N° 1537

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juillet 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE LOI
relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023

PAR M. Jean-Paul MATTEI

Député

——

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  888 (2022-2023), 891, 892, 893, 894, et T.A. 166 (2022-2023).

 Assemblée nationale  : 1533.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

Commentaire des articles

Titre

Article 1er Habilitation pour faciliter la reconstruction à l’identique, les travaux préliminaires immédiats et la réduction des délais

Article 2 Habilitation pour déroger aux règles de publicité préalable et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique

Article 3 Habilitation pour déroger à l’obligation de participation minimale au financement des projets d’investissement, au plafond des fonds de concours et pour déterminer le régime des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 


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   INTRODUCTION

 

Les violences urbaines qui se sont déroulées entre le 27 juin et le 5 juillet dernier, bien qu’elles soient désormais éteintes, nous interrogent sur de nombreux aspects de nos politiques publiques, de l’éducation à la politique de la ville.

Toutefois, avant toute chose et dans l’urgence, il faut veiller à la continuité et à la stabilité de l’ordre public et du service public : c’est à cela que vise à concourir le présent projet de loi.

À cette fin, il est impératif de réparer et de remettre en état dans les plus brefs délais les bâtiments et les équipements qui ont été abîmés et dégradés au cours de ces événements. Un nombre important d’entre eux sont des biens de l’État et des collectivités, des bibliothèques, des mairies, des écoles, qui répondent à un besoin des populations.

Il est trop tôt encore pour connaître parfaitement l’étendue des dégradations subies dans les territoires. Certaines estimations initiales font état de 750 bâtiments publics dégradés ou détruits, peut-être le triple en ce qui concerne les bâtiments privés. 273 bâtiments des forces de l’ordre, 168 écoles et 105 mairies auraient notamment été détériorés.

Si la répartition exacte de ces dégradations, en termes d’ampleur et de gravité, n’est pas précisément répertoriée, il est certain qu’un grand nombre de travaux vont devoir être rapidement lancés pour permettre leur réfection, leur réhabilitation ou leur reconstruction complète.

Le Gouvernement a déjà mis en œuvre, notamment par une circulaire de la Première ministre du 5 juillet dernier et par une instruction aux préfets du 7 juillet, de premières mesures pour remédier à ces situations.

Le présent texte, qui se présente, de manière un peu inhabituelle, sous la forme de trois articles d’habilitation à prendre des ordonnances, poursuit ce travail et l’étend pour les situations qui ne peuvent être résolues par la voie réglementaire.

Dans ce cadre, une méthode qui n’est acceptable en temps normal qu’à la marge de l’activité législative, se justifie en revanche pleinement dans le cas présent. Car bien que le temps presse, ces mesures dérogatoires nécessiteront un travail d’expertise approfondi, notamment en matière de dérogations aux règles d’urbanisme, aux procédures d’instruction des permis de construire, ou encore aux règles de la commande publique, et non d’être rédigées à la hâte à la fin d’une session parlementaire.

En outre, la rédaction des habilitations retravaillée par les sénateurs – il faut saluer à cet égard l’engagement de Mme la présidente Sophie Primas, rapporteure du texte pour la commission des affaires économiques du Sénat, et des rapporteurs pour avis Mme Catherine Di Folco et M. Vincent Delahaye – est précise et ciblée : elle permettra des dérogations circonscrites et limitées, pendant une durée limitée, et dans le cadre d’ordonnances qui devront être publiées dans les trois mois à compter de la promulgation du présent texte.

Le Sénat a su faire preuve de sérieux et d’efficacité en adoptant le texte à l’unanimité, après le dépôt de seulement 7 amendements en commission et de 5 amendements en séance publique, ce qui a permis à l’Assemblée d’inscrire rapidement le texte.

L’ensemble des acteurs concertés ont fait preuve de réactivité, notamment les représentants de l’AMF et de France urbaine, qui ont su se rendre disponibles pour les auditions de votre rapporteur, en dépit des délais très contraints, de même que les administrations concernées.

 

Le texte contient trois articles qui portent chacun sur une composante essentielle des travaux de reconstruction.

L’article 1er habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures propres à accélérer la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés lors des violences urbaines :

– d’abord, pour autoriser leur reconstruction à l’identique ou sous réserve de modifications limitées et d’amélioration justifiées, même si les règles d’urbanisme en vigueur s’y opposent. Cette dérogation ponctuelle aux dispositions d’urbanisme a globalement suscité l’adhésion des acteurs, et notamment des associations de collectivités qui ont été auditionnées ;

– ensuite, pour permettre l’engagement des travaux préliminaires dès avant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable. Il s’agit d’une disposition intéressante qui devrait permettre d’avancer sur des travaux tels que les démolitions, les terrassements, l’élaboration des fondations, dans le laps de temps qui sépare le dépôt de la demande de l’octroi de l’autorisation. Cette mesure voit son applicabilité limitée par l’obligation d’avoir lieu le cadre d’une reconstruction à l’identique ;

– enfin, pour accélérer le traitement des demandes d’autorisation d’urbanisme, y compris en ce qui concerne les consultations des différentes instances ou autorités qui peuvent être impliquées dans sa délivrance. Ces délais peuvent aujourd’hui s’étendre jusqu’à six mois, et les dispositions de l’ordonnance pourraient les ramener, moyennant aussi la mobilisation des services instructeurs, à une durée autour de six semaines.

L’article 2 habilite le Gouvernement à instaurer un régime dérogatoire à certaines règles de la commande publique pour les marchés de travaux sur les bâtiments concernés :

– ces dérogations permettraient aux acheteurs publics, premièrement, de passer des marchés publics sans publicité, mais avec mise en concurrence, pour des travaux dont le montant serait inférieur à un seuil défini dans l’ordonnance, sur lequel nous reviendrons dans nos débats. Le seuil de droit commun est situé à 100 000 euros, et nous pensons qu’un seuil bien supérieur à cela est nécessaire. Nous escomptons le gain de temps résultant de la dérogation au principe de publicité, à quatre semaines ;

– en deuxième lieu, il s’agirait de permettre aux acheteurs publics de ne pas allotir leurs marchés, alors même qu’il s’agit en général d’une obligation forte, les dérogations à ce principe étant très encadrées par le code de la commande publique. Dans la même veine, les acheteurs publics pourraient conclure plus facilement des marchés globaux, qui portent à la fois sur les études et l’exécution des travaux, et qui permettent là aussi une accélération des procédures. Dans certains cas, cette faculté pourrait permettre un gain de plusieurs mois.

L’article 3 habilite le Gouvernement à prendre trois types de mesures visant à faciliter le financement, par les collectivités territoriales, des travaux de réparation et de reconstruction nécessaires. Il s’agirait dans ce cas :

– d’abord, de pouvoir déterminer des modalités particulières de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, au titre des dépenses éligibles à un financement dans ce cadre. Il s’agit ainsi de permettre une « contemporanéisation » des versements de FCTVA, c’est-à-dire le versement dans l’année au cours de laquelle les travaux ont été réalisés et payés, et non en N+2 comme le prévoit le droit commun ;

– ensuite, l’article prévoit de déroger à l’exigence de participation minimale des collectivités territoriales ou des groupements maîtres d’ouvrage au financement de leurs projets d’investissement. Dans le droit commun, cette participation minimale est fixée à 20 % de l’ensemble des financements apportés par les personnes publiques. Elle permettra dans ce cas aux collectivités concernées de bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux.

– enfin, de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, dont les attributions ne peuvent aujourd’hui excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours (soit une exigence de participation minimale de 50 %).

Ces trois dispositifs ne prétendent pas à une couverture exhaustive des besoins de financement des collectivités pour effectuer les réparations des biens et bâtiments endommagés, mais ils représentent néanmoins des outils permettant une véritable facilitation et une accélération du financement des travaux, contribuant à soulager des collectivités et leurs tensions de trésorerie. Il s’agit donc là de mesures qui accompagnent utilement la mise en place du fonds de financement des travaux préparé par la circulaire de la Première ministre.

Au-delà du travail de reconstruction et pour élargir, la restauration de nos quartiers devra aussi être menée sur le long terme et les problématiques de ces territoires abordés bien plus largement, mais ce projet de loi permettra d’aborder et de commencer à traiter utilement les problèmes les plus urgents.

 

 

 

 


—  1  —

   Commentaire des articles

Titre

En commission des affaires économiques, le Sénat a adopté deux amendements modifiant le titre. Un amendement COM-7 de Mme la présidente Sophie Primas (LR), rapporteure de la commission des affaires économiques, a substitué au terme « bâtiments démolis » celui de « bâtiments détruits » pour mieux correspondre à la terminologie employée à l’article 1er, qui renvoie aux destructions survenues à l’occasion de violences urbaines, et non à des démolitions qui interviennent à la suite de l’octroi d’un permis de démolir.

Un amendement COM-6 de Mme Catherine Di Folco (LR), rapporteure pour avis de la commission des lois, a ajouté au titre la notion de « réfection », par coordination avec la rédaction des articles 1er et 2.

La nouvelle rédaction du titre issue des travaux sénatoriaux évoque donc désormais le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

 

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*     *

Article 1er
Habilitation pour faciliter la reconstruction à l’identique, les travaux préliminaires immédiats et la réduction des délais

Adopté sans modification par la commission

 

L’article 1er prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin, dans le cadre de l’urgence à réparer les dégâts causés par les violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet, d’aménager le droit de reconstruction des bâtiments à l’identique ou moyennant des modifications limitées, d’autoriser l’engagement de certains travaux dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme et d’accélérer les procédures de délivrance des autorisations d’urbanisme.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   La reconstruction à l’identique, un droit consacré de longue date en cas de destruction ou de démolition d’un bâtiment

Le droit de l’urbanisme prévoit la faculté de reconstruire à l’identique : « lorsqu’un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l’identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d’urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement » ([1]).

Avant 2009, cette faculté était formulée comme une « reconstruction à l’identique d’un bâtiment détruit par un sinistre » ([2]), qui pouvait s’exercer dans un délai raisonnable après la survenance du sinistre, ce délai raisonnable pouvant s’interpréter, selon le Conseil d’État, comme « le temps nécessaire à l’obtention par le propriétaire de l’indemnisation par les assureurs ou les personnes responsables du sinistre » ([3]).

L’exercice du droit est subordonné à cinq conditions :

– le bien en question est un bâtiment (et non, par exemple, un mur, une ruine ou une autre construction qui n’est pas close et couverte) ;

– l’immeuble en question a été « détruit ou démoli » il y a moins de dix ans ;

– l’immeuble a été réalisé de manière régulière, en exécution d’un permis de construire ;

– le projet porte sur une reconstruction à l’identique en termes de surface, de destination, de volume, d’aspect extérieur et de configuration. Le Conseil d’État a toutefois eu l’occasion de qualifier de reconstruction à l’identique un projet « ne présentant que des aménagements intérieurs et extérieurs mineurs et ne différant que légèrement de la construction à laquelle elle se substitue » ([4]) ;

– le projet de reconstruction n’est pas interdit par le document d’urbanisme applicable ([5]), le Conseil d’État ayant précisé à cet égard que seules des dispositions expresses du document d’urbanisme prévoyant l’interdiction de la reconstruction à l’identique de bâtiments détruits par sinistre ou démolis peuvent légalement faire obstacle à la reconstruction ([6]). Il existe dès lors une forme de présomption en faveur de la reconstruction, qui n’emporte pas pour autant une dispense d’autorisation : le régime du permis de construire ou de la demande préalable, selon le cas, continue de s’appliquer comme en situation normale ([7]).

Une fois ces conditions satisfaites, ce droit à reconstruction à l’identique après sinistre ne revêt pas un caractère absolu et reste encadré par la jurisprudence. En particulier, la persistance du risque, notamment d’un « risque certain et prévisible » qui « soit de nature à mettre gravement en danger » les occupants de l’immeuble, peut justifier le refus de la demande de reconstruction à l’identique ou des prescriptions limitant la reconstruction ([8]). Le droit à reconstruction, s’il dispense donc du respect des règles d’urbanisme introduites postérieurement à la destruction ou à la démolition, ne permet toutefois pas de déroger aux règles posées par une autre législation, notamment en matière de sécurité et d’accessibilité ou de protection de l’environnement.

  1.   Les travaux dispensés d’autorisation d’urbanisme ou soumis à déclaration préalable

1/ Si l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme pose le principe selon lequel les constructions sont précédées de la délivrance d’un permis de construire, l’article L. 421-4 précise toutefois que certains aménagements, constructions, installations et travaux, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, « ne justifient pas l’exigence d’un permis et font l’objet d’une déclaration préalable ». C’est notamment le cas, en l’occurrence, pour :

– les travaux dont l’ampleur est réduite ;

– les travaux effectués sur les constructions existantes et qui n’en affectent pas l’aspect extérieur.

2/ D’autres travaux peuvent, par exception et « en raison de leur nature ou de leur très faible importance », être entièrement dispensés de toute autorisation d’urbanisme. En l’occurrence, cette dispense peut s’appliquer pour les travaux concernant :

– le mobilier urbain ([9]) ;

– les travaux de ravalement ([10]) ;

– les ouvrages d’infrastructure terrestre, maritime, fluviale, portuaire ou aéroportuaire ainsi que les outillages, équipements ou installations techniques directement liés à leur fonctionnement ou leur exploitation, ou au maintien de la sécurité de la circulation routière, ferroviaire, fluviale, maritime ou aérienne ([11]) ;

– les canalisations, lignes ou câbles, lorsqu’ils sont souterrains ([12]).

3/ En situation d’urgence, une mesure dérogatoire fréquemment mise en œuvre permet en outre de déployer des constructions temporaires, afin d’assurer le relogement ou l’hébergement des personnes victimes d’un sinistre, pour une durée d’implantation qui ne doit pas excéder un an ([13]). En 2021, cette durée a été temporairement portée à dix-huit mois pour les constructions démontables à des fins de centre d’hébergement d’urgence ou d’hébergement et de réinsertion sociale ou de résidence universitaire ou sociale ([14]), mais cette dérogation n’a pas été reconduite.

Ce régime vise notamment, outre les installations préfabriquées « directement nécessaires à la conduite des travaux » implantées pendant la durée d’un chantier de travaux :

– le déploiement transitoire, pendant une année scolaire ou la durée du chantier, de « classes démontables installées dans les établissements scolaires ou universitaires pour pallier les insuffisances temporaires de capacités d’accueil » ;

– « les constructions nécessaires au maintien des activités économiques ou des équipements existants ».

  1.   Les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme

Les délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme font l’objet de nombreuses dispositions de nature législative et réglementaire. Hors cas spécial recensé au code de l’urbanisme, on peut les résumer comme suit ([15]) :

– un mois pour les déclarations préalables ;

– deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ;

– trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.

Le délai d’instruction commence à courir à compter de la réception en mairie d’un dossier de demande complet. Le délai d’instruction de droit commun peut être modifié pour tenir compte des demandes d’avis ou accords au titre du code de l’urbanisme et des autres législations. Les modalités de modification du délai d’instruction restent toutefois strictement limitées, et la modification doit avoir été notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt du dossier complet de la demande.

Au cours de l’instruction de la demande d’autorisation, le service instructeur consulte les personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet. Il recueille les accords, avis ou décisions prévus par les lois et règlements en vigueur, les diverses consultations menées étant toutefois strictement limitées par le code de l’urbanisme.

Lorsque le projet est soumis à un régime d’autorisation prévu par une autre législation, le service instructeur doit procéder aux consultations. En principe, dans ce cas, les services ou organismes consultés doivent faire parvenir leur réponse motivée dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande et, en règle générale, le silence vaut avis favorable. Dans certains cas énumérés ([16]), ce délai peut être de deux à cinq mois, et le silence à l’issue du délai imparti peut dans certains cas valoir refus, rejet de recours ou absence d’instaurer des prescriptions.

 

 

 

 

Les motifs de majoration des délais d’instruction de la demande

Motif de la majoration du délai d’instruction

Durée de la majoration

Référence

Le projet est soumis à un régime d’autorisation à des prescriptions prévues par d’autres législations ou réglementations que le code de l’urbanisme

Le bâtiment est situé dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques

La décision nécessite d’accord une dérogation aux règles d’urbanisme en vigueur, notamment en raison des contraintes architecturales propres aux immeubles protégés au titre de la législation sur les monuments historiques

1 mois

art. R. 423-24 (a), b) et c))

Pour une demande de permis :

Consultation d’une commission départementale ou régionale

Le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale

2 mois

art. R. 423-25 (a) et e))

Pour une déclaration préalable : consultation de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture

 

art. R. 423-25-1

Pour une demande de permis :

Consultation d’une commission nationale

Délai porté à 5 mois

art. R. 423-27

Immeuble inscrit au titre des monuments historiques

Travaux relatifs à un établissement recevant du public

 

art. R. 423-28

Pour une demande de permis : travaux soumis à l’accord du ministre chargé des sites, pour un projet situé dans un site classé ou en instance de classement

Délai porté à 8 mois

c) de l’art. R. 423-31 du code de l’urbanisme

Source : commission des affaires économiques du Sénat.

  1.   le dispositif proposÉ
    1.   le texte initial
      1.   La durée et le périmètre d’application des dérogations

L’article prévoit une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, afin d’atteindre trois objectifs : aménager le droit de reconstruction à l’identique, prévu à l’article L. 111-15 du code de l’urbanisme précité, autoriser l’engagement de certains travaux dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, adapter les règles de délivrance des autorisations d’urbanisme, afin de les accélérer. Ces accélérations ont vocation à prévaloir « pendant une durée limitée » (premier alinéa du I), durée que la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages a indiqué pouvoir être d’environ dix-huit mois.

Ces dispositions prévaudront à la fois pour les bâtiments publics et pour les bâtiments privés, dont l’étude d’impact du projet de loi indique qu’ils comptent respectivement pour 25 % et 75 % des bâtiments dégradés. L’étude d’impact précise également que 750 bâtiments publics auraient été atteints, y compris des mairies, des écoles, des bibliothèques et des postes de police. L’étude précise également que, pour ce qui concerne les bâtiments privés, cette disposition concerne notamment les commerces. Ces chiffres ne comportent toutefois pas de précisions concernant l’étendue moyenne des dégâts observés, et il est par conséquent difficile à ce stade d’évaluer combien de bâtiments nécessiteront une reconstruction intégrale et combien une simple réfection.

  1.   L’autorisation nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire

Le  du I autorise « la reconstruction ou la réfection, à l’identique ou avec des modifications limitées ou des améliorations justifiées », des bâtiments sous réserve qu’ils aient été régulièrement édifiés. Ces précisions permettront donc une marge de manœuvre plus large que le droit en vigueur, qui n’autorise que des « aménagements mineurs » (voir la position du Conseil d’État supra) et fait donc l’objet, de longue date, d’une jurisprudence que la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages qualifie de « restrictive ».

Les « améliorations justifiées » pourront concerner des modernisations ou des mises aux normes en matière de sécurité, d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite ou de renforcement de la performance environnementale. Auditionnée, l’AMF a considéré que ces leviers d’amélioration pouvaient en effet justifier des dérogations ciblées aux dispositions d’urbanisme en vigueur.

En précisant que cette disposition s’appliquera « nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire », l’habilitation implique que la reconstruction ou la réfection à l’identique de ces bâtiments pourront être réalisées en appliquant les règles d’urbanisme en vigueur au moment de la délivrance de l’autorisation d’urbanisme initiale, et non les règles actuelles qui pourraient, ayant évolué depuis la construction initiale, s’y opposer.

En outre, l’alinéa prévoit qu’une telle reconstruction sera permise « y compris lorsqu’un document d’urbanisme applicable en dispose autrement », ce qui permet d’autoriser de tels travaux, quand bien même le document d’urbanisme applicable aurait précisément prévu que la reconstruction à l’identique postérieure à un sinistre n’est pas possible. Cet apport constitue un gain en termes de sécurisation des procédures qui justifie d’en passer par une disposition de nature législative. Par conséquent, on peut estimer que l’ordonnance prise sur le fondement du 1° aura pour effet d’empêcher qu’une reconstruction à l’identique, tant qu’elle respecte les prescriptions associées, soit rendue impossible par les dispositions d’un document d’urbanisme.

  1.   L’engagement précoce des travaux préliminaires

Le  du I permet un parallélisme des procédures applicables, en ouvrant la possibilité au constructeur de démarrer les premiers travaux en même temps que l’instruction de la demande d’autorisation d’urbanisme, qui s’effectuera dès lors « en temps masqué ». L’ordonnance devra prévoir les modalités par lesquelles le maître d’ouvrage pourra démarrer les travaux de reconstruction ou de réhabilitation dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme auprès de l’autorité compétente pour la délivrer, sans attendre ladite décision.

Sur la suggestion du Conseil d’État, il a été précisé dans la rédaction déposée au Sénat que les travaux pouvant ainsi être engagés sont les « opérations et travaux préliminaires », ce terme n’étant toutefois pas strictement défini. L’exposé des motifs précise qu’il s’agit de permettre au constructeur de commencer, notamment, les éventuelles opérations de démolition et d’évacuation des gravats – car le permis de construire vaut aussi permis de démolir – et les travaux de préparation du chantier (terrassements, fondations, pose des bâtiments transitoires, etc.) sans attendre l’obtention de l’autorisation d’urbanisme.

L’audition de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages par votre rapporteur a permis de clarifier certains aspects de cette disposition. Concrètement, envisagée conjointement avec la disposition prévue au 3°, qui réduit les délais d’instructions des demandes d’autorisation, le 2° devrait avoir pour résultat d’anticiper les travaux préliminaires de six semaines avant l’octroi de l’autorisation, ce qui correspond à l’idée de travaux préliminaires (éventuellement jusqu’à la réalisation des fondations, mais sans effet sur l’aspect extérieur de l’immeuble). L’anticipation des travaux occasionnera une part de risque pour le maître d’ouvrage, comme l’a souligné votre rapporteur, mais le risque est mitigé par le caractère circonscrit de la dérogation, qui sera bien connue des services. Le ministère a assuré que les personnes s’engageant dans de telles opérations préliminaires seraient suivies et accompagnées dans ces procédures.

L’Association des maires de France, auditionnée par votre rapporteur, a eu l’occasion de saluer « une mesure qui va dans le bon sens, qui témoigne d’une volonté claire d’accompagnement de ceux qui ont à rebâtir », tout en soulignant une disposition « inédite » qui doit être accompagnée d’une bonne information de l’autorité compétente.

Une précision apportée par les services a concerné le périmètre de la mesure. Tandis qu’elle concerne formellement l’ensemble des bâtiments, publics comme privés, il est attendu qu’elle bénéficie essentiellement à l’État, qui est son propre assureur et ne connaîtra donc pas, lors de l’engagement précoce des travaux, de difficulté pour des raisons assurantielles, et aux collectivités territoriales, qui ne sont pas systématiquement soumis aux mêmes obligations assurantielles que les acteurs privés. Cela pourrait, a contrario, être le cas d’un maître d’ouvrage privé qui ne trouverait pas d’accompagnement assurantiel suffisant, par exemple pour l’assurance de dommages ouvrage.

  1.   L’adaptation des délais et procédures d’autorisation

Le  du I vise à accélérer l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme portant sur ces opérations de reconstruction, en permettant la réduction de la durée totale d’instruction. À cette fin, il est prévu que les délais d’instruction de droit commun, ainsi que les majorations et prolongations requises pour le recueil des avis, consultations, accords ou autorisations prévus par le code de l’urbanisme ou les législations connexes seront réduits.

Selon l’étude d’impact et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, auditionnée par votre rapporteur, le délai visé pourrait se situer autour de six semaines à compter du dépôt de la demande. Un tel délai, tout en étant ambitieux, correspondrait également, dans le cas d’un chantier rapide et d’entreprises disponibles, à la fin des travaux préliminaires.

Pour reprendre les cas cités par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages lors de son audition par votre rapporteur, il s’agira notamment des obligations concernant les établissements recevant du public (ERP), de l’avis de la commission départementale de l’aménagement commercial (CDAC) ou des avis rendus par les architectes des Bâtiments de France (ABF). La diversité et la complexité de ces régimes et de leur articulation constituent l’un des facteurs justifiant l’habilitation à prendre ces dispositions par voie d’ordonnance.

Le principe selon lequel le silence de l’administration vaut acceptation d’une demande pourra également être élargi, à titre dérogatoire, à l’ensemble des demandes d’urbanisme. L’objectif de ces dispositions, selon l’exposé des motifs, est que la durée totale d’instruction ne dépasse donc pas un mois et demi, à comparer aux délais de droit commun, souvent de plusieurs mois dès lors notamment que des consultations sont requises.

  1.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

En commission des affaires économiques et en séance publique, le Sénat a adopté l’article 1er sans le modifier.

  1.   les dispositions adoptÉES par la commission

Suivant l’avis de son rapporteur, la commission des affaires économiques n’a pas modifié l’article.

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Article 2
Habilitation pour déroger aux règles de publicité préalable et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique

Adopté sans modification par la commission

 

L’article 2 prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour définir des mesures dérogatoires aux règles de la commande publique, en matière de publicité préalable et de recours aux marchés publics globaux, afin de favoriser la reconstruction ou la réhabilitation des bâtiments et des équipements publics détruits à la suite des événements survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT 
    1.   L’ACCÈS FACILITÉ AU MARCHÉ SANS PUBLICITÉ NI MISE EN CONCURRENCE PRÉALABLES

Le code de la commande publique dispose que l’ensemble des marchés publics respecte les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats ainsi que de transparence des procédures ([17]). Cette dernière obligation doit normalement être garantie par le respect d’une obligation de publicité préalable et de mise en concurrence.

Le code de la commande publique énumère trois procédures de passation des marchés publics ([18]) : sur le fondement de trois critères – montant, objet et circonstance de la conclusion  une personne publique peut passer un marché selon une procédure adaptée, une procédure formalisée ou sans publicité ni mise en concurrence préalables.

L’État et les collectivités territoriales constituent des pouvoirs adjudicateurs au sens du droit de l’Union européenne et les marchés publics qu’ils concluent doivent obéir à ces principes ; par conséquent, au-dessus de certains seuils, leurs marchés sont encadrés par des règles spécifiques qui en découlent ([19]), qui ont été transposées en droit interne. Pour les marchés de travaux, qui concernent notamment la réalisation d’ouvrages, de travaux du bâtiment et du génie civil (routes, portes, ponts, barrages, infrastructures urbaines), le seuil est actuellement fixé à 5 382 000 millions d’euros (M€) hors taxes ([20]), qu’on appelle seuil de procédure formalisée.

En-deçà de ce seuil, c’est-à-dire dans les cas de procédure adaptée, si les États membres sont libres de fixer les règles de passation des marchés publics de travaux, ils doivent toutefois respecter les règles générales du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, les contrats exclus du champ d’application des directives restent soumis aux règles fondamentales du traité, et notamment au principe de non-discrimination en raison de la nationalité, lequel implique une obligation de transparence, dès lors que ces contrats présentent un intérêt transfrontalier certain, c’est-à-dire concrètement dès lors que leur envergure financière est de nature à intéresser des candidats provenant d’un autre État membre ([21]).

Seuls les travaux d’une envergure réduite, d’une valeur inférieure à 100 000 euros, peuvent être conclus sans mise en concurrence ni publicité préalables, le décret du 28 décembre 2022 ([22]) ayant prolongé jusqu’au 31 décembre 2024 la procédure de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux ([23]), issue de la loi « Asap » ([24]).

Des dérogations aux principes de publicité et de mise en concurrence existent, notamment dans le cas d’une « urgence impérieuse » qui permet l’accès à la procédure de passation du marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables. Dans ce cas, il est possible de conclure un marché public sans publicité ni mise en concurrence préalables « lorsqu’une urgence impérieuse résultant de circonstances extérieures et que l’acheteur ne pouvait pas prévoir ne permet pas de respecter les délais minimaux exigés par les procédures formalisées » ([25]). Cette faculté offre au pouvoir réglementaire la possibilité d’autoriser les acheteurs à déroger aux procédures de mise en concurrence et de publicité dans des cas et pour des marchés expressément définis par décret. Ce nouveau motif s’ajoute à ceux qui sont inscrits aux articles R. 2122-1 à R. 2122-9‑1 du code de la commande publique.

  1.   LA POSSIBILITÉ DE DÉROGER AU PRINCIPE DE L’OBLIGATION D’ALLOTIR

Le code de la commande publique fixe le principe selon lequel les travaux, fournitures ou services sont répartis en lots donnant lieu chacun à un marché distinct ([26]).

Ce principe, normalement d’application obligatoire, ne s’applique cependant pas aux marchés globaux. Les marchés publics globaux désignent, au sens large, toutes les formes de marché permettant de déroger à l’interdiction de cumul des missions de maîtrise d’œuvre et de travaux ainsi qu’à l’allotissement.

Il est prévu que relèvent des marchés globaux, passés par dérogation au principe d’allotissement : les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés sectoriels de performance ([27]).

Un pouvoir adjudicateur au sens du droit de l’Union européenne peut passer un marché global si l’une des trois conditions suivantes est remplie :

– l’objet du marché ne permet pas l’identification de prestations distinctes ([28]) ;

– l’acheteur n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination des travaux ([29]) ;

– la dévolution en lots séparés serait de nature à restreindre la concurrence ou pourrait rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   le texte initial

L’article 2 du projet de loi habilite le Gouvernement, dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, à déroger temporairement, par voie d’ordonnance, à certaines règles de la commande publique afin de faciliter la reconstruction ou la réhabilitation des bâtiments affectés par les dégradations ou les destructions liées aux troubles à l’ordre et à la sécurité publics survenus entre le 27 juin et le 5 juillet 2023.

En premier lieu, le  du I crée une possibilité nouvelle de dérogation au principe de publicité. Tout marché d’un montant inférieur à un seuil défini par l’ordonnance et dont l’objectif est de réhabiliter ou de reconstruire les bâtiments détruits pourra faire l’objet d’un marché public ou des lots d’un marché public sans publicité préalable. Cette dérogation est temporaire et ne concerne pas les règles de mise en concurrence, qui continueront de s’appliquer comme en situation normale.

Le niveau du seuil à définir a fait l’objet d’échanges avec le Gouvernement et le Sénat. Une version préalable du texte faisait mention d’un seuil défini à 1 million d’euros. Les services de l’État interrogés ont explicité qu’un seuil supérieur à 1,5 million d’euros pourrait engendrer, d’après l’analyse de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, des risques contentieux importants pour les marchés conclus sur ce fondement.

En second lieu, le  du I offre au maître d’ouvrage un nouveau cas de dérogation au principe d’allotissement ainsi qu’une nouvelle possibilité de recours aux marchés globaux. Il pourra ainsi être confié à un même opérateur économique un marché global portant à la fois sur la conception et la construction ou l’aménagement en urgence de ces bâtiments et équipements.

  1.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

Au Sénat, la commission des affaires économiques a sollicité l’avis de la commission des lois sur l’article 2. Un amendement de clarification COM-5 de la rapporteure pour avis, Mme Catherine Di Folco (LR), adopté en commission, a aligné la rédaction de l’article 2 sur celle de l’article 1er, en reprenant le terme de « réfection » plutôt que celui de « réhabilitation », et a précisé que les dispositions de l’article ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des acheteurs soumis au code de la commande publique, y compris notamment les bailleurs sociaux.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 5 du Gouvernement, qui élargit le périmètre de l’article aux « équipements publics ». Selon le ministre de la transition écologique au banc, cette notion permettra de couvrir des éléments tels que le mobilier urbain, l’éclairage public ou les panneaux d’affichage public, les réseaux de transport ou de communication et autres équipements d’infrastructure qui ne sont pas des bâtiments, et qui doivent pouvoir être réparés ou remplacés en urgence. Le Gouvernement a également assuré que les infrastructures de voirie sont couvertes par cette notion, dans la mesure où la voirie serait un équipement public au sens du code l’urbanisme et où le Conseil d’État a eu l’occasion de la faire entrer dans la catégorie des équipements publics.

  1.   les dispositions adoptÉES par la commission

Suivant l’avis de son rapporteur, la commission des affaires économiques n’a pas modifié l’article.

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Article 3
Habilitation pour déroger à l’obligation de participation minimale au financement des projets d’investissement, au plafond des fonds de concours et pour déterminer le régime des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

Adopté sans modification par la commission

 

L’article 3 habilite le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à plusieurs modifications relevant du domaine de la loi visant à faciliter le financement de la réparation et de la reconstruction rapide des bâtiments et équipements publics dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

Il prévoit, à cette fin, qu’une ordonnance procède à l’adaptation du cadre juridique applicable aux subventions d’investissement versées aux collectivités territoriales afin de permettre un subventionnement au-delà du plafond légal de 80 %. Il prévoit, en outre, la création d’une dérogation au plafonnement des fonds de concours qui peuvent être versés entre les établissements publics à fiscalité propre et leurs communes membres, et, enfin, une dérogation aux règles fixées pour le versement anticipé du fonds de compensation pour la TVA pour les travaux de reconstruction entrepris par les collectivités concernant les bâtiments et équipements publics dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   Le fonds de compensation POUR la taxe sur la valeur ajout֤֤Ée (FCTVA) : UN OUTIL ESSENTIEL DE SOUTIEN À l’INVESTISSEMENT POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Créé par la loi de finances pour 1978, pour succéder au fonds d’équipement des collectivités locales (FECL), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est un mécanisme de compensation partielle de la TVA supportée par les collectivités territoriales et certains établissements publics locaux sur leurs dépenses d’investissement. Il s’agit du premier outil budgétaire de soutien à l’investissement public local.

Juridiquement, le FCTVA ne constitue pas, stricto sensu, un remboursement de la TVA supportée par les collectivités territoriales. En effet, au regard du droit de l’Union européenne, les collectivités territoriales ne sont pas considérées comme assujetties à la TVA. Elles ne disposent donc pas d’un droit à déduction de cette taxe et doivent donc conserver la charge de TVA pesant sur leurs achats, comme tout consommateur final.

Les collectivités territoriales peuvent, en revanche, bénéficier d’un soutien public pour les dépenses d’investissement, tant que celui-ci n’équivaut pas à un remboursement tel que décrit ci-dessus.

C’est l’objet du FCTVA, que l’on peut définir comme un mécanisme de compensation destiné à soutenir l’investissement local. Les attributions des dépenses d’investissement des collectivités territoriales à ce titre sont donc calculées sur la base d’un taux forfaitaire (16,04 %) qui s’applique aux dépenses d’investissement et de fonctionnement éligibles.

Les dépenses éligibles à cette compensation sont définies par le code général des collectivités territoriales, en particulier au sein de son article L. 1615-1. Ces dépenses correspondent principalement aux dépenses relatives à l’entretien des bâtiments et de la voirie publique. En outre, ont été ajoutées au sein de ce périmètre, les dépenses de fonctionnement relatives à l’entretien des réseaux payés à compter du 1er janvier 2020, (LFI pour 2020), les dépenses relatives aux services de l’informatique en nuage (LFR3 pour 2020) et les dépenses associées aux documents d’urbanisme des collectivités territoriales (LFR pour 2021).

Budgétairement, le FCTVA constitue un prélèvement sur les recettes de l’État destiné aux collectivités territoriales. Il représentait, en 2021, 6,7 milliards d’euros (Md€), pour un niveau total de 53,5 Md€ de dépenses d’équipement, hors subventions, des collectivités territoriales. Les ressources de ce fonds bénéficient principalement au bloc communal (68 %), et d’une façon plus secondaire aux départements (16 %) et aux régions (10 %) ([30]) .

Concernant le versement effectif des ressources du FCTVA aux collectivités concernées, plusieurs régimes existent, tels que définis à l’article L. 1615-2 du code général des collectivités territoriales :

– un versement en année N + 2, soit le régime de droit commun ;

– un versement « accéléré » en année N + 1 pour les collectivités (autres que les communautés de communes et communautés d’agglomération) qui ont pris des engagements en 2009 et 2010 visant à accroître leurs dépenses d’investissement, ayant respecté leurs engagements ainsi que les communes membres d’EPCI appliquant la mise en commun de la dotation globale de fonctionnement (article L. 5211-26-2 du code général des collectivités territoriales) ;

– un versement en année N pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communes nouvelles, les métropoles issues de communauté d’agglomération, les communautés urbaines se substituant à une communauté d’agglomération, les établissements publics territoriaux et les collectivités bénéficiant de dérogations.

Ces différents régimes permettent notamment de lisser le soutien public à l’investissement destiné aux collectivités en fonction du cycle électoral.

Enfin, une réforme intervenue en loi de finances pour 2021, a mis en œuvre une automatisation de la gestion du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les dépenses exécutées à compter du 1er janvier 2021. Cette réforme est venue simplifier le versement des ressources concernées, en remplaçant le système déclaratif existant (déclaration aux préfectures des dépenses éligibles) par un système d’imputation automatique de ces dépenses dans les comptes des collectivités.

  1.   L’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage au financement des équipements concernés : unE règle visant À garantir un financement efficient et efficace des projets d’investissement portés par les collectivités territoriales

L’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales fixe un principe d’obligation de participation minimale relatif au financement des projets d’investissement dont les collectivités territoriales sont maîtresses d’ouvrage.

Cette règle a été créée, en droit, par l’article 76 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales.

Tel que rappelé au sein de l’étude d’impact, son objectif était à la fois « d’accélérer la réalisation des projets, d’éviter le saupoudrage, et de lutter contre les phénomènes de concurrence entre cofinanceurs qui permettent à des maîtres d’ouvrage de lancer, à moindre coût initial, des projets dont le coût d’entretien et de fonctionnement peut grever durablement leurs capacités financières ».

En pratique, cette règle conduit le maître d’ouvrage à assurer une participation minimale au projet concerné fixée à 20 % du montant total des financements apportés au projet par des personnes publiques.

Il existe toutefois des dérogations de plusieurs natures permettant de limiter cette contrainte.

Ces dérogations peuvent être accordées par le représentant de l’État en lien avec la nature de l’opération et/ou les circonstances de sa mise en œuvre (projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés au titre du code du patrimoine ; opérations urgentes sur le patrimoine non protégé ou guidées par la nécessité publique, opérations concernant les ponts et ouvrages d’art, réparations de dégâts causés par des calamités publiques, opérations de restauration de la biodiversité de sites Natura 2000 dans certaines conditions, etc.).

D’autres dérogations sont également prévues par la loi concernant notamment certains projets d’investissement mis en œuvre par les EPCI de Corse, certains projets financés par le Fonds européen de développement régional (FEDER), et pour les projets menés dans le périmètre de l’article 9 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Enfin, il convient de noter que cette règle ne s’applique pas au sein des collectivités territoriales et groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy,
Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

  1.   Les fonds de concours intercommunaux : Un dispositif dérogatoire au principe de spécialitÉ budgétaire permettant aux EPCI de soutenir les projets d’investissement de leurs communes membres

Les fonds de concours intercommunaux constituent un soutien des EPCI à fiscalité propre vis-à-vis de leurs communes membres, dans le but de financer un équipement.

Pour mémoire, les EPCI à fiscalité propre sont régis par le principe de spécialité, qui implique que toute intervention budgétaire de l’EPCI s’effectue au sein de son périmètre territorial et fonctionnel de compétences.

En application de ce principe, le budget de l’établissement concerné ne peut donc comporter que les dépenses ou recettes se rapportant à l’exercice de ses compétences.

Le législateur a toutefois prévu des dérogations à ce principe, afin de faciliter la pratique de financement croisé entre un EPCI et ses communes. Il est ainsi possible, pour un EPCI, d’instituer un fonds de concours visant à financer un équipement porté par une ou plusieurs de ses communes membres.

Les fonds de concours autorisés sont définis au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il s’agit des fonds de concours pour les communautés de communes (article L. 5214-16 du CGCT), les communautés d’agglomération (article L. 5216-5 du même code), les communautés urbaines (article L. 5215-26 du même code) et les métropoles (article L. 5215-26 du même code).

Le montant total des fonds de concours fait l’objet d’un plafonnement, fixé par la loi. Les différents articles du code général des collectivités territoriales prévoient en effet que leur montant ne peut excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.

  1.   le dispositif proposÉ
    1.   le texte initial

Face aux dégâts constatés, le présent article vise à permettre la mobilisation maximale de tous les leviers de financement disponibles afin de réduire le reste à charge pour les collectivités territoriales concernées par les actes de dégradation et de démolition liés aux violences urbaines survenues du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023.

C’est la raison pour laquelle, au-delà des financements correspondant, le cas échéant, à l’engagement de la responsabilité de l’État au titre de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure (régime de responsabilité sans faute) et la mobilisation des assurances souscrites par les collectivités territoriales, le cas échéant, il est proposé de mobiliser les autres leviers que sont le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et les fonds de concours, dans des conditions dérogatoires au droit commun, afin de maximiser la prise en charge et la rapidité des versements correspondants pour les collectivités territoriales concernées.

L’article 3, dans sa version initiale, prévoit, en conséquence, que le Gouvernement est autorisé, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance plusieurs mesures relevant du domaine de la loi dans un délai deux mois à compter de la publication de la présente loi. Cette habilitation concerne trois éléments relatifs au financement de la réparation et de la reconstruction rapides des bâtiments et équipements publics dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023.

Le premier alinéa de cet article fixe le principe de l’habilitation du Gouvernement à intervenir par ordonnance.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que le Gouvernement est ainsi autorisé, par voie d’ordonnance, à intervenir dans le domaine législatif pour déterminer le régime de prise en charge des dépenses éligibles réalisées par les bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée dont l’objet est de réparer les dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction liés aux événements de voie publique survenus du 27 juin 2023 au 5 juillet 2023.

Cette première habilitation vise, en pratique, à créer une dérogation au régime de droit commun de versement de la compensation de la TVA aux collectivités, afin de réduire le délai de mise à disposition des fonds concernés. L’objectif affiché par le Gouvernement est de permettre que les dépenses éligibles au FCTVA exécutées dans le cadre précité fassent l’objet d’une attribution systématique et pour tous les bénéficiaires l’année d’exécution de ces dépenses.

Cet alinéa renvoie, en conséquence, à l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, qui définit la nature des dépenses concernées par la compensation prévue au titre du FCTVA.

Le troisième alinéa de cet article prévoit, pour sa part, que seront définies, par voie d’ordonnance, les modalités de dérogation à l’obligation de participation minimale qui pèse sur les collectivités territoriales lorsqu’elles sont maîtres d’ouvrage de projets d’investissement visant à réparer les dommages directement causés par les actes de dégradation et de démolition précités.

Il s’agit, en pratique, de prévoir une dérogation au principe de participation minimale au financement des projets concernés (20 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques) afin de permettre aux collectivités concernées de bénéficier de subventions pouvant aller jusqu’à 100 % du coût des travaux.

Cet alinéa mentionne, en conséquence, l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, dont le premier alinéa définit ce taux de participation minimal au financement desdits projets.

Le quatrième alinéa de cet article prévoit, enfin, que seront déterminées, par ordonnance, les modalités de dérogation au plafond des fonds de concours dont peuvent bénéficier les collectivités territoriales en vue de financer les réparations des dommages précités. Ces fonds de concours font en effet l’objet d’un plafonnement, puisque le montant total des fonds de concours ne peut excéder, en l’état du droit, la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.

Cet alinéa vise, en pratique, à supprimer cette limite, dans le cas présent, pour faciliter la mobilisation des ressources disponibles dans le but d’accélérer la réparation des dommages précités.

Les articles visés au sein de cet alinéa correspondent aux fonds de concours mis en œuvre par les communautés urbaines (article L. 5215-26 du code général des collectivités territoriales), les communautés de communes (article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales) et les communautés d’agglomération (article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales).

Enfin, le dernier alinéa dudit article prévoit que le Gouvernement dépose un projet de ratification des ordonnances concernées dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au sein de cet article.

  1.   les modifications adoptÉES par le SÉNAT

Au Sénat, la commission des affaires économiques a sollicité l’avis de la commission des finances sur l’article 3. En commission et en séance publique, le Sénat a adopté l’article sans le modifier.

  1.   les dispositions adoptÉES par la commission

Suivant l’avis de son rapporteur, la commission des affaires économiques n’a pas modifié l’article.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires économiques a examiné le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 (M. Jean-Paul Mattei, rapporteur).

M. le président Guillaume Kasbarian. Notre commission examine ce matin le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023, selon le titre précisé par le Sénat.

Ce texte, annoncé comme un texte d’urgence par le Président de la République, est examiné dans des conditions particulières : soumis au conseil des ministres jeudi dernier, il a été étudié au Sénat lundi en commission et hier en séance publique. Notre Assemblée se prononcera dès demain matin dans l’hémicycle. Si le projet de loi devait être adopté conforme, la procédure législative prendrait fin. Dans le cas contraire, une commission mixte paritaire se réunirait demain à vingt heures et, si elle aboutissait, la lecture de ses conclusions aurait lieu vendredi. Si la CMP n’était pas conclusive, une nouvelle lecture serait nécessaire ce week-end ou la semaine prochaine.

L’inscription de ce texte à l’ordre du jour nous conduit à repousser l’examen de deux rapports d’information. L’un, sur les contrôles opérés dans les exploitations agricoles, sera probablement présenté dans la seconde quinzaine de septembre ; le second, issu des travaux de la mission d’information commune, avec la commission du développement durable, sur la rénovation énergétique des bâtiments devrait être examiné le mercredi 4 octobre.

Le projet de loi d’urgence comporte trois articles habilitant le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures relevant du domaine législatif afin de faciliter et d’accélérer la reconstruction des bâtiments publics ou privés détruits ou dégradés lors des récentes émeutes.

En matière d’habilitation, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire depuis une décision du 31 juillet 2014 : si les parlementaires peuvent réduire ou préciser le champ ou la portée d’une habilitation, ils ne peuvent, à l’inverse, étendre le champ de cette habilitation sans méconnaître les exigences du premier alinéa de l’article 38 de la Constitution. J’ai donc été amené à déclarer irrecevables seize amendements qui étendaient le champ des habilitations prévues par le projet de loi.

Par ailleurs, vingt-cinq amendements constituaient manifestement des cavaliers législatifs sans lien direct ou indirect avec les trois articles du projet de loi. Je les ai donc déclarés irrecevables en application de l’article 45 de la Constitution. J’ai ainsi écarté, par exemple, des amendements qui ne se rattachaient pas aux récentes violences urbaines ou qui portaient sur la réparation de dégâts autres que ceux touchant aux bâtiments. Trois amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution et trois autres constituaient des injonctions. Au total, il nous reste soixante et un amendements à examiner sur un texte adopté à l’unanimité au Sénat.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Je le dis d’emblée, le texte ne porte pas sur les causes des émeutes urbaines. Si tel était le cas, non seulement le recours à la procédure d’urgence serait malvenu mais les trois articles qu’il contient seraient loin d’être suffisants pour épuiser le sujet. La recherche d’un vote conforme ou d’une adoption consensuelle rapide serait sans doute vaine également.

Le projet de loi a recueilli l’unanimité du Sénat, malgré la diversité de ses sensibilités, qui est presque équivalente à celle de l’Assemblée. Mon souhait le plus cher est de parvenir au même résultat ici. Ce serait un message fort adressé aux élus.

Il n’est pas question de nier nos désaccords sur les causes des émeutes et les réponses à apporter pour qu’elles ne se reproduisent pas. Cependant, quelle que soit notre lecture des événements – insuffisance de la politique de la ville, excès de laxisme, manque de rappel de l’autorité, absence d’adultes, crédits trop généreux ou pas assez pour la police ou le social, liens défectueux entre la police et la justice, ou simple prétexte à une prédation bien plus basique –, aucun d’entre nous ne peut refuser d’admettre que les bâtiments démolis, détruits par le feu ou abîmés doivent être reconstruits le plus vite possible. Ces stigmates rappellent à une partie des habitants les émeutes.

Les bâtiments touchés lors des violences urbaines entre le 27 juin et le 5 juillet ont été plus nombreux que lors des émeutes de 2005. Plus d’un millier de commerces sont ainsi concernés, parmi lesquels les tabacs et pharmacies ont payé un tribut particulièrement lourd.

S’agissant des bâtiments publics, ce sont des symboles de nos institutions qui ont été visés, dont des commissariats, des brigades de gendarmerie et des postes de police municipale – 274 au total –, 105 mairies, 243 établissements scolaires, 47 établissements dépendant de la justice à un titre ou à un autre, trois centres hospitaliers ainsi que des médiathèques, des gymnases, des crèches, des centres culturels ou encore des locaux associatifs.

L’objectif du Gouvernement est de faire adopter les quelques mesures législatives permettant aux maires ou aux propriétaires de reconstruire plus vite.

Je sais la réticence de principe du Parlement à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Mais s’il y a un cas dans lequel le recours à cette procédure se justifie, en raison de l’urgence et de la grande technicité des dispositions nécessaires, c’est bien celui-là.

L’objet de l’habilitation est limité à double titre : d’une part, celle-ci porte uniquement sur les bâtiments qui ont été dégradés entre le 27 juin et le 5 juillet ; le Sénat l’a toutefois étendue aux équipements publics afin d’intégrer le mobilier urbain et les portions de voirie dégradés ; d’autre part, elle ne concerne qu’une partie des 800 bâtiments touchés puisque le droit actuel permet de couvrir 60 à 80 % des travaux nécessaires. Les trois articles visent à combler les quelques trous dans la raquette que nous avons repérés.

Le droit en vigueur autorise généralement la reconstruction à l’identique mais l’évolution des normes environnementales ou en matière de sécurité empêche souvent son application. L’article 1er permet donc de considérer comme identique une reconstruction qui intègre les nouvelles normes. Ensuite, il autorise à commencer les travaux sans attendre l’autorisation définitive. Pour les travaux préparatoires, les terrassements et les démolitions éventuelles avant reconstruction, ce sont des semaines voire des mois qui peuvent être gagnés. Le fait de pouvoir mener en parallèle les instructions, ajouté à l’application du principe selon lequel le silence vaut acceptation dans des délais restreints, viennent compléter le dispositif pour pallier les lacunes existantes.

Le deuxième article a trait aux marchés publics. Nous ne supprimons en aucune manière la mise en concurrence. Nous supprimons la publicité, là encore dans des cas restreints, en deçà d’un seuil qui devra être précisé par ordonnance. Il sera significativement inférieur aux 5,3 millions d’euros du seuil européen mais sensiblement supérieur à un million d’euros. Nous ne pouvons guère aller au-delà, comme le souhaiterait le Sénat, en raison des règles applicables aux marchés présentant un intérêt transfrontalier certain ; il devrait donc se situer autour de 1,5 million d’euros.

Enfin, s’agissant du zéro reste à charge, l’article 3 permet de récupérer le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) dans l’année où la TVA est payée ; de supprimer l’obligation de 20 % de participation minimale de la collectivité qui a subi les dégâts au financement des travaux ; de supprimer le plafond de soutien qu’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut apporter à une commune dans le cadre d’une opération qui ne correspond pas à sa compétence. Quand nous aurons fait tout cela, nous aurons fini.

La position du Gouvernement est simple : faire adopter le projet de loi dans une forme qui ne préempte pas les débats à venir. Je sais la tentation de procéder à des modifications sémantiques, mais cela ouvrirait le débat sur les causes. Or nous ne pouvons pas le faire à moitié, au détour d’un mot ou d’une phrase, un 20 juillet. Nous devons prendre le temps pour un tel échange tranquillement à la rentrée. Voilà dans quel état d’esprit je défendrai le texte ce matin.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Ce texte se présente, de manière un peu inhabituelle, sous la forme de trois articles d’habilitation à prendre des ordonnances. Cette méthode, je veux insister sur ce point, que nous n’acceptons en temps normal qu’à la marge, se justifie pleinement dans le cas présent.

Bien que le temps presse, les mesures dérogatoires nécessitent un travail d’expertise approfondi, notamment en matière de règles d’urbanisme, de procédures d’instruction des permis de construire, ou encore de règles de la commande publique, et non d’être rédigées à la hâte à la fin du mois de juillet.

En outre, la rédaction des habilitations, sur laquelle nos collègues sénateurs ont déjà travaillé, est précise et ciblée. Elle permet des dérogations circonscrites et limitées, pendant une durée restreinte, dans le cadre d’ordonnances qui devront être publiées dans les trois mois à compter de la promulgation du présent texte. L’examen au Sénat a été l’occasion d’apporter des précisions utiles sur la portée de ses dispositions.

Je tiens à cet égard à saluer le travail accompli par Mme Sophie Primas, rapporteure pour la commission des affaires économiques du Sénat, et par les rapporteurs pour avis Mme Catherine Di Folco et M. Vincent Delahaye, avec lesquels nous avons eu des échanges fructueux depuis le début de l’examen du texte. Je veux aussi souligner l’engagement et l’efficacité du Sénat lequel, en adoptant le texte à l’unanimité, après le dépôt de sept amendements en commission et de cinq amendements en séance publique, a permis de nous transmettre le texte rapidement.

Nous avons pu entendre les représentants de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF) et de France urbaine ainsi que les administrations concernées. Ces auditions, en présence de députés que je remercie de s’être rendus disponibles, ont été l’occasion d’échanges francs et riches sur la portée des dispositions.

L’article 1er habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures propres à accélérer la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés lors des violences urbaines : d’abord, pour autoriser leur reconstruction à l’identique, ou sous réserve de modifications limitées et d’amélioration justifiées, même si les règles d’urbanisme en vigueur s’y opposent. Cette dérogation ponctuelle aux dispositions d’urbanisme a globalement emporté l’adhésion des acteurs, et notamment des associations de collectivités que nous avons rencontrées.

Ensuite, pourraient être engagés des travaux préliminaires dès avant la délivrance de l’autorisation d’urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable. Il s’agit d’une disposition intéressante qui devrait permettre d’avancer lors de travaux tels que les démolitions, les terrassements, l’élaboration des fondations, dans le laps de temps qui sépare le dépôt de la demande de l’octroi de l’autorisation. Cette mesure serait très encadrée par l’obligation de procéder à une reconstruction à l’identique.

Enfin, afin d’accélérer le traitement des demandes d’autorisation d’urbanisme, les délais de consultation des différentes instances ou autorités, qui peuvent aujourd’hui s’étendre jusqu’à six mois, seraient ramenés, moyennant la mobilisation des services instructeurs, à une durée avoisinant six semaines.

L’article 2 habilite le Gouvernement à instaurer un régime dérogatoire à certaines règles de la commande publique pour les marchés de travaux sur les bâtiments concernés.

Ces dérogations permettraient aux acheteurs publics, premièrement, de passer des marchés publics sans publicité, mais avec mise en concurrence, pour des travaux dont le montant serait inférieur à un seuil défini dans l’ordonnance, sur lequel nous reviendrons dans nos débats. Il convient de fixer un montant bien supérieur au seuil de droit commun qui est de 100 000 euros. Nous escomptons d’une telle dérogation un gain de temps d’environ quatre semaines.

Deuxièmement, il s’agit de permettre aux acheteurs publics de ne pas allotir leurs marchés – les dérogations à cette obligation sont très encadrées par le code de la commande publique. Dans la même veine, les acheteurs publics pourraient conclure plus facilement des marchés globaux, qui portent à la fois sur les études et l’exécution des travaux. Dans certains cas, cette faculté permettrait de gagner plusieurs mois.

L’article 3 habilite le Gouvernement à prendre trois types de mesures visant à faciliter le financement, par les collectivités territoriales, des travaux de réparation et de reconstruction nécessaires. Il s’agit d’abord de rendre les versements du FCTVA contemporains des dépenses, c’est-à-dire dans l’année au cours de laquelle les travaux ont été réalisés et payés, et non dans l’année n+2 comme le prévoit le droit commun.

Ensuite, l’article prévoit de déroger à l’exigence de participation minimale des collectivités territoriales ou des groupements maîtres d’ouvrage au financement de leurs projets d’investissement. Fixée à 20 % dans le droit commun, cette participation minimale serait portée jusqu’à 100 % du coût des travaux.

Enfin, il serait possible de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, dont les attributions ne peuvent aujourd’hui excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.

Ces trois dispositifs ne prétendent pas couvrir de manière exhaustive les besoins de financement des collectivités pour effectuer les réparations, mais ce sont des outils bienvenus pour faciliter et accélérer le financement des travaux, contribuant ainsi à soulager les collectivités et leur trésorerie. Ils accompagnent utilement la création du fonds visant à financer le reste à charge pour les collectivités territoriales concernées, prévu par la circulaire de la Première ministre en date du 7 juillet.

J’estime que les dispositions du projet de loi sont nécessaires et équilibrées, et je vous propose d’adopter le texte sans modification, ce qui n’empêche pas le débat.

La restauration de nos quartiers devra être menée sur le long terme et les problématiques de ces territoires méritent d’être abordées bien plus largement, mais ce projet de loi nous permet d’apporter des réponses utiles aux problèmes les plus urgents.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux orateurs des groupes. Chacun d’entre eux disposera de quatre minutes, dont une au moins sera affectée à la réponse du rapporteur.

M. Robin Reda (RE). Ce texte me tient tout particulièrement à cœur car je suis élu d’une circonscription frappée par les émeutes urbaines qui se sont déroulées entre le 27 juin et le 7 juillet. Un peu plus de deux semaines après la fin des terribles violences qui ont embrasé nos villes, ce projet de loi devrait permettre aux maires et aux élus locaux de reconstruire rapidement les bâtiments publics détruits et de manière à mieux assurer la sécurité, l’accessibilité et la sobriété de nos services publics.

Près de 1 000 bâtiments et équipements publics, dans plus de 500 villes, ont été saccagés sans raison, si ce n’est sous l’impulsion d’une forme de haine ou le rejet de notre modèle de société et de notre mode de vie. Les émotions, quelles qu’elles soient, ne sauraient justifier de telles exactions. Rien ne justifie que l’on s’attaque aux mairies, aux écoles, aux associations, aux commissariats. Lorsque l’on s’en prend aux symboles de la République, c’est chaque citoyen que l’on insulte. C’est le long fil de la vie tenu par nos services publics que l’on prend pour cible. Rien n’excusera non plus que l’on agresse des élus, dont le seul crime aura été de s’engager au service de leur pays.

Ce projet de loi est attendu et je salue, au nom de mon groupe, la réactivité du Gouvernement puisque, dès le 5 juillet, la Première ministre rappelait aux préfets, par voie de circulaire, l’état du droit, les exceptions prévues en matière d’urbanisme et de commande publique pour engager rapidement la reconstruction. Ce texte permettra d’accélérer les reconstructions et d’en faciliter le financement, grâce à l’habilitation accordée au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance.

L’État est dans son rôle. La reconstruction est souhaitable car nous devons apporter des services publics à des habitants qui n’y sont pour rien et s’en trouvent privés du seul fait d’habiter dans des quartiers touchés par les émeutes. Au-delà, nous devrons nous interroger sur les raisons profondes qui ont conduit à ces émeutes et en tirer les conséquences pour notre politique sociale et judiciaire.

Ce texte est bien celui de la clarté, de l’efficacité, de la responsabilité. Nous espérons qu’il donnera lieu à un vote conforme.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Il faut agir vite pour envoyer un signal positif aux quartiers tragiquement frappés et choqués par les événements. Ce texte d’urgence est nécessaire pour que, rapidement, les services publics retrouvent leur place dans ces quartiers.

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le ministre, j’ai bien écouté votre discours et j’ai bien compris qu’il ne fallait pas parler des causes, ce qui revient à nous demander d’aller voir ailleurs et de faire comme si nous examinions un texte qui aurait tout aussi bien pu concerner un ouragan ou un séisme. C’est préoccupant pour nos concitoyens qui se rendent bien compte que la seule réponse que vous leur apportez, pour le moment, est le financement de la reconstruction, sans expliquer comment vous comptiez reconstruire, ni avec quel argent. Finalement, la vache à lait sera encore le contribuable français pour financer ce que les émeutiers ont détruit !

Je ne ferai pas de polémique autour de l’irrecevabilité car, grâce à notre habileté, nous avons réussi à contourner les obstacles et à imposer nos amendements. Je regrette néanmoins, monsieur le président, que vous ayez poussé le vice jusqu’à écarter nos propositions portant sur le titre, lequel n’a aucune portée normative. Vous auriez pu faire preuve d’un peu plus de souplesse… Peu importe. Le financement de la reconstruction reste notre principale préoccupation.

Je terminerai en vous faisant part du malaise que j’ai ressenti à la lecture de certains amendements déposés par le groupe LFI-NUPES, notamment par Mme Raquel Garrido qui récidive en tenant à ce que les émeutes soient considérées comme des révoltes urbaines, ce qui tend à légitimer la violence de bon nombre d’individus qui n’ont que de la haine pour la France et ses symboles. C’est insupportable. Pour avoir subi durant de longues années, dans ma modeste carrière politique, des leçons de républicanisme de la part d’une certaine gauche, en particulier les socialistes, je m’étonne que cette dernière reste silencieuse aujourd’hui à leur égard. Qu’elle commence par donner des leçons à ses propres partenaires plutôt que de chercher querelle aux autres dont le comportement est parfaitement républicain.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Restons concentrés sur le texte. Concernant le financement, les assureurs prendront leur part, le cas échéant, car les bâtiments sont assurés. C’est un texte d’urgence : nous ne balayons pas d’un revers de la main les événements graves qui se sont produits mais nous en débattrons à un moment plus opportun.

M. Christophe Béchu, ministre. L’urgence a commandé la rédaction de ce texte et je regrette de ne pas avoir eu le temps de rencontrer les groupes en amont comme j’avais pu le faire avant l’examen du texte relatif à la zéro artificialisation nette.

D’autre part, nous ne connaissons pas encore l’étendue des dégâts. Jusqu’au 30 septembre, date à laquelle les collectivités auront dû nous transmettre leurs estimations, je ne connaîtrai pas le montant de la facture, d’autant plus que nous ne savons pas encore quelle part sera prise en charge par les assureurs.

Enfin, la question de la réparation par ceux qui ont cassé est légitime mais elle relève de la justice et non de la loi. Surtout, cette question mérite mieux que quelques minutes de discussion en plein mois de juillet. Nous devrons aborder le sujet au fond.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nous sommes réunis ce matin pour examiner le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet, en réplique à l’homicide volontaire d’un mineur, Nahel, par la police, à Nanterre, le 27 juin 2023. Il y a bien un fait générateur à tous ces événements. J’entends dans la salle les brouhahas gênés de collègues qui souhaiteraient que, surtout, on cache sous le tapis ce fait, ce prénom, Nahel. On me dit que ce n’est pas un homicide volontaire. Le policier est présumé innocent mais pour le moment, la justice a retenu le chef d’homicide volontaire, c’est-à-dire de meurtre, du fait de l’existence d’indices graves et concordants en ce sens. Bien entendu, la justice qualifiera in fine les faits, au terme d’une longue procédure.

En tout état de cause, ne pas parler du fait générateur trahit votre mépris d’une situation qui se répétera, si vous ne la regardez pas en face.

Si vous voulez faire du bien aux maires, aux usagers, aux populations concernées, qui n’ont plus accès aux biens dégradés, posez-vous la question de ce que vous pouvez faire en tant que législateurs. Tout n’est pas que matériel. Le problème tient aussi à des raisons immatérielles. Certains d’entre nous, dans les quartiers populaires, ont le sentiment que certains d’entre vous considèrent que nous ne sommes pas des Français comme les autres, parce que nos ascendants, voire nous-mêmes, sont immigrés, parce que nos enfants sont descendants d’immigrés, parce que nous n’avons pas la bonne couleur de peau, ni la bonne religion. Si vous n’abolissez pas cette petite culture de la guerre civile, qui est entretenue largement dans notre pays, pas seulement par l’extrême droite, vous n’aurez pas la paix. Or la paix, seule, compte. Elle est le fruit de la construction politique d’un consentement à la règle commune.

Si je pouvais continuer, je vous parlerais de l’abrogation du quatrième alinéa de l’article L.435-1 du code de la sécurité intérieure, relatif à l’usage des armes à feu, et du racisme dans la police.

M. Christophe Béchu, ministre. Chacun dira ce qu’il souhaitera dans l’hémicycle mais je vous invite à ne pas revendiquer le monopole des quartiers. Il y a ici des gens qui n’appartiennent pas à LFI-NUPES, qui connaissent des habitants de ces quartiers, voire qui y habitent et qui ne se reconnaissent pas dans un discours qui consisterait à excuser, en raison d’un acte inqualifiable, ce qui s’est passé ensuite.

Vous qualifiez pudiquement d’événements ces émeutes urbaines, vous nous reprochez de ne nous attacher qu’à l’aspect matériel, mais la disparition d’une médiathèque ou d’une crèche est lourde de conséquences immatérielles pour les usagers ! Si vous considérez que le seul sujet est la relation entre la police et la population, nous aurons en effet du mal à nous entendre.

M. Thibault Bazin (LR). Les violences perpétrées nous ont scandalisés. Les dégâts sont énormes. S’en prendre à des commissariats, des brigades de gendarmerie, des mairies, des établissements scolaires, des bibliothèques, des maisons de quartier, des centres hospitaliers, des crèches, est inadmissible. Les auteurs devront être poursuivis et sanctionnés. Ils devront également participer au financement des reconstructions, par des amendes pénales. C’est une question de justice.

Cela étant, nous devons restaurer l’intégralité des services publics, dans tout le territoire, ce qui suppose de reconstruire les bâtiments, les équipements et les espaces publics. Il y a urgence, notamment pour les écoles qui devront être en état de fonctionnement dès la prochaine rentrée scolaire. Pour construire, il faut obtenir des autorisations, passer des marchés et trouver des financements. Ce projet de loi prévoit d’alléger les procédures, de réduire les délais et d’assouplir les règles pour obtenir les financements. Nous le soutiendrons car, en l’état du droit actuel, il ne serait pas possible de reconstruire à l’identique la totalité des biens dégradés ou détruits, ni de sécuriser les donneurs d’ordre pour accélérer les marchés publics. Même si le texte ne prévoit pas de financement direct par l’État des reconstructions, la possibilité de déterminer des modalités particulières de versement des attributions destinées aux bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre des dépenses éligibles à un financement dans ce cadre, faciliterait le financement des opérations dès cette année. De même, la possibilité offerte aux collectivités de bénéficier de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux et de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, sont des mesures qui vont dans le bon sens.

Il sera peut-être nécessaire de soutenir financièrement les commerces et les services qui ont été vandalisés, comme les cafés ou les pharmacies, s’ils ne sont pas totalement couverts par leur assurance. Il demeure la question du financement par l’État de ses propres bâtiments dégradés. D’ici à l’automne, un chiffrage devra être établi. Il conviendra dès lors de prendre des mesures de sûreté pour mieux protéger ces bâtiments d’État telle que la trésorerie, par exemple en déployant la vidéoprotection.

Alors que notre pays va traverser une grave crise de la construction, que des besoins de reconstruction se font ressentir dans des espaces qui n’ont pas été concernés par les émeutes, il semble nécessaire que le Gouvernement engage, à la sortie de l’été, une réforme structurante pour simplifier l’urbanisme et les marchés. Nous en sommes déjà au quatrième projet de loi en un an qui met en évidence la nécessité d’alléger les contraintes qui pèsent sur le droit de l’urbanisme.

Les trois articles du texte prévoient d’habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Nous n’apprécions pas la méthode mais aller vite et bien sur des sujets techniques tend à le justifier au regard du contexte. Pour autant, nous invitons le Gouvernement à les présenter le moment venu au Parlement afin qu’il les ratifie. La pratique inverse, malheureusement, est de plus en plus fréquente.

Nous invitons surtout le Gouvernement à ne pas perdre le temps censé être gagné grâce aux dispositions dérogatoires prévues par le texte et à passer les marchés publics au plus vite.

Enfin, le projet de loi ne tend qu’à faciliter la reconstruction matérielle. Ce n’est pas suffisant pour ne plus revivre une telle tragédie. Nous espérons que le Gouvernement s’appliquera au plus vite à restaurer l’autorité à différents niveaux et à porter une ambition d’intégration républicaine à même de partager un destin commun, animé par l’amour de la France.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Je suis d’accord : le Parlement devra ratifier ces ordonnances très techniques.

M. Inaki Echaniz (SOC). Mon groupe condamne sans réserve les violences qui ont frappé de nombreux quartiers entre le 27 juin et le 5 juillet. Une enquête est en cours pour rendre justice à Nahel Merzouk et mon groupe participera à la mission d’information sur la loi de 2017 relative au recours aux armes par la police.

L’heure est désormais à l’union, à l’apaisement et à la reconstruction. Le projet de loi tend à traduire notre soutien unanime aux élus, aux victimes et à toutes les personnes frappées par les violences et les destructions. Reconstruire en priorité, c’est signifier aux femmes et aux hommes qui vivent dans les zones touchées que nous ne les abandonnons pas. Ce texte, en ces circonstances exceptionnelles, est le bienvenu. Je le dis d’emblée, nous le voterons.

Je remercie le rapporteur pour les discussions que nous avons eues hier. Nous espérons que le Gouvernement saura à présent nous apporter des éclaircissements et expliquer le contenu des ordonnances.

Le texte prévoit des mesures d’urgence pour faciliter la reconstruction des bâtiments publics ou privés. Si l’objectif d’accélérer les travaux est compréhensible, je souhaite vous alerter, dans un premier temps, quant aux délais d’expertise des assureurs et aux conflits qui pourraient surgir entre l’assuré et l’assureur si l’évaluation est contestée. En cas de désaccord, la procédure pourrait durer plusieurs mois. Comment faire pour que ces obstacles n’empêchent pas de mobiliser les fonds nécessaires à la reconstruction des infrastructures ?

D’autre part, s’il a été tenu compte des préconisations du Conseil d’État, des observations peuvent être formulées. L’article 1er, qui prévoit la possibilité de reconstruire à l’identique certains bâtiments en dehors du cadre légal actuel, emporte le risque de reproduire les constructions low cost qui ont vu le jour dans les années 1960 et 1970. Il serait préférable d’encourager autant que possible la construction de bâtiments plus accessibles, confortables et vertueux pour l’environnement, notamment à l’heure de la lutte contre les passoires énergétiques, en hiver comme en été. Ce serait un investissement d’avenir.

L’article 2 prévoit des dérogations aux règles classiques de la commande publique en relevant le seuil d’obligation de publicité pour les travaux dont le montant serait supérieur à 1 million d’euros. Ce seuil avait déjà été relevé exceptionnellement à 100 000 euros lors de la pandémie puis pérennisé. J’appelle votre attention sur les conséquences de cette hausse significative qui pourrait favoriser les structures plus informées et imposantes dans les territoires et augmenter le coût des travaux. De surcroît, cette mesure pourrait aggraver le risque pour les élus en cas de contentieux.

Nous mesurons l’importance de réparer nos territoires. Faisons-le avec exigence et ambition. Nous proposerons des amendements pour améliorer le texte.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Vous posez des questions légitimes. J’espère que nous aurons des réponses au banc, qui nourriront la rédaction des ordonnances et éclairciront l’application des textes.

M. Thierry Benoit (HOR). Les commissaires du groupe Horizons sont tous présents ce matin pour œuvrer humblement afin que ce projet de loi soit adopté conforme. Il faut être efficace et tenir les délais : l’urgence, c’est la réparation matérielle qui effacera les stigmates des émeutes urbaines. La vie reprendra ainsi son cours dans les quartiers meurtris par les violences. Les écoles, les équipements sportifs et culturels destinés aux plus jeunes, les crèches doivent fonctionner. Cela vaut aussi pour les équipements privés, notamment les commerces.

Le projet de loi adapte le code de l’urbanisme en simplifiant et en accélérant l’instruction des projets. Il adapte aussi les règles de la commande publique, en autorisant à passer des marchés publics sans publicité mais avec une mise en concurrence – la question de l’adaptation des plafonds des seuils de marché à la réglementation européenne demeure en suspens. Il aborde enfin la question du financement et vise le zéro reste à charge pour les collectivités.

Il reste deux inconnues : d’une part, il faudra identifier et désigner les responsables de ces actes ; d’autre part, nous devrons connaître le montant définitif des dégâts, et ce qui sera couvert par les assurances.

Les auditions organisées par M. le rapporteur ont permis de constater que l’AMF et France urbaine sont favorables à ce texte.

Naturellement, la réparation matérielle ne doit pas nous faire oublier la réparation immatérielle et morale. Je suis élu depuis seize ans, et je sais que nous nous efforçons tous de faire en sorte que le vivre-ensemble demeure le maître mot de notre société.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Je me félicite de ces propos très sages, et je confirme que l’AMF et France urbaine approuvent ce texte.

M. Philippe Vigier (Dem). Le groupe Démocrate soutient naturellement ce texte d’urgence. Il faut aller vite car l’attente est forte. Nous avons tous en tête ces images de bâtiments dévastés, publics et privés, ces 500 communes touchées, en milieu urbain comme en milieu rural. Il faut réparer, et nous devons être à la hauteur de l’enjeu, comme les sénateurs l’ont été. Ce texte doit être voté conforme pour que nous puissions dire dès la fin de la semaine aux Français que le Parlement a su se réunir en plein été et décider d’aller vite.

Le projet de loi aborde trois sujets : l’urbanisme – il ne s’agit pas, vous l’avez dit, de pénaliser les collectivités qui ont fait évoluer leur plan local d’urbanisme –, les financements – des systèmes dérogatoires permettront de financer 100 % des projets, les règles des fonds de concours sont modifiées, la TVA pourra être récupérée la même année. Nous serons ainsi plus rapides, plus efficaces. Sur la mise en concurrence, nous comptons sur le ministre qui saura fixer le montant qui réponde aux attentes.

C’est l’action publique qui se met en marche. Nous dénonçons tous, souvent, les retards, les lenteurs, les exigences des architectes des bâtiments de France, le mois de préparation de chantier… Eh bien, tout cela se fera en temps masqué ! Il aura fallu un drame pour nous montrer la voie de la simplification. Nous disons souvent aux maires que nous les aimons, mais ce texte est une preuve d’amour.

Je regrette seulement que la question des copropriétés n’ait pas pu être abordée. Beaucoup de commerces comme de services publics sont concernés. Une réflexion collective devra être conduite.

Nous sommes à vos côtés, monsieur le ministre, solidaires et solides pour apporter une première réponse à ces événements ; la réponse judiciaire, la compréhension de ces événements viendront plus tard.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Un article 4 consacré aux copropriétés était initialement prévu. Il s’est révélé trop difficile de l’intégrer dans ce texte, mais une réflexion est lancée.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Nahel a été tué le 27 juin dernier dans ma circonscription, à Nanterre, par un officier de police, lors d’un contrôle routier faisant suite à un refus d’obtempérer. Depuis, le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure des secousses qui ont traversé notre pays : l’unique réponse apportée à ces nuits de violence a été la répression. Comme en 2005 après la mort de Zyed et Bouna, comme en 2007 à Villiers-le-Bel, comme en 2017 après la mutilation de Théo lors de son arrestation, c’est le tout-sécuritaire qui a été choisi.

Bien sûr, vous ne trouverez personne chez nous pour approuver les violences, les pillages, les destructions d’édifices notamment publics. Mais votre réponse est un peu courte, vous le reconnaîtrez : la matraque pour les quartiers, le chéquier pour les dégâts, ce n’est pas suffisant. Tant que nous nous bornerons à répondre seulement aux conséquences, les causes continueront de produire les mêmes effets encore et encore.

Depuis des années, la politique de la ville est en état de mort cérébrale : aucune vision politique, ni même le souffle d’une idée nouvelle, face à ce problème qui dément chaque jour la devise de notre pays. Pourtant, près de 5 millions de personnes vivent dans un des 1 500 quartiers estampillés « politique de la ville ». Depuis le plan Borloo, nous n’avons rien appris : près de 40 % de ces habitants sont toujours en situation de pauvreté ; ces quartiers comptent toujours deux fois moins de médecins généralistes, moins de bureaux de poste, moins de transports publics, moins de maisons de justice.

L’État, non content d’abandonner les populations, abandonne les municipalités elles‑mêmes : de loi de finances en loi de finances, la dotation globale de fonctionnement (DGF) connaît une baisse drastique, alors que c’est elle qui permettrait de mener des politiques ambitieuses dans les communes, de combler les lacunes de l’État afin que chacun, qu’il habite le 15e arrondissement, la cité des Pablo à Nanterre ou de l’Ariane à Nice, se sente égal et lié par un destin commun, afin que chacun puisse s’émanciper et vivre à égalité.

Il est urgent de reconstruire nos écoles, nos mairies, nos commissariats, nos commerces de proximité, nos centres sociaux, pour que les habitants puissent en bénéficier au plus tôt. Oui, ces dégradations ont eu lieu dans les quartiers où les habitants ont le plus besoin de ces services. Mais ne nous contentons pas d’un coup de ciment par-ci, de quelques briques par-là : ce sont les fondations même de la République au sein de nos quartiers et de nos banlieues qu’il faut réexaminer.

Il ne faut pas seulement reconstruire vite, il faut aussi reconstruire mieux : l’état énergétique du parc public comme privé ne répond pas aux normes environnementales les plus performantes ; nous devons reconstruire des bâtiments résilients. Attaquons-nous au chantier de l’accessibilité des services publics, car aujourd’hui les personnes en situation de handicap luttent parfois pour franchir les portes d’un bureau de poste.

Dans une France qui n’a jamais été aussi antagoniste, en proie aux chimères sécuritaires et discriminantes de l’extrême droite, investissons massivement dans l’éducation et dans l’emploi – bref, dans l’émancipation.

M. Christophe Béchu, ministre. Lorsque nous parlons des causes, chacun explique que ces événements prouvent qu’il avait raison depuis longtemps ! Tous les candidats à la dernière élection présidentielle expliquent que c’est leur diagnostic qui était le bon : pour les uns, qu’il n’y a pas assez de social, pour les autres, qu’il n’y a pas assez de sécurité. Que chacun continue de dérouler son argumentaire sans se remettre en cause et nous irons dans le mur.

La DGF a baissé, c’est vrai, mais entre 2012 et 2017 : la ponction sur les collectivités locales s’est élevée à 10 milliards d’euros. Depuis 2017, c’est fini ! Que ce soit l’occasion pour vous de faire un mea culpa et de reconnaître que les écologistes ont fait partie de gouvernements qui ont beaucoup trop diminué les dotations aux collectivités locales. Mais vous ne pouvez pas expliquer qu’une baisse de ces dotations serait à l’origine des émeutes : c’est faux !

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). L’émotion a saisi l’essentiel du pays après la mort de Nahel ; elle s’est muée, chez quelques milliers de jeunes, en une colère qui a provoqué des violences tout à fait inadmissibles. Celles-ci ont causé d’énormes dégâts, notamment dans le quartier où j’habite depuis fort longtemps.

On se rend bien compte à sa lecture, monsieur le ministre, que ce texte ne traite pas des causes de ces émeutes. Je veux vous alerter sur le fait que quinze jours après les émeutes, aucune parole politique – qu’elle vienne du Président de la République, de la Première ministre ou d’un membre du Gouvernement – n’a été adressée à la Nation au sujet de ces événements. Cela pose problème. Quand on connaît le sort réservé au rapport Borloo, on se dit que si l’été passe sans parole publique sur les causes des émeutes, on risque d’oublier tout cela très vite à la rentrée prochaine. Rappelez-vous l’importance des mots de Jacques Chirac en 2005 ! Ils ont compté, beaucoup, pour expliquer, apaiser, réunifier la nation.

Ce texte, si microscopique soit-il, est utile et nous le voterons.

Une loi de finances rectificative aurait néanmoins été plus appropriée, plus transparente et plus respectueuse du Parlement.

Je ne comprends pas pourquoi la question des biens des particuliers, des commerçants, des artisans, n’est pas traitée. Ma voisine, qui élève seule son enfant, a trouvé sa voiture brûlée un matin, à cinq heures, en partant au travail ; les vacances qu’elle devait prendre avec son fils sont annulées, et celles de l’année prochaine sans doute aussi, parce qu’elle devra racheter une voiture – dans nos quartiers populaires, les vieilles voitures sont souvent assurées au tiers, et c’était le cas de la sienne. On ne peut pas faire l’impasse sur ce sujet. Il faut adresser des injonctions aux assurances. Dans les retards pris, il y a peut-être des lenteurs administratives, mais il ne faut pas passer sous silence la mauvaise foi des assurances qui multiplient les expertises et les recours pour allonger les délais.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. J’entends vos remarques. Ce texte microscopique est bien utile. C’est vrai, il vise seulement à sécuriser les opérations de reconstruction ; cela ne veut pas dire que nous balayons d’un revers de la main ce qui s’est passé. Nous sommes tous émus, par l’événement qui est à l’origine de tout cela comme ceux qui ont suivi.

M. Max Mathiasin (LIOT). Il devient tabou de le dire, je le sais bien ; je le redis néanmoins : comme beaucoup d’entre vous, j’ai été bouleversé par la mort de Nahel Merzouk. Rien ne justifie que l’on meure à 17 ans lors d’un contrôle de police. On ne peut pas parler des violences urbaines comme s’il n’y avait pas eu de fait générateur. Lors des manifestations pour les retraites, ou lors de celles des gilets jaunes, on se demandait où étaient les jeunes de banlieues. Ils étaient chez eux ! Mais un choc effroyable a fait boule de neige et causé ces émeutes urbaines. La vague de colère partie de la région parisienne s’est propagée à tout le territoire : en Guadeloupe aussi, des immeubles ont été incendiés, des services publics mis à l’arrêt, des commerces saccagés, des quartiers entiers détériorés.

Aujourd’hui, les violences sont maîtrisées. La première urgence, je le comprends, c’est de reconstruire pour permettre un retour à la normale, pour que chacun puisse à nouveau accéder aux commerces de proximité, à l’école, à la mairie, aux crèches, pour renouer progressivement avec le vivre-ensemble.

Des dispositions permettant d’agir dans l’urgence sont déjà présentes dans le code de l’urbanisme comme dans celui des marchés publics. Certains freins subsistent néanmoins, et nous sommes favorables aux grandes lignes de ce projet de loi qui tend à les lever.

Certains ajustements seraient néanmoins judicieux. Nous proposerons qu’il ne soit possible de déroger aux obligations de publicité que pour les opérations dont le coût serait inférieur à 3 millions d’euros, afin d’éviter le favoritisme. Nous nourrissons également quelques doutes sur les dérogations prévues à l’article 2, notamment à l’obligation d’allotissement, qui laisse craindre une reconstruction aux mains des grandes entreprises et laissant de côté les petites et moyennes entreprises. S’agissant du financement, comment ne pas être favorable aux dispositions proposées, qui sont des demandes des élus locaux ? Elles gagneraient néanmoins à être renforcées par la création d’une dotation ad hoc.

Le groupe LIOT, sous réserve de l’adoption de ses amendements, votera en faveur de ce texte.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions individuelles.

M. Julien Dive (LR). Je voudrais vous alerter : des maires de grandes villes concernées par ces émeutes m’ont dit être abandonnés par les compagnies d’assurance, qui ne souhaitent plus leur proposer de contrats pour les biens publics. Ce phénomène, qui touche déjà certains commerçants, voire des parlementaires depuis les dégradations de permanences que nous avons connues, est nouveau pour les collectivités. Il faudra l’aborder dans les mois à venir.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Je voudrais revenir sur l’article 2, qui vise à accélérer les procédures de passation des marchés de travaux de reconstruction des bâtiments publics. Il est en effet essentiel de rétablir au plus vite le fonctionnement normal des services publics. Néanmoins, le Conseil d’État précise dans son avis « qu’une procédure dérogatoire existe déjà dans le code de la commande publique […] pour faire face à des situations relevant d’une urgence impérieuse » et relève qu’une récente circulaire de la Première ministre précise que cette procédure pourrait être utilisée dans le cas présent. Pourquoi alors proposer un projet de loi ?

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit que ce n’était ni l’État, ni les collectivités qui allaient prendre en charge la totalité des réparations, dans la mesure où les assurances étaient sollicitées. Mais les assurances, ce sont les Français qui les paient ! Vu le montant des réparations, il y a fort à parier qu’il y aura des répercussions sur les primes de tous les Français. Cela me rappelle la phrase de François Hollande : « C’est l’État qui paie. » In fine ce seront bien les Français qui paieront, d’autant que les assurances sont en train d’examiner les moyens de se retourner contre l’État pour qu’il prenne en charge les réparations à leur place. La SMACL, le principal assureur des collectivités, va d’ailleurs se retrouver en défaut et en appelle à l’aide l’État.

M. René Pilato (LFI-NUPES). J’aimerais revenir aux causes du problème. Quinze jours avant Nahel, Alhoussein a été tué, dans des conditions que l’on ne connaît pas, par un policier qui, depuis lors, a été mis en examen pour homicide volontaire. Contrairement à Nanterre, à Angoulême, il n’y a pas eu d’images, et c’est peut-être pour cela que la révolte n’a pas éclaté quinze jours plus tôt. Si des images ont le pouvoir de pousser des mineurs à une telle révolte, peut-on espérer que la parole publique puisse restaurer la confiance ?

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Si j’entends les raisons pour lesquelles les copropriétés ont été exclues du projet de loi, le Gouvernement peut-il nous promettre de faire revenir rapidement ce texte essentiel sous une autre forme ?

Mme Anne-Laure Blin (LR). Avant toute chose, il me semble nécessaire de rappeler que rien ne justifie de dégrader volontairement des bâtiments, des exploitations ou des sites privés. Aussi, je regrette que plusieurs de mes amendements aient été déclarés irrecevables. Nous aurions en effet pu édicter un principe dans ce texte : qui casse paie – car ce sont encore les contribuables français qui vont payer.

Par ailleurs, quelle part sera réservée aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) françaises dans les marchés publics, alors qu’il n’existe aucune possibilité légale de les privilégier ? Serait-il possible d’intégrer une telle disposition ?

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, vous avez été un peu injuste avec moi en considérant que je ne m’intéressais qu’à l’immatériel et pas au matériel. Si j’ai plaidé l’importance de l’immatériel, ce n’est pas parce que je ne m’intéresse pas au matériel. Au contraire, je suis déçue de constater qu’il n’y a pas un seul centime de prévu pour financer la reconstruction. Il y a beaucoup de gesticulations autour de l’urgence et de la nécessité de déroger à telle règle d’urbanisme ou à telle autre concernant les marchés publics, mais il n’y a pas l’ombre d’un financement. Aussi, dans une logique de réparation intégrale des dommages, envisagez-vous de recourir, pour le reste à charge, à un projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2023 ? Vous avez réussi à faire passer la retraite à 64 ans par le biais d’un projet de loi de finances rectificative, vous pouvez bien réparer les bâtiments par le même moyen…

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Face à l’urgence, vous faites le choix d’essayer d’accélérer sur le volet administratif. Au-delà des dispositifs de droit commun que sont la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), envisagez-vous de créer, dans les deux ans, une dotation réservée aux reconstructions pour les communes touchées ? Le cas échéant, pourra‑t‑elle s’ajouter aux aides de droit commun afin d’aider les communes à boucler leurs plans de financement ?

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Nous sommes tous conscients qu’il risque d’y avoir une augmentation des primes d’assurance. Des recours ont été intentés contre les personnes qui ont commis ces saccages. Des procédures pénales, des actions civiles en réparation sont en cours. Je sais que vous allez me parler d’insolvabilité. Mais que faire ? La réponse n’est pas dans ce texte.

Sur l’aspect financier, des mobilisations de fonds seront demandées aux préfets par le biais de différentes instructions. Nous allons notamment essayer de rendre accessibles les dispositifs existants – DETR ou autres fonds de concours. Le texte permettra d’ailleurs de déroger à la règle de la participation minimale de 20 % des collectivités. On pourra ensuite examiner la question de manière plus globale dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR), pour une application immédiate.

Quant à l’utilité du projet de loi, elle ne fait aucun doute. La notion d’« urgence impérieuse » pose un problème d’interprétation juridique. Le texte permettra de sécuriser le dispositif.

M. Christophe Béchu, ministre. Je vous invite à lire attentivement l’avis du Conseil d’État auquel je ferai référence pour m’opposer à une partie de vos amendements. C’est à sa suite que nous avons nous-mêmes modifié nos projets d’ordonnance, en considérant en particulier qu’un délai de deux mois n’était pas suffisant et qu’il en fallait trois. Compte tenu du sujet, la saisine du Conseil d’État, l’inscription au conseil des ministres et la saisine du Conseil national de l’évaluation des normes (CNEN) étaient des étapes indispensables pour éviter de nous éloigner de standards auxquels nous sommes attachés.

Je vous renvoie au point 17 de l’avis du Conseil d’État, lequel dit en substance que la circulaire et la notion d’urgence impérieuse couvrent seulement une partie du champ, notamment pour ce qui concerne la partie privée. Si la reconstruction de certains bâtiments publics relève clairement de l’urgence impérieuse, ce n’est pas nécessairement le cas pour des bâtiments hébergeant des services publics plus classiques. Le texte apporte une vraie solution juridique. Du reste, cela n’a aucun intérêt de reconstruire une passoire thermique à l’identique. Il faudra reconstruire des bâtiments résilients, en essayant d’intégrer des composantes environnementales ou de sécurité, ce qui justifie également le recours au texte.

Les collectivités n’ont pas l’obligation de s’assurer. Il y a celles qui renoncent parce que le montant de la prime est trop élevé et celles qui le font après un calcul d’intérêt. Faut-il rendre cette assurance obligatoire ou laisser leur liberté aux collectivités ? La question méritera d’être posée. Des bâtiments, touchés par les émeutes de 2005, n’avaient pas été assurés compte tenu du niveau de la prime et ont brûlé. Il serait injuste que les collectivités se retrouvent avec un reste à charge. Mais comment les inciter à s’assurer si elles peuvent, en cas de problème, bénéficier de la garantie de l’État ?

Monsieur de Fournas, quand le coût des assurances augmente, à la fin, tout le monde paie, avez-vous dit. Ce sujet sera au cœur de nos débats sur le dérèglement climatique. Du fait des sécheresses et des épisodes climatiques extrêmes ayant des conséquences sur les agriculteurs ou sur les viticulteurs, il fera augmenter le montant des primes, fragilisera la Caisse centrale de réassurance (CCR), dont il remettra en cause en grande partie les dispositifs, et nous obligera à repenser la frontière entre l’assurance individuelle et la part collective, et à mesurer le coût de l’inaction.

S’agissant des questions budgétaires et financières, il y a actuellement 94 millions d’euros disponibles immédiatement dans le cadre des dispositifs DSIL et DETR. Aussi avons‑nous considéré qu’il ne fallait pas faire de PLFR pour le moment.

Quant à la consolidation des dégâts, à la minute où je vous parle, nous n’en connaissons pas le chiffrage, que nous attendons pour le 30 septembre. Dans ce contexte, le Gouvernement n’exclut pas de créer une ligne spécifique de soutien et d’appui dans le projet de loi de finances (PLF) correspondant au montant total duquel sera défalqué celui des assurances.

Le principe « qui casse paie » va très au-delà de ce texte. Notre arsenal juridique permet déjà de condamner à des peines de travaux d’intérêt général (TIG) et à des amendes, ainsi que d’aller chercher la responsabilité parentale. Nous n’aurions, du reste, pas pu l’ajouter par ordonnance, ces mesures n’ayant pas d’effet rétroactif.

Enfin, on ne peut pas favoriser explicitement l’attribution des marchés publics aux entreprises françaises, puisque ce serait contraire au droit européen. Néanmoins, quand la logique d’urgence prévaut, les entreprises locales se retrouvent de fait surreprésentées.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons à l’examen des articles.

 

Article 1er : Habilitation pour faciliter la reconstruction à l’identique, les travaux préliminaires immédiats et la réduction des délais

 

Amendement CE80 de Mme Raquel Garrido.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’amendement vise à rendre le dispositif cohérent au regard de l’urgence invoquée. C’est pourquoi nous proposons que les ordonnances soient publiées aussi vite que possible, sans attendre les trois mois que vous souhaitez : avant le 31 juillet 2023. Soit il y a une urgence, soit il n’y en a pas.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Votre amendement m’étonne, surtout de la part d’une juriste. Il faut un peu de temps pour rédiger des ordonnances sur des sujets aussi complexes. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Il est matériellement impossible de présenter trois ordonnances en onze jours, dans l’hypothèse où l’adoption conforme du texte permettrait d’en achever l’examen le 20 juillet. Même en considérant que l’amendement de Mme Garrido exprime un tel souhait, de sorte que le Gouvernement puisse rédiger les ordonnances le plus vite possible, le délai du 31 juillet ne serait pas tenable.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis contre cet amendement pour une raison très pratique. Notre code de l’urbanisme est complexe et nous ne sommes pas à l’abri d’un problème spécifique nécessitant de modifier in extremis les ordonnances afin de permettre une reconstruction à l’identique. Le calage technique nécessite du temps, comme l’ont montré le Conseil d’État et les débats au Sénat.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE42 de M. Inaki Echaniz, CE72 et CE71 de Mme Raquel Garrido, CE81 de Mme Nathalie Oziol et CE43 de M. Inaki Echaniz (discussion commune).

M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement vise à préciser la limitation dans le temps des mesures proposées en fixant le délai à une année ou, en cas de litige en matière d’assurance, à six mois à l’issue de la purge du litige. Il a parfois fallu trois, quatre ou cinq ans pour reconstruire des écoles ou des locaux dégradés, parce que l’assureur refusait un accord. Ainsi, les communes ne disposant pas des fonds nécessaires pour engager les frais seraient protégées en cas de litige avec les assurances.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Parce qu’il y a urgence, vous permettez aux collectivités d’engager des opérations et des travaux préliminaires avant même que leurs demandes d’autorisation aient été traitées et vous supprimez la règle de publicité préalable. Ces règles ne seraient utiles, dites-vous, que dans 30 % des cas, puisque 70 % des dommages constatés relèveront du droit ordinaire.

S’il y a urgence, je ne vois pas pourquoi on donnerait un an aux maires pour conclure un marché sans publicité préalable ou lancer des travaux sans l’avis des architectes des Bâtiments de France. En droit de l’urbanisme, il est très rare que l’on se passe de cet avis et ce n’est pas un bon principe.

Afin de limiter au maximum les risques d’abus, nous demandons que la période dérogatoire soit circonscrite, et qu’elle le soit par le législateur. Pour notre part, nous proposons qu’elle soit limitée à sept ou huit mois. Si des gens peuvent se permettre d’attendre davantage avant de bénéficier de ce dispositif, c’est qu’ils ne sont pas véritablement dans l’urgence.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Il importe effectivement de préciser la durée de la période ouvrant droit aux dérogations au code de l’urbanisme. Dans les circonstances exceptionnelles où nous nous trouvons, il importe d’accélérer les reconstructions. Toutefois, les associations d’élus que nous avons auditionnées, notamment l’Association des maires de France (AMF), nous ont alertés sur le fait que les règles relatives aux constructions sont fondamentales dans les villes ; ils ont notamment évoqué les plans locaux d’urbanisme (PLU), qui permettent d’accorder au mieux les objectifs des communes aux besoins des habitants.

Si l’urgence rend compréhensible le besoin d’assouplir les règles, les parlementaires que nous sommes doivent avoir la garantie que cet assouplissement sera très encadré. La possibilité de déroger aux règles d’urbanisme doit être limitée dans le temps et nous avons fait plusieurs propositions : six, sept ou huit mois. L’essentiel, pour nous, est que vous nous indiquiez le délai qui vous paraît acceptable et que vous précisiez le cadre dans lequel ces dérogations s’inscriront.

M. Inaki Echaniz (SOC). Si vous ne voulez pas inscrire de délai précis dans la loi, je vous invite tout de même à tenir compte du fait qu’un litige peut survenir en matière d’assurance. Les communes qui n’ont pas les fonds nécessaires pour engager des travaux sans un accord avec leur assurance seraient pénalisées. Or, vu les pratiques de certains assureurs, cela risque hélas d’arriver.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable sur les amendements. Le texte indique une « durée limitée » : d’après ce que l’on a entendu, cela pourrait être dix-huit mois. Il me paraîtrait dangereux de préciser un délai dans la loi, même pour les questions touchant aux assurances. La mesure est exceptionnelle et encadrée, et il me semble que la mention d’une durée limitée est suffisante.

M. Christophe Béchu, ministre. J’aimerais apporter une précision, qui vaudra pour la suite : nous sommes certains que les dispositions de l’article 1er bénéficieront à au moins 30 % des cas, car, en majorité, l’ampleur des dégâts – par exemple, un trou dans un toit – ne justifie pas de déposer une nouvelle demande d’autorisation et de refaire toute la procédure.

Les articles 2 et 3, en revanche, bénéficieront à 100 % des communes. Même pour un trou dans un toit, il est intéressant de n’avoir aucun reste à charge et que la TVA soit remboursée dans l’année.

Je suis défavorable aux amendements pour deux raisons. D’abord, vous dites qu’il faut encadrer les dispositifs, mais ils le sont déjà, et très précisément puisqu’ils visent les bâtiments qui ont été touchés au cours des nuits d’émeutes – leur nombre est donc très limité. Ensuite, vous proposez de limiter le délai à six, sept ou huit mois, ce qui aurait pour conséquence de laisser moins de temps aux maires pour agir. Nous nous opposerons à tout amendement visant à limiter la liberté des maires.

Les amendements du groupe Socialistes, qui fixent un délai à compter de l’avis rendu par l’assurance, sont un peu différents. Mais ils reviennent finalement au même, puisque les délais proposés sont inférieurs à celui de dix-huit mois, qui pourrait effectivement être retenu. Cela étant, les amendements de M. Echaniz soulèvent un vrai problème, auquel il faudra réfléchir.

M. Thibault Bazin (LR). Mme Garrido a évoqué les marchés publics, qui font l’objet de l’article 2. Tenons-nous en à l’article 1er et aux autorisations d’urbanisme. Rigidifier les délais, c’est ne pas tenir compte de la temporalité de la reconstruction. Il arrive que l’on dépose une première demande et que des aléas techniques imposent d’en déposer une deuxième, ce qui peut prendre beaucoup de temps. Nous avons besoin du cadre dérogatoire et il faut qu’il conserve une certaine souplesse.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Vous venez de révéler de façon éclatante que ce projet de loi n’est pas, dans votre esprit, un texte d’urgence. Dans tous les exemples pris par nos collègues, la loi ordinaire permet de reconstruire, et vous le savez tous. La seule chose qu’apporte l’article 1er, c’est la faculté de commencer les travaux préparatoires immédiatement, avant toute autorisation. Quel est l’intérêt d’offrir cette possibilité dans un an ? Cela voudrait dire que le maire n’aurait rien fait pendant un an, qu’il aurait fait preuve d’une totale inertie ? Ce n’est pas envisageable !

Notre idée à tous, c’est qu’il faut aller vite et bien. Mais si un maire ne fait pas le travail vite et bien, il n’y a aucune raison qu’il s’abrite derrière des dérogations.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE44 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement, qui nous a été suggéré par l’Union sociale pour l’habitat (USH), vise à préciser que les organismes de logement social sont bien dans le périmètre des dispositions du projet de loi. S’il ne semble pas que le Gouvernement ait entendu les en exclure, il convient toutefois de s’en assurer.

Les bailleurs sociaux, en louant ou en mettant à la disposition de collectivités territoriales ou d’associations des locaux commerciaux ou d’activité, voire des bureaux, sont pleinement dans le champ initialement visé par le texte. Mais les particularités des liens juridiques existant entre le propriétaire des murs et celui qui les occupe doivent être pleinement prises en compte dans la rédaction des ordonnances.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Cet amendement est satisfait, puisque l’article 1er vise tous les bâtiments, publics comme privés, sans restriction. Je vous invite donc à le retirer.

M. Christophe Béchu, ministre. Le projet s’applique à tous les bâtiments affectés par des dégradations ou des destructions. Votre amendement étant satisfait, je vous invite, moi aussi, à le retirer.

M. Thibault Bazin (LR). Si l’on commence à introduire ce genre de précision, alors il faut faire la liste de tous les bâtiments concernés. Or l’esprit de cet article, c’est d’intégrer tous les bâtiments, qu’ils soient publics ou privés.

Je crois, par ailleurs, qu’il y a eu une confusion avec l’article 2, relatif aux marchés publics. Les sénateurs ont adopté à l’unanimité un amendement précisant qu’il concernerait aussi les bailleurs sociaux, mais la question ne se pose pas pour l’article 1er.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE105 de M. Timothée Houssin et CE27 de M. Grégoire de Fournas (discussion commune).

M. Timothée Houssin (RN). Je propose de qualifier d’émeutes les événements survenus du 27 juin au 5 juillet. Le texte issu du Sénat mentionne sobrement des « troubles à l’ordre et à la sécurité publics », comme s’il s’agissait de tapage nocturne, et le texte macroniste initial, qui parlait d’ « événements de voie publique », était encore plus déconnecté de la réalité vécue par les Français.

Une émeute est un mouvement, un soulèvement de personnes qui explose en violences. Nous n’avons pas assisté à des troubles, mais bien à une attaque en règle de bâtiments – mairies, commissariats, écoles – qui symbolisent la France : c’est la France même qui a été attaquée. De surcroît, ces événements ont été organisés. Dans mon département de l’Eure, on a vu passer en comparution immédiate des jeunes qui s’étaient organisés sur les réseaux sociaux, qui avaient prémédité leurs actions et qui ont agi plusieurs jours de suite et dans plusieurs communes.

On nous demande de reconstruire comme si une catastrophe naturelle s’était abattue sur le pays – c’est d’ailleurs la comparaison que le ministre a utilisée tout à l’heure, en réponse à M. de Fournas. C’est comme s’il n’y avait pas de responsables à faire payer et à dissuader de recommencer. Vous niez les faits et vous ne voulez pas faire payer les casseurs : nous le payons aujourd’hui au sens propre et nous le paierons demain, puisque rien ne les dissuadera de recommencer. Enfin, vous faites comme s’il s’agissait d’événements exceptionnels, isolés dans le temps, qui ne risquent pas de se reproduire.

Nous proposons de clarifier les faits : il s’agissait d’émeutes et de délinquants organisés, identifiés, que l’on doit faire payer. Au-delà de la reconstruction, qui est indispensable, nous attendons des propositions de loi d’urgence pour créer des peines dédiées et inscrire dans la loi le principe de casseur-payeur : cela nous évitera de nous réunir dans six mois pour financer à nouveau, sur le dos du contribuable, des dégâts qui sont dus à une minorité de voyous. Il faut commencer par qualifier correctement les faits, en disant que ce sont des émeutes.

M. Grégoire de Fournas (RN). D’après le dictionnaire Larousse, un trouble se définit par l’altération du rapport entre les personnes : on est loin de ce qui s’est passé au début du mois. Comme la sémantique a son importance, nous proposons de renoncer au mot « trouble », qui est bien en deçà de la réalité, et d’adopter l’une ou l’autre de nos propositions.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable. Les mots « troubles à l’ordre et à la sécurité publics » me semblent beaucoup plus précis juridiquement et plus acceptables que les mots « émeutes » ou « violences urbaines ». Nous faisons de la politique, dont acte, mais, juridiquement, la rédaction actuelle est beaucoup plus forte.

M. Christophe Béchu, ministre. J’ai dit que je ne voulais pas ouvrir le débat sur les causes. Je ne minore en aucun cas la gravité des faits qui se sont produits, mais on ne peut pas comparer les situations qui ont réuni un très grand nombre d’émeutiers et celles où sont intervenus de plus petits groupes, beaucoup moins organisés. Un qualificatif trop large, à ce stade, dès lors que notre débat ne porte pas sur les causes, n’aurait pas de sens. Le débat sur les causes, nous l’aurons, mais pas aujourd’hui. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Grosses émeutes ou petites émeutes, ce sont toujours des émeutes ! On ne peut pas excuser les actions qui n’auraient été le fait que de quelques individus et les dissocier de toutes les autres émeutes qui ont eu lieu au niveau national.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE82 de Mme Nathalie Oziol.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). J’avais demandé la parole sur l’amendement précédent, puisqu’il semble que ce soit le niveau maximal de réflexion que le Rassemblement national est capable de proposer sur ce texte. Nous venons de défendre une série d’amendements visant à encadrer le dispositif et à voir comment travailler au mieux avec les élus locaux. Sur ces questions, vous n’avez rien eu à dire, mais vous vous réveillez pour proposer de qualifier les faits d’émeutes ou de violences urbaines. Tout cela manque un peu de sérieux, surtout de la part de l’émeutier numéro un, celui qui a causé des troubles à l’Assemblée nationale en criant à mon collègue Carlos Martens Bilongo : « Qu’il retourne en Afrique ! », ce qui lui a valu une sanction.

Mon amendement vise à clarifier la rédaction de l’alinéa 2. Si la reconstruction du bâtiment devait comporter une modification limitée, celle-ci devrait nécessairement être subordonnée à l’amélioration de la performance environnementale, de la sécurité, des normes d’hygiène et d’accessibilité, ou d’une meilleure prise en considération des besoins des usagers de l’équipement.

La rédaction actuelle manque de précision : qu’est-ce qu’une « modification limitée » et en quoi diffère-t-elle d’une « amélioration justifiée » ? Dans l’étude d’impact, il est indiqué que seront rendues possibles, « dans le cadre d’adaptations limitées ou d’améliorations motivées, des reconstructions différentes du bâtiment d’origine, qui pourraient ainsi être subordonnées à l’amélioration de la performance environnementale, de sécurité ou d’accessibilité par rapport à l’état antérieur du bâtiment concerné », sans plus de précision.

En conséquence, et par mesure de cohérence, nous proposons de clarifier la rédaction de l’habilitation en précisant que toute modification devra améliorer le bâtiment, non seulement du point de vue des normes en vigueur, mais également du point de vue des besoins des usagers.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Même si je partage votre point de vue, j’émettrai un avis défavorable, car les ordonnances apporteront cette précision. Il est évident que l’on améliorera les constructions et il n’est pas nécessaire de le préciser ici.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable, pour deux raisons. D’abord, dès lors que l’on fait une liste, on court le risque de ne pas être exhaustif. Ensuite, vous avez écrit « et », et non « ou », ce qui rend les critères cumulatifs et restreint la portée du texte. L’objectif est évidemment d’améliorer la nature des constructions, mais c’est dans les ordonnances qu’il faudra l’indiquer.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je sais bien qu’un vote conforme de ce texte nous permettrait de partir plus vite en vacances, ce qui vous pousse à rejeter tous nos amendements. Mais si des propositions des députés peuvent améliorer le texte qui nous arrive du Sénat, donnons-leur une chance ! Que sont des modifications limitées et des améliorations justifiées ? Il est important de savoir de quoi l’on parle si l’on ne veut pas que les contentieux se multiplient. En restant vagues, vous ne faites que déplacer le problème.

M. Nicolas Turquois (Dem). Quel maire envisagerait de reconstruire une passoire énergétique ou un bâtiment sans tenir compte des normes d’accessibilité ? Je ne comprends pas que l’on puisse bloquer l’examen de ce texte pour des motifs purement formels.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE4 de M. Alexis Jolly.

M. Grégoire de Fournas (RN). Les notions de « modifications limitées » et d’«  améliorations justifiées » étant trop floues, nous proposons de les préciser en ajoutant : « par le rétablissement d’un usage conforme à celui antérieur aux dommages ».

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable à une rédaction qui serait trop contraignante et affaiblirait la portée du texte.

M. Christophe Béchu, ministre. Son adoption contraindrait en effet les possibilités de reconstruction.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CE3 de M. Alexis Jolly.

 

Amendement CE46 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à préciser que si le porteur de projet peut être autorisé à démarrer ses opérations et travaux préliminaires avant la délivrance des autorisations afférentes, il le fait à ses propres frais et risques.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Demande de retrait, votre amendement étant satisfait.

M. Christophe Béchu, ministre. C’est en effet le droit commun qui s’applique et c’est la rédaction actuelle qui a emporté un vote unanime au Sénat.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE84 de Mme Nathalie Oziol.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Nous proposons de préciser la rédaction de l’habilitation autorisant l’engagement des opérations et travaux préliminaires dès le dépôt de la demande de permis de construire.

Si cette autorisation d’engager les travaux préalables répond effectivement à l’urgence du besoin de reconstruction, il est néanmoins nécessaire de bien prévoir le cadre adéquat pour les contrôles et les mises en conformité a posteriori de l’engagement des travaux. Nous proposons par conséquent de préciser que tout refus d’autorisation advenant une fois les opérations engagées doit nécessairement aboutir à une mise en conformité du projet, dont les modalités seraient définies par l’ordonnance en question.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Votre amendement est satisfait car si le projet n’obtient pas l’autorisation d’urbanisme, il devra nécessairement s’arrêter. À ce stade, n’auront été réalisés que les travaux préparatoires : démolitions, terrassements, fondations, donc a priori peu d’éléments susceptibles de devoir être retirés faute de permis.

M. Christophe Béchu, ministre. L’amendement est en effet satisfait. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Les dispositions de cette loi ne concernent pas seulement les collectivités. Le commencement des travaux, pour un propriétaire privé, nécessitera une assurance, qu’il n’aura pas en raison du risque de se voir finalement refuser une autorisation. Cette loi est donc d’une grande hypocrisie. Seuls ceux qui ont les reins suffisamment solides pourront en bénéficier.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE47 de M. Inaki Echaniz et CE83 de Mme Raquel Garrido (discussion commune).

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à conserver un délai minimal d’un mois aux personnes interrogées dans le cadre de procédures d’autorisation d’urbanisme ou relevant d’autres législations avant que leur silence ne signifie acceptation, afin d’éviter de priver ces consultations d’effectivité.

Si certaines personnes publiques associées peuvent parfois émettre leurs avis dans des délais conséquents – le plus souvent trois mois –, et si faute de moyens humains elles jouent parfois sur des demandes de pièces complémentaires pour bénéficier de délais plus longs, un délai qui serait excessivement réduit risquerait de priver certaines d’entre elles, notamment les administrations déconcentrées de l’État, de la capacité effective à répondre à ces sollicitations, quand bien même le projet aurait pu justifier des évolutions ou mises en conformité. Le délai d’un mois constitue une garantie minimale.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le délai de l’acceptation tacite dépend des capacités effectives des services d’instruire les dossiers. Dans les territoires ruraux, les services régionaux de l’urbanisme et du patrimoine peuvent rendre des décisions en quinze jours mais il n’en est pas de même dans les agglomérations. Jusqu’ici, il a toujours été impossible de commencer des travaux sans disposer de l’avis des architectes des Bâtiments de France (ABF). Il faut donc faire preuve de la plus grande prudence.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Dans la plupart des cas, les reconstructions seront à l’identique et les procédures seront donc allégées. Il n’est pas question de se priver de l’avis des ABF ou des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC).

Je suis certain que le ministre s’assurera de la capacité des services à répondre aux sollicitations. Des retards seront peut-être possibles dans certaines villes mais un encadrement législatif des délais ne me semble pas de bonne politique. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je ne comprends pas la raison d’être de ces amendements laissant penser que l’application de ces procédures dérogatoires, limitée à quelques dizaines de cas, ne permettrait pas aux services concernés de rendre leurs avis dans des délais contraints. Ce n’est pas rendre hommage aux agents du ministère que j’ai l’honneur de diriger.

Pas de faux procès ! Nous ne supprimons pas l’avis des ABF et nous raccourcissons les délais de remise des avis pour des reconstructions à l’identique. Assumez votre hypocrisie, qui consiste à vouloir que toutes les procédures recommencent tout en faisant valoir l’urgence de ce texte !

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Il n’est pas seulement question de la reconstruction à l’identique mais des « modifications limitées ou des améliorations justifiées ».

De plus, avant de présenter cet amendement, j’ai demandé ce qu’il en était aux personnels de ces services. Eux-mêmes font valoir le risque d’une « paralysie » des avis des ABF et des autres structures.

M. Thibault Bazin (LR). Il est faux de prétendre que le travail serait moindre dans les territoires ruraux, notamment dans ceux qui comptent des sites protégés. Les ABF, de plus, rayonnent sur l’ensemble d’un département.

Par ailleurs, les services instructeurs ne se résument pas aux collectivités – des pôles de mutualisation existent, de surcroît – ni aux autorisations d’occupation du sol, dont l’importante diminution permettra d’absorber les demandes à venir.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE30 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). Vous proposez que les collectivités ou l’État paient les dégâts alors que, selon nous, c’est à ceux qui les ont commis de le faire. Cet amendement de bon sens vise à conditionner ces dispositions législatives au fait, pour les collectivités, de se porter partie civile contre les auteurs des dommages et de réclamer une indemnisation à la hauteur des préjudices. Votre avis sur cet amendement conditionnera largement notre vote sur le texte.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Moi qui fus maire pendant seize ans, je suis « scotché » à l’idée que vous puissiez imposer aux maires une action en justice. Que faites-vous de la libre administration des collectivités, à laquelle vous vous dites attachés ? Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends que M. de Fournas ne soit pas à l’aise avec un texte auquel il cherche à s’opposer, mais il est faux de prétendre que le projet reviendrait à payer à la place des émeutiers. Nous ne sortons pas le carnet de chèque, nous rendons possible un cadre de reconstruction. Le volet financier sera discuté dans quelques mois. Enfin, le cas échéant, ce serait aux assureurs de porter plainte.

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous présenterons un amendement similaire à l’article 3 visant les crédits de l’État consacrés à la reconstruction. Vous avez vous-même évoqué la somme de 94 millions d’euros et le déplafonnement du montant subventionnable en le portant de 80 % à 100 %. En échange du soutien de l’État, c’est bien la moindre des choses de demander aux mairies de réclamer une indemnisation de la part des auteurs des dégradations ! La liberté des maires n’est en rien remise en cause.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). J’espère que M. de Fournas a bien conscience que ses propres cotisations d’assurance participent au dédommagement de sinistres d’autres assurés. Pour cette raison, s’oppose-t-il à une prise en charge des réparations par les assureurs ? De plus, les auteurs des infractions, pour l’essentiel, sont mineurs et leurs parents, insolvables. Au fond, vous ne voulez pas de reconstruction.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er sans modification.

 

 

Article 2 : Habilitation pour déroger aux règles de publicité préalable et de recours aux marchés globaux prévues par le code de la commande publique

 

Amendements CE85 de Mme Raquel Garrido et CE12 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nous proposons encore une fois de réduire les délais d’habilitation : on est dans l’urgence ou on ne l’est pas. Je ne voudrais pas que ce texte se réduise à une vaste opération de communication.

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement d’appel vise à inciter le Gouvernement à présenter son ordonnance dans les plus brefs délais, avant la pause estivale. La commission des lois, au Sénat, a déploré dans son avis le « décalage entre, d’une part, le gain de quatre semaines attendu des dérogations au principe de publicité et, d’autre part, le délai de deux mois demandé par le Gouvernement pour publier l’ordonnance ».

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CE85 et demande de retrait pour l’amendement CE12.

M. Christophe Béchu, ministre. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et à l’impossible nul n’est tenu !

Les deux mois ne correspondent pas au temps qui sera pris mais au délai. Nous mettons les bouchées doubles pour que cette ordonnance soit prête le plus rapidement possible et dans un délai significativement inférieur.

M. Robin Reda (RE). Mme Garrido se contredit lorsqu’elle veut à la fois raccourcir drastiquement l’écriture des ordonnances et rallonger les délais d’instruction, avec la saisine des personnes publiques associées.

Il y a en effet urgence et c’est la durée d’instruction qui compte, de même que l’information des collectivités locales, qui élaboreront leur budget à la rentrée, tout comme nous discuterons du soutien de l’État lors de l’examen du projet de loi de finances.

L’amendement CE12 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE85.

 

Amendements CE48 de M. Inaki Echaniz, CE74 et CE73 de Mme Raquel Garrido, CE86 de Mme Nathalie Oziol et CE49 de M. Inaki Echaniz (discussion commune).

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous retirons les amendements CE48 et CE49 de coordination avec ceux que nous avions déposés à l’article 1er et que nous avons retirés.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La question de la durée de la période de dérogation au code de l’urbanisme est essentielle. Les règles entourant les marchés publics sont importantes ; il est vrai que le périmètre du projet de loi est circonscrit à une liste limitative de bâtiments, mais l’absence de publicité est malsaine. Une publication est nécessaire – même très courte, même d’une semaine – pour que tous les artisans locaux soient informés, puissent transmettre un devis et aient l’opportunité d’entrer dans la concurrence.

Le droit commun est utile ! Voulez-vous remettre en cause les grands principes du droit ? Ce serait assez grave. Dans l’urgence, on peut concevoir une dérogation brève, mais dès que l’on en sort, le droit commun doit pleinement s’appliquer. Il est inacceptable d’envisager une période dérogatoire de dix-huit mois : on pourrait ainsi lancer dans un an et demi un marché public sans publicité parce qu’un bâtiment a été dégradé le 27 juin 2023 ? Allons, vous ne croyez pas vous-mêmes que cela soit souhaitable !

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). De la même façon que nous avons demandé des précisions sur les dérogations aux règles d’urbanisme, nous en réclamons sur les dérogations aux normes de la commande publique. Nous ne disposons d’aucune étude d’impact approfondie sur les dérogations envisagées aux règles de publicité, de concurrence et de seuils des montants des marchés publics concernés.

Les règles de la commande publique assurent l’égalité de traitement entre les entreprises et visent à lutter contre la corruption à l’échelon local. Il nous semble important de fixer une date mettant un terme à la période dérogatoire. À défaut d’élément concret et précis et afin d’éviter toute dérive, il est nécessaire d’instaurer une limite temporelle au-delà de laquelle les dérogations prendront fin. Nous avons proposé plusieurs durées, quelle est celle que le Gouvernement envisage ?

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Nous avons déjà discuté de ce sujet à l’article 1er. Je remercie Mme Battistel d’avoir fait montre de cohérence et d’avoir retiré ses amendements. L’avis est défavorable sur les trois amendements maintenus.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis. Vous vous inquiétez de la corruption et des dérogations quand nous nous préoccupons du retour des usagers du service public dans les bâtiments. Vous ne faites pas confiance aux acteurs de terrain puisque vous proposez de durcir les règles qui encadrent leur action. Les émeutes et leurs conséquences sont le problème pour nous, voilà pourquoi nous cherchons à aider les habitants de ces quartiers qui se retrouvent démunis. Sous couvert d’attachement au respect des règles, vous refusez de prendre des mesures d’urgence : nous avons un désaccord sur ce point.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les personnes qui ont exercé une responsabilité locale connaissent les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés les maires dont les communes ont été touchées par les émeutes. Les débats budgétaires se sont achevés quelques semaines avant ces événements du mois de juin. Cette situation a sidéré tout le monde, et elle appelle une analyse sociologique et politique, qui viendra à n’en pas douter et que certains ont d’ailleurs déjà amorcée, mais les élus locaux font face à des problèmes immédiats : expertises, assurances, bouclage des plans de financement, questions architecturales, etc. Il est illusoire, dans ce contexte, de penser que les dérogations ne doivent s’appliquer que pendant six mois. Je comprends que vous souhaitiez limiter cette période, mais si celle-ci est trop brève, vous ne ferez qu’augmenter les contraintes des élus locaux.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je suis tout à fait d’accord, mais mon amendement ne vise pas à contraindre les maires à achever toutes les mises en concurrence en six mois. En revanche, il me semble important qu’au-delà de cette période, les procédures suivent non plus un régime dérogatoire justifié par l’urgence, mais les règles de droit commun. Je défends la loi ! Celle qui s’applique à l’urbanisme et aux marchés publics.

Les amendements CE48 et CE49 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE74, CE73 et CE86.

 

Amendement CE20 de Mme Sabrina Sebaihi.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Il vise à ajouter au premier alinéa l’exigence du respect des « plus hauts niveaux de performance énergétique et environnementale ». Nous allons reconstruire des bâtiments de service public – écoles, centres de loisirs, commissariats, etc. –, qui mériteraient, que l’on pense aux pics de chaleur actuels, de bénéficier de normes environnementales beaucoup plus ambitieuses. L’objectif est d’ériger des bâtiments résilients, adaptés aux augmentations de température des dix, quinze, vingt ou trente prochaines années.

J’ai entendu dire tout à l’heure que tout le monde tenait compte des questions environnementales dans la construction des bâtiments : c’est très bien, mais, pour s’en assurer, inscrivons cette exigence dans la loi.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. L’avis est défavorable, car l’adoption de votre amendement restreindrait la portée du texte, dont la rédaction actuelle est bonne.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

M. Philippe Vigier (Dem). Madame Garrido, j’ai eu la chance d’être un maire bâtisseur : ne limitez pas à six mois la période dérogatoire ! La construction d’une école ne peut commencer qu’après douze ou quatorze mois : il faut rapidement enclencher le processus de mise en concurrence, mais si une modification urbanistique ou l’ajout d’un lot complémentaire se produit au bout de huit mois, les dérogations, à vous suivre, ne pourraient plus s’appliquer ; la construction s’en trouverait ralentie, alors que notre exigence est d’aller vite et fort pour rendre les services publics à nos concitoyens, sachant que les maires tiennent évidemment compte des normes environnementales à même d’assurer aux nouveaux bâtiments une excellente performance énergétique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE50 de M. Inaki Echaniz.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il vise à inclure les organismes de logement social dans le périmètre du projet de loi. Vous ne les avez pas exclus, mais l’amendement appelle à préciser, en séance publique, le texte. Les bailleurs sociaux, qui louent ou qui mettent à disposition des locaux commerciaux ou d’activité, voire des bureaux, à des collectivités territoriales ou à des associations, entrent pleinement dans le champ du texte – du moins, je vous demande de me le confirmer –, mais les particularités des liens juridiques qui existent entre le propriétaire des murs et l’occupant de ceux-ci doivent être pleinement prises en compte dans le texte et dans les ordonnances.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Nous avons déjà évoqué le sujet : le terme « bâtiment » est plus large ; nous comprenons l’esprit de votre amendement, mais les précisions affaibliront la portée du mot « bâtiment », qui est très général et qu’il faut conserver.

M. Christophe Béchu, ministre. Le premier alinéa fait référence aux « acheteurs soumis au code de la commande publique » ; dans cette catégorie sont incluses les sociétés anonymes d’HLM et les entreprises publiques. Toute personne soumise à la commande publique bénéficie du dispositif. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE28 de M. Grégoire de Fournas et CE111 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Ces amendements visent à polémiquer sur le mot utilisé pour nommer les événements. Le plus grave est de nier le fait générateur. Lorsque l’on prononce le prénom de Nahel, on perçoit votre inquiétude. Un policier est mis en cause par la justice pour homicide volontaire parce qu’il a utilisé son arme, en pensant, d’après ce que l’on comprend des propos du procureur de la République, que le droit, en l’occurrence le 4° de l’article L. 435- 1 du code de la sécurité intérieure, l’y autorisait. Pourtant, vous niez le caractère belligène de cette disposition.

Si vous n’œuvrez pas au développement d’une Nation unie, civique et non ethnique, vous faites partie du problème.

M. Grégoire de Fournas (RN). Votre intervention n’a rien à voir avec l’amendement, madame Garrido, mais de toute façon, vous ne vous y intéressez pas. Jamais vous ne nous trouverez à vos côtés pour légitimer les violences par l’événement qui a touché le jeune Nahel, sur lequel nous n’avons d’ailleurs pas de jugement à porter puisque c’est à la justice de le faire. Nous sommes nombreux dans cette salle à ne pas vous suivre quand vous légitimez les émeutes que la France a subies par la mort de Nahel. Vous n’œuvrez à rien du tout, contrairement à nous ; vous défendez une position insupportable pour tous les gens qui ont un peu de bon sens.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements CE34 de M. Grégoire de Fournas et CE88 de Mme Raquel Garrido (discussion commune).

M. Grégoire de Fournas (RN). Il vise à maintenir l’obligation de publicité des marchés publics pour garantir leur sécurité juridique et à adapter les délais de celle-ci pour faire face à l’urgence. Vous nous avez reproché de ne pas faire confiance aux élus locaux, mais nous demandons simplement l’application des règles des marchés publics, qui existent parce que l’expérience a montré que certains acteurs locaux n’étaient pas dignes de confiance. L’immense majorité des acteurs locaux sont honnêtes, mais nous devons nous protéger de quelques individus qui pourraient profiter du desserrement des règles des marchés publics.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’amendement vise à fixer un temps de publicité préalable d’une semaine : cette durée est très brève, mais elle est essentielle pour que tous les artisans locaux puissent concourir aux marchés publics. Vous avez évoqué un plafond de 1,5 million d’euros – sans toutefois l’inscrire dans le texte – pour que les marchés bénéficient du régime dérogatoire : il ne s’agira pas de grands marchés internationaux, et il faut aller au bout de la logique et permettre aux artisans du territoire de participer à la reconstruction. Voilà pourquoi une durée minimale de publicité est utile.

Cette mesure est d’autant plus indispensable que vous envisagez d’appliquer le régime dérogatoire pendant un an et demi. Si vous la refusez, ce sera le signe que votre objectif est la remise en cause des règles entourant les marchés publics. Or l’absence de ces règles est criminogène : il ne s’agit pas de défiance envers les acteurs locaux, mais d’un fait. Les hommes et les femmes sont d’autant plus vertueux que les règles encadrant leur action le sont.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable. Le texte prévoit une mise en concurrence pour les marchés. Les élus locaux, les maires notamment, sont très attentifs à cet aspect. Seule la publicité disparaîtra dans le régime dérogatoire, pas la mise en concurrence. N’insultons pas les élus locaux en les soupçonnant en permanence.

M. Christophe Béchu, ministre. Je comprends l’intention des amendements, mais le contrôle de légalité s’exercera et annulera les quelques dizaines de marchés irréguliers. Il est particulièrement savoureux, madame Garrido, de vous entendre rappeler à quel point il importe de respecter les règles – j’en déduis que participer à une manifestation interdite est criminogène. Pour vous, il y a deux cas de figure : les parlementaires de La France insoumise peuvent commettre des entorses à la loi, mais les élus locaux doivent respecter les règles. Les leçons sur le respect des lois ne peuvent pas être à géométrie variable !

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur de Fournas, vous n’avez pas voté l’article 1er parce que nous avons refusé d’insérer un qualificatif que vous proposiez, et vous semblez vous diriger vers un refus de l’article 2. En outre, vous cherchez à mettre les élus locaux au pied du mur en les contraignant à se constituer parties civiles : croyez bien qu’ils entendront parfaitement votre message.

Madame Garrido, les maires rencontrent les chefs d’entreprise et les sensibilisent aux marchés publics. Vous êtes, tout comme moi, attachée aux fonctionnaires : les marchés publics font l’objet d’un contrôle de légalité et sont annulés s’ils ont été passés de manière irrégulière : croyez bien que nous veillerons à ce qu’il en reste ainsi !

M. Grégoire de Fournas (RN). Monsieur Vigier, si pour vous, quoi que l’on fasse et sans condition, toutes les réparations sont financées aux frais du contribuable, votre message va être reçu cinq sur cinq par les Français !

Monsieur le rapporteur, vous vous obstinez à considérer que vouloir quelques garanties, c’est ne pas faire confiance aux acteurs locaux. Selon cette logique, puisque vous faites confiance aux acteurs locaux, vous n’avez qu’à supprimer carrément le droit commun des marchés publics !

Enfin, la mise en concurrence suppose tout de même quelques conditions, dont la publicité fait partie.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Si vous voulez que nos discussions se déroulent dans le calme, il ne faut pas nous faire des procès d’intention ou de faux procès. Que dit l’exposé sommaire de l’amendement défendu par Mme Garrido ? « Cet amendement permettra de limiter le risque de dérive financière liée à la rapidité des travaux entrepris. L’impérieuse urgence de la reconstruction ne peut et ne doit pas permettre de donner lieu à des marchés avec une seule proposition de reconstruction, ce qui ouvre la porte à une surfacturation d’opportunité. » C’est très clair : nous demandons des précautions ; cela ne légitime en rien le raccourci par lequel vous nous accusez de jeter l’opprobre sur les élus locaux. Lors de leur audition, à laquelle Mme Garrido et moi avons participé comme vous, monsieur Mattei, les associations d’élus ont bien demandé des garanties.

M. Fabien Di Filippo (LR). Il faut distinguer deux choses : le financement de la réparation des dommages, dont on ne peut que regretter qu’il incombe en grande partie, au bout du compte, au contribuable ou à l’assuré ; la procédure de marchés publics, qui est très lourde et encadrée, même abstraction faite du délai de publicité. D’ailleurs, que l’avis de marché soit publié ou non, les candidats seront à peu près les mêmes.

Madame Garrido, n’oubliez pas que dans les endroits où les violences urbaines ont eu lieu, des enfants sont privés d’écoles, d’aires de jeux, de médiathèques, bref des services publics que vous défendez, du fait non de la police, mais bien des émeutiers. Des boutiques ont été pillées, des lieux incendiés, des services publics ne peuvent plus fonctionner. Il y a donc bien urgence, admettez-le. Dans ce contexte, ce qui est criminogène, ce n’est certainement pas le fait de surseoir à un délai de publication.

M. Robin Reda (RE). Je crains d’être polémique, mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’à l’initiative de La France insoumise et du Rassemblement national, un travail d’obstruction est engagé pour faire obstacle à ce projet de loi d’urgence. (Protestations parmi les députés du groupe LFI-NUPES.) Les uns et les autres, vous remettez au fond en cause le caractère d’urgence du texte, soit pour punir les habitants des quartiers, soit pour les reléguer – car vous voulez qu’ils se sentent abandonnés, afin d’en tirer un profit électoral. Nous, nous leur disons que la République ne les abandonnera pas. Avec le Gouvernement, avec le Parlement, avec les élus locaux, nous reconstruirons.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE33 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il s’agit d’un amendement d’appel destiné à inciter le Gouvernement à révéler au Parlement le seuil maximal des marchés publics exonérés de publicité. Selon un brouillon que j’ai pu consulter, ce seuil serait de 1 million d’euros.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Puisqu’il s’agit d’un amendement d’appel, je vous demanderai de le retirer, mais je laisse le ministre vous répondre.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous avons effectivement fait mention de la perspective du million d’euros. Le Sénat a considéré que ce montant était un peu trop faible. À l’inverse, l’avis du Conseil d’État nous incite à nous éloigner significativement du seuil européen de 5,3 millions dans la mesure où, à partir d’un certain niveau, la jurisprudence peut estimer qu’un marché doit faire l’objet d’une forme de publicité internationale. Pour vous répondre de manière précise, je pense que le Gouvernement s’orientera vers un seuil de 1,5 million d’euros.

M. Thibault Bazin (LR). Monsieur le ministre, les sénateurs vous ont dit à juste titre que vous pourriez aller au-delà de 1 million, puisque la réglementation européenne vous permet d’aller jusqu’à 5 millions.

L’enjeu, en dérogeant aux quatre semaines de publicité, est de gagner du temps ; cela n’empêche pas la mise en concurrence. Souvent, les dégradations elles-mêmes ont fait l’objet d’une large publicité ; ce sera également le cas des décisions budgétaires prises par les conseils municipaux à leur sujet. Il serait donc opportun de relever le seuil envisagé.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE6 de M. Alexis Jolly, CE58 de M. Benjamin Saint-Huile, CE52 et CE51 de M. Inaki Echaniz (discussion commune).

M. Grégoire de Fournas (RN). Il s’agit de limiter le montant des travaux susceptibles de dérogation au coût de construction initial du bâtiment actualisé selon l’inflation, afin d’éviter des montants extravagants.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous assumons le côté arbitraire de notre amendement : il faut bien fixer une limite claire. Nous proposons 3 millions d’euros. Pour certains ce ne sera pas assez, pour d’autres ce sera trop ; nous nous rangerons à l’avis du Gouvernement.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous ne considérons pas que 1 million soit trop peu. Parce qu’il faut bien fixer un seuil précis et comme, au stade du dépôt des amendements, nous n’avions pas connaissance de ce que le ministre prévoyait, nous proposons 750 000 euros.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable aux quatre amendements. Inscrire un seuil dans le texte serait trop contraignant.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis. Nous ne pourrons de toute façon pas aller jusqu’au montant proposé par Benjamin Saint-Huile : il dérogerait à trop de règles. Quand je parle de 1,5 million, je pense ne pas être loin de ce vers quoi nous devrions aller.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE57 de M. Benjamin Saint-Huile.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il sera sans doute l’occasion pour le ministre d’apporter des précisions. Pour nous, le fait de déroger au principe d’allotissement n’accélérera pas la reconstruction, mais risque de favoriser les grandes entreprises au détriment des TPE et des PME. Il ne faudrait pas pénaliser les entrepreneurs locaux, ceux qui répondent le plus facilement à de tels avis de marché.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Défavorable. Les associations d’élus étaient très favorables à ce dispositif.

M. Christophe Béchu, ministre. J’aurais dû le dire plus tôt : le maire qui déciderait de publier l’avis pendant une semaine ou de conserver un principe d’allotissement n’en sera pas empêché ; nous créons simplement la possibilité, dans un cadre très restreint, pour les bâtiments endommagés ou détruits pendant les huit jours d’émeutes, de recourir à certains dispositifs, répondant ainsi, en effet, à une demande expresse des associations d’élus.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je n’ai aucune intention polémique ; je comprends, et je connais la position des associations d’élus. Ma question est simple : ne craignez-vous pas que cette disposition ne nuise aux TPE-PME ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je serais tenté de répondre à Benjamin Saint-Huile avec un brin de malice – mais j’ai beaucoup de respect pour lui – qu’avec le rejet de son amendement instituant un seuil à 3 millions, le risque que le dispositif profite à de trop grandes entreprises est limité…

En réalité, on recourt ou non à l’allotissement en fonction non de l’entreprise que l’on veut faire travailler mais de la typologie des travaux. La dérogation au principe d’allotissement n’augmente pas nécessairement la probabilité de recourir à une entreprise de travaux généraux : des cotraitants peuvent aussi répondre ensemble à l’avis de marché pour aller vite. On ne peut pas déterminer par avance ce qui va se passer : il faudra regarder a posteriori. Je défends de manière générale le principe d’allotissement, car il permet la multiplication du travail ; mais dans le cadre de procédures qui permettent de gagner du temps et que les associations ont réclamées, limitées à quelques dizaines de bâtiments et à la réparation de dégâts circonscrits à une période de huit jours, cette dérogation en vaut la peine.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE87 de Mme Rachel Garrido.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La dérogation au principe d’allotissement n’apporte rien au texte mais entraîne d’importants effets de bord, comme l’a dit mon collègue Saint-Huile. L’intérêt de la dérogation est de permettre un grand lot et le recours à une entreprise tous corps d’État qui pourra faire tous les travaux ; mais il ne s’agit que d’un certain type d’entreprise, qu’il ne sera pas toujours possible de trouver dans un bassin donné – personne ici n’a parlé des tensions actuelles dans le bâtiment – alors même que des artisans spécialisés seraient susceptibles de commencer les travaux plus rapidement. Lors des auditions, le ministère des finances nous a dit que ces artisans pouvaient concourir en se plaçant dans le cadre d’une entreprise de fait. Dans ce cas, supprimons la dérogation ! Faisons primer l’efficacité, le pragmatisme et l’urgence.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Défavorable. La dérogation est un élément facilitateur qui n’écarte pas nécessairement les petites entreprises.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE 31 de M. Grégoire de Fournas.

 

 

Elle adopte l’article 2 non modifié.

 

 

Article 3 : Habilitation pour déroger à l’obligation de participation minimale au financement des projets d’investissement, au plafond des fonds de concours et pour déterminer le régime des dépenses éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CE35 de M. Grégoire de Fournas.

 

Amendement CE90 de Mme Nathalie Oziol.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). L’article autorise le Gouvernement « à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à faciliter la réparation des dommages directement causés par les actes de dégradation et de destruction », etc. S’il y a urgence, le délai de trois mois est trop long. Par cohérence, nous proposons de le réduire.

Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances alors qu’il ne s’agissait que de lever des contraintes réglementaires : un autre choix politique et parlementaire était possible.

Si ce texte partiel n’est pas à la hauteur des enjeux des révoltes urbaines, son contenu devrait du moins être cohérent avec son caractère d’urgence. Nous proposons donc de ramener le délai à la fin du mois de juillet, pour que les opérations de reconstruction puissent s’engager dès que possible, avant l’échéance d’octobre prévue par le texte.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Par cohérence avec nos précédents échanges, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements en discussion commune CE29 de M. Grégoire de Fournas et CE112 de M. Timothée Houssin.

 

Amendement CE54 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). Nous aurions préféré un projet de loi de finances rectificative pour savoir où seront fléchées les dépenses de l’État. Vous avez parlé, monsieur le ministre, de 94 millions d’euros ; ce montant nous semble provisoire – vous dites vous-même que le montant du coût des dommages n’est pas consolidé. En tout cas, l’imputation comptable n’est pas claire.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. La précision proposée n’est pas utile. Ces financements devraient être obtenus par le dégel de crédits non consommés et tout recours à des crédits supplémentaires devra passer par un projet de loi de finances rectificative. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE56 de Mme Sandrine Dogor-Such.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il propose que le coût des réparations soit imputé sur les crédits de la politique de la ville.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Et pour les communes qui ne relèvent pas de la politique de la ville ?

M. Grégoire de Fournas (RN). Pour les petites communes, on prendra sur les crédits de la politique de la ville des grosses, tout simplement !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE60 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard (RN). Cet amendement vise à exclure la DETR des fonds mobilisables. Certaines destructions ne seront pas éligibles aux fonds dédiés ; l’instruction du 7 juillet préconise donc de consommer des crédits inscrits au titre de la DETR. Le Gouvernement s’offre une énorme campagne de communication, mais il propose tout simplement de déshabiller Pierre pour habiller Paul – qui plus est au détriment des territoires ruraux.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Cet amendement n’est pas opportun. L’instruction du 7 juillet précise que les collectivités peuvent recourir de façon complémentaire à la DETR, dans laquelle il reste souvent des crédits non consommés. Avis défavorable.

M. Grégoire de Fournas (RN). Si le message consiste à dire que les réparations s’appuieront sur la DETR, ce qui affectera la part de dotation affectée aux petites communes n’ayant pas été touchées par les destructions, croyez bien qu’il sera reçu cinq sur cinq dans les territoires !

M. Philippe Vigier (Dem). Toutes ces enveloppes sont fongibles et peuvent être utilisées au niveau régional comme au niveau départemental. Les petites communes sont également éligibles à la DSIL et au fonds Vert. Nous allons donc beaucoup plus loin que ce que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE32 de M. Grégoire de Fournas.

 

Amendement CE36 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). Le dispositif, un peu complexe, vise à éviter que notre proposition soit déclarée irrecevable. Il nous semble normal de supprimer les allocations familiales pour les familles des personnes condamnées.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Vous souhaitez imposer une nouvelle contrainte aux collectivités pour qu’elles soient éligibles. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). À travers cet amendement, vous sous-entendez que les violences et les émeutes n’ont concerné que des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or c’est faux. Certaines communes n’ayant pas de contrat de financement avec l’État et les organismes de sécurité sociale ont été touchées par ces phénomènes. L’adoption de cette disposition pénaliserait des villes moyennes et des territoires ruraux périurbains ayant pourtant besoin, eux aussi, de reconstruire de manière accélérée leur école, leur crèche ou leur centre hospitalier. C’est une question de justice. Ce n’est pas parce que les mots « territoires ruraux » figurent dans le nom d’une enveloppe que la dotation en question ne bénéficie pas à des communes de plus de 10 000 habitants : en aidant le bourg-centre, on aide la ruralité alentour.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE37 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). M. Bazin a dû se tromper, car son intervention était sans rapport avec l’amendement CE36.

L’amendement CE37, quant à lui, a pour objet de permettre aux maires de réserver les logements sociaux à des personnes n’ayant pas été condamnées par la justice. Il ne s’agit pas d’ajouter une contrainte supplémentaire pour les communes mais de défendre une idée qui n’a d’ailleurs rien de diabolique – j’en veux pour preuve le fait que le maire de Reims, qui appartient à la majorité, l’a expérimentée.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Je ne m’étais pas du tout trompé d’amendement, monsieur de Fournas. Il est vrai qu’on a l’impression que les exposés sommaires de vos amendements n’ont rien à voir avec les dispositifs. En l’occurrence, l’amendement CE37 est clair : « Les dispositions prévues aux 1° à 3° du présent article ne s’appliquent pas aux collectivités territoriales n’ayant pas signé un contrat avec les organismes d’habitations à loyer modérés ». Le précédent visait pour sa part à exclure les collectivités n’ayant pas signé un contrat de financement avec l’État et les organismes de sécurité sociale. Pourquoi exclurait-on des communes qui ont souffert des violences au seul motif qu’elles n’ont pas signé de contrat avec l’État ou les organismes visés ?

M. Grégoire de Fournas (RN). Pour tout vous dire, monsieur Bazin, ces dispositifs visent à contourner l’obstacle de l’irrecevabilité. Attachez-vous davantage aux exposés sommaires, où sont développés les objectifs que nous poursuivons.

Du reste, je ne vois pas où est le problème : il suffit que les villes moyennes en question aient signé un contrat pour qu’elles ne soient pas affectées par la mesure.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE92 de Mme Raquel Garrido.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Pour justifier l’article 3, M. le ministre a parlé du reste à charge. Or le remboursement anticipé de la TVA aux collectivités n’ajoute pas le moindre centime de financement pour ces dernières : elles touchent simplement la somme au cours de l’année n plutôt que de l’année n+2. De même, le Gouvernement invite les collectivités à recourir à la DETR, à la DSIL et aux autres fonds dont il est question, mais à enveloppe constante, dont le montant a été évalué à 94 millions d’euros par le ministre. Or cet argent aurait servi à d’autres actions publiques. Pour l’instant, l’argent supplémentaire qu’il faudrait pour financer la reconstruction fait donc défaut.

L’amendement CE92 vise à inscrire directement dans la loi la disposition relative au versement anticipé du FCTVA. Pourquoi faudrait-il passer par une ordonnance ? Nous pouvons tout aussi bien exercer notre rôle de législateur.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Il est déjà prévu que l’ordonnance précise les conditions de ce versement exceptionnel du FCTVA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE95 et CE96 de Mme Nathalie Oziol.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Étant de fervents défenseurs du pouvoir législatif, nous préférons inscrire des dispositions directement dans la loi plutôt que de donner au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnances.

L’amendement CE95 concerne le financement à 100 % par l’État des projets de reconstruction. Aux termes de la loi, les collectivités maîtres d’ouvrage doivent assurer une participation minimale de 20 %. L’ordonnance doit permettre de dépasser le plafond de 80 % pour que les collectivités bénéficient de subventions allant jusqu’à 100 % du coût des travaux. C’est une bonne chose, mais le fait de contourner le Parlement en recourant à une ordonnance n’est pas respectueux de la démocratie, ce dont témoigne également la manière dont le Gouvernement se comporte : soit il nous répond avec arrogance, soit il est absent, comme c’est le cas à cet instant.

L’amendement CE96, pour sa part, vise à inscrire en dur dans la loi la possibilité de déroger au plafonnement des fonds de concours.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle, limitée dans le temps. Si vous voulez vraiment l’inscrire dans le marbre de la loi, je vous invite à déposer de nouveau cet amendement dans le cadre du projet de loi de finances.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle adopte l’article 3 sans modification.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CE9 de M. Julien Dive.

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez fait état, monsieur le ministre, d’une estimation budgétaire le 30 septembre. Or il serait intéressant pour la Représentation nationale de disposer d’un état des lieux précis des communes ayant subi des dégradations et des destructions. S’il nous était remis dans un délai de trois mois, cela nous permettrait d’être pleinement éclairés avant l’examen du projet de loi de finances. En outre, les autorités pourraient ainsi concentrer leurs efforts sur les zones les plus affectées et s’assurer que les infrastructures publiques essentielles, telles que les écoles, les hôpitaux, les équipements sportifs et les services administratifs, sont remises en état rapidement.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. S’il s’agit de la liste des communes ayant bénéficié du dispositif, cela prendra plus de temps que s’il s’agit seulement de celle des communes susceptibles d’en bénéficier. Nous devrions disposer de cette dernière le 30 septembre, sous réserve que toutes les communes remontent la réalité des dégâts auprès de leur préfecture.

Je suis défavorable à ce que cette demande de rapport soit inscrite dans la loi. D’une part, nous nous efforcerons de dresser la liste d’ici au 30 septembre : à cette date, nous devrions avoir une vision d’ensemble. D’autre part, vous aurez toujours la possibilité, dans le cadre de votre faculté de contrôle, de demander ces éléments ex post.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE38 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). À travers cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant le coût total des dégradations et le montant de leur prise en charge par l’État. Cela nous paraît vraiment la moindre des choses.

Dans cet amendement, il est fait référence au 15 juillet. En effet, nous avions déposé un amendement se rapportant au titre du projet de loi, qui visait à fixer la fin de la période à cette date. Une école de Meurthe-et-Moselle a été incendiée le 13 juillet : il est fort dommage qu’elle ne soit pas prise en compte par le texte. Malheureusement, vous avez déclaré cet amendement irrecevable, monsieur le président.

M. le président Guillaume Kasbarian. J’ai informé dès hier soir votre groupe, par élégance, du fait que certains de vos amendements ne seraient pas retenus, soit parce qu’il s’agissait de cavaliers, soit parce qu’ils opéraient une extension du champ de l’habilitation, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 38 de la Constitution – lesquelles valent aussi pour les amendements portant sur le titre. Je me tiens à votre disposition, avec le secrétariat de la commission, pour vous donner plus de précisions concernant les décisions que je prends en matière de recevabilité. Il n’est pas nécessaire de vous en plaindre systématiquement, d’autant que j’essaie de trancher aussi objectivement que possible.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, comme je le suis, de manière générale, aux demandes de rapport.

M. Christophe Béchu, ministre. Même avis. Qui plus est, monsieur de Fournas, vous demandez la remise de ce rapport un mois après la promulgation de la loi. D’une part, je ne sais pas quand celle-ci sera promulguée. D’autre part, et même si nous nous efforçons d’agir le plus vite possible, il me paraît difficile de satisfaire cette demande dans un délai aussi court. Par ailleurs, dans le cadre de ses activités de contrôle, le Parlement a la possibilité d’obtenir ces informations. Du reste, les coûts en question seront bien entendu rendus publics.

Prévoir une date de remise aussi proche risquerait de faire obstacle à la rapidité avec laquelle nous souhaitons prendre ces ordonnances, compte tenu de l’urgence. C’est une question de cohérence : mon opposition ne porte pas sur le fond de la demande.

M. Philippe Vigier (Dem). Un tel rapport ne permettrait pas de connaître le coût réel des opérations. Comme le disait précédemment M. le ministre, il serait intéressant de disposer d’un état des lieux une fois que tout sera terminé : cela permettra de savoir, opération par opération, commune par commune, comment les choses se sont passées et quel a été le temps de réaction de l’État, notamment pour l’instruction des dossiers. Nous aurons ainsi une vision d’ensemble, ce qui aidera à prendre des décisions par la suite. Le rapport que vous demandez serait quant à lui incomplet, ce qui le rendrait inefficace.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE18 de M. Fabien Di Filippo et CE77 de Mme Raquel Garrido (discussion commune).

M. Fabien Di Filippo (LR). À travers l’amendement CE18, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, six mois après la promulgation de la loi, un rapport dressant le bilan de son application.

Les élus locaux croulent sous le poids des normes ; il devient de plus en plus dur de conduire le moindre projet. Chaque fois que nous souhaitons alléger les procédures, on nous répond que c’est impossible, en invoquant des raisons techniques. Or ce projet de loi démontre qu’il est possible d’aller beaucoup plus vite quand on le veut. Ce sera donc une expérience très intéressante, dont il faudra tirer les conclusions pour alléger le fardeau bureaucratique dont souffre notre pays – n’en déplaise aux tenants des contraintes administratives qui vocifèrent de l’autre côté de la salle.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je ne comprends pas pourquoi ces deux amendements sont en discussion commune, car ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre… J’espère, monsieur le ministre, que vous n’entérinerez pas, dans votre réponse à M. Di Filippo, la logique de destruction des règles juridiques dont son amendement est porteur.

À travers l’amendement CE77, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois, un rapport dressant le bilan des travaux de reconstruction effectués dans ce cadre dérogatoire. Cela nous permettra de savoir dans quelle mesure celui-ci a vraiment facilité la reconstruction.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Le Parlement peut tout à fait contrôler l’action de l’État. Pourquoi faudrait-il toujours demander des rapports au Gouvernement ? Avis défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis, moi aussi, défavorable à ces deux amendements.

D’abord, il faut aller vite. Je ne souhaite donc pas que nous ajoutions des rapports. Qui plus est, philosophiquement, je partage l’avis exprimé de manière majoritaire par les parlementaires : il n’est pas souhaitable de multiplier les ordonnances. Je suis donc cohérent en souhaitant limiter strictement le texte au champ de la reconstruction.

Ensuite, quand bien même nous rédigerions un rapport dressant le bilan de l’application de la loi, certaines simplifications possibles ne figureront pas dans le texte, monsieur Di Filippo. À l’inverse, celles qui concernent les marchés publics, notamment, n’ont pas vocation à être prolongées au-delà de cette situation d’urgence : elles ont clairement un caractère dérogatoire et temporaire. Il est vrai que la question pourrait se poser pour certaines règles en matière d’urbanisme, mais regrouper tout cela sous le même chapitre me pose problème.

Madame Garrido, le Parlement pourra tout à fait contrôler l’exécution le moment venu, sans que la publication des informations soit prévue préalablement dans un rapport.

M. le président Guillaume Kasbarian. S’agissant de l’application des lois, nos commissions rédigent obligatoirement des rapports au bout de six mois et peuvent réaliser une évaluation au bout de trois ans.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Merci, monsieur le président, pour cette information très utile. Toutefois, il est très important d’assurer correctement le suivi des travaux de reconstruction. Ainsi, les représentants des services, que nous avons auditionnés hier, nous ont expliqué qu’ils avaient un mal fou à obtenir des informations précises de la part des assurances s’agissant des types de contrat et des franchises.

L’instruction du 7 juillet donne jusqu’au 30 septembre pour faire remonter les dossiers. À compter du mois d’octobre, les services centraux de l’État auront donc une vision d’ensemble de la situation. Il me semble important que nous disposions de ces informations, y compris avant l’expiration du délai de douze mois mentionné dans l’amendement CE77, dans la perspective d’un projet de loi de finances rectificative en novembre ou en décembre : si l’on veut s’assurer que les fonds sont dirigés vers ceux qui en ont besoin, encore faut-il avoir une idée précise du reste à charge.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE78 de Mme Raquel Garrido.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’amendement porte sur les équipements à vocation artistique et culturelle qui concourent à la reconstruction de l’immatériel dont je soulignais l’importance dans la discussion générale. Un éclairage particulier sur les lieux de pratique des arts endommagés serait donc utile.

Un débat a eu lieu au Sénat sur l’opportunité d’ajouter la notion d’équipements à celle de bâtiments. Or, lors des auditions, j’ai compris que l’administration n’en avait pas la même acception que nous – pour elle, cette notion recouvre un abribus ou un lampadaire. Je souhaite que soit levée toute ambiguïté sur le périmètre des biens visés – rien ne doit être exclu à tort.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Avis défavorable. Le dispositif concerne tous les équipements publics.

M. Thibault Bazin (LR). Vous nous confirmez, monsieur le ministre, vous qui êtes l’auteur d’un amendement adopté au Sénat pour ajouter la notion d’équipements, que les portions de voirie en font partie ?

M. Christophe Béchu, ministre. Je suis heureux de vous le confirmer.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE89 de Mme Nadège Abomangoli.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Il est demandé un rapport sur les impacts de la dérogation à la règle d’allotissement des marchés publics et sur les retombées économiques des reconstructions et réfections réalisées.

Vous n’y êtes pas favorables mais les rapports permettent de mettre en lumière certains points. Nous sommes soucieux que les travaux s’inscrivent dans un cercle vertueux pour les bassins économiques touchés. Or la dérogation aux règles d’allotissement profitera plutôt aux grosses entreprises qu’aux petites et moyennes, en particulier celles implantées dans les quartiers populaires. Par ailleurs, avons-nous l’assurance que cette dérogation permettra d’accélérer significativement les travaux ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

 

Titre

 

Amendement CE106 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Nous avions déposé plusieurs amendements visant à faire payer les casseurs qui ont été déclarés irrecevables. Il nous reste donc le titre pour qualifier ce texte dont l’objet est de reconstruire ce qui a été détruit en faisant payer le contribuable – la France qui travaille plutôt que les émeutiers.

Le débat « casseur-payeur » est réclamé par les Français, vous refusez de l’entendre. Pourtant, les émeutiers ont commis des centaines de millions d’euros de dégâts ; ils ont pris pour cible des bâtiments qui représentaient la France – les mairies, les commissariats, les écoles. C’est la France qui a été attaquée mais vous refusez de les faire payer.

Vous présentez une loi d’urgence pour reconstruire les bâtiments publics, c’est très bien. Mais où est la loi d’urgence pour faire payer aujourd’hui et demain les casseurs ? Où est la loi d’urgence pour limiter l’immigration ? Où est la loi d’urgence pour responsabiliser les parents ? Où est la loi d’urgence pour lutter contre le sentiment d’impunité des voyous ?

Une nouvelle fois, le contribuable va payer et les émeutiers n’auront pas à réparer financièrement les dégâts qu’ils ont commis. Vous n’agissez pas sur les causes, donc, nous risquons de voir demain les mêmes causes produire les mêmes effets.

Nous voulons dire aux voyous : « ce que vous avez cassé, vous allez le payer ». Nous voulons que le principe de « casseur-payeur » s’applique à toute dégradation.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Je me contenterai d’un avis sur l’amendement, défavorable, puisque le titre proposé me semble précis et bien adapté au texte.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous aurons un débat sur les causes. Ce n’est pas l’objet du texte que le titre doit refléter. C’est la raison pour laquelle je serai défavorable à toutes les modifications proposées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2 de M. Alexis Jolly.

M. Alexis Jolly (RN). Les dispositions ne peuvent pas se limiter aux bâtiments publics au risque de donner l’impression aux Français que nous ne nous soucions que de notre pré carré d’élus locaux. Les bâtiments privés, qui ont subi d’importantes dégradations lors des émeutes, doivent aussi en bénéficier. Les commerçants non seulement ont été les premières victimes des émeutes mais ils sont aussi confrontés à la réticence des assureurs. Nous devons nous préoccuper des Français qui se retrouvent souvent dans la difficulté.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE21 de M. Grégoire de Fournas.

M. Grégoire de Fournas (RN). Il s’agit d’ajouter une référence aux émeutes. Les violences urbaines peuvent se produire toute l’année alors que les émeutes revêtent un caractère exceptionnel.

Monsieur le ministre, je comprends que nous ne sommes pas là pour chercher les causes. Il n’en reste pas moins qu’il est inacceptable de faire un chèque en blanc sans tenter de faire payer les responsables des dégradations. C’est pour nous une ligne rouge que nous défendrons devant les Français.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur. Défavorable.

M. Christophe Béchu, ministre. Le texte n’est pas un chèque en blanc. Dans le futur débat sur les causes, vous aurez l’occasion de faire le lien avec les coûts ; ni la responsabilité parentale, ni le principe « casseur-payeur » ne seront mis sous le tapis.

M. Timothée Houssin (RN). L’objectif du texte, que nous partageons, est d’organiser la reconstruction. Mais rien n’est fait pour vous prémunir contre une nouvelle destruction.

M. Philippe Vigier (Dem). Puisque vous êtes favorables à la reconstruction, je n’imagine pas une seconde que vous votiez contre le texte.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

 

 

 

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité

M. Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette, vice-président

Mme Charlotte de Fontaines, conseillère aux relations parlementaires

 

France urbaine

Mme Sarah Bou Sader, conseillère aux relations parlementaires

M. Christophe Amoretti-Hannequin, conseiller finance responsable et achats

 

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. François Adam, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Guillaume Lefebvre, adjoint au sous-directeur de la qualité de vie

 

Direction générale des collectivités locales

Mme Cécile Raquin, directrice générale

Mme Karine Delamarche, sous-directrice des compétences et des institutions locales

Mme Hélène Martin, adjointe à la sous-directrice des compétences et des institutions locales

M. Yoann Geneslay, chef du bureau des budgets locaux et de l’analyse financière

Mme Taline Aprikian, cheffe de bureau des services publics locaux

Mme Élise Dassonville, adjointe à la cheffe de bureau des services publics locaux

 

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

M. Raphaël Arnoux, sous-directeur du droit de la commande publique

 

 

 


([1]) Article L. 111-15 du code de l’urbanisme.

([2]) Ancien article L. 111-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures.

([3]) Conseil d’État, 9 mai 2012, n° 341259, « Commune de Tomino ».

([4]) Conseil d’État, 6 décembre 1993, n° 103884, « Bohn ».

([5]) Ou, le cas échéant, du plan de prévention des risques naturels.

([6]) Conseil d’État, 8 novembre 2017, n° 403599, « Société Battos ».

([7]) L’article L. 421-1 du code de l’urbanisme prévoit que toute construction, que la commune soit ou non dotée d’un document d’urbanisme, est précédée d’un permis de construire, et qu’un décret en Conseil d’État peut soumettre la réalisation de travaux sur une construction existante à la délivrance préalable d’un permis.

([8]) Conseil d’État, 23 février 2005, n° 271270, « Hutin ».

([9]) Article R. 421-2 du code de l’urbanisme. Cette dispense ne prévaut pas lorsque ces travaux ont lieu dans un site classé ou un secteur sauvegardé.

([10]) Même article.

([11]) Article R. 421-3 du code de l’urbanisme.

([12]) Article R. 421-4 du code de l’urbanisme.

([13]) Article R. 421-5 du code de l’urbanisme.

([14]) Décret n° 2021-812 du 24 juin 2021 portant adaptation temporaire du régime de dispense de formalités d'urbanisme applicable à certaines constructions démontables.

([15]) Article R. 423-23 du code de l’urbanisme.

([16]) Article R. 423-60 du code de l’urbanisme.

([17]) Article L. 3 du code de la commande publique. Ces principes ont valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-473 DC du 26 juin 2003

([18]) Article L. 2120-1 du code de la commande publique.

([19]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE et directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.

([20]) Règlement délégué (UE) 2021/1952 de la Commission du 10 novembre 2021.

([21]) Cour de justice des communautés européennes, 7 décembre 2000, n° C-324/98, « Telaustria ».

([22])  Décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique.

([23])  L’article R. 2122-8 du code de la commande publique offre la possibilité de recourir au marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à n’importe quel besoin dont la valeur estimée est inférieure à 40 000 euros.

([24]) Article 142 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (loi Asap).

([25]) Article R. 2122-1 du code de la commande publique.

([26]) Article L. 2113-10 du code de la commande publique

([27]) Article L. 2171-1 du code de la commande publique.

([28])  Article L. 2113-10 du code de la commande publique.

([29])  Article L. 2113-11 du code de la commande publique.

([30]) La catégorie « divers » rassemblant des cas particuliers, s’élevant à 6 % du total des ressources concernées