE) est à l’origine d’un surcroît de recettes de + 0,6 milliard d’euros en 2022, après + 1,8 milliard d’euros en 2021.

Enfin, la rémunération de la garantie que l’État apporte au livret A s’est élevée à 0,3 milliard d’euros, tout comme les reversements au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur.

 

 


—  1  —

 

   Fiche 3 : les dÉpenses De l’État

Les dépenses de l’État ont augmenté de 33,2 milliards d’euros entre 2021 et 2022 en réponse à l’inflation, notamment énergétique, et pour financer les priorités du Gouvernement (I). Dans ce contexte, les normes de dépenses fixées en loi de finances initiale (LFI) n’ont, comme les années précédentes, pas pu être respectées (II). L’analyse des dépenses de l’État ne peut néanmoins se réduire aux crédits budgétaires qui représentent moins de trois quarts de l’ensemble des moyens consacrés aux politiques publiques (III).

Évolution de l’exécution des crédits budgétaires depuis 2017

(en millions d’euros et crédits de paiement)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

 

 

Évolution annuelle moyenne 2019/2017

Budget général

326 775

329 722

336 069

 

 

+ 1,4 %

Budgets annexes

2 321

2 321

2 265

 

 

 1,2 %

Comptes spéciaux

201 627

198 509

191 143

 

 

 2,6 %

Total

530 723

530 552

529 477

 

 

 0,1 %

 

 

 

 

 

 

 

 

Exécution 2020

Exécution 2021

Exécution 2022

Évolution 2022/2021

 

Évolution annuelle moyenne 2022/2017

Budget général

389 678

426 732

445 672

+ 4,4 %

 

+ 6,4 %

Budgets annexes

2 224

2 352

2 545

+ 8,2 %

 

+ 1,9 %

Comptes spéciaux

205 215

191 697

205 756

+ 7,3 %

 

+ 0,4 %

Total

597 117

620 781

653 972

+ 5,3 %

 

+ 4,3 %

* hors mission Remboursements et dégrèvements

Source : commission des finances d’après les projets de loi de règlement pour les années 2017 à 2022.

I.   L’augmentation des dÉpenses de l’État s’est poursuivie en 2022 pour faire face à une inflation soutenue et pour financer les priorités du Gouvernement

Les dépenses du budget général, hors mission Remboursements et dégrèvements, ont augmenté de 18,9 milliards d’euros en 2022 pour atteindre 445,7 milliards d’euros. La progression de ces dépenses a continué de ralentir par rapport à des années 2020 et 2021 marquées par des hausses successives de 53,6 et 37,1 milliards d’euros.

L’augmentation observée s’explique principalement par les mesures de réponse à l’inflation et aux effets de celle-ci, mais aussi par les moyens supplémentaires alloués aux politiques considérées comme prioritaires par le Gouvernement (A).

Le plafond des dépenses autorisées, modifié par le Parlement à l’occasion des deux lois de finances rectificatives adoptées en 2022, s’est révélé trop élevé et une sous-consommation des crédits de 24,6 milliards d’euros est constatée (B).

Enfin, les dépenses de personnel continuent d’augmenter (+ 3,7 % hors compte d’affectation spéciale Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2021 (+ 2 %), tandis que le nombre d’emplois consommés par les ministères diminue par rapport à l’exercice précédent (C).

A.   L’Évolution des dÉpenses par mission budgÉtaire

Les dépenses du budget général de l’État ont augmenté de 18,9 milliards d’euros en 2021 pour s’établir à 445,7 milliards d’euros, en hausse de 4,4 %.

Les augmentations de crédits exécutés sur les missions du budget général reflètent les besoins engendrés par la réponse de l’État à la hausse du niveau des prix, laquelle est par ailleurs à l’origine d’une augmentation importante de la charge de la dette. Elles traduisent également les priorités données par le Gouvernement à certaines politiques publiques. Elles sont en partie compensées par le reflux des dépenses d’urgence et de relance liées à la crise sanitaire.

Avec une consommation de 3,3 milliards d’euros, la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, créée en 2020, connaît une baisse de 31,1 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2021 (34,4 milliards d’euros).

Les crédits consommés au titre de la mission Plan de relance, créée par la loi de finances pour 2021, s’élèvent à 11,6 milliards d’euros, en baisse de 7,3 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent.

Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État progressent de 15,9 milliards d’euros par rapport à 2021. La consommation en 2022 s’élève à 54,3 milliards d’euros. Cette évolution est principalement liée à l’augmentation de la charge de la dette liée aux titres indexés sur l’inflation.

La mission Économie connaît une progression de 11,8 milliards d’euros des crédits consommés, qui s’élèvent au total à 15,3 milliards d’euros. Cette hausse est essentiellement due à l’abondement du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État au titre des opérations de recapitalisation d’EDF.

Les crédits consommés de la mission Écologie, développement et mobilité durables sont également en hausse (+ 11 milliards d’euros), sous l’effet des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des prix de l’énergie.

Sur le périmètre de la mission Travail et emploi, les crédits consommés augmentent de 3,1 milliards d’euros, en raison notamment des deux subventions exceptionnelles, votées en LFR 1 et en LFR 2, en faveur de France compétences (4 milliards d’euros au total).

Pour la troisième année consécutive, les crédits consommés au titre de la mission Investir pour la France de 2030 ont presque doublé, passant de 3,8 milliards à 6,9 milliards d’euros. Cette augmentation s’inscrit dans le cadre du déploiement du plan France 2030 et de la montée en charge du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4).

L’augmentation des crédits de la mission Enseignement scolaire se poursuit avec 2,6 milliard d’euros supplémentaires en 2022, la masse salariale progressant notamment sous l’effet de la poursuite de la mise en œuvre des mesures du Grenelle de l’éducation engagé à l’automne 2020.

La mission Défense voit quant à elle ses crédits augmenter de 2,3 milliards d’euros, conformément à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire (LPM) ([8]).

 

 

 

Évolution des dépenses des missions (périmètre courant)

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Missions

Exécution 2021

Ouvertures 2022

Exécution 2022

Évolution 2022/2021

Évolution (en %)

Action extérieure de l’État

2 864

3 112

3 040

+ 176

+ 6,1

Administration générale et territoriale de l’État

4 243

4 854

4 602

+ 359

+ 8,5

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 600

5 075

4 671

+ 1 071

+ 29,7

Aide publique au développement

5 568

5 143

5 080

– 488

 8,8

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2 101

2 089

2 071

– 30

 1,4

Cohésion des territoires

17 151

18 832

17 884

+ 733

+ 4,3

Conseil et contrôle de l’État

714

781

755

+ 42

+ 5,8

Crédits non répartis

 

1 611

 

0

 

Culture

3 835

3 712

3 611

– 224

 5,8

Défense

49 433

52 027

51 728

+ 2 294

+ 4,6

Direction de l’action du Gouvernement

784

1 037

890

+ 106

+ 13,5

Écologie, développement et mobilité durables

25 000

38 607

36 023

+ 11 024

+ 44,1

Économie

3 501

22 656

15 264

+ 11 763

+ 336,0

Engagements financiers de l’État

38 424

54 230

54 342

+ 15 919

+ 41,4

Enseignement scolaire

75 898

78 756

78 497

+ 2 599

+ 3,4

Gestion des finances publiques

10 105

10 245

10 106

+ 1

+ 0,0

Immigration, asile et intégration

1 806

2 377

2 215

+ 409

+ 22,6

Investir pour la France de 2030

3 823

6 903

6 903

+ 3 080

+ 80,6

Justice

9 871

10 713

10 655

+ 785

+ 7,9

Médias, livre et industries culturelles

746

644

626

– 120

 16,0

Outre-mer

2 372

2 769

2 726

+ 355

+ 14,9

Plan de relance

18 849

17 605

11 594

– 7 255

 38,5

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

34 352

3 457

3 274

– 31 078

 90,5

Pouvoirs publics

994

1 048

1 048

+ 54

+ 5,4

Recherche et enseignement supérieur

28 774

29 976

29 429

+ 655

+ 2,3

Régimes sociaux et de retraite

6 109

6 079

6 077

– 31

 0,5

Relations avec les collectivités territoriales

4 188

4 608

4 261

+ 72

+ 1,7

Remboursements et dégrèvements

130 386

136 558

132 765

+ 2 379

+ 1,8

Santé

1 495

2 929

2 778

+ 1 282

+ 85,8

Sécurités

20 988

22 236

22 143

+ 1 156

+ 5,5

Solidarité, insertion et égalité des chances

29 476

30 368

30 210

+ 734

+ 2,5

Sport, jeunesse et vie associative

1 533

1 761

1 660

+ 127

+ 8,3

Transformation et fonction publiques

455

830

723

+ 267

+ 58,7

Travail et emploi

17 681

23 188

20 786

+ 3 104

+ 17,6

Total

557 119

606 814

578 437

+ 21 318

+ 3,8

Total hors Remboursements et dégrèvements

426 732

470 255

445 672

+ 18 939

+ 4,4

Note : le tableau correspond à la consommation de l’ensemble des crédits au titre de ces missions, y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances, d’après le projet de loi de règlement pour 2021 et le présent projet de loi de règlement.

B.   Une sous-Consommation des crÉdits légèrement moindre qu’en 2021

L’exécution budgétaire 2022 est marquée par une sous-consommation des crédits légèrement inférieure à 2021 (– 5,2 % par rapport aux crédits ouverts contre – 5,5 %), qui demeure toutefois supérieure aux niveaux constatés avant la crise sanitaire.

Les crédits consommés s’élèvent à 445,7 milliards d’euros ([9]), hors mission Remboursements et dégrèvements, soit 24,6 milliards en-deçà du plafond autorisé par le Parlement.

Écarts entre le montant des crédits de paiement ouverts
à l’issue de la seconde LFR et l’exécution

(en millions d’euros)

Agrégat

Ouvertures 2019

Exécution 2019

Ouvertures 2020

Exécution 2020

Ouvertures 2021

Exécution 2021

Ouvertures 2022

Exécution 2022

Dépenses brutes

481 941

476 133

579 363

540 699

582 103

557 119

606 814

578 437

Remboursements et dégrèvements (à déduire)

143 034

140 064

152 168

151 021

130 749

130 386

136 558

132 765

Dépenses nettes

338 907

336 069

427 195

389 678

451 355

426 732

470 256

445 672

Écart en valeur

 

 2 839

 

 37 517

 

 24 623

 

 24 584

Écart en %

 

 0,8 %

 

 8,8 %

 

 5,5 %

 

 5,2 %

Source : commission des finances d’après les annexes au projet de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général pour les années 2019 à 2022.

● Cette sous-exécution est en partie imputable à la mission Plan de relance et, plus marginalement, à la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire. Contrairement aux deux années précédentes, la majeure partie des volumes de crédits qui n’ont pas été consommés relève des autres missions du budget général.

Écarts entre le montant des crédits de paiement ouverts
à l’issue de la seconde LFR et l’exécution

(en millions d’euros)

Missions

Ouvertures 2022

Exécution 2022

Écart en valeur

Écart en %

Plan de relance

17 605

11 594

6 011

– 34,1 %

Plan d'urgence face à la crise sanitaire

3 457

3 274

182

– 5,3 %

Autres hors Remboursements et dégrèvement

449 194

430 804

18 391

– 4,1 %

Total

470 255*

445 672

24 584

 5,2 %

* Effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances d’après les annexes au présent projet de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général.

Hors missions Plan de relance, Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Remboursements et dégrèvement, l’écart par rapport à la loi de finances initiale est de 18,4 milliards d’euros soit – 4,1 %. Parmi ces autres missions, trois concentrent les deux tiers environ des sous-exécutions constatées.

Missions dont l’exécution s’écarte le plus de l’autorisation budgétaire

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Missions

Ouvertures 2022

Exécution 2022

Écart

En % des ouvertures

Économie

22 656

15 264

7 392

 – 32,6 %

Écologie, développement et mobilité durables

38 607

36 023

2 583

 – 6,7 %

Travail et emploi

23 188

20 786

2 402

 – 10,4 %

Crédits non répartis

1 611

0

1 611

 – 100,0 %

Cohésion des territoires

18 832

17 884

948

 – 5,0 %

Recherche et enseignement supérieur

29 976

29 429

547

 – 1,8 %

Note : en incluant les fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances d’après les annexes au présent projet de loi de règlement sur le développement des opérations constatées au budget général.

La sous-exécution de la mission Économie atteint 7,4 milliards d’euros et s’explique pour l’essentiel par la sous-consommation à hauteur de 3 milliards d’euros de l’enveloppe destinée à l’aide aux entreprises énergo-intensives face à la hausse des prix de l’énergie et par un abondement du CAS Participations financières de l’État inférieur de 4,1 milliards d’euros aux crédits ouverts à cette fin.

La sous-exécution de la mission Écologie, développement et mobilités durables s’élève à 2,6 milliards d’euros et résulte principalement de la sous‑consommation des crédits ouverts au titre des chèques destinés à soutenir les ménages face à la hausse des prix de l’énergie ainsi que du report en 2023 du dernier versement exceptionnel à SNCF Réseau dans le cadre de l’opération de recapitalisation de la SNCF.

L’écart observé sur le champ de la mission Travail et emploi s’élève à 2,4 milliards d’euros. Il est dû à une sous-consommation des crédits destinés aux actions de formation des demandeurs d’emplois et aux aides à l’apprentissage dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences.

Pour une analyse détaillée des écarts à l’exécution, il est renvoyé au volume du présent rapport rassemblant les analyses par mission et par programme de chacun des rapporteurs spéciaux sur l’exécution budgétaire.

C.   L’Évolution des dÉpenses de personnel

Les dépenses de personnel continuent de progresser en 2022 (+ 3,7 % hors CAS Pensions), à un rythme plus soutenu qu’en 2021, sous l’effet notamment de la revalorisation de la valeur du point d’indice de la fonction publique (1). Après une légère hausse au cours de l’exercice précédent, les emplois consommés diminuent en 2022 (2).

1.   Des dépenses de personnel en augmentation et légèrement supérieures à la prévision de la loi de finances initiale

Le total des dépenses de personnel du budget général de l’État, nettes des rattachements de fonds de concours et des attributions de produits, a augmenté de 4,2 milliards d’euros en 2021 (+ 3,1 %) pour s’élever à 138,4 milliards d’euros ([10]), après 134,2 milliards d’euros en 2021. Plus de la moitié de cette hausse (2,2 milliards d’euros) s’explique par la revalorisation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique au 1er juillet 2022. Les dépenses de rémunération ont représenté 94 milliards d’euros (+ 3,7 % après + 2 % en 2021) et les contributions de l’État employeur au CAS Pensions se sont élevées à 44,4 milliards d’euros (+ 1,8 %).

L’évolution des dépenses est portée principalement par les besoins des ministères considérés comme prioritaires par le Gouvernement (éducation nationale, intérieur, armées et justice).

Comparaison des dépenses de personnel en 2022 par rapport à la prévision
en LFI et à l’exécution 2021 (hors CAS Pensions)

(en millions d’euros)

Ministère

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Évolution 2022/2021

Évolution (en %)

Agriculture et alimentation

1 503

1 577

1 534

+ 32

+ 2,1

Armées

12 268

12 570

12 661

+ 393

+ 3,2

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

1

14

1

n.p.

n.p.

Culture

473

494

503

+ 30

+ 6,3

Économie, finances et relance

6 436

6 443

6 442

+ 6

+ 0,1

Éducation nationale, jeunesse et sports

48 393

49 678

50 273

+ 1 880

+ 3,9

Enseignement supérieur, recherche et innovation

296

293

289

– 7

 2,2

Europe et affaires étrangères

951

1 010

1 005

+ 54

+ 5,7

Intérieur

12 891

13 427

13 414

+ 523

+ 4,1

Justice

4 103

4 248

4 357

+ 254

+ 6,2

Outre-mer

113

119

121

+ 8

+ 6,9

Services du Premier ministre

687

725

732

+ 45

+ 6,5

Solidarités et santé

303

293

309

+ 6

+ 2,0

Transformation et fonction publiques

0

48

31

+ 31

n.p.

Transition écologique

1 828

1 865

1 941

+ 114

+ 6,2

Travail, emploi et insertion

411

409

413

+ 2

+ 0,5

Total

90 656*

93 215*

94 028*

+ 3 371*

+ 3,7

* effet d’arrondi au dixième.

np : non pertinent en raison d’effets de périmètre ou d’un montant nul en 2021.

Source : présent projet de loi de règlement

Les dépenses de personnel ont été légèrement supérieures aux crédits prévus par la LFI. Ce dépassement est imputable aux seules dépenses de rémunération (+ 0,81 milliard d’euros), les contributions au CAS Pensions ayant été conformes au montant prévu en LFI (– 0,05 milliard d’euros). Il concerne principalement les ministères de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, de la justice et des armées.

D’importants effets de périmètre expliquent l’évolution non significative des dépenses de personnel de certains ministères. Ainsi, le montant des dépenses de rémunération nettes des rattachements de fonds de concours et des attributions de produits ne rend pas compte des transferts en gestion opérés à partir de la mission Cohésion des territoires vers d’autres ministères au titre du dispositif des délégués du préfet, pour un montant de 15,4 millions d’euros en 2022.

2.   Les emplois consommés par les ministères diminuent après une hausse en 2021

Le plafond d’emplois de l’État avait été fixé à 1 942 377 équivalents temps plein travaillés (ETPT) à l’issue de la seconde loi de finances rectificative de 2022 (y compris budgets annexes).

● La consommation d’emplois s’est établie à 1 914 696 ETPT, à un niveau inférieur de 27 681 ETPT au plafond (écart de 1,4 %).

L’article 11 de la LPFP ([11]) prévoit que le plafond des autorisations d’emplois de l’État prévu en LFI « ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d’emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ». Cette disposition a pour objet de renforcer la portée des plafonds d’autorisation d’emplois de la LFI en diminuant la vacance sous plafond.

En 2022, l’écart entre la prévision et la consommation d’emplois s’accroît légèrement après s’être réduit depuis 2017 pour atteindre 1 % en 2020 et 1,1 % en 2021. Il demeure relativement proche des prescriptions de la LPFP.

La Cour des comptes relève toutefois, dans son rapport annuel sur le budget de l’État, que l’exécution 2022 « traduit un phénomène de sorties importantes et imprévues des effectifs de l’État » qui « peuvent témoigner d’une faible pérennisation ou fidélisation des emplois » et suggèrent « une perte d’attractivité de la fonction publique d’État dans un contexte d’amélioration globale du marché du travail » ([12]).

● Les emplois consommés sont en baisse de 10 218 ETPT en 2022 (– 0,5 %), après une légère hausse en 2021 (+ 2 496 ETPT).

Évolution de la consommation d’emplois
par rapport à l’exercice précédent

(en ETPT)

Source : commission des finances, d’après les projets de lois de règlement.

La baisse de la consommation d’emploi se concentre sur trois ministères : armées (– 4 491 ETPT), économie, finances et relance (– 3 116) et éducation nationale, jeunesse et sports (– 2 026). D’autres connaissent, comme en 2021, une progression de la consommation d’emploi. C’est le cas notamment des ministères de la justice (+ 734) et de l’intérieur (+ 521).

Consommation d’emplois par ministÈre depuis 2021

(en ETPT)

Ministère

Consommation des emplois 2021

Consommation des emplois 2022

Écart 2022/2021

Agriculture et alimentation

29 681

29 528

– 153

Armées

271 268

266 777

– 4 491

Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

19

0

– 19

Culture

9 370

9 241

– 129

Économie, finances et relance

127 857

124 741

– 3 116

Éducation nationale, jeunesse et sports

1 012 747

1 010 721

– 2 026

Enseignement supérieur, recherche et innovation

5 502

5 212

– 290

Europe et affaires étrangères

13 583

13 598

+ 15

Intérieur

290 167

290 688

+ 521

Justice

89 489

90 223

+ 734

Outre-mer

5 290

5 186

– 104

Services du Premier ministre

9 465

9 524

+ 59

Solidarités et santé

5 083

5 029

– 54

Transformation et fonction publiques

0

395

+ 395

Transition écologique

36 289

35 332

– 957

Travail, emploi et insertion

8 215

7 731

– 484

Total budget général

1 914 025

1 903 926

 10 099

Pilotage et ressources humaines

483

481

– 2

Soutien aux prestations de l’aviation civile

10 406

10 289

– 117

Total budgets annexes

10 889

10 770

 119

Total général

1 924 914

1 914 696

 10 218

Source : projets de loi de règlement.

● Cette vision n’est toutefois pas exhaustive puisqu’elle n’inclut pas les emplois des opérateurs qui s’élèvent à près de 400 000 ETPT. Depuis 2009, un plafond d’autorisations d’emplois des opérateurs est voté au niveau des programmes de chaque mission et réparti entre les opérateurs par le responsable de programme, conformément à l’article 64 de la loi de finances initiale pour 2008 ([13]). En 2022, ce plafond s’est élevé à 406 986 ETPT ([14]).

Le rapporteur général regrette qu’une information systématique sur l’exécution de ces plafonds d’emplois ne soit pas fournie au niveau agrégé à l’occasion du projet de loi de règlement.

II.   Le respect des normes de dÉpenses

L’exercice 2022 est le cinquième exercice d’application des deux normes de dépenses définies par l’article 9 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022. En plus des plafonds initialement définis par cette LPFP, les lois de finances initiales procèdent à leur actualisation chaque année.

La définition des normes de dépenses par l’article 9 de la LPFP

Afin de distinguer plus clairement un périmètre de dépenses conventionnellement à la main du gestionnaire et le périmètre de l’ensemble des dépenses de l’État, l’article 9 de la LPFP 2018-2022 a défini une norme de dépenses pilotables, qui est incluse dans l’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE). Ces normes ne constituent pas des plafonds de dépenses inscrits dans le dispositif des lois de finances. Elles sont toutefois présentées à titre informatif par le Gouvernement, à la fois en programmation et en exécution, dans l’exposé général des motifs du projet de loi de finances et dans celui du projet de loi de règlement.

La norme de dépenses pilotables de l’État inclut : les dépenses du budget général hors les missions Remboursements et dégrèvements et Investissements d’avenir (cette seconde mission étant désormais intitulée Investir pour la France de 2030), hors la charge de la dette et hors les contributions au CAS Pensions, les plafonds des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales et la sécurité sociale, les dépenses des budgets annexes hors contributions au CAS Pensions, les dépenses des CAS hors les CAS Pensions, Participations financières de l’État et hors programmes de désendettement, ou programmes portant à titre principal sur des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers, et les dépenses du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

L’objectif de dépenses totales de l’État (ODETE) inclut, outre l’agrégat précédent : les dépenses d’investissements d’avenir et la charge de la dette, les prélèvements sur recettes à destination de l’Union européenne et des collectivités territoriales, ainsi que la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux régions, au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane, le CAS Pensions et les programmes des comptes spéciaux portant à titre principal des contributions aux collectivités territoriales ou des engagements financiers.

À compter de 2023, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit une norme de dépenses unique reposant sur un agrégat plus exhaustif dénommé « périmètre des dépenses de l’État » et comprenant, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État en 2022, « la quasi-totalité des dépenses du budget général hors charge de la dette et hors pensions ». À cet égard, même si cette norme de dépenses rénovée pourrait s’appliquer en tout état de cause, le rapporteur général ne peut qu’appeler de nouveau à l’adoption d’une LPFP crédible et ambitieuse, nécessaire au pilotage des finances publiques comme au suivi de l’exécution des lois de finances à l’aide d’outils stabilisés et votés par le Parlement.

Durant l’exercice budgétaire 2019, le plafond de dépenses pilotables défini par la LPFP a été légèrement dépassé par la LFI et en exécution pour financer les mesures en faveur du pouvoir d’achat des ménages prises en décembre 2018.

Programmation et exécution des dépenses pilotables entre 2018 et 2022

(en milliards d’euros, à périmètre constant 2022)

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2022, p. 111.

L’ampleur de la crise sanitaire débutée en 2020 a ensuite largement perturbé les équilibres envisagés en 2018. Cet écart aux normes définies en loi de programmation s’est encore accru en raison du choc d’inflation lié notamment à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Bien que la LPFP soit toujours en vigueur pour l’exécution 2022, l’exercice de comparaison est donc devenu peu opérant.

En 2022, les dépenses dans le champ de la norme pilotable ont dépassé de 17,1 milliards d’euros la prévision de loi de finances initiale et de 44,5 milliards la prévision de LPFP, augmentant encore l’écart enregistré en 2021 (18,4 milliards d’euros).

Dans le champ de l’ODETE, le dépassement de l’objectif de la LFI atteint 45,2 milliards d’euros. L’exécution des dépenses a créé un écart plus grand encore à l’objectif de la LPFP, qui s’explique, outre les dépenses pilotables, par le niveau élevé de la charge de la dette ainsi que par les dépenses des missions Plan de relance et Plan d’urgence face à la crise sanitaire.

Exécution des dépenses sous normes

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Écart à la LFI

Évolution 2022/2021

Norme de dépenses pilotables

293,3

304,6

321,7

+ 17,1

+ 28,4

Normes de dépenses totales

529,1

497,5

542,7

+ 45,2

+ 13,6

Source : Cour des comptes, le budget de l’État en 2022, p. 109.

III.   Les autres moyens consacrÉs aux politiques publiques

● Lors de la législature précédente, la mission d’information sur l’application de la LOLF avait plaidé pour élargir l’analyse des dépenses de l’État à l’ensemble des moyens mobilisés pour la mise en œuvre des politiques publiques ([15]) et pour un encadrement plus strict des instruments concourant à affaiblir le principe d’unité budgétaire.

Principe fondamental du droit budgétaire, l’unité budgétaire suppose le regroupement dans un texte unique de l’ensemble des recettes et des dépenses de l’État. Ce principe conditionne la clarté du budget et la portée du vote annuel du budget par les parlementaires. Il implique donc qu’il existe un texte de loi unique avec un compte unique qui récapitule la totalité des recettes et des dépenses, que les recettes et les dépenses soient présentées de façon homogène et qu’elles ne soient pas contractées.

● Le rapporteur général note que la présentation proposée les années précédentes par la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l’État, qui s’efforçait de produire une évaluation globale de ces moyens, n’a pas été reprise cette année.

Les moyens de l’État au service des politiques publiques comprennent :

– des dépenses budgétaires nettes qui se répartissent entre le budget général (445,7 milliards d’euros en 2022 hors mission Remboursements et dégrèvements après 426,7 milliards en 2021), les comptes spéciaux ([16]) (12,2 milliards d’euros après 11 milliards en 2021) et les budgets annexes (2,5 milliards d’euros après 2,4 milliards en 2021) ;

– d’autres moyens, qui se répartissent entre les dépenses fiscales (94,2 milliards d’euros ([17]) après 89,6 milliards en 2021), les impôts et taxes affectés qui financent des tiers autres que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale (43,5 milliards d’euros après 40,3 milliards en 2021 ([18])) et les fonds sans personnalité juridique (dont le montant de dépenses n’a pas été estimé depuis 2017 ([19])).

Les moyens de l’État au service des politiques publiques en 2022

(en milliards d’euros)

La surface de la case « fonds sans personnalité juridique » n’est pas représentative des enjeux financiers.

Source : commission des finances, d’après les annexes au PLF 2023 et au présent projet de loi de règlement et les rapports de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2021 et en 2022.

Deux fonds sans personnalité juridique ont été supprimés en 2022 (le fonds pour l’innovation et l’industrie qui verra ses dotations transférées en 2023 vers le CAS Participations financières de l’État et ses engagements intégrés à la mission Investir pour la France de 2030 et le fonds Enveloppe spéciale transition énergétique qui sera clos le 30 juin 2023). De nouveaux fonds ont toutefois été créés, de sorte que leur nombre total serait passé de 114 en 2021 à 116 en 2022.

● Par ailleurs, la révision de la loi organique relative aux lois de finances ([20]) introduit deux avancées en faveur de l’unité du budget de l’État :

– son article 3 prévoit de resserrer les possibilités de recours aux taxes affectées en excluant, en particulier, leur affectation à des fonds sans personnalité juridique. Ces dispositions entreront en vigueur lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 ;

– son article 15, applicable pour la première fois au projet de loi de finances pour 2023, prévoit que les documents budgétaires associés aux missions sont complétés par le montant des dépenses fiscales, des ressources affectées, des prélèvements sur recettes et des crédits des comptes spéciaux qui concourent à la mise en œuvre des politiques publiques financées par la mission concernée. Cela permet d’obtenir une vision plus intégrée des moyens consacrés aux politiques publiques concernées.

 


—  1  —

   Fiche 4 : les modifications de crÉdits intervenues
au cours de l’exercice 2022

Comme en 2020 et en 2021, l’exécution 2022 est marquée par des mouvements législatifs et réglementaires nombreux et de grande ampleur. Ces mouvements ont ajusté les crédits ouverts aux besoins engendrés notamment par la réponse de l’État à la hausse des prix de l’énergie (I).

Au total, la consommation de crédits de paiement en 2022, sur l’ensemble du budget de l’État, a atteint 654 milliards d’euros (hors mission Remboursements et dégrèvements), soit 55,1 milliards d’euros de plus que la prévision de la loi de finances initiale et 33,2 milliards de plus que l’exécution 2021. Les reports de crédits entre 2021 et 2022 et vers 2023 se maintiennent à un niveau élevé.

Le présent projet de loi de règlement propose, en outre, d’importantes annulations de crédits (II).

Mouvements affectant les plafonds de crédits de paiement
ouverts par la loi de finances initiale

(en milliards d’euros)

Hors mission Remboursements et dégrèvements. Fdc : fonds de concours.

Source : commission des finances.

I.   Les modifications apportÉes au cours de l’annÉe 2022

L’exercice 2022 a donné lieu à des ouvertures de crédits importantes sur l’ensemble du budget de l’État par rapport à l’autorisation conférée en loi de finances initiale (A). Des ajustements réglementaires ont également été mis en œuvre, notamment pour opérer des reports de crédits à un niveau encore élevé (B). En dépit de ces mouvements de forte ampleur, la gestion budgétaire 2022 s’inscrit dans la lignée des quatre précédentes en matière de sincérité et de clarté budgétaires, malgré le recours à un décret d’avance (C).

A.   Des mouvements de crÉdits consÉquents autorisÉs par deux lois de finances rectificatives

En réponse notamment à la hausse des prix, en particulier de l’énergie, deux lois de finances rectificatives ont ouvert, en 2022, 68,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 61,8 milliards d’euros de crédits de paiement (CP). Bien que plus amples qu’en 2021, ces mouvements restent plus limités que ceux enregistrés en 2020, exercice pendant lequel quatre lois de finances rectificatives avaient ouvert 98 milliards d’AE et 94 milliards de CP. Les reports de 2021 vers 2022, dont le niveau demeure élevé (29,3 milliards d’euros en CP après 43,9 milliards en 2021), complètent les ouvertures effectuées par les lois de finances rectificatives.

Les mouvements législatifs de crédits ont conduit à des ouvertures nettes sur le budget général de l’État à hauteur de 53,6 milliards d’euros d’AE et 47,3 milliards de CP. Les principales ouvertures ont porté sur les missions Économie, Écologie, développement et mobilité durables, Engagements financiers de l’État et Travail et emploi (1). Les comptes spéciaux ont aussi connu des ouvertures nettes pour 14,5 milliards d’euros d’AE et de CP, alors que les budgets annexes ont été marqués par des mouvements plus marginaux (2).

Le détail de ces ouvertures de crédits par les deux lois de finances rectificatives pour 2022 est retracé dans les deux tableaux suivants.

 


 

Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Autorisations d’engagement

LFI n°2021-1900 du 30 déc. 2021

Loi de finances rectificative n° 2022-1157
du 16 août 2022

Loi de finances rectificative n° 2022-1499
du 1er décembre 2022

Total des lois de finances

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

717 660

52 567

9

52 558

13 060

6 113

6 946

777 164

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

130 608

3 371

3 371

2 721

142

2 579

136 558

Dépenses nettes

587 052

49 196

9

49 187

10 338

5 971

4 367

640 606

Fonds de concours

6 530

6 530

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

593 582

49 196

9

49 187

10 338

5 971

4 367

647 136

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 547

21

21

12

 12

2 556

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

73 083

14 010

14 010

208

2 007

– 1 799

85 294

Comptes de concours financiers

132 546

1 893

26

1 867

614

175

439

134 852

Total des dépenses des comptes spéciaux

205 630

15 903

26

15 876

822

2 182

 1 360

220 146

Total général

801 758

65 120

35

65 085

11 160

8 164

2 995

869 839

Source : présent projet de loi de règlement.

Ouvertures et annulations des crédits de paiement

(en millions d’euros, arrondis à l’unité la plus proche)

Crédits de paiement

LFI n°2021-1900 du 30 déc. 2021

Loi de finances rectificative n° 2022-1157
du 16 août 2022

Loi de finances rectificative n° 2022-1499
du 1er décembre 2022

Total des lois de finances

Ouvertures

Annulations

Total net

Ouvertures

Annulations

Total net

Budget général

 

 

 

 

 

 

 

 

Dépenses brutes

522 515

46 319

9

46 310

12 891

5 911

6 980

575 805

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

130 608

3 371

3 371

2 721

142

2 579

136 558

Dépenses nettes

391 907

42 948

9

42 939

10 170

5 769

4 401

439 247

Fonds de concours

6 281

6 281

Total des dépenses du budget général y compris fonds de concours

398 188

42 948

9

42 939

10 170

5 769

4 401

445 528

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 549

21

21

15

 15

2 555

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

73 232

14 010

14 010

168

2 007

– 1 839

85 403

Comptes de concours financiers

131 336

1 893

26

1 867

614

172

442

133 644

Comptes de commerce (solde)

– 76

– 76

Comptes d’opérations monétaires (solde)

– 87

– 87

Total des dépenses des comptes spéciaux

204 405

15 903

26

15 876

782

2 179

– 1 397

218 884

Total général

605 141

58 872

35

58 837

10 952

7 963

2 989

666 967

Source : présent projet de loi de règlement.


—  1  —

1.   Le budget général de l’État a été particulièrement mobilisé pour soutenir les ménages et les entreprises face à la hausse des prix

Au total, les deux lois de finances rectificatives pour 2022 ont conduit à des ouvertures nettes de 59,5 milliards d’euros de crédits en AE et 53,3 milliards d’euros en CP sur le champ du budget général de l’État, en plus des crédits ouverts en loi de finances initiale et des reports de la gestion 2021 vers celle de 2022.

Parmi les trente-quatre missions du budget général, vingt-six ont connu des ouvertures nettes de crédits de paiement dans le cadre des deux lois de finances rectificatives, cinq ont donné lieu à des annulations nettes de crédits et trois n’ont pas été affectées. Le détail des ouvertures législatives de crédits par mission au cours de l’année 2022 est récapitulé par les deux tableaux suivants.

Les ouvertures de crédits (53,3 milliards d’euros) ont été notamment destinées au financement des mesures de soutien face à la hausse des prix, en particulier énergétiques (a). Les annulations de crédits s’établissent à 5,8 milliards d’euros (b). Le collectif budgétaire de fin d’année a contribué de manière importante à ces mouvements de crédits et ne s’est donc pas borné à de simples ajustements de fin de gestion (c).


 

Ouvertures et annulations des autorisations d’engagement par mission par les lois de finances pour 2022

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2022 (A)

LFR 1 (B)

LFR 2 (C)

Solde (B+C)

Total lois de finances (A+D)

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Solde (D)

Action extérieure de l’État

3 056

52

 

 

 24

 52

 24

 28

 3 084

Administration générale et territoriale de l’État

4 405

 177

 

 

 46

 177

 46

 131

 4 536

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 030

 490

 

 431

 5

 922

 5

 917

 3 947

Aide publique au développement

6 622

 

 

 31

 83

 31

 83

– 51

 6 570

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2 085

 51

 

 

 27

 51

 27

 24

 2 109

Cohésion des territoires

17 295

 230

 

 45

 14

 275

 14

 261

 17 556

Conseil et contrôle de l’État

713

 15

 

 

 3

 15

 3

 13

 726

Crédits non répartis

848

 3 000

 

 

 500

 3 000

 500

 2 500

 3 348

Culture

3 490

 53

 

 71

 2

 124

 2

 123

 3 613

Défense

59 586

 300

 

 1 451

 150

 1 751

 150

 1 601

 61 187

Direction de l’action du Gouvernement

 850

 11

 

 

 64

 11

 64

– 53

 797

Écologie, développement et mobilité durables

 21 577

 7 813

 9

 2 474

 25

 10 287

 34

 10 253

 31 830

Économie

 3 409

 15 088

 

 8

 268

 15 096

 268

 14 828

 18 237

Engagements financiers de l’État

 207 274

 11 890

 

 2

 2 033

 11 892

 2 033

 9 859

 217 133

Enseignement scolaire

 77 757

 103

 

 

 38

 103

 38

 66

 77 822

Gestion des finances publiques

 10 016

 31

 

 99

 

 130

 

 130

 10 146

Immigration, asile et intégration

 1 993

 37

 

 19

 19

 57

 19

 38

 2 032

Investir pour la France de 2030

 34 009

 

 

 

 

 

 

 

 34 009

Justice

 12 771

 119

 

 18

 239

 137

 239

– 101

 12 670

Médias, livre et industries culturelles

 698

 13

 

 7

 1

 20

 1

 19

 717

Outre-Mer

 2 635

 73

 

 237

 

 310

 

 310

 2 946

Plan de relance

 1 511

 

 

 299

 299

 299

 299

 0

 1 511

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

 200

 

 

 1 250

 1 070

 1 250

 1 070

 180

 380

Pouvoirs publics

 1 048

 

 

 

 

 

 

 

 1 048

Recherche et enseignement supérieur

 29 248

 235

 

 154

 169

 389

 169

 220

 29 468

Régimes sociaux et de retraite

 6 102

 178

 

 

 61

 178

 61

 116

 6 219

Relations avec les collectivités territoriales

 4 917

 126

 

 41

 80

 167

 80

 87

 5 004

Remboursements et dégrèvements

 130 608

 3 371

 

 2 721

 142

 6 092

 142

 5 950

 136 558

Santé

 1 296

 50

 

 1 358

 72

 1 408

 72

 1 336

 2 633

Sécurités

 22 669

 79

 

 18

 61

 97

 61

 36

 22 706

Solidarité, insertion et égalité des chances

 28 007

 1 770

 

 658

 12

 2 428

 12

 2 416

 30 423

Sport, jeunesse et vie associative

 1 692

 50

 

 

 125

 50

 125

– 75

 1 617

Transformation et fonction publiques

 448

 25

 

 40

 200

 65

 200

– 135

 312

Travail et emploi

 15 793

 7 135

 

 1 627

 283

 8 762

 283

 8 479

 24 272

Total

 717 660

 52 567

 9

 13 060

 6 113

 65 627

 6 122

 59 505

 777 164

Total hors R&D

 587 052

 49 196

 9

 10 338

 5 971

 59 535

 5 980

 53 554

 640 606


Ouvertures et annulations des crédits de paiement par mission par les lois de finances pour 2022

(en millions d’euros)

Mission

LFI 2021 (A)

LFR 1 (B)

LFR 2 (C)

Solde (B+C)

Total lois de finances (A+D)

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Solde (D)

Action extérieure de l’État

3 059

 52

 

 

 27

 52

 27

 25

 3 084

Administration générale et territoriale de l’État

 4 387

 39

 

 

 54

 39

 54

– 15

 4 372

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

 3 006

 490

 

 454

 5

 944

 5

 939

 3 945

Aide publique au développement

 5 105

 

 

 23

 25

 23

 25

– 2

 5 103

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

 2 085

 51

 

 

 27

 51

 27

 24

 2 109

Cohésion des territoires

 17 184

 215

 

 33

 17

 247

 17

 230

 17 414

Conseil et contrôle de l’État

 754

 15

 

 

 4

 15

 4

 11

 765

Crédits non répartis

 548

 3 000

 

 

 500

 3 000

 500

 2 500

 3 048

Culture

 3 460

 53

 

 76

 2

 129

 2

 128

 3 588

Défense

 49 560

 300

 

 1 326

 150

 1 626

 150

 1 476

 51 036

Direction de l’action du Gouvernement

 960

 11

 

 

 59

 11

 59

– 48

 912

Écologie, développement et mobilité durables

 21 249

 6 117

 9

 1 914

 34

 8 031

 43

 7 988

 29 237

Économie

 4 018

 15 088

 

 0

 371

 15 088

 371

 14 717

 18 735

Engagements financiers de l’État

 44 345

 11 894

 

 2

 2 015

 11 896

 2 015

 9 882

 54 226

Enseignement scolaire

 77 791

 103

 

 

 40

 103

 40

 64

 77 855

Gestion des finances publiques

 9 995

 31

 

 8

 6

 39

 6

 33

 10 028

Immigration, asile et intégration

 1 897

 37

 

 20

 19

 57

 19

 38

 1 935

Investir pour la France de 2030

 7 004

 

 

 

 

 0

 0

 0

 7 004

Justice

 10 741

 119

 

 18

 162

 137

 162

– 25

 10 717

Médias, livre et industries culturelles

 675

 13

 

 7

 16

 20

 16

 4

 679

Outre-Mer

 2 472

 73

 

 242

 65

 315

 65

 249

 2 722

Plan de relance

 13 006

 

 

 

 

 0

 0

 0

 13 006

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

 200

 

 

 1 250

 1 095

 1 250

 1 095

 155

 355

Pouvoirs publics

 1 048

 

 

 

 

 0

 0

 0

 1 048

Recherche et enseignement supérieur

 29 238

 235

 

 152

 193

 386

 193

 193

 29 431

Régimes sociaux et de retraite

 6 102

 178

 

 

 60

 178

 60

 117

 6 220

Relations avec les collectivités territoriales

 4 349

 126

 

 41

 

 167

 0

 167

 4 516

Remboursements et dégrèvements

 130 608

 3 371

 

 2 721

 142

 6 092

 142

 5 950

 136 558

Santé

 1 300

 50

 

 1 358

 70

 1 408

 70

 1 338

 2 638

Sécurités

 21 564

 79

 

 48

 37

 127

 37

 90

 21 654

Solidarité, insertion et égalité des chances

 27 646

 1 762

 

 658

 3

 2 420

 3

 2 417

 30 063

Sport, jeunesse et vie associative

 1 722

 50

 

 

 140

 50

 140

– 90

 1 633

Transformation et fonction publiques

 795

 21

 

 40

 39

 61

 39

 22

 817

Travail et emploi

 14 643

 2 745

 

 2 502

 536

 5 247

 536

 4 711

 19 354

Total

 522 515

 46 319

 9

 12 891

 5 911

 59 210

 5 920

 53 290

 575 805

Total hors R&D

 391 907

 42 948

 9

 10 170

 5 769

 53 118

 5 778

 47 340

 439 247

Source : présent projet de loi de règlement. Les ouvertures de crédits


—  1  —

Les deux lois de finances rectificatives ont procédé à des ouvertures de crédits de paiement nettes des annulations sur 26 missions du budget général pour un montant total de 53,4 milliards d’euros – 47,5 milliards hors mission Remboursements et dégrèvements.

Ces ouvertures ont principalement porté sur les missions suivantes :

– Économie (+ 14,7 milliards d’euros), en vue des opérations de montée au capital d’EDF ainsi que de la mise en place de l’aide d’urgence aux entreprises énergo-intensives affectées par la hausse des prix du gaz et de l’électricité à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ces crédits s’ajoutent à 1,5 milliard d’euros supplémentaires précédemment ouverts par le décret d’avance du 7 avril 2022 afin de financer l’aide aux entreprises énergo-intensives ;

– Engagements financiers de l’État (+ 9,9 milliards d’euros), afin de faire face à la hausse de la charge de la dette résultant notamment de l’effet de l’inflation sur la provision pour indexation des titres indexés ;

– Écologie, développement et mobilité durables (+ 8 milliards d’euros), afin de financer les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des coûts de l’énergie, en particulier la remise sur les prix des carburants, les chèques exceptionnels « énergie », « fioul » et « bois » et le bouclier tarifaire, et en vue de la prolongation du bonus automobile à destination des véhicules légers. Ces crédits se sont ajoutés à ceux précédemment ouverts sur la mission par le décret d’avance (3,2 milliards d’euros en AE et CP nets des annulations), principalement au bénéfice de la remise sur le prix des carburants ;

– Travail et emploi (+ 4,7 milliards d’euros), pour le versement de deux subventions exceptionnelles à France compétences et la prolongation des primes versées aux employeurs d’alternants ;

– Crédits non répartis (+ 2,5 milliards d’euros), afin de faire face aux dépenses liées à la revalorisation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique ainsi qu’aux dépenses imprévues ;

– Solidarité, insertion et égalité des chances (+ 2,4 milliards d’euros), en vue de la création de l’aide exceptionnelle de rentrée et de la revalorisation anticipée de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés ;

– Défense (+ 1,5 milliard d’euros), pour couvrir les surcoûts liés aux activités opérationnelles des forces armées et à la hausse des prix des carburants et dans le cadre d’une mise en cohérence des moyens des forces avec le contexte géostratégique. Les ouvertures ont aussi compensé à hauteur de 300 millions d’euros des annulations résultant du décret d’avance ;

– Santé (+ 1,3 milliard d’euros), notamment dans le but de compenser le coût pour la sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers ([21]) ;

– Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ 939 millions d’euros qui s’ajoutent aux 580 millions d’euros ouverts en décret d’avance), pour le soutien à la filière agricole dans un contexte de crises.

a.   Les annulations de crédits

Les missions concernées par des annulations nettes de crédits de paiement, à l’issue des deux LFR, sont au nombre de cinq, pour un montant total de 179 millions d’euros.

La moitié de ces annulations nettes est imputable à la mission Sport, jeunesse et vie associative (– 90 millions d’euros). Les détails de ces annulations sont présentés au sein du volume du présent rapport qui décrit l’exécution budgétaire par mission et par programme.

b.   Une fin de gestion une nouvelle fois marquée par d’importants mouvements de crédits

De même qu’en 2020 et 2021, la loi de finances rectificative de fin d’année a été un instrument de réponse aux crises autant qu’un outil d’ajustement de fin de gestion.

Les ouvertures de crédits votées par ce dernier collectif budgétaire, à hauteur de 10,1 milliards d’euros de CP hors mission Remboursements et dégrèvements, excèdent de nouveau le niveau moyen d’ouvertures constaté avant la crise sanitaire (2,7 milliards d’euros entre 2017 et 2019). Le niveau des annulations de crédits, de 5,8 milliards d’euros de CP hors mission Remboursements et dégrèvements, est également plus élevé que la moyenne observée au cours des trois premières années du quinquennat précédent.

Ouvertures et annulations de crédits sur le budget général
en LFR de fin d’année

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Mouvements

2017

2018

2019

Moyenne 2017-2019

2020

2021

2022

Ouvertures

+ 3 439

+ 2 130

+ 2 778

+ 2 782

+ 22 899

+ 9 136

+ 10 170

Annulations

– 85

– 2 050

– 4 297

  2 144

– 4 158

– 7 346

– 5 769

Écart plafonds LFR/LFI

+ 3 354

+ 80

 1 519

+ 638

+ 18 741

+ 1 790

+ 4 401

N.B. : hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2017 à 2022 et présent projet de loi de règlement.

Le solde des ouvertures et des annulations de crédits de la loi de finances de fin de gestion s’élève ainsi à + 4,4 milliards d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements, alors qu’en moyenne, entre 2012 et 2019, les ouvertures ont été compensées par les fermetures avec un solde légèrement positif de 370 millions d’euros. Bien que supérieur à celui de 2021, le solde 2022 est néanmoins largement inférieur à celui enregistré en 2020 (+ 18,7 milliards d’euros).

Solde des ouvertures et annulations de crédits en LFR de fin d’année

(en millions d’euros)

N.B. : hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : lois de finances rectificatives (LFR) de fin d’année pour les années 2012 à 2022 et présent projet de loi de règlement.

2.   Des budgets annexes stables et une mobilisation supplémentaire des crédits sur les comptes spéciaux

Si l’autorisation budgétaire concernant les budgets annexes a peu varié en 2022, les ouvertures supplémentaires de crédits sur les comptes spéciaux se sont élevées à environ 14,5 milliards d’euros en AE et CP, nets des annulations, dans le cadre des deux lois de finances rectificatives.

Solde des mouvements de crédits des budgets annexes
et des comptes spéciaux en 2022

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

LFR

Total des lois de finances

LFI

LFR

Total des lois de finances

Budgets annexes

 

 

 

 

 

 

Total des dépenses des budgets annexes y compris fonds de concours

2 547

+ 9

2 556

2 549

+ 6

2 555

Comptes spéciaux

 

 

 

 

 

 

Comptes d’affectation spéciale

73 083

+ 12 211

85 294

73 232

+ 12 171

85 403

Comptes de concours financiers

132 546

+ 2 306

134 852

131 336

+ 2 308

133 644

Comptes de commerce (solde)

 

 

 

– 76

 

– 76

Comptes d’opérations monétaires (solde)

 

 

 

– 87

 

– 87

Total des dépenses des comptes spéciaux

205 630*

+ 14 516*

220 146

204 405

+ 14 479

218 884

* effet d’arrondi au dixième.

Source : commission des finances, présent projet de loi de règlement.

La principale ouverture sur les comptes spéciaux a concerné le compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État : 12,7 milliards d’AE et CP ont été ouverts en LFR 1 afin de financer des opérations de prises de participation sur des entreprises stratégiques françaises et en particulier la montée au capital d’EDF. Cette ouverture a conduit à une progression de 133 % des crédits du CAS par rapport à la LFI.

Trois autres CAS ont été concernés par des ouvertures législatives de crédits en cours d’année :

– sur le CAS Pensions, 1,3 milliard d’euros a été ouvert en AE et CP en LFR 1 afin de financer la revalorisation anticipée des pensions de retraite et d’invalidité des anciens fonctionnaires de l’État ;

– sur le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers, 128 millions d’AE et CP ont été ouverts en LFR 2 afin de prendre en compte la hausse des prévisions de recettes issues des amendes de la circulation ;

– sur le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État, 80 millions d’AE et 40 millions de CP ont été ouverts pour financer l’appel à projets « Résilience » visant à réduire la consommation d’énergies fossiles des bâtiments de l’État et de ses établissements publics.

Les ouvertures de crédits sur les comptes de concours financiers (CCF) se sont concentrées pour l’essentiel sur deux d’entre eux :

– le CCF Avances aux collectivités territoriales (1,6 milliard d’euros en LFR 1 et 514 millions d’euros en LFR 2), en raison du dynamisme des impositions revenant aux régions, départements et communes, que l’État collecte pour le compte de ces dernières et leur reverse ;

– le CCF Prêts à des État étrangers (315 millions d’AE et de CP en LFR 1 et 100 millions en LFR 2), afin de financer des prêts à la Moldavie et à l’Ukraine.

Les annulations se sont pour leur part élevées à environ 2,2 milliards d’euros en AE et CP, répartis entre cinq comptes spéciaux. Dans une démarche de sincérisation budgétaire, la LFR 2 a notamment annulé 2 milliards d’AE et de CP sur le CAS Participations financières de l’État au titre des opérations en capital.

B.   Les mouvements rÉglementaires

La modification des crédits en cours d’année n’est pas l’apanage des lois de finances. Sous certaines conditions encadrées par la LOLF, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement adoptés en loi de finances peuvent faire l’objet de modifications par voie réglementaire, par reports de crédits d’un exercice à l’autre, par décrets de transfert, de virement, de répartition et par l’affectation de fonds de concours ou l’attribution de produits. Les deux tableaux suivants présentent une vision exhaustive de l’ensemble de ces modifications réglementaires intervenues au cours de l’exercice 2022. Ils présentent également les ajustements du présent projet de loi compte tenu des consommations constatées.

En 2022, les fonds de concours continuent de diminuer après un exercice 2020 où ils avaient atteint un montant exceptionnel (1). Si le Gouvernement a maîtrisé le niveau des annulations par décrets (2), des montants importants de reports de crédits sont une nouvelle fois enregistrés sur l’ensemble du budget de l’État (3). Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas les crédits ouverts (4).


Modifications apportées aux lois de finances initiale et rectificatives
par les mesures réglementaires et le projet de loi de règlement

(en millions d’euros)

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT

Budget ou compte

Prévisions des lois de finances initiales et rectificatives

Décret d’avance

Reports de la gestion précédente

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attributions de produits

Modifications de crédits liées à des
plus-values de recettes

Reprise d’AE

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante

Situation avant l’intervention du
PJL de règlement

Projet de loi de règlement

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

Dépenses brutes

777 164

5 859

– 5 350

56 909

274

– 274

2 323

– 2 323

1 437

– 1 437

8 116

 

 

842 697

– 53 322

789 375

777 992

209

– 11 592

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

136 558

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

136 558

 

136 558

132 768

 

 3 791

Total des dépenses du budget général

640 606

5 859

 5 350

56 909

274

 274

2 323

 2 323

1 437

 1 437

8 116

706 139

 53 322

652 817

645 224

209

 7 802

Budgets annexes

Total des dépenses des budgets annexes

2 538

– 21

129

24

4

2 674

 99

2 575

2 555

– 21

Comptes spéciaux

Comptes d’affectation spéciale

85 294

 

 

3 468

 

 

 

 

 

 

2

18

 

88 783

– 8 691

80 091

77 124

 

– 2 967

Comptes de concours financiers

134 852

 

– 488

1 719

 

 

 

 

 

 

 

 

 

136 083

– 625

135 458

129 037

 

– 6 421

Total des dépenses des comptes spéciaux

220 146

 488

5 188

2

18

224 866

 9 316

215 549

206 161

– 9 388

Total général des AE

863 290

5 859

 5 859

62 226

274

 274

2 323

 2 323

1 437

 1 437

8 141

18

4

933 679

 62 737

870 942

853 940

209

 17 211


CRÉDITS DE PAIEMENT

Budget ou compte

Prévisions des lois de finances initiales et rectificatives

Décret d’avance

Reports de la gestion précédente

Virements

Transferts

Répartitions

Fonds de concours et attributions de produits

Modifications de crédits liées à des plus-values de recettes

Crédits ouverts

Reports à la gestion suivante

Situation avant l’intervention du
PJL de règlement

Projet de loi de règlement

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

Consommation

Ajustements de crédits

Ouvertures

Annulations

Budget général

Dépenses brutes

575 805

5 859

 5 350

23 191

241

– 241

2 185

 2 185

1 437

 1 437

7 309

 

606 814

– 18 741

588 073

578 437

183

– 9 819

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

136 558

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

136 558

 

136 558

132 765

 

– 3 793

Total des dépenses du budget général

439 247

5 859

 5 350

23 191

241

 241

2 185

 2 185

1 437

 1 437

7 309

470 256

 18 741

451 515

445 672

183

 

Budgets annexes

Total des dépenses des budgets annexes

2 537

 21

55

24

2 595

– 36

2 559

2 545

– 14

Comptes spéciaux

Comptes d’affectation spéciale

85 403

 

 

4 241

 

 

 

 

 

 

2

18

89 664

– 9 585

80 079

77 138

 

– 2 941

Comptes de concours financiers

133 644

 

– 488

1 820

 

 

 

 

 

 

 

 

134 976

– 632

134 344

128 743

 

– 5 601

Comptes de commerce (solde)

76

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 76

 

– 76

– 110

 

 

Comptes d’opérations monétaires (solde)

– 87

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

– 87

 

– 87

– 15

 

 

Total des dépenses des comptes spéciaux

218 884

 488

6 061

2

18

224 477

 10 217

214 260

205 756

 8 542

Total général des CP

660 668

5 859

 5 859

29 307

241

 241

2 185

 2 185

1 437

 1 437

7 334

18

697 328

 28 994

668 334

653 972

183

 14 583

Source : présent projet de loi de règlement.

 


—  1  —

1.   Les fonds de concours et attributions de produits complètent les crédits budgétaires pour des montants importants

Les crédits ouverts en LFI sont majorés des crédits ouverts par voie de fonds de concours et d’attributions de produits, qui ont atteint 7,3 milliards d’euros en crédits de paiement pour le budget général en 2022. Si ce montant est supérieur à la prévision de la LFI (6,3 milliards d’euros ([22])), il est en nette diminution par rapport à 2021 (7,9 milliards d’euros) et à 2020 (12 milliards d’euros).

Plusieurs opérations permettent d’expliquer cet écart à la programmation initiale, notamment :

– un fonds de concours rattaché au programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilités durables, afin de financer des études et des infrastructures dans le domaine des transports (0,4 milliard d’euros) ;

– des attributions de produits au programme 146 Équipement des forces de la mission Défense, qui résultent notamment de la vente d’avions de combat Rafale (0,2 milliard d’euros) ;

– un fonds de concours de Santé publique France au bénéfice du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé, afin de lutter contre la covid‑19 (0,2 milliard d’euros) ;

– un fonds de concours rattaché au programme 175 Patrimoine de la mission Culture, au titre des dons pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris (0,1 milliard d’euros).

2.   Des montants limités d’annulation par décret

Le Gouvernement a pris trois décrets d’annulation de crédits au titre de l’année 2022, les 15 juillet ([23]) et 14 décembre 2022 ([24]) et le 3 février 2023 ([25]), pour un montant total de 154 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 205 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Ces montants représentent une diminution de moitié environ pour les AE et un peu moins d’un doublement pour les CP par rapport à 2021. Ils demeurent éloignés des niveaux d’annulation connus pendant certains exercices récents.

Annulations de crédits issues de décrets d’annulation

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Les annulations de crédits par voie réglementaire sont un instrument de régulation budgétaire dont l’emploi est permis par l’article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Le premier alinéa de cet article prévoit que l’annulation de crédits peut être motivée par le constat qu’ils sont devenus sans objet ou par la nécessité de préserver l’équilibre budgétaire de l’année en cours tel que défini par la dernière loi de finances. Les décrets d’annulation portant sur l’exercice 2022 sont justifiés par le premier motif. Il s’agit d’annulations à caractère technique, réalisées à la demande des ministères concernés, afin de permettre le remboursement de trop-perçus sur fonds de concours au bénéfice de tiers.

3.   Un niveau encore substantiel de reports de crédits en 2022

Les reports de crédits sont prévus par l’article 15 de la LOLF. Pris par arrêtés, ils constituent un aménagement au principe d’annualité en permettant d’assouplir le cadre temporel de la gestion. Aux termes de cet article, au titre de l’exercice 2022, les reports de crédits de paiement (CP) sont toutefois plafonnés par une double limite :

 « les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le même titre du programme à partir duquel les crédits sont reportés » ;

 « les crédits inscrits sur les autres titres du programme bénéficiant du report peuvent être majorés dans la limite globale de 3 % de l’ensemble des crédits initiaux sur les mêmes titres du programme à partir duquel les crédits sont reportés. » Une loi de finances peut néanmoins déroger à ce second plafond.

À compter de l’exercice 2023, ces conditions ont été durcies par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([26]). D’une part, quel que soit le titre d’où ils proviennent, les reports de CP ne peuvent désormais plus majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel, hors procédure de fonds de concours ([27]). D’autre part, sur les autres titres, les majorations doivent être dûment motivées en loi de finances et le montant total des CP reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année, sauf en cas de nécessité impérieuse d’intérêt national.

L’article 65 de la loi de finances initiale pour 2022 a prévu un déplafonnement des reports de crédits pour 46 programmes, ce qui représente 5 programmes de moins qu’en 2021 mais deux fois le nombre de programmes concernés par des déplafonnements en 2020 (23 programmes) ([28]). Le montant des reports de 2021 vers 2022 s’est ainsi maintenu au niveau élevé de 18 milliards d’euros de crédits de paiement sur le budget général, complétés par 5,2 milliards d’euros de report de fonds de concours. Ce montant, toujours très supérieur à ceux observés avant la crise sanitaire, est toutefois en baisse par rapport à l’exercice précédent (30,7 milliards d’euros de reports sur le budget général hors fonds de concours).

Au titre des reports de gestion de 2022 vers 2023, pour lesquels les règles issues de la réforme de la LOLF sont applicables, l’article 140 de la loi de finances initiale pour 2023 a prévu un déplafonnement pour 40 programmes. D’importants mouvements de reports se poursuivent, même si leur montant baisse par rapport à l’exercice précédent pour s’établir à 14,3 milliards d’euros sur le budget général, complétés par 4,5 milliards d’euros de fonds de concours.

Les reports de 2022 vers 2023 sur les comptes spéciaux progressent à nouveau après une baisse lors de l’exercice précédent et s’établissent à 10,2 milliards d’euros de CP. Ce niveau exceptionnel résulte principalement du report de 6,7 milliards d’euros sur le CAS Participations financières de l’État, à la suite du retard pris dans l’opération de montée au capital d’EDF.

Évolution des reports de crédits de paiement

(en milliards d’euros)

Source : Cour des comptes, Le budget de l’État en 2022, avril 2023, p. 149 et exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

Les reports de 2021 vers 2022 du budget général, y compris fonds de concours, se sont concentrés à plus de 55 % sur les missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire (6,6 milliards d’euros) et Plan de relance (6,2 milliards d’euros). Ce niveau toujours important, après un exercice 2021 exceptionnel, contraste avec la démarche de modération des niveaux de reports du budget général engagée depuis 2017. Dans le même temps, la loi de finances initiale pour 2022 n’avait ouvert qu’un volume limité de crédits au titre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire (200 millions d’euros en AE et CP). La part des dépenses exceptionnelles dans les reports de 2022 vers 2023 diminue encore pour s’établir à 32 % (6 milliards d’euros), ces reports résultants intégralement de la mission Plan de relance.

Le montant des reports portant sur d’autres missions du budget général progresse, s’établissant à 5,2 milliards d’euros au titre de 2021 vers 2022 et à 8,3 milliards d’euros vers 2023. Ce niveau élevé constitue un écart notable à la moyenne de 1,5 milliard d’euros constatée entre 2012 et 2019. Les sous-consommations observées sur la mission Économie en 2022 ont notamment conduit au report vers 2023 de 3,2 milliards d’euros de crédits de paiement du programme 134 Développement des entreprises et régulations, qui finance l’aide aux entreprises énergo-intensives, et 2 milliards d’euros au titre des opérations patrimoniales de l’État et notamment de la montée au capital d’EDF.

En conséquence, la Cour des comptes renouvelle ses critiques sur le niveau des reports entre deux exercices. De 2021 vers 2022, les reports sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire lui semblent « d’autant plus critiquables que le décret d’avance du 7 avril 2022, préparé de façon concomitante aux arrêtés de report publiés fin mars, en ont annulé plus de la moitié (3,5 milliards d’euros en AE et CP) » ([29]). La Cour considère qu’il aurait, dès lors, été plus conforme au principe d’annualité d’annuler les crédits non consommés et d’ouvrir en loi de finances 2022 des crédits correspondant aux dépenses prévisibles de l’exercice. Elle indique en outre que la réaffectation immédiate à d’autres missions des crédits annulés en décret d’avance, bien que permise par la procédure budgétaire, « apparaît toutefois critiquable au regard du principe de spécialité » ([30]).

Par ailleurs, la Cour souligne que le choix de reporter les crédits non consommés en 2021 et de limiter les ouvertures dans la loi de finances initiale pour 2022 a, comme en 2021, introduit un décalage entre les montants présentés dans les tableaux d’équilibre et les prévisions réelles du Gouvernement, dans la mesure où les montants de dépense qui figurent dans ces tableaux correspondent aux seuls crédits ouverts dans les lois de finances. À cet égard, « même si les exposés des motifs des LFR présentaient des prévisions tenant compte des reports de crédit », la Cour considère que le Parlement « s’est donc prononcé, lors de l’examen des projets de lois de finances des années 2021 et 2022, sur un article d’équilibre qui ne correspondait pas à la réalité des prévisions de dépenses et de solde » ([31]).

Même si le Rapporteur général partage le constat d’une lisibilité budgétaire amoindrie, il apparaît que les incertitudes liées à un contexte toujours exceptionnel en 2022 ont été à l’origine de ces mouvements, moindres qu’en 2021 mais néanmoins importants. Ils sont justifiés par le Gouvernement comme étant le résultat d’une approche prudentielle visant à éviter toute rupture de trésorerie, alors que l’année 2022 a de nouveau été marquée par un environnement particulièrement incertain du fait notamment des conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et d’une forte inflation.

De tels niveaux de reports se justifient par le contexte particulièrement incertain mais devront être résorbés dès que possible, au regard de l’entorse à l’autorisation parlementaire annuelle qu’ils constituent. En effet, si le Gouvernement indique dans le cadre du projet de loi de finances initiale le motif des dérogations au plafond prévu par l’article 15 de la LOLF, les informations communiquées au Parlement demeurent relativement succinctes et ne comprennent notamment pas le montant, même estimé, des reports envisagés.

4.   Les autres mouvements réglementaires n’affectent pas le niveau des crédits ouverts

D’autres dispositifs de régulation budgétaire peuvent modifier la destination des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année considérée sans changer le plafond global des crédits autorisés.

Les virements, prévus à l’article 12 de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d’un même ministère, dans la limite de 2 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année pour chacun des programmes concernés. En 2022, ils sont restés faibles et s’établissent à 274 millions d’euros de CP, après 142 millions d’euros en 2021.

Les transferts, prévus au même article de la LOLF, permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l’emploi des crédits correspond à des actions du programme d’origine. Ils représentent par définition une altération de l’autorisation parlementaire moins marquée que les virements. En 2022, ils se sont établis à 2 185 millions d’euros de CP, soit un niveau un peu plus faible qu’en 2021 (2 792 millions d’euros).

Les crédits globaux, définis aux articles 7 et 11 de la LOLF, constituent des autorisations de dépenses dont la destination n’est pas connue au moment du vote de la loi de finances initiale. L’objet de ces crédits globaux est limité à deux catégories de dépenses par la loi organique : les dépenses accidentelles ou imprévisibles et les mesures générales en matière de rémunérations. Ces deux catégories de dépenses sont regroupées au sein de la mission Crédits non répartis. La mission avait fait l’objet d’une mobilisation importante en tant qu’outil de gestion budgétaire face à la crise en 2020. En 2022, le programme 551 Provision relative aux rémunérations publiques a contribué au financement de mesures salariales à hauteur de 1,4 milliard d’euros, en particulier la revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles,
outil de gestion budgétaire dans un contexte de crise

La dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles prévue par l’article 7 de la LOLF constitue une réserve transerversale de crédits. Portée par le programme 552 de la mission Crédits non répartis, elle est destinée « à faire face à des calamités » et à « des dépenses imprévisibles » selon cet article.

La mission d’information sur l’application de la LOLF ([32]) avait regretté l’usage qui était fait de cette dotation, servant à la couverture de sous-budgétisations initiales à hauteur de 111 millions d’euros en 2018 et 84 millions d’euros en 2019 ([33]). La mission avait préconisé, tout en sincérisant son usage, d’accroître le montant de cette dotation pour faire face à des aléas budgétaires parallèlement à la réduction de la réserve de précaution.

En 2020, la dotation avait entièrement été consacrée aux financements de mesures destinées à répondre à la crise sanitaire pour un montant total de 1,6 milliard d’euros. Il n’y a pas eu besoin d’y recourir en 2021 et son usage a été marginal en 2022.

Évolution des crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles
et mission financée à partir de cette dotation par décret en 2022

(en millions d’euros de CP)

Source : commission des finances d’après le rapport annuel de performance de la mission Crédits non répartis.

 

C.   Les avancÉes en matiÈre d’assainissement de l’exÉcution budgÉtaire confirmÉes malgrÉ un contexte de crise

Si l’exercice 2022 a été fortement marqué par l’inflation, notamment énergétique, dans un contexte de reflux des dépenses liées à la crise sanitaire, les principaux acquis de bonne gestion budgétaires initiés en 2017 ont été préservés, avec un faible niveau de mouvements réglementaires en cours de gestion, compte tenu du faible taux de mise en réserve des crédits (1). En revanche, comme en 2021, un décret d’avance a été pris au printemps 2022, lui aussi motivé par la nécessité de répondre à l’inflation (2).

1.   Le faible taux de mise en réserve des crédits, une pratique poursuivie en 2022

La réserve de précaution est un dispositif prévu par le III de l’article 14 et le 4°bis de l’article 51 de la LOLF. Elle consiste à rendre indisponibles des crédits pour le responsable de programme. On parle de « gels » de crédits, voire de « surgels » lors de mises en réserve intervenues en cours de gestion, après la mise en réserve initiale.

La réserve de précaution répond à une double logique :

– une logique « d’auto-assurance » destinée à responsabiliser les gestionnaires en cas d’aléas de gestion ;

– et une logique de modération du rythme de consommation de crédits.

a.   Des taux de mise en réserve des crédits élevés entre 2012 et 2017

L’exercice 2022 s’inscrit dans la continuité des exercices 2018 à 2021 durant lesquels la pratique de la mise en réserve de crédits a été assainie et rendue plus conforme à l’esprit de la LOLF.

Entre 2012 et 2017, le taux de mise en réserve des crédits sur les dépenses hors dépenses de personnel avait été progressivement augmenté jusqu’à atteindre 8 %.

Évolution du taux de mise en réserve

(en %)

 

PLF 2012

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018 à 2020

PLF 2020 à 2022

Taux de mise en réserve des crédits hors titre 2

5

6

7

8

8

8

3

3

Dont dépenses contraintes

 

 

 

 

 

 

 

0,5

Dont autres dépenses

 

 

 

 

 

 

 

4

Taux de mise en réserve des crédits du titre 2

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

0,5

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de finances 2012 à 2022 et du présent projet de loi de règlement.

En lien avec les éléments d’insincérité qu’elle a alors identifiés, la Cour des comptes avait critiqué l’utilisation que faisait le Gouvernement de la réserve de précaution, considérant qu’elle avait été « détournée de son objectif au profit de la couverture, en exécution, de sous-budgétisations » ([34]).

b.   La poursuite de la sincérisation de l’utilisation de la mise en réserve abaissée à 3 %, hors titre 2, depuis 2018

En 2017, a été entamée une démarche de sincérisation budgétaire s’appuyant notamment sur un abaissement de la mise en réserve de crédits, hors titre 2, de 8 à 3 %. Ce taux de 3 %, appliqué à partir de 2018, avait pour objet de rendre à la réserve de précaution son rôle premier d’assurance contre les aléas de gestion.

L’abaissement de ce taux n’a pas été un obstacle à une consommation des crédits conforme à la prévision de la LFI et à l’absence de décret d’avance de 2018 à 2020, grâce à des budgétisations initiales plus sincères.

Tout en maintenant un niveau moyen de gel initial de 3 %, hors dépenses de personnel, une méthode plus sophistiquée de calcul de la mise en réserve a été annoncée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2020 ([35]). Un taux réduit de 0,5 % est désormais appliqué à certaines dépenses particulièrement contraintes telles que les prestations sociales ([36]). Pour conserver un taux moyen de 3 %, le taux de mise en réserve est porté à 4 % sur les programmes dont les dépenses hors titre II sont jugées plus modulables. L’application de cette méthode a été poursuivie en 2021 et en 2022.

Afin de permettre une mobilisation rapide des crédits et de soutenir les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales face à la crise, plusieurs missions ont par ailleurs été exonérées de mise en réserve à partir de l’exercice 2020. Les missions Plan de relance, Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Investir pour la France de 2030 ont bénéficié de cette dispense en 2022 ([37]). Pour les deux premières, la Cour des comptes considère toutefois cette exonération paradoxale « dans la mesure où ces missions ont été dotées d’enveloppes larges comportant une dimension prudentielle, comme en témoignent les sous-consommations importantes observées depuis leur création » ([38]).

Les crédits mis en réserve se sont élevés à 5,7 milliards d’euros en 2022. Ce montant résulte pour l’essentiel d’un gel initial de 3 % en moyenne sur les crédits hors dépenses de personnel (4,8 milliards d’euros) et de 0,5 % sur la masse salariale (0,7 milliard d’euros). Ils proviennent également des gels supplémentaires (surgels) décidés en cours d’exécution. Ceux-ci se sont élevés en 2022 à 0,2 milliard d’euros, soit un niveau très inférieur à la moyenne constatée au cours de la décennie 2011‑2021 (2 milliards d’euros).

La réserve de précaution a donné lieu à 4,1 milliards d’euros de dégels pour consommation et à 1,6 milliard d’euros conservés en réserve ou annulés. La réserve de précaution a donc été mobilisée à hauteur de 72 %, soit un taux supérieur à ceux enregistrés depuis 2011 et proche des niveaux de 2017 et 2021.

Évolution de l’utilisation de la réserve de précaution

(en milliards d’euros et en crédits de paiement, hors crédits de personnel)

Réserve

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Réserve initiale* [A]

9 836

3 912

4 019

4 520

5 103

5 514

« Surgels » [B]
(y compris fin de gestion)

4 505

678

1 569

1 738

120

222

Réserve après « surgels »
[C] = [A] + [B]

14 341

4 590

5 588

6 258

5 223

5 736

Dégels : crédits rendus disponibles [D]
(y compris fin de gestion)

10 139

2 250

3 039

3 291

3 654

4 113

Crédits conservés en réserve ou définitivement annulés
[E] = [C] – [D]

4 202

2 340

2 549

2 967

1 570

1 623

Pourcentage de mobilisation de la réserve de précaution
[D] / [C]

71 %

49 %

54 %

53 %

70 %

72 %

* La réserve initiale correspond à la réserve théorique, déduction faite des dégels systématiques de début de gestion.

Source : Gouvernement pour les années 2012 à 2019, Cour des comptes, rapports annuels sur le budget de l’État pour les années 2020 à 2022.

2.   Un nouveau recours à un décret d’avance en 2022 justifié par l’urgence

L’absence de décret d’avance en 2018, grâce à une programmation initiale plus sincère, avait constitué une première depuis 1985. Cette pratique respectueuse de l’autorisation du Parlement en matière budgétaire a été réitérée en 2019 et en 2020. Les décrets d’annulation de crédits n’ont procédé qu’à des annulations techniques de faible ampleur.

● La pratique d’ouverture de crédits par décret d’avance porte une atteinte à l’autorisation parlementaire en matière budgétaire, encadrée par l’article 13 de la LOLF. Le Gouvernement peut ainsi majorer le niveau des plafonds des programmes dotés de crédits limitatifs fixé par le législateur en ouvrant des crédits supplémentaires par des décrets d’avance dits « gagés » à condition de respecter plusieurs conditions :

– le caractère d’urgence des actions pour lesquelles ces crédits ouverts sont rendus disponibles ;

– le respect de l’équilibre budgétaire, ce qui implique que les ouvertures prévues soient compensées ou « gagées » par des annulations de crédits à due concurrence ;

– le respect du plafond d’ouverture de crédits de l’article 13 de la LOLF, fixé à 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année ;

– le respect du plafond d’annulation des crédits prévu à l’article 14 de la LOLF, aux termes duquel le montant cumulé des crédits annulés par des décrets d’annulation et d’avance ne peut excéder 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances relatives à l’année en cours ;

– les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat font connaître leur avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui leur est faite du projet de décret d’avance.

● Le Gouvernement a eu recours, en 2021 et pour la première fois depuis 2017, à un décret d’avance ([39]). Il a de nouveau eu recours à un tel décret en 2022 ([40]). Les mouvements de crédits réalisés à ces deux occasions ont atteint des montants sans précédent, comme l’illustre la chronique ci‑dessous.

L’évolution des crédits ouverts par décret d’avance

(en millions d’euros pour l’échelle de gauche)

DA : décrets d’avance.

Source : commission des finances, d’après les projets de loi de règlement et le site Légifrance.

Le décret d’avance du 7 avril 2022 a ouvert un total de 5,9 milliards d’euros en AE et CP sur le budget général au bénéfice de 5 missions. Ces ouvertures ont été compensées à due concurrence par l’annulation de crédits sur 28 missions du budget général (en particulier la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire), un budget annexe et un compte spécial.

Ouvertures et annulations de crédits en décret d’avance en 2022

(en millions d’euros d’AE et CP)

Mission ou dotation

Ouvertures

Annulations

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

580

0,01

Cohésion des territoires

100

71

Défense

 

300

Écologie, développement et mobilité durables

3 331

108

Économie

1 548

30

Enseignement scolaire

 

103

Immigration, asile et intégration

300

11

Justice

 

119

Plan d'urgence face à la crise sanitaire

 

3 474

Recherche et enseignement supérieur

 

235

Régimes sociaux et de retraite

 

145

Travail et emploi

 

172

Autres missions

 

581

Total du budget général

5 859

5 350

Contrôle et exploitation aériens (budget annexe)

 

21

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics (compte de concours financier)

 

488

Total général

5 859

5 859

Source : décret d’avance du 7 avril 2022.

Les principaux programmes concernés par les ouvertures de crédits ont été les suivants :

– le programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables (+ 3 milliards d’euros), au titre du financement de la remise sur le prix des carburants ;

– le programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie (+ 1,5 milliard d’euros), au titre du financement de l’aide exceptionnelle aux entreprises énergo-intensives ;

– le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (+ 580 millions d’euros), au titre du soutien aux filières agricole et halieutique face à l’inflation.

Le surplus des ouvertures a bénéficié aux programmes 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables au titre d’une aide forfaitaire exceptionnelle et ponctuelle aux transporteurs routiers, au programme 303 Immigration et asile de la mission Immigration, asile et intégration pour le financement de l’asile et au programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires au titre notamment de l’accueil des populations déplacées fuyant la guerre en Ukraine.

Le décret d’avance du 7 avril 2022 a donc permis d’ouvrir en urgence les crédits nécessaires au financement des aides de crise. La commission des finances de l’Assemblée nationale avait néanmoins souligné, à cette occasion, que l’intégralité des 3,5 milliards d’euros de crédits annulés sur la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire relevait de crédits reportés depuis la gestion 2021, ce qui a conduit à « utiliser des crédits ouverts par le Parlement au titre d’une urgence, […] plus autant avérée du point de vue économique, pour en financer une autre apparue au début de l’année 2022 » ([41]). La première loi de finances rectificative pour 2022 ([42]) a permis de ratifier et d’ajuster les modifications apportées par le décret d’avance.

Le rapporteur général rappelle à cet égard, de façon générale et sans préjudice des exigences légitimes liées à la gestion des crises, qu’il est toujours préférable, dans toute la mesure du possible, de recourir à un projet de loi de finances rectificative afin de débloquer des crédits d’urgence.

II.   Les modifications proposÉes par le prÉsent projet de loi de rÈglement

En vertu du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent projet de loi de règlement ouvre pour chaque programme « les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

L’article 4 du présent projet de loi arrête les montants consommés sur le budget général au titre de 2022 et procède aux ouvertures (A) et annulations nécessaires (B).

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi de règlement arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement respectivement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2022 et procèdent aux ajustements nécessaires (C).

Ces mouvements sont analysés dans le détail dans le volume du présent rapport qui décrit l’exécution budgétaire par mission et par programme.

A.   Les ouvertures portant sur le budget gÉnÉral

L’article 4 propose l’ouverture de 209,1 millions d’euros d’AE et de 183,1 millions de CP de crédits complémentaires, correspondant à une légère réévaluation à la hausse de la charge d’intérêts et de la sinistralité des prêts garantis par l’État par rapport à la seconde loi de finances rectificative. Les crédits de la mission Engagements financiers de l’État concernée par ces ouvertures étant de nature évaluative, le dépassement des montants ouverts n’a pas fait obstacle aux engagements et décaissements.

L’ouverture de crédits en loi de règlement demeure peu fréquente. Le projet de loi de règlement pour 2021, déposé le 13 avril 2023 à l’Assemblée nationale, propose l’ouverture de 600,2 millions d’euros d’AE et de 600,6 millions de CP de crédits complémentaires au titre de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux et de la charge de la dette de l’État. En ce qui concerne les exercices antérieurs, la dernière loi de règlement ayant procédé à l’ouverture de crédits est celle relative à 2016, sur la mission Engagements financiers de l’État.

B.   Les annulations portant sur le budget gÉNÉral

La loi de règlement procède à des ajustements de crédits sur le budget de l’État. Le tableau ci-dessous permet de comparer les taux d’annulation de crédits au regard de la consommation sur le budget général, hors mission Remboursements et dégrèvements.

Taux d’annulation des crédits en loi de règlement

(en milliards d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

AE consommées

336 260

331 106

345 623

396 697

600 274

645 224

Annulations d’AE en loi de règlement

4 198

6 615

4 168

5 815

5 682

7 802

Taux d’annulation des AE

1,2 %

2,0 %

1,2 %

1,5 %

0,9 %

1,2 %

CP consommées

326 775

329 722

336 069

389 678

426 732

445 672

Annulations de CP en loi de règlement

668

877

935

911

1 704

6 026

Taux d’annulation des CP

0,2 %

0,3 %

0,3 %

0,2 %

0,4 %

1,4 %

Source : lois de règlement des années 2017 à 2021 et présent projet de loi de règlement.

La moyenne d’annulation de crédits en loi de règlement entre 2017 et 2021 s’établit à 1,3 % des AE et 0,3 % des CP.

● En AE, le présent projet de loi prévoit l’annulation de 7,8 milliards d’euros (hors mission Remboursements et dégrèvements). Les missions les plus concernées par ces annulations sont retracées dans le tableau suivant.

Missions concernées par les annulations d’autorisations d’engagement
PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE RÈGLEMENT

(en millions d’euros)

Missions et programmes

AE non consommées et non reportées dont l’annulation est proposée

AE consommées

% annulées/

consommées

Économie

2 144

15 112

14,2 %

Crédits non répartis

1 911

Défense

772

59 445

1,3 %

Aide publique au développement

557

6 072

9,2 %

Travail et emploi

420

24 833

1,7 %

Plan de relance

214

7 578

2,8 %

Écologie, développement et mobilité durables

194

40 092

0,5 %

Relations avec les collectivités territoriales

173

4 616

3,7 %

Plan d'urgence face à la crise sanitaire

162

3 243

5,0 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

149

4 665

3,2 %

Autres missions

1 107

479 570

0,2 %

Sous-total

7 802

645 224

1,2 %

Remboursements et dégrèvements

3 791

132 768

2,9 %

Total

11 592

777 992

1,5 %

Source : présent projet de loi de règlement.

Le total d’annulations en AE hors mission Remboursements et dégrèvements s’établit à un niveau supérieur à la moyenne des exercices 2017 à 2021 (5,3 milliards d’euros), mais inférieur à celui de l’exercice 2015.

Annulations d’autorisations d’engagement en loi de règlement

(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)

Source : projets de loi de règlement.

● En CP, le projet de loi prévoit l’annulation de 6 026 millions d’euros hors mission Remboursements et dégrèvements. Les missions les plus concernées par ces annulations sont retracées dans le tableau suivant.

Missions concernées par les annulations de crédits de paiement
proposées par le présent projet de loi de règlement

(en millions d’euros)

Missions et programmes

CP non consommés et non reportés dont l’annulation est proposée

CP consommés

% annulés/ consommés

Économie

2 208

15 264

14,5 %

Crédits non répartis

1 611

Écologie, développement et mobilité durables

714

36 023

2,0 %

Travail et emploi

254

20 786

1,2 %

Relations avec les collectivités territoriales

226

4 261

5,3 %

Plan d'urgence face à la crise sanitaire

176

3 274

5,4 %

Enseignement scolaire

81

78 497

0,1 %

Immigration, asile et intégration

76

2 215

3,4 %

Transformation et fonction publiques

73

723

10,1 %

Engagements financiers de l'État

71

54 342

0,1 %

Autres missions

537

230 288

0,2 %

Sous-total

6 026

445 672

1,4 %

Remboursements et dégrèvements

3 793

132 765

2,9 %

Total

9 819

578 437

1,7 %

Source : présent projet de loi de règlement.

Le montant des CP annulés en 2022 est très significativement supérieur à la moyenne des annulations de crédits de paiement entre 2017 et 2021 (1 milliard d’euros), et atteint plus de trois fois et demie celui, déjà élevé, enregistré en 2021 (1 704 millions d’euros).

Une part importante des annulations proposées concerne le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » de la mission Économie (2 069 millions d’euros en CP). Les dotations du CAS se sont avérées suffisantes pour faire face aux opérations réalisées et les reports vers 2023 (2 milliards d’euros) permettent de financer leur prolongement en 2023, notamment en ce qui concerne la montée au capital d’EDF.

Concernant la mission Crédits non répartis, le présent projet de loi de règlement propose l’annulation de 1 milliard d’euros sur le programme 551 Provision relative aux rémunérations publiques, les besoins constatés au titre de la revalorisation de la valeur du point d’indice de la fonction publique ayant été inférieurs aux prévisions du fait notamment de la sous-consommation des dépenses de personnel de certains ministères. La mobilisation marginale de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles en 2023 conduit par ailleurs à ce que soit proposée l’annulation de 606 millions d’euros sur le périmètre de la mission.

Sur la mission Écologie, développement et mobilité durables, des annulations à hauteur de 638 millions d’euros sont proposées au titre du programme 174 Énergie, climat et après-mines, soit un peu plus de la moitié des CP non consommés du programme. Ces propositions d’annulations résultent de besoins moindres qu’anticipés, notamment au titre des chèques énergie « fioul », « bois » et exceptionnel.

Annulations de crédits de paiement en loi de règlement

(en millions d’euros, hors mission Remboursements et dégrèvements)

* hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : projets de loi de règlement.

C.   Les mouvements de crÉdits relatifs aux budgets annexes et comptes spÉciaux

Les articles 5 et 6 du présent projet de loi de règlement arrêtent les montants consommés d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement des budgets annexes et des comptes spéciaux au titre de l’année 2022 et procèdent aux ajustements nécessaires.

MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LES BUDGETS ANNEXES ET LES COMPTES SPÉCIAUX

(en millions d’euros)

Budget ou compte

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertures
en PLR

Annulations d’autorisations non engagées et non reportées

Ouvertures
en PLR

Annulations de crédits non consommés et non reportés

Budgets annexes

21

14

Comptes d’affectation spéciale

2 967

2 942

Comptes de concours financiers

6 421

5 601

Source : présent projet de loi de règlement.

 


—  1  —

   Fiche 5 : la dette de l’État

L’encours de la dette de l’État s’est élevé à 2 278 milliards d’euros en valeur actualisée ([43]) au terme de l’année 2022, après 2 145 milliards d’euros à la fin de l’année 2021 (+ 133 milliards d’euros). Après des augmentations exceptionnelles de 9,8 % en 2020 et 7,2 % en 2021, le rythme de progression de l’encours de dette de l’État, bien que toujours élevé, est en décélération (+ 6,2 %) en 2022, malgré un contexte de soutien aux ménages et aux entreprises face à la hausse des prix, notamment de l’énergie.

Après une première hausse de 2 milliards d’euros en 2021 ayant mis fin à plusieurs années de diminution, la charge d’intérêts de la dette et le coût de la trésorerie de l’État augmentent de 12,9 milliards d’euros en 2022 pour s’établir à 50,7 milliards d’euros. Cette hausse exceptionnelle est principalement due à l’inflation soutenue en 2022 (+ 5,2 % pour l’indice des prix à la consommation en France et + 8,4 % pour l’indice des prix à la consommation harmonisé de la zone euro), qui a un impact direct sur l’encours des titres indexés sur ces indicateurs.

I.   Une augmentation de l’endettement de l’État en 2022

A.   Un encours de la dette proche de 2 300 milliards d’euros

1.   L’accroissement de l’encours total de la dette négociable de l’État

L’encours de dette négociable de l’État ([44]) s’établit à 2 278 milliards d’euros au 31 décembre 2022, en progression de 133 milliards d’euros d’une année sur l’autre, après une hausse de 144 milliards d’euros en 2021 et de 178 milliards d’euros en 2020.

Si le rythme d’augmentation en valeur de la dette a été relativement homogène pour la période 2017-2019 (+ 4 % en moyenne par an), les années 2020 et 2021 ont marqué une rupture de tendance avec des augmentations successives de 9,8 % et 7,2 % de l’encours de dette. Le rythme d’endettement demeure élevé en 2022 (+ 6,2 %), mais diminue en raison de la baisse du déficit à financer (151,4 milliards d’euros, soit – 19,3 milliards d’euros par rapport à 2021).

Évolution de l’encours de la dette négociable de l’état

(en valeur actualisée, en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État, annexés aux projets de lois de règlement.

2.   La composition de la dette négociable

a.   Un allongement de la durée de vie de la dette négociable

La part des titres à moyen et long termes (OAT) est très majoritaire dans la composition de la dette négociable de l’État et augmente de 0,7 point en 2022 (93,5 %).

Le niveau de l’encours des OAT augmente significativement, à hauteur de 7 % par rapport à 2021, tandis que l’encours des titres de court terme (BTF) diminue de 4,5 % ([45]).

Composition de la dette négociable

(en millions d’euros)

Encours

Fin 2021

Fin 2022

Évolution 2021/2022

Part de l’encours 2022

Ensemble de la dette (valeur actualisée)

2 145 121

2 277 811

6,2 %

100,0 %

dont titres indexés

236 362

262 230

10,9 %

11,5 %

Obligations assimilables du Trésor – OAT

1 989 742

2 129 348

7,0 %

93,5 %

Bons du Trésor à taux fixe – BTF

155 379

148 463

– 4,5 %

6,5 %

Source : rapport annuel de performances Engagements financiers de l’État pour 2021.

Après une hausse notable de la part des BTF dans l’encours de dette en 2020 (+ 2 points) pour faire face à la crise, on assiste depuis 2021 au retour de la tendance à la baisse de cette part observée depuis fin 2009 (– 0,8 point par an en moyenne en 2021 et en 2022).

Part des BTF dans l’encours de dette négociable

(en pourcentage)

Source : commission des finances.

Ainsi, la durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État continue de s’allonger et atteint 8 ans et 184 jours à la fin de 2022, un niveau record depuis la création de l’Agence France Trésor (AFT). Cette progression a toutefois été modérée en 2022 par la baisse de la maturité moyenne à l’émission des titres de moyen et long termes, qui s’établit à 11,1 ans, contre 12,4 ans en 2021.

Évolution de la durÉe de vie moyenne de la dette nÉgociable

Année

Fin 2014

Fin 2015

Fin 2016

Fin 2017

Fin 2018

Fin 2019

Fin 2020

Fin 2021

Fin 2022

Durée de vie moyenne de la dette négociable de l’État (après swaps)

6 ans et 362 jours

7 ans et 47 jours

7 ans et 195 jours

7 ans et 296 jours

7 ans et 336 jours

8 ans et 63 jours

8 ans et 73 jours

8 ans et 153 jours

8 ans et 184 jours

Source : rapports annuels de l’Agence France Trésor.

En outre, l’encours de dette de l’État est constitué pour 11,5 % de titres indexés sur l’inflation à travers les titres indexés sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) et ceux indexés sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i). Les fluctuations de l’inflation se répercutent sur la totalité de l’encours des titres indexés, à la différence des variations de taux d’intérêt qui affectent uniquement les émissions de titre. L’encours des titres indexés était de 262 milliards d’euros au 31 décembre 2022, une variation positive de 0,1 point du taux d’inflation ayant ainsi un impact de l’ordre de 262 millions d’euros supplémentaires sur la charge de la dette.

b.   Une légère remontée de la part de dette détenue par les non-résidents

La part de la dette de l’État détenue par les non-résidents a légèrement augmenté pour retrouver en 2022 son niveau de la fin de l’année 2020 (50,1 %). La tendance à la baisse de la part des non-résidents au cours de la décennie écoulée (jusqu’à 47,8 % à la fin de l’année 2021) résultait de la mise en œuvre du programme d’achats d’actifs de la Banque centrale européenne ([46]), qui a pris fin le 1er juillet 2022 dans un contexte d’accélération de l’inflation et de normalisation de la politique monétaire.

Détention par les non-résidents de la dette négociable de l’État

(en pourcentage)

Date

Fin 2010

Fin 2011

Fin 2012

Fin 2013

Fin 2014

Fin 2015

Fin 2016

Fin 2017

Fin 2018

Fin 2019

Fin 2020

Fin 2021

Fin 2022

Part de la dette négociable détenue par des non-résidents

67,0 %

64,0 %

61,9 %

63,5 %

63,6 %

61,9 %

58,3 %

54,5 %

52,3 %

53,6 %

50,1 %

47,8 %

50,1 %

Source : Banque de France.

B.   Un besoin de financement encore ÉLEVÉ en 2022

Le besoin de financement de l’État s’est établi à un niveau toujours élevé en 2022, à 280 milliards d’euros. Il diminue cependant de 5,3 milliards d’euros par rapport à 2021 et de 29,5 milliards d’euros par rapport au niveau historique atteint en 2020 (309,5 milliards d’euros). À titre de comparaison, ce besoin de financement s’était établi à 246 milliards d’euros lors de la crise de 2009. Entre 2011 et 2019, il avait assez peu varié, s’établissant à 191 milliards d’euros en moyenne sur la période.

Niveau du besoin de financement de l’État

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performances Engagements financiers de l’État.

En 2022, le besoin de financement résulte principalement :

– d’un déficit de l’État de 151,4 milliards d’euros, inférieur de 19,3 milliards d’euros à celui de 2021, après une diminution de 7,4 milliards d’euros entre 2020 et 2021 ;

– de l’amortissement des titres de moyen et long terme qui s’établit à 145,7 milliards d’euros, en progression de 27,4 milliards par rapport à 2021, après une diminution de 17,8 milliards d’euros entre 2020 et 2021.

Le besoin de financement en 2022 est inférieur de 17,6 milliards d’euros à celui initialement prévu, notamment en raison du retraitement de la provision annuelle pour indexation du capital des titres indexés. Celle-ci, plus élevée que prévu (15,5 milliards d’euros contre 4,9 milliards prévus en loi de finances initiale), est inscrite en dépense dans le déficit budgétaire à financer alors qu’elle ne génère pas de besoin en trésorerie. Le besoin de financement est également très inférieur à celui prévu dans les lois de finances rectificatives adoptées en cours d’année (– 31,8 milliards d’euros par rapport à la LFR 1 et – 24,4 milliards d’euros par rapport à la LFR 2). Les variations d’anticipation du besoin de financement en cours d’année mettent en évidence les difficultés de la prévision dans un contexte incertain lié aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et aux mesures de soutien face à la hausse des prix.

Le besoin de financement de l’État

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2020

Exécution 2021

LFI 2022

LFR 1 2022

LFR 2 2022

Exécution 2022

Écart 2022/2021

Écart Exécution / LFI

Besoin de financement

309,5

285,3

297,6

311,8

304,4

280,0

 5,3

 17,6

Amortissement de titres d’État à moyen et long termes

136,1

118,3

144,4

145,8

145,8

145,7

27,4

1,3

Amortissement des dettes reprises par l’État

2,2

1,3 (1)

3,0 (1)

3,0 (1)

3,0 (1)

3,0 (1)

1,7

0,0

Déficit à financer (*)

178,1

170,7

153,8

178,4

171,0

151,4

– 19,3

– 2,4

Autres besoins de financement

– 6,9

– 5,0

– 3,6

– 15,4

– 15,4

– 20,2 (2)

– 15,2

– 16,6

Ressources de financement

309,5

285,3

297,6

311,8

304,4

280,0

 5,3

 17,6

Émissions à moyen et long termes nettes des rachats

260,0

260,0

260,0

260,0

260,0

260,0

0,0

0,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

1,9

1,9

1,9

1,9

1,9

0,0

Variation des BTF
(+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

+54,7

– 6,2

0,0

0,0

0,0

– 6,9

– 0,7

– 6,9

Variation des dépôts des correspondants
(+ si augmentation de l’encours ; – sinon)

+ 27,8

+ 18,7

0,0

0,0

+ 3,0

+ 1,1

– 17,6

1,1

Variation des disponibilités (+ si diminution ; – sinon)

– 63,4

– 4,4

+ 32,2

+ 52,2

+ 50,5

+ 35,2

39,6

3,0

Autres ressources de trésorerie

30,4

17,2

3,5

– 2,3

– 11,0

– 11,3

– 28,5

– 14,8

(*) Hors dépenses affectées au programme d’investissements d’avenir (PIA).

(1) Se reporte uniquement à l’amortissement de la dette de SNCF Réseau.

(2) Ce montant est négatif car il inclut notamment la neutralisation, à hauteur de 15,5 milliards d’euros, de la provision annuelle pour indexation du capital des titres indexés, inscrite en dépense dans le déficit budgétaire à financer alors qu’elle ne génère pas de besoin en trésorerie.

Source : rapport annuel de performances Engagements financiers de l’État pour 2022 et présent projet de loi de règlement.

C.   Les ressources de financement de l’État

Le besoin de financement a été essentiellement couvert par des émissions nettes de dette à moyen et long termes, à hauteur de 260 milliards d’euros, soit un volume identique à celui de 2021 et de 2020 et conforme à la prévision initiale.

Comme en 2021 (– 6,2 milliards d’euros), l’AFT a procédé à une diminution des émissions de court terme en 2022 (– 6,9 milliards d’euros), alors qu’une stabilité de ces émissions était initialement anticipée. Le besoin de financement s’étant révélé moins important que prévu en LFI et dans les lois de finances rectificatives, la mobilisation de cet outil a été finalement plus limitée que l’année précédente. Ces deux années de baisse interviennent après une hausse significative des émissions de court terme en 2020 (+ 54,7 milliards d’euros) pour répondre à la forte progression du besoin de financement en cours d’année dans le contexte de la crise sanitaire.

Enfin, plus de la moitié du surplus de trésorerie de 67,8 milliards d’euros accumulé en 2020 et en 2021 a été mobilisée en 2022, ce qui a conduit le niveau de trésorerie de l’État à diminuer de 35,2 milliards d’euros.

1.   La stabilisation à un niveau élevé des émissions de titres à moyen et long termes

Les émissions de titres à moyen et long termes se sont établies à 286,2 milliards d’euros, soit un niveau légèrement supérieur à celui constaté en 2021 (285,1 milliards d’euros) et toujours très élevé en comparaison de ceux observés lors des exercices antérieurs à 2020. Ce niveau brut d’émissions inclut le rachat par l’État de 26,2 milliards d’euros de dette arrivant à échéance en 2023.

Les émissions de titres à moyen et long termes

(en milliards d’euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Émissions brutes de titres à moyen et long termes

132,0

178,6

210,3

207,2

201,5

192,0

203,1

220,0

214,0

213,1

225,0

246,0

289,5

285,1

286,2

Rachats de titres

3,4

13,6

22,7

23,8

23,5

23,0

31,1

33,0

27,0

28,1

30,0

45,6

29,5

25,1

26,2

Émissions nettes de titres à moyen et long termes

128,5

164,9

187,6

183,4

177,9

169,0

172,0

187,0

187,0

185,0

195,0

200,0

260,0

260,0

260,0

N.B. : les arrondis peuvent entraîner un décalage pour certains résultats.

Source : lois de règlement successives et présent projet de loi de règlement.

Les émissions de titres nettes des rachats se sont établies à 260 milliards d’euros, un niveau identique à la prévision et à celui observé en 2020 et en 2021.

2.   La diminution de l’encours de titres de dette de court terme

L’encours de dette à court terme a diminué de 6,9 milliards d’euros en 2022 pour tenir compte des variations du besoin de financement de l’État en cours d’année. En effet, le recours aux BTF est généralement privilégié pour faire face à des variations limitées du besoin de financement, les investisseurs étant moins favorables à une modification du programme de financement de moyen et de long termes.

Ainsi, si la prévision initiale et les LFR faisaient apparaître un objectif de stabilité de l’encours de dette de court terme, la réalisation d’un déficit moins important qu’anticipé en fin d’année 2022 et la diminution du besoin de financement qui en a découlé ont entraîné la modification du programme de financement par la baisse de l’encours des BTF.

3.   Un solde négatif des primes et décotes à l’émission

En 2022, le montant des primes nettes des décotes à l’émission s’est établi à – 11,3 milliards d’euros, en baisse de 27,8 milliards d’euros par rapport à 2021 et de 41,4 milliards d’euros par rapport au pic atteint en 2020 (30,1 milliards d’euros). Pour la première fois depuis 2008, le montant des décotes a dépassé celui des primes à l’émission.

Ce fort repli s’explique essentiellement par la hausse des taux d’intérêts constatée en 2022, alors que certaines souches anciennes conservent des taux de coupon très faibles. Le taux moyen à l’émission des titres de moyen et long termes s’est ainsi établi à 1,43 % en 2022, contre – 0,05 % en 2021.

Le niveau constaté des primes et décotes est nettement inférieur à la prévision de la LFI, qui prévoyait un solde positif de 3 milliards d’euros, car les taux d’intérêts se sont avérés supérieurs aux prévisions initiales (voir infra).

Évolution du niveau des primes nettes de décotes

(en milliards d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde des primes et décotes à l'émission des titres à moyen et long termes

8,2

2,5

9,2

6,0

7,4

22,7

20,8

10,5

11,3

21,2

30,1

16,5

– 11,3

Source : AFT et présent projet de loi de règlement.

 

Les primes et décotes à l’émission

Les émissions de titres donnent lieu à des primes (ou décotes), lorsque le taux facial de l’obligation (ou taux de coupon) est différent du taux de marché. Ainsi, si le taux facial est supérieur au taux de marché à l’émission du titre, les souscripteurs paient à l’émission un prix d’achat supérieur à la somme qui sera remboursée à l’échéance : une prime à l’émission est alors enregistrée. Dans la situation contraire, une décote à l’émission est enregistrée.

Cette situation résulte en premier lieu de l’émission de titres sur des souches dites anciennes. Si celles-ci étaient porteuses en 2021 de taux supérieurs aux taux de marché restés à des niveaux historiquement bas, cette tendance s’est inversée en 2022, de sorte que des décotes nettes ont été enregistrées à l’émission de titres sur souches anciennes.

L’émission de titres à partir de souches anciennes reflète la méthode d’émission ayant recours à la technique d’assimilation, qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette à plusieurs reprises pour améliorer la liquidité de la dette en répondant aux attentes de taux et de maturité des investisseurs.

D’un point de vue de coût actuariel, il est équivalent d’émettre un titre au taux du marché et d’émettre un titre à partir d’une souche ancienne à un taux différent de celui de marché avec une prime ou une décote à l’émission.

 

Le traitement comptable des primes et décotes à l’émission

Les primes à l’émission représentent une ressource de trésorerie pour l’État, au sens de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (1), alors que les décotes constituent une charge de trésorerie. Ainsi, les primes d’émissions conduisent à des encaissements qui viennent réduire le besoin de financement, la dette publique et in fine le ratio de dette publique rapportée au PIB. Inversement, les décotes conduisent à des décaissements qui contribuent au besoin de financement de l’État. Ce gain initial (dans le cas des primes) ou cette perte (dans le cas des décotes) se résorbent cependant progressivement, au fur et à mesure que les coupons versés à des taux supérieurs ou inférieurs aux taux de marché accroissent ou réduisent le besoin de financement de l’État.

Au sens de la comptabilité générale et de la comptabilité nationale « maastrichtienne », les primes et décotes à l’émission sont amorties de façon étalée sur toute la durée de vie du titre et la charge financière correspond dès lors au taux d’intérêt issu de l’adjudication. L’étalement de ces primes et décotes contribue à alléger de plus de 11,5 milliards d’euros la charge de la dette en 2022, au sens de la comptabilité maastrichtienne.

En revanche, la charge financière en comptabilité budgétaire correspond aux décaissements liés aux intérêts servis, conformément au taux de coupon.

(1) Loi organique  2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

4.   Une stabilisation des dépôts des correspondants du Trésor

Les fonds déposés par les correspondants du Trésor ont augmenté de 1,1 milliard d’euros, à un niveau proche de la stabilité prévue par la LFI, après deux années de forte progression (+ 18,7 milliards d’euros en 2021 et + 27,8 milliards d’euros en 2020).

Il faut souligner que la prévision de ces fonds est particulièrement difficile puisque les entités déposantes, qui sont pour l’essentiel des collectivités territoriales et des établissements publics, sont nombreuses et autonomes.

II.   Une charge de la dette en forte augmentation et supÉrieure À la prÉvision

En 2022, la charge de la dette de l’État s’est établie à 50,7 milliards d’euros, à un niveau supérieur de 12,1 milliards d’euros à la prévision de la LFI et en hausse de 12,9 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2021. Cet alourdissement inédit de la charge de la dette s’explique essentiellement par l’inflation soutenue en cours d’année. La France continue cependant à bénéficier de bonnes conditions de financement en 2022 malgré la hausse des taux d’intérêts.

A.   La hausse de la charge de la dette de l’État

En 2022, la charge de la dette et de la trésorerie de l’État s’établit à 50,7 milliards d’euros, après 37,8 milliards d’euros en 2021.

Évolution de la charge de la dette et de la trésorerie de l’État

(en milliards d’euros)

Source : lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

La charge de la dette négociable (OAT et BTF, hors trésorerie et charges de reprises et de gestion) s’établit à 49,4 milliards d’euros en 2022. Sa hausse par rapport à 2021 (+ 13,2 milliards d’euros) résulte des facteurs suivants :

– un effet volume défavorable (impact de + 1,3 milliard d’euros), lié à l’augmentation significative de l’encours de dette qui s’établit à 2 278 milliards d’euros fin 2022 (+ 133 milliards d’euros) ;

– un effet inflation fortement défavorable (impact de + 11,9 milliards d’euros) ;

– un effet taux nul en 2022.

La France a continué de bénéficier de bonnes conditions d’endettement en 2022, qui se sont toutefois dégradées dans un contexte de normalisation des politiques monétaires et de remontée des taux d’intérêts. Les émissions à moyen et long termes ont été réalisées à des taux supérieurs à ceux de 2021 (1,43 % en 2022 après – 0,05 % en 2021) et les émissions de court terme ont bénéficié de taux faibles mais positifs (0,19 % contre – 0,67 % en 2021).

Ces taux sont supérieurs aux hypothèses du PLF pour 2022, qui prévoyaient une moyenne annuelle de – 0,50 % pour les taux à court terme et de 0,75 % pour les taux de moyen et long terme, ce qui s’explique par le changement de contexte monétaire intervenu en cours d’année.

B.   Une charge de la dette supÉrieure aux prÉvisions de la loi de finances initiale

La charge de la dette et de la trésorerie de l’État ressort à un niveau supérieur de 12,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Comparaison des prévisions et exécution de la charge de la dette
et de la trésorerie de l’État

(en milliards d’euros)

Exercice

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Prévision en LFI

41,5

41,2

42,1

38,1

36,1

38,7

Exécution

41,7

41,5

40,3

35,8

37,8

50,7

Écart

+ 0,1

+ 0,3

– 1,8

– 2,3

+ 1,7

+ 12,1

N.B. : hors swaps.

Source : lois de finances initiales, lois de règlement et présent projet de loi de règlement.

La forte sur-exécution constatée résulte principalement d’une inflation nettement supérieure aux prévisions, à la suite notamment de l’invasion de l’Ukraine par la Russie (+ 5,2 % pour l’indice des prix à la consommation contre + 1,5 % initialement anticipé). La provision pour charge d’indexation du capital des titres indexés sur l’inflation s’est ainsi établie à 15,5 milliards d’euros contre 4,9 milliards prévus en LFI, soit un coût supplémentaire de 10,6 milliards d’euros.

À ce surcoût lié à l’inflation, se sont ajoutées des dépenses supplémentaires liées à la hausse des taux d’intérêts, notamment de court terme. La charge nette d’intérêts des BTF (498 millions d’euros en 2022) a ainsi été exécutée à un niveau supérieur de 1,3 milliard d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale.

 


—  1  —

   fiche 6 : La comptabilitÉ gÉNÉrale de l’État

Le projet de loi de règlement est accompagné du compte général de l’État prévu à l’article 54 de la LOLF. Le compte général de l’État comporte un bilan, un compte de résultat, un tableau des flux de trésorerie et une annexe. Il se rapproche en cela de la comptabilité d’une entreprise et ne s’en distingue qu’à raison des spécificités de l’action de l’État.

L’article 3 du présent projet de loi de règlement a pour objet d’approuver le compte de résultat de l’exercice 2022, d’affecter ce résultat comptable au bilan, d’arrêter le bilan, puis d’approuver l’annexe du compte général de l’État.

La comptabilité générale permet de rendre compte de l’ensemble de la situation financière et patrimoniale de l’État (I) et des résultats de l’exercice (II).

Elle a aussi pour fonction de retracer les engagements hors bilan de l’État, notamment ceux résultant des engagements de retraite et des garanties octroyées à des entités publiques ou privées (III).

Afin de s’assurer de la fiabilité des informations comptables, le législateur organique, au 5° de l’article 58 de la LOLF, a confié à la Cour des comptes la mission de certifier les comptes de l’État (IV).

I.   Le bilan de l’État : la poursuite de la dÉgradation de la situation nette patrimoniale en dépit de la reprise économique

La situation nette patrimoniale est égale à la différence entre l’actif de l’État, évalué à 1 284,2 milliards d’euros, et son passif, évalué à 3 042,1 milliards d’euros au 31 décembre 2022.

Cette situation nette est donc négative à hauteur de 1 757,9 milliards d’euros au 31 décembre 2022. Elle s’est ainsi de nouveau nettement dégradée, à hauteur de 96,7 milliards d’euros (après 119,8 milliards d’euros en 2021), ce qui s’explique par une détérioration du passif de l’État (+ 158,8 milliards d’euros au total), plus rapide que la hausse de l’actif de l’État (+ 61,8 milliards d’euros).

On relève pour la troisième année consécutive une augmentation significative du passif de l’État, quoiqu’à un rythme plus faible qu’en 2021. Cette progression s’explique principalement par la hausse des dettes financières (+ 138,4 milliards d’euros) contractées. Les dettes non financières sont en légère diminution par rapport à 2021 (– 1,9 milliard d’euros), notamment sous l’effet des baisses des charges de CICE, tandis que les provisions augmentent (+ 16,9 milliards d’euros) du fait de la comptabilisation d’une provision pour transferts au titre des boucliers tarifaires sur l’énergie.

L’actif de l’État a continué sa progression, mais à un rythme moins important qu’en 2021 (+ 61,8 milliards d’euros). Cette croissance résulte de la hausse de la valeur nette des immobilisations corporelles (+ 52,9 milliards d’euros) et de l’augmentation de la valeur nette des immobilisations financières (+ 17,4 milliards d’euros) qui recouvre l’acquisition d’actions EDF pour 8 milliards d’euros.

Il est toutefois important de rappeler que la situation nette de l’État n’est pas comparable à celle d’une entreprise, puisqu’il ne dispose pas, à l’actif, d’un capital social ou équivalent. En outre, l’État dispose d’un actif incorporel particulier, qui n’est pas valorisé dans ses comptes : sa souveraineté et sa capacité à lever l’impôt. Enfin, il comptabilise des charges qui pourraient être considérées comme des investissements pour la collectivité, comme les dépenses de recherche et d’enseignement supérieur.

Structure du bilan 2021-2022

Les chiffres pour 2021 ont fait l’objet d’un retraitement, qui consiste à présenter les comptes de l’exercice précédent retraités des changements de méthodes comptables et des corrections d’erreurs intervenus sur l’exercice en cours.

Source : exposé des motifs du présent projet de loi de règlement.

A.   Un actif en progression

Au 31 décembre 2022, l’actif de l’État avoisinait les 1 300 milliards d’euros, alors qu’il était évalué aux environs de 500 milliards d’euros dans la première édition de la comptabilité générale en 2006. Entre-temps, la connaissance du patrimoine de l’État a été améliorée et enrichie, notamment par la valorisation des infrastructures. Comme pour un bilan d’entreprise, l’actif de l’État est ventilé en immobilisations, actif circulant (stocks et créances) et trésorerie.

Actif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie d’actifs nets

Au 31 décembre 2022

Au 31 décembre 2021

Immobilisations

1 030,5

958,3

Actif circulant

171,2

146,8

Trésorerie active

81,6

117,6

Régularisation

0,9

1,0

Total

1 284,2

1 223,7

Données retraitées.

Source : rapport de présentation, annexe au présent projet de loi.

1.   Des immobilisations en hausse

Les immobilisations de l’État sont évaluées à la clôture de l’exercice à 1 030,5 milliards d’euros au lieu de 958,3 milliards d’euros au terme de 2021. Elles constituent 80 % de l’actif de l’État.

Cette hausse de 72,2 milliards d’euros s’explique principalement par :

– l’augmentation des immobilisations corporelles ([47]) (+ 52,9 milliards d’euros), principalement due à la hausse de la valeur brute des immobilisations mises en concession (+ 29,8 milliards d’euros), en particulier au titre des actifs concédés autoroutiers (+ 21,0 milliards d’euros), et à la hausse de la valeur brute des infrastructures routières (+ 16,7 milliards d’euros) ;

– l’augmentation des immobilisations financières ([48]) (+ 17,4 milliards d’euros). Cette progression résulte en premier lieu de la valorisation des participations de l’État (EDF + 8,0 milliards d’euros ; SNCF SA + 12,9 milliards d’euros, en lien avec la reprise de dette de SNCF réseau à hauteur de 10 milliards d’euros ; Bpifrance + 2,8 milliards). Elle est atténuée par la diminution de l’écart d’équivalence ([49]) d’EDF (– 8,6 milliards d’euros) liée à la crise énergétique.

2.   Un actif circulant qui augmente

L’actif circulant hors trésorerie ([50]) est évalué à 171,2 milliards d’euros au 31 décembre 2022, soit 24,4 milliards d’euros de plus que fin 2021.

3.   Une hausse mesurée du niveau de trésorerie disponible

La trésorerie disponible ([51]) au 31 décembre 2022 s’élève à 81,6 milliards d’euros. La contribution du compte courant détenu par le Trésor à la Banque de France s’est élevée à 35,2 milliards d’euros, ce qui a permis de couvrir le besoin de financement tout en diminuant à due concurrence la trésorerie disponible. Cette baisse intervient après le doublement du niveau de trésorerie observé entre fin 2019 et fin 2020, auquel avait succédé une hausse modérée (+ 4,4 milliards d’euros) en 2021.

C.   la dÉgradation du passif

Passif de l’État

(en milliards d’euros)

Catégorie de passif

 

Au 31 décembre 2022

 

Au 31 décembre 2021

Dettes financières

2 327,8

2 189,4

Dettes non financières

298,3

297,7

Provisions pour risques et charges

176,3

159,7

Autres passifs

63,6

34,2

Trésorerie passive

176,1

174,9

Régularisation

-

25,5

Total

3 042,1

2 881,4

Données retraitées.

Source : présent projet de loi de règlement.

1.   Une croissance toujours forte des dettes financières

Le passif de l’État, principalement constitué de dettes financières (76,5 %), augmente de 160,7 milliards d’euros en 2022.

Le niveau des dettes financières ([52]) s’établit à 2 327,8 milliards d’euros à la fin de l’année 2022. Ainsi, les dettes financières contractées ont connu une hausse de 138,4 milliards d’euros en 2022.

Cette progression, en léger ralentissement par rapport à 2021 (+ 142,3 milliards d’euros), résulte notamment de la hausse soutenue (+ 131,5 milliards d’euros) de la valeur nominale des titres négociables.

Situation nette et poids de la dette financière de l’État

En milliards d’euros

Source : exposé général des motifs du présent projet de loi de règlement.

2.   Des dettes non financières en léger recul

Les dettes non financières ([53]), hors trésorerie, s’élèvent à 298,3 milliards d’euros au 31 décembre 2021, au lieu de 300,2 milliards d’euros au 31 décembre 2021.

Cette baisse de 1,9 milliard d’euros est le solde de plusieurs effets, en particulier :

– le recul des produits constatés d’avance (– 8,2 milliards d’euros) lié à la baisse des primes d’émission sur les nouvelles émissions d’obligations assimilables du trésor (OAT) ;

– la baisse des dettes d’intervention (– 1,8 milliard d’euros), en grande partie liée à la mise en extinction des mesures d’urgence sanitaire qui entraîne mécaniquement une baisse des dettes de l’État pour ces dispositifs ;

– la hausse des autres dettes non financières (+ 7,3 milliards d’euros), en particulier les dettes relatives aux impôts et taxes, dont la hausse reflète l’augmentation significative des acomptes d’IS (+ 5,9 milliards d’euros) sous l’effet du rebond du bénéfice fiscal en 2021 et du cinquième acompte en 2022 ;

– la hausse des dettes de fonctionnement (+ 0,9 milliard d’euros).

3.   Une forte hausse des provisions pour risques et charges

Les provisions pour risques et charges ([54]) augmentent de 16,9 milliards d’euros par rapport à 2021, pour s’établir à 176,3 milliards d’euros, soit une hausse de 10,6 %. Ce poste avait légèrement reculé en 2021.

La hausse s’explique par l’entrée de nouveaux litiges « à fort enjeu » dans le périmètre des provisions. Le recours indemnitaire de la société EDF en lien avec l’augmentation du volume de l’ARENH contribue pour 8,4 milliards d’euros à la croissance des provisions pour litiges (+ 10,4 milliards d’euros).

La hausse des provisions pour transferts (+ 6,3 milliards d’euros) concerne essentiellement le programme Service public de l’énergie, sur lequel est comptabilisée une provision d’un montant de 10,1 milliards d’euros au titre de la prolongation de boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité en 2023.

4.   Une trésorerie passive substantielle

La trésorerie passive correspond aux dépôts des correspondants du Trésor et assimilés, c’est-à-dire des organismes tenus de ou autorisés à déposer leurs fonds auprès de l’État. Elle est de 176,1 milliards d’euros au 31 décembre 2021, en hausse de 1,2 milliard d’euros.

III.   Le compte de rÉsultat de l’État : Un rÉsulTat patrimonial qui se dégrade

Le résultat patrimonial 2022 s’établit à – 160,0 milliards d’euros, en dégradation de 19,2 milliards d’euros par rapport à 2021, sans atteindre son plus bas niveau historique qui avait été établi en 2020 (– 165,7 milliards d’euros).

Cette dégradation résulte d’une hausse significative des charges nettes (+ 45,7 milliards d’euros) tandis que les produits régaliens nets augmentent moins rapidement (+ 26,4 milliards d’euros).

FORMATION du rÉsultat de l’État en 2022

(en milliards d’euros)

Poste

Exercice 2022

Exercice 2021

Exercice 2020

Exercice 2019

 

 

 

 

Cycle

de fonctionnement

Charges (a)

305,2

282,7

269,9

271,4

Produits (b)

79,6

77,7

78,4

77,0

Charges nettes (I = a-b)

225,6

205,0

191,5

194,4

 

 

 

 

Cycle

d’intervention

Charges (a)

258,6

269,7

274,1

206,1

Produits (b)

58,5

68,1

50,9

43,1

Charges nettes (II = a-b)

200,1

201,6

223,2

163

 

 

 

 

Cycle

Financier

Charges (a)

77,5

50,0

71,2

45,5

Produits (b)

26,3

24,1

29,5

23,1

Charges nettes (III = a-b)

51,2

25,9

41,7

22,4

 

 

 

 

Total des charges nettes (A = I + II + III)

476,9

432,5

456,4

379,8

 

 

 

 

Produits régaliens nets (B)

316,9

290,4

290,6

295,2

 

 

 

 

Résultat (B-A)

 160,0

 142,1

 165,7

 84,5

Source : lois de règlement 2019 à 2020, projet de loi de règlement 2021 et présent projet de loi de règlement.

A.   Le cycle de fonctionnement

Les charges nettes de fonctionnement ([55]) ont augmenté de 20,6 milliards d’euros en 2022.

Les charges de fonctionnement comprennent notamment les charges de personnel (157,5 milliards d’euros), qui progressent de 5,9 milliards d’euros par rapport à 2021, principalement sous l’effet des mesures de soutien au pouvoir d’achat, et représentent 70 % des charges de fonctionnement nettes de l’État.

Les dotations nettes des reprises voient leur montant doubler (+ 10,1 milliards d’euros). Les achats, variations de stocks et prestations externes progressent (+ 2,2 milliards d’euros), pour moitié en raison des charges afférentes aux armées dans le contexte du conflit en Ukraine. Les versements de subventions pour charges de service public augmentent également (+ 1,1 milliard d’euros), principalement sous l’effet de la subvention exceptionnelle supplémentaire (+ 2 milliards d’euros) versée à France Compétences, portant le montant total versé à cet établissement public à 4 milliards d’euros.

B.   Le cycle d’intervention

Les charges nettes d’intervention ([56]) diminuent de 1,5 milliard d’euros en 2022.

Cette évolution s’explique par la forte baisse des transferts aux entreprises (– 29,4 milliards d’euros) en raison de la mise en extinction des mesures d’urgence et de relance pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire.

Les transferts aux autres collectivités que les collectivités territoriales sont en hausse (+ 2,9 milliards d’euros), essentiellement en raison du reversement de fonds européens de relance aux organismes de sécurité sociale.

On relève une hausse significative des dotations nettes relatives aux provisions pour transferts aux entreprises (+ 19,2 milliards d’euros), avec en particulier une augmentation des dotations nettes relatives aux charges de service public de l’énergie (+ 13,6 milliards d’euros), à l’engagement de l’État envers SNCF Réseau en faveur de la régénération ferroviaire (+ 3,1 milliards d’euros) et à la comptabilisation de moindres reprises sur 2022 pour les dispositifs de l’activité partielle (+ 1,9 milliard d’euros).

Les produits d’intervention sont en baisse de 7,4 milliards d’euros, principalement du fait de la comptabilisation, l’année précédente, des fonds européens versés à la France au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR).

C.   Le cycle financier

Le cycle financier, qui comprend essentiellement le paiement des intérêts de la dette, enregistre une hausse de 25,3 milliards d’euros, sous l’effet combiné de l’évolution des charges d’indexation dans un contexte inflationniste et de la seconde reprise par l’État de la dette de SNCF Réseau.

D.   Les produits rÉgaliens nets

Les produits régaliens nets sont la somme des produits fiscaux nets et des amendes et pénalités, sous déduction des ressources propres du budget de l’Union européenne. Ils sont en forte hausse en 2022 (+ 26,4 milliards d’euros).

Les produits fiscaux nets augmentent de 24,5 milliards d’euros, portés par les recettes de TVA (+ 5,0 milliards d’euros), d’IR (+ 9,4 milliards d’euros) et d’IS (+ 15,9 milliards d’euros). Ce dynamisme des recettes fiscales fait l’objet de développements plus complets dans la fiche 2 du présent rapport.

Le montant de la contribution française au budget de l’Union européenne est en baisse de 2,1 milliards d’euros par rapport à 2021.

Les produits rÉgaliens nets

(en milliards d’euros)

Catégorie de produits

31 décembre 2022

31 décembre 2021

31 décembre 2020

31 décembre 2019

Produits fiscaux nets

330,7

306,2

305,3

304,3

Amendes, prélèvements divers et autres pénalités

10,4

10,6

9,0

12,0

Ressources propres du budget de l’Union européenne

– 24,2

– 26,4

– 23,7

– 21,0

Total

316,9

290,4

290,6

295,3

Source : lois de règlement 2019 à 2020, projet de loi de règlement 2021 et présent projet de loi de règlement.

IV.   Les engagements hors bilan

Les engagements hors bilan de l’État sont constitués de l’ensemble des obligations potentielles qui, sans réunir les critères d’inscription au bilan ou au compte de résultat, s’imposent à l’État et sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur sa situation financière.

Principaux engagements hors bilan

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(en milliards d’euros)

Source : rapport de présentation, annexe au présent projet de loi.

Ils s’élèvent à environ 3 799 milliards d’euros fin 2022.

Les engagements hors bilan relatifs aux retraites (1 684 milliards d’euros) –sont en forte baisse de 951 milliards d’euros en 2022. L’évaluation est en effet très sensible au taux d’actualisation retenu, qui correspond à la valeur des OAT€i de long terme, pour évaluer le besoin de financement pluriannuel au titre des régimes de retraite entrant dans ce périmètre. La baisse de la valeur des engagements est liée à la forte augmentation du taux d’actualisation entre 2021 et 2022.

La dette garantie par l’État au titre des engagements pris dans le cadre d’accords biens définis augmente de 65,6 milliards d’euros. Cette évolution résulte notamment de :

– la diminution de l’engagement au titre des prêts garantis par l’État (– 17,0 milliards d’euros) ;

– la hausse des garanties liées à des missions d’intérêt général (+ 51,6 milliards d’euros) en raison d’une collecte dynamique sur le livret A et le livret de développement durable et solidaire ;

– l’augmentation des engagements financiers de l’État (+ 35,6 milliards d’euros).

Les engagements de l’État découlant de sa mission de régulateur économique et social diminuent de 320,6 milliards d’euros (soit environ un tiers de cet agrégat), principalement sous l’effet de la baisse des engagements au titre des régimes sociaux et de retraite, également en lien avec l’augmentation du taux d’actualisation.

V.   LA Certification des comptes

Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 47‑2 de la Constitution dispose que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères » et qu’« ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ». Le troisième alinéa de l’article 27 de la LOLF prévoit que « les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière ».

Le législateur a ainsi confié à la Cour des comptes la mission de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l’État. Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, les comptes de l’État ont été systématiquement certifiés, même si cette certification a toujours été assortie de réserves. Les premières années ont été marquées par des progrès significatifs, ce qui a permis, en dix ans, la levée de quatorze réserves.

À partir de 2015, les comptes de l’État ont été certifiés réguliers et sincères, sous quatre réserves substantielles invariantes :

– les limites générales dans l’étendue des vérifications ;

– les anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ;

– les anomalies relatives aux immobilisations financières ;

– les anomalies relatives aux charges et aux produits régaliens.

Dans un effort de lisibilité, la Cour des comptes a choisi, à partir de la certification des comptes de 2021, de modifier la présentation de son rapport. Ainsi, elle a reclassé les vingt-deux constats d’audits, regroupés en quatre réserves en 2020, en observations, au sein desquelles sont distinguées, d’une part les « anomalies significatives » et, d’autre part, les « insuffisances d’éléments probants ».

Ainsi, la Cour relève les quatre anomalies significatives suivantes dans le compte général de l’État pour 2022 :

– la sous-évaluation des provisions et dépréciations liées aux matériels militaires ;

– la surévaluation de la participation de l’État dans EDF ;

– le traitement de la Caisse des dépôts et consignations et du fonds d’épargne en participations non contrôlées ;

– l’absence de mention des engagements pris pour garantir la dette de Bpi France.

Ces quatre observations sont reconduites du rapport de l’année précédente. La cinquième anomalie relevée en 2021, à savoir la comptabilisation inappropriée des charges entraînées par plusieurs dispositifs d’intervention, n’est pas reprise pour 2022.

La Cour met également en évidence l’insuffisance d’éléments probants sur onze postes comptables significatifs :

– la valeur du patrimoine immobilier ;

– la valeur du réseau routier ;

– la valeur des actifs liés aux programmes d’armement ;

– la valeur de certaines entités contrôlées par l’État ;

– la valeur des stocks militaires ;

– la valeur des créances fiscales ;

– le provisionnement des obligations de dépollution et désamiantage ;

– la justification des soldes de trésorerie ;

– le montant des charges relatives aux boucliers tarifaires

– le montant des charges d’intervention ;

– le montant des produits fiscaux.

L’observation de la Cour sur l’insuffisance d’éléments probants relatifs aux chargées liées aux boucliers tarifaires est entièrement nouvelle.

 


—  1  —

   travaux de la commission

audition de la commission

Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094)

Au cours de sa séance du mercredi 26 avril après-midi, la commission a procédé à l’audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, et de M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le programme de stabilité présenté aux institutions européennes ainsi que sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095) et le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094).

M. le président Éric Coquerel. Comme nous sommes en période de suspension des travaux de l’Assemblée, nous tenons une réunion hybride, à la fois dans la salle de la commission et en visioconférence, afin de permettre aux députés éloignés de Paris de participer à cette audition.

Je remercie Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué, chargé des comptes publics, d’avoir répondu à la traditionnelle invitation de notre commission à présenter le programme de stabilité, délibéré ce matin même en conseil des ministres et qui nous a été communiqué. Certains chiffres nous avaient déjà été transmis la semaine dernière, par Bruno Le Maire, ce qui fait que les membres de la commission avaient déjà eu des informations.

Je précise que, du fait de la réforme organique du 28 décembre 2021, le rapport sur les orientations des finances publiques n’est plus un document distinct : il est intégré au programme de stabilité.

Ont également été délibérés, dès le 13 avril, le projet de loi de règlement du budget pour 2022, ainsi qu’un nouveau projet de loi de règlement du budget pour 2021.

Après cette audition, la séquence relative aux orientations et à la programmation des finances publiques se poursuivra avec un débat en séance publique, le mercredi 10 mai, comme le permet l’article 1er K de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Il nous semblait important d’évoquer ces sujets en commission des finances pour avoir le loisir d’interroger les ministres afin de préparer au mieux le débat du 10 mai.

Le programme de stabilité est l’occasion d’évoquer les objectifs et les hypothèses retenus par le Gouvernement pour élaborer une stratégie budgétaire. Le programme de stabilité que vous nous avez communiqué établit ainsi une trajectoire jusqu’en 2027.

Le solde des administrations publiques, qui s’est finalement établi à – 4,7 % en 2022, devrait être plus dégradé en 2023, puisqu’il serait porté à – 4,9 %. Néanmoins, la réduction ultérieure du déficit public, d’environ 0,5 point de PIB par an, permettrait d’atteindre un déficit inférieur à 3 % en 2027. De même, la dette publique se stabiliserait à un niveau inférieur à 109 % du PIB en 2027 et la dépense publique décroîtrait en part du PIB pour passer sous la barre des 54 % en 2027, alors qu’elle est de 56 % en 2023.

Il serait intéressant de comprendre comment une trajectoire qui semble assez mal partie pour 2023, du fait d’un creusement du déficit public par rapport à 2022, pourrait autant s’améliorer à partir de 2024.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis très heureux de vous présenter, avec le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, le programme de stabilité, tel que nous le transmettrons à nos partenaires européens. Il marque notre volonté d’accélérer le désendettement de la France. S’il y a une chose à en retenir, c’est en effet que le niveau de la dette publique sera inférieur de 4 points par rapport au précédent programme de stabilité, ce qui traduit notre détermination à accélérer la réduction des déficits et de la dette publique. Nous faisons ce choix d’accélérer le désendettement après avoir protégé massivement nos compatriotes.

Nous l’avons fait à deux reprises, d’abord pendant la crise du covid, avec le « quoi qu’il en coûte ». Nous avons alors dépensé 240 milliards d’euros, soit environ 10 % de notre richesse nationale. Ce choix du Président de la République a permis d’éviter des vagues de faillites et une explosion du chômage, et nous a permis de réussir, mieux que tous nos partenaires européens, la relance économique qui a suivi, à hauteur de 100 milliards d’euros. Nous sommes, je le rappelle, la première nation de la zone euro à avoir retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise à la fin 2021.

La deuxième crise à laquelle nous avons répondu, c’est celle de l’inflation, avec le bouclier tarifaire. Ce bouclier, qui était la principale mesure destinée aux ménages, a permis à ces derniers d’économiser entre 180 et 200 euros par mois sur l’augmentation des factures de gaz et d’électricité. La politique que nous avons menée a eu un coût de 44 milliards d’euros, dont 24 milliards pour le bouclier tarifaire, qui a été en partie compensé par la taxation des surprofits des entreprises énergéticiennes.

La conséquence de ce choix de protection, c’est une forte augmentation des dépenses publiques : le déficit s’est établi à 6,5 % en 2021 et la dette a progressé de 16 points entre 2019 et 2021, passant de 97 % à 113 % du PIB. Contrairement à celle liée à la crise financière de 2008-2010, cette augmentation de la dette publique se situe dans la moyenne des autres pays européens. Au cours de la même période, de 2019 à 2021, la dette publique allemande a augmenté de 10 points, celle de l’Italie, de 16 points, et celle de l’Espagne, de 20 points. Le décrochage de la dette publique française par rapport à celle de nos voisins européens remonte à la crise financière de 2008-2010, et non à la crise du covid.

En 2022, nous avons commencé à rétablir les comptes : le déficit a alors été de 4,7 %, soit 0,3 point de moins que ce qui était prévu, et la dette a commencé à baisser, passant de 113 % à 111,6 % du PIB. En 2023, nous avons fait le choix d’accélérer ces réductions, en ciblant davantage les dépenses et en sortant définitivement du « quoi qu’il en coûte ». Nous avons notamment remplacé des mesures générales par des mesures ciblées, le meilleur exemple étant la remise sur les carburants, qui était de 30 centimes par litre pour tous nos compatriotes : elle est devenue une indemnité carburant de 100 euros, réservée aux personnes qui travaillent. Le coût du bouclier sur l’essence, en passant de 8 milliards en 2022 à moins de 1 milliard en 2023, a ainsi été divisé par huit.

Nous voulons maintenant accélérer la maîtrise des dépenses publiques et le désendettement de la France. Alors qu’en juillet 2022, nous avions comme objectif d’atteindre 2,9 % de déficit public en 2027, nous nous fixons désormais un objectif de 2,7 %. S’agissant de la dette, notre objectif pour 2027 passe de 112,5 % à 108,3 % du PIB, soit 4 points de moins. L’accélération du désendettement de la France vient d’être saluée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

Ces objectifs nouveaux et plus exigeants sont évidemment fixés sans toucher à nos prévisions de croissance. Nous ne jouons pas sur ce facteur pour modifier le ratio de dette publique. La croissance potentielle reste fixée à 1,35 %.

Pourquoi prenons-nous la décision d’accélérer le désendettement ? Nous le faisons pour trois raisons.

La première, c’est la nécessité de reconstituer nos marges de manœuvre dans l’hypothèse où nous devrions faire face, demain, à un nouveau choc et à une nouvelle crise conjoncturelle. Par ailleurs, après avoir demandé à nos compatriotes de faire un effort en matière de durée du travail pour rétablir les équilibres financiers, dans le cadre de la réforme des retraites, il me paraît juste de demander à l’État, aux collectivités locales et aux acteurs publics de faire également un effort pour rétablir les finances publiques.

En deuxième lieu, et c’est sans doute le point décisif, les conditions de financement de notre dette ont radicalement changé : nous sommes dans un nouvel univers monétaire. Notre responsabilité, étant dans la majorité, est de nous confronter à cette réalité monétaire plutôt que de la fuir ou de la nier. La nécessité de lutter contre l’inflation et de revenir à des taux moins pénalisants en la matière pour les Européens, pour nos compatriotes et en particulier pour les catégories les plus modestes, a mis fin à toute politique monétaire accommodante. Le resserrement de la politique monétaire, en Europe comme aux États-Unis, se traduit par une augmentation rapide des taux d’intérêt, à un rythme que l’on n’avait pas connu depuis plusieurs décennies. En douze mois, les taux d’intérêt ont ainsi augmenté de 200 points de base. Alors qu’ils étaient de l’ordre de 1 % à dix ans, ils sont passés à 2,9 ou 3 %.

Voilà la nouvelle réalité financière et monétaire de la France. Elle est évidemment commune à tous les pays de la zone euro et à tous les pays développés, mais elle nous amène à accentuer notre désendettement. La France est, en effet, le premier émetteur de dette de la zone euro, à hauteur de 270 milliards d’euros pour 2023. La charge de la dette est d’autant plus sensible à la variation des taux d’intérêt : 1 point de taux d’intérêt en plus, comme lors des derniers mois, représente 15 milliards d’euros de dépenses supplémentaires au titre de la charge de la dette à l’horizon 2027. C’est de l’argent jeté par les fenêtres ! Ces 15 milliards pourraient être mieux employés pour les hôpitaux, les écoles, les crèches, les universités, c’est-à-dire le service public. Réduire la dette, c’est donc retrouver de la liberté, de la souveraineté.

Enfin, dernière raison, nos partenaires européens se sont engagés dans la même politique. Il me semble, lorsqu’on fait partie d’une zone monétaire, d’un club monétaire qui vous a assuré sa protection pendant la crise du covid, par l’émission de dette en commun, qu’il est préférable de jouer le même jeu que vos partenaires européens. Ils se sont tous, sans exception, engagés dans un rétablissement rapide de leurs finances publiques.

Comment allons-nous mettre en œuvre cette politique ? Notre stratégie repose sur les mêmes piliers que ceux que nous avions utilisés en 2017 et 2018, avec succès, puisque nous avions rétabli les finances publiques. Nous étions revenus, à ce moment-là, sous les 3 % de déficit.

Le premier pilier est la croissance. Nous ne voulons pas d’austérité. Nous n’y croyons pas : lorsque la France a fait le choix de l’austérité, elle a tout perdu, en matière de croissance, de chômage et même, au bout du compte, de finances publiques. Nous voulons simplement ralentir la dépense publique, pour que son évolution ne soit pas supérieure au rythme de l’inflation, et augmenter la prospérité de la France par la croissance.

Pour avoir plus de croissance, nous voulons d’abord continuer à investir. Cela reste un des maîtres mots de notre politique économique : nous voulons continuer à investir dans l’innovation, dans les nouvelles technologies, dans l’industrie verte, dans la décarbonation de notre économie, dans l’intelligence artificielle, dans le calcul quantique, dans tout ce qui fera de la France une des grandes nations qui comptent au XXIe siècle. J’en fais une priorité absolue. Nous pouvons conjuguer rétablissement des finances publiques et maintien d’un haut niveau d’investissement dans l’innovation, et je crois même que l’un est la condition de l’autre. Nous avons donc décidé de sanctuariser les crédits de France 2030 – 54 milliards d’euros –, de maintenir le crédit d’impôt recherche et de développer, comme l’a proposé la Première ministre, un Fonds vert pour les collectivités locales, afin de les aider à investir dans la décarbonation.

La croissance, c’est l’investissement, mais aussi le travail. Nous continuons notre politique de développement du volume global de travail en France, qui reste un des plus faibles de tous les pays développés. La réforme de l’assurance chômage, la réforme des retraites et la création de France travail font partie des moyens d’augmenter le volume global de travail de la nation française pour qu’elle ait plus de prospérité. Il me semble qu’il est cohérent de dire que nous voulons garder un système de redistribution généreux et efficace et de le financer par un volume global de travail plus important.

Enfin, la croissance suppose que nous continuions à baisser des impôts. Nous maintiendrons, par conséquent, la politique que nous avons engagée, avec le Président de la République, depuis six ans. Nous avons supprimé la contribution à l’audiovisuel public, la taxe d’habitation sera définitivement supprimée d’ici à la fin 2023, et nous aurons également supprimé de façon définitive, fin 2024, la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, qui est un impôt de production pesant sur notre industrie.

Cette politique de baisse des impôts permettra de réduire de 1 point le taux des prélèvements obligatoires en France. Il passera de 45,3 % du PIB en 2022 à 44,4 % en 2027. Cette baisse de près de 1 point des prélèvements obligatoires laissera, malgré tout, la France dans le peloton de tête des pays développés pour ce qui est du niveau des taxes et impositions. C’est bien pour cela que nous ne voulons pas varier de ligne.

Le deuxième pilier de l’accélération du désendettement, au-delà de la croissance, est la sortie du bouclier énergétique dans les deux années à venir. Nous voulons sortir du bouclier sur le gaz et du bouclier sur l’électricité progressivement, mais totalement, d’ici début 2025.

Nous commencerons par le bouclier sur le gaz. Les prix en la matière sont revenus à ce qu’ils étaient avant la crise, à savoir 50 euros le mégawattheure. Il n’y a donc pas de raison de maintenir un bouclier sur les prix du gaz.

Nous sortirons progressivement du bouclier sur l’électricité : nous prendrons là plus de temps, car les prix de l’électricité restent encore élevés en France. Nous agirons progressivement d’ici au début de l’année 2025.

Le troisième pilier est le refroidissement de la dépense publique. La dépense publique, de l’État et des collectivités locales, augmentera moins vite que l’inflation.

Nous avons fait le choix de mettre l’accent sur la dépense de l’État. Une des modifications importantes par rapport au précédent programme de stabilité, c’est que le ralentissement des dépenses de l’État sera en moyenne, en volume par an, supérieur au ralentissement de la dépense des collectivités locales – il sera de 0,8 % pour l’État et de 0,5 % pour les collectivités locales. J’insiste sur ce point, parce que les collectivités locales s’étaient émues, à juste titre, que les exigences pour l’État étaient inférieures dans le précédent programme de stabilité, à 0,4 % pour l’État et 0,5 % pour les collectivités locales. Nous avons fait le choix, avec Gabriel Attal, de proposer un ralentissement plus marqué pour les dépenses de l’État.

Le refroidissement de la dépense s’accompagnera de deux éléments de méthode. La revue des dépenses publiques doit, tout d’abord, se conclure par des assises des finances publiques, qui auront lieu fin mai-début juin. Cela nous permettra d’identifier très clairement les dépenses inefficaces ou dont le rendement est insuffisant, afin d’économiser plusieurs milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024. Le deuxième élément de méthode est la lettre de cadrage signée par la Première ministre, qui demande à chaque membre du Gouvernement d’identifier 5 % de marge de manœuvre sur son budget.

Ce nouveau programme de stabilité, vous le voyez, marque notre détermination à accélérer le désendettement, qui est un choix politique, au sens le plus noble du terme, de liberté. En effet, il ne peut pas y avoir de liberté pour une grande nation lorsque sa dette est excessive. Le désendettement est une affirmation de notre souveraineté et de notre indépendance.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Vous me permettrez de compléter les propos de Bruno Le Maire au sujet du programme de stabilité et de dire un mot des projets de loi de règlement auxquels cette audition est, je crois, également consacrée.

Le programme de stabilité traduit notre volonté de maîtriser nos finances publiques dans un contexte macroéconomique qui, comme Bruno Le Maire l’a dit, n’a rien à voir avec celui qui nous avait permis de mener le « quoi qu’il en coûte ». Il y a un an, lorsque j’ai pris mes fonctions, la France empruntait encore à un taux d’intérêt d’environ 1 %. Elle emprunte aujourd’hui à plus de 3 %, autrement dit, nos taux d’intérêt ont triplé en deux ans. Aucun pays au monde pourrait ne rien changer quand tout change autour de lui, et il est urgent de reprendre le contrôle en s’engageant résolument sur une trajectoire de désendettement.

Il faut reprendre le contrôle, mais pas de n’importe quelle manière. Nous refusons un réflexe fiscal qui consisterait à augmenter les impôts. Depuis 2017, nous les avons baissés de 50 milliards d’euros : 25 milliards pour les ménages et 25 milliards pour les entreprises. C’est un motif de fierté, d’autant que nous collectons davantage avec des taux plus bas. Nous avons, par exemple, fait passer le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, mais nous collectons plus d’impôt sur les sociétés qu’à l’époque où le taux était de 33 %, parce que la baisse de la fiscalité libère l’activité économique, élargit l’assiette taxable et permet donc davantage de recettes pour l’État.

Nous assumons, par ailleurs, de faire des économies en 2024 et les années suivantes, sans renoncer aux priorités qui ont été fixées. La revue des dépenses que nous avons lancée permettra d’entrer dans le détail de ces économies, mais nous savons d’ores et déjà que nous pouvons mieux faire dans de nombreux domaines. Une lettre de cadrage adressée par la Première ministre à l’ensemble des ministres nous invite à identifier 5 % de marge de manœuvre dans les budgets des ministères. En clair, ce n’est pas de l’austérité, mais tout simplement de la responsabilité.

Bruno Le Maire l’a dit, nous rehaussons nos ambitions concernant le déficit pour 2027. Je crois profondément qu’il n’y a pas d’autre chemin que celui du sérieux budgétaire, car être sérieux, c’est ce qui permet d’être ambitieux pour nos services publics, pour notre école, notre police, notre justice et notre armée, pour lesquelles nous avons engagé un réarmement budgétaire inédit, et ambitieux aussi pour notre hôpital public et nos soignants, qui ont tant donné pendant la crise sanitaire et que nous devons continuer à soutenir.

Enfin, je pense qu’il faut prouver aux contribuables que leur argent est bien employé. Quand la dépense publique d’un pays représente un tel volume, les citoyens sont en droit d’attendre les meilleurs services publics d’Europe. Nous voulons diminuer le poids de la dépense publique par rapport à la richesse nationale : dans le programme de stabilité qui vous est présenté, il passera de 57,5 % du PIB en 2022 à 53,5 % en 2027, mais l’enjeu n’est pas tant de dépenser moins que de dépenser mieux. Beaucoup de Français, en réalité, ont le sentiment de payer beaucoup d’impôts mais de ne pas toujours voir à quoi ils servent.

C’est la raison pour laquelle j’ai lancé hier l’opération « En avoir pour mes impôts », qui permettra de faire une transparence totale et de dire clairement aux Français comment leurs impôts sont dépensés, au niveau national comme au niveau local. Les contribuables pourront retrouver, à l’échelle de leur département, la déclinaison de ce que leurs impôts financent. Ils pourront le savoir dans leur préfecture, dans leur centre des impôts, dans leur espace France service et, bien sûr, sur internet.

Cette opération permet également de lancer une grande consultation grâce à laquelle chaque Français pourra dire directement comment il pense que ses impôts doivent être dépensés, pour quelles priorités et pour quels services publics, mais aussi quelles économies peuvent être réalisées.

Je souhaite, au fond, avec Bruno Le Maire, placer la stratégie de réduction de notre déficit et de notre dette sous le signe de la confiance : la confiance que les Français doivent retrouver dans l’impôt, la confiance dans nos services publics, qui sont notre priorité et que nous voulons hisser de nouveau au premier rang en Europe, et la confiance dans l’État et en sa capacité à lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques – c’est l’objet du grand plan que je présenterai prochainement. La première traduction concrète en est le projet de loi de modernisation des pouvoirs de nos douaniers, dont l’examen commencera au Sénat à la fin du mois de mai et devrait débuter ici à la mi-juin.

J’en viens, rapidement, à la question de l’exécution budgétaire. Cette année, la situation est originale, puisque nous présentons pour la première fois deux projets de loi de règlement. Nous devons, en effet, présenter à nouveau le projet de loi de règlement pour 2021 parce que, chacun s’en souvient, il a été rejeté à l’Assemblée nationale en lecture définitive, le 3 août dernier, alors qu’il y avait été adopté lors des deux précédentes lectures. Par ailleurs, nous présentons la loi de règlement pour l’exercice 2022.

Chacun vote évidemment comme il l’entend, mais je veux faire part de la circonspection qui est la mienne face au rejet d’un texte d’exécution budgétaire. Il s’agit, certes, d’un texte financier, et il est naturel que nous ayons des désaccords sur la politique à mener – sinon nous appartiendrions tous à la même famille politique –, c’est-à-dire des désaccords sur l’avenir, mais pas sur la constatation de ce qui s’est produit dans le passé. Je suis conseiller municipal, d’opposition, depuis près de dix ans, et je n’ai pas le souvenir d’avoir voté contre un compte administratif présenté au printemps par la majorité de ma commune, car c’est tout simplement l’état des comptes de l’année précédente. On peut changer l’avenir, mais difficilement le passé.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de la photographie de 2022 ? Le premier est l’efficacité de notre politique économique. En nous attaquant au prix de l’énergie, nous avons préservé la croissance économique et donc contribué au dynamisme des recettes, principal facteur de l’amélioration de notre déficit public. Les recettes ont, en effet, progressé de 7,3 % en 2022, après avoir augmenté de 8,4 % en 2021. Cette évolution repose principalement sur la progression de l’impôt sur les sociétés, qui a augmenté de 15,8 milliards d’euros. Cela nous a permis d’atteindre un record : 62,1 milliards ont été prélevés à ce titre l’année dernière, ce qui a fortement contribué à la baisse de notre déficit public, qui est passé de 6,5 % à 4,7 %. La réalité, c’est que nos choix économiques se sont révélés vertueux sur le plan budgétaire. Comme pendant la crise du covid, nous avons fait le choix de la protection des Français face à la vie chère, tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques.

Néanmoins, et c’est le deuxième enseignement du projet de loi de règlement pour 2022, le solde des administrations publiques demeure très dégradé, précisément parce que nous avons déployé des moyens considérables pour casser la spirale inflationniste. Au total, pour les années 2021 et 2022, nous avons mis 34,5 milliards sur la table pour lutter contre l’inflation grâce au bouclier énergétique.

Dernier point, nous devons impérativement tenir nos objectifs en matière de finances publiques à l’horizon 2027. Il faudra engager des efforts importants en ce qui concerne la dépense publique. C’est le travail que nous avons lancé, avec Bruno Le Maire, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Nous ne proposons pas, je le rappelle très clairement, l’austérité ; nous défendons seulement la responsabilité.

Les prochaines marches vers les 3 %, à l’horizon 2027, seront plus difficiles à franchir, parce que l’environnement économique n’est plus le même. En 2022, nous avons été portés par une croissance de 2,6 % ; elle s’établira autour de 1 % cette année, dans un contexte de ralentissement mondial, même si la France continue à mieux s’en sortir que la plupart de ses voisins et des autres pays.

M. le président Éric Coquerel. Votre volonté, vous l’avez dit, est de désendetter la France et de réduire les déficits. Vous niez le terme de politique d’austérité, mais je maintiens que vous menez une politique d’offre, ce que vous ne contestez pas, et une politique d’austérité. Quand on compare les évolutions que vous proposez pour les dépenses de l’État et des collectivités, c’est-à-dire – 0,8 % pour l’État et – 0,5 % pour les collectivités, et la croissance tendancielle qu’il faudrait pour répondre aux besoins de la population dans les années à venir, notamment compte tenu de la démographie, à savoir 1,2 % selon le Gouvernement et 1,7 % selon l’Institut Montaigne, on voit bien qu’il y aura une cure d’austérité, la plus forte que la Ve République ait connue. Par ailleurs, une baisse de 5 points de PIB d’ici à 2027, en dehors des dépenses liées à la charge de la dette, représenterait 135 milliards d’euros d’économies.

Encore cela ne tient-il pas compte des effets de la loi de programmation militaire. Nous avons auditionné, le 5 avril, Pierre Moscovici, en sa qualité de président du HCFP : il nous a dit que pour tenir les objectifs de la loi de programmation militaire, il faudrait en réalité une baisse de 1,4 % de toutes les autres dépenses de l’État. Je maintiens qu’une telle politique mérite le nom d’austérité. Tout cela dépend, en outre, d’une prévision de croissance, de 1,7 % en 2025-2027, que le HCFP vient de considérer, dans son avis, comme optimiste et de chiffres très certainement sous-estimés en matière d’inflation, puisque vous évaluez celle-ci à 2,6 % en 2024.

Vu la situation, que personne ne nie, c’est-à-dire les différentes urgences auxquelles nous avons affaire, qu’il s’agisse de la transition écologique, de la refondation de l’hôpital public, évoquée par le chef de l’État il y a plus de huit jours, notamment la nécessité de faire en sorte que plus un service d’urgence ne soit engorgé – même si ce n’est pas tant la question de l’engorgement qui se pose, mais plutôt celle de la fermeture de certains services d’urgence, faute de moyens –, ou qu’il s’agisse de l’éducation nationale et de la défense, je crois qu’un programme de stabilité ne devrait pas partir de la question impérieuse de la réduction des déficits. Je ne dis pas qu’il ne faut pas les réduire, mais que ce n’est pas ce qui devrait être fixé en priorité ; c’est de la réponse à apporter aux besoins qu’il faut partir. Je continue à considérer qu’après une année 2022 qui a été la plus chaude en mer et sur terre, et au cours de laquelle nous avons atteint un record de fonte des glaciers, notamment en France, la question de la dette écologique que nous laisserons à nos enfants est bien plus importante que celle de la dette financière.

S’agissant du déficit, vous justifiez le fait de redescendre à 2,7 % du PIB par l’augmentation des taux d’intérêt, mais je vous ferai remarquer qu’ils augmentent moins que l’inflation ; les taux d’intérêt réels restent donc encore négatifs. Vous pouvez également dire qu’il faut absolument, afin de rassurer les marchés, faire en sorte que la dette n’augmente pas de manière inconsidérée, mais je vous ferai également observer que la demande pour nos titres est largement supérieure aux montants offerts. Nous ne sommes donc pas dans une situation de risque telle que cela devrait être la priorité absolue.

Quant à l’idée selon laquelle il serait juste qu’après avoir imposé un effort à nos concitoyens, l’État s’en impose un à lui-même, je rappelle que l’État et les services publics sont au service des citoyens, de telle sorte que ce sont, en dernière instance, nos concitoyens qui en paieraient le prix parce qu’ils bénéficieraient de moins de services publics et de mécanismes de solidarité nationale.

Pour ce qui concerne les dépenses publiques, nous pourrions éventuellement nous entendre sur les moyens de réduire la dette si nous estimions que c’était la priorité. Mais, dès lors que vous excluez de remettre en question les dépenses fiscales, qui ont considérablement augmenté – elles représentent 50 milliards d’euros par an depuis 2017 et devraient atteindre 60 milliards par an pour les cinq prochaines années – et qui, comme le montrent toutes les études, servent davantage à nos concitoyens les plus aisés, notamment aux détenteurs du capital, ce sont évidemment les dépenses publiques qui en pâtissent. À cela s’ajoutent les aides aux entreprises, qui ont atteint environ 200 milliards par an, soit une augmentation de 80 milliards par an en cinq ans, sans contrepartie. Je précise à cet égard que, pour nous, les aides aux entreprises, si elles sont légitimes, doivent néanmoins être ciblées, avec des critères et des contreparties, afin d’éviter qu’elles soient, par exemple, utilisées pour distribuer des dividendes. Il existe là d’autres réserves possibles avant de toucher aux dépenses publiques.

Je rappelle, enfin, que les dépenses publiques sont des recettes. Si la France n’a pas connu de récession après la crise des subprimes, c’est parce que le feu de l’activité économique n’était pas entretenu par le marché privé, mais par les dépenses, car celles-ci, en vertu d’un coefficient multiplicateur, rejaillissent dans toute l’économie en termes d’emplois ou de marchés, par exemple pour le BTP via la construction de logements sociaux. La réduction de ces dépenses induit donc un risque récessionniste dans une période économique à venir que je continue à juger inquiétante.

J’en viens à mes questions. Pour réduire le déficit public de l’ordre de 0,5 point de PIB par an et retrouver en 2027 un déficit inférieur à 3 %, il est nécessaire de maîtriser fortement l’évolution annuelle de la dépense publique. Lors du précédent programme de stabilité, cette maîtrise devait s’appliquer dans les mêmes proportions aux dépenses de l’État et à celles des collectivités territoriales. Avec le nouveau programme de stabilité que vous présentez, cette stratégie de maîtrise du rythme de progression de la dépense publique est révisée de manière différenciée pour l’État et pour les collectivités territoriales, qui ne connaîtraient plus la même progression. L’effort portant sur la part des dépenses revenant à l’État est, de fait, accru. Alors que les engagements des lois de programmation déjà votées ou en cours de discussion sont ambitieux et prévoient une croissance forte de certaines dépenses budgétaires, n’est-il pas illusoire de prévoir une aussi faible croissance de l’ensemble de la dépense publique ?

Vous indiquez, en page 56 du programme de stabilité, que les collectivités locales seront « associées à l’effort de modération de la dépense publique selon des modalités qui seront déterminées en concertation avec les différents acteurs, sans rétablissement du mécanisme de sanction de la précédente loi de programmation ». Pouvez-vous nous en dire plus sur ces modalités de modération de la dépense publique locale ?

Dans vos prévisions d’évolution des recettes publiques, vous relevez qu’il est difficile de chiffrer les recettes qui résulteront de la mise en œuvre de l’imposition minimale des grandes entreprises, soit la réforme du pilier 2 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont vous dites, en page 57 du programme de stabilité, qu’elle ne serait attendue qu’à compter de 2026. La réforme ne devrait-elle pas entrer en vigueur dès 2024 et produire des effets en recettes dès 2025 ?

Vous indiquez par ailleurs, en page 27 du programme de stabilité, que la trajectoire de ce dernier « provisionne la sortie des boucliers tarifaires et la réduction de certaines dépenses fiscales et sociales inefficaces. » Pourriez-vous préciser le chiffrage du surcroît de recettes qui devrait ainsi provenir chaque année de la suppression ou de la diminution de certaines niches fiscales ?

Enfin, s’agissant du projet de loi de règlement, dans son rapport sur l’exécution du budget de l’État pour l’année 2022, la Cour des comptes a relevé l’importance des reports de crédits non consommés en 2022 sur l’exercice 2023 pour quarante programmes et un montant total de 18,7 milliards, et a souligné que ces reports ne pouvaient pas se justifier, comme en 2020 et 2021, par l’incertitude découlant de la crise sanitaire. Cela pose donc un problème au regard des principes d’annualité et de spécialité budgétaires. Comment ajuster de façon plus satisfaisante, lors du prochain collectif budgétaire de fin d’année, à un moment où l’exécution est déjà bien avancée, les crédits des missions budgétaires pour éviter dans le futur des reports de crédits d’une telle ampleur ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’observe tout d’abord que les dépenses du budget général augmentent de 4,4 % en 2022, alors même que les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire reculent de 47 milliards d’euros, et que les dépenses publiques dans leur ensemble connaîtront, selon dans le programme de stabilité une augmentation en volume de 0,6 %, ce qui signifie que les dépenses publiques augmenteront plus rapidement que l’inflation. Il convient donc de n’employer qu’avec prudence le terme d’« austérité ».

En 2022, les résultats constatés sont à la fois meilleurs qu’en 2021 et meilleurs qu’anticipé. Alors qu’il était de 6,5 % du PIB en 2021, le déficit public s’est établi à 4,7 % en 2022, soit moins que les 5 % prévus. La dette publique est, quant à elle, passée de 112,9 % à 111,6 % du PIB, soit légèrement en dessous des prévisions. Nous devons ces résultats à une économie résiliente, rendue plus robuste, solideet agile par les réformes économiques, sociales et fiscales menées avec constance depuis 2017 et dont le ministre vient de parler longuement. L’augmentation des emplois qui en résulte se traduit par moins de chômage, plus de salaires, plus de bénéfices et d’investissements, ainsi que par un dynamisme accru des rentrées fiscales et sociales, ce qui améliore la situation relative de nos finances publiques. Je voudrais, à cet égard, rappeler que l’impôt sur les sociétés rapportera 15 milliards d’euros de plus que prévu en 2022. Je remercie tous les acteurs économiques qui, au-delà de notre politique de l’offre, font le succès de nos entreprises.

Certains répètent depuis des années qu’il n’est pas important d’avoir une dette, qu’il ne faut pas la rembourser et qu’il s’agit d’une dette perpétuelle. Les chiffres, hélas, nous ramènent à la triste réalité : les intérêts de la dette nous coûtent 50 milliards d’euros en 2022, soit environ 12 milliards de plus qu’en 2021, et la projection de cette valeur pour la fin de la période, en 2027, s’élève à 71 milliards d’euros. En d’autres termes, si nous n’étions pas endettés, nous aurions 71 milliards de recettes supplémentaires pour investir dans les hôpitaux, dans la transition écologique et dans nos politiques publiques. Donc, de grâce, n’affirmons pas qu’il n’est pas important de désendetter notre pays !

Pour ce qui est du projet de loi de règlement pour 2021, je ferai écho aux propos du ministre. On nous dit depuis le mois de juin dernier que notre majorité n’aurait pas tiré toutes les leçons du fait qu’elle est une majorité relative. Mais nos oppositions ont-elles conscience de ce que, prises dans une alliance des contraires, elles bloquent un texte qui n’est qu’une photographie comptable de ce que nous avons fait les années précédentes ? C’est une chose que de voter un projet de loi de finances ou un projet de loi de programmation des finances publiques, qui comporte évidemment des choix politiques sur lesquels nous pouvons diverger, et c’en est une autre que de ne pas accepter ce qui a eu lieu – c’est, en fait, assez incompréhensible.

S’agissant du projet de loi de règlement pour 2022, on ne peut que se féliciter que le solde structurel soit en amélioration d’un point.

Il n’en est pas moins nécessaire de trouver comment avoir des finances publiques saines dans la durée, et il faut absolument associer à cet effort les collectivités territoriales. En effet, si les dépenses de l’État s’élèvent à 450 milliards d’euros, celles des collectivités territoriales représentent 300 milliards : on voit bien qu’on ne peut pas réussir globalement sans faire conjointement cet effort et il est bon que l’État montre l’exemple en la matière.

Par ailleurs, le fait que notre pays vive au-dessus de ses moyens est assurément justifié par les crises exceptionnelles que nous avons traversées et qui nous ont obligés à mobiliser des sommes colossales, mais il est maintenant nécessaire que la revue des dépenses publiques porte ses fruits et que l’efficacité de nos politiques publiques soit passée au crible pour retrouver des sources d’économies. J’approuve donc les principes qui sous-tendent la programmation actualisée des finances publiques que nous propose le Gouvernement, qui vise des objectifs plus ambitieux, avec un solde public désormais fixé à – 2,7 % en 2027 et un désendettement constant sur la période, alors qu’il ne commençait qu’en 2026 dans le projet de loi de programmation des finances publiques. Ces éléments ont vocation à s’inscrire dans une loi de programmation des finances publiques actualisée par rapport au projet déposé par le Gouvernement en septembre dernier. La Première ministre a annoncé que nous examinerions à nouveau ce projet de loi au mois de juillet. Je rappelle que l’adoption de ce texte revêt une grande importance pour que la Commission européenne verse à la France les fonds issus du plan de relance européen. L’enjeu pour 2023 est de 11 milliards d’euros d’aides européennes.

Je soutiens donc l’action résolue prévue en matière de dépenses, dont témoigne, sur la période, une trajectoire ambitieuse du ratio des dépenses publiques dans le PIB et la stabilité du taux de prélèvements obligatoires. Nous nous donnons les moyens d’y parvenir, notamment en ayant réformé l’assurance chômage et les retraites. Il est en outre demandé aux ministères de déterminer un quantum de 5 % de crédits, hors ressources humaines, à identifier pour faire des choix de verdissement ou d’économie. La méthode est nouvelle et intéressante, et la majorité veillera à ce qu’elle donne des résultats.

J’en viens à mes trois questions. Tout d’abord, quelles sont les raisons qui vous amènent à saisir à nouveau le Parlement du projet de loi de règlement pour 2021 ? N’aurait-il pas suffi de le faire pour 2022 ?

La gestion 2022 a été marquée par une succession d’ouvertures et d’annulations de crédits qui ont profondément modifié l’autorisation parlementaire initiale. Le décret d’avance et les deux lois de finances rectificatives ont permis de répondre à l’accentuation de la hausse des prix de l’énergie observée à compter du début de la guerre en Ukraine. Comme l’a également relevé le Haut Conseil des finances publiques, la gestion 2022 a été marquée par un volume massif de reports de crédits sur 2023, de l’ordre de 18 milliards d’euros, et par un reste à payer colossal de 215 milliards d’euros. Une succession de crises a certes donné lieu à l’instauration de dispositifs exceptionnels, mais ces montants sont probablement trop élevés. Quels moyens envisagez-vous pour revenir à des volumes plus raisonnables ?

Pour ce qui est, enfin, du bouclier tarifaire, pour lequel la Cour des comptes notait une sous-exécution en 2022, je ne retrouve pas les chiffres correspondants dans le tableau qui figure aux pages 25 et 26 du programme de stabilité. Je ne retrouve pas non plus dans les recettes de 2022 l’imposition des superprofits des énergéticiens que nous avons votée. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces deux points et nous indiquer quel rendement vous prévoyez pour cet impôt- en 2023 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous confirme que nous avons quelques divergences, qui sont toutefois naturelles dans cette commission, et même bienvenues pour le dynamisme de notre vie démocratique.

Oui, nous assumons une politique d’offre ; non, nous n’instaurons pas une politique d’austérité. La dépense publique baissera en volume annuel, avec les chiffres que j’ai indiqués pour les collectivités locales et pour l’État, mais les chiffres bruts font apparaître que la dépense publique augmentera de 219 milliards d’euros entre 2022 et 2027. C’est moins que si nous avions appliqué le taux de l’inflation, et cela permet de réduire la dépense publique par rapport à l’augmentation de la richesse nationale. Nous voulons que la dépense croisse moins vite que la richesse nationale. Ce principe ne signifie pas, cependant, que la dépense ne continue pas à augmenter : pour les seules collectivités locales, ce seront ainsi 35 milliards de plus entre 2022 et 2027.

Une politique d’austérité se définit par le fait d’assumer une réduction de la dépense supérieure à l’augmentation la richesse nationale, c’est-à-dire de tailler dans les dépenses plus qu’on ne crée de richesse. Je ne crois pas à cette politique et ce n’est pas celle que nous appliquons.

Je rappelle, en outre, que la dépense publique, même si elle baisse de quatre points grâce à notre action résolue, représentera 53,5 % du PIB en 2027, ce qui place encore la France parmi les pays où elle est la plus élevée des pays développés.

Enfin, nous maintenons cette politique de l’offre pour la simple raison qu’elle produit des effets qu’aucune autre politique n’a produits dans les décennies passées, avec 1,3 million d’emplois créés, un niveau de chômage au plus bas depuis quarante ans, des usines qui rouvrent et des embauches d’ouvriers et d’ingénieurs.

Pour ce qui est de la priorité à la dette écologique, je pense comme vous, monsieur le président, qu’il faut investir massivement dans la décarbonation de l’économie. En revanche, une dette financière excessive empêche de réduire la dette écologique, car la charge de ses intérêts nous prive de milliards d’euros qui auraient pu être utilisés beaucoup plus efficacement pour la décarbonation de l’économie, le déploiement des éoliennes ou le soutien aux batteries électriques ou à l’hydrogène vert. Réduire la dette financière, c’est dégager des marges de manœuvre pour payer notre dette écologique. Les deux sont, pour moi, intimement liés.

Je vous confirme que la demande de nos titres est stable et que le financement de la dette de la France n’est pas une préoccupation. Il faut cependant tenir compte aussi du fait que tous les autres États européens ont également pris la décision d’accélérer leur désendettement. L’Italie, par exemple, a décidé d’avancer de 2026 à 2025 le passage de son déficit sous le seuil de 3 %. Si nous voulons que notre dette reste attractive, nous devons prendre aussi des décisions d’accélération de notre désendettement.

Quant aux taux d’intérêt, nous avons envisagé qu’ils seraient de 3,4 % à l’horizon de 2024. La prévision d’inflation est, à cette date, de 2,6 %, et ce chiffre baissera progressivement à 1,75 %, de telle sorte que les taux d’intérêt réels seront bien positifs à compter de 2024, ce qu’ils ne sont en effet pas aujourd’hui.

Pour ce qui est, enfin, du coefficient multiplicateur, j’estime que si son efficacité était prouvée, nous aurions, compte tenu de notre niveau de dépense publique, la croissance la plus élevée de tous les pays de l’OCDE, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Le véritable coefficient multiplicateur réside dans l’investissement et l’innovation beaucoup plus que dans la pure dépense publique.

L’imposition minimale sur les entreprises, combat que nous avons mené depuis maintenant plus de cinq ans, entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2024 et devrait générer une recette de l’ordre de 2 milliards d’euros qui sera disponible à partir de 2026, les revenus de l’exercice 2024 étant déclarés en 2025 pour un paiement effectif à partir du 1er janvier 2026.

Je souhaite, moi aussi – car nous avons, malgré tout, des points de convergence –, réduire les niches fiscales brunes. Ce n’est pas simple, car ces exonérations de fiscalité touchent par exemple le gazole non routier, mais il nous faut, pour réussir notre transition écologique, basculer d’une fiscalité favorable aux énergies fossiles à une fiscalité favorable aux énergies décarbonées. En termes de méthode, je suggère que, lorsque nous réduisons l’avantage fiscal accordé aux énergies fossiles, nous conservions une partie de l’économie réalisée pour aider le secteur concerné à investir dans la décarbonation. Il s’agirait que ces sommes ne soient pas toutes consacrées au désendettement, mais par exemple qu’une partie de l’effort demandé au secteur du transport routier soit utilisée pour permettre aux transporteurs routiers d’investir dans des camions équipés de batteries électriques ou de moteurs à hydrogène.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le président, les collectivités locales sont déjà associées au processus. Dans le cadre de la revue de dépenses et en prévision des assises des finances publiques, Bruno Le Maire et moi-même avons reçu les associations d’élus, qui travaillent aussi, au niveau technique, avec nos équipes. Une nouvelle réunion importante se tiendra d’ailleurs demain pour nous permettre de cheminer ensemble vers une maîtrise de la progression des dépenses de fonctionnement pour les cinq années à venir, même si les dispositifs que nous avions proposés dans le cadre de la précédente loi de programmation des finances publiques et que vous avez rappelés n’ont pas été retenus à la suite de l’annonce faite par la Première ministre au congrès des maires, voilà quelque mois.

Le niveau des reports de crédits non consommés est certes encore élevé, mais il baisse par rapport aux années précédentes, où il était très important, du fait notamment de la crise du covid-19 et du plan de relance, qui sont désormais derrière nous. Cependant, une crise succédant à une autre, nous connaissons maintenant celle de l’inflation, qui a conduit à engager l’année dernière d’autres dépenses massives, dont certaines ont été reportées en 2023. Ainsi, pour les différents chèques adoptés par le Parlement pour le fioul ou le bois, par exemple, les crédits n’ont pas été consommés dans leur intégralité en 2022 et sont reportés en 2023 ; de même, le guichet d’aide aux entreprises en difficulté à cause du prix de l’énergie fait l’objet d’un report très important sur 2023.

Parmi les dépenses hors crise, les reports sont importants notamment pour le plan d’investissement dans les compétences et son volet régional, qui accusent une assez forte sous-consommation avec 1,8 milliard d’euros non consommés en 2022 – dont, par exemple, 762 millions pour la région Île-de-France. Les régions où les crédits sont les plus fortement consommés sont celles où le plan d’investissement dans les compétences est opéré par Pôle emploi, faute de conventionnement avec les conseils régionaux concernés – je pense notamment à la région Auvergne Rhône-Alpes. Il y a donc, globalement, une diminution du volume des reports, passé de 36,7 milliards d’euros en 2020 à 23,3 milliards en 2021 et 18,8 milliards en 2022. C’est encore trop, évidemment, car, en rythme de croisière normal, ce montant est de l’ordre de 3 milliards d’euros. Notre objectif est donc de revenir à un volume normal de reports mais, comme je l’ai dit, la crise de l’inflation explique l’essentiel de ces derniers.

Enfin, nous ajoutons l’amortissement de la dette covid, soit 165 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2022, ce qui gonfle très fortement les restes à payer.

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour répondre au rapporteur général sur les boucliers et la sous-exécution des crédits, tout cela est dû à la variation des prix de l’électricité et du gaz, difficile à anticiper. Nous avons été agréablement surpris par la chute du prix du gaz, revenu à 50 euros le mégawattheure, ce qui a une incidence sur la contribution sur la rente inframarginale (Crim) et sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Pour 2022, nous avons perçu 11,5 milliards d’euros de recettes liées à la taxation des superprofits. Pour 2023, nous anticipions 35,8 milliards de recettes, avec notamment une CSPE de 23,8 milliards et une Crim de 11 milliards. Nous prévoyons désormais des chiffres beaucoup plus faibles en raison de la baisse des prix : 9,5 milliards pour la CSPE et 4,3 milliards pour la Crim, soit un total de recettes de 14,5 milliards.

M. le président Éric Coquerel. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Parler d’austérité dans un pays qui a près de 3 000 milliards d’euros de dette publique et dont la dépense publique est supérieure à 50 % du PIB est, à tout le moins, hors de propos. Les ministres ont bien démontré à quel point l’État a été protecteur ces trois dernières années – aucun autre pays n’a d’ailleurs fait autant pour ses citoyens et son tissu économique –, ce qui nous a permis d’éviter les faillites, le chômage et l’érosion du pouvoir d’achat des Français. Cette politique a évidemment eu des conséquences sur notre endettement et notre niveau de dépenses publiques, et ceux qui en critiquent l’augmentation sont les premiers à proposer des solutions bien plus onéreuses et bien moins efficaces pour les Français, comme la baisse de la TVA ou le blocage des prix.

À l’issue de cette période exceptionnelle, il était temps de retrouver le chemin de l’équilibre de nos comptes, non par idéologie néolibérale ni par une cure d’austérité, mais en misant sur le travail, la croissance et le sérieux budgétaire. Nous l’avons fait dès 2022, en ramenant le déficit à 4,7 % du PIB, soit 0,3 point de moins que prévu, et la dette de 113 à 111,6 % du PIB. C’est donc dès l’an dernier que nous avons engagé le redressement de nos finances publiques. Pour le groupe Renaissance, ce redressement doit être poursuivi, tant pour reconstituer une marge de manœuvre en cas de crise systémique, que pour investir dans la transition écologique et refuser la fatalité de l’endettement, qui fait les impôts de demain.

Nous saluons donc l’accélération du désendettement que traduit ce programme de stabilité par le recours à un déficit public de 2,7 % en 2027 et un abaissement de la dette publique à 108,3 % du PIB cette même année, soit quatre points de moins que ce qui avait été envisagé voilà un an.

Comment sortir du « quoi qu’il en coûte » tout en continuant à protéger les ménages et les entreprises ? Comment financer ces mesures de protection sans matraquage fiscal ? Combien de recettes anticipez-vous de la contribution sur les rentes énergéticiennes, non seulement pour l’an prochain, mais également pour les prochaines années ? Quelles recettes supplémentaires escomptez-vous de la lutte contre la fraude, notamment des trois mesures de lutte contre la fraude sociale annoncées par Gabriel Attal ?

Enfin, vous avez évoqué, monsieur Attal, un « plan Marshall » pour la classe moyenne et avez lancé hier l’opération « En avoir pour mes impôts », qui vise à faire la transparence sur l’utilisation de l’argent public et interroger les Français sur leurs priorités et leur rapport à l’impôt. Pouvez-vous nous rappeler l’impact des dispositions prises en faveur de la classe moyenne et la suite que vous envisagez donner à ces opérations ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il y a bien un lien, monsieur Attal, entre le passé et le futur pour ce qui est du vote des textes budgétaires et du soutien qu’ils reçoivent : c’est que les oppositions, et en tout cas le Rassemblement national, n’ont plus confiance en vous. Vous utilisez des textes que vous présentez comme techniques pour faire systématiquement de la communication, alors que ce n’est pas le lieu, et vous accusez ensuite les oppositions de ne pas vouloir les voter. Si vous voulez que nous votions vos textes, commencez par en ôter toute la propagande et faites-en, avec une attitude républicaine, des textes purement techniques, voire purement comptables, pour que nous puissions avancer.

Comment voulez-vous que nous ayons confiance lorsque vous présentez un programme de stabilité qui n’en est pas un et qui se résume, la plupart du temps, à des effets comptables ? Vous êtes dans un Gouvernement « radeau », sans rame, sans voile ni moteur, ballotté par la tempête de la guerre économique, de l’inflation et des marchés financiers. Vous essayez de faire croire qu’il vous reste un gouvernail mais vous mélangez tout. Par exemple, vous êtes capables de dire que vous avez baissé les impôts alors que nous avons battu, l’année dernière, le record des prélèvements obligatoires. Comment voulez-vous que nous prenions au sérieux de tels textes ? Je ne donne qu’un exemple parce qu’il est difficile, pour le principal parti d’opposition, d’analyser l’intégralité de votre politique économique et financière en seulement deux minutes.

Vous vous heurtez aux taux d’intérêt, dépense structurelle contre laquelle rien n’a été fait malgré toutes les critiques formulées à l’endroit de la politique monétaire. Dix ans après la crise de l’euro, cette politique n’a pas été repensée alors qu’elle ne compense plus rien en matière d’inflation et de dette publique. Faute d’une réflexion de fond sur ce que les Français doivent amortir et ce qui ne relève pas de leur responsabilité – la désindustrialisation, la crise financière et la crise du covid – nous ne nous en sortirons pas. Ce n’est pas aux Français de financer ces politiques par leurs impôts !

Vous avez reconnu qu’un plan Marshall en faveur des classes moyennes était nécessaire. Reconnaissez-vous qu’après dix ans de votre politique, elles sont ruinées et doivent être reconstruites ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Je ne sais pas trop quoi vous dire…

Vous venez nous voir pour nous dire que vous voulez faire des économies, ce qui impliquera une politique d’austérité. Vous nous dites que vous voulez faire encore plus d’économies que vous ne l’aviez annoncé lors de votre dernière venue, ce qui supposera un sous-financement des services publics, des communes et de notre système de santé, et ressemble à tout sauf à un pacte de stabilité. Choisir de baisser les dépenses alors que les Français ne parviennent plus à vivre de leur travail et que l’hôpital continue de s’effondrer, cela s’apparente plutôt à un pacte d’instabilité.

Vous affirmez qu’après les citoyens, l’État doit prendre sa part, mais qu’est-ce que cela signifie sinon des économies sur les écoles, sur les soutiens aux ménages, sur les communes, l’hôpital, les pompiers, les transports ? Vous proposez de faire des économies alors que les artisans ont de plus en plus besoin d’être aidés, que des classes ferment et continueront de fermer, que des communes tirent la langue, qu’un tiers des ménages les plus pauvres est obligé de supprimer un repas ! Et vous leur proposez maintenant de sauter le petit-déjeuner !

S’agissant de l’hôpital, la sécurité sociale devra faire des économies, ce qui aura donc des incidences sur la santé des Français mais, aussi, sur les soignants. Je vous rappelle qu’un patient est mort sur un brancard, la semaine dernière, à Grenoble, après avoir attendu trois jours pour être pris en charge et que cet hiver, des enfants ont été intubés dans les couloirs des services d’urgence ! Et vous voulez faire des économies ?

Deux choix étaient possibles : faire payer les plus riches et en finir avec les cadeaux que vous avez faits aux entreprises ou faire payer tous les Français et détruire leurs services publics. Vous avez choisi la deuxième option. Vous profitez des fractures nées de la crise des retraites pour faire passer vos pires mesures. Pensez-vous donc que les Français vont suffisamment bien pour leur demander plus d’efforts, plus d’économies et moins de services publics ?

M. Patrick Hetzel (LR). Votre programme de stabilité témoigne d’une prise de conscience nouvelle quant à l’impératif de réduction du déficit et de la dette, dont la charge est bien plus élevée qu’annoncé. Hélas, cette bonne volonté est bien tardive et, au-delà des bonnes intentions, nous jugerons sur les actes, car, ces derniers temps, le Gouvernement a surtout promis des hausses de dépenses.

Nous avons proposé de les réduire à hauteur de 20 milliards à l’horizon de 2025, puis, de 10 milliards à l’horizon de 2027, grâce à une politique de débureaucratisation. Selon le Gouvernement, une telle réduction n’est pas documentée mais les baisses de dépenses qu’il prévoit ne le sont nullement. Comment allez-vous procéder ? Quels secteurs seront concernés ?

À l’initiative de notre groupe, une mission d’information sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaire a été créée, rapportée par Véronique Louwagie et Robin Reda, dont nous espérons que le Gouvernement suivra les conclusions. Comment comptez-vous travailler avec les rapporteurs et faire en sorte que le Parlement, au lieu d’être réduit à une variable d’ajustement, soit écouté ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Notre groupe salue l’orientation principale consistant à accélérer le désendettement par rapport à la trajectoire précisée en 2022.

Votre plan prévoit une nette augmentation du coût de financement de la dette publique, ce qui est logique compte tenu de l’épisode inflationniste que nous connaissons et du durcissement induit des politiques monétaires. Nous risquons donc d’entrer dans le cercle vicieux de la hausse des taux d’intérêt, du coût de financement de la dette, du déficit, donc de la dette. Comment l’Agence France Trésor s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne ? Les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI) sont-elles toujours utilisées ?

La hausse du coût de la dette montre combien les politiques publiques doivent être plus efficaces afin d’en réduire la charge, tant pour l’État que pour les autres administrations publiques. Quelles mesures peuvent être envisagées afin d’encourager les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale à atteindre une baisse des dépenses de 0,5 % ou de 0,8 % ?

Le programme de stabilité s’inscrit dans le Semestre européen issu de la réforme de 2011. Quand le nouveau cadre de gouvernance européenne sera-t-il validé ? Le ministre allemand des finances, Christian Lindner, a publié une tribune très critique sur les propositions de la Commission européenne visant seulement à réformer le cadre existant à la marge. Comment abordez-vous les discussions, alors qu’il aura politiquement besoin d’obtenir quelque chose ? Dans ce futur cadre, quelle place les investissements, notamment pour le climat, doivent-ils prendre ?

Enfin, le programme de stabilité se fonde intégralement sur les dépenses, or, à l’heure où l’on demande à tous la sobriété, les députés de mon groupe sont attachés à une fiscalité privilégiant l’investissement plutôt que la distribution de dividendes exceptionnels.

M. Philippe Brun (SOC). Nous avons eu raison de ne pas voter votre projet de loi de programmation des finances publiques : à peine l’Assemblée nationale l’a-t-elle rejeté que vous lui êtes infidèles en proposant une programmation encore plus « austéritaire ». Avec une baisse de 4 points de la dépense publique en cinq ans, vous proposez en effet une véritable cure d’austérité, qui ne s’accompagne d’ailleurs d’aucune réforme structurelle et se traduira par un coup de rabot d’environ 5 % par ministère, ce qui nous semble difficilement crédible.

En effet, comme l’a rappelé le Haut Conseil des finances publiques, vos précisions d’inflation semblent sous-estimées et vos prévisions de croissance, particulièrement optimistes, votre scénario étant plus favorable que celui de la Commission européenne et de la Banque de France, laquelle prévoit une croissance de seulement 0,6 % en 2023.

Vous justifiez cette aggravation de la réduction des dépenses en raison du niveau de la dette, mais pourquoi persistez-vous à recourir aux OATI ? La dernière adjudication a eu lieu le 20 avril, alors que celles de l’année dernière nous ont coûté quasiment 16 milliards en charge de la dette. Si nous recourions moins à ce type d’instrument financier, nous éviterions de telles dépenses supplémentaires.

Quid du bouclier tarifaire, qui coûte 50 milliards chaque année ? Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse du marché européen de l’énergie en mettant fin à la ridicule indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz.

Enfin, allez-vous mettre un terme à votre politique de désarmement fiscal qui, là encore, nous prive de recettes utiles et indispensables ? Si votre politique de l’offre était efficace, notre balance commerciale n’aurait pas été pas déficitaire à hauteur de 164 milliards en 2022.

M. Christophe Plassard (HOR). Notre économie a particulièrement bien résisté en 2021 et en 2022, avec des taux de croissance importants et des résultats inédits sur le front de l’emploi. Sa résilience doit être mise au crédit des travailleurs et des chefs d’entreprise, qui créent de la valeur et permettent de traverser les crises que nous connaissons.

Une telle résilience prouve également que la politique conduite par les gouvernements et la majorité a porté ses fruits. Les puissants dispositifs d’aide déployés pendant la crise sanitaire, puis, pour faire face au choc inflationniste, ont permis d’amortir les effets délétères pour nos concitoyens. Le déploiement des plans France relance et France 2030 permet de redonner du souffle à notre économie et de l’orienter vers les secteurs d’avenir.

Une telle politique, cependant, a un coût élevé pour nos finances publiques et si le déficit se résorbe peu à peu, il reste supérieur à celui de la majorité de nos voisins européens et alimente une dette trop importante. Nous partageons donc la volonté des ministres de réduire notre endettement en maîtrisant les dépenses et en sanctuarisant les recettes. Comment comptez-vous parvenir à réduire la dépense publique à 53,5 % du PIB en 2027, le Haut Conseil des finances publiques jugeant votre prévision de croissance plutôt optimiste ?

Dans le cadre du plan national de relance et de résilience, les financements européens s’élèveraient à 40,3 milliards. Pouvez-vous faire un point des versements intervenus et à venir ?

Enfin, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 pointe une difficulté de recrutement dans la fonction publique, notamment dans l’éducation nationale et les armées. Comment abordez-vous ce problème ? Quelles sont les projections en matière de ressources humaines ?

M. Charles de Courson (LIOT). Que pensez-vous du sondage Elabe du 24 avril 2023 selon lequel 43 % des Français ne sont pas du tout satisfaits de la gestion des dépenses publiques et 34 % pas vraiment satisfaits ? Cela fait 77 %, dont 36 % d’électeurs de la minorité présidentielle.

Comment pouvez-vous retenir un taux de croissance potentielle de 1,35 % par an avec une réduction de l’écart de production proche de zéro en 2027, alors que le taux constaté ces dernières années est de l’ordre de 1 % ?

Les dépenses publiques, de 2017 à 2023, sont passées de 56,5 % du PIB à 56 %, soit une baisse d’un demi-point de PIB, de 12 milliards au total et de 2 milliards chaque année – autant dire presque rien. Selon vos prévisions, de 2023 à 2027, elles passeraient de 56 % à 53,5 %, ce qui représenterait en 2027 un effort de 65 milliards. D’où viendraient de telles économies, hors celles réalisées sur les retraites, que vous avez d’abord évaluées à 13 milliards lors du non-vote de votre projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et que vous estimez maintenant à 8 milliards ? De l’assurance chômage ? Quelles sont les économies structurelles qui nous permettraient de réaliser 16 milliards d’économie par an ?

Dans votre grande bienveillance, vous expliquez que les dépenses des collectivités locales pourront augmenter de 0,8 % en volume contre 0,5 % pour celles de l’État. Or, ces deux dernières années, l’écart entre la croissance des dépenses publiques de l’État et celles des collectivités locales n’a pas été de 0,3 point mais de 1,4 et 1,1 points. Les contrats de Cahors seront-ils réactivés ? Allez-vous appliquer les dispositifs rejetés par l’Assemblée nationale à deux reprises ? Prévoyez-vous de nouveaux mécanismes ?

Enfin, entre 2017 et 2022, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 45,1 % à 45,3 %. Vous avez annoncé des baisses massives qui ont été en fait compensées par des hausses. De 2023 à 2027, la situation serait à peu près stable, puisque les taux seraient respectivement de 44,3 % et de 44,5 %, mais vous avez déclaré lors de votre conférence de presse qu’il convenait de maintenir une politique de diminution des impôts. Comment expliquez-vous une telle contradiction ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous confirme que nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte » et que nous voulons progressivement mettre un terme aux boucliers tarifaires sur le gaz et l’énergie – ce sera le cas au début de 2025 – puisque le prix du gaz est revenu à son niveau d’avant la crise. Un tel retrait des dispositifs de protection est légitime, sauf à vouloir subventionner une énergie fossile. S’agissant de l’électricité, la baisse sera plus progressive. Nous réaliserons ainsi 30 milliards d’économie nets, ce qui permettra de contribuer au rétablissement des finances publiques après une dégradation des comptes qu’explique la protection contre l’inflation.

Je ne partage évidemment pas l’avis de M. Tanguy sur la manière dont nous avons tenu le cap lors de la tempête du covid. Les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, les industriels que nous avons sauvés et que je rencontre très fréquemment savent que nous avons évité l’effondrement de notre économie et une explosion du chômage parce que nous avons pris les bonnes décisions au bon moment.

L’augmentation du taux des prélèvements obligatoires s’explique par le dynamisme de la masse salariale, donc une augmentation des recettes, notamment celles de l’impôt sur les sociétés (IS), même si nous en avons baissé le niveau. Lorsque tel est le cas, la prospérité et le rendement des entreprises augmentent, donc la recette fiscale. Pendant le quinquennat, les impôts baisseront de 1 point.

Je n’ai jamais dit que nous réduirions les dépenses en faveur de l’hôpital. Au contraire, nous les avons massivement augmentées et nous devons continuer à revaloriser les salaires des aides-soignants, des infirmiers, des personnels hospitaliers. Le Ségur de la santé a été l’occasion de la plus forte augmentation des rémunérations des personnels soignants depuis plusieurs années, ce qui n’est d’ailleurs que justice compte tenu du travail qu’ils ont accompli durant la crise du covid et qu’ils continuent d’accomplir chaque jour. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ne résume pas la politique hospitalière. Nous faisons des économies sur d’autres dépenses de santé, par exemple, sur les laboratoires, mais nous investissons et nous continuerons d’investir en faveur de l’hôpital public, qui a été le parent pauvre des politiques de santé lors des dernières décennies – ce qui fut à mes yeux une erreur.

J’invite Patrick Hetzel et la mission d’information à participer aux travaux sur la réduction des dépenses publiques et sur la documentation des économies à réaliser. Le programme de stabilité n’a pas vocation à présenter les économies possibles poste par poste, ministère par ministère, dépense publique par dépense publique. Cela relève du projet de loi de finances. Je suis convaincu que seul un dialogue résolu, le plus large possible, avec les oppositions permettra de trouver des points d’accord.

Le livret d’épargne populaire (LEP) protège totalement les épargnants de l’inflation. Grâce à un taux de rémunération supérieur à l’inflation, il constitue le placement le plus intéressant. Or des millions de compatriotes éligibles n’y ont pas souscrit. Je les invite à le faire. Les dépôts des livrets A sont liés à l’inflation et les émissions d’OATI que nous avons poursuivies permettent de protéger les économies des épargnants.

Depuis plusieurs mois, nous travaillons avec mes homologues de la zone euro sur le pacte de stabilité. Nous nous réunirons à nouveau à Stockholm vendredi et samedi. Nous souhaitons que la réforme puisse aboutir d’ici à la fin de l’année, c’est-à-dire avant que la clause d’exception générale soit levée, le 1er janvier 2024. Nous souhaitons également trouver un bon équilibre entre le rétablissement des finances publiques et les investissements indispensables à la transition climatique. Nous estimons que les propositions de la Commission européenne constituent une base solide. Elles reposent sur trois piliers : d’abord, la différenciation entre les États – tous n’ont pas le même niveau de dette publique puisqu’elle s’élève, pour certains d’entre eux, à 55 % du PIB et pour d’autres, à 185 % ; ensuite, l’appropriation nationale : il appartient aux États souverains de s’approprier les modalités de réduction de leur dette et de leur déficit – c’est un principe auquel nous tenons, je le dis ici, devant les représentants du peuple souverain ; enfin, la préservation des investissements et la prise en compte des réformes structurelles accomplies par les États – je pense, en l’occurrence, à notre réforme de l’assurance chômage et des retraites.

En revanche, nous sommes fermement opposés à toute règle automatique et uniforme pour réduire la dette et les déficits publics. Le passé a montré combien ces règles aveugles aboutissent à de mauvais résultats, peuvent tuer la croissance et, ainsi, nous priver des investissements nécessaires à la transition climatique. J’aurai l’occasion de rappeler la position française à Stockholm, lors du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin).

La réforme du marché européen de l’énergie est fondamentale. Avec le Président de la République et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, nous nous sommes battus et nous avons obtenu gain de cause : la réforme s’appliquera au 1er janvier 2025 et elle permettra à nos compatriotes de bénéficier du coût de production de l’énergie nucléaire. Ainsi, le prix de l’électricité ne sera plus indexé sur le coût d’ouverture de la dernière centrale à gaz en Europe.

Soyons cependant lucides, si nous voulons que cette réforme soit efficace, la France doit produire plus. Un prix de consommation indexé sur le coût de production suppose que nous retrouvions des capacités de production nucléaire suffisantes, faute de quoi le prix restera élevé.

Je ne parlerai pas de « désarmement fiscal » mais nous voulons, il est vrai, mettre un terme à la course aux armements fiscaux : la multiplication des taxes et des impôts a été une grande singularité française parce que nous n’avons pas eu le courage d’opérer les transformations économiques nécessaires.

La politique de l’offre n’est en rien inefficace. Le déficit commercial a en effet fortement augmenté mais, principalement, parce que la note énergétique a flambé. Une politique de l’offre favorisant l’ouverture de nouvelles usines et le développement de capacités de production électrique dans notre pays permettra de le réduire. Cela passe par une plus grande production d’énergie, à un coût raisonnable, et une augmentation de la production industrielle et d’offre de services, comme nous le faisons et comme nous continuerons à le faire avec le projet de loi sur l’industrie verte.

Les prévisions de croissance sont conformes à celles du Fonds monétaire international et me paraissent donc crédibles.

Je ne suis pas là pour commenter les sondages, monsieur de Courson. Notre politique ne se fonde pas sur eux mais sur nos engagements de campagne, le sens de l’intérêt général et notre détermination à rétablir les finances publiques. Peut-être est-ce la raison de nos divergences à propos des retraites.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dans les prochaines semaines, j’aurai l’occasion de présenter le plan de lutte contre toutes les fraudes, fiscales et sociales. Il comprend un volet social fixant des objectifs ambitieux en matière de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Les Urssaf font un travail remarquable mais je souhaite qu’on aille plus loin en recouvrant 5 milliards supplémentaires pendant le quinquennat.

Je souhaite également que l’on vise les plateformes où les travailleurs ne cotisent pas pour leur retraite, ce qui représente un manque à gagner pour notre modèle social et en termes de droits.

Je souhaite aussi que l’on avance sur le phénomène des sociétés éphémères, qui prend de l’ampleur. Des sociétés accumulent un certain nombre de dettes sociales, notamment en matière de cotisation, pour un montant qui, l’année dernière, a été de 100 millions.

Je souhaite encore que l’on aille plus loin en matière de prestations sociales. Nous avons d’ores et déjà adopté un certain nombre de mesures puisqu’à partir du 1er juillet prochain, il ne sera plus possible de verser des allocations sociales sur des comptes bancaires étrangers. Je souhaite que la condition de résidence pour bénéficier des allocations sociales soit rehaussée. Aujourd’hui, il est nécessaire de vivre six mois de l’année en France pour bénéficier des allocations familiales ou du minimum vieillesse, huit mois pour bénéficier de l’aide personnalisée au logement (APL) et neuf mois pour bénéficier du RSA et de la prime d’activité. Je souhaite qu’une période globale de neuf mois soit retenue.

J’ai évoqué avec mon collègue ministre du travail la question des allocations chômage, dont le bénéfice suppose de vivre six mois de l’année en France. L’évolution de la situation dépendra avant tout des partenaires sociaux mais, à titre personnel, je ne trouve pas normal que l’on puisse vivre six mois de l’année hors de France tout en percevant ces allocations. Il me semble qu’un alignement sur les autres allocations sociales devrait être possible, même si l’allocation chômage, j’en suis conscient, est une prestation contributive.

Je rappelle que la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) évalue à 2,8 milliards la fraude et les indus chaque année. Le plan permettra, là encore, d’avancer.

Nous n’avons pas de leçon à recevoir de la part du Rassemblement national sur les classes moyennes. Ce parti est le pire ennemi des classes moyennes.

Le plan Marshall pour les classes moyennes a été engagé dès 2017 en supprimant la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle, en abaissant de 5 milliards d’euros l’impôt sur le revenu pour les premières tranches, en défiscalisant les heures supplémentaires, en autorisant la monétisation des RTT, en revalorisant de manière inédite le barème de l’indemnité kilométrique et, plus récemment, en rehaussant le plafond du crédit d’impôt pour la garde d’enfants. Ce sont autant de mesures en faveur des classes moyennes que le Rassemblement national n’a pas soutenues.

Ensuite, pour la préoccupation majeure des classes moyennes – l’emploi –, le Rassemblement national et les mesures qu’il propose représentent une menace. J’ai en tête un amendement lors du débat sur les retraites, qui m’avait amené à qualifier ses députés de patriotes de pacotille : sous couvert de taxer les superprofits, il touchait des fleurons industriels français – Fleury Michon, les chantiers de l’Atlantique, la Compagnie laitière européenne – et risquait de causer des drames en matière d’emplois. Enfin, le Rassemblement national ne défend pas les classes moyennes lorsqu’il refuse de voter la courageuse réforme de l’assurance chômage dont l’objet est d’inciter à la reprise d’emploi.

Nous sommes les mieux à même d’accompagner les classes moyennes. Oui, monsieur Lefèvre, nous entendons prolonger le plan Marshall en leur faveur, notamment en poursuivant la baisse des prélèvements obligatoires.

Quant au désarmement fiscal que déplore Philippe Brun, je prends comme un compliment les critiques de certaines personnes ou institutions, au demeurant respectables, sur la diminution excessive des impôts, moi qui ai toujours entendu reprocher aux gouvernements d’augmenter les impôts depuis que je suis en âge de m’intéresser à l’actualité. Rares sont les gouvernements ayant réussi à baisser les impôts, je suis fier d’en faire partie. Ce succès sert nos objectifs qui restent de libérer les énergies, de développer l’activité économique et d’améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes qui travaillent.

Monsieur Hetzel, j’ai été auditionné par la mission d’information conduite par Véronique Louwagie et Robin Reda sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaires. Nous attendons beaucoup de leurs propositions pour alimenter notre future stratégie d’économies.

J’ai l’intention de réitérer les dialogues de Bercy dans un format enrichi. Je souhaite qu’ils soient plus précoces et plus nourris et je proposerai prochainement une méthode dans cette optique.

Monsieur Plassard, la sous-consommation d’emplois publics concerne essentiellement les ministères de l’éducation nationale, des armées et des outre-mer. Pour les armées, l’effet générationnel joue fortement. Le projet de loi de programmation militaire prévoit des plafonds de recrutement très importants pour pallier les très nombreux départs à la retraite. En ce qui concerne l’éducation nationale, le métier d’enseignant souffre d’un manque d’attractivité. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé des revalorisations de salaires inédites depuis 1990. Il est à noter que la sous-consommation est à peu près équivalente dans l’enseignement public et dans le privé. Celle-ci est aussi la conséquence de la réforme du concours. Les candidats doivent désormais être titulaires d’un master et inscrits en deuxième année, et non plus en première année ; c’était donc le même vivier pour les concours deux années de suite, ce qui a restreint les possibilités de recrutement.

Enfin, monsieur de Courson, nous n’avons pas besoin de sondages pour savoir que les Français aimeraient que les services publics fonctionnent mieux compte tenu de ce qu’ils coûtent. La consultation « En avoir pour mes impôts » que j’ai lancée permettra d’échanger avec eux. Des réunions publiques se tiendront dans les trésoreries de chaque département d’ici à l’été. Stanislas Guerini et moi avons participé hier à la première du genre, dans l’Hérault.

Quant à la réforme des retraites, les 13 milliards d’euros d’économies ont toujours été annoncés pour 2030. Leur montant net sera autour de 8 milliards en 2027 auquel il faut ajouter les recettes liées à la réforme qui sont estimées à 9 milliards hors cotisations vieillesse, signe que celle-ci est aussi importante sur le plan budgétaire.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Dominique Da Silva (RE). Le programme de stabilité indique une hausse de 3,5 % par rapport à 2022 des dépenses des organismes divers d’administration centrale. Cette augmentation est notamment imputable à France Compétences au titre de l’apprentissage. Je soutiens ces dépenses vertueuses, qui contribuent à l’objectif du plein emploi et à la baisse durable du chômage. Six mois après l’obtention du diplôme, 65 % des apprentis sont en emploi.

La subvention de 1,68 milliard d’euros prévue en loi de finances pour soutenir la trésorerie de l’opérateur sera-t-elle suffisante ? Une réflexion est-elle engagée sur la définition d’une trajectoire financière pluriannuelle, que la Cour des comptes appelle de ses vœux pour rétablir sa situation financière et répondre aux choix stratégiques ?

M. Emmanuel Lacresse (RE). L’investissement stimule l’économie et soutient la croissance potentielle. Le programme de stabilité comporte des développements sur les possibilités de réforme de la gouvernance économique européenne afin que les investissements publics soient considérés comme des réformes structurelles destinées à soutenir notre niveau de croissance potentielle.

Comment le programme de stabilité traduit-il les axes prioritaires du Gouvernement que la Première ministre vient de rappeler – le développement du ferroviaire, la rénovation thermique des bâtiments et l’accélération de la décarbonation de notre économie – ainsi que les programmes d’investissement européens dans l’industrie et l’armement ?

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je partage votre volonté de réduire l’endettement de l’État sans augmenter la pression des prélèvements obligatoires.

Comment réduire les coûts administratifs sans rationalisation des effectifs du secteur public et sans limitation des dépenses non essentielles ? Quelles sont les réformes structurelles envisagées pour améliorer l’efficacité du secteur public, notamment en matière de santé et d’éducation ? Ces réformes peuvent-elles aider à réduire les coûts à long terme et à améliorer la soutenabilité des finances publiques ? Quelles mesures sont prévues pour lutter contre les fraudes fiscale et sociale ainsi que contre l’évasion fiscale ? Où trouver des nouvelles ressources sans augmenter les prélèvements obligatoires ? Disposez-vous de marges de manœuvre pour renégocier les conditions d’endettement ?

M. Daniel Labaronne (RE). Le Haut Conseil des finances publiques avait qualifié le programme de stabilité présenté en juillet 2022 de peu ambitieux en matière de redressement des finances publiques. La nouvelle version prévoit une baisse du déficit plus rapide – je m’en réjouis. Comment cela nous place-t-il par rapport à nos voisins ?

Le taux de croissance potentielle est maintenu à 1,35 %. Compte tenu des réformes engagées qui ont permis de créer 1,7 million d’emplois depuis 2017, ne serait-il pas judicieux de relever ce taux ?

Dans la loi de finances pour 2023, nous avons fait un choix fort en indexant le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Sans cette mesure, nombre de foyers auraient connu un taux d’imposition plus élevé en passant à une tranche supérieure. Cette orientation fiscale qui s’adresse aux classes moyennes sera-t-elle conservée ?

M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Le Maire, vous avez déclaré à vos partenaires européens en janvier dernier : « nous refusons que le prix de l’électricité soit dicté par le prix du gaz ». Avez-vous abandonné la réforme du marché européen de l’électricité ou avez-vous cédé à l’Allemagne sur ce point ?

Nous sommes favorables au bouclier tarifaire pour l’électricité. Alors que la France produisait l’électricité la moins chère depuis toujours, grâce à vous, elle a désormais les prix les plus élevés. Serons-nous bientôt saisis d’un nouveau projet de loi de finances rectificative qui tienne compte de cette donnée et de l’inflation ?

Monsieur Attal, le Rassemblement national n’a pas de leçon à recevoir de votre gouvernement. Vous avez très bien appris votre argumentaire. Vous nous accusez de tous les maux, comme d’habitude. Mais, je vous le rappelle, c’est bien vous que la Cour des comptes a épinglé une fois encore pour le niveau inégalé des prélèvements obligatoires, ce dont la TVA est largement responsable.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Vous n’avez pas répondu à la question de Philippe Brun sur les OATI.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre appel aux classes populaires à ouvrir des livrets d’épargne populaire – j’y suis favorable. Que pensez-vous d’un relèvement du plafond de ces livrets, qui n’est que de 7 700 euros contre plus de 22 000 euros pour le livret A ?

Dans le projet de loi de règlement, 36,5 milliards d’euros de crédits ont été ouverts dans la mission Plan de relance. Or seulement 11 milliards ont été consommés par cette mission. Où sont allés les 25 milliards restants ? Prenez-vous l’engagement de mettre fin à ces transferts de crédits qui tiennent à l’écart le Parlement ?

S’agissant de la consultation « En avoir pour ses impôts », après un rapide examen – je suis allé voir le site internet –, le questionnaire me paraît, très orienté. Vous interrogez les Français sur une liste d’impôts que vous avez supprimés – taxe d’habitation, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), contribution à l’audiovisuel public – en oubliant, comme par hasard, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Monsieur Le Maire, le 8 juin 2022, vous avez déclaré : « nous sommes au pic de l’inflation ». Dix mois plus tard, vous nous présentez des documents budgétaires fondés sur une hypothèse d’inflation à 4,9 % cette année et à 2,6 % l’année suivante. Qu’est-ce qui vous fait croire que l’inflation va brutalement diminuer en 2024 alors que le Haut Conseil des finances publiques juge vos prévisions d’inflation trop optimistes ?

En ce moment, des salariés sont mobilisés pour obtenir des hausses de salaire qui sont le seul moyen de faire face à une inflation durable. Tout le monde est en train de se rapprocher du SMIC alors même que le SMIC ne permet plus de vivre dignement.

Monsieur Attal, vous avez lancé un site internet qui nous permet de calculer combien coûte un accouchement, un pompier, un parc, etc. Mais, cela doit être un oubli, rien sur les 150 milliards d’euros d’aides directes et indirectes aux entreprises qui coûtent aux contribuables – les documents budgétaires en attestent – puisque vous ponctionnez notamment les recettes de TVA pour les financer.

M. François Jolivet (HOR). S’agissant des hypothèses sur lesquelles vous avez travaillé pour bâtir le programme de stabilité, avez-vous envisagé des transferts de compétences aujourd’hui détenues par l’État ? Si oui, lesquelles ?

Gabriel Attal connaît mon attachement à la gestion immobilière de l’État, qui représente le deuxième poste de dépense du budget de l’État hors dépenses de personnel. Comptez-vous vous attaquer à une gestion préhistorique ? Le refus de la Cour des comptes de certifier les actifs de l’État est un signe des dysfonctionnements. Quels sont les gisements d’économies dans ce domaine ? La France est le dernier pays d’Europe à ne pas avoir fait un exercice de rationalisation.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains se réjouit qu’enfin le Gouvernement se préoccupe de la réduction des dépenses publiques. Pour autant, la baisse du déficit en 2022 à 4,7 points du PIB est exclusivement due à une évolution très importante des recettes, donc à une hausse des prélèvements obligatoires, mais aucunement à une réduction des dépenses publiques.

La hausse des dépenses, hors dépenses d’urgence sanitaire et dépenses de relance, s’élève à 66,3 milliards d’euros en 2022, ce qui vient s’ajouter à l’augmentation de 37,1 milliards d’euros en 2021 et de 50 milliards en 2020. Or nous n’avons aucune information sur la manière selon laquelle vous comptez réduire les dépenses publiques. Pourriez-vous nous donner plus de précisions ?

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Attal, je partage vos propos sur les travailleurs de plateformes. Pourquoi ne pas transcrire dans le droit français la directive relative à l’amélioration des conditions de travail dans le cadre du travail via une plateforme dans sa version adoptée le 2 février par le Parlement européen, aux termes de laquelle est instituée une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes ? Cette solution me semble moins pénalisante pour eux que la requalification a posteriori.

Vous prétendez que les bons chiffres – on pourrait discuter de cette appréciation – de l’emploi en France sont dus à la politique de l’offre. Il me semble pourtant que pendant les deux ans de la pandémie de covid, à moins de considérer que le fait pour l’État de payer les salaires de millions de nos concitoyens en relève, cette politique a été largement mise entre parenthèses, ce qui nous a permis de passer un cap difficile.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le président, je confirme que le « quoi qu’il en coûte » était exceptionnel. La protection conférée par le dispositif d’activité partielle – en vertu duquel les salaires étaient financés par l’argent public – était exceptionnelle. C’était une bonne décision. Nous avons ainsi évité de perdre des compétences et des sites industriels que nous n’aurions jamais retrouvés. Néanmoins, l’exceptionnel a vocation à rester exceptionnel.

Monsieur Da Silva, nous maintiendrons, à la demande du Président de la République et de la Première ministre, les financements nécessaires pour l’apprentissage. Le développement de l’apprentissage est l’un des grands succès de la politique économique que nous menons depuis plus de six ans – 980 000 apprentis supplémentaires. C’est aussi un succès éducatif et social. De parent pauvre des politiques de l’emploi pendant des décennies, l’apprentissage est devenu la voie royale d’accès à l’emploi en France. Tant mieux.

Monsieur Lacresse, le développement ferroviaire, la rénovation énergétique des bâtiments et la décarbonation seront bien au cœur de nos politiques environnementales dans les années à venir.

Monsieur Laqhila, le meilleur exemple de la capacité de l’administration à réduire ses effectifs tout en conservant son efficacité a été donné par le ministère des finances avec la mise en place du prélèvement à la source. Aucun ministère n’a davantage réduit ses effectifs que le ministère des finances et pourtant la qualité du service a augmenté.

Dans les enquêtes d’opinion, le premier service public cité par les usagers, ce sont les impôts. Je pense au site impots.gouv.fr que nombre de nos concitoyens utilisent en cette période de déclaration fiscale. Il est simple, commode, ouvert. Il montre que, grâce à de nouveaux instruments, on peut réduire la voilure en matière d’emplois publics et augmenter – pas seulement maintenir – la qualité du service public rendu aux usagers.

Monsieur Labaronne, faut-il relever notre prévision de croissance potentielle ? Le taux de 1,35 % me semble raisonnable. Nous n’avons pas voulu le modifier. L’Allemagne a une croissance potentielle à 1 % alors que l’OCDE l’évalue à 0,8 % et à 1,1 % pour la France. En choisissant 1,35 %, nous sommes dans les marges d’écart que pratiquent les autres États européens. Notre croissance potentielle est désormais supérieure à celle de l’Allemagne. C’est là une autre illustration de l’efficacité de la politique de l’offre.

Monsieur Dessigny, l’objectif est de sortir progressivement du bouclier tarifaire sur l’électricité au fur et à mesure de l’application de la réforme du marché européen de l’énergie qui doit commencer au 1er janvier 2025. L’objectif est d’aligner le prix payé par le consommateur sur le coût de production de l’énergie en France, en particulier de l’énergie nucléaire. Je précise, par souci d’honnêteté et de lucidité, que cette convergence n’a de sens que si la France arrête d’importer de l’électricité – l’électricité importée est indexée sur le prix du gaz. Cela suppose d’augmenter le volume de production d’électricité nucléaire en France. C’est un point capital pour l’indépendance et pour la compétitivité industrielle de notre pays. Nous avons obtenu la réforme mais elle n’a d’intérêt que si le volume de production est suffisant pour assurer un prix bas.

Madame Pires Beaune, les coûts de l’indexation de la charge de la dette ont augmenté jusqu’en 2022 à cause de la hausse de l’inflation ; ils baissent entre 2022 et 2023 parce que l’inflation se réduit, donc la charge de la dette diminue de 46 à 41 milliards d’euros ; ensuite, ils augmentent de nouveau à cause de l’impact de la hausse des taux d’intérêt.

Je note votre proposition de relèvement du plafond du LEP. C’est vrai qu’il est plus faible que celui du livret A alors même que le LEP est, de toute évidence, le placement le plus attractif aujourd’hui pour les ménages populaires en France. Cela mérite réflexion. Quant au taux du livret A, j’attends les propositions que me fera le gouverneur de la Banque de France à l’été prochain. Je n’ai pas plus de commentaire à faire pour le moment.

S’agissant du niveau d’inflation, je le répète, nous attendons une baisse à compter de l’été prochain. Nous avons parfaitement conscience que ce qui pèse, aujourd’hui, le plus sur la vie quotidienne des ménages, ce sont les prix alimentaires, d’où mon appel à rouvrir les négociations commerciales entre les grands industriels et les distributeurs pour que soit répercutée sur les prix dans les rayons des supermarchés la baisse des prix de gros que l’on observe aujourd’hui.

Quant au Smic, nous sommes un des seuls pays développés au monde où il est indexé non seulement sur l’inflation mais aussi sur l’augmentation moyenne des salaires, ce qui protège les personnes qui sont au Smic contre l’augmentation de l’inflation. Le Smic a augmenté de 125 euros depuis le début de l’année,

Enfin, madame Louwagie, je vous redis que vous êtes la bienvenue pour participer à la définition des économies de dépenses publiques que nous pourrions réaliser dès le projet de loi de finances pour 2024.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour répondre au président Coquerel, il faut distinguer deux sujets. D’une part, il faut vérifier le statut des travailleurs. À chaque fois que l’inspection du travail, les Urssaf ou d’autres services constatent du travail dissimulé et un lien hiérarchique, des procédures sont engagées pour requalifier des travailleurs indépendants en salariés. Certaines plateformes ont été sanctionnées sur ce motif. D’autre part, il faut s’assurer que les indépendants ayant recours aux plateformes sans être salariés acquièrent bien des droits sociaux correspondant au travail qu’ils fournissent. Sur ce sujet, la France a plutôt été motrice en Europe puisque nous avons poussé pour obliger les plateformes de l’économie collaborative à déclarer les opérations réalisées par leur intermédiaire. Cette obligation a été étendue à l’ensemble des pays de l’Union européenne par la directive DAC7. Les données sont ensuite collectées et affichées sur le parcours en ligne de la déclaration d’impôt sur le revenu des personnes physiques et utilisées par les Urssaf.

Deux approches sont possibles : la première consiste à considérer tous les travailleurs qui utilisent les plateformes comme des salariés. Mais certains d’entre eux sont attachés à leur statut de micro-entrepreneur ou d’indépendant. La seconde approche, qui a notre faveur, consiste à aider les travailleurs à acquérir des droits sociaux. Un récent rapport du Haut Conseil du financement pour la protection sociale (HCFPS) estime à 150 millions d’euros le montant des droits sociaux qui ne sont pas attribués aux travailleurs des plateformes. Je refuse de pénaliser les travailleurs et de diminuer leur pouvoir d’achat. Plusieurs pistes parmi lesquelles la retenue à la source sur les plateformes sont à l’étude – certaines sont avancées dans le rapport précité. Aucune décision n’a été prise pour l’instant mais nous devons avancer.

Madame Pires Beaune, pour connaître les crédits issus de la mission Plan de relance transférés à d’autres missions, il faut se référer aux rapports annuels de performance de chaque mission. L’exemple le plus important en volume concerne les primes d’apprentissage : les crédits du plan de relance ont été fléchés vers le ministère du travail.

Monsieur Jolivet, dans sa note, la Cour des comptes estime que l’analyse de l’exécution budgétaire en 2022 du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne s’est pas écartée des principes et des règles du droit budgétaire. En revanche, la Cour des comptes interroge la pérennité de notre modèle. En effet, nous serons prochainement confrontés à une raréfaction des biens attractifs, donc à un amenuisement des produits de cession. Les difficultés du CAS sont bien connues. La direction de l’immobilier de l’État qui est rattachée au ministère de l’économie et des finances cherche depuis plusieurs exercices à diversifier ses recettes et à trouver des ressources récurrentes et adaptées aux besoins de financement actuels. Je tiens à votre disposition un intéressant rapport de l’Inspection générale des finances sur le sujet. Le chemin vers une réforme de la politique immobilière de l’État est encore long mais nous pouvons nous entendre sur les priorités politiques : mieux financer la transition énergétique, améliorer l’isolation thermique de nos bâtiments, mobiliser tous les leviers d’optimisation et de mutualisation des surfaces. Avec l’essor du télétravail, nombre de grandes entreprises privées se sont engagées dans cette voie. Il faut évidemment que les bâtiments publics s’adaptent aussi au profond changement dans le rapport au travail et à la surface de travail. Sur ces sujets, je sais que nous pourrons avancer ensemble.

En ce qui concerne la consultation « En avoir pour ses impôts », il s’agit d’une démarche tout à tout à fait inédite. Je vous remercie de vous y intéresser. De très nombreux Français ont déjà répondu au questionnaire. Je vous invite à organiser des réunions publiques dans vos circonscriptions et je viendrai, si vous le souhaitez. Je compte m’impliquer personnellement comme je l’ai fait hier. Le questionnaire peut évoluer, je suis à l’écoute de vos suggestions. S’agissant de la liste des impôts que vous avez mentionnée, c’est le volume financier qu’ils représentent qui explique leur présence dans le questionnaire – c’est le cas de la taxe d’habitation et de la CVAE. La suppression que vous évoquez est bien plus médiatisée que les autres. Je suis prêt à faire évoluer le questionnaire mais si vous citez la suppression de l’ISF, vous devez aussi rappeler celle de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle ainsi que tout ce que nous faisons pour le pouvoir d’achat des Français.

Monsieur Guiraud, je suis prêt à enrichir le questionnaire. Les 150 milliards d’euros que vous qualifiez d’aides aux entreprises sont, dans leur grande majorité, des allégements de cotisations sociales qui bénéficient directement à l’emploi dans notre pays. On en revient au débat lors de la réforme des retraites dans lequel vous proposiez d’augmenter de 700 euros les charges patronales payées par un patron de PME, un artisan, un commerçant pour un salarié au SMIC. Je suis totalement disposé à faire de la pédagogie sur les aides aux entreprises parce que ce sont bien souvent des aides aux salariés.

M. le président Éric Coquerel. Nous en reparlerons. Messieurs les ministres, je vous remercie.

 

 


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   examen des articles

Au cours de sa séance du mercredi 24 mai au matin, la commission a procédé à l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 (n° 1094) et du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022 (n° 1095).

M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivons nos travaux avec l’examen du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 et du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022. Je vous rappelle que, sur ces deux textes, présentés en Conseil des ministres le jeudi 13 avril, nous avons déjà auditionné les ministres, le mercredi 26 avril, et également entendu le Premier président de la Cour des comptes.

Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que la commission des finances est amenée à discuter en un seul et même mouvement plusieurs exécutions budgétaires, même s’il faut remonter à l’été 1989 pour trouver un précédent pas trop lointain, avec la discussion et l’adoption de l’exécution budgétaire pour 1986 et pour 1987.

Ce n’est pas non plus la première fois que la commission des finances est saisie une seconde fois d’un projet de loi relatif à une exécution budgétaire pour laquelle le Gouvernement avait déjà présenté un projet : cela s’était déjà produit pour l’exécution du budget pour 1983, qui avait été discuté une première fois en juillet 1985, avant de devoir l’être une seconde fois en janvier 1986. La raison, à l’époque, n’était toutefois pas un rejet du premier texte par le Parlement, mais une censure par le Conseil constitutionnel, pour un motif de procédure.

En somme, nous n’innovons qu’à demi en examinant ce matin deux textes d’exécution budgétaire, dont l’un porte sur un exercice pour lequel un précédent projet de loi a été rejeté.

Sans plus tarder, je vais donner la parole au rapporteur général, et je vous propose que – à l’instar de ce qui sera fait pour la séance publique – nous ayons une seule discussion générale portant conjointement sur les deux textes, avant d’examiner successivement les articles et les amendements portant sur chacun d’entre eux.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous sommes réunis pour l’examen de deux textes, les projets de loi de règlement du budget pour 2021 et pour 2022. Comme vous le savez, le premier projet de loi de règlement pour l’année 2021 a été rejeté par notre assemblée en lecture définitive le 3 août 2022, après avoir recueilli notre approbation en première et en nouvelle lectures.

Je vais essayer de vous convaincre de ne pas entraver l’adoption de ces textes. J’évacue ici les considérations sur l’exécution budgétaire, que chacun connaît : chaque groupe et chaque parlementaire a pu faire valoir son point de vue et interroger, en audition, le Gouvernement et le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Vous connaissez les grands agrégats pour 2022 : le déficit public de la France s’élève à 4,7 % du PIB, contre un niveau de 5 % initialement prévu ; la dette publique correspond à 111,6 % du PIB, un taux lui aussi un peu meilleur que prévu ; l’exécution est marquée par des dépenses non anticipées, massives, en réponse à l’inflation – remise sur le carburant, charge de la dette – et par des recettes supplémentaires, qui ont compensé ces dépenses nouvelles.

Les débats sur ces éléments sont légitimes, nous les avons eus et nous les aurons encore. Mais le contenu des textes que nous examinons est entièrement contraint par l’article 37 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et par des constats comptables.

Ainsi, l’article liminaire constate le solde public et ses composantes structurelle et conjoncturelle pour l’année écoulée. L’article 1er constate le solde du budget de l’État, en comparant les recettes et les dépenses. Eu égard à ce solde, l’article 2 décrit comment a été couvert – d’un point de vue technique – le besoin de financement de l’État, notamment par le programme d’émissions de dettes. L’article 3 autorise le transfert du solde de l’État au bilan de l’État et modifie en conséquence les valeurs de l’actif et du passif de l’État. Les articles 4, 5 et 6 constatent les dépenses, au centime d’euro près, sur chaque programme du budget général, sur les budgets annexes et sur les comptes spéciaux. Eu égard à ces dépenses, aux montants ouverts durant la gestion et aux reports effectués, ces articles procèdent aux annulations qui en résultent mécaniquement.

Dès lors, plusieurs éléments plaident pour que nous fassions en sorte, collectivement, de valider ces textes.

Il n’y a aucune marge de manœuvre dans l’écriture de ces dispositions par le Gouvernement. J’en veux pour preuve que le nouveau projet de loi de règlement pour 2021 est identique – à deux ou trois ajustements techniques près – à celui de l’année dernière : les constats comptables s’imposent au Gouvernement, comme ils s’imposent à nous ; aucun acte politique n’est engagé par ces projets de loi. Je constate d’ailleurs qu’un seul amendement, déposé en commission des finances, propose de modifier le texte d’un des deux projets de loi de règlement, puisque vos amendements portent essentiellement sur des demandes de rapport. J’indiquerai, lors de son examen, que cet unique amendement modificateur ne peut pas être adopté, précisément parce qu’il s’écarte du constat du solde public total, qui est une donnée et non pas une variable amendable.

En outre, la Cour des comptes a certifié les comptes de l’État pour les exercices 2021 et 2022. Sous certaines réserves classiques – de moins en moins nombreuses au fil des années –, la Cour certifie que « le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ». La Cour certifie donc que les éléments techniques et comptables qui fondent les textes que nous examinons sont exacts et sincères.

Néanmoins, l’absence de loi de règlement pose des problèmes techniques. Le bilan de l’État, constitué de son actif et de son passif, n’a pas pu être établi au terme de l’exercice 2021. Dès lors, le projet de loi de règlement pour 2022 est construit sur une base lacunaire, qui oblige à la mise en œuvre d’une modalité de traitement comptable – l’ajout d’une ligne spécifique –, à son article 3. Cette modalité permet, certes, une information complète et fidèle, et a été validée par le Conseil d’État et par la Cour des comptes. On imagine cependant mal que cette rustine grossisse chaque année, sans que jamais le bilan de l’État puisse être constaté et établi. Notre administration et notre comptabilité nationale méritent mieux que d’avoir à gérer un casse-tête technique, grossissant chaque année. L’absence de loi de règlement pose également des problèmes spécifiques sur les comptes spéciaux, empêchant toute modification des montants reportés.

La nouvelle configuration politique à l’Assemblée nationale et la Lolf réformée donnent aux oppositions d’autres outils, plus adéquats et efficaces, pour contester la politique budgétaire du Gouvernement. Je pense aux débats relatifs au programme de stabilité et aux orientations pluriannuelles des finances publiques, en avril ou en mai, aux nouveaux débats annuels sur la dette et sur les collectivités territoriales, à l’automne. Je pense surtout aux débats budgétaires eux-mêmes – à l’occasion des projets de loi de finances (PLF) et des projets de loi de finances rectificative (PLFR) –, ainsi qu’au printemps de l’évaluation, qui a précisément pour objet, pour chaque mission et programme, de confronter chaque ministre à son exécution budgétaire et aux politiques publiques qu’il met en œuvre, sous le regard des rapporteurs spéciaux et de notre commission des finances. L’objet de la loi de règlement n’est donc pas de discuter de l’exécution sur le fond, d’autres outils existant pour cela.

Pour conclure, ne pas disposer d’une loi annuelle de règlement des comptes revient à se priver de constats comptables incontestables ; de plus, cela est non seulement source de tracas pour nos administrations et nos juridictions administratives et financières, mais aussi dépourvu de sens politique. La réalité et la vérité du débat sur les politiques budgétaire et financière sont ailleurs.

Les amendements que nous allons examiner relèvent donc en quasi-totalité de demandes de rapport, donc d’informations. J’essaierai de répondre à chacune d’entre elles, beaucoup des informations sollicitées étant d’ores et déjà disponibles. Plus largement, les amendements déposés conduisent à poser cette question : si les demandes d’information sont satisfaites – dans le débat que nous allons avoir ou par l’adoption de certains amendements –, les oppositions sont-elles prêtes à ne pas entraver l’adoption de ces textes, puisqu’elles ne proposent pas de les modifier ?

J’en appelle donc à l’ensemble des groupes politiques, de façon ouverte et transparente : si vos demandes de rapport sont, pour l’essentiel, satisfaites, votre avis sur ces projets de loi évoluera-t-il en conséquence ? Il ne servirait à rien en effet d’inscrire dans la loi ces rapports sollicités si vous ne votez pas en faveur des textes dont ils découlent... Je suis prêt à en discuter, dans l’hémicycle ou avec chacun d’entre vous avant : pourriez-vous envisager de vous abstenir sur ces projets de loi, si nous accédions à vos demandes de rapport ? Cela contribuerait à simplifier la vie de nos administrations.

M. le président Éric Coquerel. J’ai également noté certains passages du rapport de la Cour des comptes, qui relève « un pilotage des dépenses fiscales défaillant, des programmes d’évaluation non respectés » et rappelle que les objectifs d’évaluation fixés en loi de programmation des finances publiques (LPFP) ne sont pas atteints : « aucune évaluation sur les onze prévues dans le programme de travail pour 2022 n’a été réalisée ».

La question de l’augmentation des dépenses fiscales doit être examinée au regard du passé mais aussi des propositions du Gouvernement figurant dans le programme de stabilité. Entre 2021 et 2022, les dépenses fiscales ont progressé de 4,6 milliards d’euros – passant de 89,6 milliards d’euros, à 94,2 milliards d’euros pour le PLF pour 2023 –, soit une hausse de 5,2 % en un an. On observe par ailleurs que l’ancien dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été remplacé par une exonération pérenne des cotisations sociales : se posent les mêmes problématiques, relatives au coût de la mesure comparée aux emplois générés ainsi qu’aux mécanismes adossés sur les cotisations sociales.

Je m’interroge sur ces dépenses fiscales. Toutes les études le montrent : durant les cinq dernières années, ce sont les plus riches de nos concitoyens, notamment détenteurs de capital, qui en ont surtout profité. Pour toutes ces raisons, mon regard sur l’exécution budgétaire est plutôt négatif.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Comme le rapporteur général, je ne pense pas qu’il faille avoir un avis positif ou négatif sur ce qui n’est qu’une photographie de nos comptes. D’ailleurs, dans les collectivités locales, les oppositions votent fréquemment le compte administratif, l’action politique étant tournée vers l’avenir, et non vers le passé. En l’occurrence, c’est une photographie de nos comptes en sortie de crise qui démontre la cohérence de l’action gouvernementale : protéger les Français et libérer l’activité s’est conjugué parfaitement avec le redressement de nos comptes. Ce sont d’ailleurs précisément les dépenses de protection en sortie de crise ou pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine qui ont permis de protéger notre économie et d’éviter les faillites et le chômage, qui auraient coûté beaucoup plus cher à l’État, donc aux contribuables.

Quant au redressement budgétaire, les chiffres sont incontestables : nous sommes passés d’un déficit public de 9 % du PIB, à 4,7 %, sous l’effet d’un accroissement des recettes fiscales. Cela montre bien que baisser les impôts n’implique pas une diminution des recettes. Au contraire, les recettes fiscales supplémentaires dépassent le chiffre prévisionnel de plus de 37 milliards d’euros en 2021, et de plus de 7 milliards d’euros en 2022. Paradoxalement, baisser les impôts revient à augmenter les recettes.

Concernant l’activité économique, beaucoup d’oiseaux de mauvais augure prétendaient que la croissance n’allait pas résister. Or, la sortie de crise s’est traduite par un rebond historique depuis 1969 ; en 2022, le taux de croissance a atteint 2,6 %. Pour toutes ces raisons, il est inutile de polémiquer. Les motifs administratifs évoqués par le rapporteur général nous invitent également à adopter ces deux projets de loi de règlement.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous souhaitons revenir sur certains des éléments du projet de loi de règlement pour 2021, notamment sur le déficit constaté – 160,9 milliards d’euros, soit 6,4 % du PIB – qui est très éloigné de la prévision de 3 %, chiffre fixé à l’origine par les traités européens, certes de manière arbitraire. Si la crise du covid est censée expliquer ce mauvais résultat, soulignons que celle-ci a eu d’importantes conséquences sur le solde public de l’année 2020, à hauteur de 71,5 milliards d’euros, mais qu’on était repassé à 2,2 milliards d’euros en 2021. Le déficit structurel – 4,4 % du PIB – est effectivement plus favorable.

Vous vous félicitez des rentrées fiscales. Or, une partie de celles-ci est due à l’augmentation des recettes de la TVA : comment se réjouir d’une telle spoliation du pouvoir d’achat des Français ?

Notre position sur le vote de ces textes sera fonction des débats à suivre.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). S’il ne s’agissait que d’un texte comptable, nous n’entendrions pas des membres de la majorité relative expliquer qu’il s’agit d’un budget de protection, reprenant les éléments de langage habituels pour défendre un PLF. Nous évaluerons ainsi notre position sur le vote, non pas en fonction de la nature du texte, mais de ce qui en est dit. Sur deux textes que nous examinons, la hausse des recettes n’est pas due à la baisse des impôts, comme je l’entends dire, mais à la progression des recettes de la TVA – qui représentent une recette de 100 milliards d’euros pour 2022, un peu moins en 2021. Et celle-ci n’est pas due à la baisse des impôts sur les sociétés ou sur les ménages, mais à l’inflation et aux prix qui augmentent.

Il ne s’agit donc pas seulement de textes comptables. Beaucoup de questions se posent : financières d’abord, puisque la France a fait le choix depuis 2015 d’indexer une grosse partie de la dette sur l’inflation, alors qu’elle n’y avait aucun intérêt ; démocratiques ensuite puisque l’État affecte de plus en plus de crédits à la compensation des cadeaux fiscaux octroyés dans le cadre des budgets de la sécurité sociale et des collectivités, alors que ces budgets sont censés être strictement séparés.

Quant à la remarque de M. le rapporteur général, je pense qu’il faut considérer avec intérêt chacun des amendements, sans en rejeter aucun en fonction de la position de vote. Nous défendons des amendements pour réorienter les projets de loi, mais aussi pour faire des propositions de rapport qui nous semblent d’intérêt général.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le projet de loi de règlement est un moment de vérité, en ce qu’il constitue une photographie des politiques publiques menées et de leurs résultats.

En matière de dépenses publiques, le Gouvernement nous avait promis la fin du « quoi qu’il en coûte ». Or les dépenses ordinaires, hormis celles d’urgence sanitaire et de relance, ont continué à augmenter – 3,5 % supplémentaires en 2022 –, soit une hausse de plus de 66 milliards d’euros, venant s’ajouter à celles de 37 milliards d’euros en 2021 et de 50 milliards d’euros en 2020.

Les recettes de l’État atteignent, quant à elles, un niveau jamais atteint, avec, en 2021, 10 milliards d’euros supplémentaires pour l’impôt sur le revenu et plus de 15 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés. Au final, le taux de prélèvements obligatoires – 45,3% du PIB – est l’un des plus élevés en Europe.

Cependant, l’État n’a pas profité de ces recettes exceptionnelles pour se désendetter, les dépenses ayant continué à augmenter. La dette publique atteint un niveau catastrophique, s’établissant à 2 950 milliards d’euros. La charge d’intérêts de la dette a connu une hausse annuelle de 15 milliards d’euros en 2022, pour s’établir à près de 50 milliards d’euros : elle devrait atteindre 71 milliards d’euros en 2027. Les perspectives de désendettement sont peu crédibles et peu ambitieuses : si le Gouvernement multiplie les annonces indiquant que des efforts sont faits, aucune des mesures proposées ne conduit à un désendettement.

Nous ne pouvons donc adhérer aux politiques publiques qui sont menées, dont la traduction figure dans le projet de loi de règlement.

M. Pascal Lecamp (Dem). Je ne reviendrai pas longuement sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021. Notre soutien aux décisions prises en 2021, qui visaient à accompagner la relance de l’économie française pendant la pandémie du covid, est intact. La résistance de l’emploi à la crise, alors que le taux de chômage s’établit à 7,4 % pour le quatrième trimestre de l’année 2022 et le taux de croissance à 6,8 %, prouve que les mesures prises ont été efficientes. Je regrette donc que les oppositions aient bloqué le projet de loi de règlement pour 2021, texte avant tout technique. Cette décision néfaste impacte négativement la lisibilité des comptes publics et n’emporte aucun effet positif.

J’en viens aux comptes de l’année 2022. Nous espérions, après la pandémie, un retour plus franc vers une trajectoire budgétaire de diminution du ratio de la dette publique. Mais la crise inflationniste mondiale et la guerre en Ukraine ont conduit le Gouvernement et la majorité du Parlement à adopter des mesures urgentes de protection des ménages et des entreprises. Le chèque énergie, le bouclier énergétique, l’amortisseur électricité ont permis à la France d’afficher un taux d’inflation de 6,7 % en décembre 2022, soit 3 points de moins que la moyenne de la zone euro et 4,2 points de moins que la moyenne de l’Union européenne. Un tel effort est considérable ; bien qu’extrêmement coûteux, il a porté ses fruits.

Les différentes crises ont parfois conduit le Gouvernement à s’éloigner des grands principes budgétaires de Maastricht. La Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé. Il faut effectivement œuvrer à un meilleur respect des principes d’annualité et de spécialité budgétaires.

Enfin, le déficit public a diminué en 2022, passant de 6,5 % à moins de 5 % du PIB. Malgré une année encore exceptionnelle sur le plan budgétaire, nous retrouvons le chemin du rétablissement de nos finances publiques : la France connaît un retournement de son taux d’endettement de plus d’1 point, ce qui est une très bonne nouvelle. En cohérence avec nos positions sur les textes budgétaires depuis de début de la législature, le groupe Démocrate votera, sans surprise, en faveur de ces deux textes.

M. Philippe Brun (SOC). Le dernier projet de loi de règlement est, comme le précédent, marqué par l’insincérité de l’exécution budgétaire du Gouvernement. On nous avait ainsi promis la création de 850 postes dans la fonction publique en 2022. Or, loin de remplir ces objectifs, le Gouvernement a diminué de 5 844 équivalents temps plein (ETP) le nombre d’emplois dans la fonction publique d’État. Nous remarquons également un nombre important de reports, à hauteur de 23,2 milliards d’euros de 2021 à 2022, et de 18,8 milliards d’euros de 2022 à 2023.

Dans une note d’exécution budgétaire, la Cour des comptes indique que ces reports « affectent la portée de l’autorisation parlementaire et nuisent à la lisibilité des lois de finances ». La création de postes est insuffisante par rapport aux budgets votés, les reports sont massifs et la charge de la dette explose, en raison du choix suicidaire et répété de recourir à des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi), qui représentent désormais 12 % de notre dette. La charge de la dette augmentera donc de 30 milliards d’euros d’ici à 2027, puisqu’une progression de 1 % du taux de l’’inflation équivaut à une hausse de 2,6 milliards d’euros de la charge de la dette. Le groupe Socialistes et apparentés souhaite donc demander au Gouvernement un certain nombre de rapports, afin d’obtenir des explications sur ces différents points, et notamment sur le choix incompréhensible de recourir à ces emprunts que nous jugeons toxiques et qui mettent gravement en danger nos finances publiques.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous examinons à nouveau le projet de loi de règlement pour 2021, en même temps que celui portant sur l’année 2022. Nous l’avons dit l’été dernier, nous regrettons fortement le rejet du premier texte en lecture définitive, alors qu’il avait été adopté lors des deux lectures précédentes. Les projets de loi de règlement sont des textes formels, arrêtant le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel il se rapporte, ainsi que le solde budgétaire qui en découle. Ils permettent d’affecter au bilan le résultat comptable de l’exercice, d’approuver le compte de résultat de l’exercice, le bilan ainsi que le compte général de l’État.

L’examen de ces textes est l’occasion de revenir sur la gestion des finances publiques des années précédentes et d’émettre un avis à son propos. Mais il s’agit surtout, en responsabilité, d’approuver les comptes de l’État : il en va de la lisibilité des comptes publics, indispensables à la bonne tenue de notre mandat parlementaire, consistant à contrôler l’action du Gouvernement et à voter le budget de notre pays.

Sur le fond, l’exécution budgétaire montre que nos finances publiques ont été fortement sollicitées par les mesures de soutien exceptionnelles déployées pour faire face aux crises sanitaire puis inflationniste. La politique menée par le Gouvernement et la majorité a clairement porté ses fruits : la croissance a bien résisté, en 2021 et en 2022 ; le chômage a atteint un taux historiquement bas ; l’inflation est l’une des moins élevées en Europe. Certes, les politiques d’urgence et de relance ont eu un coût important et nous devons désormais nous atteler à rétablir les finances publiques, conformément à la trajectoire fixée dans le programme de stabilité. En tout état de cause, le groupe Horizons et apparentés votera bien évidemment en faveur de ces deux textes.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Depuis le début de la législature, le groupe Écologiste-NUPES plaide pour une transition écologique et sociale ambitieuse. Les appels en faveur d’un changement clair dans la politique économique du Gouvernement résonnent aujourd’hui avec force. Ainsi, le rapport Pisani-Ferry et Mahfouz souligne la nécessité de mettre en place des mesures substantielles, afin de relever le défi climatique et de réajuster notre budget en conséquence. Malheureusement, la majorité persiste à éviter ce défi crucial, en se contentant de gestes superficiels : l’exécution budgétaire le reflète.

Le budget vert annexé au projet de loi de règlement comporte des lacunes qualitatives : dans son rapport sur le budget de l’État en 2022, la Cour des comptes l’a qualifié, avec une pointe d’ironie, de « démarche inaboutie ». La Cour rappelle que « sa principale faiblesse a trait à ses résultats modestes en matière de cotation : 10 % des dépenses sont cotées favorables ou défavorables », affaiblissant la portée de l’exercice.

À ce manquement à l’impératif de sincérité écologique s’ajoute – une fois encore – un respect très relatif de l’enjeu de l’annualité budgétaire. Comme l’a démontré la Cour des comptes, vous reconduisez des crédits et des autorisations d’engagement dans des proportions historiques. Si cela fait, certes, suite à la crise exceptionnelle du covid 19, cela échappe au véritable contrôle parlementaire, déjà miné par le recours répété à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.

En conclusion, nous ne pourrons pas soutenir un projet de loi de règlement reflétant une politique budgétaire qui se prive de recettes fiscales sur les entreprises et qui n’accorde pas la priorité au service public et à la transition écologique.

M. Michel Castellani (LIOT). Le projet de loi de règlement pour 2021 a été rejeté en lecture définitive, en août dernier. La représentation nationale vous a ainsi alertés sur l’absence de consensus quant à la politique budgétaire menée par le Gouvernement – le Sénat a fait la même analyse.

Je soulèverai quelques points concernant l’exécution budgétaire de l’année 2022. Faut-il se satisfaire de la baisse des impôts ? Le taux de prélèvements obligatoires est resté inchangé entre 2017 et 2022, s’élevant à plus de 45 % du PIB. Il en va de même du taux de chômage : s’il s’élève à 7,2 % en affichage, la réforme de l’assurance chômage masque en réalité un halo de chômage et un taux d’activité sensiblement en baisse.

Si les recettes fiscales ont effectivement augmenté, cette hausse s’explique aussi par l’inflation. De plus, les dépenses de l’État ont également progressé de 200 milliards d’euros en un an ; le solde structurel s’établit à 4 % du PIB ; la charge de la dette a dépassé 50 milliards d’euros en 2022 ; les emprunts d’État émis représentent 260 milliards d’euros.

En outre, vous estimez devoir reporter de deux ans l’âge de la retraite et encadrer les dépenses des collectivités territoriales, alors que seul l’État a été déficitaire en 2022 – à hauteur de 150 milliards d’euros. Bref, la tonalité que nous donnons à l’analyse de la politique budgétaire est bien différente de celle qui nous est proposée.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Émilie Bonnivard (LR). La dette s’élève à 111 % du PIB, soit 2 950 milliards d’euros, ce qui est vertigineux. Je souhaite toutefois exclure la dette covid de l’analyse, car il nous faut être solidaires et ne pas faire preuve d’hypocrisie sur ce point : nous avons tous voté les PLFR correspondants en leur temps et avons tous souhaité soutenir notre économie à ce moment-là. Quelle est la part de cette dette et de sa charge dans la dégradation de la dette publique ?

Par ailleurs, je regrette que nous n’arrivions pas à opérer une réforme structurelle de diminution de la dépense publique, qui représente toujours 58 % du PIB. Nous avons les dépenses publiques les plus élevées au niveau européen, sans que cela se traduise par une meilleure qualité du service public : nos concitoyens ont au contraire le sentiment que celui-ci se dégrade.

M. Frédéric Cabrolier (RN). En 2022, la croissance du PIB a été beaucoup moins dynamique en France que dans le reste de la zone euro : le niveau du PIB n’a augmenté que de 1,3 point par rapport à celui d’avant la crise quand celui des pays européens a progressé en moyenne de 2,8 points depuis 2019. Le reversement à l’État de recettes exceptionnelles engrangées par les producteurs d’électricité et surtout le dynamisme des recettes fiscales et sociales ont partiellement compensé le coût pour les finances publiques des mesures de soutien. Le PIB est uniquement tiré par les entreprises qui ont réinvesti et surtout stocké, les ménages ayant beaucoup moins consommé du fait de la baisse de leur pouvoir d’achat causée par les 5,2 % d’inflation en 2022.

Affectée par la hausse de l’inflation, la charge de la dette a augmenté de 13 milliards d’euros par rapport à 2021, ce qui explique pourquoi le ministre des finances milite pour un assouplissement des critères budgétaires pour que ceux-ci ne tiennent compte que des dépenses primaires nettes et excluent les intérêts de la dette.

Pour repasser sous les fourches caudines de Bruxelles et atteindre un niveau de déficit inférieur à 3 % du PIB en 2027, vous engagez d’ici à 2025 un effort sur les dépenses publiques qui sera deux fois plus soutenu que celui accompli lors des deux dernières décennies. Voilà pourquoi nous voterons contre le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2022.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur Mauvieux, nous ne pouvons pas revenir sur les résultats, nous devons nous prononcer sur un constat et une photographie. Je ne comprends pas le chiffre que vous avez avancé sur les mesures d’urgence. Nous sommes sortis, madame Louwagie, du « quoi qu’il en coûte » : les mesures d’urgence représentaient 70,1 milliards d’euros en 2020, 61,7 milliards en 2021 et 14,8 milliards en 2022 ; elles continuent de peser sur les comptes publics, mais cette charge diminue fortement. Le plan de relance coûtait également 9 milliards en 2021 et la même somme en 2022.

Monsieur Brun, la Cour des comptes ne remet absolument pas en cause la sincérité des comptes ; la dernière fois qu’elle l’a fait, c’était en 2017, quand votre parti était au pouvoir. Vous êtes un spécialiste de l’insincérité et vous vous êtes trompé d’année !

Une partie de nos emprunts est contractée à taux variables adossés à l’inflation : quand, ces dernières années, ceux-ci étaient négatifs et nous faisaient gagner de l’argent, je ne vous ai pas entendu alerter la commission sur ce type d’emprunts. En aucune manière, ceux-ci peuvent être qualifiés de toxiques.

Je voudrais remercier les députés Lecamp et Magnier pour leur soutien et leur appel à la responsabilité collective.

Madame Sas, personne n’a jamais dit que le budget vert était abouti, mais nous avons eu le courage de mettre un pied dans la porte et d’élaborer un premier budget vert. Cette initiative française est inédite en Europe et elle est maintenant copiée. Je ne demande qu’à aller plus loin et j’espère que les débats des prochains moins seront l’occasion pour vous d’avancer des propositions visant à verdir davantage le budget vert.

Madame Bonnivard, je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons tous voté les mesures d’urgence, qui étaient opportunes même si nous constatons aujourd’hui leur poids sur les comptes publics.

La charge de la dette liée au covid s’élève à 165 milliards ; elle a été isolée et sera payée pendant vingt ans : en 2023, elle représentait 6,6 milliards.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 (n° 1095).

M. le président Éric Coquerel. Nous devrions aller beaucoup plus vite sur ce second texte, car beaucoup d’amendements sont comparables à ceux que nous venons d’examiner.

 

 

 

 

 

 

 


Article liminaire
Solde structurel et solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2022

Le présent article met en œuvre l’article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([57]).

Article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

La loi de règlement comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année à laquelle elle se rapporte. Le cas échéant, l’écart aux soldes prévus par la loi de finances de l’année et par la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de règlement, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de finances de l’année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques.

À compter de l’exercice 2023, les dispositions organiques encadrant le contenu de la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année figurent dans la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, telle que modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques ([58]).

Ainsi, est présenté un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2022, les soldes prévus par la loi du 30 décembre 2021 de finances initiale (LFI) pour 2022 et par la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022, ainsi que l’écart aux soldes prévus.

Tableau de synthèse de l’article liminaire

(en points de PIB)

Solde

Exécution 2022

LFI 2022

LPFP 2018-2022 (année 2022)

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel (en % du PIB potentiel)

– 3,4

– 4,0

0,6

– 0,8

– 2,6

Solde conjoncturel

– 1,2

– 0,8

– 0,5

0,6

– 1,8

Mesures ponctuelles et temporaires

– 0,1

– 0,2

0,2

0,0

– 0,1

Solde effectif

 4,7

 5,0

0,3

 0,3

 4,5

En raison d’effets d’arrondis au dixième, le solde effectif peut différer de la somme de ses composantes.

Source : présent projet de loi de règlement.

Les différentes composantes du déficit public de 2022 sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

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*     *

Amendement CF13 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le calcul du solde structurel est fait à partir du PIB potentiel. Le Haut Conseil des finances publiques a ainsi souligné dans un avis que, suivant le rapport économique, social et financier pour 2023, la dernière évaluation du PIB potentiel par le Gouvernement conduisait à un solde structurel plus dégradé de 0,6 point de PIB potentiel en 2022. Dans le prolongement de cette évaluation, nous proposons de porter le solde structurel de – 3,4 à – 4 points de PIB et, par conséquent, le solde effectif de – 4,7 à – 5,3 points de PIB.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de retirer cet amendement pour le retravailler. C’est, en effet, une mauvaise lecture de l’avis du Haut Conseil. Le solde est constaté : on ne peut pas le modifier dans une loi de règlement.

L’amendement CF13 est retiré.

La commission adopte l’article liminaire non modifié.


Après l’article liminaire

Amendement CF12 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). La Commission européenne a annoncé la désactivation de la clause dérogatoire générale à la fin de l’année 2023. Pour suivre les recommandations formulées par le Haut Conseil des finances publiques, cet amendement invite le Gouvernement à publier un rapport, en vue de l’examen du prochain projet de loi de finances, faisant état des conditions de levée de la clause de circonstances exceptionnelles en France et d’un calendrier corrélatif.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’assainissement des finances publiques est largement documenté dans le cadre de la programmation pluriannuelle, qui repose notamment sur la loi de programmation des finances publiques. Un rapport sur le calendrier ne me paraît donc pas un outil approprié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF12.

Amendement CF14 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le déficit public structurel est supérieur, en 2022, de 2,6 points à la prévision retenue dans la loi de programmation de janvier 2018 – soit 0,8 point de PIB potentiel – et, en moyenne, de 2,9 points en 2021 et 2022. Ces écarts sont suffisamment importants pour rendre nécessaire la production d’un rapport explicitant les raisons de l’augmentation notable du niveau des dépenses structurelles.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est le travail du Haut Conseil des finances publiques de mesurer ces écarts. Il a dit, vous avez raison, qu’ils étaient maintenant très significatifs, mais je n’ai pas besoin de vous rappeler les crises qui se sont produites. Votre amendement, si je peux être un peu provocateur, prouve qu’on a besoin d’une loi de programmation : cela permet de mesurer et de suivre des écarts, et d’interroger le Gouvernement sur sa politique.

La commission rejette l’amendement CF14.

 

 

 

 


Article premier
Résultats du budget de l’année 2022

Conformément au paragraphe I de l’article 37 de la LOLF ([59]), le présent article arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État en 2022, duquel découle le résultat budgétaire ou le solde d’exécution des lois de finances.

Le I arrête le résultat budgétaire de l’État en 2021 à – 151,4 milliards d’euros.

Le II arrête, dans un tableau, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux de l’année 2022. Les données présentées sont calculées hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI) ([60]).

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 1).

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*     *

La commission adopte l’article 1er non modifié.

 

 


Article 2
Tableau de financement de l’année 2022

Conformément au paragraphe II de l’article 37 de la LOLF, le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2022. Le besoin et les ressources de financement sont ainsi arrêtés à 280,0 milliards d’euros.

Ressources et charges de trÉsorerie de l’annÉe 2022

(en milliards d’euros)

Besoin et ressources de financement de l’État

Exécution 2022

Besoin de financement

280,0

Amortissement de la dette à moyen et long termes

145,7

dont remboursement du nominal à valeur faciale

140,8

dont suppléments d’indexation versés à l’échéance (titres indexés)

5,0

Amortissement SNCF réseau

3,0

Amortissement des autres dettes

0,0

Déficit à financer

151,4

Autres besoins de trésorerie

– 20,2

Ressources de financement

280,0

Émissions de dette à moyen et long termes, nettes des rachats

260,0

Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement

1,9

Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme

– 6,9

Variation des dépôts des correspondants

1,1

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État

35,2

Autres ressources de trésorerie

– 11,3

Source : article 2 du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022.

Cet article présente les flux de trésorerie ayant concouru à l’équilibre financier de l’État et non à son équilibre comptable, défini en comptabilité générale et budgétaire de l’État.

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 5).

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La commission adopte l’article 2 non modifié.

 


Article 3
Résultat de l’exercice 2022  Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l’annexe

Le présent article soumet à l’approbation du Parlement les états financiers de l’État. Aux termes du paragraphe III de l’article 37 de la LOLF, « la loi de règlement approuve le compte de résultat de l’exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées » et « elle affecte au bilan le résultat comptable de l’exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes ».

Le I du présent article approuve le compte de résultat de l’exercice relatif à l’année 2022, lequel fait ressortir un résultat patrimonial de – 160,0 milliards d’euros, et mentionne dans un tableau les charges et produits de l’État.

Le II affecte au bilan ce résultat à la ligne « report des exercices antérieurs ».

Le III approuve le bilan après affectation du résultat comptable. La situation nette du bilan de l’État s’établit ainsi à – 1 757,9 milliards d’euros au 31 décembre 2022.

Le IV approuve les informations complémentaires figurant à l’annexe du compte général de l’État.

Par ailleurs, l’article 47–2 de la Constitution, issu de sa révision du 23 juillet 2008, prévoit que « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Sur ce fondement, la Cour des comptes est chargée de procéder à la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État en application du 5° de l’article 58 de la LOLF. En avril 2023 ([61]), la Cour a certifié que « sous réserve des incidences des problèmes décrit dans la section « Fondements de l’opinion avec réserves », le compte général de l’État est, au regard du recueil des normes comptables de l’État, régulier et sincère, et donne, dans tous ses aspects significatifs, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l’État à la clôture de l’exercice ».

La Cour des comptes formule, dans son rapport sur la certification des comptes de l’État, quinze observations, dont quatre « anomalies significatives » et onze relatives à des « insuffisances d’éléments probants ».

Ces données sont analysées dans la partie générale du présent rapport (cf. fiche 6).

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*     *

La commission adopte l’article 3 non modifié.

 


Article 4
Budget général  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) consommés sur le budget général.

Aux termes du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article « ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l’annulation des crédits n’ayant été ni consommés ni reportés ».

À ce titre, le présent article ouvre des crédits complémentaires pour un montant de 209,1 millions d’euros d’AE et 183,1 millions de CP, destinés au financement des programmes Charge de la dette et trésorerie de l’État et Appels en garantie de l’État qui portent des crédits évaluatifs au sein de la mission Engagements financiers de l’État.

Le présent article procède également à l’annulation de crédits non consommés et non reportés à hauteur de 11,6 milliards d’euros en AE et 9,8 milliards d’euros en CP, dont 3,8 milliards d’euros en AE et CP au titre de la mission Remboursements et dégrèvements.

L’annexe Développement des opérations constatées au budget général ([62]) au présent projet de loi de règlement a pour objet de détailler la situation définitive des ouvertures en AE et en CP, les dépenses constatées sur le budget général et les modifications demandées en loi de règlement.

Les données contenues dans le présent article sont analysées dans la fiche 3 sur les dépenses de l’État du présent rapport et par sa fiche 4 relative aux modifications de crédits intervenues au cours de l’exercice 2022.

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*     *

La commission adopte l’article 4 non modifié.

 


Après l’article 4

 

Amendements CF5 de Mme Charlotte Leduc, CF18, CF20, CF22 et CF21 de M. Philippe Brun (discussion commune).

M. Mickaël Bouloux (SOC). Les amendements CF18, CF20, CF22 et CF21 demandent des rapports sur les annulations de crédits dans le cadre des missions Aide publique au développement, Plan d’urgence face à la crise sanitaire, Relations avec les collectivités territoriales et Transformation et fonction publiques.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Même avis défavorable que précédemment, pour les mêmes raisons.

La commission rejette successivement les amendements CF5, CF18, CF20, CF22 et CF21.

 

 

 


Article 5
Budgets annexes  Dispositions relatives aux autorisations
d’engagement et aux crédits de paiement

Le présent article arrête les montants définitifs, par mission et par programme, des AE et des CP consommés sur les budgets annexes.

Le budget annexe Contrôle et exploitation aériens présente un niveau de consommation de 2,4 milliards d’euros en AE et en CP au titre de l’exercice 2021. Le budget annexe Publications officielles et information administrative présente un niveau de consommation de 141,6 millions d’euros en AE et 142,3 millions d’euros en CP.

En application du 2° du IV de l’article 37 de la LOLF, le présent article procède également à l’annulation d’AE non engagées et non reportées au titre de l’exercice 2022 sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 12,2 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 8,6 millions d’euros.

Parallèlement, il annule les CP non consommés et non reportés sur :

– le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, à hauteur de 9,8 millions d’euros ;

– le budget annexe Publications officielles et information administrative, à hauteur de 4,4 millions d’euros.

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*     *

La commission adopte l’article 5 non modifié.

 


Article 6
Comptes spéciaux  Dispositions relatives aux autorisations d’engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés. Affectation des soldes

Le I du présent article arrête dans un tableau le montant des autorisations d’engagement consommées sur les comptes spéciaux, au 31 décembre 2022, par mission et programme.

Autorisations d’engagement ouvertes et consommÉes des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Autorisations d’engagement ouvertes

Autorisations d’engagement consommées

Écart

2017

204,3

200,4

– 3,9

2018

207,3

198,7

– 8,6

2019

210,1

189,7

– 20,4

2020

228,0

204,9

– 23,1

2021

199,6

192,0

– 7,6

2022

215,5

206,2

– 9,3

Source : lois de finances, lois de règlement et projets de lois de règlement successifs.

Le II arrête dans un tableau les résultats des comptes spéciaux, au 31 décembre 2022, par mission et programme en crédits de paiement.

crÉdits de paiement ouverts et consommÉs des comptes d’affectation spÉciale et comptes de concours financiers

(en milliards d’euros)

Année

Crédits de paiement ouverts

Crédits de paiement consommés

Écart

2017

203,0

198,1

– 4,9

2018

205,8

198,6

– 7,2

2019

210,0

191,2

– 18,8

2020

228,2

205,3

– 22,9

2021

199,8

192,2

– 7,6

2022

214,8

206,2

– 8,6

Source : lois de finances, lois de règlement et projets de lois de règlement successifs.

Le III arrête, dans un tableau, à la date du 31 décembre 2022, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2023.

Le IV reporte à la gestion 2023 les soldes arrêtés au III à l’exception de ceux présentés dans le tableau ci-dessous.

Soldes non reportÉs sur la gestion 2022

(en millions d’euros)

Compte

Solde non reporté

Compte de concours financiers Prêts à des États étrangers

– 368,2

Compte de commerce Opérations commerciales des domaines

112,9

Compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques

211,2

Compte d’opérations monétaires Pertes et bénéfices de change

– 102,5

Source : présent projet de loi de règlement.

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*     *

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 


Article 7
Règlement du compte spécial « Participation de la France
au désendettement de la Grèce »

Le présent article arrête le solde du compte spécial Participation de la France au désendettement de la Grèce à un montant créditeur de 799 800 000 euros, apuré par le présent projet de loi de règlement, ce compte ayant été clos au 1er janvier 2023. Conformément aux 4° et 5° du IV de l’article 37 de la LOLF, ces dispositions relèvent du domaine réservé des lois de règlement.

Le compte d’affectation spéciale (CAS) Participation de la France au désendettement de la Grèce a été créé par l’article 21 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, afin de mettre en œuvre les engagements pris par la France concernant le reversement à la Grèce des revenus tirés des titres de dette grecque détenus par la Banque de France. Les États membres de la zone euro devaient ainsi participer à la réduction de la dette publique grecque. Les versements, qui étaient conditionnés au respect par la Grèce d’engagements pour renforcer la soutenabilité de sa dette, ont été suspendus entre 2015 et 2019.

Ce compte retraçait, en recettes, le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France à l’État au titre de la restitution des revenus qu’elle a perçus sur les titres grecs. Il retraçait, en dépenses, les versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur ses titres, ainsi que des rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France.

Ce CAS devait initialement être clôturé au 31 décembre 2020. L’article 91 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a cependant repoussé la clôture de deux ans pour tenir compte des suspensions et décalages de paiement intervenus.

Le solde des opérations enregistrées sur ce compte est versé au budget général de l’État.

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*     *

La commission adopte l’article 7 non modifié.


Après l’article 7

Amendement CF24 de M. Charles Sitzenstuhl.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Certaines vérités sont bonnes à rappeler. Comme notre collègue Guiraud l’a quasiment sous-entendu tout à l’heure, quand il a dit que l’inflation en France était inférieure à celle en Europe, c’est notre majorité qui, parmi les grands pays européens, a le mieux réussi dans la lutte contre l’inflation. Des montants très importants ont été mobilisés en 2021 et 2022 pour aider les Français à passer ces temps difficiles. Il serait utile que le Gouvernement compile, de façon définitive, les montants qui ont permis d’aider à contenir l’inflation. Il en va de l’information, qui doit être claire, de la représentation nationale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces informations ont été mises à jour dans le cadre du programme de stabilité, et elles seront disponibles dans mon rapport. L’impact de l’inflation sur les recettes et les dépenses est, par ailleurs, précisé dans les rapports spéciaux. Je vous demande de retirer l’amendement, mais vous pourrez poser la question au ministre en séance.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Je n’ai pas donné de chiffre en matière d’inflation, ni vanté l’action de qui que ce soit. J’ai seulement dit que Bruno Le Maire n’arrêtait pas de se féliciter.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas uniquement de protéger les Français de l’inflation : on doit aussi défendre le pouvoir d’achat. Si l’inflation augmente moins, mais que les salaires n’augmentent pas du tout, il en résulte une chute du pouvoir d’achat, ce qui est exactement ce qui se passe en Europe.

L’augmentation des prix est légèrement plus faible en France, mais il n’y a pas du tout d’augmentation des salaires, et certains n’arrivent donc plus à joindre les deux bouts, à nourrir leur famille. C’est notamment le cas des salariés grévistes de Vertbaudet.

M. Fabien Di Filippo (LR). Une petite précision sémantique : aucune dépense publique ne permet de lutter contre l’inflation. On lutte éventuellement contre ses effets, mais une facture est toujours à payer. C’est plutôt par la modération qu’on arrive à diminuer l’inflation à un moment donné.

M. le président Éric Coquerel. C’est vrai pour la boucle prix–salaires ; ça l’est moins pour la boucle prix–profits.

La commission rejette l’amendement CF24.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette successivement les amendements CF1, CF2 et CF3 de Mme Charlotte Leduc, CF9 et CF10 de M. David Guiraud, CF6 de Mme Charlotte Leduc, et CF8 et CF4 de M. David Guiraud.

Amendement CF16 de M. Jocelyn Dessigny.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Contrairement à ce qu’ont fait d’autres pays de l’Union européenne, le Gouvernement a refusé de supprimer, ou à défaut de réduire substantiellement, le taux de TVA sur les produits dits de première nécessité, alors même que l’inflation faisait croître, d’une manière peu supportable pour les personnes les plus fragiles économiquement, les prix de ces produits et, par voie de conséquence, le rendement de la TVA qui en est issue. Mon amendement demande la publication, par le Gouvernement, d’un rapport établissant le montant de la TVA récoltée en 2022 sur les produits de première nécessité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les revenus de la TVA sont connus : c’est l’application d’un pourcentage. Nous n’avons donc pas besoin d’un rapport. Par ailleurs, les économistes ont montré à de nombreuses reprises que les baisses de TVA n’étaient pas répercutées, en tout cas pas complètement, tant s’en faut, sur les consommateurs. Avis défavorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le montant global de la TVA est certes connu, mais c’est des produits de première nécessité qu’il s’agit plus spécifiquement dans cet amendement. Nous proposons depuis des mois de faire passer le taux à 0 % pour un panier de cent produits, mais cela a toujours été refusé. Nous aimerions bien savoir à quels profits cela correspond en 2022.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de votre intervention. La TVA n’est pas un profit, c’est une recette pour l’État.

Je ne peux pas vous dire combien votre proposition coûterait : dites-nous sur quel périmètre la suppression de la TVA porterait précisément.

Pour ce qui est des montants qui reviendraient dans la poche du distributeur ou du producteur et dans la poche du consommateur, je ne peux pas me prononcer, mais des études ont montré qu’aucune tentative en la matière ne s’est traduite par une répercussion effective sur les consommateurs. Cela conduit à une perte certaine pour les finances publiques et à un gain incertain pour le consommateur.

M. le président Éric Coquerel. Nous pourrons poursuivre le débat en séance.

La commission rejette l’amendement CF16.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF7 de M. David Guiraud.

Amendements CF23 de M. Philippe Brun, CF15 de M. Jocelyn Dessigny et CF11 de M. David Guiraud (discussion commune).

M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement revient sur la question des OATi – il nous tarde d’en parler plus longuement jeudi prochain. Les emprunts réalisés depuis 2017, monsieur le rapporteur général, ne peuvent pas être imputés aux gouvernements précédents. Le problème n’est pas de solliciter ce type d’emprunts, mais de les sur-solliciter.

M. Jocelyn Dessigny (RN). La charge d’intérêts relative aux OATi est en augmentation constante, nonobstant la dangerosité de ces emprunts du fait de la conjoncture économique. L’Agence France Trésor a ainsi émis 25,4 milliards d’euros de titres indexés en 2022, contre 23,6 milliards en 2021. Le déclenchement de l’inflation, son haut niveau et sa pérennité dans le cycle économique suscitent un intérêt aiguisé pour ces titres. La documentation publique en la matière n’apparaît, cependant, ni assez fournie ni assez régulière compte tenu du risque inhérent. C’est la raison pour laquelle mon amendement propose que le Gouvernement publie annuellement, avant l’examen du projet de loi de finances, un rapport portant sur ce sujet.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous en avons déjà parlé. Il existe une transparence totale sur la gestion de la dette française.

La commission rejette successivement les amendements CF23, CF15 et CF11.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF17 de M. Philippe Brun

Elle adopte l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022 sans modification.

 


([1]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([2])  Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 et loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

([3]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([4]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2022-5 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, 21 septembre 2022.

([5])  Ces dispositions demeurent en application pour les lois de finances se rapportant à un exercice antérieur à 2023. Depuis la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, elles figurent de manière identique à l’article 62 de la LOLF.

([6]) Pour la  loi de finances en cours d’exécution, voir Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, annexe 40 : Remboursements et dégrèvements, Assemblée nationale, XVIe législature, n° 273, 6 octobre 2022.

([7])  Cette rédaction résulte de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.  

([8]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant différentes dispositions intéressant la défense.

([9]) En incluant les fonds de concours et les attributions de produit.

([10]) Données issues du présent projet de loi de règlement (p. 48). Le montant des fonds de concours et attributions de produits rattachés aux dépenses de personnels est relativement faible : les dépenses brutes de titre 2 du budget général de l’État, y compris rattachements de fonds de concours et attributions de produits, atteignent 138,8 milliards d’euros en 2022, dont 94,4 milliards d’euros pour les dépenses de rémunération et 44,4 milliards d’euros pour les contributions de l’État-employeur au CAS Pensions.

([11]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([12]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2022, avril 2023, p. 116.

([13]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([14]) Article 137 de la loi de finances initiale pour 2022.

([15]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019.

([16]) Commission des finances, d’après l’annexe 2 au présent projet de loi de règlement (développement des opérations constatées aux comptes spéciaux et budgets annexes). Comme pour le calcul réalisé pour 2021 par la Cour des comptes, neuf comptes spéciaux sont exclus du champ d’analyse : deux retracent des flux financiers temporaires (Avances aux collectivités territoriales, Avances à divers services de l’État ou organismes chargés d’un service public), quatre sont très majoritairement financés par le budget général (Pensions, Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État, Participations financières de l’État et Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État) et trois ne peuvent être considérés comme retraçant de véritables dépenses (Participation de la France au désendettement de la Grèce, Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire et Opérations avec le Fonds monétaire international).

([17]) Estimation dans le cadre du PLF 2023 et rapport de la Cour des comptes sur le budget de l’État en 2022 (p. 95).

([18]) Commission des finances d’après l’annexe voies et moyens annexées au PLF 2023. Les données pour 2022 sont prévisionnelles.

([19]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, p. 147.

([20]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([21]) La Cour des comptes considère que cette ouverture de crédits sur la mission Santé est critiquable au regard du principe de spécialité des crédits et que la compensation à la sécurité sociale du coût des dons de vaccins devrait relever de la mission Aide publique au développement.

([22]) La prévision est restée identique à l’occasion des deux lois de finances rectificatives.

([23]) Décret n° 2022-1007 du 15 juillet 2022 portant annulation de crédits.

([24]) Décret n° 2022-1570 du 14 décembre 2022 portant annulation de crédits.

([25]) Décret n° 2023-59 du 3 février 2023 portant annulation de crédits.

([26]) Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, articles 10 et 11.

([27]) Les règles applicables aux reports d’autorisations d’engagement (AE) n’ont pas été modifiées. Les reports d’AE, qui ne sont pas plafonnés, ne peuvent majorer les crédits inscrits sur le titre des dépenses de personnel.

([28]) Il est à noter que le Parlement ignore au moment du vote de cet article le montant des crédits que le Gouvernement entend reporter sur l’exercice suivant.

([29]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2021, juillet 2022, p. 60.

([30]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2022, avril 2023, pp. 64 et 65.

([31]) Ibid.

([32]) M. Laurent Saint-Martin, rapport d’information n° 2210 de la commission des finances en conclusion de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF, septembre 2019, p. 56.

([33]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2019, avril 2020.

([34]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2017, mai 2018, p. 187.

([35]) Projet de loi de finances pour 2020, p. 23 (lien).

([36]) Cette réduction du taux concerne les programmes 109 Aide à l’accès au logement, 157 Handicap et dépendance et 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui financent principalement l’aide personnalisée au logement, l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité.

([37]) Circulaire du 26 novembre 2021 du ministre délégué chargé des comptes publics relative au lancement de la gestion budgétaire 2022 et à la mise en place de la réserve de précaution (NOR : CCPB2130558C) (lien).

([38]) Cour des comptes, Le budget de l’État en 2022, avril 2023, p. 147.

([39]) Décret n° 2021-620 du 19 mai 2021 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

([40]) Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

([41]) Avis sur le projet de décret d’avance notifié le 25 mars 2022 à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale.

([42]) Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([43]) La valeur actualisée de l’encours correspond à la valeur nominale pour les titres à taux fixe et à la valeur nominale multipliée par le coefficient d’indexation à la date considérée pour les titres indexés.

([44]) La dette négociable de l’État désigne la dette contractée sous forme d’instruments financiers échangeables sur les marchés financiers (obligations et bons du Trésor). Il existe une dette non négociable, correspondant aux dépôts de certains organismes (collectivités territoriales, établissements publics…) sur le compte du Trésor et qui constitue aussi un moyen de financement de l’État.

([45]) Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont des valeurs assimilables du Trésor à moyen et long terme, de maturité de deux à cinquante ans. Les bons du Trésor à taux fixe (BTF) sont des titres assimilables du Trésor à court terme, de maturité initiale inférieure ou égale à un an (généralement 13, 26 et 52 semaines).

([46]) Pour rappel, la dette française était rachetée par la Banque de France dans le cadre des programmes de rachats d’actifs de la Banque centrale européenne. En effet, dans le cadre de l’Eurosystème, les banques centrales nationales sont chargées de mettre en œuvre, de façon décentralisée, la politique monétaire unique définie par le Conseil des gouverneurs de la BCE, notamment les programmes de rachats d’actifs.

([47]) Les immobilisations corporelles de l’État sont des actifs physiques identifiables contrôlés par l’État, dont l’utilisation s’étend sur plus d’un exercice et qui lui donnent les moyens d’assurer ses missions sur moyen et long termes.

([48]) Les immobilisations financières de l’État sont constituées des participations de l’État dans les établissements publics, dans le capital de sociétés ou d’organismes internationaux, et de prêts et avances octroyés à des États étrangers ou à divers organismes.

([49]) L’écart d’équivalence retrace la différence entre, d’une part, la valeur d’équivalence (valeur des titres) de la quote-part des capitaux propres détenue par l’État, déterminée sur la base des derniers comptes financiers disponibles, et d’autre part la valeur initiale.

([50]) L’actif circulant hors trésorerie regroupe les stocks, les créances (sommes dues par des tiers à l’État) et les charges constatées d’avance (charges dont le paiement est intervenu au cours de l’exercice mais pour lesquelles le service fait interviendra sur l’exercice suivant).

([51]) La trésorerie active est constituée de l’ensemble des disponibilités mobilisables à court terme. Pour l’État, ce poste reflète la position du compte courant de la Banque de France au Trésor et enregistre les opérations liées à la gestion de la dette ou de la trésorerie de l’État.

([52]) Les dettes financières de l’État représentent l’ensemble des engagements financiers de l’État qui résultent du cumul de ses besoins de financement année après année, et de la prise en charge des dettes d’organismes tiers.

([53]) Les dettes non financières de l’État correspondent à des dettes nées à l’occasion d’opérations non financières. Ce sont des passifs certains dont l’échéance et le montant sont fixés de façon précise.

([54]) Les provisions représentent les charges rendues probables par des évènements survenus au cours de l’année ou par le passé mais dont la réalisation ou le montant sont incertains.

([55])  Les charges et les produits de fonctionnement résultent de l’activité ordinaire de l’État. Les charges de fonctionnement reflètent les coûts supportés par l’État dans le cadre des missions de service public qu’il conduit. Les produits de fonctionnement sont issus des prestations de service rendues par l’État, notamment par les budgets annexes.

([56]) Les charges et les produits d’intervention sont une spécificité comptable de l’État. Elles sont définies comme des versements motivés par la mission de régulateur économique et social de l’État.

([57]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([58]) Les dispositions relatives à l’article liminaire figurent à l’article 1 I de la LOLF modifiée.

([59]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([60]) Comme le rappelle l’exposé des motifs de l’article 6, cette convention tient au fait que le compte d’opérations monétaires Opérations avec le FMI retrace « pour mémoire » le montant de la créance de la France sur le FMI (correspondant à sa quote-part dans le capital de l’institution). Les crédits de ce compte sont adoptés sans découvert autorisé en LFI puis, en loi de règlement, une autorisation de découvert est adoptée, à hauteur du montant de la créance (17,3 milliards début 2022, augmenté du solde débiteur des opérations 2022 de 0,5 milliard d’euros). Au total, le découvert complémentaire demandé dans la loi de règlement correspond à la balance de sortie de compte, débitrice à hauteur de 17,8 milliards d’euros. L’importance du montant justifie que le solde de ce compte soit exclu des résultats budgétaires de l’année, afin d’éviter tout biais comptable.

([61])  Cour des comptes, Acte de certification des comptes de l’État pour l’exercice 2022, avril 2023.

([62]) Cette annexe est prévue par le 2° de l’article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.