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N° 1302

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022
(n° 1268)

 

 

 

PAR Mme StÉphanie RIST

Rapporteure générale, Députée

 

 

 

 

 Voir le numéro : 1268.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article liminaire Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2022

Article 1er Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2022

Article 2 Approbation, pour l’exercice 2022, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Article 3 Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2022

Travaux de la commission

1. Réunion du mercredi 24 mai 2023

2. Réunion du mardi 30 mai 2023

3. Réunion du mercredi 31 mai 2023

 


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   Avant-propos

● La première loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) consacre la mise en place d’un cycle budgétaire complet de vote, de contrôle et d’évaluation des finances sociales.

Cette nouvelle catégorie de loi, issue de la dernière révision du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale ([1]), est appelée de leurs vœux par de nombreux acteurs des finances publiques et des finances sociales depuis de nombreuses années.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), s’il ne recommandait pas nécessairement la création d’une nouvelle catégorie de lois, a estimé que le « printemps », qui constitue le moment d’évaluation des finances sociales, devait monter en charge, au regard notamment du calendrier budgétaire européen ([2]). Le premier semestre se caractérise en effet désormais par l’élaboration par le Gouvernement du programme de stabilité pluriannuel, dont le statut est également organique ([3]). Prévu dans le cadre du « semestre européen » ([4]), le programme de stabilité a vocation à présenter « l’objectif à moyen terme d’une position budgétaire proche de l’équilibre ou excédentaire, ainsi que la trajectoire d’ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif concernant l’excédent/le déficit des administrations publiques » ([5]). Or, les finances sociales constituent de l’ordre de 70 % des dépenses présentées dans le cadre du programme de stabilité ([6]). Dès lors que la présentation de celui-ci constitue un élément fondamental du cycle budgétaire annuel, l’approfondissement de l’analyse de l’exécution des finances sociales s’imposait.

Dans le contexte postérieur aux confinements imposés par la crise sanitaire, et alors que des mesures ambitieuses de soutien aux travailleurs et aux assurés avaient été mises en place, la Cour des comptes avait réitéré sa recommandation de créer, au sein du cycle budgétaire social, une loi spécialement consacrée à l’évaluation des finances sociales ([7]).

De même, la commission pour l’avenir de nos finances publiques, présidée par Jean Arthuis, avait proposé que soit mise en place, sur le modèle de la loi de règlement, une « loi de résultats pour la sécurité sociale » afin de renforcer le temps consacré au contrôle de l’exécution et de l’évaluation des dépenses ([8]).

● C’est en partageant ces constats que le législateur organique a souhaité détacher la première partie des lois de financement de la sécurité sociale de l’année pour en faire une catégorie à part, examinée au printemps : la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. Cette volonté était partagée par les deux assemblées parlementaires. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale estimait en effet que la création de cette nouvelle catégorie permettait de « sanctuariser et de renforcer ce moment de contrôle et d’évaluation au printemps » ([9]) tandis que le rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat soulignait l’intérêt de reproduire le « chaînage vertueux » des lois de finances et le continuum entre la loi initiale et la loi de règlement, alors que « cet examen est aujourd’hui rapidement évacué en première partie du PLFSS de l’année où les débats se concentrent naturellement sur les mesures des années à venir » ([10]).

Les débats autour de ce premier projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) doivent permettre aux parlementaires de s’approprier non seulement les dispositions relatives à l’exécution des comptes 2022, mais aussi à l’information renouvelée qui accompagne désormais ce projet de loi « printanier ».

● Au titre des nouvelles informations mises à disposition des parlementaires, la rapporteure générale retient plusieurs documents annexés.

La nouvelle annexe 2 approfondit l’ancienne annexe 5 aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui recensait les mesures de réduction et d’exonération de cotisations et de contributions sociales, tout en en donnant le coût et les modalités de compensation. Au regard de l’ampleur, tout autant du montant de ces exonérations que de la place que celles-ci prennent dans les débats parlementaires autour des PLFSS, le législateur organique a adjoint à cette annexe une nouvelle fonction d’évaluation de ces exonérations. L’évaluation annuelle d’un tiers des exonérations doit ainsi permettre au Parlement et, au-delà, aux citoyens, de pouvoir dépasser la seule présentation budgétaire et vérifier dans quelle mesure ces dispositifs atteignent leurs objectifs, qui ne sont pas uniquement le soutien à l’emploi. L’ensemble de ces mesures d’exonérations et d’exemptions atteint en effet près de 80 milliards d’euros en 2022, en prenant en compte les dispositifs exceptionnels liés à la crise sanitaire.

● De ce point de vue, la nouvelle annexe 2, qui se divise en trois tomes, ne donne pour le moment qu’un aperçu de ce que pourra permettre, à plein régime, le dispositif d’évaluation. Le délai entre l’adoption du nouveau cadre organique, le 14 mars 2022, et la présentation de cette annexe, à la fin du mois de mai 2023, explique en grande partie dans quelle mesure cette année a été consacrée à la seule mise en œuvre d’une grille d’évaluation.

Ainsi, le troisième tome de l’annexe présente, sur la base des conclusions de la mission menée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF), lancée en septembre 2022 et dont les conclusions ont été publiées au moment du dépôt du Placss sur le bureau de l’Assemblée nationale ([11]). La mission a ainsi proposé une grille d’analyse, en partenariat avec la direction de la sécurité sociale, qui repose sur vingt‑six caractéristiques :

– treize caractéristiques descriptives ;

– huit caractéristiques quantitatives ;

– cinq caractéristiques de type plus évaluatif.

Ces caractéristiques se retrouvent effectivement dans le tableau « en accès ouvert » disponible en ligne, portant sur les 148 mesures de « diminution des recettes » identifiées par la mission.

● Au regard des critères qui présidaient déjà à la présentation de l’annexe 5 pour les lois de financement qui précèdent la réforme du cadre organique, la rapporteure générale constate qu’une grande majorité des caractéristiques mises en avant par la nouvelle annexe 2 étaient déjà recensées. Il en va ainsi de onze des treize caractéristiques descriptives, de six des huit caractéristiques quantitatives et de l’ensemble des caractéristiques évaluatives. Les principales innovations, à ce stade, ressortent donc de :

– l’existence d’un impact des exonérations sur les prestations ainsi que le caractère facultatif ou non des exonérations ;

– l’avantage différentiel global ou l’avantage différentiel local que peuvent représenter une partie des exonérations au regard du droit existant.

Naturellement, la rapporteure générale fait sienne la recommandation de la mission précitée pour améliorer l’exhaustivité des critères quantitatifs d’évaluation des exonérations

La notion d’avantage différentiel

Mise en avant par la mission précitée, « l’avantage différentiel représente, pour une mesure de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale, la différence entre le montant de cette réduction et celui des mesures générales » ([12]).

De nombreux dispositifs sectoriels de soutien à l’emploi, qu’il s’agisse de dispositifs géographiques ou portent sur un secteur d’activité en particulier, s’ajoutent aux mesures d’allégements généraux, dont les bornes sont uniquement des niveaux de salaires. Cette méthode vise donc à isoler le coût d’une de ces exonérations que l’on peut qualifier de spécifique, en prenant en compte le fait que la « norme de référence » est déjà fortement biaisée par l’application ndes allègements généraux.

La mission, tout comme l’annexe 2, retient deux types d’avantage différentiel :

– l’avantage différentiel local, qui permet de comparer, à un niveau de salaire donné, la différence que représente le bénéfice d’une exonération spécifique de cotisations ou de contributions sociales par rapport à une personne qui ne bénéficie « que » des allégements généraux ;

– l’avantage différentiel global, qui consiste à agréger l’ensemble des avantages différentiels locaux, pour l’ensemble des niveaux de salaires concernés, factorisé par le nombre de bénéficiaires.

Le premier dispositif relève donc plutôt de l’analyse microéconomique, permettant d’identifier le gain précis pour les employeurs concernés, tandis que le second permet d’évaluer, de manière plus macroéconomique, la population cible d’une exonération spécifique.

● La rapporteure générale, qui n’a pas été auditionnée par la mission, estime qu’un dialogue soutenu doit désormais s’engager, notamment entre le Gouvernement et la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, pour déterminer des critères d’évaluation qui puissent irriguer les prochaines annexes aux Placss, afin de déterminer, à partir de la cartographie établie par la mission, des critères propres à chacune des pertes de recette. Ces critères doivent notamment pouvoir permettre d’en déterminer l’efficacité, à savoir l’atteinte des objectifs fixés par le législateur ou le pouvoir réglementaire, mais aussi l’efficience, à savoir le rapport entre le montant de la perte de recettes et la satisfaction des objectifs susmentionnés.

● Il convient en effet de rappeler, ainsi que l’avait fait Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales durant la seconde partie de la XVe législature et auteur de la proposition de loi organique ayant abouti à la création de cette obligation d’évaluation, que la nécessité de poser un cadre évaluatif tient, concernant le Parlement, à une discussion approfondie de ce type de mesures au cours de l’examen de la deuxième partie des lois de financement. Les informations sur lesquelles ce débat pourrait désormais s’appuyer, afin d’en éclairer les enjeux, devraient ainsi concerner prioritairement :

– les exonérations qui présentent les enjeux les plus importants, qu’il s’agisse des montants financiers identifiés, du nombre de bénéficiaires – assurés ou entreprises – ou encore de l’importance stratégique que représente une exonération pour des secteurs donnés (industrie, agriculture, emploi dans les territoires ultramarins) ;

– les exonérations qui font l’objet d’une part majeure du débat au sein de la commission des affaires sociales ou dans l’hémicycle.

La seconde catégorie ne recoupe pas nécessairement la première, ce qui explique la nécessité, pour la rapporteure générale, que les commissions des affaires sociales des deux assemblées puissent être associées à la définition du programme triennal d’évaluation, afin que celui-ci reflète les attentes du Parlement.

● S’agissant des autres annexes, qu’il s’agisse de l’annexe 3 relative à l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’annexe 4, qui traduit l’attention désormais portée à l’exécution des comptes des régimes d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire ou des autres annexes, qui permettent aux parlementaires de s’approprier les enjeux de gestion des caisses, des opérateurs dans le champ des administrations de la sécurité sociale (Caisse d’amortissement de la dette sociale, Fonds de solidarité vieillesse, Fonds de réserve pour les retraites, etc), la rapporteure générale salue la qualité de l’information désormais disponible au printemps.

En particulier, les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale, qui portent sur chacune des branches de la sécurité sociale ainsi que sur la « branche » recouvrement, représentent plus de 800 pages permettant d’analyser dans quelle mesure chacune de ces branches atteignent des objectifs transversaux, en ce qui concerne le versement des prestations à bon droit, la lutte contre la fraude, mais aussi des objectifs propres à chacune de ces caisses.

La rapporteure générale forme le vœu que la disponibilité de cette information, qui a représenté un effort important pour les administrations ainsi que pour la certification des comptes, puisse être pleinement utile aux parlementaires à la fois pour évaluer la bonne exécution des politiques publiques mais aussi pour nourrir les débats de l’automne prochain.


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   Commentaire des articles

Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2022

Adopté par la commission sans modification

L’article liminaire constitue un article obligatoire des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, en application du nouveau cadre défini par la loi organique du 14 mars 2022 ([13]).

Il présente, pour l’exercice exécuté, les prévisions de dépenses, de recettes et de solde pour les administrations de sécurité sociale, ce qui représente un champ plus important que celui qui est traditionnellement applicable aux lois de financement.

Le présent article présente un solde excédentaire de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2022.

I.   L’article liminaire, outil comptable et d’information globale sur le champ de la protection sociale

● Le cadre organique général de la programmation des finances publiques tel qu’établi en 2012 ([14]), prévoyait que les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives ainsi que les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Cette disposition n’avait trouvé à s’appliquer qu’une fois dans le champ des lois de financement, en 2014 ([15]), mais le champ établi présentait la situation pour l’ensemble des administrations publiques (« toutes APU »), mal adapté à l’objet de la loi de financement de la sécurité sociale.

À l’instar de la loi de financement de l’année ([16]), la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) en a été dotée par la récente loi organique relative aux lois de financement ([17]). Le législateur financier social peut ainsi non seulement disposer d’une information renforcée sur un champ plus large que celui de la sécurité sociale, mais il peut également comparer les prévisions que porte l’article liminaire de la loi de financement de l’année avec son exécution en Lacss.

C’est pourquoi les dispositions suivantes prévoient désormais l’examen d’un article liminaire.

Dispositions relatives à l’intégration d’un article liminaire dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale

« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :

«  Comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale relatifs à l’année à laquelle cette loi se rapporte ; »

● Toujours sur le modèle de la loi de financement de l’année, correspondent au champ de l’article liminaire des annexes informatives relatives à l’exécution des comptes des régimes d’assurance chômage et des régimes de retraite légalement obligatoires ([18]). Sans qu’il ne se traduise en l’état par une extension du champ de l’ensemble des lois de financement à ces régimes extérieurs au champ des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS), l’article liminaire témoigne de la nécessité pour le législateur d’être informé de l’ensemble des dispositions relatives à la protection sociale, autant en raison de la proximité du fonctionnement de ces régimes avec celui des régimes de base de la sécurité sociale que leur importance pour des millions de Français.

Dans le prolongement des débats qui avaient eu lieu au moment de l’examen de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale portée par son prédécesseur ([19]), la rapporteure générale estime que ce projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale doit permettre d’apprécier dans quelle mesure la seule communication des informations relatives à l’exécution des comptes des régimes complémentaires de retraite et de l’assurance chômage constitue une avancée suffisante pour le Parlement. L’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([20]) a en effet montré que certaines dispositions qui ont un effet sur les régimes obligatoires de base de retraites, comme les mesures relatives à l’âge d’ouverture des droits ou à la durée de cotisation, ont également un effet sur les comptes des régimes de retraite complémentaire. Alors que les conditions financières de ces régimes peuvent être affectées par toute loi ordinaire, il semble étonnant que seules les lois de financement de la sécurité sociale ne puissent les modifier. Une réflexion renouvelée sur ce sujet pourrait être utilement envisagée.

La distinction entre le champ des ROBSS et des ASSO

Périmètre traditionnel des lois de financement de la sécurité sociale, les ROBSS constituent une notion plus institutionnelle que comptable, puisqu’ils comprennent l’ensemble des régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés.

La nature de ces régimes exclut donc de leur champ :

– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;

– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;

– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.

Les régimes obligatoires de base encadrent le champ d’action des lois de financement.

Le champ des « administrations de sécurité sociale » ou « ASSO » constitue, lui, un sous‑ensemble du secteur des administrations publiques en comptabilité nationale. Le système européen des comptes (SEC) de 2010 définit le secteur des ASSO comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes. Si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs du secteur des administrations publiques. Si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur des fonds de sécurité sociale. »

Ce secteur comprend donc l’ensemble des personnes institutionnelles qui ont pour fonction de verser des prestations sociales dans le cadre de régimes au sein desquels :

– l’ensemble ou une partie de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;

– les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces personnes pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.

Ce champ comptable est retenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la nation mais aussi par la loi de finances dans le cadre de son propre article liminaire.

Le champ des ASSO est naturellement plus large que celui des ROBSS, même s’il faut ôter de ce champ les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie. Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des ROBSS, mais pas dans celui des ASSO. Ce secteur comprend, par ailleurs :

– les régimes complémentaires d’assurance vieillesse et d’assistance maladie ;

– le régime d’assurance chômage ;

– les comptes des établissements de santé ;

– le solde de l’ensemble des « satellites » comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).

L’intérêt de la présentation de ce nouveau champ dans la loi de financement permet non seulement une intégration dans les catégories comptables utilisées dans les autres lois financières, mais éclaire aussi sous un autre jour la situation financière des régimes de la sécurité sociale et ceux qui lui sont proches.

II.   la délimitation du champ retenu fait apparaître un excédent pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale en 2022

 À l’instar de la loi de financement de sécurité sociale (LFSS) pour 2023 ([21]), le présent article liminaire fait apparaître un excédent pour l’exercice 2022 de 0,3 % du PIB, soit 9,2 milliards d’euros. La diminution de 0,1 point de PIB de cet excédent tient à la révision de fin de gestion dans le champ des ROBSS. Selon le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, la dynamique des revenus des travailleurs indépendants a conduit à revoir à la hausse les recettes à hauteur de 1,1 milliard d’euros, tandis que l’augmentation des dépenses tient notamment à celle des prestations vieillesse, dans le cadre d’une inflation toujours soutenue ([22]).

Comme vu supra, le champ des « administrations de sécurité sociale » diverge de celui des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ce qui explique la divergence avec les déficits dans le champ des ROBSS. Depuis 2005, en particulier, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), sont considérés comme des administrations de sécurité sociale. Notamment, les recettes de la première, estimées à 19 milliards d’euros pour l’année 2022 dans le cadre du présent projet de loi, contribuent à la présentation des comptes en excédent, même si elles sont affectées à la couverture de déficits sociaux passés. Les excédents des régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire, décrits infra, y contribuent également.

● L’analyse de cet article liminaire est également l’occasion de faire celle des régimes d’assurance chômage et de retraite légalement complémentaires, pour lesquels une annexe informative ad hoc est remise au Parlement, en application de la loi organique du 14 mars 2022 précitée ([23]).

● S’agissant de l’assurance chômage, l’annexe fait apparaître un excédent de 4,3 milliards d’euros, rétablissement particulièrement rapide après des déficits à hauteur de 17,4 milliards d’euros en 2020 et 9,3 milliards d’euros en 2021. Cet excédent permet d’engager une première trajectoire de désendettement, puisque la dette du régime a diminué de 4,3 milliards d’euros entre 2021 et 2022, pour s’établir à 59,3 milliards d’euros.

La possibilité pour l’Unédic de renouer avec des excédents dès l’exercice 2022 tient naturellement à l’amélioration de la conjoncture économique, et notamment du marché du travail, qui a des effets en recettes (+ 10,7 %), assises sur la masse salariale, comme en dépenses (– 18,8 %). Ces dernières ont diminué en particulier du fait de la réduction du taux de chômage à 7,1 % au quatrième trimestre 2022, de la diminution des dépenses propres au régime d’urgence mis en place à compter de mars 2020 tout comme à la montée en charge de la réforme de l’assurance chômage.

● S’agissant des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires, leur situation est également particulièrement favorable. Sous l’impulsion notable de l’Agirc-Arrco, qui verse les pensions de retraite complémentaire des salariés et de cadres du secteur privé, les régimes complémentaires maintiennent en 2022 un excédent à peu près stable, à 6,6 milliards d’euros, contre 6,3 milliards d’euros en 2021.

Résultats financiers des régimes complémentaires de retraite pour 2022

(en milliards d’euros)

Régime

Type de population couverte

Résultat en 2022

Association générale des institutions de retraite des cadres et association des régimes de retraite complémentaire (Agirc-Arrco)

Salariés et cadres du secteur privé

+ 5,2

Complémentaire de la CNAVPL

Professions libérales

+ 0,2

Caisse nationale déléguée à la sécurité sociale des travailleurs indépendants

Travailleurs indépendants

+ 0,5

Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités (Ircantec)

Agents publics

+ 0,7

Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)

Fonctionnaires

0

Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aviation civile (CRPNPAC)

Personnel navigant de l’aviation civile

0

Exploitants agricoles

Exploitants agricoles

+ 0,1

Caisse nationale des barreaux français (CNBF)

Avocats

– 0,1

Total

 

+ 6,6

Source : Annexe 4 au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022.

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Article 1er
Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2022

Adopté par la commission sans modification

L’article 1er du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale vise, conformément au nouveau cadre organique prévu par la loi organique du 14 mars 2022, à approuver les comptes, pour l’année 2022, des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) ainsi que ceux des organismes qui concourent au financement de ces régimes.

L’exercice 2022 confirme la reprise économique et de la diminution rapide du déficit des ROBSS, ainsi que le rythme élevé d’amortissement de la dette sociale par la Cades.

I.   L’APPROBATION DES COMPTES DE L’EXERCICE N-1 : UNE DISPOSITION TRADITIONNELLE SENSIBLEMENT MODIFIÉE PAR LA RÉVISION DU CADRE ORGANIQUE DES LOIS DE FINANCEMENT

A.   L’APPROBATION DES COMPTES DE L’EXERCICE ANTÉRIEUR À L’ANNÉE DE PRÉSENTATION DES LOIS DE FINANCEMENT CONSTITUE UNE OBLIGATION ORGANIQUE

En 2005, le législateur organique a souhaité conférer aux lois de financement une organisation permettant d’examiner des dispositions financières sur trois exercices différents. À ce titre, l’article L.O. 111-3 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau cadre organique prévoyait que, dans une première partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos, les lois de financement approuvent :

– les tableaux d’équilibre par branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, soit le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice clos ;

– les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour ce même exercice ;

– les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Ces organismes sont respectivement le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Cette première partie permettait de respecter, dans le cadre des lois de financement, le principe selon lequel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière », en application de l’article 47-2 de la Constitution.

Pour rappel, les tableaux d’équilibre, établis à partir du compte de résultat des branches du régime général ou de l’ensemble des régimes de base, permettent de présenter un montant agrégé de recettes (produits des comptes après retraitement) et de dépenses (charges des comptes après retraitement) ainsi qu’un solde.

B.   LE CADRE ORGANIQUE PRÉVOIT DÉSORMAIS UN CYCLE BUDGÉTAIRE ANNUEL

La loi organique du 14 mars 2022 ([24]) modifie, à compter de 2023, la structuration des lois de financement de la sécurité sociale, de telle sorte que la première partie est supprimée des lois de financement de l’année et s’intègre dans un nouveau texte budgétaire, la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).

En application du 2° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, la Lacss comprend ainsi une approbation :

– des « tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice » ;

– des « montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et aux organismes concourant au financement de ces régimes et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ».

Seule est soustraite au champ de la clôture des comptes l’approbation des comptes du régime général. Bien que ce régime, qui embrasse désormais les salariés et les travailleurs indépendants, représente la majorité des cotisants et des assurés, le champ d’application des lois de financement demeure celui des ROBSS. La présentation des comptes d’un régime particulier, fût-il le plus important numériquement, ne conservait pas beaucoup de pertinence alors même que l’intégration des travailleurs indépendants en son sein par la loi de financement pour 2018 a montré que les frontières de ces régimes étaient suffisamment mouvantes pour interdire un véritable suivi dans le temps, y compris au moment de l’examen des comptes.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) de mai 2023 ([25]), a regretté que les dates de production et de certification des comptes des organismes de sécurité sociale n’aient été modifiés conséquemment au changement de cadre organique. Si la direction de la sécurité sociale a pu, en 2023, anticiper la collecte des comptes des ROBSS et transmettre plus rapidement les tableaux d’équilibre à la Cour, les délais d’analyse par les juridictions financières se sont réduits de quatre mois par rapport à la situation qui prévalait jusqu’en 2021 (passant de septembre à mai). Cela ne laisse que quinze jours pour examiner les comptes et les rapports des commissaires aux comptes, les états financiers définitifs étant établis, en vertu d’un arrêté de 2014 ([26]), au 15 avril. La Cour demande donc à ce que ce calendrier puisse, dans un objectif d’améliorer l’exercice de certification, être avancé de quinze jours (au 31 mars). Le RALFSS indique que des travaux sont en cours à ce sujet, sans que les « perspectives d’évolution » ne soient définies à ce stade.

II.   Un exercice 2022 qui tÉmoigne d’un redressement des comptes des rÉgimes obligatoires de base de sÉcuritÉ sociale

A.   Le solde pour l’annÉe 2022 montre un rÉtablissement diffÉrenciÉ des comptes en fonction des branches

1.   Méthodologie de comparaison avec les comptes de l’année 2021

Lors des débats sur le PLFSS 2023, une divergence s’était fait jour entre le Sénat et l’Assemblée nationale à propos des comptes de l’année 2021. La Cour des comptes a, en effet, refusé de certifier les comptes de la branche recouvrement en 2021 ([27]) en raison d’une différence d’appréciation de la norme comptable qu’il convenait d’appliquer à la régularisation des prélèvements sociaux dus par les travailleurs indépendants au titre de l’année 2020, après la mise en place d’un appel prévisionnel qui ne portait que sur 50 % des revenus de ces travailleurs, entre septembre 2020 et décembre 2020.

Selon la Cour des comptes, ce dispositif a été entaché d’un risque significatif de sous-évaluation des produits de l’exercice 2020, ayant potentiellement une incidence inverse sur l’exercice 2021 et d’une méthode d’estimation des charges liées aux dépréciations de créances sur les cotisants appliquée « à une partie seulement des créances, avec des taux conventionnels », suscitant un risque de surestimation des dépréciations. La Cour constate donc une majoration des produits de 5 milliards d’euros pour le premier risque et de 1 à 1,5 milliard d’euros pour le second. Au total, selon la Cour, les comptes devraient donc afficher un déficit de 27,8 milliards d’euros au titre de 2021.

Selon les réponses du Gouvernement à la rapporteure générale dans le cadre de l’examen du PLFSS 2023 ([28]), dans le respect des règles comptables applicables au cas particulier des travailleurs indépendants, les organismes de sécurité sociale n’ont comptabilisé aucun produit à recevoir dans les comptes 2020 au titre des sommes non appelées et ont comptabilisé dans les recettes 2021 (après exploitation des déclarations des revenus des travailleurs indépendants obtenues entre mai 2021 et septembre 2021) la différence entre le montant total des cotisations dues par les travailleurs indépendants au titre de leurs revenus 2020 et les appels de cotisations provisionnelles adressés en 2020.

Toutefois, le Parlement a souhaité, à l’initiative du Sénat, modifier les tableaux d’équilibre pour prendre en compte les demandes de la Cour des comptes, malgré les divergences d’interprétation avec l’Assemblée nationale, qui n’avait pas fait cette modification en première lecture.

Force est en effet de constater que, même préalablement à la publication du recueil des normes comptables pour les organismes de sécurité sociale et à celle de l’avis du Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) du 13 janvier 2022, des dispositions issues du plan comptable applicable aux exercices 2020 et 2021 permettaient d’imputer la régularisation à l’exercice 2021. Ainsi, le plan comptable unique des organismes de sécurité sociale issu de l’arrêté du 24 février 2010, prévoyait, dans son point 1.7.1.1, que le « rattachement [d’une opération] est conditionné par la naissance au cours d’un exercice d’une opération et la possibilité de mesurer cette opération de manière fiable ».

Ce même plan rappelle en outre, dans son point 2.6.2, que « dans la plupart des régimes de non-salariés, les organismes de recouvrement procèdent par appels provisionnels de cotisations sur la base des revenus connus de l’année N - 2 de leurs cotisants et ajustent les cotisations définitivement dues au vu de la déclaration de revenus afférente à l’exercice concerné. Les régularisations qui en résultent sont comptabilisées dans le résultat de l’exercice au cours duquel elles sont constatées. » La rapporteure générale note également que l’interprétation gouvernementale a prévalu pour l’exercice 2020 sans que cela ne pose aucune question de sincérité budgétaire pour la loi de financement pour 2022 soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.

En conclusion, alors que l’article 1er de la LFSS 2023 a été adopté tel qu’amendé par le Sénat, qui a repris les recommandations de la Cour des comptes, la rapporteure générale a choisi, pour comparer l’exécution budgétaire, de se fonder, pour l’année 2021, sur les chiffres présentés dans l’annexe B de la LFSS 2023, en cohérence avec les analyses qu’elle a développées à l’occasion des débats autour du PLFSS 2023.

2.   Comparaison des soldes pour les exercices 2021 et 2022

Comparaison du solde des rÉgimes obligatoires de base avec l’exercice prÉcÉdent

(en milliards d’euros)

 

Résultats 2021 (LFSS 2023)

Résultats 2022 (Placss 2022)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde
(prévision 2022)

Maladie

209,4

235,4

 26,1

221,1

242,1

 21,0 ( 21,9)

Accidents du travail et maladies professionnelles

15,1

13,9

1,3

16,2

14,5

1,7 (2)

Vieillesse

249,4

250,5

 1,1

259

262,8

 3,8 ( 3)

Famille

32,8

32,6

0,3

53,3

51,4

1,9 (2,6)

Autonomie

32,8

32,6

0,3

35,4

35,2

0,2 ( 0,4)

Total*

544,2

567

 22,7

570,3

591,3

 21,0 ( 20,7)

Total incluant le FSV

543

567,3

 24,3

572

591,6

 19,6 ( 18,9)

(*) Hors transferts entre branches.

Source : commission des affaires sociales.

Les comptes pour 2022 des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) témoignent d’une amélioration rapide du solde total, y compris incluant le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce solde était déficitaire de 39,7 milliards d’euros en 2020, 24,3 milliards en 2021 et 19,6 milliards en 2022. En trois exercices budgétaires, les comptes des ROBSS et du FSV se sont donc améliorés de plus de 20 milliards d’euros. Ce rétablissement peut être en partie imputé à l’amélioration spectaculaire du solde de la branche maladie, passée d’un déficit de plus de 30 milliards d’euros en 2020 à 21 milliards en 2022.

En outre, la rapporteure générale note la faible différence entre la prévision des comptes pour l’année 2022, établie en LFSS 2023, et les résultats indiqués dans le présent Placss. En effet, la LFSS 2023 anticipait un déficit légèrement inférieur à celui effectivement constaté (18,9 milliards d’euros anticipés contre 19,6 milliards d’euros constatés).

Toutefois, les différences entre les branches sont notables d’un point de vue budgétaire. La branche maladie, malgré la forte amélioration soulignée ci-avant, continue de se caractériser par un fort déficit, équivalent au solde total hors FSV.

La branche vieillesse, malgré une amélioration temporaire de son solde en 2021 (avec un déficit de seulement 1,1 milliard d’euros), continue d’accuser un fort déficit, de l’ordre de 3,8 milliards d’euros, supérieur à la prévision faite en LFSS 2023 (3 milliards d’euros) et similaire au déficit constaté en 2020 (4,9 milliards d’euros). Enfin, les branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP), famille et autonomie restent excédentaires.

3.   La non-certification des comptes de la branche famille

En application des dispositions de l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes établit chaque année un rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale, qu’elle remet au Parlement et au Gouvernement au titre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le rapport de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale portant sur l’exercice 2022 a été adopté le 16 mai 2023 ([29]). La Cour des comptes y constate qu’elle n’est pas en mesure de certifier les comptes de la branche famille.

La Cour relève en effet un niveau d’erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de vingt‑quatre mois à 5,8 milliards d’euros d’indus et de rappels, ce qui représente un doublement du montant de ces erreurs en quatre ans. Ces erreurs représentent 7,6 % du montant des prestations, et concernent notamment le revenu de solidarité active (RSA), la prime d’activité et les aides au logement. En particulier, un quart des montants versés au titre du RSA est entaché d’erreurs. Les erreurs liées aux opérations internes effectuées par les caisses d’allocations familiales restent quant à elles à un niveau élevé (1,7 milliard d’euros). Selon la Cour, ces erreurs ne seront jamais régularisées.

Outre l’incidence financière des risques résiduels des données déclarées, après contrôle interne, relevée ci-dessus, la Cour indique qu’elle ne dispose pas d’éléments probants suffisants qui permettraient d’écarter le risque d’anomalies significatives dans les comptes. Elle souligne plusieurs difficultés :

– le contrôle interne est insuffisant et les comptes de la branche famille reflètent « imparfaitement ses droits et obligations à l’égard des tiers ». Pour la troisième année consécutive, le dispositif de maîtrise des risques de la branche a en outre été allégé en cours d’exercice par rapport à celui initialement prévu. Des erreurs affectant les prestations légales du fait d’une fiabilisation insuffisante des données déclaratives persistent ;

– le dispositif de lutte contre la fraude est largement perfectible : le calcul de l’indu doit en effet porter sur l’ensemble des prestations versées à tort, sans limitation de durée en cas de fraude, ce qui n’est pas le cas actuellement ;

– enfin, la branche ne prévoit pas de mesure susceptible d’avoir un effet à court terme pour infléchir sensiblement le niveau des erreurs.

La rapporteure générale a entendu, en amont de l’audition de la Cour des comptes devant la commission des affaires sociales, le directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Celui-ci a mis en avant plusieurs éléments qui permettent de relativiser les difficultés et erreurs mises en avant par la Cour. D’abord, il estime que les indicateurs relatifs aux carences dans le contrôle interne des erreurs déclaratives (à échéance neuf mois et vingt‑quatre mois) constituent un point fort de la branche, dans la mesure où toutes les branches n’en disposent pas. Il met en avant la stabilité de l’indicateur à neuf mois. Ces erreurs ne témoignent en aucun cas d’une « insincérité » des comptes mais ont plutôt à voir avec la qualité des données entrantes.

Ensuite, la CNAF souligne que les erreurs sont concentrées sur trois prestations : la prime d’activité (qui concerne un quart des prestations), le RSA (un cinquième) et les aides au logement (un huitième). Ces erreurs peuvent s’expliquer par deux facteurs : d’abord, les modifications récentes affectant la prime d’activité et ensuite la réforme des aides au logement (en vue de leur versement contemporain), qui reste complexe à mettre en œuvre sans erreur.

La rapporteure générale note toutefois que le RSA n’a pas connu d’évolutions substantielles sur les dernières années, ce qui ne permet pas d’expliquer les erreurs de versement. En outre, elle tient à souligner que les difficultés rencontrées par la branche famille appellent, comme la Cour le souligne dans le RALFSS ([30]), à renforcer les effectifs dédiés à la lutte contre la fraude. Ceux-ci restent en effet insuffisants pour assurer un contrôle a posteriori suffisamment ciblé. Toutefois, il est clair que la non-certification, si elle appelle à une vigilance accrue en matière de maitrise des risques, ne constitue en rien la preuve d’une insincérité des comptes.

B.   Les recettes poursuivent leur dynamique et participent au redressement des comptes sociaux

Les recettes des ROBSS ont démontré, une fois de plus, leur important dynamisme. En effet, elles ont été sensiblement supérieures à celles anticipées en LFSS 2022 pour l’ensemble des branches. Comme le confirme le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) de mai 2023 ([31]), les recettes ont encore progressé de 5,4 % en 2022, après une hausse déjà forte en 2021, de près de 10 %. Cette dynamique positive devrait par ailleurs se poursuivre en 2023, puisque le rapport à la CCSS prévoit une hausse de 4,7 %.

La rapporteure générale note en particulier le dynamisme des recettes des branches autonomie (+ 6 % en exécution par rapport à la prévision en LFSS 2022), maladie (+ 4,8 %) et AT‑MP (+3,8 %). Au total, les recettes de l’ensemble des branches, incluant le FSV, ont été supérieures de 4,2 % aux prévisions.

Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des recettes par branche des robss pour l’exercice 2022

(en milliards d’euros)

Recettes par branche

Prévision en LFSS pour 2022

Rectification en LFSS pour 2023

Écart entre la prévision et la rectification

Exécution en Placss 2022

Écart entre la rectification et l’exécution

Écart entre la prévision et l’exécution

Maladie

211

221

+ 4,7%

221,1

+ 0,05%

+ 4,8%

Accidents du travail et maladies professionnelles

15,6

16,2

+ 3,8%

16,2

0%

+ 3,8%

Vieillesse

253,6

258,9

+ 2,1%

259

+ 0,04%

+ 2,1%

Famille

51,6

53,5

+ 3,7%

53,3

– 0,4%

+ 3,3%

Autonomie

33,4

35

+ 4,8%

35,4

+ 1,1%

+ 6%

Ensemble des branches*

550,5

569,6

+ 3,5%

570,3

+ 0,1%

+ 3,6%

Ensemble des branches et FSV

549,2

571,8

+ 4,1%

572,0

+ 0,03%

+ 4,2%

(*) Indépendamment des transferts entre branches

Source : Commission des affaires sociales.

Ressources nettes des rÉgimes de base et du FSV par catÉgorie de recettes

(en millions d’euros)

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2023

Cette dynamique doit être replacée dans un contexte plus large, dans lequel les réformes menées depuis six ans en faveur du plein emploi permettent une hausse continue des recettes de la protection sociale. Au total, la CCSS précise bien que cette conjoncture positive est due « à la bonne tenue de l’emploi » mais aussi à l’inflation, qui a eu des conséquences sur la croissance soutenue des salaires. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de 2023, les recettes de la sécurité sociale sont très sensibles à l’inflation, car celles-ci reposent à 85 % sur les salaires et sur la consommation. Etant donné que, sauf revalorisation anticipée, les effets sont plus lents sur les dépenses, l’inflation a un effet positif sur le solde à court terme.

Au total, après les mesures prises à partir de 2020 pour maintenir l’activité (activité partielle, report du paiement des cotisations pour les travailleurs indépendants et employeurs des secteurs touchés, exonérations de cotisations), les réformes touchant au marché du travail ont permis de maintenir la masse salariale privée hors prime à un haut niveau. Cela a permis aux cotisations sociales d’augmenter de 6,6 % en 2022 ([32]).

La rapporteure générale souhaite ainsi insister sur la dynamique toujours forte et positive de la masse salariale soumise à cotisations, qui a augmenté encore en 2022 de 8,7 % (dont 2,7 % liés à l’emploi et 5,8 % liés au salaire moyen), après une année 2021 déjà marquée par cette tendance positive (+ 8,9 %) ([33]).

C.   Des dÉpenses maÎtrisÉes mais toujours ÉlevÉes du fait de la crise sanitaire et des mesures pour faire face À l’inflation

La rapporteure générale note, en matière de dépenses, l’homogénéité globale entre prévision et exécution, malgré un léger rebond des dépenses de la branche maladie, comme en 2021, mais dans une moindre proportion (+ 7 % en 2021 entre prévision et exécution, contre + 5,2 % en 2022).

Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des dépenses par branche des robss pour l’exercice 2022

(en milliards d’euros)

Dépenses par branche

Prévision en LFSS pour 2022

Rectification en LFSS pour 2023

Écart entre la prévision et la rectification

Exécution en Placss 2022

Écart entre la rectification et l’exécution

Écart entre la prévision et l’exécution

Maladie

230,1

242,9

+ 5,6%

242,1

– 0,3%

+ 5,2%

Accidents du travail et maladies professionnelles

14,1

14,2

+ 0,7%

14,5

+ 2%

+ 2,8%

Vieillesse

256,6

261,9

+ 2%

262,8

+ 0,3%

+ 2,4%

Famille

49,7

50,9

+ 2,4%

51,4

+ 1%

+ 3,4%

Autonomie

34,4

35,4

+ 2,9%

35,2

– 0,6%

+ 2,3%

Ensemble des branches*

570,2

590,3

+ 3,5%

591,3

+ 0,2%

+ 3,7%

Ensemble des branches et FSV

570,6

590,7

+ 3,5%

591,6

+ 0,2%

+ 3,7%

(*) Indépendamment des transferts entre branches

Source : Commission des affaires sociales.

 

Ainsi, l’augmentation constatée des dépenses entre la prévision et l’exécution peut s’expliquer non seulement par le contexte inflationniste que connaît notre pays et qui a conduit notamment à une revalorisation des prestations sociales au 1er juillet 2022. La hausse du point d’indice de la fonction publique concourt également à cette hausse, mais ne produira tous ses effets qu’au cours de l’année 2023. Toutefois, cette hausse des dépenses reste contenue, notamment grâce au fort reflux des dépenses liées à la crise sanitaire : ces dépenses sous Ondam sont ainsi passées de 18,3 milliards d’euros en 2021 à 11,7 milliards d’euros en 2022.

Il faut néanmoins noter que, dans un contexte de reflux épidémique, l’année 2022 marque le début d’un ralentissement de l’augmentation des dépenses (4,3 %, soit – 1,3 point par rapport à 2021), du fait principalement de la réduction de plus d’un tiers des dépenses sanitaires liées à la crise (11,7 milliards d’euros, après 18,3 milliards d’euros en 2021) ([34]).

III.   L’APPROBATION DES COMPTES DES ORGANISMES QUI CONCOURENT AU FINANCEMENT ET QUI SONT FINANCÉS PAR LES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Conformément à la loi organique, le prévoit les recettes, les dépenses et le solde du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’année 2022. Pour rappel, le FSV est un établissement public administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 ([35]), dont les missions, qui relèvent du financement des prestations non contributives à l’assurance vieillesse, sont définies aux articles L. 135-1 à L. 135- 5 du code de la sécurité sociale. À ce titre, le fonds :

– assure le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale comme, sous certaines conditions, les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, de l’activité partielle, des arrêts de travail, du volontariat du service civique, des périodes d’apprentissage et de stages de formation professionnelle ;

– finance l’intégralité du minimum vieillesse versé par les régimes de retraite.

Pour ce faire, il dispose de recettes dont la composition a varié au cours du temps, mais qui ont toujours porté majoritairement sur le capital. Les recettes ont évolué en 2021 avec la création de la cinquième branche, qui a conduit à réaffecter de la CSG entre le régime général et le FSV : l’article 40 de la LFSS 2021 a abaissé le taux de CSG assise sur le patrimoine et les placements attribués au FSV de 8,6 à 6,67 points tout en relevant ceux de la CSG sur les retraites et les pensions d’invalidité de 1,98 à 2,94 points. Aucune modification de la structure des recettes n’a été effectuée en 2022.

Évolution des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2019-2022)

(en milliards d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

Recettes

17,2

16,7

17,7

19,4

Dépenses

18,8

19,1

19,3

18

Solde

– 1,6

– 2,5

– 1,5

+ 1,3

Source : Commission des affaires sociales.

L’analyse de l’évolution du solde du FSV montre qu’en 2022, celui-ci continue son amélioration et affiche désormais un excédent, pour la première fois depuis 2009. Cela est dû à la fois à la hausse des recettes, passées de 17,7 à 19,4 milliards d’euros entre 2021 et 2022, et à une maîtrise des dépenses, restées à peu près constantes depuis 2019, autour de 18 milliards d’euros.

Évolution des prÉvisions des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2022)

(en milliards d’euros)

 

Prévision en LFSS pour 2022

Rectification en LFSS pour 2023

Exécution en Placss pour 2022

Recettes

17,9

19,8

19,4

Dépenses

19,6

18

18

Solde

– 1,7

+ 1,8

+ 1,3

Source : Commission des affaires sociales.

 

La rapporteure générale note, par ailleurs, la forte amélioration du solde entre la prévision formulée en LFSS 2022 et l’exécution en Placss 2022, passant d’un déficit de 1,7 milliard d’euros à un excédent de 1,3 milliard d’euros.

L’annexe 7 au présent projet de loi permet de préciser ces dynamiques budgétaires. En effet, les charges du FSV ont diminué en 2022 de 6,4 %, ce qui est dû essentiellement au « net repli des prises en charge de cotisations (-9,5 % après +1,2 % en 2021) », dans la mesure où le repli du nombre de chômeurs fait l’objet d’une prise en charge de cotisation au titre des périodes de chômage par le FSV (388 300 personnes de moins), induisant, malgré la hausse du Smic, une baisse des dépenses de 1,4 milliard d’euros. La rapporteure générale se réjouit que l’amélioration de la situation de l’emploi permette d’améliorer en conséquence la situation financière du FSV.

En parallèle, seules les prises en charge de cotisations maladie, invalidité et AT-MP ont fortement augmenté (+ 12,1 %), compte tenu du la situation sanitaire du début d’année 2022, qui avait conduit à de nombreux arrêts de travail. La revalorisation du minimum vieillesse de 4 %, alignée sur celle des pensions de base, a également entraîné une hausse des prises en charge de prestations en 2022 (+ 4,6 %).

Compte tenu de la structure des recettes du FSV, cette dynamique peut également être imputée à la bonne tenue de l’activité dans notre pays, permettant à la CSG de maintenir un fort rendement. En effet, celui-ci a progressé de 9,2 % en 2022, après une augmentation de 6,3 % en 2021. En particulier, le rendement de la CSG sur les revenus du patrimoine a progressé de 16,8 % en 2022, bénéficiant de la dynamique de son assiette en 2021 ([36]). De la même manière, la CSG assise sur les revenus de remplacement a vu son rendement progresser de 5,5 % en 2022, bénéficiant notamment des mesures de revalorisation des prestations sociales en juillet 2022.

En 2023, le FSV devrait, d’après le rapport de la CCSS, continuer à dégager un excédent, de l’ordre de 0,8 milliard d’euros.

Contribution des principaux facteurs À l’Évolution des charges et produits nets du FSV

(en points)

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2023.

 

 

*

*     *

 

 

Article 2
Approbation, pour l’exercice 2022, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale vise, conformément au nouveau cadre organique, à approuver le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Il vise également à approuver le montant définitif des dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

I.   L’ONDAM dÉfinitif pour 2022

Né avec les lois de financement, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est inscrit dès 1996 dans la loi organique ([37]) comme un outil de régulation du montant des dépenses de santé remboursées par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et en particulier par l’assurance maladie.

Le permet donc d’approuver le montant définitif de l’Ondam 2022, établi à 247,2 milliards d’euros.

Évolution des prÉvisions de l’ONDAM 2022 pour l’ensemble des robss

(en milliards d’euros)

 

Prévision en LFSS pour 2022

Rectification en LFSS pour 2023

Exécution en Placss pour 2022

Montant de l’ONDAM

230,1

247

247,2

Source : Commission des affaires sociales

La loi organique de 2005 ([38]), qui visait à affiner l’exercice des lois de financement, a créé le principe de sous-objectifs de l’Ondam. Cet objectif est ainsi décliné depuis 2006 en six sous-objectifs, qui sont les suivants :

– soins de ville ;

– établissements de santé ;

– deux sous-objectifs médico-sociaux ;

– fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement ;

– « autres prises en charge » (dotations aux établissements accueillant des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, notamment l’addiction, les soins des Français de l’étranger et dotations de l’assurance maladie à plusieurs opérateurs nationaux de la politique de santé).

Conformément au nouveau cadre organique ([39]), le présent projet de loi est assorti d’une annexe consacrée à l’Ondam et aux dépenses de santé (annexe 3), qui permet de disposer de davantage d’informations sur cette dynamique.

Au total, l’Ondam 2022 a progressé de 2,9 % par rapport à 2021. Il a fortement augmenté par rapport à 2020 et 2021, en raison de la prise en compte des effets de l’inflation sur les établissements sanitaires et médico-sociaux et par les mesures d’attractivité à l’hôpital.

Taux d’Évolution de l’ONDAM en 2020, 2021 et 2022

Source : annexe 3 au Placss.

A.   Un Écart entre prÉvision et rectification qui s’explique par les surcoÛts liÉs À la crise sanitaire en 2022, en particulier en mÉdecine de ville

L’écart entre la prévision en LFSS 2022 et la rectification en LFSS 2023 s’explique principalement par les surcoûts en lien avec la crise sanitaire qui ont été plus importants que prévus, notamment en ville. En effet, la vague épidémique « Omicron » a conduit à une augmentation des dépenses de dépistage et d’indemnités journalières en ville en début d’année, ce qui avait été insuffisamment provisionné lors de la LFSS 2022.

Au total, les mesures liées à la crise sanitaire en 2022 ont atteint 11,7 milliards d’euros, dépassant ainsi de 6,8 milliards d’euros la provision effectuée en LFSS 2022. Ces coûts se répartissent principalement entre les tests de diagnostic (4,7 milliards d’euros), les indemnités journalières maladie (1,8 milliard d’euros) et les dotations de l’assurance maladie à Santé publique France (3,8 milliards d’euros).

En parallèle, le contexte inflationniste en 2022 a également joué à la hausse sur l’Ondam, en raison notamment de la revalorisation du point d’indice dans les établissements sanitaires et médico-sociaux et de son extension au personnel des établissements privés. Le renchérissement des charges non salariales des établissements a également été compensé. Ces diverses mesures visant à prendre en compte le contexte d’inflation ont représenté 2,3 milliards d’euros.

ONDAM 2022 et rectification par sous-objectif

Source : annexe 3 au Placss.

B.   Des dÉpenses hors crise qui expliquent le faible Écart entre rectification et exÉcution

Le dépassement de 0,2 milliard d’euros de l’Ondam entre la rectification en LFSS 2023 et l’exécution en Placss 2022 s’explique, d’après le Gouvernement, « par des dépenses hors crise supérieures à l’objectif rectifié (pour +0,5 Md€, principalement sur les soins de ville et les établissements de santé) compensées partiellement par une sous-exécution des dépenses en lien avec la crise sanitaire (pour -0,3 Md€) ».

PREMIERS CONSTATS DE L’ONDAM 2022

Source : annexe 3 au Placss.

Il faut noter en particulier que les dépenses de soins de ville sont supérieures de 0,6 milliard d’euros par rapport à la rectification en LFSS 2023, atteignant 101 milliards d’euros (en progression de près de 5 % depuis 2021). Ce dépassement est particulièrement fort sur les indemnités journalières (+ 237 millions d’euros) et les prises en charges de cotisations des professionnels et auxiliaires médicaux (+ 171 millions d’euros).

Les dépenses des établissements de santé (98,4 milliards d’euros, soit + 3,2 % depuis 2021) dépassent également la rectification en LFSS 2023, à hauteur de 0,2 milliard d’euros, principalement en raison de la persistance de la crise sanitaire en début d’année 2022. A contrario, les dépenses de l’Ondam médico-social sont inférieures de 0,2 milliard d’euros par rapport à l’objectif fixé en LFSS 2023. Le dépassement est de 0,1 milliard d’euros pour le cinquième sous-objectif (FIR et soutien à l’investissement) et les dépenses des autres prises en charge témoignent d’une sous-exécution de 0,2 milliard d’euros.

II.   LES ORGANISMES CHARGÉS DE LA MISE EN RÉSERVE DE RECETTES ET DE L’AMORTISSEMENT DE LA DETTE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE : LE FRR ET LA CADES

1.   Le Fonds de réserve pour les retraites

Le porte approbation du montant de la dotation au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), montant constamment nul depuis 2011. Il constitue une donnée obligatoire en application de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, qui fait obligation au législateur de mentionner dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires, catégorie comprenant le seul FRR dans le droit positif.

En effet, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) afin de participer, en application de la LFSS 2011, au financement des déficits des organismes chargés d’assurer les prestations du régime de base de l’assurance vieillesse pour les exercices 2011 à 2024 ([40]).

Créé en 1999 ([41]), le FRR était chargé de mettre en réserve et de faire fructifier des ressources qui lui étaient affectées afin de maintenir voire d’améliorer le niveau des pensions à l’horizon 2020, dans la perspective d’une dégradation prévisible des équilibres financiers. Compte tenu de la forte détérioration des régimes d’assurance vieillesse à la suite de la crise financière des années 2008-2009, il a été décidé de mettre à contribution le Fonds avant l’horizon initialement prévu, pour alimenter la Cades.

● Dans la même logique, le  prévoit que le FSV ne met aucune somme en réserve, comme chaque année depuis 2011 ([42]).

2.   La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

La Cades a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale pour amortir et éteindre la dette du régime général de la sécurité sociale. Elle est historiquement affectataire :

– depuis sa création d’une ressource exclusive, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

– depuis la LFSS 2008, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) ([43]) ;

– depuis 2011, du versement annuel précité du FRR ([44]).

Ces ressources lui permettent chaque année d’assurer l’amortissement d’une partie de la dette sociale reprise et financée par des opérations d’emprunt sur les marchés ([45]). L’amortissement est égal à la différence entre le produit des ressources affectées et le montant des charges financières nettes de la Caisse (déduction faite, donc, des produits financiers qu’elle peut percevoir).

Le porte ainsi approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2022, à savoir 19 milliards d’euros.

Cet objectif d’amortissement est supérieur de 400 millions d’euros à celui qui avait été fixé en LFSS 2023 (18,6 milliards d’euros), lui-même supérieur de 300 millions d’euros à l’objectif fixé en LFSS 2022 (18,3 milliards d’euros).

La rapporteure générale se réjouit que la Cades se situe depuis plusieurs années dans une trajectoire positive en matière d’amortissement de la dette sociale.

Montants de dette sociale amortie par la cades
(2019-2022, en milliards d’euros)

Source : commission des affaires sociales, à partir des données des LFSS 2021 (donnée 2019), 2022 (donnée 2020), 2023 (donnée 2021) et du Placss 2022 (donnée 2022).

D’après l’annexe 7 au présent projet de loi, les ressources de la Cades s’élèvent, en 2022, à 20,21 milliards d’euros, contre 1,25 milliard d’euros de charges financières nettes. Le taux de financement s’établit à 1,29 % au 31 décembre 2022. Le taux d’intérêt moyen résultant des instruments à taux fixe, qui représentent 75,75 % de la dette de la Cades, s’affiche à 1,09 % au 31 décembre 2022, les taux révisables représentent 21,4 % de l’endettement de la Cades et s’établissent à 1,66 % tandis que l’endettement à taux indexé à 2,82 % représente 2,85 % de la structure d’endettement.

 

*

*     *


Article 3
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2022

Adopté par la commission sans modification

L’article 3 porte approbation du tableau patrimonial qui retrace la situation financière dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale au 31 décembre du dernier exercice clos (2022) ainsi que l’affectation des excédents et des déficits constatés au terme de cet exercice.

Ce tableau reflète la situation globalement détériorée de la situation patrimoniale de la sécurité sociale en 2022.

● Cet article, qui fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer au sein des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss), était auparavant inscrit en première partie des lois de financement de l’année.

Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale.

« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :

« [...]

« Approuve le rapport mentionné au 2° de l’article L.O. 111-4-4. »

Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.

« Sont jointes au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :

« [...]

«  Comportant un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ; »

Il s’agit d’assurer l’information du Parlement sur l’état de la situation patrimoniale d’une partie des régimes faisant partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale ([46]). Ce rapport permet, au-delà du solde qui peut s’analyser comme un « flux » à un moment donné, d’apprécier la situation financière nette consolidée, en y intégrant l’ensemble de l’actif et du passif du champ des lois de financement. Les « stocks » sont ainsi présentés (réserves, dettes) ainsi que la manière dont les déficits sont finalement pris en charge concrètement.

1.   Le tableau présentant la situation patrimoniale de la sécurité sociale reflète une poursuite de l’accumulation de déficits depuis 2020

L’annexe reflète, en rupture avec l’évolution positive depuis 2014, une détérioration du solde des régimes de sécurité sociale en 2020, qu’il s’agisse du passif net (dette) ou du passif financier net (endettement financier).

a.   Un passif net en hausse continue

● Le passif net, qui représente l’équivalent de la dette de la sécurité sociale, a connu une nette inflexion après des années de résorption entre 2014 et 2020. Les conséquences de la crise sanitaire ainsi que de l’effort financier de la sécurité sociale en faveur du maintien de l’activité ont contribué à augmenter continûment ce passif, de 61,4 milliards d’euros en 2019 à 99,2 milliards d’euros au 31 décembre 2022, avec une dégradation au cours du dernier exercice de 5,7 milliards d’euros.

Évolution du passif net de la sécurité sociale depuis 2011

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Passif net au 31 décembre

(capitaux propres négatifs)

– 100,6

– 107,2

– 110,9

– 110,7

– 109,5

– 101,4

– 88,5

– 77,0

– 61,4

– 86,7

– 93,5

– 99,2

Source : annexe au Placss 2022.

Cette évolution traduit assez largement la poursuite des déficits sociaux, en dépit de la trajectoire de rétablissement qui s’est confirmée en 2022. Le déficit « toutes branches et FSV (Fonds de solidarité vieillesse) » reste pour cette année de 19,6 milliards d’euros, engendrant un nouvel endettement financier de 7,2 milliards supplémentaires au 31 décembre 2022.

En dépit d’un exercice en nette amélioration, qui se traduit par un passif supplémentaire de 1,3 milliard d’euros, en diminution de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2021, l’exercice 2022 pâtit de la nette augmentation des « reports à nouveau », de 10,6 milliards d’euros, pour s’établir à 136,3 milliards d’euros.

b.   L’endettement financier poursuit sa hausse

● La seconde partie du tableau présente la différence entre l’actif et le passif financier de la sécurité sociale. Assez logiquement, son évolution suit largement celle du passif net, même s’il est davantage modifié par les variations liées aux opérations de trésorerie. Pour l’exercice 2022, des effets contradictoires s’appliquent à l’endettement financier.

En effet, la dette du régime général portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour les titres à échéance infra-annuelle a fortement diminué de 18 milliards d’euros. Cette évolution démontre que la trésorerie de la sécurité sociale sort désormais de la situation dans laquelle la crise sanitaire l’avait plongée, pour retrouver un passif de 26,1 milliards d’euros « seulement ».

● À l’inverse, la dette dont l’échéance est supérieure à un an a connu une forte croissance. La Cades porte ainsi une dette financière totale de 145,7 milliards d’euros contre un actif de 5,2 milliards d’euros, ce qui aboutit à un passif de 140,6 milliards d’euros.

Au total, l’endettement financier net au 31 décembre 2022 s’établit à 122,7 milliards d’euros, soit un niveau « record », y compris par rapport aux années qui ont suivi la crise financière de 2008. Cette situation n’est pas anodine, mais elle n’est pas non plus anormale au vu du rôle que le législateur a confié à la Cades dans la couverture des déficits liés notamment à la crise sanitaire et dans l’investissement en faveur des établissements publics de santé ([47]).

Évolution de l’endettement financier depuis 2011

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Endettement financier net au 31 décembre

– 111,2

– 116,2

– 118,0

– 121,3

– 120,8

– 118,0

– 102,9

– 86,8

– 74,6

– 110,6

– 115,3

– 122,7

Source : annexe au Placss 2022.

S’agissant de l’actif circulant et du passif circulant, ceux-ci demeurent quasiment inchangés par rapport à 2021, même s’il convient de noter une forte baisse des créances de cotisations, de contributions sociales et d’impôts de sécurité sociale, à hauteur de 7,9 milliards d’euros, en raison notamment de l’arrivée à échéance d’un certain nombre de plans d’étalement du recouvrement de ces cotisations en 2020, au moment de la crise sanitaire.

c.   L’avis de la Cour des comptes sur le tableau patrimonial

Conformément aux articles L.O. 132-3 du code des juridictions financières et L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence du tableau patrimonial.

Dans son Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2023, la Cour des comptes juge que le tableau patrimonial figurant à l’annexe A du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2022 » ([48]).


● Elle formule toutefois trois observations :

– la première tient au fait que la première mise en œuvre de la loi d’approbation des comptes, qui doit être déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er juin de l’année qui suit celle de l’exercice auquel elle se rapporte, n’a pas permis d’intégrer l’ensemble des données. En particulier, la Cour estime que ce nouveau calendrier laisse des délais trop courts aux commissaires aux comptes pour analyser les comptes de la sécurité sociale, dont les comptes provisoires ne sont connus qu’au 22 février et les états financiers définitifs au 15 avril (cf. commentaire de l’article 1er) ;

– la deuxième porte sur l’absence de présentation en annexe du Placss d’éléments désormais intégrés au rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, rendu en amont de l’examen du présent projet de loi ;

– la dernière tient à l’impact sur l’estimation de la situation patrimoniale de la sécurité sociale de données dont la fiabilité est jugée insuffisante, et notamment celle de la branche famille.

2.   La description des mesures prévues pour la couverture des déficits constatés et l’affectation des excédents

● L’interprétation retenue par le Gouvernement concernant l’information relative à la couverture des déficits ou l’affectation des excédents constatés pour l’exercice 2022 conduit à une diminution sensible de l’information disponible sur les différents régimes.

S’agissant des régimes intégrés au régime général, l’annexe rappelle la chronique de versements de la Cades pour couvrir les déficits passés et futurs constatés, dans le cadre de l’article 1er de la loi « dette sociale et autonomie » précitée ([49]). Au titre de l’exercice 2022, les « reports à nouveau » des déficits constatés doivent être couverts par des versements de la Cades à l’Acoss, à hauteur de 22,5 milliards d’euros pour la branche maladie et de 1,7 milliard d’euros pour la branche famille, selon la chronique suivante :


Couverture des déficits de l’exercice 2022 par la cades

(en euros)

 

Versement de la Cades à l’Acoss

Affectation par l’Acoss des montants versés par la Cades à la branche concernée

Date

Montants

Branche maladie

Branche vieillesse

13/01/2023

2 000 000 000,00

2 000 000 000

 

17/02/2023

3 231 534 815,86

1 514 931 551,18

1 716 603 264,68

17/03/2023

4 000 000 000,00

4 000 000 000,00

 

20/06/2023

4 000 000 000,00

4 000 000 000,00

 

20/07/2023

4 000 000 000,00

4 000 000 000,00

 

20/09/2023

4 000 000 000,00

4 000 000 000,00

 

20/11/2023

3 000 000 000,00

3 000 000 000,00

 

Total

24 231 534 815,86

22 514 931 551,18

1 716 603 264,68

Source : décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général et des établissements publics de santé à effectuer en 2023.

S’agissant des régimes qui, par construction, ne font pas l’objet d’une compensation, l’annexe rappelle simplement que, en l’absence de mesures spécifiques prises ou prévues par le Gouvernement, « leurs déficits ou excédents seront donc affectés, selon le cas, aux réserves ou au report à nouveau des régimes concernés, conformément à l’affectation proposée lors des instances délibératives approuvant les comptes ».

*

*     *

 


—  1  —

   Travaux de la commission

1.   Réunion du mercredi 24 mai 2023

La commission entend Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur les rapports sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants pour l’exercice 2022 et sur le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ([50]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je souhaite la bienvenue aux magistrats de la sixième chambre de la Cour des comptes venus présenter deux rapports qui viennent d’être publiés : un premier sur la certification des comptes du régime général de sécurité sociale et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants pour l’exercice 2022 ; un second sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce dernier rapport, jusqu’alors présenté au début de l’automne avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), obéit désormais à un nouveau calendrier. En effet, avec l’entrée en vigueur de la réforme organique du 14 mars 2022, le Parlement est désormais saisi annuellement d’un projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss). Ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres ce matin. Il sera examiné en commission mercredi prochain puis, en séance publique, le mardi 6 juin.

Dans cette perspective, les travaux de la Cour des comptes seront plus encore qu’à l’habitude utiles au Parlement. Madame la présidente, je vous remercie de venir les présenter aujourd’hui puis de répondre aux questions des commissaires.

Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Je vous remercie de votre invitation. Le premier président aurait souhaité présenter ces deux rapports lui-même mais il en a été empêché. Je suis accompagnée de Nicolas Fourrier, rapporteur général, Jean-Luc Fulachier, président de la première section et Thibault Perrin, rapporteur général adjoint.

Ce rapport est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission constitutionnelle d’assistance de la Cour des comptes au Parlement. C’est une grande première : il accompagne désormais le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, présenté et discuté au Parlement au mois de juin, et non plus le projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’automne. Il s’agit d’une avancée importante en matière de gouvernance des finances sociales, d’une réforme que la Cour des comptes a souhaitée. Nous nous réjouissons que le Parlement ait à connaître dorénavant de l’exécution des recettes et des dépenses, comme moment d’évaluation et de bilan des politiques publiques conduites par la sécurité sociale.

Ce rapport restera un exercice annuel et traditionnel pour la Cour des comptes. Il intervient toutefois dans un contexte quelque peu particulier : d’une part, la fin de l’urgence sanitaire liée à la covid-19, déclarée par l’Organisation mondiale de la santé et, d’autre part, l’affaiblissement sensible de la croissance en raison du choc d’inflation et des conséquences de l’invasion russe en Ukraine. Plus généralement, une forte incertitude prévaut sur l’évolution des paramètres macroéconomiques.

La première partie du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) analyse les comptes 2022 de la sécurité sociale et leurs perspectives pour les quelques années à venir. Ils resteront durablement dégradés malgré une amélioration temporaire en 2023. Un effort de redressement durable des finances de la sécurité sociale est donc absolument nécessaire. Sans lui, nous manquerons des marges de manœuvre nécessaires pour investir dans l’avenir. Nous devons également faire face aux coûts associés à l’augmentation rapide, ces prochaines années, du nombre de personnes âgées dépendantes dans des conditions permettant de vivre dignement. Il est enfin impératif de ne pas transférer aux générations futures le financement de nos dépenses courantes. Cette responsabilité collective, ce contrat entre les générations, nous oblige.

Nous devons être attentifs à la qualité de la dépense sociale comme, d’ailleurs, de toute dépense publique. Le RALFSS trace des pistes pour améliorer l’utilité, l’efficacité des dépenses de sécurité sociale ; en résumé, le service rendu aux citoyens. Il faudrait plusieurs illustrations de ce qui pourrait être amélioré à travers un bilan des réformes inscrites dans les récentes lois de financement de la sécurité sociale, objet de la deuxième partie du rapport, en s’intéressant à des domaines ou à des sujets qui n’ont pas, à notre sens, bénéficié d’une attention suffisante, objet de la troisième partie du rapport. Ces deux préoccupations à la fois financières et qualitatives sont, cette année encore, au cœur de notre analyse.

Plutôt que d’en étaler les chapitres successifs, je souhaiterais souligner cinq enjeux principaux. Le premier enjeu a trait aux conditions de certification des comptes des caisses et des branches du régime général de la sécurité sociale par la Cour des comptes. Le deuxième enjeu est relatif à la situation financière actuelle et future de la sécurité sociale. Le troisième enjeu est lié à la réforme de notre système de santé. Le quatrième enjeu concerne l’amélioration du service rendu aux usagers. Enfin, le cinquième enjeu consiste dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales.

Concernant les comptes de la sécurité sociale et leur certification, nous attirons cette année l’attention sur quatre points.

En premier lieu, la comparabilité des produits et du résultat entre les années 2022 et 2021 n’est pas assurée. Des produits de prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants qui auraient dû être comptabilisés en 2020 l’ont été en 2021. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, le Parlement, contre l’avis du Gouvernement, a pris en compte la correction demandée par la Cour des comptes ; il a en conséquence approuvé pour 2021 un montant de recettes de 100 milliards d’euros inférieur à celui qui ressort des comptes approuvés par les branches du régime général. Les organismes nationaux du régime général et leur tutelle ont toutefois refusé à la Cour des comptes d’établir des comptes pro forma de l’exercice 2021. Il existe donc un écart constant de 5 milliards d’euros entre les comptes 2021 approuvés par les caisses nationales et les tableaux d’équilibre approuvés par le Parlement.

En deuxième lieu, nous avons refusé de certifier les comptes de la branche famille en raison, pour l’essentiel, des insuffisances du contrôle interne de celle-ci. En effet, les erreurs qui affectent les prestations neuf mois après leur mise en paiement représentent près d’un quart des montants versés de primes d’activité, un sixième des montants versés de revenus de solidarité active et un huitième des aides au logement. De plus, l’indicateur de risque financier résiduel à vingt-quatre mois indique que les rappels et les indus, soit les montants dus à des bénéficiaires ou montants versés indument, se montent à 5,8 milliards d’euros et ne seront jamais corrigés. Ce montant a doublé en seulement quatre ans. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) met en œuvre des contrôles insuffisants. Elle ne s’est pas dotée d’une stratégie de redressement à court terme. Pour ces raisons, nous avons refusé de certifier.

En troisième lieu, la Cour des comptes réitère ses critiques sur l’absence de combinaison des comptes de la branche vieillesse avec ceux du fonds de solidarité vieillesse et sur l’absence d’engagement hors bilan pour les retraites futures, comme le fait par exemple l’État. Nous l’avons déjà mentionné et nous alertons de nouveau cette année.

En quatrième lieu, le dernier point d’alerte porte sur la gestion de l’indemnité inflation exceptionnelle, d’un montant de 100 euros, versée par les organismes de sécurité sociale à 38 millions de Français. Ce n’est pas tant sur les montants que nous attirons l’attention, puisque ceux-ci se chiffrent à 170 millions d’euros. Au regard des 3,8 milliards d’euros engagés, la somme est relativement faible. Pour autant, la récupération des indus est non seulement incertaine, mais quasiment impossible du fait même de la conception de cette prime inflation et de ce qui a été prévu – ou plutôt non prévu –au moment de sa création.

L’ensemble des travaux de certification des comptes de la sécurité sociale a contribué à alimenter la première partie du RALFSS, à savoir la partie financière. J’aborderai à présent le deuxième enjeu souligné par notre rapport, à savoir la situation financière actuelle de la sécurité sociale ainsi que ses perspectives pour les prochaines années.

Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale s’établit en 2022 à un niveau élevé, à savoir 19,6 milliards d’euros. Il devrait néanmoins s’améliorer substantiellement en 2023, à 8,2 milliards d’euros, sous l’effet d’un reflux de la crise sanitaire et d’une vive progression de la masse salariale. Cette tendance favorable devrait toutefois s’interrompre dès 2024 et le déficit de la sécurité sociale recommencer à augmenter. En effet, si la réforme des retraites promulguée le 14 avril 2023 aura des effets favorables sur les soldes de la branche vieillesse, il est avéré qu’elle ne devrait pas permettre à elle seule de rétablir les comptes à l’horizon 2030. Le régime général, et plus encore celui géré par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les agents de la fonction publique locale et de la fonction publique hospitalière, resterait structurellement déficitaire.

Dans ces conditions, la question du financement des déficits sociaux se posera dès l’exercice 2024. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ne sera pas en mesure de prendre en charge ces déficits. Quant à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), elle ne le ferait qu’au prix d’une nouvelle prolongation de sa durée, au-delà de 2033, dont la contrepartie, si elle était décidée, devrait être un programme de réformes structurelles.

Intéressons-nous maintenant à l’assurance maladie. Le respect de la trajectoire générale suppose que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui en représente une bonne partie, soit respecté. Or, les dépenses d’assurance maladie progressent à vive allure depuis 2021 en raison des charges exceptionnelles liées à la crise sanitaire et des mesures décidées dans le Ségur de la santé, mais aussi du fait d’une forte croissance de la dépense, notamment pour les indemnités journalières et les produits de santé – médicaments et dispositifs médicaux. L’objectif 2023 et la prévision pour les années ultérieures marquent sans doute la volonté des pouvoirs publics de donner un coup d’arrêt à cette progression, avec une hypothèse de progression de l’Ondam particulièrement volontariste, inférieure à la prévision de l’inflation pour 2023 et 2024. Nous recommandons que des mesures correctrices soient déclenchées en cas de dérapage, quelle qu’en soit la cause, et que les dispositifs de régulation soient mis en œuvre pour l’ensemble des secteurs qui n’en disposent pas encore, notamment les soins de vie et les indemnités journalières.

Un point de fragilité particulier est l’évolution des déficits et de la dette de l’hôpital public qui n’entre pas dans le champ dans de l’Ondam. La loi organique du 14 mars 2020 a créé une nouvelle annexe – numéro 6 – aux lois de financement de la sécurité sociale qui permet de s’assurer que les recettes des hôpitaux sont suffisantes pour investir dans leur modernisation sans augmenter leur dette. Elle est déjà considérable puisqu’elle s’élève à 30 milliards d’euros. Pour un réel suivi de la situation financière des établissements de santé, nous recommandons d’accélérer le versement des dotations de fin d’exercice aux hôpitaux publics, actuellement opéré à la mi-mars de l’année suivante, soit trop tardivement. Nous recommandons également d’accélérer le calendrier d’établissement de leurs comptes, actuellement bouclés en juillet de l’année N+1. Il faut par ailleurs homogénéiser les informations financières entre hôpitaux publics et cliniques privées, qu’elles soient à but lucratif ou non lucratif.

Le troisième enjeu est central pour l’avenir de l’assurance maladie : l’efficience du système de santé et notamment des soins de vie. Ce chantier doit être envisagé avec clarté, détermination et constance dans le temps. Nous l’illustrons à travers trois exemples qui portent sur les expérimentations engagées par la loi de financement de la sécurité sociale de 2018, dites « article 51 ». Nous évoquons ensuite la situation des services d’aide médicale d’urgence (Samu) et des structures mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) ainsi que les actions de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Nous avons examiné d’abord le cadre dans lequel environ cent vingt expérimentations ont été engagées depuis 2018 pour tester de nouveaux modes de tarification ou d’organisation des soins. Il n’est pas simple de réformer notre système de santé. L’expérimentation est utile pour adapter la réforme aux besoins, mais aussi démontrer par l’exemple en laissant les professionnels de santé s’approprier de nouveaux modes de travail, de nouveaux modes d’organisation plus collaboratifs et coordonnés. Or, nous constatons que, jusqu’ici, rien n’a été fait pour préparer la généralisation des règles après expérimentation. Par conséquent, la Cour des comptes rappelle que, lorsque les doutes sont levés sur l’utilité de certaines évolutions, il faut mettre en œuvre ces dispositifs dès que possible. La technique de l’expérimentation ne doit pas devenir un moyen dilatoire pour repousser l’engagement de réformes utiles à nos concitoyens qui permettraient des soins plus efficaces, de meilleure qualité et de moindre coût.

Nous avons également souhaité examiner la régulation médicale autour des Samu et des Smur ainsi que les nouveaux services d’accès aux soins (SAS) censés apporter une solution aux demandes de soins restées sans réponse de la médecine de ville. Nous avons constaté que, depuis 2014, le nombre d’appels reçus par les Samu a augmenté de près de 22 %. Nous constatons dans le même temps que, du fait d’un rattrapage nécessaire puis de la création des SAS, le coût total des dispositifs concourant à la régulation médicale a augmenté de 46 % entre 2016 et 2022, augmentation qui pourrait atteindre 62 % en 2023. S’il était normal que Samu et Smur bénéficient d’un rattrapage moyen, le succès des investissements dans les SAS dépendra en grande partie de la capacité de la médecine libérale à se mobiliser et à s’organiser afin que toute personne ayant besoin d’un examen par un généraliste puisse bénéficier d’une consultation en ville dans les 48 heures. La Cour des comptes sera attentive à ce que cet objectif fixé aux SAS soit atteint et mesuré.

Enfin, dans le cadre de la revue des dépenses publiques, la Cour des comptes aura l’occasion de revenir fin juin sur les enjeux déficients des soins de ville qui représenteraient la moitié de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. En attendant, nous avons porté un regard critique sur les économies figurant en annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale au titre de la « maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». Nous démontrons le caractère artificiel des économies présentées et notre démonstration n’est contestée ni par l’administration ni par l’assurance maladie. En outre, force est de constater que les actions de l’assurance maladie pour rendre efficientes les dépenses de prescription des médecins de ville n’ont pas été efficaces. Si l’on étudie la consommation de médicaments génériques, par exemple, la France reste dans une situation peu favorable. Nous privilégions le médicament « princeps » et notre consommation de générique est deux fois plus faible qu’en Allemagne.

Le quatrième enjeu est la qualité du service rendu aux usagers. Nous l’illustrons par quatre exemples qui montrent à divers degrés l’importance des efforts à consentir pour justifier de l’usage pertinent de sommes consacrées à notre système de sécurité sociale.

Tout d’abord, nous nous sommes intéressés à l’objectif de parité des pensions servies aux hommes et aux femmes. Prévu par le code de la sécurité sociale, il est loin d’être atteint. Les femmes perçoivent en moyenne une pension de retraite inférieure de 28 % à celle des hommes en 2020. L’écart est plus important encore hors réversion, soit 40 %. Sans les dispositifs de solidarité et sans réversion, la pension moyenne de droits directs des femmes serait inférieure de 50 % à celle des hommes. Ces écarts ne seront pas substantiellement modifiés par la réforme des retraites. Environ 50 milliards d’euros sont dépensés chaque année à travers des mécanismes complexes, des droits familiaux de retraite et des dispositifs de réversion. Nous sommes convaincus que repenser ces dispositifs permettrait de les rendre plus efficaces, avec un moindre coût pour la collectivité.

Nous avons également examiné les règles et la gestion d’indemnisation des congés de maternité et de paternité. Nous constations les limites des politiques d’alignement des règles applicables aux non-salariés sur celles applicables aux salariés. Même avec des droits quasi identiques, les indépendantes et les exploitantes agricoles prennent moins de congés maternité que les mères salariées. Par ailleurs, la gestion des indemnités par les caisses de sécurité sociale est d’une qualité insuffisante, avec des délais de versement anormalement longs qui pénalisent les assurés concernés. Le caractère perfectible de la gestion de la sécurité sociale apparaît aussi à travers les litiges qui opposent assurés et organismes. Chaque année, les assurés sociaux déposent près de 70 000 recours devant les tribunaux. Plus de 100 000 dossiers sont auparavant soumis aux instances précontentieuses des caisses. Une intervention accrue de médiateurs doit être favorisée pour éviter que les litiges ne se terminent devant les tribunaux. Par ailleurs, des simplifications sont à apporter pour éviter que les assurés ne soient contraints, dans certains cas, à saisir deux juges différents pour les mêmes motifs.

Sur ces enjeux d’efficacité et de qualité de service public de la sécurité sociale, nous avons enfin souhaité donner un coup de projecteur sur le régime social des marins et les difficultés majeures qu’il rencontre depuis plusieurs années. Les conditions d’une gestion efficace de la sécurité sociale n’y sont absolument plus garanties et une évolution en profondeur est indispensable. Elle passe notamment par un alignement progressif sur le régime général.

Le dernier enjeu concerne la lutte contre les fraudes aux prestations sociales. Le sujet ne laisse personne indifférent. Il est au cœur du plan de lutte contre les fraudes aux finances publiques dévoilé en mai par le Gouvernement. Au-delà des dommages financiers considérables qu’elle entraîne, la fraude constitue une atteinte au principe de solidarité et donc au pacte républicain qui fonde depuis 1945 la sécurité sociale. La lutte contre la fraude est donc à la fois un impératif d’efficacité économique et de justice sociale. Nous avons une idée qui se précise de son coût, entre 6 et 8 milliards d’euros, hors erreurs fautives des assurés. C’est beaucoup trop. L’administration et les caisses de sécurité sociale ont manifestement la volonté d’agir et nous avons constaté des progrès, mais trop peu de moyens sont consacrés aux contrôles. La coopération entre administrations ne progresse pas assez rapidement et les fraudeurs ne sont pas sanctionnés de façon suffisamment ferme et systématique. La lutte contre la fraude doit devenir une priorité de premier plan, qui oblige responsables et gestionnaires de la sécurité sociale, mais aussi l’ensemble des assurés sociaux.

Je vous remercie pour votre attention et me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Je tiens à vous remercier pour la présentation de ce rapport qui intervient pour la première fois au printemps en application de la loi organique du 14 mars 2022, dite « loi Mesnier ». Je salue la qualité de vos travaux alors que la période de transition issue de cette loi vous a contraint à fournir deux rapports d’application des lois de financement en peu de temps. J’apprécie également l’attention de la Cour des comptes quant à la qualité des annexes fournies. L’enjeu de ce projet de loi, outre l’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’exercice 2022, est en effet la pleine appréhension des dispositions adoptées dans les précédentes lois de financement. Ce faisant, nous poursuivons le travail effectué au cours du Printemps social de l’évaluation. Nous tâchons également d’avoir une vision plus concrète de la situation des comptes sociaux, tant à l’échelle des établissements et des opérateurs que pour l’ensemble de la sécurité sociale.

S’agissant des établissements de santé, vous soulignez que l’information du Parlement, telle qu’elle devrait ressortir de l’annexe 6 au projet de loi de financement de la sécurité sociale, demeure insuffisante. Cette annexe, qui constitue également une nouveauté issue de la loi Mesnier, est incomplète sur la question des dotations dont bénéficient les établissements. Cette information expressément mentionnée dans la loi organique sera naturellement précieuse pour que les parlementaires comprennent notamment comment se décline le plan décennal d’investissement en faveur des établissements publics de santé dans le cadre du Ségur. La première annexe à la loi de financement de la sécurité sociale de 2022 avait un caractère pionnier qui peut expliquer ces carences. Elles devront être rattrapées dès le prochain exercice.

Outre la nécessité d’anticiper l’arrêt des comptes, vous avez identifié un certain nombre d’éléments complémentaires qui permettraient de respecter l’intention du législateur et de répondre au besoin d’information du Parlement. Pouvez-vous revenir sur les fondements de l’opinion de la Cour des comptes à ce sujet et sur la nature des échanges pour déterminer ces éléments ? Certains parlementaires vous ont-ils alertée ?

J’en viens aux principaux points qui ressortent de vos analyses par branche. En premier lieu, la Cour des comptes indique de manière inédite ne pas être en mesure de certifier les comptes de la branche famille, arguant de carences dans le contrôle interne des erreurs déclaratives à échéances neuf et vingt‑quatre mois. Pourriez-vous revenir sur les principales raisons qui ont mené à cette décision ? Pourriez-vous expliquer les conséquences d’un tel refus de certification ?

S’agissant de la branche maladie, vous abordez la question qui me tient à cœur de la transformation, du financement et de l’organisation des soins. Au cours du Printemps social de l’évaluation, j’ai mené une mission sur les innovations en matière de financement de la santé qui m’a conduite à analyser les réformes récentes et les expérimentations diligentées dans le cadre de l’article 51. Certaines donnent des résultats intéressants en termes de qualité et de pertinence des soins, de motivation des professionnels de santé. Vous soulignez que le dispositif d’évaluation n’est pas armé pour apporter tous les résultats attendus en temps et en heure ni pour anticiper une bascule dans le droit commun. Pouvez-vous donner une idée plus précise de l’accompagnement nécessaire pour tirer parti de ces organisations innovantes dans les meilleurs délais ? Ne faudrait-il pas que le Parlement soit associé en amont à ces travaux dans la mesure où ils devront faire l’objet de mesures législatives ? Vous préconisez par ailleurs une priorisation des futures expérimentations pour répondre à des orientations privilégiées. Avez-vous une idée des problématiques sur lesquelles il serait intéressant de mettre l’accent au regard des 122 projets déjà sélectionnés ?

Vous consacrez un chapitre à la lutte contre la fraude aux prestations sociales en soulignant les avancées permises par les dernières lois de financement. Les enjeux restent toutefois importants, en particulier au sein des établissements de santé. Vous estimez notamment que les fraudes et fautes à l’assurance maladie représentent près de 1,3 milliard d’euros de prestations légales. Outre la nécessité de mieux évaluer cette fraude, que proposez-vous pour y remédier ? Vous demandez aussi de mieux contrôler les départs à l’étranger non déclarés qui pourraient être à la source de fraudes importantes. Le seul accès au registre national des Français établis à l’étranger suffira-t-il pour tarir cette fraude ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je donne maintenant la parole aux orateurs des groupes politiques.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Les travaux de la Cour des comptes sont essentiels pour le législateur et vos observations rendent compte des vérifications effectuées en vue de certifier la régularité et la sincérité sur la situation financière du régime général de sécurité sociale pour l’exercice 2022.

Cet exercice demeure affecté par la crise sanitaire, avec la suspension de certains dispositifs, mais également compte tenu de la faiblesse persistante de contrôle interne. Cela affecte la représentation des droits et obligations des états financiers, mais se traduit aussi par le versement indu de prestations aux assurés, allocataires, acteurs de santé, non mis en recouvrement ou par des erreurs à leur détriment. Comment améliorer cette situation et limiter ces incidents ? Quelles mesures préconisez-vous ? Notez-vous une évolution dans sa prise en compte par les organismes ?

Vos réserves sont nombreuses sur la branche famille. La Cour des comptes a refusé de certifier ses comptes. Vous soulignez que la situation a peu évolué en 2022. Vous notez des erreurs liées à des données déclaratives non corrigées pour les aides personnalisées au logement et le revenu de solidarité active plusieurs mois après la mise en paiement, des contrôles à un niveau inférieur à la situation antérieure à la crise et un modèle d’exploration de données non évalué.

Les aides aux logements sont-elles affectées par le processus de contemporanéité instauré début 2021 alors qu’elles se référaient auparavant à des déclarations N-2 ? Les modifications de paramètre apportées à la prime d’activité semblent augmenter les erreurs en lien avec la déclaration des allocataires. Le directeur général de la Cnaf a précisé que ce taux d’erreur ne se justifiait plus après deux années de pandémie et il témoigne d’une qualité des données entrantes, dégradée depuis 2019. Pouvez-vous le confirmer ? Quelles seraient les adaptations pour inverser cette tendance ?

La mise en œuvre de la solidarité à la source au bénéfice des citoyens va supprimer la plupart des obligations déclaratives et diminuer les erreurs. Elle sera mise en place après expérimentation et généralisée en 2025. Ce processus vous semble-t-il adapté ? Est-il utile de renforcer le dispositif interne ou d’envisager des moyens supplémentaires ?

Mme Joëlle Mélin (RN). Sur la forme, la loi organique de 2022 permet enfin une vue synoptique cohérente associant au même moment la certification des comptes N-1 et l’application des lois de financement de la sécurité sociale de la même année. C’est un outil indispensable pour y voir clair car, depuis le premier rapport d’application en 1996 et de certification en 2006, les comptes étaient frappés d’erreurs et malfaçons internes tout autant que leur synthèse était compliquée.

Sur le fond, malheureusement, rien ne change. Concernant l’application des lois, vous formulez quarante-deux recommandations tous azimuts : certaines sont novatrices et d’autres désespérément redondantes à propos d’organismes qui ont droit de vie ou de mort sur les entreprises, qui contraignent les Français et les professionnels de santé jusqu’à l’épuisement. En particulier, vous faites apparaître la nécessité d’une refonte de la maîtrise médicalisée. Nous en sommes d’accord. Depuis mai 1980, son intérêt reste entier tout comme son inefficacité.

Concernant la certification, celle des indépendants retrouve trois anomalies significatives, entre autres sur la comparabilité 2022-2021, sept insuffisances d’éléments probants concernant entre autres les 4 milliards d’euros de créances des entrepreneurs, prouvant ainsi leur grande fragilité. Pour le régime général, vous retenez la certification avec réserve des quatre branches en dehors de branche famille, au prix de 54 observations, 11 anomalies comptables et significatives et 43 insuffisances d’éléments probants. Vous relevez un taux d’erreur dans la gestion des dossiers de 15 % dans les dossiers vieillesse et de 10 % dans la gestion des maladies et indemnités journalières en maladie, qui représentent un montant de 3,4 milliards d’euros a minima. Ces erreurs seront rapidement prescrites pour certaines. Vous refusez donc la certification de la branche famille pour 6 milliards d’erreurs, alors même que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 la prévoyait excédentaire.

Enfin, la lutte contre la fraude est toujours aussi indigente, avec un montant récupéré estimé à moins de 10 %.

Il est urgent que les organismes de sécurité sociale entendent la Cour et que l’État fasse les comptes plutôt que d’augmenter les prélèvements et d’imposer le report de l’âge de la retraite. Quelle marge avez-vous pour contraindre les différents organismes que vous contrôlez directement et indirectement ?

Mme Isabelle Valentin (LR). La Cour des comptes met en évidence de nombreuses lacunes dans des actions de contrôle interne de la branche accidents du travail et maladie professionnelle, comme la prise en compte insuffisante des risques de fraude, les erreurs affectant la détermination des taux de cotisation des indemnités journalières ou encore des rentes pour incapacité permanente. Comment résorber ces erreurs ? Dans quelle mesure une persistance de ces défauts de contrôle serait-elle de nature à porter atteinte à la fidélité des comptes ?

S’agissant des dépenses croissantes liées à la perte d’autonomie des personnes âgées, dont le nombre augmente chaque année, le Gouvernement a créé une cinquième branche dédiée à l’autonomie au sein du régime général de la sécurité sociale. Cette création devait permettre d’identifier des recettes et des dépenses afin de mettre en évidence l’effort national à consentir pour le grand âge et le handicap. Au titre de l’exercice 2022, la branche autonomie a comptabilisé 36 milliards d’euros de charges et dégagé un excédent de 240 millions d’euros. La Cour des comptes a certifié ses comptes avec quelques réserves. Malgré cet excédent, nous sommes toujours dans l’attente d’une véritable loi « grand âge et autonomie ». La proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France ne correspond absolument pas à ce qu’attendent les professionnels de santé du domicile, les personnes âgées et leur famille, surtout sans moyen supplémentaire. Selon vous, renoncer à une véritable loi est-il un choix purement financier en vue de baisser la dépense publique ?

M. François Gernigon (HOR). Le rapport portant sur l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale met en évidence la nécessité de renforcer la lutte contre la fraude aux prestations sociales. En septembre 2020, la Cour des comptes a formulé une série de recommandations visant à combattre plus efficacement ce fléau. Ce rapport analyse les progrès réalisés suite à ces recommandations et offre une évaluation actualisée des actions entreprises, tout en soulignant la nécessité de renforcer ces mesures. Parmi ces recommandations figurent le renforcement des contrôles et des sanctions, l’amélioration de la coordination entre les différents organismes ainsi que le recours accru aux nouvelles technologies. Le Gouvernement a déjà fait plusieurs annonces comme la fin du versement d’allocations sociales sur ces comptes bancaires extra-européens.

Par ailleurs, le rapport souligne les défis auxquels est confrontée la lutte contre la fraude aux prestations sociales en raison de la crise sanitaire. En effet, elle a entraîné une augmentation du nombre de demandeurs d’aides sociales en rendant plus difficile le contrôle des bénéficiaires. Par conséquent, le rapport met en avant l’importance d’une vigilance accrue et de poursuivre les efforts déployés.

Dans cette problématique, comment la Cour des comptes étudie-t-elle l’engagement du Gouvernement de mettre en place un versement automatique des prestations sociales à la source, qui sera expérimenté dans plusieurs territoires ? Pouvez-vous nous dire si les prévisions quant à l’impact de ces mesures sur la lutte contre la fraude aux prestations sociales et ses conséquences sur les comptes de la sécurité sociale sont étudiées en amont de ces expérimentations ?

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Je tiens à vous remercier pour ces travaux, incluant la tant attendue étude d’impact précise sur la réforme des retraites. Il est enfin écrit noir sur blanc que les effets de la réforme des retraites sur le déficit de la branche vieillesse sont limités : le choix a donc été fait de faire travailler les gens plus longtemps pour une économie dont le solde net serait de 7 milliards d’euros d’ici 2030. C’est sans compter sur le fait que ces estimations sont faites sur des hypothèses favorables de productivité et d’un chômage en baisse, dont la traduction se fera dans les réformes à venir – travailler encore plus et moins bien, le tout quand la société appelle à la réduction du temps de travail et à travailler mieux.

Le groupe écologiste se réjouit également que votre juridiction s’attache à souligner les facteurs structurels des inégalités de pension entre les femmes et les hommes que nous avons dénoncées sans succès. Puisque nous semblons précurseurs, nous soulignons, dans la perspective de vos futurs travaux sur l’application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, qu’il serait intéressant de bénéficier d’une étude sur les coûts réels induits par le report de l’âge légal, notamment sur la hausse des dépenses sociales.

Mon groupe souhaite également exprimer sa vive inquiétude sur la progression de l’Ondam très en deçà de l’inflation attendue. Pour nous, cette perspective trop contrainte ne doit pas conduire à rechercher des économies d’efficience du système de soins, mais à rectifier l’Ondam à la hausse pour tenir compte de l’inflation. N’ajoutons pas de la crise sur la crise !

Si la Cour des comptes a certifié avec réserve les comptes de la sécurité sociale, à l’exception de la branche famille, cette situation aboutit de manière systématique à la qualification d’anomalie significative, ce qui nous préoccupe fortement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous avez évoqué le déséquilibre à venir des comptes de la sécurité sociale, ce qui plaide pour discuter des exonérations massives votées à chaque loi de financement de la sécurité sociale, qui concourent à assécher les financements dont elle aurait besoin. Dans votre rapport, vous notez les effets comptables, qui ne sont pas à la hauteur de ceux annoncés, du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Les effets réels seront bien au rendez-vous. Certains diront que cette réforme était nécessaire et qu’il en faudra d’autres ; d’autres, au contraire, que ce n’est pas le bon levier.

Sur l’article 51 et les expérimentations, vous appelez à une évaluation et à des prises de décision plus structurées. En effet, certaines dispositions méritent sans doute d’être mises en œuvre, d’autres pas. Un tri est nécessaire afin de ne pas considérer qu’une expérimentation doit nécessairement être menée à terme.

Enfin, les sommes relevant d’erreurs que vous pointez du doigt, soit 5,8 milliards d’euros, sont conséquentes. Nous souhaiterions que vous puissiez préciser la composition de cette somme et notamment la part estimée de la fraude sociale, car nous avons constaté une forme de mélange dans le débat public. Comment calculez-vous l’estimation de la fraude sociale ?

M. Paul-André Colombani (LIOT). Je souhaitais vous interroger sur l’efficacité de la réforme des retraites. Nous avons à ce stade une seule certitude : l’importance du coût social qu’elle va engendrer. Même si elle a été conçue pour des motifs comptables et budgétaires, pour autant, elle ne semble pas remplir ses objectifs. Vous le dites dans votre rapport. Vous écrivez que, dans le champ des régimes de base de la sécurité sociale, la réforme n’aura d’effets financiers favorables que progressivement et que son gain net resterait limité à 1 milliard d’euros en 2025 et à 2 milliards d’euros pour 2026.

Le Gouvernement a fourni une étude d’impact lacunaire et sans chiffrage sur les effets indirects de la réforme. Les études montrent qu’ils amoindrissent tout de même sa portée d’au moins 25 à 30 %, ce qui est considérable. Nous souhaiterions une estimation réelle de l’ampleur du déficit à venir et du véritable impact de la réforme dans sa version amendée.

Je voudrais également réagir à propos des économies possibles sur les médicaments génériques. En Allemagne, le problème est réglé depuis 1989 : un médicament générique est remboursé sur la base du générique. Il s’agit d’une solution équitable pour tous. Pour régler le problème, il suffit de transposer le modèle allemand. Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas déjà le cas.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Trois de nos collègues souhaitent également poser des questions.

Mme Annie Vidal (RE). Votre présentation et vos travaux viennent utilement éclairer l’évaluation des lois de financement de la sécurité sociale, même si nous ne pouvons que regretter l’absence de certification de certains comptes.

J’aimerais revenir sur les questions relatives à la branche autonomie, mise en place en 2020. Vous pointez des erreurs affectant le financement des établissements et services médico-sociaux, notamment dues à la coexistence de plusieurs bases de données sans interface, à la faiblesse des contrôles a priori et a posteriori sur les règlements de dotation et forfaits de ces établissements, ainsi qu’au contrôle interne des prix de journée. Quelles actions recommandez-vous eu égard à ces dysfonctionnements et quels sont les impacts directs sur les établissements à l’heure où ils connaissent des difficultés financières notables ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Je tiens à vous remercier pour ces données intéressantes. La fraude aux prestations sociales serait de 6 à 8 milliards d’euros, chiffre considérable puisque c’est l’équivalent d’un budget comme celui de la justice dans notre pays. Si on y ajoute certaines fraudes, comme l’aide médicale de l’État dont certains clandestins font usage abusif, les chiffres sont encore supérieurs. Cette situation est inacceptable. Notre système social est très généreux ; il est financé par des taxes et des prélèvements élevés sur les ménages et sur les entreprises ; souvent, ces fraudes ne bénéficient pas aux plus modestes mais à des personnes qui en font une activité lucrative et illégale.

Quelle est l’évolution des chiffres de cette fraude aux prestations sociales ? Décèle‑t‑on une efficacité des contrôles ? Quel est le niveau de rentabilité des fraudes que les contrôleurs arrivent à détecter et à empêcher ? Voyez-vous, pour juguler ces pratiques, des leviers supplémentaires sur les conditions d’accès aux prestations, les contrôles a posteriori, avec davantage d’effectifs ?

Enfin, quelles sont, selon vous, les principales conséquences des évolutions démographiques, comme la chute de la natalité, sur les principaux comptes sociaux, alors que les déséquilibres de la pyramide des âges vont s’accentuer dans les années à venir ? À quoi doit-on se préparer pour adapter notre modèle social ?

Mme Josiane Corneloup (LR). La situation financière de la France en 2023 reste parmi les pires de la zone euro. La Cour des comptes estime impossible de repousser le redressement des finances publiques. Le rapport indique que, malgré la réforme des retraites, le déficit devrait continuer de se dégrader pour ce qui est de la sécurité sociale. Bien que le déficit se soit amélioré en 2023, ceci ne devrait être que temporaire et un effet négatif est attendu dès 2024. Des mesures sont à prendre et des évolutions sont certainement nécessaires.

La Cour des comptes indique qu’il faudrait des actions à grande échelle qui auraient pour but de mieux détecter les fraudes dans un premier temps, puis de les prévenir et de les sanctionner dans un second temps. Des solutions sont proposées telles que l’augmentation du nombre de contrôleurs ou encore l’application réelle des textes réglementaires. En effet, une ordonnance du 18 novembre 2020 oblige par exemple les établissements de santé ainsi que les soignants à rédiger des ordonnances au format numérique et non plus au format papier. Pourtant, en septembre 2022, seulement 259 médecins utilisaient le service d’ordonnances numériques. Ces chiffres montrent que nous pouvons espérer d’importantes améliorations. La marge de manœuvre est importante.

Au regard de la nécessité de redresser les finances publiques, avez-vous une connaissance précise des délais dans lesquels nous pourrions constater des améliorations ? Enfin, auriez-vous également des préconisations quant à d’autres mesures à mettre en place qui participeraient à rendre plus efficace la lutte contre les fraudes à la sécurité sociale ?

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. La nouvelle annexe 6 pourrait être améliorée pour donner des éléments sur la formation du résultat des hôpitaux, c’est-à-dire la dynamique des ressources et des dépenses et la manière dont se forme le résultat par type d’hôpital. C’est ce découpage fin que nous appelons de nos vœux. Nous estimons également indispensable d’enrichir cette annexe avec des explications sur la distribution des dotations versées aux établissements hospitaliers. Enfin, nous souhaitons que cette annexe puisse éclairer sur les conséquences des plans d’investissement et des aides à la restauration des moyens financiers consenties aux hôpitaux sur l’évolution de la dette de ces établissements. Il faudrait les mettre en parallèle pour éclairer parfaitement le Parlement.

La Cour des comptes a déjà refusé de certifier les comptes de la branche famille par le passé, tout comme elle a déjà refusé de certifier d’autres branches. Les trois raisons principales qui ont fondé notre refus de certification ont été citées dans mon propos liminaire.

La première raison est une dégradation des indicateurs de risque financier résiduel après contrôle interne dont la Cour des comptes examine le périmètre, la fiabilité et le niveau. En effet, les indicateurs menés après neuf mois puis après vingt‑quatre mois de contrôle montrent des erreurs importantes estimées à 5,8 milliards d’euros, pour 80 % de montants indument versés et pour 20 % de rappels.

La seconde raison est que la branche famille a maintenu ses contrôles à un niveau inférieur à la situation antérieure à la crise sanitaire, en réduisant les opérations de supervision desdits contrôles au sein des caisses d’allocations familiales. Par ailleurs, elle utilise des outils inadaptés aux nouveaux risques. La Cnaf fait valoir que le rendement de ces contrôles a été amélioré d’environ 21 % depuis 2017. Certes mais les erreurs ont augmenté plus rapidement, puisqu’elles ont doublé en quatre ans !

La troisième raison est l’absence de perspectives de redressement rapide de la situation. La branche a renvoyé la constatation de progrès à l’utilisation du dispositif de ressources mensuelles (DRM) et aux évolutions des systèmes d’information, qui devraient contribuer à améliorer les risques résiduels. Pour autant, nous n’avons pas senti de volonté de modification de la politique de contrôle interne, hormis attendre les résultats de l’utilisation du DRM et les évolutions des systèmes d’information en 2025.

Les conséquences du refus de certifier sont surtout réputationnelles. Elles pourraient être de convaincre la Cnaf elle-même de ne pas approuver les comptes qui lui sont soumis. Or, le conseil de la Cnaf a approuvé ces comptes le 23 mai dernier en dépit de la non-certification. Ce risque réputationnel va obliger la Cnaf et sa tutelle à améliorer le contrôle interne. C’est ce qui s’était passé en 2011 avec une prise de conscience de la Cnaf suite à la non-certification de ses comptes. Après plusieurs années de progression indéniable, une dégradation très sensible a amené la Cour à ne pas certifier. Nous espérons que la Cnaf saura se ressaisir comme elle l’avait fait en 2011.

Sur les expérimentations de l’article 51, nous ne recommandons pas particulièrement un accompagnement car nous n’avons pas évalué les expérimentations elles-mêmes, mais le dispositif autour d’elles. Il est un peu tôt pour évaluer les expérimentations elles-mêmes. Nous avons soulevé différents problèmes que sont l’absence de pilotage et surtout d’arbitrage. C’est sur ce point que nous alertons. Rien ne serait pire que de ne pas prendre de décision et de laisser les choses flotter, avec une impression de manœuvre dilatoire pour éviter de prendre les décisions ou les mesures qui s’imposent.

Sur la lutte contre la fraude, des progrès importants restent à faire à plusieurs niveaux même si nous constatons une réelle prise de conscience – notamment de la part de l’assurance maladie. Nous préconisons depuis plusieurs années un changement d’échelle. Nous commençons à être entendus. Il faut accorder davantage de moyens humains, mais d’abord informatiques. Les caisses doivent doter leur système d’information de moyens d’identifier les fraudes a priori en créant des systèmes bloquants. La Caisse nationale de l’assurance maladie attend la refonte totale de son système d’information pour mettre en place ces outils. Aussi, nous ne désespérons pas. Nous comptons beaucoup sur les systèmes d’information et sur d’autres systèmes impliquant la numérisation. La prescription médicale électronique sera l’un des outils de lutte évidents pour éradiquer la fraude a priori.

Nous insistons pour qu’un certain nombre de décrets d’application nécessaires pour lutter contre la fraude soient pris. Sans ces décrets, les mesures législatives restent vaines. Nous invitons également à ce que la lutte contre la fraude ait des objectifs ambitieux qui figurent dans les conventions d’objectifs et de gestion.

Sur le recouvrement des indus, d’importants progrès restent à faire. En effet, les indus recouvrés représentent 1 à 10 % des montants fraudés. Les sanctions doivent être appliquées de manière beaucoup plus ferme. Il convient toutefois de distinguer la fraude aux prestations sociales servies par la branche famille, qui émane de particuliers, et la fraude à la branche maladie, dont 80 % sont le fait de professionnels de santé et non de patients.

Sur le point particulier de la fraude à la résidence, des progrès importants restent à faire qui nécessitent l’accès à des fichiers de personnes résidant à l’étranger. Aujourd’hui, les croisements de fichiers ne sont pas automatiques. Des progrès ont été réalisés entre la sphère fiscale et la sphère sociale. S’agissant du DRM et de la solidarité à la source, nous attendons les résultats pour 2025, qui devraient aboutir à diminuer sensiblement un certain nombre de fraudes aux prestations.

La réforme des retraites ne suffit pas à elle seule à rétablir l’équilibre des comptes sociaux, même si elle y contribue. Nous ne connaissons pas le coût réel induit par la réforme des retraites, simplement le coût des mesures votées par le Parlement et le coût net de 7 milliards d’euros d’amélioration, qui ne portent que sur les régimes de base. Ce montant est doublé si l’on inclut l’État et les régimes complémentaires.

Nous avons attiré l’attention sur le fait que les effets financiers des mesures sociales compensatoires sont plus rapides que ceux des mesures de report d’âge, avec un décalage des premières années. La réforme aura des effets réduits pendant ces deux premières années de mise en route, jusqu’à l’horizon fin 2026. C’est à cet horizon que les déficits sociaux vont se creuser. Par ailleurs, nous avons attiré l’attention sur l’augmentation préoccupante du déficit de la CNRACL qui atteint près de 2 milliards d’euros en 2022 et qui devrait atteindre 6,6 milliards d’euros en 2030, malgré le relèvement d’un point du taux de cotisations patronales en 2024.

S’agissant de l’Ondam, nous sommes également préoccupés. Nous estimons les hypothèses du Gouvernement particulièrement optimistes. Nous n’avons jamais vu l’Ondam évoluer de manière sensiblement inférieure à l’inflation et nous restons dubitatifs.

Le Premier président a annoncé ce matin que la Cour des comptes rendrait publiques au mois de juin neuf notes structurelles thématiques comme exercice d’accompagnement de la réflexion du Gouvernement sur la revue des dépenses publiques. En matière de santé, elle remettra notamment une note thématique sur les soins de ville en proposant un certain nombre de pistes. La régulation sur les soins de ville nous paraît effectivement insuffisante. Cette note sera la somme d’un certain nombre de contrôles de la Cour des comptes depuis cinq ans alors que des outils de régulation existent dans certains domaines et fonctionnent. Nous invitons les pouvoirs publics à les étendre à d’autres domaines.

Sur les médicaments génériques, commençons par appliquer le modèle français avant d’évoquer le modèle allemand. S’il était fait appel systématiquement au générique équivalent, lorsqu’il existe, nous aurions réalisé un progrès. Le médicament pose d’autres problèmes que celui-ci, et notamment la fixation du prix. La Cour des comptes s’est déjà exprimée sur le sujet dans le RALFSS et le fera à nouveau dans la note thématique sur les soins de ville.

Nous certifions les comptes de la branche autonomie pour la deuxième année. Les anomalies constatées ne sont pas suffisamment significatives pour aller au-delà. Nous donnons à la branche le temps de se doter des outils et des moyens humains nécessaires à l’amélioration de ses comptes et de sa gestion. Nous avions tout de même relevé une anomalie significative : la suppression d’écritures comptables liée à un défaut intrinsèque du logiciel comptable utilisé par la branche autonomie et bien d’autres établissements ou collectivités publiques. Nous avons alerté le ministre des finances sur ce point.

S’agissant des délais nécessaires pour permettre de constater une amélioration, je n’ai pas la réponse. Nous souhaitons que cette amélioration intervienne avec célérité. Si toutes les mesures que nous préconisons sont mises en œuvre à brève échéance, l’amélioration peut être rapide. J’invite les opérateurs à s’inspirer de nos recommandations dans les meilleurs délais.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je cède la parole à Arthur Delaporte, arrivé tardivement, en lui demandant d’éviter une question redondante.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je vous prie d’excuser mon absence due à une préparation de commission mixte paritaire. J’ai entendu vos réponses, notamment sur la réforme des retraites qui n’a pas suffi à rétablir les comptes. Le gain net à horizon 2030 de 7,1 milliards d’euros par an tient-il compte des 5 milliards d’euros de dépenses sociales induites par la réforme ? Si tel est le cas, le gain net approcherait 3 milliards d’euros. Mes calculs sont-ils exacts ?

Mme la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes. Je ne suis pas en mesure de répondre, cet exercice à spectre large n’ayant pas été réalisé. Nous nous en sommes tenus au strict périmètre de la réforme des retraites.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie d’avoir présenté vos travaux à la commission des affaires sociales.


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2.   Réunion du mardi 30 mai 2023

La commission entend M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2022 (n° 1268) ([51]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Avec la réforme organique de 2022, les travaux parlementaires relatifs à l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) prennent une nouvelle dimension.

Il y a deux semaines, dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la rapporteure générale et les rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de la sécurité sociale (Mecss) ont présenté six évaluations transpartisanes portant sur certaines dispositions adoptées dans le cadre de précédentes lois de financement. À cette occasion, nous avons interrogé les responsables des caisses et des administrations centrales à propos de ces évaluations, mais aussi, plus généralement, des enjeux pour les branches concernées. Si vous en êtes d’accord, l’ensemble de ces évaluations et auditions fera l’objet d’un rapport d’information de la commission, qui sera publié en vue du débat organisé le mercredi 7 juin en séance publique, au cours duquel nos travaux seront restitués conjointement avec ceux de la commission des finances.

La Cour des comptes, quant à elle, nous a présenté la semaine dernière non seulement son rapport sur la certification des comptes de 2022, mais aussi son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss), qui était jusqu’alors remis début octobre, en vue de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le calendrier a changé car un nouveau type de texte est désormais examiné au printemps : les projets de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss). Le premier texte appartenant à cette nouvelle catégorie de lois de financement a été adopté mercredi dernier en Conseil des ministres. M. le ministre délégué Gabriel Attal nous le présente aujourd’hui – ce dont je le remercie –, dans la perspective de l’examen du texte par notre commission, qui aura lieu dès demain, puis le mardi 6 juin en séance publique.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je tiens à souligner à mon tour le caractère inédit et même historique de cette audition : elle inaugure l’examen d’une nouvelle loi financière résultant de la révision organique du 14 mars 2022, impulsée par Thomas Mesnier et à laquelle plusieurs d’entre vous ont participé. Je forme avec vous le vœu que les débats autour de ce texte permettront d’enrichir le temps consacré durant le printemps à l’évaluation et au retour sur les comptes de l’exercice clos, tant dans le champ de l’État que dans celui de la sécurité sociale.

Comme je l’ai souligné s’agissant du projet de loi de règlement du budget de l’État, il s’agit ici, pour l’essentiel, d’une photographie des comptes de l’année précédente. C’est donc aussi un test pour les parlementaires, qu’ils appartiennent à la majorité ou aux oppositions : ce texte permet de savoir qui se place dans une posture d’opposition systématique et stérile, consistant à rejeter tous les projets de loi, y compris ceux qui ne sont qu’un état des lieux de l’année précédente, auxquels on ne peut absolument rien changer – tout en sachant que les oppositions constructives, essayant d’améliorer les textes, peuvent formuler leurs propositions plutôt dans le cadre de la loi de financement pour l’année suivante.

Sur le fond, ce projet de loi donne une image sincère des comptes de la sécurité sociale. Trois branches sur cinq sont excédentaires : à hauteur de 200 millions d’euros pour la branche autonomie, dans sa deuxième année d’existence ; de 1,9 milliard pour la branche famille et de 1,7 milliard pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Toutefois, dans l’ensemble, les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) présentent un déficit de 19,6 milliards, en raison de la situation des deux principales branches : la branche maladie a un déficit de 21 milliards et la branche retraites de 3,8 milliards.

Le déficit de la branche maladie se résorbe, même s’il reste très important, du fait en particulier des dépenses liées à la crise sanitaire, qui se sont encore élevées à 11,7 milliards d’euros en 2022 et ont permis de financer la poursuite, notamment en début d’année, des tests de dépistage et de la campagne de vaccination.

S’agissant de la branche vieillesse, le déficit s’établit à 3,8 milliards d’euros dans le champ des régimes obligatoires de base, ce qui témoigne d’une dégradation par rapport à l’an dernier, même si la situation s’est améliorée par rapport à 2020. C’est précisément parce que la trajectoire de cette branche n’était pas soutenable que nous avons défendu une réforme qui permettra au système de retraite de revenir progressivement à l’équilibre.

Par rapport à 2021, le déficit global de la sécurité sociale se réduit de 4,6 milliards d’euros. Outre le fait que les dépenses liées à la crise ont été moindres, cette amélioration est largement le fruit de la politique économique que nous menons. Celle-ci a permis la création de 1 700 000 emplois depuis 2017, dont 337 000 pour la seule année 2022. Ces 337 000 nouveaux emplois représentent l’équivalent de 5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires alimentant chaque année les caisses de la sécurité sociale. C’est autant d’argent en plus pour les hôpitaux, les crèches ou encore les Ehpad. Combinées aux hausses de salaires, ces créations d’emplois ont permis une croissance de la masse salariale de 8,9 % en 2022.

Au total, les recettes de la sécurité sociale, y compris la fiscalité affectée, ont progressé de 5,4 % en 2022. Les allégements généraux de cotisations font souvent l’objet de débats. D’une part, ils sont compensés à la sécurité sociale. D’autre part, et surtout, c’est cette politique qui a permis la création massive d’emplois. Si nous n’avions pas créé 1 700 000 emplois depuis 2017, le déficit de la sécurité sociale se serait alourdi de 25 milliards. Le meilleur moyen de financer nos politiques publiques, en particulier notre modèle social, c’est de faire en sorte que davantage de Français travaillent. Si notre taux d’emploi était le même que celui de nos voisins allemands, les recettes fiscales et sociales seraient tellement importantes qu’il serait beaucoup plus facile d’équilibrer les comptes chaque année et de réduire les déficits. Il faut donc tout faire pour améliorer le taux d’emploi. Nous nous y efforçons en luttant contre le chômage et en menant des réformes, notamment celle de l’apprentissage, et désormais celle du lycée professionnel. La réforme des retraites, quant à elle, se traduira par une amélioration du taux d’emploi des seniors, comme cela avait été le cas après la réforme Fillon de 2010 – il avait augmenté de 15 points.

En 2022, pour la troisième année consécutive, l’État a été non plus débiteur mais créancier de la sécurité sociale, à hauteur de 100 millions d’euros, alors qu’il avait accumulé, au cours de la décennie passée, des dettes atteignant parfois 1 milliard. Cela constitue un progrès en matière de transparence des relations financières entre l’État et la sécurité sociale.

Durant l’année écoulée, la sécurité sociale a aussi continué à rembourser ses dettes, à travers la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui a amorti 19 milliards d’euros et continuera à fonctionner jusqu’en 2033, date prévue pour son extinction aux termes de la loi organique du 7 août 2020.

Par ailleurs, nous prenons acte du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille pour l’année 2022. Ce n’est pas le premier refus de certifier prononcé par la Cour : il y en a eu huit depuis 2006, dont deux concernaient la branche famille. Toutes les majorités successives ont été confrontées à une telle situation. Cela dit, nous prenons les observations de la Cour très au sérieux et nous nous mobilisons sans attendre pour y répondre.

La majorité des erreurs de calcul soulignées par la Cour concernent le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d’activité. La fiabilisation de la liquidation sera notre priorité, à travers le dispositif de ressources mensuelles (DRM), qui sera généralisé d’ici au début de 2025. Concrètement, les caisses d’allocations familiales (CAF) disposeront d’informations plus fiables, ce qui réduira drastiquement les erreurs de calcul. Dès le mois de juillet, le montant net social que doivent déclarer les allocataires sera inscrit sur les bulletins de paie, ce qui permettra de réduire les erreurs de bonne foi.

À ce propos, je ne saurais conclure sans confirmer l’intention du Gouvernement de lutter inlassablement et implacablement contre toutes les fraudes aux finances publiques. En matière de fraude sociale, j’ai annoncé un plan complet : cet arsenal de mesures permettra de combattre le travail non déclaré ainsi que les fraudes aux prestations de santé et aux prestations sociales.

L’an dernier, nous avons déjà obtenu des résultats historiques en matière de lutte contre la fraude. Plus généralement, depuis la première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, les redressements concernant la fraude sociale ont progressé de 35 % : plus 50 % du côté des redressements des Urssaf, plus 30 % de préjudices détectés et évités par l’assurance maladie, les CAF et les caisses de retraite. Il en va de même en matière fiscale, même si ce n’est pas l’objet de cette audition : les mises en recouvrement par la direction générale des finances publiques ont atteint 14,6 milliards d’euros l’an dernier – un record.

Si nous avons déjà fait beaucoup, nos ambitions dans ce domaine sont encore plus élevées. C’est le sens du plan que j’ai présenté ce matin : nous entendons changer d’échelle. Après une progression de 35 % des redressements au cours des cinq années précédentes, je veux que nous progressions de 100 % durant les cinq années à venir, c’est-à-dire que le montant de la fraude redressée soit doublé en 2027 par rapport à 2022.

Cette politique nécessite des moyens supplémentaires. À cet égard, j’ai annoncé 1 000 postes de plus pour le personnel chargé des contrôles dans les caisses de sécurité sociale, soit une augmentation de 20 %. Cela suppose aussi un investissement technique. Pour ce faire, nous avons élaboré un plan, doté de 1 milliard d’euros sur cinq ans, ayant pour but de moderniser les systèmes d’information, ce qui permettra de croiser plus efficacement les données. Nous avons également annoncé de nombreuses mesures concernant les cotisations sociales, l’assurance maladie et les allocations sociales.

C’est un enjeu de finances publiques ainsi que de cohésion nationale : garder le contrôle de notre modèle social suppose de maîtriser les prestations et de savoir à qui nous les versons. Or, depuis longtemps, les gouvernements successifs avaient perdu ce contrôle, au moins dans une certaine mesure.

Financer notre modèle social par le travail : tel est le choix que nous assumons depuis 2017. C’est la condition essentielle pour assurer sa pérennité.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Je tiens d’abord à vous remercier, monsieur le ministre délégué, d’être venu devant nous pour inaugurer cette nouvelle catégorie de textes dont notre assemblée a souhaité la création sous la précédente législature – à cet égard, j’ai une pensée pour Thomas Mesnier.

Nous disposons désormais d’un temps dédié à l’analyse et à l’approbation des comptes sociaux de l’année précédente. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’une photographie de l’année écoulée. La Lacss s’inscrit ainsi dans le cycle du Printemps social de l’évaluation, qui nous a permis de formuler des propositions pour le prochain PLFSS en nous fondant sur l’évaluation des mesures votées les années précédentes.

En tant que rapporteure générale, je me réjouis que ce premier Placss se caractérise par la poursuite du rétablissement des comptes sociaux, après une crise sanitaire qui a mis à contribution notre protection sociale. Les régimes obligatoires de base, en incluant le FSV, affichent en 2022 un déficit de moins de 20 milliards d’euros, alors qu’il était deux fois plus élevé deux ans auparavant. Le rétablissement peut être en partie imputé à l’amélioration spectaculaire du solde de la branche maladie, son déficit étant passé de plus de 30 milliards en 2020 à 21 milliards en 2022.

Cette trajectoire positive est principalement due à la dynamique des recettes de la protection sociale, qui ont encore progressé de 5,4 % en 2022, après une hausse déjà forte en 2021. La dynamique positive devrait se poursuivre en 2023. J’y vois le résultat des réformes que nous menons depuis six ans, grâce auxquelles le taux de chômage est historiquement bas. Les emplois créés depuis 2017 – 1 700 000 – apportent des ressources cruciales pour l’ensemble de la protection sociale.

Les différences entre les branches demeurent notables. La branche maladie, malgré une nette amélioration, continue de présenter un déficit important, équivalent au déficit total hors FSV. La branche vieillesse, malgré une amélioration temporaire de son solde en 2021, accuse toujours un fort déficit, de l’ordre de 3,8 milliards d’euros, ce qui justifie amplement les mesures que nous avons prises pour viser l’équilibre du système de retraites à l’horizon de 2030. Les branches AT-MP, famille et autonomie, pour leur part, restent excédentaires.

Je relève, par ailleurs, les faibles différences existant entre les prévisions formulées en loi de financement pour 2023 et celles qu’il nous est proposé d’approuver dans ce projet de loi. Cela prouve la fiabilité des estimations qui nous sont fournies à l’automne.

Toutefois, le Placss est marqué par l’absence de certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes, après un refus concernant la branche recouvrement en 2021. Cette décision est due, notamment, à un nombre important d’erreurs résiduelles, imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de vingt-quatre mois : les indus et les rappels s’élèvent à 5,8 milliards d’euros. Ces erreurs représentent environ 7,6 % du montant des prestations versées par la branche. Au total, la Cour des comptes a estimé, dans son dernier rapport, que le montant des fraudes aux prestations était compris entre 6 et 8 milliards.

Je retiens de mes échanges avec la Cour et avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), d’une part, que les effectifs dédiés au contrôle sont insuffisants, et, d’autre part, que les erreurs et les fraudes sont concentrées sur la prime d’activité, le RSA et les aides au logement. Si des réformes ont affecté la prime d’activité et les aides au logement, ce n’est pas le cas du RSA pendant la période récente : avez-vous prévu des mesures pour renforcer les contrôles et vous assurer de la bonne application des règles concernant cette prestation ?

La convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Cnaf est en cours de négociation. Les 1 000 postes supplémentaires que vous avez annoncés seront-ils équitablement répartis entre les branches, ou bien la branche famille nécessite-t-elle selon vous une augmentation plus significative de ses effectifs ?

Enfin, la Cour insiste sur la fraude émanant de certains établissements de santé, en lien avec le règlement des actes, des séjours et des prestations des professionnels. Le préjudice est estimé à 3,4 milliards d’euros. La Cour propose, notamment, de renforcer les contrôles automatisés portant sur les factures et de dématérialiser les ordonnances médicales. Comment le Gouvernement souhaite-t-il avancer en la matière ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Didier Martin (RE). Monsieur le ministre délégué, vous avez fait état avec lucidité de la situation financière des régimes obligatoires de la sécurité sociale. Ils présentent un léger excédent, mais l’assurance maladie et le régime vieillesse connaissent des déficits importants – 21 milliards d’euros pour la première et 3,8 milliards pour le second. Ces constatations doivent être replacées dans le contexte général, qui est marqué par des difficultés économiques, voire une crise économique, en lien, notamment, avec le surcoût de l’énergie, et par la crise sanitaire que notre pays a traversée. Nous sommes en sortie de crise, mais le contexte inflationniste nuit au pouvoir d’achat des ménages.

Heureusement, et c’est le sens de la politique conduite par la majorité, le travail doit permettre d’équilibrer progressivement les comptes sociaux. Création d’emplois, baisse du chômage, record en matière de taux d’activité dans notre pays : les efforts sont payants, y compris pour les comptes sociaux. Cela nous a permis de renforcer les solidarités. À cet égard, on pourrait parler non seulement du complément de libre choix du mode de garde, de la hausse du montant de l’allocation aux adultes handicapés, du versement des pensions alimentaires et des mesures de protection sanitaire décidées lors de la crise, mais aussi du Ségur de la santé, de la revalorisation pour les personnels non médicaux dans les établissements de santé, les Ehpad et les établissements médico-sociaux, ainsi que de ce qui a été fait pour les travailleurs indépendants, les exploitants agricoles, etc. L’effort de solidarité, pour préserver notre modèle social et protéger les plus vulnérables, est majeur.

Il faut chercher, bien entendu, à réduire les déficits et à limiter l’endettement. C’est ce qui est fait dans le cadre de la sortie de crise : nous commençons à maîtriser de mieux en mieux l’endettement des différentes branches.

Mme Joëlle Mélin (RN). Monsieur le ministre délégué, nous partageons entièrement votre avis au sujet des enjeux de cohésion dans le cadre de la protection sociale, à laquelle nous tenons. Nous soutenons également l’idée selon laquelle c’est par la croissance et l’emploi que nous arriverons à sauver les comptes de la sécurité sociale.

Pour cela, il faudrait également sortir d’un très ancien cercle vicieux : la Cour des comptes souligne tous les ans, depuis 1996, l’ampleur des anomalies et des dysfonctionnements. C’est à se demander si les gouvernements successifs l’entendent... Depuis 2006, la certification des comptes conduit, par ailleurs, la Cour à mettre le doigt sur des éléments problématiques. Comment se fait-il que l’on ne soit toujours pas sorti de ces difficultés au bout de vingt-cinq ans ? On voit cette année – et c’est un bonheur d’avoir à la fois le rapport relatif à la certification des comptes et celui portant sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale – que tout cela n’aurait jamais dû avoir lieu. La fraude vient largement obérer les comptes et porter atteinte à leur sincérité.

S’agissant des CAF, quand pourra-t-on enfin donner aux agents des moyens humains et financiers leur permettant de ne pas consacrer 50 % de leur temps à de la gestion pour tiers, en particulier les conseils départementaux ? Quand disposera-t-on enfin de capacités informatiques centralisées ? Nous savons que les bugs persistent, notamment pour ce qui est des indépendants et de la facturation individuelle des établissements de santé. Comment comptez-vous vous attaquer aux problèmes de la branche versant les allocations familiales, qui concentre une grande part de l’insincérité des comptes ? Il n’y a peut-être pas, en effet, tous les éléments qu’il faudrait dans la photographie que nous sommes appelés à approuver.

M. Yannick Neuder (LR). Nous vivons une première : nous allons examiner le premier Placss, portant sur l’exercice 2022. Le Gouvernement aurait pu nous présenter, à cette occasion, un projet cohérent avec la volonté exprimée par le Parlement lors du vote du PLFSS pour 2022. Or il n’en est rien. Le Gouvernement fait mine de présenter des comptes maîtrisés et fidèles aux prévisions, mais la situation n’est pas aussi reluisante qu’il veut nous le faire croire. À ce projet de loi maquillé, les députés Les Républicains souhaitent opposer la réalité, telle que nous la présente la Cour des comptes.

Nous dénonçons avec la plus grande fermeté l’attitude du Gouvernement et de son administration, qui ne respectent pas la loi votée par le Parlement et les décisions prises dans ce cadre. Comme le rappelle la Cour des comptes, le Parlement avait suivi ses recommandations en modifiant dans le PLFSS 2023 5 milliards d’euros relatifs aux comptes de l’activité de recouvrement. En effet, le Gouvernement avait fait porter dans l’exercice 2022 une charge de 5 milliards qui aurait dû être rattachée à l’exercice 2021. Malgré le vote du Parlement, les organismes nationaux du régime général et leur tutelle ont choisi de ne pas modifier la présentation des comptes et de se contenter d’expliquer, dans les annexes aux comptes des branches du régime général, les données figurant dans le tableau d’équilibre. Selon la Cour des comptes, « cette présentation ne rend pas compte de la portée des décisions adoptées par le Parlement lors de l’examen du projet de loi de financement pour 2023 ».

Nous dénonçons également la non-certification des comptes de la branche famille par la Cour. Celle-ci a relevé qu’un quart des montants versés en 2022 était affecté d’erreurs en ce qui concerne la prime d’activité, un sixième s’agissant du RSA et un huitième pour les aides au logement.

Pour toutes ces raisons, Les Républicains voteront contre le projet de loi, mais nous soutenons fermement la volonté du ministre délégué et de son administration de lutter contre les fraudes.

Mme Sandrine Josso (Dem). Monsieur le ministre délégué, merci pour votre présentation très claire des comptes de la sécurité sociale. Nous pouvons être fiers du modèle français, qui est unique au monde du fait de sa générosité et de la large protection contre les risques qu’il offre aux assurés. Tout cela a, bien sûr, un coût, au sujet duquel nous avons à nous prononcer. C’est de l’équilibre des comptes sociaux que dépend l’avenir de ce modèle auquel nous tenons tant. Il nous appartient de prendre des mesures fortes pour le préserver et le renforcer.

Ma question porte sur un thème cher au groupe Démocrate et qui permet de répondre à ces impératifs, à savoir le soutien à la natalité. Vous l’avez rappelé lors de la réforme des retraites, la démographie est un des éléments essentiels de la solidarité entre les générations. Notre natalité, pourtant, tend à diminuer : il y a eu 723 000 naissances en 2022, contre 807 000 en l’an 2000. Nous nous sommes mobilisés pour améliorer l’accompagnement psychologique des couples confrontés à une fausse couche. C’est un fléau trop souvent méconnu, pour lequel une prise en charge adaptée est nécessaire. Pouvez-vous détailler devant la commission des affaires sociales la feuille de route du Gouvernement en faveur des familles ? Quelles seront les mesures budgétaires pour soutenir la natalité ? C’est un investissement dans notre modèle social et surtout dans l’avenir.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit d’un exercice inédit, puisque c’est la première fois que nous sommes saisis d’un Placss. Certes, ce texte a pour l’essentiel une dimension technique, et nous n’en sommes encore qu’au stade des balbutiements, mais il faut saluer la vertu des documents mis à la disposition des parlementaires, à savoir les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale et le Ralfss – quand bien même l’annexe demandée par la loi organique au sujet des exonérations de cotisations sociales n’a pas d’originalité ni de valeur ajoutée par rapport à l’annexe 5 des PLFSS.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF) relatif à une méthodologie d’évaluation des dispositifs d’exonération de cotisations sociales vient d’être rendu public, concomitamment à la présentation du Placss. L’intention du législateur était de mettre le doigt sur l’ampleur de ces exonérations, dont la plus grande partie n’a pas fait l’objet d’une évaluation, macroéconomique ou microéconomique. On assiste ainsi à une reproduction ad vitam æternam, alors qu’on pourrait trouver là des marges de manœuvre pour financer des politiques sociales. Nous venons d’engager, avec Marc Ferracci, un travail portant spécifiquement sur ce sujet, en particulier les exonérations de cotisations sociales sur les hauts salaires, dans le cadre de la Mecss.

Serez-vous un jour ouverts à l’idée de revenir sur tout ou partie de ces exonérations, notamment celles qui n’ont pas d’effets sur l’emploi et l’investissement ?

M. Frédéric Valletoux (HOR). Notre groupe est très heureux que ce débat ait lieu. C’est pour nous l’occasion de saluer l’initiative qu’avait prise, en son temps, Thomas Mesnier. Nous pouvons ainsi avoir, pour la première fois, une vision plus claire des enjeux des comptes de la sécurité sociale. Concrètement, le texte qui nous est soumis vise à clore les comptes pour l’exercice 2022. Il met en avant le fait que cette année a été marquée par une amélioration globale de la situation des finances de la sécurité sociale par rapport à l’année précédente. Les chiffres sont parlants : le déficit des régimes de base et du FSV a diminué de 4,6 milliards d’euros en 2022 – il atteint ainsi 19,6 milliards.

Les comptes de l’exercice 2022 traduisent le fait que les politiques menées par le Gouvernement ont porté leurs fruits et ont mieux protégé les Français – je pense à la bonne tenue du marché de l’emploi, à la progression des dépenses de santé et à l’augmentation sans précédent des prestations sociales pour faire face à l’inflation. Néanmoins, la situation reste préoccupante pour les années à venir, tant en matière de déficit que de dette. La majorité présidentielle en a pris la mesure en menant la réforme des retraites, dont les mesures paramétriques étaient nécessaires pour préserver la pérennité de notre système social : elles permettront un retour à l’équilibre à l’horizon de 2030.

Le vote du présent projet de loi est le moyen d’approuver les comptes de la sécurité sociale de l’année dernière. Cela ne vaut en aucun cas adhésion à la politique sociale du Gouvernement et de la majorité : c’est une mesure de transparence envers le Parlement au sujet des comptes. Nous soutiendrons ce texte, pour notre part, avec beaucoup de sérieux et d’enthousiasme.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous voici une fois encore réunis pour l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; il s’agit en l’espèce, pour la première fois, d’un projet de loi d’approbation des comptes. Nous sommes toutes et tous conscients que leur examen deviendra pour le Parlement une formalité, sur le modèle des lois de règlement.

La présente audition nous permet toutefois de pointer quelques incohérences. La réforme organique de 2022 visait plusieurs objectifs, dont la rationalisation de l’examen des lois de financement de la sécurité sociale et la meilleure information du Parlement sur l’application de ces dernières. Or la Cour des comptes, dans son Ralfss, note l’effet inverse : bien qu’elle considère que les tableaux d’équilibre et le tableau de situation patrimoniale offrent une représentation cohérente des soldes, elle alerte néanmoins sur la moindre fiabilité des données comptables intégrées à ce dernier. En outre, elle remarque que les annexes explicatives des tableaux d’équilibre et du tableau de situation patrimoniale ne seront pas jointes au Placss, ce qui réduit en conséquence l’information communiquée au Parlement.

Le projet de loi entérine dans le tableau d’équilibre les comptes de la branche famille, qui n’ont pas été certifiés. Pour le groupe Écologiste, cette situation est particulièrement regrettable, d’autant que le Ralfss nous donne les informations tant attendues sur la réforme des retraites : une petite économie de 7 milliards d’euros d’ici à 2030, sous des hypothèses de productivité favorable et de chômage en baisse. Il confirme également les inégalités criantes entre les femmes et les hommes en matière de pensions, auxquelles votre réforme ne change rien ou presque.

Enfin, la Cour dessine une future cure d’austérité pour notre système de soins et d’accompagnement déjà exsangue. Après les économies sur les retraites, des économies sur l’hôpital ! Et pour quel résultat ? Travailler plus, produire plus, polluer plus, mourir plus jeune et ne pas avoir accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Ce projet de loi est une photographie des comptes de la sécurité sociale à la fin 2022. Précisons d’emblée que les chiffres ne disent pas tout – ils ne le disent jamais.

Vous avez commencé votre propos liminaire en indiquant que ce débat permettrait de voir si l’opposition pouvait être constructive. J’ai envie de vous renvoyer la question ! Le Gouvernement peut-il être constructif ? Ce n’est pas tout à fait le constat que nous dressons depuis plusieurs semaines.

Peut-on vous donner quitus ? La question mérite d’être posée, d’autant que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille.

Il ne faudrait pas que l’exercice tourne à l’autosatisfaction et à la célébration des effets supposés de votre politique. Je trouve que vous lui attribuez bien des mérites ! Ce texte semble surtout être le support d’une opération de communication...

Pourtant, la Cour des comptes n’est pas optimiste sur la situation financière de la sécurité sociale et appelle l’attention sur l’évolution préoccupante de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Comment allez-vous relever ces défis ? Les choix opérés dans ce projet de loi d’approbation des comptes suffiront-ils pour répondre aux besoins ? Nous savons que ce n’est pas le cas. La crise sanitaire, la crise de l’hôpital public continuent. Il faudrait s’en occuper davantage. La Cades intervient souvent à contre-emploi. Et le résultat comptable de la mauvaise réforme des retraites est très critiquable.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Nous regrettons que le tout premier Placss ait été déposé alors même que le dernier PLFSS n’a pas pu faire l’objet d’un vote à l’Assemblée nationale. Le débat sur notre protection sociale n’aura lieu qu’à travers l’examen d’un texte comptable venant clore les comptes de la sécurité sociale pour 2022.

Or même cet exercice s’avère laborieux, notamment du fait du refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille. On peut donc s’interroger sur la sincérité des articles présentés.

D’autre part, le Gouvernement ne donne pas de réelles perspectives concernant la lente réduction du déficit. Compte tenu des déficits de l’hôpital public, des difficultés d’accès aux soins, du vieillissement de la population, la question de la nécessité de doter le système de protection sociale de recettes pérennes demeure. Pourquoi ne pas évaluer l’efficacité économique et sociale des réductions et exonérations de cotisations ?

L’examen de ce projet de loi est enfin l’occasion de rappeler nos inquiétudes quant à la réforme des retraites. Son coût social est très élevé et son efficacité budgétaire faible. Même sur le plan comptable, elle semble être un échec. La Cour des comptes estime qu’à l’horizon 2030, son impact net sur le solde de la branche vieillesse ne serait que de 7 milliards d’euros. Cela nous conforte dans notre volonté que cette réforme injuste ne soit pas appliquée. Il convient de réfléchir collectivement à d’autres moyens plus efficaces de pérenniser notre système de retraite. C’est ce à quoi nous appellerons demain.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Annie Vidal (RE). La situation financière des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV s’est améliorée en 2022, avec une diminution du déficit de 4,6 milliards d’euros par rapport à 2021, ce qui va dans le sens de la restauration de la trajectoire budgétaire des comptes sociaux. La récente réforme des retraites s’inscrit également dans l’objectif de pérennisation de notre système de protection sociale, auquel les Français sont très attachés – n’en déplaise aux anciens chantres de la rigueur budgétaire qui se posent aujourd’hui comme les pourfendeurs de la pérennité de notre modèle social.

Le texte que vous nous présentez s’inscrit dans le nouveau cadre organique, adopté en 2022, que nous devons à notre collègue Thomas Mesnier et qui vise aussi à renforcer la pluriannualité des lois de financement de la sécurité sociale. Nous avons adopté, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir en France, le principe de l’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle pour l’autonomie des personnes âgées. C’est une étape importante vers la prise en compte du vieillissement de la population et la construction d’une société du bien vieillir. Les dépenses de la nouvelle branche autonomie, créée en 2020, passeront de 32,6 milliards d’euros en 2021 à 42 milliards en 2026. La loi de programmation constituera un signal fort et confortera nos engagements en faveur de l’autonomie. Comment allez-vous en assurer la confection et le financement et comment envisagez‑vous son articulation avec les lois de financement de la sécurité sociale ?

M. Freddy Sertin (RE). Pour inaugurer l’exercice d’approbation des comptes de la sécurité sociale, il nous faut revenir sur l’état des comptes pour 2022, en ébauchant un premier bilan de notre action commune.

La Cour des comptes s’est elle aussi saisie du sujet, en rédigeant un rapport dans lequel elle appelle notre attention sur la nécessité de réaliser des économies substantielles dans le domaine sanitaire. La Cour montre une véritable inquiétude quant à l’état des comptes dans un contexte où l’Ondam est inférieur à l’inflation. En effet, la trajectoire annexée à la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 fixe une progression hors covid de 3,8 %, qui reste inférieure de 0,5 point à l’inflation estimée par la loi de finances. Quelles sont les perspectives pour le budget 2024 et quelles mesures devons-nous prendre afin d’assurer le respect de l’Ondam ?

M. François Gernigon (HOR). Le rapport de la Cour des comptes sur l’exécution 2022 de l’Ondam met en évidence une progression significative des dépenses pour les soins de ville et les établissements de santé, respectivement de 4,7 et 5,8 milliards d’euros. La hausse est moins marquée pour les établissements pour personnes âgées et en situation de handicap, la progression étant respectivement de 0,4 et 1,6 milliard d’euros. Dans un contexte marqué par l’allongement de la durée de vie et la croissance du nombre de personnes en perte d’autonomie, ces chiffres peuvent nous interpeller.

Serait-il possible de disposer d’une estimation des dépenses liées aux soins aux personnes en perte d’autonomie actuellement prises en charge par les soins de ville et les établissements de santé ? À l’avenir, ces dépenses devraient en effet être intégrées à la cinquième branche. Une telle information serait d’une grande aide pour évaluer le coût réel de la transition et permettrait de mieux équilibrer les coûts supplémentaires à venir pour les établissements pour personnes âgées et les coûts économisés pour les autres établissements de santé.

M. le ministre délégué. Madame Rist, vous soulignez avec raison le déficit encore élevé de la branche maladie. Les dépenses de crise se sont maintenues en 2022 à un niveau très élevé : 11,7 milliards d’euros. Ce qui explique ces dépenses, c’est l’effort consenti pour compenser l’inflation : 800 millions au profit des hôpitaux, mesure largement réclamée par les parlementaires, 12,7 milliards au titre du Ségur de la santé, dont 10,3 milliards pour la seule revalorisation des personnels de santé.

La Cour des comptes a raison de souligner que nous devons fiabiliser le calcul des allocations sociales. La majorité des erreurs concernent le RSA et la prime d’activité. Il s’agit parfois d’erreurs de bonne foi, commises par les allocataires ou par les caisses de sécurité sociale, parfois d’actes frauduleux. Je rappelle que la fraude au RSA et à la prime d’activité est évaluée par la CNAF à 1,9 milliard d’euros par an.

L’objet du plan que j’ai présenté est précisément de remédier à la fois à la fraude et aux erreurs. Nous allons utiliser les données concernant les ressources connues des allocataires contenues dans le dispositif de ressources mensuelles pour préremplir les formulaires de demande de RSA et de prime d’activité. Le dispositif sera expérimenté dans plusieurs CAF en vue d’une généralisation au début 2025. Ce sera une petite révolution pour les allocataires, qui permettra une simplification et un meilleur accès aux droits : dans les erreurs relevées par la Cour des comptes, il y a aussi des prestations qui ne sont pas versées à des allocataires qui y auraient droit. Nous développons le projet, mis en avant par le Président de la République durant la campagne présidentielle, de solidarité à la source. La généralisation du DRM pour le préremplissage des demandes est à la fois une première étape vers cette solidarité à la source et un levier dans la lutte contre la fraude.

Sans attendre 2025, nous allons dès le mois de juillet indiquer sur le bulletin de salaire le montant net social que les allocataires doivent déclarer à la CAF, ce qui permettra de réduire les erreurs de bonne foi.

Enfin, nous allons accroître les moyens. Je ne peux pas encore vous donner dans le détail le nombre d’agents supplémentaires par caisse de sécurité sociale, puisque les COG n’ont pas toutes été adoptées par les conseils d’administration, mais je confirme le renfort de 1 015 équivalents temps plein et l’enveloppe de 1 milliard d’euros pour moderniser les systèmes d’information. Dans son rapport, la Cour regrette que le système informatique des CAF ne permette de remonter qu’aux deux dernières années. Grâce à l’investissement dans la modernisation des systèmes informatiques, on pourra aller jusqu’à cinq.

Vous dites, madame Mélin, que vous prenez acte de la photo mais que vous ne l’aimez pas pour autant. Moi non plus, je n’en suis pas totalement satisfait. J’aimerais qu’il y ait moins de déficits, moins d’erreurs, moins de fraudes – mais c’est une photo, et on ne peut pas la changer.

Monsieur Neuder, je suis sûr que l’on peut vous convaincre de voter pour ou, tout au moins, de laisser passer ce Placss. Si vous êtes un spécialiste des questions sociales, vous êtes aussi, depuis assez longtemps, un élu local – vous avez été maire et conseiller régional pendant de nombreuses années. Les élus d’opposition qui siégeaient dans votre conseil municipal votaient-ils contre le compte administratif de votre commune que vous leur présentiez ?

M. Yannick Neuder (LR). Cela dépend.

M. le ministre délégué. Alors, compreniez-vous qu’ils votent contre ?

Je suis moi-même, depuis dix ans, conseiller municipal d’opposition. Je n’ai pas le souvenir d’avoir voté contre un compte administratif : selon mon humeur, je votais pour ou je m’abstenais. Il n’y a aucun sens à voter contre une photo des comptes de l’année précédente ! On peut émettre des critiques mais on ne peut rien changer au passé – on ne peut que changer l’avenir.

La Cour des comptes a certifié les comptes de la branche recouvrement pour l’année 2022, alors qu’elle avait refusé de certifier ceux de l’année 2021 : il faut y voir une amélioration, que chacun peut saluer.

S’agissant de l’imputation des 5 milliards d’euros de cotisations que l’Urssaf avait reportés de 2020 à 2021 pour soutenir les travailleurs indépendants, au plus fort de la première vague de covid, nous avons saisi le Conseil de normalisation des comptes publics (CNCP) afin de déterminer si le Gouvernement devait modifier les comptes clos de l’exercice 2021 et changer sa doctrine de comptabilisation des cotisations sociales. La réponse du CNCP est claire : on ne peut pas modifier les comptes de l’année 2021, qui sont clos et dont les tableaux d’équilibre ont été validés par la Cour des comptes l’année dernière. Notre doctrine de comptabilisation des cotisations n’a pas non plus à être modifiée : les appels de cotisations des indépendants concernés ayant été reportés à 2021, il est cohérent qu’ils soient comptabilisés en 2021. Je souligne enfin que le projet de loi qui vous est soumis concerne les comptes de l’année 2022 ; or la question que vous avez soulevée n’a pas d’incidence sur les comptes de cette année-là, mais sur ceux de 2021.

Madame Josso, je l’ai dit dans le cadre du débat sur la réforme des retraites, et cela m’a parfois été reproché : la question de la natalité est évidemment importante, tant pour notre société, compte tenu du nécessaire renouvellement des générations, que pour notre modèle de protection sociale. Nous avons en effet un système de retraite par répartition, fondé sur le financement des pensions par les actifs, tandis que nos politiques publiques sont globalement financées par l’emploi. Les derniers chiffres publiés par l’Insee, qui montrent une baisse de la natalité dans notre pays, doivent nous alerter, même si la France reste nettement au-dessus de la moyenne européenne.

Il faut donc agir en faveur de la natalité. Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures et prévu des investissements massifs dans ce domaine. Dans le cadre de la LFSS 2023, vous avez revalorisé de 50 % l’allocation de soutien familial pour 800 000 familles monoparentales. Cette mesure est effective depuis novembre 2022, pour un coût en année pleine initialement évalué à 900 millions d’euros mais qui pourrait en réalité dépasser 1 milliard d’euros en 2023.

J’insiste particulièrement sur l’importance du service public de la petite enfance. Les freins rencontrés par les jeunes couples dans leur projet d’avoir un enfant et de fonder une famille tiennent beaucoup au logement et aux modes de garde. Si nous arrivons à bâtir un véritable service public de la petite enfance, avec un droit opposable à l’accès à un mode de garde pour ses enfants, même si cela présente un coût, nous aurons réalisé une avancée majeure, y compris pour l’emploi puisque nous permettrons à des femmes de travailler. L’amélioration du taux d’emploi des femmes sert non seulement l’égalité, mais également notre modèle social du fait des recettes supplémentaires ainsi générées. La Première ministre fera jeudi un certain nombre d’annonces à ce sujet.

Monsieur Guedj, la loi organique du 14 mars 2022 a en effet introduit une obligation d’évaluer tous les trois ans les niches sociales. Cette règle très utile permet de nous assurer que ces niches sont efficaces et bien ciblées. Comme nous nous y étions engagés, nous avons missionné l’Igas et l’IGF, dont le rapport, publié cette semaine, propose une gouvernance associant notamment France Stratégie et des experts indépendants ainsi qu’une méthodologie d’évaluation de ces niches. J’ai bien noté que vous prépariez, dans le cadre de la Mecss, un rapport sur les allégements de cotisations patronales. Nous en débattrons lors de l’examen du PLFSS 2024, comme nous l’avons fait cet automne pendant la discussion du PLFSS 2023 puis cet hiver pendant celle du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

M. Jérôme Guedj (SOC). Si peu !

M. le ministre délégué. À qui la faute ? Nous avons cherché à avoir le plus de débat possible.

Il me paraîtrait tout à fait incongru d’augmenter les cotisations sociales sur les bas salaires ou sur les classes moyennes. Les allégements de cotisations ont permis de développer l’emploi dans notre pays, de faire baisser le coût du travail et d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous en avons vu le résultat : 1 700 000 emplois ont été créés ces dernières années. L’impact de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse de cotisations est indubitable.

Je crains l’effet d’une hausse des cotisations sur le taux de chômage. La fin des allégements généraux de cotisations, que d’aucuns ont défendue, notamment, dans le cadre de la réforme des retraites, reviendrait à une augmentation des cotisations patronales de 700 euros par salarié au Smic ; un artisan employant trois salariés au Smic serait donc obligé d’en licencier un pour payer les cotisations supplémentaires des deux autres.

Pour le reste, nous ne sommes pas fermés à la discussion. Nos services sont d’ailleurs en train de définir, avec plusieurs secteurs d’activité comme le bâtiment ou les transports, des trajectoires de mise en extinction de la déduction forfaitaire spécifique, une niche sociale d’un montant de 1,7 milliard d’euros par an. Nous savons donc être pragmatiques et efficaces pour redonner à la sécurité sociale les moyens de ses ambitions, mais nous sommes toujours guidés par la préoccupation de l’emploi dans notre pays.

Monsieur Peytavie, je vous confirme que les sept annexes de ce projet de loi d’approbation des comptes sociaux ont été transmises aux assemblées dans les conditions prévues par la loi organique. Vous y trouverez des informations sur la gestion de l’Ondam, sur les exonérations de cotisations sociales, ou encore sur les régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire. Il s’agit d’une nouveauté prévue par la loi organique et visant à améliorer l’information du Parlement.

Il est vrai qu’au tout début, la réforme des retraites coûtera davantage qu’elle ne rapportera. Cependant, en faisant ce reproche, vous répondez vous-mêmes aux critiques que vous avez formulées à son encontre. Vous démontrez qu’elle est tout sauf brutale, qu’elle s’appliquera progressivement et qu’elle est profondément sociale ; elle comprend des mesures d’accompagnement très fortes et, dans un premier temps, coûteuses – je le revendique –, s’agissant notamment des carrières longues ou des petites pensions, qui seront revalorisées. La réforme Fillon de 2010 prévoyait quelque 1,5 milliard d’euros de mesures sociales, la réforme Touraine de 2014 autour de 4 milliards, et la réforme que nous venons de défendre plus de 6 milliards ; autrement dit, il y a plus de mesures sociales dans la dernière réforme que dans les deux précédentes réunies.

Monsieur Colombani, vous avez souligné la nécessité d’évaluer l’efficacité des niches sociales. J’ai répondu sur ce point à votre collègue Jérôme Guedj : il s’agit désormais d’une obligation organique, qui sera mise en œuvre dans le cadre d’un programme de travail associant France Stratégie et des experts indépendants. Je souligne une nouvelle fois qu’une remise en cause de l’intégralité des allégements de cotisations sociales produirait un effet néfaste sur l’emploi, singulièrement des plus jeunes et des moins qualifiés.

Je vous remercie, monsieur Valletoux, d’avoir insisté sur l’importance des recettes pour notre modèle social ainsi que sur la question de l’emploi et du travail. Je salue une nouvelle fois les travaux de Thomas Mesnier, qui nous ont conduits à la présente audition. Nous pensons évidemment à lui.

Madame Vidal, nous nous sommes engagés à effectuer des travaux de fond sur le modèle économique des Ehpad. Une concertation avec les départements et le secteur a été lancée il y a quelques jours afin d’apporter des réponses plus structurelles aux difficultés budgétaires récurrentes rencontrées par les établissements.

Le niveau des transferts aux départements a augmenté de 22 % en 2022, ce qui est tout à fait considérable. Ce chiffre reflète le tournant majeur permis par la création d’une branche consacrée aux politiques de l’autonomie : la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) investit désormais massivement dans les politiques de maintien à domicile, ce qui traduit la réalité de l’engagement du Gouvernement en faveur du fameux virage domiciliaire. La hausse des transferts aux départements manifeste le soutien de la sécurité sociale à la réforme du financement des services d’aide à domicile, avec l’institution d’un tarif plancher rémunérant désormais à 23 euros par heure les interventions des professionnels partout en France, ainsi qu’avec la création d’une dotation complémentaire de 3 euros par heure et le financement par la CNSA de la nouvelle prestation de compensation du handicap parentalité à hauteur de 200 millions d’euros.

La branche autonomie est malgré tout excédentaire en 2022, ce qui résulte, comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, d’une amélioration notable des recettes, soutenue par le taux d’emploi et par le dynamisme de la masse salariale du secteur privé. À compter de 2024, une fraction de la CSG – 0,15 point, soit près de 2,3 milliards d’euros – sera affectée à cette branche ; ces crédits supplémentaires nous permettront de disposer de marges financières suffisantes pour répondre aux défis de la transition démographique et réaliser l’indispensable travail de programmation des évolutions de l’offre médico-sociale. Je vous renvoie aux travaux menés par mon collègue Jean-Christophe Combe, chargé de ces sujets.

Monsieur Sertin, vous m’avez demandé comment nous entendions assurer le respect de l’Ondam en 2024. En lien avec le ministère de la santé, nous travaillons à des mesures destinées à renforcer l’efficience et la pertinence des dépenses de santé. Nous examinerons bien sûr les recommandations régulièrement formulées par la Cour des comptes, une institution abondamment citée par tous les groupes lors de cette audition. Lorsque nous défendrons certaines propositions visant notamment à maîtriser les dépenses, je me permettrai donc de mettre en avant les rapports de la Cour des comptes : je ne doute pas que ses recommandations seront alors tout autant suivies par l’ensemble des groupes. Nous travaillons notamment sur la dynamique des dépenses liées aux indemnités journalières, qui ont progressé de 7,9 % entre 2021 et 2022. Nous réfléchissons également à des mécanismes permettant de réduire la dynamique des dépenses de produits de santé – en hausse de 4,1 % pour les seuls médicaments, une augmentation bien supérieure à la trajectoire d’évolution à laquelle s’était engagé le Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé –, tout en gardant une attention particulière à la recherche et à l’innovation, y compris dans l’industrie pharmaceutique, auxquelles Bruno Le Maire et moi-même sommes très attachés. Enfin, nous souhaitons stabiliser la part prise en charge par l’assurance maladie obligatoire dans les dépenses de santé, ce qui nécessitera des transferts entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires. Des pistes seront prochainement présentées par mon collègue François Braun dans le cadre du comité de dialogue avec les organismes complémentaires.

Monsieur Gernigon, vous m’avez interrogé sur la part des dépenses consacrées aux personnes en perte d’autonomie. Si nous ne disposons pas de données par catégories de patients, quelques éléments nous permettent d’évaluer très partiellement les dépenses de santé relatives aux personnes âgées. Ainsi, en 2019, l’ensemble des dépenses individualisables – c’est-à-dire rattachables à des assurés en particulier – des personnes âgées de 75 ans et plus, en perte d’autonomie ou non, à la charge de l’assurance maladie obligatoire, que ce soit pour des soins de ville ou en établissement de santé, s’élevaient à 43 milliards d’euros. En 2021, les dépenses d’actes infirmiers de soins en ville s’établissaient à 2,6 milliards ; elles sont presque exclusivement destinées aux personnes âgées en perte d’autonomie et, à ce titre, intégrées à l’agrégat « effort de la nation en faveur du soutien à l’autonomie » dans l’annexe 7 du PLFSS. Quant aux dépenses en ville et en établissement de santé des résidents des Ehpad, elles s’élevaient respectivement à 1,3 milliard et 1 milliard d’euros en 2018, selon des estimations publiées par la Cour des comptes dans son rapport de février 2022 relatif à la prise en charge médicale des personnes âgées en Ehpad.

Sur le fond, je ne suis pas sûr qu’il soit souhaitable d’intégrer à la cinquième branche l’ensemble des dépenses de soins de ville et en établissement de santé consacrées aux personnes en perte d’autonomie, car il nous faut conserver une cohérence entre les agrégats de dépenses par sous-objectif de l’Ondam et par branche de la sécurité sociale. Le rapport Vachey de 2020, qui s’était penché sur le périmètre de la cinquième branche, avait certes proposé, dans une vision très extensive de l’autonomie, quelques transferts de prestations de la branche maladie vers la branche autonomie – je pense par exemple aux dépenses de soins de longue durée –, mais il ne recommandait absolument pas de transférer dans la nouvelle branche l’ensemble des dépenses de soins de ville ou en établissement de santé destinées aux assurés en perte d’autonomie.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie, monsieur le ministre délégué, pour vos réponses claires et précises.

 

 

 

 


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3.   Réunion du mercredi 31 mai 2023

La commission procède à l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2022 (n° 1268) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale) ([52])

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Hier après-midi, nous avons auditionné M. le ministre délégué chargé des comptes publics et procédé à la discussion générale sur ce projet de loi, inscrit à l’ordre du jour de la séance publique le mardi 6 juin.

Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2022

Amendement de suppression AS1 de Mme Joëlle Mélin.

Mme Joëlle Mélin (RN). Chacun connaît parfaitement notre opposition de forme et de fond à ce projet de loi. L’article liminaire est imposé par la loi. Faute de pouvoir le modifier, nous en demandons la suppression.

Sur la forme, il s’agit d’une disposition qui n’existait jusqu’à présent que dans les comptes privés. Cette évolution, assumée comme telle, vise à adapter nos comptes sociaux au Semestre européen, donc à rassurer des financiers agissant à d’autres niveaux que l’échelon national, ce que nous avons du mal à envisager.

Sur le fond, cette photographie à l’instant t n’est pas exempte d’incertitudes, notamment les 5,8 milliards d’euros baptisés « erreurs », qui sont en réalité des créances non recouvrables en raison de grosses difficultés informatiques dans divers services.

Il ne nous est pas possible d’admettre ces tableaux consolidés. Faute de pouvoir les rejeter, nous demandons la suppression de l’article liminaire.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Avis défavorable.

L’article liminaire a été adopté par la commission lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Il met en évidence un excédent des administrations de la sécurité sociale à hauteur de 0,3 % du PIB.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte liminaire non modifié.

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2022

Amendements de suppression AS2 de Mme Joëlle Mélin et AS12 de M. David Guiraud.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous refusons d’approuver un tableau d’équilibre insincère pour l’essentiel, compte tenu du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale et du rapport de certification publiés par la Cour des comptes, et des observations et propositions relatives à la fraude formulées par M. le ministre de l’action et des comptes publics, qui suggèrent que les comptes de 2022 la couvrent en partie. Nous demandons donc la suppression de l’article 1er.

M. David Guiraud (LFI - NUPES). Nous demandons la suppression de l’article 1er comme du projet de loi dans son ensemble, en ce jour un peu triste pour la démocratie.

Aujourd’hui, nous avons examiné, non sans incidents, une proposition de loi visant à annuler une loi que vous justifiez, chers collègues de la majorité, par un déficit de 12 milliards d’euros – creusé par vous depuis cinq ans, mais c’est un autre débat. Et qu’apprend-on à la lecture du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 ? Que 67 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales ont été octroyés en 2022, soit presque cinq fois plus, en une seule année, que le déficit justifiant votre réforme des retraites !

Pour la branche vieillesse, les exonérations de cotisations sociales représentent 17 milliards. Quant à la dette covid, transférée à la sécurité sociale, elle aurait dû être imputée à l’État, qui a fait le choix de confiner la population, ce qui était une décision politique. Pourquoi la sécurité sociale doit-elle assumer une dette de 136 milliards, imputée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ? L’État peut faire rouler la dette ; la Cades doit rembourser la dette et les intérêts dans leur intégralité.

Nous avons affaire – c’est cohérent avec le débat que nous avons eu tout à l’heure – à un projet méthodique de destruction de la sécurité sociale.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

Madame Mélin, vous ne pouvez pas dire que les comptes de la sécurité sociale pour 2022 sont insincères. La Cour des comptes a rappelé devant notre commission, la semaine dernière, qu’ils sont sincères, nonobstant la non-certification de la branche famille.

Monsieur Guiraud, vous avez raison, mais l’article 1er démontre que les recettes ont surtout augmenté grâce à notre politique orientée vers le travail, qui augmente la masse salariale.

M. Nicolas Turquois (Dem). C’est parce que nous avons travaillé sur le taux d’emploi que nous avons consolidé notre système de sécurité sociale. Quant aux exonérations de cotisations, elles sont compensées auprès de la sécurité sociale par le budget général.

M. David Guiraud (LFI - NUPES). Les exonérations de cotisations sont compensées à hauteur de 91 %. Le reste représente 6 milliards d’euros de déficit par an, soit, en deux ans, le déficit avancé pour justifier la réforme des retraites.

La façon dont elles sont compensées pose un problème plus grave. Vous les compensez en affectant un montant croissant de TVA, un impôt difficile à acquitter pour les Français en ce moment. Quand on remplit son caddie au supermarché, quand on regarde ses factures, la TVA, cela fait mal !

Cet impôt, censé revenir à l’État pour mener une politique de redistribution, ne lui revient plus, parce que vous l’affectez à la sécurité sociale. De 2013 à 2018, 10 milliards d’euros de TVA étaient affectés chaque année à la sécurité sociale – passe encore, il pouvait y avoir des passerelles entre les deux budgets. Mais, en 2019, ce sont 40 milliards de TVA qui ont été affectés à la sécurité sociale ; en 2022, 57 milliards ; en 2023, 61 milliards.

Cela signifie que vous faites payer les exonérations de cotisations sociales massives aux Français, notamment aux plus modestes, ce qui, pour les gens, est insupportable. S’ils savaient ce qu’on fait de leur impôt, notamment de leur impôt sur la consommation, ils seraient encore plus nombreux à descendre dans la rue.

Les recettes de l’État n’ont jamais été aussi élevées ou presque dans l’histoire de ce pays – 323 milliards d’euros de recettes dans le projet de loi de finances pour 2023. Que faiton de cet argent ? On l’utilise pour financer les cadeaux au patronat. C’est bien malheureux.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.

Article 2 : Approbation, pour l’exercice 2022, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Amendement de suppression AS13 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI - NUPES). Je m’inquiète de ce que nous sommes en train de faire, pour être honnête. Le problème, c’est que vous êtes en train d’assécher complètement toute capacité d’autofinancement du régime de la sécurité sociale.

À l’origine, la sécurité sociale était gérée par les travailleurs. Vous y avez mis le patronat pour une grande part – c’est votre combat historique à vous les libéraux, les capitalistes, ainsi qu’un débat politique –, notamment en introduisant le paritarisme, qui a fait passer de quasiment 80 % à 50 % la proportion de représentants des salariés dans la gestion de la sécurité sociale. Visiblement, ce n’est pas assez ; vous empêchez donc l’autofinancement des comptes de la sécurité sociale par des exonérations de cotisations massives.

Vous vous présentez alors – c’est la séquence que notre pays est en train de vivre – comme des sauveurs, en disant que vous compensez les exonérations. Outre que ce n’est pas totalement vrai, vous dites déjà, en vérité, que tout cela coûte trop cher à l’État, et vous justifiez la réforme des retraites en disant que les compensations, que vous avez décidées pour tarir les sources d’autofinancement de la sécurité sociale, coûtent trop cher.

Le résultat de tout cela sera que les 800 milliards d’euros de la protection sociale finiront dans le privé. Depuis l’annonce de votre réforme, les salariés sont approchés par des mutuelles et des complémentaires qui leur disent : « Au fait, êtes-vous sûr que vous serez bien couverts pour votre retraite ? Inscrivez-vous chez nous, cela coûtera un peu plus cher mais c’est mieux pour vous ! ». C’est ce que l’on appelle faire tomber les 800 milliards d’euros de la protection sociale dans les poches du privé !

Mme la rapporteure générale. L’article 2 approuve l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Il doit obligatoirement figurer dans le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). J’avoue ne pas comprendre l’exposé des motifs de l’amendement, dont je ne vois pas le rapport avec l’approbation des comptes de la sécurité sociale. Il s’agit de déterminer si les comptes sociaux sont sincères, ainsi que la somme des dépenses et des recettes. Des tableaux nous permettent de prendre acte de la réalisation ou non de l’Ondam.

Rien n’interdit de discuter le rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour des comptes, mais on ne peut pas dire que la sécurité sociale finance des « cadeaux au patronat ». Les branches de la sécurité sociale sont financées au bénéfice de tous les Français. Le patronat n’a pas grand-chose à voir là–dedans.

La question qui peut se poser porte sur les choix qui sont faits. En dépit des transferts entre les branches, certaines d’entre elles sont excédentaires. Leurs recettes sont plus élevées que prévu. Étant donné que des modifications ont été réalisées en cours d’exercice, les objectifs dont nous discutons sont-ils ceux de fin d’année ou de début d’année ? Les objectifs de dépense ayant évolué par rapport aux prévisions initiales, doit-on les apprécier à l’aune du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ou en tenant compte des modifications intervenues en cours d’année ?

Mme la rapporteure générale. Le rapport de la Cour des comptes compare ce qui était prévu et ce qui a été effectivement réalisé en 2022.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2022

Amendement de suppression AS14 de M. David Guiraud.

M. David Guiraud (LFI - NUPES). Je le répète, vous financez le patronat à travers les 67 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales et les plus de trois cents aides publiques directes ou indirectes, dont peu de PME et de TPE bénéficient, à tel point qu’elles paient plus d’impôts sur les sociétés que les boîtes du CAC40 qui, elles, disposent d’expertscomptables et de services dédiés pour se repérer dans ce labyrinthe – une confusion, à mon avis, volontairement entretenue.

Le financement de la reprise de dette par la Cades est injuste : le remboursement passe en effet par deux impôts, la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée, qui pèsent sur quasiment tous les Français.

De plus, la Cades émet des papiers commerciaux sans contrôle et enrichit ainsi en partie les spéculateurs.

Enfin, la Cades n’a pas à supporter la dette de 136 milliards liée à la crise du covid. C’est à l’État d’assumer ses responsabilités politiques : ce n’est pas la sécurité sociale qui a décidé du confinement et ce n’est pas aux travailleurs de payer les conséquences de ces choix. Vous êtes en train d’affaiblir volontairement la capacité de remboursement de la Cades qui, contrairement à l’État, paie la dette et ses intérêts alors que l’État peut payer les seuls intérêts.

Mme la rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Les propos de notre collègue sur les entreprises et les entrepreneurs sont toujours caricaturaux. Un entrepreneur sans ses salariés n’est pas grandchose et l’inverse est vrai. En dépit des abus, qu’il importe de dénoncer, une approche plus équilibrée serait bienvenue. Tous les employeurs, y compris dans les TPE, bénéficient de l’allégement de charges sur les bas salaires.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 et le rapport annexé non modifiés.

Enfin, elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.


([1]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale

([2]) Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), « Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS). Bilan et perspectives. », novembre 2019.

([3]) Le VIII de l’article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit ainsi que le Haut Conseil des finances publiques est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l’Union européenne.

([4]) Article 3 du règlement (CE) n° 1466/97 du conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([5]) Id.

([6]) HCFiPS, op. cit.

([7]) Cour des comptes, « Les finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance », rapport public thématique, novembre 2020, disponible ici : https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-11/20201118-rapport-gouvernance-finances-publiques.pdf.

([8]) Commission pour l’avenir des finances publiques. « Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu », mars 2021.

([9]) Rapports n° 4378 et 4379 relatifs aux propositions de loi organique et proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale.

([10]) Sénat, rapport n° 825 (2020-2021) relatif à la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([11]) Rodolphe Gintz, Thomas Brand, Laurence Eslous, Antoine Magnier, Évaluation de l’efficacité des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale prévue par la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, mars 2023.

([12]) Rodolphe Gintz, Thomas Brand, Laurence Eslous, Antoine Magnier, op. cit.

([13]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([14]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([15]) Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

([16]) Article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale.

([17]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 précitée.

([18]) Article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale.

([19]) Le Sénat avait notamment intégré dans le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale le régime d’assurance chômage au cours de la première lecture. Texte disponible ici : https://www.senat.fr/leg/tas20-159.html

([20]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([21]) Article liminaire de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([22]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, Résultats 2022, Prévisions 2023, mai 2023.

([23]) 5° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.

([24]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([25]) Cour des comptes, Sécurité sociale 2023, Avis de la Cour sur la cohérence des tableaux d’équilibre et du tableau patrimonial de la sécurité sociale pour l’exercice 2022, mai 2023 https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230524-RALFSS-2023_0.pdf

([26]) Arrêté du 24 décembre 2014 fixant le calendrier d’établissement des comptes annuels et les modalités d’élaboration des balances mensuelles des organismes de sécurité sociale.

([27]) Cour des comptes, « Certification des comptes du régime général de sécurité sociale », exercice 2021, mai 2022 https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-rapport-certification-comptes-securite-sociale-2021.pdf

([28]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (n° 274), par Mme Stéphanie Rist, Mme Caroline Janvier, M. Paul Christophe, M. Cyrille Isaac-Sibille et M. Thibault Bazin, tome II (commentaire des articles et annexes), 13 octobre 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-soc/l16b0339-tii_rapport-fond#_Toc256000004

([29]) Cour des comptes, « Certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Exercice 2022 », mai 2023 https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230516-certification-comptes-SS-exercice-2022.pdf

([30]) Cour des comptes, Sécurité sociale 2023, « La luttte contre les fraudes aux prestations sociales : une action plus dynamique à renforcer encore », mai 2023 (page 244) https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230524-RALFSS-2023_0.pdf

([31]) Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2022, prévisions 2023, rapport, mai 2023 https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2023/CCSS-Mai2023.pdf

([32]) Programme de stabilité 2023-2027, présenté en Conseil des ministres le 26 avril 2023 https://www.budget.gouv.fr/reperes/budget/articles/programme-de-stabilite-psatb-2023-2027

([33]) Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2022, prévisions 2023, rapport, mai 2023 https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2023/CCSS-Mai2023.pdf

([34])Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2022, prévisions 2023, rapport, mai 2023 https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/DSS/2023/CCSS-Mai2023.pdf

([35]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.

([36]) Le rendement de la CSG sur le patrimoine repose des assiettes relatives à l’année antérieure.

([37]) Loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([38]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

([39]) 4° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale

([40]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. L’article 4 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a par ailleurs prévu que ce montant sera abaissé à 1,45 milliard d’euros à compter de 2025 pour permettre un versement constant à ce niveau jusqu’en 2033.

([41])  Loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000.

([42]) L’article 109 de la LFSS 2011 précitée avait prévu une mise en réserves de recettes pour le financement de dispositifs dérogatoires de retraite. Abondée seulement entre 2011 et 2013, cette troisième section a finalement été récupérée par la CNAMTS en application de la LFSS 2017, par une opération comptable ponctuelle, vigoureusement critiquée par la Cour des comptes, en faveur du fonds de financement pour l’innovation pharmaceutique – depuis supprimé.

([43]) Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

([44]) Elle a historiquement été affectataire d’une fraction du prélèvement social sur les revenus du capital entre 2011 et 2016.

([45]) La Cades bénéficie depuis sa création du soutien de l’Agence France Trésor, renforcé par le décret n° 2017‑869 du 9 mai 2017. Depuis le 1er octobre 2017, les services de l’Agence ont la responsabilité des opérations de la Caisse, sans que cela remette en cause son caractère cantonné au remboursement de la dette des régimes de sécurité sociale.

([46]) Certains régimes ne sont en effet pas retracés en raison de leur faible importance financière (régimes représentant moins de 30 millions d’euros et ne recourant pas à l’emprunt).

([47]) Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([48]) Page 80 : https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230524-RALFSS-2023_0.pdf

([49]) Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

([50]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13460734_646e179d38981.commission-des-affaires-sociales--mme-veronique-hamayon-presidente-de-la-sixieme-chambre-de-la-cou-24-mai-2023

([51]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13487112_647610c7bed18.commission-des-affaires-sociales--m-gabriel-attal-ministre-de-l-action-et-des-comptes-publics-su-30-mai-2023

([52]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13505864_647742fd82313.commission-des-affaires-sociales--abroger-le-recul-de-l-age-effectif-de-depart-a-la-retraite-suite-31-mai-2023