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 641

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2022-2023

Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 25 mai 2023

 

le 25 mai 2023

 

 

RAPPORT

 

 

au nom de

 

L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 

 

sur

 

Les enjeux scientifiques du traité international
visant à mettre un terme à la pollution plastique

 

 

Compte rendu de l’audition publique du 11 mai 2023

et de la présentation des conclusions du 25 mai 2023

 

 

par

 

M. Philippe Bolo, député,

et Mme Angèle Préville, sénatrice

 

 

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par M. Pierre HENRIET,

Président de l’Office

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Gérard LONGUET,

Premier vice-président de l’Office

 


 

 

 

 

 

 

 

Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques

 

 

 

Président

M. Pierre HENRIET, député

 

 

Premier vice-président

M. Gérard LONGUET, sénateur

 

 

Vice-présidents

 

M. Jean-Luc FUGIT, député

Mme Sonia de LA PROVÔTÉ, sénatrice

M. Victor HABERT-DASSAULT, député

Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice

M. Gérard LESEUL, député

Mme Catherine PROCACCIA, sénateur

 

 

 

 

 

 

Députés

 

 

Sénateurs

Mme Christine ARRIGHI

M. Philippe BERTA

M. Philippe BOLO

Mme Maud BREGEON

M. Hadrien CLOUET

M. Hendrik DAVI

Mme Olga GIVERNET

M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI

M. Yannick NEUDER

M. Jean-François PORTARRIEU

Mme Mereana REID ARBELOT

M. Alexandre SABATOU

M. Jean-Philippe TANGUY

Mme Huguette TIEGNA

 Mme Laure DARCOS

 Mme Annie DELMONT-KOROPOULIS

 M. André GUIOL

 M. Ludovic HAYE

 M. Olivier HENNO

 Mme Annick JACQUEMET

 M. Bernard JOMIER

 Mme Florence LASSARADE

 M. Ronan Le GLEUT

 M. Pierre MÉDEVIELLE

 Mme Michelle MEUNIER

 M. Pierre OUZOULIAS

 M. Stéphane PIEDNOIR

 M. Bruno SIDO

 

 

 


- 1 -


SOMMAIRE

Pages

Conclusions de l’audition publique du 11 mai 2023 sur les enjeux scientifiques du traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique

The scientific issues relating to the international treaty to end plastic pollution (synthèse en anglais)

Travaux de l’Office

I. Compte rendu de l’audition publique du 11 mai 2023

II. Extrait du compte rendu de la réunion de l’OPECST du 25 mai 2023 présentant les conclusions de l’audition publique

Annexes

I. Résolution adoptée par l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement le 2 mars 2022

II. Résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique adoptée par l’assemblée nationale le 29 novembre 2021

III. Proposition de résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique enregistrée à la présidence du sénat le 21 juillet 2021

IV. Présentations des participants à l’audition publique du 11 mai 2023

 

 

 

 

 


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Conclusions de l’audition publique du 11 mai 2023 sur les enjeux scientifiques du traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique

 

 

En décembre 2020, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté un rapport sur la pollution plastique[1] dont l’une des préconisations visait à promouvoir un traité mondial en vue de réduire la pollution plastique.

En mars 2022, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) a adopté la résolution historique 5/14 visant à mettre en place un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Le PNUE a prévu cinq réunions du comité international de négociation d’ici à la fin 2024 et la France accueille la deuxième réunion du 29 mai au 2 juin 2023. Dans ce contexte, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a organisé le 11 mai 2023 une audition publique sur les enjeux scientifiques liés au traité international pour mettre fin à la pollution plastique.

Cette audition avait deux objectifs :

-         rappeler les arguments scientifiques qui justifient l’élaboration de ce traité ;

-         s’assurer de la pertinence scientifique des propositions en discussion.

 

  1. Une pollution globale, incontrôlable et particulièrement nocive pour l’environnement et la santé humaine

 

      Une production de plastiques en forte croissance liée en grande partie à leur usage comme emballages à usage unique

 

Depuis les années 1950, la production plastique fait l’objet d’une croissance continue : elle s’élève à 450 millions de tonnes actuellement et devrait atteindre 1,2 milliard de tonnes en 2060. Cette quantité de plastique produite depuis les années 1950 correspond à un film plastique emballant la terre d’une épaisseur de 0,5 mm.

 

Le plastique est devenu omniprésent, en particulier dans les emballages qui représentent 40 % des usages. Pourtant, le consommateur ne choisit pas d’acheter du plastique. Ce matériau a été imposé par un système de production, de distribution et de consommation basé sur l’abondance et la mobilité dans lequel le plastique est un « accompagnateur discret » grâce à ses qualités de protection sanitaire, de légèreté et de commodité. La jetabilité de l’emballage plastique à usage unique apparaît comme un atout dans la mesure où ni le producteur, ni le distributeur, ni le consommateur n’ont besoin de le prendre en charge après usage. En ce sens, le plastique participe à la normalisation du déchet. Ainsi, le marché des eaux en bouteille ne se justifie que parce qu’il est considéré comme normal de jeter lesdites bouteilles après en avoir bu le contenu.

 

      Une pollution incontrôlable

 

Depuis 1950, 8,3 milliards de tonnes de plastiques ont été produits dont on estime que seuls 30 % continuent d’être en utilisation. Le reste – soit 5,8 milliards de tonnes – sont des plastiques qui sont devenus des déchets. Près de 60 % auraient été mis en décharge et près de 30 % auraient été rejetés directement dans l’environnement. Au total, ce seraient donc 4,9 milliards de tonnes de déchets plastiques qui seraient présents dans l’environnement, hérités des modes de gestion des déchets à l’échelle planétaire.

 

Les déchets plastiques se dispersent dans le milieu marin, dans le milieu terrestre naturel[2] et dans l’atmosphère à travers plusieurs flux : celui des déchets plastiques en provenance du milieu terrestre anthropisé se dispersant dans le milieu marin à travers le réseau hydrographique et notamment les fleuves, et celui des déchets plastiques dispersés dans l’atmosphère puis dans le milieu marin et le milieu terrestre naturel. Au sein même du milieu marin, les plastiques ont vocation à dériver d’abord sur la surface de l’océan pour ensuite pénétrer dans l’océan profond et se retrouver dans les sédiments côtiers ou sur les plages.

La modélisation des stocks et des flux de plastique montre que le processus de dispersion n’est qu’à son début. 8,1 milliards de tonnes seraient toujours en milieu terrestre anthropisé (soit 97 % des plastiques) contre seulement 3 % qui se seraient dispersés dans les milieux marins, l’atmosphère et le milieu naturel terrestre. Par conséquent, avec une hypothèse de cinétique de fragmentation de 3 % par an des plastiques et un scenario d’arrêt de la production en 2040, le pic de la pollution plastique dans les sols naturels ne devrait pas intervenir avant 2400, celui dans les sédiments des grands fonds marins intervenant ultérieurement. L’effet d’accumulation des microplastiques dans les sols, dans les océans et dans les sédiments marins va durer des siècles.

 

      Une pollution qui a de graves impacts sur l’environnement et la santé humaine

 

Il existe neuf limites planétaires à ne pas dépasser pour que l'humanité puisse continuer à vivre dans un écosystème viable[3]. Parmi les six limites planétaires dépassées depuis 2022 figure celle de la pollution par des substances nouvelles (dont les produits chimiques), notamment en raison de l’explosion de la production de plastiques. Un rapport récent[4] montre que plus de 13 000 produits chimiques sont utilisés pour la production des plastiques. Il n’existe de données que sur un peu plus de la moitié de ces produits chimiques (environ 7 000), dont près de 3 200 sont identifiés comme des substances chimiques préoccupantes par les scientifiques. Or, seuls 130 produits chimiques préoccupants sont réglementés par des conventions internationales.

 

Le plastique est essentiellement produit à partir de matières fossiles (98,5 % des plastiques sont d’origine fossile). 12 % du pétrole est converti chaque année en polymères, majoritairement pour des emballages à usage unique. Un rapport récent du CIEL[5] montre que d’ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre provenant de la fabrication du plastique pourraient atteindre plus de 56 gigatonnes, soit 10 à 13 % de l’ensemble du budget carbone à la disposition de la communauté internationale pour respecter l’Accord de Paris. Par conséquent, il faudrait diminuer la demande de matières plastiques de 3 % par an pour réduire de moitié le budget carbone de l’humanité que préempte actuellement l’industrie plastique d’ici 2050.

 

L’impact des « gros objets » en plastique sur la faune marine est désormais bien identifié par le grand public. Les microplastiques[6] résultant de leur fragmentation ont également des répercussions néfastes sur l’ensemble de la chaîne trophique.

L’ingestion de microplastiques concerne tous les organismes vivants. Même si ces microplastiques ne s’accumulent pas dans le tube digestif et ne semblent pas passer dans les tissus[7], l’exposition aux microplastiques est permanente dans la mesure où les êtres vivants en ingèrent en continu.

De nombreuses études scientifiques montrent les effets néfastes de l’exposition chronique aux microplastiques, quelles que soient les espèces, avec notamment des perturbations de la croissance et de la reproduction. La toxicité dépend toutefois de la durée d’exposition, de la nature, de la taille[8] et de l’âge[9] des matériaux plastiques. Les mécanismes d’action des microplastiques sur les organismes vivants restent encore peu connus.

 

Le risque se définit comme l’association d’un danger (effet toxicologique) et d’une exposition. La mesure de cette dernière est donc cruciale pour évaluer le risque. En 2019, l’information s’était répandue qu’un humain consommait 5 grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit. Ceci avait eu un impact médiatique très fort. En réalité, l’étude utilisée pour avancer ce chiffre évaluait l’ingestion de plastique entre 0,1 et 5 grammes par semaine ; par ailleurs, ses résultats sont discutés. Des études scientifiques ultérieures ont conclu à une ingestion comprise entre 4,1 µg et 140-310 µg par semaine. Ces résultats divergents témoignent des incertitudes en termes d’exposition : en fonction des sources de données ou des méthodes d’estimation, les écarts des doses d’exposition quotidiennes peuvent être significatifs.

Malgré tout, la pollution plastique a un impact sur la santé humaine à travers les produits chimiques qu’ils contiennent, comme l’illustre une étude récente réalisée à partir d’une cohorte suédoise de 2 000 femmes enceintes. Les enfants nés des 10 % des femmes les plus exposées à un cocktail de polluants dérivés du plastique[10] ont un risque multiplié par trois de retard de langage par rapport à ceux nés des 10 % des femmes les moins exposées.

De même, le bisphénol A a été inclus dans l’annexe XIV du règlement européen REACH comme substance très préoccupante pour ses propriétés toxiques en matière de reproduction et en tant que perturbateur endocrinien.

En avril 2023, l’EFSA[11] a considérablement réduit la dose journalière tolérable (DJT), qui est passée de 4 µg par kilogramme de poids corporel par jour à 0,2 nanogramme. La quantité moyenne absorbée quotidiennement étant 100 fois supérieure à cette nouvelle DJT, l’EFSA en a conclu que l’exposition humaine au bisphénol A était préoccupante.

Des études récentes sur l’exposition du microbiote intestinal humain aux microplastiques mettent en avant certains points de vigilance qui, s’ils étaient confirmés, montreraient un éventuel impact négatif des microplastiques sur cet écosystème.

Pourtant, l’évaluation précise du risque pour la santé d’une exposition quotidienne aux microplastiques et aux nanoplastiques n’est pas possible au regard des connaissances scientifiques actuelles.

De nombreux verrous cognitifs et méthodologiques restent à lever, qu’il s’agisse de la mesure des dangers liés à l’exposition et notamment des effets toxicologiques, mais également de la difficulté à détecter des micro et nanoplastiques dans les fluides biologiques ou encore des problèmes de contamination des préparations par des plastiques présents dans l’environnement des laboratoires.


  1. Le traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique : une formidable opportunité malgré certains pièges à éviter et des obstacles à lever

 

      La genèse du traité

 

Depuis 2014, il existe une volonté politique au sein de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement d’entreprendre une action mondiale pour lutter contre la pollution plastique, notamment dans les océans. Une première ébauche de résolution a été proposée en 2019, alors sans succès en raison notamment de l’opposition de la Chine et des États‑Unis. En 2022, à l’occasion de la 5ème Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA-5), une résolution portant sur la pollution plastique et les déchets marins a été adoptée à l’initiative du Pérou et du Rwanda avec le soutien actif de l’Union européenne.

 

Cette résolution, qui a ouvert un mandat de négociations et installé un comité intergouvernemental en vue d’adopter un accord juridiquement contraignant sur la pollution plastique, a réussi à imposer les trois principes suivants :

-          agir sur la pollution par les plastiques dans tous les environnements, sans se limiter aux milieux marins ;

-          prendre en compte l’intégralité du cycle de vie des plastiques, de leur production à la gestion des déchets en plastique ;

-          adopter une approche des problèmes à leur source et pas seulement en aval, sans se focaliser uniquement sur la gestion des déchets.

Une première séquence de négociations en Uruguay en novembre 2022 a révélé différents positionnements sur l’action à mener pour lutter contre la pollution plastique. Trois groupes structurent les négociations :

-          un ensemble de pays regroupés dans une « coalition des États à haute ambition ». En font partie les États européens, les États africains et une grande partie des États d’Amérique latine. Ils sont attachés à une approche considérant l’intégralité du cycle de vie des plastiques et défendent la définition d’objectifs et d’obligations pour toutes les parties prenantes ciblant la conception, la production, la distribution, l’utilisation des plastiques et la gestion des déchets, ainsi que l’incorporation de matières recyclées ;

-          un ensemble de pays qui souhaitent concentrer leurs efforts sur la gestion des déchets tout en adoptant des objectifs et des engagements pour éliminer la pollution existante ;

-          les pays producteurs d’énergies fossiles qui ont fortement augmenté leur production ces dernières années. Il s’agit essentiellement des pays du Golfe. Ces derniers s’opposent à un accord qui aurait pour but de limiter la production et la consommation de plastique en tant que tel.

L’issue des négociations dépendra également de la position des États-Unis et de la Chine. L’adoption du futur traité par les États‑Unis nécessite d’un point de vue constitutionnel son approbation par le Sénat américain qui est traditionnellement réticent à l’adoption d’obligations juridiquement contraignantes. Pour cette raison, les États-Unis sont plutôt favorables à un accord basé sur des engagements nationaux volontaires selon les principes de l’Accord de Paris. Quant à la Chine, sa position a évolué en faveur d’une protection de l’environnement et de la santé humaine. Elle évoque également la possibilité de promouvoir la production et la consommation durables du plastique. Toutefois, elle défend des mesures volontaires pour imposer certaines restrictions des plastiques, des additifs et de certaines applications plastiques.

 

      Les pièges à éviter

 

Mettre un terme à la pollution plastique exige une réduction drastique des consommations de plastique. Les citoyens se heurtent à trois types d’obstacle pour changer leurs habitudes.

D’abord, ces derniers ne savent pas forcément qu’ils consomment du plastique et ne connaissent pas les conséquences sur l’environnement et sur la santé humaine qu’engendre cette consommation. Il revient aux marques et aux pouvoirs publics de réaliser ce travail d’information objective, qui doit orienter vers des pratiques plus adaptées sur le plan environnemental et social.

Ensuite, les consommateurs n’ont pas forcément envie d’utiliser moins de plastique, car cela exige des efforts aussi bien cognitifs que physiques, notamment en termes de logistique : penser à prendre ses propres contenants ou porter des charges plus lourdes par exemple. Le consommateur ne changera ses habitudes que si le processus est facile et encouragé par les entreprises : meilleure information sur les alternatives aux emballages plastiques, gratification en cas d’utilisation de ses propres contenants, etc.

Enfin, se pose la question de la possibilité matérielle et économique pour les consommateurs de renoncer au plastique. Dans certains cas, les alternatives sont difficiles à trouver (c’est le cas du stylo par exemple) ou plus coûteuses (comme le vrac ou le vêtement éthique et durable). Les pouvoirs publics peuvent être amenés à intervenir afin de démocratiser les alternatives au plastique en les rendant accessibles aux différentes catégories sociales.

La diminution drastique de la consommation de plastique passe donc par un accompagnement des consommateurs aussi bien par les entreprises que par les pouvoirs publics.

 

Le recyclage est censé supprimer la pollution plastique par une réutilisation infinie de la matière. Néanmoins, plusieurs intervenants ont insisté sur les limites du recyclage à réduire l’empreinte plastique[12].

Il a été rappelé que le recyclage en boucle fermée[13], qui permet de diminuer la consommation de plastiques vierges et la production de déchets, ne s’applique qu’aux bouteilles en PET, soit 1 à 2 % des plastiques. En outre, ce processus n’est valable que pour un nombre très limité de cycles car il altère les propriétés de la matière. Dans tous les autres cas, le recyclage est en réalité du « décyclage » : la matière issue du recyclage est de moindre qualité et est utilisée pour la production d’objets différents du produit d’origine sans garantie qu’ils puissent être, à leur tour, recyclés.

Le recyclage ne contribue donc pas à réduire notre consommation de plastiques. En témoignent les pays comme l’Allemagne ou l’Autriche qui, en dépit de taux de recyclage supérieurs à 50 %, consomment davantage de polymères vierges, alors que, si la logique du recyclage était respectée, ils auraient dû diminuer de moitié leur consommation.

Au contraire, le recyclage crée une dépendance aux déchets plastiques puisque, pour assurer le fonctionnement des infrastructures de recyclage, il exige la mise en place de filières d’approvisionnement qui doivent être alimentées continuellement. En outre, les matières plastiques recyclées remplacent souvent des matériaux qui ne posaient pas de problèmes environnementaux : le plastique va ainsi se substituer à la laine pour la fabrication de vêtements, au bois pour la production de cintres, à la céramique pour la fabrication de pots de fleurs.

La très faible proportion de plastiques recyclés bat en brèche la capacité du recyclage à contribuer à une économie circulaire. En Europe, seuls 32 % des emballages plastiques sont recyclés, dont 5 % seulement en boucle fermée. Au niveau mondial, seuls 8 % des plastiques étaient recyclés.

Les difficultés du recyclage s’expliquent par les qualités physiques du plastique : autant elles rendent son utilisation attractive, autant elles se retournent contre lui au moment de la gestion de ses déchets. La collecte de ceux-ci est peu rentable en raison de leur faible valeur, de leur légèreté et de leur caractère volumineux ; leur durabilité les rend difficiles à traiter ; leur malléabilité les conduit à être mélangés avec d’autres matériaux dont ils peuvent être difficilement séparés au moment du tri.

Non seulement le recyclage participe à la normalisation des déchets, mais il évite de se poser la question des alternatives à la consommation de plastiques, offrant l’illusion qu’il est possible de contrôler le déchet, voire d’en faire une ressource.

Ainsi, le secteur de la mode se sert du textile fabriqué à partir de matières recyclées pour promouvoir un modèle économique fondé sur une forte consommation de vêtements[14].

 

La question du financement des mesures que le traité demanderait de mettre en œuvre était un sujet important, en particulier pour les pays en voie de développement. Il a signalé que les pays du sud font partie des producteurs de plastiques. À ce titre, en application du principe pollueur‑payeur, ils auraient à prendre part au financement de la mise en œuvre de l’accord. Or, il est reconnu que ces pays ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour la gestion de leurs déchets plastiques et qu’ils ont longtemps servi, ou servent encore aujourd’hui, d’exutoires pour les déchets plastiques des pays développés. Aussi leur contribution au financement du traité devra être examinée avec attention.

Le financement du traité fera l’objet de discussions lors de la réunion du comité intergouvernemental qui se déroulera à Paris du 29 mai au 2 juin 2023. Elles s’appuieront sur différentes options, élaborées lors de la première réunion du comité, sur lesquelles les États seront amenés à se prononcer.

 

      Les obstacles à surmonter

 

L’analyse de cycle de vie (ACV) permet de mesurer les effets quantifiables d’un produit sur l’environnement tout au long de sa vie au travers de différents indicateurs environnementaux : épuisement des matériaux, épuisement de l’énergie, épuisement de l’eau, réchauffement climatique, etc. Certains facteurs sont néanmoins très difficiles à quantifier tels que l’impact toxicologique sur la santé humaine, l’impact sur la biodiversité ou encore « l’empreinte plastique » à travers la persistance de ce matériau dans l’environnement et sa capacité à se fragmenter et à se disperser en particules de très petites tailles. Par conséquent, les impacts du plastique sur la santé humaine et sur l’environnement sont insuffisamment pris en compte dans les analyses de vie des matériaux plastiques qui tendent à se focaliser sur l’empreinte carbone.

 

La législation européenne sur les substances chimiques est considérée comme très protectrice vis‑à‑vis des consommateurs. Néanmoins, le fait que des substances pourtant connues pour leur dangerosité, telles que le bisphénol A, ne soient pas interdites révèle a contrario les points de vigilance à prendre en compte pour établir une réglementation efficace des produits chimiques contenus dans les plastiques et des polymères préoccupants.

L’audition publique a été l’occasion de dresser une liste des obstacles à surmonter.

Le bisphénol A échappe en grande partie à la réglementation REACH car il est majoritairement utilisé pour produire des polymères. Or, ces derniers sont exemptés de l’enregistrement et de l’évaluation prévus dans le règlement REACH dans la mesure où ils ne sont pas considérés comme pouvant pénétrer dans l’organisme. Pourtant, dans le cas des polymères fabriqués avec du bisphénol A, la polymérisation peut ne pas être complète et entraîner une libération progressive du bisphénol A dans les aliments et les boissons.

Plus généralement, il existe des contradictions entre les réglementations concernant la présence d’additifs dans les emballages alimentaires[15].

Le remplacement par les industriels de substances reconnues dangereuses par des substances encore plus toxiques (à l’instar du bisphénol S qui a remplacé le bisphénol A) constitue également une difficulté à lever.

Par ailleurs, la réglementation évalue les substances individuellement, ce qui non seulement ralentit considérablement l’évaluation et le contrôle des produits chimiques utilisés dans les matières plastiques, mais aussi ne permet pas de prendre en compte les effets cocktail liés à la présence de plusieurs composés chimiques.

 

  1. Les recommandations de l’Office sur les dispositions à faire figurer dans le traité

La pollution plastique doit être stoppée à la source, ce qui implique une réduction majeure de la production de plastique vierge. Les prévisions sont vertigineuses : la production plastique devrait tripler d’ici 2060 si aucune action déterminante n’est entreprise. Pour reprendre la métaphore avancée par l’un des intervenants, lorsque la baignoire déborde, il faut d’abord fermer le robinet avant d’aller chercher les serpillères pour éponger l’eau. La communauté internationale doit se fixer des objectifs chiffrés de réduction de la production plastique. S’il n’est pas question de supprimer tous les plastiques, l’objectif est de rationaliser leurs usages en les réservant aux applications pour lesquelles leurs caractéristiques et leurs performances leur confèrent une nette supériorité par rapport aux autres matériaux[16].

Les analyses de cycle de vie sont souvent utilisées pour défendre le bilan environnemental des plastiques par rapport à celui d’autres matériaux. Le plastique est également présenté comme l’une des solutions pour réduire notre empreinte carbone[17]. Toutefois, cette l’audition publique a fait apparaitre les biais cognitifs des analyses de cycle de vie, qui ne prennent pas en compte certains indicateurs environnementaux en raison de la difficulté à calculer leur impact. Ainsi, aucune analyse de cycle de vie ne tient compte de la fin de vie des plastiques à travers leur dispersion dans l’environnement et leur fragmentation en micro et nanoplastiques. Il apparaît donc indispensable d’améliorer les méthodes de calcul des analyses de cycle de vie afin de mieux intégrer la globalité des impacts environnementaux du plastique.

Le plastique est une matière constituée d’un ou plusieurs polymères auxquels sont ajoutés des charges et des additifs. Pour des plastiques de même nature chimique, il existe des centaines, voire des milliers de formulations différentes. En moyenne, les additifs représentent 4 % du poids des plastiques, mais ce pourcentage peut dépasser 50 % pour certains plastiques comme le PVC.

Toutefois, les informations sur les substances chimiques contenues dans les plastiques sont rarement transmises tout au long du cycle de vie des plastiques et sont indisponibles pour les autorités réglementaires, pour les consommateurs et pour les gestionnaires de déchets. Même les metteurs sur le marché connaissent rarement la composition chimique des matériaux qu’ils utilisent. Ce manque d'informations entrave l'évaluation des risques et de la sécurité des produits. Il complique en outre le recyclage des déchets plastiques. Afin de pouvoir limiter le nombre de substances utilisées dans les formulations de polymères, il convient donc :

-          d’imposer la transparence sur les substances chimiques utilisées afin de garantir leur traçabilité, notamment pour la gestion de fin de vie des plastiques ;

-          d’interdire certains polymères et produits chimiques dont la liste serait fixée dans une annexe élaborée à partir de critères tels que leur dangerosité pour la santé humaine et l’environnement, leur non recyclabilité ou encore leur capacité à perturber le recyclage ;

-          de faciliter l’interdiction des produits dangereux en regroupant l’évaluation et le contrôle des produits chimiques par grandes familles ;

-          d’interdire l’utilisation comme additif de toutes les substances appartenant à la même famille chimique qu’une substance déjà interdite.

 

97 % des déchets plastiques se trouvent encore dans les décharges ou dans des zones « anthropisées ». Par conséquent, il est urgent d’entreprendre l’élimination des déchets terrestres existants.

Lors de la rédaction du rapport de l’Office de 2020 sur la pollution plastique, vos rapporteurs avaient émis des réserves sur le nettoyage des océans, compte tenu des moyens énormes qu’il faudrait déployer pour capter les macrodéchets. En outre, contrairement à l’image largement répandue « de continents de plastiques », la concentration de plastiques dans les gyres ressemble plutôt à une « soupe » de plastiques[18] souvent invisibles de la surface.

Toutefois, des actions ciblées mériteraient d’être menées dans certaines zones marines (comme les plages ou les embouchures de fleuves) qui concentrent un nombre très important de déchets plastiques, à condition que les déchets recueillis soient réellement éliminés, sans possibilité de se disperser de nouveau dans l’environnement.

L’effort doit se concentrer sur l’élimination des déchets terrestres, qu’il s’agisse des décharges sauvages, mais également des décharges publiques ou privées, avec une priorité particulière à donner à celles qui sont les plus anciennes et celles qui se situent à proximité du littoral.

Toutes les opérations de nettoiement puis d’élimination des déchets aux abords des fleuves et des rivières, zones de stockage et de reprise des déchets plastiques, contribuent à la réduction d’un stock qui va se fragmenter et se disperser.

 

Pendant longtemps, les pays en voie de développement ont servi d’exutoire aux déchets que les pays développés ne savent pas gérer alors même que les premiers rencontrent des difficultés importantes à traiter leurs propres déchets. Entre 2010 et 2016, la seule Chine a importé annuellement entre 7 et 9 millions de tonnes de déchets plastiques.

La décision prise par ce pays en 2017 de stopper les importations de plastiques non industriels a entraîné un report des flux vers d’autres destinations : l’Asie du Sud-Est, mais également la Turquie où les importations de déchets plastiques (en provenance essentiellement de l’Union européenne) ont augmenté de plus de 1 200 % entre 2016 et 2020 pour atteindre plus de 500 000 tonnes.

Le Ban Amendment ratifié en décembre 2019 dans le cadre de la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination est censé limiter l’exportation de déchets plastiques vers des pays qui ont des normes environnementales moins sévères que celles du pays d’origine.

En 2018, la France a exporté 409 000 tonnes de déchets plastiques. Les acteurs du recyclage avancent que la plupart des déchets sont exportés vers des pays de l’Union européenne, mais sans garantie qu’il s’agisse de leur destination finale ou d’une étape de transit vers d’autres pays. En 2020, les 27 États de l’Union européenne et le Royaume-Uni ont exporté 1,6 million de tonnes de déchets plastiques[19] vers des pays tiers, notamment en Malaisie, en Indonésie, au Vietnam et en Turquie.

Par ailleurs, il convient de rappeler que 95 % des textiles collectés en France pour être réutilisés sont envoyés à l’étranger, notamment en Afrique, où ils finissent très souvent dans l’environnement.

Au niveau européen, il faut donc renforcer le suivi et la traçabilité des exportations de déchets plastiques transfrontaliers et interdire leurs exportations vers les pays extérieurs à l’Union européenne.

Au niveau mondial, les échanges de déchets plastiques entre pays développés devraient également être subordonnés à des contrôles stricts permettant leur traçabilité. En revanche, toute exportation vers des pays dotés de normes environnementales et d’infrastructures de traitement qui ne seraient pas équivalentes à celles du pays d’origine devrait être interdite.

 


La lutte contre la pollution plastique est l’affaire de tous. Il est donc indispensable d’impliquer l’ensemble des humains, à tout âge, dans leurs différentes responsabilités, en les incitant à adopter des modes de consommation limitant l’utilisation des plastiques, notamment les moins utiles. Ces mesures de sensibilisation et d’information doivent permettre aux consommateurs de prendre conscience des conséquences de leurs choix et de les orienter vers les options plus vertueuses.

Toutefois, les individus ne peuvent pas assumer seuls les changements de comportement, notamment en raison de la forte inertie des modes de consommation et de la capacité des industriels à orienter les choix et imposer des pratiques. Sous l’impulsion et, le cas échéant, le contrôle des pouvoirs publics, les industriels ont un rôle primordial à jouer dans l’orientation vers de nouveaux comportements de consommation moins dépendants du plastique. C’est par une politique de l’offre profondément modifiée qu’il faut passer pour réduire la consommation mondiale de plastiques.

Certaines mesures devront cibler tous les pays :

-          la réduction de plastiques à usage unique à travers des interdictions de certains plastiques (tels que les sacs en plastique) et des objectifs chiffrés de réduction des emballages plastiques à imposer aux metteurs sur le marché ;

-          une taxe sur le plastique vierge pour encourager l’utilisation de plastique recyclé.

D’autres mesures peuvent varier en fonction du niveau de vie des populations.

Dans les pays développés, il faut à court terme :

-          favoriser le réemploi à travers la standardisation des emballages et le développement de la consigne du verre pour réemploi comme alternative aux emballages plastiques;

-          ouvrir et afficher systématiquement en magasin la possibilité pour le consommateur d’apporter son propre contenant et de laisser les emballages en caisse ;

-          généraliser les accès d’eau potable dans l’espace public ;

-          informer les consommateurs sur les risques associés aux mésuages des contenants plastiques (notamment les risques de migration de perturbateurs endocriniens) ;

-          imposer sur tous les produits et biens contenant du plastique un étiquetage indiquant le pourcentage d’incorporation de matières plastiques recyclées, y compris s’il n’en contient pas (mention « 0 % de plastique recyclé ») ;

-          interdire les cigarettes électroniques à usage unique et la construction de terrains de sport en synthétique.

Dans les pays en développement, il convient de recourir à des dispositifs d’aide permettant de donner la priorité :

-          au développement d’infrastructures d’eau potable et de gestion des déchets ;

-          à la mise en place de systèmes de responsabilité élargie des producteurs pour financer la collecte et la fin de vie des déchets ainsi que la lutte contre les décharges sauvages ;

-          à la pérennité de toutes les alternatives locales aux emballages plastiques et l’encouragement de leur développement.

 

À l’image du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), une instance mondiale réunissant les chercheurs travaillant sur le sujet de la pollution plastique permettrait de confronter leurs travaux, d’accélérer la sortie des incertitudes actuelles sur certains impacts sanitaires et environnementaux des plastiques et de donner une base scientifique encore plus robuste aux mesures prises par les pouvoirs publics.

 

 


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The scientific issues relating to the international treaty to end plastic pollution (synthèse en anglais)

 

 

In December 2020, the Parliamentary Office for Scientific and Technological Assessment (OPESCT) approved a report on plastic pollution with recommendations aimed at promoting a global treaty to reduce plastic pollution. In March 2022, the United Nations Environment Programme (UNEP) adopted the Resolution 5/14 aimed at setting up an internationally legally binding instrument to end plastic pollution. The UNEP scheduled five meetings of the international negotiating committee by the end of 2024 and France will be hosting the second meeting from 29 May to 2 June 2023.

For the occasion, the Office organised a public hearing on the scientific issues linked to the international treaty to end plastic pollution on 11 May 2023 at the Senate.

The purpose of the hearing was twofold:

-          reiterate the scientific arguments behind the drafting of this treaty;

-          ascertain the scientific relevance of the proposals under discussion.

 

I. An incontrollable global pollution particularly harmful to the environment and human health

      Production of plastics still seeing high growth driven largely by use as disposable packaging

 

Since the 1950s, plastic production has grown continuously: it now stands at 450 million tonnes and is expected to reach 1.2 billion tonnes in 2060[20]. This quantity of plastic produced since the 1950s corresponds to a plastic film of a thickness of 0.5 mm covering the entire planet.

 

Plastic has become omnipresent, in particular in packaging, which accounts for 40% of uses. And yet the consumer does not choose to buy plastic. It has been imposed by a system of production, distribution and consumption based on abundance and mobility in which plastic is a "discreet companion" thanks to its qualities of health protection, light weight and convenience. The disposability of single-use plastic packaging is an advantage insofar as neither the producer, the distributor nor the consumer needs to deal with it after it has been used. In this way, plastic has contributed to the normalisation of waste. For instance, the bottled water market is only justified because it is considered normal to throw away the bottles after drinking their contents.

 

      Uncontrollable pollution

 

Since 1950, 8.3 billion tonnes of plastics have been produced, of which only 30% is considered to be still in use. The rest – some 5.8 billion tonnes – has become waste. Almost 60% is thought to have gone into landfill and almost 30% to have been discharged directly into the environment. In total, 4,9 billion tonnes of plastic waste are therefore likely to be present in the environment, inherited from waste management methods on a global scale.

 

Plastic waste is dispersed into the marine environment, the natural terrestrial environment[21] and into the atmosphere via several flows: that of plastic waste from the anthropised terrestrial environment, which is dispersed into the marine environment via the hydrographic network and in particular rivers flowing into the sea, and that of plastic waste dispersed into the atmosphere and then into the marine environment and the terrestrial natural environment. Within the marine environment itself, plastics initially drift on the surface of the ocean before penetrating the deep ocean and ending up in coastal sediment and on beaches.

Modelling of plastic stocks and flows shows that the dispersion process is only just beginning.  8.1 billion tonnes are thought to be in the anthropised terrestrial environment (i.e. 97% of plastics) as against only 3% dispersed in marine environments, the atmosphere and the natural terrestrial environment. Consequently, based on a fragmentation kinetics hypothesis of 3% per year for plastics and a scenario in which production stops in 2040, peak plastic pollution in natural soils should not be reached before 2400, and peak plastic in deep sea floor sediments is likely to occur after that. Thus the effect of the build-up of microplastics in the soil, oceans and marine sediments can be expected to last for centuries.

 

      Pollution with serious impacts on the environment and human health

 

There are nine planetary boundaries that humankind must not exceed to continue living in a viable ecosystem.[22] One of the six planetary boundaries exceeded since 2022 is pollution by novel substances (including chemicals), in particular due to the explosion in plastics production. A recent report[23] shows that over 13,000 chemicals are used in the production of plastics. There is only data for just over half of these chemicals (approximately 7,000), of which almost 3,200 are identified as chemicals of concern by scientists. And yet, only 130 chemicals of concern are regulated by international conventions[24].

 

Plastic is mainly produced from fossil fuels (98.5% of plastics are of fossil origin). 12% of crude oil is converted into polymers every year, the majority for single-use packaging. A recent CIEL[25] report shows that by 2050, the greenhouse gas emissions from the manufacturing of plastic could reach over 56 gigatonnes, i.e. between 10 and 13% of the entire carbon budget available to the international community to comply with the Paris Agreement. Consequently, it would be necessary to reduce demand for plastics by 3% per year to halve humanity's carbon budget, which the plastics industry is currently pre-empting by 2050.

 

The general public is now well aware of the impact of "large plastic objects" on marine fauna[26]. The microplastics[27] that they break down into also have harmful repercussions on the entire food chain.

The ingestion of microplastics concerns all living organisms. Even if these microplastics do not build up in the digestive tract and do not seem to pass into the tissues,[28] exposure to microplastics is permanent insofar as living beings are ingesting them continually.

Numerous scientific studies show the harmful effects of chronic exposure to microplastics, whatever the species, including disruptions to growth and reproduction, among other things. Toxicity, however, depends on the length of exposure and the nature, size[29] and age[30] of the plastics. Little is known still about the mechanisms of action of microplastics on living organisms.

 

Risk is defined as the combination of a danger (toxicological effect) and an exposure. Measurement of the latter is therefore crucial to assess the risk, but assessing exposure has turned out to be very difficult. In 2019, the information spread that a human being consumed 5 grammes of plastic per week, the equivalent of a credit card. This had a very strong media impact. In actual fact, the study[31] used to put forward this figure evaluated the amount of plastic ingested at between 0.1 and 5 grammes per week; and even so, its results are a matter of debate. Subsequent scientific studies concluded that between 4.1 µg and 140-310 µg[32] of plastic is ingested per week. These differing results are evidence of the uncertainties in terms of exposure: depending on the data sources or methods of estimation, the variation in the daily levels of exposure can be quite substantial.

All the same, plastic pollution has an impact on human health through the chemicals plastics contain. A recent study[33] carried out on a Swedish cohort of 2,000 pregnant women showed that the children born of the 10% of the women most exposed to a cocktail of pollutants derived from plastic[34] had a risk of delayed language development multiplied by three compared to those born of the least exposed 10% of the women.

Likewise, bisphenol A was included in Annex XIV to the European REACH Regulation as a substance of very high concern due to its classification as toxic to reproduction and its endocrine disrupting properties.

In April 2023, the EFSA[35] significantly lowered the tolerable daily intake (TDI), from 4 µg/kg body to 0.2 ng. The average daily intake was 100 times higher than this new TDI, which led the EFSA to conclude that human exposure to bisphenol A was of concern.

Recent studies on the exposure of the human gut microbiome to microplastics highlight certain points requiring vigilance which, if they were to be confirmed, would be evidence of the negative impact of microplastics on this ecosystem.[36]

And yet, the risk to health of daily exposure to microplastics and nanoplastics cannot be assessed on the basis of current scientific knowledge.

Numerous cognitive and methodological barriers remain to be removed, to be able to measure the dangers linked to exposure and in particular the toxicological effects, but also to overcome the difficulty of detecting micro and nanoplastics in biological fluids or the problem of contamination of preparations by the plastics present in the laboratory environment.

 


II. The international treaty to end plastic pollution: a tremendous opportunity, in spite of certain pitfalls to be avoided and obstacles to be cleared

      The genesis of the treaty

 

Since 2014, there has been a political will within the United Nations Environment Assembly to take global action to combat plastic pollution, in particular in the oceans. A first draft of a resolution was proposed in 2019, but did not succeed due, in particular, to the opposition of China and the United States. In 2022, on the occasion of the 5th United Nations Environment Assembly (UNEA-5), a resolution on plastic pollution and marine litter was adopted at the initiative of Peru and Rwanda with the active support of the European Union[37].

 

This resolution, which led to the adoption of a negotiating mandate and set up an Intergovernmental Negotiating Committee with a view to adopting an internationally legally binding instrument to end plastic pollution, succeeded in imposing the following three principles:

- act on pollution by plastics in all environments, not just marine environments;

- take account of the entire life cycle of plastics, from their production to the management of plastic waste;

- adopt an approach of dealing with problems at source and not only downstream, without focusing only on waste management.

 

A first round of negotiations in Uruguay in November 2022 revealed different positions on the action to be taken to combat plastic pollution. The negotiations were structured around three groups:

- a set of countries grouped in a "High Ambition Coalition". These are the European States and a large part of the African and Latin American States. They are attached to an approach considering the entire life cycle of plastics and defend the defining of targets and obligations for all the stakeholders targeting the design, production, distribution and use of plastics and the management of waste, as well as the incorporation of recycled materials;

- a set of countries that wish to concentrate their efforts on waste management, whilst adopting targets and commitments to eliminate existing pollution;

- the fossil fuel producing countries, which have significantly increased their production in the last few years. These are mainly the Gulf States. They are opposed to an agreement whose aim would be to limit the production and consumption of plastic as such.

The outcome of the negotiations will also depend on the position taken by the United States and China. The adoption of the future treaty by the United States, from a constitutional point of view, will require its approval by the American Senate, which has traditionally been reluctant to adopt legally binding obligations. For this reason, the US is more favourable to an agreement based on voluntary national commitments in line with the principles of the Paris Agreement. As for China, its position has evolved in favour of the protection of the environment and human health. It has also raised the possibility of promoting sustainable plastic production and consumption. However, it is defending voluntary measures to impose certain restrictions on plastics, additives and certain plastic applications.

 

      The pitfalls to be avoided

 

To really put an end to plastic pollution, the forthcoming negotiations must arrive at a document that is legally binding on all the stakeholders, with clear reduction targets for the production of plastics and the elimination of existing plastic pollution. The public hearing revealed that such ambitious targets can only be reached if certain pitfalls are avoided.

 

Ending plastic pollution will require a drastic reduction in the consumption of plastic. Consumers face three types of constraints to change their habits.

Firstly, they do not necessarily know that they are consuming plastic and are not aware of the consequences on the environment and human health that this consumption involves. It is up to brands and the public authorities to do this job of providing objective information, which must guide people towards practices that are more acceptable from an environmental and social point of view.

Then, consumers do not necessarily want to use less plastic, as this requires both cognitive and physical efforts, in particular in terms of logistics: remembering to take your own containers or carry heavier loads for example. Consumers will only change their habits if the process is easy and encouraged by companies: better information on the alternatives to plastic packaging, rewards for using their own containers, etc.

Finally, the question of material and economic possibility of consumers giving up plastic must be addressed. In certain cases, it is difficult to find alternatives (pens for example) or they are more expensive (such as bulk buying or ethical and sustainable clothing). The public authorities may be required to intervene to facilitate access to the alternatives to plastic by making them affordable and accessible to different categories of the population.

The drastic reduction of the consumption of plastic will therefore involve both companies and the public authorities providing support to consumers.

 

Recycling is supposed to eliminate plastic pollution by infinite reuse of the material. However, several of the speakers emphasised the limits of recycling as a way of reducing the plastic footprint.[38]

Closed-loop recycling,[39] which can reduce the consumption of virgin plastics and the production of waste, only applies to PET bottles, which represent just 1 to 2% of plastics. In addition, this process is valid for a very limited number of cycles because it alters the properties of the material. In all other cases, recycling is actually "decycling": the material produced by the recycling process is of lower quality and is used to make different objects to the original product, and there is no guarantee that they will be recycled in turn.

Therefore, recycling does not contribute to reducing our consumption of plastics. This is proven by countries like Germany and Austria, which, in spite of recycling rates of over 50%, consume more virgin polymers, whereas if the logic of recycling really played out, they should have seen their consumption halved.

On the contrary, recycling creates a dependency on plastic waste since, to keep the recycling plants operating, it is necessary to set up supply channels that are continually fed with plastic. In addition, recycled plastics often replace materials that did not pose any environmental problems: plastic will therefore be substituted for wool to make clothes, wood to make clothes hangers, ceramic for flower pots.

The very small proportion of plastics recycled refutes the notion that recycling contributes to a circular economy. In Europe, only 32% of plastic packaging is recycled, and only 5% of that in closed loop. Globally, only 8% of plastic is recycled.

The difficulties of recycling can be explained by the physical properties of plastic: the same qualities that make its use attractive work against it when it comes to managing it as waste. The collection of waste is not very profitable due to its low value, its light weight and bulk; its durability makes it difficult to process; its malleability leads to it being mixed with other materials from which it can be difficult to separate it when it is sorted.

Recycling not only helps to normalise waste, but it avoids raising the question of alternatives to the consumption of plastics, creating the illusion that it is possible to control waste and even turn it into a resource.

For example fashion uses textiles made from recycled materials to promote a business model based on high consumption of clothes.[40]

 

The question of the funding of the measures whose implementation the treaty would require is an important subject, especially for developing countries. The countries of the Global South are among the producers of plastics. Accordingly, if the polluter pays principle were applied, they would have to contribute to funding the implementation of the agreement. Now, it is an acknowledged fact that these countries do not have the infrastructure necessary to deal with their plastic waste and that they have long served, and are still serving today, as dumping grounds for the plastic waste of developed countries. Their contribution to the funding of the treaty must therefore be examined with care.

The funding of the treaty will be the subject of discussions at the meeting of the Intergovernmental Committee to be held in Paris from 29 May to 2 June 2023. It will look at different options, prepared at the Committee's first meeting, which the States will be required to choose between.

 

      The obstacles to be cleared

 

A life cycle assessment (LCA) allows the measurement of the quantifiable effects of a product on the environment throughout its lifespan[41] using different environmental indicators: depletion of materials, energy resources and water, climate change, etc. Certain factors are very difficult to quantify, however, among them the toxicological impact on human health, the impact on biodiversity or the "plastic footprint" due to the persistence of this material in the environment and its ability to break down and disperse in the form of very small particles.  Consequently, the impacts of plastic on human health and the environment are insufficiently taken into account in the life cycle assessments of plastics, which tend to focus on the carbon footprint.

 

The European legislation on chemicals is considered very protective of consumers. Nevertheless, the fact that substances that are well known to be dangerous are not banned (bisphenol A, for example), reveals the points requiring vigilance that need to be taken into account when drawing up effective regulations to control the chemicals contained in plastics and polymers of concern.

The public hearing was an opportunity to draw up a list of obstacles to be cleared.

Bisphenol A escapes control under the REACH Regulation because it is mainly used to produce polymers. The latter are exempt from the registration and evaluation provided for by the REACH Regulation insofar as they are not considered as being able to enter the body. And yet, in the case of polymers made with bisphenol A, polymerisation can be incomplete and lead to gradual release of the bisphenol A into food and drinks.

More generally, there are potential contradictions between the regulations on the presence of additives in food packaging.[42]

The replacement by manufacturers of substances recognised as dangerous with substances that are even more toxic (such as bisphenol S which has replaced bisphenol A) is also a difficulty to overcome.

Furthermore, the regulations evaluate substances individually, which not only considerably slows the process of evaluating and controlling the chemicals used in plastics, but also makes it possible not to take account of the cocktail effects linked to the presence of several chemical compounds.

 

iii. The Office’s recommendations on measures that should be included in the international treaty to end plastic pollution

The next round of negotiations to draw up an international treaty to end plastic pollution begins in Paris on 29 May 2023. In this context, the public hearing organised by the Office was an opportunity to highlight the points requiring vigilance to be taken into account and to insist on the measures that must feature in the treaty if it is to genuinely achieve the objectives assigned to it.

 

Plastic pollution must be stopped at source, which implies a substantial reduction in the production of virgin plastic. The forecasts are dizzying: plastic production is expected to triple by 2060 if no decisive action is taken. To reiterate the metaphor used during the public hearing, when the bath overflows, the first thing is to turn the tap off before going to get the floor cloths to mop up the water. The international community must set quantified targets for the reduction in plastic production. While there is no question of stopping production of all plastics, the aim is to rationalise their uses by reserving them for applications where their properties and their performances mean they are clearly superior to other materials.

In its 2020 report, the Office suggested drawing up a list of plastics to be reduced, taking account of :

- their quality (conditioned in particular by the toxicity of their additives) ;

- their avoidability (certain uses of plastic, for example, are of no particular interest other that the marketing function associated with them);

- their lifespan (certain plastics are only used for a few minutes before becoming waste);

- the risk of their being released into the environment (the modes of consumption or use of certain plastics make it highly likely that they will end up in the environment);

- their substitutability (with the demonstration by a life cycle assessment of their ability to be replaced by other materials without a greater environmental impact).

 

Life cycle assessments are often used to defend the environmental balance of plastics compared to that of other materials. Plastic is also presented as one of the solutions for reducing our carbon footprint.[43] However, the public hearing revealed the cognitive biases in life cycle assessments, which fail to take account of certain environmental indicators due to the difficulty of calculating their impact. Thus, no life cycle assessment takes account of the end of life of plastics which are dispersed into the environment and their breakdown into micro and nanoplastics. It therefore appears indispensable to improve the methods for calculating life cycle assessments in order to incorporate the overall environmental impacts of plastic more effectively.

 

Plastic is a material made up of one or more polymers to which additives and fillers are added. For plastics of the same chemical type, there are hundreds, even thousands of different formulations. On average, additives represent 4% of the weight of plastics, but this percentage can exceed 50% for certain plastics such as PVC.

However, the information on the chemicals contained in plastics is rarely passed on throughout the life cycle of the plastics and is unavailable to regulatory authorities, consumers and waste managers. Even companies that produce and market their own products rarely know the chemical composition of the materials they are using. This lack of information hampers the evaluation of the risks and product safety.  It also complicates recycling of plastic waste.

To be able to limit the number of substances used in polymer formulations, it will therefore be necessary to:

- impose transparency on the chemicals used in order to guarantee their traceability, in particular for management of the end of life of plastics;

- ban certain polymers and chemicals to be listed in an annex drawn up based on criteria such as the degree of risk to human health and the environment, their non-recyclability or their ability to interfere with recycling;

- facilitate the banning of hazardous products by grouping the chemicals into broad families for evaluation and control;

- ban the use as additives of all the substances belonging to the same family of chemicals as a substance that is already banned.

 

97% of plastics are still in landfill or "anthropised" zones. Consequently, it is urgent to undertake the elimination of existing terrestrial waste.

The Office's 2020 report on plastic pollution expressed reservations on the cleaning up of the oceans, in view of the enormous scale of the resources that would be required to capture the macro waste. In addition, contrary to the widely-held image of "continents of plastic", the concentration of plastics in the gyres resembles more of a "soup" of plastic[44] that is often invisible from the surface.

However, targeted actions would be worth undertaking in certain marine areas (such as beaches or the mouths of rivers), where there is a very high concentration of plastic waste, as long as the waste collected is genuinely eliminated and cannot be dispersed into the environment again.

The efforts must be concentrated on the disposal of terrestrial waste, whether it is in illegal dumps or public or private landfill sites, with particular prioritisation of the oldest sites and those situated close to the coast.

All the clean-up and then disposal operations for waste along rivers, in storage areas and the recovery of plastic waste contribute to reducing the stock that will break down and be dispersed.

For a long time, developing countries have served as dumping grounds for the waste that developed countries do not know how to deal with, even as the former are faced with significant difficulties in coping with their own waste. Between 2010 and 2016, China alone imported between 7 and 9 million tonnes of plastic waste annually.

The decision made by China in 2017 to stop imports of non-industrial plastics led to the flows being diverted to other destinations: South-East Asia, but also Turkey, where imports of plastic waste (mainly from the European Union) increased by 1200% between 2016 and 2020 to reach over 500,000 tonnes.

The Ban Amendment ratified in December 2019 to the Basel Convention on the Control of Transboundary Movements of Hazardous Wastes and their Disposal is supposed to limit exports of plastic waste to countries with less stringent environmental standards than those of the country of origin.

In 2018, France exported 409,000 tonnes of plastic waste. The recyclers argue that most of the waste is exported to European Union countries, but there is no guarantee of whether this is its final destination or a transit stage en route to other countries. In 2020, the 27 European Union States and the United Kingdom exported 1.6 million tonnes of plastic waste[45] to third countries, in particular Malaysia, Indonesia, Vietnam and Turkey.

Furthermore, it should be noted that 95% of textiles collected in France for reuse are sent abroad, to Africa in particular, where very often they end up in the environment.

At European level, it is therefore necessary to reinforce the monitoring and traceability of transboundary plastic waste exports and to ban their export to countries outside the European Union.

At the global level, trading in plastic waste between developed companies should also be subjected to strict controls allowing traceability of the waste. On the other hand, all exports to countries with environmental standards and processing infrastructures that are not equivalent to those of the countries of origin should be banned.

 

The fight against plastic pollution concerns everyone. It is therefore indispensable to involve all human beings, regardless of age, in their different responsibilities, by inciting them to adopt consumption patterns that limit the use of plastics, especially the least useful ones. These awareness-raising and information measures must allow consumers to realise the consequences of their choices and guide them towards more virtuous options.

However, individuals cannot assume these necessary changes in behaviour alone, in particular due to the high level of inertia in consumption patterns and manufacturers' capacity to influence choices and impose practices. Under the impetus and, where appropriate, the control of the public authorities, industrial companies will have an essential role to play in orienting the public towards new consumption behaviours that are less dependent on plastic. It is a profoundly modified supply policy that will be required to reduce global plastic consumption.

Certain measures will need to target all countries:

- the reduction of single-use plastics by banning certain plastics (such as plastic bags) and quantified targets for reducing plastic packaging to be imposed on companies that produce and market their products;

- a tax on virgin plastic to encourage the use of recycled plastic.

Other measures may vary according to the living standards of populations.

In developed countries, it is necessary, in the short term to:

- encourage reuse by standardising packaging and developing returnable deposits on reusable glass packaging as an alternative to plastic packaging;

- allow consumers to bring their own containers and leave packaging at the cash desk  as well as systematically put up notices in shops informing about these possibilities;

- provide drinking water fountains in all public spaces;

- inform consumers on the risks associated with the misuse of plastic containers (in particular the risk of endocrine disrupter migration);

- require a label on all products and goods containing plastic, indicating the percentage of incorporated recycled plastics, including if they do not contain any ("0% recycled plastic");

- ban disposable vapes and the construction of synthetic sports pitches.

In developing countries, it will be necessary to use support schemes to prioritise:

- the development of drinking water[46] and waste management infrastructure;

- the setting up of extended producer responsibility systems to fund the collection and end of life of waste, as well as the fight against illegal dumping;

- the sustainability of all local alternatives to plastic packaging and the encouragement of their development.

 

Like the UN's Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), a global body should be created bringing together researchers working on the subject of plastic pollution, so that they can share and compare their work, facilitate the resolution of the current uncertainties regarding certain health and environment impacts of plastics, and more strongly ground on science the measures taken by the public authorities.

 

 


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Travaux de l’Office

 

  1. Compte rendu de l’audition publique du 11 mai 2023

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Bonjour à tous, bienvenue pour cette audition publique qui permettra à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) de retrouver un sujet qu’il connaît bien, celui de la pollution plastique, et dont il abordera aujourd’hui une dimension spécifique. En décembre 2020, nos collègues Philippe Bolo et Angèle Préville ont présenté devant l’Office un rapport qui a fait date, nourri par de très nombreuses auditions et un travail extrêmement approfondi.

Angèle Préville et Philippe Bolo sont en quelque sorte devenus les spécialistes parlementaires de la pollution plastique. Ils sont désormais très souvent sollicités pour présenter les analyses de l’Office, que ce soit dans les médias, dans les enceintes scientifiques ou ailleurs. Ils ont d’ailleurs été invités à participer en début de semaine prochaine à un séminaire franco‑américain sur la recherche scientifique dans ce domaine, comme ils l’avaient été déjà  l’an dernier.

C’est là une marque de reconnaissance quant au sérieux de nos travaux. Nous ne pouvons donc que nous en réjouir et je remercie chacun de vous deux pour votre implication au sein de l’Office.

En décembre 2020, le rapport de l’Office préconisait la négociation d’un traité mondial en vue de réduire la pollution plastique. En mars 2022, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (UNEA) réunie dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement a adopté une résolution prévoyant que serait élaboré un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Cinq réunions du comité intergouvernemental de négociation sont programmées d’ici fin 2024 et la France accueille la deuxième session à la fin du mois.

C’est la raison pour laquelle l’Office a décidé d’organiser une audition publique sur les enjeux scientifiques liés à ce projet de traité international. Une première table‑ronde traitera des raisons scientifiques qui poussent à l’élaboration de ce traité. La seconde table ronde s’intéressera aux enjeux scientifiques des propositions en discussion.

Première table ronde : Les justifications scientifiques d’un traité visant à mettre un terme à la pollution plastique

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Notre premier intervenant est M. Andrés Del Castillo, avocat senior au Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL). Il évoquera la pollution plastique sous l’angle du dépassement des limites planétaires.

Je rappelle qu’en 2009 paraissait une étude scientifique qui identifiait neuf limites planétaires à ne pas dépasser pour que l’humanité continue à vivre dans un écosystème sûr : la pollution atmosphérique, la perturbation du cycle de l’eau douce, l’appauvrissement de la couche d’ozone, l’acidification des océans, le réchauffement climatique, le changement de l’affectation des sols, les flux biochimiques, l’érosion de la biodiversité et la pollution par des substances nouvelles. Parmi les six limites planétaires dépassées depuis 2022 figure la pollution par les substances nouvelles, notamment en raison de l’explosion de la production des plastiques.

M. Andrés del Castillo, avocat senior, Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL). – Je vous suis reconnaissant de m’avoir convié à cette séance à la fois pertinente et nécessaire, qui sonne comme un véritable prélude à la réunion que Paris accueillera dans deux à trois semaines, où plus de 2300 experts de 163 pays se réuniront pour discuter d’un prochain instrument juridiquement contraignant.

Le terme de « pollution plastique » a évolué dans le temps. À l’origine, il s’agissait d’une accumulation des débris plastiques dans l’environnement physique et le biota. Deux rapports phares présentés par l’OCDE en 2022 donnent une définition de la pollution plastique qui pourrait être celle choisie à Paris comme base de travail : « De manière générale, toutes les émissions et tous les risques résultant de la production, de l’utilisation, et de la gestion des déchets et des fuites de matière plastique. » Le terme « émission » peut être appréhendé à travers les rejets dans l’atmosphère, ainsi qu’à travers les rejets dans les écosystèmes aquatiques et les sols. Le terme « fuite » limite juridiquement la définition. Parler de « rejets » serait donc plus convenable.

La pollution plastique doit être mise en perspective des neuf processus biophysiques qui régulent la stabilité et la résilience du système terrestre : les limites planétaires. Nous passons de l’holocène à l’anthropocène, période où les activités humaines ont une forte répercussion sur les écosystèmes de la planète et la biosphère, et les transforment à tous les niveaux. En 2009, nous avions déjà transgressé trois limites planétaires. En 2022, les données montrent que nous avons désormais transgressé six limites planétaires. L’année dernière, la contamination par des produits chimiques (introduction de nouvelles entités dans la biosphère) a été transgressée.

Pourquoi l’avons‑nous transgressé ? Comment résoudre cette problématique ? Est‑ce possible de revenir en arrière, vers l’holocène ? Il n’est pas possible de revenir en arrière selon les études, mais il est toutefois possible d’arrêter les dommages causés dans le futur.

Qu’entendons‑nous par nouvelles entités ? Il s’agit de nouvelles substances, de nouvelles formes de substances existantes, de formes de vies modifiées, de nouveaux types de matériaux ou d’organismes manufacturés inconnus auparavant du système terrestre, ainsi que d’éléments naturels (par exemple les métaux lourds) mobilisés par les activités anthropiques.

Le modèle de la tête de la Méduse place huit limites planétaires de part et d’autre et positionne au centre les plastiques. Cette représentation montre comment l’interaction avec les plastiques exacerbe les autres limites planétaires. Je me concentrerai à cet égard sur la partie liée au changement climatique.

Le graphique présenté dans le sixième rapport d’évaluation du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre les changements de température mondiale. Un graphique de l’OCDE envisage un triplement de la production annuelle de plastiques. La production actuelle équivaut à 400 millions de tonnes par année. D’ici 2060, nous passerons à 1,2 milliard de tonnes de production par an. Si nous n’arrivons pas à gérer la production actuelle, qu’en serat‑il dans un monde plus chaud avec plus d’un milliard de tonnes de productions plastiques par an ? Il est donc nécessaire d’agir. C’est pourquoi les Nations Unies et l’ensemble des États ont construit l’année dernière un plan pour traiter la pollution plastique de manière holistique en se concentrant sur l’ensemble de son cycle de vie.

Le plastique a un effet sur le climat et menace la possibilité d’envisager un monde avec un réchauffement en dessous de 1,5°C. Un de nos rapports récents montre que d’ici 2050, les émissions de gaz à effet de serre provenant du plastique pourraient atteindre plus de 56 gigatonnes, soit 10 à 13 % de l’ensemble du budget carbone restant. Certaines études indiquent qu’au lieu d’augmenter de 4 % par an la production de matières plastiques, nous devrions diminuer la demande de 3 % par an pour réduire de moitié la consommation annuelle du budget carbone attribué à l’industrie du plastique d’ici 2050.

Il est possible de parler de plastique à différentes échelles parmi lesquelles figurent : les matières premières utilisées dans les plastiques ; les précurseurs plastiques : produits chimiques basiques utilisés pour la préparation des monomères, des polymères et additifs nécessaires ; les résines ou les matières plastiques ; les produits plastiques ; les déchets plastiques.

Ainsi, il est nécessaire de distinguer les matières plastiques (upstream), les produits plastiques (midstream) et les déchets plastiques (downstream).

Par ailleurs, nous approchons de la fin de la négociation de la conférence des parties pour les conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm. Un rapport a été publié sur la dimension chimique du plastique et démontre que plus de 13 000 produits chimiques sont utilisés pour la production des plastiques. Nous disposons des données pour près de 7000 de ces produits, dont presque 3200 sont des substances préoccupantes selon les scientifiques.

Si nous prenons la Convention de Minamata, les protocoles de Montréal et la Convention de Stockholm, seulement 128 produits sont régulés parmi les 3200 produits chimiques préoccupants. Désormais, ces produits régulés seront au nombre de 130, car la semaine dernière la Convention de Stockholm a décidé de prendre en considération deux produits chimiques supplémentaires. Ces produits sont utilisés comme retardateur de flammes et comme filtre UV (il s’agit de l’UV 328).

Nous sommes dans une approche au cas par cas dans laquelle plusieurs années sont nécessaires pour évaluer et classer les différentes substances. Il sera important de regrouper les substances par grandes familles, comme cela se fait déjà au niveau de l’Union européenne pour les PFAS (plus de 10 000 substances) et les bisphénols (plus de 156 substances). En effet, plus de 350 000 produits chimiques sont produits, dont 200 000 sont des polymères. Nous avons besoin du droit et de la volonté politique pour rationaliser cela. Nous ne parlons pas d’éliminer le plastique, mais de contrôler une substance qui est hors de contrôle aujourd’hui. En outre, un rapport publié récemment met en avant les Dirty 10, soit les dix groupes de substances chimiques que le traité devra s’attacher à contrôler.

Par ailleurs, la science nous suggère de plafonner la production des plastiques vierges : il s’agit d’une des options, si ce n’est l’une des premières options documentées par l’UNEA. Elle sera mise sur la table lors des discussions à Paris. Une autre option est la simplification chimique : limiter le nombre de substances mises sur le marché dans une logique de no data no market. Si les données sont absentes, le marché pour introduire des substances chimiques est inexistant. Le but est également de regrouper l’évaluation et le contrôle des produits chimiques utilisés dans les matières plastiques.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Nous allons à présent écouter M. Hervé Corvellec, professeur à l’université de Lund en Suède.

La pollution plastique résulte de l’extraordinaire succès rencontré par le plastique dans tous nos usages. Pour lutter efficacement contre cette pollution, nous ne pouvons pas nous contenter d’essayer d’améliorer la gestion de la fin de vie des plastiques, il nous faut réduire drastiquement sa production et par conséquent, notre consommation. Pour ce faire, il est indispensable de comprendre les ressorts économiques qui nous poussent à consommer toujours plus de plastique et à nous intéresser aux usages.

M. Hervé Corvellec, professeur à l’université de Lund. – Merci pour votre invitation.

Nous savons exactement où va le plastique : 40 % dans les emballages et 20 % dans la construction.

Il existe un paradoxe de la consommation plastique. Les plastiques sont omniprésents. Pourtant, ils sont rarement activement choisis par le consommateur. Le plastique est en effet un accompagnateur discret. Il suit. Par exemple, si vous achetez un concombre biologique, paradoxalement il sera emballé individuellement dans du plastique. De la même manière, si vous disposez d’une automobile, vous utiliserez énormément de plastique, par exemple avec les pare‑chocs ou les protections latérales. Le plastique représente actuellement 30 % du poids des véhicules, contre 17 % en 2011. Cette augmentation de la présence du plastique est donc récente.

Il existe quelques exceptions. Il est par exemple possible de choisir des jouets en bois plutôt qu’en plastique, des fenêtres en aluminium plutôt qu’en PVC, ou des lavettes en tissu plutôt qu’en plastique. Je soupçonne néanmoins les lavettes en tissu d’être emballées dans du plastique, ce qui est un paradoxe de plus.

À part ces exceptions, le plastique suit. Je vais commenter cette photo qui montre un œuf de Pâques. Les petits œufs qu’il contient sont emballés dans un sac en plastique. Les œufs de plus grande taille sont quant à eux emballés dans un autre sac en plastique. Ces sacs en plastique sont placés dans un sac en tissu, lequel comporte des matières en plastique. Ce même sac est situé dans un œuf en plastique. Sur cet emballage est attaché une étiquette au moyen d’un petit fil, lui‑même en plastique. La présence du plastique constitue donc un choix de designer, de producteur et de distributeur. En ce sens, pour reprendre les termes de Michel Serres, le plastique est un parasite. Il se nourrit de la présence des autres produits et permet à ces autres produits de fonctionner.

C’est pourquoi j’appellerai le plastique un passeur de qualités. Je me réfère à l’économie des qualités de Michel Callon, lequel explique que les produits représentent un certain nombre de qualités et que c’est pour cette raison qu’ils sont sur le marché. Ainsi, parmi les qualités du plastique figurent la protection barrière, la légèreté et la commodité. Le plastique permet à divers produits de passer ces qualités. Par exemple, le plastique permet de passer la qualité d’abondance. Sur cette photo qui représente les étagères d’un supermarché, chaque produit végétal est emballé dans du plastique pour produire une impression d’abondance, de commodité et d’individualisation des choix au sein des rayonnages. Le plastique permet également de passer la qualité de rapidité. La rapidité est essentielle à la modernité. Nous le savons depuis Paul Virilio, depuis l’omniprésence de la consommation et de l’hypermobilité des matériaux, des produits et des personnes. Le plastique permet en permanence de passer ces qualités. La mobilité et la sécurité constituent les qualités essentielles pour consommer en mouvement et se protéger. Nous nous protégeons avec un casque par exemple, mais pas de la même manière des risques plastiques.

Une qualité essentielle du plastique est sa jetabilité. Si nous pouvons arriver à vendre 1,3 milliard de bouteilles d’eau par jour, c’est parce que nous pouvons les jeter ensuite. Les produits plastiques sont produits, dessinés et destinés à devenir des déchets. En ce sens, le plastique participe largement à la normalité du déchet. Cette jetabilité fait partie de l’offre. En effet, quand nous achetons une bouteille d’eau en plastique, nous achetons également la mobilité, la possibilité de se déplacer et d’emmener l’eau avec soi. C’est paradoxal, car nous achetons l’eau et non pas le plastique, mais le plastique permet de consommer l’eau selon la stratégie et les politiques de gestion des entreprises. Cette politique de gestion des entreprises et de distribution de l’eau est basée sur le fait qu’il est considéré comme normal de jeter cette bouteille à la fin de son usage.

Dans cette normalisation du déchet, le recyclage joue un rôle clé. Le lobby européen Plastics Europe, par exemple, est un fervent partisan du recyclage du plastique. Il insiste notamment sur le potentiel et l’importance des développements du recyclage chimique pour permettre de contourner l’un des grands problèmes du recyclage mécanique des plastiques, que sont les additifs. Il considère que ce recyclage est un élément clé du passage à l’économie circulaire, elle‑même faisant partie de la stratégie verte de l’Union européenne. C’est intéressant, comme au Moyen‑Âge où des indulgences permettaient de s’affranchir de la responsabilité de ses péchés, le recyclage permet de ne pas se poser la question de comment faire autrement, mais il maintient l’illusion qu’il est possible de contrôler le déchet, voire d’en faire une ressource. Cette pensée participe à la limitation de la responsabilité des producteurs, des distributeurs et des consommateurs en matière de production du déchet. Ainsi, le recyclage joue un rôle important de légitimation du déchet et ce, alors même qu’il existe un problème fondamental dans le recyclage du plastique et de manière générale dans son traitement comme déchet : toutes les qualités qui rendent le plastique intéressant pour sa production s’inversent pour son recyclage et le traitement des déchets. En effet, la collecte du plastique est peu rentable, car les coûts de la collecte sont déterminés par les kilomètres parcourus et le temps passé, tandis que les revenus de la collecte sont définis par le poids et le prix au kilo des déchets. Lorsque les plastiques sont volumineux, légers et peu coûteux, il devient difficile pour les entreprises de collecte de déchets de financer leur collecte en revendant leurs produits. Il s’agit d’un problème fondamental.

Le plastique étant très malléable, il est possible de le retrouver partout, par exemple enrobant du métal ou du verre, ce qui ne permettra pas forcément de le recycler ou de le retraiter. La résistance du plastique à l’eau, aux acides et aux ultraviolets, entraîne une durabilité qui le rend difficile à traiter. C’est pourquoi il se retrouve dans la nature pendant très longtemps.

Les déchets nous renvoient avec une violence lente à notre confiance dans le plastique qui participe à notre bien‑être. Cette confiance permanente est accordée du fait de sa jetabilité. Mais cette confiance s’effrite quand le plastique devient déchet.

À cet égard, la cigarette électronique à usage unique constitue une urgence. La cigarette, en plus d’être un défi de santé publique, en particulier chez les jeunes, génère un déchet plastique‑métal‑électronique, difficile à gérer. Il s’agit d’un excellent exemple de la question de la légitimité de mise sur le marché d’un produit qui génère un déchet systématique. Comment pouvons‑nous accorder une autorisation de mise sur le marché à un tel produit ? Accepter cette mise sur le marché revient à accepter que le traitement du déchet soit toujours à la traîne par rapport à la mise sur le marché du produit.

Le déchet plastique, comme le dit Amanda Boetzkes dans son livre Plastic Capitalism, constitue une condition de possibilité du système économique contemporain, que ce soit pour la mobilité, la gestion du risque ou la globalisation. Il n’existe aucun aspect du système économique contemporain qui ne soit dépendant d’un usage intensif du plastique. Cela explique pourquoi l’usage intensif du plastique est omniprésent. La présence du déchet plastique est consubstantielle au développement d’activités économiques en général. Le déchet plastique nous renvoie en permanence aux non‑pensées de la production, de la distribution et de la consommation pour les étapes situées après le premier usage. Subsiste l’idée que la personne suivante s’occupera du déchet. Le déchet doit être quelque part traité, neutralisé et contrôlé. Mais ce n’est pas le cas. C’est notamment le défi de l’anthropocène et le défi de la pollution plastique dans les mers, les montagnes ou dans l’air. Nous savons que nous ne pourrons pas continuer à gérer le plastique si une telle production est maintenue. Cette non‑pensée pour le déchet nous renvoie à notre appétence pour la rapidité, la praticité, la légèreté et la couleur, à une notion du sans‑souci. Le déchet plastique est intimement lié à nos préférences, à nos pratiques et à la production. Si nous voulons traiter le déchet plastique, il sera nécessaire de détricoter le maillage serré que l’industrie du plastique a fait de nos sociétés.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Notre troisième intervenant est M. Jeroen Sönke, directeur de recherche au CNRS. Les microplastiques ont envahi tous les compartiments environnementaux. Nous les retrouvons dans les océans, les fleuves, les sols, mais également dans les airs, au sommet des montagnes, sur les glaces et dans les fosses marines les plus profondes. Comment modéliser ces flux de plastiques pour en dresser un bilan global à l’échelle planétaire ? C’est à cette tâche que s’est attelée votre équipe pour établir le premier modèle compréhensif du cycle de vie des plastiques et des microplastiques.

M. Jeroen Sönke, directeur de recherche au CNRS, spécialisé en géochimie de l’environnement. – À Rio Las Vacas, au Guatemala, lors de pluies intenses, les crues mobilisent une quantité phénoménale de déchets plastiques depuis un bassin versant urbanisé qui vont ensuite dans la mer. Des dispositifs de captage de ces plastiques sont en cours de développement. Les quantités de déchets plastiques en jeu dans les pays du sud sont ahurissantes.

Depuis les années 1950, la production plastique fait l’objet d’une croissance continue, avec aujourd’hui 450 millions de tonnes produites chaque année. Une tonne représente le poids d’une voiture. Ainsi, l’équivalent du poids de 450 millions de voitures est produit en plastique chaque année.

Par ailleurs, 12 % du pétrole est converti chaque année en polymères, majoritairement pour des emballages à usage unique. Depuis les années 1950, au total, 8 300 millions de tonnes de plastiques ont été produites. Cela suffit à tapisser la France entière avec une couche de 50 centimètres de polymères.

Parmi ces 8 300 millions de tonnes de plastiques produits, 30 % sont toujours en utilisation (pare‑chocs, coques de téléphone, ordinateurs, etc.). Deux tiers étaient à usage unique, dont la moitié se trouve en décharge, parfois à ciel ouvert, parfois gérée de manière correcte. L’autre moitié est rejetée directement dans l’environnement. 10 % des plastiques sont incinérés et génèrent du CO2 et environ 8 % des plastiques sont recyclés. Mais après le recyclage, le plastique peut rejoindre l’incinérateur, la décharge ou être rejeté dans l’environnement.

Dans le cycle des plastiques à l’échelle de la planète, on distingue les macroplastiques (supérieur à 5 millimètres), les microplastiques (compris entre 1 micromètre et 5 millimètres). Certains microplastiques primaires sont produits pour être utilisés tels quels dans les produits cosmétiques ou la peinture par exemple.

Les plastiques en utilisation peuvent être rejetés vers les décharges, les milieux urbains, industriels et les sols agricoles. Les fleuves transportent lentement les microplastiques et les plastiques et les dispersent vers le milieu marin. D’abord, ils dérivent vers la surface de l’océan. Ensuite, ces plastiques se sédimenteront, pénétreront dans les océans profonds et se retrouveront dans les sédiments côtiers ou seront déposés sur les plages.

Il existe également un cycle atmosphérique. Par exemple, l’abrasion des pneus et les émissions de l’océan vers l’atmosphère se redéposeront plus loin sur l’océan, les sols naturels, les glaciers et autres milieux terrestres.

L’enjeu ces dernières années a été de mettre des chiffres sur les quantités de plastiques et les flux de ce cycle de vie des plastiques. Pour ce faire, nous avions besoin d’observations avec nos équipes. À l’observatoire Midi‑Pyrénées, nous avons travaillé sur l’atmosphère. Nous avons regardé la neige au‑dessus des Pyrénées, l’air en haute altitude sur le pic du Midi ou encore la brume marine.

D’autres collègues ont exploré l’océan profond. Il s’agissait jusque‑là d’un domaine d’études assez peu connu. Jusqu’à 10 000 mètres de profondeur, dans la fosse des Mariannes, il est possible de trouver du plastique. Des centaines d’études permettent aujourd’hui d’affiner et de comprendre la dispersion des plastiques et microplastiques. Depuis 10 ans, nous connaissons la quantité de plastiques qui flotte à la surface des océans : 0,3 million de tonnes. Ce chiffre paraît faible au regard des 82 millions de tonnes de plastiques qui se situent dans les océans profonds, soit 300 fois plus qu’à la surface. Dans l’océan côtier, plus de 100 millions de tonnes de plastique ont déjà été déposées.

On découvre également que les émissions marines et terrestres ont alimenté les sols naturels en plastiques, à hauteur de 28 millions de tonnes, lesquels ont rejoint, avec la pluie, les océans, dans une sorte de boucle infernale de microplastiques. Le bilan montre que 97 % des plastiques produits se retrouvent toujours en milieu terrestre, dans les décharges ou dans la nature, en utilisation, et seulement 3 % des plastiques et microplastiques ont été dispersés vers le milieu marin ou les sols naturels.

Nous avons ensuite traduit ce premier bilan en modèle numérique mathématique pour regarder les échelles de temps impliquées dans la dispersion et la fragmentation des microplastiques dans cet écosystème. On est obligé d’effectuer des simplifications dans ce modèle. Ainsi, nous avons supposé un taux de fragmentation de 3 % par an. Nous avons simulé un scénario d’arrêt de production en 2040. Les déchets plastiques terrestres décroissent à cause de la fragmentation en microplastiques. Un siècle après, les déchets microplastiques se dispersent vers l’océan, l’atmosphère et les sols naturels. En parallèle, au cours des prochains siècles, les microplastiques augmenteront dans les milieux marins, l’océan profond et dans les sols naturels. Cette simulation doit être prolongée jusqu’à 20 000 ans pour que les microplastiques se déposent dans les sédiments marins et se stabilisent en dehors de nos écosystèmes de surface. Cette échelle de temps, à cause de cette fragmentation lente, est très longue. Le risque est que pendant des millénaires nous devions faire face à des plastiques déjà produits aujourd’hui.

Ainsi, 12 % du pétrole est converti chaque année en polymères, une quantité très importante qui risque de s’accroitre encore. 3 % des plastiques ont été mobilisés des milieux terrestres vers les milieux marins et les sols naturels. La majorité des plastiques se trouvent toujours en milieu terrestre. À cause de cette fragmentation lente, leur impact peut être aggravé pendant des millénaires. Afin de limiter cette dispersion et cette fragmentation, il est absolument nécessaire de limiter la production. Revenir à un niveau zéro est probablement irréaliste, mais il faut améliorer la gestion des déchets dans les pays du sud et chez nous, et probablement assainir les déchets déjà présents en milieu terrestre afin de limiter la dispersion.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Notre quatrième intervenant est Xavier Cousin, chercheur à l’INRAE, affecté à l’unité mixte de recherche MARBEC pour MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation. Les images chocs de mammifères marins étranglés par un engin de pêche ont révélé au grand public l’impact de la pollution plastique sur la faune marine. Pour autant, ces images ne sont que la partie visible de l’iceberg de la pollution plastique qui touche toute la chaîne trophique.

M. Xavier Cousin, chercheur à l’INRAE, UMR MARBEC pour MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation. – Les images d’animaux marins prisonniers ou asphyxiés par les déchets plastiques ont fait le tour du monde et ont offert une grande visibilité à la problématique des déchets plastiques en milieu marin. Cette problématique est une réalité, car lors des campagnes réalisées sur les côtes des Pays‑Bas, pour certaines espèces de phoques, on a identifié 20 % des individus avec des fragments plastiques de grande taille. Ces chiffres peuvent aller jusqu’à 60 % pour des animaux juvéniles.

Ces gros objets ne représentent qu’une partie du problème, puisqu’ils se fragmentent en microplastiques, en plus des microplastiques primaires. Il faut bien parler des microplastiques, car il existe une grande diversité de taille (entre 1 micromètre et 5 millimètres), une grande variabilité de formes et de compositions (polymères ou additifs). Mais tous ces plastiques ont comme point commun la capacité d’être ingérés par tous les organismes de la chaîne trophique. Cet aspect a été démontré chez tous les organismes étudiés. Il existe une relation entre la taille des organismes et la taille des microplastiques qu’ils peuvent ingérer. On observe des microplastiques de quelques micromètres ingérés par des organismes de quelques centaines de micromètres (artémia ou larves de mollusques) ou de quelques millimètres (larves de poissons).

Dans le tube digestif des poissons, les microplastiques ingérés sont évacués et ne s’accumulent pas. La translocation, c’est-à-dire le passage dans les tissus, n’existe que pour les petits microplastiques ou les nanoplastiques. Cependant, la source est permanente et infinie. En effet, les organismes sont soumis à un flux continu de plastiques qui les traverse en permanence.

Deux expériences sont rapportées ici sur le zooplancton. Dans les expériences réalisées avec des expositions aiguës, qui correspondent à des tests réglementaires, nous n’avons mis en évidence aucune toxicité pour ces organismes, y compris pour des concentrations sans commune mesure avec celles observées dans l’environnement. En revanche, lorsque sont testées des expositions de plus longue durée, on observe des altérations physiologiques : une diminution du taux d’ingestion de nourriture par les copépodes exposés aux microplastiques et une diminution de la taille des œufs au bout du septième jour. Ainsi, ces exemples montrent que pour le zooplancton, la toxicité est absente pour des expositions de courte durée, mais apparaît progressivement pour des expositions plus longues.

Pour les mollusques, en l’occurrence des huîtres, deux expériences sont ici représentées pour montrer les effets à l’échelle individuelle, c’est‑à‑dire au niveau du fonctionnement des organismes. L’exposition à des composants chimiques présents dans les pneus met en évidence une altération physiologique, de la capacité de filtration, du taux de respiration et de la variable du potentiel de croissance. Les deux autres graphiques mettent en exergue des huîtres perlières exposées à des particules résultant du broyage de matériaux plastiques utilisés en ostréiculture, environnement non naturel, mais habituel. Cette exposition conduit à l’apparition de malformations au niveau de la coquille et à une diminution de la qualité des perles. Ces exemples montrent que la toxicité peut être liée soit à l’ingestion des microplastiques, soit aux substances chimiques qu’ils contiennent.

Le deuxième exemple sur les huîtres a pour but de montrer les effets à l’échelle populationnelle. Différentes variables liées à la reproduction sont mises en évidence. Les substances d’exposition sont encore une fois le lixiviat, avec cette fois‑ci des matériaux caoutchouc (pneus), des extraits de granulés pour les terrains de sport et des élastiques en caoutchouc utilisés en ostréiculture. Sont représentés les lixiviats obtenus à partir du matériau neuf ou du matériau vieilli. Systématiquement, que ce soit pour les pneus, le terrain de sport ou les élastiques, on observe que l’exposition au lixiviat du matériau neuf entraîne une toxicité plus élevée que celle des matériaux vieillis. Ainsi la toxicité dépend de l’âge des matériaux.

Des gamètes d’huîtres ont été exposés à des particules de taille différente : 500 nanomètres ou 50 nanomètres. La diminution du taux de fécondation n’est observée que pour les particules d’une taille de 50 nanomètres. Ainsi la toxicité dépend de la taille des particules, avec une tendance selon laquelle les particules plus petites sont plus toxiques que les particules de plus grande taille.

Avec des collègues de l’université de Bordeaux, nous avons exposé deux espèces de poisson, d’eau douce et marine, à quatre plastiques : deux polymères industriels (PE et PVC) et des plastiques collectés sur des plages de Guadeloupe. Les plastiques industriels ont été enrobés avec des substances chimiques. Nous avons exposé les poissons pendant plusieurs mois, en commençant par le premier stade de développement. Au bout de quatre mois et demi d’exposition, on a mis en évidence une diminution significative de l’ordre de 15 à 20 % de la croissance. L’effet apparaît donc au bout d’une exposition chronique. Les mêmes effets sont observés pour les deux espèces. Il n’y a donc pas de dépendance à l’espèce ou au milieu. Manifestement, les effets observés résultent d’un effet générique indépendant du polymère ou de l’origine.

Nous nous sommes également intéressés aux effets de l’exposition sur la reproduction. Nous avons mis en évidence une diminution du nombre de pontes. Sont observées cette fois‑ci des différences selon les polymères. Pour le polyéthylène, les effets ne sont observés que lorsqu’il est absorbé avec une substance chimique. Pour le PVC, un des plastiques qui contient le plus d’additifs, les effets sont observés avec ou sans la présence de substances chimiques absorbées. Dans le cadre des plastiques collectés sur les plages, les effets n’ont été observés qu’avec un seul plastique. Ainsi les mécanismes en jeu sont différents de ceux de la réduction de la croissance.

Le puffin est un oiseau marin qui se nourrit de poissons. À cette occasion, il ingère des macroplastiques et microplastiques. Des collègues australiens ont analysé le contenu de l’estomac et du gésier en termes de microplastiques chez de jeunes oiseaux de 80 à 90 jours (moment où ils sortent du nid). Les oiseaux n’ont donc été nourris jusque-là que par leurs parents. Leur alimentation reflète ce que les parents ont mangé dans leur environnement proche. Les collègues australiens ont établi une corrélation entre la masse de plastiques présente dans ces oiseaux et la présence d’une fibrose au niveau de l’estomac, ainsi qu’une corrélation entre la présence de plastiques et la sévérité de la fibrose. À l’inverse, ils ont mis en évidence une corrélation négative entre la quantité de plastiques identifiée dans ces oiseaux et la masse corporelle au moment de l’analyse.

Pour conclure, l’exposition chronique à des microplastiques conduit à des effets à long terme. Ces perturbations touchent notamment la croissance et la reproduction. Tous les niveaux de la chaîne trophique sont impactés. Des différences en termes de toxicité sont à relever, puisqu’elle dépend de la durée d’exposition. En effet, une exposition longue entraîne des effets plus importants ou des effets, par rapport à une exposition courte. La toxicité dépend également de la nature des plastiques, de l’âge des matériaux et de leur taille. Les mécanismes restent néanmoins peu connus, puisqu’il existe des effets physiques comme dans le cas de la fibrose (pas nécessairement visible chez toutes les espèces), ainsi que des effets chimiques qui peuvent dépendre à la fois des polymères et des additifs. Une des hypothèses est qu’une partie des effets observés résulte d’une perturbation de l’équilibre énergétique qui pourrait impliquer une participation du microbiote.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Notre dernière intervenante est Mme Muriel Mercier‑Bonin, directrice de recherche à l’INRAE dans l’unité mixte de recherche UMR Toxalim, centre de recherche en toxicologie alimentaire.

La pollution plastique affecte les écosystèmes et a également un impact négatif sur la santé humaine. Mme Mercier‑Bonin nous expliquera comment l’écosystème digestif humain est exposé aux microplastiques, et potentiellement aux nanoplastiques, et quels sont leurs impacts potentiels.

Mme Muriel MercierBonin, directrice de recherche à l’INRAE, UMR Toxalim, centre de recherche en toxicologie alimentaire. – Je vous présenterai un exemple de recherche interdisciplinaire que nous menons à Toxalim sur l’impact des microplastiques, voire des nanoplastiques dans l’environnement digestif humain. Parmi les trois sources potentielles d’exposition chez l’homme figurent l’ingestion, l’inhalation et le contact par la peau. Mon exposé sera centré plus particulièrement sur l’ingestion.

Un microplastique a une taille comprise entre 1 micromètre et 5 millimètres, même si les travaux ne sont pas nécessairement consensuels par rapport à la notion de taille, en ce qui concerne les nanoparticules. Les nanoplastiques sont définis de manière récente comme une particule qui a une taille inférieure à un micromètre. Un nanoplastique ne correspond ni à un microplastique ni à une nanoparticule au sens des nanomatériaux comme le dioxyde de titane. Cependant, un microplastique est également lié au type de polymère qui compose les particules plastiques, ainsi qu’aux notions d’additif, de morphologie et de vecteur. En effet, un micro ou nanoplastique pourra durant son cycle de vie absorber certains composés chimiques ou toxines (polluants environnementaux ou métaux lourds).

La santé humaine constitue selon moi une thématique très émergente, mais très active au niveau français, européen, voire international. Une enquête réalisée par l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2019 avait pour but d’étudier la perception des citoyens européens sur la sécurité sanitaire des aliments. Un eurobaromètre portait sur une quinzaine de sujets d’étude : additifs, contaminants alimentaires, pesticides, nanomatériaux, etc. Un panel de citoyens avait été interrogé sur sa perception de la présence des microplastiques dans l’alimentation. Les réactions dépendaient des pays. Les citoyens d’Europe du Nord étaient très conscients des enjeux liés à la présence des microplastiques dans l’aliment, contrairement à ceux d’autres pays comme la Grèce ou Chypre. Le niveau d’éducation pouvait également intervenir dans cette perception. Cette thématique des microplastiques et nanoplastiques dans la santé est en lien avec des enjeux politiques, économiques et sociétaux autour de la pollution plastique.

En 2015, nous n’avions aucune connaissance sur les impacts en santé humaine des microplastiques. Depuis 2017, la connaissance s’est accélérée. Plus spécifiquement, la thématique des nanoplastiques constitue un embryon dans la recherche. Les communautés commencent à se structurer, mais ce sujet reste très émergent. Cette connaissance scientifique doit s’articuler sur les enjeux politiques, économiques et sociétaux, déclinés à l’échelle européenne via l’EFSA, la stratégie européenne pour l’économie circulaire ou encore le pacte vert, mais également déclinés au niveau français avec la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020), le rapport du Conseil économique social et environnemental (CESE) ou l’ambition pour 2040 de zéro emballage en plastique à usage unique. Nous nous inscrivons également dans cette négociation autour d’un traité mondial pour mettre fin à la pollution plastique et prendre en compte les enjeux des impacts en santé humaine.

Quel est le risque pour notre santé d’être exposé quotidiennement aux microplastiques et aux nanoplastiques ? L’évaluation du risque est à ce stade impossible au regard des connaissances scientifiques. Ce sujet a fait l’objet d’une parution dans le journal Science en 2021. Nous avons encore des verrous cognitifs et méthodologiques autour des dangers liés à l’exposition, aux effets toxicologiques, à la difficulté de détecter des microplastiques et des nanoplastiques dans les fluides biologiques. Il s’agit de freins à la connaissance. Toutefois, la Commission européenne a financé en 2020 cinq projets qui ont pour objectif d’améliorer l’évaluation du risque en santé humaine.

Le risque se définit comme l’association d’un danger (effet toxicologique) et d’une exposition humaine. En 2019, il était évoqué qu’un humain consommait cinq grammes par semaine de microplastique, soit l’équivalent d’une carte de crédit. L’impact médiatique de ce chiffre fut très fort. La concrétisation de ce résultat pour nous, scientifiques, réside dans la publication de l’article qui y fait référence, finalement paru en 2021. Les conclusions étaient alors plus mitigées. En fonction des scénarios d’exposition, on se situait plutôt dans une fourchette de 0,1 à 5 grammes par semaine de microplastiques ingérés. Cependant, depuis un ou deux ans, ces chiffres sont discutés.

Un article publié très récemment par un collègue autrichien estime qu’il faut 23 000 ans pour ingérer 5 grammes de microplastiques. Les travaux de Nor en 2021 se sont basés sur différents types d’aliments : poissons, mollusques, crustacés, eau du robinet, eau en bouteille, bière, lait, sel et air. L’étude estimait les doses de microplastiques ingérées à 4 microgrammes par semaine. Une autre étude en 2023, basée sur une population coréenne, a étudié 80 produits issus de différents types d’aliments : sel, sauces, fruits de mer, algues, miel, bière, boissons. L’ordre de grandeur du plastique ingéré se situait plutôt entre 140 et 310 microgrammes par semaine.

Ainsi, les incertitudes en termes d’exposition sont nombreuses. En fonction des sources de données ou des méthodes d’estimation, les écarts sur les doses d’exposition quotidiennes peuvent être importants.

Chez l’adulte, on retrouve les microplastiques dans l’eau, les boissons, les produits de la mer, les poissons, le sel, la bière, les fruits et les légumes, dans les emballages (sources directes d’émission de microplastiques). Un microplastique est également vecteur d’autres polluants environnementaux, selon l’effet « cheval de Troie ».

Chez l’enfant, les sources d’exposition sont aussi présentes, car on peut retrouver des plastiques dans les biberons, les tétines, les jouets, la poussière. Des travaux récents tendraient à montrer que des microplastiques se trouvent dans le lait maternel.

En ce qui concerne les microplastiques, les données sont encore très peu nombreuses. Un article récent est paru sur l’eau du robinet et certains emballages.

Il existe une diversité de polymères en fonction de leurs tailles et de leurs formes. Une fois que ces formes sont ingérées, au niveau des premières étapes de la digestion, de la bouche jusqu’aux parties hautes du tractus intestinal, une dégradation physicochimique sera déclenchée ou non en fonction du type de polymère. Une couronne biomoléculaire peut se former autour des microplastiques. Elle pourra avoir un impact sur les mécanismes de translocation au niveau de la barrière intestinale. Il a été montré in vitro une altération de la digestion des lipides qui peut avoir ensuite un impact sur l’homéostasie au niveau de la digestion.

Des travaux menés à partir de 2019 montrent qu’au niveau des selles excrétées se retrouvent des particules de microplastiques avec différentes chimies (PET, Polypropylène). Chez certaines populations sensibles, notamment chez les enfants, une augmentation des microplastiques est observée, notamment en PET. Une augmentation similaire a été retrouvée chez certains patients MICI (maladie inflammatoire chronique de l’intestin). Les pathologies de type maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique sont ici concernées.

Au niveau du laboratoire, nous travaillons sur la barrière intestinale, c’est-à-dire la barrière protectrice au niveau de notre homéostasie. Elle est composée de trois acteurs : l’épithélium, le mucus et le microbiote. Nous travaillons également sur des modèles in vivo (animaux) et des digesteurs in vitro chez l’adulte et l’enfant.

Quand nous avons commencé nos travaux, il existait une seule étude qui portait sur des digesteurs à partir de selles humaines. Il s’agissait uniquement d’un modèle colique avec des microplastiques en polyéthylène téréphtalate. Dans le cadre d’une exposition aiguë, des effets compartiments et donneurs dépendants avaient été mis en évidence.

Par rapport à cette synthèse, nous avons travaillé sur des modèles in vitro. Ils correspondent globalement à un bioréacteur instrumenté où nous régulons l’ensemble des paramètres physico‑chimiques et microbiens qui régissent l’écosystème digestif humain au niveau du côlon. Nous l’avons appelé le Mucosal ARtificial COLon. Nous avons travaillé chez l’adulte et l’enfant. Nous avons pris à chaque fois quatre donneurs : deux femmes et deux hommes ou deux filles et deux garçons. Nous avons travaillé sur des microplastiques en polyéthylène d’origine commerciale. Ils avaient une forme sphérique. La dose journalière d’ingestion était de l’ordre de 21 milligrammes. Nous avons étudié quatorze jours d’exposition avec une administration quotidienne dans le bioréacteur. Nous avons observé le microbiote intestinal (ensemble des micro‑organismes abrités dans notre colon). Nous avons travaillé sur la composition et l’activité métabolique du microbiote. En effet, le microbiote produit des métaboliques qui peuvent avoir des effets positifs ou négatifs sur notre santé.

Chez l’adulte et l’enfant, des signatures microbiennes communes se retrouvent. Une augmentation des pathobiontes a été relevée. Il s’agit de bactéries potentiellement pathogènes sous certaines conditions. Au niveau d’un microbiote luminal, nous avons détecté l’augmentation de deux populations : les dethiosulfovibrionaceae et les enterobacteriaceae. Il s’agit de pathobiontes.

S’ajoutent des signatures microbiennes spécifiques à l’adulte et à l’enfant. Pour la population adulte, nous avons observé l’augmentation d’un composé organique volatile : le scatole. Il avait déjà été constaté chez des patients atteints d’encéphalopathie hépatique. Chez les enfants, contrairement à l’adulte, nous avons mis en évidence une diminution du butyrate, acide gras à chaîne courte, qui a un effet bénéfique pour notre santé. Cette diminution pose question par rapport à l’impact des microplastiques.

Le microbiote peut être impacté par les microplastiques et peut également avoir des capacités de biodégradation des microplastiques en polyéthylène. Nous avons commencé à réaliser de la microscopie électronique. Nous avons repéré des bactéries adhérées à la surface des microplastiques. Peuvent‑elles dégrader le polyéthylène ? Pour répondre à cette question, nous avons effectué de la spectroscopie Raman avec des collègues chimistes et analystes. Il s’agit d’une spectroscopie vibrationnelle qui permet d’obtenir une signature chimique des microplastiques. Dans le cas du polyéthylène, les modifications physicochimiques des microplastiques étaient peu nombreuses. Nous avons également mis en contact nos digestats avec des modèles cellulaires qui miment la barrière mucus épithélium. Nous avons observé des effets mineurs et donneurs dépendants sur l’épithélium et le mucus.

Ce sujet constitue un défi interdisciplinaire. J’ai choisi de l’illustrer au niveau de la toxicologie et de la chimie.

Pour la toxicologie, de nouveaux modèles expérimentaux seront nécessaires pour mieux appréhender cette problématique complexe et mimer d’autres problématiques autour de la communication entre les organes. En effet, l’intestin est central. Il communique avec le foie, le cerveau et le poumon. Cette problématique se décline donc autour de la communication avec d’autres organes. Nous devons également nous intéresser à des populations à risque avec la notion d’exposome. En effet, durant tout le cycle de vie, l’humain est exposé à un certain nombre de facteurs environnementaux. Nous espérons que l’ANR financera un projet portant sur l’impact chez des populations soumises à un régime occidental et qui ont à la fois une barrière fragilisée au niveau de l’intestin et un microbiote disbiotique (déséquilibré).

Au niveau de la chimie, il est important d’avoir accès aux différentes sources de contamination par les microplastiques et nanoplastiques afin d’avoir de meilleures données d’expositions humaines.

Il est également nécessaire de travailler avec nos collègues chimistes sur des modèles représentatifs en termes de forme, taille, polymère, additifs et d’effets vecteurs. Il faut également développer des méthodes analytiques, fiables et robustes pour détecter dans les fluides biologiques les petites particules. Nous avons à ce sujet une collaboration avec des collègues en Sicile.

Dans une logique interdisciplinaire, je finirai par ces mots : « Things happen when we share our visions ».

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – À la lumière de ce que vous venez de nous exposer, nous sommes bien dans une situation de bombe à retardement. Il s’agit d’une apocalypse plastique, par l’accumulation et l’impact millénaire des plastiques du fait de leur fragmentation. Les plastiques de petite taille auront des conséquences sur la santé, mais également sur toute la biodiversité.

Nous commençons à nous faire une image plus nette de la réalité de la pollution plastique, mais nous ne sommes pas arrivés au bout. Que faudrait-il faire ? Comment diffuser cette connaissance auprès des preneurs de décision ? Comment faire prendre conscience aux citoyens et les amener à être plus regardants dans leur consommation ? En effet, le flux plastique est énorme. Toutes ces matières ont été mises sur le marché avec des produits chimiques, des additifs et des plastifiants sans en mesurer leur impact et parce que nous pensions qu’ils ne seraient pas relargués. Mais nous sommes devant le fait accompli : ces produits sont relargués et posent d’importants problèmes.

M. Andrés del Castillo. – Les discussions internationales posent en particulier la question de l’approche politique à adopter. Une approche axée sur les risques ? Ou bien sur la dangerosité ? Le principe de précaution s’avère nécessaire. Par exemple, quand le plastique est en contact avec les aliments, on peut retenir une approche recourant à une liste positive. Plus précisément, les substances qui seront incluses dans la liste seront celles permises pour la production d’un matériel. Les listes négatives énumèrent quant à elles les substances à proscrire, notamment dans le cadre des lois sur les plastiques à usage unique. Une approche hybride serait intéressante. Nous n’avons cependant pas encore toutes les données, ce qui pose problème dans une approche basée sur les risques.

M. Hervé Corvellec. – Si votre baignoire déborde, votre première réaction consistera non pas à vous enquérir de serpillères, mais à fermer le robinet. Même si nous stoppons notre production en 2040, le problème du plastique continuera à exister pendant des dizaines de milliers d’années. Mais les chiffres montrent que la production augmentera de manière exponentielle jusqu’en 2040. Nous sommes dans une situation de débordement où un risque sur la santé est possible à tous les niveaux. Il est nécessaire de s’attaquer à l’augmentation, à la production et à l’utilisation du plastique. Nous devons nous interroger sur les domaines dans lesquels il est possible à commencer à supprimer du plastique.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Au sujet de la liste des produits chimiques interdits ou limités, que faudrait‑il faire pour accélérer la documentation à ce sujet ? En effet, des milliers de substances posent problème. Comment agir suffisamment rapidement par rapport au risque ? S’ajoutent les secrets industriels qui font que nous ne connaissons pas tous les produits ajoutés aux plastiques et qui pourtant aboutiront dans l’environnement et impacteront la biodiversité.

M. Andrés del Castillo. – Il existe déjà des exemples dans le cadre de l’OCDE avec l’outil MAD (Mutual Acceptance of Data), ou acceptation mutuelle des données. Cela permet de transposer les résultats sur des produits chimiques obtenus dans un pays dans d’autres zones géographiques et de croiser les données. Dans certains pays, certaines substances sont interdites et elles pourraient l’être au niveau global. Nous évoquions 128 ou 130 substances contrôlées au niveau international. Mais au niveau national ou régional, environ 1 000 substances sont contrôlées. Cette approche par groupes de substances, et non au cas par cas, permettra d’accélérer les procédures.

M. Philippe Bolo, député. – Le travail en commun des équipes scientifiques et l’intelligence collective de la recherche permettraient, selon moi de lever les freins, d’élargir le champ des protocoles et de se diriger vers des démonstrations plus rapides et plus robustes. Existe‑t‑il un GIEC de la pollution plastique à l’instar du GIEC du climat ? En France, nous avons la chance d’avoir le GDR Polymères & Océans. Qu’en est‑il du croisement des recherches au niveau européen et mondial ?

M. Victor Cousin. – En l’état actuel, il n’existe pas de structure apparentée au GIEC. Cependant, les discussions sur le traité relatif à la pollution plastique entraînent le regroupement de scientifiques. Une structure ou une instance est donc en train de se formaliser, ou en tout cas de s’organiser avec la participation d’acteurs au‑delà du monde scientifique.

Mme Muriel MercierBonin. – Il est nécessaire de créer les espaces pour décloisonner les disciplines. Nous travaillons souvent dans des silos disciplinaires et thématiques. Il faut réussir à fédérer les espaces d’échange et de co‑construction. Travailler avec les intelligences des uns et des autres permettrait un effet positif où l’addition de un et un serait égale à trois. Déjà, des liens forts existent avec les États‑Unis pour travailler ensemble sur la pollution plastique et ses impacts. Le renouvellement du GDR Polymères & Océans a pour ambition d’aller au‑delà de la question des océans. La santé humaine et la santé des sols ont été intégrées à son domaine d’action. En effet, les sols constituent des ressources malheureusement chargées en microplastiques et nanoplastiques, avec des impacts sur la santé environnementale. Nous déclinons le concept de one health dans ce GDR. Enfin, la dimension internationale est nécessaire.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Il est également nécessaire de s’interroger sur les alternatives à ces usages. Il existe un enjeu scientifique, mais également culturel, à la fois dans les habitudes de consommation, mais également dans l’utilisation plus globale des plastiques et de leurs alternatives. Traiter purement et simplement la question de l’interdiction nous amènerait à des impasses politiques, comme c’est le cas sur d’autres sujets tels que les intrants alimentaires. Nous avons plutôt intérêt à valoriser ces alternatives. Avons‑nous aujourd’hui des solutions techniques pour que les obligations en matière de sûreté alimentaire permettent ces alternatives et pour assurer les décisions politiques ?

M. Philippe Bolo, député. – Cela fait écho à certaines questions posées par les internautes. Par exemple, la solution des bioplastiques offrirait-elle une réponse à l’utilisation du pétrole ? Est‑ce une vraie ou fausse bonne idée ? Au sujet de l’interdiction, une autre question revient. Le domaine de la santé utilise beaucoup de plastique : qu’en est-il des impasses dans ce domaine et utilise-t-on une approche coûts/bénéfices ?

M. Victor Cousin. – L’idée n’est pas d’interdire tous les plastiques. Il existe certainement des conditions ou des situations dans lesquelles le plastique ne peut pas être remplacé facilement.

Les bioplastiques constituent souvent un mélange de deux éléments : des plastiques dont la matière première n’est pas d’origine pétrolière, mais végétale ; des plastiques biodégradables.

Les plastiques d’origine non pétrolière produisent le même type de plastique. Il n’y a donc pas de différence. L’innocuité des plastiques biodégradables n’a pas été réellement démontrée. Ainsi, ils présentent peut‑être un bénéfice en termes industriels et théoriques. Un certain nombre d’études commencent à être réalisées et montrent que les plastiques biodégradables entraînent une certaine toxicité et n’apparaissent donc pas comme une solution. Enfin, un seul plastique est biodégradable en milieu marin.

Mme Muriel MercierBonin. – De plus, ce plastique émettra également des microplastiques. Dans le cadre des plastiques biodégradables, nous avons effectué une demande commune de financement avec Xavier Cousin autour de la fragmentation et de ses impacts dans un environnement plutôt marin.

Mme Nathalie Gontard. – Le plastique pose problème, car il n’est pas biodégradable. Il existe souvent une confusion dans les  termes employés et dans la définition du biodégradable. Par exemple, le PLA, est appelé biodégradable. Or, il ne l’est pas en condition naturelle. Je pense que le terme bioplastique est à proscrire. Le plastique peut être biosourcé, mais cet aspect n’a pas d’intérêt vis‑à‑vis de la pollution plastique.

Un vrai matériau biodégradable a de véritables effets. C’est notamment pourquoi les sacs plastiques ont été remplacés par des sacs papier dans les supermarchés. En effet, le papier est biodégradable et ne s’accumule pas comme le carton ou le bois. Il ne faut pas craindre le terme « biodégradabilité », mais une confusion est entretenue. Je ne comprends pas pourquoi cette définition n’a pas été révisée. Actuellement, des matériaux sont appelés biodégradables, alors qu’ils doivent être chauffés à des températures très élevées de 60 degrés pour pouvoir l’être. Il faudrait un réchauffement climatique particulièrement intense pour espérer que de tels matériaux soient biodégradés dans l’environnement. Certes, l’objectif n’est pas de les jeter dans l’environnement. Mais, même si nous pouvons avoir l’impression que ces matériaux ne sont pas jetés, car ils sont correctement traités, enfouis ou recyclés, ils se retrouveront in fine dans l’environnement.

M. Hervé Corvellec. – Si 40 % des plastiques des usages proviennent des emballages, c’est en raison des choix effectués en matière de distribution des produits. C’est une question de présence dans les rayonnages. Il est souhaité que les produits durent plus longtemps. Ainsi, ils sont emballés. Mais ce choix est délibéré. Par exemple, un dimanche soir jusqu’à la fermeture, les rayonnages doivent être pleins, même si un réapprovisionnement aura lieu le lendemain. Il s’agit d’un refus de présenter des étagères vides. Ce sont des choix de stratégie commerciale, de marketing vis‑à‑vis de la clientèle. Nous sommes ainsi arrivés à des suremballages.

Nous pourrions faire d’autres choix. Ils seront peut‑être plus contraignants et demanderont une manutention plus prudente et un accès moins direct.

De même, lorsqu’une municipalité décide d’installer un terrain de sport en plastique, nous savons que ce choix amènera des déchets plastiques dans les systèmes de récupération des eaux. Ainsi, pourquoi continuer à construire des terrains de sport en plastique ?

Seconde table ronde : Les enjeux scientifiques des propositions en discussion dans le cadre du traité international pour mettre fin à la pollution plastique

M. Philippe Bolo, député. – La première table ronde a montré pourquoi un traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique était indispensable et nous allons maintenant questionner les enjeux scientifiques du traité dont la France accueille la deuxième réunion de négociation du 29 mai au 2 juin prochain. Le rapport que nous avons remis en décembre 2020 avec la sénatrice Angèle Préville comportait 49 préconisations, dont l’une soutenait l’adoption d’un traité international. J’avais alors présenté à l’Assemblée nationale, à l’été 2021, une proposition de résolution invitant la France à soutenir les initiatives internationales pour mettre fin à la pollution plastique. Cette proposition de résolution avait été cosignée par plus de 400 collègues députés et adoptée à l’unanimité le 29 novembre 2021, témoignant de l’engagement de tous les groupes politiques autour de cette action de lutte contre la pollution plastique. Je me réjouis donc aujourd’hui que nous puissions évoquer concrètement ensemble ce traité international. C’est un honneur pour la France d’accueillir les délégations de plus de 160 pays qui souhaitent faire avancer le sujet.

La science est indispensable à l’éclairage des enjeux du traité qui visent à considérer le sujet d’une manière holistique, à toutes les étapes du cycle de vie des plastiques, de la production des granulés industriels jusqu’à la gestion des objets plastiques devenus des déchets. Cette transversalité intègre toutes les formes de pollution, de la plus visible, celle des mers et des rivières, aux pollutions insidieuses et invisibles par les micro et nanoparticules dispersées dans tous les endroits de la planète.

Cependant, cette transversalité rend l’approche du traité complexe. En effet, chaque pays est diversement concerné par la pollution plastique en raison d’une utilisation plus ou moins importante, en raison de politiques publiques plus ou moins avancées, en raison d’enjeux économiques différents, en raison de la présence ou non d’infrastructures de gestion des déchets et en raison du niveau de vie de ses habitants.

Ainsi, la science a toute sa place dans l’aide à la décision sur les mesures les plus adaptées pour concilier les conditions particulières des différents pays et atteindre l’objectif central du traité, celui de la fin de la pollution plastique en 2030.

Pour mieux appréhender les enjeux scientifiques du traité international, notre premier intervenant est M. Hugo‑Maria Schally, conseiller pour les négociations internationales à la direction générale de l’environnement de la Commission européenne. Il va nous expliquer la genèse de ce traité, les objectifs poursuivis, mais également la position des différentes parties prenantes.

M. HugoMaria Schally, conseiller pour les négociations internationales à la direction générale de l’environnement de la Commission européenne. – Beaucoup de défis ont été relevés dans l’objectif d’une réglementation au niveau global qui pourrait être le résultat des négociations qui se poursuivront à Paris. La problématique des déchets marins et de la pollution par les plastiques figure de longue date à l’ordre du jour de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement. De multiples efforts internationaux et nationaux ont été fournis pour lutter contre la pollution par le plastique, notamment au sein de l’Union européenne avec l’adoption de la stratégie européenne sur la matière plastique. Des efforts ont également été fournis au sujet du plastique à usage unique, des emballages, des déchets, de l’écoconception des textiles et des microplastiques. L’action de l’Union européenne repose sur une base solide. Elle est accompagnée par un renforcement de la coopération internationale au moyen de partenariats, de projets bilatéraux et d’instruments régionaux.

Comment en sommes‑nous arrivés à cette négociation ? Depuis 2014, au sein de l’UNEA (United Nations Environment Assembly), un accord politique stipulait que le maintien du statu quo n’était pas envisageable et que même avec les politiques et initiatives existantes, les matières plastiques entrant dans nos océans auraient triplé d’ici 2040. Une dynamique croissante en faveur d’une action mondiale a ainsi été engagée.

Une première ébauche de résolution a été proposée lors de l’UNEA en 2019, ce projet a échoué parce que d’importants partenaires tels que la Chine ou les États‑Unis n’étaient pas prêts pour une telle décision. Jusqu’à l’UNEA‑5, une dynamique croissante en faveur d’une action mondiale a été constatée. Plus de 140 pays en amont de l’UNEA‑5 en 2022 avaient appelé à un lancement de négociations pour un accord mondial sur les matières plastiques. Les États membres de l’Union européenne étaient largement unis sur la question.

L’Union européenne et ses États membres se sont engagés activement et ont joué un rôle de premier plan pour réunir des pays partageant les mêmes valeurs afin de préparer l’UNEA‑5. La Commission européenne a coordonné et facilité l’élaboration d’une résolution phare qui était présentée par le Pérou et le Rwanda. Il est très important que cette résolution ait été présentée par deux pays du Sud, l’un d’Amérique latine et l’autre d’Afrique.

Parmi les axes présents dans cette résolution figuraient : l’action sur la pollution par les plastiques dans tous les environnements, sans se limiter aux milieux marins ; l’adoption d’une perspective de cycle de vie ; l’approche des problèmes à leur source et pas seulement en aval, ni focalisée uniquement sur la gestion des déchets ; des discussions sur le financement et les ressources financières nécessaires pour la mise en œuvre d’un tel accord.

Les négociations ont été difficiles. La coalition des pays de haute ambition a joué un rôle déterminant dans l’adoption de la résolution 114 qui a permis d’établir un comité intergouvernemental de négociations. Ce dernier a commencé ses travaux à Punta del Este en Uruguay en novembre dernier. Nous avons eu un premier échange sur les positions et les ambitions des différents partenaires.

Trois grands groupes de pays structurent ces négociations :

-          un groupe de pays à haute ambition : les pays européens, les pays africains, une grande partie des pays de l’Amérique latine. Ils appellent à un accord juridiquement contraignant avec des objectifs et des obligations juridiquement contraignantes pour toutes les parties. Ils veulent adopter une approche cycle de vie, avec des obligations et des objectifs concernant la production, la conception, l’utilisation, la distribution et la gestion des déchets, ainsi que l’utilisation des produits des matières recyclées ;

-          les pays qui souhaitent plutôt se focaliser sur la question de la gestion des déchets, couplée à des objectifs et des engagements, comme celui de la Legacy Plastic, c’est‑à‑dire en se concentrant sur la pollution existante et son élimination ;

-          le groupe des pays dépendants des produits fossiles et qui ont grandement augmenté leur capacité de production ces dernières années tels que les pays du Golfe, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Ils joueront un rôle déterminant. Ils ont fait entendre qu’ils n’étaient pas à l’aise avec l’idée d’un accord qui aurait pour but de limiter la production et la consommation de plastique en tant que tel.

Un autre problème dans ce contexte est à relever. Les États‑Unis sont en principe en faveur d’un accord juridiquement contraignant. Mais le Sénat américain qui, conformément à la Constitution devra approuver l’accord international, souhaiterait plutôt un accord type Accord de Paris, c’est‑à‑dire sans engagement juridiquement contraignant pour les parties et où l’ensemble des actions et des engagements seraient volontaires, mais compris dans un plan d’action national.

Un grand débat a lieu sur la mise en œuvre du futur traité et la nécessité de générer des ressources financières, en particulier pour les pays en voie de développement. Les débats abordent notamment le sujet des parties responsables. Lorsqu’on regarde le volume de production au niveau global, une majeure partie se trouve dans des pays du Sud. Selon l’application du principe de pollueur‑payeur, les pays producteurs de plastiques ou de produits plastiques devraient prendre leur part dans le financement de la mise en œuvre de cet accord.

Ces sujets seront soumis à une première discussion lors de la réunion de Paris. Un document a été élaboré sur la base des discussions de la première réunion en novembre dernier. Il présente l’ensemble des options pour les éléments du futur traité. Les États membres des Nations Unies seront appelés à se prononcer sur les différentes options soumises à discussion.

L’étape suivant la réunion de Paris consistera à préparer une première ébauche du traité. Il sera ensuite discuté lors de la troisième réunion du comité qui aura lieu en novembre à Nairobi au Kenya. Nous avons pour objectif de conclure les négociations fin 2024. Deux réunions du comité de négociation auront lieu en 2024 avec comme objectif une conférence diplomatique en Équateur au printemps 2025 où nous espérons disposer d’un traité ambitieux et traitant de tous ces sujets pour le soumettre à l’approbation de toutes les parties et tous les États membres des Nations Unies.

M. Philippe Bolo, député. – Notre deuxième intervenante est Mme Véronique Gayrard, professeur de physiologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, et membre de l’unité mixte de recherche Toxalim.

Afin de mettre fin à la pollution plastique, certains pays souhaitent stopper la production et l’utilisation de certains polymères et produits chimiques, dont la liste serait fixée dans une annexe. Se pose alors la question de la définition des critères pour identifier les polymères et les produits chimiques à mettre dans ladite annexe. Parmi les critères suggérés figure leur dangerosité pour l’environnement ou la santé humaine. En effet, les matières plastiques sont une source importante de substances chimiques, en particulier de perturbateurs endocriniens, comme les phtalates, les bisphénols ou les substances perfluoroalkylées. Des études menées dans le monde entier ont documenté l’exposition généralisée aux perturbateurs endocriniens utilisés dans les matières plastiques et leur contribution à l’infertilité, aux maladies non transmissibles comme l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. La législation européenne est considérée comme très protectrice vis‑à‑vis des consommateurs et pourrait servir de modèle. Pourtant, l’exemple du bisphénol A montre les limites de la réglementation européenne et les difficultés d’interdire des substances pourtant connues pour leur dangerosité.

Mme Véronique Gayrard, professeur de physiologie à l’École nationale vétérinaire de Toulouse, membre de l’UMR Toxalim. – Le bisphénol A est majoritairement utilisé pour produire des polymères. Ces derniers rentrent dans la composition des polycarbonates, lesquels sont à la base des plastiques. Ils sont durs et transparents et constituent donc de bonnes alternatives au verre. Le bisphénol A est également un composant des résines époxy‑phénoliques. Il est utilisé en particulier dans des résines pour le revêtement interne des boîtes métalliques.

Moins de 5 % du bisphénol A est utilisé en tant que monomère, additif à des plastiques de type PVC, additif à papier ou à papier thermique pour révéler l’encre, ou en tant que moyen pour produire d’autres produits chimiques (par exemple les retardateurs de flammes ajoutés au mobilier).

En principe, à moins que les polymères soient fragmentés en microplastiques et nanoplastiques, ils ne sont pas considérés comme dangereux. En effet, ils ne peuvent pas entrer dans l’organisme. En revanche, dans le cas des polymères de bisphénol A, la polymérisation peut ne pas être complète. Une hydrolyse peut se produire et libérer progressivement du bisphénol A dans les aliments ou dans les boissons, et ceci de façon plus importante, en présence notamment de détergent qu’on chauffe ou lorsque le plastique est usé. Ce processus est à l’origine de l’image très choquante du biberon en polycarbonate chauffé au micro‑ondes.

Un rapport de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a évalué la production de bisphénol A dans le monde : plus de 7 millions de tonnes en 2019. La production et les besoins en bisphénol A continuent d’augmenter.

En ce qui concerne les émissions dans l’environnement, le graphique montre les concentrations moyennes de bisphénol A dans les eaux de surface européennes. La tendance est à la diminution à partir de 2012, peut‑être en raison des mesures de restriction. Mais globalement, l’Agence européenne des produits chimiques constate qu’en 2020, le bisphénol A est toujours émis. Même si la contribution de chaque utilisation individuelle est faible, la totalité de toutes les utilisations conduit à une situation qu’elle juge inacceptable.

Nous sommes tous exposés au bisphénol A. L’exposition est d’abord orale. Elle est liée à l’ingestion d’aliments et de boissons contaminées par du bisphénol A. Une fois ingéré, il entre dans l’organisme, parce que l’absorption est très efficace. Heureusement, le bisphénol A est également rapidement éliminé de l’organisme dans les urines. C’est pourquoi la quantité de bisphénol A présente dans les urines constitue un marqueur de la quantité qui est entrée dans l’organisme.

Qu’en est‑il de la population ? L’étude Esteban, étude française réalisée entre 2014 et 2016, a évalué l’imprégnation de la population française au bisphénol A chez 900 adultes et 500 enfants. Elle montre que le bisphénol A se retrouve dans la totalité des échantillons d’urine. Comme le bisphénol A est éliminé très rapidement, l’exposition n’est pas permanente, mais au moins quotidienne. À partir de cette étude, les auteurs ont évalué la quantité moyenne de bisphénol absorbée quotidiennement. Elle paraît faible : 0,005 microgramme par kilogramme de poids corporel et par jour. Jusqu’à présent, nous avons considéré que cette quantité était sans risque. Mais dans sa récente évaluation, l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) a abaissé très fortement la dose journalière admissible, c’est‑à‑dire la quantité qu’on peut ingérer quotidiennement sans danger pour la santé toute sa vie. Désormais, la quantité moyenne absorbée quotidiennement est considérée comme 100 fois supérieure à cette nouvelle dose sans danger. L’EFSA en a conclu que l’exposition humaine au bisphénol A était préoccupante.

Ces résultats nous poussent à nous interroger sur l’origine de ce bisphénol A, puisque les restrictions ont été nombreuses. En tant que scientifique, je me suis également demandé si la réglementation était suffisante. Le bisphénol A, comme tous les produits chimiques, relève du règlement européen REACH, acronyme des termes enregistrement, évaluation, autorisation et restriction. Selon ce règlement, tous les fabricants ou les importateurs de substances chimiques, à hauteur de plus d’une tonne par an, doivent enregistrer ces substances. Ils doivent identifier les risques et transmettre leur dossier à l’Agence européenne des produits chimiques qui vérifiera leur conformité. Selon le risque, un plan d’action communautaire, le CoRAP, demandera à l’un des États membres de l’Union européenne d’évaluer cette substance. Une proposition de classification de cette substance dans le règlement CLP peut ensuite intervenir. De plus, l’inclusion dans l’annexe VI de cette réglementation permettra d’identifier la substance et de montrer aux utilisateurs ses dangers. Si cette substance est cancérigène, mutagène, persistante ou reconnue comme perturbateur endocrinien, elle peut être identifiée comme substance très préoccupante (substance SVHC). Elle sera dans ce cas inscrite dans une liste d’autorisation de l’annexe XIV du règlement. Dès lors, elle ne sera pas interdite, mais son utilisation sera soumise à autorisation. Enfin, les États membres peuvent également proposer des restrictions particulières.

Le bisphénol A a été intégré dans le premier plan d’action communautaire en 2012. L’Allemagne a réalisé l’évaluation. Il a ainsi été inclus dans l’annexe VI du règlement CLP en raison de sa toxicité pour la reproduction, pour les yeux et la peau. En 2017, le bisphénol A a été classé dans l’annexe XIV du règlement comme substance très préoccupante pour ses propriétés toxiques pour la reproduction et reconnu comme perturbateur endocrinien.

Enfin, la France a souhaité proposer une restriction, désormais en œuvre depuis 2020. Il s’agit d’une restriction de la teneur en bisphénol dans les papiers thermiques. L’Allemagne est en train de déposer d’autres restrictions.

En termes de limites de la réglementation, il faut noter que les polymères sont exemptés de la réglementation, puisqu’ils sont exemptés de l’enregistrement et de l’évaluation dans le cadre du règlement REACH. Moins de 5 % du bisphénol A est donc concerné par cette réglementation. De même, des substances qui seraient importées ou fabriquées en France et destinées à être utilisées pour être polymérisées afin de produire des polymères ne sont pas concernées par l’autorisation.

La réglementation REACH paraît en contradiction avec un autre règlement sur les substances qui entrent dans la composition des matériaux en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. Ce règlement européen dresse la liste des substances autorisées pour la fabrication de ces matériaux. Le bisphénol A fait partie de cette liste et est donc autorisé à être utilisé comme polymère avec une limite de migration spécifique fixée en 2015 à 0,05 milligramme par kilogramme d’aliments.

De plus, la procédure d’autorisation REACH a pour objectif de remplacer des substances dangereuses par d’autres substances ou technologies moins dangereuses. C’est la raison pour laquelle, très précocement, les industriels ont remplacé le bisphénol A par d’autres bisphénols, majoritairement le bisphénol S, en particulier dans les papiers thermiques. Actuellement, le bisphénol S est identifié comme un potentiel SVHC, soit une substance très préoccupante. Il pourrait ainsi prochainement entrer dans l’annexe XIV et être soumis à régulation.

Notre équipe a publié en 2019 une étude qui montrait que le bisphénol S est plus persistant dans l’organisme que le bisphénol A. Dans ce cas‑là, nous sommes face à une substitution tout à fait regrettable.

Enfin, la réglementation REACH évalue les composés individuellement, ce qui se révèle chronophage. Les toxicologues estiment que cette évaluation est insuffisante. D’une part, nous sommes exposés à des milliers de composés. D’autre part, combinés, même à faible dose, les effets de certaines molécules peuvent non seulement s’additionner, mais également se renforcer ou s’amplifier. Il s’agit de l’effet cocktail. L’évaluation des risques associés aux effets cocktails constitue un enjeu scientifique et de santé publique auquel nous devrons répondre.

Une étude publiée l’année dernière dans la revue Science a identifié un cocktail de polluants du quotidien, qui aurait des effets délétères dans la construction du cerveau des jeunes enfants. Cette étude a été basée sur une cohorte suédoise mère‑enfant. Le cocktail de substances a été associé à un retard dans l’acquisition du langage chez les enfants de deux ans. Dans ce cocktail se retrouvent le bisphénol A et d’autres substances dérivées du plastique, par exemple les phtalates. L’étude concluait que les enfants nés des 10 % des femmes les plus exposées avaient un risque trois fois plus important d’avoir un retard dans l’acquisition du langage, que les enfants nés des femmes les moins exposées.

M. Philippe Bolo, député. – Notre troisième intervenante est Mme Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’INRAE.

Le futur traité international a vocation à prendre des dispositions pour augmenter la circularité des plastiques dans l’économie afin de réduire la production de plastique vierge. À cet égard, le recyclage s’est imposé comme la solution censée permettre la circularité des plastiques. Dans les pays développés, des investissements considérables ont été consentis par les pouvoirs publics pour mettre en place des systèmes de collecte et de tri de plus en plus performants, tandis que le recyclage chimique est présenté comme la solution pouvant parvenir enfin à un recyclage infini des plastiques. Qu’en est‑il en réalité ? Mme Nathalie Gontard évoquera le sujet du recyclage, ses atouts et ses limites.

Mme Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’INRAE. – Je vous présenterai un décryptage des différentes stratégies de recyclage. Je vous parlerai d’empreinte plastique, de décyclage, d’économie tire‑bouchon et de prévention à la source.

Le plastique est un matériau qui dure très longtemps. Il s’inscrit typiquement dans une économie linéaire, avec un épuisement des ressources. Il présente également un comportement très particulier, extrêmement différent de tous les matériaux que l’humain utilise, du fait de son accumulation dans tous les compartiments de notre environnement, sa durée de vie très élevée, sa fragmentation, sa capacité à absorber des polluants, sa diffusion dans notre écosystème et sa translocation possible dans les organes des êtres vivants.

Il est nécessaire d’être vigilant quant à l’utilisation de certains termes. Il est préférable de parler de chaîne de vie plastique, plutôt que de cycle de vie. De fait, jusqu’à nouvel ordre, la vie du plastique ne constitue pas un cycle. Quatre grandes étapes constituent cette chaîne de vie parmi lesquelles figurent l’élaboration, l’usage et le post‑usage (gestion des déchets et recyclage). La dernière étape est la plus inquiétante : sa fin de vie et son vieillissement sur le long terme, lequel inclut le réservoir de microplastiques et de nanoplastiques en train de se constituer. Les plastiques que nous n’avons pas détruits moléculairement vieilliront sur un temps plus ou moins long et grossiront ce réservoir, lequel commence à se diffuser dans l’environnement.

Les matériaux jetés ou qui présentent une durée d’usage très courte ne sont pas les seuls à être dangereux et à produire des micros et des nanoplastiques. L’ensemble des plastiques vieillissent, que ce soit après leur usage en tant que déchet (par exemple dans les stations d’enfouissement) ou pendant leur usage (plastiques utilisés dans les bâtiments). Ce sont ces mêmes micro et nanoplastiques que nous retrouvons aux côtés d’autres microplastiques et nanoplastiques au fin fond des glaces de l’Arctique par exemple.

Actuellement, nous avons une connaissance correcte des émissions et des conséquences de ce plastique sur une durée assez longue. Nous disposons d’outils tels que les analyses de cycle de vie (ACV) pour évaluer leur impact environnemental. Les ACV nous permettent d’évaluer l’empreinte carbone d’un procédé, d’un matériel, etc. Cependant, les connaissances actuelles ne nous permettent pas de quantifier les impacts des plastiques et notamment de ces micro et nanoplastiques. Le principal danger lié au plastique, à savoir sa persistance ou sa fragmentation, n’est pas comptabilisé dans les ACV. Or, actuellement la grande majorité des raisonnements sont basés sur des empreintes carbone du plastique, lesquelles proviennent des ACV. Ce n’est pas par mauvaise volonté, nous ne disposons seulement pas des connaissances nécessaires pour quantifier ces effets. Pourtant, ils existent et sont relativement effrayants. Ainsi, le processus sur le très long terme, avec une accumulation dans tous les compartiments (atmosphère, biosphère, hydrosphère, sols) constitue une empreinte plastique. Nombre de scientifiques se battent pour faire reconnaître cette empreinte plastique et pour sensibiliser sur le fait qu’il n’est pas possible d’établir des raisonnements, en ce qui concerne les matériaux plastiques, seulement sur une empreinte carbone et sur une ACV, dans la mesure où le principal danger est oublié.

Nous parlons d’une économie linéaire qui comporte des problèmes d’empreinte plastique. Au départ, des macrodéchets deviennent des microdéchets, puis des nanodéchets. Mais il est difficile de définir l’échelle de temps associée.

Nous essayons de trouver des solutions et avons construit une sorte de concept autour de l’économie circulaire. Le plus bel exemple d’économie circulaire nous est offert par la nature avec toutes les matières organiques biodégradées et régénérées par photosynthèse à l’identique. La stratégie européenne sur la matière plastique a été essentiellement focalisée sur le recyclage et la mise en place d’une économie circulaire. La logique est de recycler et de régénérer à l’identique. Par exemple, une bouteille en plastique après usage redeviendra une même bouteille en plastique. Ainsi, les déchets disparaîtront, les ressources ne s’épuiseront plus et l’empreinte plastique disparaîtra. Le principal danger serait alors écarté.

Nous sommes particulièrement efficaces dans le recyclage des bouteilles en PET. Elles sont broyées, nettoyées et décontaminées. En effet, le plastique n’est pas un matériau inerte et absorbe des polluants. Ensuite, il est possible de refabriquer une bouteille. Cependant, le plastique se dégrade et la chaîne d’approvisionnement doit être contrôlée. Le processus est donc très limité et ne peut être appliqué que pour les bouteilles en PET, lesquelles ne représentent que 1 à 2 % des plastiques. Le processus peut être appliqué sur 2 à 3 cycles et permet de diminuer la consommation de plastiques vierges et de déchets. Mais l’impact sur l’empreinte plastique demeure très limité.

Cet emballement pour l’économie circulaire et le recyclage relève ainsi d’une stratégie de décyclage et non de recyclage. En effet, la bouteille n’est pas transformée en bouteille et il en est de même pour une barquette. Elles sont transformées en un autre objet qui trouvera une certaine utilité. Par exemple, la bouteille sera transformée en pull, ou la barquette en brique de construction, en meuble pour remplacer le bois, en pot de fleur pour remplacer la terre cuite, etc.

Cette économie du décyclage ne contribue absolument pas à réduire la pollution plastique. Les nouveaux objets remplaceront des matériaux qui ne posaient pas de problèmes environnementaux majeurs comme la laine, le bois, la terre cuite, etc. De plus, ces nouveaux objets continueront à se dégrader. Par exemple, le pull en polyester recyclé libérera des fibres lors du lavage, finira par être jeté et continuera à se dégrader. La chaise en plastique recyclé continuera à se dégrader en microplastiques et en nanoplastiques. Cela est d’autant plus grave que nous nous créons une dépendance aux déchets plastiques. Nous construisons des filières entières que nous devons alimenter. Nous nous créons une double dépendance, car nous faisons ainsi disparaître des filières entières de matériaux locaux traditionnels qui ne posaient pas de problème. Actuellement, la filière de la laine en souffre beaucoup.

Nous nous interrogeons sur l’intérêt de cette économie du décyclage. Par exemple, certains pays osent afficher des taux de recyclage de 50 %, comme l’Autriche et l’Allemagne. Mais s’ils recyclaient 50 % de leur plastique, ils auraient dû diminuer par deux leur consommation de plastiques vierges. Or, cette consommation n’a pas diminué, mais continue à augmenter. Il est donc nécessaire de rester vigilant à ces discours qui ne sont pas ancrés dans la réalité. Nous assistons à une sorte de décollage où nous construisons des concepts qui n’ont pas de prise avec la réalité. Nous ne pouvons pas construire des concepts si nous ne possédons pas les principes de base que la réalité de la matière doit respecter.

D’après les chiffres de Plastics Europe, les emballages plastiques en Europe se répartissent de la façon suivante :

-          34 % sont incinérés : l’empreinte plastique est nulle dans ce cas, mais nous contribuons à l’empreinte carbone ;

-          16 % sont enfouis : le géotextile en plastique de l’enfouissement se dégradera au même rythme que les plastiques qu’il contient. Cela contribue au réservoir de plastiques. Un jour ou l’autre ces plastiques se retrouveront sous forme de particules plastiques. Les générations à venir en souffriront ;

-          10 % ne sont pas répertoriés ;

-          32 % sont décyclés ;

-          5 % sont recyclés en boucle fermée : il s’agit d’un chiffre optimiste. En effet, les chiffres actuels ne sont pas précis ni cohérents.

Parmi les plastiques que nous utilisons, 60 % grossissent le réservoir de microplastiques et de nanoplastiques que nous sommes en train de constituer pour les générations à venir. Ainsi, le terme de « bombe à retardement » n’est pas exagéré.

Au cours de notre travail, nous avons ciblé le déchet. Nous sommes partis des discours sur l’économie circulaire qui ne fonctionnent pas. L’empreinte plastique est en train de générer des effets secondaires, notamment sur les efforts effectués en termes de transition numérique, agroécologique et énergétique. En effet, nous assistons au développement de solutions technologiques qui cherchent à se libérer de l’empreinte carbone en s’engouffrant dans l’empreinte plastique, mais sans la comptabiliser. Lorsque nous réduisons l’utilisation de pesticides ou l’arrosage, c’est avec l’utilisation de matériaux plastiques. Il en est de même pour les énergies vertes.

Il est important que nous sortions de notre déni. Même en mettant bout à bout l’ensemble des solutions technologiques que nous développons (développement biodégradable, réduction de l’utilisation des plastiques dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire), nous n’arriverons jamais à couvrir qu’une infime partie de l’inondation plastique que nous cherchons à éponger. Nous continuons à travailler sur ces solutions, mais le combat doit maintenant avoir lieu en amont. Ainsi, j’espère que ce traité contraignant sera en mesure de mener le combat en amont.

Nous devons réduire notre consommation. Nous ne fermerons pas le robinet, parce que le plastique est un matériau qui nous a apporté des progrès. Cependant, les trois quarts des plastiques utilisés actuellement encombrent notre vie. Ils nous mettent en danger et leur consommation doit être réduite. Pour ce faire, il ne faut pas détourner notre attention et nos moyens vers des solutions qui n’en sont pas. Je citerai à titre d’exemple les filtres à la sortie des machines à laver. En effet, pourquoi ne pas cesser ou diminuer notre consommation de vêtements en fibres synthétiques ? Mais comment savoir si ce que nous achetons est en fibre synthétique ? Il est quasiment impossible de le savoir, car les étiquettes sont complexes.

En outre, il est important d’interdire les mouvements transfrontaliers de déchets plastiques, pour nous éviter de penser qu’il suffit d’éduquer les pays du Sud pour que les problèmes disparaissent. La consommation de plastique est parfaitement corrélée au PIB d’un pays. Plus nous sommes riches et plus notre empreinte plastique est élevée. La grande majorité de ces déchets part ailleurs. Une grande partie des déchets qui se trouvent dans les pays du Sud sont nos déchets. Je pense que les déchets comme le plastique ne devraient pas avoir le droit de passer les frontières. Si nous les avons utilisés, c’est à nous de les gérer. Nous ne pouvons pas demander à des pays de gérer des matériaux que nous‑mêmes nous ne sommes pas en mesure de gérer. Il est important d’informer le citoyen. Il est également très important que nous disposions des moyens de savoir où se situe ce plastique. Bien entendu, tout ne peut pas reposer sur les épaules du consommateur, il faut encourager tous les secteurs industriels à se poser la question de la réduction de leur empreinte plastique et de l’utilisation du plastique. Cependant, cette question n’a pas encore été posée.

M. Philippe Bolo, député. – Notre quatrième intervenant est M. Olivier Gabut, professeur à Centrale Lille Institut, en charge des matières écoresponsables pour le Groupe Legrand. L’augmentation de la circularité des plastiques dans l’économie nécessite de revoir leur conception afin de garantir leur recyclabilité, mais également d’imposer l’intégration de matières plastiques recyclées dans les nouveaux produits. C’est ce que nous appelons l’écoconception. Toutefois, il semble que la définition de ce principe d’écoconception soit beaucoup plus large que ce que nous pouvons imaginer au départ. Par ailleurs, l’incorporation de plastique recyclé n’est pas sans poser d’autres problèmes. Le retour d’expérience d’un groupe comme Legrand nous permettra de mesurer les opportunités, mais également les enjeux de l’écoconception.


M. Olivier Gabut, professeur à Centrale Lille Institut, en charge des matières écoresponsables pour le Groupe Legrand. – J’interviendrai avec une double casquette, puisque je suis salarié du Groupe Legrand au sein duquel je développe l’utilisation des matières plastiques recyclées. Je travaille depuis quelques années maintenant sur le recyclage des matières plastiques. Cette activité chez Legrand est couplée à une activité au sein de l’école Centrale de Lille où je suis enseignant associé.

Le Groupe Legrand est une société française qui fabrique des équipements électriques et électrotechniques de différentes catégories et de différents domaines. Il est localisé à Limoges en France. C’est une société qui est largement spécialisée dans la transformation de matériaux : des matériaux métalliques et des matériaux plastiques à partir desquels nous construisons des sous‑ensembles. Une fois assemblés, ils arriveront à l’état de produits finis et deviendront des composants électriques et électrotechniques. Ces produits finis seront in fine commercialisés. Ainsi, l’activité de Legrand est essentiellement une activité de transformation de matériaux métalliques et plastiques.

Depuis quelques années maintenant, Legrand est fortement orienté vers l’incorporation de matières plastiques recyclées dans ses produits. Je pense que nous pouvons réellement parler de recyclage, parce que lorsque nous avons intégré de la matière plastique dans des composants, il s’agissait de composants initialement fabriqués en plastique. Nous n’avons donc pas remplacé du bois ou des matériaux classiques par de la matière plastique. Aujourd’hui, nous disposons de différentes sources et de différentes origines de matériaux recyclés qui nous permettent de fabriquer différents composants intégrés dans des produits finis. Ces composants sont porteurs d’une certaine quantité de matières plastiques recyclées. Nous consommons à peu près 5 000 tonnes de matière plastique recyclée avec l’objectif d’amener cette quantité à 8 000 tonnes d’ici 2024. Par ailleurs, je travaille depuis 7 à 8 ans sur le développement et le déploiement de l’utilisation des matières plastiques recyclées dans le groupe.

Comment l’écoconception peut‑elle aider à l’incorporation de matière plastique recyclée ? Il m’a paru important d’en redéfinir un certain nombre de principes. L’écoconception est une démarche qui consistera à intégrer des considérations environnementales dès la conception d’un produit, d’un bien ou d’un service. Surtout, elle permettra de maintenir les considérations environnementales tout au long de la phase de fabrication et d’utilisation. Généralement, l’écoconception va de pair avec l’analyse de cycle de vie.

L’analyse de cycle de vie est une approche à travers laquelle on considère qu’un produit nait et finit par mourir à l’issue de différentes étapes qui ponctueront sa vie. Le produit est d’abord à l’état de matériaux bruts. Puis, il est fabriqué, distribué, utilisé et arrive en fin de vie. Ensuite, nous essayons de modéliser ou d’estimer l’ensemble des impacts environnementaux portés par ces différentes étapes, et ceci, au travers de différents indicateurs environnementaux.

Les indicateurs environnementaux sont plus ou moins en lien avec les impacts environnementaux. Il est possible de considérer par exemple l’épuisement des ressources naturelles, la consommation énergétique, les consommations en eau, les impacts sur le réchauffement climatique au travers du global warming. Nous avons donc à disposition un ensemble d’indicateurs environnementaux qui seront pris en compte dans la modélisation de type ACV.

L’analyse de cycle de vie consistera ainsi à croiser pour chacune des étapes du bien ou du produit considéré la modélisation ou l’estimation de la valeur d’un impact. Ensuite, par une forme de cumul, nous aboutirons à un total, lequel nous fournira l’analyse de cycle de vie globale du produit.

Selon l’ACV, dès lors qu’une analyse de cycle de vie présente au moins un indicateur amélioré, il est possible de prétendre que le produit a été écoconçu. Vous pouvez choisir n’importe lequel de ces indicateurs sans transfert de pollution sur les autres indicateurs. Plus précisément, les indicateurs améliorés d’un côté ne doivent pas porter de préjudices sur d’autres aspects. Par exemple, pour le cycle de vie d’un produit, je peux choisir d’améliorer mon procédé de fabrication. Je diminue ainsi un certain nombre d’indicateurs environnementaux. Si la conséquence de ces améliorations se traduit par une dégradation de ma phase d’utilisation, j’aurai généré un transfert de pollution et je ne me situerai donc pas dans une démarche d’écoconception.

Dès lors qu’un impact est amélioré, l’écoconception pourra être affichée comme atteinte, mais avec un certain nombre de limites. En effet, nous nous appuierons sur un certain nombre d’indicateurs environnementaux, mais il n’existe pas d’indicateurs pour tous les impacts environnementaux. L’impact toxicologique sur l’humain, l’impact sur la biodiversité ou l’empreinte plastique ne sont, par exemple, pas pris en compte dans l’analyse du cycle de vie. Ainsi, l’ACV et l’écoconception constituent de bons indicateurs, mais ils ne sont pas toujours suffisants.

Pouvons‑nous tout de même relier l’utilisation de matières plastiques recyclées à une meilleure écoconception ? Nous nous focaliserons sur la partie matériaux de mon analyse de cycle de vie d’une matière plastique. Nous ferons l’hypothèse que cette utilisation de matière plastique recyclée n’aura pas d’impact ni sur la fabrication et la distribution, ni sur aucune des autres étapes du cycle de vie. En toute rigueur, si nous voulons prétendre que l’utilisation de la matière plastique recyclée contribue à une meilleure écoconception, il est nécessaire de disposer de la modélisation environnementale de la matière plastique recyclée. Plus précisément, il faut disposer de l’analyse de cycle de vie de notre propre matière plastique recyclée. Aujourd’hui, cette analyse est extrêmement compliquée  à établir, parce que les données ne sont quasiment pas disponibles. Nous pouvons malgré tout émettre des hypothèses. Si nous considérons que la matière plastique recyclée permet d’éviter de consommer du pétrole, le facteur consommation de ressources épuisables sera amélioré. L’épuisement en matières premières (raw material depletion ‑ RMD) risque d’être proche de zéro. En revanche, le recyclage d’une matière plastique entraîne des étapes de collecte, de tri, de lavage notamment. Pour laver une matière plastique, il est nécessaire par exemple de consommer de l’eau. Cependant, l’épuisement en eau (water depletion ‑ WD) n’est pas toujours correctement pris en compte. Des centres de tri ne sont pas forcément équipés de centrales de récupération et de traitement des eaux. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une certaine forme d’incertitude autour de l’impact réel en termes d’ACV d’une matière plastique recyclée. Cela ne veut pas dire que les impacts sont négatifs, seulement ils ne sont pas documentés et sont en cours de construction.

En fonction des types de produits, modifier un élément sur la phase matériaux, ne présentera pas nécessairement le même impact. Prenons par exemple une prise électrique avec l’ensemble des composants qui la constituent. L’analyse de cycle de vie d’un système de ce type aboutit à un tableau de données. Pour l’indicateur « contribution au réchauffement climatique », c’est la partie utilisation qui pèse le plus : 77 % de la contribution de ce système au réchauffement climatique est portée par la phase d’utilisation. Cette phase d’utilisation, pour la plupart des indicateurs, pèse le plus dans l’analyse de cycle de vie global. Par conséquent, si vous fabriquez cette prise avec une matière plastique recyclée et que vous cherchez à capitaliser l’utilisation de cette matière plastique recyclée au travers de l’analyse de cycle de vie, le résultat sera faible. La phase d’utilisation étant la phase la plus importante, vous pouvez agir de n’importe quelle façon en amont, les changements ne seront pas majoritaires et peu impactants. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas utiliser de matière plastique recyclée pour fabriquer une prise électrique, mais si nous voulons valoriser l’utilisation de cette matière plastique recyclée dans la prise électrique, il est nécessaire de choisir d’autres vecteurs de consolidation et de capitalisation que l’analyse de cycle de vie ou l’écoconception. Ce constat est valable pour tous les produits pour lesquels la phase de vie est la phase la plus impactante.

L’écoconception permet‑elle de mieux recycler une matière plastique d’un produit en fin de vie ? Autrement dit, en choisissant correctement la manière dont je vais concevoir mon produit, serai‑je susceptible de favoriser un traitement optimal de sa fin de vie avec idéalement des opérations de recyclage facilitées ? Cela dépendra de la durée de vie du produit. Si le produit a une durée de vie courte, nous pourrons facilement l’anticiper dès la phase de conception. En effet, nous nous projetterons sur quelques semaines, quelques mois, voire quelques années. Nous pourrons facilement penser un produit pour faire en sorte que lors de son arrivée à l’état de fin de vie, nous puissions le recycler et le valoriser de la meilleure manière qui soit. C’est le cas le plus facile.

Pour un produit avec une durée de vie longue, de plusieurs dizaines d’années, se pose un autre problème car une matière plastique n’est pas un matériau inerte. Avec l’effet du temps, des contraintes environnementales et des événements climatiques divers et variés, le plastique aura tendance à se dégrader et à vieillir. Avant qu’il ne devienne un microplastique, le plastique reste un objet compact, mais il aura vécu et sera porteur de petites dégradations. Lorsque ce matériau arrivera en fin de vie et sera récupéré, la dégradation dans la plupart des cas sera tellement avancée, qu’il deviendra compliqué à recycler mécaniquement. À cette dégradation, s’ajouteront potentiellement des phénomènes de contamination : la matière peut être souillée, avoir rencontré des environnements agressifs ou polluants, être porteuse d’huile, etc. Ces éléments conduiront à ce que cette matière soit difficile à recycler. Vous pouvez envisager toutes les modalités d’écoconception que vous voulez, vous pouvez faire en sorte que le produit soit démantelable le plus facilement possible, que les choix de matériaux aient été faits de la manière la plus judicieuse possible – c’est le cas des produits électrotechniques – le matériau sera partiellement dégradé après plusieurs dizaines d’années d’utilisation. Tout n’est pas perdu, mais l’ensemble des matières plastiques que nous consommons aujourd’hui n’ont pas été pensées dans une logique de recyclage. La pétrochimie a développé nombre de solutions pour servir un certain nombre de besoins. Mais jusqu’à très récemment, personne n’a réellement pensé recyclage dès la phase de conception ou de fabrication ou de synthèse d’une matière plastique recyclée.

Le hasard fait que certaines s’avèrent être plus aptes que d’autres à des formes de recyclage chimique : les polystyrènes, les polyamides, les PET, les PVT. Des entités utilisent déjà en train d’utiliser ces technologies. À titre d’exemple, Michelin est en train de s’équiper d’unités de dépolymérisation pour récupérer du styrène et le réintégrer dans ses pneus. Des unités en Italie sont aujourd’hui capables de dépolymériser des polyamides. Autour de Clermont‑Ferrand, des structures sont en train de se déployer pour dépolymériser des PET par voie enzymatique. Nous sentons que des matériaux sont aujourd’hui aptes au recyclage chimique. Nous savons également que d’autres matériaux sont en gestation et seront probablement pensés pour être recyclés chimiquement. Mais si nous souhaitons nous orienter vers cette approche, des compromis devront être faits. Par exemple, peut‑être devrons‑nous accepter des émissions environnementales supplémentaires par rapport à la valorisation des déchets. Par exemple, l’arbre est un système qui fonctionne très bien, parce que l’ensemble des intrants sont gratuits. L’arbre bénéficie de l’énergie du soleil gratuite et de l’eau qui est également une énergie gratuite. De plus, il est aidé par des multitudes de travailleurs indépendants qui sont dans le sous‑sol : des micro‑organismes qui ne demandent pas de salaire. Ainsi, si nous voulons reconstruire le même mode de circularité que celui de l’arbre, il est nécessaire d’accepter de payer la totalité des éléments en lien avec ces activités. La question du coût risque alors de se poser : le coût des solutions de recyclage chimique en comparaison du coût des solutions issues des technologies pétrochimiques classiques.

M. Philippe Bolo, député. – Les deux dernières interventions montrent les différences de position et de points de vue autour du recyclage. Notre dernière intervenante, Mme Valérie Guillard, est professeur à l’Université Paris‑Dauphine.

Les précédentes étapes de négociation du traité international ont mis en évidence que la lutte contre la pollution plastique ne sera efficace que si nous arrivons à réduire la production de polymères plastiques primaires. Cela signifie concrètement une diminution drastique de la consommation des plastiques à l’échelle planétaire. Comment y parvenir ? Quels sont les freins à lever ? C’est ce que va nous expliquer Mme Valérie Guillard.

Malheureusement cette dernière était retenue de longue date, ce qui l’empêche d’être physiquement présente. Nous allons écouter une contribution qui a été enregistrée avant l’audition publique.

Mme Valérie Guillard, professeur à l’Université ParisDauphine. – En préambule, je précise que je parle à travers le prisme des sciences de gestion, champ dans lequel s’inscrit mon expertise. Je le mobilise plus particulièrement en parlant du comportement du consommateur et notamment de l’analyse de ses pratiques.

Je vous présenterai les difficultés des consommateurs à réduire leur consommation de plastiques. Je parlerai essentiellement des plastiques non ou peu réutilisables, lesquels créent davantage de déchets, à travers l’alimentaire et le textile.

Je structurerai mon propos en trois points, largement interconnectés : les freins au changement des habitudes des consommateurs, l’offre des entreprises, et le rôle des pouvoirs publics, des politiques publiques et des territoires.

Je pense qu’une réduction de la consommation de plastiques passe par l’interaction entre ces trois parties prenantes. La prise en compte de ces trois acteurs permet un partage de responsabilités. Quand nous interrogeons des consommateurs, ceux‑ci indiquent souvent qu’il est nécessaire de cesser de les culpabiliser et qu’ils ne sont pas les seuls à devoir agir pour la transition écologique. C’est l’interaction dans la vie sociale entre organisations non marchandes, entreprises, consommateurs, pouvoirs publics, etc., qui nous permettra d’avancer ensemble dans une analyse systémique.

Quels sont les freins au changement des modes de vie vers moins de consommation plastique ? J’ai structuré les raisons de ces freins - matérielles, logistiques, sociales, culturelles, psychologiques - en trois étapes qui caractérisent la façon de consommer : le savoir, le vouloir et le faire. Dans le faire se trouve le pouvoir faire. Ces étapes doivent être prises en compte pour transformer les modes de vie.

Première étape, celle du savoir : le consommateur sait‑il qu’il consomme du plastique ? Le consommateur a‑t‑il conscience qu’il consomme du plastique et surtout de ce qu’il génère en consommant du plastique ? Évidemment, l’information ne relève pas du même concept que la prise de conscience. Le consommateur sait‑il que ses vêtements de fast fashion contiennent du plastique ? Un véritable travail des marques et aussi des organisations doit être mené, notamment sur les étiquettes et sur l’information associée. Parfois cette information n’est pas vraiment comprise. Le consommateur effectue‑t‑il ce travail de réflexivité ? Connaît‑il les conséquences sur le vivant de la consommation de certains vêtements en « plastique » ? Sait‑il que l’usage de matières recyclées dans ces vêtements n’est pas nécessairement meilleur et plus écologique ?

En effet, dans la mode, il existe un discours sur le recyclé qu’il convient certainement de mieux expliquer aux consommateurs. Dans une perspective de transition écologique, pour un mode de vie plus sobre et pour réduire les conséquences de notre consommation sur le vivant, nous devons restreindre notre consommation aux besoins et ne pas utiliser des détours comme la mode avec du textile recyclé pour se donner un bon argument pour continuer à consommer au même rythme. L’information du consommateur pose une question aux pouvoirs publics. Cette information doit être claire et même constituer une orientation vers des pratiques plus adaptées sur le plan environnemental et social.

La deuxième étape correspond au vouloir. Le consommateur souhaite‑t‑il utiliser moins de plastique ? Cette question est importante, car la transformation des modes de vie demande un effort cognitif (s’informer, chercher à substituer le plastique par d’autres matières) et un effort physique : le plastique est pratique, léger et donne confiance. Avec la crise de la Covid, nous avons observé une résurgence d’emballages plastiques.

Quelle pourrait être une alternative au plastique ? Par exemple, faire des courses dans un magasin de vrac est un peu plus contraignant que dans une grande surface où les emballages plastiques sont plus nombreux. Dans un magasin de vrac, il est nécessaire de penser à prendre ses sacs et ses pots en verre. La logistique doit ainsi être repensée. Le consommateur est‑il prêt à repenser sa logistique ? Comment les organisations, les entreprises et les grandes surfaces peuvent l’accompagner dans ce changement pour qu’il ne soit pas seul et qu’il ne subisse pas tous les coûts ? Par exemple, en grande distribution, les suremballages sont nombreux. Quelles actions mène la grande distribution pour encourager les consommateurs à prendre ses propres contenants ? Dans ce type de lieu de distribution, nous observons que la grande surface ne fournit pas beaucoup d’efforts pour faciliter l’initiative du consommateur à venir avec ses contenants. La grande surface doit‑elle valoriser ce type de comportement avec une gratification par exemple, comme une carte de fidélité ?

Le consommateur se situe aujourd’hui dans un certain confort et dans une certaine habitude. Changer n’est pas sa priorité au quotidien, parce que cela demande du temps et une vraie réflexion sur l’utilité du changement. Prenons‑nous le temps de repenser nos modes de vie vers moins de plastique et d’autres formes alternatives de consommation ? Le processus doit être facile et faire l’objet d’un véritable accompagnement, notamment par les entreprises. Le consommateur seul ne pourra pas changer ses modes de consommation.

La dernière étape correspond au pouvoir faire. Le consommateur peut‑il changer son mode de vie pour moins de plastique ? Cela pose la question des aspects matériels et économiques. Parfois, une absence de dispositif rend impossible le changement de consommation. Par exemple, si les offres de stylos qui ne sont pas en plastique sont de plus en plus nombreuses, il n’est pas toujours aisé de trouver la bonne marque et le bon produit. Aujourd’hui, les solutions alternatives au plastique, comme le vrac, restent onéreuses. Le vrac reste coûteux, parce qu’il est bio ou vendu dans des magasins en centre‑ville. Nous pouvons légitimement penser que dans de tels cas, le prix des loyers se répercute sur les produits. Mais le consommateur rencontre beaucoup de difficultés à comprendre cette différence de prix. Il est toutefois possible de trouver du vrac sur les marchés pour des prix moins onéreux. Cependant, le consommateur est peu encouragé par des prix souvent plus chers à se rendre en centre‑ville, à repenser sa logistique et sa façon de faire les courses alimentaires.

C’est également vrai dans le domaine du textile. La fast fashion est beaucoup moins coûteuse qu’un vêtement de mode plus éthique et plus durable. Un t‑shirt de fast fashion coûte environ 6 euros et un t‑shirt de mode durable entre 18  et 20 euros. La question de la justice sociale est posée. Comment permettre aux différentes catégories sociales un accès aux alternatives qui utilisent moins de plastique et qui sont beaucoup plus coûteuses pour le consommateur ?

La démocratisation du vrac se pose. Le territoire encourage‑t‑il certaines initiatives ? Par exemple, une initiative appelée « la tournée » en région parisienne permet aux consommateurs de se faire livrer des courses avec des contenants en verre. Comment valoriser ce type d’initiative ? Comment valoriser ces initiatives par les territoires ?

En conclusion, je pense qu’une diminution drastique de notre consommation de plastique passe par un accompagnement du consommateur, en termes d’information notamment. Il s’agit d’une question systémique. Elle questionne, certes le consommateur, remet en cause ses modes de vie, mais également l’offre des entreprises. Comment les entreprises peuvent‑elles proposer des alternatives ? Les pouvoirs publics doivent s’interroger, certainement en termes d’information, voire en termes d’orientation. En effet, parfois le consommateur aimerait mieux consommer, mais il est nécessaire de lui indiquer quel chemin prendre. Cela pose également la question de la valorisation par les territoires. Comment les territoires peuvent‑ils aider à la mise en place de ces pratiques alternatives ?

M. Philippe Bolo, député. – Je vous remercie d’avoir abordé le sujet de la justice sociale et sociétale, souvent oubliée, mais essentielle. En effet, cette dimension est particulièrement importante, surtout dans le cadre d’un traité international sur la pollution plastique. Les niveaux de vie et de développement économique des différents pays sont loin d’être comparables entre eux. Il est important de corréler la dimension sociale au rôle essentiel du monde économique et des pouvoirs publics.

Quelle est la position de la Chine dans les négociations actuelles ? Quelles sont les évolutions du positionnement d’autres pays, devenus aujourd’hui destinataires de déchets plastiques à la suite de la fermeture des frontières chinoises et d’autres pays asiatiques ?

Mme Gayrard, qu’en est‑il des réglementations ailleurs dans le monde ? Les limites observées dans la réglementation européenne ne constituent‑elles pas une sorte de talon d’Achille dans le traité international ?

Mme Gontard, l’économie circulaire s’appuie sur les trois R : la réduction, le réemploi et la réutilisation, et le recyclage. Au sujet de la dimension internationale de notre traité, nous savons que tous les pays ne disposeront pas de cette même capacité à investir des moyens importants dans le recyclage. Pour autant, certains sont destinataires de quantités importantes de déchets. Que vont‑ils en faire ? Ne faudrait‑il pas y lire une sorte de note d’espoir où ceux qui auraient des déchets importants à gérer, mais pas les capacités à développer des infrastructures de recyclage, deviendraient les promoteurs des deux autres R  ?

M. Gabut, si nous voulons rendre une ACV puissante au niveau international, la notion d’échelle géographique entre en jeu. Au‑delà de l’échelle du produit conçu pour le marché, nous devrions avoir la capacité d’avoir des ACV qui nous indiquent quels sont les impacts dans d’autres pays et qui nous permettent d’éviter que les impacts soient négatifs.

M. Andrés del Castillo. – Depuis l’adoption de lois nationales en Chine en 2017, il a été interdit d’importer des déchets plastiques en Chine et cela a bouleversé le monde. Cette politique nationale a accéléré les questionnements et les démarches à l’échelle régionale et internationale. Par conséquent, nous avons obtenu en moins d’un an un amendement à la convention de Bâle sur les contrôles de déchets.

La Chine a également envoyé une contribution pour le deuxième tour des négociations qui se tiennent à Paris. En ce qui concerne les objectifs du traité, ce document met en avant deux dimensions : la protection des enjeux liés à l’environnement et la santé humaine.

Au niveau des mesures contraignantes, la Chine évoque la possibilité de promouvoir la production et la consommation durable du plastique. Quand il s’agit de mesures plus concrètes, la Chine défend des mesures volontaires de restriction des plastiques, des additifs, des produits et de certaines applications des plastiques. On observe donc une évolution, car la Chine ne souhaitait pas parler de restrictions auparavant. Elle est donc prête à la discussion.

Mme Véronique Gayrard. – Je n’ai pas beaucoup d’éléments de réponse à votre question. Je sais que le système REACH est tout à fait unique dans le monde, puisqu’il fournit une base de données très importante sur les produits chimiques et les risques associés. Au niveau de la sécurité des aliments et de la présence de substances chimiques dans les aliments, il y a d’autres institutions équivalentes à l’EFSA comme la Food and Drug Administration (FDA) américaine. En outre, l’OCDE aide les pays à élaborer des stratégies pour réduire les risques liés à l’exposition aux produits chimiques.

M. Philippe Bolo, député. – Mme Gontard, vous avez mis en évidence le fait que nous avions centré notre approche de l’économie circulaire autour du recyclage. Nous avons la perspective d’un traité international et le sujet du recyclage est évidemment sur la table. Tous les pays ne pourront pas disposer de l’infrastructure qui est la nôtre, en matière de geste de tri, de collecte, puis de recyclage. Certains de ces pays reçoivent des quantités de plastiques de la part des pays développés. Le traité ne serait‑il pas pour eux l’occasion de réaffirmer qu’au‑delà du recyclage, d’autres R existent dans l’économie circulaire : la réduction (laquelle éviterait que des déchets arrivent chez eux) le réemploi, la réparation et la réutilisation ?

Mme Nathalie Gontard. – Peut‑être pourrons‑nous en effectuer la démonstration. S’agissant des R, le réemploi est très difficile pour le plastique. Il n’a pas été conçu à cet effet. Il peut être réemployé, mais de façon très limitée. Ce n’est pas du verre. Le verre est un matériau, dense et inerte, à la différence du plastique. Miser sur le réemploi du plastique pour réduire significativement la pollution plastique n’est pas raisonnable selon moi.

En ce qui concerne la dimension internationale, nos déchets voyagent, notamment par la mer. Par exemple, quand des déchets franchissent des frontières et se retrouvent en Chine, ils finissent jetés dans les océans, brûlés ou enfouis. Cette problématique se pose particulièrement pour les îles et les États insulaires. En effet, ces derniers doivent gérer des déchets dont ils ne connaissant même pas la provenance ou dont ils s’aperçoivent que la provenance est très lointaine. Ainsi, à quoi sert‑il de réduire leurs déchets, puisque de toute façon ce ne sont pas les leurs ?

Nous mettons en place des filières entières pour tapisser des pays de déchets plastiques dont nous ne savons pas quoi faire. Ces déchets pourront également être stockés sous forme d’objets qui paraîtront comme écologiques et vertueux, alors qu’ils ne le sont pas.

De plus, la production et la consommation de plastique sont parfaitement corrélées au PIB. Nous figurons parmi les pays les plus consommateurs de plastiques. Les seuls pays qui décrochent sont les pays du Golfe, parce qu’ils disposent de revenus tellement élevés que la consommation de plastique ne suit pas derrière. Ainsi, un pays qui n’a pas les moyens de traiter des déchets plastiques est un pays qui en consomme beaucoup moins.

La Convention de Bâle régit les mouvements transfrontaliers des déchets dangereux. Le plastique en fait partie. Cependant, dès lors que le pays peut démontrer qu’il est capable d’appliquer une gestion écologiquement responsable de ce déchet, celui‑ci n’est plus considéré comme dangereux. Dans le cas du plastique, il suffit de collecter, de trier et de décycler. In fine, le plastique passe au travers de la Convention de Bâle.

Mis à part le décyclage, les autres solutions et supports sont peu nombreux pour la gestion de la pollution plastique dans les pays du Sud. De plus, la réduction a un impact limité, dans la mesure où les déchets que ces pays ont à gérer ne sont pas les leurs.

Il est important que nous prenions nos responsabilités et que nous interdisions ces mouvements transfrontaliers de plastique. Nous devons gérer les déchets plastiques que nous produisons. Ne cherchons pas à aider des pays à les gérer, puisque nous‑mêmes nous ne savons pas les gérer correctement.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – En France, nous avons multiplié par deux notre consommation de textiles en 15 ans, lesquels sont majoritairement composés de plastiques. Les consommateurs ne savent certainement pas que leurs vêtements sont en plastique. La surconsommation de vêtements en plastique ces dernières années est concrète.

Le tissu polaire est un matériau textile qui résulte du décyclage. Il relarguera dans l’environnement des quantités phénoménales de microfibres. M. Sönke, nous retrouverons ces microfibres dans l’air, car elles sont très légères. Elles pourront éventuellement poser d’autres problèmes de santé. Comment documenter leur présence dans l’air ? On retrouve ensuite ces microfibres au sommet de l’Everest, dans les grands fonds marins et en maints endroits. Cela ne va‑t‑il pas poser un problème particulier en raison de leur forme et de la façon dont elles pourront être ingérées par des organismes comme des vers de terre ? Contrairement à d’autres matériaux en plastique, ce tissu fait une arrivée phénoménale dans l’environnement.

Je rejoins les propos de Mme Gontard à propos des filtres sur les machines à laver. J’émets de grandes réserves à ce sujet. De plus, la charge a été mise sur les fabricants de machines à laver et non sur les acteurs à l’origine de la fuite dans l’environnement de ces microfibres.

J’avais fait voter dans la loi climat et résilience au Sénat un amendement qui obligeait les metteurs en marché de ces produits textiles à inscrire le fait qu’ils relarguent dans l’environnement des microfibres tout au long de leur cycle de vie. Je pense que dans le cadre du traité international, il sera certainement nécessaire d’intégrer l’arrivée dans l’environnement de façon très massive de ces microfibres. Ces dernières poseront peut‑être d’autres problèmes encore que ceux que nous avons envisagés jusqu’à présent.

M. Philippe Bolo, député. – Il est également possible de lire ce sujet du textile dans la perspective du traité à travers les filières d’exportation des déchets textiles.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Nous commençons à instaurer en France le tri des textiles. Nous envoyons énormément de vêtements en Afrique, sous couvert humanitaire. Les populations africaines ne savent pas quoi en faire. Les vêtements sont en train de s’accumuler. Ces envois de vêtements finissent par du stockage, en maints endroits, sur les plages ou sur des terrains. Nous ne savons pas non plus recycler ces vêtements. Nous n’avons même pas encore envisagé très concrètement de le faire. Nous avons également une responsabilité dans ce domaine.

M. Jeroen Sönke. – Les fibres observées aujourd’hui dans l’atmosphère le sont généralement en milieu urbain. Elles possèdent une longueur comprise entre 0,2 et 2 millimètres. C’est relativement large et parfois observable à l’œil nu. Je soupçonne que les microfibres observées au mont Everest proviennent de la pollution locale des milliers d’alpinistes qui gravissent cette montagne chaque année.

Les mesures des microplastiques et microfibres dans l’environnement sont extrêmement difficiles. Nous passons des années au laboratoire à peaufiner ces analyses. Très vite, nos échantillons sont contaminés par nos vêtements, eux‑mêmes faits en fibres. Je pense que les microfibres dans l’atmosphère sont présentes en milieu urbain et ne voyageront pas sur de longues distances. Nous ne pouvons pas parler de transport intercontinental des microfibres, comme c’est le cas pour les microparticules très fines. Par exemple, au pic du Midi, les microplastiques les plus fins mesurent entre 3 et 20 micromètres. Les microparticules connaissent un transport intercontinental et peuvent être émises par les océans.

Je pense aussi, bien que je ne sois pas expert du sujet, que les microfibres plus longues ne pénètrent pas dans nos poumons. Nous ne les respirons pas parce qu’elles sont trop larges. Les particules les plus fines, jusqu’à 10 micromètres, font partie des fameuses PM10 qui peuvent pénétrer dans les poumons. En termes d’exposition de l’homme, il ne s’agit donc peut‑être pas de la plus grande préoccupation.

Mme Nathalie Gontard. – Nombre de pays africains se sont élevés contre ces arrivées massives de vêtements usagés en fibres synthétiques, lesquelles portaient atteinte à leur marché, à leurs produits locaux et notamment au coton. Parmi ces pays figurent le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et le Kenya. Le Rwanda avait commencé à interdire l’arrivée des textiles en provenance des États‑Unis. Il s’en est suivi une bataille assez importante avec une menace de représailles commerciales vis‑à‑vis du Rwanda notamment. Les pays ont donc été obligés d’accepter à nouveau ces déchets pour ne pas souffrir au niveau économique. Mais les particules de plastique, ce ne sont pas seulement les fibres textiles.

Le secteur de la construction constitue également un sujet de préoccupation. Des études ont analysé les particules plastiques retrouvées dans les glaces de l’Arctique et ont essayé de tracer leur origine. La première origine semble être l’usure de certains matériaux utilisés dans les bâtiments. Il s’agit de l’usure de matériaux à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur (comme les revêtements de protection). Une maison écologique bien isolée regorge de plastiques.

Mme Muriel MercierBonin. – Une étude menée en 2019 par une équipe canadienne a comparé le nombre de microplastiques consommés dans l’alimentation, par rapport au nombre de microplastiques qui pouvaient être inhalés. Les niveaux étaient relativement équivalents. Au niveau pulmonaire, il existe des barrières, un épithélium pulmonaire, du mucus (qui peut aussi jouer un rôle de protection) et un microbiote pulmonaire. Il existe souvent un décalage entre l’écosystème intestinal et l’écosystème pulmonaire. Mes collègues qui travaillent sur le poumon sont peut‑être un peu moins avancés sur cette thématique des microplastiques. Une métrologie est nécessaire par rapport aux enjeux de captation, de franchissement de barrières et de translocation éventuelle des plus petites particules. Des conséquences liées à l’inhalation existent peut‑être. Des études pourraient être menées sur la communication entre les organes, les intestins et les poumons.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Au sujet du savoir, du vouloir et du pouvoir faire des consommateurs, à quel moment l’emballage plastique deviendra-t-il inutilisable pour le consommateur parce qu’il en connaîtra tous les effets ? Comment faire pour introduire la notion de cycle de vie dans l’utilisation de l’emballage plastique ?

Il est légalement possible d’utiliser son propre contenant pour se faire servir à la découpe en France. Même si aucune publicité n’est réalisée à ce sujet, c’est applicable depuis le premier janvier de l’année dernière. Comment faire pour que le consommateur soit écœuré d’avoir recours à la barquette de jambon en plastique ? Il serait nécessaire d’expliciter ce que représente la pollution plastique pour que, sans devoir fournir des efforts, personne ne souhaite l’utiliser.

Mme Nathalie Gontard. – En termes de communication, lorsque nous expliquons l’impact des plastiques, nous avons conscience que cet impact n’a d’effet que longtemps après notre utilisation. Nous devrons fournir un effort de communication sur ce point et sur les aspects de bombe à retardement et de réservoir. Si nous mangeons l’équivalent d’une carte bleue ou d’un petit grain de riz de plastique, nous n’en avons pas d’effet. Le plus difficile est de faire comprendre comment on peut imaginer que les effets soient nuls, au regard des quantités de plastique accumulées dans notre environnement et qui se dégradent.

Nous parlons beaucoup de consommateurs, mais j’aimerais que nous parlions davantage des acteurs très actifs : les industriels. Comment les sensibiliser ? Une grande partie du travail doit être mené avec eux. Sans eux, nous serons impuissants.

M. Andrés del Castillo. – La conférence des Nations Unies sur le commerce parle de « remplacements », divisés entre les substituts et les alternatives. Elle a dressé une liste des codes douaniers en mettant en avant plus de 300 remplacements. Il existe des barrières au niveau du commerce parce que les taux douaniers sont plus élevés sur les produits de remplacement que sur les produits plastiques. Un rapport a été présenté la semaine dernière. Cette question des remplacements figurera dans le traité international.

Par rapport à la matière plastique et la transparence, qui doit savoir quoi ? Je ne sais pas si un consommateur est très intéressé par les filtres UV 328. Est‑ce l’autorité publique ou l’utilisateur dans la chaîne d’approvisionnement qui doit être informé ? Beaucoup d’entreprises ne connaissent même pas ce qui se trouve dans le matériel qu’elles utilisent. Des producteurs de voitures commencent à se mettre d’accord pour disposer de bases de données sur l’ensemble des matériels et des polymères qu’elles utilisent dans la production des voitures. Les PET constituent un exemple dont nous parlons beaucoup, mais il s’agit du seul exemple de réussite dont nous disposons. De fait, les industriels s’étaient mis d’accord à ce sujet pour faire état d’un certain degré de transparence.

M. Philippe Bolo, député. – Je voudrais vous remercier toutes et tous. Vous nous avez adressé un certain nombre de messages essentiels. Le flux et le stock sont importants et des images nous révèlent l’ampleur de la pollution plastique. Ce flux continue à se poursuivre et alimente un stock déjà important. Nous devons agir dessus. La prise de conscience, je pense, est désormais réelle. Les leviers pour réduire ces flux existants sont nombreux et globaux.

Certains objets plastiques produits à un endroit de la planète peuvent polluer ailleurs ou de manière globale. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de ce traité international. Je voudrais terminer en remerciant notre président d’avoir accepté que l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques s’empare de ce sujet, ce qui montre que le Parlement français est attentif à ce traité international. Nos résultats et la synthèse de la table ronde nous permettront d’apporter notre contribution.

Mme Angèle Préville, sénatrice, viceprésidente de l’Office. – Merci à tous les intervenants pour votre contribution à dresser cette image plus réelle de la pollution plastique et de nous avoir apporté des éclairages supplémentaires.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Nous allons pouvoir clore cette séance et encore une fois nous observons l’intérêt que nous avons au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques à faire entrer la science au sein des décisions politiques. Nous comptons sur vous, comme nous comptons sur l’ensemble des parlementaires mobilisés au sein de l’Office pour poursuivre ce combat, que ce soit au niveau international comme au niveau national et partout où cela sera possible. Je vous remercie.

 


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  1. Extrait du compte rendu de la réunion de l’OPECST du 25 mai 2023 présentant les conclusions de l’audition publique

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Je vous remercie du travail réalisé afin de présenter en un temps record les conclusions de l’audition publique sur les enjeux du projet de traité international sur la pollution plastique.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – Le 11 mai dernier, l’Office a organisé une audition publique sur les enjeux scientifiques du traité international visant à mettre un terme à la pollution plastique.

Je rappelle que l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement a adopté en mars 2022 une résolution historique visant à mettre en place un instrument international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique. Elle a prévu cinq sessions de négociations, dont une aura lieu ces prochains jours à Paris.

Le principe d’un traité international faisait partie des recommandations adoptées par l’Office en décembre 2020. Philippe Bolo et moi-même avions rédigé un projet de résolution visant à promouvoir un tel traité qui, déposé à l’Assemblée nationale et au Sénat à l’été 2021, a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, en novembre 2021.

L’audition publique organisée par l’Office s’est tenue sous la forme de deux tables rondes. La première a évoqué les arguments scientifiques en faveur de l’élaboration d’un tel traité. J’en résumerai les éléments de présentation et les résultats. Philippe Bolo fera la synthèse de la seconde, consacrée aux enjeux scientifiques des propositions en discussion.

La première table ronde a souligné le caractère global, incontrôlable et particulièrement nocif de la pollution plastique pour l’environnement et la santé humaine.

D’ici à 2060, la production de plastique devrait tripler pour atteindre 1,2 milliard de tonnes. Cette croissance est tirée par l’explosion du nombre des emballages à usage unique, qui représentent 40 % des usages du plastique. Pourtant, le consommateur ne choisit pas d’acheter du plastique. Comme l’a souligné Hervé Corvellec, ce matériau a été imposé par un système de production, de distribution et de consommation basé sur l’abondance et la mobilité, dans lequel le plastique est un accompagnateur quasiment discret, en raison de ses qualités de protection sanitaire, de légèreté et de commodité. La jetabilité de l’emballage plastique à usage unique apparaît comme un atout dans la mesure où ni le producteur, ni le distributeur, ni le consommateur n’a besoin de le prendre en charge après usage. En ce sens, le plastique participe à la normalisation du déchet. Ainsi, le marché des eaux en bouteille ne se justifie-t-il que parce qu’il est considéré comme normal de jeter ces bouteilles après en avoir bu le contenu.

Néanmoins ces déchets plastiques post-consommation s’accumulent au point de former une pollution incontrôlable. Sur les 8,3 milliards de tonnes de plastique produites depuis 1950, dont la moitié depuis seulement 2000, seuls 30 % continuent d’être en utilisation. Le reste, soit 5,8 milliards de tonnes, est devenu des déchets, soit mis en décharge, soit rejetés directement dans l’environnement. Au total, 4,9 milliards de tonnes de déchets plastiques sont donc présentes dans l’environnement, héritées des modes de gestion des déchets à l’échelle planétaire.

En outre, le processus de fragmentation et de dispersion dans l’environnement, dans l’air, les fleuves, les mers, les océans et dans le milieu terrestre naturel n’en est qu’à son début. Jeroen Sonke a démontré que 97 % des plastiques se trouvent encore dans le milieu terrestre anthropisé, c’est-à-dire les décharges, les milieux urbains ou industriels et les sols agricoles. Par conséquent, en retenant une hypothèse de cinétique de fragmentation des plastiques de 3 % par an et un scénario d’arrêt de la production en 2040, non encore prévisible puisque la production reste exponentielle, le pic de la pollution plastique dans les sols naturels ne devrait pas intervenir avant 2400 et celui dans les sédiments des grands fonds marins plus tard encore.

L’effet d’accumulation des microplastiques dans les sols, les océans et les sédiments marins durera des siècles, et cette pollution a de graves effets sur l’environnement et la santé humaine. Comme l’a souligné Andrès Del Castillo, parmi les six limites planétaires déjà dépassées en 2022 figure la pollution par les nouvelles substances chimiques introduites dans l’environnement due, en particulier, à l’explosion de la production des plastiques, polymères auxquels sont ajoutés des additifs. Il a rappelé que 13 000 produits chimiques sont utilisés dans la production des plastiques. Les données n’existent que sur un peu plus de la moitié de ces produits, soit environ 7 000, dont près de 3 200 identifiés par les scientifiques comme des substances chimiques préoccupantes. Or seuls 130 produits chimiques préoccupants sont réglementés par des conventions internationales.

La pollution plastique contribue également au réchauffement climatique. Selon Jeroen Sonke, 12 % du pétrole sont convertis chaque année en polymères, en majorité pour des emballages à usage unique. Andrès Del Castillo a souligné qu’un rapport récent montre que d’ici à 2050, les émissions de gaz à effet de serre résultant de la fabrication du plastique pourraient atteindre plus de 56 gigatonnes, soit 10 à 13 % de l’ensemble du budget carbone à la disposition de la communauté internationale pour respecter l’accord de Paris.

Xavier Cousin a rappelé que la pollution plastique, notamment par les microplastiques, n’épargnait aucun des maillons de la chaîne trophique en milieu marin, provoquant des perturbations de la croissance et de la reproduction. Si les microplastiques ne s’accumulent pas dans le tube digestif et ne semblent pas franchir les tissus, l’exposition aux microplastiques est permanente dans la mesure où les êtres vivants en ingèrent en continu.

Bien que l’évaluation du risque reste difficile, la pollution plastique a une incidence certaine sur la santé humaine. Le risque se définit par l’association d’un danger et d’une exposition, laquelle est difficile à mesurer. Muriel Mercier Bonnin a rappelé l’impact médiatique de l’information selon laquelle un être humain consommerait cinq grammes de plastique par semaine, soit l’équivalent d’une carte de crédit. En réalité, l’étude citée fixait une fourchette beaucoup plus large, entre 0,1 et 5 grammes par semaine, qui a été contredite par des études ultérieures concluant à une ingestion comprise entre 4,1 microgrammes et 130 à 310 microgrammes par semaine.

Toutefois, la pollution plastique a un effet certain sur la santé humaine au travers des produits chimiques. Véronique Gayrard a évoqué le bisphénol A, considéré dans le règlement REACH comme une substance très préoccupante en raison de ses propriétés toxiques en matière de reproduction et en tant que perturbateur endocrinien, alors même que nous en absorbons cent fois plus que la dose journalière tolérable fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Des études récentes sur l’exposition du microbiote intestinal aux microplastiques mettent en avant plusieurs points de vigilance qui révéleraient l’impact négatif des microplastiques. Néanmoins, de nombreux verrous cognitifs et méthodologiques restent à lever pour réellement évaluer le risque d’une exposition quotidienne aux micro et nanoplastiques, qu’il s’agisse de la mesure des effets toxicologiques ou de la difficulté à les détecter dans les fluides biologiques, sans parler des problèmes de contamination des préparations par les plastiques présents dans l’environnement des laboratoires.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Je remercie à nouveau le président d’avoir accepté la tenue de cette audition publique car, et je me flatte de le répéter, la France a l’honneur d’accueillir les délégations de 175 pays pour une session de négociation d’un traité international. Sur les cinq sessions prévues, deux se tiendront au Kenya. Seuls quatre pays de la planète vont les accueillir : le Kenya, le Canada, la France et la Corée du Sud. Il était important que nos assemblées s’emparent de ce moment historique. Merci de nous avoir offert l’occasion de cette audition réalisée sous l’angle scientifique.

La seconde table ronde a dressé un état des lieux de la négociation, de la position des différents pays et un historique de la proposition de traité. Si l’OPECST n’est pas à l’origine de ce traité, celui-ci figurait déjà dans les quarante-neuf préconisations du rapport fait avec Angèle Préville au nom de l’Office et adopté en décembre 2020. Cela s’est concrétisé par une résolution que nous avons rédigée et déposée dans nos assemblées respectives. À l’Assemblée nationale, signée par plus de 400 collègues et votée à l’unanimité le 29 novembre 2021, elle formait le vœu que la France soutienne toutes les initiatives internationales allant dans le sens de la réduction de la pollution plastique. Nous avons ajouté notre petite pierre à l’édifice, sous l’angle scientifique.

Le négociateur européen a signalé un autre moment historique. L’adoption, lors de la cinquième session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement, tenue en mars 2022 à Nairobi, de la Résolution 5/14 du PNUE qui a ouvert la négociation aboutissant au traité dont nous voyons à Paris la concrétisation.

Il a indiqué les trois principes sur lesquels repose cette négociation visant à appréhender le sujet en globalité. Le premier est de ne pas limiter le champ de la pollution plastique aux océans, tous les milieux étant concernés. Le deuxième est de considérer que la pollution se situe à tous les stades du cycle de vie du plastique, du prélèvement du pétrole à la gestion des objets placés dans notre poubelle jaune. Le troisième principe, c’est de ne pas se contenter de traiter la pollution plastique en aval par la gestion de la poubelle, donc de ne pas tout fonder sur le recyclage.

Le négociateur européen a indiqué que les positions des différents pays se répartissaient en trois blocs. Le premier est formé par la coalition des pays de haute ambition qui souhaitent un traité contraignant incluant les principes que je viens d’énoncer. Le deuxième bloc de pays entend traiter le sujet sous le seul angle du recyclage et de la gestion des déchets. Le troisième bloc regroupe les États producteurs de plastique, un peu plus réservés sur le contenu du traité. Tout cela donnera lieu à des négociations, la semaine prochaine, à Paris, qu’il sera intéressant de suivre. 

Quant aux enseignements à tirer, ils sont de deux ordres : les pièges à éviter, au nombre de trois, et les obstacles à surmonter.

Le premier piège est de considérer que les solutions passent exclusivement par les consommateurs ou les usagers de plastique, dans la mesure où certains ne sont pas au courant qu’ils consomment du plastique et où, même s’ils l’étaient, ignoreraient que cela pose des problèmes sanitaires et environnementaux. Il faut donc aller au-delà. Même pour les consommateurs informés, existe-t-il des alternatives et y ont-ils accès ? L’incitation peut-elle être financière, eu égard à l’effort demandé ? Tous les sociologues assimilent l’appétence au plastique à une appétence à la réduction des efforts. Disposer d’un objet en plastique, c’est faire disparaître un effort. La séquence à l’Assemblée nationale a montré la nécessité du renforcement du rôle des entreprises et des pouvoirs publics en la matière.

Le deuxième piège est de tout miser sur le recyclage. Les plastiques sont des polymères aux caractéristiques physiques et chimiques liées à la longueur de la chaîne. Tout recyclage consistant à casser la chaîne, à modifier les possibilités et les propriétés, ce n’est pas la solution. En outre, tous les polymères ne sont pas recyclables, à cause des additifs et des substances héritées. Nous reviendrons sur le recyclage chimique dans la note de synthèse que nous sommes en train de rédiger. 

Le troisième piège est celui du financement. Plus facile pour certains pays que pour d’autres, il faut éviter des systèmes de financements non équitables. Certains pays producteurs de plastique sont très concernés par les pollutions visuelles et d’autre moins. Les situations sont diverses. Il ne faut pas oublier non plus les pays destinataires d’exportation de déchets que nous ne gérons pas nous-mêmes, très touchés par cette pollution. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans l’équation financière. Lors de la précédente séquence de négociation, en décembre dernier, à Punta del Este, en Uruguay, un premier travail a été réalisé qui servira de base pour la suite. 

Le premier obstacle à surmonter, c’est l’empreinte plastique, expression de plus en plus utilisée, apparue lors de l’audition des rapporteurs du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui ont remis leurs recommandations récemment. Elle vient du fait que nous disposons de l’analyse du cycle de vie (ACV), outil méthodologique suffisamment précis et fin pour mesurer les impacts environnementaux et comparer les alternatives entre elles. Mais, appliqué au plastique, il présente deux inconvénients : ne pas prendre en compte la dimension sanitaire des additifs présents dans les polymères et surtout ignorer ce qui se passe lorsqu’un objet en plastique perdu dans la nature se fragmente et se réduit en micro et nanoparticules. Par conséquent, quand on compare une alternative « verte » et une alternative plastique, on le fait sur la base du CO2 et non sur la base de la fin de vie.

Le second obstacle est la réglementation des produits chimiques. Quelque 13 000 molécules chimiques sont utilisées comme additif pour le plastique, dont 7 000 sont renseignées, 3 000 identifiées comme toxiques et seulement 130 réglementées. Nous avons appris que les logiques de la réglementation REACH n’étaient pas exactement les mêmes que celles de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et je viens d’apprendre que celles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) était encore différente. Une harmonisation doit être trouvée. Et encore n’ai-je parlé que de l’Union européenne et de la France, et non des États-Unis, et encore moins des produits chimiques qui, ajoutés en Chine, arrivent chez nous, sans être conformes à la réglementation REACH.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – Nous en venons maintenant aux recommandations.

La première recommandation, conformément aux quatre « R », est réduire. Hervé Corvellec a rappelé que lorsque la baignoire déborde, on doit fermer le robinet avant d’éponger à la serpillière. C’est l’attitude que nous devons adopter face à l’usage du plastique. Nous devons revoir leur qualité, eu égard à la toxicité des additifs, être sensibles à leur évitabilité, certains usages n’ayant d’autre intérêt que leur fonction marketing, et à leur durée de vie, certains plastiques n’étant utilisés que quelques minutes avant de devenir des déchets. Nous devons aussi être attentifs aux risques de fuite dans l’environnement, le mode de consommation de certains plastiques augmentant fortement la probabilité de les retrouver dans l’environnement, et envisager des possibilités de substitution et de remplacement par d’autres matériaux aux impacts environnementaux moindres.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Deuxième recommandation, améliorer l’analyse du cycle de vie pour prendre en compte l’empreinte plastique. Ce que nous disons est la synthèse de ce que nous avons entendu. Nous conseillons d’intégrer au traité ces recommandations, à la lumière de nos précédents travaux de 2019 et 2020, enrichis des éléments nouveaux obtenus grâce à ces auditions.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – La troisième recommandation vise à réduire le risque toxicologique en interdisant comme additifs toutes les substances de même famille qu’une substance interdite. Il convient ainsi de faciliter l’interdiction de produits dangereux en regroupant leur évaluation et leur contrôle par grandes familles. Il faut interdire certains polymères et produits chimiques dont la liste serait fixée dans une annexe élaborée à partir de critères tels que leur dangerosité pour la santé humaine et l’environnement, leur non-recyclabilité ou encore leur capacité à perturber le recyclage. Il faut aussi imposer la transparence des substances chimiques utilisées afin de garantir leur traçabilité, ce qui n’est pas du tout le cas actuellement, à cause du secret industriel. Nous avons découvert par ailleurs que dans certains procédés industriels sont ajoutés par le biais de « recettes » utilisées depuis très longtemps des additifs pour améliorer les « qualités » du plastique.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – Notre quatrième recommandation est liée à l’importante distinction à établir entre le stock et le flux. Le stock, c’est la quantité de plastiques produits depuis les années 1950, mais dont une proportion est toujours en circulation dans des objets, des maisons, des bâtiments, et dont la plus grande partie se retrouve dans la nature, soit enfouie dans le sol, soit perdue dans l’environnement, soit déjà fragmentée. Ma collègue Angèle Préville invite à réduire le flux, mais que faire du stock dont nous héritons ? Dans notre rapport de 2020, nous soulignions la difficulté à trouver la solution ultime par le nettoyage des océans. Il n’existe pas de continents plastiques mais des « soupes » de plastiques, c’est-à-dire des endroits où les concentrations en macro, micro et nanoparticules sont particulièrement fortes, mais on ne peut pas nettoyer l’océan. Des chercheurs relèvent néanmoins que tout ce qu’on peut retirer d’une opération de nettoyage sur le continent, c’est toujours cela de moins qui viendra se fragmenter ailleurs. Il faut encourager toutes les opérations de nettoyage de la nature, à cette nuance près que les déchets récupérés ne doivent pas être remis dans une décharge ou revalorisés différemment, car on n’aurait rien résolu. Comment éliminer ce stock récupéré dans la nature ?

La recommandation suivante vise à réduire, voire annuler, les exportations de déchets. En effet, le producteur de déchets doit les gérer et non les envoyer chez d’autres pour les traiter, d’autant moins en gardant ceux ayant de la valeur et en envoyant les autres ailleurs. On connaît les désastres produits dans les pays destinataires. La Chine, après avoir conçu une part de sa capacité à produire des plastiques à partir des déchets importés et ouvert les vannes en investissant dans des unités de traitement et de recyclage, a jugé insuffisante la qualité obtenue par ce moyen et a fermé les barrières pour produire massivement avec d’autres intrants. On sait les difficultés provoquées par le traitement des déchets importés en matière de droits de l’homme ou de qualité de vie. J’ai été stupéfait de voir qu’on envoie en Afrique des déchets textiles non pour les utiliser, mais pour qu’ils se retrouvent dans la nature. Au Ghana, tout part vers la mer. Le traité doit commencer par appliquer les réglementations existantes, notamment la convention de Bâle, pour gérer les déchets au lieu de les envoyer chez les autres, surtout quand ces derniers n’ont pas la capacité de les traiter.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – La sixième recommandation vise à encourager de nouveaux modes de consommation. La lutte contre la pollution est l’affaire de tous et le maître mot est « réduire ». Mais nul n’est capable d’assumer seul ces changements de comportement. Nous avons besoin du contrôle des pouvoirs publics et de l’implication des industriels, qui ont un rôle primordial à jouer dans l’orientation vers de nouveaux modes de consommation.

Certaines mesures préconisées ciblent tous les pays : réduction des objets à usage unique par l’interdiction de certains plastiques, objectifs chiffrés de réduction des emballages plastiques, taxe sur le plastique vierge pour encourager l’utilisation de plastique recyclé. Pour les pays développés, il convient, à court terme, de favoriser le réemploi, d’ouvrir et d’afficher systématiquement en magasin la possibilité pour le consommateur d’apporter son propre contenant et de laisser les emballages en caisse. En France, cela figure déjà dans la loi. L’accès à l’eau potable dans les espaces publics, figurant aussi dans la loi dans certains cas, pourrait être généralisé afin de réduire l’utilisation phénoménale des bouteilles et permettre à tout le monde de recharger sa gourde, comme on le voit aux États-Unis, notamment à l’université de Rhode Island. Il faut informer le consommateur des risques liés au mésusage des plastiques, nombre de consommateurs réutilisant leurs bouteilles d’eau. Il faut imposer pour tous les produits et biens comportant du plastique un étiquetage indiquant le pourcentage de matières plastiques recyclées, y compris quand il y en a 0 %, interdire les cigarettes électroniques à usage unique et la construction de terrains de sport en matière synthétique. Dans les pays en développement, il faut aider la construction d’infrastructures d’eau potable et de gestion des déchets. Comme l’a dit Philippe Bolo, nous avons une part de responsabilité dans la pollution massive par les textiles en permettant une surconsommation de vêtements qui finissent rapidement en Afrique. Il faut encourager la pérennité de toutes les alternatives locales aux emballages plastiques et encourager leur développement.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – La dernière recommandation n’est pas la moins utile. En écoutant les nombreux scientifiques que nous avons eu la chance de croiser, nous avons constaté que chacun a dû se spécialiser dans un domaine, car les recherches sur les sujets de micro et nanoparticules sont complexes et coûteuses. Ils sont capables de fournir des conclusions sur des sujets très précis. En matière de biodiversité, ils peuvent étudier l’impact du plastique sur des poissons, mais pas sur les mêmes espèces et pas en les exposant aux mêmes polymères ni durant les mêmes durées ou avec les mêmes additifs aux polymères, de sorte que leurs conclusions, sur la fertilité et la croissance par exemple, sont valables pour une catégorie spécifique d’exposition. Nous le disions déjà en 2020, à l’image du GIEC du climat, il faut tendre vers la création d’un « GIEC du plastique ». Tous les chercheurs de la communauté scientifique internationale doivent pouvoir croiser leurs résultats, les mettre en parallèle, afin d’aller plus vite et de résoudre la question suivante : étant conscients des effets de la pollution plastique, des dispositions législatives et réglementaires sont prises mais, face à nous, des industriels critiquent une instabilité réglementaire qui ne favorise pas les investissements et les retours sur investissement. La recherche avance vite, mais si elle avançait encore plus rapidement et stabilisait ses résultats, on pourrait prendre des mesures réglementaires et législatives plus pérennes et les industriels pourraient investir plus sereinement. L’inertie industrielle peut être due au manque de capacité à fédérer la recherche et à acquérir des connaissances plus fines à même de lever plus rapidement les incertitudes afin d’agir plus rapidement.

M. Alexandre Sabatou, député. –  J’avais été choqué d’apprendre que nous ingurgitions chaque semaine plusieurs milligrammes de plastique. Si mes collègues en avaient conscience, nous serions sans doute plus nombreux dans cette salle. Je m’associerai naturellement à vos démarches.

Où la France se situe-t-elle par rapport à ses voisins ? J’ai l’intuition qu’elle est en retard. Vous avez dit que la solution ne se trouvait pas uniquement du côté du consommateur mais en Allemagne, depuis plus de dix ans, on a mis en place des machines pour recycler les bouteilles et un système de consigne.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – Nous fonctionnons un peu différemment. Les Allemands avaient depuis longtemps instauré la consigne du verre avant de passer directement à la consigne plastique. Nos collectivités territoriales ont mis en place la gestion du ramassage et du tri par des syndicats. L’extension des consignes de tri n’est pas achevée. Le ramassage des bouteilles n’est peut-être pas au meilleur niveau, parce qu’il a été mis en place de façon très différente à travers le territoire. Mais en Allemagne, le nombre des bouteilles en plastique a fortement augmenté.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. – L’appréciation dépend du critère retenu. Du point de vue législatif, nous sommes en avance. Peu de pays ont une loi telle que la loi « antigaspillage pour une économie circulaire » (Agec). La semaine dernière, invités à un colloque international de chercheurs, nous avons rencontré un sénateur américain et nous avons pu mesurer notre avance sur beaucoup de sujets. Au cours des discussions, personne n’a évoqué la réduction des déchets, alors qu’en France, l’idée revient au moindre colloque. Sur certains points, nous sommes très en avance et en retard sur d’autres. Je retiens aussi que des industriels nous disent d’arrêter de réglementer tandis que des ONG nous reprochent de ne pas aller assez loin.

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – Nous sommes en avance en ce qui concerne les contenants à apporter. La loi Agec a créé de nombreux dispositifs dont la mise en œuvre se poursuit. Nous avons prévu des interdictions qui prendront effet dans le temps et mis en place des procédés qui vont continuer d’agir durant de longues années. Mais nous pouvons évidemment faire encore mieux.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Vous alertez sur les exportations. Qu’en est-il de la traçabilité quand des pays développés se défaussent sur des pays tiers ? Vous citez l’exemple du Ghana, de la Malaisie, du Vietnam et d’autres pays. Peut-être faudrait-il responsabiliser les pays exportateurs sur le suivi du recyclage afin que les déchets ne finissent pas dans l’environnement, ce qui engendre les pollutions annexes que vous décrivez ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. – La question des textiles est particulière. Ils sont exportés dans un but de réemploi mais la matière est de si piètre qualité que les femmes africaines qui achètent des ballots ne peuvent rien en faire, bien qu’ils ne soient pas envoyés comme déchets.

M. Philippe Bollo, député, rapporteur. – Monsieur le président, vous avez raison de mentionner l’enjeu de la traçabilité. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 4 du projet de loi « Industrie verte », attendu d’abord au Sénat, qui traite de l’exportation des déchets.

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Nous comptons sur vous deux et sur tous nos collègues pour y porter attention.

Comment voyez-vous la mutualisation des travaux scientifiques et des chercheurs, à la fois d’un point de vue disciplinaire et d’un point de vue géographique ? La communauté scientifique est-elle prête à s’organiser ? Est-il besoin d’un soutien politique, de cohérence, d’alerte auprès de l’Agence nationale de la recherche et des instituts de recherche pour impulser la coopération mondiale ? Comment parvenir à une compréhension scientifique globale ?

Mme Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l’Office, rapporteure. –  A l’image du GIEC pour le climat, le « GIEC du plastique » serait une compilation, un important travail de synthèse qui fait encore défaut, même si les chercheurs se rencontrent, organisent des colloques, s’invitent les uns les autres. Nous avons récemment participé, au Mans, au colloque sur la pollution des océans par les plastiques auquel participaient des chercheurs américains, puis, l’année dernière, à New York, à un colloque sur le même sujet. Mais tout cela n’est pas officiel. Il existe déjà des coopérations mais il faudrait les officialiser à une échelle internationale.

M. Philippe Bollo, député, rapporteur. – Je signalerai les rencontres du GDR polymères et océans. Nous avons la chance en France d’avoir ce groupement de recherche qui réunit de nombreux chercheurs travaillant de concert sur ce sujet.

Dans le cadre de l’examen du traité, nous conduirons, dans les jours qui viennent, une réflexion pour impulser la création d’un « GIEC du plastique ». Au niveau international, une autre initiative est conduite pour faire un « GIEC de la chimie » dont le champ d’étude irait bien au-delà des polymères pour s’intéresser à tous les additifs, comme les PFAS, sujet qui monte en puissance. Le sujet des plastiques sera alors dilué. Au regard de l’ampleur du problème, de la contamination systématique de tous les milieux terrestres et de tous les organismes par les microplastiques, commençons par le « GIEC du plastique ».

M. Pierre Henriet, député, président de l’Office. – Cette coopération internationale est d’autant plus nécessaire que les enjeux de santé, environnementaux, de changement de comportement et de situation concernent toutes les disciplines. Il s’agit de balayer l’ensemble des champs disciplinaires scientifiques, des sciences humaines aux sciences dures. Nous comptons sur vous pour soutenir ce discours, notamment dans le cadre du traité international, afin qu’il puisse figurer à la fois dans les intentions et dans leur concrétisation.

Vous êtes devenus des experts parlementaires, et même au-delà, de la pollution plastique, et nous savons pouvoir attendre de vous un suivi de ces questions. Nous serons ravis d’avoir un retour sur les enjeux et les conclusions du traité international et sur les mesures d’application et évaluations qui seront prises en France, en Europe et partout dans le monde.

Mes chers collègues, je vous propose de valider le rapport sans changement.

Le rapport est adopté à l’unanimité.

 


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Annexes

 

I.  Résolution adoptée par l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement le 2 mars 2022

 


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II.  Résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique adoptée par l’assemblée nationale le 29 novembre 2021

 

 


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III.  Proposition de résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique enregistrée à la présidence du sénat le 21 juillet 2021

 

 


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IV.  Présentations des participants à l’audition publique du 11 mai 2023

Les présentations des participants à l’audition publique du 11 mai 2023 sont disponibles à l’adresse suivante :

https://www.senat.fr/fileadmin/Office_et_delegations/OPECST/Actualites/Annexes_pollution_plastique.pdf


[1] Philippe Bolo, Angèle Préville. Pollution plastique : une bombe à retardement ? Décembre 2020. N° 3654 Assemblée nationale, N° 217 Sénat.

[2] À distinguer du milieu terrestre anthropisé constitué par les décharges, les milieux urbains et industriels et les sols agricoles.

[3] Il s’agit de la pollution atmosphérique par aérosol, de la perturbation du cycle de l’eau douce, de l’appauvrissement de la couche d’ozone, de l’acidification des océans, du réchauffement climatique, du changement d’affectation des sols, des flux biochimiques, de l’érosion de la biodiversité et de la pollution par des substances nouvelles.

[4] UN Environment Programme, May 2023. “Chemicals in plastics. A technical report.”

[5] Centre pour le droit international de l’environnement.

[6] Les microplastiques ont une taille comprise entre 1 µm et 5 mm. Les macroplastiques ont une taille supérieure à 5 mm.

[7] Ce qui pourrait en revanche être le cas pour les nanoplastiques. On parle alors de translocation.

[8] Les particules plus petites seraient plus toxiques que les particules de grande taille.

[9] Les matériaux neufs auraient une toxicité plus élevée que celle des matériaux vieillis en raison de la présence des additifs en plus grande quantité.

[10] Tels que le bisphénol A et des phtalates.

[11] Agence européenne de la sécurité des aliments.

[12] Celle-ci peut être définie comme les conséquences néfastes de la dispersion (par fragmentation) et de l’accumulation des plastiques tout au long de leur chaîne de vie dans tous les compartiments environnementaux. Leur durée de vie très élevée, leur capacité à absorber les polluants ainsi que la possible translocation des plus petites particules dans les organes des êtres vivants sont autant d’éléments qui aggravent l’empreinte plastique.

[13] Le recyclage chimique a été évoqué par un seul intervenant qui a expliqué que certaines matières plastiques étaient plus aptes que d’autres à des formes de recyclage chimique. Il a également estimé que l’utilisation du recyclage chimique nécessitait d’accepter certains compromis. D’une part, ce type de recyclage a un impact environnemental plus important que le recyclage mécanique, notamment au niveau de son empreinte carbone. D’autre part, il est particulièrement onéreux, notamment par rapport à la production de matières plastiques vierges par les technologies pétrochimiques classiques

[14] La part de l’industrie textile représente 14,2 % de la production totale de plastiques. Les fibres synthétiques représentent près des 2/3 du marché des fibres textiles. 2,8 milliards de produits textiles ont été mis sur le marché en France en 2021, représentant 715 290 tonnes.

[15] Comme par exemple entre le règlement REACH (règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances) et le règlement (UE) n°10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires. Dans ce dernier règlement, le bisphénol A est inclus dans la liste des substances autorisées pour la fabrication de matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires avec une limite de migration spécifique fixée en 2015 à 0,05 milligramme par kilogramme d'aliments.

[16] Dans le rapport de 2020, l’Office suggérait de définir une liste des plastiques à réduire en considérant :

-     leur qualité (conditionnée notamment par la toxicité de leurs additifs) ;

-     leur évitabilité (certains usages du plastique sont par exemple sans intérêt particulier en dehors de la fonction marketing qui leur est associée) ;

-     leur durée de vie (certains plastiques ne sont utilisés que quelques minutes avant de devenir des déchets) ;

-     leur risque de fuite dans l’environnement (les modes de consommation ou d’utilisation de certains plastiques conditionnent leur forte probabilité à se retrouver dans l’environnement) ;

-     leur substituabilité (avec démonstration par l’analyse du cycle de vie de leur capacité à être remplacés par d’autres matériaux, sans impacts environnementaux plus importants).

[17] Cf. Polyvia. Le plastique, l’atout bas carbone. La plasturgie, une industrie du futur, engagée et responsable, 10 mars 2022.

[18] Les concentrations de plastiques varient de 678 particules par m2 pour ceux compris entre 0,5 et 5 mm à 3,5 par km2 pour les déchets dont la taille dépasse 50 cm.

[19] Statistiques de Plastics Europe.

[20] OECD (2022), Global Plastics Outlook : Policy Scenarios to 2060.

[21] Distinguished from the anthropised terrestrial environment made up of landfill sites, urban and industrial environments and agricultural land.

[22] These are atmospheric aerosol loading, freshwater change, stratospheric ozone depletion, ocean acidification, climate change, land system change, biogeochemical flows, loss of biodiversity integrity, chemical pollution and release of novel entities.

[23] UN Environment Programme, May 2023. “Chemicals in plastics. A technical report.”

[24] The Minamata Convention which aims at protecting human health and the environment against the harmful effects of mercury, the Montreal Protocol on Substances that Deplete the Ozone Layer and the Stockholm Convention on Persistent Organic Pollutants.

[25] Center for International Environmental Law.

[26] These are mainly physical risks: ingestion of plastics can cause obstructions or perforations of the stomach or intestines; marine animals become entangled in waste and this can lead to their death by asphyxia or haemorrhaging.

[27] Microplastics are particles between 1 µm and 5 mm inclusive. Macroplastics are larger than 5 mm.

[28] Which could be the case for nanoplastics, however. This is referred to as translocation.

[29] Smaller particles are thought to be more toxic than larger particles.

[30] New materials are probably more toxic than materials that have aged due to the presence of larger quantities of additives.

[31] Senathirajah et al (2021). Estimation of the mass of microplastics ingested – A pivotal first step towards human health risk assessment. Journal of Hazardous Materials, volume 404, 15 February 2021, 124004.

[32] Pham et al (2023). Analysis of microplastics in various foods and assessment of aggregate human exposure via food consumption in Korea. Environmental Pollution, Volume 322, 1 April 2023, 121153.

[33] Caporale et al (2022). From cohorts to molecules: Adverse impacts of endocrine disrupting mixtures. Science 375, 735, 18 February 2022.

[34] Such as bisphenol A and phtalates.

[35] European Food Safety Authority.

[36] Thus, an increase in pathobionts (bacteria that are potentially pathogenic in certain conditions) was observed in both adults and children. For the adult population, an increase in scatol was observed, a volatile organic compound already found in patients suffering from hepatic encephalopathy. In children, a reduction in butyrate was found, a short chain fatty acid that has beneficial health effects.

[37] For the European Commission, it was important that the resolution was presented by two countries from the Global South. The European Union and its Member States had already signed the Geneva Ministerial Statement which called for the establishment of an intergovernmental negotiating committee on a binding global agreement on the entire life cycle of plastics.

[38] Plastic footprint can be defined as the harmful consequences of dispersion (by fragmentation) and the accumulation of plastics throughout their chain of life in all the environmental compartments. Their very long lifespan, their ability to absorb pollutants and the possible translocation of the smallest particles into the bodies of living beings are all elements that aggravate the plastic footprint.

[39] Chemical recycling was only mentioned by one speaker at the public hearing who explained that certain plastics were more suited than others to forms of chemical recycling. He considered that the use of chemical recycling requires making certain compromises. Firstly, this type of recycling has a greater environmental impact than mechanical recycling, in particular in terms of its carbon footprint. Secondly, it is particularly costly, especially compared to the production of virgin plastics using conventional petrochemical technologies.

[40] The textile industry represents 14.2% of total plastic production. Synthetic fibres account for almost 2/3 of the textile fibres market. 2.8 billion textile products were placed on the French market in 2021, representing 715,290 tonnes.

[41] All the stages in the life cycle are taken into account, "from cradle to grave", namely the extraction of the raw materials necessary to make the product, its distribution, its use as well as its collection at the end of its life and the management of its disposal.

[42] For example between Regulation (EC) No 1907/2006 of the European Parliament and of the Council of 18 December 2006 concerning the Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals) and Commission Regulation (EU) No 10/2011 of 14 January 2011 on plastic materials and articles intended to come into contact with food. In the latter Regulation, bisphenol A is included in the list of substances authorised in the manufacturing of materials intended to come into contact with food with a specific migration limit set in 2015 at 0.05 mg/kg of food.

[43] See Polyvia. Plastics, the low-carbon asset. The plastics industry, a committed and responsible industry of the future, 10 March 2022.

[44] The concentrations of plastics vary from 678 particles per m2 for those between 0.5 and 5 mm inclusive to 3.5 per km2 for waste fragments larger than 50 cm.

[45] Statistics of Plastics Europe.

[46] Ensure availability and sustainable management of water and sanitation for all is the 6th sustainable development goal adopted by 193 countries at the UN in 2015, which is supposed to be reached by 2030.