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N° 1675

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027,
MODIFIÉ PAR LE SÉNAT
(n° 530),

 

 

TOME II

 

 

EXAMEN EN COMMISSION

 

Par M. Jean-René CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

——

 

 Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1ère lecture : 272, 282 et T.A. 24.

 Commission mixte paritaire : 621.

 Nouvelle lecture : 530.

Sénat :  1ère lecture : 71, 86, 87, 73 et T.A. 15 (2022-2023).

 Commission mixte paritaire : 211 et 212 (2022-2023).


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SOMMAIRE

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 Pages

Travaux de la commission

Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques sur l’avis du Haut conseil relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Examen des articles

 

 


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   Travaux de la commission

Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques sur l’avis du Haut conseil relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Au cours de sa première séance du lundi 25 septembre 2022 après-midi, la commission a procédé à l’audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 530).

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), M. Pierre Moscovici, afin qu’il nous présente l’avis qu’a rendu le Haut Conseil des finances publiques sur les hypothèses actualisées relatives au projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027.

Je rappelle que ce projet de loi de programmation des finances publiques avait été déposé il y a un an et que le Haut Conseil avait alors rendu un premier avis. Le HCFP est en effet chargé d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques et l’estimation de PIB potentiel, mais également d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif de moyen terme retenu et des engagements européens de la France. Dans la mesure où les prévisions macroéconomiques qui fondent ce texte, ainsi que la trajectoire qui est proposée ont évolué depuis lors, il est heureux que le Haut Conseil ait à nouveau été saisi et qu’il ait pu rendre un nouvel avis, dont nous pouvons débattre avant d’entamer l’examen du texte en nouvelle lecture

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, afin de vous présenter les principales conclusions de notre avis relatif à la révision du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, puisque le Gouvernement a choisi de ne pas déposer un nouveau projet. Comme j’ai eu maintes fois l’occasion de le dire, en particulier devant vous, je considère qu’il est indispensable que la France se dote d’une loi de programmation des finances publiques. Je me félicite donc de la reprise, dans cette enceinte, de la discussion sur ce projet.

Il ne me revient pas de porter un regard politique sur le contenu des dispositions de ce projet de loi, mais, en tant que président du HCFP, je souhaite rappeler son importance pour la gestion des finances publiques de notre pays. D’abord, l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques (LPFP) constitue une obligation que le Parlement s’est donnée. C’est une partie intégrante de notre ordre public financier : la nécessité de fixer des perspectives de moyen terme de nos finances publiques au travers d’une LPFP figure à la première ligne de notre constitution financière, inscrite dans la loi organique de décembre 2012. Dès lors, l’absence d’une loi de programmation constituerait un enjeu politique incontestable, dont j’estime qu’il pourrait à un moment donné soulever un problème constitutionnel.

L’adoption d’une LPFP représente également une nécessité politique et de bonne gestion : elle fixe une trajectoire de solde et de dette qui donne un cap aux gestionnaires et aux responsables publics. Elle rend plus prévisible et plus lisible l’action publique pour les citoyens, pour les acteurs économiques, pour nos partenaires européens. Par ailleurs, l’adoption d’une LPFP répond aux engagements communautaires de la France : en adhérant à l’Union économique et monétaire, notre pays a accepté de coordonner ses politiques budgétaires avec ses partenaires européens. Nous leur devons et nous nous devons de respecter les engagements juridiques pris, qui supposent notamment de nous doter d’une programmation pluriannuelle. Enfin, l’adoption de la LPFP est un engagement pris par la France dans le plan national de relance et de résilience (PNRR) et conditionne donc le paiement de financements européens importants pour notre pays. Je me félicite donc que le gouvernement ait choisi de présenter ce projet de loi de programmation des finances publiques révisé. Conformément à la loi organique, il a saisi le HCFP des nouvelles prévisions macroéconomiques – le contexte économique ayant changé depuis la présentation du projet initial – et de la trajectoire de finances publiques mise à jour.

J’en viens maintenant aux observations détaillées du HCFP, que je présenterai en trois temps : dans un premier temps, ses observations sur l’estimation de la croissance potentielle ; dans un second temps, ses observations sur les prévisions macroéconomiques du gouvernement pour la période 2023-2027, et, dans un troisième temps, ses observations sur la trajectoire de finances publiques.

Le Haut Conseil est chargé par la loi organique de porter une appréciation sur l’évaluation, par le gouvernement, de l’activité potentielle. Il a ainsi examiné, d’une part, l’estimation d’écart de production du gouvernement, c’est-à-dire son estimation de la position de l’économie française dans le cycle économique ; et d’autre part, celle de la croissance potentielle, c’est-à-dire la croissance tendancielle que connaîtrait l’économie en l’absence de chocs conjoncturels. Cela peut paraître technique, mais votre commission sait que le cadre potentiel retenu est un élément déterminant de la crédibilité de la trajectoire de finances publiques.

À cet égard, le Haut Conseil considère que les deux hypothèses retenues dans le projet de LPFP, l’hypothèse d’écart de production et l’hypothèse de croissance potentielle, sont optimistes. S’agissant de l’estimation de l’écart de production, le gouvernement a légèrement révisé à la baisse son estimation du PIB potentiel sur le passé, pour prendre en compte un impact plus fort des crises sanitaire et énergétique. Il estime ainsi que l’écart de production sera un peu moins creusé en 2023 qu’il ne le prévoyait il y a un an, soit -1,2 % au lieu de -1,4 %.

Toutefois, cette évaluation traduit toujours, du point de vue du HCFP, une appréciation optimiste sur la capacité de rebond de l’économie française au-delà de 2023. Elle suppose en effet que l’économie française se situe dans un creux conjoncturel et qu’elle dispose donc de capacités de production inutilisées importantes, qui permettraient à la croissance future d’excéder la croissance potentielle. Mais la persistance de tensions sur les recrutements, qui demeurent à un niveau historiquement élevé même si elles ont un peu diminué dans les derniers mois, laisse au contraire penser que la capacité de rebond est limitée par les facteurs d’offre.

S’agissant de la croissance potentielle, le gouvernement a conservé sa prévision à 1,35 % par an sur la période 2023-2027. Le Haut Conseil estime également qu’elle est optimiste. Si d’autres prévisions s’en rapprochent, comme celle de l’OFCE pour le début de la période de programmation, ou celle du FMI à l’horizon 2027, elle demeure la plus élevée de toutes les prévisions disponibles, supérieure à celle de l’OCDE, de la Banque de France ou encore de la Commission européenne.

Cette prévision résulte en effet de la conjonction d’hypothèses favorables. Elle suppose que la productivité globale des facteurs, qui traduit le progrès technique et l’efficacité des facteurs de production, se remette à croître conformément aux tendances antérieures à la crise sanitaire. Elle suppose aussi un dynamisme important de l’investissement des entreprises, malgré le durcissement des conditions de crédit actuel. Enfin, s’agissant de la contribution de l’emploi à la détermination de la croissance potentielle, le gouvernement retient les effets des réformes du marché du travail, mises en œuvre ou envisagées, que le HCFP estime trop importants et trop rapides.

Certes, l’estimation de l’impact de la réforme des retraites se trouve confortée par les dernières projections de population active de l’Insee, qui retiennent même un impact un peu plus fort de la réforme des retraites que le gouvernement. Mais les effets attendus des autres réformes du marché du travail, et notamment celle de l’assurance chômage, paraissent nettement surestimés. Le HCFP estime donc que les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production sont optimistes.

Passons à présent aux prévisions macroéconomiques du gouvernement pour la période 2023-2027. Pour 2023, la prévision de 1 % retenue par le gouvernement, qui est inchangée par rapport à celle du Programme de stabilité, est désormais plausible. Cette prévision avait été jugée « un peu élevée » par le HCFP l’année dernière à la même époque. Permettez-moi un rappel important ici : la qualité d’une prévision économique se juge à son réalisme au moment où elle est réalisée, en fonction des informations disponibles. Elle doit être dépourvue de biais et cohérente avec les données constatées, les données d’enquête, les indicateurs avancés. Elle doit être « centrale », disent les économistes. Or cela n’était clairement pas le cas à l’époque, puisque la prévision du gouvernement était supérieure à celle de l’ensemble des autres prévisions alors disponibles, et qu’elle supposait donc, pour se réaliser, une conjonction de facteurs favorables. Je referme cette parenthèse, mais elle est importante, car elle éclaire également les travaux d’aujourd’hui pour lesquels le HCFP continue, avec constance, d’exercer son expertise : indiquer si les prévisions d’aujourd’hui sont dépourvues de biais et cohérentes avec les informations disponibles et centrales.

Que dire des prévisions de croissance du gouvernement pour les années 2024 à 2027 ? S’agissant de l’année 2024, le gouvernement présente une hypothèse de croissance de 1,4 %. Le HCFP estime que cette prévision est élevée : le consensus des économistes l’estime à 0,8 % et la Banque de France à 0,9 %. Pour les années qui suivent, de 2025 à 2027, le HCFP réitère son diagnostic : les hypothèses de croissance du gouvernement, c’est-à-dire une croissance de 1,7 % en 2025 et 2026 puis 1,8 % en 2027, sont optimistes. En effet, ce scénario s’appuie, de nouveau, sur une hypothèse de recul important du taux d’épargne des ménages pour le ramener à son niveau d’avant la crise, recul que l’on peut souhaiter, mais que rien n’annonce actuellement. Il suppose également un niveau d’investissement élevé des entreprises, ce qui semble peu compatible avec le resserrement des conditions de crédit qui résulte de la politique de rehaussement des taux d’intérêt conduite par la Banque centrale européenne (BCE). Enfin, ce scénario repose sur une contribution légèrement positive du commerce extérieur à la croissance, ce qui, au vu des tendances passées, apparaît comme une hypothèse favorable.

Quant aux prévisions d’inflation du gouvernement, elles sont, du point de vue du HCFP, plausibles pour les années 2023 et 2024. Le repli ultérieur de l’inflation attendu par le gouvernement peut néanmoins paraître un peu rapide. Ainsi, comme en septembre dernier, le scénario macroéconomique du gouvernement, bien qu’il ne repose pas sur une prévision totalement irréaliste, combine des hypothèses favorables, ce qui est de nature à fragiliser la réalisation des objectifs de finances publiques qui y sont présentés.

Le troisième et dernier point concerne la trajectoire des finances publiques. Le Haut Conseil a examiné la cohérence de la programmation avec l’objectif à moyen terme, d’une part, et celle des engagements européens de la France, d’autre part. Rappelons ici que la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui permet aux États membres de s’écarter des exigences normalement applicables, sera désactivée fin 2023. Au-delà, en 2024, le PSC devrait donc retrouver sa pleine application. Se pose également la question du périmètre du pacte, dans sa forme actuelle ou dans une forme modifiée. Comme vous le savez, des discussions sont en cours entre les États membres pour adopter une réforme des règles de gouvernance économique européennes, que je souhaite voir adoptée. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler devant vous à plusieurs reprises, dans ma qualité actuelle et dans des qualités antérieures. Je considère ainsi que le pacte actuel est procyclique, illisible et finalement un peu confus d’un certain point de vue ; mais j’ignore ce qui se passera. Les propositions initiales de la Commission européenne conservent la limite de 3 % de déficit et celle de 60 % du PIB pour la dette.

Par ailleurs, les propositions sur la table impliquent la présentation, par les États membres, de plans d’ajustement budgétaire de quatre ans en principe, qui permettent d’installer le ratio de dette sur une trajectoire durablement descendante à partir de la fin des premiers plans. Le ratio de dette devrait être inférieur en fin de période à son niveau initial. La durée des plans pourrait être allongée à sept ans si des réformes ou des investissements publics pertinents le justifient.

Dans la mesure où les nouvelles règles ne sont pas encore adoptées, le Haut Conseil des finances publiques a examiné la trajectoire présentée par rapport aux règles existantes. À cet égard, l’objectif de moyen terme de la France est d’atteindre un déficit structurel d’au plus 0,4 point de PIB. Cet objectif est confirmé par le présent projet de loi de programmation. Alors même qu’il paraît difficile d’atteindre un tel objectif sur la période de programmation, compte tenu du niveau élevé du déficit initial, force est de constater que la réduction du déficit prévue reste lente. L’amélioration programmée du déficit structurel d’une année sur l’autre est de 0,5 point de PIB en 2024. Il se réduit progressivement ensuite, alors que, selon les règles actuelles applicables à la France, il devrait être supérieur à 0,5 point de PIB chaque année. En outre, le déficit structurel s’établirait à 2,7 points de PIB, soit un niveau très éloigné de l’objectif de moyen terme que se fixe la France.

Ainsi, la trajectoire révisée par le gouvernement envisage un retour sous 3 points de PIB uniquement en 2027, avec un déficit effectif anticipé à 2,7 points de PIB. Certes, cette trajectoire est un peu améliorée par rapport au projet initial de LPFP, mais le passage sous la limite européenne reste tardif. J’aimerais souligner ici que, dans les programmes de stabilité déposés en avril – il y a certes déjà cinq mois – aucun de nos principaux partenaires de la zone euro ne prévoyait un retour du déficit sous 3 points de PIB aussi tardif. L’Irlande, la Grèce, l’Allemagne, le Portugal et les Pays-Bas présentent déjà un déficit inférieur à 3 points de PIB en 2022. L’Espagne vise le respect du seuil de 3 points de déficit en 2024, l’Italie en 2025 et la Belgique en 2026. Ainsi, en 2027, nous serions accompagnés de la seule Slovaquie.

Enfin, dans ce projet de LPFP révisé, le gouvernement vise une baisse un peu plus forte du ratio de dette publique que dans le projet initial, ce dont je me félicite. Le Haut Conseil des finances publiques a régulièrement appelé à une meilleure prise en compte de l’impératif de désendettement et je ne peux donc que saluer cette amélioration. Dans la trajectoire du gouvernement, la dette publique diminuerait d’un peu moins de 4 points entre 2022 et 2027, pour s’établir à 108,1 points en 2027. Cependant, cette réduction de l’endettement demeure bien modeste, partant qui plus est d’un niveau très élevé. Elle ne suffira pas à améliorer la position relative de la France au sein de la zone euro, qui s’est dégradée au cours des dernières années.

Au total, cette trajectoire paraît peu ambitieuse par rapport aux engagements européens, même si elle est un peu meilleure que dans le projet initial. Pour autant, la trajectoire de finances publiques prévue manque encore à ce jour de crédibilité. Elle repose en effet sur une maîtrise de la dépense nécessairement plus forte que dans le projet initial de 2022, afin de compenser l’alourdissement de la charge d’intérêts de la dette par rapport à celui-ci. Pour respecter la trajectoire prévue, compte tenu de l’alourdissement anticipé de la charge de la dette, les dépenses hors charges d’intérêts devraient être quasiment stables sur la période 2024-2027, avec une croissance de 0,1 % en volume. Or cela représente une trajectoire bien plus ambitieuse que celle réalisée par le passé.

À titre de comparaison, la période pendant laquelle la croissance de la dépense a été la plus contenue au cours des vingt dernières années est la période 2010-2014, c’est-à-dire pendant la crise des dettes souveraines en zone euro. Les dépenses hors charges d’intérêts augmentaient alors de 0,9 % en volume. Selon la trajectoire prévue, cette progression très limitée des dépenses reposerait notamment sur un effort marqué de réduction des dépenses de l’État à moyen terme, qui baisseraient de 0,9 % en volume.

Dans cet ensemble, certaines dépenses seront plus dynamiques en raison des lois de programmation sectorielles, par exemple pour la défense, qui ont d’ailleurs été examinées par le Haut Conseil. Aussi, les autres dépenses de l’État qui ne sont pas couvertes par des lois de programmation devront très fortement diminuer. La maîtrise de la dépense reposerait également sur la baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, qui s’établirait à 0,5 % par an en moyenne sur la période 2024-2027, et cela sans mécanisme contraignant pour y parvenir ; ainsi que sur l’hypothèse d’une baisse de leurs investissements conforme aux évolutions habituelles à ce stade du cycle électoral communal. Ces évolutions prévues pourraient toutefois être en partie contrariées par les investissements nécessaires à la transition écologique, qui sont massifs.

Enfin, les dépenses des administrations de sécurité sociale augmenteraient en moyenne de 0,8 % en volume sur la période 2024-2027, soit un rythme inférieur à celui du PIB. Ce scénario repose sur la montée en charge progressive de la réforme des retraites promulguée au printemps, mais aussi sur une progression des dépenses sous objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) limitée à 2,9 % en fin de période, ce qui suppose un effort de maîtrise important. L’Ondam n’intègre pas de surcoût lié à la dépendance, en dépit de la hausse des besoins résultant du vieillissement de la population.

Au total, le respect de la trajectoire suppose la réalisation d’un montant important d’économies, toujours peu documentées à ce jour. Le gouvernement escompte 12 milliards d’euros d’économies pérennes en 2025, réparties entre l’État et la sphère sociale, issues de l’exercice de revues de dépenses dont le contenu concret reste à détailler. D’autres économies demeurent à préciser, au-delà de l’impact de la réforme des retraites et de l’assurance chômage.

Le HCFP a estimé qu’en l’absence de précision sur la nature de ces économies, il ne pouvait juger le réalisme de la trajectoire de dépenses ni en apprécier les conséquences sur le scénario macroéconomique. Ainsi, la baisse attendue du ratio de dette publique est fragile, puisqu’elle s’appuie sur une prévision de croissance optimiste et une cible exigeante de dépenses, dont le respect n’est aujourd’hui pas garanti par des annonces concrètes.

Pour conclure, permettez-moi de tirer quelques enseignements qui ressortent de l’analyse du projet de loi de programmation qui vous est présenté. Le point saillant qu’il me semble important de retenir est l’augmentation spectaculaire de la charge de la dette qui est attendue, alors même que la baisse du ratio de dette prévue dans le projet de loi de programmation n’est pas assurée. La Cour des comptes et le Haut Conseil ont depuis longtemps alerté sur la progression du service de la dette et les risques qu’elle entraîne. Il ne s’agit plus d’une hypothèse, la hausse des taux est là et le poids de l’endettement devient massif. L’État, principalement, et les administrations publiques, en général, s’apprêtent à verser 57 milliards d’euros d’intérêts en 2024 ; ce montant devrait atteindre 84 milliards en 2027, soit un montant supérieur au budget de l’éducation nationale, premier budget de la nation.

Il ne s’agit plus de s’inquiéter, mais d’ouvrir les yeux sur ce que cela implique pour aujourd’hui et pour notre capacité d’agir demain. Je ne suis pas venu aujourd’hui vous vanter une potion amère ou préconiser l’austérité. J’ai une longue expérience de la chose publique, je crois à l’action publique et à la volonté politique. Je suis personnellement convaincu que le volant d’économies envisagé n’est pas impossible à réaliser. D’autres pays l’ont fait avant nous et ont fait même beaucoup plus. Mais pour y arriver, nous devons modifier nos comportements collectifs vis-à-vis de la dépense. Nous devons accepter de revoir les dépenses qui ne sont pas efficaces et d’opérer différemment quand cela est possible. C’est d’autant plus nécessaire qu’en dépit de dépenses élevées et du dévouement des femmes et des hommes qui y travaillent, nos services publics ne sont pas toujours au niveau de qualité attendu par nos concitoyens.

Ni le rabot, ni la pensée magique qui espère tout de la croissance et de l’augmentation indéfinie des recettes, ne résoudront notre équation de finances publiques. Leur situation demande une action déterminée et collective sur la dépense. Cela n’est pas aisé, mais le gouvernement a engagé des revues de dépenses, une première étape indispensable sur le chemin de la maîtrise de nos finances publiques. Pour être totalement probante, cette démarche doit être élargie et prolongée. Il est important que la revue se fasse dans la durée et que le débat soit très ouvert, bien au-delà d’un dialogue réservé à quelques administrations. Ceci est fondamental si nous voulons dégager des marges de manœuvre pour que notre pays puisse financer ses investissements, en particulier dans la transition écologique.

Le rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz a fait l’objet de réactions spécifiques, mais il existe un point de consensus : le niveau de dépenses à consacrer à la transition écologique, soit 30 à 35 milliards d’euros par an. Comment y parvenir avec 84 milliards d’euros de charges de la dette ? Nous sommes donc face à une équation compliquée. Personne ne souhaite que notre pays se trouve dans une situation où des tensions sur la dette conduiraient à des coupes brutales dans la dépense, ou à des augmentations massives d’impôt, avec dans les deux cas, des conséquences fortes pour les ménages et les entreprises. On ne peut pas dire que ce risque nous guette aujourd’hui, mais la sagesse recommande de ne pas attendre qu’il apparaisse pour agir. Il serait en effet alors trop tard.

M. le président Éric Coquerel. Vous avez évoqué le rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz et mentionné la question du désendettement. Finalement, je me demande s’il ne faudrait pas que le Haut Conseil des finances publiques intègre dans son raisonnement une autre forme de dette, la dette écologique. Dans les préconisations produites dans leur rapport, au nom de la dette écologique mesurée par l’objectif de décarbonation en 2050, ils intègrent un accroissement de la dette de 250 à 300 milliards d’euros. Je me demande donc s’il ne faudrait pas parler de dette écologique pour mesurer l’efficacité d’une politique publique, et pas seulement de dette financière. Je souhaite soumettre cet élément à votre sagacité, dans la mesure où la dette écologique est souvent oubliée. Pourtant, celle-ci ne sera ni annulable, ni reportable, ni négociable.

S’agissant des charges de la dette publique, les 70 milliards d’euros en 2027 représenteront alors 2 à 2,1 % du PIB. Aujourd’hui, en 2022, nous en sommes à 1,9 %. À un moment donné, si nous souhaitons procéder à un examen sur le coût de la charge de la dette, il faut également y intégrer les prévisions d’inflation et de croissance, mais aussi la mettre en rapport avec le PIB. Dans ce cadre, ce coût apparaît moins effrayant, ce qui ne signifie pas qu’il soit pour autant négligeable.

Ensuite, le Haut Conseil relève dans son rapport que les économies de dépenses publiques qui doivent permettre d’assurer le respect de la trajectoire sont « toujours peu documentées à ce jour ». Pourriez-vous nous en dire plus sur les lacunes de cette documentation ? Vous avancez le chiffre de 12 milliards d’euros de baisse des dépenses publiques, qui correspondent à la fin du bouclier énergétique ou de l’aide ponctuelle aux entreprises. Ne craignez-vous pas une politique d’austérité, dont vous avez souligné que vous ne figuriez pas parmi les partisans ? Cette absence de documentation ne reflète-t-elle pas l’impossibilité de procéder à d’autres baisses de dépenses publiques ? Si l’on revenait sur une partie des allègements fiscaux, les budgets pourraient s’en trouver rééquilibrés. À supposer que les économies ainsi espérées ne puissent finalement être réalisées, avez-vous estimé l’ampleur de l’écart à la trajectoire qui pourrait en résulter ?

Enfin, votre avis relève que les objectifs figurant dans les cinq précédentes LPFP n’ont que très rarement été atteints en raison de leur caractère non contraignant et des hypothèses optimistes et rapidement obsolètes sur lesquelles ils reposent. Le projet de réforme des règles de gouvernance économique européenne en cours prévoit notamment de renforcer le rôle des instituts budgétaires indépendants nationaux, donc celui du Haut Conseil des finances publiques pour la France. Comment cette réforme pourrait-elle se traduire en ce qui concerne le suivi des objectifs de la LPFP ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. M. le président du Haut Conseil des finances publiques, je vous remercie pour cet avis qui éclaire le débat national, à quelques heures de l’examen du PLPFP en commission. Je note que cet avis est balancé entre deux types d’appréciation. D’une part, vous jugez optimistes la prévision de croissance du gouvernement pour 2024, qu’il a toutefois récemment modérée, ainsi que ses estimations d’écart de production et de croissance potentielle sur la période de programmation. D’autre part, vous jugez plausibles la prévision de croissance du gouvernement pour 2023, ce qui est nouveau, ainsi que ses estimations d’inflation pour 2023 et 2024.

S’agissant des finances publiques, vous relevez que la nouvelle trajectoire du gouvernement est plus ambitieuse qu’il y a un an, tant sur le déficit public que sur l’endettement. Vous considérez toutefois que cette ambition demeure mesurée. Il est possible de partager ce point de vue, mais il faut symétriquement reconnaître que nous avons traversé des crises exceptionnelles, à une fréquence exceptionnelle. En outre, l’impératif de l’investissement en faveur de la transition écologique s’impose à nous.

Je ne reviendrai pas sur la nécessité pour notre pays de disposer d’une LPFP, mais me concentrerai sur un certain nombre de questions. Longtemps, la prévision de croissance du gouvernement pour 2023, fixée à 1 %, a été considérée par tout le monde comme optimiste, y compris par le HCFP. Vous l’estimez désormais plausible, tout comme un certain nombre de conjoncturistes dans la période récente. Que s’est-il passé selon vous en 2023 dans l’économie française pour que ce qui semblait hors d’atteinte soit in fine constaté ? Y a-t-il des leçons à en tirer pour l’avenir, y compris pour 2024 ?

Ensuite, vous considérez que le gouvernement est optimiste s’agissant de l’écart de production en 2023 et du niveau de la croissance potentielle. Il est vrai que les prévisions gouvernementales se situent en haut des fourchettes, même si bon nombre de conjoncturistes produisent en la matière des prévisions peu éloignées de celles du gouvernement, par exemple l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour l’écart de production et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) pour la croissance potentielle. De plus, les écarts de prévision entre conjoncturistes eux-mêmes sont particulièrement étonnants. Vous qui les interrogez, comment analysez-vous ces écarts ? Quelle confiance peut-on avoir dans les appareillages théoriques censés approcher ces grandeurs non directement observables ?

Par ailleurs, vous notez que, de 2025 à 2027, le gouvernement propose désormais d’associer aux trajectoires de dépenses de l’État et des administrations de sécurité sociale un exercice de revues de dépenses fondé sur l’obligation de trouver au total 12 milliards d’euros d’économies, chacune de ces trois années. Eu égard à la revue des dépenses que le gouvernement a réalisée en 2023 – je pense comme vous que l’exercice est largement perfectible –, comment faudrait-il procéder pour progresser rapidement et collectivement en la matière ?

Par ailleurs, les collectivités territoriales seraient exemptées d’un tel exercice de revues des dépenses, associé à une obligation de résultats en milliards d’euros. Elles seraient d’ailleurs exemptées de tout cadre contraignant concernant l’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Pensez-vous que l’obligation qui pèse sur elles d’exécuter des budgets en équilibre de fonctionnement soit suffisante pour qu’elles contribuent à l’effort de redressement de nos finances publiques ? À cet égard, l’exécution 2023 de leurs dépenses montrera-t-elle une baisse en volume de leurs dépenses comme prévu dans la trajectoire ?

Enfin, au mois d’avril dernier, la Commission européenne a publié des propositions de réforme de l’encadrement européen des politiques budgétaires, que l’avis publié par votre institution prend le soin d’exposer. Quel regard portez-vous sur ces propositions ? Quels seraient les avantages et les inconvénients de ces règles dans l’absolu ou par rapport au cadre actuel ? Et quelles modifications de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) pourraient-elles appeler ?

M. Pierre Moscovici. Vous avez évoqué la dette écologique. Le Haut Conseil des finances publiques est un organisme qui travaille sur mandat, à partir des missions confiées par la loi organique. Mais si on nous le demande, nous serons prêts à travailler sur la dette écologique. De manière plus substantielle, je considère que la dette écologique et la dette financière constituent les deux faces d’une même pièce. J’ai eu l’occasion, y compris à titre personnel, de me prononcer sur le rapport Pisani-Ferry – Mahfouz, en donnant une appréciation extrêmement positive sur l’évolution des dépenses à opérer.

J’ai en revanche un point de désaccord avec Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz sur la dette. Naturellement, il est préférable d’utiliser une dette pour la transition écologique que pour le fonctionnement. Mais, in fine, cette dette doit être remboursée et elle se traduit par une augmentation de sa charge. Finalement, le serpent finit par se mordre la queue : cette augmentation réduit la capacité à financer les investissements. Je maintiens pour ma part que l’augmentation de la dette seule ne constitue absolument pas la solution. Si nous augmentons la dette écologique, il faut trouver autant de ressources de désendettement ailleurs. J’ajoute que le rapport ne propose pas non plus que tout soit absorbé par un surcroît de dette. Il propose ainsi une série d’autres pistes. Cependant, la dette financière pèse sur l’ensemble de l’action publique, y compris notre capacité à faire face à la transition écologique.

Les charges de la dette publique seraient de 1,9 point de PIB en 2022 et de 2,6 points de PIB en 2027, soit une hausse de 0,7 point, qui ne prend en compte qu’une partie des effets de la hausse des taux. Mais je partage le point de vue du rapporteur général sur ce sujet : il faut surtout regarder ce que cela représente en termes budgétaires. J’ai évoqué les années 2010 à 2014 ; pendant deux ans, j’étais ministre des finances lors de la période sous revue. Je ne souhaite à personne de se retrouver dans la situation dans laquelle j’étais à l’époque, quand la charge de la dette représentait le deuxième budget de l’État. Il importe donc de ne pas se reposer sur des critères de PIB, mais de regarder le contenu économique et financier, ce que vous faites, mesdames et messieurs les parlementaires.

Vous avez de plus évoqué les économies non documentées. Environ 12 milliards d’euros sont annoncés en 2025 au titre des revues de dépenses, sans connaître les dépenses concernées. Les chiffres sont précisés pour la réforme des retraites et l’assurance chômage, mais les autres économies nécessaires ne sont pas spécifiées. L’année prochaine, vous serez confrontés à un exercice d’une autre complexité : il ne s’agira plus de mettre un terme à des dispositifs exceptionnels prolongés, mais de procéder à des choix difficiles. Il conviendra donc d’agir de manière profonde et sérieuse.

En ce qui concerne la réforme des règles de gouvernance européennes, je considère depuis très longtemps qu’elles sont inadaptées en l’état. Pendant les cinq années où j’ai été commissaire européen, j’ai introduit une notion fondamentale de flexibilité, sans laquelle nous aurions sanctionné l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Aujourd’hui, la flexibilité ne suffit plus : les règles elles-mêmes doivent être revues.

De fait, si nous devions rétablir les règles sans les modifier, cela serait extrêmement préoccupant. Un certain nombre de pays, dont le nôtre, se retrouveraient ainsi en procédure pour le déficit et pour la dette. À titre personnel, je suis convaincu qu’un accord est non seulement nécessaire, mais également possible. À ce sujet, la proposition initiale de la Commission européenne, qui consiste à dessiner des trajectoires individualisées en contrepartie de certaines réformes, constitue plutôt une bonne démarche. D’autres pays n’ont pas la même attitude. Par exemple, l’Allemagne opère un durcissement incontestable, qui paraît difficile à accepter en l’état. Je pense néanmoins que des voies de compromis existent.

Monsieur le président, vous vous êtes interrogé sur ce qui se passerait dans l’hypothèse où les règles seraient modifiées pour les institutions budgétaires indépendantes (IBI), à l’image du Haut Conseil des finances publiques. Il y aurait dans ce cas plus d’appropriation nationale, des plans seraient déroulés année après année, ce qui impliquerait nécessairement un renforcement du rôle des institutions budgétaires indépendantes. Nous serions ainsi conduits à donner des avis sur la soutenabilité de la dette ou des politiques publiques. Il serait à ce moment-là nécessaire de demander aux gouvernements de s’expliquer s’ils ne suivaient pas les avis des IBI.

En toute hypothèse, si cela devait se produire, vous seriez conduits à modifier la loi organique pour en tenir compte, dans un contexte qui pourrait être consensuel. Certains estimeront que l’on pourrait encore retarder d’un an le rétablissement des règles. D’une part, pour en avoir parlé récemment avec le commissaire en charge, cela serait très compliqué. D’autre part, cela ne serait pas forcément favorable pour la France : plus la décision intervient tardivement, plus les écarts se voient. Je plaide donc plutôt pour un rétablissement en 2024 des règles, mais des règles modifiées.

Ensuite, que s’est-il passé en 2023 ? La baisse des prix du gaz est intervenue de manière imprévue, y compris pour le gouvernement. La croissance au deuxième trimestre a également surpris tout le monde. Comme nous le faisons toujours, nous avons interrogé plusieurs instituts de conjoncture privés et publics. Personne ne dispose d’explications claires sur ce qui s’est passé lors de ce trimestre. Pour le moment, la tendance n’a pas été confirmée par les trimestres ultérieurs. Je me réjouis naturellement que la prévision d’un taux de croissance de 1 % en 2023 tende à se confirmer. Mais je ne pense pas qu’il faille capitaliser de manière excessive sur cet évènement.

Sans trahir les débats sur la prévision en 2024, les écarts des estimations sont très importants selon les instituts de conjonctures, certains parlant de 1,2 % quand d’autres se limitent à 0,4 %. Quoi qu’il en soit, tous se situent en deçà de 1,4 %.

Monsieur le président, je ne crois pas au rabot. J’ai toujours trouvé cette méthode assez idiote en réalité, car elle n’améliore en rien la qualité de la dépense. De mon côté, je plaide pour une revue des finances publiques. Dans le cadre de nos travaux, nous avons produit neuf notes thématiques, dont une note sur les dépenses fiscales et une autre sur les aides aux entreprises. Nous ne prétendons pas disposer de la vérité révélée, mais il nous faut aller beaucoup plus loin en la matière.

Comment améliorer la revue des dépenses publiques ? Dans son rapport du mois de juin, la Cour des comptes a rédigé un chapitre de méthode qui m’apparaît très intéressant. Il insiste notamment sur la durée et je crois savoir que telle est également l’intention du gouvernement et du ministre délégué en charge du budget. Ensuite, il importe d’œuvrer en profondeur : il faut agir sur la totalité de la dépense publique. Enfin, cet exercice ne doit pas se dérouler entre administrations, mais être beaucoup plus ouvert, en associant les parties prenantes, c’est-à-dire les forces sociales, des économistes et des institutions indépendantes.

La dépense des collectivités est attendue en hausse de 1 % en volume en 2023, avec notamment un effet très significatif sur l’investissement (10 % en valeur et 5 % en volume). Ici aussi, il sera nécessaire de rechercher un consensus extrêmement fort. Le ministre des finances a réuni la semaine dernière ce qu’il appelle le Haut Conseil des finances locales, rassemblant les trois ministres concernés, ainsi que les présidents des associations et le premier président de la Cour des comptes. Je n’ai pu m’y rendre en raison de contraintes de calendrier, mais j’étais représenté par Christian Charpy le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes. La réunion s’est d’ailleurs déroulée dans un bon état d’esprit.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Votre avis est riche d’enseignements. Vous soulignez d’abord que nous engageons en dépense des efforts supérieurs à ce qui avait été prévu en septembre dernier, compte tenu du niveau plus élevé de la charge d’intérêt de la dette et du maintien des taux de prélèvements obligatoires. Vous confirmez en outre deux éléments centraux du scénario macroéconomique, l’inflation et la masse salariale.

Vous soulignez en outre que ce texte ne comporte aucun mécanisme contraignant pour les collectivités locales et qu’il ne faut pas confondre les hausses d’impôts et la stabilité ou la hausse du taux de prélèvements obligatoires, compte tenu de la forte élasticité des recettes. Vous pointez en outre les effets plus importants que prévu de deux réformes essentielles : la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage.

Par ailleurs, vous adressez deux critiques à la politique économique que mène le gouvernement. D’abord, vous considérez que le taux d’épargne n’a pas vocation à se réduire autant que le gouvernement l’envisage dans les prochaines années. Quels sont les déterminants de votre analyse, alors même que chez nos voisins européens, ce taux a plutôt tendance à diminuer ? De la même manière, vous nous indiquez que les effets du durcissement de la politique économique ne se sont pas tous fait sentir jusqu’à présent. Mais qu’en sera-t-il lors des mois à venir ? Je pense notamment à l’immobilier.

Plus largement, quelles conséquences envisagez-vous de la divergence entre les stratégies d’endettement dans les pays de la zone euro ? Pensez-vous que cette divergence portera atteinte à notre capacité à nous autofinancer, alors que nous serons le premier émetteur de la zone euro ? Dans cette perspective, faut-il maintenir nos instruments de diversification de l’endettement, et notamment les obligations assimilables du Trésor indexées (OATI) ?

M. Frédéric Cabrolier (RN). Nous vous remercions pour votre travail, qui nous éclaire. Dans votre avis, vous indiquez que les hypothèses retenues sont optimistes. J’en retiens deux exemples. D’une part, la prévision de croissance pour 2024 est de 1,4 %, soit un niveau supérieur au taux de 0,8 % qui fait consensus chez les économistes. D’autre part, la trajectoire du solde public est projetée à 2,7 % en 2027 alors que la charge de la dette va augmenter considérablement : 48 milliards d’euros en 2024, 65 milliards d’euros en 2026 et 84 milliards d’euros en 2027, soit un niveau supérieur au budget de l’éducation nationale.

Ensuite, les collectivités territoriales devront à nouveau, après les contrats de Cahors, participer à l’effort de redressement des comptes publics via des pactes de confiance qui encadreront leurs dépenses de fonctionnement, alors même qu’elles ont de moins en moins de pouvoir de taux et qu’elles ne dépensent pas par plaisir. La sanction en cas de non-respect de l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement sera une exclusion des subventions d’investissement.

La trajectoire de réduction du solde public structurel affichée d’ici 2027 est inférieure au 0,5 point de PIB demandé dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance par l’Union européenne aux pays qui présentent une dette supérieure à 60 points de PIB, ce qui est le cas pour la France. Or, en mars 2020, après la crise sanitaire, la Commission européenne a déclenché la clause dérogatoire du pacte de stabilité, qui permet aux États de s’écarter des exigences budgétaires jusqu’à la fin de l’année 2023. Compte tenu de la fin imminente de cette clause dérogatoire, la France risque donc de voir déclencher contre elle le mécanisme européen de correction dès 2024. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, le gouvernement lie l’adoption de cette LPFP au déblocage des fonds européens du plan de relance. Sans déblocage de ces fonds pour 2023 et 2024, quelles sont les conséquences pour la sincérité du budget présenté dans le projet de loi de finances (PLF) ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Nous vous remercions pour cette présentation. J’observe que vous émettez toujours des réserves sur les prévisions économiques du gouvernement, qui ne sont pas de nature à nous rassurer sur le sérieux des débats budgétaires qui nous seront proposés.

Récemment, vous avez indiqué dans un entretien à L’Express que la baisse d’impôts constitue une option qu’il faut éviter, car nous n’en avons plus les moyens. Or, depuis 2017, nous avons constaté des baisses d’impôts de l’ordre de 50 milliards d’euros, qui concernent surtout les impôts des plus riches, c’est-à-dire les plus grandes fortunes et les multinationales. D’autres baisses nous attendent, à l’instar de la deuxième moitié de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), qui bénéficiera encore une fois aux grandes entreprises. Ne faudrait-il pas tout simplement annuler cette mesure ? J’éprouve des difficultés à croire qu’elle est urgente quand je constate que le gouvernement l’a repoussée de plusieurs années, assez facilement.

Ma deuxième question porte sur la qualité des dépenses publiques. Il y a dix jours, le collectif Nos services publics a publié un rapport. J’espère que vous avez tous pris le temps de le lire, car ses conclusions doivent nous alerter. L’enseignement principal du rapport est le suivant : les moyens des services publics augmentent certes, mais moins vite que les besoins sociaux. Ces derniers sont urgents et concernent notamment le vieillissement de la population, l’augmentation des maladies chroniques, la permanence des violences faites aux femmes ou le manque des débouchés professionnels.

La réponse à ces besoins devrait constituer la boussole de la LPFP ou d’un budget. Malheureusement, la LPFP fait l’inverse, puisqu’elle fixe un plafond de dépenses publiques. Comment allons-nous répondre à des besoins qui augmentent, alors que l’objectif affiché porte sur la baisse des dépenses publiques ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Je vous remercie pour les travaux dont vous nous avez fait part. Je partage votre avis sur la nécessité d’une LPFP et d’une trajectoire affirmée. Ensuite, nous sommes également inquiets sur le niveau de la charge de la dette, que nous avons souligné à plusieurs reprises. M. le président Coquerel a indiqué qu’il fallait apprécier le niveau de la dette par rapport au PIB. Le niveau de 1,5 point de PIB correspond effectivement à la moyenne dans l’UE, si l’on se réfère à l’année 2021. Mais au sein de l’Europe, les situations sont très variables : l’Allemagne est quant à elle à 0,6 point de PIB, quand la France ne figure pas parmi les pays les plus vertueux.

Ma première question concerne la diminution des dépenses publiques. M. Moscovici, vous avez souligné des économies non documentées à ce jour, en évoquant 12 milliards d’euros d’économies en 2025, qui correspondraient au seul niveau de diminution des dépenses. Ai-je bien compris ?

Ensuite, vous avez mentionné les dépenses des collectivités territoriales, en soulignant une diminution moyenne de 0,5 point par an des dépenses de fonctionnement. Pour ma part, j’avais cru comprendre que le gouvernement avait envisagé 0,3 %. Qu’en est-il ?

En page 16 de votre avis, vous mentionnez le surcoût progressif lié aux dépenses de dépendance, compte tenu de la non-documentation des besoins en matière de perte d’autonomie. Quel est votre sentiment sur le sujet ?

Enfin, ma dernière question concerne les recettes publiques. Dans votre avis de septembre 2022, vous souligniez que la hausse de certaines recettes inscrites dans la loi de programmation n’était que partiellement documentée. Qu’en est-il dans la loi de programmation actuelle ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Je vous remercie pour votre avis sur ce PLPFP. Dans celui-ci, vous jugez une nouvelle fois optimiste la prévision de croissance potentielle, alors qu’elle est très proche de celle produite par l’OFCE.

Par ailleurs, vous affirmez que cette prévision de croissance potentielle à 1,35 % suppose notamment un impact des réformes du marché du travail, que vous jugez trop important et trop rapide. Pourriez-vous nous expliquer quels éléments vous font porter ce jugement ? L’hypothèse de l’adoption des dispositions prévues dans le projet de loi pour le plein emploi, que nous allons étudier cet après-midi, permettrait-elle de revoir votre jugement ?

Ensuite, sur la base des éléments fournis par le gouvernement, vous affirmez que d’ici 2027, le ratio des prélèvements obligatoires devrait rester plutôt stable, à un niveau inférieur au ratio record constaté l’an passé, à 45,4 %. Cependant, vous relevez que les tendances observées sur les prix des actifs immobiliers font peser un risque de baisse sur les recettes des droits de mutation à titre onéreux et des droits de mutation à titre gratuit (DMTO/DMTG), et de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Disposez-vous d’éléments de chiffrages précis à ce sujet pour les années à venir, dans l’hypothèse où aucune réforme d’ampleur n’interviendrait dans les mois à venir pour apporter des solutions à la crise du logement ?

Enfin, les hypothèses de la charge de la dette que vous nous avez exposées ont-elles été réalisées à cotation stable de la France par les agences de notation ou ont-elles anticipé une potentielle dégradation de la note de la France, qui pourrait intervenir si le Parlement n’adoptait pas la LPFP cette semaine ? Cette dégradation pourrait être dramatique pour notre économie, en limitant de manière draconienne l’accès au crédit pour nos entreprises.

M. Philippe Brun (SOC). Je vous remercie pour la présentation de votre avis. Cependant, nous avons le sentiment de participer à un exercice purement stylistique. Votre rapport le rappelle : jamais la France n’a respecté ses LPFP et la présente loi de programmation désobéit déjà à celle que nous avions rejetée l’année dernière. Je souhaiterais donc recueillir votre avis monsieur le premier président, vous qui avez contribué à ce cadre lorsque vous étiez ministre. Comment qualifiez‑vous le recul de l’application de ce cadre depuis maintenant plus d’une dizaine d’années ? Quelle est sa soutenabilité pour l’avenir ? Finalement, la parole de la France est décrédibilisée tant elle ne respecte pas les propres engagements qu’elle prend devant la représentation nationale.

Vous rappelez dans votre rapport que le gouvernement escompte 12 milliards d’euros d’économies pérennes en 2025, sans que nous n’ayons de précisions sur la nature de ces économies. Quel pays développé promet des économies sans même en expliquer les moyens d’y parvenir ?

Je souhaite aussi vous entendre sur l’ajustement qui nous est ici proposé, c’est-à-dire une réduction du déficit de plus de 0,5 % point de PIB sur l’année qui vient et les années qui suivront. En effet, nous n’avons jamais réalisé par le passé une telle réduction des dépenses publiques avec une croissance inférieure à 2 %. La seule année où nous y sommes parvenus était en 2013. Vous étiez à l’époque ministre et vous aviez prononcé des mots assez forts, que je partageais à l’époque, sur le « ras-le-bol fiscal » engendré par cet ajustement trop rapide.

Enfin, je m’interroge sur le cadre général relatif au solde conjoncturel et au solde structurel. Nous voyons bien à quel point les divergences sur l’appréciation de la croissance potentielle rendent difficile le débat. Faut-il supprimer cette référence aux soldes structurels et conjoncturels, pour revenir à une appréciation plus large du solde public ?

Mme Lise Magnier (HOR). Comme vous l’avez indiqué, le gouvernement souhaite mettre à jour les prévisions macroéconomiques et la trajectoire des finances publiques adossées au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. À la lecture de ces éléments, nous pouvons tirer trois enseignements majeurs.

Le premier enseignement est le suivant : la croissance a résisté cette année malgré un contexte international incertain et elle devrait continuer à résister l’année prochaine, même si vous jugez la prévision du gouvernement optimiste. C’est le signe de la résilience de notre économie, ce dont nous devrions tous nous réjouir.

Le second enseignement tient au fait que la trajectoire de désendettement est réelle, bien que trop timide à votre goût. La réduction du déficit public sous les 3 % du PIB en 2027 est nécessaire et cet engagement doit être tenu.

Troisième enseignement, le coût de la dette est encore revu à la hausse. Cette charge sera de 84 milliards d’euros en 2027. Cette situation est évidemment préoccupante et nous rappelle que l’endettement à tout-va ne peut constituer une solution viable pour nos finances publiques.

Vous avez également insisté sur l’impérieuse nécessité de nous doter d’une LPFP. Malgré votre avis, qui peut laisser penser que vous ne partagez pas l’ensemble des prévisions établies par le gouvernement, quel risque ferions-nous prendre à notre pays, et particulièrement à nos finances publiques si nous n’adoptions pas ce texte ?

Mme Éva Sas (Écolo-NUPES). Monsieur le président du Haut Conseil des finances publiques, vous estimez dans votre rapport que la trajectoire proposée par le gouvernement suppose d’importantes économies qui ne sont pas documentées. Elle induit que les dépenses hors lois de programmation sectorielles, c’est-à-dire en dehors de la recherche, de la justice, de la sécurité et des armées, devront diminuer de 1,8 % en volume. En outre, les dépenses des collectivités devront diminuer de 0,5 % par an et l’évolution des dépenses d’assurance maladie devrait être limitée à 2,9 %.

Cette trajectoire est donc incompatible avec la préservation de nos services publics, en particulier l’hôpital, et ne permet pas de financer la transition écologique. En effet, dans son amendement, le gouvernement nous propose de n’augmenter les crédits de la mission Écologie que de 2,4 milliards d’euros d’ici 2026, hors programme 345. Or nous avons repris les différents rapports commandés par le gouvernement. Si nous suivions leurs préconisations, il faudrait augmenter de 14 milliards d’euros en 2024 les crédits de la mission Écologie et les porter à 24 milliards d’euros en 2026, en faveur du ferroviaire, des RER métropolitains, de la rénovation thermique des logements et des bâtiments publics.

La trajectoire financière proposée par le gouvernement est donc celle de l’inaction climatique. Or cette inaction a un coût économique. Le rapport Mahfouz – Pisani-Ferry le rappelle, « même d’un point de vue étroitement économique (…) l’ampleur des dommages à venir ne laisse pas de doutes sur la nécessité ni même sur l’urgence d’une action ». Le rapport Stern de 2006 indiquait, quant à lui, que le coût économique de l’inaction climatique équivaudrait au moins à une baisse permanente de 5 % du niveau de la consommation mondiale. Des travaux ultérieurs ont abouti à des impacts plus marqués encore sur l’activité globale ; la perte à horizon 2100 serait ainsi comprise entre 7 et 23 %.

Ma question est simple : l’impact économique désastreux à terme de cet attentisme en matière écologique a-t-il été pris en compte par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis ?

M. Michel Castellani (LIOT). Dans votre rapport, vous indiquez que le scénario gouvernemental repose sur des hypothèses optimistes, qu’il s’agisse des écarts de production, ou de la croissance potentielle, même si un taux de croissance de 1,4 % n’incite pas nécessairement à l’enthousiasme. Les hypothèses sont aléatoires, mais les réalités sont patentes. Or elles sont peu favorables, compte tenu de la conjoncture de stagflation, du désastreux déficit commercial, de l’explosion des cours de l’énergie et de la hausse des taux d’intérêt. On imagine donc la catastrophe que représentent ces 415 milliards d’euros qui sont maintenant inscrits au tableau de la dette.

Lorsque j’examine l’hypothèse de la trajectoire retenue par le gouvernement, je constate que le niveau de croissance effective repose sur la hausse de l’investissement, ce qui est hasardeux en raison de la hausse des taux d’intérêt. Le gouvernement envisage également une baisse du taux d’épargne, ce qui n’est jamais bon signe ; mais également la hausse du taux d’activité. Or celui-ci est toujours resté stable depuis longtemps, à 56 %. Si ces prévisions se réalisent, elles supposeront ipso facto le maintien du rythme d’inflation.

Estimez-vous crédibles les prévisions relatives au passage du solde structurel des déficits publics en dessous de 3 %, compte tenu notamment du recul des prélèvements obligatoires ? En toute hypothèse, cela ne pourrait être obtenu que par la baisse des dépenses publiques, qui est toujours plus facile à annoncer qu’à réaliser. Je me demande donc où nous pourrions trouver les 12 milliards d’euros évoqués par le gouvernement.

M. Pierre Moscovici. Le durcissement de la politique monétaire a déjà produit de premiers effets, à commencer par la baisse de 5 % de l’investissement des ménages. Le gouvernement considère que ces effets ont déjà eu lieu pour l’essentiel, ce qui n’est pas le sentiment a priori du HCFP, ni celui de la totalité des instituts auditionnés. L’investissement devrait ainsi être affecté à son tour. De surcroît, il faut également intégrer les maturités et leur prolongement ultérieur. Par conséquent, nous sommes conduits à être plus prudents et à considérer qu’il faudrait faire preuve d’un peu plus de réalisme sur l’appréciation des effets du durcissement de la politique monétaire à l’avenir.

Le taux d’épargne s’est nettement accru, pour s’établir maintenant à 17,4 % du revenu disponible brut des ménages en 2022, sans que personne ne comprenne vraiment quelles en sont les raisons. Cependant, prévoir un repli spontané de ce taux à un niveau proche de son niveau d’avant crise à 15,3 % nous paraît être une hypothèse que nous qualifions de « favorable ». Pour y parvenir, il faudrait un retournement du comportement des ménages, qui est assez difficile à déceler jusqu’à présent. Là encore, la totalité des instituts que nous avons auditionnés estiment que cela n’est pas l’hypothèse la plus plausible ou probable.

Vous m’avez également interrogé sur les estimations des écarts de production (output gap), qui ne sont pas des données observables, mais des constructions, au même titre que le PIB potentiel. Ces estimations sont donc réalisées à partir de méthodes ou d’observations de faisceaux d’indices conjoncturels. Or les chocs exogènes qui ont notoirement affecté l’économie française compliquent l’estimation des pertes définitives pour le PIB potentiel. Toutefois, l’ampleur des tensions persistantes sur les recrutements plaide plutôt pour un output gap moins creusé que ce que suppose le gouvernement.

Ensuite, selon les informations disponibles, si les règles existantes s’appliquaient, le déclenchement de la procédure pour déficit excessif en 2024 devrait intervenir. Je pense qu’il s’agit là d’une raison parmi d’autres pour ne pas revenir aux règles existantes et pour plaider malgré tout en faveur d’un accord, le meilleur possible bien entendu.

J’ai lu avec un grand intérêt le rapport sur les besoins des services publics, d’autant plus qu’il était piloté par un jeune magistrat de la Cour des comptes, que je connais bien. Il existe des marges de progrès pour les besoins et personne ne peut penser que les services publics répondent complètement aux besoins sociaux. Mais l’on peut à la fois mieux satisfaire des besoins sociaux sans pour autant augmenter le montant des dépenses publiques. Les revues de dépenses publiques servent précisément à faire le tri entre ce qui est nécessaire et ce qui est effectivement réalisé.

Avec 58 % de dépenses publiques dans le PIB, personne ne peut penser qu’il suffirait « d’empiler » de la dépense publique pour répondre à des besoins sociaux. Je rappelle à ce titre que nous nous situons déjà à 8 points au-dessus de la moyenne de la zone euro et que nous figurerons parmi les premiers dans le monde. Il y a là une rigidité très importante et il importe de diminuer de manière significative le taux de la dépense publique dans le PIB, comme le gouvernement l’envisage. Mais cela n’est pas incompatible avec la prise en compte de besoins sociaux, qui doivent être affinés. La dépense publique doit viser la qualité, dont la qualité sociale.

Vous m’avez posé à différentes reprises des questions sur les dépenses de fonctionnement des collectivités. Une diminution moyenne de 0,5 point par an correspond aux chiffres communiqués par le gouvernement.

Ensuite, le vieillissement de la population est une source de l’augmentation des dépenses, y compris publiques. Cependant, le gouvernement ne nous a pas donné d’information sur ses conséquences pour les dépenses publiques, ni sur d’éventuelles mesures pour les limiter. Nous relevons donc une certaine imprécision en la matière.

Je souhaite également revenir sur la baisse des impôts. En 2013, j’avais effectivement parlé d’un « ras-le-bol fiscal » et je n’ai pas changé d’avis. Je considère en effet que le consentement à l’impôt est très fragile. Lorsque le taux de prélèvements obligatoires se situent à 45,4 %, il faut se garder de les augmenter. Simultanément, compte tenu du niveau élevé de nos déficits, il est également très compliqué de les diminuer.

Madame Maximi, dans l’entretien que vous avez cité, j’ai évoqué les baisses d’impôts nettes. La fiscalité reste naturellement un instrument majeur pour l’allocation des ressources et la redistribution. Cependant, notre raisonnement est le suivant : si l’on décide de diminuer un impôt, il faut compenser le produit de cette diminution, soit par l’augmentation d’autres impôts, soit par des économies correspondantes.

Une question a porté sur les OATI. Il ne nous revient pas de juger la politique d’émission de l’Agence France Trésor. En 2022, compte tenu de la hausse de l’inflation, la charge d’intérêt des titres indexés a fortement crû, mais elle recule avec le reflux de l’inflation déjà amorcé. En revanche, l’effet de la hausse des taux d’intérêt est massif sur les charges de la dette. Pour rappel, le rendement des OAT à dix ans a augmenté de 300 points de base depuis 2021. Il convient donc d’être extrêmement vigilant en la matière.

S’agissant de la cotation de la France, le général de Gaulle a eu ce mot célèbre : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Nous ne vivons plus la même époque, mais j’ai malgré tout la conviction que la politique de la France ne doit pas être dictée par les agences de notation. Il n’existe pas de lien direct entre la cotation et les charges d’intérêt. Cependant, cette notation offre sans aucun doute un regard sur la crédibilité du pays. Je n’établirai pas non plus un lien direct entre l’adoption d’une LPFP et la qualité de la note de notre pays. Cependant, il est évident que le débat qui est le vôtre aujourd’hui sera naturellement très regardé, bien au-delà des agences de notation.

Le risque d’une baisse des prix de l’immobilier sur les recettes publiques est réel. À titre d’illustration, à volume de travail inchangé, une baisse de 5 % des prix immobiliers entraînerait une baisse de 1 milliard d’euros sur les droits de mutation à titre onéreux.

Vous m’avez en outre interrogé sur le financement de la transition écologique. La sortie des mesures de soutien face à l’inflation énergétique représente une baisse du coût budgétaire de plus de 16 milliards d’euros en 2024, qui offre des marges de manœuvre supplémentaires pour financer la transition écologique. Toutefois, sur le long terme, s’il y a bien une dépense qu’on ne peut pas ne pas faire, c’est bien celle qui concerne la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas la réaliser avec la charge d’intérêt actuelle, car cela impliquerait des hausses de prélèvements tellement élevées que nous nous retrouverions dans une situation extrêmement complexe.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur la LPFP. Le Haut Conseil joue son rôle et adopte une appréciation balancée. Nous sommes en effet une instance pluraliste, qui auditionne des experts comme l’OFCE, Rexecode, l’Insee et la Banque de France. En notre sein, plusieurs sensibilités politiques et économiques s’expriment. Mais nous parvenons toujours à un consensus. En l’espèce, nous disons que des progrès ont été réalisés. Ils concernent notamment le nouveau dépôt d’une loi de programmation, ainsi qu’une plus grande volonté de réduction des déficits et de la dette. Mais nous avons également souligné l’existence de lacunes, d’hypothèses et prévisions « optimistes » ou « favorables » à nos yeux. De même, la crédibilité doit être encore approfondie, notamment grâce à une documentation supérieure. En effet, cette documentation est faible concernant les années à venir, en dehors de celle transmise sur la réforme des retraites et celle de l’assurance chômage.

Au-delà, ma conclusion n’est pas très différente de celle que j’exposais il y a un an : nous avons réellement besoin d’une loi de programmation des finances publiques. Je n’ai jamais parlé d’insincérité : le gouvernement peut exposer l’optimisme de la volonté. Les prévisions ne sont pas complètement inatteignables et elles ne sont plus marquées par des éléments très politiques comme cela a pu être le cas par le passé. Cependant, de notre côté, nous sommes obligés d’être plus réalistes et de partir des prévisions telles qu’elles sont.

Le Haut Conseil des finances publiques est un watchdog, une vigie. Mais nous avons besoin d’une loi de programmation, pour des raisons que j’ai évoquées précédemment. D’abord, il s’agit d’un impératif qui découle de nos engagements européens. En outre, l’article 34 de la constitution prévoit que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation ».

Une telle loi de programmation constitue une boussole indispensable pour le pilotage des finances publiques, qui doit crédibiliser l’engagement de redressement des finances publiques au niveau national et européen. Enfin, l’adoption d’une LPFP est inscrite dans les engagements pris au sein du plan national de relance et de résilience élaboré dans le cadre du plan NextGenerationEU. Selon le gouvernement, l’absence d’adoption du texte ferait courir un risque sur le versement de 10,3 milliards d’euros de subventions européennes avant la fin de l’année 2023 et retarderait les versements pour 2024. Ce risque existe. Il ne faut pas le courir. C’est la raison pour laquelle notre pays a vraiment besoin d’une telle loi de programmation révisée. Je vous incite de ce point de vue à avancer vers son vote, ce qui ne nous empêche pas de poursuivre notre vigilance.

Monsieur le rapporteur général, je pense par ailleurs qu’il faudra aller plus loin à l’avenir en matière de désendettement. En conclusion, le vote d’une telle loi m’apparaît indispensable, pour des raisons constitutionnelles, juridiques, politiques et européennes.

M. le président Éric Coquerel. Nous avons pris bonne note de ce conseil adressé aux parlementaires.

M. Pierre Moscovici. Il ne s’agit pas d’un conseil, mais d’une opinion.

M. le président Éric Coquerel. On pourrait même parler d’un haut conseil.

M. Pierre Moscovici. C’est un avis.

M. le président Éric Coquerel. C’est plus qu’un avis, un conseil.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le président, vous avez une conception élargie du Haut Conseil, qui me plaît.

M. le président Éric Coquerel. Je n’ai pas dit que c’était la mienne, mais que c’était celle que vous exprimiez.

Je vous propose à présent de passer aux questions supplémentaires des députés.

M. Daniel Labaronne (RE). Le Haut Conseil considère que l’estimation de l’écart de production et celle de la croissance potentielle apparaissent optimistes. Pour ma part, j’ai toujours émis des doutes sur la méthode de calcul de la croissance potentielle. Cela me conduit à penser que les estimations du gouvernement ne sont peut-être pas aussi optimistes qu’on pourrait le penser.

D’une manière générale, on peut constater que le taux de croissance effectif ex post est assez souvent supérieur au taux de croissance estimé, ex ante. Ensuite, je m’étonne toujours que la croissance potentielle soit calculée en tenant compte de deux facteurs de production, le travail et le capital, mais en oubliant un troisième facteur, l’énergie. Compte tenu des efforts budgétaires entrepris en faveur de la transition énergétique depuis un certain temps, nous avons amélioré notre efficience énergétique et par conséquent notre productivité énergétique. Ne pensez-vous pas que l’absence de prise en compte de l’énergie dans l’estimation de la croissance potentielle et dans l’évaluation du PIB effectif est préjudiciable au cadrage macroéconomique de la discussion budgétaire ?

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Votre rapport souligne à juste titre le rôle de l’épargne. En effet, les taux d’épargne demeurent très élevés malgré la perception de la situation économique, la persistance d’une inflation élevée et les discours alarmistes sur la capacité de nos concitoyens à financer leur vie quotidienne. Ne considérez-vous pas que le sujet de l’épargne représente un impensé du débat économique en France ? Ne serait-il pas nécessaire de travailler à nouveau sur cette question importante ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Monsieur le président Moscovici, nous vous rejoignons dans votre souci de diminuer le taux des dépenses publiques dans le PIB. Vous avez mentionné la qualité de la dépense publique, mais je souhaiterais que nous nous attachions durablement à son efficacité. En France, nous dépensons beaucoup, mais pas toujours à bon escient.

Vous plaidez en outre pour le rétablissement des règles en 2024. J’imagine que la LPFP est intégrée dans cette perspective. Depuis ces dernières années, nous sommes très éloignés de la programmation qui a été établie, mais il nous est demandé malgré tout de l’adopter.

Ma question concerne la dette. J’imagine que votre projection intègre des taux d’intérêt stables, mais quelle serait la situation si ces taux continuaient d’évoluer, ce qui n’est pas à écarter ? Depuis des années, nous lançons des alertes sur le risque d’une explosion des taux d’intérêt.

M. Charles de Courson (LIOT). Je vous remercie pour votre intervention, qui est toujours marquée par une délicatesse dans le choix des adjectifs.

En matière de croissance potentielle, le gouvernement retient une hypothèse de 1,35 %, qui est plus réaliste que les 1,70 % de la précédente loi de programmation. L’écart de production est estimé à 1,4 point à la fin de l’année 2023 par le gouvernement, qui le voit s’annuler en 2027, soit environ 0,35 point par an. Le taux de croissance hors écart de production serait donc de 1 %. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Ensuite, cette croissance potentielle se fonde notamment sur une contribution positive de la balance commerciale. Malheureusement, jusqu’à présent, la situation a été inverse : la perte de compétitivité nous a coûté 0,2 à 0,3 point de croissance. Quelle est la composante d’amélioration de la compétitivité française dans la prévision de croissance potentielle de 1,35 % ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer qu’il faut réaliser chaque année 12 milliards d’euros d’économies pour respecter cette loi de programmation ?

M. Emmanuel Lacresse (RE). Si l’on résume votre avis, votre principale appréciation est la suivante : les prévisions gouvernementales reposent sur une « combinaison de facteurs favorables ». Vous adoptez finalement l’opinion de la Banque de France sur la différence entre la croissance économique que vous anticipez et celle du gouvernement, c’est-à-dire un peu moins d’un point d’écart de croissance.

Le facteur investissement semble se placer dans un contexte nouveau, celui de la transition énergétique, surtout pour l’industrie. Ce contexte structurellement nouveau ne vous semble-t-il pas de nature à soutenir sur le moyen terme la croissance et à rendre une nouvelle fois crédibles les prévisions gouvernementales ? Je précise que les estimations du gouvernement se sont révélées pertinentes ces dernières années, aussi bien pour la croissance effective que pour les rapides créations d’emploi.

Ensuite, vous préconisez des économies que vous qualifiez de structurelles. Dans ce cadre, quelles sont les économies qui pourraient faire l’objet d’une programmation plutôt que d’une approche annuelle, mesure par mesure, c’est-à-dire celle qui est suivie d’ordinaire ?

Enfin, le scénario du gouvernement repose sur un retour à l’inflation proche de 2 % dans un horizon proche. Ne vous semble-t-il pas que les taux tels qu’ils résultent des décisions de la Banque centrale européenne ont en effet atteint un plateau ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je rejoins les interrogations précédemment mentionnées sur le commerce extérieur, le taux d’épargne, mais aussi sur la prévision d’un taux d’investissement des entreprises en contradiction avec la politique monétaire.

Après la publication de votre avis, la banque centrale américaine a indiqué un maintien des taux à un niveau élevé, pour une durée plus longue que celle anticipée par les marchés. Elle a initié une nouvelle réflexion concernant la politique monétaire américaine, avec un taux d’intérêt d’équilibre qui serait bien plus élevé que prévu. Existe-t-il une réflexion sur le taux d’équilibre que devrait adopter la politique monétaire en Europe ? Ne risquons-nous pas de faire face à nouveau à un problème de divergence, qui avait disparu avec la politique monétaire précédente ?

Ensuite, le Canard enchaîné s’est fait l’écho de problèmes de financement pour le plan de relance européen et la politique européenne en général. Votre avis a-t-il tenu compte des risques de dérapage de la contribution de la France aux différents programmes de l’Union européenne ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Ma question concerne l’évolution des dépenses des administrations de sécurité sociale. À la page 16 de son rapport, le Haut Conseil des finances publiques souligne que la progression des dépenses sous ONDAM, limitée à 2,9 points en fin de période, comporterait des risques pour la prise en charge de la dépendance. L’évolution démographique est connue, mais nous enregistrons déjà des problèmes structurels en matière de prise en charge de la dépendance, en établissement ou à domicile. Dans ces conditions, quelle est votre estimation du surcoût progressif lié aux dépenses de dépendance ?

M. Pierre Moscovici. Il me semble qu’un certain nombre de vos questions renvoient aux réponses que j’ai déjà données.

Encore une fois, l’optimisme n’est pas un défaut en soi. Cependant, nous travaillons sur la base de prévisions telles qu’elles sont établies par des instituts de conjoncture, qui limitent mon « optimisme réaliste ».

Vous avez évoqué la possibilité d’une révision à la hausse de la croissance potentielle. Cependant, par le passé, les révisions de la croissance potentielle se sont plutôt effectuées par le bas. Les conditions objectives sont aujourd’hui plus favorables qu’elles ne l’étaient il y a un an et le taux de croissance de 1,35 % envisagé par le gouvernement est plus proche des estimations des conjoncturistes.

Ensuite, nous prenons effectivement en compte le facteur énergétique dans l’évaluation de la productivité. Le Haut Conseil des finances publiques a mentionné à plusieurs reprises le risque que la transition écologique affecte la productivité. Nous nous prononçons sur la croissance potentielle, car les textes nous le demandent. À titre personnel, y compris quand j’étais commissaire européen, j’ai toujours été dubitatif sur ces notions.

Une contribution positive de la balance commerciale n’est pas impossible. Les baisses d’impôts en direction des entreprises plaident plutôt en ce sens.

Ensuite, le gouvernement prévoit 12 milliards d’euros d’économies pérennes, qui s’ajoutent aux économies déjà initiées par les réformes.

La notion de taux d’intérêt d’équilibre est une donnée aussi incertaine que celle de croissance potentielle. Il est difficile de prévoir le niveau futur des taux, y compris pour les banquiers centraux eux-mêmes. Pour ma part, ma longue expérience publique m’a appris à ne jamais prévoir ni commenter les décisions des banquiers centraux. Je n’y dérogerai pas aujourd’hui.

La progression tendancielle des dépenses sous ONDAM est supérieure à 2,9 %. Il faudrait donc limiter les dépenses pour atteindre ce niveau, alors que la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) envisage un doublement d’ici 2060 des surcoûts liés à la dépendance. Pour sa part, la Cour des comptes a publié différents rapports soulignant la nécessité de dépenses supplémentaires (1,9 milliard d’euros), notamment pour les Ehpad.

Par ailleurs, je m’efforce de ne pas fonder mes avis sur les articles du Canard enchaîné, mais plutôt sur les documents que nous adresse le gouvernement. Néanmoins, des débats peuvent exister. Ils ne figurent pas dans notre rapport.

Enfin, je n’ai pas répondu à la question intéressante de M. Brun sur le bilan sur la loi de programmation. Nous devrions peut-être effectuer ce bilan. Je souligne cependant que l’exercice n’a pas été facilité par les crises successives qui ont profondément rendu obsolète la précédente loi de programmation. Le Haut Conseil des finances publiques a, pour sa part, regretté que celle-ci n’ait pas été actualisée à la fin de la période sous revue. Je souhaite que cette fois‑ci, la loi de programmation soit davantage appliquée. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé, à plusieurs reprises, la fourniture d’une plus grande documentation. Je ne me permets pas de donner des conseils, mais il est nécessaire de se poser de telles questions.

Pour conclure, je souhaite réitérer mon message principal : une loi de programmation des finances publiques est indispensable, pour toutes les raisons que j’ai évoquées. Il ne s’agit pas d’une pression ou d’un conseil, mais d’une conviction. Je l’avais l’an dernier, je continue de l’avoir cette année et je la porte devant vous.

M. le président Éric Coquerel. Nous vous remercions.

 

 


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Examen des articles

Au cours de sa deuxième séance du lundi 25 septembre 2022 après-midi, la commission a examiné, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (n° 530) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général).

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027. Je vous rappelle que l’Assemblée nationale, suivant l’avis de la commission des finances, avait rejeté le texte en première lecture. Adopté avec des modifications par le Sénat, le projet de loi avait ensuite été soumis à une commission mixte paritaire (CMP), laquelle n’était pas parvenue à un accord. Le Gouvernement a finalement fait le choix de poursuivre la procédure législative, et nous sommes donc saisis, en nouvelle lecture, du texte dans sa rédaction adoptée par le Sénat.

En nouvelle lecture, la jurisprudence dite de l’entonnoir s’applique strictement : nous ne pouvons débattre que des amendements relatifs aux dispositions restant en discussion. Autrement dit, ils doivent porter sur les articles figurant dans le texte adopté par le Sénat, puisque l’Assemblée n’a adopté aucun texte. C’est la raison pour laquelle vingt et un amendements ont dû être déclarés irrecevables, non pas au titre de l’article 40 de la Constitution, mais en application de son article 45. Il s’agit en particulier des amendements portant article additionnel, mais aussi d’un certain nombre de « faux à l’article », qui ne se rattachent que de façon indirecte à un article et présentent donc un lien insuffisant pour pouvoir être examinés et débattus. Par ailleurs, deux amendements méconnaissaient le monopole de la loi de finances défini par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et un amendement méconnaissait l’article 48 de la Constitution relatif à la fixation de l’ordre du jour des assemblées.

Nous sommes heureux d’accueillir, pour l’examen de ce texte, M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, ainsi que M. Thomas Cazenave, pour qui c’est la première occasion, depuis qu’il a été nommé ministre délégué chargé des comptes publics, de venir devant notre commission.

Je vous rappelle que le texte est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique du mercredi 27 septembre à vingt et une heures trente.

Je donne la parole aux ministres pour un propos liminaire.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Le PLPFP est un texte fondamental pour la crédibilité budgétaire de la nation française. Cette crédibilité doit être assurée, tout d’abord, face aux marchés financiers, alors que nous sommes endettés de plus de 3 000 milliards d’euros, que nous devons financer un déficit de 139 milliards et que les taux d’intérêt atteignent 4 %. Notre crédibilité est également essentielle face aux autres États membres de la zone euro, qui ont déjà tous adopté une trajectoire pluriannuelle de leurs finances publiques. Enfin, notre crédibilité est fondamentale pour bénéficier du décaissement des deux aides européennes, de 10 et 8 milliards, que nous devrions recevoir, respectivement, avant la fin 2023 et en 2024 : sans loi de programmation des finances publiques (LPFP), nous ne recevrons aucun versement.

Pour conforter notre crédibilité, la loi fixe des objectifs clairs pour 2027 : le retour sous les 3 % de déficit public, précisément à 2,7 %, et l’accélération du désendettement, pour revenir à 108,1 % de dette publique. Cette loi repose sur des choix politiques simples et forts : plus de croissance, pour accélérer le désendettement, plus de réformes, pour réduire les dépenses, et plus de travail, pour offrir plus de prospérité à nos compatriotes. La croissance est là : 1 % en 2023 et 1,4 % prévu en 2024, soit un des niveaux les plus élevés de la zone euro. Elle doit nous permettre de réduire notre dette d’ici à 2027 et, à ce titre, doit constituer une priorité absolue.

Pour alimenter la croissance, nous avons d’abord besoin d’investissements, que nous opérons dans l’industrie, les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle ou encore la transition écologique. Je rappelle que cette dernière ne peut pas être financée uniquement sur fonds publics : nous attendons que les investisseurs privés jouent le jeu grâce au fléchage de l’épargne privée, aux garanties sur les prêts verts et à la visibilité que nous leur offrons.

Il me paraît important que nous livrions le combat pour que le contenu européen soit reconnu dans les investissements industriels. Ces derniers, lorsqu’ils font l’objet de subventions ou d’aides dans le cadre des programmes d’intérêt collectif européen, doivent être fléchés en priorité absolue vers les produits industriels qui ont du contenu européen. On peut envisager que les taux de contenu s’élèvent progressivement, en fonction d’un certain calendrier, mais il est indispensable que nous changions de stratégie et de ligne idéologique : nous devons favoriser l’industrie à contenu européen si nous voulons que la décarbonation soit européenne. Je livrerai ce combat avec la plus totale détermination.

La croissance passe également par l’amélioration de notre productivité. L’un des drames européens, depuis plusieurs décennies, est la perte de productivité. Il faut faire de l’éducation, de la formation, de l’enseignement supérieur la priorité économique numéro un dans notre pays. C’est l’éducation qui donnera de la productivité, et c’est la productivité qui donnera la croissance et les salaires.

Le deuxième volet de mesures nous permettant de réduire la dette est constitué par les réformes de structure. Nous avons engagé deux réformes structurelles majeures, avec la majorité, qui permettent de financer très largement nos dépenses publiques, de réduire la dette et la dépense publique. La première, la réforme de l’assurance chômage, nous permettra de réaliser 12,5 milliards d’économies cumulées d’ici à 2027. Je redis, notamment à nos amis du groupe Les Républicains, que nous sommes prêts à améliorer ce système pour valoriser toujours plus le travail et à réfléchir aux moyens d’accroître l’efficacité de l’assurance chômage. Avec la majorité, nous avons déjà fait passer les délais d’indemnisation du chômage de vingt-quatre à dix-huit mois. Faut-il aller plus loin, si le chômage continue à baisser ? Nous restons, je le rappelle, dans la fourchette haute des niveaux d’indemnisation en Europe. La question est entre les mains des partenaires sociaux, mais il est évidemment légitime que les parlementaires se prononcent, et je suis prêt à ce que nous en débattions.

La deuxième réforme de structure est la réforme des retraites qui, je le rappelle, nous rapportera 12,5 milliards en 2027. On ne peut pas rétablir les finances publiques ni engager le désendettement si l’on n’a pas réglé la question des retraites, qui représentent 14 % de la dépense publique totale dans notre pays.

Au-delà de ces deux réformes, qui sont à mettre à l’actif du Président de la République et de la majorité, je suis ouvert à toutes les propositions de modifications de structure de nature à réduire nos dépenses de fonctionnement. Vous connaissez ma conviction : au-delà de la revue des dépenses que nous avons engagée, secteur par secteur, nous devons entamer une réflexion sur la réduction du périmètre d’action de l’État.

Nous devons aussi nous pencher sur les dépenses des collectivités. Je tiens à saluer l’engagement de ces dernières, qui participent désormais au Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL). Cette instance, que nous avons créée, constitue un marqueur fort de notre détermination à ce que l’État et les collectivités avancent ensemble, sur un pied d’égalité, pour maîtriser nos finances publiques. Nous avons répondu à une demande forte des collectivités en retirant les contrats de Cahors du champ de cette nouvelle LPFP. Par ailleurs, l’effort demandé aux collectivités sera, dans cette nouvelle version du texte, trois fois moins important que celui demandé à l’֧État – c’était notamment une demande de la majorité sénatoriale. La dépense primaire de l’État doit reculer en moyenne de 0,9 % par an en volume entre 2023 et 2027, contre une diminution de 0,3 % par an pour les collectivités. Dans la version précédente, la baisse prévue était de 0,5 % pour les collectivités et 0,4 % pour l’État. C’est un signe très concret de notre engagement à soutenir les collectivités locales.

Enfin, les réformes de structure s’accompagnent de revues des dépenses, qui nous ont permis, dès cette année, d’identifier 2 milliards d’économies, à terme, sur le dispositif Pinel, 1 milliard sur les opérateurs de l’État et 600 millions sur les coûts des contrats des apprentis. La commission des finances a par ailleurs participé à cette réflexion, puisque Véronique Louwagie et Robin Reda ont présenté un rapport consacré à la « rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaires ». Je salue ce travail et suis prêt à regarder comment nous pouvons reprendre, dans la LPFP, les propositions d’économies.

Nous avons aussi engagé, avec l’accord des professions concernées, la conversion de notre fiscalité du brun au vert. Cela ne peut se faire que selon une méthode rigoureuse, fondée sur la consultation, la progressivité et la réaffectation des recettes aux professions concernées. Nous dialoguons depuis plusieurs mois avec les agriculteurs et les entrepreneurs des travaux publics et du bâtiment pour nous assurer que les décisions prises par le Parlement sont soutenables économiquement. La progressivité signifie, notamment, que l’on ne saurait supprimer, d’un projet de loi de finances (PLF) sur l’autre, les avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR). Ce serait évidemment une mesure insupportable pour les professions concernées. Les agriculteurs verront la fiscalité du GNR augmenter de 2,85 centimes par litre de carburant en 2024, et cette progression demeurera constante jusqu’en 2030. Les entrepreneurs des travaux publics connaîtront pour leur part une hausse de 5,99 centimes. Je m’engage à ce que l’intégralité des recettes fiscales supplémentaires aille à l’accompagnement des agriculteurs et des entrepreneurs de travaux publics afin qu’ils puissent décarboner leurs activités et bénéficier d’une filière de biocarburant plus efficace du point de vue climatique et moins coûteuse sur le plan financier.

Ces revues de dépenses ont prouvé leur utilité. Nous les poursuivrons chaque année, en examinant une dizaine de secteurs.

Enfin, au-delà de la croissance et des réformes de structure, le désendettement passe par la valorisation du travail, qui est le cœur nucléaire de notre stratégie économique. Nous voulons augmenter le taux d’emploi. Si nous avions le même taux d’emploi que l’Allemagne – soit plus de 80 % pour les 25-64 ans –, nous ne connaîtrions pas de problème de déficit ni d’endettement. Le plein emploi est la meilleure des solutions au problème de la dette. La majorité peut être fière de présenter aux Français un taux d’emploi de 74 %, qui est le plus élevé depuis qu’il est mesuré, mais il faut continuer à avancer dans cette direction. Cela nécessite d’accroître encore l’attractivité du travail, et donc, en premier lieu, d’agir sur les salaires. La conférence salariale annoncée par le Président de la République sera un rendez-vous majeur de la fin de l’année. Elle devra notamment nous permettre de régler plusieurs difficultés, comme l’existence de salaires minimum inférieurs au Smic dans un certain nombre de branches, ce qui n’est ni juste, ni efficace, ni acceptable socialement.

Rendre le travail plus attractif, c’est poursuivre la baisse des impôts que nous avons engagée depuis plusieurs années, qui s’est traduite notamment par la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance sur l’audiovisuel public, et par la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu à la sortie de la crise des gilets jaunes. Ce mouvement doit se poursuivre dans les années à venir. Nous engagerons une baisse de l’impôt sur les ménages de 2 milliards dans le projet de loi de finances pour 2025.

L’objectif de la valorisation du travail nous a conduits à créer une indemnité carburant travailleur (ICT). Cette majorité ne peut pas accepter, en effet, que des personnes soient empêchées de se rendre sur leur lieu de travail en raison du coût excessif du carburant. L’indemnité figurera dans le projet de loi de finances pour 2024 qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Elle entrera en vigueur en janvier 2024. Comme en 2023, elle sera ciblée sur les cinq premiers déciles et devrait concerner près de 4,3 millions de personnes. Elle s’élèvera à 100 euros, ce qui équivaut à une aide de 20 centimes par litre pendant six mois pour un automobiliste moyen, qui roule environ 12 200 kilomètres par an. Elle représente un coût pour les finances publiques de 430 millions, qui constituent un investissement en faveur du travail.

Nous avons tous le sentiment, me semble-t-il, que le pays est la proie de grandes inquiétudes qui sont liées aux transformations économiques, climatiques et géopolitiques. Par ce texte, nous avons l’occasion d’apporter de la clarté face à ces inquiétudes, de montrer collectivement que nous parvenons à dépasser un certain nombre de clivages politiques et de nous mettre d’accord sur la réduction de la dette, la maîtrise des finances publiques, l’investissement dans les priorités d’avenir et la décarbonation de notre pays sans menacer nos finances.

Une LPFP n’est ni un texte financier ni un texte budgétaire. Nous devons nous rassembler et montrer à nos compatriotes et à nos partenaires européens que nous sommes capables de nous accorder sur une loi qui constitue un garde-fou. Elle est un garde-fou contre l’augmentation du coût du crédit, qui va nous amener à dépenser 36 milliards de plus d’ici à 2027 pour la seule charge de la dette, laquelle atteindra un total de 74 milliards en 2027. Elle constitue également un garde-fou contre cette supposée fatalité qui nous empêche de rétablir les finances publiques depuis trois décennies quand la situation s’améliore. Elle est enfin un garde-fou contre la propension naturelle à la dépense, sans considération de son utilité ou de son efficacité. Ici, la dépense est encadrée, efficace et on sait où elle nous mène.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Il n’aura échappé à personne que bien des choses ont changé depuis l’examen du texte en première lecture. Dans ce PLPFP, qui est bien plus qu’un texte de méthode pour la gestion de nos finances publiques, le Gouvernement a fait des choix clairs pour vous proposer une trajectoire qui concilie l’investissement dans l’avenir, en premier lieu dans la transition écologique et nos services publics, et le rétablissement de nos comptes publics.

Je veux souligner la qualité du travail que nous avons mené en amont de l’examen de ce texte et du PLF dans le cadre des dialogues de Bercy. Je remercie l’ensemble des groupes qui ont participé à l’exercice cette année. Sur la justice fiscale, la transition écologique ou encore le logement, nous avons montré que nous pouvions avancer sur des sujets de préoccupation communs.

Le projet de loi traduit le cap que nous avons fixé : ramener le déficit public sous la barre des 3 % d’ici à la fin du quinquennat et réduire progressivement notre endettement public jusqu’en 2027. Ce texte est parfaitement cohérent avec le programme de stabilité présenté en avril dernier.

La France a besoin de définir un cap pour ses finances publiques. La trajectoire que nous vous proposons d’intégrer à ce texte doit nous permettre de tenir nos comptes, aujourd’hui comme demain. Y parvenir suppose de partager un même sentiment de responsabilité, mais également de répartir l’effort entre l’ensemble des administrations publiques : l’État et ses opérateurs, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.

Le premier message que je voudrais vous adresser est que le PLPFP est un élément central de notre crédibilité. Nous devons d’abord nous montrer crédibles vis-à-vis des Français, qui ont besoin de connaître le chemin que nous allons emprunter – celui d’un retour à la normale après des années de crise – et de savoir comment nous allons financer dans les années qui viennent les services publics et l’investissement dans les priorités d’avenir.

Il s’agit également d’assurer notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens. À cette fin, nous traduisons les objectifs fixés dans le programme de stabilité. Deux versements du plan de relance européen sont en jeu : un premier de 10 milliards, qui doit intervenir cette année, et un second de 8 milliards, l’année prochaine. Sans loi de programmation pluriannuelle, ces fonds ne nous seraient pas versés.

Il convient, enfin, d’asseoir notre crédibilité vis-à-vis des investisseurs qui achètent notre dette, dans un contexte de remontée des taux d’intérêt. En quelques mois, nos taux d’emprunt sont passés d’une valeur proche de zéro à des niveaux supérieurs à 3 % sur nos obligations à dix ans.

Quel signal enverrait-on si le projet de loi de programmation n’était pas adopté ? Le président Pierre Moscovici a eu l’occasion de vous le rappeler cet après-midi : sans loi de programmation, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ne pourrait pas exercer convenablement son rôle. Si ce texte n’était pas adopté, notre pays n’aurait plus d’engagements pluriannuels en matière de finances publiques. Nous avons besoin de savoir où nous allons.

S’agissant de notre crédibilité, j’ai bien conscience que le HCFP a formulé plusieurs réserves. Je ferai une remarque sur l’hypothèse de croissance potentielle à 1,35 % par an jusqu’en 2027. Notre estimation est proche des prévisions établies par les instituts qui tiennent compte de nos réformes, comme le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Notre prévision de croissance potentielle s’appuie de fait sur les réformes structurelles que nous conduisons ou allons mener : la réforme des retraites, celle de l’assurance chômage, la réforme du lycée professionnel, le succès de l’apprentissage, l’application des plans d’investissement et la baisse des impôts de production, qui se poursuivra en 2024.

Mon deuxième message porte sur le rythme de rétablissement de nos finances publiques. Nous le savons, une consolidation trop rapide casserait la croissance et engendrerait plus de dépenses qu’elle ne permettrait d’économies. C’est pourquoi nous assumons une stratégie de réduction progressive du déficit, laquelle permet de poursuivre l’investissement dans les services publics, dans la transition écologique et les baisses d’impôt. C’est ma réponse à ceux qui dénoncent une stratégie d’austérité qui n’a jamais été la nôtre.

Par rapport au texte qui vous a été présenté il y a un an, nous proposons cependant une trajectoire de retour sous les 3 % de déficit public légèrement plus rapide : nous visons 2,7 % en 2027 au lieu de 2,9 % il y a un an. Pour y parvenir, nous comptons réduire fortement la part des dépenses publiques dans le PIB, même si elles continueront à croître en euros, et nous stabilisons à 44,4 % la part des prélèvements obligatoires.

Cela implique de réaliser plus de 12 milliards d’économies à partir de 2025, réparties à parts égales entre l’État et ses opérateurs, d’une part, et la sécurité sociale, d’autre part. Nous assumons le fait que ces économies doivent être documentées.

Cela implique aussi que les collectivités territoriales, tout en continuant d’investir, maîtrisent leurs dépenses, mais nous ne reviendrons pas à l’idée d’un mécanisme de sanction tel qu’il figurait dans la première mouture de la loi. Nous parviendrons à réaliser ces économies par une démarche renouvelée des revues de dépenses, que nous venons de proposer, avec Bruno Le Maire, à la Première ministre. Il faut y travailler avec les élus locaux, notamment dans le cadre du HCFPL, qui a identifié de nouvelles pistes d’économies.

Nous intégrons davantage d’économies à notre trajectoire mais nous ne conservons pas la trajectoire issue du Sénat ni certains des amendements qu’il a adoptés, car ils ne sont ni réalistes ni souhaitables : je pense notamment à la réduction de 5 % du nombre d’agents publics de l’État et de ses opérateurs. Nous ne souhaitons pas tomber du côté de l’austérité.

Nous avons déposé des amendements qui visent à actualiser notre trajectoire, un an après le premier examen du texte. Les prévisions d’inflation ont été mises à jour, à l’instar des trajectoires financières des politiques publiques et des enveloppes des caisses de sécurité sociale. La série d’amendements que nous proposons vise à mettre le texte et le rapport annexé en cohérence avec la vision que nous avons de notre trajectoire économique et financière.

Ce nouvel examen tire les conclusions d’une année de travail du Secrétariat général pour la planification écologique. Nous sommes confrontés à une double dette, publique et écologique. La LPFP offre une vision actualisée des crédits de l’État consacrés à la transition écologique, en cohérence avec l’investissement supplémentaire de 10 milliards annoncé par le Président de la République et la Première ministre, qui se traduira par une hausse des crédits de paiement de 7 milliards en 2024. La loi consacre l’obligation de baisser le poids des dépenses néfastes à l’environnement.

Plusieurs groupes ont déposé des amendements qui visent à prévoir une trajectoire plus globale des financements de la transition écologique. Cela reflète la demande de visibilité que les groupes ont exprimée à la quasi-unanimité lors des dialogues de Bercy. Nous y serons favorables, parce que nous devons à nos concitoyens une visibilité sur les moyens qui seront consacrés à la résorption de notre dette écologique.

La loi de programmation constitue un engagement envers le Parlement et est avant tout faite pour lui. Elle vise à partager un cap, à permettre un meilleur pilotage des finances publiques et à s’assurer que les lois de finances annuelles sont en cohérence avec la trajectoire proposée par le Gouvernement. C’est pourquoi je donnerai un avis favorable à un certain nombre d’amendements de la majorité comme de l’opposition qui visent à mieux encadrer les pratiques financières comme les niches fiscales et à mieux informer le Parlement.

Depuis la révision de la Lolf, la portée de la loi de programmation pluriannuelle a été renforcée. Ainsi le Gouvernement doit-il désormais justifier devant le HCFP les éventuels écarts par rapport à la trajectoire pluriannuelle, en amont du dépôt du PLF de l’année. Il me semblerait un peu déroutant que le Parlement, après avoir à juste titre œuvré pour renforcer son pouvoir de contrôle, se prive d’un important instrument de ce contrôle.

Nous pouvons entretenir des divergences sur les paramètres ou sur différents points de passage mais, avant de décider de voter pour ou contre cette loi de programmation, vous devriez vous demander si vous soutenez une programmation des finances publiques qui ramène le déficit public sous la barre des 3 % en 2027, stabilise le taux de prélèvements obligatoires entre 2023 et 2027, et réduit la part des dépenses publiques dans le PIB.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à la discussion générale. Nous entendrons d’abord le rapporteur général, auquel succéderont les orateurs des groupes, qui disposeront de deux minutes chacun.

Vous nous dites qu’il est quasiment indispensable d’adopter une loi de programmation des finances publiques. À cela j’objecterai, d’abord, que je n’en connais pas une qui ait été respectée, l’écart entre la loi et la réalité étant souvent substantiel. Certes, ce n’est pas toujours le fait du gouvernement : des crises peuvent l’expliquer – et, eu égard à la situation internationale, on doit s’attendre à ce que ce type de crises se reproduise fréquemment à l’avenir. En tout état de cause, cela n’a pas empêché de gouverner le pays.

Quant à considérer qu’il serait pratiquement obligatoire de voter ce projet, je rappelle qu’il s’agit d’un texte non pas simplement technique, mais bien politique, qui présente une trajectoire des finances publiques reposant sur une méthode et une analyse macro-économique. Il est heureux que les oppositions ne soient pas contraintes de donner un blanc-seing à une politique avec laquelle elles ne sont pas d’accord.

J’en viens à nos obligations vis-à-vis de Bruxelles, sujet que je souhaite aborder sans esprit polémique. J’ai regardé objectivement les choses et j’ai fait part de cette analyse aux membres du bureau et aux représentants des groupes. Cette analyse a circulé parmi tous les commissaires. Le rapporteur général a par la suite demandé des explications complémentaires au ministre.

Je ne conteste pas le fait que le vote de la LPFP soit un des jalons au regard desquels sera décidé le versement des sommes par Bruxelles,, mais, selon moi, on ne peut affirmer avec certitude que ce seul jalon fera obstacle au versement. J’ai bien relevé, monsieur Cazenave, que dans votre réponse au rapporteur général vous citiez deux courriers qui vous ont été envoyés par la Commission européenne les 6 et 21 septembre. Mais je constate que la Commission européenne indique dans ces courriers qu’« […] Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l’avancée de la procédure d’adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte via FENIX une fois ce dernier adopté ». Il n’est pas dit qu’il s’agit d’un prérequis au versement des 10,3 milliards. À moins que ces deux courriers comprennent d’autres éléments plus contraignants. Dans ce cas, je vous invite à nous les transmettre dans leur intégralité pour la clarté de nos débats, monsieur le ministre.

Il est indiqué que si, à l’occasion de son évaluation, la Commission estime que des cibles et jalons ne sont pas atteints, elle peut prévoir une réduction des autres versements. Mais il s’agit bien d’une des décisions que peut prendre la Commission, pas d’un veto automatique. Il lui reviendra de trancher.

J’en viens à la signification politique de cette trajectoire.

Je regrette que, pour élaborer ce projet, on ne soit pas parti des besoins essentiels des Français dans les années à venir – notamment en matière climatique et environnementale – afin de déterminer ensuite le niveau des impôts, des dépenses publiques et des déficits. L’objectif principal du projet est de réduire les déficits publics à 2,7 % en 2027.

Or je considère que la dette écologique est prioritaire, parce qu’elle ne peut être ni négociée ni annulée. C’est elle qui devrait déterminer notre avenir en matière de finances publiques, car elle est d’importance pratiquement vitale. On ne prend pas non plus en compte d’autres besoins qui ne font qu’augmenter. M. Pierre Moscovici a ainsi admis tout à l’heure qu’il faudrait probablement 1,9 milliard de dépenses supplémentaires pour répondre aux besoins dans les Ehpad. On ne prend pas non plus en considération les besoins en matière de logement – dont vous avez admis l’ampleur. La situation dans ce secteur menace notre pays d’une véritable implosion sociale. Et je ne reviens pas sur la santé.

Tout cela nous amène à nous interroger sur la dette. Même si le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a réévalué la charge de celle-ci en estimant qu’elle passerait à 84 milliards en 2027, cela ne représente pas un doublement de sa proportion dans le PIB par rapport à aujourd’hui. Cette charge sera incontestablement plus importante, mais on a trop souvent tendance à la présenter comme une sorte de tonneau des Danaïdes. La dette permet aussi d’investir et crée donc de la richesse. Il faut considérer ce qu’elle permet de faire pour juger de la pertinence de son niveau. Sinon cela reviendrait par exemple à se focaliser seulement sur les intérêts d’emprunt que paye un ménage, sans considérer le fait qu’au bout du compte il sera propriétaire d’un bien immobilier.

Le président du HCFP a estimé que, pour atteindre ses objectifs, le projet de LPFP supposait 12 milliards d’économies pérennes de dépenses publiques à partir de 2025 – lesquelles ne sont pas documentées. D’où proviendront-elles ? J’ai compris qu’il ne fallait pas compter sur la fiscalité, puisque Bruno Le Maire a annoncé à l’avance une baisse supplémentaire de 2 milliards d’impôts pour les ménages en 2025 et que vous avez programmé la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela signifie donc qu’il y aura une baisse drastique des dépenses publiques. J’appelle cela de l’austérité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Après son rejet par l’Assemblée nationale le 25 octobre 2022, son adoption par le Sénat dans une version substantiellement modifiée le 2 novembre 2022 et l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie le 15 décembre 2022, le projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 sera examiné par notre assemblée en nouvelle lecture en séance publique le 27 septembre 2023.

Cette inscription à l’ordre du jour est la bienvenue, tant il est indispensable de doter notre pays d’une loi de programmation des finances publiques. Le Premier président de la Cour des comptes nous a expliqué à de très nombreuses reprises qu’il fallait disposer d’une telle loi. Nous avons en outre reçu de nombreux documents attestant que nous risquions de perdre des sommes très importantes. Malgré cela, je vois que certains doutent. Mon intervention sera donc précise et factuelle – et peut-être un peu ennuyeuse.

Au cours du premier semestre de l’année 2023, j’ai pris l’initiative en tant que rapporteur général de consulter directement par écrit chacun des responsables des groupes politiques d’opposition au sein de la commission des finances, afin de savoir quelles étaient les évolutions du texte qu’ils souhaitaient.

C’était aussi une occasion pour moi de rappeler les raisons pour lesquelles je considère qu’il relève de l’intérêt général que notre pays adopte rapidement une telle loi de programmation.

En premier lieu, en se référant à « l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques » mentionné à l’article 34 de la Constitution, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit que la LPFP est l’instrument par lequel la France met en œuvre les règles européennes encadrant la conduite par les États membres de l’Union de leur politique budgétaire. Dans ce contexte, la LPFP constitue la référence obligée par rapport à laquelle le HCFP juge des écarts constatés lors de l’exécution budgétaire. Chacun a pu noter que son président – qui est également le Premier président de la Cour des comptes – souligne régulièrement, tout particulièrement devant notre commission, la nécessité financière et juridique de définir à court terme une telle référence pour notre pays.

Il ne s’agit pas de savoir si la LPFP sera ou non respectée, mais bien de disposer d’un tel instrument. Car c’est cet engagement du Gouvernement envers le Parlement et les Français qui permet au HCFP de mesurer les écarts par rapport à la trajectoire, et qui nous permet de demander des explications. Ne nous privons pas de cet outil essentiel pour la vie démocratique.

S’il disposait d’un cap législatif financier clair, notre pays pourrait mieux défendre ses intérêts au sein de l’Union européenne (UE), notamment au moment où celle-ci procède à la révision des règles relatives à la conduite des politiques budgétaires nationales. Si nous souhaitons promouvoir un encadrement communautaire qui tienne compte de la situation de chaque État et qui accorde toute leur place aux investissements nécessaires à la transition écologique et au réarmement régalien, nous devons nous doter d’une programmation exemplaire et crédible du financement de nos priorités.

Il faut souligner que la France a pris des engagements dans le cadre du plan de relance européen NextGenerationEU, lesquels comprennent l’adoption d’une LPFP.

Parmi les cibles et jalons 2022 sur la base desquels notre pays a demandé à la Commission européenne de bénéficier de 12,7 milliards figure, sous le numéro 7-13, l’engagement de procéder à la « Construction des lois financières articulée avec les évaluations de la dépense publique couvrant le champ des [administrations publiques (APU)] dans le respect de la trajectoire de dépenses de la loi de programmation des finances publiques ». Si le Gouvernement a remis au Parlement, à la fin du mois de juillet 2023, un rapport sur l’évaluation de la qualité de l’action publique évoquant les conclusions d’une série d’évaluations sur le fondement de l’article 167 de la loi de finances pour 2023, force est de constater que cet exercice n’a pas pu être effectué en se référant à la trajectoire définie par une LPFP.

Parmi les cibles et jalons 2023 sur la base desquels la France doit demander un nouveau versement dont l’échéance intervient en 2024, pour un montant de 6,9 milliards, figure sous le numéro 7-9 l’engagement explicite de l’« entrée en vigueur d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques (LPFP) mettant en œuvre les nouvelles dispositions législatives organiques adoptées et fixant une trajectoire de finances publiques permettant de stabiliser puis de faire décroître le ratio de la dette ». On note que ce jalon ne se borne pas à l’entrée en vigueur d’une LPFP, puisqu’il fixe un contenu s’agissant du profil d’évolution de la dette publique.

Chacun peut se livrer à des conjectures sur ce que pourrait être l’attitude de la Commission si notre pays ne respectait pas un jalon. J’ai demandé très récemment des précisions sur ce point au ministre de l’économie et des finances, qui m’a répondu. L’ensemble de ces échanges a été mis à la disposition des commissaires aux finances avant l’examen du texte en nouvelle lecture. Je n’ai franchement pas envie que notre commission des finances joue avec l’argent des Français. Le sujet est trop important, ne prenons pas de risque !

Il convient de relever les éléments suivant.

S’agissant du jalon 7-13, associé au premier des deux versements évoqués, la Commission européenne a très récemment fait savoir à la France par les deux courriers précités de septembre 2023 qu’afin de mener à bien l’évaluation de la réalisation de ce jalon, elle souhaitait être informée de l’avancée de la procédure d’adoption du projet de LPFP et que lui soit communiqué « ce texte […] une fois ce dernier adopté ». Ces propos ont un sens : pas de LPFP adoptée par le Parlement, pas d’évaluation du jalon, et donc pas de versement.

Ce constat est valable a fortiori pour le jalon 7-9, dont l’objet même est l’entrée en vigueur de la LPFP dans le cadre de la demande de versement que la France doit formuler en fin d’année 2023.

De façon plus générale, la législation européenne relative au plan de relance NextGenerationEU et les lignes de conduite que la Commission met en œuvre en la matière prévoient que cette dernière décide du montant dont le versement est suspendu en cas de non-respect d’un engagement, qu’elle peut définitivement annuler tout ou partie d’un versement si un État-membre ne parvient pas à atteindre sa cible dans un délai de six mois après le constat d’un manquement et qu’elle juge du quantum de fonds suspendus en fonction de l’importance qu’elle accorde à l’engagement considéré.

In fine, l’absence de LPFP fait peser un risque sur les plus de 27 milliards, nets des préfinancements, qui doivent être versés à la France. Eu égard à la situation de nos finances publiques, par rapport à la Commission comme par rapport à nos prêteurs, il faut arrêter de croire qu’un arrangement de dernière minute ou une pirouette peut se substituer au respect d’un engagement. Partons au contraire du principe suivant : il existe un risque réel que nous ne puissions pas bénéficier de tout ou partie du plan de relance européen en l’absence de promulgation d’une LPFP. On peut supposer que ce risque serait encore plus grand si l’attitude publique du Parlement consistait à parier qu’un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques ne conduirait pas la Commission européenne à refuser de verser à la France les fonds dont elle a vocation à bénéficier.

Conformément au programme de stabilité présenté par la France à la Commission européenne en avril 2023, la nouvelle lecture du projet de LPFP est l’occasion pour le Gouvernement de proposer de conforter notre trajectoire de maîtrise de nos finances publiques.

Le Gouvernement propose ainsi une cible plus ambitieuse de maîtrise du solde public pour chaque année de 2023 à 2027, en fixant un objectif à moins 2,7 % du PIB en 2027, contre moins 2,9 % dans le texte déposé il y a un an. S’agissant du ratio de dette publique rapportée au PIB, la nouvelle trajectoire envisage sa décrue chaque année de 2023 à 2027, alors qu’il y a un an le Gouvernement prévoyait son augmentation en 2024 et en 2025. Il est désormais prévu d’atteindre un taux d’endettement public de 108,1 % en 2027, soit un niveau inférieur de près de trois points à celui retenu dans la projection initiale.

Alors que le taux de prélèvements obligatoires devrait rester sensiblement stable sur la durée de la programmation, la trajectoire de maîtrise des finances publiques s’appuie essentiellement sur le reflux de la dépense publique rapportée au PIB. Elle passerait de 55,9 % en 2023 à 53,8 % en 2027. Cet effort pèse en premier lieu sur l’État et les administrations centrales, dont les dépenses doivent diminuer en volume de 0,9 % chaque année sur la période de programmation, hors charge de la dette. L’effort demandé aux collectivités territoriales correspond à une baisse annuelle de 0,3 % de leurs dépenses en volume sur la durée de la programmation.

Afin de contribuer au respect de ces trajectoires ambitieuses, le Gouvernement propose, à l’occasion de la nouvelle lecture, de définir pour l’État un objectif de 6 milliards d’économies chaque année de 2025 à 2027, à documenter sur la base des revues de dépenses.

Trajectoire plus ambitieuse, effort accru sur la dépense publique – notamment pour l’État –, fixation d’objectifs chiffrés d’économies documentées par des travaux d’évaluation et suppression de tout dispositif d’encadrement des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales : à l’occasion de la nouvelle lecture, la trajectoire réaliste proposée par le Gouvernement, tout comme les moyens de la respecter, se rapproche de la vision de la maîtrise des finances publiques exposée par le Sénat lors de l’examen du texte à l’automne 2022 – même si celui-ci avait alors proposé une trajectoire plus exigeante.

La nouvelle lecture doit être l’occasion de poursuivre la navette de façon constructive dans la perspective d’un rapprochement des positions.

Au demeurant, la définition de la trajectoire de nos finances publiques est loin d’être le seul sujet du texte. Il prévoit d’autres avancées importantes : de nouveaux dispositifs d’évaluation et d’encadrement des dépenses fiscales et sociales ainsi que des aides aux entreprises ; le principe du plafonnement de toutes les taxes affectées et l’encadrement de la fixation des plafonds correspondants ; la définition d’une trajectoire de baisse du poids relatif des dépenses publiques défavorables à l’environnement.

En conclusion, de nombreuses raisons militent pour doter à court terme notre pays d’une LPFP. Il s’agit de respecter l’encadrement constitutionnel, organique et communautaire de nos finances publiques, qui implique la fixation d’une trajectoire de maîtrise de celles-ci et de désendettement. Il convient de garantir que notre pays pourra bénéficier des fonds du plan de relance européen. Il faut mettre en place et développer des outils de bonne gestion financière. Enfin, il est nécessaire que le Parlement se dote d’outils de suivi et de contrôle du Gouvernement.

Je forme le vœu que des oppositions, qui ont des visions antagonistes en matière de dépenses publiques – les uns parlant d’austérité, les autres de gabegie – ne s’allieront pas pour faire échouer ce texte ambitieux, mais équilibré, et que le sens de l’intérêt général conduira certains groupes d’opposition à vouloir doter notre pays d’une LPFP.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous avons besoin d’une loi de programmation. Refuser de s’en doter revient à se tirer une balle dans le pied – je le dis sans volonté de culpabiliser.

Cet instrument a été créé par la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy en 2008, et utilisé en 2012 par François Hollande. On peut avoir des opinions divergentes sur la manière de faire baisser la température, mais on ne peut pas être en désaccord avec le thermomètre.

Ce texte prévoit des outils d’évaluation pour le Parlement. Il permet de limiter les dépenses fiscales et sociales, mais aussi de s’assurer de la stabilité des schémas d’emploi. Nombre d’amendements, visant de tels objectifs, émanent de tous les bancs. J’y insiste : on ne peut pas vouloir jouer un rôle dans l’évaluation des politiques publiques et refuser le principal instrument qui nous permet d’y concourir.

Il s’agit aussi d’un enjeu de crédibilité au niveau européen – certains ici ne peuvent y être insensibles. Nous sommes un grand État européen. Or nous sommes le seul à ne pas avoir de LPFP. Nous avons voté des lois de programmation pour l’ensemble des secteurs régaliens et pour la recherche, mais nous ne l’avons pas fait pour les finances publiques. C’est une épine dans le pied du ministre des finances quand il va négocier avec ses collègues européens.

En fait, la question n’est ni de droite ni de gauche : c’est une affaire de souveraineté. Tout comme l’est le fait de s’assurer du bon déroulement de notre programme d’émission de titres l’an prochain – nous nous apprêtons à lever 300 milliards sur les marchés financiers. Comme l’a dit le Premier président de la Cour des comptes tout à l’heure, les trajectoires d’endettement divergent. Ne nous ajoutons pas une contrainte en n’adoptant pas la LPFP.

Monsieur le ministre, les 18 milliards d’euros de versements européens ont-ils été déjà intégrés dans la trajectoire des finances publiques ? Si tel est le cas, il faudra que ceux qui voteront contre ce projet et qui sont attachés au désendettement proposent des économies à due concurrence.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous allons jouer cartes sur table puisque les ministres ont parlé franchement : nous sommes réunis pour savoir s’il est d’intérêt national de voter ce texte eu égard au versement de près de 19 milliards de financements européens.

Bien entendu, nous ne sommes pas d’accord avec cette loi de programmation, que nous ne jugeons pas crédible. L’arc de la raison n’ayant pas présenté un budget équilibré depuis cinquante ans, permettez-nous de douter que cette année et les trois prochaines soient meilleures.

Cela étant, nous avons reçu deux analyses sur le sujet, l’une à la demande du président Coquerel, l’autre transmise par Jean-René Cazeneuve. Il reste difficile de savoir ce qu’il en est.

Ce qui est sûr, c’est que tout cela créé beaucoup d’incertitude. Si le versement de fonds européens ne pouvait intervenir faute d’adoption de la LPFP, cela entraînerait des problèmes avec les agences de notation et donc des coûts d’endettement supérieurs pour la France. Chaque euro spolié par les marchés financiers est un euro de moins dans la poche des Français ou pour investir utilement.

Dans tous les cas, il s’agit bien d’un enjeu pour l’intérêt national.

Je note que des efforts réels de présentation de ce projet ont été faits par les deux ministres et à l’instant par notre collègue Lefèvre. Même si le président Coquerel a raison de souligner qu’il s’agit d’un texte politique, il est exposé d’une façon moins tendancieuse et moins politicienne que les fois précédentes.

Néanmoins, des éléments nouveaux ont été ajoutés. Je pense notamment à la suppression de l’avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR), avantage qui bénéficie notamment aux agriculteurs et à la filière du bâtiment et des travaux publics (BTP). Nous pensons que cette mesure pose des problèmes, en particulier pour l’agriculture. Même si vous prétendez que des compensations sont prévues, ce n’est pas en période d’hyperinflation qu’il faut pénaliser davantage le secteur de production de nourriture. Les Français le paieront directement. La mesure représente certes seulement 170 millions, mais c’est toujours cela de trop.

Enfin et surtout, votre programmation budgétaire peut être remise en question par l’évolution des prix de l’électricité, notamment si le marché européen part de nouveau dans le décor. On a vu quel a été le coût budgétaire des mesures d’amortissement pour les consommateurs lors des dérives précédentes. Où en sommes-nous sur la revendication de pouvoir établir un prix de l’électricité en France qui corresponde au coût réel de la production de cette énergie dans notre pays ?

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Ce projet de loi de programmation des finances publiques n’est pas encore voté qu’il est déjà obsolète.

Tout d’abord, il ne tient pas compte de l’urgence climatique. En janvier dernier, vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, qu’il serait nécessaire d’investir entre 60 et 70 milliards d’euros par an pour réussir la transition écologique. On parle aussi de 25 à 70 milliards par an pour respecter l’accord de Paris. Le texte qui nous est soumis ne prévoit rien en la matière ; or, plus nous attendons pour répondre au dérèglement climatique, plus il coûtera cher d’y faire face. Rien qu’en 2022, l’inaction climatique a coûté au moins 10 milliards d’euros, ce qui correspond au seul coût des catastrophes naturelles, auquel il faudrait d’ailleurs ajouter le coût social et sanitaire de la dégradation de l’environnement. On se rend très vite compte que c’est un très mauvais calcul budgétaire que de ne pas investir suffisamment dans ce domaine. Le président Coquerel a rappelé que la dette écologique n’était pas annulable.

En outre, cette programmation ne tient pas compte de l’effondrement de nos services publics. On le voit à l’école, où des enfants en situation de handicap n’ont pas de cours faute d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH), dans la protection de l’enfance, où les délais pour un placement peuvent maintenant dépasser une année, et dans les transports en commun, dont l’offre est en constant recul et se dégrade. Pourquoi un tel effondrement ? Le rapport du collectif « Nos services publics » montre que les moyens publics sont en décalage avec les besoins ; certes, les budgets augmentent, mais les besoins sociaux augmentent encore plus vite. Voilà pourquoi nous qualifions ce projet de loi de programmation des finances publiques d’« austéritaire ». La croissance des dépenses publiques y est plafonnée en deçà de l’inflation, et encore plus en deçà des besoins réels de la population. Concrètement, ce texte prépare moins de services publics, de moins bonne qualité.

Les schémas d’emploi inscrits dans ce projet de loi ne servent pas à grand-chose, puisqu’ils sont déjà sous-exécutés en raison des difficultés de recrutement.

Les collectivités, maltraitées, voient leurs dépenses de fonctionnement plafonnées, ce qui est incompréhensible puisque leurs budgets doivent être votés à l’équilibre, contrairement à celui de l’État, et qu’elles luttent déjà pour maintenir leurs services publics.

Aurons-nous droit à un vrai débat en séance ? Depuis des semaines, nous entendons parler du 49.3. Je vous demande de ne pas passer en force une nouvelle fois – mais le Rassemblement national, qui semble se plier aux exigences de Bruxelles, nous permettra peut-être d’avoir un débat complet.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je m’étonne que vous vouliez entièrement réécrire le projet de loi de programmation des finances publiques adopté par la Haute Assemblée. En effet, le Gouvernement a déposé treize amendements, dont un sur le rapport annexé, longs de quatre-vingt-quatre pages. Il était difficile de les étudier avant de venir débattre de ce texte : ce n’est donc pas un bon départ.

L’audition du président du Haut Conseil des finances publiques a montré que plusieurs éléments posaient question. Dans le scénario du Gouvernement, la croissance potentielle s’établit à 1,35 % ; au vu des études et éléments d’information disponibles, cette prévision semble optimiste, et le Haut Conseil lui-même la juge utopique. Par ailleurs, on aimerait que l’écart de production devienne nul en 2027, mais je n’y crois pas du tout : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) table sur – 1,5 point, le FMI sur – 0,7 point.

Effectivement, monsieur le ministre délégué, nous aimerions emprunter le chemin du retour à la normale. Cependant, vous avez accumulé tant de défaillances que vous souffrez aujourd’hui d’un problème de crédibilité. Nous ne voulons pas vous donner un blanc-seing ; nous vous appelons à plus de cohérence et de constance dans la réalisation de vos trajectoires.

Le Haut Conseil indique que la dépense primaire des collectivités devra reculer de 0,5 % par an ; quant à vous, monsieur le ministre, vous avez évoqué une baisse annuelle de 0,3 %. Cet écart de 0,2 point n’est pas totalement anodin.

Enfin, vous allez demander chaque année 12 milliards d’euros d’économies à l’État et à la sécurité sociale. Or les intérêts de la dette augmentent déjà de 10 milliards en 2024 : la marge de manœuvre est donc faible, de l’ordre de 2 milliards. Cela nous inquiète et nous pousse à la réflexion.

M. Pascal Lecamp (Dem). Un an après sa première lecture, nous voilà à nouveau saisis de ce projet de loi car nous ne pouvons pas nous dérober à nos obligations de programmation de la trajectoire des finances publiques.

C’est d’abord notre crédibilité qui est en jeu. Peut-on imaginer une seconde qu’un pays développé comme le nôtre ne soit pas capable de se doter d’une trajectoire de ses finances publiques ?

Plus important encore : ce texte sert de garantie aux investisseurs quant à la stabilité de notre pays. Deux agences de notation rendront des décisions à la fin du mois d’octobre. Nous ne pouvons pas nous permettre de voir notre note dégradée, ce qui augmenterait la charge de la dette et ralentirait les flux de capitaux vers la France, remettant en cause six années de travail qui ont fait de notre pays la première destination des investissements étrangers en Europe.

Enfin, ce texte est un prérequis essentiel aux versements attendus de l’Union européenne en 2023 et 2024 dans le cadre du plan national de relance et de résilience. Ce sont près de 18 milliards d’euros, pour ces deux années, qui risquent de ne pas nous être versés si nous ne nous entendons pas sur ce texte – vous nous l’avez rappelé, messieurs les ministres, en dépit du scepticisme du président Coquerel sur ce point. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de nous asseoir sur ces financements essentiels, qui doivent nous aider, entre autres, à protéger le pouvoir d’achat des Français.

Je ne vois pas comment nous ne pourrions pas adopter ce projet de loi de programmation, dont la trajectoire a été révisée et qui intègre diverses modifications apportées par nos collègues sénateurs. Il doit nous permettre de fixer un cap clair de désendettement pour notre pays, avec un déficit public inférieur à 3 % et un ratio de dette publique atteignant 108 % du PIB en 2027. En responsabilité, le groupe Démocrate soutiendra ce texte.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes en train d’assister à ce que l’on peut qualifier de « grand chantage ». L’Assemblée nationale a souverainement rejeté ce projet de loi de programmation des finances publiques ; voilà qu’il nous est présenté à nouveau, au motif qu’il conditionnerait l’obtention des crédits du plan de relance européen. Qu’importe que ce texte ne comporte que des objectifs peu atteignables, comme l’a expliqué tout à l’heure le Premier président de la Cour des comptes. Qu’importe qu’il présente une trajectoire que nous qualifions de « récessive ». Qu’importe que la plupart des pays européens n’aient pas intégré cette obligation dans leurs discussions avec la Commission européenne. Il suffit de regarder le site internet de la Commission : ni l’Espagne, ni le Portugal, ni l’Allemagne, ni les Pays-Bas n’ont introduit l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques dans leurs conditions d’obtention des crédits du plan de relance.

En commission des finances, nous sommes face à un choix impossible : soit nous votons contre ce projet de loi de programmation des finances publiques, que vous voulez nous imposer pour satisfaire des engagements que vous avez pris en dépit du bon sens, à rebours de la majorité des pays européens – M. Cazenave disait justement que la France ne pouvait se démarquer de ses voisins –, soit nous validons cette trajectoire que nous jugeons récessive. Jamais la France n’a procédé à un ajustement structurel aussi fort. La dernière fois qu’elle a diminué son solde public de 0,5 point de PIB en une année, c’était en 2013, alors que la croissance était également inférieure à 2 % : on en a vu le résultat sur la croissance économique. Vous comprendrez bien que nous ne pouvons cautionner une telle opération.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous avons tous la même ambition : celle de préserver la continuité de nos services publics ainsi que de sécuriser le financement de nos écoles, de nos hôpitaux, de notre justice, de notre police, de nos armées et évidemment de la transition écologique. Nous devons nous assurer que, par nos votes, nous ne mettrons pas en danger le bon fonctionnement de l’État. Il nous faut donc définir une trajectoire claire et nous y tenir : tel est bien l’enjeu de ce projet de loi de programmation des finances publiques.

Les ministres l’ont dit on ne peut plus clairement : si nous n’adoptons pas ce projet de loi, nous risquons de ne pas bénéficier des versements européens, notamment au titre du plan de relance. Jusqu’en 2026, ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros de versements européens qui resteraient en suspens. Le risque est réel, et il est clair que nous ne pouvons nous payer le luxe de le balayer d’un revers de la main.

Enfin, le président du Haut Conseil des finances publiques a bien rappelé que l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques relevait du respect de notre Constitution.

Il s’agit donc d’un acte de responsabilité et d’avenir qui, je l’espère, pourra nous rassembler aujourd’hui en commission et cette semaine en séance publique. Le groupe Horizons et apparentés votera évidemment en faveur de ce projet de loi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). La méthode que vous avez choisie pour l’examen de ce projet de loi de programmation est tout sauf démocratique. Vous avez inscrit ce texte à l’ordre du jour d’une session extraordinaire pour pouvoir utiliser un 49.3 de plus. Vous avez limité le nombre d’amendements du fait de la règle de l’entonnoir. Vous n’avez communiqué que quelques heures avant la réunion de la commission l’amendement qui réécrit l’essentiel du texte. En fait, vous prenez les députés et les Français pour des benêts, comme le Rassemblement national s’apprête sans doute à le faire également.

La trajectoire que vous proposez par amendement concerne les dépenses ne faisant pas l’objet d’une loi de programmation sectorielle. En dehors de la recherche, de la justice, de la sécurité et des armées, les dépenses de l’État devront donc diminuer de 1,8 % en volume. Celles des collectivités devront baisser de 0,5 % par an, tandis que celles de l’assurance maladie verront leur progression limitée à 2,9 %. Cette trajectoire est incompatible avec la préservation de nos services publics, en particulier de l’hôpital. Elle ne répond pas aux besoins des collectivités locales et ne permet pas de financer la transition écologique.

C’est sur ce dernier point que je voudrais insister. Vous proposez de n’augmenter les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables que de 2,4 milliards d’euros d’ici à 2026, hors programme 345. Or nous avons analysé l’ensemble des rapports que le Gouvernement lui-même a commandés, à commencer par celui de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry, ceux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) et de l’Autorité de régulation des transports (ART), celui de François Philizot ainsi que ceux du Sénat, notamment celui de Dominique Estrosi Sassone et Guillaume Gontard relatif à l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. La lecture de tous ces rapports devrait nous conduire à augmenter l’enveloppe budgétaire consacrée à la transition écologique de 14 milliards en 2024, pour atteindre 31 milliards en 2030, et à définir deux priorités fortes : la rénovation thermique et les transports. Ce plan est finançable par l’extinction progressive des niches fiscales, par la limitation de la trésorerie non professionnelle des holdings, par la taxation des superprofits et des superdividendes, ou encore par la limitation des exonérations de cotisations au sein des entreprises. Si vous manquez d’idées, n’hésitez pas à nous consulter.

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai relu la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Alors que vous aviez retenu un taux de croissance potentielle de 1,7 % par an, il s’est établi en réalité à 0,9 % en moyenne sur la période. Alors que le solde public effectif devait être quasiment à l’équilibre en 2022, à – 0,3 point de PIB, il s’est en réalité élevé à – 4,7 points. Ce petit écart de 4,4 points de PIB correspond à 100 milliards d’euros. Alors que le solde structurel, plus significatif, devait atteindre – 0,8 point de PIB potentiel en 2022, il s’est établi à – 4 points, un résultat dégradé de 3,2 points, soit 75 milliards d’euros, par rapport à la projection. On voit bien que la portée des lois de programmation est purement indicative. Le rejet de ce texte ne nous a d’ailleurs pas empêchés de nous doter d’une loi de finances pour 2023, à coups de 49.3.

Monsieur le ministre, vous nous faites du chantage au versement des fonds communautaires. Dans votre courrier au rapporteur général, vous évoquez plusieurs éléments confirmant « de manière claire » que l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques serait un prérequis au décaissement de ces crédits. Non, ce n’est pas clair du tout ! La décision de la Commission européenne sera politique, comme toujours. Il s’agit d’une menace, d’un « risque », pour reprendre le terme utilisé par Mme Magnier, mais en aucun cas d’une conséquence automatique.

J’en viens aux hypothèses macroéconomiques sur lesquelles vous fondez votre projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le taux de croissance potentielle, de 1,35 %, paraît à nouveau excessif – le Haut Conseil des finances publiques dit qu’il est très optimiste. Alors que certains prétendent que l’écart de production est nul, vous l’estimez, de votre côté, à 1,4 % : il pourra donc se réduire de 0,35 % chaque année. Vous annoncez en outre une contribution positive du commerce extérieur : à combien l’évaluez-vous ? Alors que les échanges commerciaux nous ont coûté, par le passé, 0,2 point de croissance, nous regagnerions donc en compétitivité.

S’agissant enfin de la dépense publique, j’ai été troublé par l’apparition brutale de 0,2 point de PIB, soit 5 milliards d’euros, pour les administrations de sécurité sociale (Asso). S’agirait-il de la ponction que vous envisagez sur les retraites complémentaires ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux d’abord tordre le cou à un mot qui a été souvent employé mais ne me paraît pas approprié : celui de « chantage ». Un gouvernement ne fait pas de chantage au Parlement. Chacun prend ses responsabilités : nous prenons les nôtres et chacun d’entre vous est libre de prendre les siennes.

Ma responsabilité de ministre des finances est de dire les choses clairement : selon toute vraisemblance, si ce texte n’est pas adopté, nous ne toucherons pas le versement européen de 10,3 milliards d’euros en 2023, ni le versement suivant prévu pour début 2024. Je cite le courrier que nous a adressé la Commission européenne à propos du jalon 7-13 relatif à l’évaluation de la qualité des dépenses publiques : « Afin de mener à bien notre évaluation, nous vous saurions gré de bien vouloir nous tenir informés de façon régulière de l’avancée de la procédure d’adoption de la LPFP 2023-2027 et de nous communiquer ce texte […] une fois ce dernier adopté. » Chacun est libre d’interpréter ces mots comme il l’entend, mais la Commission dit bien qu’elle estime ne pas être en état de mener son évaluation si elle ne dispose pas de la LPFP. Est-il certain que le versement ne serait pas effectué ? Non. Est-ce fortement probable ? Le risque est-il trop élevé au regard de la situation de nos finances publiques ? Oui.

Si cela ne vous convainc pas, je vous rappelle que l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques est, de toute manière, une obligation nationale fixée dans la loi organique. Il n’y a donc à mes yeux aucun chantage, mais un principe de responsabilité tant à l’égard de ce versement européen que de la loi organique française. De ce point de vue, le vote de la loi de programmation des finances publiques est un rendez-vous majeur.

Monsieur le président, je ne pense pas qu’on puisse dire que la charge de la dette est anecdotique ou qu’elle augmente peu quand elle passe quasiment du simple au double sur la période, pour atteindre 74 milliards d’euros en 2027. On peut bien sûr s’endetter pour investir, mais quand il s’agit de financer des dépenses courantes, le recours à la dette est à mes yeux totalement irresponsable. Par ailleurs, un endettement trop élevé nous priverait de réserves dont nous pourrions avoir besoin en cas de nouvelle crise ou pour financer un certain nombre d’investissements indispensables, notamment en matière de décarbonation ou d’innovation.

Votre chiffre est exact : 12 milliards d’euros doivent encore être trouvés et documentés pour 2025. Cela justifie le maintien des procédures de revue des dépenses publiques.

Je n’ai pas un mot à retirer des propos de M. Lefèvre et de M. le rapporteur général, qui ont parlé d’or en mettant en avant le principe de responsabilité, l’importance de cette loi de programmation des finances publiques et la nécessité de dépasser nos querelles ou nos positionnements politiques pour essayer de trouver un accord sur ce texte.

Monsieur Tanguy, s’agissant du GNR, l’effort demandé aux agriculteurs nous paraît raisonnable, d’autant qu’il leur sera intégralement reversé. Alors que les accises sur le gazole s’élèvent aujourd’hui à plus de 60 centimes d’euro par litre, elles sont limitées à 3,86 centimes pour les agriculteurs français, qui jouissent donc d’un avantage très élevé – beaucoup plus élevé, en tout cas, que ceux dont bénéficient d’autres agriculteurs européens. Ce n’est que justice, et je défends les agriculteurs, mais à l’issue de très longues discussions que nous avons eues avec leurs représentants, notamment avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), nous sommes convenus d’augmentations de fiscalité raisonnables et continues, qui n’effaceront pas totalement l’avantage dont ils disposent. La hausse de fiscalité sera de 2,85 centimes par litre et par an : les accises sur le gazole s’élèveront donc à 6,71 centimes en 2024, à 9,56 centimes en 2025, à 12,41 centimes en 2026, à 15,26 centimes en 2027, à 18,11 centimes en 2028, à 20,96 centimes en 2029 et à 23,81 centimes en 2030, contre 60 centimes pour les autres consommateurs. Ainsi, les agriculteurs conserveront un avantage fiscal élevé puisqu’ils paieront des accises trois fois moins élevées que la normale. J’ajoute que l’intégralité du produit de cette augmentation de la fiscalité sera consacrée à l’accompagnement des agriculteurs et au financement d’une filière de carburant bio, à la fois plus respectueux de l’environnement et moins coûteux. Il s’agit de passer d’une fiscalité brune à une fiscalité verte.

Madame Maximi, j’admets qu’il y a une urgence climatique mais je rappelle que nous allons engager, dans le PLF pour 2024, 7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires qui concerneront MaPrimeRénov’, les bonus pour les véhicules électriques ainsi que le soutien à la transition et à la rénovation énergétique des bâtiments. Vous parlez d’austérité, mais il me semble au contraire que nous faisons preuve de générosité puisque nous maintenons le niveau des dépenses publiques à 54 % de notre richesse nationale, soit le taux le plus élevé des pays de l’OCDE. Le rétablissement des finances publiques, la baisse de la dépense et la diminution de la dette restent de bonne politique.

Madame Dalloz, je considère toujours avec beaucoup de prudence les estimations du taux de croissance potentielle. Celles du FMI et de l’OCDE sont de 1,3 % ; quant à nous, nous avons retenu un taux de 1,35 %. Il est vrai que d’autres organismes affichent des taux beaucoup plus bas, mais ce n’est pas à cause de divergences d’interprétation : ils n’ont simplement pas intégré dans leurs calculs la réforme des retraites, qui devrait rapporter 0,7 point de PIB supplémentaire à l’horizon 2027, ni de celle de l’assurance chômage.

S’agissant des collectivités locales, le taux de – 0,5 % concerne uniquement les dépenses de fonctionnement. Nous avons cependant décidé de recalculer cet effort en y intégrant les dépenses d’investissement, ce qui nous amène au taux de – 0,3 %.

Je remercie les députés du groupe MoDem pour leur soutien à ce projet de loi de programmation des finances publiques, qui ne m’étonne pas de la part d’une formation politique qui a toujours fait du désendettement sa marque de fabrique, notamment sous l’impulsion de son président François Bayrou.

Monsieur Brun, je pense avoir déjà répondu à votre question relative au jalon européen. Tous les autres États – vous avez notamment cité l’Allemagne et les Pays-Bas – ont adopté des lois de programmation des finances publiques, mais ils n’en ont pas forcément fait un jalon dans leurs discussions avec la Commission européenne.

Je renouvelle mes remerciements à Mme Magnier et aux députés du groupe Horizons pour leur vote favorable, qui ne me surprend pas non plus.

Madame Arrighi, nos échanges de ce soir montrent à quel point notre débat est démocratique, contrairement à ce que vous avez dit.

Enfin, monsieur de Courson, le ministre délégué chargé des comptes publics répondra à votre question relative aux Asso. Il serait difficile de nous reprocher le non-respect des objectifs de croissance potentielle déterminés en 2017, c’est-à-dire avant le covid et la crise économique la plus grave que nous ayons connue depuis 1929. Comme dirait un célèbre responsable britannique, la politique, ce sont les circonstances.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur le président, n’opposons pas la dette financière à la dette écologique. Si nous laissons filer la première, nous aurons autant de marges de manœuvre en moins pour financer la transition écologique ; si nous laissons filer la seconde, nous aurons toutes ces dépenses supplémentaires devant nous. Essayons donc plutôt de conjuguer nos efforts pour réduire l’une et l’autre ! C’est à cet exercice difficile que nous nous attelons.

Monsieur Lefèvre, les 18 milliards de fonds européens sont bien intégrés dans la trajectoire. Si nous ne les obtenions pas, cette dernière serait effectivement amputée de ces recettes.

Madame Maximi, j’ai du mal à entendre que ce projet de loi de programmation et le futur projet de budget pour 2024 entraîneront une dégradation du service public. Nous investissons près de 4 milliards d’euros supplémentaires pour l’éducation nationale et consentons un effort sans précédent dans les domaines régaliens. Cette vision quelque peu misérabiliste du service public finira par se retourner contre ceux qui l’expriment – vous avez cité un collectif en particulier – puisqu’elle désincitera les plus jeunes à rejoindre un secteur qui offre pourtant de belles et passionnantes carrières.

Madame Dalloz, nous assumons le fait que le retour à la normale soit progressif. Il n’aurait pas été crédible de présenter une trajectoire de redressement très rapide de nos finances publiques. En 2008, un tel choix s’est avéré assez contre-productif alors qu’il était nécessaire de laisser notre moteur économique allumé. Notre stratégie consiste donc en un redressement proportionné et progressif de nos finances publiques, en particulier de notre déficit public, et nous montrons cette année que nous résistons mieux à la crise que nos partenaires européens.

Monsieur Brun, Bruno Le Maire a bien expliqué qu’il n’y avait pas de chantage. Nous ne présentons pas ce texte uniquement pour les autres, pour la Commission européenne : nous le faisons aussi pour nous-mêmes, pour nous fixer un cap. Aussi cette exigence d’une loi de programmation des finances publiques dépasse-t-elle la question du versement des 18 milliards.

Enfin, monsieur de Courson, la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 n’intégrait pas les crises successives que nous avons traversées. Chacun comprend bien pourquoi nous avons dû nous écarter de cette trajectoire. Nous aurons l’occasion de revenir, lors de l’examen des articles, sur l’effort demandé à chacun des secteurs, notamment à celui des Asso : je répondrai donc à votre question un peu plus tard dans la discussion.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Madame Arrighi, ne nous faites pas porter la responsabilité de la règle de l’entonnoir, qui figure dans le règlement de l’Assemblée, dans notre Constitution et est appliquée, en l’occurrence, par le président Coquerel.

Par ailleurs, la mission Écologie, développement et mobilités durables ne représente qu’une petite partie des investissements que la majorité consacre à la transition écologique. Nous devons gagner en visibilité en la matière ; ce débat doit nous le permettre.

M. le président Éric Coquerel. Je suis obligé, comme chaque président de commission, d’appliquer la règle de l’entonnoir en nouvelle lecture.

Je vous rappelle, avant de débuter l’examen des articles, que j’ai choisi de réserver l’examen de l’article 1er et du rapport annexé pour le renvoyer à la fin du texte, après la discussion et le vote des articles 2 à 26. En voici les raisons.

Tout d’abord, un amendement de réécriture globale du rapport annexé ayant été déposé ce midi par le Gouvernement, il fallait que chacun dispose d’un temps raisonnable pour sous-amender cet amendement.

Par ailleurs, il pourrait être utile de procéder à des coordinations dans le texte du rapport annexé en fonction de ce qui aura été décidé en matière de trajectoire pluriannuelle dans les articles 2 à 6 du projet de loi. La réserve de l’article 1er et du rapport annexé permettra de le faire par des sous-amendements. Pour la même raison, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, la commission des lois avait réservé à la fin de la discussion l’examen de l’article 1er et du rapport annexé.

TITRE Ier
ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

CHAPITRE Ier
Le cadre financier pluriannuel
de l’ensemble des administrations publiques

Article 2 : Définition de l’objectif à moyen terme (OMT) et de la trajectoire de solde structurel

Amendements de suppression CF3 de Mme Valérie Rabault, CF39 de Mme Marianne Maximi et CF99 de M. Nicolas Sansu

M. Philippe Brun (SOC). L’article 2 fixe comme objectif de moyen terme un déficit de 0,4 % du PIB, alors que le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire), auquel il fait référence, le fixe à 0,5 %. Autrement dit, pour une fois, le Gouvernement souhaite que nous désobéissions au traité, mais pour être encore plus vertueux que ce dernier !

M. Michel Sala (LFI-NUPES). L’article 2 tend à imposer une austérité sans précédent. Le Gouvernement prétend contenir la croissance des dépenses publiques à 0,6 % en volume jusqu’en 2027, soit moins de la moitié de son niveau – 1,3 % – durant la décennie 2009-2019. Pour apprécier l’étendue de l’austérité qui s’annonce, il faut comparer l’évolution des dépenses à celle des besoins. Ainsi, de 2013 à 2019, le nombre de lits en réanimation n’a progressé que de 0,17 % par an, soit dix fois moins que les effectifs de personnes âgées, qui représentent deux tiers des malades en réanimation : les dépenses de ce poste ont légèrement augmenté, mais, par rapport aux besoins, elles se sont effondrées.

L’institut Montaigne évalue la croissance tendancielle des dépenses – ce qu’elle devrait être pour maintenir une politique constante – à 1,7 % dans la période 2023-2027. Si le Gouvernement persiste à contenir la croissance effective des dépenses publiques à 0,6 %, cela représente 70 milliards d’économies. La réalité sera sans doute pire, puisque ses projections s’appuient sur des hypothèses de croissance très optimistes, pour ne pas dire mensongères. Le Gouvernement fait le choix d’une casse sociale sans précédent alors que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à se priver de tout ce qui permet d’accéder à une vie digne. Cet article enterre tout espoir de croissance et de mieux-vivre en France.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Monsieur le ministre, ce projet de loi est évidemment un texte financier : il parle de trajectoire des finances publiques !

On nous dit que, sans cette trajectoire, les sauterelles vont s’abattre sur nous et les grenouilles pleuvoir. Non : la France est un grand pays ; si elle souhaite infléchir la politique européenne et modifier les traités, elle le peut. Cela relève de la responsabilité du législateur national.

La trajectoire inscrite à l’article 2 nous inquiète. Il est évident qu’elle revient à prévoir moins de dépenses publiques et sociales ; le ministre Le Maire n’en a d’ailleurs pas fait mystère en annonçant que l’on verrait si l’accord sur l’assurance chômage peut aller plus loin, si les dépenses des collectivités locales peuvent diminuer, si, avec les retraites, on peut encore prendre une part de vie aux Français pour gagner de l’argent. Des œillades à la droite, on est en train de passer aux accordailles !

Le groupe GDR s’opposera fermement à l’article 2, synonyme d’austérité budgétaire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je salue la décision de reporter l’examen de l’article 1er et je m’associe à la remarque formulée par Marie-Christine Dalloz : il aurait été préférable que nous disposions un peu plus tôt des amendements qui rectifient la trajectoire.

Avec l’article 2, on est au cœur de ce qu’est une loi de programmation. Nous avons besoin d’une trajectoire : nous ne saurions supprimer cet article. La visibilité que donne la trajectoire est notamment essentielle pour les administrations.

Monsieur Sansu, il s’agit certes d’un texte financier, mais pas au sens strict dans la mesure où il ne nous exonère pas de voter le budget annuel, qui, lui, engage les finances de notre pays. Ici, il s’agit d’engagements du Gouvernement vis-à-vis du Parlement et des Français.

Enfin, on ne peut vraiment pas parler d’austérité quand le déficit de l’État atteint 140 milliards chaque année : nous dépensons beaucoup plus que ce que nous gagnons. Il ne s’agit pas d’austérité, mais de soutien et d’investissement à long terme pour nos services publics.

Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Vous dites que nous avons besoin d’une trajectoire, mais cette trajectoire-là correspond à un choix politique. On pourrait très bien considérer au contraire que 2,7 % de déficit en 2027 n’est pas l’objectif premier de notre économie. Ne vous étonnez pas que l’opposition, qui n’est pas d’accord avec ces choix macroéconomiques, le dise.

Quant à l’austérité, si, en cette période de difficultés économiques, l’Allemagne est en récession alors que la France ne l’est pas, c’est peut-être lié à notre niveau de dépenses publiques. Celles-ci, en effet, sont aussi une richesse ; elles nourrissent le PIB.

En outre, vous annoncez vous-mêmes, certes sans les documenter, 12 milliards de dépenses publiques en moins en 2025 tout en affirmant que vous ne toucherez pas aux impôts et que vous allez même les baisser : comment y parviendrez-vous sans que certains secteurs soient frappés par l’austérité ?

En fait, au gré des besoins et des crises, vous allez devoir renoncer à cette perspective : la réalité vous rattrapera. Voilà pourquoi le présent projet de loi de programmation ne sera pas plus appliqué que les autres, car il n’est pas réaliste au sujet du déficit.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Nos collègues de gauche utilisent de grands mots : « casse sociale », « austérité sans précédent »… Soyons raisonnables ! Peut-on parler ainsi quand on voit le niveau de notre dette, de notre déficit, des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques ? Le seul exemple d’austérité et de casse sociale que j’aie connu en Europe au cours des dernières années, c’était sous un gouvernement de gauche et d’extrême gauche : en Grèce, avec votre ami Aléxis Tsipras. Alors gardez vos leçons pour vous !

M. le président Éric Coquerel. Il faut vraiment ne pas avoir suivi les évolutions politiques pour dire qu’il est notre ami.

Mme Véronique Louwagie (LR). Les trois amendements tendent à supprimer ce qui a été voté par le Sénat, lequel a fortement modifié l’article 2 dans le sens que nous souhaitions. Désormais, le texte demande un effort supplémentaire à l’État en matière de réduction de ses dépenses de fonctionnement, de sorte que les dépenses des administrations centrales diminuent de 0,5 % en volume chaque année jusqu’en 2027, comme celles des administrations locales, hors dépenses régaliennes ou de crise et hors charge de la dette.

Nous voterons contre tous les amendements tendant à réécrire les articles adoptés par le Sénat.

M. Charles de Courson (LIOT). Voter les amendements de suppression, ce serait supprimer l’article 2 issu du Sénat, fondé sur l’idée simple que la France ne doit pas être le mauvais élève de l’Union européenne en 2027, le dernier État membre dont le déficit ne serait pas revenu sous les 3 % en 2026. Je voterai contre ces amendements, car le Sénat a raison. On peut discuter de la manière d’atteindre l’objectif – par les dépenses, par les recettes –, mais il nous faut être sous les 3 % dès 2025.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous soutenons les amendements. On nous exhorte à être raisonnables, mais, en continuant d’avoir pour seul objectif la réduction des déficits publics, on échoue à y parvenir tout en plaçant les services publics dans une situation qui, pour le coup, est déraisonnable. Ce qui n’est pas raisonnable, c’est la situation de nos hôpitaux, la rentrée scolaire dans des écoles où les gamins ne peuvent plus étudier, le fait de ne plus vouloir recruter de fonctionnaires alors que le pays s’en porterait mieux, car cela donnerait du travail, des salaires décents et profiterait à notre système de sécurité sociale puisque les fonctionnaires surcotisent. Ce qui serait raisonnable, ce serait de se mettre dans la tête que les politiques d’austérité ne fonctionnent pas. Même à l’Union européenne, on se défend maintenant d’être libéral ! Nous sommes les derniers à nous prévaloir de ces options. Ce monde-là est mort !

La commission rejette les amendements CF3, CF39 et CF99.

Amendement CF167 du Gouvernement

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit de maintenir l’objectif à moyen terme au même niveau que dans la précédente version du projet de loi de programmation des finances publiques, tout en actualisant la trajectoire du solde structurel : plus ambitieuse qu’en première lecture, elle permet au déficit de revenir sous le seuil des 3 % du PIB en 2027. Le solde structurel, qui s’établissait à 5,2 % du PIB potentiel en 2021, se redressera à 2,7 % en 2027, s’améliorant de 0,5 point de PIB potentiel en 2024, de 0,4 en 2025, de 0,3 en 2026 et de 0,2 en 2027.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable.

Pourquoi est-il important de fixer l’objectif de 2,7 % de déficit en fin de trajectoire et de nous rapprocher de ce qui avait été demandé par nos amis sénateurs ? Parce que, sinon, les taux vont significativement augmenter. Ce sera un problème pour l’État, mais aussi pour les collectivités territoriales, les entreprises, les particuliers. Bref, maintenir cette trajectoire de redressement des finances publiques est dans l’intérêt de tous.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je soutiens l’amendement. Nous faisons droit aux demandes du Sénat en continuant de mieux redresser nos comptes. La trajectoire est améliorée par rapport à septembre dernier, alors même que le taux de prélèvements obligatoires est le même et que la charge de la dette est supérieure.

Monsieur Sansu, pour que la France soit en position de renégocier les règles budgétaires européennes, il faut qu’elle se dote du même instrument que l’ensemble de ses partenaires européens.

Quant à M. Guiraud, il a une foi absolue dans la dépense publique : il pense que tout euro de dépense publique en plus est nécessairement bien dépensé. Nous croyons au contraire qu’il faut interroger la qualité de la dépense publique. C’est tout le sens du travail fourni par Véronique Louwagie et Robin Reda dans le cadre de leur rapport d’information.

M. Philippe Brun (SOC). On nous appelle à la responsabilité, mais adopter cet amendement, ce serait aller contre le projet de loi de programmation des finances publiques que nous avons examiné – et rejeté – l’an dernier.

Cette trajectoire est dangereuse pour notre croissance. Jamais notre pays n’a réduit ses dépenses de 0,5 point de PIB alors que sa croissance était inférieure à 2 % – sauf en 2013, et cela a produit des effets catastrophiques sur la croissance. Rouvrons les livres d’économie !

Il faut évidemment réduire le déficit public, et nous avons des propositions en ce sens, dont nous avons fait part au ministre au moment des dialogues de Bercy. Mais la trajectoire proposée n’est pas crédible. En juillet, c’est-à-dire au bout d’un semestre seulement, nous avions déjà dépassé le déficit prévu pour l’année 2023 !

La commission adopte l’amendement CF167.

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Article 3 : Décomposition de la trajectoire de solde effectif entre composante structurelle, composante conjoncturelle et mesures ponctuelles et temporaires

Amendements CF168 du Gouvernement et CF163 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. La trajectoire des finances publiques, actualisée par notre amendement, marque la volonté gouvernementale de revenir à des comptes publics normalisés une fois passées les crises sanitaire et énergétique. Le présent texte prévoit le retour du déficit public sous le seuil des 3 % en 2027. Le poids de la dépense publique dans le PIB sera inférieur en 2023 et en 2024 au chiffre présenté l’an passé. Le retour à l’équilibre des comptes publics se fondera donc sur la maîtrise de la dépense, partagée par l’ensemble des administrations publiques. Les dépenses d’investissement continueront de progresser de 30 milliards en 2024 à 36 milliards en 2027. Le taux de prélèvements obligatoires sera stabilisé à 44,4 %. Le solde public sera de 4,4 % en 2024 et atteindra 2,7 % en 2027. Enfin, le ratio de dette au sens de Maastricht amorcera sa décrue en 2025.

M. Charles de Courson (LIOT). Le Gouvernement entend faire contribuer les administrations de sécurité sociale au redressement des finances publiques. Il a notamment été envisagé de mettre à contribution les caisses de retraite complémentaire dès 2024, à hauteur de 0,2 point de PIB, c’est-à-dire 5 milliards. Je souhaite supprimer ce prélèvement. Les caisses de retraite complémentaire ont bien géré leurs affaires, puisqu’elles sont en excédent et ont quelque 65 milliards de réserves. Il semblerait que le Gouvernement veuille obtenir ce résultat en supprimant la compensation des exonérations sur les salaires. C’est contraire à tous les principes de bonne gestion, qu’il s’agisse des régimes complémentaires ou des régimes de base.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement, qui traduit les engagements pris dans le cadre du programme de stabilité.

Monsieur de Courson, il n’y a pas là une ponction, mais le résultat des excédents des Asso, dus à la fois à l’excellente gestion des retraites complémentaires, au désendettement par la Cades, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, et à l’amélioration que nous avons engagée sur le marché du travail. Ces résultats positifs servent aux assurés sociaux, certainement pas à l’État. Les relations entre l’État et les régimes sociaux font l’objet d’une annexe au PLF et d’une annexe au PLFSS. Le flux ne va pas du tout dans le sens que vous redoutez : c’est plutôt l’État qui subventionne des régimes d’assurance vieillesse déficitaires. Avis défavorable à votre amendement.

M. Charles de Courson (LIOT). Je vous renvoie, page 42, au tableau montrant l’effort en recettes des Asso : 0,0 en 2022 comme en 2023 ; 0,2 en 2024 ; puis, de 2025 à 2027, à nouveau 0,0. Votre explication ne tient donc absolument pas. Cette année, l’Agirc-Arrco va réaliser 4 à 5 milliards d’excédents ; des négociations ont lieu entre les partenaires sociaux, certains voulant réduire ou supprimer la décote de 10 % sur les trois premières années, l’une des mesures qui ont permis un très net redressement des retraites complémentaires. Expliquez-moi donc d’où vient ce chiffre de 0,2 qui apparaît brutalement en 2024 avant de disparaître.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le régime dit Asso traduit la combinaison d’un déficit du régime de sécurité sociale, qui se poursuit pendant toute la période, et d’un excédent des régimes complémentaires, de l’Unedic et de la Cades, d’ailleurs obtenu par des réformes structurelles : celle des retraites et celle de l’assurance chômage. C’est en cumulant l’ensemble de ces sommes que l’on arrive à un excédent, donc à une contribution du secteur des Asso au redressement de nos finances publiques.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Monsieur le ministre délégué, l’exposé sommaire de votre amendement n’est pas sincère. On dirait même que les propos tenus par le Président de la République hier au « 20 heures » n’ont pas été entendus. Vous invoquez l’Ukraine mais à aucun moment, pour expliquer l’inflation, il n’est question de la hausse des marges des entreprises. Vous écrivez que « le pic d’inflation est passé » ; voilà un an qu’on entend ça ! Dans l’alimentaire, ce n’est toujours pas le cas ; quant à l’essence, son prix remonte à 1,90 ou 2 euros le litre.

Si nous nous opposons à vos amendements et à votre projet de loi, c’est en raison de nos désaccords politiques, mais aussi parce que vous tordez la réalité au point de quasiment mentir.

La commission adopte l’amendement CF168.

En conséquence, l’amendement CF163 tombe.

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

Article 4 : Trajectoire d’effort structurel

Amendement de suppression CF101 de M. Nicolas Sansu

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Le Gouvernement veut faire dépendre de la seule baisse des dépenses publiques l’amélioration du déficit public. Après le rapport de M. Pisani-Ferry et Mme Mahfouz sur la manière de financer la transition climatique et alors que la valeur du patrimoine des plus aisés explose, on ne se demande jamais quelles contributions exceptionnelles ou assises sur ces patrimoines permettraient de réduire le déficit public, mais aussi de modifier l’architecture fiscale et de donner un peu de pouvoir d’achat aux plus pauvres.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis défavorable. Supprimer l’article 4, ce serait refuser au Parlement la possibilité de se prononcer précisément sur la trajectoire d’effort structurel.

Nous avons décidé une fois pour toutes de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ; nous l’assumons. Nous sommes l’un des pays, peut-être le pays au monde où ils sont les plus élevés. Si nous voulons gagner la bataille du plein emploi, il nous faut attirer les entreprises pour qu’elles viennent investir.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement du Gouvernement qui vient d’être adopté dit l’inverse : le taux de prélèvements obligatoires y passe de 44 % en 2023 à 44,1 en 2024, puis à 44,4 en 2025, 2026 et 2027. Bref, vous augmentez les prélèvements obligatoires.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Le rapport de la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine qui sera présenté demain en commission des finances recommande la création d’un impôt de solidarité sur la fortune vert, dit « ISF vert ». Je précise que je rapporte cette mission conjointement avec M. Jean-Paul Mattei, qui est membre de la majorité présidentielle.

M. Daniel Labaronne (RE). L’augmentation des prélèvements obligatoires concomitamment à la diminution des impôts s’explique par une dynamique de nos recettes fiscales supérieure à celle de la croissance économique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Labaronne ne répond en rien à M. de Courson. Vous le dites vous-même : le prélèvement des recettes fiscales sera plus important, et pour les ménages, et pour les entreprises.

La commission rejette l’amendement CF101.

Amendement CF169 du Gouvernement et sous-amendement CF189 de M. David Guiraud, amendement CF102 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques CF40 de M. Éric Coquerel, CF41 de Mme Marianne Maximi et CF42 de M. David Guiraud (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’amendement CF169 met à jour l’article 4, qui prévoit la trajectoire d’effort structurel des administrations publiques, celui-ci permettant de mesurer la part de la variation du solde structurel suite aux décisions des pouvoirs publics.

La stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques s’appuiera avant tout sur une amélioration structurelle, donc pérenne. Après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les tensions inflationnistes, la France doit retrouver des comptes publics normalisés.

Avec cette nouvelle trajectoire, l’effort structurel du Gouvernement est plus ambitieux que dans le texte initial et moins ambitieux que dans la version du Sénat. Il portera essentiellement sur les dépenses publiques, dont l’évolution sera inférieure à la croissance potentielle.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Selon la majorité, les prélèvements obligatoires auraient diminué…mais il n’en est rien ! La baisse n’est effective que pour les classes les plus aisées. Pour les classes populaires et une partie des classes moyennes, ils ont augmenté. Les classes populaires, en effet, ne sont pas concernées par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, non plus que par celle de la taxe d’habitation, par la baisse de l’impôt sur les sociétés ou par la flat tax. Celle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ne concerne pas non plus les plus petites entreprises.

L’État ayant perdu 50 milliards de recettes, nous proposerons dans le PLF pour 2024 de reprendre un peu d’argent des catégories les plus aisées, notamment en taxant les superprofits des grandes entreprises, en instaurant une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu pour les plus hauts patrimoines et une redistribution digne de ce nom.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). La philosophie de mon amendement est comparable.

Doit-on faire des efforts en matière de dépenses ou de recettes ? Quid de l’architecture fiscale ? Plus l’impôt des plus riches diminue, plus celui des moins riches augmente puisqu’il faut atteindre un résultat constant. Ce sont d’abord les classes populaires qui paient avec l’explosion de la TVA et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), en particulier dans la ruralité, où les déplacements en voiture sont inévitables. Dans certains villages de ma circonscription, c’est même le premier impôt.

M. le président Éric Coquerel. Mon amendement de repli va dans le même sens. Il s’agit de stabiliser la situation et de garantir que la baisse des dépenses publiques la plus importante de la Ve République ne se traduise pas par des cadeaux fiscaux aux plus riches.

L’étude réalisée par l’Institut des politiques publiques (IPP) avec Bercy montre que, durant les cinq dernières années, la fortune des milliardaires a tant augmenté que, grâce aux transferts de leurs revenus personnels sur des revenus professionnels bénéficiant des cadeaux fiscaux, leur taux d’effort fiscal s’élève à environ 25 % contre plus de 45 % pour les 10 % les plus favorisés.

Des milliards d’euros ont ainsi été perdus pour l’État. Il ne faudrait pas que la baisse des dépenses publiques se traduise par une hausse des dépenses fiscales au profit de nos concitoyens les plus favorisés.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). La diminution du déficit suppose soit la hausse des impôts, soit la réduction des dépenses. Or, vous poursuivez la baisse des impôts pour les plus riches, ce qui représente également des efforts pour les collectivités territoriales et le service public.

Suppression de l’ISF, baisse de l’impôt sur les sociétés, 50 milliards de recettes en moins lors du précédent quinquennat : autant de choix politiques en faveur des plus fortunés. De surcroît, il est faux de prétendre que de telles baisses favorisent la redistribution : plus les revenus sont élevés, plus l’impôt est régressif. Parmi les Français les plus pauvres, 5 % ont perdu du pouvoir d’achat durant le premier quinquennat.

Nous ne dramatisons pas la situation des services publics. Le ministre délégué fait un petit numéro sur les dépenses de fonctionnement et d’investissement. Or les premières se traduisent par des suppressions d’emplois publics. Entre 2018 et 2022, 10 286 emplois publics ont été supprimés, principalement dans les ministères de l’éducation nationale, de l’économie et des finances, des armées et de la transition écologique. La situation ne manquera pas de se dégrader encore plus avec cette loi de programmation.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Pendant que les impôts des catégories les plus fortunées diminuaient, les Français qui appartiennent aux classes moyennes et populaires payaient plus de TVA : 200 milliards ont ainsi abondé les caisses de l’État et ont servi à compenser les cadeaux fiscaux des plus riches. Pour les classes populaires et moyennes, les prélèvements obligatoires ont augmenté.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement et défavorable au sous-amendement ainsi qu’aux autres amendements.

Sur les 50 milliards de baisse d’impôt depuis 2017, 25 milliards ont profité aux entreprises et 25 milliards aux contribuables, dont 20 milliards correspondant à la suppression de la taxe d’habitation et 3 milliards à celle de la contribution à l’audiovisuel public. Environ 90 % à 95 % des baisses d’impôt ont profité aux classes moyennes. Il est faux de prétendre qu’elles n’ont concerné que les plus riches.

Certes, les Français paient la TVA mais, en comparaison avec la majorité des autres pays européens, les prélèvements obligatoires y sont plus faibles sur les citoyens et plus importants sur les entreprises.

L’idée selon laquelle la France serait un paradis fiscal ne résiste pas à l’examen. Le taux d’imposition marginal à l’impôt sur le revenu s’élève à 49 % et la flat tax se situe plutôt dans le haut de la fourchette des pays européens.

La stabilité de nos prélèvements sur la période, à 1 point près, suppose que leur rendement augmentera, d’où l’augmentation des recettes. Nos efforts portent à la fois sur elles et sur les dépenses.

M. Louis Margueritte (RE). Vous pouvez évidemment vous opposer à la poursuite de la baisse des impôts que nous avons engagée mais nous ne pouvons pas vous laisser dire des choses aussi caricaturalement fausses. La baisse de la taxe d’habitation a d’abord concerné les Français les plus modestes. Nous avons également augmenté les minima sociaux, la prime de rentrée scolaire et le Smic, ce qui a profité aux classes populaires.

Mme Véronique Louwagie (LR). Les Républicains sont très attachés au redressement de nos comptes publics. Le niveau des prélèvements obligatoires, en France, est très élevé puisque nous nous situons au deuxième rang des pays européens, derrière le Danemark. Il a d’ailleurs été historique en 2022, ce que nous regrettons.

Nous regrettons également que le Gouvernement n’engage pas la diminution des impôts de 2 milliards qui a été annoncée.

En 2022, nous avons dépassé pour la première fois le seuil de 1 500 milliards de dépenses publiques. Là encore, nous sommes au premier rang des pays de l’Union européenne et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Nous voterons contre les amendements de la gauche, laquelle renonce au redressement de notre pays, et contre l’amendement du Gouvernement, beaucoup moins ambitieux que la version du texte issue du Sénat.

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai cru comprendre que le Président de la République a évoqué une baisse d’impôt de 2 milliards avant 2027, ce qui représente 0,1 point de PIB. Or l’amendement gouvernemental pointe une hausse de 0,2 % en 2025 et de 0,1 % en 2026. Que sont donc ces « mesures nouvelles » qui justifient une hausse de 0,3 %, soit 7 ou 8 milliards ?

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Ces amendements visent à rééquilibrer votre loi de programmation, construite sur un effort budgétaire reposant entièrement sur une politique d’austérité absurde et injuste dont les plus modestes et les classes moyennes sont les premières victimes.

Suppression de l’ISF, de la taxe d’habitation, baisse du taux d’impôt sur les sociétés, flat tax, réforme du barème de l’impôt sur le revenu, mort programmée de la CVAE : en six ans, vous avez fait disparaître 50 milliards de recettes, sans même parler de votre laxisme pour récupérer des dizaines de milliards d’évasion fiscale.

Pour quel résultat ? Une explosion des inégalités sans précédent. Notre pays est le champion européen en matière de versement de dividendes et de millionnaires. Pendant ce temps, 9 millions de personnes, soit 14 % de la population, sont en situation de privations matérielles, soit le niveau le plus élevé jamais atteint par cet indicateur.

Le nouveau tour de vis que vous proposez est d’une violence inouïe. Plutôt qu’une telle cure d’austérité, nous vous invitons à prendre des mesures vraiment efficaces.

La commission rejette le sous-amendement CF189 et adopte l’amendement CF169.

En conséquence, les amendements CF102, CF40, CF41 et CF42 tombent.

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

Article 5 : Mécanisme de correction

Amendement de suppression CF5 de Mme Valérie Rabault

M. Philippe Brun (SOC). Nous souhaitons supprimer cet article faisant du Haut Conseil des finances publiques le juge-arbitre de sa politique économique. Nous constatons combien ce type d’institution est inefficace, y compris pour assurer une programmation de nos finances publiques digne de ce nom.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est la majorité socialiste qui a voté la ratification du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne – TSCG, dit Pacte budgétaire européen – dans la loi du 22 octobre 2012, votée d’ailleurs par plusieurs signataires de cet amendement. C’est du TSCG que découle l’obligation faite à la France de prévoir ce mécanisme, lequel est également prévu par la LOLF et déjà présent dans la précédente LPFP. Avis défavorable.

M. Philippe Brun (SOC). Nous avons le devoir, en tant que législateurs, d’évaluer les politiques publiques et de nous rendre compte à quel point le cadre adopté en 2012 est inefficace. Jamais nous n’avons appliqué l’article 8 du TSCG disposant d’un mécanisme de sanction en cas d’échec des trajectoires fixées par la loi de programmation. Jamais une LPFP n’a été respectée. Nous vivons dans un théâtre d’ombres en discutant d’un chiffon de papier qui ne sert qu’à promettre à la Commission européenne, à force de prières, un retour à l’équilibre que les gouvernements n’assument jamais.

Je suis favorable à l’équilibre des comptes publics mais il ne passe pas par la multiplication des instruments bureaucratiques.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je m’inquiète de la dérive antieuropéenne du Parti socialiste. Voilà un parti à l’origine de la construction européenne, qui a traduit dans le droit national le TSCG et qui reprend l’argumentaire du Rassemblement national ! Le Haut Conseil des finances publiques n’a pas vocation à légiférer à notre place : il donne des conseils. J’espère que vous reviendrez à la raison.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons en faveur de cet amendement. Nous avons voté contre le TSCG, que vous n’appliquez d’ailleurs pas. Plus les finances publiques se dégradent, plus vous brandissez des textes inutiles ! Vous pensez que la rigueur budgétaire suivra la rigueur juridique mais les impôts augmentent toujours, les services publics et le déficit ne cessent de se dégrader. De surcroît, vous qui avez toujours tort ne cessez de donner des leçons.

On nous avait promis un débat moins politique et plus économique, or, il part désormais dans tous les sens, sans qu’il soit possible de discuter du fond.

M. Charles de Courson (LIOT). Tout le monde peut voter en faveur de cet article, qui n’a rien à voir avec le droit communautaire. Le Gouvernement est simplement obligé d’analyser les écarts entre la loi de programmation et la loi de règlement.

La commission rejette l’amendement CF5.

Amendement CF6 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). C’est rendre un bien mauvais service à l’Europe que de soutenir des procédures bureaucratiques inefficaces. Je suis probablement plus européen que vous ne l’êtes.

Cet amendement vise à ne pas imposer une contrainte trop forte avec les mesures de retour à la trajectoire de solde structurel. Un ajustement structurel trop fort, comme en 2013, entrave irrémédiablement la croissance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le Gouvernement dispose de deux ans pour agir afin de retrouver la trajectoire prévue et non de parvenir à l’équilibre. Cette trajectoire est élaborée à partir d’hypothèses réalistes, qui n’ont rien à voir avec des mesures d’austérité. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (RE). Qui était au pouvoir en 2013 ? L’année suivante, lorsque j’ai été élu maire, j’ai dû faire avec une telle politique de baisse de 10 milliards des financements publics destinés aux collectivités territoriales. Je peux vous dire que, pour le coup, ce fut une véritable cure d’austérité.

La commission rejette l’amendement CF6.

Elle adopte l’article 5 non modifié.

 

Article 6 : Plafond annuel des mesures nouvelles afférentes aux prélèvements obligatoires

Amendement de suppression CF7 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Cet article prévoit la perte de 64 milliards de ressources pour l’État. À partir de 2027, celui-ci actera une diminution de recettes de 16,5 milliards par an.

La meilleure trajectoire de retour à l’équilibre consiste à maintenir un niveau de recettes publiques correspondant à ce que sont nos services publics.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Contrairement à ce que prétend l’exposé sommaire de votre amendement, cet article protège les ressources publiques. Il empêche que les mesures nouvelles prises par le Parlement et le Gouvernement aient une incidence trop fortement baissière sur les prélèvements obligatoires. Il nous empêche donc de baisser de manière trop importante les impôts et il n’oblige en rien de diminuer les prélèvements obligatoires des montants indiqués. Demande de retrait.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet article ne sert qu’à se faire plaisir. Un projet de loi de finances permettra le cas échéant de procéder différemment. Une loi de programmation n’a pas de valeur normative. À quoi bon ce nouvel article ? Je voterai en faveur de sa suppression.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le même article figurait dans la précédente loi et il s’applique également aux mesures réglementaires, ce qui constitue une garantie supplémentaire.

La commission rejette l’amendement CF7.

Amendements CF170 du Gouvernement et CF8 de M. Philippe Brun (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne peux pas laisser dire que les mesures de baisse d’impôt n’ont bénéficié qu’aux riches depuis 2017. La suppression de la taxe d’habitation a bénéficié à tous, comme la suppression de la redevance audiovisuelle, et les baisses d’impôt sur le revenu se sont concentrées sur les deux premières tranches.

Cet amendement met à jour l’article 6 pour tenir compte de notre stratégie de poursuite de la baisse de la fiscalité, sur les entreprises, avec la suppression progressive de la CVAE, et sur les particuliers, avec la baisse d’impôt de 2 milliards annoncée par le Président de la République pour 2025, qui prolonge notre soutien à celles et ceux qui travaillent.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons de diminuer drastiquement le montant de la dépense fiscale, de l’ordre de 2 milliards par an en 2023 et 2024, et de 1 milliard par an en 2025, 2026 et 2027.

Avec 89,6 milliards de niches fiscales distribuées en 2021, 94,2 milliards en 2022, et 89,1 milliards prévus en 2023, la marge est grande. Malgré les discours récurrents sur la nécessité de plafonner les niches fiscales et de les contrôler, rien n’est fait. C’est pourquoi nous proposons cette trajectoire, susceptible de limiter l’explosion de la dépense fiscale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis favorable à l’amendement du Gouvernement et défavorable à celui de M. Philippe Brun, qui fait selon moi une erreur d’interprétation.

L’article fixe un plafond portant sur l’impact des mesures nouvelles, par lequel le Gouvernement se lie les mains pour éviter de recourir à de nouvelles baisses de prélèvements obligatoires qui retarderaient notre retour vers l’équilibre des comptes publics.

Votre amendement est rédigé de telle sorte qu’il permet d’augmenter le recours aux dépenses fiscales et, ainsi, leur impact sur les recettes publiques. Ce n’est probablement pas votre intention et je vous invite donc à le retirer. Le Gouvernement a proposé cet amendement pour tenir compte de la baisse progressive, puis de la disparition, de la CVAE.

M. Philippe Brun (SOC). Notre amendement visait bien à plafonner l’incidence des mesures fiscales : nous n’avons pas fait de contresens.

M. Charles de Courson (LIOT). La dernière ligne du tableau concerne le taux applicable aux cotisations sociales. J’ai posé tout à l’heure une question à laquelle ni M. Le Maire ni M. Cazenave, n’ont répondu : à quoi correspond la hausse de recettes de 0,2 point de PIB, soit 5 milliards, prévue sur les Asso en 2024 ? Comment cette hausse va-t-elle s’articuler avec l’article 6 ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je rappelle que ce sont les 20 % des ménages les plus aisés qui ont le plus bénéficié de la suppression de la taxe d’habitation ; les 30 à 40 % de ceux qui en étaient déjà exonérés, soit totalement, soit partiellement, n’ont rien gagné avec la suppression de cette taxe.

Par ailleurs, la ligne relative aux exonérations de cotisations sociales ne tient pas compte de l’arrivée annoncée du plein emploi...

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous invite, monsieur de Courson, à consulter la nouvelle version du rapport, où les chiffres ont changé : pour les Asso, il prévoit + 0,1 d’effort en recettes – et plus 0,2 – et - 0,1 d’effort en dépense.

La commission adopte l’amendement CF170.

En conséquence, l’amendement CF8 tombe.

La commission adopte l’article 6 modifié.

 

Article 7 : Encadrement dans la durée des dépenses fiscales

Amendement CF82 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de s’assurer que toutes les nouvelles dépenses fiscales seront bornées, et pas seulement celles qui ont un caractère incitatif ou qui constituent une aide sectorielle. C’est une recommandation que la Cour des comptes a faite dans une note de juillet 2023.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La Cour des comptes a effectivement recommandé de supprimer la référence au caractère incitatif et à l’aide sectorielle. La précédente loi de programmation ne comportait pas cette précision et je suis favorable à sa suppression.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit effectivement d’un amendement vertueux, mais le vice se cache parfois dans les détails. Je voudrais donc m’assurer que cet amendement ne s’appliquera pas aux modalités de calcul de l’impôt, notamment au quotient familial.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est un bon amendement. Cela fait vingt-cinq ou trente ans que, toutes tendances confondues, nous nous promettons de ne plus adopter de dépenses fiscales pour une durée supérieure à trois ans sans contrôle. La seule chose que je regrette, c’est le choix de la date du 1er janvier 2023, qui rend la mesure rétroactive.

On compte environ 420 dépenses fiscales. Une dizaine de collègues pourraient très bien, même si cela représente du travail, en revoir un tiers chaque année et dire s’il convient, ou non, de les renouveler.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Pour répondre à Mathieu Lefèvre, le quotient familial n’étant pas une niche fiscale, il ne sera pas concerné par cette disposition. Je peux vous dire, même si je ne suis pas tenu de donner l’avis du Gouvernement, que je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement CF82.

Amendement CF136 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). Il importe de mieux évaluer les dépenses fiscales, mais je ne suis pas certain que la disposition retenue soit la meilleure. Lorsqu’on crée une nouvelle dépense fiscale, il faut souvent attendre un an pour qu’elle s’applique vraiment. Et on voudrait l’évaluer dès la troisième année ? L’évaluation ne portera donc que sur une courte période, un peu plus d’une année, et n’aura pas beaucoup de valeur. Par ailleurs, en imposant un tel rythme, il est à craindre que certaines mesures ne soient pas évaluées, faute de temps. Enfin, cette règle risque d’introduire une instabilité fiscale dans certains secteurs. Afin de disposer d’évaluations étayées, je propose donc de porter à cinq ans la durée du bornage des dépenses fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cette durée de trois ans est le fruit d’un compromis avec le Sénat et je ne souhaite pas que nous revenions dessus. J’ajoute qu’une prorogation est possible et que l’évaluation de ces mesures au bout de trois ans ne paraît pas déraisonnable. Cette durée correspond, enfin, à celle retenue par la précédente loi de programmation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF136.

Amendement CF112 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Avec cet amendement d’appel nous proposons que les dépenses fiscales puissent être évaluées par des autorités indépendantes, voire privées, et plus seulement par le Gouvernement. C’est une proposition du rapport CAP22, que j’ai reprise avec Marc Ferracci.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends votre intention, mais la notion d’autorité indépendante me paraît trop imprécise. Selon sa sensibilité, chacun pourra estimer que telle ou telle autorité n’est pas indépendante. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement CF112 est retiré.

Amendement CF79 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement ne fait que reprendre les préconisations formulées par la Cour des comptes dans une note de juillet 2023 et les recommandations nos 3 et 4 de la partie relative aux budgets verts du rapport sur l’application des lois fiscale (Ralf) que nous a présenté le rapporteur général.

Il prévoit que les rapports d’évaluation des niches fiscales prennent en compte leurs impacts économiques, sociaux et environnementaux, l’objectif étant d’étendre aux dépenses fiscales la démarche lancée avec l’évaluation écologique des dépenses budgétaires.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous savez notre volonté de verdir le plus possible notre budget ; nous vous proposerons d’ailleurs plusieurs initiatives en ce sens, à la fois dans ce projet de loi de programmation et dans le projet de loi de finances pour 2024. Je ne suis donc pas opposé sur le fond au dispositif que vous proposez, mais il me semble trop rigide.

Les dépenses fiscales ont des finalités différentes, qui sont indiquées chaque année dans l’annexe des voies et moyens, associée au PLF. Toutes n’ont pas une incidence environnementale. Le dispositif issu du Sénat a le mérite de proposer une évaluation adaptée à chaque dépense fiscale. Au demeurant, le budget vert de l’État analyse déjà annuellement l’impact environnemental des dépenses fiscales. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF79.

Elle adopte l’article 7 modifié.

 

Article 8 : Plafond des taxes affectées

Amendement CF92 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (RE). Il s’agit de renforcer l’outil budgétaire de plafonnement des taxes affectées au budget général de l’État en supprimant la dérogation permettant de ne pas plafonner une taxe affectée à un tiers.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est en loi de finances que nous décidons ou non du plafonnement de chacune des taxes affectées et du niveau du plafond.

Il me semble important de préserver la possibilité de déroger au plafonnement des taxes affectées, car certaines dérogations sont justifiées : je pense par exemple aux parts de CSG – contribution sociale généralisée – affectées au fonds de solidarité vieillesse (FSV) ou à l’Unedic. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CF92 est retiré.

L’amendement CF109 de M. Mathieu Lefèvre est retiré.

Amendement CF9 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Que l’on soit pour ou contre les taxes affectées, il importe, lorsqu’elles existent, que leur dynamique bénéficie au service public qu’elles servent à financer. Nous proposons donc de supprimer la disposition prévoyant un plafonnement des impôts et taxes affectés. Du reste, nous pouvons très bien décider de supprimer celles qui ne remplissent pas leur fonction.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne suis pas certain de suivre votre raisonnement. Le plafond n’a pas pour objet de limiter les recettes affectées, puisque c’est nous qui en votons le montant chaque année et que nous l’ajustons le cas échéant en fonction de l’évolution prévue de la taxe. En aucune manière il ne vise à baisser ou à réguler la taxe affectée. Il s’agit seulement de s’assurer que, s’il y a des recettes exceptionnelles, elles iront au budget de l’État.

La commission rejette l’amendement CF9.

Amendement CF155 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous avons une différence d’appréciation avec M. Brun : pour ma part, je considère que le plafonnement est vertueux parce qu’il obéit au principe d’universalité budgétaire. Si l’on finance tout avec des taxes affectées, il n’y aura plus d’armée dans ce pays : il est donc nécessaire de prévoir un plafonnement.

Cet amendement vise à établir la liste de l’ensemble des taxes affectées qui ne sont pas plafonnées. Je précise que le plafonnement n’est pas nécessairement mordant mais qu’il peut être reconduit d’une année sur l’autre, à la hauteur de la taxe qui est escomptée.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable. Le tome I de l’annexe des voies et moyens dresse la liste des taxes affectées plafonnées, mais pas celle des taxes affectées non plafonnées, et il ne précise pas ce qui justifie l’absence de plafonnement.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Cet amendement améliore l’information du Parlement : j’y suis favorable.

M. Philippe Brun (SOC). Je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec Mathieu Lefèvre : comme lui, je pense qu’il y a trop de taxes affectées. Ce que je dis, c’est que le plafonnement a des effets pervers et que certains organismes voient leur trésorerie ponctionnée par l’État : l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), pour 37 millions l’année dernière ; le Fonds national d’aide au logement (Fnal) pour 45 millions ; l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) pour 30 millions, ou encore l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour 200 000 euros. Nos établissements publics fonciers, en région, se font eux aussi ponctionner, tout comme nos chambres de commerce et d’industrie, qui sont pourtant déjà en difficulté.

La commission adopte l’amendement CF155.

Elle adopte l’article 8 modifié.

 

Article 8 bis : Précision des moyens financiers dans la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale

Amendements CF129 de Mme Eva Sas et CF165 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous nous félicitons de l’ajout de l’article 8 bis par le Sénat. Issu d’un amendement que nous avions déposé à l’Assemblée nationale et qui a été repris par nos collègues sénateurs écologistes, il associe des moyens à la future loi de programmation sur l’énergie et le climat. Avec cet amendement, nous proposons de préciser la manière dont ces financements seront répartis entre l’État et les collectivités.

Ce que nous voulons, c’est une loi de programmation du financement de la transition écologique, comme celle dont bénéficient les armées, la recherche, la justice et la sécurité. Pour l’instant, nous ne la voyons pas venir, et ce que propose l’amendement CF165 n’est pas une loi de programmation. Or la transition écologique en a besoin.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. M. David Amiel et plusieurs députés très impliqués sur cette question ont déposé un amendement qui a été jugé irrecevable. Comme m’est ouverte la faculté de déposer des amendements en dehors des délais, je l’ai légèrement modifié pour qu’il soit recevable.

Je voudrais que personne ne doute de notre volonté de respecter nos engagements en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, nous avons engagé un travail de fond avec le secrétaire général du Gouvernement, qui est directement rattaché à la Première ministre. Ce travail a fait suite à de longues concertations avec tous les experts afin de préciser clairement, secteur par secteur, ce qui relèvera de l’État, des collectivités, des entreprises et des particuliers. Il faut à présent concrétiser l’effort financier que chacun des acteurs devra fournir pour atteindre ces objectifs. C’est le sens de cet amendement, qui vise à ajouter, après le I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, avant le début de la session ordinaire, une stratégie pluriannuelle qui définit les financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale. Cette stratégie est compatible avec les objectifs mentionnés aux 1° à 6° du I ainsi qu’avec la programmation des moyens financiers mentionnée au 7° du même I. Elle peut donner lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. »

J’espère que cet amendement suscitera l’adhésion de tous les partis, car il représente une étape très importante, en ce qu’il concrétise notre engagement financier au service de nos objectifs ambitieux. J’invite Mme Sas à retirer le sien.

M. le président Éric Coquerel. L’idée selon laquelle il faut une loi de programmation pluriannuelle sur les questions environnementales fait débat. Pour ma part, je me méfie un peu des amendements qui tendent à passer par la voie d’un rapport et je pense qu’il faut une loi.

M. David Amiel (RE). Cet amendement part d’une conviction simple : pour mener à bien la planification écologique, nous avons besoin d’une planification budgétaire. C’est à la fois un enjeu de crédibilité, comme le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz l’a montré, et un gage d’efficacité, parce que tous les acteurs qui investissent, forment et produisent ont besoin de se projeter à moyen et à long terme. Je sais que nombre de nos collègues sont sensibles à cette question : je pense en particulier à Mme Eva Sas, mais aussi à M. Pierre Cazeneuve, qui s’était engagé sur cette question dès l’année dernière. Nous avons eu beaucoup d’échanges avec les experts, notamment avec l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), qui plaide aussi en ce sens.

Cet amendement vise à conserver l’apport du Sénat et à aller plus loin. Nous estimons que ce n’est pas seulement une fois tous les cinq ans, au sein de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, mais tous les ans qu’il faut proposer une stratégie pluriannuelle, afin d’ajuster les moyens alloués à la transition énergétique en fonction de l’évolution des défis environnementaux. Il paraît essentiel que le Gouvernement présente chaque année sa programmation pluriannuelle : nous pourrons ainsi en débattre et cela irriguera nos textes financiers.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Cet amendement va dans le bon sens mais, je le répète, ce dont nous avons besoin, c’est d’une loi de programmation, comme celle dont bénéficient d’autres secteurs stratégiques.

Pourquoi importe-t-il d’avoir une loi de programmation ? D’abord, parce qu’elle sera débattue et votée par l’Assemblée. Ensuite, parce qu’elle sacralisera l’évolution des financements consacrés à la transition écologique. Nous avons vu tout à l’heure, lors de l’audition du président du Haut Conseil des finances publiques, que les ministères qui ne bénéficient pas d’une loi de programmation allaient devoir réduire leurs dépenses de 1,8 %. Ce que vous proposez va dans le bon sens mais n’est absolument pas suffisant.

M. Philippe Brun (SOC). Sur le fond, nous avons besoin de débattre de ces questions qui sont absolument essentielles pour l’avenir de notre pays, et l’abandon annoncé par le Gouvernement de la loi de programmation pluriannuelle sur l’énergie et le climat n’est pas un bon signe.

Sur la forme, vous nous avez dit, monsieur le rapporteur général, que vous aviez retravaillé un amendement de notre collègue David Amiel, qui avait été jugé irrecevable. Je ne suis pas sûr que cela soit satisfaisant, si seuls les députés de la majorité peuvent bénéficier de cette solution : cela s’apparente à une rupture d’égalité.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous avons longuement débattu de ce projet lors des dialogues de Bercy ; la plupart des groupes représentés étaient favorables à une stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique. L’amendement CF165 va dans ce sens. Ce dispositif permettra d’établir un cadre à même de rendre les financements transparents – ils sont nombreux, un document qui les recense sera utile – et d’organiser un débat annuel à l’Assemblée et au Sénat. Il s’agit d’un progrès significatif, attendu de longue date. Avis favorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous visons le même objectif, madame Sas. Toutefois le dispositif de l’amendement CF165 permet à la fois de disposer chaque année d’un document mis à jour et d’organiser un débat au Sénat et à l’Assemblée, contre un débat tous les cinq ans dans le cas d’une loi de programmation. De plus, il serait opérationnel rapidement. Une loi de programmation n’est pas davantage contraignante.

Le président de la commission et le rapporteur général peuvent déposer des amendements hors délai : n’hésitez pas, monsieur Brun, à faire appel à nous – sauf si votre amendement a été jugé irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution.

Successivement, la commission rejette l’amendement CF129 et adopte l’amendement CF165.

Amendements identiques CF43 de M. Éric Coquerel et CF44 de M. David Guiraud

M. le président Éric Coquerel. J’estime également qu’une loi de programmation pluriannuelle est indispensable ; en l’attendant, ces amendements identiques visent à évaluer les moyens financiers nécessaires pour atteindre les objectifs visés en matière de transition écologique, en prenant notamment en considération les objectifs de financements publics pour les secteurs essentiels dans ce domaine, les moyens des opérateurs publics, et les objectifs de réduction des dépenses publiques néfastes pour le climat et la biodiversité. Nous voulons éviter que la rigueur budgétaire, en particulier appliquée aux opérateurs, n’abaisse toutes les ambitions.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces amendements sont satisfaits par l’adoption de l’amendement précédent, qui va même plus loin. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements CF43 et CF44.

Amendement CF161 de Mme Julie Laernoes

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe l’objectif de 370 000 rénovations thermiques complètes très performantes par an jusqu’en 2030, puis de 700 000. Or nous en sommes loin, avec quelque 70 000 rénovations globales achevées en 2022. L’absence de programmation sur le temps long des crédits et des aides publiques affectés à cette politique constitue une des causes de cet échec.

Mme Julie Laernoes est corapporteure de la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Le présent amendement, qu’elle a déposé, vise à assortir la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) d’un rapport présentant le niveau des dépenses publiques affectées à la rénovation énergétique des bâtiments, pour l’ensemble de la période.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La LPEC fixe des objectifs en matière de rénovation énergétique, objectif prioritaire du Gouvernement et de la majorité. Le présent article prévoit déjà une programmation des moyens financiers. En outre, on constate une augmentation des crédits alloués à cette politique : le projet de loi de finances pour 2024 prévoit déjà d’affecter 7 milliards d’euros supplémentaires à la planification écologique ; le budget de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) augmentera de 1,6 milliard en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de plus de 25 % des engagements consentis pour financer MaPrimeRénov’ ; la rénovation énergétique de l’immobilier d’État bénéficiera de 550 millions d’euros ; pour le fonds vert, les autorisations d’engagement sont maintenues à hauteur de 2,5 milliards d’euros : on verra si les décaissements visant à soutenir les investissements des collectivités territoriales ont augmenté, en particulier pour rénover les écoles. L’effort est là !

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Vous ne cessez de rappeler ce chiffre de 1,6 milliard, mais il ne s’agit que d’autorisations d’engagement : les crédits de paiement (CP) se montent à seulement 500 millions. De plus, selon le rapport établi par M. Guillaume Gontard, au nom de la commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, présidée par Mme Dominique Estrosi Sassone, il faut 1,6 milliard de CP pour financer la rénovation des logements privés et 1,5 milliard pour celle des logements sociaux, tout aussi importante. On est loin de l’effort nécessaire.

Il faut au minimum une loi de programmation de la rénovation thermique : tous les acteurs veulent de la visibilité, et une politique globale est nécessaire, s’agissant notamment des barèmes, qui doivent favoriser la rénovation globale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF162 de Mme Julie Laenoes

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Pour renforcer l’article 8 bis, qui prévoit d’intégrer la question des moyens financiers à la LPEC, il vise à quantifier les investissements réalisés, afin de mesurer précisément l’effort consenti en faveur de la transition écologique.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement CF165, que nous avons adopté, prévoit déjà un document annuel. Les rapports annuels de performances (RAP) établissent la consommation effective des crédits. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF162.

Amendement CF20 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement en reprend un autre dont il a été question tout à l’heure, déposé par M. Pierre Cazeneuve lors de l’examen du texte en première lecture, et adopté en commission. Il est peut-être déjà satisfait par l’adoption de l’amendement CF165.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous partageons le même objectif. Nous devons accélérer la transition écologique et tenir des engagements pluriannuels : on ne peut, du jour au lendemain, transformer des industries, faire évoluer les compétences des Français et mobiliser des fonds, qu’ils viennent des collectivités territoriales ou de l’État. Une planification est indispensable.

Le dispositif que nous avons adopté présente plusieurs avantages : la stratégie pluriannuelle est transversale et prend en considération tous les volets de la transition écologique, y compris la politique énergétique. Elle repose sur les objectifs déjà fixés, notamment la réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre avant 2030. Enfin, elle sera révisée chaque année, contrairement à un document quinquennal, et pourra donner lieu à un débat annuel au Parlement. Il est plus opérationnel que celui que vous soutenez. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CF20 est retiré.

La commission adopte l’article 8 bis modifié.

CHAPITRE II
Le cadre financier pluriannuel
des administrations publiques centrales

Article 9: Objectif de dépenses de l’État

Amendements CF173 et CF177 du Gouvernement, CF10 de M. Philippe Brun, CF142 de M. Philippe Lottiaux et CF171 du Gouvernement (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le premier amendement est rédactionnel.

Le deuxième vise à clarifier la définition du périmètre des dépenses de l’État, en particulier concernant les comptes d’affectation spéciale.

Nous conservons les modifications apportées par le Sénat en faisant du périmètre des dépenses de l’État un plafond de dépenses, et non une cible.

Enfin, l’amendement CF171 vise à mettre à jour les plafonds des périmètres, sur le fondement des informations nouvelles et des dernières données de la programmation pluriannuelle des crédits. Les plafonds des dépenses du périmètre atteindront ainsi 496 milliards d’euros en 2023 et 519 milliards en 2027. Cette évolution est cohérente avec la trajectoire de rétablissement des comptes publics que défend le Gouvernement.

M. Philippe Lottiaux (RN). J’avais déposé cet amendement à l’article 12 mais il a été déplacé à l’article 9 ; il n’a aucun sens ici. J’en déposerai un similaire pour l’examen en séance.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable aux trois amendements du Gouvernement. La progression des dépenses est moins rapide que prévu, cela va dans le bon sens.

Les amendements CF10 et CF142 sont retirés.

La commission adopte successivement les amendements CF173, CF177 et CF171.

Elle adopte l’article 9 modifié.

 

Article 10: Objectif d’exécution des schémas d’emplois pour la période 2023-2027

Amendement de suppression CF45 de Mme Marianne Maximi

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). L’article 10 tend à supprimer un poste de fonctionnaire sur vingt au cours des quatre prochaines années. M. le ministre délégué nous a accusés d’avoir une vision misérabiliste, alors que nous croyons au service public, contrairement à vous, qui le tiers-mondisez. En Haute-Vienne, sur le seul mois de décembre 2022, 100 classes ont été privées de professeur et la situation va encore s’aggraver, puisque la charge pèse sur ceux qui restent : certains vont partir. Cet été, la moitié des services d’urgence ont fermé, faute de personnel ; ceux restés ouverts ont dû assurer toute la prise en charge – certains patients sont restés neuf jours sur des brancards. L’adoption de cet article provoquera de la misère.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de retirer votre amendement au profit du CF152 de M. Charles Sitzenstuhl, qui vous satisfera puisqu’il vise la stabilité.

La commission rejette l’amendement CF45.

Amendement CF95 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (RE). Cet amendement vise un objectif plus ambitieux de réduction des effectifs des opérateurs de l’État, notamment en fusionnant des opérateurs redondants.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je vous propose de le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Nous ne voulons pas réduire les emplois de 5 % et le terme « agence » ne connaît pas de définition juridique univoque.

L’amendement CF95 est retiré.

Amendements CF115 de Mme Lisa Belluco et CF152 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à éviter le recul des services publics. Depuis vingt ans, même s’ils ont été ici ou là renforcés, leurs moyens augmentent moins rapidement que les besoins sociaux. L’écart tend à s’aggraver, aux dépens de nos concitoyens et des agents publics, qui assistent à la détérioration du lien qui unit les services et la population, et de leurs conditions de travail.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Le débat relatif aux opérateurs de l’État est ouvert depuis une vingtaine d’années. Le rapport d’information de Lise Magnier et Jean-Paul Mattei sur l’évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs, publié en 2021, est assez complet.

Le présent amendement vise la stabilité ou la diminution des schémas d’emplois de l’État et de ses opérateurs, contre la stabilité dans le texte initial. Il s’agit de soutenir le Gouvernement dans ses efforts pour affermir les services publics, notamment grâce à la transformation, numérique par exemple, et aux lois de programmation, pour les ministères régaliens.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’adoption de l’amendement CF115 viderait l’article de sa substance ; le PLF prévoit déjà un plafond des autorisations d’emplois de l’État et de ses opérateurs, contrairement à votre rédaction, « évolution raisonnée », qui ne fixe aucun objectif. La logique globale de stabilité n’empêche pas d’augmenter les effectifs dans les secteurs où c’est nécessaire, comme nous l’avons fait en 2023.

Successivement, la commission rejette l’amendement CF115 et adopte l’amendement CF152.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11: Plafond des autorisations d’emplois pour le budget general et les opérateurs de l’État

Amendements de suppression CF11 de M. Philippe Brun et CF116 de Mme Lisa Belluco

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à supprimer la trajectoire pluriannuelle des plafonds d’emplois. Il manque beaucoup d’emplois publics dans les hôpitaux, dans les administrations publiques en milieu rural, dans l’éducation nationale – la situation en cette période de rentrée est terrible.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Les citoyens demandent plus de service public – plus d’éducation, de santé, de police notamment. Si cet article était adopté, ils ne pourraient être exaucés, même en cas de crise. Nous devons disposer de marges de manœuvre, en particulier pour satisfaire à leurs attentes.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il ne faut pas confondre le plafond et la vacance sous plafond, c’est-à-dire la différence entre le plafond d’emplois voté dans la loi de finances et la consommation constatée l’année précédente, corrigée de l’incidence des schémas d’emplois. Il ne s’agit pas d’une contrainte pesant sur le schéma d’emplois, mais d’une règle de bonne gestion. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements CF11 et CF116.

Amendements CF120 de M. Charles Sitzenstuhl et CF91 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Cet amendement vise à instaurer, pour les opérateurs, une trajectoire plus ambitieuse que celle prévue dans le texte, modifiée par le Sénat, en la fixant à 3 % pour chacune des trois prochaines années.

M. Daniel Labaronne (RE). Pour assurer une meilleure gestion, je propose de réduire le plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État. Il s’agit d’une recommandation de la Cour des comptes, reprise dans le rapport d’information sur l’évaluation des relations entre l’État et ses opérateurs.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je salue votre souci de bonne gestion, mais nous souhaitons conserver le chiffre de 5 %, issu d’un compromis avec le Sénat et conforme aux évolutions constatées. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement CF91 est retiré.

La commission rejette l’amendement CF120.

Elle adopte l’article 11 non modifié.

 

Article 12 : Programmation du budget de l’État pour chaque mission du budget général en crédits de paiement

Amendement de suppression CF12 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Ce tableau, qui présente les plafonds de crédits alloués aux différentes missions du budget général de l’État, n’est pas cohérent avec les différentes lois de programmation sectorielles relatives à la justice, à la sécurité intérieure et aux dépenses militaires. Cet article manque donc de sincérité et nous proposons de le supprimer.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le tableau actuel est celui voté par le Sénat : c’est la raison de ces incohérences. Nous proposons de l’actualiser.

C’est la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) qui nous impose de fixer de tels plafonds. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF12.

Amendement CF175 du Gouvernement ; sous-amendements CF183, CF184 et CF186, tous trois de Mme Eva Sas, et CF190 de Mme Marianne Maximi

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Cet amendement intègre à l’article 12 les informations nouvelles et les dernières données de la programmation pluriannuelle des crédits. Il traduit les choix du Gouvernement.

Les plafonds de crédits par ministère évoluent notamment pour assurer le financement de la transition écologique conformément aux annonces de la Première ministre : en 2024, 7 milliards d’euros supplémentaires y seront consacrés, prioritairement pour les missions Écologie, développement et mobilité durables, Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, et Cohésion des territoires.

Afin de renforcer nos services publics régaliens, un soutien budgétaire est apporté, de 3,3 milliards pour les armées, 1 milliard pour la sécurité intérieure et 500 millions pour la justice en 2024. L’éducation nationale bénéficie de l’augmentation la plus importante : 3,9 milliards, après 3,7 milliards en 2023. Enfin, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche augmentera de 1 milliard.

Des économies, à hauteur de 6 milliards par an pour les années 2025 à 2027, issues notamment du mécanisme de revue de dépenses instauré par la loi de finances pour 2023, seront pour partie imputées sur les plafonds de crédits des missions présentées ici.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CF183 vise à modifier la trajectoire de la mission Écologie, dont les dépenses n’augmentent pas suffisamment. Après analyse de différents rapports, dont ceux de M. Pisani-Ferry et de Mme Mahfouz, de l’Autorité de régulation des transports (ART), du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) ou de l’Institut de l’économie pour le climat, nous estimons que nous aurons besoin en 2024 de 13,9 milliards, pour monter jusqu’à 21 milliards en 2026. Ce sont là les ordres de grandeur nécessaires pour réussir la transition écologique.

Le sous-amendement CF184 vise plus précisément à demander un plan en faveur du train. Les rapports du COI et de l’ART montrent en effet que nous avons besoin dès 2024 de 4,4 milliards pour moderniser notre réseau. Le Gouvernement a fait de multiples annonces au sujet des petites lignes ou des trains de nuit, qui doivent se traduire en moyens budgétaires.

Le sous-amendement CF186 concerne la rénovation thermique. Là aussi, il faut des moyens supplémentaires dès 2024, que nous évaluons à 1,6 milliard pour les logements privés et à 5 milliards pour les logements sociaux.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Le sous-amendement CF190 tend à plafonner la mission Remboursements et dégrèvements, comme c’est le cas de toutes les autres missions du budget général de l’État.

D’un montant de 130 milliards en 2022, cette mission est, de très loin, le premier poste de dépenses de l’État. Il serait contradictoire de ne pas la plafonner dans ce projet de loi de programmation dont le but affiché est de renforcer l’austérité.

D’un côté, vous offrez des cadeaux au patronat en supprimant des impôts et des cotisations pourtant nécessaires à notre système ; de l’autre, vous coupez aux Français l’accès aux services publics au nom d’une dette trop élevée. Quelle est votre priorité, au fond ? Préférez-vous laisser les Français payer plusieurs centaines d’euros d’essence par mois pour permettre à Total de dégager un résultat net de plus de 20 milliards d’euros, ou bien mener la rénovation énergétique des bâtiments, accroître le transport public et développer les énergies renouvelables pour mettre un terme aux énergies fossiles ?

Nous proposons donc de plafonner la mission Remboursements et dégrèvements pour permettre aux entreprises privées de prendre leur juste part dans le remboursement de la dette publique tant souhaité par l’exécutif.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement, qui concrétise les priorités de notre majorité. Vous me permettrez de souligner que pour réaliser ces 6 milliards d’économies, monsieur le ministre, il faut se mettre sérieusement en ordre de marche. Les revues de dépenses doivent se concrétiser rapidement.

Avis défavorable aux sous-amendements.

Madame Sas, tout cela doit être examiné dans le cadre de la planification, c’est-à-dire de l’outil que nous venons de voter à l’article 8 bis. Ce travail collectif nous permettra d’avoir une vision d’ensemble – les investissements en faveur de la transition écologique, vous le savez, ne sont pas tous rassemblés dans la mission Écologie, développement et mobilité durables – pour nous assurer que nous avons prévu les moyens nécessaires.

Monsieur Sala, votre amendement reviendrait à plafonner les dégrèvements aux collectivités territoriales, par exemple, ce qui n’est sans doute pas votre objectif.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Les sous-amendements de Mme Sas ne sont que la traduction d’un vote qui a eu lieu l’année dernière en faveur des trains et de la rénovation énergétique. Ils sont de bon sens. Les votes de l’Assemblée nationale doivent se traduire dans les faits.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). La dispersion des crédits consacrés à la transition écologique est en soi un problème : cela nuit à la cohérence de la politique de transition écologique.

Nos chiffres s’appuient sur des rapports que le Gouvernement a lui-même commandés : l’exécutif serait bien inspiré de les reprendre dans sa trajectoire budgétaire. Le budget prévu n’est pas à la hauteur des objectifs.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je ne comprends pas bien que vous vouliez limiter les crédits de la mission Remboursements et dégrèvements – autrement dit, limiter les remboursements que doit l’État. C’est une mission purement technique, liée à la mécanique d’avance de l’impôt, tant pour les particuliers que pour les collectivités territoriales. Ses crédits sont évaluatifs et non limitatifs.

La commission rejette successivement les sous-amendements CF183, CF184, CF186 et CF190.

Elle adopte l’amendement CF175.

En conséquence, les amendements CF47 de Mme Marianne Maximi, CF65 et CF66 de Mme Emmanuelle Anthoine et CF70 de M. Fabien Di Filippo tombent.

Amendement CF46 de M. David Guiraud

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous ne pensons pas que les plafonds de crédits soient une bonne idée. Mais il faudrait à tout le moins qu’ils soient indexés sur l’inflation ; sinon, nous allons au-devant de difficultés et de coups de rabot supplémentaires.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF46.

La commission adopte l’article 12 modifié.

 

Article 13 : Montant maximal des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales pour la période 2023-2027

L’amendement de suppression CF13 de M. Philippe Brun est retiré.

Amendements CF174 du Gouvernement et CF137 de M. Philippe Lottiaux (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il s’agit d’actualiser la trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales sur les années 2023 à 2027, en tirant les conséquences de l’adoption en loi de finances initiale pour 2023 d’une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d’euros. L’amendement propose aussi des ajustements liés au contexte macroéconomique, et intègre différentes mesures inscrites dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 que nous présenterons au Parlement dans les prochains jours. Parmi elles, l’évolution dynamique des fractions de TVA réservées aux collectivités territoriales et de nouvelles mesures budgétaires en faveur de ces dernières, notamment l’extension du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) aux aménagements de terrain, pour plus de 250 millions, et la hausse de la DGF, pour 220 millions.

Le Gouvernement, on le voit, entend poursuivre son soutien aux collectivités territoriales.

M. Philippe Lottiaux (RN). Ces nouveaux chiffres sont moins inquiétants que ceux qui ressortaient du projet de loi tel qu’il nous avait été soumis. Néanmoins, la hausse des concours financiers de l’État se situe très en deçà du rythme prévisionnel de l’inflation. Nous proposons que ces concours suivent le rythme de l’inflation.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces montants sont exprimés en euros courants, pas en euros constants. Compte tenu d’une inflation prévisionnelle de grosso modo 5 %, cela veut-il dire que vous laissez fondre gentiment les fonds alloués aux collectivités territoriales ?

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Les projets relatifs à la santé, notamment destinés à lutter contre les déserts médicaux, ne sont plus éligibles au FCTVA. Il serait bon de les réintégrer, car nos territoires ont besoin de ces équipements.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement, plus détaillé qu’à l’habitude, et qui intègre deux demandes du Sénat, sur le FCTVA et la fraction de TVA affectée aux régions. Il actualise la trajectoire des concours sur la base de la loi de finances pour 2023 et du PLF pour 2024.

Monsieur Lottiaux, les trois principales recettes des collectivités territoriales sont la taxe foncière, qui est indexée – on nous le reproche suffisamment – pour permettre aux collectivités de maintenir leurs services publics ; la TVA, dont la dynamique est très forte ; et la DGF, que nous avons augmentée l’année dernière et qui pourrait à nouveau augmenter cette année. Nous avons fortement soutenu les collectivités territoriales, et je vous renvoie aux commentaires de la Cour des comptes sur leur bonne santé financière.

La commission adopte l’amendement CF174. En conséquence, l’amendement C137 tombe.

La commission adopte l’article 13 modifié.

 

Article 14 : Évolution du ratio entre les dépenses défavorables et les dépenses mixtes ou favorables

Amendement CF151 de M. Alexandre Holroyd et sous-amendement CF180 de M. Jean-René Cazeneuve, amendements CF14 de M. Philippe Brun, CF117 de Mme Lisa Belluco et CF15 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

M. Alexandre Holroyd (RE). Cet amendement concerne l’objectif d’évolution des dépenses vertes. Il tend à revenir à la rédaction initiale de l’article, conforme à la méthodologie utilisée par le secrétariat général à la planification écologique, et à intégrer les dépenses mixtes aux dépenses favorables. Il exclut du calcul les dépenses de relance, dont la prise en compte déformerait le sens de cet article.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Cet amendement va dans le bon sens. Il me semble en particulier de bonne politique de sortir du calcul les dépenses exceptionnelles du plan de relance, qui peuvent biaiser le point de départ. Je vous propose de faire preuve d’un peu plus d’agressivité en adoptant le taux de 30 % plutôt que de 25 %. En, adoptant cet amendement sous-amendé, nous aurons ainsi une trajectoire plus ambitieuse et un suivi plus juste.

M. Philippe Brun (SOC). Dans le même sens, nous proposons de supprimer la référence aux dépenses mixtes dans le calcul du ratio entre dépenses défavorables et favorables à l’environnement. Le mélange des dépenses mixtes et défavorables réduit beaucoup l’intérêt du ratio : il suffit de transformer une dépense défavorable en dépense mixte pour l’améliorer.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CF117 est presque rédactionnel. L’article 14 prévoit, grâce à un amendement adopté au Sénat, une diminution de 20 % du ratio entre dépenses défavorables et favorables : il s’agit de prévoir que cet objectif pourra être dépassé, en inscrivant dans le texte une diminution de 20 % « au moins ».

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement CF117 : si on peut faire mieux que l’objectif, tant mieux !

Avis défavorable à l’amendement CF14 : le texte prévoit déjà un effort.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Avis favorable à l’amendement CF151 sous-amendé par M. le rapporteur général, ainsi qu’à l’amendement CF117.

La commission adopte le sous-amendement CF180.

Elle adopte l’amendement CF151 sous-amendé. En conséquence, les amendements CF14 et CF15 tombent.

Elle adopte l’amendement CF117.

Amendement CF131 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit de mettre en extinction les niches fiscales néfastes pour le climat, qui pénalisent les efforts de notre société face au changement climatique. Celles qui encouragent l’utilisation de combustibles fossiles, en particulier, contribuent à augmenter nos émissions de gaz à effet de serre.

Cette mesure apporterait à l’État des revenus supplémentaires, qui pourraient à leur tour être réinvestis pour atténuer le changement climatique. Rien qu’en revenant sur l’exonération des droits d’accise sur les produits énergétiques et sur le soutien aux entreprises énergo-intensives, à l’aérien et au maritime, aux raffineries et aux projets routiers, nous pourrions économiser 4 milliards dès l’année prochaine, et 8 milliards par an à terme.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis défavorable. Je comprends votre intention, mais votre amendement n’apporte pas d’ambition supplémentaire. Ce ratio est un objectif ; si nous pouvons aller plus loin, nous le ferons. Et la trajectoire ne s’arrêtera pas en 2027.

En outre, il y a peut-être d’autres moyens d’atteindre nos objectifs et il serait dommage de se limiter.

M. Charles de Courson (LIOT). Il me paraît difficile d’adopter cet amendement. En effet, l’une des plus importantes niches fiscales visées, l’exonération du kérosène des avions, est inscrite dans la convention de Chicago, qu’il faudrait alors renégocier. Je me demande même si l’amendement est recevable : il s’agirait d’une injonction au Gouvernement.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). M. de Courson a souvent raison, mais pas toujours : en l’occurrence, l’exonération du kérosène n’est pas classée comme défavorable dans le budget vert – elle l’est dans d’autres rapports comme celui du Réseau Action climat.

La logique de cet amendement est de supprimer toutes les niches fiscales néfastes pour le climat. Il ne s’agit pas de mettre en danger certains secteurs : ils peuvent être soutenus par d’autres aides, qui n’encouragent pas la consommation de carburant. Les aides budgétaires ne doivent pas soutenir la consommation d’énergie fossile. C’est un objectif certes lointain, mais nécessaire.

La commission rejette l’amendement CF131.

Amendement CF156 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Dans une logique transpartisane, et dans la direction indiquée par le rapport d’application des mesures fiscales du rapporteur général, il s’agit de poursuivre l’évaluation des dépenses classées comme non cotées – les dépenses informatiques ou à celles des collectivités territoriales – ou comme neutres – je pense notamment aux dépenses des ministères régaliens et aux transferts aux entreprises.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Concrètement, que sont les dépenses non cotées ? Ce sont celles que l’on n’est capable de classer ni comme neutres, ni comme positives, ni comme négatives, je suppose ? Vous demandez donc l’évaluation de dépenses dont le Gouvernement vous dit lui-même qu’il n’est pas capable de les qualifier.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On n’a pas encore fait le tour du sujet. Parmi les dépenses non cotées, il y a les concours financiers de l’État aux collectivités, par exemple. Les dépenses régaliennes, comme les dépenses militaires, sont plutôt classées comme neutres.

Le Gouvernement doit donc continuer son travail pour évaluer les différentes dépenses de façon plus fine : c’est un processus continu, pas quelque chose que l’on fait une fois pour toutes.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Une fois n’est pas coutume, j’irai dans le même sens que le rapporteur général.

Dans le budget vert, 90 % des dépenses ne sont pas cotées : on voit les limites de cet outil. Les dépenses non cotées comprennent aussi l’essentiel des dépenses de personnel : pour aller plus loin, il faudrait une analyse fine de l’activité des différents services.

Ce sont surtout les dépenses d’investissement qui peuvent être classées comme favorables ou défavorables ; en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement, il y aurait toujours une grande part de dépenses non cotées.

Le budget vert devrait donc être profondément réformé pour constituer un véritable outil de pilotage de l’État.

La commission adopte l’amendement CF156.

Elle adopte l’article 14 modifié.

 

Article 15 : Instrument de pilotage des dispositifs d’aides aux entreprises

Amendements CF16 de M. Philippe Brun, CF164 de M. Jean-René Cazeneuve et CF107 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). La France est la championne européenne des aides aux entreprises ; c’est la dépense publique du périmètre de l’État qui a le plus augmenté ces vingt dernières années. Nous proposons donc que toute extension ou prolongation d’un dispositif d’aide aux entreprises soit limitée à cinq ans, que le dispositif en question ait été instauré avant ou après le 1er janvier 2023.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement CF164 vise à revenir au périmètre initial de cet article, restreint par le Sénat : les collectivités territoriales accordant un nombre important d’aides publiques aux entreprises, il est conforme à l’esprit du dispositif de prévoir les mêmes évaluations que pour l’État.

M. Daniel Labaronne (RE). Mon amendement propose de borner de manière plus stricte les dispositifs d’aides aux entreprises instaurées par l’État en supprimant la date du 1er janvier 2023.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Demande de retrait de l’amendement CF16 ou avis défavorable, car le bornage s’applique déjà dans les textes existants.

Même avis pour l’amendement CF107, qui ferait naître une insécurité juridique car il créerait un effet de seuil sur le stock d’aides déjà existantes cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi. Ce serait en outre difficilement absorbable par l'administration.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Le ministre Bruno Le Maire avait promis devant les commissions des finances et des affaires européennes, le 28 mars, qu’une revue des aides aux entreprises serait réalisée afin de s’assurer que ces aides sont efficaces, qu’elles vont réellement aux entreprises qui produisent en France et génèrent de l’activité. J’imagine que cette évaluation n’a pas eu lieu puisque je n’ai jamais eu de réponse à la question écrite que j’avais posée dans la foulée et que, plusieurs mois plus tard, nous sommes en train d’examiner un projet de loi de programmation des finances publiques qui ne dit rien à ce sujet.

L’article 15 vise à limiter à cinq ans les aides aux entreprises. C’est un minimum, mais il est loin d’être suffisant pour répondre aux enjeux, a fortiori compte tenu de ce que prévoit l’article suivant pour les administrations publiques locales. Même s’il s’agit peut-être d’un tabou pour la Macronie et le ministère des finances, il faudra qu’on finisse par aborder sérieusement la question des aides aux entreprises.

Mme Nadia Hai (RE). L’article 15 correspond à ce que vous venez de demander : donner plus de lisibilité aux aides aux entreprises – une liste sera établie –, rendre ces dispositifs beaucoup plus efficaces et évaluer leur coût. Le Sénat a fait des ajouts en ce sens, et nous allons examiner d’autres amendements qui permettront d’apporter des précisions.

La commission rejette l’amendement CF16 et adopte l’amendement CF164.

L’amendement CF107 est retiré.

Amendements identiques CF21 de M. Philippe Brun et CF110 de M. Mathieu Lefèvre.

M. Philippe Brun (SOC). Nous reprenons, dans un esprit très constructif, un excellent amendement de Daniel Labaronne qui avait été adopté en première lecture pour borner dans le temps les créations, extensions ou prolongations de dispositifs d’aides aux entreprises dans une limite de trois ans, et non de cinq.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il y a un impensé dans la critique que vous faites, madame Chikirou, c’est que vous êtes parlementaire. Si vous voulez évaluer une dépense du budget général, libre à vous de le faire : vous pouvez la suivre de A à Z, conformément à votre rôle de contrôle de l’action du Gouvernement.

Mon amendement vise à ce que l’évaluation des aides aux entreprises se fasse de façon triennale.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable. Ce que vous proposez est ambitieux, mais louable dans l’objectif d’une bonne gestion des finances publiques.

La commission adopte les amendements CF21 et CF110.

L’amendement CF113 de M. Mathieu Lefèvre est retiré.

Amendement CF150 de M. Mathieu Lefèvre

Mme Nadia Hai (RE). Cet article prévoit désormais que les dispositifs d’aides aux entreprises sont applicables dans une limite de trois ans, et que leur renouvellement est subordonné à une évaluation publique portant sur leur efficacité et leur coût. S’agissant de la liste des dispositifs concernés, le présent amendement demande, pour plus de lisibilité et de souplesse, une publication dans les documents budgétaires.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF150.

Elle adopte l’article 15 modifié.


CHAPITRE III
Le cadre financier pluriannuel des administrations publiques locales

Article 16 : Objectif d’évolution des dépenses locales de fonctionnement pour l’ensemble des collectivités locales

Amendements de suppression CF17 de M. Philippe Brun, CF48 de M. David Guiraud, CF104 de M. Nicolas Sansu et CF118 de Mme Lisa Belluco

M. Philippe Brun (SOC). L’article 16 est un peu bavard : vous fixez un objectif de réduction des dépenses des collectivités territoriales mais ne vous prévoyez aucun mécanisme pour y parvenir. Je suis curieux de savoir quels maires décideront, pour faire plaisir au Gouvernement, de ne pas dépenser l’ensemble de leur budget ou de réduire les dépenses de fonctionnement dont ils ont besoin et qu’ils ont défendues. Faute de mécanisme contraignant, l’objectif que vous fixez ne nous semble pas atteignable ; par ailleurs, il ne nous paraît pas souhaitable. Faut-il rappeler que le montant de la dotation globale de fonctionnement a fondu durant les dix dernières années ? Il est passé de 41,5 milliards en 2013 à 26,6 milliards dans le PLF pour 2023. Alors que l’État se défausse en permanence sur les collectivités territoriales depuis 2017, réduisant considérablement ses services publics en milieu rural, porter un coup supplémentaire à ces collectivités qui assument ses missions fondamentales en ses lieu et place ne nous semble pas une bonne idée. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’article 16.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Du côté de leurs dotations, les collectivités subissent de graves difficultés depuis, en réalité, 2012. Le fil rouge des politiques publiques menées depuis cette époque porte un nom : celui d’Emmanuel Macron.

Les collectivités sont dans le rouge depuis longtemps. Leurs recettes fiscales sont en baisse, avec la suppression de la taxe d’habitation et bientôt de la moitié de la CVAE, alors que leurs dépenses sont en hausse, du fait de l’inflation, face à laquelle elles se retrouvent bien seules, et de l’augmentation des besoins sociaux. Elles sont déjà contraintes, à la différence de l’État, de présenter des budgets en équilibre, et elles n’ont la main ni sur l’outil fiscal ni sur les dépenses sociales, lesquelles sont non pilotables. Elles ne sont responsables ni des déficits, ni des 50 milliards d’euros de cadeaux fiscaux que vous avez faits depuis 2017, ni de l’explosion de la pauvreté, due au choix du Gouvernement de ne pas bloquer les prix, à la réforme de l’assurance chômage ou encore au refus d’augmenter les salaires.

Nous voulons simplement garantir, par cet amendement de suppression, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). L’article 16 est un de ceux qui ont suscité le plus de débats en première lecture, et pour cause : il vise à mettre les collectivités locales sous la coupe des décisions prises par l’État. Les ministres ne s’en sont pas cachés, expliquant que les collectivités devaient faire des efforts. Je rappelle pourtant que les dépenses d’énergie ont explosé, que toutes les collectivités ne bénéficient pas des tarifs réglementés de vente et qu’elles ne sont pas toutes éligibles aux filets de sécurité, qui ont plutôt de grosses mailles. Par ailleurs, l’augmentation du point d’indice, qui est une bonne chose en soi, n’a pas été compensée et la DGF ne progresse pas, si ce n’est une petite partie qui n’est plus issue de l’enveloppe normée. Il n’est pas sérieux de demander aux collectivités locales de faire encore plus d’efforts dans ce contexte compliqué, alors que ce sont elles qui aident à réaliser des investissements publics dans notre pays. D’où notre amendement de suppression.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). La crise économique et sociale affecte durement les ménages, en particulier les plus fragiles d’entre eux. Dans ce contexte, il est primordial que les collectivités locales, notamment celles du bloc communal et les départements, aient la capacité d’agir pour amortir les impacts de la crise, en assurant la continuité de leurs services publics et en préservant l’investissement. Par ailleurs, le Gouvernement compte fortement sur les collectivités pour cofinancer la transition écologique, comme le montrent, par exemple, les projets de RER métropolitains. Il est tout fait incohérent de demander en même temps aux collectivités locales de réduire leurs dépenses. Nous souhaitons la suppression de cet article afin de préserver les services publics de proximité et de réaliser la transition écologique, en laissant aux collectivités la possibilité d’augmenter leurs dépenses.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. S’il y a un domaine dans lequel nous avons écouté à la fois le Sénat, les oppositions et les associations d’élus, c’est celui-là. Nous avons, en effet, apporté deux modifications très importantes au texte initial. Tout d’abord, il n’y a plus de contrainte si la trajectoire n’est pas atteinte : celle-ci est donc indicative. Ensuite, cette trajectoire, à la demande du Sénat, devient moins agressive. Le ministre Bruno Le Maire l’a rappelé tout à l’heure : pour les collectivités territoriales, l’effort à fournir est de – 0,3 % par an en volume, contre – 0,9 % pour l’État central. Nous avons donc répondu, objectivement, aux deux attentes principales des collectivités.

Monsieur Brun, je ne suis pas sûr de bien comprendre votre logique. Soit cet article est bavard, soit ce qu’il prévoit est terrible pour les collectivités : il faudrait choisir.

Les élus des collectivités sont des gens très responsables, qui connaissent la situation du pays et voient bien les crises qui se succèdent. Ils ne veulent pas qu’on leur dicte une trajectoire ou qu’on leur impose des pénalités, comme c’était initialement prévu, mais ils sont évidemment d’accord pour participer à l’effort collectif. Il ne faut pas opposer l’État et les collectivités territoriales : en matière de dette et de déficit, nous sommes tous dans le même bateau.

L’idée qu’il ne faudrait même pas évoquer les collectivités dans ce texte, parce que cela froisserait on ne sait qui, est franchement exagérée. Nous donnons aux élus une trajectoire qui leur permettra de participer au redressement des finances publiques, ce qui correspond aussi à leur intérêt.

Madame Maximi, je compte vous envoyer personnellement le rapport de la Cour des comptes qui vient de sortir, après l’avoir entouré d’un beau ruban. Il dit très précisément que les collectivités ne sont pas dans le rouge. C’est vrai en moyenne, et c’est vrai pour la très grande majorité d’entre elles : 2022 était une année record. Je ne sais pas combien de fois il faut le répéter pour que vous percutiez.

Je ne dis pas que l’année 2023 n’est pas celle d’une inversion et que cela ne nécessite pas certaines interventions, mais il faudrait au moins s’entendre sur les faits objectifs, sans quoi nous allons prendre de mauvaises mesures, qui ne seront pas adaptées aux collectivités qui en ont besoin. Les départements, pénalisés par un renversement très significatif de la tendance en matière de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), méritent peut-être un soutien spécifique, mais les communes, qui bénéficient d’une augmentation de 7,1 % de la taxe foncière et qui ont des ressources actuellement dynamiques, beaucoup moins !

J’émets un avis défavorable à ces amendements. Il faut parler d’égal à égal avec les collectivités, et l’article 16 ne contient qu’une information sur ce qu’il faudrait faire pour atteindre notre objectif collectif.

M. le président Éric Coquerel. Le chef de l’État a expliqué hier qu’il n’y avait pas eu de baisse de la DGF. Mais il faut bien comprendre que si cette dernière reste stable, ou même augmente moins que l’inflation, cela équivaut en réalité à une baisse. Par ailleurs, quelles que soient les prévisions, tout le monde s’accorde à dire qu’on ne se dirige pas, dans les années qui viennent, vers une inflation égale ou inférieure à 1 %.

Par ailleurs, il est nécessaire d’investir et on compte beaucoup sur les collectivités pour le faire, notamment en matière de planification écologique. En revanche, il faudrait traquer les dépenses de fonctionnement. Or à partir du moment où l’inflation est plus élevée, ce qui relève du fonctionnement augmente aussi, ou alors cela suppose que les budgets prévus en matière d’investissement relèvent toujours du marché, ou du privé, et ne conduisent pas à davantage de travail pour les fonctionnaires territoriaux ou les opérateurs. C’est pour moi un contresens, ne serait-ce que parce qu’il faut flécher et contrôler les budgets investis dans la transition écologique.

Pour ces deux raisons, je suis favorable aux amendements de suppression.

M. Charles de Courson (LIOT). Une petite question, qui va vous paraître bizarre : à l’alinéa 4 de l’article 16, pourquoi l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement est-il exprimé en valeur ? Le ministre délégué a dit tout à l’heure que l’objectif était de – 0,3 % en volume.

Aux dernières nouvelles, l’inflation se situerait aux alentours de 4,9 % en 2023. Vous avez prévu dans le tableau une évolution des dépenses de fonctionnement de 3,8 % : le différentiel ne serait donc pas de 0,3. S’agissant du projet de budget pour l’année prochaine, que vous nous présenterez mercredi, monsieur le ministre délégué, vous avez évoqué, en matière d’inflation, le chiffre de 2,6 %. Pour ce qui est des dépenses de fonctionnement, l’évolution serait de 2,5 %, ce qui représente une baisse de 0,1 et non de 0,3. Je ne comprends donc pas.

Par ailleurs, que se passera-t-il si l’on constate a posteriori, en mars ou avril 2024, que l’on n’a pas respecté l’objectif ? Quelle est la portée du dispositif ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous avons besoin de discussions matures sur la question des collectivités. Beaucoup de contre-vérités circulent, ce qui ne fait pas beaucoup de bien au débat. M. Brun, qui déplore un coup supplémentaire porté aux collectivités, a soutenu un gouvernement qui a réduit de 12 milliards leurs dotations. Quant au président de notre commission, il parle d’une baisse, ce qui est tout de même surprenant quand on sait qu’il y a une hausse de 220 millions. On nous dit que la suppression de la taxe d’habitation n’a pas été compensée, mais je mets au défi n’importe quel maire de montrer ce qu’il a perdu depuis la suppression de cette taxe. On critique aussi la majorité au motif qu’elle aurait supprimé le lien fiscal entre les collectivités et leurs administrés, mais que veut-on : rétablir la taxe d’habitation et amputer de 760 euros par an le pouvoir d’achat des Français ?

Il faut vraiment que le débat retrouve un peu de sérénité. Il est évidemment difficile d’être maire actuellement, dans une période de forte inflation, mais quand M. Sansu dit que nous n’avons pas du tout compensé la hausse du point d’indice, c’est oublier que nous avons créé deux filets de sécurité qui visent précisément à le faire. On peut améliorer les choses, mais évitons les contrevérités qui pervertissent le débat.

Mme Véronique Louwagie (LR). C’est effectivement durant le mandat de François Hollande, il y a environ dix ans, qu’on a demandé le plus gros effort aux élus locaux, avec une réduction des transferts aux collectivités territoriales de plus de 2 milliards par an.

S’agissant des efforts demandés en matière de dépenses publiques, je suis un peu perdue dans les chiffres. Il a été question de 0,3 % en volume par an pour les collectivités territoriales : quelle est la différence avec l’évolution de 0,5 % évoquée par le président du Haut Conseil des finances publiques cet après-midi ? Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous avez parlé d’un effort de 0,9 % en volume par an pour l’État, mais l’avis du Haut Conseil des finances publiques fait état d’une baisse de 0,9 % en volume « sur la période 2024-2027 ». Qu’en est-il en réalité ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous sommes bien d’accord avec l’idée qu’il faut faire confiance aux collectivités locales : ce sont elles qui connaissent le mieux les besoins de leurs administrés et de la transition écologique. Il faudrait donc préserver leur autonomie financière et fiscale. Or vous faites exactement le contraire depuis le début, et vous essayez maintenant de les corseter un peu plus en leur fixant un objectif de réduction de leurs dépenses.

La France est signataire de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui nous engage. Nous aimerions que vous la respectiez. Or vous ne le faites pas, car vous enlevez aux collectivités locales tous leurs leviers fiscaux. La CVAE, qui doit être supprimée, sera certes remplacée par une recette dynamique, mais il manque 700 millions d’euros par rapport à ce qu’aurait été la dynamique de la CVAE.

Vous êtes donc en train de réduire les recettes fiscales des collectivités locales et cherchez aussi à réduire leurs dépenses, alors que vous avez besoin qu’elles cofinancent la transition écologique. Par exemple, vous mettez 700 millions sur la table dans le cadre des contrats de plan État-région pour financer des projets de RER métropolitains, mais Jean-Pierre Farandou vous dira que le coût est de 1 milliard par projet : comme on en compte treize, il faudrait donc trouver 13 milliards. On a besoin du cofinancement des collectivités : n’attendez pas qu’elles réduisent de 0,5 % leurs dépenses au cours de la période !

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le quinquennat de François Hollande a effectivement été une catastrophe pour les collectivités, mais les contrats de Cahors n’étaient pas brillants non plus.

Nous avons débattu juste avant l’été avec Thomas Cazenave, au sein de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, du mystère que l’on constate : sur le terrain, tous les élus nous disent qu’il y a un problème et pourtant, quand on lit les rapports et qu’on vous écoute, tout va bien.

Prenons un département avec cent communes de 3 000 habitants qui ont une épargne nette. On voit bien qu’elles ne vont pas investir : elles n’en ont pas les moyens, et vont donc procéder à des reports de financements. Les investissements nécessaires pour l’avenir ne seront pas faits, notamment en matière de transition écologique.

M. Philippe Lottiaux (RN). Le cœur de la question n’est pas de savoir si les collectivités vont bien ou mal : c’est la contrainte qui leur est imposée en matière de dépenses de fonctionnement. Or qui a un déficit en la matière ? C’est l’État, et non les collectivités locales. De qui dépend notre dette de 3 000 milliards d’euros ? De l’État, et non des collectivités locales – leur part est toute petite. Par ailleurs, les collectivités ont envie d’investir : si elles peuvent arriver à 0 % d’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, elles le font, vous le savez très bien. Quand ce taux est de 3 ou 4 %, c’est qu’elles n’ont pas le choix, et leur dire que l’augmentation doit être inférieure est donc inopérant. Il existe aussi un principe de libre administration des collectivités locales… Enfin, les situations des communes sont si diverses, selon qu’elles sont petites ou grandes ou selon qu’on est en zone rurale ou non, qu’un taux unique ne veut rien dire : il en faudrait des dizaines pour tenir compte de la réalité. Nous voterons donc les amendements de suppression et défendrons peut-être par la suite des amendements de repli.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le préalable est de savoir s’il est légitime de faire contribuer les collectivités territoriales à l’effort collectif de redressement de nos finances publiques. La réponse est oui. Qui a protégé l’intégralité des salaires, autant dans les entreprises que dans les collectivités territoriales ? C’est l’État. C’est lui qui a pris la foudre pour tous – et tant mieux : nous avons protégé notre tissu économique, nos emplois et nos collectivités territoriales.

Avant la crise, le déficit était de 2,3 % : nous avions redressé les finances publiques. Est-il légitime, alors que nous avons désormais 5 % de déficit, que tout le monde s’y mette, l’État, le secteur associatif, les collectivités, les Français eux-mêmes, avec la sortie progressive du système des boucliers, et les entreprises, puisque nous avons décalé la suppression progressive de la CVAE ? Je crois que oui.

Les élus locaux reconnaissent que nous avons besoin de redresser tous ensemble les finances publiques. La question qui se pose est celle de la méthode. Les élus ne veulent pas d’une démarche unilatérale à coups de sanctions. C’est ce que nous avons arrêté : il n’y aura pas de contrats de Cahors. Quand nous avons réuni, avec Bruno Le Maire et Dominique Faure, le Haut Conseil des finances publiques locales, les représentants des associations d’élus sont arrivés avec des pistes d’économies à étudier, des revues de missions à mener : ils sont dans une posture constructive. Contrairement ce que j’ai pu entendre, un élu fait des économies s’il en a la possibilité. S’il peut dépenser moins que ce que prévoit son budget, il le fait. Les collectivités ont donc des propositions : nous étudions avec elles les pistes d’économies qui leur permettront de ralentir leurs dépenses de fonctionnement et de participer au redressement.

J’ai aussi entendu des formulations complètement fausses : nous n’allons pas réduire leurs dépenses ! Ce que nous souhaitons, c’est qu’elles progressent un tout petit peu moins vite que l’inflation, ce qui est très différent.

S’agissant de l’inflation, permettez-moi de dire que certains groupes pratiquent l’indexation à géométrie variable. Ceux qui plaident pour une indexation de la DGF sont aussi les premiers à déposer des amendements visant à désindexer l’augmentation des bases foncières et à priver les collectivités locales de milliards d’euros de recettes. Nous avons défendu, au contraire, l’indexation des bases foncières sur l’inflation. Dire que les collectivités n’ont pas de ressources qui progressent comme l’inflation est donc faux, qu’il s’agisse du foncier ou de la TVA. Même si cela vous déplaît, monsieur Sansu, le paysage que vous décrivez ne correspond pas à la réalité.

J’appelle chacune et chacun à faire preuve de sérieux. Quand la Cour des comptes considère, au sujet des comptes de 2022, que les collectivités n’ont jamais été dans une situation aussi favorable, il ne faut pas réagir comme si c’était le Gouvernement ou le rapporteur général qui l’avait dit. Il faut regarder avec lucidité ce qui passe dans les collectivités territoriales. Oui, il y a des baisses de DMTO pour les départements, mais si nous ne sommes pas capables de nous entendre sur les chiffres de la Cour des comptes pour établir le diagnostic et débattre sur cette base, l’exercice devient compliqué.

Je rappelle aussi qu’au Sénat, les allocations individuelles de solidarité (AIS) ont été retirées du dispositif. En effet, certaines dépenses, notamment sociales, des collectivités territoriales ne sont pas pilotables.

En réponse à M. de Courson, l’objectif d’évolution est bien exprimé en valeur.

Madame Louwagie, nous avons deux objectifs. Le premier est de faire évoluer les dépenses de fonctionnement à un niveau équivalent à l’inflation moins 0,5 %. Quand on intègre les dépenses d’investissement, on arrive à – 0,3 %. Celles-ci seront donc plus dynamiques. Par ailleurs, ces chiffres sont à rapporter à l’évolution de – 0,9 % par an pour l’État. C’est lui qui fera le plus d’efforts : le ralentissement de ses dépenses sera bien supérieur à celui des collectivités territoriales.

Je pourrais également revenir sur l’augmentation du fonds vert, de plus de 2,5 milliards, et sur le fait que la DGF progressera, comme l’année dernière, après une longue période de stagnation, voire de baisse, ainsi que Mathieu Lefèvre l’a souligné.

Mme Véronique Louwagie (LR). J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre délégué, mais nous ne pouvons qu’être troublés quand l’avis du Haut Conseil des finances publiques parle d’une baisse de 0,9 % en volume sur la période alors que vous déclarez, de votre côté, que c’est par an.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je ne retrouve pas les chiffres, mais nous allons vérifier. Il y a aussi des réflexions qui sont relatives aux dépenses primaires, c’est-à-dire hors charges d’intérêts, lesquelles ne correspondent pas aux dépenses de fonctionnement et d’investissement. Je vous enverrai par la suite une réponse plus précise, mais nous prévoyons, je le redis, – 0,5 % pour les dépenses de fonctionnement et – 0,3 % quand on intègre toutes les dépenses, dont celles d’investissement.

M. Charles de Courson (LIOT). Mais, comme je l’ai déjà demandé, pourquoi ne raisonne-t-on pas, à l’alinéa 4, en volume ? Ce n’est pas cohérent.

Vous prévoyez 3,8 % de croissance pour les dépenses de fonctionnement en 2023. Or l’inflation prévisionnelle est de 4,9 % : le différentiel est donc de 1,1, et non de 0,5. Pour 2024, l’inflation prévisionnelle est de 2,6 %, mais vous prévoyez une évolution des dépenses de fonctionnement de 2,5 %, ce qui donne un différentiel de 0,1.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Vous ne pouvez pas dire, monsieur le ministre délégué, que les finances des collectivités locales sont préservées parce que la taxe foncière augmente de 7,1 %. Celle-ci représente entre 33 % et 40 % des recettes globales de fonctionnement des communes : au total, la hausse est donc de 2,2 % ou 2,3 %, ce qui est en dessous de l’inflation.

Les collectivités locales, notamment le bloc communal, perdent actuellement des moyens et du pouvoir d’achat. Vous pensez que toutes les collectivités vont bien, mais je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. On le voit déjà – l’investissement s’est un peu rétracté – et ce sera également manifeste lors du Congrès des maires. Vous verrez que ce n’est pas facile.

La commission rejette les amendements CF17, CF48, CF104 et CF118.

Amendement CF24 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Nous avions adopté à l’Assemblée nationale, avant le rejet du texte, un excellent amendement de MM. Lefèvre et Labaronne et de Mme Bergé, qui prévoyait que les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique selon des modalités « tenant compte de l’évolution tendancielle de leurs recettes sur la période couverte par la loi de programmation. » Nous vous proposons à nouveau cet amendement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis défavorable, car ce n’est pas tout à fait l’amendement qui avait été proposé à l’époque, tant s’en faut. Je suis très favorable, en revanche, à un système visant à assurer la résilience des finances des collectivités territoriales. Nous avions avancé sur ce point avec l’Assemblée des départements de France. Que fait-on quand les recettes augmentent d’une manière très importante ? On peut prévoir, en particulier, des systèmes de mise en réserve. En revanche, quand il faut maîtriser la dépense, c’est vrai quel que soit le niveau de recettes. Il faut garder cet objectif.

M. Mathieu Lefèvre (RE). M. Brun est taquin : il présente notre amendement dans un contexte différent. Le nôtre permettait de préciser l’existence d’un mécanisme contraignant. C’était une mesure plus dure pour les collectivités.

La commission rejette l’amendement CF24.

Amendement CF63 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Nous souhaitons remplacer l’expression « dépenses réelles de fonctionnement » par « dépenses sociales ». Le champ lexical que vous utilisez déshumanise les sujets que nous traitons : on fait en sorte que les citoyens et les citoyennes qui nous écoutent ne voient pas clairement les enjeux qui se cachent derrière. Pour les départements notamment, les dépenses de fonctionnement sont à 70 % des dépenses de santé et d’action sociale. Les plafonner, c’est limiter l’action sociale, les salaires ou les emplois des agents. À Clermont-Ferrand par exemple, 50 % des dépenses de fonctionnement sont des charges de personnel.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Dans la navette, nous avions accepté de retirer de ces dépenses toutes les allocations individuelles de solidarité. Cela neutralise l’effet que vous décrivez – de manière un peu excessive.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement CF24 dont nous parlions juste avant est exactement le même que celui que notre collègue Lefèvre avait déposé – dispositif et exposé sommaire – même s’il est vrai que le mécanisme contraignant a depuis été supprimé.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Beaucoup de dépenses de fonctionnement sont en fait des investissements, il faudrait travailler à le reconnaître. Quand une collectivité embauche un Atsem (agent territorial spécialisé des écoles maternelles), elle investit pour les enfants. Les dépenses de fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance, c’est aussi de l’investissement. Le coût évité, en matière de harcèlement scolaire par exemple, si l’on y mettait des humains, serait énorme.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Quand on emploie du personnel mon cher collègue, quel que soit le motif, c’est du fonctionnement. La comptabilité publique est précise. En revanche, il est normal d’avoir retiré les dépenses d’AIS des dépenses de fonctionnement.

Vous évoquez, monsieur le ministre, la baisse des DMTO, qui va provoquer un effet ciseaux sur l’évolution des dépenses. En revanche, on oublie des dispositions comme l’avenant 43 sur les salaires des aides à domicile, l’augmentation de la prime de feu ou la hausse du point d’indice de 1,5 point, qui a été décidée par l’État seul. Les collectivités subissent les augmentations de dépenses que l’État décide, et se voient imposer une baisse de 0,5 point en fonctionnement. J’ai peur que vous ne mettiez en grande difficulté les départements.

La commission rejette l’amendement CF63.

Amendement CF138 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). Monsieur le ministre, si les collectivités augmentent leurs dépenses de fonctionnement, c’est qu’elles ne peuvent pas faire autrement. Elles n’ont pas besoin d’un texte pour leur dire quoi dépenser. Le texte les oblige à faire ce qu’elles font déjà – et si elles ne le font pas, c’est qu’elles ne peuvent pas : il ne sert à rien sauf à les stigmatiser.

Quant au fonds vert, à la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) ou à la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), c’est très bien, sauf que les fonds et dotations sont de plus en plus fléchés : quand les collectivités locales veulent investir, elles n’ont plus le choix. Il faudrait revenir à des fonds moins fléchés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je ne partage pas votre opinion. L’action des élus est bien réelle. Prenez deux communes de même type : les ratios de personnel ou d’investissement ne sont pas les mêmes. Tout ne s’impose pas aux élus – et ils ont une responsabilité. Certains gèrent très bien, d’autres un peu moins. À Mauvezin, dans le Gers, les élus ont considéré que l’augmentation des bases de taxe foncière de 7,1 % n’était pas nécessaire et ils l’ont neutralisée en diminuant le taux de cet impôt !

La commission rejette l’amendement CF138.

Amendement CF172 du Gouvernement et sous-amendement CF191 de Mme Marianne Maximi ; amendement CF18 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’amendement du Gouvernement actualise l’objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales pour l’ajuster aux hypothèses d’inflation retenues – elle est désormais estimée à 4,9 % pour 2023 et à 2,6 % pour 2024.

L’article ne vise pas à baisser les dépenses des collectivités mais à maîtriser la progression des dépenses. Cette augmentation sera au-dessous de l’inflation, mais toutes les dépenses des collectivités ne seront pas touchées par cette dernière. Nous sommes bien repartis de la version du Sénat, pour retirer du périmètre les dépenses au titre du RSA, de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap, qui ne sont pas pilotables. S’il y a un débat sur les dépenses de masse salariale, on ne peut pas arguer de l’effet du point d’indice, puisque la base résulte directement de la politique de recrutement de la collectivité territoriale. Faut-il que le point d’indice soit le même pour l’État et les collectivités territoriales ou faut-il aller plus loin dans la responsabilisation en matière de politique employeur des élus locaux ? C’est un autre débat.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Si, à certains égards, il peut être compréhensible d’associer et non d’obliger les collectivités à l’effort de redressement des finances publiques, les amener à dégager un solde structurel disproportionné au regard de leur poids relatif dans la dépense et dans l’endettement public global s’avère contreproductif. Aussi, cet amendement, travaillé avec France urbaine, propose une trajectoire moins sévère des dépenses de fonctionnement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement. Monsieur de Courson, les variations s’expriment en valeur, mais la conversion en volume est aisée. Peut-être faudrait-il préciser que la différence de 0,5 point par rapport à l’inflation ne s’entend pas par an, mais en moyenne sur la période. Avis défavorable à l’amendement CF18, qui est moins vertueux pour la trajectoire de nos finances publiques.

La commission rejette le sous-amendement CF191.

Elle adopte l’amendement CF172.

En conséquence, l’amendement CF18 tombe.

Amendements identiques CF1 de Mme Véronique Louwagie et sous-amendement CF181 de M. Jean-René Cazeneuve, CF67 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF88 de M. Philippe Brun et CF158 de M. Michel Castellani

Mme Véronique Louwagie (LR). Il s’agit de prendre en compte la situation particulière des départements, en ne retenant pour l’objectif de diminution des dépenses réelles de fonctionnement que les dépenses pilotables qui leur sont imputables. Cela revient à exclure quatre catégories de dépenses : premièrement, les AIS, dont nous avons déjà parlé ; deuxièmement, les dépenses relatives à l’aide sociale à l’enfance (ASE) ; troisièmement, les dépenses contractualisées entre l’État et les collectivités ; quatrièmement, un certain nombre de dépenses qui ont été décidées par l’État et imposées aux collectivités qui se sont accumulées en 2022 et 2023 – avenant 43, hausse du point d’indice, revalorisation des métiers du médico-social, prime de feu, minima sociaux… Il est important de laisser la libre administration aux collectivités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je comprends l’esprit de ces amendements et j’y suis favorable. Il faut soustraire des dépenses des départements à la fois les AIS et les dépenses d’aide sociale à l’enfance – qui représentent un montant très important, de l’ordre de 8 milliards d’euros – et ne laisser que des dépenses globalement pilotables. En revanche, je ne suis pas bien sûr de comprendre ce que sont les deux dernières catégories, par exemple les dépenses décidées par l’État : le concept n’est pas très clair et risque de provoquer de gros contentieux. Je propose donc de les supprimer.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). La charge des mineurs non accompagnés (MNA), qui incombe entièrement aux départements, relève-t-elle de l’aide sociale à l’enfance ou non ? Il faudrait la prendre en considération. Un autre élément me semble également important : l’augmentation du coût des fluides. Va-t-on devoir réduire le chauffage des collèges en plein hiver dans le Jura ? Enfin, est-ce que l’Assemblée des départements de France a été mise dans la boucle des discussions et quelle est leur réaction ?

M. Michel Castellani (LIOT). Il faut faire sortir des dépenses réelles de fonctionnement les dépenses relatives à l’aide sociale à l’enfance, celles pour lesquelles les collectivités se sont engagées avec l’État avant l’adoption de la trajectoire, de même que les dépenses nouvelles qui ont été décidées unilatéralement par l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable aux amendements à condition que mon sous-amendement soit adopté.

Les MNA sont intégrés dans l’ASE. Mais attention : si l’on considère que l’ensemble des dépenses des collectivités territoriales, des départements en particulier, ne sont pas pilotables par elles-mêmes, que devient la libre administration des collectivités territoriales ? Nous sommes dans une sorte d’entre-deux aujourd’hui : peut-être faudrait-il réfléchir à une réforme plus profonde, afin de garantir l’autonomie des départements. La logique consistant à examiner chacune des dépenses des collectivités territoriales et à compenser chaque fois qu’une dépense augmente un peu plus que l’inflation ou que ce qu’elles peuvent supporter, même si c’est ce que nous avons fait avec les filets de sécurité l’année dernière, cela a des limites.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Les dépenses des MNA font bien partie des dépenses de l’ASE. Je suis favorable à ce qu’on sorte les dépenses de l’ASE du périmètre des dépenses prises en compte, comme nous l’avons fait pour les dépenses d’AIS à l’initiative du Sénat. Avis favorable aux amendements sous-amendés.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Les MNA, étant des enfants seuls en danger sur notre territoire, relèvent par définition de l’ASE.

L’aide sociale à l’enfance va très mal. Ses besoins augmentent. L’ONU, la Défenseure des droits et l’Unicef alertent sur les conditions d’exercice de l’ASE dans de nombreux départements où, faute de moyens et de places, des centaines d’enfants restent au domicile de leurs parents alors qu’ils devraient être confiés à l’aide sociale et protégés dans des foyers. Il faut sortir l’ASE de ces restrictions de fonctionnement. Cela ne réglera pas tout mais évitera d’aggraver la situation.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF181 et les amendements CF1, CF67, CF88 et CF158 ainsi sous-amendés.

L’amendement CF50 de M. David Guiraud est retiré.

Amendement CF53 de Mme Marianne Maximi

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je suis ravi que Mme Dalloz réalise qu’il y a des dépenses de fonctionnement plus spéciales que d’autres. En l’occurrence, l’amendement vise à retirer des dépenses réelles de fonctionnement les centres communaux d’action sociale, qui gèrent les Ehpad ou les épiceries solidaires et mènent des actions de lutte contre l’exclusion. On ne peut pas compter toujours sur la générosité de Bernard Arnault !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF53.

Amendement CF54 de M. David Guiraud

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Il vise à exclure les Ehpad du plafond imposé aux dépenses de fonctionnement des collectivités locales. L’allocation personnalisée d’autonomie, à la charge des départements et principal vecteur de leur participation financière au fonctionnement des Ehpad, a été sortie du plafond des dépenses de fonctionnement. Cependant, les départements financent les Ehpad par d’autres biais, par exemple le financement des fournitures.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF54.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF49 de Mme Marianne Maximi.

Amendement CF51 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Il vise à exclure du plafonnement les subventions aux associations, qui sont en très grande difficulté. 

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On ne peut pas enlever toutes les dépenses des collectivités territoriales, sans quoi elles seraient sous tutelle.

La commission rejette l’amendement CF51.

Amendement CF52 de M. David Guiraud

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Même demande pour les missions locales, alors que le chômage touche plus largement les jeunes. Il ne s’agit pas de mettre les collectivités sous tutelle, mais de les libérer.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF52.

Amendement CF55 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Même demande pour les crèches. Une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales a révélé de graves dysfonctionnements au sein des crèches privées lucratives. Face à cela, il faudrait une offre publique efficace, et donc libérer les collectivités pour qu’elles puissent créer des offres de garde pour les jeunes enfants.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF55.

Amendement CF56 de M. David Guiraud

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Même argument pour les dépenses liées à l’éducation. Pour lutter contre le harcèlement scolaire, il faut des oreilles. Les agents territoriaux, les Atsem, les agents du périscolaire, les dames de cantine qui encadrent les enfants sont autant de personnes à pouvoir déceler des cas de harcèlement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce serait, une fois de plus, déresponsabiliser les collectivités territoriales.

La commission rejette l’amendement CF56.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF57 de M. David Guiraud.

Amendement CF58 de Mme Marianne Maximi

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Même requête pour les infirmières scolaires, dont le nombre a baissé de 2 000 en cinq ans. Un mal au ventre peut cacher autre chose !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF58.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF59 de Mme Marianne Maximi.

Amendement CF60 de M. David Guiraud

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous demandons que les rémunérations des agents périscolaires soient préservées des coupes budgétaires demandées aux collectivités territoriales. Ces dernières financent environ un quart de la dépense intérieure d’éducation, en particulier les salaires des agents périscolaires qui s’occupent des enfants de 3 à 12 ans, avant ou après l’école. Ils organisent des activités socioéducatives et participent au développement physique, psychologique et affectif des enfants. Pour ce métier essentiel et mal reconnu, l’éducation nationale fait face à une pénurie de candidats. Pendant l’année scolaire 2021-2022, 10 % des effectifs sont restés non pourvus. À Metz, les annonces cherchant à recruter des animateurs pullulent et les enfants sont gardés dans des conditions très dégradées. Dans un contexte où ces métiers n’attirent plus, il serait irresponsable d’exiger des collectivités qu’elles coupent encore dans ce poste de dépenses et détériorent davantage les conditions de travail.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous connaissons tous le rôle des agents périscolaires et saluons leur engagement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF60.

Amendement CF61 de Mme Marianne Maximi

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Dans le même esprit, il s’agit d’exclure les dépenses liées aux services de restauration scolaire des coupes budgétaires demandées aux collectivités territoriales. Les personnels des cantines subissent une très forte dégradation de leurs conditions de travail et de leur salaire, ce qui entraîne une pénurie de personnel. En cas d’absence, ce sont les Atsem qui sont sollicités pour les remplacer : dans ma circonscription, ils n’ont donc plus de pause déjeuner !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF61.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF62 de M. David Guiraud.

La commission rejette l’article 16.

CHAPITRE IV
Le cadre financier pluriannuel des administrations de sécurité sociale

Article 17 :Objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM)

Amendements de suppression CF19 de M. Philippe Brun, CF64 de M. David Guiraud et CF105 de M. Nicolas Sansu

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de supprimer la fixation pluriannuelle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) et de ses sous‑objectifs. On voit bien qu’il est réévalué chaque année. Il n’est pas souhaitable de se lier les mains de la sorte dès le stade de la loi de programmation des finances publiques.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). On ne peut pas admettre qu’un patient reste cinq ou six jours sur un brancard sans voir la lumière du jour, sans savoir l’heure qu’il est et en mangeant un repas froid, me disait Didier, un infirmier aux urgences de Limoges. Or, depuis que vous êtes au pouvoir, ces situations sont devenues presque courantes. Il n’y a pas trente-six moyens de régler ce problème. Le plus simple est d’investir pour l’hôpital et notre santé. La Fédération hospitalière de France demandait par exemple 3 milliards sur le budget rectificatif pour 2023 et 5 milliards pour 2024. À voir l’Ondam, il est sûr que ces moyens n’y seront pas. Prévoir un Ondam aussi faible, c’est dire aux soignants qu’ils n’auront pas de nouveaux collègues et que ceux qui restent vont devoir supporter des situations catastrophiques ; c’est dire aux patients que les dysfonctionnements vont être la norme. Tout l’été, l’hôpital a été à feu. Il faut investir rapidement avant d’assister à davantage de drames.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Le rejet de l’article 16 sur les collectivités vient rappeler ce qu’est concrètement la loi de programmation des finances publiques : moins d’argent pour l’assurance maladie, malgré tout ce qui se passe. Entre les urgences qui ferment ou qui ne peuvent plus accueillir de patients, les hôpitaux surchargés, une médecine de ville en grande tension, il n’est pas sérieux d’avoir un Ondam inférieur au rythme de l’inflation. Il est normal que cette loi de programmation des finances publiques ne trouve l’assentiment ni du peuple, ni de ses représentants.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur Sansu, il n’y a pas de rapport entre la nécessité d’avoir une loi de programmation et les trajectoires. La preuve, en volume, les dépenses des administrations de sécurité sociale augmentent. Cela ne vous convient pas ? Un peu de cohérence ! Par ailleurs, je sais que vous faites peu de cas des institutions mais la Lolf nous impose de définir une trajectoire pour les administrations de sécurité sociale. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. J’entends bien que cet article découle d’une obligation inscrite dans la Lolf, mais déterminer les efforts en matière d’Ondam est un choix politique. L’article 17 entérine une hausse tendancielle qui, à 2,3 %, sera inférieure à l’inflation, et ne tient pas compte de l’évolution naturelle et des besoins en matière de santé, dont la hausse est évaluée à plus 4 %.

Tout à l’heure, ici même, M. Moscovici a dit qu’il faudrait pour les Ehpad 1,9 milliard de dépenses supplémentaires, et c’est sans doute loin de ce qui est nécessaire. Parallèlement, 120 services d’urgence se sont déclarés en détresse ; certains menacent de fermer. Le problème de l’hôpital public n’est pas réglé depuis la crise du covid.

Je ne vois pas comment on peut assumer de ne pas faire correspondre, dans les années à venir, les dépenses de l’Ondam avec les besoins des Français en matière de santé publique, sauf à admettre que ce n’est pas vers la santé publique que se tourneront les Français qui en ont les moyens, mais vers la santé privée. Il s’agit d’un choix politique que l’on ne peut réduire à un choix technique. Pour ma part, je voterai les amendements.

M. Michel Lauzzana (RE). D’abord, l’Ondam est un objectif qui peut être dépassé.

Par ailleurs, nous dépensons proportionnellement plus que les autres pays européens, notamment l’Allemagne, pour un service à peu près équivalent., notamment parce que nous avons dans les hôpitaux plus de personnel administratif. En outre, il y a des économies de structure à faire : j’ai évoqué ce sujet avec le ministre Braun, et je continuerai avec son successeur.

M. Sansu a récité sa tirade misérabiliste habituelle sur la fermeture de services, mais les postes d’infirmières sont ouverts. Ils ne sont pas pourvus, mais dans ma région, nous avons largement augmenté le nombre de places en études d’infirmier pour pouvoir les pourvoir à l’avenir.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Les postes sont ouverts et personne n’en veut : posez-vous les bonnes questions ! Si vous prévoyez un Ondam, donc des investissements, qui ne sont pas suffisants, vous promettez aux soignants qu’ils devront continuer de galérer autant qu’au cours des dernières années : ils ne risquent pas de répondre aux offres de travail !

Pour attirer de nouveaux soignants, il faut d’abord avancer sur la question salariale, et de façon significative. Il faut ensuite plancher sur des ratios et sur l’amélioration des conditions de travail. Ce n’est pas en adoptant des dépenses trop basses que nous y arriverons.

Vous déplorez que les postes ne soient pas pourvus dans les hôpitaux, mais vous allez voter un article garantissant qu’ils ne le seront jamais.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Il y a tout de même dans ces critiques deux contrevérités. D’abord, sur la période, l’Ondam est le seul objectif en croissance positive en volume. Ensuite, sa croissance est supérieure à l’inflation – 3,2 % en 2024, pour une inflation attendue à 2,6 %.

M. Charles de Courson (LIOT). Le premier alinéa de l’article 17 prévoit des montants « exprimés en pourcentage du produit intérieur brut et en milliards d’euros courant ». Ce pourcentage est fixé à 21,8 % sur quatre ans, ce qui peut donner des résultats différents d’une année à l’autre. Ne vaudrait-il pas mieux rédiger l’alinéa pour indiquer qu’il s’agit de faire en sorte que les montants prévus n’excèdent pas 21,8 % du PIB ?

Par ailleurs, dans les premiers articles, les administrations de sécurité sociale recouvrent les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et les régimes complémentaires obligatoires. Comment évolue dans vos prévisions l’écart entre les administrations de sécurité sociale et les régimes obligatoires de base ?

La commission rejette les amendements CF19, CF64 et CF105.

Amendements CF166 du Gouvernement et CF139 de M. Philippe Lottiaux (discussion commune)

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. L’amendement CF166 vise à assurer la mise en cohérence de l’article 17 avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Il élargit la programmation aux années 2026 et 2027, en cohérence avec la programmation des finances publiques.

Plus précisément, il actualise le niveau maximal de l’objectif de dépenses des régimes obligatoire de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Il actualise le plafond des dépenses relevant du champ de l’Ondam pour trois ans, respectivement à 248 milliards en 2023, ce qui correspond au taux de progression, hors dépenses covid, de 4,8 %, 255 milliards en 2024, pour 3,2 % de progression, et 262,5 milliards pour 2025, pour 3 % de progression. Ces chiffres sont très supérieurs aux hypothèses d’inflation. Par ailleurs, il actualise les taux maximaux d’évolution annuelle des sous-objectifs de l’Ondam.

L’amendement CF176 qui viendra juste après prévoit que des économies à hauteur de 6 milliards d’euros par an pour les années 2025 à 2027 devront être trouvées dans le cadre de la revue de dépenses.

M. Philippe Lottiaux (RN). L’objectif global de l’Ondam évolue effectivement : les moyens sont là. En revanche, il y a toujours des besoins énormes et des manques criants dans le système de santé. Chacun s’en rend compte chaque jour dans sa circonscription. Il faut donc sortir du réflexe de réclamer toujours plus de moyens. Il y a un vrai problème au cœur du système, d’organisation, de suradministration et d’inadéquation de la demande aux besoins. Il y a un vrai travail de fond à faire pour améliorer l’allocation et l’efficacité des moyens, dont nul ne nie l’importance, pour répondre aux besoins.

Dans ce cadre-là, nous ne sommes pas opposés à l’évolution globale de l’Ondam, mais il nous semble que le décliner dans des sous-objectifs aussi précis qu’ils le sont à l’heure actuelle empêche de remettre les choses à plat.

L’amendement CF139 vise donc à supprimer les alinéas 5 à 7 relatifs aux sous-objectifs de l’Ondam.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable à l’amendement du Gouvernement. J’invite chacun à regarder les chiffres tels qu’ils sont : il s’agit d’une croissance significative et d’un soutien sans ambiguïté aux services de santé de notre pays.

Je donne un avis défavorable à l’amendement CF139. Les administrations ont besoin des sous-objectifs pour assurer le pilotage, d’autant qu’ils n’imposent aucune contrainte : leur montant est voté par le Parlement chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour avoir une bonne visibilité, il importe d’aller jusqu’à ce niveau de détail.

M. Jean-Philippe Tanguy. Comme je l’ai dit lors des dialogues de Bercy, monsieur le ministre, si vous voulez parvenir à un texte consensuel avec les oppositions, il faut que son ancrage politique ne soit pas excessif. En fixant des sous-objectifs, vous définissez une politique de santé qui va au-delà du besoin de programmation des finances publiques. Nous admettons que, dans le cadre d’un projet de loi de programmation, des impératifs s’imposent, mais ces sous-objectifs vont trop loin. La politique de santé peut se contenter d’une trajectoire de dépenses redéfinie chaque année par le Parlement.

La commission adopte l’amendement CF166 du Gouvernement.

En conséquence, l’amendement CF139 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement CF176 du Gouvernement.

Elle adopte l’article 17 modifié.

 

Article 18 : Encadrement des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et de l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

Amendement CF140 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). Le système de santé a de vrais besoins, notamment les urgences et la médecine de ville, mais il souffre de suradministration. Nous proposons donc que les dépenses de gestion administrative, plutôt que de rester stables, connaissent une baisse, ce qui permettrait de mettre un peu plus d’argent là où il y en a besoin, au profit des soignants et du système de santé à proprement parler.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Dire que M. Tanguy ne voulait pas entrer dans le détail…

Des efforts ont été faits en la matière : les dépenses à caractère limitatif, hors investissement, du régime général ont diminué de 8,76 % entre 2013 et 2019. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Tel qu’il est rédigé, l’article 18 s’applique-t-il uniquement au régime de base et à l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique, ou aussi aux régimes complémentaires ? De mémoire, les conventions d’objectifs et de gestion ne s’appliquent qu’aux régimes de base.

M. Jean-Philippe Tanguy. Monsieur le rapporteur général, nous ne sommes pas dans une discussion de marchands de tapis. Vous appelez les oppositions à la responsabilité et à voter ou laisser adopter votre texte. Mais vous rejetez l’amendement CF139 sans me dire en quoi laisser davantage de liberté pour les sous-trajectoires de la politique de santé remettrait en cause l’équilibre général de la programmation des finances publiques. Si votre état d’esprit est d’essayer d’éviter le 49.3, mais en n’accordant aucune attention ni aucune réponse à aucune de nos propositions, cela contredit votre propos liminaire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Nous ne nous contentons pas de nous donner une trajectoire permettant de rétablir nos finances publiques, nous donnons une information à toutes les administrations concernées. Compte tenu des dynamiques démographiques, il n’est pas idiot de prévoir une croissance plus importante des dépenses des établissements et services pour personnes âgées que des soins de ville.

S’agissant d’une information donc, plus elle est détaillée, mieux c’est : elle n’est pas contraignante et se contente d’indiquer une direction. S’agissant de sommes avoisinant 700 milliards d’euros, une vision détaillée qui ne se noie pas dans les détails est préférable à une vision exclusivement globale.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur de Courson, l’article 18 ne concerne pas les complémentaires santé. S’agissant des prévisions pour 2027, le régime général et le FSV seront en déficit de 0,3 point de PIB, les régimes complémentaires en excédent de 0,3 point de PIB, l’Unédic de 0,4 point de PIB et la Caisse d’amortissement de la dette sociale de 0,6 point de PIB.

La commission rejette l’amendement CF140.

Elle adopte l’article 18 non modifié.

 

Article 19 : Mise en réserve d’une fraction du montant de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie

Amendement CF149 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il vise à donner un peu de souplesse à la mise en réserve en faisant en sorte qu’elle ne soit pas définie au niveau des sous-objectifs mais de l’Ondam.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avis favorable.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Cet amendement m’intrigue. Je ne vois pas en quoi décliner la mise en réserve par sous-objectifs pose problème.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Certaines missions prévoient des mises en réserve supplémentaires, d’autres non, en fonction de l’évolution de la consommation des crédits. Figer la mise en réserve par sous-objectifs dans la loi de programmation interdit toute dérogation ultérieure.

La commission adopte l’amendement CF149.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Article 20 : Instrument de pilotage des « niches sociales »

Amendement CF108 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (RE). Il vise à rendre obligatoire une évaluation des dépenses fiscales lors de leur prorogation présentée par le Gouvernement au moins six mois avant l’expiration du dispositif.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement aurait un effet contraire à celui recherché, en substituant de fait à la date d’application du dispositif – le 1er janvier 2023 – la date de publication de la présente loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF108.

Amendements CF23 de M. Philippe Brun, et CF97 et CF98 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). Nous reprenons ici l’excellent amendement de Joël Giraud, adopté en première lecture, qui visait à rendre obligatoire une évaluation des niches sociales lors de leur prorogation.

M. Daniel Labaronne (RE). Les amendements CF97 et CF98 visent à rendre obligatoire une évaluation des dépenses fiscales lors de leur prorogation.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces amendements sont satisfaits. Chaque niche sociale fait l’objet d’une évaluation tous les trois ans. Demande de retrait ou avis défavorable.

Les amendements CF97 et CF98 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CF23.

Elle adopte l’article 20 non modifié.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA GESTION
DES FINANCES PUBLIQUES
ET À L’INFORMATION ET AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

CHAPITRE Ier
Ensemble des administrations publiques

Article 21 : Dispositif d’évaluation de la qualité de l’action publique

Amendement CF124 de M. Charles Sitzenstuhl

M. Charles Sitzenstuhl (RE). L’article 21 couvre un champ assez vaste. Il prévoit notamment des évaluations de la qualité de l’action publique. Nous avons eu l’an dernier un débat fourni à ce sujet. Mathieu Lefèvre et moi-même présentons un amendement qui avait été adopté en première lecture, visant à préciser que les évaluations de la qualité de l’action publique dressent la liste des doublons de compétences et de missions entre les administrations publiques.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’article 21 illustre ce que nous voulons faire dans le cadre de la présente loi de programmation : de l’évaluation et du bornage le plus systématiquement possible. Cela relève de la bonne gestion. S’il ne vote pas le texte, le Parlement se privera d’outils essentiels. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CF124.

Amendement CF153 de M. Daniel Labaronne et sous-amendement CF179 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Daniel Labaronne (RE). L’amendement vise à améliorer l’information du Parlement sur les niches fiscales. De trop nombreux dispositifs ne sont ni évalués, ni bornés dans le temps, ce qui contrevient au caractère dérogatoire des dépenses fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. L’amendement va dans le bon sens. Toutefois, il existe environ 400 niches fiscales. Leur traitement exhaustif exigerait un travail colossal. Le sous-amendement vise à réduire dans un premier temps l’information aux trente dépenses fiscales les plus coûteuses, ce qui permettra de couvrir plus de la moitié des dépenses. Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous voterons l’amendement, non sans trouver étrange d’en limiter le champ, d’autant qu’il n’est pas très revendicatif. J’avais cru comprendre que nous étions à l’euro près…

Se pencher sur les niches fiscales qui n’intéressent pas grand monde n’est pas sans intérêt. En effet, de nombreuses entreprises ne bénéficient pas des aides directes et indirectes de l’État faute de maîtriser ce domaine très complexe. Dès lors qu’il existe 450 niches fiscales, seules les très grosses boîtes ont les conseillers fiscaux et les spécialistes nécessaires pour creuser la question, et ce sont elles qui se voient attribuer de l’argent dont elles n’ont pas besoin.

Le sous-amendement n’est pas le bienvenu. Il faut soutenir M. Labaronne, qui a eu un bel éclair de lucidité.

La commission adopte le sous-amendement CF179.

Elle adopte l’amendement CF153 sous-amendé.

Amendement CF154 de M. Michel Lauzzana et sous-amendement CF182 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Michel Lauzzana (RE). L’amendement CF154 vise à améliorer l’information du Parlement en matière de transparence financière s’agissant des niches sociales, dans un souci de bonne gestion. De trop nombreux dispositifs ne sont ni bornés dans le temps ni évalués, ce qui contrevient au caractère dérogatoire des dépenses sociales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Les niches sociales font l’objet d’une évaluation triennale prévue dans la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Ce dispositif est en cours de mise en place. Le dupliquer par une évaluation annuelle sur un champ plus restreint semble prématuré. Je propose donc de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 2 de votre amendement, et sous cette réserve, je lui donne un avis favorable.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement est intéressant, mais il ne s’attache qu’aux régimes obligatoires de base. Or l’État compense aux régimes complémentaires de retraite les décisions prises en matière d’exonération partielle de cotisations patronales. Ne faut-il pas inscrire dans le champ de l’amendement les régimes complémentaires obligatoires, tels que l’Agirc-Arrco ? Le problème se pose aussi dans les articles 18, 19 et 20. Je déposerai un sous-amendement en séance à ce sujet.

La commission adopte le sous-amendement CF182.

Elle adopte l’amendement CF154 sous-amendé.

Amendement CF148 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il s’agit de l’évaluation de la qualité de la dépense publique : le Sénat a procédé à des ajouts sur cette question qui compromettent la lisibilité de l’article 21, prévoyant notamment la transmission des données relatives aux personnes auditionnées et leur mise à disposition au format numérique. Je propose de supprimer ces ajouts, en conservant toutefois ce qui concerne la transmission en année n-1 des dépenses ayant vocation à être évaluées.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Tel que cet article revient du Sénat, le II ne pose pas de difficulté, mais le III et le IV ne sont pas praticables. Avis favorable.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cet amendement me surprend. Il vise à supprimer des évaluations portant sur « l’ensemble des dépenses et des moyens des administrations publiques ou des entités bénéficiant de fonds publics ainsi que sur les crédits d’impôt, les dépenses fiscales et les exonérations ou abattements d’assiette et les réductions de taux s’appliquant aux cotisations et contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base et aux organismes concourant à leur financement ».

Je ne vois pas pourquoi nous n’auditionnerions pas les personnes physiques ou morales, privées et publiques, soumises à ces contrôles. Il faut peut-être lever une difficulté juridique, mais je n’en vois pas la raison politique.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous ne supprimons pas les évaluations que vous citez, qui sont l’objet même de l’article pour lequel nous voterons. En revanche, ce que vous évoquez se heurte à un obstacle très simple : chacune et chacun d’entre nous a droit au secret fiscal. C’est même l’un des éléments constitutifs de la démocratie.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il ne s’agit pas de révéler des informations fiscales. L’amendement supprime simplement la « liste des personnes physiques ou morales, privées ou publiques, entendues ou ayant participé directement ou indirectement à la réalisation des travaux ».

La commission adopte l’amendement CF148.

Elle adopte l’article 21 modifié.

CHAPITRE II
Administrations publiques centrales

Article 22 : Interdiction faite aux organismes divers d’administration centrale de contracter des emprunts d’une durée supérieure à un an

La commission adopte l’article 22 non modifié.

CHAPITRE III
Administrations publiques locales

CHAPITRE IV
Administrations de sécurité sociale

Article 24 : Transmission par le Gouvernement de la décomposition du solde des administrations de sécurité sociale entre différentes catégories d’organismes

La commission adopte l’article 24 non modifié.

CHAPITRE V
Autres dispositions

Article 25 : Bilan annuel de la mise en œuvre de la loi de programmation des finances publiques

La commission adopte l’article 25 non modifié.

 

Article 26 : Abrogation de dispositions de lois de programmation des finances publiques antérieures

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements CF87, CF84, CF85, CF86 et CF83 de M. Philippe Brun.

Elle adopte l’article 26 non modifié.

TITRE Ier
ORIENTATIONS PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés) : Approbation du rapport annexé

Amendements CF134 de M. Frédéric Cabrolier et CF135 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune)

M. Frédéric Cabrolier (RN). Mon amendement vise à compléter l’article 1er par les mots « et conformément aux cibles et jalons du plan national de relance et de résilience. » Si, comme vous le dites, l’adoption de la présente loi de programmation des finances publiques conditionne le versement des fonds du plan national de relance et de résilience, il est logique que l’Assemblée nationale en prenne acte dans le texte soumis au vote.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le CF135 est un amendement d’appel complémentaire : il s’agit d’établir si la discussion que nous avons est en lien avec les accords que le Gouvernement a passés avec la Commission européenne et si tout ou partie du vote de cette loi est imposé par elle pour nous permettre de toucher les fameux 18 à 19 milliards d’euros. Les Français et les Françaises méritent de savoir à quel point nous sommes inféodés à la Commission européenne. Même pour toucher un plan de financement que nous finançons majoritairement, nous devons nous lier avec elle ! La situation est surréaliste : elle revient à payer un plan de financement que l’on n’a même pas touché.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La précision que vous apportez n’a rien à faire dans cet article. Elle a fait l’objet de nombreux débats : outre le très récent courrier de la Commission européenne adressé à la France évoqué au début de nos débats, je vous ai envoyé un courrier en juillet qui expliquait pourquoi nous avons besoin de cette loi de programmation pour toucher ces fonds.

Il est faux de penser qu’il nous faut une loi de programmation pour répondre aux exigences de l’Europe. Le Premier président de la Cour des comptes l’a dit, nous avons besoin de cette loi d’abord pour nous, le Parlement, et ensuite pour nos administrations, qui ont besoin de disposer de cette vision sur cinq ans. Nous en avons également besoin pour les marchés, afin d’expliquer aux acteurs qui nous prêtent de l’argent que nous avons pris des décisions pour redresser et maîtriser nos finances publiques.

Et, oui, nous sommes le dernier pays d’Europe qui ne l’ait pas instaurée : conformément au jalon que nous avons nous-même posé, nous en avons besoin pour toucher les sommes importantes que nous avons évoquées – environ 11 et 7 milliards, voire davantage après 2024. Ce n’est pas pour passer sous les fourches caudines de l’Europe que nous discutons de cette loi de programmation, comme vous semblez le dire. Nous en avons vraiment besoin, pour toutes les raisons expliquées depuis cet après-midi.

Votre amendement n’apporte rien. C’est la raison pour laquelle je vous propose de le retirer.

M. le président Éric Coquerel. Sur cette question, je vous renvoie à mes déclarations liminaires et au courrier que j’ai envoyé.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je respecte votre point de vue et votre idéologie. Le Rassemblement national fera un choix de conscience et de responsabilité sur cet article. Je le redis, nous n’accordons aucune crédibilité à votre programmation budgétaire. Ces lois sont inutiles et artificielles ; elles ne sont jamais respectées, et celle-ci n’y fera pas exception. Ce n’est qu’en raison du financement européen que nous envisageons de laisser passer cette loi. Pour le reste, cela ne vaut rien.

Mon amendement d’appel vous semble superfétatoire. Pour moi, il est essentiel, puisque nous rejetons le mikado institutionnel que vous avez créé, le fait de se lier les mains, et jusqu’aux doigts, avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne, bref, toutes les institutions non élues qui font que nous sommes réunis et que nous travaillons très tard sur un texte qui ne devrait même pas exister.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous sommes autant étonnés de la réponse du Gouvernement que de la défense du Rassemblement national. Leur amendement explique que 175 cibles et jalons différents, qualitatifs ou non, sont censés conditionner le versement des fonds européens. Nous ne savons pas si la Commission européenne va nous sanctionner ou non. Et dans le même temps, ils disent qu’ils vont voter cette loi, par responsabilité. Ce qui est responsable, c’est de déterminer s’il existe une obligation de la part de la Commission européenne.

Surtout, cela signifie que vous acceptez le texte ! La France a donné énormément d’argent au plan de relance européen. Et l’on devrait se coucher devant les exigences de la Commission européenne ? De la part de la République en marche, on le savait, mais je croyais que le Rassemblement national avait une forme de résistance, qui a disparu sous le sceau de la respectabilité. Ce sont les Français et la souveraineté de la France qui paient.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On ne peut pas laisser dire que notre pays ne respecte pas ses lois de programmation. Regardez ce qui a été fait en 2017 et 2019 : nous avons respecté les engagements que nous avions pris vis-à-vis de l’Europe, pour redresser nos finances publiques et passer sous la barre des 3 %. En 2023, malgré la crise en Ukraine, l’inflation et la crise énergétique, nous avons respecté nos engagements en matière de déficit, de croissance du PIB et d’inflation. Malgré un contexte extérieur très difficile, nous pilotons notre pays et nous respectons les engagements que nous prenons envers nos concitoyens.

Monsieur Guiraud, je ne me couche devant personne – l’expression n’est pas très heureuse. Effectivement, j’appartiens à une majorité qui est européenne et qui assume de faire ses choix avec l’Europe car face à la transition écologique, face aux dangers extérieurs, militaires notamment, face aux puissances qui ne nous veulent pas toutes du bien, la meilleure réponse est toujours une réponse européenne.

La commission rejette successivement les amendements CF 134 et CF135.

Amendement CF178 rectifié du Gouvernement et sous-amendements CF192 de M. David Guiraud, CF193 de Mme Marianne Maximi, CF196 et CF198 de M. David Guiraud, CF197 de Mme Marianne Maximi, CF188 de M. Charles de Courson, CF199 de Mme Marianne Maximi, CF194 et CF200 de M. David Guiraud, CF195 et CF201 de Mme Marianne Maximi, CF208 de M. Jean-Philippe Tanguy, CF202 de M. David Guiraud, CF207, CF205 et CF206 de M. Jean-Philippe Tanguy, CF203 de Mme Marianne Maximi, CF185 de Mme Eva Sas et CF204 de M. David Guiraud

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Depuis la présentation en première lecture du projet de loi de programmation des finances publiques, le contexte macroéconomique et la trajectoire des finances publiques ont connu des évolutions qui conduisent à présenter un amendement pour modifier les chiffres du présent article. Il met à jour le rapport annexé, qui détaille les hypothèses et les objectifs du Gouvernement, conformément au nouveau scénario de finances publiques. Le contenu de ce rapport est encadré par l’article 1er E de la loi organique du 28 décembre 2021.

L’activité a progressé de 1 % en 2023, une prévision inchangée par rapport au programme de stabilité et au projet de loi de programmation des finances publiques. La croissance accélérerait de 1,4 % en 2024. Sur la période 2025 à 2027, la croissance serait supérieure à son rythme potentiel de 1,35 % par an.

L’inflation refluerait progressivement vers son niveau de long terme, estimé à 1,75 %, au fur et à mesure que s’achève la transmission des hausses passées de prix de matières premières et de ralentissement des salaires. Elle s’élèverait alors à 4,9 % en 2023 et à 2,6 % en 2024.

La présente trajectoire des finances publiques intègre ce nouveau scénario macroéconomique et se caractérise par un déficit public prévu à 4,9 % en 2023, 4,4 % en 2024 et 2,7 % en 2027. Nous présentons donc une trajectoire de solde public plus ambitieuse que celle de la première lecture, avec un retour du déficit public sous le seuil des 3 % en 2027, à 2,7 % contre 2,9 % dans le texte initial.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). L’adoption de l’amendement du Gouvernement ferait tomber tous les amendements au rapport annexé. Nous avons donc déposé une série de sous-amendements qui les reprennent, et qui contredisent une série de propos faux, de non-dits, de vérités travesties par cet exposé des motifs très dérangeant.

Ainsi, s’agissant des perspectives macroéconomiques, non, le taux de croissance n’était pas particulièrement élevé en 2021. Il s’explique par le fait que la récession en France a été beaucoup plus forte que dans d’autres pays : le PIB de notre pays a chuté de 7,8 % en 2020, tandis que l’Allemagne résistait beaucoup mieux. Il n’y a donc pas eu de retour à la croissance ni de rebond particulièrement visible après la crise sanitaire : la croissance était atone.

M Damien Maudet (LFI-NUPES). Il y a peu, le Président de la République est venu dire sur les plateaux que les prix avaient augmenté plus vite que les matières premières. Sous-entendu : des entreprises ont profité de la crise pour faire des marges colossales, et c’est sans doute aussi à cause d’elles que nous connaissons cette situation d’inflation.

À la télé, Emmanuel Macron est donc prêt à reconnaître que l’inflation est de la faute des entreprises qui ont fait des profits. Pourtant, le projet de loi n’en dit pas un mot. On a d’un côté le cosmétique et de l’autre, la réalité d’une loi qui attribue tout le poids de l’inflation à la guerre en Ukraine sans dire un mot des profiteurs de crise. Il n’y a rien sur les marges, rien sur le Fonds monétaire international, qui dit pourtant que les profits sont une des grandes raisons de l’inflation, rien sur des entreprises comme Verallia, Carrefour, Pernod Ricard, Unilever. Bref, nous souhaitons montrer ici l’hypocrisie dont vous faites preuve.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). D’après l’amendement, en 2023, la croissance du PIB serait de 1 %, une prévision inchangée par rapport au programme de stabilité. Ce n’est pas sûr. La zone euro est en train d’entrer en récession. Nos voisins allemands, premiers partenaires commerciaux, rencontrent des difficultés. Ces prévisions sont mal calibrées. Si nous avons une croissance, ce sera en fonction de la baisse des importations : on parlera de croissance en pleine période de récession. Cela fait partie des éléments de langage qui sont faux.

Le sous-amendement CF198 porte sur l’inflation. Vous dites qu’en moyenne annuelle, elle s’établira à 5,8 % selon les prévisions de la Banque de France. C’est optimiste. Le Haut Conseil des finances publiques nous incite à davantage de prudence. Les prix sont encore en train d’augmenter dans de nombreux secteurs. Des économistes et des experts penchent pour revoir cette prévision. D’ailleurs, depuis un an, nous vous disons que vous êtes trop optimistes en matière d’inflation et depuis un an les prix continuent d’augmenter. Cette prévision est en décalage avec la réalité.

Le sous-amendement CF197 vise à supprimer vos perspectives de croissance, qui sont fausses. L’hypothèse de 4,2 % d’inflation en 2023 et de 2,4 % dès 2024 est une sous-estimation. Depuis un an, nous répétons que vos hypothèses sous-estiment l’inflation et surestiment la croissance.

M. Charles de Courson (LIOT). L’estimation du niveau de croissance pour 2024 est obsolète depuis la parution du projet de loi de programmation des finances publiques. Le Gouvernement a annoncé vouloir ramener la prévision de croissance de 1,6 % à 1,4 %. Pourtant, les prévisions de la Commission européenne de l’été 2023 et celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de septembre 2023 convergent vers le chiffre de 1,2 %. Dès lors, je propose de modifier à la baisse cette prévision.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Le sous-amendement CF199 a aussi pour objet de supprimer ce qui n’est ni plus ni moins qu’un mensonge. Les réformes de l’assurance chômage, des retraites ou du marché du travail sont censées soutenir la capacité productive de l’économie, accroître l’offre de travail et promouvoir le plein emploi. Or, M. le ministre délégué l’a dit, elles n’ont qu’un but : faire des économies.

Ces économies s’effectuent au prix de la régression sociale et de l’explosion de la pauvreté, sans qu’augmente l’offre de travail. Par exemple, la réforme des retraites se traduit par une augmentation du chômage pour les jeunes et pour les seniors : l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) table ainsi sur une augmentation de 0,9 % du chômage, avec une baisse des salaires de 3 %. L’idée du sous-amendement est donc d’assumer les objectifs réels de ce texte et de ne pas mentir dans sa rédaction.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Le sous-amendement CF194 précise que la création d’emplois a été fortement soutenue par l’alternance, qui en représenterait environ le tiers depuis fin 2019. On voit encore une fois une forme de non-dit : vous expliquez que la création d’emplois est boostée dans le pays, en oubliant de rappeler que c’est l’alternance qui tire en avant les chiffres et que les alternants ne sont pas sûrs de trouver un poste à la fin. L’alternance est une forme d’emploi qui n’est pas garantie, et qui peut conduire à des métiers précaires.

À l’alinéa 31, vous dites que la trajectoire des finances publiques est affectée par les conséquences de la guerre en Ukraine et par les tensions inflationnistes. À aucun moment vous ne remettez en cause la politique du Gouvernement. Vous avez créé un bouclier tarifaire pour l’énergie, qui est troué. Vous ne remettez pas en cause votre politique de l’offre, ni le fait que 200 milliards de la TVA, dont 100 milliards sont amputés de la consommation populaire, vont compenser des cadeaux au grand patronat. Le sous-amendement CF200 précise que c’est parce que vous avez maintenu des dépenses fiscales et que vous n’avez pas instauré de taxation supplémentaire sur les hauts profits que le pays est en difficulté.

Par le sous-amendement CF195, nous rappelons que vous ne parlez pas une seconde de taxation sur les superprofits. Les marges des entreprises ont justement amputé le pouvoir d’achat des Français.

Récemment, la Première ministre a parlé de revente à perte. Puis, le Président de la République a annoncé des ventes à prix coûtant. On sait déjà qu’énormément d’entreprises ne pourront faire ni l’un ni l’autre. Tout cela pour ne pas parler de la question fondamentale des marges des entreprises et éviter une contrainte pour les grands groupes, qui ont fait des marges historiques ces dernières années.

Le sous-amendement CF201 vise enfin à compléter l’alinéa 39, car vous ne parlez pas des niches fiscales. M. Labaronne a eu tout à l’heure un éclair de lucidité : il faut avoir ce débat. Il paraît que nous sommes à l’euro près ; nous donnons plus de 200 milliards d’aides directes ou indirectes aux grandes entreprises. Nous souhaitons inscrire dans le texte que la réduction des niches fiscales et sociales inefficientes aurait évité d’instaurer une politique d’austérité pour réduire la dette publique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le sous-amendement CF208 est raisonnable : il vise à déterminer dans la loi de programmation s’il est opportun de poursuivre la politique d’endettement indexée sur l’inflation, compte tenu du poids et de la perspective de la dette française.

La part du coût de financement de la dette indexée sur l’inflation a explosé ces dernières années. Il s’agit non de l’interdire, comme le veut le Rassemblement national, mais d’expertiser, de prendre en compte et d’apprécier l’opportunité de poursuivre ou non en ce sens, ou de changer la structure de la stratégie d’endettement.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Vous parlez de remontée durable des taux d’intérêt mais vous ne dites pas que c’est depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au ministère des finances, sous François Hollande, que la France a émis massivement des emprunts indexés sur l’inflation, à un moment où ils n’étaient pas nécessaires car les niveaux d’inflation étaient très faibles. Il faut rétablir la vérité : cette politique a coûté énormément d’argent.

Aujourd’hui, en période de forte inflation, on peut discuter de l’opportunité d’émettre des obligations indexées sur l’inflation, en pariant sur la baisse de celle-ci. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, mais on peut avoir le débat. En attendant, il faut pointer la responsabilité d’Emmanuel Macron, en tant que ministre puis que président, d’avoir indexé autant d’obligations sur l’inflation.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le sous-amendement CF207 retrace une des propositions que le Rassemblement national a faites lors des dialogues de Bercy, à la demande du ministre délégué. Je confesse qu’elle est inspirée de ce qu’avaient proposé les Républicains, à savoir réaliser une meilleure revue des dépenses. Au terme de celle-ci, chaque force politique qui aspire à gouverner le pays fera des propositions concrètes de coupes structurelles et d’efficacité budgétaire.

La proposition peut être modifiée d’ici à la séance. Il s’agit de créer une forme de travail qui associe toute la représentation nationale, les services de Bercy et les magistrats financiers, à la revue des dépenses. C’est une proposition concrète, pour que l’on arrive à identifier ensemble de vraies améliorations budgétaires.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le sous-amendement CF185 vise à inscrire dans la loi les promesses de la Première ministre sur les 7 milliards de crédits de paiement et les 10 milliards d’autorisations d’engagement pour la transition écologique. Surtout, comme le préconise le rapport Pisani-Ferry, il trace une perspective de financement pour la rénovation énergétique, jusqu’à 14 milliards en 2030.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Vous dites dans votre amendement que le solde du régime d’indemnisation du chômage se redressera entre 2023 et 2027 « grâce à un emploi dynamique, sous l’effet des mesures soutenant l’offre de travail en vue du plein emploi ». Cela est faux. La réalité vous le rappellera cruellement : vous créez des métiers sous-payés, mal payés. Vous empêchez les salariés de cotiser avec un salaire brut qui leur permet de contribuer au régime de la sécurité sociale. Le résultat, ce sera juste une réforme qui enlèvera de l’argent à la Sécu.

N’allez pas nous dire que tout cela est bon pour les Français car en vérité, cet argent que vous allez exonérer de cotisations sociales, vous le compenserez avec la TVA, l’argent des Français. En fait, vous ferez financer une grande partie du système de sécurité sociale par l’argent de la consommation populaire alors qu’auparavant, ce sont les cotisations des travailleurs français qui assuraient la pérennité du régime.

Vous cassez non seulement la bonne santé du régime de la Sécu, mais aussi la consommation populaire. Vous êtes déjà en train de transférer 60 milliards pour compenser les exonérations de cotisations sociales et réparer les dégâts que vous faites à ce système.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La réactualisation du rapport annexé est nécessaire eu égard à ce qui s’est passé depuis l’automne 2022 – tensions d’approvisionnement, climat d’incertitude, hausse des prix des matières premières, qui ont provoqué un ralentissement de notre activité. Les effets négatifs de ces chocs sur l’activité se dissipent progressivement. Les prix des matières premières se sont largement détendus. Le pic d’inflation est passé et l’activité a retrouvé de l’élan au deuxième trimestre 2023, avec une croissance de 0,5 %. Le marché de l’emploi est également resté bien orienté, avec un taux de chômage de 7,2 % au deuxième trimestre 2023. Le choc a été très important, mais le pire est derrière nous.

En 2024, l’activité s’élèvera à 1,4 %, ce qui est mieux qu’en 2023, et l’inflation sera en baisse. On aura donc un rebond économique et un ralentissement de l’inflation.

Le scénario potentiel est un peu modifié, avec une perte de productivité globale des facteurs plus forte que celle estimée en septembre dernier et un rebond de l’activité plus tardif. Au total, la perte pérenne, liée à la succession des crises sanitaires énergétiques, précédemment estimée à un peu moins de 1 point, sera révisée à la hausse, à un peu plus de 1 point.

Je donne un avis défavorable à l’ensemble des sous-amendements.

Vous n’avez de cesse de minorer la performance de notre pays. Que l’on dise que la France va plutôt mieux que les autres pays, que la croissance de son PIB est meilleure que celle de ses principaux voisins, cela vous embête ! Mais je persiste : quand on compare l’avant et l’après crise sanitaire, en faisant la somme de la baisse et du rebond, la France est un des pays qui obtient la meilleure performance.

Monsieur Guiraud, permettez-moi de douter de vos qualités de prévisionniste. Il y a un an, vous nous disiez déjà que nous n’aurions pas la croissance de 1 %, ni l’inflation de 4,9 % que nous avions prévues. Reconnaissez au moins que vous vous êtes trompé pour 2023 et faites preuve d’un peu de prudence pour vos prévisions pour la suite.

L’alternance est un succès : elle est plébiscitée par les jeunes, par les entreprises, par les organisations professionnelles. Il y a 900 000 alternants : si ce n’était pas un succès, on serait redescendu aux 300 000 ou 400 000 des années précédentes. Leur taux d’embauche est très élevé. C’est un moyen privilégié de recrutement des employeurs.

Vous vous trompez également s’agissant des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées. L’indexation a permis en 2023 de faire en sorte que les intérêts baissent, de façon mécanique, puisque cette année-là l’inflation a diminué par rapport à 2022. L’impact des 10 ou 12 % des OAT indexées est positif cette année. Si nous vous avions écoutés l’année dernière, nous aurions à l’avenir des intérêts de la dette très probablement supérieurs.

Et heureusement que nous n’allons pas prendre des taux fixes sur l’intégralité de nos emprunts cette année ! Nous serions pénalisés, avec une inflation qui s’oriente à la baisse. J’imagine que ce n’est pas ce que vous souhaitez.

Le sous-amendement CF207 paraît satisfait.

S’agissant des responsables de la crise, permettez-moi d’avoir un propos politique. Vous dites que c’est la faute des entreprises et des grands groupes, vous détaillez tout ce qui manque selon vous dans le rapport annexé… Mais c’est d’abord la faute de la Russie ! Je ne vous entends jamais le reconnaître, cela m’ennuie.

M. le président Éric Coquerel. C’est un propos un peu polémique.

M. Philippe Brun (SOC). Nous assistons à un drôle de manège, où une opposition déclarée, le Rassemblement national, mène une sorte de tango avec la majorité présidentielle. À l’écouter, Jean-Philippe Tanguy vise la place de ministre d’ouverture dans le gouvernement de Mme Borne – il paraît que le poste de Mme Backès est à pourvoir…

Il est incompréhensible que l’on puisse voter ce projet de loi de programmation des finances publiques en s’appuyant sur le fait que la Commission européenne nous refuserait le plan de relance. La France est le seul pays européen à avoir inscrit cette loi de programmation des finances publiques dans ses jalons. Les décisions d’exécution mentionnent bien qu’une évaluation du respect de ces jalons est faite. Il est évident que la Commission et le Conseil prendraient acte de l’absence de majorité absolue pour le Gouvernement à l’Assemblée nationale si la loi de programmation n’était pas adoptée. Surtout, l’essentiel est de respecter ses engagements, et l’on voit à quel point le Gouvernement est loin de pouvoir le faire en matière financière. Il n’y a aucune raison de venir au secours d’un gouvernement qui n’est pas capable de tenir ses comptes.

M. Daniel Labaronne (RE). J’ai eu du mal à suivre la démonstration macroéconomique de notre collègue Guiraud. Le Gouvernement prévoit un taux de croissance de 1 %. Selon la Banque de France, l’acquis de croissance à la fin du deuxième trimestre est déjà de 0,8 %. Vous, vous estimez que nous atteindrons 0,8 % au final – donc que nous enregistrerons zéro point de croissance dans les deux derniers trimestres de l’année.

Nous atteindrons bien notre objectif de 1 % de croissance. Quant au taux d’inflation, la prévision du Gouvernement est à 4,9 % et celle de l’Insee à 5 %. Et cela suffit pour que vous dénonciez des prévisions trop optimistes du Gouvernement !

Vous contestez aussi le taux de croissance post-covid : la France aurait eu de moins bons résultats que l’Allemagne. Mais c’est bien notre pays qui est en croissance économique et l’Allemagne qui est en récession ! Je ne comprends donc pas bien votre raisonnement.

En tout cas, ce que vous dites de nos perspectives macroéconomiques n’est confirmé ni par la Banque de France ni par l’Insee.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Dans ce festival de contre-vérités, je suis heureux de voir que tout le monde danse.

L’économie de la France a plongé après le covid, de quasiment 7 %. Les Allemands ont moins baissé. Les années suivantes, il y a eu un rattrapage. Si on revient à zéro, on peut donc dire que la croissance est de 7 %, mais c’est faux. Nous vous disons que le PIB n’augmente pas, que les exportations sont en baisse, que la zone euro est en récession, et vous avez le toupet d’affirmer que la croissance sera faramineuse ! C’est complètement contredit par la réalité.

Vous vous en rendrez vite compte, qu’il s’agisse de la croissance ou de l’inflation. Ces choses sont ressenties par les Français. On ne peut pas avoir de débats de chapelles dans cette commission : on atteint parfois 20 % d’inflation sur les produits alimentaires ! Vous expliquez à des représentants de la nation et, derrière, aux Français, que l’inflation sera contenue. Mais, dans les supermarchés ou les stations essence, elle ne l’est pas, on est presque à 2 euros le litre ! Ce que vous dites est un festival de contrevérités.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous n’arriverons pas à réconcilier M. Guiraud avec nos perspectives macroéconomiques. Je maintiens que l’économie française résiste bien par rapport à l’Allemagne, que nos perspectives de croissance pour 2024 sont cohérentes avec ce que nous avons observé en 2023 et que les perspectives d’inflation sont orientées à la baisse, quelles que soient les difficultés bien réelles que nous traversons.


Avant de conclure, je redis à Philippe Brun, David Guiraud et Jean-Philippe Tanguy que la Commission européenne ne fonde pas un argument suffisant pour voter la loi. Nous la votons pour nous-mêmes, non pour les jalons que nous nous sommes fixés pour toucher des versements de la Commission européenne. Nous la votons parce que nous croyons à la nécessité de baisser le déficit public sous les 3 % en 2027, de stabiliser les taux de prélèvements obligatoires à 44,4 % et de diminuer le niveau de la dépense publique. C’est cette trajectoire que chacun doit regarder, en se demandant si elle correspond à l’idée qu’il se fait d’une trajectoire utile pour notre pays.

La commission rejette successivement chacun des sous-amendements.

Elle adopte l’amendement CF178 rectifié du Gouvernement. En conséquence, le rapport annexé est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les autres amendements au rapport annexé tombent.

Puis la commission adopte l’article 1er.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi de programmation des finances publiques modifié.

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