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N° 1336

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 juin 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels,

 

 

Par M. Frédéric VALLETOUX,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1175.

 

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 1er et 2 Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Article 2 bis (nouveau) Instaurer un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier à nouveau d’aides à l’installation ou d’exonérations fiscales

Article 2 ter (nouveau) Ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition des fonctionnaires

Article 2 quater (nouveau) Reculer la limite de l’âge du cumul emploi-retraite à 72 ans pour les professionnels de santé salariés des centres de santé

Article 2 quinquies (nouveau) Créer un indicateur territorial de l’offre de soins

Article 2 sexies (nouveau) Étendre les missions des guichets uniques départementaux à l’accompagnement des professionnels de santé

Article 2 septies (nouveau) Prévoir une actualisation annuelle du zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé

Article 2 octies (nouveau) Rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes cessant leur activité

Article 2 nonies (nouveau) Réglementer la cessation définitive d’activité d’une pharmacie d’officine dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins

Article 2 decies (nouveau) Faciliter la facturation de médicaments par les antennes d’officines

Article 2 undecies (nouveau) Simplifier les procédures d’autorisation par les agences régionales de santé dans le contexte de la réforme des autorisations pour garantir l’accès aux soins

Article 2 duodecies (nouveau) Demande de rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant

Article 3 Renforcer les communautés professionnelles territoriales de santé

Article 4 Accroître la participation des établissements de santé à la permanence des soins

Article 5 Extension du contrat d’engagement de service public

Article 5 bis (nouveau) Renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé

Article 6 Diverses mesures portant sur la gouvernance et l’organisation territoriale de l’hôpital public

Article 6 bis (nouveau) Systématiser les directions communes en cas de vacance de poste dans un établissement membre d’un groupement hospitalier de territoire

Article 6 ter (nouveau) Validation des nominations des candidats au concours externe organisé pour le recrutement des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux au titre de 2019

Article 7 Interdiction d’exercer en intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux et dans les laboratoires de biologie médicale

Article 8 Renforcer le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent

Articles 9 et 10 Mieux intégrer les praticiens diplômés hors Union européenne dans notre système de santé

Article 10 bis (nouveau) Rénover le dispositif de droit commun de la procédure d’autorisation d’exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne

Article 11 Gages de recevabilité

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 16 heures

Réunion du lundi 5 juin 2023 à 21 heures

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 7 juin 2023 à 15 heures

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

ANNEXE  2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 


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avant-propos

Trouver des solutions concrètes à la crise actuelle de notre système de santé, telle est la vocation de la présente proposition de loi. En ville comme à l’hôpital, nous devons définir une meilleure organisation territoriale des soins, bâtie sur une plus forte coordination des acteurs de terrain.

Une enquête Ifop parue en décembre dernier révèle que 83 % des Français placent la santé au premier rang de leurs préoccupations. À l’heure où plus de 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux et où plus de 11 % d’entre eux n’ont pas de médecin traitant, il est de notre responsabilité de résoudre cette question lancinante, difficile, de l’accès aux soins de nos concitoyens.

Un constat s’impose : notre système de santé se caractérise par son caractère trop centralisé, trop jacobin. Cet état de fait est l’expression d’un manque de confiance dans les acteurs, qui s’est aggravé au fil du temps.

Pourtant, la situation d’urgence sanitaire que notre pays a traversée pendant des mois a rappelé la force des initiatives et des coopérations territoriales. Elle a montré que rien ne vaut une réponse apportée en proximité, adaptée aux spécificités du territoire et aux besoins de la population. Elle a montré que lorsqu’on fait davantage confiance aux acteurs du territoire pour répondre collectivement aux besoins de la population, les bénéfices en matière de santé publique sont réels.

La territorialisation des politiques de santé, par l’émergence de réponses définies au plus près des besoins de santé des Français et des contextes locaux, est ainsi une nécessité.

La réforme « Ma santé 2022 » en avait posé les jalons. Depuis 2018, le Gouvernement et le Parlement ont œuvré en faveur de l’accès aux soins de nos concitoyens. La récente loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé constitue ainsi une pierre utile dans la rénovation de notre système de santé.

La présente proposition de loi traduit certains engagements formulés par le Président de la République, notamment sur la redistribution de l’effort entre les soignants. Elle traduit également les mesures nécessaires issues des conseils nationaux de la refondation (CNR) territoriaux, s’agissant de la consolidation de la permanence des soins notamment ou de la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé.

Au total, la souplesse, le dialogue, la coopération et la mobilisation de toutes les énergies dans les territoires, s’érigent comme le fil conducteur de ce texte.

*

 Notre système a besoin de retrouver de l’équilibre et de la fluidité à tous les niveaux. Tel est l’objet des deux premiers articles du texte, qui tendent à faire du territoire de santé l’échelon de référence des politiques de santé locales. Ce territoire a vocation à s’imposer pour la pérennisation des conseils territoriaux de santé (CTS).

L’article 1er prévoit que le CTS, dont le cadre légal a été posé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, définira les objectifs prioritaires du territoire de santé, tels que les besoins en matière de permanence des soins. Le caractère collectif de la responsabilité des professionnels de santé est affirmé, en particulier pour réduire les inégalités en matière d’accès aux soins.

Associer l’ensemble des parties prenantes d’un territoire dans l’élaboration du projet territorial de santé est également fondamental. Tous les acteurs – élus, préfets, directeurs généraux d’agence régionale de santé (ARS), représentants des établissements sanitaires et médico-sociaux, des professionnels de santé libéraux par le biais des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), etc. –, doivent orienter et coordonner la politique locale de santé sur le territoire. C’est le sens de l’article 2, qui élargit la composition du conseil territorial de santé ([1]).

 Il importe également de renforcer les dynamiques de collaboration et d’organisation territoriale, en s’appuyant sur ce qui a pu être fait pendant la crise sanitaire.

C’est pourquoi l’article 3 vise à rattacher automatiquement les professionnels de santé et les centres de santé à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du territoire auquel ils appartiennent. Il existe aujourd’hui environ 800 CPTS sur le territoire, avec des niveaux de développement très hétérogènes. L’objectif est ainsi d’accélérer leur déploiement et de généraliser les coopérations entre les professionnels de santé dans les territoires.

 La rénovation du système de santé ne peut se concevoir sans une refonte du dispositif de permanence de soins en établissement de santé. La loi n° 2023379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, portée par Mme Stéphanie Rist, en a posé les bases, en inscrivant le principe d’une responsabilité collective afin de garantir l’accès aux soins non programmés à toute la population.

Il s’agit désormais de mettre en œuvre cette responsabilité collective, de rééquilibrer le dispositif entre le secteur public et le secteur privé, pour réduire la pression sur l’hôpital, qui est souvent la seule lumière allumée sur le territoire. C’est l’ambition de l’article 4.

 Par ailleurs, la présente proposition de loi vise à renforcer le lien entre les études de santé et l’installation dans les territoires sous-dotés. Son article 5 rénove ainsi le contrat d’engagement de service public (CESP), créé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST », qui produit des effets encourageants mais demeure perfectible. Elle ouvre ce dispositif à tous les professionnels en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie, dès l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé.

 La présente proposition de loi vise aussi à répondre à certaines difficultés qui rongent hôpital public.

L’instauration des groupements hospitaliers de territoire (GHT) en 2016 a profondément modifié le paysage de l’hospitalisation publique, mais ces groupements n’ont pas toujours été à la hauteur de leurs objectifs en matière d’accès aux soins et de gradation des soins. L’article 6 permettra aux GHT qui ont atteint une maturité suffisante d’acquérir une personnalité morale, ce qui simplifiera la conduite de projets à l’échelle du GHT. Cet article propose également d’étendre les compétences du conseil de surveillance pour en faire un véritable lieu de débat sur la gestion et l’offre de soins de l’hôpital, en lien avec le territoire.

 Pour contrer le développement exponentiel des modalités d’exercice non régulées et encourager les jeunes professionnels à s’intégrer dans des organisations pérennes, en ville comme à l’hôpital, l’article 7 vise à interdire l’exercice en l’intérim en début de carrière dans les établissements de santé et médico-sociaux ainsi que dans les laboratoires de biologie médicale.

 Dans le sillage de l’affaire Orpea, l’article 8 renforce le contrôle financier sur les cliniques privées, leurs satellites et les sociétés qui les contrôlent. Il élargit le périmètre des institutions en mesure de les contrôler, dans un contexte où les ARS n’ont ni les moyens, ni l’expertise pour tout faire.

 Le maintien de l’offre de soins dans un territoire donné doit aussi passer par une meilleure intégration des praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue). Alors que ces praticiens, indispensables au fonctionnement de certains services hospitaliers, rencontrent encore des difficultés pour obtenir un poste, les articles 9 et 10 proposent de faciliter leur exercice, en prévoyant de nouvelles autorisations d’exercice provisoire et une nouvelle carte de séjour pluriannuelle.

● Les débats en commission des affaires sociales ont permis d’enrichir de manière substantielle le contenu de la proposition de loi, qui est passée de dix à vingt-cinq articles (hors article de gages).

Plusieurs d’entre eux sont issus d’amendements déposés par le groupe de travail animé par M. Guillaume Garot depuis le début de la législature. Ces articles visent notamment à lutter contre le nomadisme médical en encadrant les possibilités de recours aux aides à l’installation et aux exonérations fiscales pour les professionnels de santé s’installant dans des zones sous-dotées, à étendre les missions du guichet unique départemental pour accompagner les professionnels de santé, à créer un indicateur territorial pour mieux piloter l’offre de soins, à rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les professionnels de santé envisageant de cesser définitivement leur activité, ou encore à renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé. À cela se sont ajoutés d’autres amendements tendant par exemple à reculer à 72 ans la limite de l’âge du cumul emploi-retraite pour les professionnels de santé salariés des centres de santé, à rénover la procédure d’autorisation d’exercice des Padhue ou à faciliter l’accès aux médicaments dans les territoires.

Les échanges en commission ont été l’occasion de rappeler les risques associés à l’adoption de mesures coercitives qui viseraient à réguler l’installation des médecins. De telles mesures seraient certainement contre-productives ; elles auraient pour conséquence de décourager les jeunes praticiens de s’installer en ville et ainsi d’alimenter un peu plus la pénurie croissante de médecins à laquelle fait face notre pays. Des solutions, plus consensuelles, existent pour répondre aux attentes de nos concitoyens. L’optimisation du temps médical, le renforcement des coopérations entre les professionnels de santé, l’évolution des leurs compétences ou encore le développement de consultations avancées dans les territoires constituent une panoplie de solutions qu’il est nécessaire de généraliser.


– 1 –

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Articles 1er et 2
Faire du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er fait du territoire de santé l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé en renforçant les missions des conseils territoriaux de santé (CTS) et la responsabilité des acteurs du territoire. Il permet également de réinterroger les délimitations actuelles des territoires de santé. L’article 2 précise la composition du conseil territorial de santé qui s’érige comme l’organe de gouvernance du territoire de santé.

I.   La situation actuelle

A.   Un cadre juridique rÉcenT

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») prévoyait la définition de territoires de santé par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) ([2]). L’article L. 1434-9 du code de la santé publique précise désormais que l’ARS délimite les « territoires de démocratie sanitaire » à l’échelle infrarégionale, de manière à couvrir l’intégralité du territoire de la région.

Chaque territoire de santé était destiné à organiser les activités de santé publique, de soins et d’équipements hospitaliers, de prise en charge et d’accompagnement médico-social, ainsi que d’accès aux soins de premiers secours. Le directeur général de l’ARS était tenu de créer sur chacun de ces territoires une conférence de territoire. Cet organe de démocratie sanitaire locale se répartissait en onze collèges représentant les diverses catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné.

Toutefois, la Cour des comptes a remis en cause l’apport de ces conférences de territoire et souligné l’irrégularité ainsi que l’hétérogénéité de leur fonctionnement ([3]). Par conséquent, ces conférences ont été supprimées et remplacées par les conseils territoriaux de santé (CTS). La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a posé le cadre légal de ces CTS afin de renforcer la démocratie sanitaire locale et la gouvernance partagée.

B.   LES MISSIONS ATTRIBUÉES AUX CONSEILS TERRITORIAUX DE SANTÉ

Les conseils territoriaux de santé, constitués par le directeur général de l’ARS sur chaque territoire de démocratie sanitaire infrarégional ([4]), disposent de plusieurs missions. L’article L. 1434-10 du code de la santé publique leur permet notamment :

– de participer à la réalisation du diagnostic territorial partagé, en s’appuyant sur les équipes de soins primaires et sur des communautés professionnelles de territoires ainsi que sur les projets médicaux partagés et les contrats locaux de santé et en prenant en compte les projets médicaux des établissements de santé et les projets d’établissement des établissements et services médico-sociaux ;

– de contribuer à l’élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation du projet régional de santé, notamment les dispositions portant sur l’organisation des parcours de santé ;

– d’être informés et de participer au suivi de dispositifs d’appui à la coordination, de dispositifs spécifiques régionaux et de la signature des contrats territoriaux et locaux de santé.

Les conseils territoriaux de santé peuvent également être saisis par le directeur général de l’ARS sur les questions relatives à ces missions. Les présidents des CTS ainsi que le président de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) peuvent quant à eux se saisir, de manière mutuelle, de questions relevant de leur domaine de compétence.

Il convient également de préciser que les CTS sont en mesure de soumettre au directeur général de l’ARS, s’ils le souhaitent, des propositions visant à améliorer la réponse apportée aux besoins de santé de la population présente sur le territoire.

C.   La composition des conseils territoriaux de santÉ

Les conseils territoriaux de santé sont composés de trente‑quatre à cinquante membres, notamment ([5]) :

– des députés et sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné ;

– de représentants des élus des collectivités territoriales ;

– des services départementaux de protection maternelle et infantile ;

– des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ;

– d’un membre du comité de massif concerné ([6]) ;

– des usagers.

Les membres précités sont répartis en plusieurs collèges ([7]) :

– un collège des professionnels et offreurs des services de santé, composé de vingt à vingt‑huit représentants des établissements, professionnels et structures de santé, des établissements et services médico-sociaux, de la prévention et de la promotion de la santé, et des représentants d’organismes œuvrant dans le champ de la lutte contre la pauvreté et la précarité ;

– un collège des usagers et associations d’usagers œuvrant dans les domaines de compétence de l’ARS, composé de six à dix membres ;

– un collège des collectivités territoriales (ou de leurs groupements) du territoire de démocratie sanitaire concerné, composé de quatre à sept membres ;

– un collège des représentants de l’État et des organismes de sécurité sociale, composé de deux à trois membres ;

– deux personnalités qualifiées.

D.   Positionner le territoire de santé comme échelon de référence de l’organisation des politiques de santé locales

L’organisation locale de la santé est particulièrement complexe. En effet, il existe douze échelons territoriaux relatifs à la santé. L’imbrication de ces différentes strates, représentée dans l’organigramme ci-après, est à l’origine d’un manque de coordination entre les différents acteurs au service de la santé ainsi qu’une faible lisibilité du système pour les acteurs et les usagers. Ces obstacles peuvent compromettre l’organisation locale de la santé.

Aussi est-il indispensable selon le rapporteur d’installer comme échelon de référence de l’organisation des politiques de santé locales, un territoire de santé, gouverné par un conseil territorial de santé, doté lui-même d’un bureau exécutif, afin de répondre à cet objectif de simplification et de lisibilité.

 

Source : Rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête sur la situation de l’hôpital et le système de santé en France, mars 2022.

II.   le dispositif de la proposition de loi

A.   La possibilitÉ de rÉinterroger les dÉlimitations actuelles des territoires de santÉ

Les territoires de santé, actuellement désignés comme territoires de démocratie sanitaire, sont délimités par l’ARS à l’échelle infrarégionale, de manière à couvrir l’intégralité du territoire de la région ([8]). Toutefois, la cohérence de ces délimitations interroge. Les frontières définies sont fréquemment d’ordre administratif, mais ne s’inscrivent pas toujours en cohérence avec les réalités territoriales de l’organisation du système de soins, ni avec une approche de bassins de vie en santé.

● L’article 1er modifie la dénomination des « territoires de démocratie sanitaire » en « territoires de santé » (article L. 1434-9 du code de la santé publique) et prévoit explicitement que les acteurs du territoire, en lien avec les ARS, peuvent redéfinir la délimitation des territoires de santé (du I), à compter du dixième mois suivant la promulgation de la présentation loi (). L’intégration des acteurs du territoire pourra permettre de délimiter des frontières cohérentes pour ces territoires, qui ne correspondront pas nécessairement aux frontières administratives. Cela pourra conduire à remettre en cause le choix des frontières départementales, souvent imposé sans débat préalable par les ARS au moment de la mise en place des CTS.

B.   Le renforcement des missions du Conseil territorial de santÉ et de la responsabilitÉ des acteurs de santÉ

● Le dispositif proposé affirme le caractère collectif de la responsabilité des acteurs de santé du territoire (a du du I). Il précise aussi les missions du conseil territorial de santé (b du du I) : le conseil territorial de santé définira les objectifs prioritaires d’accès aux soins, de continuité des soins du territoire, d’équilibre territorial de l’offre de soins et les besoins de couverture territoriale en permanence des soins. Il déclinera en outre les politiques de santé dans leur approche territoriale par l’application du projet territorial de santé. Ces dispositions entreront en vigueur à compter du dixième mois suivant la promulgation de la présentation loi ().

● Afin de parvenir aux objectifs prioritaires précités, le présent article propose qu’en cas de difficultés à répondre aux besoins définis par le diagnostic territorial de santé, il reviendra au directeur de l’ARS de mettre en œuvre des mesures pour améliorer l’accès aux soins après consultation du CTS (nouvel article L. 1434-10-1 du code de la santé publique). Il pourra s’appuyer pour cela sur :

– tout acteur pouvant proposer une offre de soins de premier recours (établissements de santé publics ou privés, établissements et services médico-sociaux, centres de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles, etc.) ;

– l’organisation de consultations avancées de médecins de premier et second recours dans des zones sous-dotées ;

– la construction d’outils incitatifs, visant à l’installation de professionnels de santé ou l’amélioration de l’accès aux soins, en lien avec les collectivités territoriales et la mobilisation de dispositions prévues par les conventions liant l’assurance maladie et les médecins (du I).

C.   UNE composition du Conseil territorial de santÉ PRÉCISÉE

Le conseil territorial de santé constitue un organe de démocratie sanitaire qui a vocation à représenter tous les acteurs, y compris les usagers.

● L’article 2 modifie l’article L. 1434-10 du code de la santé publique de façon à préciser les acteurs qui composent le CTS (). Sont ainsi énumérés, outre les députés et les sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné, les représentants des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile, les catégories d’acteurs suivantes :

– le préfet ;

– le directeur de l’ARS ;

– les directeurs des organismes locaux d’assurance maladie compétent sur le territoire concerné ;

– les représentants des établissements de santé et médico-sociaux ;

– les représentants des maisons et centres de santé ;

– les représentants des communautés professionnelles territoriales de santé ;

– les représentants des professionnels de santé libéraux ;

– les représentants des usagers.

Cette liste d’acteurs se substitue à la formulation actuelle, très générique : « des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ». Aussi, les précisions relatives à la composition du CTS permettent-elles d’assurer que l’ensemble des acteurs d’un territoire, y compris les usagers, puissent être représentés et s’exprimer.

Les projets territoriaux de santé ayant vocation à être définis par les CTS, selon des modalités qui pourront être précisées par voie réglementaire après concertation avec les parties prenantes, la seconde phrase du neuvième alinéa du même article L. 1434-10, selon laquelle « l’élaboration d’un projet territorial de santé est initiée par au moins une communauté professionnelle territoriale de santé dont le projet de santé a été validé, avec le concours éventuel de l’union régionale des professionnels de santé (...) et un établissement ou un service de santé, social ou médico-social », est supprimée.

III.   leS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre des amendements rédactionnels et de coordination du rapporteur, la commission a adopté plusieurs amendements du rapporteur modifiant l’article 1er :

– Un amendement précisant que les conseils territoriaux de santé ont vocation à réduire les inégalités de densité démographique de toutes les professions de santé ;

– Un amendement intégrant à l’article 1er les dispositions de l’article 2 relatives à la composition des CTS et, par coordination, un amendement de suppression de l’article 2. Trois sous-amendements, de M. Sébastien Peytavie et de plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste – NUPES, de M. Jean-François Rousset et de Mme Servane Hugues et de plusieurs de leurs collègues du groupe Renaissance, ont permis de préciser respectivement que les CTS seraient également composés de représentants des associations de permanence des soins, de représentants du service d’accès aux soins, de représentants des équipes de soins spécialisés d’une part, de représentants du guichet unique départemental d’autre part et, enfin, de représentants des aidants familiaux ;

– Un amendement précisant les missions du CTS : il élabore le projet territorial de santé et assure le suivi et l’évaluation de sa mise en œuvre, en lien avec l’agence régionale de santé. Il définit notamment les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins.

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Article 2 bis (nouveau)
Instaurer un délai minimal de dix ans pour qu’un professionnel de santé puisse bénéficier à nouveau d’aides à l’installation ou d’exonérations fiscales

Introduit par la commission

L’article 2 bis prévoit que les professionnels de santé ayant bénéficié d’exonérations et d’aides à l’installation ne peuvent de nouveau y être éligibles qu’à l’expiration d’un délai de dix ans.

 

Cet article résulte de l’adoption de trois amendements identiques de M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés), M. Philippe Vigier (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés) ainsi que plusieurs de leurs collègues. Ces amendements ont fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur.

Le présent article prévoit que les professionnels de santé ayant bénéficié des aides financières à l’installation, versées par les collectivités territoriales ou par les agences régionales de santé, ou d’exonérations au titre d’un exercice en zone de revitalisation rurale ne peuvent y être éligibles de nouveau qu’à l’expiration d’un délai de dix ans, selon des conditions définies par décret. Cet article vise ainsi à limiter certains abus liés au « nomadisme médical ».

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Article 2 ter (nouveau)
Ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous-denses le bénéfice de la mise à disposition des fonctionnaires

Introduit par la commission

L’article 2 ter vise à ouvrir aux maisons de santé et cabinets libéraux en zones sous‑denses le bénéfice de la mise à disposition de fonctionnaires, dans un cadre dérogatoire au droit commun et pour une durée réduite, dans le but de faciliter l’installation des professionnels de santé libéraux.

I.   la situation actuelle

En vertu de l’article L. 512-6 du code général de la fonction publique, la mise à disposition est « la situation du fonctionnaire réputé occuper son emploi qui, demeurant dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine, continue à percevoir la rémunération correspondante mais exerce ses fonctions hors de l’administration où il a vocation à servir ».

L’article L. 512-8 énumère les personnes morales auprès desquelles la mise à disposition d’un fonctionnaire est envisageable :

– administrations de l’État ;

– collectivités territoriales et leurs établissements publics ;

– groupements d’intérêt public ;

– organismes contribuant à la mise en œuvre d’une politique de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics administratifs, pour l’exercice de leurs seules missions de service public ;

– organisations internationales intergouvernementales ;

– institution ou organe de l’Union européenne ;

– États étrangers et leurs collectivités et organismes publics, à la condition que l’intéressé conserve, par ses missions, un lien fonctionnel avec son administration d’origine.

La mise à disposition est ainsi réservée aux entités de droit public ou exerçant des missions de service public. Elle n’est pas effectuée à titre gracieux : sauf dérogation, les organismes d’accueil remboursent à l’organisme ou la collectivité d’origine le traitement perçu par le fonctionnaire, conformément à l’article L. 512-15 du code général de la fonction publique.

II.   le droit proposé

● Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Paul Christophe et M. Laurent Marcangeli ainsi que de leurs collègues du groupe Horizons et apparentés, avec avis favorable du rapporteur.

Il reprend une disposition votée par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de la proposition de loi du sénateur Daniel Chasseing relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités ([9]), et reprise dans le cadre d’une proposition de loi de M. Paul Christophe ([10]) déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale en mai dernier.

Cette disposition vise à autoriser, à titre dérogatoire, la mise à disposition de fonctionnaires auprès de maisons de santé et de médecins généralistes, dans le but de faciliter leur installation en zone sous-dense. Le sénateur Chasseing expliquait ainsi dans son rapport ([11]) :

« La mise à disposition d’un fonctionnaire local pourrait répondre à la préoccupation de médecins prêts à s’installer en zones sous-denses, mais inquiets de la charge administrative à supporter en leur permettant de la partager, voire de la déléguer. Dans une même logique de libération de temps médical, le personnel mis à disposition pourrait être chargé de l’accueil de la patientèle. Le fonctionnaire mis à disposition, à même de connaître les professionnels et les caractéristiques du territoire, pourrait également contribuer à fluidifier la coordination de l’offre de soins.

« En ce qui concerne l’aspect financier, le texte entend libérer temporairement le bénéficiaire de la charge des salaires et des cotisations du personnel. Selon les termes de la convention de mise à disposition, les entités d’accueil pourraient en effet bénéficier d’une avance de trésorerie contribuant à lever des obstacles financiers associés à l’installation sur un nouveau territoire. »

Il était en outre prévu que cette mise à disposition serait de courte durée, dans l’attente du moment où le professionnel – ou la maison de santé – serait en mesure de recruter son propre personnel. Son bénéfice est ainsi conditionné à une arrivée récente sur le territoire, et la mise à disposition limitée à une durée de trois mois renouvelable deux fois.

Ce dispositif avait reçu un avis favorable du Gouvernement au Sénat, avant d’être rejeté en séance publique.

● Le présent article reprend à l’identique le dispositif prévu par les propositions de loi de MM. Daniel Chasseing et Paul Christophe.

Il complète la liste des structures au sein desquelles les fonctionnaires peuvent être mis à disposition, en application de l’article L. 512-8 du code général de la fonction publique, afin d’inclure les maisons de santé et les cabinets libéraux situés en zones sous-denses.

La mise à disposition est prononcée pour une durée qui ne peut excéder trois mois, renouvelable deux fois dans la limite d’une durée totale de neuf mois.

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Article 2 quater (nouveau)
Reculer la limite de l’âge du cumul emploi-retraite à 72 ans pour les professionnels de santé salariés des centres de santé

Introduit par la commission

L’article 2 quater vise à élargir le bénéfice du cumul emploi-retraite prolongé jusqu’à 72 ans aux professionnels de santé salariés des centres de santé gérés par les collectivités territoriales, à l’image de ce qui est prévu dans les hôpitaux depuis 2016.

I.   la situation actuelle

L’article 138 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique définit l’âge limite de l’exercice en cumul emploi-retraite pour les professionnels de santé exerçant en établissement public de santé.

Dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 ([12]), cet âge limite a été porté, à titre transitoire, à 72 ans jusqu’au 31 décembre 2022. Cette disposition déroge ainsi à l’article L. 556-11 du code général de la fonction publique, lequel prévoit que la limite d’âge des agents contractuels de la fonction publique est fixée à 67 ans.

Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 ([13]), cette disposition transitoire a été prolongée jusqu’en 2035, pour répondre aux besoins importants en professionnels de santé, et dans l’attente, s’agissant des médecins, que les effets de la suppression du numerus clausus se fassent sentir.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption de l’amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus et ses collègues du groupe Horizons et apparentés, ayant fait l’objet d’un avis favorable du rapporteur.

Il complète l’article 138 de la loi du 9 août 2004 précité pour étendre son application aux professionnels de santé exerçant dans les centres de santé gérés par des collectivités locales ou leurs groupements, dès lors qu’ils sont situés dans une zone caractérisée par des problèmes d’accès aux soins.

Ces professionnels pourront ainsi exercer dans ces centres en cumul-emploi retraite jusqu’à l’âge de 72 ans, à l’image de ce qui est prévu pour les hôpitaux.

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Article 2 quinquies (nouveau)
Créer un indicateur territorial de l’offre de soins

Introduit par la commission

L’article 2 quinquies crée un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos) évaluant la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux des territoires afin d’aider à l’élaboration des politiques territoriales de santé.

Cet article résulte de l’adoption de quatre amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés), M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés) et Mme Delphine Batho (Écologiste - NUPES) ainsi que de plusieurs de leurs collègues. Ces amendements ont reçu un avis défavorable du rapporteur.

L’article prévoit, aux termes de l’article L. 1411-11 du code de la santé publique, la mise en place d’un indicateur territorial de l’offre de soins (Itos) évaluant « la densité de l’offre de soins médicaux et paramédicaux des territoires, pondérée par leur situation démographique, sanitaire, économique et sociale ». Cet indicateur « prend en compte les évolutions anticipées de l’offre de soins résultant de la démographie des professions de santé ».

Cet indicateur est élaboré et mis à jour annuellement par spécialité médicale et paramédicale par l’agence régionale de santé (ARS), en cohérence avec les territoires de santé et en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Il permet de définir, dans les zones les moins dotées, un niveau minimal d’offre de soins à atteindre.

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Article 2 sexies (nouveau)
Étendre les missions des guichets uniques départementaux à l’accompagnement des professionnels de santé

Introduit par la commission

L’article 2 sexies élargit les missions du guichet unique départemental, mis en place par l’agence régionale de santé, à l’accompagnement des professionnels de santé du territoire, au-delà de leur installation.

Cet article résulte de l’adoption de cinq amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés), M. Philippe Vigier (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Yannick Favennec-Bécot (groupe Horizons et apparentés) ainsi que de plusieurs de leurs collègues, avec un avis favorable du rapporteur.

Il élargit les missions du guichet unique départemental, prévues l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, en faveur de l’accompagnement des professionnels de santé dans l’ensemble de leurs démarches administratives, notamment celles effectuées dans le cadre de leur installation ou de leur remplacement.

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Article 2 septies (nouveau)
Prévoir une actualisation annuelle du zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé

Introduit par la commission

L’article 2 septies prévoit une actualisation annuelle des zonages relatifs à l’offre de soins réalisés par les agences régionales de santé après concertation des conseils territoriaux de santé.

Cet article résulte de l’adoption de six amendements identiques de M. Yannick Neuder et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, MM. Francis Dubois et Dino Cinieri (groupe Les Républicains), M. Paul-André Colombani (groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires), MM. Pierre Dharréville et Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES), Mmes Maud Petit et Anne Bergantz (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) et M. Jérémie Patrier-Leitus et plusieurs de ses collègues du groupe Horizons et apparentés, avec un avis défavorable du rapporteur.

Il modifie l’article L. 1434-4 du code de la santé publique relatif au zonage de l’offre de soins réalisé par les agences régionales de santé afin de prévoir une actualisation chaque année, et non plus tous les quatre ans, après concertation avec les conseils territoriaux de santé.

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Article 2 octies (nouveau)
Rendre obligatoire l’envoi d’un préavis pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes cessant leur activité

Introduit par la commission

L’article 2 octies impose aux médecins, chirurgiens‐dentistes et sages‐femmes de communiquer à l’agence régionale de santé et au conseil de l’ordre dont ils relèvent leur volonté de ne plus exercer dans leur lieu d’exercice, au plus tard six mois avant leur départ, sauf cas de force majeure.

 

Cet article résulte de l’adoption de deux amendements identiques de M. Guillaume Garot (groupe Socialistes et apparentés) et M. Jérémie Patrier-Leitus (groupe Horizons et apparentés) ainsi que de plusieurs de leurs collègues, avec un avis favorable du rapporteur.

Il rend obligatoire pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes l’envoi d’un préavis à l’agence régionale de santé et à l’ordre dont ils relèvent au plus tard six mois avant leur départ de leur lieu d’exercice, sauf cas de force majeure prévus par décret.

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Article 2 nonies (nouveau)
Réglementer la cessation définitive d’activité d’une pharmacie d’officine dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins

Introduit par la commission

L’article 2 nonies impose que l’avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé soit recueilli pour toute cessation définitive d’activité d’une officine située dans une zone caractérisée par des difficultés dans l’accès aux soins. Il prévoit que le directeur général pourra refuser de constater la cessation définitive d’activité lorsque les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits.

I.   la situation actuelle

Dans un rapport publié en 2016, les inspections générales des finances et des affaires sociales relevaient que « près de la moitié des fermetures d’officines sont (...) le résultat d’initiatives de pharmaciens désirant restructurer l’offre locale via des regroupements et rachats fermetures » ([14]). On observe ainsi de plus en plus fréquemment le rachat de petites officines par des pharmacies de plus grande taille qui les liquident ensuite, conduisant à l’existence de zones où l’offre d’officines se raréfie. Les territoires ruraux et communes rurales sont souvent, à cet égard, les premiers touchés par ce phénomène.

La cessation définitive d’activité d’une officine est régie par les dispositions de l’article L.5125-22 du code de la santé publique, qui prévoit que cette cessation entraîne la caducité de la licence, laquelle doit être remise au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS). La cessation définitive d’activité est alors constatée par arrêté par le directeur général. Si cette cessation n’a pas été déclarée, elle est considérée comme définitive au bout de douze mois, et déclarée comme telle par le directeur général de l’ARS, dans les mêmes conditions.

Cependant l’article L. 5125-5-1 prévoit que « toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une même commune ou de communes limitrophes à l’initiative d’un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines doit faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé ».

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus (groupe Horizons et apparentés) et plusieurs de ses collègues des groupes Renaissance, Démocrate (MoDem et Indépendants) et Horizons et apparentés, ayant fait l’objet d’un avis défavorable du rapporteur.

Il insère un nouvel article L. 5125-5-2 dans le code de la santé publique. Cet article prévoit que les opérations de restructuration du réseau officinal, par exemple via des regroupements ou rachats fermetures, doivent faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de la santé lorsqu’elles sont réalisées en zones sous‑denses et donnent lieu à une indemnisation de cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines. Cet avis intervient après la consultation des syndicats représentatifs de la profession, du conseil de l’ordre des pharmaciens territorialement compétent et du conseil territorial de santé.

Ce faisant, l’article réplique le dispositif prévu à l’article L. 5125-5-1 pour toute restructuration du réseau intervenant au sein de la même commune ou sur des communes limitrophes et aboutissant à la cessation définitive d’activité d’une officine, mais en appliquant cette fois aux zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins.

La cessation définitive d’activité de l’officine est également encadrée. Elle ne peut être constatée par le directeur général de l’ARS, dans les conditions prévues à l’article L. 5125-22, « si les besoins en médicaments de la population ne sont plus satisfaits de manière optimale ou si elle entre en contradiction d’une autre manière avec les objectifs déterminés par le projet territorial de santé ».

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Article 2 decies (nouveau)
Faciliter la facturation de médicaments par les antennes d’officines

Introduit par la commission

L’article 2 decies entend lever un obstacle technique à la mise en œuvre d’une expérimentation votée dans le cadre de la loi « ASAP », en 2020. Cette expérimentation vise à permettre la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques dans des zones non desservies par une officine, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou proche. Cependant, l’impossibilité de facturer les médicaments depuis les antennes ouvertes pour leur dispensation tend à bloquer la mise en œuvre de cette expérimentation.

I.   la situation actuelle

En 2020, l’article 95 de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (« ASAP ») ([15]) a ouvert la possibilité d’une expérimentation dont le but est d’assurer la dispensation en médicaments et produits pharmaceutiques dans des communes dont la dernière officine a cessé définitivement son activité.

Cette expérimentation permet au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) d’organiser la dispensation de médicaments et produits pharmaceutiques à la commune dépourvue d’officine par un pharmacien, à partir d’une officine d’une commune limitrophe ou la plus proche. L’avis du conseil de l’ordre et des syndicats représentatifs doit être sollicité dans ce cadre.

Cette expérimentation a été lancée et plusieurs projets ont vu le jour ou sont en cours d’instruction, dans les ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bretagne, Corse, Centre-Val de Loire et Auvergne-Rhône-Alpes. Il apparaît cependant que la mise en œuvre des antennes soulève plusieurs difficultés, dont une impossibilité technique à facturer depuis ces nouvelles entités.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’amendements identiques de la rapporteure générale ainsi que de Mme Géraldine Bannier et de plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), avec avis favorable du rapporteur.

Il modifie l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, lequel porte le cadre des expérimentations dites « de l’article 51 ». Ce cadre définit ainsi l’ensemble des règles de financement et de tarification auxquelles il est possible de déroger à titre expérimental, en vue de permettre l’émergence d’organisations innovantes dans les secteurs sanitaires et médico-social, ou d’améliorer la pertinence de la prise en charge des médicaments et la pertinence des prescriptions.

L’article L. 162-31-1 avait été complété par l’article 95 de la loi « ASAP » afin d’autoriser une dérogation à l’article L. 5125-4 du code de la santé publique réglementant les ouvertures d’officine, afin de rendre possible l’expérimentation susmentionnée.

Le présent article 2 decies modifie la rédaction introduite par la loi « ASAP » afin de prévoir explicitement la possibilité de créer une antenne d’officine aux fins de cette expérimentation. Il dispose en outre qu’« aux seules fins de facturation, l’antenne est considérée comme une officine et le pharmacien adjoint exerçant dans l’antenne bénéficie des prérogatives du pharmacien titulaire ».

Ces modifications devraient ainsi être de nature à lever les obstacles techniques liés à la facturation des médicaments dispensés à partir de l’antenne et, ainsi, permettre un réel déploiement de l’expérimentation votée en 2020.

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Article 2 undecies (nouveau)
Simplifier les procédures d’autorisation par les agences régionales de santé dans le contexte de la réforme des autorisations pour garantir l’accès aux soins

Introduit par la commission

L’article 2 undecies comprend plusieurs dispositions pour adapter transitoirement certaines règles relatives aux autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds, dans le contexte de la réforme des autorisations qui est entrée en vigueur le 1er juin 2023.

I.   la situation actuelle

Une réforme des autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds a été votée dans le cadre de la loi dite « OTSS » de 2019 ([16]) et précisée par l’ordonnance du 12 mai 2021 ([17]). Elle vise notamment à adapter les procédures d’autorisations au développement de nouvelles activités, et à simplifier et fluidifier les procédures d’autorisation. En particulier, dans ce nouveau cadre, les autorisations sont liées à un site et non à un équipement, dans la limite d’un nombre d’équipements donnés par site.

Cette réforme est entrée en vigueur le 1er juin dernier, assortie de dispositions transitoires visant à sécuriser le passage de l’ancien au nouveau régime d’autorisations. Cependant, ce régime transitoire pose certaines difficultés d’interprétation. En outre, il s’avère insuffisant pour permettre aux autorités concernées par l’instruction des demandes d’autorisation, agences régionales de santé (ARS) mais aussi commissions spécialisées pour l’organisation des soins (CSOS), de traiter l’ensemble des demandes associées à cette transition en temps voulu. Cette situation induit ainsi une insécurité juridique forte pour les titulaires actuels des autorisations concernées.

Enfin, la réforme des autorisations aboutit à transformer certaines autorisations d’équipements lourds en autorisations d’activité, par exemple pour la radiologie interventionnelle, désormais considérée comme une activité de soins. Or, il est fréquent que des radiologues se soient regroupés en groupements de coopération sanitaire (GCS), lesquels sont actuellement titulaires des autorisations d’équipements lourds. Or, ces GCS ne peuvent pas être titulaires d’une autorisation d’activité de soins sans changer de forme juridique, ce qui met en péril l’autorisation lorsqu’elle implique une activité de radiologie interventionnelle, notamment.

Le Gouvernement estime ainsi qu’en l’absence de mesure législative, le traitement de l’ensemble des autorisations concernées ne pourra être pris en charge à moyens constants par les établissements de santé et les ARS, avec le risque d’un retard dans le renouvellement et l’octroi de nouvelles autorisations – et ses conséquences sur l’offre de soins et la sécurité juridique des établissements.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de la rapporteure générale, avec avis favorable du rapporteur.

Dans le contexte de la réforme des autorisations susmentionnée, il porte un ensemble de mesures visant à simplifier la procédure administrative et à épargner une charge de travail significative aux établissements de santé et à leurs professionnels, mais aussi à garantir l’octroi et le renouvellement des autorisations en temps voulu.

● Le I précise les dispositions transitoires et lève le doute sur leur interprétation concernant les autorisations qui ne feront pas l’objet d’un décret d’activité dans le cadre de la réforme des autorisations.

Par ailleurs, il permet à certaines autorisations d’activités, concernées par la révision d’un décret au 1er juin 2023, d’être traitées de nouveau selon les règles de renouvellement de droit commun mentionnées à l’article R. 6122‑32‑1 du code de la santé publique. Ainsi, la durée de vie initiale de sept ans est rétablie pour les autorisations pour lesquelles un décret ne sera pas pris au 1er juin 2023 et les autorisations de certaines activités de soins dont la liste sera fixée par décret.

● Le II déroge à l’obligation de solliciter l’avis de la commission spécialisée de l’organisation des soins (CSOS) mentionnée à l’article L. 6122‑9 du code la santé publique pour certaines demandes d’autorisations déposées lors de la première fenêtre de dépôt postérieure à la publication du schéma régional de santé 2023‑2028, fenêtre durant laquelle se feront les ré-autorisations.

● Le III modifie les règles relatives aux groupements de coopération sanitaire (GCS) pour élargir la liste des autorisations d’activités de soins qu’ils sont autorisés à détenir – aujourd’hui limitée à l’assistance médicale à la procréation. Cette liste aura vocation à être définie par décret.

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Article 2 duodecies (nouveau)
Demande de rapport sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant

Introduit par la commission

L’article 2 duodecies prévoit que soit remis au Parlement un rapport du Gouvernement sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant.

I.   la situation actuelle

L’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale pose le principe du médecin traitant pour la coordination des soins des assurés âgés de 16 ans ou plus. Ces derniers doivent indiquer à l’organisme gestionnaire de leur régime de base le nom du médecin traitant choisi, qui peut être un généraliste ou un spécialiste, un médecin libéral, hospitalier ou salarié, dans un centre de santé ou un établissement médico-social.

Le sixième alinéa de l’article L. 162-5-3 prévoit que le ticket modérateur dû par les assurés en vertu de l’article L. 160-13 peut être majoré « pour les assurés et les ayants droit n’ayant pas choisi de médecin traitant ou consultant un autre médecin sans prescription de leur médecin traitant ».

Cette majoration n’est pas applicable dans plusieurs cas prévus par l’article L. 162-5-3 :

– consultation dans le cadre d’un protocole de soins ;

– consultation dans une structure de médecine humanitaire, un centre de planification ou d’éducation familiale ;

– contexte d’urgence ;

– consultation en dehors du lieu de résidence de l’assuré ;

– consultation sur l’adressage d’une sage-femme ;

– consultation d’un médecin des armées par un militaire.

Au niveau réglementaire, l’article R. 322-1-1 prévoit que cette majoration peut atteindre 37,5 % à 42,5 % du tarif de base de la sécurité sociale.

II.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Hadrien Clouet et de ses collègues du groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale, ayant fait l’objet d’une demande de retrait du rapporteur au profit d’une autre demande de rapport sur le même sujet.

Il prévoit que soit remis au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport du Gouvernement sur la suppression de la majoration du ticket modérateur à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant.

En effet, environ 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Une proportion difficile à estimer de ce total se trouve dans cette situation pour des motifs involontaires, soit que leur médecin traitant soit parti (retraite, déménagement), soit qu’ils n’aient pas réussi à en trouver dès le départ. Ces patients peuvent ainsi se trouver doublement pénalisés : ils disposent d’un accès aux soins dégradé en raison de l’absence de médecin traitant (600 000 patients en affection de longue durée seraient concernés) et doivent assumer une majoration conséquence du ticket modérateur lorsqu’ils consultent un médecin généraliste.

Dans les faits, le Gouvernement indique que des procédures sont prévues, au sein des caisses primaires d’assurance maladie (Cpam), pour neutraliser la majoration du ticket modérateur dans certains cas :

– départ du médecin traitant (retraite ou déménagement en dehors du département), pour une durée limitée à compter de ce départ ;

– impossibilité de trouver un médecin traitant qui s’est traduite par une saisine du médiateur de l’assurance maladie, laquelle n’a pu aboutir à la désignation d’un médecin traitant ; la Cpam neutraliserait, dans ces situations, la majoration du ticket modérateur.

Cependant, outre que ces dérogations sont mal connues des assurés, elles supposent de leur part l’accomplissement de démarches perçues comme injustes et discriminatoires, dans un contexte où ces patients s’estiment défavorisés dans leur accès aux soins.

La présente demande de rapport se présente ainsi comme un moyen d’interpeller le Gouvernement sur la nécessité de mieux protéger les droits des assurés sociaux, en facilitant la neutralisation de la majoration du ticket pour les assurés dont la situation est involontaire.

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Article 3
Renforcer les communautés professionnelles territoriales de santé

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 vise à ce que les professionnels de santé libéraux conventionnés ([18]) ou travaillant en centre de santé ([19]) soient automatiquement rattachés à la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) couvrant leur lieu d’exercice, sauf opposition de leur part. À l’heure de la généralisation des CPTS sur l’ensemble du territoire national, cette mesure doit permettre de renforcer les coopérations entre les professionnels de santé présents sur un même territoire.

I.   La situation actuelle

A.   Des professionnels de santÉ se RASSEMBLANT volontairement en communauté professionnelle de santé

● Afin d’assurer une meilleure coordination de leur action, les professionnels de santé peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ([20]).

Chaque communauté professionnelle territoriale de santé est composée :

– de professionnels de santé, regroupés sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins primaires ;

– d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours ;

– d’acteurs médico-sociaux et sociaux ;

– de services de prévention et de santé au travail.

● Les communautés professionnelles de santé concourent ainsi à la structuration des parcours de santé et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé. Ils formalisent notamment un projet de santé, qui précise le territoire d’action de la CPTS. Ce projet est ensuite transmis à l’agence régionale de santé pour validation.

Par ailleurs, l’article L. 1434-12-2 précise que la CPTS peut être appelée à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs missions de service public suivantes :

– l’amélioration de l’accès aux soins ;

– l’organisation de parcours de soins associant plusieurs professionnels de santé ;

– le développement d’actions territoriales de prévention ;

– le développement de la qualité et de la pertinence des soins ;

– l’accompagnement des professionnels de santé sur leur territoire ;

– la participation à la réponse aux crises sanitaires.

● Selon les données de la direction générale de l’offre de soins ([21]), on dénombrait en avril 2023, 428 CPTS en fonctionnement ([22]), couvrant 54 % de la population française, 186 CPTS en phase d’amorçage ([23]) ainsi que 134 CPTS au stade de projet ([24]). 74 % de la population est ainsi couverte par une CPTS disposant au moins d’un premier degré de formalisation. La dynamique de déploiement des CPTS s’est poursuivie sur tout le territoire national au cours de ces derniers mois, le Gouvernement ayant fixé comme objectif la couverture de l’intégralité du territoire national par les CPTS d’ici la fin de l’année 2023.

D’après le panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale d’une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ([25]), 20 % des médecins généralistes libéraux faisaient partie d’une CPTS en fonctionnement début 2022, contre 7 % début 2019. Ils sont également 12 % à adhérer à une CPTS en projet. Ainsi, l’exercice au sein des CPTS est en fort développement et mobilise près d’un médecin généraliste sur trois.

B.   L’ambition variable des projets portés par les CPTS selon les territoires

À travers les CPTS, les professionnels de santé sont amenés à s’investir à deux niveaux : dans la prise en charge de leur patientèle ainsi que dans une démarche plus large de service à la population composant le territoire et à ses enjeux de santé.

L’organisation de ces CPTS résulte de la volonté des professionnels de s’organiser entre eux. Par conséquent, l’émergence des CPTS, les modalités de coordination, le périmètre géographique ou encore le projet local de santé diffère selon les initiatives portées par les professionnels et selon les enjeux et les spécificités du territoire. À ce titre, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) soulignait en 2018, dans un rapport portant sur le déploiement des CPTS ([26]), que les CPTS diffèrent sensiblement selon la taille et la nature du territoire, ainsi que l’ambition des projets qu’elles portent.

C.   LE STATUT des CPTS

Une ordonnance du 12 mai 2021 a apporté des modifications au statut des CPTS. Il est désormais imposé aux CPTS de se constituer sous la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ([27]). Ce statut juridique plus souple et facile d’usage est adapté à la composition et aux besoins des CPTS. Par définition, il interdit a priori de rendre obligatoire toute adhésion.

II.   le dispositif de la proposition de loi

● Le présent article propose de rendre automatique le rattachement de tous les professionnels de santé à une CPTS (nouvel article L. 1434-12-3 du code de la santé publique). Plus précisément, il prévoit que lorsque la CPTS a conclu une convention avec l’agence régionale de santé et la caisse primaire d’assurance maladie, l’ensemble des professionnels de santé et les centres de santé en deviennent membre. Plus précisément, il s’agit des centres de santé relevant de l’accord mentionné à l’article L. 162-23-1 du code de la sécurité sociale ainsi que des professionnels de santé relevant de l’une des conventions mentionnées aux articles L. 162-14-1 et L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale :

– les médecins (visés à l’article L. 162-5) ;

– les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les auxiliaires médicaux (visés à l’article L. 162-9) ;

– les infirmiers (visés à l’article L. 162-12-2) ;

– les masseurs-kinésithérapeutes (visés à l’article L. 162-12-9) ;

– les directeurs de laboratoires privés d’analyses médicales (visés à l’article L. 162-14)

– les entreprises de transports sanitaires (visés à l’article L. 322-5-2).

Aussi deviendront-ils par défaut membres de la CPTS du territoire de santé auquel ils appartiennent. Cette mesure devrait permettre d’entraîner un maximum de professionnels de santé dans la dynamique en cours qui doit permettre de mieux structurer les parcours de soins des patients.

Toutefois, il leur sera toujours possible de refuser de faire partie de leur CPTS de rattachement. Ce refus pourra se matérialiser par l’envoi d’un courrier ou d’un courriel à la CPTS ou à l’ARS par exemple. Les conditions d’opposition seront définies par arrêté des ministres en charge de la santé et de la sécurité sociale. Cette disposition est indispensable afin de garantir la liberté des professionnels d’adhérer, ou non, à la CPTS de leur territoire.

● Cet article 3 vise ainsi renforcer les démarches de coopération et d’organisation territoriale. En effet, lorsque les CPTS mailleront l’ensemble du territoire et qu’elles incluront une grande partie des professionnels de santé, elles rendront plus efficace la coopération entre ces professionnels et la mise en œuvre des projets territoriaux de santé.

III.   leS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté un amendement rédactionnel à l’initiative du rapporteur.

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Article 3 bis (nouveau)
Intégrer les professionnels de la médecine scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé

Introduit par la commission

L’article 3 bis vise à systématiser l’intégration des professionnels de la santé scolaire dans les communautés professionnelles territoriales de santé.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Robin Reda et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, avec l’avis favorable du rapporteur.

Il vise à systématiser l’intégration des professionnels de la santé scolaire dans les communautés professionnelles de santé.

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Article 4
Accroître la participation des établissements de santé
à la permanence des soins

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 vise à renforcer la participation des établissements de santé et des professionnels qui y exercent à la mission de service public de permanence des soins.

I.   La situation actuelle

A.   Le dispositif de la permanence des soins

La permanence des soins constitue une mission de service public visant à répondre aux besoins de soins non programmés. La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite « loi HPST ») a confié l’organisation de la permanence des soins aux agences régionales de santé (ARS). Elles définissent les modalités de mise en œuvre ainsi que les indemnités versées aux médecins qui y participent. On distingue la permanence des soins en établissement, objet du présent article 4, et la permanence des soins ambulatoires.

1.   La permanence des soins en établissements de santé (PDSES)

La permanence des soins en établissements de santé (PDSES) concerne le seul champ de la médecine, de la chirurgie et l’obstétrique (MCO) ([28]). Elle vise à garantir l’accueil et la prise en charge de nouveaux patients au sein d’une structure de soins d’un établissement de santé en aval ainsi que dans le cadre des réseaux de médecine d’urgence la nuit de 20 heures à 8 heures, le week-end à partir du samedi midi et les jours fériés.

Cette mission d’intérêt général de permanence des soins en établissement est principalement prise en charge par les établissements publics de santé. La participation des établissements de santé privés d’intérêt collectif et des cliniques privées à la PDSES demeure inférieure à leur importance dans l’offre de soins et hétérogène selon les territoires. Cet écart de mobilisation s’explique notamment par le caractère juridiquement non contraignant de la participation à la PDSES pour les établissements privés.

Selon les données recueillies par le rapporteur à partir des données du fonds d’intervention régional (FIR), on estime, en 2021, que 87 % des gardes ont été assurées par les établissements publics ou privés non lucratifs.

 

Au-delà de cet écart de participation selon le type d’établissement, la difficulté à mobiliser des ressources médicales et paramédicales constitue un obstacle majeur à l’organisation de la PDSES, qui constitue elle-même un facteur de pénibilité de plus en plus mal supporté les praticiens hospitaliers qui ont l’obligation d’y participer. Cette permanence est aussi rendue possible par la continuité de service assurée par les autres professionnels de santé, non médicaux, qui travaillent le soir, les week-ends et les jours fériés. En 2022, la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) recensait ainsi 6 775 professionnels de santé ayant participé à la PDSES.

2.   La permanence des soins ambulatoires (PDSA)

La permanence des soins ambulatoires (PDSA) est un dispositif consistant à prendre en charge les demandes de soins non programmées, aux horaires durant lesquels les cabinets libéraux, centres et maisons de santé sont habituellement fermés, c’est-à-dire toutes les nuits de 20 heures à 8 heures, ainsi que les dimanches et les jours fériés. Le territoire est divisé en secteurs de permanence de soins, dans lesquels les ARS sont chargées d’organiser la PDSA en collaboration avec les conseils départementaux de l’ordre des médecins. Ce dispositif repose sur la participation volontaire des médecins.

Toutefois, l’une des difficultés majeures rencontrées par les ARS réside dans le nombre insuffisant de médecins généralistes volontaires pour participer à la permanence des soins ambulatoires. Selon les données du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) ([29]), en 2021, sur 63 231 médecins susceptibles de participer ([30]) à la permanence des soins, seulement 24 472 médecins se sont portés volontaires ([31]). Le taux de volontariat au niveau national s’élevait ainsi à 38,5 %. La CNOM souligne par ailleurs une importante hétérogénéité du taux de participation des médecins généralistes à la PDSA selon les territoires. Il s’élève à 6 % pour Paris contre 82 % pour les Vosges. Il convient de souligner que ce taux constitue un indicateur important, mais s’interprète avec précaution puisqu’il ne renseigne pas sur la qualité du fonctionnement et de l’organisation de la PDSA. À cet égard, en 2021, la part de territoires couverts par une prise en charge ambulatoire s’élevait à 96 % les week-ends et les jours fériés, à 95 % les soirées en semaine, et seulement à 23 % en nuits profondes ([32]).

B.   Une Évolution rÉcente du cadre juridique relatif À la permanence des soins

1.   La responsabilité collective des professionnels de santé à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville

La loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé a introduit le principe de responsabilité collective des professionnels de santé à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville. L’article 7 de cette loi prévoit une extension de la permanence de soins aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers diplômés d’État, qui en sont responsables collectivement ([33]).

Ce principe de « responsabilité collective » vise à garantir l’accès aux soins non programmés à toute la population, grâce à la répartition de l’effort entre toutes les structures de soins ainsi que tous les médecins d’un territoire. Cela permettra de répondre à des demandes régulées par les services d’aide médicale urgente (SAMU) et les services d’accès aux soins (SAS) qui n’ont pas vocation à être prises en charge par un médecin. Toutefois, il ne permet pas de contraindre juridiquement les établissements de santé, notamment les établissements privés et leur personnel, à participer à la permanence des soins en établissements.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

Afin de renforcer la continuité des soins sur l’ensemble du territoire et d’organiser une réparation plus solidaire entre les professionnels, le présent article vise à renforcer la participation des établissements de santé, publics et privés, à la permanence des soins. Il modifie l’écriture de l’article L. 6111-1-3 du code de la santé publique afin de permettre au directeur général de l’ARS d’appeler les établissements de santé à assurer ou à contribuer à la permanence des soins, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Cette disposition pourra permettre de rééquilibrer la PDSES entre le secteur public et le secteur privé et ainsi sécuriser son fonctionnement en réduisant la pression sur l’hôpital.

III.   LeS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement visant à préciser qu’outre les établissements de santé et autres titulaires d’une autorisation sanitaire, comme les cabinets d’imagerie, les professionnels qui y exercent peuvent être appelés à assurer ou contribuer à la permanence des soins au sein des établissements de santé et autres structures disposant d’une autorisation sanitaire.

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Article 5
Extension du contrat d’engagement de service public

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 ouvre le CESP à l’ensemble des étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie, dès la fin de la deuxième année du premier cycle des études de santé, et rénove les modalités de gestion de ce dispositif.

Face à l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et afin de garantir à la population un meilleur accès aux soins, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ([34]), dite « loi HPST », a instauré un contrat d’engagement de service public (CESP) pour les étudiants et internes de médecine.

I.   LA SITUATION ACTUELLE

A.   Depuis sa création en 2009, le contrat d’engagEment de service public a été progressivement étendu

● Le CESP est un dispositif législatif incitatif prévu à l’article L. 632‑6 du code de l’éducation qui vise, d’une part, à répondre au constat d’inégalité territoriale d’accès aux soins en encourageant les jeunes médecins à s’installer dans les zones concernées par le manque d’offre médicale et, d’autre part, à démocratiser l’accès aux études de santé en rendant possible leur financement pour les étudiants les moins favorisés.

Le contrat ouvre droit, pour l’étudiant, au versement d’une allocation mensuelle de 1 200 euros bruts ([35]) et à un accompagnement individualisé durant toute la formation et à un soutien au moment de l’installation ou de la prise de fonctions.

Le versement de l’allocation est assuré par le Centre national de gestion (CNG) pendant toute la durée des études et cesse à la date à laquelle le signataire obtient son diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine, son diplôme d’État de docteur en chirurgie-dentaire ou à la date à laquelle s’achève le parcours de consolidation des compétences pour les praticiens à diplômes étrangers hors Union européenne (Padhue).

Le suivi du projet professionnel de l’allocataire est assuré par les agences régionales de santé (ARS) selon des modalités propres à chaque région.

En contrepartie, le bénéficiaire s’engage à poursuivre sa formation et, à compter de la fin de sa formation, à exercer ses fonctions dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins, identifiée par l’ARS, pour une durée égale à celle pendant laquelle l’allocation leur a été versée et ne pouvant être inférieure à deux ans.

Chaque année, un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale détermine le nombre de contrats offerts, préfigurant une sélection opérée au niveau académique (pour les étudiants) et par l’ARS (pour les Padhue).

● Alors que le CESP ne concernait initialement que les étudiants admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année du premier cycle ou ultérieurement, les modalités et le champ de celui-ci ont, depuis sa création, été révisés à plusieurs reprises.

Le champ des étudiants éligibles au CESP a été étendu en 2012 aux étudiants en odontologie, avant d’être étendu aux Padhue par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et la transformation du système de santé ([36]), dite « loi OTSS ». Ce faisant, le législateur a procédé à une coordination des dispositions encadrant le CESP avec les réformes des études médicales et la nouvelle organisation des premier et deuxième cycles de celles-ci, axée sur la filiarisation progressive. Alors que la durée de perception de l’allocation, qui lie la durée de l’engagement du futur médecin à son obligation d’exercice, avait été jugée comme un frein à la signature d’un CESP par les étudiants de premier cycle, l’éligibilité au dispositif a, dans le même temps, été circonscrite aux étudiants de deuxième et troisième cycles.

La loi OTSS, complétée par le décret n° 2020-268 du 17 mars 2020 ([37]), a par ailleurs rénové le CESP en :

– sécurisant le projet professionnel de l’étudiant en cas de changement du zonage au cours de leur cursus ;

– rassemblant dans un même article du code les dispositions lui étant relatives et en déclassant les dispositions législatives relatives à l’indemnité et la pénalité en cas de rupture du contrat ;

– renforçant le suivi et le contrôle des engagements des signataires d’un CESP une fois leur cursus terminé par une ARS et CNG.

● En conséquence, le CESP peut désormais être conclu par :

– les étudiants en médecine et d’odontologie, dès le début du deuxième cycle des études médicales jusqu’à l’obtention du diplôme d’État de docteur en médecine, c’est-à-dire au total six ans d’études minimum pour un médecin généraliste ;

– les étudiants de troisième cycle des études de médecine et odontologie, à tous les stades de leur troisième cycle et jusqu’à l’obtention du diplôme d’État de docteur en médecine et du DES ;

– les Padhue autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie.

● Le CESP s’articule avec d’autres dispositifs poursuivant les mêmes objectifs. Les analyses montrent ainsi que les contrats d’aide à l’installation, signés avec l’État ou avec l’assurance maladie, prennent souvent le relai du CESP lors de l’installation du jeune professionnel. Dans le même esprit, le contrat de début d’exercice, offert jusque-là aux remplaçants et aux jeunes médecins qui s’installent, permet de bénéficier d’un service d’accompagnement et de formation à la gestion d’entreprise.

B.   MAlgré une montée en charge encourageante, ce dispositif demeure perfectible

● Le CESP connaît, depuis sa création, une montée en charge encourageante. Depuis la mise en place du dispositif en 2010 jusqu’en 2021, 4 122 contrats ont été signés dont 3 307 par des étudiants de médecine et 815 par des étudiants d’odontologie. En 2021, 646 médecins ayant souscrit un CESP s’étaient installés conformément à leur engagement dans une zone sous‑dotée.

Évolution cumulée du nombre de CESP signés depuis 2011

https://sante.gouv.fr/IMG/png/cesp_graphique_2022.png

Source : ministère de la santé et de la prévention, chiffres CNG.

Les chiffres fournis au rapporteur par la direction générale de l’offre de soins, transmis par le CNG, font état de plus de 5 432 CESP offerts en médecine entre les campagnes 2010-2011 et 2021-2022, et de 941 CESP offerts en odontologie entre les campagnes 2013-2014 et 2021-2022.

Au 31 décembre 2021, toutes disciplines et statuts confondus, les étudiants de deuxième et troisième cycles percevaient une allocation depuis quatre ans en moyenne.

Durée moyenne de versement du CESP par filière et par cycle

(en années)

 

Deuxième cycle

Troisième cycle

Moyenne cumulée

CESP médecine

2,6

4,4

4,1

CESP odontologie

2,4

3,9

3,6

Source : ministère de la santé et de la prévention.

● Le nombre de contrats signés chaque année apparaît toutefois nettement moindre que le nombre de contrats offerts. En effet si, au cours des six dernières campagnes, le nombre de CESP offerts au niveau national a connu une forte progression – 648 en 2017-2018 et 1 004 contre 2023-2024, soit une augmentation de 55 % – le nombre de contrats signés a, quant à lui, fortement chuté, passant de 550 à 332, soit une diminution de 39,6 %, entre 2017 et 2021.

Une forte diminution de la part des contrats signés sur le nombre de CESP offerts en médecine et en odontologie a été observée en 2021. Cette part s’élevait alors à 42,6 % pour les étudiants de deuxième et troisième cycles de médecine et à 37,5 % en odontologie, contre 51,1 % pour les premiers et 43,2 % pour les seconds en 2019-2020. La proportion de contrats signés par rapport aux candidats sélectionnés pour les CESP était toutefois en légère augmentation la même année, s’élevant à 88,0 % pour les CESP en médecine, contre 84,6 % en 2019-2020, et à 84,5 % pour les étudiants en odontologie contre 85,3 % en 2019-2020.

● Plusieurs freins peuvent être relevés dans le fonctionnement et les modalités de gestion actuelles du dispositif, la pluralité d’acteurs institutionnels intervenant dans la procédure ayant par ailleurs pour conséquence de le complexifier et de créer de la confusion auprès des publics visés. Le rapporteur relève, parmi ces freins :

– les difficiles remontées d’informations partagées entre les unités de formation et de recherche (UFR) et les ARS ;

– la communication des postes offerts via une interface informatique non exhaustive qui complexifie davantage la gestion ;

– l’hétérogénéité de l’outillage de suivi et de contrôle des CESP par les ARS, notamment pour l’accompagnement et le suivi de l’installation des signataires ;

– une communication entre les acteurs locaux insuffisante et hétérogène suscitant les critiques des syndicats étudiants qui souhaiteraient un « guichet unique » ;

– le recouvrement chronophage et complexe, notamment s’agissant du recueil des informations émanant principalement des UFR et des intéressés. Les sommes à recouvrer, présentant plusieurs années de versement d’allocation, peuvent être conséquentes et faire l’objet d’un abandon de créances selon la solvabilité de l’étudiant et les difficultés qui l’ont amené à rompre l’engagement ;

– la gestion des demandes d’information des allocataires entraînant la sur‑sollicitation des lignes téléphoniques et des boîtes électroniques en l’absence d’espace dédié.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La montée en charge encourageante que connaît le CESP, autant que les difficultés qu’il rencontre, invitent, dans un contexte de difficultés persistantes dans l’accès aux soins, à envisager une évolution du dispositif afin de répondre aux objectifs initialement fixés par loi « HPST » de 2009.

Dans cette perspective, l’article 5 de la présente proposition de loi modifie le CESP pour renforcer son attractivité, son efficacité et son efficience pour l’ensemble des acteurs et des étudiants.

 Il modifie le premier alinéa de l’article L. 632‑6 du code de l’éducation, ouvrant l’accès au CESP à d’autres professionnels et de façon plus précoce pendant les études. Il permet, d’une part, aux étudiants non seulement en médecine et odontologie, mais aussi aux étudiants en maïeutique et pharmacie, de bénéficier du CESP. Il dispose, d’autre part, que ces étudiants auront désormais la possibilité de candidater au CESP à l’issue de la deuxième année du premier cycle des études de santé, et non plus à partir du deuxième cycle.

Cette modification va permettre d’augmenter sensiblement le nombre d’étudiants éligibles au CESP tout en réduisant l’écart entre le nombre de contrats offerts et le nombre de contrat signés, étant donné que les objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels de santé à former en pharmacie et en maïeutique pour la période 2021-2025 sont respectivement définis à 17 065 et 5 585 ([38]).

● L’article 5 procède par ailleurs à une rénovation des modalités de gestion du CESP. Il modifie, à cette fin, les premier, troisième, cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L. 632‑6 du code de l’éducation, pour substituer à la mention du « Centre national de gestion » celle « d’autorité administrative désignée », permettant un changement d’opérateur en charge de la gestion administrative et financière du CESP.

III.   LeS MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté trois amendements rédactionnels du rapporteur.

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Article 5 bis (nouveau)
Renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de santé

Introduit par la commission

L’article 5 bis renforce le critère relatif aux besoins de santé du territoire dans la détermination du nombre d’étudiants admis en deuxième et troisième années de premier cycle de formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique.

Cet article résulte de l’adoption de six amendements identiques de M. Joël Aviragnet et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, M. Jérôme Nury et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, Mme Danielle Brulebois (groupe Renaissance), M. Guillaume Garot (Socialistes et apparentés) et M. Nicolas Forissier (Les Républicains) et plusieurs de leurs collègues ainsi que M. Benoît Mournet et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur.

L’article modifie le I de l’article L. 631‑1 du code de l’éducation, relatif au numerus apertus qui s’applique aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique. Il dispose que les objectifs pluriannuels, que chaque université prend en compte pour déterminer les capacités d’accueil en deuxième et troisième années de premier cycle de ces formations, tiennent compte des besoins de santé du territoire, puis des capacités de formation. Ce faisant, il établit une hiérarchie entre ces deux critères afin de donner la priorité critère relatif aux besoins de santé du territoire.

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Article 6
Diverses mesures portant sur la gouvernance et l’organisation territoriale de l’hôpital public

Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 vise, d’une part, à ouvrir la possibilité aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) ayant atteint une maturité suffisante d’obtenir la personnalité morale, dans le but de simplifier le portage de projets à l’échelle du GHT. Il propose par ailleurs d’étendre les compétences et l’information du conseil de surveillance dans le but de réinvestir cette instance et d’en faire un véritable lieu de débat sur la gestion et l’offre de soins de l’hôpital, en lien avec le territoire.

La commission a adopté cet article avec des modifications visant à étendre les compétences du conseil de surveillance, en cohérence avec le rôle stratégique qui lui est dévolu.

I.   La situation actuelle

A.   Le groupement hospitalier de territoire, une dénomination unique pour des réalités hétérogènes

1.   Les groupements hospitaliers de territoire maillent l’ensemble du territoire français

Promulguée le 26 janvier 2016, la loi relative à la modernisation de notre système de santé ([39]) a donné naissance, via son article 107, à des groupements
hospitaliers de territoire (GHT) ayant vocation à structurer l’offre de soins publique sur le territoire français. L’ensemble des hôpitaux publics sont tenus d’adhérer à un GHT, dont la mission, telle qu’énoncée par la loi, est double :

– rationaliser les modes de gestion en mutualisant certaines fonctions ;

– et organiser une gradation des soins entre les différents établissements du GHT, dans le but d’améliorer l’accès de tous à des soins de qualité.

Un calendrier ambitieux est défini pour la structuration de ces GHT : la liste des GHT doit être arrêtée dès 2016 ; les projets médicaux partagés devant constituer la dimension médicale du GHT doivent être rédigés en 2017 ; la mutualisation des achats doit être organisée la même année, tandis que la convergence informatique des établissements doit être acquise à l’horizon 2021.

Dans les faits, cette structuration a été plus laborieuse. Le caractère rapide et inédit de cette projection territoriale demandée aux établissements fait que la structuration en GHT a plutôt résulté, en premier lieu, du volontarisme des directions d’établissement et des agences régionales de santé, que d’une véritable dynamique portée par les acteurs médicaux et soignants. De ce fait, les premières années des GHT ont souvent été consacrées à la mise en place d’une gouvernance spécifique et complexe ([40]), ainsi qu’à un effort considérable de mutualisation des fonctions support.

Néanmoins, l’intégralité des plus de 800 établissements publics qui maillent le paysage sanitaire sont actuellement intégrés à l’un des 135 GHT, à l’exception de 18 établissements – souvent psychiatriques – pour lesquels une dérogation a été maintenue.

2.   Une grande hétérogénéité des périmètres et des niveaux d’intégration

Derrière l’appellation commune de GHT, se trouve en réalité une très grande diversité de situations. En raison des périmètres arrêtés pour ces GHT, des caractéristiques propres à chaque territoire, de la présence ou non d’un centre hospitalier universitaire à l’intérieur du GHT ou encore de l’entente plus ou moins bonne entre les acteurs des différents établissements, tous les GHT sont loin de se ressembler et ne peuvent pas prétendre au même niveau de réalisations, en particulier sur leur objet central que constitue l’amélioration de l’accès à des soins de qualité.

a.   Des périmètres disparates, plus ou moins pertinents

Un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) ([41]) avait établi, en 2021, un panorama des différents GHT. Elle avait fait le constat du caractère généralement peu adapté des périmètres des GHT se situant aux deux extrêmes : les GHT trop petits ou trop grands – cette définition du « trop » pouvant évidemment varier d’un territoire à l’autre.

Dans une communication à la commission des affaires sociales du Sénat ([42]) datée d’octobre 2020, la Cour des comptes relevait qu’un quart des GHT comptaient au plus deux centres hospitaliers et que quinze d’entre eux ne comptaient qu’un seul établissement avec une activité médecine, chirurgie, obstétrique (MCO). La Cour notait que, dans cette situation, une gradation des soins entre établissements était difficilement concevable.

À l’autre extrême, il existe des GHT manifestement trop grands, à la fois pour avoir une cohérence territoriale sur le plan des filières de soins, et pour pleinement tirer parti d’une organisation intégrée qui aurait pour effet d’éloigner déraisonnablement les décisions et les choix du terrain.

De nombreux GHT ont adopté un périmètre départemental, qui présente des avantages pour faciliter le dialogue avec le champ médico-social piloté par le conseil départemental, mais aussi avec les préfectures, les délégations territoriales des ARS, ou encore les Samu centres 15, les zones de défense, les services départementaux d’incendie et de secours et les ordres professionnels. Cependant les départements sont très divers, et ce choix n’est pas toujours adapté. Ainsi, le GHT des Bouches-du-Rhône couvre une population de plus de 2 millions d’habitants. La gouvernance d’un GHT de cette taille s’avère particulièrement complexe, avec des instances nombreuses et pléthoriques et un processus de prise de décision extrêmement long.

La problématique du périmètre des GHT se trouve compliquée par la question des CHU, qui peuvent se trouver pris dans un « conflit de loyauté » entre leur GHT et les autres établissements de leur subdivision universitaire ou de leur aire de rayonnement.

Cette situation implique en réalité de maintenir plusieurs échelles de coopération selon la taille du GHT et selon les sujets abordés. Vouloir tout faire à l’échelle du GHT n’est souvent pas possible, ou aboutit à une situation sous‑optimale.

La carte et le graphique ci-après illustrent l’hétérogénéité des périmètres géographiques retenus et du nombre d’établissement impliqués dans chaque GHT. La situation n’a que marginalement évolué depuis 2017.

Distribution des effectifs de GHT en fonction du nombre de centres hospitaliers membres du ght

 

 

 

Carte des groupements hospitaliers de territoire