N° 1353

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 juin 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021

PAR M. PierreHenri Dumont

Député

——

 

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 898.


 


—  1  —

SOMMAIRE

Pages

Introduction

I. la macÉdoine du nord : un partenaire fiable pour la France au cœur des balkans

A. Un État jeune qui se rapproche des standards européens

1. Un État récent à la dénomination longtemps contestée

2. Un État de droit mieux garanti

3. Un cheminement progressif vers l’Union européenne

B. une bonne coopÉration avec la France

1. Des échanges économiques aux volumes limités

2. Une coopération dans de multiples domaines

3. Des rencontres bilatérales régulières

II. Un protocole renforçant la coopÉration migratoire avec la macÉdoine du nord

A. l’accord europÉen du 18 septembre 2007

B. Le protocole bilatÉral d’application du 5 juillet 2021

C. Une approbation utile qui appelle d’autres mesures plus fortes

1. Une immigration macédonienne d’ampleur moyenne

2. Une contribution bienvenue à la lutte contre l’immigration irrégulière

3. Un accord à inscrire dans une politique plus volontariste face à des perspectives migratoires inquiétantes

Examen en commission

Annexe 1 : Texte de la commission des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR Le RAPPORTEUR

 


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   Introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 898 autorisant l’approbation d’un accord du 5 juillet 2021 entre la France et la Macédoine du Nord, portant application d’un accord conclu par l’Union européenne avec ce même État, le 18 septembre 2007, concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier. Ce texte a été déposé le 22 février 2023 sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Plusieurs accords similaires ont déjà été conclus par la France avec divers États et approuvés par le Parlement. Cet accord, sur le modèle des précédents, vise à améliorer la coopération migratoire entre la France et un État de départ et de transit de l’immigration irrégulière.

Il tend ainsi à faciliter et à fluidifier la procédure de réadmission en Macédoine des ressortissants macédoniens, ainsi que des ressortissants de pays tiers ayant transité par ce pays, dès lors qu’ils séjournent de manière illégale sur le territoire français.

 

 


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I.   la macÉdoine du nord : un partenaire fiable pour la France au cœur des balkans

État né en 1991 de la dissolution de la Fédération yougoslave, la Macédoine du Nord a accompli de nombreux progrès dans la garantie de l’État de droit, qui la placent désormais au seuil de l’Union européenne. Malgré des échanges économiques encore modestes, la France entretient avec elle une coopération sur de multiples plans, qui se traduit par des rencontres bilatérales fréquentes.

A.   Un État jeune qui se rapproche des standards européens

1.   Un État récent à la dénomination longtemps contestée

Ancien membre de la Fédération de Yougoslavie, la Macédoine du Nord a déclaré son indépendance en 1991. Membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) depuis 1993, le pays n’a d’abord pu y être admis que sous le nom provisoire d’« Ancienne république yougoslave de Macédoine » (ARYM) car la Grèce contestait la dénomination inscrite dans sa Constitution de « République de Macédoine ». Athènes considérait que le terme « Macédoine » désignait la région grecque de Thessalonique et soupçonnait les autorités macédoniennes de velléités irrédentistes.

Dès son arrivée au pouvoir en 2017, le premier ministre social-démocrate Zoran Zaev a fait du règlement du différend avec la Grèce une priorité de son mandat. Après plusieurs mois de négociations, associant un médiateur des Nations Unies, les ministres grec et macédonien des affaires étrangères ont signé un accord bilatéral, le 17 juin 2018, sur les rives du lac Prespa.

Cet accord dit « de Prespa » a renommé l’ « Ancienne République yougoslave de Macédoine » en « République de Macédoine du Nord », appellation à utiliser tant dans le cadre des relations internationales que dans l’ordre juridique interne. En contrepartie, Skopje a obtenu de pouvoir qualifier de « macédoniennes » l’identité, la nationalité et la langue du pays, étant entendu que ce terme n’est pas réputé se référer à l’héritage antique.

L’accord prévoyait par ailleurs un approfondissement des relations bilatérales entre les deux États et l’engagement grec de pas s’opposer à la candidature de la Macédoine du Nord à l’Union européenne ainsi qu’à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). La Macédoine du Nord est ainsi devenue, le 27 mars 2020, le trentième membre de l’Alliance Atlantique et fait partie de son commandement militaire intégré depuis décembre 2021.

2.   Un État de droit mieux garanti

Le fonctionnement de l’État de droit en Macédoine du Nord est jugé bon par les autorités françaises et européennes. Le pays apparaît ainsi comme l’une des démocraties les plus abouties, sinon la plus aboutie, des Balkans occidentaux. Une loi sur la prévention de la corruption a été adoptée en 2018, permettant d’élargir les compétences de la commission nationale anticorruption. Les organes de lutte contre la corruption effectuent un travail reconnu mais avec des moyens, tant matériels que juridiques, qui pourraient encore être renforcés. Les droits de l’Homme bénéficient d’une garantie efficace dans une société qui se vit comme multi-ethnique, avec des protections renforcées pour les minorités.

Sur tel ou tel point, toutefois, des avancées paraissent encore souhaitables. La Macédoine du Nord n’a toujours pas, à ce jour, reconnu dans sa Constitution la minorité bulgare, malgré les efforts en ce sens de l’actuel premier ministre, Dimitar Kovačevski ([1]). Des différends, d’ordres surtout historique et culturel, compliquent en effet les relations entre ces deux États voisins des Balkans. En matière judiciaire, certaines affaires ont alimenté des soupçons d’interférences politiques et le limogeage de la présidente du Conseil supérieur de la magistrature a été contesté. La conclusion récente d’un important contrat d’infrastructures de gré à gré avec un consortium turco-américain s’est vue également reprocher son opacité ([2]). Si ces éléments ne constituent pas en eux-mêmes des manquements graves à l’État de droit, ils appellent toutefois à une vigilance renforcée de la part des États partenaires de la Macédoine du Nord.

3.   Un cheminement progressif vers l’Union européenne

Comme l’ensemble des pays des Balkans occidentaux, la République de Macédoine du Nord bénéficie d’une perspective européenne depuis le sommet de Zagreb en novembre 2000, confirmée lors du sommet de Thessalonique en 2003 puis au sommet de Sofia en 2018. La Macédoine du Nord a signé un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’Union européenne en 2001, avant d’obtenir le statut de pays candidat en décembre 2005.

L’ouverture des négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord a ensuite buté sur le différend avec Athènes concernant la dénomination du pays. Cet obstacle a été levé par l’accord de Prespa du 17 juin 2018. Le Conseil du 26 juin suivant a reconnu les progrès réalisés par les autorités de Skopje et les a invitées à poursuivre leurs efforts afin de remplir l’ensemble des critères fixés.

Le Conseil a décidé, le 25 mars 2020, d’ouvrir formellement les négociations d’adhésion avec la Macédoine du Nord, de même qu’avec l’Albanie, et il a repris à son compte la proposition de la Commission d’une méthodologie d’adhésion renouvelée. Celle‑ci repose sur une intégration plus graduelle des pays candidats.

Une première conférence intergouvernementale entre la Macédoine du Nord et l’Union européenne s’est tenue le 19 juillet 2022. La poursuite du chemin européen du pays est désormais conditionnée à la reconnaissance de la minorité bulgare dans la Constitution.

B.   une bonne coopÉration avec la France

1.   Des échanges économiques aux volumes limités

Quoiqu’encore modestes, les relations économiques entre la France et la Macédoine ont progressé.

Les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté de façon régulière depuis 2012, le solde étant positif en faveur de la France. En 2021, la France était le 17ème fournisseur de la Macédoine du Nord, représentant 1,3 % de ses importations, et son 22ème client, absorbant 1 % de ses exportations. Des perspectives de grands contrats, pour lesquels les entreprises françaises se sont positionnées, existent dans les domaines des stations d’épuration des eaux usées, du développement durable, des infrastructures, de la construction d’un hôpital à Skopje, du renouvellement des documents d’identité, etc.

Un accord intergouvernemental sur le déploiement de l’Agence française de développement (AFD) a été signé en février 2021. L’AFD travaille actuellement sur l’identification des premiers projets à mettre en œuvre dans le pays.

2.   Une coopération dans de multiples domaines

La France a joué un rôle décisif en 2001 pour apaiser les graves tensions entre la majorité slavo-macédonienne et les minorités, notamment la minorité albanaise. L’accord-cadre d’Ohrid du 13 août 2001 a mis fin à la crise grâce à la mise en place d’une nouvelle architecture constitutionnelle dans laquelle la minorité et la langue albanaises bénéficient d’une reconnaissance beaucoup plus importante. François Léotard, puis Alain Le Roy, jouèrent alors un rôle essentiel en qualité de représentants spéciaux de l’Union européenne.

La France et la Macédoine du Nord entretiennent des coopérations dans de nombreux domaines tels que l’expertise technique en matière de rapprochement européen, la sécurité intérieure, la formation professionnelle ou encore le tourisme. Elles coopèrent en matière de défense, avec la participation de la Macédoine du Nord à des opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations Unies (ONU), ainsi qu’à des opérations menées dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). En matière judiciaire, des juges macédoniens sont formés à l’École nationale de la magistrature (ENM). La francophonie, enfin, est un domaine d’action conjointe, la Macédoine du Nord étant membre de plein exercice de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). La coopération culturelle et linguistique repose notamment sur l’Institut français de Skopje, inauguré en 1974, et sur les deux Alliances françaises de Bitola et de Tetovo. Le français est par ailleurs enseigné aux cadres de l’armée macédonienne.

3.   Des rencontres bilatérales régulières

La vitalité de la relation bilatérale entre la France et la Macédoine du Nord se manifeste par des visites et des discussions régulières, tant au niveau ministériel que présidentiel.

Elle a été marquée, de façon récente, par la rencontre à Madrid, les 29 et 30 juin 2022, entre le président de la République Emmanuel Macron et le premier ministre Dimitar Kovacevski, puis par la visite à Skopje de la secrétaire d’État chargé de l’Europe, Laurence Boone, les 15 et 16 novembre 2022.

 


II.   Un protocole renforçant la coopÉration migratoire avec la macÉdoine du nord

Le protocole du 5 juillet 2021 porte application d’un accord précédent conclu le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM) concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier ([3]). Le texte soumis à l’autorisation d’approbation de l’Assemblée nationale vise à améliorer la procédure de réadmission entre la Macédoine du Nord et la France.

Engagées en 2009 à l’initiative de la Macédoine du Nord, les négociations ont ensuite été ralenties en raison du contexte lié au différend avec la Grèce concernant la dénomination officielle du pays. L’accord a finalement été signé le 5 juillet 2021 par l’ambassadeur de France et par le ministre de l’intérieur de la Macédoine du Nord. La République de Macédoine du Nord n’a pas encore notifié à la France l’achèvement de sa procédure interne de ratification.

A.   l’accord europÉen du 18 septembre 2007

L’accord conclu le 18 septembre 2007 fixe le cadre global de la réadmission entre les États membres de l’Union européenne et la Macédoine du Nord.

Des accords de réadmission du même type ont été conclus par la Communauté européenne ou par l’Union européenne avec plusieurs États tiers. La liste des principaux d’entre eux figure dans le tableau ci‑après.

Principaux accords de rÉadmission conclus par la Communauté europÉenne

ou par l’Union europÉenne

Pays

Signature

Pays

Signature

Albanie

14/04/2005

Macédoine du Nord

18/09/2007

Arménie

19/04/2013

Moldavie

10/10/2007

Azerbaïdjan

28/02/2014

Monténégro

18/09/2007

Biélorussie

08/01/2020

Pakistan

26/10/2009

Bosnie-Herzégovine

18/09/2007

Russie

25/05/2006

Cap-Vert

18/04/2013

Serbie

18/09/2007

Géorgie

22/11/2010

Sri Lanka

04/06/2004

Hong-Kong

27/11/2002

Turquie

16/12/2013

Macao

13/10/2003

Ukraine

18/06/2007

Source : ministère de l’intérieur

 

L’article 1er de l’accord européen du 18 septembre 2007 conclu avec la Macédoine du Nord commence par rappeler un certain nombre de définitions précises. Ainsi, la « réadmission » est « le transfert par l’État requérant et l’admission par l’État requis de personnes (ressortissants de l’État requis, ressortissants de pays tiers ou apatrides) dont il est établi qu’elles sont entrées illégalement dans l’État requérant, que leur présence y était illégale ou leur séjour irrégulier, conformément aux dispositions du présent accord ». Le « transit » est défini comme « le passage d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride par le territoire de l’État requis au cours de son transfert entre l’État requérant et le pays de destination ».

L’« État requérant » est celui qui présente une demande de réadmission ou une demande de transit et l’« État requis » celui qui est destinataire d’une demande de réadmission ou d’une demande de transit.

Les articles 2 et 3 prévoient la réadmission par la Macédoine du Nord de ses propres ressortissants en séjour irrégulier sur le territoire européen, d’une part, et des ressortissants des pays tiers et des apatrides entrés illégalement sur le territoire européen après avoir séjourné ou transité par le territoire macédonien, d’autre part. Les articles 4 et 5 prévoient des stipulations similaires pour la réadmission par les États membres.

Aux termes de l’article 6, tout transfert d’une personne à réadmettre suppose la présentation d’une demande formelle de réadmission à l’autorité compétente de l’État requis, à moins que la personne concernée ne soit en possession d’un document de voyage en cours de validité et, s’il y a lieu, d’un visa ou d’une autorisation de séjour en cours de validité délivrés par l’État requis. L’État requérant peut opter pour une procédure de réadmission « accélérée » si la personne a été appréhendée, après un franchissement irrégulier, à proximité de la frontière ou dans un aéroport.

La demande de réadmission doit, « dans la mesure du possible », préciser les nom, prénom, date et lieu de naissance, ainsi que le dernier lieu de résidence de la personne concernée et comporter une photographie (article 7).

L’article 8 renvoie en annexe la liste des documents valant preuve de la nationalité, tels que le passeport, la carte d’identité, etc., ou bien commencement de preuve de la nationalité, tels que le livret militaire, le permis de conduire ou encore l’extrait de naissance. Dans ce second cas, seule une présomption simple de nationalité est établie, qui peut donc être renversée par la preuve contraire. En l’absence de tous documents, les représentations diplomatiques et consulaires de l’État requis concerné prennent les dispositions nécessaires pour s’entretenir sans délai avec la personne à réadmettre.

L’article 9, quant à lui, précise les conditions qui permettent de demander la réadmission par l’autre partie des ressortissants de pays tiers et des apatrides passés par son territoire. Un cachet d’entrée ou de sortie sur le document de voyage, un visa ou une autorisation de séjour, ou encore un billet nominatif de train ou d’avion, constituent des justificatifs recevables.

Le transfert de la personne réadmise peut s’effectuer par voie aérienne ou terrestre. Les autorités nationales prennent, avant le rapatriement, des dispositions par écrit concernant la date du transfert, le point d’entrée et les escortes éventuelles (article 11).

Les opérations de transit doivent être limitées aux cas dans lesquels les ressortissants des pays tiers et les apatrides ne peuvent être directement rapatriés vers l’État de destination (article 13).

L’article 18 institue un « comité de réadmission mixte » chargé de contrôler l’application de l’accord et de veiller à son exécution uniforme par les différents États membres.

L’article 19 est relatif aux protocoles d’application. De tels protocoles peuvent être conclus entre un État membre et la Macédoine du Nord afin de définir plus précisément les autorités nationales compétentes pour mettre en œuvre la réadmission, les points de passage frontaliers, la langue de communication, les modalités de retour dans le cadre de la procédure accélérée et les conditions applicables au rapatriement sous escorte, y compris au transit sous escorte des ressortissants des pays tiers et des apatrides. Ces protocoles n’entrent en vigueur qu’après leur notification au comité de réadmission mixte.

B.   Le protocole bilatÉral d’application du 5 juillet 2021

L’accord européen de réadmission du 18 septembre 2007, entré en vigueur quelques mois après sa signature, est donc d’ores et déjà mis en œuvre par la France. Il a toutefois été jugé utile par la France et la Macédoine du Nord de conclure, comme le permet l’article 19 de l’accord européen de 2007, un protocole d’application afin de donner davantage de fluidité et d’efficacité à la procédure de réadmission ([4]). Les stipulations de ce protocole sont très largement similaires à celles des accords de même nature déjà conclus par la France.

L’article 1er définit les autorités compétentes chargées de formuler ou de recevoir et de traiter les demandes de réadmission. S’agissant des ressortissants macédoniens présents en France, les demandes de réadmission sont formulées par les préfectures françaises et traitées par le ministère macédonien de l’intérieur.

Aux termes de l’article 2, les points de passage frontaliers pour la réadmission et le transit sont, pour la partie française, l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle et, pour la partie macédonienne, le commissariat de police pour le contrôle frontalier de l’aéroport international de Skopje.

L’article 3 détermine les conditions relatives à l’établissement et à la transmission des demandes de réadmission par voie électronique, ainsi que les délais de réponse à la demande de réadmission.

L’article 4 dresse la liste d’un certain nombre de documents valant preuve de la nationalité pour la réadmission des nationaux, tels qu’un laissez-passer consulaire périmé délivré par l’État requis. Il énumère également un certain nombre de documents valant preuve pour la réadmission des ressortissants de pays tiers et des apatrides, par exemple un visa expiré ou un titre de séjour expiré délivré par la partie requise.

L’article 5 décrit l’organisation de la procédure d’audition destinée, en l’absence de documents probants, à faire établir par les autorités diplomatiques ou consulaires la nationalité des personnes à réadmettre.

Lorsqu’une personne a été appréhendée, après un franchissement irrégulier, à proximité de la frontière ou dans un aéroport, la demande de réadmission « par procédure accélérée » doit contenir une proposition de dates, d’horaires, de lieux et de moyens de transfert, et la réponse à cette demande doit être transmise, par voie électronique, dans un délai de deux jours ouvrables (article 6).

L’article 8 précise les informations individuelles à fournir préalablement au transfert, au moyen d’un formulaire dont le modèle figure en annexe.

Les langues de communication pour la mise en application du protocole sont la langue française et la langue macédonienne (article 12).

L’article 13 enfin prévoit que les différends ou difficultés éventuelles d’interprétation ou d’application du protocole sont réglées par consultation entre les autorités compétentes des parties ou, à défaut, par la voie diplomatique.

C.   Une approbation utile qui appelle d’autres mesures plus fortes

1.   Une immigration macédonienne d’ampleur moyenne

La communauté macédonienne en séjour régulier en France est en diminution depuis 2019, comme le montre le tableau ci‑après.

Titres de séjour délivrés aux ressortissants macédoniens

Titres de séjour au 31/12

2018

2019

2020

2021

Titres longue durée 1 an

3 094

3 231

3 208

2 380

Titres inférieurs à 1 an

421

452

260

41

Documents provisoires de séjour

1 108

642

292

186

Total

4 623

4 325

3 760

2 607

Source : ministère de l’intérieur

Cette diminution peut s’expliquer soit par la sortie du territoire de ressortissants macédoniens, soit par leur entrée dans l’irrégularité à l’expiration de leur titre de séjour. Les acquisitions de la nationalité française ne sauraient, en tout état de cause, expliquer à elles seules la diminution observée.

L’immigration irrégulière, facilitée par l’exemption de visas dont bénéficient les ressortissants macédoniens, semble quant à elle avoir connu un pic en 2019, suivi d’un reflux. Le nombre de mesures d’éloignement prononcées a augmenté de manière continue jusqu’à approcher 900 mesures, en 2019, pour repasser ensuite en dessous de 500, comme le montre le tableau ci‑après.

Nombre annuel de mesures d’éloignement prononcées et exécutées

à l’encontre de ressortissants macédoniens

Année

2019

2020

2021

2022

2023 (4M)

Mesures prononcées (OQTF, ITF et expulsions)

882

457

283

345

96

Retours vers la Macédoine du Nord

 

 

Retours forcés

41

20

20

10

10

Retours aidés [5]

640

224

170

71

8

Total retours

681

244

190

81

18

Source : ministère de l’intérieur

La baisse du nombre de mesures d’éloignement prononcées ne traduit pas en soi une diminution de l’immigration irrégulière macédonienne. Elle correspond aussi, en effet, à la politique des gouvernements français tendant à privilégier le renvoi des étrangers en situation irrégulière créant des troubles à l’ordre public. Il n’en demeure pas moins que cette immigration semble stabilisée, sinon en décroissance, pour des raisons sans doute liées à la pandémie de Covid-19 et au renforcement des contrôles aux frontières exercés par la Croatie depuis 2019 en vue de son entrée dans l’espace Schengen ([6]). Par ailleurs, la pression économique qui poussait les Macédoniens à s’exiler est devenue de moins en moins prégnante à mesure que le niveau de développement du pays s’élevait.

L’actuelle coopération avec la Macédoine du Nord en matière de retour est jugée globalement satisfaisante par le ministère de l’intérieur. Le taux de délivrance des laissez-passer consulaires (LPC) dans les délais se situait à 44 % en 2016. Il a atteint 110 % en 2019 et s’est maintenu à un niveau élevé durant la crise sanitaire, avec un taux de 82 % en 2020.

Comme la plupart des États des Balkans occidentaux, la Macédoine du Nord adopte une attitude coopérative avec l’Union européenne en matière migratoire, s’efforçant de donner des gages de bonne volonté. Elle a annoncé, le 15 février 2023, avoir ratifié l’accord de coopération opérationnelle aux frontières avec Frontex ([7]), autorisant ainsi l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes à déployer des équipes dans le pays pour lutter contre l’immigration irrégulière et la criminalité transfrontière.

Le 25 avril dernier, le ministre de l’intérieur Oliver Spasovski a ouvert à Skopje le congrès mondial sur la sécurité des frontières. Donatella Bradic, coordinatrice de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Skopje, a salué une coopération dynamique depuis 2016 avec la Macédoine du Nord sur les questions de trafic des êtres humains.

2.   Une contribution bienvenue à la lutte contre l’immigration irrégulière

Si les flux macédoniens semblent s’être stabilisés, voire avoir décliné, depuis la pandémie, rien ne dit toutefois que les flux ne pourraient pas redémarrer en fonction des aléas socio‑économiques et politiques. L’accord soumis à l’autorisation d’approbation de l’Assemblée nationale, qui permettra de mettre en place des procédures plus efficaces d’identification et de rapatriement, dans des conditions sûres, des ressortissants macédoniens en situation irrégulière, apparaît donc le bienvenu. En désignant les autorités compétentes dans chaque État, en précisant les points de passage frontaliers, en offrant des moyens supplémentaires de preuve de nationalité, en prévoyant des modes d’échanges simplifiés ou encore en détaillant la procédure accélérée, il est de nature à fluidifier et à renforcer le dispositif de réadmission entre la France et la Macédoine du Nord. Son approbation apparaît, pour ces raisons, particulièrement opportune.

Rappelons que les réadmissions ne peuvent évidemment être opérées que dans le respect du droit français, et notamment des voies de recours offertes aux ressortissants étrangers devant les juridictions judiciaires et administratives à l’encontre des mesures d’éloignements prononcées contre eux, et notamment des obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Par ailleurs, les procédures de réadmission sont naturellement mises en œuvre sans préjudice de la convention de Genève ([8]), ainsi que du règlement Dublin. Toutefois, les cas d’octroi d’asile par la France sont et devraient demeurer peu nombreux. En effet, si la demande d’asile émanant de ressortissants d’origine macédonienne s’est accrue entre 2016 et 2018, elle a connu un reflux notable dès l’année 2019. Le taux de la protection internationale octroyée en France aux Macédoniens est par ailleurs très peu élevé, comme le montre le tableau ci‑après.

Demandes d’asile dÉposÉes en France par des ressortissants macÉdoniens

Asile

2019

2020

2021

2022

Nombre de premières demandes

965

235

375

530

Nombre de décisions

895

540

270

520

Rejets

875

540

265

490

Accords

20

0

5

30

Taux d’acceptation

2 %

0 %

1,8 %

5,7 %

Source : ministère de l’intérieur

3.   Un accord à inscrire dans une politique plus volontariste face à des perspectives migratoires inquiétantes

Plus qu’un pays d’émigration, la Macédoine du Nord apparaît avant tout comme un pays de transit pour des nationalités variées, compte tenu de son emplacement stratégique à l’entrée des Balkans occidentaux. Déjà en 2016, ce pays s’était trouvé confronté à une arrivée massive de migrants, en provenance de Turquie via la Grèce, à la suite de la crise consécutive à la guerre en Syrie et en Irak. Quelque 89 771 migrants avaient été enregistrés en 2016. Ces arrivées massives avaient amené les autorités à fermer la frontière avec la Grèce.

Or la route des Balkans est devenue, en 2022, la route la plus empruntée au Sud de l’Europe, avec 145 600 franchissements irréguliers (soit une augmentation de 136 % par rapport à 2021), comme le montre la carte ci‑après. C’est sur cette route qu’ont été enregistrées 45 % des entrées irrégulières en Europe en 2022.

 

Nombre de franchissements irrÉguliers
des frontiÈres SUD de l’UNION europÉenne

https://frontex.europa.eu/thumb/Images_News/2023/Jan_Map_2022.prop_750x.4f3cac7212.png

Source : Frontex

En 2022, les principales nationalités arrivées en Macédoine du Nord ont été des Syriens, des Pakistanais, des Marocains, des Afghans et des Indiens. Pour leur immense majorité, ces migrants n’ont pas l’intention de s’installer dans le pays. Une halte dans l’un des deux centres d’accueil, l’un au Sud à Gevgelija et l’autre au Nord à Tabanovce, leur permet de faire une pause avant la poursuite de leur périple vers l’Europe de l’Ouest ([9]). La plupart des migrants veulent suivre un axe Sud-Nord afin de rejoindre des États comme l’Allemagne, la France, la Belgique, le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, etc.

Il est impératif de contrôler ces flux d’autant plus que la France n’est pas à l’abri d’une levée du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Dans ce contexte, la seule procédure de réadmission en Macédoine du Nord des ressortissants de pays tiers sera loin de répondre aux enjeux. Lors de son audition par le rapporteur, la représentante du ministère de l’intérieur a reconnu que moins d’une dizaine de réadmissions de ressortissants de pays tiers par la Macédoine du Nord étaient opérées chaque année. Le protocole de réadmission du 5 juillet 2021 pourrait augmenter de quelques unités ce chiffre mais sans changer les ordres de grandeur.

C’est pourquoi ce type de protocole de réadmission, pour précieux qu’il soit, ne restera qu’une goutte d’eau dans l’océan s’il ne prend pas place au sein d’une politique beaucoup plus vaste et résolue de contrôle des flux, reposant notamment sur des accords de gestion migratoire conclus directement avec les pays d’origine et comportant des engagements stricts de leur part concernant le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière et la prévention des départs.

 

 

 


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   Examen en commission

Le mercredi 14 juin 2023, à 9 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord du 18 septembre 2007 concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. S’inscrivant dans la stratégie française pour les Balkans occidentaux, validée en 2019, les échanges politiques entre la France et la Macédoine du Nord sont réguliers et importants. Nos deux pays coopèrent dans de nombreux domaines. On peut citer l’appui technique de la France au rapprochement de Skopje de l’Union européenne, la coopération de défense, les échanges en matière de renseignement, notamment via la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos), la formation de magistrats, ou encore la francophonie.

Notre coopération dans le domaine des migrations est fructueuse, ce qui est une bonne chose car la Macédoine du Nord est un pays de transit sur la route des Balkans, entre la Turquie et l’Union européenne. De fait, les flux migratoires d’origine macédonienne à destination de la France sont plutôt modérés.

Par ailleurs, la coopération consulaire se déroule dans de bonnes conditions, ce qui n’est malheureusement pas le cas de tous les pays d’émigration. Le taux de délivrance des laissez-passer consulaires a ainsi atteint 110 % en 2019 et s’est maintenu à un niveau élevé durant la crise sanitaire, en s’établissant à 82 % en 2020.

Le projet de loi soumis à notre examen vise à autoriser l’approbation d’un protocole relatif à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière, conclu entre la France et la Macédoine du Nord en application d’un accord passé en 2007 entre cette dernière et l’Union européenne. Diverses difficultés, parmi lesquelles la question du nom officiel de la Macédoine du Nord, ont retardé la finalisation de ce protocole : M. Aléxis Tsípras m’a expliqué un jour que, parmi les problèmes politiques qu’il avait eu à gérer lorsqu’il était aux affaires, les difficultés liées à l’euro n’étaient rien au regard de cette question du nom officiel de la Macédoine du Nord. Depuis la ratification de l’accord de Prespa avec la Grèce sur cet aspect en 2019, tous les obstacles ont pu être levés.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Il m’appartient de vous présenter aujourd’hui le protocole conclu le 5 juillet 2021 par la France avec la République de Macédoine du Nord concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.

Je dirai d’abord quelques mots sur la Macédoine du Nord car il est important, avant de ratifier ce type d’engagement, de connaître avec suffisamment de précision le partenaire auquel on entend se lier.

La Macédoine du Nord est issue du démembrement de la Fédération de Yougoslavie. Elle est née en tant qu’État en 1991, d’abord sous l’appellation un peu baroque d’« ancienne République yougoslave de Macédoine », parfois abrégée par l’acronyme anglais FYROM. La Grèce s’opposait en effet à ce que cet État s’intitulât tout simplement « Macédoine », au motif que cette dénomination faisait partie intégrante de l’héritage historique, géographique et culturel grec. Cette querelle sémantique a finalement été réglée par un accord conclu en 2018. L’État macédonien a accepté de s’appeler, sur le plan international comme dans son ordre juridique interne, « Macédoine du Nord ». Il est en revanche autorisé à utiliser le terme « macédonien », sans autre précision, pour qualifier, par exemple, sa langue ou son identité.

La Macédoine du Nord est aujourd’hui une République parlementaire de 2 millions d’habitants, enclavée entre la Grèce, l’Albanie, la Serbie et la Bulgarie, à majorité orthodoxe mais avec une forte minorité musulmane.

Aux yeux des autorités françaises et européennes, elle constitue l’un des pays phares, dans les Balkans occidentaux, en termes de progrès dans le respect des droits de l’Homme et des libertés publiques. Il existe en effet une bonne coexistence entre des minorités qui sont nombreuses : albanophone, monténégrine, croate, bulgare, etc. Le bilan de la lutte contre les discriminations est très satisfaisant. Il y a une véritable alternance politique. Enfin, de réelles avancées ont été observées dans la lutte contre la corruption.

Le chemin n’est certes pas terminé : il reste des marges de progrès, notamment, dans le domaine de la lutte contre la corruption et du respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

L’apaisement dans les relations avec le voisin bulgare mérite d’être encore approfondi. En effet, en dépit de la signature d’un traité d’amitié et de bon voisinage en 2017, les relations demeurent compliquées avec la Bulgarie, principalement pour des raisons de susceptibilité liées à la mémoire historique et culturelle. Le premier ministre macédonien s’est fixé pour objectif de faire reconnaître la minorité bulgare dans la Constitution macédonienne mais il n’y est pas encore parvenu.

Cela dit, les progrès incontestables réalisés par la Macédoine du Nord en matière de garantie de l’État de droit ont permis l’ouverture de négociations d’adhésion à l’Union européenne en mars 2020 ainsi que la tenue d’une première conférence intergouvernementale avec l’Union européenne en juillet 2022.

Si la France n’a que des relations économiques modestes avec la Macédoine du Nord, elle entretient en revanche avec ce pays une très bonne coopération politique, judiciaire et de sécurité, sans parler de la coopération culturelle, la Macédoine du Nord étant très attachée à la francophonie.

Venons-en maintenant plus précisément à l’accord qui nous occupe aujourd’hui. Il s’agit du protocole d’application d’un accord conclu le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et l’ancienne République yougoslave de Macédoine en matière de réadmission des étrangers en situation irrégulière. Des accords similaires ont été conclus avec des pays voisins tels que l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, ou encore la Moldavie.

Cet accord européen de 2007 fixe le cadre global de la réadmission entre les États membres de l’Union européenne, d’une part, et la Macédoine du Nord, d’autre part. Il vise à réguler essentiellement les mouvements migratoires irréguliers de la Macédoine du Nord vers les États européens. Les étrangers en situation irrégulière concernés peuvent être des ressortissants macédoniens ou des ressortissants de pays tiers ayant séjourné en Macédoine du Nord. L’accord européen détaille les grandes lignes de la procédure à respecter, qu’il s’agisse du contenu de la demande de réadmission, des documents destinés à prouver la nationalité des personnes concernées ou de la possibilité de recourir à une procédure accélérée lorsque la personne est appréhendée à proximité de la frontière ou dans un aéroport.

Cet accord est entré en vigueur quelques mois après sa conclusion : il est donc actuellement appliqué par la France. Son article 19 prévoit cependant la possibilité, pour les États membres, de conclure par surcroît un protocole d’application avec la Macédoine du Nord afin de rendre la procédure de réadmission plus fluide et efficace. C’est le choix qu’ont fait la France et la Macédoine du Nord, à l’initiative de cette dernière. Le différend avec la Grèce concernant le nom officiel de l’État macédonien a quelque peu ralenti les négociations mais celles-ci ont finalement abouti à la signature du protocole le 5 juillet 2021.

Les stipulations de ce protocole sont assez classiques. Elles définissent les autorités compétentes chargées de formuler ou de recevoir les demandes de réadmission. S’agissant des ressortissants macédoniens présents en France, les demandes de réadmission doivent être ainsi formulées par les préfectures françaises et traitées par le ministère macédonien de l’intérieur. Le protocole détermine les points de passage frontaliers pour la réadmission, soit l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, d’une part, et le commissariat de police pour le contrôle frontalier de l’aéroport international de Skopje, d’autre part. Il dresse la liste d’un certain nombre de documents supplémentaires valant preuve de la nationalité pour la réadmission des nationaux. Il décrit aussi, entre autres choses, l’organisation de la procédure d’audition destinée, en l’absence de documents probants, à faire établir par les autorités diplomatiques ou consulaires la nationalité des personnes à réadmettre.

Bien entendu, ces réadmissions doivent être réalisées dans le respect du droit français, s’agissant notamment des voies de recours offertes aux ressortissants étrangers devant les juridictions judiciaires et administratives à l’encontre des mesures d’éloignement prononcées contre eux. Elles sont également mises en œuvre sans préjudice de l’application de la convention de Genève et du règlement Dublin.

Reste à savoir sur quel volume de flux migratoires ce protocole est appelé à s’appliquer. L’immigration irrégulière macédonienne, facilitée par l’exemption de visas dont bénéficient les ressortissants macédoniens, semble avoir connu un pic en 2019, suivi d’un reflux. Ce dernier s’explique sans doute en partie par la pandémie de Covid-19 ainsi que par le renforcement, depuis 2019, des contrôles aux frontières effectués par la Croatie en vue de son entrée dans l’espace Schengen. Par ailleurs, la pression économique qui poussait les Macédoniens à s’exiler est devenue de moins en moins forte à mesure que le niveau de développement du pays s’élevait. Il faut aussi noter que la Macédoine du Nord, comme la plupart des États des Balkans occidentaux, adopte une attitude coopérative avec l’Union européenne en matière migratoire, s’efforçant de donner des gages de bonne volonté. Le taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans des délais utiles, qui se situait à 44 % en 2016, a atteint 110 % en 2019, puis s’est maintenu à un niveau élevé durant la crise sanitaire, avec un taux de 82 % en 2020.

Même si les flux macédoniens semblent s’être stabilisés, voire avoir décliné, rien ne dit toutefois qu’ils ne pourraient pas repartir en fonction des aléas socioéconomiques et politiques. L’accord soumis à l’autorisation d’approbation du Parlement permettra de mettre en place des procédures plus efficaces d’identification et de rapatriement, dans des conditions sûres, des ressortissants macédoniens en situation irrégulière. Son approbation me paraît donc souhaitable et je vous invite à adopter le projet de loi qui l’autorise.

Plus qu’un pays d’émigration, la Macédoine du Nord apparaît surtout comme un pays de transit, compte tenu de sa position stratégique à l’entrée des Balkans occidentaux. Déjà en 2016, ce pays s’était trouvé confronté à une arrivée massive de migrants en provenance de Turquie, via la Grèce, dans le contexte de la guerre en Syrie et de la déstabilisation de l’Irak et de l’Afghanistan. Six ans plus tard, en 2022, la route des Balkans est devenue – ou redevenue –la plus empruntée au Sud de l’Europe, avec des franchissements irréguliers en augmentation de 136 % par rapport à 2021. Des Syriens, des Pakistanais, des Marocains, des Afghans et des Indiens sont arrivés en nombre en Macédoine du Nord ; ils n’ont, dans leur écrasante majorité, pas l’intention de s’y installer, souhaitant poursuivre leur périple vers l’Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou la Suède.

Dans ce contexte, la seule procédure de réadmission en Macédoine du Nord des ressortissants de pays tiers sera loin de répondre aux enjeux. La représentante du ministère de l’intérieur que j’ai auditionnée a reconnu que moins d’une dizaine de réadmissions de ressortissants de pays tiers en Macédoine du Nord étaient opérées chaque année. Le protocole de réadmission du 5 juillet 2021 pourrait augmenter ce chiffre de quelques unités, sans changer réellement les ordres de grandeur.

Les accords de ce type, pour utiles qu’ils soient, n’auront jamais qu’une portée limitée s’ils ne s’inscrivent pas dans une politique beaucoup plus vaste et déterminée de contrôle des flux migratoires. On aura beau les multiplier, ils ne résoudront pas les graves problèmes liés à l’immigration incontrôlée tant qu’ils ne s’accompagneront pas d’une augmentation réelle des éloignements effectifs d’étrangers en situation irrégulière, en particulier de déboutés du droit d’asile, et de la conclusion, avec les pays d’origine, d’accords de gestion migratoire comportant des engagements stricts concernant le retour de leurs ressortissants et la prévention des départs.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Votre excellent rapport appelle notre attention sur l’intérêt très grand et très particulier que présente un pays comme la Macédoine du Nord, dont vous avez dressé un portrait remarquable, clair et précis. Nous voyons bien qu’il s’agit d’un partenaire auquel nous devons prêter toute notre attention et manifester une grande solidarité. Les Balkans peuvent difficilement être considérés comme un ensemble homogène : les États de la région étant très différents les uns des autres, ils méritent sans doute des traitements différenciés.

Nous en venons à présent aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Liliana Tanguy (RE). Le protocole dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation vise à mettre en place des procédures rapides et efficaces d’identification et de retour des personnes qui ne remplissent pas ou plus les conditions d’entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de la Macédoine du Nord ou de l’un des États membres de l’Union européenne. Cet accord est une nouvelle pierre dans la construction de la relation bilatérale de confiance entre la France et la Macédoine du Nord. Nos rencontres bilatérales sont fréquentes, tant au niveau ministériel – j’ai fait partie de la délégation française lors d’un déplacement récent de Mme Laurence Boone en Macédoine du Nord – qu’au niveau présidentiel – je pense aux discussions entre le président de la République Emmanuel Macron et le premier ministre macédonien Dimitar Kovačevski.

Ces dernières années, la Macédoine du Nord a réalisé des progrès certains en matière de respect de l’État de droit et de lutte contre la corruption, comme l’a souligné notre rapporteur. Le pays a résolu son différend avec la Grèce, mettant fin à un important problème ayant duré près d’un quart de siècle, en signant l’accord de Prespa. La Macédoine du Nord manifeste ainsi sa volonté d’adhésion aux standards européens.

Le pays se montre coopératif avec l’Union européenne en matière migratoire : il répond sans difficulté aux demandes de réadmission formulées par la France et a même récemment ratifié un accord opérationnel aux frontières conclues avec l’agence Frontex pour lutter contre l’immigration irrégulière et la criminalité transfrontalière. La Macédoine du Nord est un pays de transit sur la route des Balkans : aussi ce protocole d’accord tend-il à renforcer le contrôle des flux migratoires irréguliers.

En tant que présidente du groupe d’amitié France-Macédoine du Nord, je ne peux que saluer un texte qui témoigne de la confiance entre nos deux pays et permettra même de la renforcer. Notre groupe votera donc ce projet de loi.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je prends bonne note de ce vote favorable, dont je vous remercie.

Mme Marine Hamelet (RN). Ce protocole d’application n’est pas un texte de transposition mais bien une œuvre de clarification censée faciliter les expulsions vers la Macédoine du Nord. Réaffirme-t-il pour autant les exigences qui doivent être les nôtres pour recouvrer la maîtrise de l’immigration en France ? Telle est la question que nous devons nous poser. Il ne faudrait pas que ce protocole empêche la France d’organiser des vols d’expulsions Frontex à destination des Balkans, mais plutôt qu’il les facilite.

Passons rapidement sur les premiers articles du texte, qui définissent les autorités compétentes, les points de passage aux frontières et le recours aux langues française et macédonienne. J’ai bien noté la simplification de la procédure, qui pourra se faire entièrement par courriel, ainsi que l’élargissement du champ des documents valant preuve – ou commencement de preuve – de nationalité des ressortissants. Je m’interroge en revanche quant à l’apport de ce protocole lorsque la personne est appréhendée dès son arrivée illégale dans la région frontalière, dans la mesure où le délai de réponse accélérée de deux jours est déjà prévu et imposé par l’accord de 2007. S’agissant de l’organisation d’auditions, ce protocole n’apporte rien de fondamentalement nouveau non plus, les dispositions étant une fois de plus déjà prévues aux articles 3 et 8 de l’accord de 2007, avec un délai de trois jours ouvrables.

L’article 9 du protocole stipule que les agents membres de l’escorte bénéficient d’une prérogative d’intervention en cas de légitime défense. Nous saluons cette avancée, qui nous semble toutefois insuffisante puisque les agents concernés exécutent leurs missions sans armes et en civil. Pourquoi ne pas exiger qu’ils suivent, par exemple, une formation dans le domaine de la sécurité ? Par ailleurs, pourquoi les dispenser de toute obligation de visa ?

S’agissant du coût des réadmissions, nous avons été surpris de lire qu’il revenait à la partie requérante de rembourser les frais de transport. Cette stipulation est d’autant plus choquante que le montant de ces derniers est régi par la législation de la partie requise. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

L’étude d’impact comporte quelques éléments statistiques, peu nombreux, qui me semblent insuffisants. Pourriez-vous nous donner les chiffres concernant la nature et l’évolution, depuis 2007, des moyens de preuve de la nationalité ? Disposez-vous également de données relatives aux rejets de demande de réadmission et à la nature de leur motivation, en particulier lorsqu’ils sont liés à des mesures d’éloignement telles que des obligations de quitter le territoire français (OQTF) ? Les cas de refus de transit prévus à l’article 13 de l’accord du 18 septembre 2007 – risque de torture, sanctions pénales, intérêts nationaux – peuvent parfois cacher un prétexte. Avez-vous enfin des statistiques relatives aux modes de transport ?

Dans l’attente de ces réponses, le groupe Rassemblement national votera en faveur de ce texte.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Alors que le protocole n’est pas encore ratifié, on relève de très bons taux d’exécution des OQTF vers la Macédoine du Nord ; on rêverait d’en avoir de tels avec de nombreux pays. Nous entretenons une coopération satisfaisante avec ce pays.

La France paye car c’est un moyen efficace d’obtenir les renvois. Mieux vaut, parfois, accompagner les personnes destinataires d’une OQTF. Un rapport de la commission des finances, présenté lors de la précédente législature, a montré que les retours aidés étaient moins coûteux que les retours forcés, notamment parce que l’État ne doit pas payer l’escorte.

En 2019, avant la pandémie, on a dénombré 41 retours forcés sur un total de 681 retours effectifs et de 882 OQTF prononcées.

M. Pierre Cordier (LR). Est-il prévu de conclure de tels protocoles avec les pays voisins de la Macédoine du Nord ? Quelle politique ce pays mène-t-il en matière d’expulsions de personnes en situation irrégulière ?

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Une dizaine de protocoles de réadmission ont été conclus par la Communauté, puis par l’Union européenne, avec les pays des Balkans occidentaux. La France a conclu un accord avec l’Albanie en 2005. Des accords européens ont été conclus en 2007 avec la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, la Bosnie, ainsi qu’avec la Moldavie, et en 2010 avec la Géorgie. La France n’a pas conclu d’accords bilatéraux avec l’ensemble de ces pays mais ce n’est pas une région qui nous pose de grandes difficultés.

L’accord avec la Macédoine du Nord est exemplaire puisque les taux de réadmission sont élevés. Il s’agit seulement de fluidifier la procédure. La question sera surtout d’arriver à prouver que les clandestins en provenance de pays tiers ont transité par les Balkans. Il s’agira, en quelque sorte, d’un développement du règlement Dublin au-delà des frontières de l’Union européenne.

M. Frédéric Petit (DEM). On peut ajouter le Kosovo à la liste des pays frontaliers avec la Macédoine du Nord, monsieur le rapporteur.

Bitola est une des seules villes de la région à avoir reçu la croix de guerre au titre de sa conduite pendant la première guerre mondiale. La Macédoine du Nord compte un lycée français, un grand nombre d’Alliances françaises et un certain nombre de nos compatriotes sont experts techniques auprès du gouvernement.

Je suis assez réservé à l’égard du concept de « Balkans 6 », lui préférant celui de « Balkans 11 ». Vous aurez remarqué que le règlement des conflits, dans cette région, s’est toujours fait par-delà les frontières de l’Union européenne, à l’image de l’accord de Prespa. Les problèmes affectant les « Balkans 6 » concernent en réalité l’ensemble des pays balkaniques.

Comme la plupart des États des Balkans occidentaux, mais un peu plus vite que d’autres, la Macédoine du Nord coopère avec l’Union européenne en matière migratoire. Elle a signé un accord de coopération avec Frontex – l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes –, entré en vigueur le 1er avril dernier, qui est symbolique mais a aussi des effets importants car il s’agit d’un pays de transit. Par ailleurs, je rappelle qu’en 2022, le plan d’action entre l’Union européenne et les Balkans comprenait un volet sur la politique migratoire.

Cet accord de gestion migratoire va dans le bon sens. Le groupe Démocrate votera en faveur du projet de loi.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. J’avais en effet oublié le Kosovo mais cela n’a rien de politique. (Sourires.)

M. Guillaume Garot (SOC). Il faut rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce protocole. Il nous paraît essentiel que nous avancions ensemble en direction de l’intégration des pays balkaniques dans l’Union européenne. La Macédoine du Nord s’est engagée sur cette voie, comme l’attestent le développement de ses échanges commerciaux et sa participation croissante aux opérations de maintien de la paix. Elle entend se rapprocher des standards européens.

Le protocole d’application de l’accord de 2007 permettra de fluidifier et de renforcer l’efficacité de la procédure de réadmission. Il nous semble adapté aux enjeux que soulève l’immigration irrégulière.

Cela étant, l’immense majorité des migrants qui transitent par la route des Balkans n’ont pas pour première intention de s’installer au cœur de l’Europe ; ils fuient avant tout une situation chaotique, désastreuse dans leur pays d’origine. Il faudra donc veiller à ce que l’application de ces normes se fasse dans le strict respect de la convention de Genève et du règlement Dublin, même si l’avenir de ce dernier est en débat. C’est à ces conditions que l’Union européenne sera à la hauteur des valeurs qu’elle promeut.

Pour les raisons que vous avez présentées et celles que nous venons d’énoncer, nous voterons la ratification du protocole.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Il faut saluer la trajectoire suivie par les pays des Balkans occidentaux, même si l’on peut nourrir quelques doutes sur leur intégration. La Macédoine du Nord est un peu le bon élève de la région, qu’il s’agisse des droits de l’Homme, de la corruption ou de l’ingérence étrangère.

On doit s’interroger sur la capacité de l’Union européenne à absorber l’adhésion de ces pays – si, du moins, cette logique continue à être suivie. Réussira-t-on, à trente ou à trente-cinq, à résoudre les problèmes que l’on peine à régler à vingt-sept ? Cela excède l’enjeu de la conformité du droit interne à des critères tels que ceux de Copenhague.

La procédure de réadmission en Macédoine du Nord des ressortissants de ce pays et des personnes d’une autre nationalité ayant transité par son territoire respecte évidemment les droits français, européen et international.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Il est logique et souhaitable que l’accord conclu entre la Communauté européenne et la Macédoine du Nord soit complété par un protocole d’application directement négocié entre la France et ce pays. Le protocole est équilibré, exhaustif et exemplaire. On peut se féliciter de l’abandon de la langue anglaise pour l’application du texte, décision qui se justifie probablement par la participation de la Macédoine du Nord à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi autorisant l’approbation du protocole.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. L’appartenance à l’OIF a certainement joué un rôle dans l’abandon de l’anglais. Il paraît en effet cohérent que les protocoles bilatéraux soient écrits dans les langues des pays concernés.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Cet accord est plus équilibré que celui qui a été signé récemment avec l’Arménie. Il s’inscrit dans le cadre d’opérations diplomatiques visant à rapprocher les Balkans du camp occidental. La Macédoine du Nord est entrée dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 2019. Son rapprochement avec l’Union européenne a été accéléré depuis le début de la guerre en Ukraine. La France a joué son rôle en rencontrant plusieurs fois l’exécutif nord-macédonien depuis 2022. Il est à noter que le vote de ce texte intervient au lendemain du deuxième forum de la Communauté politique européenne à Chisinau.

La Macédoine du Nord est un fragile État multiethnique créé à partir de l’effondrement de la Yougoslavie, dans lequel se joue en partie l’avenir du continent européen. Les conflits religieux qui le traversent auront des résonances dans le reste de l’Union européenne. Les questions ethniques, illustrées par les conflits entre Albanais, Serbes et Kosovars, n’ont pas été soldées. C’est un espace oublié en proie à des tensions larvées très dangereuses. En ex-Yougoslavie, on le sait, la guerre a été vaincue mais la paix n’a pas été gagnée. L’OTAN et l’Union européenne ne voient, dans ces espaces, rien d’autre que des marges, des pays frontières qui constituent un tampon entre la Turquie et le monde musulman à l’Est, et avec les mondes slaves au Nord-Est. Il est à craindre qu’ils soient méprisés par l’Union européenne et l’OTAN, et soient utilisés comme des pions dans la guerre opposant l’Occident à Moscou.

La coopération entre la Macédoine du Nord et Frontex a été entérinée en octobre 2022, ce que nous regrettons compte tenu du danger que représente cette institution pour les droits humains. L’agence européenne a été étrillée par un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), notamment en raison du refoulement de migrants en mer, de l’absence de prise en compte d’appels de détresse en mer, du harcèlement des migrants et même de malversations internes. Son budget a été multiplié par dix depuis sa création. Elle est en train de devenir un État dans l’État. Elle devrait être dissoute, et un nouveau pacte sur la migration et l’asile élaboré.

L’accord entre la France et la Macédoine du Nord s’inscrit dans le contexte de l’augmentation de la fréquentation de la route migratoire des Balkans. Syriens, Kurdes, Libanais traversent la Turquie au péril de leur vie et sont parfois arrêtés en Macédoine du Nord. Les Balkans forment un espace très courtisé. L’accord sur la réadmission des personnes dont le séjour est irrégulier est une nouvelle étape de cette offensive diplomatique. Il est à espérer qu’il sera appliqué de manière responsable et humaine par l’Union européenne, Frontex, la France et les autorités nord-macédoniennes. Nous nous abstiendrons.

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Nous avons tous conscience de l’importance que représente l’espace de l’ex-Yougoslavie, comme l’illustrent, en ce moment, les tensions dans le Nord du Kosovo. Il s’agit, il est vrai, de conflits un peu périphériques. Sans doute avez-vous raison : les grandes puissances peuvent en faire un terrain de jeu et s’efforcer d’influer, indirectement, sur un certain nombre de conflits. Il ne faut toutefois pas caricaturer la vision de l’Union européenne : elle ne souhaite pas faire des Balkans occidentaux un glacis européen antirusse ou antiturc. Elle a pour ambition d’assurer un niveau de vie relativement homogène sur le continent européen, que ce soit à l’intérieur de l’Union ou en dehors de ses frontières. L’Union européenne a versé plusieurs milliards aux pays de la région pour y améliorer l’État de droit et les conditions de vie. Il s’agit d’éviter le retour des tensions qui ont conduit cette région à la guerre et qui ont eu, autrefois, des répercussions à une plus grande échelle.

La souveraineté constitue, en la matière, un enjeu essentiel. Si l’Union européenne n’investit pas dans ces pays, d’autres le feront. Des États voisins de la Macédoine du Nord sont aujourd’hui très lourdement endettés vis-à-vis de la Chine en raison de la construction d’infrastructures routières très onéreuses. Ils en sont réduits à céder des terres. Ces pays, qui sont aux portes de l’Union européenne, vont se trouver en situation de dépendance.

Frontex a traversé une crise très importante, qui a conduit au départ de son directeur général et à une réforme de l’institution. L’agence devrait être soumise à un contrôle plus étroit du Parlement européen. Des agents de Frontex sont à présent chargés de veiller au respect des normes européennes et de l’État de droit. Ils doivent faire cesser les pratiques susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine.

L’Union européenne a présenté un nouveau pacte sur l’asile et l’immigration, dont nous devons étudier les répercussions sur les États membres comme sur les pays extérieurs à l’Union.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). On peut se féliciter du taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais, qui est passé de 44 % en 2016 à 110 % en 2019 et à 82 % en 2020. En revanche, vous soulignez le risque que la Macédoine du Nord demeure un pays de transit pour l’immigration irrégulière. Parmi les principales nationalités représentées, vous citez les Syriens, les Pakistanais, les Afghans, les Indiens, mais aussi les Marocains. La présence de ces derniers s’expliquerait-elle par la politique – certes de très courte durée – de diminution des visas accordés par la France aux Marocains ?

Vous citez une représentante du ministère de l’intérieur, qui a reconnu que moins d’une dizaine de réadmissions de ressortissants de pays tiers avait lieu dans le pays chaque année. Vous en a-t-elle expliqué les raisons ?

M. Pierre-Henri Dumont, rapporteur. Je ne suis pas certain que la présence de Marocains s’explique par la politique française en matière de délivrance de visas car, malgré les propos qui ont été tenus, leur nombre n’a pas fortement diminué : il s’agissait surtout de menaces. Ce phénomène est plutôt lié, à mon sens, aux réseaux de passeurs, lesquels cherchent les chemins les plus faciles afin de maximiser leurs gains. Ils exploitent les failles juridiques, qu’elles soient internes aux États membres ou qu’elles concernent l’entrée dans l’Union.

Il y a peu de réadmissions car il faut arriver à prouver que les personnes en question sont passées par la Macédoine du Nord. L’accord dont nous débattons élargit les moyens de preuve. Un billet de train indiquant le passage par la Macédoine du Nord sera un indice suffisant pour procéder au renvoi d’une personne en situation irrégulière. Cela devrait permettre un petit accroissement du nombre de réadmissions.

La question principale n’est toutefois pas la réadmission mais la non-entrée dans l’espace Schengen. On peut saluer, à cet égard, les efforts accomplis par la Croatie, dans le cadre de son entrée dans cet espace, pour mieux contrôler la frontière et bloquer les migrants à l’entrée.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’accord constitue, en quelque sorte, une expérimentation portant sur un petit nombre de personnes et dans un cadre dépassionné, puisque nos deux pays entretiennent des relations très apaisées. Il pourrait préfigurer une nouvelle pratique en ce domaine.

Nous n’abordons pas la question des Balkans avec le regard de Winston Churchill, qui affirmait que leur capacité de nuisance était bien supérieure à leur puissance démographique, analyse que je ne partage aucunement. La question est de savoir si on doit les traiter comme un tout ou s’il faut les singulariser. On peut s’interroger sur la manière dont devra être menée la négociation relative à leur intégration et sur les implications de ce processus à notre égard. Nous aborderons ces sujets à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution européenne relative aux suites de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, que je rapporterai devant notre commission.

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Article unique : approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord signé à Bruxelles le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 


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   Annexe 1 :
Texte de la commission des affaires ÉtrangÈres

 

Article unique

 

Est autorisée l’approbation du protocole entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord portant application de l’accord signé à Bruxelles le 18 septembre 2007 entre la Communauté européenne et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier, signé à Skopje le 5 juillet 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 898)


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   ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR
Le RAPPORTEUR

 

    M. Yannick Andrianarahinjaka, chef du pôle conventions à la mission des conventions et de l’entraide judiciaire de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

    M. Matthieu Abgrall, rédacteur Macédoine du Nord à la sous-direction de l’Europe balkanique de la direction de l’Europe continentale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

    Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ;

    Mme Béatrice Vujanovic, cheffe de section au bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale du ministère de l’intérieur.

 


([1]) Membre de l’Union sociale-démocrate de Macédoine (SDSM), Dimitar Kovačevski est premier ministre depuis le 16 janvier 2022. Il tente de rallier les partis albanais pro-européens d’opposition à la cause de la réforme constitutionnelle. Le soutien d’une fraction du parti conservateur VMRO reste toutefois indispensable pour atteindre une majorité des deux tiers au Parlement et pour mener à bien la révision constitutionnelle.

([2]) Cf. Courrier des Balkans, 6 mai 2023, Macédoine du Nord : le SDSM sur les autoroutes de la corruption, https://www.courrierdesbalkans.fr/Macedoine-du-Nord-polemique-affaire-autoroute

([3]) Accord publié au Journal officiel de l’Union européenne le 19 décembre 2007.

([4]) Huit États membres à ce jour ont signé et ratifié un protocole bilatéral d’application de l’accord européen de réadmission du 18 septembre 2007 conclu avec la Macédoine du Nord : l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, l’Estonie, la République tchèque, la Lituanie et la Slovaquie. Cf. European Migration Network (EMN), septembre 2022, Note de synthèse, Accords bilatéraux de réadmission.

[5] Données OFII au 31 mars 2023

([6]) Réalisée le 1er janvier 2023.

([7]) Accord entre l’Union européenne et la République de Macédoine du Nord concernant les activités opérationnelles menées par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes en République de Macédoine du Nord, signé le 26 octobre 2022 et entré en vigueur le 1er avril 2023.

([8]) Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.

([9]) Seuls quelques Pakistanais semblent s’être sédentarisés à la frontière macédo-serbe.