—  1  —

N° 1291

______

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 31 mai 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens

à la vie démocratique

 

PAR M. Benjamin SAINT-HUILE

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voir le numéro : 1157.

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................ 5

Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er (art. L. 57, L. 58 et L. 65 du code électoral) Prise en compte du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés

Article 2 (art. L. 1 et L. 86-1 [nouveau] du code électoral) Mise en place du vote obligatoire

Article 3 (art. L. 9 et L. 11 du code électoral) Extension de l’inscription automatique sur les listes électorales

Article 3 bis (nouveau) Demande de rapport d’évaluation de la loi de la loi n° 2016‑1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales

Article 4 Gage financier

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


—  1  —

 

Mesdames, Messieurs,

 

La présente proposition de loi, que le groupe Liberté, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) a choisi d’inscrire à l’ordre du jour du 8 juin 2023, vise à mettre le fonctionnement de notre vie démocratique au cœur des débats de l’Assemblée nationale. Cette question est indissociable de deux autres textes défendus à cette occasion : la proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite ([1]), d’une part, et la proposition de loi visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières ([2]), d’autre part.

Il s’agit de répondre à trois problèmes indissociables : permettre au Parlement de se prononcer enfin sur une réforme qui engage la vie de millions de Français, alors qu’il en a été privé jusqu’à maintenant par l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ; démontrer qu’il existe d’autres manières de financer le régime des retraites ; rétablir la légitimité des élus et la confiance des citoyens dans ceux-ci par une modernisation du déroulement des élections.

Le constat qui a motivé cette proposition de loi est partagé : scrutin après scrutin, la participation diminue. Elle n’était que de 46 % lors du second tour des élections législatives, ce qui questionne la capacité des élus à être les porte-parole des citoyens. Plus inquiétant encore, les études récentes indiquent que certaines catégories de la population sont davantage exclues que d’autres du processus électoral, soit parce que leur vote n’est pas pris en compte dans les résultats, soit qu’elles sont peu ou mal inscrites sur les listes électorales.

Toute la classe politique est concernée et le fossé qui se creuse entre les Français et leurs élus implique la réforme de nos institutions et, au-delà, de notre fonctionnement démocratique. Cette réflexion se déroule dans un contexte particulier, marqué par des tensions sociales et politiques, que certains n’hésitent pas à qualifier de « crise démocratique ». Les promesses quant à une hypothétique réforme des institutions ne suffisent plus pour répondre à l’impatience des citoyens.

Le présent texte propose trois réformes : la reconnaissance du vote blanc parmi les suffrages exprimés, le vote obligatoire et l’inscription automatique sur les listes électorales. Beaucoup d’autres sujets auraient pu être abordés : mise en place d’un mode de scrutin proportionnel, vote à 16 ans, démocratie directe etc. L’exercice de la niche parlementaire exige des dispositifs ciblés et cohérents. C’est l’objectif que poursuit cette proposition de loi.

 L’article 1er vise à mieux reconnaître le vote blanc car se déplacer pour voter ne doit pas être vain même lorsqu’on ne souhaite pas donner sa voix à un candidat ou à un parti. Il s’agit également de reconnaître les expressions plurielles des électeurs, y compris lorsqu’elles manifestent un rejet ou une colère, et de donner ainsi envie aux abstentionnistes de revenir vers les bureaux de vote.

Nous proposons de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés, ce que ne permet pas la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections, qui s’est contenté de le comptabiliser séparément des bulletins nuls.

Une telle intégration aux suffrages exprimés ne doit pas avoir d’effet sur la répartition des sièges – en créant des postes vacants – ni sur la possibilité pour les formations minoritaires d’accéder aux remboursements de leurs frais de campagne ou au droit de fusionner leur liste avec l’une de celles retenues au second tour. En revanche, elle doit permettre de refléter la représentativité des élus et elle prendrait tout son sens avec la mise en place du vote obligatoire proposé à l’article 2.

Dans la perspective d’inciter les électeurs à se rendre aux urnes, l’article 1er donne un effet direct aux votes blancs, celui de permettre l’annulation de l’élection dès lors qu’ils atteignent plus de la moitié des suffrages exprimés. Cette situation est d’ordre théorique mais elle offre une solution en cas de désaccord massif entre candidats et électeurs. Un nouveau scrutin serait organisé dans un délai relativement court – entre vingt et quarante jours – ce qui permet d’éviter une vacance du pouvoir trop longue. Par ailleurs, en cas de nouveau scrutin, le mécanisme ne s’appliquerait plus, de manière à ne pas entraîner une nouvelle invalidation.

 L’article 2 consiste à instaurer le vote obligatoire. Dès lors que le vote blanc est pleinement reconnu, il ne semble pas incongru d’imposer aux citoyens de se déplacer pour donner leur avis, fût-ce au moyen d’un bulletin blanc. Le vote obligatoire présente bien évidemment des difficultés car il semble faire peser de manière presque accusatoire sur les électeurs la responsabilité des difficultés que rencontre la démocratie française. Cela choque ceux qui considèrent que le vote est uniquement un droit et ne saurait devenir un devoir, a fortiori assorti d’une sanction.

Pourtant, l’abstention est un phénomène qui aggrave les injustices car elle exclut plus particulièrement les jeunes, qui sont souvent mal inscrits sur les listes électorales, et les catégories sociales les plus fragiles, qui s’informent moins et ont le sentiment qu’on ne s’intéresse plus à leur situation.

Le vote obligatoire serait un moyen de rattacher tous les citoyens à la vie démocratique. Cela forcerait – enfin – les candidats à parler à tout le monde et non plus seulement à leur électorat-cible. L’augmentation de la participation aurait également pour effet de renforcer considérablement la légitimité des élus et, partant, leur capacité à prendre des décisions.

Tous les pays où le vote est obligatoire ont mis en place une sanction – appliquée avec plus ou moins de sévérité – et connaissent des taux de participation bien plus élevés qu’en France. L’article 2 propose une sanction modérée, presque symbolique, correspondant à une contravention de première classe, d’un montant de 11 euros.

 L’article 3 concerne l’inscription sur les listes électorales. L’un des principaux freins à la participation est la non-inscription ou la mauvaise inscription sur les listes électorales. Ce sont près de sept millions de personnes qui seraient concernées. La France est l’un des seuls pays, avec les États-Unis, à imposer une telle démarche préalable au vote.

La création du répertoire électoral unique (REU) et l’inscription d’office des jeunes majeurs et des étrangers naturalisés, par la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales a permis de rehausser le taux d’inscription. C’est la preuve de la nécessité de rendre l’inscription sur les listes électorales automatique, en laissant le soin au maire d’apprécier les cas dans lesquels les électeurs souhaitent s’inscrire dans une autre commune que celle de leur domicile.

 

Au terme des débats devant la commission des Lois, la proposition de loi a été adoptée ainsi modifiée :

– les articles 1er et 2 ont été rejetés ;

– l’article 3 a été réécrit pour que ne soit rendue automatique que la demande de changement de liste électorale en cas de signalement d’un déménagement à l’administration ;

– un article 3 bis a été introduit pour demander au Gouvernement la remise d’un rapport d’évaluation de la loi du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales ;

– l’article 4, portant gage, a été adopté sans modification.

*

*     *

 

 


—  1  —

   Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. L. 57, L. 58 et L. 65 du code électoral)
Prise en compte du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que les bulletins blancs sont comptabilisés parmi les suffrages exprimés pour l’ensemble des élections, à l’exception des élections présidentielles. Lorsque les bulletins blancs représentent plus 50 % des suffrages, l’élection est annulée et réorganisée entre vingt et quarante jours après. Par ailleurs, il impose la mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote.

Ces mesures encourageront les citoyens qui ne souhaitent pas s’exprimer en faveur d’un candidat ou d’une liste parmi ceux qui lui sont proposés de ne pas renoncer à exercer leur droit de vote.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections a permis la comptabilisation distincte des votes blancs et des votes nuls, indépendamment des suffrages exprimés.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a rejeté le présent article.

1.   État du droit

a.   Prise en compte du vote blanc en France

Le vote blanc se distingue de l’abstention (absence de vote) et du vote nul (vote non valable). Les trois catégories sont comptabilisées distinctement et n’entrent pas dans le calcul des suffrages exprimés.

En application de l’article L. 65 du code électoral, un bulletin est blanc lorsque l’enveloppe est vide ou que le bulletin est sans inscription. Il est considéré comme nul lorsque l’enveloppe contient plusieurs bulletins différents ([3]), un bulletin déchiré, modifié, raturé ; un bulletin au nom d’un candidat ou d’une liste non enregistré ou autre chose qu’un bulletin.

Le vote blanc est apparu dans l’histoire politique française avec la loi du 18 Ventôse an VI, qui a mis en place le vote par bulletin en remplacement du vote à main levée. Par un avis rendu le 16 décembre 1806, le Conseil d’État a précisé que les « billets blancs » devaient être retranchés des votes émis, et ne pas être comptabilisés dans le calcul de la majorité absolue ([4]).

Le double principe d’exclusion des bulletins blancs des suffrages exprimés et d’assimilation des bulletins blancs et nuls a été formalisé par un décret de 1852 qui prévoyait que « les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante, ou dans lesquels les votants se font connaître, n’entrent point en compte dans le résultat du dépouillement, mais ils sont annexés au procès-verbal » ([5]). L’assimilation des votes blancs et nuls ainsi que leur exclusion de la catégorie des suffrages exprimés ont été ensuite confirmées par la loi du 29 juillet 1913 ([6]).

La loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections a modifié l’article L. 65 du code électoral. Il prévoit désormais que : « Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. » Cette disposition a été appliquée pour la première fois à l’occasion des élections européennes de 2014. Les chiffres sont publiés par le ministère de l’Intérieur en proportion des inscrits et des votants – les seconds étant plus pertinents.

 

Résultats des votes blancs en France, depuis sa distinction des votes nuls

                                                                    (% du nombre de votants)

Élection

Premier tour

Second tour

Européennes 2014

2,77 %

Départementales 2015

3,29 %

5,72 %

Régionales 2015

2,41 %

2,80 %

Présidentielle 2017

1,78 %

8,51 %

Législatives 2017

1,54 %

6,93 %

Européennes 2019

2,33 %

Présidentielle 2022

1,51 %

6,37 %

Source : Ministère de l’intérieur

Depuis 2014, les chiffres sont restés relativement stables. Ils montrent, logiquement, que la part des votes blancs est plus élevée au second tour qu’au premier puisque les électeurs ont moins de choix, en particulier à l’occasion des élections présidentielles. Le vote blanc semble donc identifié par une partie du corps électoral comme un moyen utile, distinct de l’abstention, de signaler son désaccord avec l’offre politique.

Toutefois, les chercheurs s’accordent pour dire que cette reconnaissance intermédiaire du vote blanc – comptabilisé mais exclu des suffrages exprimés – n’a pas apporté de changement majeur. Dans un article relatif aux effets de la loi de 2014, Mme Valérie Amalric constatait : « Tout en reconnaissant symboliquement le vote blanc, par sa prise en compte dans le résultat du dépouillement et sa mention spéciale dans les résultats du scrutin, [le législateur] a choisi de l’exclure des suffrages exprimés afin qu’il n’ait pas d’influence significative, éventuellement bloquante, sur le résultat du scrutin » ([7]). En d’autres termes, il constitue pour certains « un couteau sans manche ni lame, un instrument décoratif destiné à communiquer plus qu’à gouverner » ([8]).

La distinction entre les votes blancs et les votes nuls peut par ailleurs être contestée. Pour Mme Aurélia Troupel, auditionnée par votre Rapporteur, les électeurs qui votent blanc et ceux qui votent nul ne font pas toujours la distinction entre les deux alors qu’ils sont souvent dans la même démarche contestataire. Paradoxalement, la reconnaissance spécifique du vote blanc a pu affaiblir la visibilité de cette part de l’électorat et aggraver sa frustration.

b.   Le vote blanc ailleurs en Europe et dans le monde

L’Espagne est le seul pays européen qui considère les votes blancs comme des suffrages exprimés. Ils sont pris en compte pour déterminer si un parti a franchi ou non le seuil électoral, rendant ainsi l’atteinte de ce seuil plus difficile. En revanche, les bulletins blancs sont exclus du calcul de répartition des sièges à pourvoir. Malgré cette reconnaissance, lors des dernières élections générales, les bulletins blancs ne représentaient que 0,90 % des suffrages exprimés.

Plusieurs pays ont choisi de fixer des règles particulières lorsque la part des votes blancs atteint un seuil critique. Ainsi, au Pérou, le scrutin est annulé lorsque les deux tiers des électeurs votent blanc. En Colombie, cette règle s’applique lorsque les votes blancs atteignent 50 % des suffrages exprimés – les candidats ne peuvent alors pas se représenter.

2.   Le dispositif proposé

a.   Un outil de lutte contre l’abstention

Dans son roman La Lucidité, le prix Nobel de littérature portugais, José Saramago imagine une élection lors de laquelle 80 % des électeurs votent blanc pour exprimer leur mécontentement, remettant profondément en question le système politique en place. Sans prétendre atteindre de tels niveaux, la reconnaissance pleine et entière du vote blanc serait un moyen de permettre aux citoyens d’exprimer leur désaccord avec l’offre politique et d’être mieux pris en compte dans le processus électoral. Lors de son audition, M. Jean-Yves Dormagen a insisté sur le contexte politique actuel de « tripartition » de l’électorat qui prive près d’un tiers des électeurs de leur candidat au second tour.

Cet outil est susceptible, avec les autres dispositions de la proposition de loi, de réduire l’abstention en donnant à chaque voix un poids dans le résultat final alors que, comme l’a souligné Mme Aurélia Troupel lors de son audition, les chiffres des votes blancs et nuls sont aujourd’hui moins commentés que ceux de l’abstention.

Un rapport parlementaire publié à l’occasion de l’examen de l’une des multiples propositions de loi déposées pour reconnaître le vote blanc parmi les suffrages exprimés citait le professeur Guy Carcassonne qui estimait indispensable « que les électeurs assez sophistiqués qui font un tel choix ne soient plus comptabilisés en vrac avec les distraits ou les imbéciles » ([9]).

Cette mesure fait en outre l’objet d’une adhésion très forte de la part des Français. En 2017, 86 % d’entre eux se disaient favorables à ce que le vote blanc soit comptabilisé dans les suffrages exprimés ([10]).

b.   La prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés

Le 3° de l’article 1er indique, à l’article L. 65 du code électoral, que « les bulletins blancs sont pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés ».

Cela signifie qu’il sera plus difficile d’atteindre les seuils exprimés en part des électeurs (par exemple pour se maintenir au second tour, pour participer à la répartition des sièges ou encore pour pouvoir fusionner des listes de candidats). Les bulletins ne seraient en revanche pas pris en compte pour la répartition des sièges, au risque de laisser des sièges vacants.

Le dispositif tel qu’il est rédigé ne pourra pas s’appliquer à l’élection présidentielle même si les articles L. 58 et L. 65 du code électoral sont mentionnés premier alinéa du II de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel ([11]). En effet, ces dispositions ont valeur organique et son article 4 précise dans quelle rédaction les articles du code électoral cités sont applicables aux élections présidentielles. La modification de l’article 4 ne pourrait passer que par une loi organique.

Une telle exclusion est par ailleurs nécessaire dès lors que l’application des modifications apportées par la proposition de loi pourrait conduire à une impasse. L’article 7 de la Constitution prévoit que « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés ». Or la prise en compte des votes blancs pourrait conduire à une absence de majorité absolue. Cela aurait été le cas en 2012 car François Hollande aurait obtenu 48,6 % des suffrages en comptabilisant les votes blancs.

Estimation des Résultats des élections présidentielles en cas de prise en compte du vote blanc parmi les suffrages exprimés

 

Sans vote blanc

Avec vote blanc

Présidentielles 2012

François Hollande

Nicolas Sarkozy

Total

François Hollande

Nicolas Sarkozy

Votes blancs ou nuls *

Total

51,64 %

48,36 %

100 %

48,64 %

45,55 %

5,85 %

100 %

Présidentielles 2017

Emmanuel Macron

Marine Le Pen

Total

Emmanuel Macron

Marine Le Pen

Vote blanc

Total

66,10 %

33,90 %

100 %

60,48 %

31,02 %

8,51 %

100 %

Présidentielles 2022

Emmanuel Macron

Marine Le Pen

Total

Emmanuel Macron

Marine Le Pen

Vote blanc

Total

58,55 %

41,45 %

100 %

54,80 %

38,80 %

6,37 %

100 %

Source : Ministère de l’intérieur

* Avant les élections européennes de 2014, les votes blancs et nuls sont comptabilisés ensemble.

Une modification de la Constitution serait donc nécessaire pour que le présent article puisse s’appliquer à l’élection présidentielle. Une proposition de loi constitutionnelle en ce sens avait été examinée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale le 31 mars 2021 ([12]).

c.   Adaptation des règles applicables au déroulement du scrutin

L’article 1er de la proposition de loi précise également les conséquences de cette reconnaissance du vote blanc sur le déroulement du scrutin.

● Son modifie l’article L. 58 pour prévoir la mise à disposition de bulletins vierges aux électeurs dans les bureaux de vote.

● Son rétablit un article L. 57 afin de préciser les conséquences de la présence majoritaire de vote blanc parmi les suffrages exprimés. Dans le cas où les bulletins blancs représenteraient plus de 50 % des suffrages, l’élection est annulée. Cette annulation donne lieu à l’organisation d’un nouveau scrutin entre vingt et quarante jours plus tard. Ce délai reprend celui prévu à l’article 12 de la Constitution en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. Pour M. Jean-Yves Dormagen, le fait de donner cette perspective aux électeurs peut être un levier de mobilisation des abstentionnistes. Afin de ne pas mettre en péril la stabilité des institutions, le deuxième alinéa de l’article prévoit que la même élection ne peut pas être annulée deux fois de suite, même si le niveau de bulletins blancs reste supérieur à 50 %.

3.   Position de la Commission

La commission des Lois a rejeté le présent article.

 

*

*     *

Article 2
(art. L. 1 et L. 86-1 [nouveau] du code électoral)
Mise en place du vote obligatoire

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à rendre le vote obligatoire pour l’ensemble des élections, à l’exception des élections présidentielles. Il prévoit une amende forfaitaire en cas d’abstention.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a rejeté le présent article.

 

1.   État du droit

a.   En France, si le vote obligatoire n’est pas dans l’ADN constitutionnel, rien ne s’y oppose juridiquement

i.   Droit de vote ou devoir de vote ?

D’un point de vue philosophique, le choix de rendre le vote obligatoire ou facultatif rejoint la question de l’exercice de la souveraineté. Comme l’écrit William Benessiano, « en analysant l’acte que fait l’électeur lorsqu’il vote, deux choses apparaissent : il est à la fois l’accomplissement d’un devoir envers la société, et l’exercice d’un droit individuel » ([13]).

Les partisans de la souveraineté nationale, héritiers de l’abbé Sieyès, considèrent que la souveraineté appartient à la nation et que l’électeur a pour rôle d’exprimer la volonté de celle-ci. Cette théorie de « l’électorat-fonction » fait du droit de vote un devoir du citoyen envers la collectivité.

Les penseurs de la nation Française, au premier rang desquels Ernest Renan, ont ainsi considéré que la nation existait par-delà les individualités des citoyens et persistait dans le temps. Les citoyens ne sont donc pas propriétaires de la souveraineté mais ont le devoir de l’exercer temporairement, de génération en génération, pour la maintenir vivante.

Pour les partisans de la souveraineté populaire, chaque citoyen détient une part de la souveraineté et l’exprime par l’intermédiaire de son vote et de ses élus. Cette conception est indissociable du suffrage universel mais chaque citoyen reste libre de voter ou de ne pas voter.

Toutefois, cette théorie dite de « l’électorat-droit » n’exclut pas entièrement le vote obligatoire. Car même si elle considère le vote avant tout comme un droit, elle regarde comme souhaitable qu’il soit utilisé pour que le peuple soit fidèlement représenté et fasse valoir ses droits. Ainsi les thèses de Jean-Jacques Rousseau ne sont pas incompatibles avec le vote obligatoire : « C’est la volonté générale qui fait la loi. Or la volonté générale n’est que la réunion des volontés individuelles : il faut donc que tous les individus concourent au vote de la loi » ([14]).

En tout état de cause, le droit de suffrage n’est pas un droit comme les autres. Selon Paul Lafitte : « La société juge utile que le citoyen possède ce droit, non dans un intérêt privé, mais dans un intérêt public : elle peut donc le mettre en demeure de l’exercer » ([15]).

Ainsi, la réflexion sur le vote obligatoire existe depuis longtemps et trouve des fondements solides dans la philosophie politique. Ce débat est vivant, en témoignent les nombreuses propositions de loi – de tous bords politiques ([16]) – déposées en ce sens en France, sans jamais avoir été adoptées, et les expériences menées dans de nombreux pays.

ii.   Le principe de liberté de vote ne s’oppose pas au vote obligatoire

La Constitution de 1958 indique à son article 3 que « le suffrage […] est toujours universel, égal et secret ». Elle ne mentionne pas expressément la notion de liberté de vote, ni a fortiori un quelconque droit à l’abstention.

En l’état du droit, les citoyens français sont en droit de ne pas aller voter, sans encourir de sanction. Ils peuvent également se rendre aux urnes sans se prononcer en faveur de l’un des candidats, soit en votant blanc, soit en votant nul ([17]).

La Constitution précise également que le législateur est donc bien compétent en la matière, son article 34 prévoyant que « la loi fixe les règles concernant […] le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ».

Rien ne semble donc s’opposer juridiquement à l’instauration du vote obligatoire, qui existe d’ailleurs pour les élections sénatoriales.

Une exception : les élections sénatoriales

Les seules élections pour lesquelles le vote est obligatoire sont les élections sénatoriales qui se déroulent au suffrage indirect puisque le corps électoral est composé d’élus et de délégués désignés par les conseils municipaux ([18]). Les grands électeurs ont l’obligation de participer au vote qui se déroule au siège de la préfecture du département. L’article L. 318 du code électoral prévoit les modalités de sanction des grands électeurs qui s’abstiennent : « Tout membre du collège électoral qui, sans cause légitime, n’aura pas pris part au scrutin, sera condamné à une amende de 100 euros par le tribunal judiciaire du chef-lieu, sur les réquisitions du ministère public ». Cette amende était, avant 2004, de 30 francs puis de 4,50 euros.

b.   Le vote obligatoire existe dans certains pays

Plusieurs pays ont ainsi mis en place le vote obligatoire assorti d’une sanction financière ou administrative. Si les partisans du vote obligatoire ont envisagé diverses sanctions de l’abstention – la non-représentation des circonscriptions les plus abstentionnistes ([19]), l’affichage des noms des abstentionnistes ([20]) ou encore une sanction financière couvrant les frais d’organisation du scrutin ([21]) – la peine d’amende est finalement la solution la plus communément retenue, parfois accompagnée du retrait de certains droits civiques en cas de récidive. Certains pays ont également choisi de sanctionner l’absence d’inscription sur les listes électorales.

Taux de participation aux dernières élections
dans les pays où le vote est obligatoire

 

Élections

Taux de participation

Belgique

Législatives 2019

90,01 %

Luxembourg

Législatives 2018

89,61 %

Turquie

Présidentielles 2018

86,24 %

Australie

Fédérales 2022

89,82 %

Équateur

Présidentielles 2021

89,83 % **

Brésil *

Présidentielles 2022

79,42 %

Argentine *

Présidentielles 2019

81,31 % **

* Vote obligatoire de 18 à 70 ans.                                           ** Au second tour

● La Belgique a institué l’obligation de vote, assortie d’une sanction, en même temps que le suffrage universel, à l’article 48 de la Constitution révisée du 7 septembre 1893. L’article 210 du code électoral belge prévoit qu’une « première absence non justifiée est punie, suivant les circonstances, d’une réprimande ou d’une amende de cinq à dix euros. En cas de récidive, l’amende sera de dix à vingt-cinq euros ». Le même article prévoit la privation de certains droits en cas de récidive : « Si l’abstention non justifiée se produit au moins quatre fois dans un délai de quinze années, l’électeur est rayé des listes électorales pour dix ans et pendant ce laps de temps, il ne peut recevoir aucune nomination, ni promotion, ni distinction, d’une autorité publique ». En pratique, ces sanctions ne sont pas appliquées mais le taux de participation est l’un des plus élevés d’Europe (voir tableau ci-dessus) ;

● Au Luxembourg, les lois électorales disposent que « le vote est obligatoire pour tous les électeurs inscrits sur les listes électorales ». Le montant des amendes en cas d’abstention est élevé : de 100 à 250 euros pour une première abstention non justifiée, de 500 à 1 000 euros en cas de récidive dans les cinq ans suivant la première faute. Plusieurs motifs peuvent permettre d’accéder au vote par correspondance (raisons professionnelles, déménagement récent, état de santé, âge etc.).

● En Australie, le vote est obligatoire lors des élections nationales depuis 1924. L’article 101 de la loi électorale rend également l’inscription sur les listes électorales obligatoire à partir de l’âge de dix-huit ans et l’article 245 précise que tout électeur a l’obligation de voter lors de chaque élection nationale. Les électeurs non-inscrits sur les listes électorales encourent une amende équivalente à 30 euros et ceux qui s’abstiennent une amende équivalente à 12 euros ;

● Au Brésil, la Constitution oblige les citoyens de 18 à 70 ans à voter pour l’ensemble des élections, y compris lorsqu’ils sont expatriés. L’obligation ne s’applique pas aux Brésiliens ayant entre 16 et 18 ans ou ayant plus de 70 ans, ni aux soldats. Il reste possible de s’abstenir en se justifiant auprès du tribunal régional électoral. La sanction monétaire est légère (environ deux euros) mais la sanction administrative est très lourde : après trois abstentions consécutives, la carte électorale est retirée, ce qui empêche de devenir fonctionnaire, de recevoir de l’argent de l’État, d’obtenir un passeport ou encore un crédit dans une banque étatique. M. Jean-Yves Dormagen et Mme Céline Braconnier, qui ont étudié sur place le déroulement des élections, ont pu constater que le vote obligatoire incitait les classes les plus populaires à aller voter mais aussi qu’il obligeait les candidats à prendre en compte cette population au cours de leur campagne ([22]).

2.   Le dispositif proposé

a.   Mise en place du vote obligatoire

Le présent article vise à rendre le vote obligatoire à l’ensemble des élections au suffrage direct. Il intervient en complément de l’article 1er puisque, dès lors que le vote est obligatoire, il apparaît nécessaire de prendre en compte dans les résultats les voix des électeurs qui ont glissé un bulletin blanc dans l’urne.

Le vote obligatoire n’oblige pas l’électeur à choisir l’un des candidats mais à se déplacer pour se prononcer et participer à la vie démocratique du pays. Le vote deviendrait à la fois un droit et un devoir citoyens. Il ne s’agit pas de forcer les électeurs à se déplacer, mais plutôt de les encourager à s’intéresser au débat dès lors qu’ils devront in fine donner leur avis – fut-ce en votant blanc. Les candidats seront également tenus de s’adapter en s’adressant à l’ensemble de la population et non plus aux électeurs qui participent. Pour mémoire, lors du second tour des élections législatives, 70 % des 18-34 ans se sont abstenus, contre 35 % des plus de 60 ans.

Votre Rapporteur est convaincu que les candidats élus y gagneront en légitimité.

Profil des abstentionnistes
(deuxième tour des élections législatives de 2022)

Elections législatives 2022 : la France massivement abstentionniste, une  donnée devenue structurelle

Source : Enquête Ipsos – Sopra Steria dans Le Monde, 20 juin 2022

D’autre part, le fait de rendre le vote obligatoire implique un engagement supplémentaire de l’État pour s’assurer que toutes les personnes puissent voter. Il sera nécessaire de s’assurer de leur inscription sur les listes électorales ([23]), de garantir leur déplacement jusqu’au bureau de vote ou qu’elles puissent voter par procuration ou par correspondance. Ces difficultés excluent aujourd’hui de nombreux électeurs.

L’adoption d’une loi organique modifiant l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel sera nécessaire pour que cette obligation soit également applicable à l’élection présidentielle

b.   Sanction en cas d’abstention

Dans la perspective de faire respecter l’obligation de voter, le présent article prévoit, comme c’est l’usage dans les autres pays qui la pratiquent, une sanction. Il s’agit de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe. Celle-ci s’établirait, en application de l’article 131-13 du code pénal, à 38 euros au plus. Son niveau précis pourra être déterminé par le pouvoir réglementaire, compétent pour ce niveau de contravention.

Afin d’éviter la surcharge des parquets et des tribunaux de police, il est prévu, comme en matière routière ou environnementale, qu’une amende forfaitaire puisse être prononcée. L’article 529 du code de procédure pénale indique que « pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire qui est exclusive de l’application des règles de la récidive ». Le législateur peut également décider d’inscrire de prévoir une amende forfaitaire pour une contravention qu’il crée.

Code de procédure pénale (extraits)

Article 529

Pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire qui est exclusive de l’application des règles de la récidive.

Toutefois, la procédure de l’amende forfaitaire n’est pas applicable si plusieurs infractions, dont l’une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, ont été constatées simultanément ou lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit.

Article 529-1

Le montant de l’amende forfaitaire peut être acquitté soit entre les mains de l’agent verbalisateur au moment de la constatation de l’infraction, soit auprès du service indiqué dans l’avis de contravention dans les quarante-cinq jours qui suivent la constatation de l’infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l’intéressé, dans les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi.

Article 529-2

Dans le délai prévu par l’article précédent, le contrevenant doit s’acquitter du montant de l’amende forfaitaire, à moins qu’il ne formule dans le même délai une requête tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l’avis de contravention. Dans les cas prévus par l’article 529-10, cette requête doit être accompagnée de l’un des documents exigés par cet article. Cette requête est transmise au ministère public.

À défaut de paiement ou d’une requête présentée dans le délai de quarante-cinq jours, l’amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public en vertu d’un titre rendu exécutoire par le ministère public.

Conformément au barème établi par l’article R. 49 du code de procédure pénale, le niveau de l’amende forfaitaire serait alors de 11 euros. Elle doit être réglée dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi de l’avis de contravention ([24]). Au-delà de ce délai, le montant de l’amende est majoré au montant fixé par le pouvoir réglementaire dans la limite de 38 euros ([25]). Le contrevenant peut contester l’amende en formulant une requête tendant à son exonération auprès du trésor public ([26]) .

Votre Rapporteur écarte l’option d’une privation de certains droits civiques pour les abstentionnistes, y compris en cas de récidive.

3.   Position de la Commission

La commission des Lois a rejeté le présent article.

 

*

*     *

Article 3
(art. L. 9 et L. 11 du code électoral)
Extension de l’inscription automatique sur les listes électorales

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à rendre automatique l’inscription de toute personne disposant du droit de vote sur la liste électorale de la commune de son domicile. Elle maintient la possibilité, par dérogation, de voter dans une autre commune sous certaines conditions.

Cette mesure vise à résoudre le problème de la non-inscription et de la mal-inscription qui est un facteur d’abstention.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 1er de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales a rendu automatique l’inscription sur les listes électorales des jeunes à leur majorité et des étrangers au moment de leur acquisition de la nationalité française. Elle a également créé le répertoire électoral unique et réduit le délai entre l’inscription sur les listes électorales et le scrutin.

       Modifications apportées par la Commission

La commission des Lois a adopté trois amendements identiques tendant à la réécriture de l’article.

La nouvelle rédaction de l’article 3 prévoit que tout signalement de changement d’adresse à l’administration vaut demande de changement de liste électorale, sauf refus express de l’électeur.

1.   État du droit

a.   La procédure d’inscription sur les listes électorales est un obstacle persistant à la participation des citoyens

Le présent article vise à lutter contre l’abstention en limitant la non-inscription et la mal-inscription sur les listes électorales. La non-inscription désigne l’absence d’inscription tandis que la mal-inscription, concept développé par Mme Céline Braconnier et M. Jean-Yves Dormagen, peut se définir comme le fait de ne pas résider dans le périmètre de son bureau de vote.

Le rapport de la mission d’information visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale ([27]) indiquait : « Selon l’Insee, 94 % des Français en âge de voter sont inscrits sur une liste électorale communale, en métropole ou dans les départements d’outre-mer ([28]). Ce taux est relativement stable : il s’élevait à 93 % en 2012, soit une légère augmentation au cours de la dernière décennie ([29]). Ces 6 % de “ non-inscrits ” représentent environ 3 millions de personnes. Par ailleurs, une étude a estimé à environ 6,5 millions de personnes le nombre de “  mal-inscrits ” en 2012, sur un corps électoral de 43,2 millions d’inscrits, soit 15,1 % des inscrits sur les listes électorales ([30]) ».

Estimation de la mal-inscription en France (2012)

(en % des inscrits)

Bien-inscrits

84,8 %

Mal-inscrits intracommunaux

5,2 %

Mal-inscrits dans le département de résidence

5,4 %

Mal-inscrits dans la région de résidence

1,8 %

Mal-inscrits dans une autre région

2,8 %

Total

100 %

Source : Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, op. cit.

Les personnes mal inscrites ne s’abstiennent pas toutes mais les études démontrent une abstention environ trois fois supérieure à la moyenne nationale alors même que cela peut concerner des électeurs qui souhaitent participer ([31]). Ces chiffres sont antérieurs à la mise en place de l’inscription automatique des jeunes majeurs et à la création du répertoire électoral unique (REU) ([32]).

Lors de leur audition, Mme Céline Braconnier et M. Jean-Yves Dormagen ont souligné que ce phénomène concerne en premier lieu les populations les plus mobiles à savoir les jeunes, notamment les étudiants et les cadres. Quant à la non-inscription, souvent par manque d’information, elle concerne plutôt les classes populaires et faiblement diplômées. En conséquence, les problèmes liés à l’inscription sur les listes électorales créent un biais de représentativité puisqu’elle ne se répartit pas de manière égale entre les électorats.

b.   L’inscription sur les listes électorales n’est pas automatique pour la plupart des électeurs

i.   Une inscription obligatoire mais sur demande et à l’avance

En application de l’article L. 9 du code électoral, « l’inscription sur les listes électorales est obligatoire », mais cette obligation n’est associée à aucune sanction car il ne s’agit que d’une obligation préalable, indispensable pour exercer son droit de vote le jour du scrutin.

Pour s’inscrire sur les listes électorales, un électeur doit être majeur, de nationalité française – ou européenne pour certains scrutins – et disposer de ses droits civiques. La démarche peut désormais se faire en ligne, sur place ou par courrier.

Le délai entre l’inscription et le scrutin a été réduit par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. Il est possible de s’inscrire jusqu’au sixième vendredi qui précède le premier tour au plus tard (contre le 31 décembre de l’année précédant le scrutin auparavant) ([33]). Ce délai est même reporté au dixième jour avant le premier tour si l’électeur est dans une situation particulière (jeune de 18 ans sans recensement citoyen, déménagement, acquisition de la nationalité française, droit de vote recouvré) ([34]).

L’existence d’un tel délai pose toutefois encore difficulté puisqu’elle ne permet pas à un électeur de se décider quelques jours avant le scrutin. Lors de son audition Mme Céline Braconnier a insisté sur cette spécificité française, qui n’est partagée qu’avec les États-Unis, consistant à exiger une inscription préalable pour pouvoir exercer son droit de vote. Cette procédure vise avant tout à limiter les risques de fraude (voir encadré ci-dessous).

Sanctions pénales en cas de fraude à l’inscription sur les listes électorales

En revanche, l’article L. 10 précise que « Nul ne peut être inscrit sur plusieurs listes électorales ». La fraude à l’inscription fait l’objet de sanctions pénales sévères :

– « Toute personne qui se sera fait inscrire sur la liste électorale sous de faux noms ou de fausses qualités ou aura, en se faisant inscrire, dissimulé une incapacité prévue par la loi, ou aura réclamé et obtenu une inscription sur deux ou plusieurs listes, sera punie d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. » (article L. 86 du code électoral) ;

– « Ceux qui, à l’aide de déclarations frauduleuses ou de faux certificats, se seront fait inscrire ou auront tenté de se faire inscrire indûment sur une liste électorale, ceux qui, à l’aide des mêmes moyens, auront fait inscrire ou rayer, tenté de faire inscrire ou rayer indûment un citoyen, et les complices de ces délits, seront passibles d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros. » (article L. 88 du code électoral) ;

– « Quiconque aura substitué ou imité volontairement une signature sur la liste d’émargement ou aura voté soit en vertu d’une inscription obtenue dans les deux premiers cas prévus par l’article L. 86, soit en prenant faussement les nom et qualités d’un électeur inscrit, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans, et d’une amende de 15 000 euros. » (article L. 92 du code électoral) ;

– « Sera puni de la même peine tout citoyen qui aura profité d’une inscription multiple pour voter plus d’une fois. » (article L. 93 du code électoral).

ii.   L’inscription peut obéir à plusieurs critères différents

Le caractère non-automatique de l’inscription sur les listes électorales s’explique principalement par les différentes possibilités d’inscription s’offrant aux électeurs. En effet, si le critère principal est celui de la domiciliation (1° de l’article L. 11 du code électoral), il est loisible à un électeur de demander son inscription sur la liste électorale d’une autre commune sous réserve du respect de certains critères ([35]) :

 soit le fait d’être inscrit depuis plus de deux ans au rôle des contributions directes communales (2°) ;

 soit le fait d’être gérant ou associé d’une société figurant au rôle de la commune (2° bis) ;

 soit être assujetti à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaire (3°).

Selon les représentants de l’Insee entendus par votre Rapporteur au cours de ses travaux ([36]), le caractère volontaire de l’inscription s’explique également par certaines limites techniques inhérentes au fonctionnement des fichiers existants qui ne permettent pas de recenser les adresses de l’ensemble des citoyens.

Afin d’éviter les inscriptions multiples, l’article L. 11 du code électoral prévoit donc à son I que l’électeur doit faire la demande de son inscription. L’article L. 18 du code électoral indique en conséquence que « le maire vérifie si la demande d’inscription de l’électeur répond aux conditions [et] statue sur cette demande dans un délai de cinq jours à compter de son dépôt. [Il] radie les électeurs qui ne remplissent plus aucune des conditions à l’issue d’une procédure contradictoire ». Cette situation est source de difficultés car chaque commune tient ses propres listes électorales. La radiation peut donc conduire à la non-inscription de l’électeur – si celui-ci n’a pas réalisé les démarches nécessaires dans une autre – tandis que l’absence de radiation peut être synonyme de mal-inscription ou de double inscription si les différentes communes concernées n’ont pas communiqué entre elles.

Article L. 11 du code électoral

« I.- Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande :

1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ;

2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;

bis Ceux qui, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État ;

3° Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaires.

II.-Sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions exigées par la loi, sont inscrites d’office sur la liste électorale de la commune de leur domicile réel, en vue de participer à un scrutin :

1° Sans préjudice du 3° de l’article L. 30, les personnes qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date de ce scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ;

2° Sans préjudice du 4° du même article L. 30, les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française. »

c.   Des progrès récents en faveur de la « bonne inscription »

i.   La création du répertoire électoral unique

Créé par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 et le décret n° 2018-343 du 9 mai 2018, le répertoire électoral unique (REU) a permis la mise à jour à l’échelle nationale des listes électorales à l’initiative, d’une part, des communes qui procèdent aux inscriptions et radiations des électeurs et, d’autre part, de l’Insee, sur la base des informations transmises par l’administration.

Le répertoire électoral unique (REU)

Le répertoire électoral unique (REU) est mis à jour en continu à travers un système de gestion entièrement automatisé.

Les communes envoient directement au REU :

– les inscriptions sur les listes électorales qui ont été validées par le maire ;

– les radiations des listes électorales pour perte d’attache communale dûment constatées par le maire ;

– les radiations volontaires demandées par les électeurs inscrits sur les listes complémentaires ;

– les décisions d’inscription ou de radiation prononcées par les commissions de contrôle.

Les informations équivalentes relatives aux listes électorales consulaires sont échangées à travers un système d’information centralisé géré par le ministère en charge des affaires étrangères.

Par ailleurs, l’Insee met à jour le REU à partir des informations qu’il reçoit d’autres administrations :

– il procède à l’inscription d’office des jeunes qui vont atteindre leur majorité et des personnes majeures qui viennent d’acquérir la nationalité française ;

– il procède à la radiation des personnes décédées, privées de droit de vote par condamnation ou qui ont perdu la nationalité française ;

– il prend en compte les décisions de justice relatives aux inscriptions ou aux radiations sur les listes électorales.

La commission de contrôle s’assure avant chaque scrutin de la régularité de la liste électorale. Elle peut, au plus tard le 21ᵉ jour avant le scrutin, réformer les décisions du maire ou procéder à l’inscription d’un électeur omis ou à la radiation d’un électeur indûment inscrit. La liste électorale ainsi constituée est rendue publique le lendemain de la réunion de la commission de contrôle.

Source : Site de l’INSEE

Afin d’assurer une meilleure gestion du processus électoral et la fiabilisation des listes, le REU a remplacé les 35 500 fichiers tenus indépendamment par chaque commune. Le dispositif garantit l’unicité d’inscription de tout électeur et permet la prise en compte des demandes d’inscription jusqu’à six semaines avant le scrutin.

Il prend également en compte les inscriptions automatiques – via le ministère de la défense pour les jeunes majeurs et via le ministère de l’intérieur pour les étrangers naturalisés – ainsi que les radiations en cas de décès ou de décision de justice.

Ce nouveau système simplifie la gestion des listes électorales par les communes puisqu’il prend automatiquement en charge la retranscription des mouvements d’office que les communes devaient jusqu’à présent reporter elles-mêmes sur leurs listes électorales. Il réduit donc significativement le volume des informations que les communes devaient saisir. Il simplifie également la procédure d’inscription du point de vue des usagers, grâce à un téléservice qui gère les inscriptions, les changements de liste ainsi que les procurations. Il est utilisé pour 60 % des inscriptions annuelles totales ([37]). Les données recueillies dans le fichier servent à l’édition des listes d’émargement mais aussi à l’envoi de la propagande électorale.

En 2022, l’Insee recensait 48,7 millions d’inscrits soit 95 % des Français en âge de voter, soit une augmentation de 856 000 entre mai 2021 et mars 2022. Sur cette période 4 millions de Français ont pu réaliser un changement d’inscription.

ii.   L’inscription d’office existe déjà sous certaines conditions

L’inscription automatique sur les listes électorales existe déjà pour certains électeurs, en application de l’article L. 11 du code électoral :

 Les jeunes qui atteignent la majorité, depuis une loi de 1997 ([38]) et qui ont été recensés lors de la journée défense et citoyenneté ;

 Les étrangers naturalisés français.

Ce dispositif a été mis en œuvre pour ces publics car il s’agit d’une première inscription qui intervient dans le cadre d’une procédure administrative permettant de s’assurer de l’absence de double inscription.

L’article L. 17 du code électoral prévoit que « pour l’application du II de l’article L. 11, l’Institut national de la statistique et des études économiques reçoit les informations nominatives portant sur les nom, prénoms, nationalité, date et lieu de naissance et adresse des personnes concernées et procède directement aux inscriptions dans le répertoire électoral unique ».

Inscrits sur les listes électorales selon l’âge au 9 mars 2022

Tranche d’âge

Effectifs

Taux d’inscription

18-24 ans

5 174 852

99 %

25-29 ans

3 378 223

100 %

30-34 ans

3 471 691

97 %

35-39 ans

3 445 766

92 %

40-44 ans

3 462 778

91 %

45-49 ans

3 594 542

91 %

50-54 ans

3 835 376

93 %

55-59 ans

3 860 826

94 %

60-64 ans

3 684 480

94 %

65-69 ans

3 468 132

94 %

70-74 ans

3 339 666

95 %

75-79 ans

2 306 317

97 %

80-84 ans

1 611 994

94 %

85-89 ans

1 232 332

93 %

90 ans ou plus

859 937

93 %

Ensemble

46 726 912

95 %

Source : Insee, Répertoire électoral unique (REU)

Cette avancée a permis d’atteindre un taux d’inscription proche de 100 % pour les jeunes de moins de 30 ans. Elle présente toutefois des limites, d’abord car les jeunes sont souvent inscrits sur la liste correspondant au domicile de leurs parents alors que nombre d’entre eux partent étudier ailleurs ; ensuite car ils ne sont pas toujours informés de leur inscription et n’ont pas conscience qu’il leur faudra réaliser cette démarche à l’avenir en cas de déménagement.

2.   Le dispositif proposé

a.   Généralisation de l’inscription d’office sur les listes électorales

En premier lieu, l’article 3 précise à l’article L. 9 du code électoral le principe de l’inscription automatique. Il réorganise ensuite l’article L. 11 qui prévoit les conditions d’inscription sur les listes électorales. Il aligne le droit commun sur le dispositif de l’inscription d’office applicable aux jeunes majeurs et aux étrangers naturalisés.

b.   Dérogation au principe de l’inscription sur la liste électorale du domicile

Pour des raisons de praticité, l’inscription automatique serait réalisée sur la commune du domicile réel. Les dérogations à l’inscription sur la liste électorale de son domicile prévues actuellement par le code électoral sont maintenues. L’électeur devra alors en faire la demande, ce qui entraînera sa radiation de la liste électorale de son domicile.

Ces cas seraient désormais prévus au II de l’article L. 11 du code électoral :

– si l’électeur figure pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales, sans y avoir son domicile réel ;

– si, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, il a, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle de la commune ;

– s’il est assujetti à une résidence obligatoire dans la commune en qualité de fonctionnaire.

c.   Mise en œuvre pratique

Il faut distinguer trois cas :

– Le traitement du stock des personnes non-inscrites : il faut d’abord identifier l’absence de la personne sur toute liste électorale, y compris celle de sa commune de domiciliation, puis procéder à son inscription sur la liste de la commune et l’en informer ;

– Le traitement du stock des personnes mal inscrites : lorsque le contrôle mentionné ci-dessus fait apparaître que l’électeur est inscrit dans une autre commune, celui-ci est prévenu qu’il sera réinscrit sur les listes de sa commune de domiciliation, sauf s’il fait parvenir les justificatifs justifiant une dérogation. Afin d’éviter qu’une personne ne reste inscrite sur les listes électorales de plusieurs communes, la personne sera radiée de la liste sur laquelle il était précédemment inscrit.

– Le traitement du flux des personnes qui changent de domicile et risquent d’être mal inscrite : le transfert sur la liste de la commune de domiciliation est réalisé automatiquement à l’occasion du déménagement, à moins que l’électeur concerné fasse valoir l’une des dérogations prévues au II.

Comme l’ont souligné les représentants de l’Insee auditionnés, la complexité de la mise en œuvre du dispositif réside dans la capacité des pouvoirs publics à croiser les différentes informations nécessaires (identité, nationalité, domiciliation) en l’absence de registre réunissant ces informations.

Comme le constatait le rapport précité de MM. Pacôme Rupin et Raphaël Schellenberger : « Toute extension du REU doit répondre à des exigences juridiques encadrant l’interconnexion de fichiers comportant des données à caractère personnel mais aussi à des contraintes techniques destinées à garantir la fiabilité et l’ergonomie de cet outil » ([39]). Elle doit également prendre en compte le risque de cyberattaques.

Votre Rapporteur est conscient de cette exigence. Toutefois, le croisement croissant des informations administratives et leur réutilisation d’une démarche à l’autre (auprès de l’administration fiscale, des organismes de sécurité sociale, de la Poste, des titres sécurisés etc.) devraient permettre d’obtenir les informations souhaitées. Par ailleurs, de nombreuses démarches pourront être l’occasion de procéder à une régularisation de l’inscription. Le ministère de l’Intérieur travaille sur ce sujet mais l’intervention du législateur est nécessaire pour en faciliter la mise en œuvre.

Votre Rapporteur estime qu’il reviendra ensuite au pouvoir réglementaire d’établir les modalités pratiques et techniques pour mettre en œuvre cet article, en coopération avec l’Insee et les différentes collectivités territoriales.

3.   Position de la Commission

La commission des Lois a adopté trois amendements identiques de réécriture globale CL 25, CL 26 et CL 27, déposés respectivement par Mme Marie Guévenoux (Renaissance), M. Philippe Pradal (Horizons) et Mme Élodie Jacquier-Laforge (Démocrate), avec un avis de sagesse de votre Rapporteur.

Ces amendements réduisent la portée de l’article 3 pour maintenir le pouvoir d’appréciation du maire et garantir la faisabilité technique du dispositif. L’article 3 dans la version adoptée par la Commission vise principalement à lutter contre la mal-inscription liée au changement de domicile. Il prévoit que tout signalement de changement de domicile à l’administration, via une téléprocédure, vaut demande de changement de liste électorale. L’électeur conserve un droit d’opposition, notamment s’il souhaite s’inscrire dans l’un des cas prévus au 2° ou au 2° bis de l’article L. 11 du code électoral.

Cette inscription n’est pas automatique et fait l’objet d’une instruction par le maire de la commune du nouveau domicile, comme cela est prévu par l’article L. 18 du code électoral.

*

*     *

Article 3 bis (nouveau)
Demande de rapport d’évaluation de la loi de la loi n° 2016‑1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales

Introduit par la commission

Le présent article a été introduit par l’amendement CL 31 de M. Emmanuel Mandon (Démocrate) avec un avis favorable de votre Rapporteur.

Il demande au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un rapport d’évaluation de la loi n° 2016‑1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.

Cette loi a notamment prévu l’inscription d’office des jeunes majeurs et des étrangers naturalisés français sur les listes électorales. Elle a également créé le répertoire électoral unique. Elle a enfin modernisé les modalités de radiation des listes électorales et facilité la consultation des listes électorales par les citoyens.

Ce rapport, outre l’évaluation de la mise en œuvre des dispositions de cette loi, aura vocation à dresser des pistes d’amélioration, notamment dans le but de réduire la non-inscription et la mal-inscription.

*

*     *

Article 4
Gage financier

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à compenser les éventuelles dépenses résultant des dispositions de la présente proposition de loi : distribution de bulletins supplémentaires, réorganisation de certains scrutins, actualisation des listes électorales et des systèmes informatiques afférents etc.

Le gage financier compense les charges susceptibles de peser sur les collectivités territoriales ainsi que sur l’État.

La commission des Lois a adopté le présent article sans modification.

*

*     *


—  1  —

   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 31 mai 2023, la Commission examine la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1157) (M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dIR782

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons ce matin les trois propositions de loi relevant de la commission des lois inscrites à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT), le jeudi 8 juin.

Nous commençons par la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique, dont M. Benjamin Saint-Huile a été désigné rapporteur. Ce texte est inscrit en troisième position de l’ordre du jour du 8 juin.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler avec vous de démocratie, même si les regards sont plutôt tournés vers la commission des affaires sociales ce matin en raison de l’examen du texte portant sur la réforme des retraites.

Je dirai quelques mots, pour commencer, de la journée réservée à mon groupe. Si nous avons choisi d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi relative aux retraites dont tout le monde parle, c’est parce que nous considérons que l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, alors même que le Gouvernement avait déclaré qu’il n’y aurait pas recours, a contribué à crisper le pays.

Nous avons également voulu démontrer qu’il était possible de trouver des recettes nouvelles en élargissant l’assiette de la taxe sur les transactions financières : c’est l’objet de la proposition de loi qui sera défendue par Christophe Naegelen.

Enfin, il nous a semblé important d’aborder la question de la démocratie. Selon nous il faut en effet interroger nos pratiques, voire régénérer notre démocratie. Tel est l’objet du présent texte.

Au-delà des propositions qu’il contient, beaucoup d’autres sujets auraient pu être abordés. Ainsi, certains des amendements déposés visaient à instaurer la proportionnelle, ou encore le vote à 16 ans. On pourrait parler aussi des référendums. Il fallait bien ouvrir le débat d’une manière ou d’une autre : nous avons donc choisi de travailler sur le vote blanc, sur le devoir de participer aux scrutins – sujet attendu – et sur l’inscription sur les listes électorales, question qui peut apparaître technique mais qui a des incidences directes sur la participation.

Nous partons d’un constat simple, que tout le monde peut partager : scrutin après scrutin, la participation diminue. Pour n’être désagréable avec personne d’autre que nous, je me référerai aux dernières élections législatives : la participation, lors du second tour, y était de 46 %, ce qui interroge quant à notre capacité à nous faire les porte-parole de tous nos électeurs. Mécaniquement, l’abstention est en augmentation constante, signe d’une défiance vis-à-vis des institutions et des élus. Je ne crois pas que certains élus sont plus disqualifiés que d’autres : toute la classe politique est concernée. Le Président de la République, dont il est souvent question ici, a reconnu « la forte abstention qui nous oblige tous à redonner davantage de sens à nos actions collectives, de lisibilité aux grands rendez-vous démocratiques ». Certains pourraient considérer la formule comme floue ; pour ma part, je considère qu’elle traduit clairement une volonté d’interroger nos institutions et notre fonctionnement démocratique.

Cette réflexion se construit dans un contexte particulier, marqué par des tensions sociales et politiques – certains parlent de « crise démocratique », expression qui, j’en suis sûr, reviendra au cours des débats. Nous faisons quelques propositions, tout en étant conscients que le sujet est plus large. Certains seront tentés de nous renvoyer à la grande concertation à venir sur les institutions, mais nous craignons que celle-ci apporte des réponses trop tardivement, alors qu’il est possible d’envoyer très rapidement certains signaux.

La question de fond, à nos yeux, réside dans le fait que certaines catégories de population sont quasiment exclues du vote car les expressions électorales de colère ou de rejet ne sont pas comptabilisées en tant que telles, au point que la légitimité des élus puisse être mise en question.

D’où le premier axe de la proposition de loi, qui consiste à renforcer la parole de l’électeur – formule poétique qui recouvre en fait la reconnaissance du vote blanc. Allons ensemble dans cette direction ! Il s’agit, en définitive, de reconnaître les expressions plurielles des électeurs, particulièrement lorsqu’elles manifestent un rejet. L’enjeu, derrière cette disposition, est de remédier à un problème plus large et complexe, qui mérite que nous engagions le débat : il s’agit de notre capacité à donner envie aux abstentionnistes de revenir vers les bureaux de vote.

Nous proposons de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés, ce que n’a pas permis de faire l’évolution législative intervenue en 2014. Je sais que cette proposition donnera lieu à des discussions, comme en témoignent certains des amendements déposés. Un autre enjeu pèse également dans le débat, même s’il n’a pas fait l’objet d’amendements : le seuil de 5 % des suffrages exprimés, nécessaire pour obtenir le remboursement d’une campagne électorale et pouvoir fusionner des listes lors de certains scrutins. L’objectif de cette proposition de loi n’est pas de rendre ces opérations plus difficiles mais de renforcer la légitimité dont pourront se prévaloir les candidats élus.

Nous pourrions nous contenter de comptabiliser les votes blancs dans les suffrages exprimés, mais cela ne changerait pas grand-chose. Nous ajoutons donc une autre disposition, qui donnera lieu, elle aussi, à bien des commentaires, visant à annuler une élection au cours de laquelle les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. On m’objectera que cela risque d’aggraver les dépenses publiques, puisqu’il faudra alors revoter. Certains me diront aussi que c’est un peu compliqué. À quoi je répondrai que, d’une part, le cas de figure ne se produira que rarement, et que, de l’autre, nous avons prévu un nouveau scrutin dans un délai relativement court : entre vingt et quarante jours. Cela permet d’éviter une vacance du pouvoir trop longue, qui fait peur à tout le monde – même si les Belges ont eu l’occasion de constater que ce n’était pas un problème en soi. Par ailleurs, lors de ce nouveau scrutin, ce mécanisme ne s’appliquerait plus, de manière à ne pas entraîner de nouveau l’invalidation, quand bien même le candidat élu le serait sur des bases fragiles.

La deuxième proposition consiste à instaurer le vote obligatoire. Certains considèrent cette mesure comme une provocation, une disposition irritante. Je le comprends. Nous nous sommes interrogés à ce propos lors de la rédaction du texte. Nous avons considéré qu’il fallait lier la question du vote blanc à celle du vote obligatoire, mais ce choix peut être discuté.

Je souhaitais que la représentation nationale ait l’occasion de s’exprimer sur le vote obligatoire. Certaines catégories d’électeurs se trouvent de fait dans l’impossibilité de s’exprimer : de manière générale, ce sont les jeunes qui sont les plus mal inscrits sur les listes, et les catégories sociales les plus fragiles sont aussi les plus éloignées du vote. Nous considérons qu’il faut les « raccrocher » à la vie démocratique du pays à travers le vote obligatoire. Cela forcerait – enfin – les candidats à parler à tout le monde. Si nous sommes ici, c’est parce que nous avons mené une campagne électorale. Pour cela, que vous le reconnaissiez ou non, nous avons choisi nos cibles, nous nous sommes adressés à certains segments de la population. Certains d’entre vous m’objecteront que la République est une et indivisible. Force est toutefois de constater que, lorsque l’on s’adresse aux retraités, on n’évoque pas tout à fait les mêmes sujets que lorsque l’on parle aux étudiants.

L’augmentation de la participation vise aussi à renforcer la légitimité des élus. En effet, moins il y a d’électeurs qui se déplacent pour aller voter, plus il est facile pour certaines personnes de dire que nous ne sommes pas représentatifs.

Je connais les difficultés que peut poser le vote obligatoire. D’une part, il s’agirait d’une nouvelle contrainte, et, d’autre part, on ferait peser de manière presque accusatoire sur les électeurs la responsabilité des difficultés que rencontre notre démocratie. Je comprends que certains d’entre vous ne soient pas prêts à contraindre les électeurs à aller voter parce que ce n’est pas leur philosophie. Tel n’est pas, selon moi, l’objet de la discussion : l’objectif est de renforcer la légitimité des élus et de raccrocher au système démocratique des catégories de population qui en sont éloignées. Il convient de le faire intelligemment, en permettant aux candidats de formuler des propositions qui s’adressent à ces personnes.

L’instauration du vote obligatoire suppose de s’interroger aussi sur la sanction. D’abord – et je le dis pour dépassionner le débat –, ceux d’entre vous qui ont participé aux auditions pourront en témoigner : dans tous les pays où le vote est obligatoire sans qu’une sanction soit prévue, il n’y a pas de modification substantielle de la participation. La vraie question est de savoir quelle sanction il convient d’instaurer. On peut faire preuve de beaucoup d’imagination en la matière : une sanction peut être « pédagogique » et revêtir – ou pas – un caractère dissuasif.

Pour en avoir discuté avec des universitaires, je considère, d’après l’exemple du Brésil, qu’une sanction dissuasive ou perçue comme telle amène les gens à se mobiliser davantage. Nous avons toutefois fait le choix d’une sanction correspondant à une contravention de première classe, d’un montant de 11 euros. Une telle sanction est symbolique. Il s’agit d’engager la discussion sur la possibilité d’assortir d’une sanction l’obligation de vote. Là encore, j’aimerais vous entendre sur le sujet, même si, après avoir lu certains amendements, j’ai mon idée sur ce que le groupe majoritaire pense du vote obligatoire.

Notre objectif est de créer une sorte de nouveau contrat entre les électeurs et ceux qui se présentent à leur suffrage.

La troisième proposition concerne un enjeu majeur : l’inscription sur les listes électorales. En effet, l’un des premiers freins à la participation est la non-inscription ou une mauvaise inscription sur les listes électorales. Environ 7 millions de personnes sont concernées. Les règles administratives sont très contraignantes, ce qui n’aide pas à « raccrocher » nos concitoyens. Certes, le répertoire électoral unique (REU) a été créé en 2016, et il conviendra d’en étudier les résultats dans la durée, mais nous considérons qu’il faut aller plus loin. Nous proposons donc une inscription automatique. Certains amendements visent à aller moins loin ; nous essaierons de trouver une solution intelligente.

Nous voulons engager le débat, en espérant qu’il ait lieu aussi en séance, de façon à retisser ensemble un lien de confiance entre les Français et ceux qui sollicitent leur suffrage, alors que nos concitoyens s’interrogent de plus en plus sur les institutions.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Marie Guévenoux (RE). Scrutin après scrutin, nous constatons tous une augmentation de l’abstention et un désintérêt croissant de nos concitoyens pour ces moments pourtant cruciaux, qui sont au cœur de la démocratie.

Parmi les solutions proposées pour tenter de répondre à ce malaise démocratique, la reconnaissance du vote blanc revient régulièrement, en particulier devant notre commission : en mars 2021, sous la précédente législature, nous avions discuté de dispositions proches, même si elles ne concernaient que l’élection présidentielle.

Voter blanc n’est pas un acte anodin. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, depuis 2014, les votes blancs sont décomptés et mentionnés dans les résultats des scrutins. En partant de ce constat – que nous partageons –, les auteurs de la proposition de loi demandent que les votes blancs soient comptabilisés dans les suffrages exprimés. Nous nous y opposerons, pour plusieurs raisons.

Sur le fond, d’abord, l’article 1er ne nous semble pas opérant. Il fragilisera les collectivités et notre assemblée, qui pourraient se retrouver durablement privées d’élus.

Sur le plan de la méthode, ce qui nous gêne dans votre démarche, monsieur le rapporteur, c’est qu’un cycle de rencontres a débuté il y a deux semaines, autour de la présidente de l’Assemblée nationale et avec l’ensemble des présidents de groupe, dont l’objet est précisément de trouver un consensus autour d’une réforme institutionnelle plus large. Légiférer aujourd’hui, qui plus est au moyen d’un texte dont la rédaction est imprécise, ne nous paraît pas souhaitable. Nous nous opposerons donc à l’article 2. Du reste, nous y sommes également hostiles sur le fond, car nous sommes attachés à la liberté.

Enfin, les dispositions inscrites à l’article 3, si elles nous semblent intéressantes, posent problème car elles ôteraient au maire l’une de ses prérogatives, à savoir l’instruction des demandes d’inscription sur les listes électorales. Les groupes de la majorité vous soumettront donc des amendements identiques visant à réécrire l’article afin de faciliter l’inscription des électeurs tout en préservant les prérogatives du maire.

Mme Marie-France Lorho (RN). L’abstention progresse partout en France. Lors de l’élection présidentielle de 2022, elle a atteint un niveau record : 28,0 %. Aux législatives qui ont suivi, elle s’est hissée à des sommets inédits : 53,7 %, contre 51,3 % en 2017. Le renforcement de l’engagement et de la participation des Français aux scrutins, que vous proposez à travers ce texte, apparaît donc comme une nécessité. De cette participation dépend la représentativité réelle des élus. C’est pourquoi les députés du Rassemblement national approuvent en partie cette proposition de loi.

Le taux de participation aux élections est symptomatique d’une crise de nos institutions et, comme vous le soulignez, d’une méfiance évidente des Français à l’égard du personnel politique, notamment au niveau national. Une étude réalisée au début de l’année 2022 pour le Cevipof – Centre de recherches politiques de Sciences Po – indiquait ainsi que 37 % des personnes interrogées éprouvaient de la méfiance à l’encontre du personnel politique et 40 % de la lassitude.

L’instauration d’un nouveau régime applicable au vote blanc, que vous proposez à l’article 1er, contribue, à cet égard, à faire entendre la voix des électeurs qui ne s’estimeraient pas représentés. Faire apparaître le vote blanc dans le résultat d’un scrutin nous semble donc crucial : cela permettra d’assurer une meilleure représentation de ces Français silencieux.

Toutefois, la prise en compte du vote blanc ne doit pas être synonyme de paralysie. De ce point de vue, la proposition tendant à prononcer l’annulation d’un scrutin lorsque les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés ne nous semble pas opportune : elle risque de figer trop longtemps les institutions. Par ailleurs, cette procédure entraînerait d’importantes charges financières. Or celles-ci incombent à l’État, donc aux contribuables.

Nous vous soumettrons donc des amendements visant à soutenir la reconnaissance du vote blanc sans pour autant le hisser au même rang que les votes exprimés en faveur des prétendants en lice.

En ce qui concerne l’article 2, nous doutons que la menace brandie à l’encontre des personnes qui ne souhaiteraient pas participer aux scrutins constitue un encouragement à le faire. Renforcer l’engagement et la participation des Français aux élections doit passer non par une contrainte mais par une incitation.

Vous nous objecterez sans doute, en vous référant aux exemples belge et australien, que le vote obligatoire assorti de sanctions a fait éclore de beaux fruits si l’on en juge d’après le taux de participation dans les pays ayant fait ce choix. Il n’en demeure pas moins que voter est un droit et que les Français ne doivent pas y être contraints par la menace d’une sanction, car ils risqueraient alors de devenir parfaitement hostiles aux processus électoraux. Les politiques punitives, en toute matière, contribuent – à juste titre – à la lassitude de nos compatriotes envers la politique.

Nous émettrons donc, par voie d’amendement, une réserve quant au fait d’infliger une amende aux Français qui n’iraient pas voter.

L’automatisation de l’inscription sur les listes électorales nous paraît, en revanche, de nature à faciliter la participation et à encourager les Français à retourner aux urnes. C’est une manière d’affranchir nos compatriotes d’une démarche administrative : cela ne pourra pas vous être reproché.

Ce texte a le mérite de nous rappeler les symptômes de la crise de la représentation que nous traversons. Faut-il croire, à l’instar de ce qu’expliquait Pierre Manent devant l’Académie des sciences morales et politiques, que « le gouvernement représentatif, invention de l’État moderne et de son prolongement américain », soit « une élaboration politique complexe que nous ne savons plus ni admirer, ni défendre, ni désirer » ? C’est parce que nous entendons défendre cette forme politique que nous voterons en faveur de l’article 1er. En revanche, nous sommes réservés à l’égard des mesures punitives prévues à l’article 2. Nous nous abstiendrons donc sur l’ensemble du texte.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Albert Camus a écrit : « Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. » Nous parlons de démocratie ce matin, et nous le faisons dans un moment particulièrement dramatique. En effet, nous sommes dans le cadre d’une journée d’initiative parlementaire, alors même que la Constitution de la Ve République accorde très peu de droit d’initiative au pouvoir législatif ; or des manœuvres brutales sont en cours pour empêcher que soit examinée et votée la proposition de loi visant à abroger la mesure d’âge portant la retraite à 64 ans. C’est donc le moment adéquat pour parler de démocratie.

Si certains Français décident de voter et d’autres de ne pas le faire, alors il faut considérer qu’il y a des dégoûtés et des dégoûtants. Grâce au travail de Benjamin Saint-Huile, nous sommes appelés à nous interroger sur la légitimité qui est la nôtre pour ce qui est de représenter vraiment la nation dans l’hémicycle. Il nous revient de décider si nous voulons être une partie de la solution, ou bien au contraire une partie du problème. En effet, quiconque ne s’occupe pas de ceux qui ne sont pas inscrits, de ceux qui sont mal inscrits, de ceux qui votent blanc et de ceux qui votent nul, quiconque jette un regard froid sur les 10 à 15 millions de Français qui ont des rapports distants avec le système électoral, est en réalité une partie du problème.

Bien souvent, et à tort, les partis politiques ne s’intéressent qu’à celles et ceux qui votent. Or qu’est-ce que la souveraineté ? C’est la caractéristique de celui qui n’a pas de maître. Quand vous êtes en démocratie, lorsque vous regardez au-dessus de vous, il n’y a personne : cela signifie que le souverain, c’est vous. En République, le souverain, c’est le peuple. Si seule une partie du corps électoral chemine vers l’urne pour donner des consignes aux gouvernants, si au lieu d’un corps électoral complet il n’y a qu’une sorte de zombie auquel il manque un bras ou une jambe, alors nous ne sommes pas totalement souverains. Je ne parle pas là de souveraineté parmi les autres nations : je parle de nous, de la prise de décisions au sein de notre nation.

Être attaché à la notion de République est quelque chose de très concret dans la France des articles 40, 47-1 ou 49 alinéa 3, tous ces articles qui sont autant d’agressions contre la démocratie. Devenus familiers à nos compatriotes, ils les dégoûtent.

Nous devons considérer comme acquis qu’il existe encore une profonde aspiration à la démocratie dans ce pays, ce qui est positif. Avouons aussi, toutefois, que la concentration du pouvoir entre les mains du monarque qu’est le Président de la République pose problème. Ce n’est pas lié seulement au nom de la personne qui l’exerce, d’ailleurs : c’est la fonction elle-même qui doit être mise en question.

Oui, quand le Président de la République force notre présidente, Yaël Braun-Pivet, à se dédire à propos de la recevabilité d’une proposition de loi, nous vivons un moment très grave.

Merci au rapporteur de parler du vote blanc, du vote nul, du vote obligatoire et de l’inscription automatique sur les listes électorales. On pourrait ajouter à cela le droit de révoquer les élus et d’autres mesures. Quoi qu’il en soit, c’est une discussion importante que nous devons mener, particulièrement en ce jour.

M. Xavier Breton (LR). Nous partageons tous la même inquiétude face à la montée de l’abstention, scrutin après scrutin, devant ce fossé qui se creuse entre les citoyens et les élus. On parle parfois de fatigue démocratique ; le terme me paraît traduire avec justesse le sentiment collectif qui saisit notre pays.

Nous avons des raisons d’être inquiets, car la démocratie est fragile. Elle doit être constamment entretenue. Il ne faut pas avoir peur de l’interroger : toute réflexion est la bienvenue quand il s’agit de faire en sorte que la démocratie reste vivante. À cet égard, nous remercions le groupe LIOT et le rapporteur de nous inviter à cette réflexion.

Traditionnellement, mon groupe est réticent, voire opposé à la reconnaissance du vote blanc. Le fait de dépasser le seuil de 50 % des suffrages exprimés assoit la légitimité. On pense tous à l’apparition à la télévision du visage du vainqueur, à vingt heures, le soir du second tour de l’élection présidentielle, accompagné du pourcentage des suffrages exprimés. Si le chiffre devait être inférieur à 50 %, le symbole ne serait pas aussi puissant. C’est d’ailleurs ce qui se serait passé en 2012, lors de l’élection du président Hollande, si les votes blancs avaient été comptabilisés. Cela dit, le temps passe et les Français savent bien que ce n’est pas grâce à une majorité d’entre eux qu’un président est élu : le « mythe » des 50 % a été quelque peu écorné. Compte tenu du nombre élevé de bulletins blancs, notamment aux élections présidentielles – plus de 3 millions en 2017 et encore plus de 2,2 millions en 2022 –, la question de leur prise en compte se pose. Il faut donc ouvrir le débat.

Le vote obligatoire est une autre affaire. Ce n’est pas dans la culture de notre pays. Il y a un côté Janus dans le vote : c’est à la fois un droit et un devoir. On ne saurait le considérer uniquement sous l’angle du devoir. L’élément le plus problématique dans votre proposition, c’est la sanction prévue, quand bien même son montant – 11 euros – est minime, car elle visera pour l’essentiel les citoyens les plus défavorisés, qui sont également ceux qui s’abstiennent le plus. Nous sommes donc beaucoup plus réservés s’agissant de l’article 2.

Sous la précédente législature, Stéphane Travert et moi-même avions rédigé un rapport, dans le cadre des travaux d’une mission d’information visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale. Nous avions constaté à quel point les chiffres étaient impressionnants : 3 millions de nos compatriotes ne sont pas inscrits sur les listes électorales et 7 millions environ sont mal inscrits, soit 10 millions au total. Une réflexion concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales peut donc être engagée. À cet égard, vos propositions vont dans le bon sens. Certains des amendements déposés sont eux aussi intéressants.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Pour mon groupe, ce texte est une nouvelle occasion d’alimenter la réflexion concernant l’abstention et la vie démocratique. Force est de reconnaître que des débats ont lieu au sein de mon groupe sur les sujets abordés dans la proposition de loi. L’éloignement de nos concitoyens des urnes est un problème sur lequel nous travaillons de façon continue ; nous avions d’ailleurs rendu, en janvier 2021, un Livre blanc consacré à cet enjeu.

En ce qui concerne, d’abord, la reconnaissance du vote blanc, le groupe Démocrate soutiendra toujours les propositions permettant aux électeurs de se prononcer sur l’offre politique et d’accomplir leur devoir de citoyens. Néanmoins, le Conseil constitutionnel a identifié quelques fragilités qui compliquent les calculs finaux pour l’attribution des sièges dans le cadre de scrutins à la proportionnelle.

Cela dit, la demande de reconnaissance du vote blanc, qui émane des citoyens eux-mêmes, ne saurait être ignorée. Que l’on soit pour ou contre, c’est une question majeure. L’enjeu est de permettre l’expression de toutes les sensibilités existant dans la société. Dès 2021, nous avions lancé l’idée d’une expérimentation – méthode chère à notre groupe – pour les élections municipales.

S’agissant du vote obligatoire, nous souhaitons rappeler que le vote est à la fois un droit et un devoir civique fondamental – ce sont les deux faces d’une même pièce – et que c’est le citoyen qui décide d’exercer ou non ce droit. Il faudrait trouver la bonne formule pour aboutir à un système d’expression démocratique renouvelé et équilibré dans lequel le citoyen saura se retrouver et renouer avec le sentiment que son avis compte.

Le texte reste silencieux quant aux recours, aux modalités de contestation, à la sanction infligée en cas de non-respect de l’obligation de vote et de fraude sur les justificatifs. Vous n’êtes peut-être pas allés jusqu’au bout du dispositif.

Les chiffres montrent une hausse de l’abstention pour toutes les élections, vous l’avez rappelé : elle était de 53,7 % lors des dernières élections législatives. Les raisons sont multiples et les conséquences importantes. Nous plaidons plutôt pour une réforme globale : l’important est de revitaliser le pluralisme, et il faut pour cela débattre du système électoral dans son ensemble. Vous assumez, pour votre part, un prisme très réduit.

Je rappelle enfin que 7,5 millions d’électeurs étaient mal inscrits sur les listes en 2022. L’article 3 tend à corriger la situation en définissant les conditions d’une inscription automatique. Nous souhaitons, par nos amendements, refaire des maires des acteurs en la matière. Nous pensons qu’ils ne souhaitent pas être dépossédés de leurs prérogatives en ce qui concerne les listes électorales.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Cette proposition de loi a le mérite de nous faire débattre d’un sujet intéressant. Elle suscite, néanmoins, des interrogations et présente certaines fragilités.

Le vote blanc consiste à déposer dans l’urne une enveloppe vide ou contenant un bulletin dépourvu de tout nom de candidat, ce qui indique une volonté de se démarquer du choix proposé. L’offre politique étant considérée par une partie croissante de nos concitoyens comme déficiente, la réforme proposée pourrait constituer une avancée. La loi du 21 février 2014 a déjà permis la reconnaissance du vote blanc en prévoyant que de tels bulletins sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal.

Il est possible que la prise en compte du vote blanc entraîne son succès électoral et fragilise in fine l’ensemble du système politique. Que se passera-t-il en cas de répétition d’une même élection, avec les mêmes candidats et le même taux d’abstention ? Quel sera le point de sortie ? Il manque une dimension essentielle, l’analyse qualitative de la désaffection électorale.

La participation baisse, globalement, en France et en Europe, mais les citoyens se déplacent pour voter malgré les changements de calendrier électoral et l’insuffisante institution de certaines modalités de vote, comme le vote par correspondance et le vote dématérialisé, auxquels le Conseil d’État fait désormais référence de manière claire pour les temps de pandémie. Nous regrettons que les articles 40 et 45 de la Constitution s’appliquent trop strictement et nous empêchent de débattre de ces questions.

Pour ce qui est du vote obligatoire, nous ferons trois observations.

Si plusieurs États imposent de voter, les conditions prévues concrètement varient. La loi est parfois symbolique et plutôt impuissante. Dans d’autres cas, un suivi systématique des non-votants est effectué et on applique des sanctions.

Une conséquence du vote obligatoire est que le nombre de votes aléatoires peut être très élevé. Les électeurs qui votent contre leur gré peuvent choisir un candidat au hasard, notamment en prenant le premier bulletin disponible. Ils satisfont à une obligation, mais les effets de celle-ci sont dès lors contestables.

Quant à la cause légitime susceptible de justifier le non-vote, je m’interroge à titre personnel : être exclu de la vie économique et sociale depuis fort longtemps, être devenu pauvre et désabusé ne constitue pas forcément un motif juridique recevable, mais peut être une raison psychologique pour laquelle on ne fait plus le lien entre le vote et sa situation personnelle. Il me semble que le débat n’est pas clos sur ce point.

Pour ce qui est de l’inscription automatique sur les listes électorales, les modalités pratiques devront être détaillées et il faudra, pour des raisons d’efficacité, augmenter les moyens mobilisés.

Le vote électronique à distance, qui modifierait fortement la donne, devrait faire l’objet d’une réflexion collégiale, publique et contradictoire dans le cadre du développement d’une véritable République numérique.

Si nous pouvons être sensibles à la cohérence de cette proposition de loi, ses effets risquent d’être limités et la confiance n’en sortira pas forcément renforcée. Le groupe Socialistes et apparentés attend des éclaircissements sur les amendements déposés et réserve donc son vote.

M. Didier Lemaire (HOR). Cette proposition de loi a un objectif louable, que nous partageons : renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique. Votre constat est celui d’un désintérêt croissant des Français pour les élections, d’une abstention qui s’aggrave. Cela conduit jour après jour à un procès en illégitimité ou en absence de représentativité des élus de la République, ce qui met profondément en danger nos institutions.

Pour résorber au moins en partie cette crise démocratique, vous proposez trois solutions intéressantes : rendre le vote obligatoire, annuler les élections lorsque le vote blanc représente plus de 50 % des suffrages, à part l’élection présidentielle, et rendre automatique l’inscription sur les listes électorales.

La question du vote obligatoire nous renvoie à la conception que chacun a du vote. Est-il un devoir envers la société ou un droit individuel dont chacun use librement ? Dans un pays libéral, au sens noble du terme, où la liberté doit primer, il ne nous semble pas pertinent d’imposer à nos concitoyens de voter. Nous considérons que tout citoyen jouit, en même temps que du droit de vote, du droit de ne pas en user : il est libre de donner son avis pour la gestion des affaires publiques, de ne pas l’exprimer ou même de pas en avoir.

La question de la prise en compte des votes blancs en tant que suffrages valablement exprimés est épineuse. On ne saurait mettre sur le même plan l’électeur qui se déplace dans un bureau de vote pour faire savoir que l’offre politique ne lui convient pas et celui qui ne s’y rend pas. Pour rappel, la loi du 21 février 2014 a engagé un début de reconnaissance du vote blanc en le distinguant du vote nul. Désormais, les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés aux procès-verbaux des élections. Cette reconnaissance juridique, bien que constituant un premier pas, demeure symbolique puisqu’elle est sans incidence réelle sur le scrutin.

Reconnaître pleinement le vote blanc supposerait de lui donner une certaine force, et c’est ce que cette proposition de loi tend à faire en annulant les élections, une seule fois, lorsque plus de 50 % des suffrages exprimés sont des votes blancs. Je me suis véritablement posé la question : n’est-il pas effectivement légitime de réorganiser une élection lorsque plus de la moitié des votants ne se sont pas rendus dans les bureaux de vote, afin d’exprimer leur insatisfaction à l’égard de l’offre politique ? À ce stade, si les arguments relatifs à la légitimité des représentants me séduisent, d’autres, notamment ceux qui concernent la stabilité de nos institutions, me font douter.

Afin d’éviter tout blocage, vous proposez de n’annuler qu’une seule fois les élections. La suivante ne subirait pas le même sort, quand bien même plus de 50 % des suffrages exprimés seraient des votes blancs. Des garde-fous doivent bien sûr être mis en place pour éviter tout blocage institutionnel ; mais quelle serait la légitimité de celui qui serait élu dans un second temps avec un tel taux de votes blancs ?

Par ailleurs, il me semble nécessaire de préciser que dans le cadre d’un scrutin proportionnel, par exemple lors des élections européennes, lesquelles approchent, les sièges doivent être répartis sans tenir compte des votes blancs, afin de s’assurer que l’ensemble des sièges sont pourvus. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à l’application du principe du décompte des votes blancs au seul premier tour, afin d’éviter toute fragilisation de la légitimité des représentants élus au second tour.

Si le groupe Horizons et apparentés est absolument convaincu du bien-fondé de l’inscription automatique sur les listes électorales, nous proposerons un amendement visant à préserver le pouvoir du maire en la matière et à s’assurer des modalités pratiques du dispositif.

Bien que cette proposition de loi ne modifie pas notre Constitution, elle bouscule bon nombre d’équilibres institutionnels. Notre groupe est plus que réservé sur ce texte, à l’exception de l’article 3.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je remercie le groupe LIOT d’avoir pris l’initiative de déposer la proposition de loi, même si son titre – j’y reviendrai – me semble un peu décalé par rapport à son contenu. Avoir déposé ce texte dans le contexte actuel, c’est-à-dire dans ce qu’on peut appeler la séquence des retraites, où tous les symptômes d’un affaiblissement, d’une crise démocratique sont présents est utile : cela permet d’ouvrir, en tout cas je l’espère, un débat et une séquence plus larges.

La démocratie est une matière vivante, précieuse et fragile. Nous devons la remettre sur l’établi de manière très régulière. Quand deux tiers des Français – soit dix points de plus qu’il y a dix ans – considèrent que notre démocratie ne fonctionne pas bien, il est urgent de s’attaquer à cette question.

La proposition de loi repose essentiellement sur des évolutions du code électoral. Vous proposez la reconnaissance du vote blanc, l’instauration du vote obligatoire et l’inscription automatique sur les listes électorales.

Nous assistons effectivement à un long processus de désaffection à l’égard des urnes, l’abstention étant galopante, mais interpréter ce phénomène comme étant seulement un désintérêt, un éloignement, serait une erreur profonde. Il y a aussi une signification politique, et d’autres formes de participation se développent. Faire du vote le symbole unique du fonctionnement démocratique serait une erreur. Il faut s’intéresser également à ce qui se passe entre deux élections, et ce n’est pas en changeant le thermomètre que nous réglerons le problème profond de notre démocratie.

J’appelle plutôt à travailler sur une démocratie continue, permanente, pour sortir de situation actuelle, qui est une forme de démocratie de délégation : « Élisez-moi et dormez tranquillement, je m’occupe de tout pendant cinq ans. » Ce qui se passe entre deux élections est extrêmement important. En la matière, pléthore de choses peuvent être imaginées : un RIP – référendum d’initiative partagée – digne de ce nom, un travail sur des conventions citoyennes qui ne soient pas de la démocratie événementielle mais qui permettent de structurer notre vie démocratique, des jurés citoyens, etc. J’espère que nous aurons l’occasion de débattre de tout cela.

La proposition de loi est centrée sur la question électorale, au sujet de laquelle vous faites trois propositions.

Les écologistes sont depuis longtemps favorables à la reconnaissance du vote blanc, même s’il faut raison garder. Toutes les abstentions ne se transformeraient pas forcément en votes blancs. Il faut regarder ce qui se passe ailleurs : on voit que l’efficacité de telles mesures est discutable, y compris en Belgique, où on ne recouvre même plus les amendes prévues. S’agissant du pouvoir que vous voulez, en fin de compte, redonner aux citoyens, nous proposons de modifier le seuil, pour le porter de 50 à 60 % à ce stade. Il nous semblerait risqué de provoquer une nouvelle élection qui pourrait produire le même résultat, ou en tout cas la même insatisfaction.

Vous proposez également de répondre à la mal-inscription électorale. Je ferai peu de commentaires sur ce point, car nous sommes là en plein accord avec vous. Actuellement, 10 % de l’électorat potentiel est mal inscrit, particulièrement dans les quartiers populaires et chez les plus jeunes. Il est urgent d’agir.

En revanche, nous sommes en désaccord, philosophiquement, avec l’idée du vote obligatoire. Cela nous semble contraire à l’esprit des Lumières, qui fait reposer le système du vote sur une implication volontaire des citoyens. Par ailleurs, le vote obligatoire nous paraît peu efficace : dans d’autres pays, cela ne règle pas le problème profond que connaît la démocratie. Il se situe ailleurs, je l’ai dit. Enfin, des risques existent, nous semble-t-il, sur le plan constitutionnel. Nous nous opposerons donc à l’article 2.

Je n’ai pas compris l’irrecevabilité, au titre de l’article 45 de la Constitution, d’un amendement concernant le vote à 16 ans. Je ne vois pas en quoi il n’y aurait aucun lien avec le texte. Il s’agit d’inscrire les gens sur les listes électorales et de lutter contre l’abstention.

M. le président Sacha Houlié. Le lien, s’il existe, est plus qu’indirect – trop pour que l’amendement puisse être considéré comme recevable. C’est la politique de la commission des lois, au sein de laquelle vous êtes le bienvenu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de faire œuvre utile en ce qui concerne l’engagement démocratique. Il faut remettre l’ouvrage sur le métier. La crise de la démocratie représentative, c’est-à-dire l’abstention grandissante et la légitimité peut-être moindre d’un certain nombre d’élus, y compris nous-mêmes, fait tout simplement écho à une crise démocratique dont nous sommes non seulement les « victimes » mais aussi, souvent, les acteurs, par la façon dont nous pensons notre rôle ou dont certains nous l’imposent. Comme l’a dit ma collègue Raquel Garrido, quand on brutalise les élus à travers leurs droits, notamment le plus fondamental qui est celui de voter une proposition de loi qui a été déposée, on rabaisse la démocratie, et pour tout le monde.

Inscrire cette proposition de loi dans votre niche du 8 juin, en même temps qu’une autre qui est emblématique et qui résonne dans tout le pays, constitue une très belle initiative. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, il y aurait bien entendu d’autres mesures à prendre pour régler la crise démocratique et celle de la démocratie représentative – la proportionnelle, la parité réelle, d’autres formes de démocratie participative, de liens entre élus et citoyens et de démocratie citoyenne – mais vous faites le choix, que je trouve légitime, d’insister sur trois questions.

La reconnaissance du vote blanc inscrite dans la loi de 2014 montre ses limites, et il est donc utile d’aller dans le sens de votre texte. Même si notre groupe peut avoir quelques préventions, nous soutiendrons votre proposition de reconnaître le vote blanc comme un suffrage exprimé et d’annuler l’élection s’il y a 50 % de votes blancs.

S’agissant de l’article 2, qui concerne le vote obligatoire, nos arguments sont à peu près les mêmes que ceux du groupe écologiste. Une obligation n’est pas forcément la meilleure des choses : ce n’est pas, selon nous, opérant. Même si nous comprenons bien la volonté qui vous anime, nous sommes beaucoup plus réservés sur ce point.

Pour ce qui est de l’article 3, relatif aux mal inscrits et aux jeunes qui atteignent l’âge de voter, nous soutiendrons la proposition d’une automaticité.

Quant au vote final, nous verrons, mais naturellement il ne sera pas défavorable.

M. Paul Molac (LIOT). La « crise démocratique » : nous lisons régulièrement ces mots dans la presse et nous les entendons au quotidien à la radio et à la télévision. Nous traversons une crise qui voit trois Français sur quatre estimer que notre démocratie va mal. Le fondement de cette crise est dans l’affaiblissement du lien, on pourrait même dire le fossé – j’espère que ce n’est pas encore un gouffre –, entre les citoyens et les élus. Le principal indicateur en est l’abstention généralisée.

Quelles suites a-t-on données à ce constat ? On n’a pas fait grand-chose : on a parlé de la reconnaissance du vote blanc sous la présidence de François Hollande, et on a fait un petit pas en la matière. N’aurait-on pas dû faire de cette question une priorité ? En dehors d’un cycle encore limité de réunions au sujet des institutions, à l’instigation de la présidente de l’Assemblée, notre ordre du jour n’a pas répondu aux attentes des citoyens. C’est cette atonie qui nous a poussés à inscrire dans notre niche cette proposition de loi : il n’est pas acceptable de ne pas apporter une réponse à une telle situation. Les citoyens, notamment les jeunes, souhaitent faire entendre leur voix. Notre groupe souhaite, par ce texte, renforcer la participation des électeurs et notre vie démocratique.

La première mesure, soutenue par plus de 80 % des Français est une reconnaissance réelle du vote blanc. Lorsqu’un électeur se déplace pour mettre un bulletin blanc dans l’urne, il remplit son devoir de citoyen. Cet acte ne devrait pas être traité sur le même plan qu’un bulletin nul. Si les bulletins blancs sont décomptés séparément, force est de constater qu’ils n’ont pas de réelle valeur. Le Président de la République considère que le vote blanc est celui de la facilité. Cette vision ne correspond pas à l’esprit du suffrage universel tel qu’il a été pensé à partir de 1792. Chaque citoyen a une entière liberté en ce qui concerne son bulletin de vote. Cela implique le droit de choisir un candidat ou de ne pas en choisir. Ce texte permettra une prise en compte réelle des bulletins blancs dans les suffrages exprimés. Une telle avancée devrait faire l’unanimité compte tenu de la demande citoyenne.

J’en viens à la deuxième mesure. Il nous semble que la participation obligatoire aux élections devrait être un corollaire de la reconnaissance du vote blanc, en vue de renforcer la mobilisation citoyenne. Lorsque l’abstention au second tour des élections législatives dépasse 53 %, une évolution du droit électoral est nécessaire. Exprimer sa voix en tant qu’électeur est non seulement un droit, mais également un devoir, qui vous oblige. En réponse aux critiques ou aux craintes exprimées par certains, non, l’objet de cette proposition de loi n’est en aucun cas de blâmer ou de punir les électeurs. Il ne s’agit pas davantage d’adopter une logique de contrainte ; au contraire, ce texte vise à mobiliser les citoyens et à faire appel à leur sens civique. La réaffirmation du devoir de participation électorale conjuguée à la pleine reconnaissance du droit à l’expression d’un désaccord sur l’offre politique est une solution d’équilibre face à l’abstention.

Afin d’assurer la mise en œuvre de ces évolutions, le texte prévoit des mesures permettant de veiller à l’inscription automatique sur les listes électorales. Il y aura notamment une inscription d’office sur les listes électorales lorsqu’un citoyen atteint l’âge légal pour voter, lorsqu’une personne vient d’acquérir la nationalité française ou encore lorsqu’on signale un déménagement.

C’est dans un esprit de refondation, de confiance retrouvée, de reconnaissance mutuelle et de responsabilité partagée que la présente proposition de loi a été construite. Plusieurs amendements de suppression ont été déposés. Vous exercez votre droit d’amendement, chers collègues, je le comprends et je l’accepte, mais je vous demande de laisser une chance à cette proposition de loi, au lieu de la vider de sa substance. La question posée mérite un vrai débat.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Ne nous racontons pas d’histoires. Si on comptabilise le vote blanc sans qu’il y ait la moindre conséquence, il ne sert à rien d’en discuter. Les soirs d’élections, sur les plateaux de télévision, tout le monde parle des 15 % de votes blancs et dit que cela oblige, mais on s’en fiche dès le lendemain. Il faut franchir le pas.

Ceux qui craignent qu’un même scrutin ait lieu deux fois de suite connaissent mal les électeurs et les électrices. Connaître les résultats antérieurs peut faire changer un peu d’opinion : on peut se dire qu’il manquait 5 % à tel candidat ou qu’un autre n’a vraiment pas fait un bon score. Revoter peut alors conduire à une concentration des comportements électoraux. Si ce n’est pas le cas, et alors ? Le souverain reste le peuple ; chaque fois que vous argumentez en sens contraire, vous acceptez que cela ne soit pas totalement vrai, ce qui n’est pas satisfaisant.

S’agissant du vote obligatoire, je me tourne vers le rapporteur, parce que je n’ai pas pu être présent lors des auditions. Des comparaisons internationales ont-elles été faites ? Existe-t-il des obligations assorties non de sanctions mais d’incitations ? Une ristourne d’impôt de 50 euros, un chocolat, un pin’s, une petite effigie d’Emmanuel Macron, bref, quelque chose en plus si on participe !

J’ai écouté avec gourmandise le Rassemblement national dire qu’il n’aimait pas, de manière générale, les sanctions. Ce sera à retenir pour d’autres textes, notamment en matière de justice. Par ailleurs, la réunion relative aux institutions, tant vantée par les collègues de la majorité, a malheureusement été annulée cette semaine – on se demande bien pourquoi.

M. Philippe Gosselin (LR). La participation citoyenne, pas seulement lors des élections mais à la vie collective, est un sujet important. Je remercie nos collègues du groupe LIOT de l’avoir mis sur la table. Même si je pense qu’il faudrait une approche beaucoup plus large, qui pourrait entrer dans le cadre d’une réforme de nos institutions, les trois propositions de nos collègues méritent notre attention.

Je ne souhaite pas qu’on évacue d’un revers de la main la question du vote blanc. C’est un faux débat : beaucoup s’abritent derrière ce vote pour exprimer leur rejet de la classe politique. Ce terme repose d’ailleurs sur une distinction entre les citoyens et ceux qui constitueraient une forme d’élite et accapareraient le pouvoir. Le mal est plus profond que le vote blanc. Vous l’avez compris, je suis assez circonspect sur ce point, a fortiori si l’on prévoit une sanction allant jusqu’à invalider l’élection. Cela conduirait à un effet boule de neige et à une déresponsabilisation. En démocratie, il y a un moment où les citoyens doivent choisir. Voter est un droit, mais aussi un devoir. Je le rappelle, même si cela fait ringard.

En revanche le vote obligatoire, qui existe en Belgique et ailleurs, ne fait pas du tout partie de la tradition française. Infliger une amende de la première classe ne me paraît pas la meilleure solution pour ramener les électeurs aux urnes.

L’inscription automatique sur les listes électorales fonctionne déjà, parfois cahin-caha, pour ceux qui atteignent l’âge de 18 ans. Même s’il y a ici et là quelques difficultés, on en profite pour remettre aux jeunes, de façon symbolique, leur carte d’électeur. Peut-être faut-il creuser cette question en prévoyant une obligation de déclaration domiciliaire, dans les communes – cela s’est fait dans d’autres pays, sans contrevenir aux règles démocratiques.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Je vous propose une expérience nouvelle, malgré une ambiance qui n’y est pas propice : essayer de trouver un compromis. Je vous ai entendus, les uns et les autres. Il existe des différences, mais aussi des convergences. Ici, nous nous amusons souvent à regarder les différences, parfois même à les surjouer, les caméras et les micros aidant à la mise en scène.

S’agissant du vote blanc, des convergences sont possibles. On peut s’interroger sur le seuil de 50 % et voir si on peut procéder autrement. Pour ce qui est du vote obligatoire, je comprends que vous y êtes très majoritairement opposés. En revanche, vous êtes plutôt ouverts aux dispositions relatives à l’inscription sur les listes électorales, moyennant un peu de réécriture.

Je vais revenir sur les éléments développés par les uns et les autres, et j’essaierai de trouver une solution lorsque nous examinerons les amendements, afin que cette matinée soit réellement utile. Il faudrait qu’un texte ayant un sens parvienne en séance.

Madame Guévenoux, vous dites que comptabiliser les votes blancs aurait pour conséquence de nous priver durablement d’élus, mais cet argument ne s’applique pas à la proposition de loi puisque, si le premier scrutin est annulé en raison d’un taux de bulletins blancs supérieur à 50 % des suffrages exprimés, un deuxième devra être organisé dans les vingt à quarante jours, et il ne pourra pas être annulé.

Le Rassemblement national n’est pas convaincu par le seuil des 50 %, qui risquerait selon lui d’être une source de blocage. M. Fournier, de son côté, a déposé un amendement visant à relever le seuil à 60 %. Soyons clairs : à la dernière présidentielle, il y a eu 6 % de votes blancs et 2 % de bulletins nuls. Néanmoins je peux entendre vos craintes, et je donnerai un avis favorable à l’amendement de M. Fournier pour les évacuer.

Madame Garrido, si j’ai apprécié votre citation de Camus – avec lequel je suis d’accord –, nous n’avons pas tout à fait la même conception de notre avenir démocratique, car je ne suis pas de ceux qui défendent l’instauration d’une VIe République. À travers les propositions que vous formulez il y a néanmoins la recherche légitime d’une régénérescence de la démocratie que je peux soutenir, même si je n’utiliserais pas les mêmes termes que vous pour qualifier la Constitution actuelle, qui est notre repère à tous.

Monsieur Breton, n’auriez-vous pas subi un petit traumatisme quand s’est dessiné sur l’écran de télévision en 1981 un visage que vous ne souhaitiez pas voir apparaître ? Je vous taquine. La proposition de loi ne concerne pas l’élection présidentielle, précisément parce que nous sommes conscients de la difficulté que vous soulevez.

D’autre part, vous dites que le groupe Les Républicains est par principe plutôt hostile à la reconnaissance du vote blanc, mais une proposition de loi reprenant presque à l’identique notre texte vient d’être déposée par M. Viry et une partie de vos collègues… Je vous laisse le temps du cheminement mais je suis persuadé que, moyennant un certain nombre de précautions comme celle concernant le seuil, nous pouvons faire converger nos vues.

Madame Jacquier-Laforge, j’ai pris bonne note de votre opposition radicale au vote obligatoire mais je sais l’intérêt que le groupe Démocrate porte culturellement à la reconnaissance du vote blanc. Vous avez évoqué, à juste titre, la question de la proportionnelle – de même que M. Lemaire. Je l’ai dit dans mon propos liminaire : dans cette proposition de loi, il n’y a pas tout. Il s’agit d’une niche parlementaire, ce qui impose des choix. Si nous avions écrit noir sur blanc l’ensemble des règles qui devraient s’appliquer, le texte aurait compris vingt-cinq articles, nous aurions passé beaucoup de temps à l’examiner et il n’aurait pas abouti. Nous avons choisi un angle d’attaque, de manière à ouvrir le débat.

Il est évident que, pour la répartition des sièges à la proportionnelle, il ne faudrait pas prendre en compte le vote blanc. Si vous le souhaitez, nous pouvons rédiger un amendement dans ce sens d’ici à l’examen en séance. Et si, par chance, l’article 1er n’est pas totalement déshabillé en commission, nous pourrions, madame Jacquier-Laforge, envisager de déposer en séance un autre amendement relatif à l’expérimentation que vous appelez de vos vœux.

Madame Karamanli, je considère que la réforme de 2014 a été inopérante. Vous dites que le mécanisme d’annulation risquerait d’être sans fin – et les collègues du Rassemblement national craignent que son coût soit trop élevé. C’est précisément la raison pour laquelle la proposition de loi prévoit que, si un certain seuil de bulletins blancs est franchi, le scrutin est annulé et un nouveau organisé, mais que, ensuite, on s’arrête là.

Vous estimez, monsieur Lemaire, que cela remettrait en cause la légitimité d’une personne élue au terme d’un scrutin comportant 50 % ou plus de bulletins blancs, mais la situation est la même aujourd’hui : quand on est élu député, comme c’est mon cas, avec moins de 40 % de participation, peut-on considérer que notre légitimité est inébranlable ? Ce que nous proposons, ce sont des outils nouveaux.

Je suis moins d’accord avec l’idée que le vote obligatoire conduirait à un vote aléatoire. Les expérimentations menées dans d’autres pays montrent que lorsqu’on rend le vote obligatoire, on oblige les gens à s’intéresser à l’élection et qu’une acculturation politique se réalise progressivement.

Pour ce qui concerne la répartition des sièges, le seuil de remboursement des frais de campagne ou la fusion des listes, il faudrait que nous rédigions ensemble des amendements afin que les votes blancs ne soient pas comptabilisés, de sorte que les petites formations politiques ne soient pas pénalisées.

Monsieur Fournier, votre amendement relevant le seuil à 60 % permettrait peut-être une convergence de vues. Je considère que la question du vote à 16 ans est centrale. Cela n’est pas de mon ressort, mais peut-être que si votre amendement avait porté sur l’article 3 et l’inscription sur la liste électorale, il eût été jugé recevable. Quoi qu’il en soit, si demain il y a une volonté de reconnaissance du vote blanc et que la question du vote obligatoire est posée, il faudra bien renforcer l’éducation à la citoyenneté.

Monsieur Sansu, j’ai entendu votre message et votre réticence à l’égard du vote obligatoire. Je préférerais que nous n’adoptions pas d’amendement de suppression de l’article 2 car cela enverrait un mauvais signal, mais je ne crois pas que cet article sera adopté. Nous pourrions ainsi examiner en séance une proposition de loi comportant l’article 1er modifié et l’article 3 lui aussi modifié. Ce serait intéressant.

Monsieur Bernalicis, je ne prétends pas avoir tout examiné, mais, à ce stade – Mme Garrido pourra en témoigner –, aucun des chercheurs que nous avons rencontrés n’a mis en avant la question de l’incitation à voter. Le débat porte plutôt sur la sanction à appliquer si le vote devient obligatoire. On peut toujours imaginer que la promesse qu’on vous offrira un coup à boire si vous allez voter peut jouer, mais je pense que la question est plus complexe que cela.

Monsieur Gosselin, je ne crois pas que la responsabilisation de l’électeur et la reconnaissance du vote blanc soient contradictoires. On peut même considérer que cette reconnaissance provoquerait une augmentation du nombre de votants, ce qui renforcerait la légitimité de l’élection.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Le débat soulevé par cette proposition de loi est intéressant, même si la focale est réduite et que ce que vous proposez ne pourra résoudre le problème de l’abstentionnisme, qui nous préoccupe tous. Surtout, je regrette que le texte mette davantage l’accent sur la contrainte que sur l’ouverture, à l’exception de l’article 3 – il est essentiel que dans un pays comme la France, on parvienne enfin à l’inscription automatique sur les listes électorales.

Nous avons donc déposé des amendements visant précisément à accentuer cette ouverture, non pour disqualifier votre travail, mais pour nous saisir du débat que vous lancez. On ne convoque pas l’électeur à l’élection, on le prépare à y participer. La proposition de loi répond à cet objectif. Je regrette néanmoins que la réflexion sur le droit de vote à 16 ans ne puisse être engagée dans cette assemblée. Sur un sujet aussi important, qui a fait l’objet de dix propositions de loi, nous opposer l’article 40, ce n’est pas normal ! Nous manquons le coche. La jeunesse a besoin qu’on se préoccupe d’elle, et discuter du droit de vote à 16 ans aurait été un moment démocratique important.

Idem pour le vote par correspondance et les procurations facilitées : article 40 !

M. le président Sacha Houlié. Ce n’est pas moi le responsable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Ce n’est jamais vous.

M. le président Sacha Houlié. J’assume toujours mes responsabilités, mais pour une fois que M. Coquerel applique l’article 40, je ne vais pas le cacher.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Ces propos ne sont pas corrects.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Et voilà ! Pourtant, tout se passait bien, l’ambiance était détendue et constructive – trop, peut-être, puisqu’il faut que vous jetiez du sable dans les rouages. Je vais essayer de remettre un peu d’« huile ». (Sourires.)

Madame Untermaier, le droit de vote à 16 ans est un sujet de démocratie nouvelle. Il y en a d’autres, comme le vote par correspondance ou le vote électronique. Je le répète : dans le cadre de cette niche, qui ne dure qu’une journée et qui comprend d’autres textes inscrits à l’ordre du jour (Sourires), nous avons choisi un angle d’attaque. On trouvera peut-être qu’il n’est pas assez large, mais il nous était difficile d’aller au-delà.

Peut-être pourrons-nous faire des pas les uns vers les autres durant la discussion des amendements ?

Article 1er (art. L. 57, L. 58 et L. 65 du code électoral) : Prise en compte du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés

Amendements identiques CL4 de Mme Marie-France Lorho et CL6 de Mme Pascale Bordes.

Mme Marie-France Lorho (RN). Aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017 et de 2022, le taux d’abstention a dépassé 50 %. Que les votes blancs soient pris en considération et leur nombre indiqué dans le résultat final à titre d’information est nécessaire : le choix de ces électeurs sera ainsi mis en valeur. Néanmoins, l’annulation de l’élection si l’abstention dépasse 50 % – situation qui, à en croire les précédents scrutins, risque d’advenir – paralyserait le pays et risquerait de bloquer les institutions pour un temps trop long. L’organisation répétée de tels scrutins constituerait par ailleurs une charge importante pour l’État. Notre amendement tend par conséquent à supprimer l’annulation de l’élection.

Mme Pascale Bordes (RN). L’article 1er prévoit d’annuler l’élection si les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés. Agir ainsi reviendrait à nier le fait que le vote blanc est un acte intentionnel et délibéré et qu’à partir du moment où l’électeur fait la démarche de se déplacer jusqu’aux urnes, ce qui peut être singulièrement compliqué en milieu rural, il est démocratiquement inconcevable d’affirmer qu’il s’agit là d’un acte inexistant. C’est assez choquant du point de vue philosophique.

Le vote blanc répond en effet à la volonté d’un certain nombre d’électeurs de remplir leur devoir de citoyen malgré une proposition électorale qui ne correspond pas à leurs attentes. Annuler une élection où les bulletins blancs décomptés représentent plus de 50 % des suffrages exprimés reviendrait à nier la volonté et le choix d’une partie des électeurs ; ce serait là un acte profondément antidémocratique. Nous demandons donc la suppression des alinéas 2 à 4.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Nous considérons que si l’enregistrement et le décompte des votes blancs n’ont aucune conséquence, ils n’offrent guère d’intérêt. Il ne s’agit pas de nier la volonté des électeurs, bien au contraire : si plus de 50 % d’entre eux expriment par un vote blanc le rejet de la proposition qui leur est soumise et que vous n’en tenez pas compte, c’est la volonté de la majorité que vous niez.

Néanmoins, comme vous avez exprimé la crainte d’un blocage, je donnerai un avis favorable à l’amendement de M. Fournier visant à élever le seuil à 60 % – ce qui semble bien difficile à atteindre.

Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le Rassemblement national est donc peuplophobe… En réalité, si vous êtes contre le fait qu’une forte majorité de votes blancs puisse entraîner l’annulation d’une élection, c’est parce que vous avez peur que cette mesure s’applique à vous : vous avez peur pour vos candidats aux élections territoriales. Vous pensez déjà à gouverner sans le peuple, en étant indifférents à qui est venu voter et comment. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! Dans vos meetings, certains parlent de la reconnaissance du vote blanc, mais c’est à condition qu’aucun pouvoir ne lui soit associé.

Soyez cohérents : si vous croyez en la souveraineté du peuple, si vous pensez que c’est lui qui doit prendre les décisions politiques, vous ne pouvez pas balayer d’un revers de la main l’expression de 50 % à 60 % du corps électoral.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Nous voterons contre ces amendements.

La première chose à faire pour éviter l’effondrement de la démocratie, c’est de la soutenir. Certaines formations politiques prétendent qu’en France, nous ne vivons plus en démocratie, alors que nous sommes l’un des rares pays au monde à la vivre au quotidien : ne nous étonnons pas que des gens se demandent à quoi sert de voter. La démocratie est un combat, elle se défend et elle se vit.

Je suis très sceptique concernant la reconnaissance du vote blanc, tout comme je le suis quant au recours systématique au référendum. Comment interpréter le vote blanc ? Autant on peut interpréter un vote pour tel candidat ou pour telle option, autant le vote blanc est difficilement interprétable. Idem pour le non au référendum, qui peut obéir à des raisons très différentes, notamment la volonté de sanctionner le Gouvernement.

Nous sommes, pour notre part, attachés à une démocratie positive, qui s’exprime par le vote et le choix entre plusieurs options – et Dieu sait qu’il y en a : douze candidats, dont trois d’extrême gauche et autant d’extrême droite au premier tour de la dernière présidentielle.

Mme Pascale Bordes (RN). Ce qui est bien, en commission des lois, c’est qu’on y apprend de nouveaux mots. Nous serions donc « peuplophobes » parce que nous nierions le vote de plus de 50 % des électeurs – mais c’est vous qui l’êtes, puisque vous niez le vote blanc tout en prétendant vouloir le reconnaître. Si 50 % des électeurs votent blanc, c’est un choix, et il mérite d’être respecté.

M. Xavier Breton (LR). Nous ne voterons pas ces amendements de suppression parce que nous souhaitons privilégier le débat.

Cher collègue Rebeyrotte, il ne faudrait pas non plus idéaliser la situation. Certes, nous avons la chance de vivre dans un pays démocratique, et il faut continuer à faire vivre cette démocratie, mais, d’un autre côté, nombreuses sont les libertés qui ont été mises en cause ou piétinées ces dernières années. Il a fallu les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État pour rappeler la liberté de manifestation, la liberté d’expression, la liberté de culte…

Vous parlez de démocratie positive, mais n’oublions pas que le résultat des élections présidentielles correspond pour, une bonne part, à un vote par défaut au deuxième tour. Il est donc difficile de faire vivre la démocratie uniquement de manière positive. Il faut aussi tenir compte de ceux qui ne se retrouvent pas dans l’offre et qui l’expriment.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL22 de Mme Raquel Garrido.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Cet amendement s’inscrit dans la logique de la proposition de loi qui vise à donner un protagonisme civique à l’ensemble du corps électoral, en accordant du pouvoir, une efficacité et un effet au vote des personnes qui se rendent au bureau de vote pour insérer dans l’urne un bulletin blanc.

Je veux en effet plaider aussi pour les personnes dont le vote est dit nul. Comme le souligne le docteur en sciences politiques Jérémie Moualek, ce vote, loin d’être « nul », est très signifiant. Pour sa thèse, il a étudié les bulletins dépouillés dans plusieurs départements français et s’est aperçu que ceux dits nuls étaient souvent accompagnés d’un message alors que le vote blanc est beaucoup plus neutre : il est difficile de savoir ce qu’il exprime. « Je ne veux pas avoir d’effet politique » ? « Je ne veux pas choisir » ? « L’offre ne me convient pas » ? Nul ne le sait. Puisque nous souhaitons donner une valeur égale à chaque vote, allons jusqu’au bout et donnons du pouvoir au vote nul, et pas seulement au vote blanc.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Je voulais émettre un avis défavorable sur cet amendement mais, après avoir regardé de près les travaux de l’universitaire que vous venez de citer, et parce que je serai favorable au relèvement du seuil à 60 %, je vais plutôt en appeler à la sagesse des commissaires.

Vous avez raison, monsieur Rebeyrotte, il est difficile d’analyser le vote blanc, mais on peut considérer qu’il existe une forme de consensus sur le fait que, dans tous les cas, la proposition électorale ne répond pas aux attentes de l’électeur.

À ceux qui souhaitent faire avancer la reconnaissance du vote blanc ou nul et aménager la proposition de loi, je suggère d’éviter de se lancer des anathèmes et de faire avancer le schmilblick ; sinon, le texte sera vidé de sa substance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL14 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). J’ai entendu dire non pas que nous n’étions pas en démocratie mais que notre démocratie ne fonctionnait pas bien – c’est d’ailleurs ce que pensent deux Français sur trois. Ne réduisons pas la démocratie à la possibilité de voter. On vote dans un nombre croissant de pays, mais on ne peut pas dire pour autant que, de manière globale, la démocratie a progressé.

Ce qui se passe entre deux élections me semble au moins aussi important pour la confiance des citoyens. Si l’on inscrit dans la loi la reconnaissance du vote blanc, cela permettrait, je l’espère, de ne pas avoir à annuler une élection, en incitant les électeurs à s’exprimer différemment – car il s’agit bien d’un acte politique.

Néanmoins il me semblerait plus raisonnable de fixer le seuil à 60 %. Il serait également intéressant d’utiliser la voie de l’expérimentation.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Avis favorable : comme je l’ai dit, cela me semble une proposition équilibrée.

Mme Marie Guévenoux (RE). Je profite de cet amendement pour préciser aussi notre position sur l’article.

D’abord, si l’on reconnaît le vote blanc, cela contraint soit à convoquer ad vitam aeternam des élections, soit à prévoir une clause dérogatoire pour le deuxième scrutin – ce qui, de notre point de vue, ne règle en rien le problème puisque les électeurs seront de nouveau soumis au choix du scrutin précédent.

Ensuite, pour certains scrutins majoritaires, il faut recueillir la majorité absolue pour être élu au premier tour. La reconnaissance du vote blanc fragiliserait cette possibilité.

Quant aux scrutins proportionnels, on risque vraiment de se priver durablement d’élus : en effet, soit on reconnaît le vote blanc, auquel cas des postes sont laissés vacants, soit on ne le reconnaît pas, auquel cas la proposition est nulle et non avenue.

Du fait de ces fragilités, nous ne pouvons vous suivre.

Nous parlons beaucoup des mécanismes législatifs – ce qui est bien normal, puisque nous sommes législateurs – mais la solution viendra aussi de la pratique institutionnelle : l’offre politique, le choix de candidats issus de la société civile, les projets proposés, tout cela permettra de réconcilier les Français avec leurs élus.

M. Erwan Balanant (Dem). Le débat est intéressant et révèle des conceptions diverses de la démocratie. Ce que j’aime dans votre proposition, monsieur le rapporteur, c’est l’idée que le bulletin blanc soit présent sur la table quand on va voter. C’est la première étape vers la reconnaissance du vote blanc : malgré une offre parfois pléthorique, on vous donne la possibilité de glisser dans l’urne un bulletin blanc pour dire que vous faites la démarche d’aller voter mais que, dans l’offre politique existante, aucune option ne répond à vos préoccupations. Certes, monsieur Rebeyrotte, l’offre est diverse, parfois pléthorique, et il faut s’en féliciter, mais le vote blanc peut exprimer un mal-être qui va au-delà de l’impossibilité de choisir.

Le vrai problème, c’est l’abstention. Or le dispositif proposé ne permet pas de lutter contre elle. Voter blanc, c’est déjà se déplacer. Nous devrions réfléchir à la prise en compte du vote blanc uniquement s’il représente une certaine proportion d’inscrits – de même qu’il faut, dans certains cas, réunir un nombre minimal d’électeurs inscrits pour être élu. Que les bulletins blancs représentent 60 % des suffrages exprimés, cela n’arrivera jamais : pourquoi adopter une mesure qui ne servira à rien ?

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. En cas de nouvelle élection, madame Guévenoux, le casting ne sera pas forcément le même.

Je ne suis pas sûr d’avoir bien compris vos propos sur le scrutin proportionnel. Je vous l’ai dit, il me semble tout à fait possible de rédiger, d’ici à l’examen en séance et si l’article 1er survit au vote de la commission, un amendement précisant clairement que les bulletins blancs ne sont pas pris en compte au moment de la répartition des sièges : il ne s’agit pas de laisser, dans une assemblée de 100 membres, quinze sièges vides sous prétexte que nous reconnaîtrions le vote blanc.

Monsieur Balanant, je souscris en partie à votre argumentaire. Cependant, la lutte contre l’abstention fait l’objet de l’article 2. Ce dernier, qui constitue le pendant de l’article 1er relatif au vote blanc, est a priori très consensuel mais il semble que vous ayez l’intention de le rejeter. On peut contester cette mesure, mais on ne peut pas dire que nous n’avons pas cherché à répondre au phénomène de l’abstention. Quoi qu’il en soit, nous pourrons continuer à travailler et à faire des propositions sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Article 2 (art. L. 1 et L. 86-1 [nouveau] du code électoral) : Mise en place du vote obligatoire

Amendements de suppression CL5 de Mme Pascale Bordes et CL28 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Pascale Bordes (RN). Si la redynamisation de la participation à la vie démocratique est un objectif éminemment louable, la contrainte financière, qui se matérialiserait par une amende, ne peut être considérée comme un moyen de l’atteindre. Le droit de vote doit rester un droit, et non devenir une obligation – cela irait à l’encontre de la liberté de choix de chacun.

La raison principale pour laquelle vous envisagez de rendre le vote obligatoire est votre volonté d’augmenter le taux de participation aux élections. Cependant je doute fort que l’instauration d’une amende empêche réellement les électeurs de déposer des bulletins blancs ou nuls pour protester contre l’obligation de voter ou contre les choix qui leur sont offerts. Si l’on peut penser que la participation aux scrutins, dans le cadre d’une démocratie saine, constitue un devoir légitime qui découle de la citoyenneté, on ne peut pas pour autant ignorer le fait que le refus de voter est aussi une forme de discours politique, qui se veut un profond message de mécontentement envers le système politique ou ses acteurs. Au demeurant, même dans les démocraties qui ont rendu le vote obligatoire, on constate dans la population une désillusion comparable à celle qui existe actuellement en France à l’égard de la chose publique. Les partis politiques et leurs candidats doivent donner aux Français d’autres raisons de s’intéresser aux affaires publiques et d’aller voter. Il serait peut-être temps que nous nous livrions tous, autant que nous sommes, à une introspection en vue de donner ou plutôt de redonner à nos concitoyens l’envie de voter.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Il faut encourager les citoyens à s’engager et à participer à la vie démocratique, mais vous ne pouvez pas les y contraindre. L’article 2 de cette proposition de loi est scandaleux, hallucinant : il vise à transformer le suffrage universel direct en suffrage universel obligatoire et à punir « tout électeur qui, sans cause légitime, s’est abstenu d’exercer son droit de vote » en lui infligeant l’amende prévue pour les contraventions de la première classe. Ne pas voter, ce n’est pas comme se faire flasher sur l’autoroute à 200 kilomètres à l’heure !

Vous ciblez les électeurs qui s’abstiennent « sans cause légitime ». Si je vais voir ma fille à l’hôpital au dernier moment, c’est légitime, mais si je suis retenue dans des bouchons et que j’arrive au bureau de vote cinq minutes après sa fermeture, je me prends une amende. Si je rate mon train pour aller voter, je suis punie. C’est délirant ! Par ailleurs, qui constatera l’infraction ? Vous allez surcharger les services chargés des amendes, qui devront déterminer à chaque fois si, oui ou non, l’empêchement invoqué est bien légitime. Où allons-nous ?

Quand bien même le vote est un droit inaliénable – un droit acquis, qui a mûri pendant des siècles –, notre démocratie, même imparfaite, ne peut contraindre un citoyen à l’exercer. Refuser l’exercice de son droit est aussi, pour lui, une manière de s’exprimer. Pour exercer son droit d’abstention, il faudra donc payer. Certes, je suis contre l’abstention – un phénomène que je déplore, de même que mes collègues du Rassemblement national et d’autres députés ici présents. Nous sommes favorables à des mesures incitant à la participation démocratique, mais pas à des sanctions. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 2.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Madame Lelouis, l’originalité de votre argumentaire mérite d’être soulignée. Que vous contestiez en tout point la logique du vote obligatoire, je le comprends. Néanmoins, je vous le dis avec beaucoup de respect, quand vous déclarez « je suis contre l’abstention », cela ne veut rien dire. Vous pouvez, comme nous, regretter l’abstention. Vous avez défendu à l’instant la notion de liberté de vote, en soulignant qu’il fallait éviter la contrainte ; or, puisque vous dites « je suis contre l’abstention », cela signifie que vous avez envie d’y répondre, a priori par la contrainte !

Pourquoi avons-nous choisi d’inscrire, dans le triptyque présenté par cette proposition de loi, le recours au vote obligatoire ? D’abord parce que c’est un système qui fonctionne ailleurs : en Belgique, par exemple, la participation électorale est de 90 %. Nous aimons, les uns et les autres, nous draper dans la légitimité populaire, considérant que plus le corps électoral est représenté, plus la légitimité des élus est grande. Je comprends que, dans notre société fracturée, toute contrainte nouvelle suscite de l’inquiétude : il faut donc faire preuve de pédagogie ou de prudence.

J’invite ceux qui ont exprimé leur refus de notre proposition de vote obligatoire à ne pas voter ces amendements de suppression. Si nous, membres des groupes d’opposition, prenons l’habitude de supprimer les articles des textes présentés dans les niches de nos collègues, qu’ils soient ou non chers à nos cœurs, alors nous réduirons encore plus le débat. Le rendez-vous aura lieu au moment du vote de l’article lui-même. Avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Il y a en France 50 millions de personnes en âge et en droit de voter, dont 2,5 millions qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales. Or, au second tour de la dernière élection présidentielle, 13 millions d’électeurs se sont abstenus. Quel aurait été le paysage politique si 50 millions de Français s’étaient rendus aux urnes ? Soit on se dit, en bon démocrate, que c’est précisément cela la démocratie, soit on panique à cette perspective, on refuse absolument de rendre le vote obligatoire et le vote blanc effectif, et on trouve un tas de prétextes pour que les gens restent chez eux – s’ils ne vont pas voter, ce n’est pas grave, ceux qui se déplaceront décideront pour eux.

Faut-il prévoir des sanctions, et, si oui, de quelle nature ? Nous, députés de La France insoumise, ne sommes pas très favorables aux sanctions financières. Nous nous interrogeons quant à l’opportunité d’instituer des sanctions d’ordre administratif : par exemple, un électeur ne s’étant pas présenté le jour du scrutin pourrait être prioritaire sur les listes où sont sélectionnées les personnes participant au dépouillement – autrement dit, aller voter préserverait d’un engagement plus contraignant.

En toute hypothèse, l’idée de la complétude du corps électoral nous semble essentielle, d’autant que ce sont aujourd’hui les électeurs populaires qui participent le moins aux scrutins – il suffit de regarder les salaires, les métiers et les niveaux de diplôme de ceux qui votent pour s’en apercevoir. Or l’abstention du peuple arrange bien l’oligarchie : le fait de dégoûter les gens de voter est, pour les puissants, un moyen de maintenir leur domination. Il faut donc tout faire pour que tout le monde participe aux scrutins !

Mme Cécile Untermaier (SOC). Parce que c’est une proposition de loi émanant de l’opposition, ce texte doit effectivement être débattu dans l’hémicycle. Nous voterons donc contre ces amendements de suppression et nous nous abstiendrons sur l’article 2.

Pour notre part, nous ne souscrivons pas à cette logique de contrainte. C’est dans un esprit d’ouverture que nous voulons favoriser, par divers moyens, une participation plus complète du corps électoral. Il convient de rappeler à nos concitoyens les droits et devoirs que l’on a quand on vit en démocratie.

Dans cette logique d’ouverture, j’aurais aimé que vous proposiez d’instaurer le droit de vote à 16 ans. Je regrette une nouvelle fois que l’article 45 de la Constitution ait été opposé à notre amendement allant dans ce sens ; il dispose pourtant que « sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Je trouve assez cocasse qu’un amendement instaurant le droit de vote à 16 ans ait été jugé irrecevable dans le cadre de l’examen de ce texte à dimension électorale alors qu’un amendement ayant le même objet a été retenu pour la discussion de la proposition de loi relative à la consultation des habitants d’un département sur le choix de leur région d’appartenance.

M. le président Sacha Houlié. L’amendement que vous évoquez concerne la participation à une consultation à partir de l’âge de 16 ans, cela n’a rien à voir avec le droit de voter à l’ensemble des élections.

M. Erwan Balanant (Dem). L’obligation de vote me pose un vrai problème. Ma position se situe dans la droite ligne de la pensée des personnalités qui ont construit le Mouvement démocrate – je pense en particulier à Marc Sangnier, qui voit dans la démocratie l’organisation sociale qui portera au plus haut la conscience et la responsabilité civique de chacun. C’est tout le travail de reconquête que nous devons mener aujourd’hui – je parlerais plutôt de « refondation », bien que l’opinion publique connaisse suffisamment ma position vis-à-vis de l’extrême droite pour que ma phrase ne puisse être détournée.

Ma vision du vote est quelque peu laïque. De même que nous avons la liberté de croire ou de ne pas croire, nous avons la liberté civique de voter ou de ne pas voter. Notre mission doit consister à donner un souffle nouveau à la pratique démocratique. Cela va dans le sens de l’intervention de Cécile Untermaier, avec qui je travaille très bien au sein du groupe d’études « Démocratie participative et e-démocratie » – je vous invite à nous y rejoindre. Nous devons être plus créatifs et expérimenter de nouveaux outils démocratiques. Le vote à 16 ans pourrait en être un, de même que le vote par correspondance. Ma collègue Élodie Jacquier-Laforge a rappelé tout à l’heure que nous dispositions des moyens de l’expérimentation dans le cadre de certaines élections ou consultations telles que celle dont nous parlerons tout à l’heure. Sortons de notre carcan et essayons d’inventer ces nouveaux outils démocratiques !

Mme Marie Guévenoux (RE). Monsieur le rapporteur, nous répondrons à votre invitation en ne votant pas ces amendements de suppression. En revanche, nous voterons contre l’article 2 : comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, nous considérons que le droit de vote est un droit fondamental que chacun doit avoir la liberté d’exercer ou de ne pas exercer. À cette raison philosophique s’ajoute un élément plus pratique. Toute obligation nécessiterait la définition d’une sanction : certains trouveraient que cette dernière est trop lourde, ce qui nous amènerait à la rabaisser jusqu’à rendre l’obligation inopérante.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements CL11 de M. Romain Baubry et CL2 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).

M. Romain Baubry (RN). Cette obligation de voter, sous peine d’amende, ne peut être valablement acceptée par les Français. Il faudrait avant tout s’interroger sur les causes de l’abandon des urnes par nos compatriotes : je suis désolé de vous l’apprendre, mais bon nombre d’entre vous êtes à l’origine de ce comportement des électeurs. Quarante ans de trahison des Français, avec l’aide de vos appareils politiques, nous ont menés dans cette impasse. La réalité, c’est que nos concitoyens ne vous font plus confiance. Le référendum de 2005, les promesses de campagne non tenues, la multitude de 49.3 utilisés, vos appels au barrage républicain et l’injure perpétuelle à l’encontre d’une partie des électeurs ont conduit une majorité de Français à choisir la promenade plutôt que le bureau de vote. Au lieu de les culpabiliser et de vouloir les punir financièrement, donnez-leur envie de vous faire confiance ! Vous avez du chemin à faire…

Mme Marie-France Lorho (RN). Les Français n’ont plus confiance en leurs édiles. En 2021, un sondage indiquait qu’ils n’étaient plus que 16 % à faire confiance aux partis politiques, tandis que 70 % des personnes interrogées estimaient que ces structures étaient déconnectées de la réalité. Cette perte de confiance explique en partie qu’aux deux tours des présidentielles de 2017 et de 2022, plus de 50 % des Français se soient abstenus de voter. Ainsi, le retour de l’engagement et de la participation des citoyens à la vie démocratique ne passera pas par la contrainte. Assortir l’obligation de vote d’une amende serait contre-productif : une telle mesure risquerait d’entériner la défiance des électeurs vis-à-vis des élus. Parce que le retour des Français aux urnes ne passera pas par la contrainte mais par une véritable incitation, je demande la suppression des alinéas prévoyant la sanction pécuniaire.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Monsieur Baubry, votre argumentaire me laisse circonspect. Si vous considérez que l’abstention est le fruit de « quarante ans de trahison des Français », pour reprendre votre formule, j’imagine que, dans les communes que vous dirigez et les circonscriptions où vous êtes élus, la participation est bien plus importante.

M. Yoann Gillet (RN). C’est le cas !

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Non, ce n’est pas le cas.

M. Yoann Gillet (RN). À Fréjus, à Beaucaire…

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Laissez-moi terminer mon explication. Acceptez au moins le principe de la contradiction, nécessaire en démocratie ! Prenez donc les chiffres de la participation à Hénin-Beaumont, puisque c’est une commune que vous administrez.

Mme Julie Lechanteux (RN). Non, à Fréjus !

M. le président Sacha Houlié. Madame Lechanteux, tout le monde a écouté les députés de votre groupe quand ils se sont exprimés : je vous invite donc à laisser parler le rapporteur.

Mme Julie Lechanteux (RN). Sans mensonge, alors !

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Vous m’accusez de mensonge : faites au moins preuve d’écoute !

À Hénin-Beaumont, donc, une commune administrée par Steeve Briois, qui appartient à votre famille politique, la participation aux dernières élections municipales s’est élevée à 55 %. Arrêtez donc de nous faire croire que, dans les communes que vous dirigez, la participation serait plus importante.

Mme Julie Lechanteux (RN). Et à Fréjus ?

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Peut-on vous apporter une contradiction factuelle, ou est-ce quelque chose que vous refusez aussi ? Le débat, c’est le respect des avis contraires qui s’entrechoquent, avec la vérité comme chemin. Essayons de l’emprunter ! Prenez les chiffres, que vous trouverez sur Google ! Vous constaterez que votre argument est absolument inopérant : ce n’est pas parce que vous dirigez une commune que la participation y est redoutable.

Mme Julie Lechanteux (RN). Regardez donc les chiffres de Fréjus !

M. le président Sacha Houlié. N’interpellez pas le rapporteur, s’il vous plaît ! Vous avez déposé des amendements, que vous avez défendus avec verve : écoutez maintenant les réponses.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Vous me parlez de Fréjus : 61 % d’abstention aux dernières élections municipales. Ce n’est pas une participation de dingue !

Mme Julie Lechanteux (RN). Elle était bien plus importante à la présidentielle !

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Vous avez le droit de faire du bruit, mais ce que vous dites est faux.

Je ne vous en veux pas de contester l’instauration d’une sanction pécuniaire – c’est tout à fait votre droit. D’autres l’ont fait, avec des arguments un peu plus solides que les vôtres. Pour notre part, nous avons constaté que les pays ayant instauré une obligation de vote sans l’assortir d’une sanction, quelle qu’elle soit, considèrent qu’elle est en réalité inopérante. Dans ces conditions, on peut légitimement s’interroger, comme M. Bernalicis l’a fait tout à l’heure, sur la nature de l’obligation et les moyens à mettre en œuvre pour qu’elle s’applique dans les faits. La réponse passe souvent par la contrainte ; quant à nous, nous avons choisi la contrainte la plus relative, à savoir l’amende sanctionnant les contraventions de première classe. Si nous avions voulu être vraiment dissuasifs, nous aurions pu prévoir vingt-cinq ans d’emprisonnement ! Nous avons souhaité permettre la discussion sur ce sujet, mais je note que l’obligation de vote est encore, pour certains, un sujet tabou. Avis défavorable.

M. Xavier Breton (LR). Je rappelle nos réticences à l’égard du vote obligatoire et, a fortiori, de l’instauration d’une amende qui viendrait pénaliser les catégories les plus défavorisées de la population. Cela dit, nous ne voterons pas les amendements de suppression afin que le débat puisse avoir lieu, ce qui nous semble essentiel en démocratie. Nous exprimerons plus avant notre position au moment du vote de l’article.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je défends le principe du vote obligatoire. Ce n’est pas de voter ou de ne pas voter qui exprime la liberté du citoyen : dans notre démocratie, cette liberté de choix individuelle n’existe pas sans les droits collectifs qui la créent et la garantissent. Je vous renvoie au contrat social de Jean-Jacques Rousseau : le citoyen ne récupère sa souveraineté individuelle, sa liberté individuelle, que parce qu’il existe des droits collectifs qui la garantissent. Imaginons que personne ne vote : nous ne serions pas en démocratie. A contrario, si tout le monde vote, la liberté est totale. Ainsi, l’obligation de vote est à la fois la condition et la conséquence de la liberté. On parle de crise démocratique et de la nécessaire lutte contre l’abstention : le vote obligatoire est certainement une solution démocratique, même si l’on peut s’interroger sur ses modalités d’application, notamment sur l’opportunité de prévoir des mesures d’incitation ou des sanctions pécuniaires.

M. Romain Baubry (RN). Monsieur le rapporteur, vous auriez pu évoquer votre cas personnel.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Je l’ai fait tout à l’heure.

M. Romain Baubry (RN). En 2020, avec quelle participation avez-vous été réélu ? L’abstention était de 60 %. Ne mettez donc pas en avant les chiffres des communes dirigées par le Rassemblement national : au vu du taux de participation dans votre propre commune, vous devriez vous faire tout petit.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Sans reconnaissance du vote blanc, le vote obligatoire poserait quelques difficultés : l’électeur pourrait être contraint de choisir un candidat au sein d’une offre politique dans laquelle il ne se reconnaît pas. La commission ayant rejeté l’article 1er, l’adoption de l’article 2 poserait un problème de cohérence.

J’ai quelques réticences à l’égard du vote obligatoire : une participation de l’ensemble des électeurs ne ferait que masquer la crise démocratique, qui est bien plus profonde et qui ne se manifeste pas que par l’abstention. La démocratie n’est pas que le vote : c’est ce qui se passe entre deux scrutins qui nourrit la défiance et abîme la démocratie. C’est à tout cela qu’il faut s’attaquer, et c’est pour cela qu’il faut faire preuve de créativité, pour reprendre un mot qui a été utilisé tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle rejette l’article 2.

 

Article 3 (art. L. 9 et L. 11 du code électoral) : Extension de l’inscription automatique sur les listes électorales

Amendements identiques CL25 de Mme Marie Guévenoux, CL27 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL26 de M. Philippe Pradal.

Mme Marie Guévenoux (RE). Notre amendement CL25 rejoint la volonté du rapporteur de faciliter l’inscription sur les listes électorales. Cependant, nous ne souhaitons pas la rendre automatique afin de préserver le pouvoir essentiel d’instruction des maires, à qui il revient de vérifier la réalité des attaches des électeurs dans leur commune. Aussi l’amendement prévoit-il que « la déclaration de changement de domicile réalisée au moyen d’une téléprocédure par un électeur auprès d’un organisme public vaut demande d’inscription sur la liste électorale de la commune du nouveau domicile, sauf opposition de la part de cet électeur », par exemple si ce dernier souhaite rester inscrit sur la liste d’une autre commune, comme l’y autorise la loi.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Il s’agit de redonner au maire la « maîtrise » de ses listes électorales, puisqu’il est le seul qui connaisse réellement sa commune. Les élus locaux ne comprendraient pas que nous ne votions pas ce dispositif.

M. Philippe Pradal (HOR). Il serait paradoxal que cette proposition de loi visant à renforcer la démocratie prive le maire, qui est un maillon essentiel de la démocratie, d’un pouvoir important pour la vitalité démocratique de sa commune.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Je conviens tout à fait que ces amendements vont dans le bon sens, même s’ils vont moins loin que la rédaction initiale de l’article 3 : j’émettrai donc un avis de sagesse.

Votre argumentaire est fragile. Vous mettez en avant le pouvoir des maires, mais ce dernier se limite à une appréciation quant à la résidence effective des électeurs dans la commune. L’inscription est automatique pour les jeunes, et tout le monde s’accorde à dire que c’est une bonne chose ; je m’étonne donc que vous vous opposiez à l’élargissement de cette mesure, au motif qu’il remettrait en cause la compétence des maires. Je connais la puissance du lobby des maires, mais je ne suis pas certain que ce soit sur ce sujet qu’ils nous attendent absolument.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’automaticité de l’inscription sur les listes électorales serait une avancée démocratique majeure : on considérerait enfin que l’État a le devoir de rendre le droit de vote effectif plutôt que de l’envisager exclusivement comme une liberté individuelle. Comme l’a expliqué Sébastien Rome, le droit de vote n’est pas qu’individuel : si les électeurs se déplacent pour voter les uns après les autres à des jours différents, à des heures différentes et sur des sujets différents, cela ne signifie rien. Il s’agit en réalité d’un droit fondamental collectif, d’une liberté qui ne peut être exercée que collectivement.

On l’a dit, l’inscription sur les listes électorales est déjà automatique pour les jeunes ayant satisfait à leur obligation de recensement et réalisé leur journée défense et citoyenneté. Le délai de deux ans entre le recensement à 16 ans et l’inscription sur les listes à 18 ans est d’ailleurs préjudiciable, car les jeunes peuvent avoir déménagé entre-temps. La mal-inscription qui résulte de ce décalage plaide pour une inscription automatique sur les listes électorales dès 16 ans – je retiens qu’il faudra déposer un amendement en ce sens pour la séance, où il ne sera peut-être pas frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution.

Quoi qu’il en soit, cette inscription automatique est tout aussi nécessaire pour la population générale. Faut-il laisser aux maires la possibilité de vérifier systématiquement l’attache territoriale ? Ce n’est pas sûr car, pour les jeunes, l’information ne circule pas toujours très bien entre les armées et les mairies : il arrive ainsi que de jeunes électeurs, pensant avoir été inscrits automatiquement, se déplacent pour voter mais découvrent qu’ils ne figurent pas sur les listes. Il existe également des possibilités de double rattachement, pour les étudiants ou d’autres jeunes pour des raisons fiscales. Il faut donc faire preuve de plus d’ouverture et de souplesse.

M. Xavier Breton (LR). L’automaticité de la procédure d’inscription constituerait un pas en avant. Toutefois, il est important que le maire conserve un pouvoir de contrôle dans cette procédure, qui ne doit être ni désincarnée, ni déterritorialisée.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. C’est prévu : la règle est l’automaticité, toute dérogation étant laissée à l’appréciation du maire.

Mme Marie Guévenoux (RE). Le texte prévoit de conserver un pouvoir d’instruction du maire a posteriori, avec une commission de radiation. Nous pensons que le pouvoir d’instruction a priori, qui consiste pour le maire à vérifier les deux conditions cumulatives – droit de vote et attache avec la commune –, doit pouvoir continuer à être exercé. Voilà pourquoi nous faisons cette proposition, qui répond à ce que le rapporteur estimait être une fragilité.

La commission adopte les amendements et l’article 3 est ainsi rédigé.

Après l’article 3

Amendement CL31 de M. Emmanuel Mandon.

M. Emmanuel Mandon (Dem). La mise en œuvre effective de l’inscription automatique sur les listes électorales dépend non seulement des modalités d’inscription, que les auteurs du texte entendent modifier, mais également des conditions matérielles dans lesquelles sont établies et révisées les listes électorales servant de base à la constitution du répertoire électoral unique, entré en vigueur il y a quatre ans. Il serait nécessaire de disposer d’une évaluation de ce nouveau service dématérialisé, largement déployé, et de la collaboration instaurée entre les communes, les consulats et l’Insee, parce qu’il semble y avoir de réelles difficultés dans la collecte et la transmission par les services communaux des données intégrées dans le REU.

M. Benjamin Saint-Huile, rapporteur. Dans la mesure où il y a déjà eu des études sur ce sujet, je pourrais émettre un avis défavorable à cette nouvelle demande de rapport. Je vous donnerai néanmoins un avis de sagesse puisque vous estimez que cela peut être utile aux travaux de votre groupe.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Pour approfondir l’engagement des citoyens il faut se demander comment passer de la défiance au contrôle, en étudiant notamment le droit de révoquer les élus en cours de mandat, qui permettrait une montée en gamme de notre démocratie, et en réformant les modes de scrutin. Nous ne faisons qu’ouvrir ce débat – j’en remercie le rapporteur Saint-Huile – et j’espère que nous pourrons le poursuivre dans l’hémicycle. C’est bien de démocratie qu’il sera question, alors que l’on vient de nous dénier le droit d’examiner le texte abrogeant la réforme des retraites.

La commission adopte l’amendement.

Article 4 : Gage financier

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Titre

Amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho (RN). L’expression « vie démocratique » est approximative. Le présent amendement vise à préciser que le texte concerne la participation des Français aux élections.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à renforcer l’engagement et la participation des citoyens à la vie démocratique (n° 1157) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


—  1  —

   Personnes entendues

 

Mercredi 24 mai 2023

       Mme Céline Braconnier, directrice de Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye

       M. Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l’Université de Montpellier I

       Mme Aurélia Troupel, maître de conférences à l’Université de Montpellier

Jeudi 25 mai 2023

       Mme Muriel Barlet, cheffe du département démographie

       M. Lionel Espinasse, adjoint à la cheffe du département

       M. Olivier Durand, président

Mardi 30 mai 2023 – En visioconférence

       M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur

       M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections politiques

       M. William Benessiano, maître de conférences à l’Université Aix Marseille

       M. Régis Dandoy, chercheur associé à l’Université libre de Bruxelles, professeur à l’Universidad San Francisco de Quito


([1]) Assemblée nationale, proposition de loi abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite, n° 1164 déposée par M. Charles de Courson, le 25 avril 2023, XVIème législature.

([2]) Assemblée nationale, proposition de loi visant à élargir l’assiette de la taxe sur les transactions financières, n° 1145, déposée par M. Christophe Naegelen, le 25 avril 2023, XVIème législature.

([3]) En revanche, si une enveloppe contient plusieurs bulletins identiques, le vote est valide mais ne compte qu’une seule fois.

([4]) Avis du Conseil d’État sur la manière de compter les votes pour établir la majorité absolue dans un collège électoral, séance du 16 décembre 1806, publié dans les bulletins n° 2178 des lois du 1er semestre 1807, extrait des Minutes de la secrétairerie d’État du 25 janvier 1807.

([5]) Article 30 du décret du 2 février 1852.

([6]) Article 9 de la loi du 29 juillet 1913 ayant pour objet d’assurer le secret et la liberté du vote ainsi que la sincérité des opérations électorales, modifiant les articles 14 et 27 de la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.

([7])  V. Amalric, « La reconnaissance du vote blanc par la loi du 21 février 2014 : une avancée limitée », Revue française de droit constitutionnel, vol. 99, n° 3, 2014, pp. 741-759.

([8]) P. Blachèr, B. Daugeron, « Vote blanc : avancée démocratique ou non-sens électoral ? », Recueil Dalloz, 2014, p. 673.

([9]) Assemblée nationale, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi (n° 107) visant à reconnaître le vote blanc aux élections par M. François Sauvadet, n° 400, 14 novembre 2012, XIVème législature, p. 15.

([10]) Sondage « Les Français et le vote blanc », IFOP pour Synopia, 28 mars 2017.

([11]) « II.  Les opérations électorales sont organisées selon les règles fixées aux articles L. 1, L. 2, L. 6, L. 9 à L. 20, L. 29 à L. 32, L. 36 à L. 38, L. 42, L. 43, L. 45, L. 47 A à L. 52-2, L. 52-4 à L. 52-11, L. 52-12, L. 52-14, au quatrième alinéa de l’article L. 52-15 et aux articles L. 52-16, L. 52-17, L. 53 à L. 55, L. 57-1 à L. 78, L. 86 à L. 114, L. 116, L. 117, L. 117-2, LO 127, LO 129, L. 163-1, L. 163-2, L. 199, L. 385 à L. 387-1, L. 388-1, L. 389, L. 393, L. 451, L. 477, L. 504 et L. 531 du code électoral […] ».

([12])  Proposition de loi constitutionnelle relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle, déposée le 17 janvier 2021 à l’Assemblée nationale. Par M. Jean Lassalle et plusieurs de ses collègues,

([13]) W. Benessiano, « Le vote obligatoire », Revue française de droit constitutionnel, vol. 61, n° 1, 2005.  

([14]) Idem.  

([15]) P. Laffitte, Le suffrage universel et le régime parlementaire, Hachette, Paris, 1888, p. 146.

([16]) On peut citer la proposition de lois n° 486 du 18 décembre 2002 présentée par M. Paillé tendant à compléter le code électoral en vue de la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé et instaurant le vote obligatoire pour tous les électeurs ou encore la proposition de loi n° 547 du 16 janvier 2003 par M. Fabius et les membres du groupe socialiste visant à rendre la participation obligatoire au vote

([17]) Voir commentaire de l’article 1er.

([18]) Article L. 280 du code électoral.

([19]) Proposition de loi électorale pour la formation de la Chambre des députés, présentée par M. de Castellane le 9 mars 1872

([20]) Dispositif mis en place en Belgique pendant quelques années.

([21]) Dispositif créé dans certains cantons suisses.

([22]) Audition de M. Jean-Yves Dormagen et Mme Céline Braconnier.

([23]) Voir commentaire de l’article 3.

([24]) Article 529-1 du code de procédure pénale.

([25]) Article 529-2 du code de procédure pénale.

([26]) Idem.

([27]) Assemblée nationale, Rapport de M. Stéphane Travert, rapporteur et M. Xavier Breton, président, 8 décembre 2021, XVème législature, n° 4790.

([28]) Nathalie Stéphan, « 47,9 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales françaises en mai 2021 », Insee Focus n° 286, 9 juin 2021.

([29]) Xavier Niel et Liliane Lincot, « L’inscription et la participation électorales en 2012 », Insee Première, n° 1411, 6 septembre 2012.

([30]) Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen, Ghislain Gabalda, Xavier Niel, « Sociologie de la mal-inscription et de ses conséquences sur la participation électorale », Revue française de sociologie, 2016/1, Vol. 57, pages 17 à 44.

([31]) Audition de Mme Céline Braconnier.

([32]) Voir infra.

([33]) Article L. 17 du code électoral.

([34]) Article L. 30 du code électoral.

([35]) Ces dérogations sont maintenues dans le dispositif proposé (voir infra 2. b).

([36]) Mme Muriel Barlet, cheffe, et M. Lionel Espinasse, adjoint à la cheffe, du département démographie.

([37]) Audition des représentants de l’Insee.

([38]) Loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales.

([39]) Rapport du groupe de travail groupe de travail sur les modalités d’organisation de la vie démocratique, op. cit., p. 84.