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N° 1696

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2023.

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à soutenir les femmes qui souffrent d’endométriose,

 

 

 

 

Par M. Emmanuel TACHÉ de la PAGERIE,

Député.

 

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Voir le numéro : 1221 rect.

 

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. L’endométriose, vers un enjeu de santé publique majeur

A. Une affection complexe et mal connue

B. Une affection qui peut entraîner des conséquences individuelles et sociales très lourdes

II. Une reconnaissance institutionnelle cruciale et urgente

A. Des politiques publiques encore insuffisantes

1. Des dispositifs de prise en charge institutionnelle trop restrictifs

2. Des politiques publiques naissantes et sans effets perceptibles sur le terrain

B. La nécessaire intervention du législateur

Commentaire des articles

Article 1er Garantir une prise en charge à 100 % des soins liés à l’endométriose

Article 2 Reconnaître la qualité de travailleur handicapé aux femmes atteintes d’endométriose qui le souhaitent

Article 3 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE N° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

ANNEXE n° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


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Introduction

I.   L’endométriose, vers un enjeu de santé publique majeur

L’endométriose est une maladie complexe qui peut engendrer de lourdes conséquences sur le quotidien des très nombreuses femmes qui en sont atteintes. En raison de son caractère parfois très invalidant, du nombre considérable de femmes touchées mais aussi de l’indigence de la prise en charge proposée en France, il s’agit aujourd’hui d’un problème de santé publique majeur.

A.   Une affection complexe et mal connue

Selon la définition académique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), « l’endométriose est une maladie caractérisée par la présence anormale de tissu utérin (ou tissu endométrial) en dehors de la cavité utérine. Cette anomalie engendre des lésions composées de cellules qui possèdent les mêmes caractéristiques que celles de la muqueuse utérine (l’endomètre) et se comportent comme elles sous l’influence des hormones ovariennes. » ([1])

Il est communément estimé que cette affection concerne plus de 10 % des femmes en âge de procréer. En France, entre 1,5 et 2,5 millions de femmes en seraient atteintes ([2]), tandis que l’endométriose toucherait plus de 14 millions de femmes en Europe et selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 190 millions de femmes dans le monde ([3]).

Ces chiffres restent toutefois des estimations assez floues, face à une affection encore trop mal diagnostiquée. Les auditions conduites par le rapporteur montrent en effet que le nombre de femmes atteintes d’endométriose pourrait être bien plus conséquent. Le professeur Sofiane Bendifallah, membre de la commission « endométriose » du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), estime ainsi qu’il pourrait y avoir jusqu’à 4 millions de femmes atteintes en France, au regard du nombre de femmes souffrant pendant leurs règles et des cas asymptomatiques. La prévalence de l’endométriose apparaît à ce jour équivalente, si ce n’est supérieure, à celle des cancers en France.

● Sur le plan clinique, l’endométriose se caractérise par le développement de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, ce qui entraîne une inflammation et la formation de tissu cicatriciel dans la région pelvienne et, dans de rares cas, dans d’autres parties du corps. Ses manifestations varient fortement d’une femme à l’autre et l’on distingue plusieurs types de lésions et plusieurs types d’endométriose, notamment selon la localisation de l’infiltration et des cellules endométriales.

Les lésions s’accumulant à chaque cycle menstruel, elles peuvent entraîner de graves conséquences pour les femmes touchées si elles ne sont pas traitées et son évolution varie également selon les femmes. Selon le Dr Jean-Philippe Estrade, chirurgien gynécologue et obstétricien à la clinique Bouchard-Elsan de Marseille, « l’évolution de la maladie dans le temps est très différente d’une femme à une autre, elle peut s’accélérer brutalement, rester quiescente pendant des années, être très bruyante à 20 ans, puis s’éteindre au fil des années... » ([4]).

● Par ailleurs, les auditions réalisées par le rapporteur soulignent que l’endométriose est une affection complexe, dont la connaissance médicale demeure à ce jour lacunaire.

Le rapporteur relève ainsi, d’une part, la difficulté pour les chercheurs et les médecins à identifier précisément les facteurs qui favorisent l’apparition de l’endométriose. Ces facteurs, recensés par la littérature scientifique, seraient nombreux et variés, parmi lesquels des mécanismes physiopathologiques comme les variations génétiques, la réponse immunitaire et inflammatoire du système de défense ou encore de nature socio-environnementale, par l’exposition à des perturbateurs endocriniens.

D’autre part, le rapporteur relève la mauvaise diffusion des connaissances et des bonnes pratiques concernant le diagnostic et la prise en charge médicale de l’endométriose. Comme l’a rappelé au cours de son audition le Dr Julien Carricaburu, chef de projet au cabinet de la directrice générale de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), « l’inscription de l’endométriose au programme du cursus de médecine ne date que de 2020, c’est pour vous dire le nombre de cohortes de médecins qui ne sont pas formés sur le sujet ».

● En conséquence, une errance diagnostique et médicale considérable persiste pour la reconnaissance et la prise en charge de l’endométriose, accentuée par les difficultés d’accès aux soins et les « déserts gynécologiques » qui affectent beaucoup de nos territoires. L’étude de cohorte « ComPaRe-Endométriose », réalisée par l’Inserm et portant sur plus de 5 500 patientes, évalue ainsi à dix ans le délai de diagnostic de l’endométriose ([5]), ce qui est considérable et dramatique pour une maladie qui évolue rapidement vers des formes graves à défaut d’une prise en charge médicale rapide.

● Alors qu’à ce jour n’est connu aucun remède à l’endométriose, dont on peut seulement atténuer les symptômes par certains « traitements », la complexité de cette affection nécessite une prise en charge et un parcours de soins spécifiques et adaptés à chaque cas. Comme le souligne le Dr Julien Carricaburu, « il y a autant de parcours de soins que de femmes atteintes d’endométriose ».

Le plus souvent, ces dernières se voient proposer en première intention un traitement hormonal médicamenteux visant à bloquer la production d’hormones féminines ([6]). Ce traitement, décrit parfois comme instaurant une « ménopause artificielle », n’élimine toutefois pas toutes les lésions et, comme le rapporteur a pu en être informé, peut être porteur d’effets indésirables. En cas d’échec de cette thérapie et de persistance de symptômes invalidants ou d’infertilité, une chirurgie peut être envisagée.

Il existe par ailleurs des méthodes de prise en charge de la douleur avec des techniques non médicamenteuses, mobilisées pour des cas d’endométriose superficielle ou en complément des traitements susmentionnés. La Haute Autorité de santé (HAS) indique ainsi que l’acupuncture, l’ostéopathie et le yoga ont montré une amélioration de la qualité de vie chez des patientes ayant des douleurs liées à l’endométriose ([7]). Les auditions du rapporteur soulignent toutefois la vigilance qu’il convient de garder vis-à-vis de techniques non approuvées scientifiquement et parfois coûteuses, vers lesquelles peuvent se tourner des patientes en détresse ou mal conseillées. À titre d’exemple, la HAS signale qu’aucune donnée n’est encore disponible sur l’efficacité des différents régimes alimentaires ([8]).

Enfin, il convient de noter que ces différents types de traitements supposent que le diagnostic d’endométriose ait été posé. Comme l’indigne l’Inserm, une endométriose asymptomatique non douloureuse et qui ne pose pas de problèmes de fertilité n’est généralement pas détectée et donc pas traitée.

B.   Une affection qui peut entraîner des conséquences individuelles et sociales très lourdes

● Bien qu’il existe des cas asymptomatiques d’endométriose, le plus souvent diagnostiqués lors d’une consultation dans le cadre de problèmes d’infertilité, la plupart des cas diagnostiqués le sont à cause de symptômes lourds.

Si les femmes souffrant d’endométriose ressentent en moyenne plus de quatre symptômes différents ([9]), comme la fatigue chronique (54 % des cas), la douleur apparaît comme le symptôme clinique le plus fréquemment observé ([10]). Les douleurs d’endométriose se manifestent généralement dans la région pelvienne, c’est-à-dire la partie inférieure du ventre, mais aussi dans l’abdomen et la région lombaire. Elles sont souvent rythmées par les cycles menstruels et des règles très douloureuses touchent près de huit femmes atteintes d’endométriose sur dix. L’intensité des douleurs n’est toutefois liée ni au volume, ni à la taille des lésions et il apparaît qu’une unique lésion, même superficielle, peut provoquer plus de douleurs que plusieurs lésions.

Ces douleurs sont souvent fortes et peu calmées par le paracétamol et les anti-inflammatoires non stéroïdiens ([11]). Tendant à s’accentuer au fil du temps, elles gênent les activités quotidiennes et affectent de manière déterminante la qualité de vie des femmes atteintes. Au cours de ses auditions, le rapporteur a pu recueillir de nombreux témoignages de patientes ne pouvant se lever, s’asseoir ni se tenir debout en situation de crise.

L’une des conséquences de l’endométriose les plus marquantes est l’hypofertilité, c’est-à-dire la diminution de la fertilité, à tel point que l’endométriose serait aujourd’hui la première cause d’infertilité en France. Ainsi, on estime aujourd’hui entre 20 et 68 % la part des femmes atteintes d’endométriose dans la population des femmes infertiles ([12]).

● Parallèlement aux aspects physiques, les conséquences psychosociales de l’endométriose sont également conséquentes. La vie personnelle se trouve profondément altérée par la maladie, qui a un effet important sur la santé mentale ou les relations sociales des femmes qui en souffrent. L’endométriose peut également affecter la vie conjugale en raison notamment de son impact sur la satisfaction sexuelle, du fait de douleurs ressenties pendant et après les rapports sexuels. Enfin, les douleurs chroniques et autres symptômes peuvent être à l’origine d’anxiété, voire de dépression et de pensées suicidaires. À cet égard, le rapporteur alerte sur l’enjeu majeur de santé mentale des femmes que peut soulever l’endométriose, dans le prolongement du rapport d’information publié en juillet 2023 par les députées Pascale Martin et Anne-Cécile Violland, lequel montrait bien les effets délétères engendrés par les douleurs chroniques, qu’elles soient morales ou physiques ([13]).

Face à ces symptômes multiples et invalidants, le diagnostic positif de l’endométriose représente souvent un soulagement pour les patientes, affectées par le déni dont font parfois preuve certains professionnels de santé ou leur entourage. Dans cette situation, la méconnaissance, voire l’ignorance, les positions paternalistes ou infantilisantes, les préjugés sexistes et certaines violences médicales demeurent malheureusement trop fréquents ([14]).

● L’endométriose emporte aussi des conséquences lourdes sur la vie scolaire, universitaire ou professionnelle des femmes. Dans son enquête « EndoTravail », la sociologue Alice Romerio identifie des difficultés quotidiennes au travail de plusieurs ordres, liées notamment à la fatigue chronique, à des troubles émotionnels (62 % des femmes atteintes d’endométriose) ou encore des troubles digestifs (70 %) et urinaires (32 %), tout en soulignant la diversité et l’imprévisibilité de ces troubles ([15]). L’endométriose est à l’origine de difficultés quotidiennes de concentration pour 20 % des répondantes, de pauses urgentes dans le travail chaque jour pour 16 % d’entre elles et pour 27 % de passages aux toilettes gênants (fréquents, urgents ou prolongés). Ainsi, cette « maladie extra-professionnelle façonne sensiblement la carrière professionnelle des malades (non-renouvellement de contrat, impossibilité d’honorer des missions ou des contrats, absences fréquentes) ».

L’endométriose apparaît, en outre, comme une cause importante d’absentéisme scolaire ou professionnel ; l’OMS relève qu’elle « entraîne des douleurs handicapantes qui empêchent d’aller travailler ou étudier ». Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) considère que l’endométriose est une des premières causes d’arrêt de travail en France ([16]), tandis que la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) compte en moyenne trente‑trois jours d’arrêt de travail par an pour les femmes souffrant d’endométriose reconnue en affection de longue durée. Malgré tout, 36 % des femmes atteintes d’endométriose déclarent aller au travail malgré des symptômes qu’elles estiment invalidants au moins deux fois par mois, selon l’étude précitée d’Alice Romerio.

● Enfin, le coût économique et financier de l’endométriose, au niveau individuel comme au niveau sociétal, apparaît à la mesure du problème majeur de santé publique que représente cette maladie.

Tout d’abord, l’ensemble des soins et des actes médicaux engendre un coût très important pour les femmes qui souffrent de cette maladie. Pour ce qui est des coûts médicaux directs (médicaments, actes chirurgicaux, rendez-vous...), une étude les évalue à 3 000 euros par an et par patiente ([17]). Si la majorité de ces soins est remboursée, ce remboursement ne couvre ni l’intégralité des frais, les dépassements d’honoraires n’étant par exemple pas pris en charge, ni l’intégralité des soins. Les consultations d’ostéopathie ne sont par exemple pas prises en charge, même dans le cas d’une affection de longue durée reconnue, alors que les auditions de gynécologues menés par le rapporteur tendent à montrer leur intérêt pour soulager l’endométriose.

Au total, selon une étude réalisée avec plusieurs associations de patientes, qui corrobore les éléments portés à la connaissance du rapporteur au cours de ses auditions, 87 % des femmes atteintes d’endométriose interrogées ont un reste à charge d’environ 149,61 euros par mois ([18]). De plus, 52 % d’entre elles ont recours à des pratiques de soins non conventionnelles de manière à soulager leurs douleurs, pour un coût supplémentaire estimé à 40,70 euros. À l’échelle individuelle, cette enquête souligne que les dépenses induites par cette maladie sont « colossales » et représentent en moyenne plus de 10 % du revenu des patientes. En conséquence, une répondante sur deux déclare avoir refusé des soins car elle ne pouvait pas en assumer le coût. Un tel renoncement au soin ne peut, évidemment, que se traduire par une dégradation de l’état de santé des femmes atteintes d’endométriose.

Aux coûts induits par les soins s’ajoutent ceux induits par l’absentéisme au travail. Alors que les femmes atteintes d’endométriose subissent des arrêts maladie souvent liés à des crises de courte durée mais récurrentes dans l’année, elles sont fortement pénalisées par les jours de carence, qui les privent d’indemnités journalières.

S’ajoutent par ailleurs les coûts extra-financiers qui pèsent sur les femmes atteintes d’endométriose. Au cours de leur carrière professionnelle, elles doivent par exemple faire face à des discriminations dues au manque de reconnaissance de la maladie. Alice Romerio, dans son étude précitée, montre que les femmes révélant leur pathologie à leur direction s’exposent parfois à des réactions négatives (propos intrusifs ou malveillants) et des comportements perçus comme du harcèlement ou comme une « mise au placard ». Selon son enquête, près de la moitié (49 %) des femmes interrogées « affirme que l’endométriose les a gênées dans leur carrière professionnelle parce qu’elles estiment qu’elles ont été licenciées, que leur contrat n’a pas été renouvelé ou qu’elles n’ont pas eu les avancements de carrière qu’elles escomptaient », ce qui corrobore là encore les éléments portés à la connaissance du rapporteur au cours des auditions et souligne que la non‑prise en charge de l’endométriose apparaît comme un facteur de précarisation des femmes en milieu professionnel.

Enfin, il est établi que les conséquences économiques et financières de l’endométriose sont également très lourdes pour la Nation. Une étude a en effet évalué le coût total de l’endométriose à 10,6 milliards d’euros par an, soit 7 612 euros par patiente et par an, en prenant en compte les coûts directs (diagnostic, prise en charge, traitement), qui s’élèvent à 2 704 euros, et les coûts indirects (baisse de productivité, pertes de pouvoir d’achat et recettes), qui s’élèvent 4 908 euros ([19]). Lors du lancement de la Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose le 14 février 2022, le Gouvernement quant à lui estimait à 9,5 milliards d’euros les coûts directs de prise en charge de l’endométriose et les coûts indirects de perte de productivité liés aux répercussions de la douleur chronique sur les femmes atteintes ([20]).

Dans ce contexte, les chiffres obtenus par le rapporteur auprès de la Cnam suffisent à montrer l’insuffisance de la prise en charge des coûts directs induits par l’endométriose aujourd’hui. En effet, la dépense de soins pour les patientes en ALD pour endométriose s’élevait à près de 20 millions d’euros en 2022, soit 1 484 euros par femme, pour 13 472 femmes, tandis que la dépense de soins hospitaliers pour endométriose s’élevait à près de 50 millions d’euros, soit 2 151 euros par femme, pour 22 911 femmes. En somme, seules 36 383 patientes étaient identifiées en vue d’une prise en charge pour endométriose, pour un montant total de 69,4 millions d’euros, étant entendu que la Cnam ne peut identifier les soins de ville liés à l’endométriose en l’absence d’ALD.

II.   Une reconnaissance institutionnelle cruciale et urgente

Alors que l’endométriose apparaît comme un problème de santé publique majeur aux multiples implications, il est aussi crucial qu’urgent pour les pouvoirs publics d’agir pour garantir une prise en charge juste et adaptée à cette affection.

A.   Des politiques publiques encore insuffisantes

1.   Des dispositifs de prise en charge institutionnelle trop restrictifs

Les travaux du rapporteur mettent en évidence les apories des dispositifs censés permettre une meilleure prise en charge, notamment financière, qui sont aujourd’hui proposés aux femmes atteintes d’endométriose.

● S’agissant de la reconnaissance de l’endométriose comme affection de longue durée (ALD), elle n’est à ce jour possible que dans le cadre d’une ALD dite « hors liste » ou « ALD 31 ». Cette reconnaissance demeure aussi exceptionnelle qu’aléatoire. Au-delà de l’errance médicale susmentionnée, la reconnaissance en ALD 31 dépend en effet de l’appréciation du médecin traitant et du médecin-conseil l’assurance maladie. Alors que le manque de formation à l’endométriose reste manifeste dans le monde médical, il existe des disparités territoriales importantes concernant le traitement des demandes et le taux d’acceptation des demandes d’ALD 31 formulées. Les chiffres que le rapporteur a réussi à obtenir auprès de la Cnam montrent ainsi que ce taux s’élève à seulement 32 % en Bretagne, contre 80 % dans la zone Midi-Pyrénées. Cette variabilité dépendrait notamment de la qualité de l’instruction par le service médical de l’assurance maladie ou de la pertinence et de la qualité des protocoles adressés à ce service. Elle peut également dépendre de l’engagement local de certains professionnels ou de certaines associations, dans un contexte où ces dernières constatent les réticences des médecins à poser un premier diagnostic positif d’endométriose et les pressions parfois exercées sur des médecins traitants qui feraient trop de demandes en ALD 31 pour leurs patientes.

Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que, bien qu’en augmentation, le nombre de femmes atteintes d’endométriose bénéficiant d’une reconnaissance en ALD 31 demeure insignifiant. Les chiffres transmis par la Cnam indiquent ainsi qu’elles étaient seulement 13 472 en 2022, soit environ 0,6 % des femmes qui seraient atteintes d’endométriose. De l’aveu même de Catherine Grenier, directrice des assurés à la Cnam, « il semble impossible d’imaginer que moins de 2 à 5 % des femmes diagnostiquées ne puissent faire l’objet d’une reconnaissance en ALD 31 », soit 40 000 à 100 000 femmes. Ce constat met en lumière aussi bien le caractère non opérant du dispositif d’ALD 31 proposé aux femmes atteintes d’endométriose que l’incapacité de ce dispositif à prendre en charge convenablement cette population.

● Quant à la reconnaissance du statut de travailleur handicapé (RQTH), elle doit permettre de pallier les problématiques liées à l’endométriose en milieu professionnel par l’ouverture du droit au « dispositif d’emploi accompagné » et l’aménagement des horaires et du poste de travail. La demande s’effectue auprès de la maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) du territoire où est situé le domicile de la patiente, qui transmet le dossier à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui l’examine et peut demander un examen médical complémentaire.

Ce processus est très lourd pour les personnes qui souhaitent en bénéficier, lesquelles doivent remplir un formulaire près de vingt pages ([21]), fournir un certificat médical détaillé, un formulaire d’orientation professionnelle et de nombreuses pièces justificatives. Si bien que les délais peuvent être longs et atteignent en moyenne quatre mois ([22]), mais parfois plus d’un an pour les renouvellements, selon Barbara Mvogoh, fondatrice et présidente de l’association Justice endométriose.

2.   Des politiques publiques naissantes et sans effets perceptibles sur le terrain

● Malgré des premières avancées au début des années 2000 et des actions gouvernementales sporadiques, les politiques publiques de lutte contre l’endométriose ne sont que très récentes.

Ces politiques publiques ont commencé à prendre forme à travers un plan d’action proposé par la ministre Agnès Buzyn en 2019, avant la mise en œuvre en 2020 d’une concertation menée par Chrysoula Zacharopoulou, alors eurodéputée et gynécologue. Cette concertation s’est conclue par la remise au Président de la République d’un rapport de proposition d’une stratégie nationale contre l’endométriose (2022-2025) ([23]).

– Une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, caractérisée par un pilotage interministériel et associant nombreux acteurs et institutions (Cnam, HAS, Santé publique France...) a vu le jour au début de l’année 2022. Elle prévoit la mise en œuvre de 120 actions, ventilées en trois axes :

– favoriser l’innovation et la recherche sur l’endométriose ;

– garantir un diagnostic rapide et l’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire ;

– communiquer, former et informer l’ensemble de la société sur l’endométriose et notamment en direction de la médecine du travail et des professionnels de santé dans les établissements scolaires.

● Si les orientations globales de cette stratégie ne semblent pas contestées, les auditions conduites par le rapporteur mettent en lumière le peu, voire l’absence totale, d’effets constatés sur le terrain, malgré un taux de mise en œuvre évalué à 85 % par la direction générale de l’offre de soins. En dépit d’effets d’annonce, la prise en charge de l’endométriose n’en paraît pas fondamentalement améliorée pour des femmes qui continuent à souffrir, entre autres, d’errance diagnostique et de l’absence d’harmonisation des pratiques.

À titre d’exemple, la formation des professionnels de santé reste systématiquement présentée comme insuffisante, alors même que des études récentes que l’usage de simples questionnaires de patientes peut conduire dans la majeure partie des cas à diagnostiquer l’endométriose ([24]).

B.   La nécessaire intervention du législateur

Face aux constats précédemment établis, cette proposition de loi invite les pouvoirs publics à reconnaître l’enjeu de santé publique majeure que représente l’endométriose et à faire de la France un pays pionnier dans la prise en charge de cette affection. Il est crucial et urgent pour le législateur de se mobiliser pour garantir un cadre national de prise en charge de l’endométriose à la hauteur des enjeux posés par cette maladie.

 Cette proposition de loi s’inscrit ainsi dans la continuité de travaux parlementaires qui la précèdent et, notamment, de la proposition de résolution visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 13 janvier 2022 ([25]). Cette résolution invitait le Gouvernement à inscrire l’endométriose sur la liste des affections de longue durée dites « ALD 30 » afin d’en faciliter la prise en charge. Le Gouvernement n’a donné satisfaction de cette résolution qui pourtant l’alertait alors.

L’endométriose fait également l’objet de travaux au Sénat. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat a par exemple publié, en 2023, un rapport sur la santé des femmes au travail, qui montre que la prise en charge de l’endométriose et des pathologies menstruelles incapacitantes au travail est un enjeu d’égalité professionnelle ([26]).

Le rapporteur rappelle en outre qu’au Parlement européen, une proposition de résolution sur la coordination de la lutte contre l’endométriose a été déposée par l’eurodéputée Marie Dauchy le 24 mars 2023 afin notamment de coordonner la prise en charge des patientes et de faire progresser la recherche scientifique sur l’endométriose. Celle-ci n’a connu aucune issue favorable, ni suite.

 L’action renouvelée du législateur est nécessaire et urgente pour accélérer l’action publique quant à l’amélioration rapide de la vie quotidienne des femmes qui souffrent d’endométriose et pour donner quitus au Gouvernement qui, selon ses propos, souhaite « la mise en œuvre des réformes jusqu’au dernier kilomètre ».

Alors que la stratégie nationale de 2022 indique que « l’accès à ce dispositif [d’ALD 31] et à la prise en charge en ALD 30 pour toutes les personnes qui le nécessiteront feront l’objet d’une première évaluation dès 18 mois après publication de cette stratégie » ([27]), les auditions du rapporteur révèlent en effet qu’aucune évaluation de la sorte n’a été réalisée, si ce n’est à l’occasion d’un bref comité de pilotage qui serait organisé dans les jours prochains, à la faveur de l’examen de cette proposition de loi. Les auditions ont permis de savoir que cette proposition aurait accéléré la publication d’un bilan de l’exécutif courant octobre 2023.

Alors que la Cour des comptes relève que la politique d’égalité entre les femmes et les hommes menée par le Gouvernement « ne se traduit encore que par des avancées limitées » ([28]), cette proposition de loi peut contribuer à une avancée déterminante dans ce domaine.

 En garantissant la prise en charge à 100 % des soins liés à l’endométriose et l’accès à une RQTH pour les femmes qui le souhaitent, cette proposition de loi améliorera de façon déterminante le quotidien des femmes atteintes d’endométriose. Ce faisant, elle positionne la France comme pays pionnier dans la prise en charge de cette affection. Elle donne une réelle impulsion à la stratégie nationale mise en œuvre début 2022, à laquelle elle ne se substitue pas, et se veut un jalon nécessaire vers une amélioration concrète dans la vie de tous les jours des femmes. En cela, elle constitue un progrès indéniable vers l’égalité femme-homme.


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   Commentaire des articles

Article 1er
Garantir une prise en charge à 100 % des soins liés à l’endométriose

Rejeté par la commission

L’article 1er prévoit la prise en charge à 100 % des frais relatifs aux soins et à l’accompagnement des femmes atteintes d’endométriose.

I.   Le droit en vigueur

● Le « ticket modérateur », qui représente la part des dépenses qui reste à la charge de l’assuré après remboursement de l’assurance maladie et avant déduction des participations forfaitaires, s’applique à toutes les prestations prises en charge par la sécurité sociale.

En application du premier alinéa du I de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale, cette participation peut être proportionnelle aux tarifs servant de base au calcul des prestations ou fixée à une somme forfaitaire. Elle peut varier selon les catégories de prestations, les conditions dans lesquelles sont dispensés les soins, les conditions d’hébergement, la nature de l’établissement où les soins sont donnés.

Conformément au deuxième alinéa du I du même article, cette participation est fixée dans des limites et des conditions fixées par décret en Conseil d’État, par décision de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, après avis de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire.

● Dans certains cas, énumérés à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, la participation de l’assuré peut toutefois être réduite ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire.

● Parmi ces cas figurent, en application du 3° de l’article L. 160-14, les affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé. Par conséquent, ces affections sont communément appelées « affections de longue durée » et dites « sur liste ». Cette liste, détaillée à l’article D. 160-4 du code de la sécurité sociale, comportait initialement trente affections, couramment dénommées « ALD 30 ». Elle comprend notamment les diabètes de type 1 et 2, l’infection par le virus de l’immuno-déficience humaine, la maladie d’Alzheimer ou encore la sclérose en plaques.

À ce jour, l’endométriose n’est pas inscrite sur la liste des affections ouvrant droit à une « ALD 30 ».

● Pour les affections qui ne sont pas inscrites sur la liste dite « ALD 30 », la prise en charge demeure possible au titre d’une affection de longue durée, dite alors « hors liste » ou « ALD 31 » (en référence à l’ALD 30). En application du 4° de l’article L. 160-14, ce dispositif concerne les personnes justifiant la réunion de deux conditions cumulatives :

– être atteint soit d’une forme grave d’une maladie ou d’une forme évolutive ou invalidante d’une maladie grave ;

– nécessiter un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse.

Certains cas d’endométriose peuvent, dès lors, trouver à s’intégrer dans ce dispositif de reconnaissance d’affection de longue durée. Très restrictif, il est toutefois ouvert sur demande du médecin traitant, qui doit décrire précisément le protocole et le projet de soins qui seront soumis à l’appréciation du médecin-conseil de l’assurance maladie à l’échelon départemental. Selon la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), près de 14 000 femmes atteintes d’endométrioses seraient aujourd’hui prises en charge au titre de l’ALD 31. En tout état de cause, cette population représente bien moins de 1 % du nombre de femmes atteintes d’endométriose en France. Cela apparaît manifestement en deçà de ce que pourrait constituer une prise en charge acceptable et équitable de l’endométriose dans notre pays. Il en résulte que la quasi-totalité des femmes atteintes d’endométriose sont aujourd’hui soumises à d’importants restes à charge.

De surcroît, les auditions du rapporteur révèlent qu’outre la lenteur et l’incertitude qui caractérisent le processus d’accès au dispositif d’ALD 31, celui-ci demeure marqué par de fortes disparités territoriales résultant d’appréciations extrêmement variables selon les caisses primaires d’assurance maladie. Ces disparités sont à l’origine d’une iniquité territoriale que le rapporteur ne peut que regretter.

● La reconnaissance d’une affection de longue durée en « ALD 30 » comme en « ALD 31 » entraîne une prise en charge dite « exonérante ». Il en va de même pour le troisième type d’ALD exonérante, dite « polypathologies » ou « ALD 32 », dont peuvent bénéficier les personnes atteintes de plusieurs affections caractérisées, entraînant un état pathologique invalidant et nécessitant des soins continus d’une durée prévisible supérieure à six mois et particulièrement coûteux.

En d’autres termes, elle permet un remboursement à 100 % des soins et traitements en lien avec la maladie. Tout patient souffrant d’une affection de longue durée « sur liste » ou « hors liste » se voit exonéré du ticket modérateur pour les actes et traitements liés à cette affection (consultations, examens et soins, médicaments, hospitalisations), bénéficie du tiers-payant et peut se faire rembourser ses frais de transport sur prescription médicale.

Comme les auditions du rapporteur ont pu le souligner à de multiples reprises, cette prise en charge n’intervient toutefois que dans la limite du plafond de remboursement fixé par l’assurance maladie et pour les actes que celle-ci couvre. Les dépassements d’honoraires, la participation forfaitaire de 1 euro, la franchise médicale ou encore le forfait hospitalier ne sont ainsi pas pris en charge à 100 %.

II.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la présente proposition de loi vise à garantir la prise en charge à 100 % de l’ensemble des soins liés à une endométriose, en conformité avec les demandes exprimées par de nombreuses associations et de nombreux professionnels.

À cette fin, cet article complète la liste des cas d’exonération du ticket modérateur mentionnée à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale par un 18° bis faisant référence aux « frais relatifs aux soins et à l’accompagnement des femmes atteintes d’endométriose, quel qu’en soit le stade ».

Ce faisant, il permet d’étendre considérablement le nombre de femmes atteintes d’endométriose bénéficiant d’une prise en charge, réduisant d’autant la charge financière qui pèse sur elles. Il garantit, pour ces femmes, une prise en charge de l’endométriose au même niveau que celle aujourd’hui offerte aux femmes reconnues en affection de longue durée exonérante (ALD 30, ALD 31 ou ALD 32). Il concrétise ainsi la volonté exprimée par les députés lors de l’adoption à l’unanimité, lors de la première séance du 13 janvier 2022, de la proposition de résolution visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée.

Cette prise en charge à 100 % permettra de mieux prendre en compte les spécificités de l’endométriose et de faciliter la vie des femmes qui en sont atteintes, alors seule une infime minorité bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance en ALD. Elle constitue un jalon indispensable vers des politiques publiques de reconnaissance de l’endométriose, qui ne se substitue en rien aux nécessaires efforts à démultiplier en matière de recherche, de formation ou encore d’harmonisation des pratiques de diagnostic de cette affection.

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Article 2
Reconnaître la qualité de travailleur handicapé aux femmes atteintes d’endométriose qui le souhaitent

Rejeté par la commission

L’article 2 prévoit que la qualité de travailleur handicapé soit reconnue de droit aux femmes atteintes d’endométriose qui le souhaitent et qui en font la demande.

I.   Le droit en vigueur

● Le statut de travailleur handicapé est défini à l’article L. 5213-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Est ainsi reconnue travailleur handicapé « toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ». Du fait de l’article L. 4153-1 du code du travail, qui fixe à 16 ans l’âge minimum pour être employé, cette reconnaissance n’est applicable qu’aux personnes ayant au moins cet âge.

● Selon l’article L. 5213-2 du même code, pour obtenir une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), il convient de faire une demande auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du territoire de son domicile. Cette demande est ensuite examinée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), qui peut demander à organiser une visite médicale. La décision est ensuite rendue par courrier ; si elle est favorable, elle est accompagnée d’une orientation professionnelle vers le milieu ordinaire, vers un établissement ou service d’aide par le travail ou vers un centre de rééducation professionnelle.

● La RQTH ouvre droit au « dispositif d’emploi accompagné » prévu à l’article L. 5213-2-1 du code du travail. Il s’agit d’un accompagnement médico-social et d’un soutien à l’insertion professionnelle tout au long du parcours professionnel du travailleur handicapé. Par exemple, ce dispositif doit permettre un accès facilité à la formation et aux bilans de compétence, ainsi que des modalités d’adaptation ou d’aménagement de l’environnement de travail aux besoins de la personne handicapée, en lien avec les acteurs de l’entreprise, notamment le médecin de travail. Le « dispositif d’emploi accompagné » est activé sur proposition de la CDAPH.

II.   Le dispositif proposé

L’article 2 vise à garantir la reconnaissance systématique de la qualité de travailleur handicapé à toute femme atteinte d’endométriose qui le souhaite, quel que soit l’avancement de la maladie.

Pour ce faire, il ajoute ces femmes à la liste des personnes considérées comme travailleur handicapé mentionnées à l’article L. 5213-1 du code du travail. Pour prévenir toute dérive dans le champ d’application de cette mesure, il précise que l’endométriose doit être diagnostiquée.

Cet article permet ainsi de reconnaître les difficultés inhérentes à l’endométriose au travail, encore trop négligées dans le milieu professionnel. Le rapporteur rappelle à cet égard que 83 % de ces femmes estiment que la maladie a un impact sur leur capacité à fournir le travail demandé et que 88 % d’entre elles estiment que la maladie a un impact sur leur bien-être au travail ([29]). Dans ce contexte, elles sont parfois contraintes de changer d’orientation professionnelle ou de statut, notamment au profit d’un statut d’indépendant qui affaiblit leur protection sociale ([30]) et qui peut entraîner un cercle vicieux en matière de prise en charge de leur affection.

Pour favoriser une meilleure prise en charge de l’endométriose au travail, cet article vise donc à favoriser la plus grande liberté de choix des femmes en leur fournissant un statut les protégeant si elles le souhaitent. En leur accordant une RQTH le cas échéant, elle leur permet de bénéficier d’aménagements de leurs horaires de travail et d’adapter leur poste de travail.

Alors que la qualité de travailleur handicapé peut apparaître comme stigmatisante, le dispositif proposé laisse aux femmes la faculté d’apprécier elles‑mêmes leur situation et de bénéficier ou non de la RQTH, en formulant le cas échéant la demande à la MDPH.

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Article 3
Gage financier

Rejeté par la commission

Cet article prévoit de gager la charge pour l’État et les organismes de sécurité social liée à l’application de la proposition de loi par une majoration de l’accise sur les tabacs.

La présente proposition de loi, qui prévoit de garantir, d’une part, la prise en charge des frais relatifs aux soins et à l’accompagnement des femmes atteintes d’endométriose et, d’autre part, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé pour celles qui le souhaitent et en font la demande, est de nature à accroître les charges supportées par l’État et les organismes de sécurité sociale.

Le présent article prévoit de compenser ces charges, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.


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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa première réunion du mercredi 4 octobre 2023, la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à visant à soutenir les femmes qui souffrent d’endométriose (n° 1221 rectifié) (M. Emmanuel Taché de la Pagerie, rapporteur) ([31]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mes chers collègues, trois propositions de loi du groupe Rassemblement National ont été renvoyées à notre commission ; elles sont inscrites à l’ordre du jour des séances réservées à ce groupe, le 12 octobre prochain. Nous en examinerons deux ce matin et étudierons la troisième à l’issue de la séance publique de cet après-midi, au cours de laquelle nous terminerons l’examen du projet de loi pour le plein emploi.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie, rapporteur. L’endométriose est une maladie gynécologique fréquente, qui concerne une femme sur dix. Elle est liée à la présence hors de l’utérus de tissus semblables à la muqueuse utérine ; différents organes peuvent être touchés. La maladie peut être asymptomatique ou provoquer des douleurs fortes, notamment au moment des règles. Elle peut aussi être cause d’infertilité – les chercheurs tentent de comprendre par quels mécanismes. Telle est la définition de l’endométriose selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Au moins 2 millions de femmes en France seraient affectées par cette maladie chronique, à ce jour incurable – elles seraient 14 millions en Europe et 190 millions dans le monde. À l’issue des auditions, nous avons en effet toutes les raisons de penser que les chiffres sont sous-évalués, tant le diagnostic est défaillant. Notre pays n’a pas pris la mesure de l’enjeu de santé publique majeur que constitue l’endométriose, et nous sommes plusieurs à le déplorer, où que nous siégions.

Toujours selon l’Inserm, près de dix ans d’errance médicale passent avant qu’un diagnostic soit posé. Pourtant, rien ne permet de relativiser la souffrance des femmes qui endurent cette maladie au quotidien. Certes, toutes n’ont pas les mêmes symptômes et il arrive que l’endométriose passe inaperçue, ou presque. Mais lorsque la douleur vous cloue au lit, que vous êtes dans l’incapacité d’aller au lycée, à l’université, de travailler, de gérer le quotidien, d’accueillir vos amis ou de mener un projet parental, l’endométriose est un poison, dont la réalité est largement minimisée ou niée, par méconnaissance, ignorance ou poncifs paternalistes obsolètes. Au travail, les formes graves de l’endométriose peuvent donner lieu à trente-trois jours d’arrêt par an, en moyenne. Pour un couple, la maladie se traduit par la difficulté, voire l’impossibilité de concevoir un enfant : elle est la première cause d’infertilité en France et touche entre 20 % et 68 % des femmes dites hypofertiles. L’endométriose, c’est aussi la douleur pendant les rapports sexuels, l’irritabilité, la dépression, voire les pensées suicidaires.

Cette proposition de loi entend rendre visible un invisible qui pourrit la vie de millions de femmes. En trois articles, je vous propose de changer leur vie, de l’améliorer et de prendre ainsi nos responsabilités de législateurs en répondant à un enjeu majeur de santé publique.

L’article 1er prévoit de créer ex nihilo un statut d’affection de longue durée (ALD) exonérante pour les femmes souffrant d’endométriose. L’instruction signée par le ministre de la santé et de la prévention le 27 septembre 2023 l’indique bien : « l’expression de l’endométriose est variable d’une personne à l’autre, pouvant se manifester par d’intenses douleurs, ou être complètement asymptomatique ». Le cadre actuel de l’ALD 30 n’est pas pertinent, puisqu’il suppose l’inscription sur une liste par le Gouvernement. De plus, la proposition de résolution adoptée à l’unanimité le 13 janvier 2022, que mon groupe a soutenue, n’a pas été appliquée et n’a pas non plus incité l’exécutif à s’en saisir concrètement. Depuis, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, en date du 14 février 2022. Il ressort des auditions que l’étude de cette proposition de résolution à l’Assemblée nationale aurait contribué à en accélérer la rédaction et l’annonce du bilan – celui‑ci aurait dû être rendu en août dernier. Le cadre actuel de l’ALD 31 n’est pas non plus satisfaisant, puisqu’en 2022, seules 13 472 femmes atteintes ont obtenu ce statut, soit une part infime et insuffisante.

Que signifie concrètement la création d’une ALD exonérante ? Des frais de santé pris en charge à 100 %, toujours dans la limite du plafond de remboursement de l’assurance maladie ; des frais de santé en rapport avec cette ALD qui n’auront pas à être avancés ; des frais de transport pris en charge ; pas de délai de carence en cas d’arrêts de travail successifs. C’est la fin du parcours du combattant pour les femmes, la fin des divergences d’appréciation des médecins-conseils de la sécurité sociale, responsables de fortes disparités territoriales – la direction générale de l’offre de soins le reconnaît.

L’article 2 vise à reconnaître aux femmes atteintes d’endométriose qui le souhaitent la qualité de travailleur handicapé. Une telle reconnaissance est actuellement subordonnée à une décision des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le texte répond ainsi à une attente des associations – je tiens à remercier celles que j’ai entendues pour la qualité et l’efficacité de nos échanges. Endomind, l’une des principales associations de patientes, s’est ainsi exprimée : « l’inscription de l’endométriose sur la liste des ALD 30 s’impose comme une mesure nécessaire et légitime, qui participera à pallier les difficultés identifiées ».

Lorsqu’il s’agit de la santé des femmes, les controverses, les atermoiements et les attaques politiciennes ne sont pas dignes et n’ont pas lieu d’être. J’ai lu et entendu des propos qui, sur le fond et la forme, n’honorent personne. La présente proposition de loi s’inscrit dans la continuité de la lettre que Marine Le Pen a adressé aux Françaises, le 7 mars 2022. Personne n’est propriétaire de ce sujet, dont nous souhaitons accélérer la réelle prise en charge. J’ai bien noté les différentes propositions qui émanent de l’ensemble des groupes de l’Assemblée nationale, et je vous appelle simplement et amplement à concrétiser cette volonté d’action commune, et à « faire le dernier kilomètre ».

Parce que l’action gouvernementale a été insuffisante, parce que le Gouvernement tient actuellement un comité de pilotage en extrême urgence afin de dissimuler son inaction et sa lenteur, nous engageons, comme mon groupe l’a fait au Parlement européen, cette demande sincère de prendre notre responsabilité de législateur. À ceux qui parlent d’opportunisme, je réponds opportunité, avec ce texte, de faire concrètement avancer la cause des femmes, mais aussi de dépasser nos clivages et d’agir enfin concrètement en faveur des femmes. Oui, chers collègues, il vous faudra faire preuve de liberté individuelle et d’honnêteté personnelle, mais aussi renoncer aux postures politiciennes imposées par certains groupes politiques, pour franchement prendre votre part. En tant qu’élus du peuple, soutenons cette avancée majeure pour les femmes. Je vous remercie pour elles.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. L’endométriose constitue un véritable problème de santé publique : 10 % des femmes de notre pays sont concernées, soit près de 2 millions de femmes. En 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à lancer un plan d’action, qui a vu le jour en 2019 et donné lieu à de multiples concertations. Par la suite, une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a été élaborée en 2022 afin de mieux comprendre la maladie, en renforçant les programmes de recherche, en formant mieux les étudiants en santé, en sensibilisant davantage les acteurs concernés, en permettant de mieux diagnostiquer et de façon plus précoce. Il s’agit de mieux soigner cette pathologie, aujourd’hui et demain.

Alors que la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose est ambitieuse et tournée vers l’avenir, la proposition de loi ne répond ni à la demande des femmes concernées, ni à des solutions concrètes pour l’avenir. L’article 1er prétend conférer un statut d’ALD aux femmes souffrant d’endométriose, mais le dispositif ne correspond pas à cette assertion : il ne permet qu’une exonération du ticket modérateur. Or l’endométriose est déjà reconnue comme une ALD dite hors liste, ce qui donne droit non seulement à une prise en charge des frais, mais également à une suppression des jours de carence en cas d’arrêts de travail successifs. L’article 1er propose donc moins que le droit existant.

Il en va de même de l’article 2, puisque les femmes peuvent d’ores et déjà effectuer une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Ce que vous proposez est donc satisfait, lorsque cela est nécessaire.

Vous l’aurez compris, la volonté de notre groupe est d’apporter des solutions concrètes, loin de votre tentative de récupération. Nous voterons donc contre cette proposition de loi, prétendant s’intéresser à une pathologie qui nécessite pourtant un réel engagement de toute notre société.

Mme Michèle Martinez (RN). L’endométriose est une pathologie lourde, voire très lourde, pour certaines jeunes filles et femmes. Les conséquences sur la vie privée, scolaire et professionnelle le sont tout autant : douleurs, malaise, infertilité, difficultés à garder un emploi, isolement, cette liste des épreuves que doivent endurer les plus de 2 millions de femmes touchées par cette maladie n’est pas exhaustive. Et encore ce chiffre prend-il uniquement en compte les femmes dont le diagnostic a été établi. Il est très probable que le nombre réel de personnes atteintes par ce mal est bien supérieur, considérant les sept à dix ans d’errance médicale qui s’écoulent avant d’être diagnostiquée, en raison du manque de formation de nos médecins.

Cette proposition de loi, déposée par M. Tanguy et défendue par M. Taché de la Pagerie, est juste et nécessaire. Elle met en avant des mesures de bon sens, qui permettront à ces femmes de bénéficier de la justice sociale qui leur est due. La reconnaissance comme ALD leur permettra de bénéficier d’une meilleure prise en charge de soins très onéreux, qui s’inscrivent dans la durée puisqu’il n’existe encore aucune solution curative. L’accession au statut de travailleuses handicapées les protégera de potentiels licenciements du fait des conséquences de cette maladie ; elles pourront bénéficier de mesures spécifiques, comme l’aménagement des horaires.

Le groupe Rassemblement National défend le droit des femmes et continuera de le faire. Je vous invite tous, chers collègues, à voter en faveur de cette proposition de loi.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Faire oublier son mépris des droits des femmes, tel est l’objectif du groupe Rassemblement National avec cette proposition de loi sur l’endométriose : cynisme, opportunisme, mauvais plagiat du travail des autres, rien décidément ne vous arrête. Pourtant, votre parti refuse d’allonger à quatorze semaines le délai pour avorter en France, comme d’inscrire ce droit élémentaire pour la liberté des femmes dans notre Constitution. Vous dénoncez même régulièrement d’imaginaires interruptions volontaires de grossesse (IVG) de confort et vous proposez de dérembourser l’IVG. Vous voudriez encore supprimer le ministère consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes, renvoyer les femmes au foyer, en finir avec la procréation médicalement assistée. C’est dire le danger que vous représentez pour les femmes.

Aujourd’hui, vous singez une proposition de résolution pour accompagner les femmes atteintes d’endométriose, que j’avais moi-même défendue, au nom de mon groupe, en janvier 2022 et qui avait été adoptée à l’unanimité dans l’hémicycle. Je me souviens de votre silence, à l’époque, et de votre absence ce jour-là. Mal fagotée, votre proposition ne répond pas aux attentes des patientes et des associations. Le procédé législatif que vous utilisez ne fonctionne absolument pas.

En réalité, vous vous êtes honteusement engouffrés dans la brèche ouverte par le Gouvernement qui, en dépit du vote unanime à l’Assemblée nationale, a refusé d’inscrire l’endométriose dans la liste des ALD 30 permettant aux patientes d’accéder de façon automatique à une prise en charge totale par la sécurité sociale. Les arguments du Gouvernement et du groupe Renaissance ne me convainquent absolument pas et je ne comprends toujours pas pour quelle raison l’endométriose ne peut figurer dans la liste des ALD 30. Si le problème tient à la variabilité des symptômes, dont les uns relèvent de l’ALD 31 et les autres de l’ALD 30, pourquoi ne pas procéder à une scission, très facile à mettre en œuvre ?

Il est important de ne pas mépriser le travail des parlementaires.

Mme Isabelle Valentin (LR). La santé des femmes ne devrait être un sujet ni politicien ni polémique. Je ne peux que m’étonner des réactions virulentes dans les médias, tant de l’extrême gauche que de la majorité, sur un sujet qui, pourtant, devrait faire l’unanimité, au moins chez les femmes.

Le 14 février 2022, Olivier Véran, alors ministre des solidarités et de la santé, avait présenté une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose : à ce jour, rien n’a été fait. L’endométriose touche pourtant 10 % des femmes en âge de procréer ; le diagnostic en est souvent long et la prise en charge complexe, et elle perturbe la vie quotidienne des femmes sur le plan aussi bien personnel que professionnel.

Le groupe Les Républicains souscrit totalement à l’article 1er, qui crée un statut d’ALD, avec une prise en charge totale par l’assurance maladie. Actuellement, seules les formes les plus sévères permettent un accès à la prise en charge à 100 % au titre de l’ALD 31.

Avec l’article 2, les femmes qui le souhaitent pourraient être reconnues comme travailleur handicapé. Cet article n’a pas lieu d’être, puisqu’il est déjà satisfait pour les formes les plus sévères d’endométriose.

Notre groupe est favorable à une meilleure prise en charge de l’endométriose : en juillet 2020, Stéphane Viry et Emmanuelle Anthoine ont été à l’origine d’une proposition de loi visant à faire reconnaître la lutte contre l’endométriose comme « grande cause nationale » ; en juillet 2023, Véronique Louwagie en a déposé une portant sur un meilleur encadrement législatif de la prévention de l’endométriose. De ce fait, le groupe Les Républicains propose les modifications suivantes : facilité du télétravail, sensibilisation à l’école, facilité d’absence à l’école. En fonction des discussions et des avancées que nous obtiendrons, nous voterons ce texte. Si cela fait bouger le Gouvernement, tant mieux, car les femmes n’ont pas à être la variable d’ajustement de son inaction.

Mme Sandrine Josso (Dem). Un an après le déploiement de la stratégie nationale du Gouvernement, nous abordons une nouvelle fois le sujet important et tabou qu’est l’endométriose. En France, cette maladie touche 2 millions de femmes, qui souffrent de douleurs parfois incessantes, handicapant leur vie et leur quotidien. La présente proposition de loi se veut défendre une noble cause, mais elle n’a pas vocation à améliorer la situation des femmes victimes d’endométriose ; c’est une fausse proposition qui n’améliore pas leurs conditions de vie.

L’article 1er ne vise en réalité qu’à limiter les frais de santé des femmes souffrant d’endométriose ou à les en exonérer, sans même mentionner le statut d’ALD. Tel qu’il est rédigé, le texte est un non-sens : il ne répond pas à son objectif affiché et ne conduit pas à une quelconque amélioration de la situation des femmes. D’ores et déjà, chaque patiente diagnostiquée en France peut se voir reconnaître la qualité de travailleur handicapé, sur dossier médical transmis à la MDPH.

Au regard de nos divers travaux au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et au sein de cette commission, je m’étonne que cette proposition de loi n’aborde pas l’incontournable sujet de la santé mentale des femmes. Le groupe Démocrate la rejettera.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’endométriose est une maladie gynécologique chronique incurable, qui toucherait environ 10 % des femmes. Elle reste pourtant assez méconnue. Notre collègue Clémentine Autain a déposé une proposition de résolution, que nous avons cosignée et qui a été adoptée à l’unanimité en janvier 2022, dans le cadre de la niche du groupe La France insoumise : elle actait la reconnaissance de cette maladie en ALD et invitait le Gouvernement à entamer rapidement une réflexion sur cette liste, afin d’y ajouter, par décret, l’endométriose ; malheureusement, nous attendons toujours

L’article 1er de la proposition de loi tente de créer le statut d’ALD, mais c’est en réalité un décret qu’il convient de prendre, en ajoutant cette maladie à la liste figurant à l’article D. 160-4 du code de la sécurité sociale. L’article 2 crée un statut de travailleur handicapé pour les femmes atteintes d’endométriose : il est non seulement stigmatisant, mais ne correspond pas non plus à la demande des femmes.

Chers collègues, nous aimerions que vous montriez le même intérêt quand nous discutons de textes pour les femmes dans l’hémicycle, ceux qui portent sur l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité salariale, l’accès à la contraception, l’IVG, l’allongement des délais, l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école. Nous n’avons pas besoin d’un texte d’affichage politique ; nous attendons que le Gouvernement prenne le décret, que nous réclamons depuis près de deux ans et qui permettrait enfin aux femmes souffrant d’endométriose d’être reconnues et correctement prises en charge.

Nous ne prendrons pas part au vote.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Une Française sur dix en âge de procréer est atteinte d’endométriose. Cette maladie complexe, invalidante et douloureuse, qui est la première cause d’infertilité féminine, est encore mal connue et mal prise en charge. L’endométriose est souvent diagnostiquée par hasard, avec un retard moyen de sept années, durant lesquelles la maladie peut avoir causé de multiples dommages. Le Gouvernement en a parfaitement conscience et n’a pas attendu cette proposition de loi pour agir. En février 2022, le Président de la République a lancé la première stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, impliquant la structuration de filières de prise en charge, la formation de professionnels de santé et l’investissement massif dans un programme de recherche. Cette stratégie nationale porte l’espoir d’une meilleure qualité de vie pour des millions de femmes.

Aux côtés de la majorité, le groupe Horizons et apparentés partage la conviction que la représentation nationale doit se saisir de ce sujet de société, non seulement parce qu’il concerne les femmes, mais aussi leurs proches, leurs familles et parfois leur entourage professionnel. Toutefois, cette proposition de loi rate sa cible et n’atteint pas les objectifs qu’elle affiche. Elle témoigne même d’une profonde méconnaissance de la maladie et de celles qui en souffrent, qui attendent mieux que des propositions inefficaces.

De fait, cette proposition loi est vide. Premièrement, les textes actuels permettent déjà d’attribuer une RQTH aux personnes atteintes d’endométriose. Deuxièmement, les endométrioses relèvent d’ores et déjà de la définition de l’ALD 31 : les patientes peuvent obtenir ce statut. Enfin, dans l’exposé des motifs sont évoqués quatre stades de la maladie, alors que le corps médical ne valide plus cette définition depuis longtemps.

Non seulement les deux mesures proposées existent et sont déjà en vigueur, mais elles sont en total décalage avec les dispositions législatives actuelles. Nous ne nions pas que de nombreux chantiers doivent être engagés, notamment sur le diagnostic précoce, mais notre rôle de législateurs est d’apporter des réponses concrètes.

Vite réfléchi, vite rédigé, vide de contenu, de sens et d’utilité, ce texte est totalement inadapté ; notre groupe ne le votera pas.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’opportunisme dont fait preuve le groupe Rassemblement National est indécent mais permet néanmoins de parler de l’endométriose, cette maladie gynécologique inflammatoire et chronique, qui se caractérise par le développement d’une muqueuse utérine en dehors de l’utérus. Les femmes qui en sont atteintes souffrent de règles douloureuses, de troubles digestifs et urinaires, de douleurs lors des rapports sexuels – la liste n’est pas exhaustive, car les symptômes sont aussi nombreux que variés. L’endométriose touche environ une femme sur dix et est parfois cause d’infertilité.

Cette maladie est révélatrice de ce que la santé des femmes a été bien trop longtemps reléguée au fond du tiroir, avec les maladies liées à la santé menstruelle, sexuelle et reproductive des femmes, que le groupe Rassemblement National refuse, par ailleurs, de défendre. Longtemps, les femmes ont appris ce mensonge qu’il est normal d’avoir mal, que cela fait partie de la vie et que, franchement, elles pourraient faire un effort : même pliées en deux par la douleur, même prises de vomissements, elles pouvaient bien aller bosser. On balade ces femmes de consultation en consultation, parce que les connaissances sur le corps des femmes et sur leurs maladies pâtissent d’un sous-investissement de la recherche : sept ans d’errance médicale en moyenne pour l’endométriose, à se demander ce qui ne va pas, à essayer des traitements qui ne fonctionnent pas et à se sentir abandonnées par la puissance publique.

C’est bien parce que l’État ne fait pas assez en matière de santé des femmes que nous sommes amenés à étudier des textes du groupe Rassemblement National, qui fait mine de s’intéresser aux femmes. Personne n’est dupe ! Le RN cherche à corriger son image, mais son projet reste profondément réactionnaire et sexiste. Les droits des femmes progressent partout dans le monde, mais le RN nous rappelle sans cesse à un passé révolu, celui où les femmes étaient cantonnées à des rôles prédéfinis et leur liberté était conditionnée par des normes sociétales obsolètes. Qu’il s’agisse de droit à l’avortement, d’éducation sexuelle ou d’éducation salariale, la dernière pépite en date étant votre réponse au mouvement social lié à la réforme des retraites – « faites des bébés et restez chez vous » –, vous n’êtes pas à la hauteur et vous ne l’avez jamais été. Aucune des femmes qui se sont battues pour nos droits dans ce pays ne peut en douter.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Le Gouvernement pèche et le RN s’engouffre dans la brèche : s’il tenait ses promesses – Emmanuel Macron a reconnu l’endométriose comme cause nationale en janvier 2022 –, les parlementaires n’auraient pas besoin de débattre d’une proposition de loi négligée, opportuniste et irréaliste.

Contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs de cette proposition de loi, les douleurs et difficultés à vivre une vie normale ne surviennent pas uniquement pendant les périodes menstruelles – c’est toute la difficulté de cette maladie complexe. Les menstruations sont une des quatre phases du cycle menstruel, ce qui rend la formulation même de « périodes menstruelles » inexacte. Il est également indiqué que les personnes menstruées concernées souffrent de troubles digestifs et de saignements anormaux. Cela est bien vague et incomplet, sachant que règles douloureuses, troubles digestifs, troubles urinaires, fatigue chronique, douleurs pelviennes, lombaires et neuropathiques, dyspareunie et infertilité constituent la longue liste des symptômes différents pour chaque patiente. Une autre affirmation selon laquelle aucun traitement n’existe mérite d’être nuancée : s’il n’y a pas de traitement spécifique, plusieurs traitements hormonaux sont indiqués par la Haute Autorité de santé (HAS).

L’ajout d’une pathologie sur la liste des ALD se fait par voie réglementaire et non législative, et certaines formes d’endométriose entrent déjà dans le cadre d’une ALD hors liste, l’ALD 31. Quant à la RQTH pour les personnes menstruées atteintes d’endométriose, elle est également déjà possible.

Il est impensable de mentionner dans une loi chaque maladie rendant impossible ou difficile l’obtention ou la conservation d’un emploi en raison de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physiques sensorielles, mentales ou psychiques. L’article L. 5213-1 du code du travail est rédigé de telle sorte qu’il permet de n’exclure aucune maladie. Qui plus est, selon le conseil d’administration d’EndoFrance, cette proposition de loi n’aura pas d’effet, ou en aura peu, sur la prise en charge et les douleurs des patientes. La priorité est de former les médecins pour constituer des filières régionales partout en France, et d’attribuer des budgets pour la recherche spécifiquement sur l’endométriose.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’endométriose, cette maladie qui concerne tant de femmes, dont les contours sont flous et les conséquences multiples, doit faire l’objet de toute notre attention. Les personnes qui en sont atteintes doivent bénéficier de toute la solidarité qui s’impose, par l’exonération des frais de santé lorsque cela est possible et nécessaire, ainsi que par la reconnaissance de la difficulté d’accès ou de maintien dans l’emploi.

L’article 1er de la proposition de loi créerait une exonération spécifique et totale pour l’endométriose en particulier, en dehors des dispositifs existants. Quels critères permettraient d’y accéder et pourquoi viser uniquement cette pathologie ? Il existe tant de formes de la maladie, aux conséquences si différentes, de la plus invalidante à la forme asymptomatique. Bien sûr, nous devons faire plus sur la recherche, au service du diagnostic précoce et du traitement, sur la formation des professionnels et sur l’accompagnement dans le parcours de soins, éventuellement en systématisant un dépistage gratuit. Oui, nous devons agir plus et concrètement sur tous ces points, mais ce n’est pas ce que propose le RN.

L’article 2 permettrait aux femmes atteintes d’endométriose de bénéficier d’une RQTH systématique. Là aussi, pourquoi uniquement pour cette maladie ? La systématicité de ce lien remettrait en cause le principe même de distinction entre maladie et handicap, sans tenir compte de la grande diversité de cette maladie.

À nos yeux, cette proposition de loi méconnaît la réalité de l’endométriose. Nous regrettons qu’un sujet si attendu par les patientes fasse l’objet d’une forme d’instrumentalisation. Trop de femmes sont aujourd’hui porteuses de cette maladie et ne sont pas diagnostiquées ; nous devons agir concrètement pour y remédier, afin qu’elles puissent être accompagnées et soignées. C’est au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

M. le rapporteur. En tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et alors que, depuis le début de mon mandat, je prends une part active à la promotion de l’égalité réelle, je suis choqué et blessé de certains des propos qui ont été tenus – notamment dans les rangs de la NUPES, mais cela ne m’étonne pas.

Madame la rapporteure générale, répéter un mantra n’en fera pas une vérité absolue, et les postures ne sauraient masquer le manque d’action du Gouvernement.

Madame Autain, vous n’avez vraisemblablement pas entendu mon exposé introductif. À votre place, je ferais preuve d’un peu plus d’humilité. Si j’écartais la plaie de l’affaire Quatennens et des violences conjugales, je retrouverais l’absence de réaction de la part de certains sur vos bancs. Tout en vous remerciant de donner quitus à certains aspects du texte, je considère que tout ce qui est excessif est insignifiant et je n’y répondrai pas.

Madame Valentin, je vous remercie pour vos propos apaisants, qui vont dans le bon sens.

Madame Josso, vous n’ignorez pas que toute proposition de loi est amendable. Je regrette que vous n’ayez formulé aucune proposition, alors que, comme moi, vous faites partie de la délégation aux droits des femmes.

Madame Battistel, il faut lire les propositions de loi : le statut de travailleur handicapé n’est pas stigmatisant, puisqu’il serait attribué sur la base du volontariat. Vous déplorez l’action du Gouvernement ; saisissez donc cette occasion incroyable de faire avancer la cause des femmes ! Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer.

Monsieur Valletoux, vous n’avez apparemment pas lu le texte. Vous pourriez l’amender et remplir ainsi activement votre rôle de législateur. Mais vous êtes un soutien actif du Gouvernement...

Madame Garin, tout en redisant que ce qui est excessif est insignifiant, je vous remercie d’avoir repris mot pour mot, les motivations de notre démarche. Le reste ne sont que propos d’estrades et procès d’intention, rien qui fasse avancer le débat.

Enfin, monsieur Panifous, ne vous contentez pas d’avancer des idées, faites donc des propositions, et ne renvoyez pas les rendez-vous qui vous sont proposés aux calendes grecques.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Stéphane Viry (LR). Pendant des années en France, 2 millions de femmes souffrant d’endométriose ont été oubliées, niées par certains membres de la communauté médicale ; elles n’ont pas été considérées à la mesure de leurs souffrances et des conséquences pour leurs familles.

Au cours de la législature précédente, sous l’impulsion de diverses fondations et associations de patientes, des députés de toutes sensibilités politiques ont tenté de faire bouger les lignes. Dès 2021, plusieurs propositions de loi émanant de mon groupe ont visé à lutter contre l’endométriose et à la faire reconnaître comme une grande cause nationale, avec l’intention de pousser l’exécutif à prendre ce dossier en main. Et en effet, une stratégie nationale a été annoncée en grande pompe, hélas ! sans résultat concret à ce jour. Les initiatives parlementaires prises entre 2017 et 2022 n’ont pas davantage donné de résultats satisfaisants.

À mes yeux, cette proposition de loi en deux articles a surtout pour objet de marquer l’inertie du Gouvernement. J’ai entendu que l’article 1er serait moins-disant que le droit actuel. Pour voter de manière éclairée, j’ai besoin d’avoir votre point de vue à ce sujet, monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, à l’issue des auditions que vous avez menées, quel est votre sentiment s’agissant de la connaissance doctrinale de l’endométriose au sein de la communauté médicale ?

M. Jean-François Rousset (RE). Le groupe Rassemblement National veut faire croire aux Français qu’il est possible de régler le problème de l’endométriose en formulant deux propositions, qui sont déjà effectives. Je l’invite à faire preuve d’un peu plus d’humilité.

Les premiers symptômes de l’endométriose ont été décrits par les Égyptiens, il y a plusieurs milliers d’années. Par la suite et durant une très longue période, la condition de la femme était telle que celles qui exprimaient leurs souffrances étaient considérées comme hystériques, enfermées et brûlées. À partir de 2020, un virage a été pris, avec l’inscription de la maladie endométriosique au programme des études de médecine. Puis, en 2022, notre Président de la République en a fait une cause nationale.

Tout cela pour dire que deux petites mesures – déjà en vigueur – comme celles que vous proposez ne permettent pas de régler le problème de l’endométriose. Cette maladie sociétale est très invalidante. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui en souffrent, mais aussi le père d’une femme qui, malgré une endométriose, a trois enfants et a fait les 100 kilomètres de Millau. Des associations m’ont dit ne surtout pas vouloir de stigmatisation, préférant une reconnaissance de cette maladie et une information à son sujet. Nous pensons qu’il faut s’inscrire dans la durée, avec l’amélioration des diagnostics et surtout de la prise en charge chirurgicale, pouvant elle-même être source de complications, notamment urinaires ou digestives, qui justifient l’ALD.

M. Yannick Neuder (LR). Je tiens à replacer la discussion sur le plan médical pour que nous nous occupions des 10 % de femmes qui ont des douleurs, qui sont infertiles et qui souffrent psychologiquement. Chaque groupe politique peut prendre sa part de l’inertie collective qui a régné sur le sujet, même si Stéphane Viry et Emmanuelle Anthoine s’étaient mobilisés pour faire reconnaître cette maladie comme grande cause nationale en 2021. Olivier Véran a déployé une stratégie nationale, mais celle-ci devait manquer d’ambition puisqu’elle n’a pas eu d’effet concret. Enfin, la proposition de résolution de Clémentine Autain a sensibilisé l’ensemble des députés puisqu’elle a été votée à l’unanimité, mais elle n’a pas, elle non plus, été suivie d’effets.

L’article 1er présente l’avantage de mettre en exergue le sujet, même si, comme l’a dit à juste titre Marie-Noëlle Battistel, la reconnaissance de l’endométriose comme ALD relève du pouvoir réglementaire.

Quant à l’article 2, qui reconnaît aux femmes souffrant d’endométriose la qualité de travailleur handicapé, Véronique Louwagie avait réalisé un travail juridique sur ce statut, qui est un peu plus complexe que ce qu’en présente cette proposition de loi.

Les propos de M. Rousset sur l’intégration de l’endométriose dans les études médicales sont intéressants : en effet, avant de proclamer de grandes causes nationales, il faut faire en sorte qu’une telle maladie soit connue, grâce notamment à un plan de recherche.

M. Arthur Delaporte (SOC). « Le progrès, c’est de permettre aux femmes de rester à la maison » et « L’IVG est un confort », ces mots ne sont pas de moi, ils ont été prononcés, les uns, par Marine Le Pen en 2012, les autres, par des membres du Rassemblement National. Quel parti a majoritairement voté contre la constitutionnalisation de l’IVG et a, encore la semaine dernière, pris position pour assigner les femmes à la maison ? C’est le Rassemblement National. Tous les actes de ce parti contre la cause des femmes, au Parlement européen comme à l’Assemblée nationale, sont connus, et depuis longtemps.

Aujourd’hui, vous tentez, par une pantalonnade, de divertir et de tromper le public sur ce que vous êtes réellement, à savoir un parti antiféministe. Au service de cette opération, vous pillez le travail d’une collègue féministe, sincère et engagée, Clémentine Autain, qui a fait voter à l’unanimité de notre assemblée une résolution, seul moyen de demander au Gouvernement de déployer un accompagnement réel des femmes victimes d’endométriose.

Je vous en veux énormément, chers collègues, d’instrumentaliser le féminisme à des desseins purement politiques, manœuvre permise par l’attitude dilatoire du Gouvernement que je regrette profondément. Comme l’ont rappelé l’ensemble de mes collègues de gauche, il suffit de prendre un décret pour reconnaître l’endométriose comme une ALD 30, ouvrant ainsi le droit à une prise en charge complète des soins.

Cette proposition de loi ne sert à rien, sinon à faire le buzz, à faire parler de vous et à nous permettre de rappeler ce que vous êtes réellement : un parti qui ne s’intéresse à la cause des femmes que par opportunisme.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Connaissez-vous le coucou, cet oiseau qui occupe le nid des autres, jette les œufs et s’installe tranquillement pour s’occuper de sa propre progéniture ? C’est ce que vous faites avec les combats féministes, et l’endométriose en est un de longue haleine. À une époque, l’endométriose était de ces affections qui faisaient tellement souffrir les femmes que l’on traitait celles-ci d’hystériques et que les tenants politiques de l’ordre moral les faisaient brûler sur des bûchers. Hippocrate a lui-même pensé que l’hystérie résultait de la mutation de la muqueuse de l’utérus, d’où l’origine de ce mot que vous affectionnez.

Nous ne vous laisserons pas reprendre le combat historique des féministes. Et si vous vous inquiétez sincèrement de l’endométriose, prenez des mesures pour que les femmes vivant dans des pays où elles n’ont pas accès aux soins puissent migrer et s’installer en France pour y être prises en charge, plutôt que d’être reconduites à la frontière. En attendant, vous ne faites que de la récupération politique : vous êtes des coucous et nous ne voterons pas ce texte !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il y a deux manières d’aborder l’endométriose : une approche médicale, que je privilégie et qui implique d’informer les femmes pour éviter l’errance médicale, de mieux former les médecins et de faire de la recherche ; une approche politique, ce à quoi nous assistons ce matin. Depuis une heure, parlons-nous des femmes ? Non. Les interventions sont de nature uniquement politique : le rapporteur ne répond qu’en s’opposant aux uns, les autres défendent leur primauté sur le sujet. Je regrette le traitement réservé à cette véritable cause qu’est l’endométriose et je suis un peu triste pour notre commission. Notre débat ne devrait-il pas dépasser ces querelles politiques pour être utile aux femmes ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Je me réjouis que l’Assemblée nationale se saisisse du sujet de l’endométriose, tout en regrettant que le Gouvernement ne se soit pas engagé davantage. Il importe que nous fassions mieux connaître cette pathologie et que nous renforcions la prévention. Surtout, nous devons améliorer les conditions de vie des femmes qui souffrent de cette maladie, qui peut causer des douleurs très intenses.

Le 4 juillet dernier, j’ai déposé une proposition de loi que j’ai élaborée avec des femmes atteintes d’endométriose, notamment Amandine, qui se reconnaîtra et qui est à l’origine de la rédaction du texte. Celui-ci est simple : il vise à adapter les conditions de vie au travail, en permettant le recours au télétravail sur justification médicale, et à l’école, en préparant les enseignants à intervenir, avec l’aide d’associations, pour améliorer la prévention, et en tolérant les absences de jeunes filles scolarisées.

Isabelle Valentin a déposé, au nom du groupe Les Républicains, des amendements qui reprennent certaines de ces mesures simples et à même d’améliorer la vie d’un grand nombre de femmes.

Mme Véronique Riotton (RE). La proposition de loi montre que le Rassemblement National ne connaît pas le sujet. Toutes les endométrioses ne nécessitent pas l’ouverture d’une ALD, ni le suivi d’un parcours de soins. Le statut administratif de l’ALD 30 est particulier ; il peut engendrer des frais à l’occasion d’une demande de prêt immobilier ou d’inscription à une mutuelle. Il est, en outre, moins favorable que l’ALD 31, qui assure une prise en charge à 100 % des soins. Comme la liste n’est pas définitive, elle couvre l’ensemble des formes d’endométriose quand l’ALD 30, trop restrictive, pourrait exclure certaines femmes de toute prise en charge.

La HAS s’est prononcée contre l’intégration de l’endométriose dans la liste ALD 30 et privilégie l’harmonisation des critères d’attribution de l’ALD 31. Les critères et la connaissance de cette maladie par les médecins sont des enjeux essentiels, comme le souligne la présidente de l’association EndoFrance, Yasmine Candau. Les femmes atteintes d’endométriose peuvent déjà demander à bénéficier de l’ALD 31, qui rembourse intégralement les frais de santé liés à l’affection et confère la RQTH, objet de l’article 2. En 2021, 7 000 femmes atteintes d’endométriose bénéficiaient du régime de l’ALD 31.

Le texte ne répond pas aux demandes des femmes, qui sont de trois ordres : diagnostic précoce, parcours de soins personnalisé et amélioration des soins.

Mme Joëlle Mélin (RN). Arrivant à la fin de ma carrière, après quarante-cinq ans de médecine, j’avoue que je ne voyais l’endométriose que comme du tissu utérin ectopique et une affection très rare. Pourtant, au moins 10 % des femmes présentaient un syndrome menstruel douloureux, qui se manifestait différemment selon les patientes. Le temps passant et la demande augmentant, les autorités médicales ont souhaité en faire un syndrome, catégorie difficile à cerner – que l’on pense à la fibromyalgie et à certaines pathologies associées à la maladie de Lyme.

Puisque nous avons identifié un syndrome pour le traitement duquel les dépenses sont onéreuses, il y a lieu d’évoquer une ALD. Dans certains cas, l’ALD 30, voire ALD 31, est envisageable, mais elle reste à l’appréciation des services de la sécurité sociale. Autorisons les médecins à faire des demandes dans un cadre plus précis qu’actuellement, qui laisse la possibilité de refuser de reconnaître l’endométriose comme une ALD. C’est une nécessité.

Je suis d’accord avec mon collègue Neuder pour souligner l’urgence de la recherche et de la formation des médecins pour parvenir à un consensus sur ce syndrome très épars, que certains qualifient même d’asymptomatique – ce qui est tout de même extraordinaire pour un syndrome, c’est-à-dire une association de signes.

M. le rapporteur. Je remercie les collègues Valentin, Viry, Neuder, Louwagie et Isaac-Sibille d’avoir élevé le débat.

Monsieur Viry, le dispositif de la proposition de loi prévoit bien une prise en charge à 100 % des soins mais également de l’accompagnement. Toutes les auditions préalables ont confirmé les effets de la rédaction de l’article 1er que nous avons retenue. Je vous assure que des dizaines de milliers de femmes bénéficieront de cette disposition. Si l’exécutif souhaite prendre un décret, encore une fois, qu’il le fasse !

Article 1er : Garantir une prise en charge à 100 % des soins liés à l’endométriose

Amendement AS7 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie

M. le rapporteur. L’amendement est de nature rédactionnelle et vise à supprimer le mot « victimes », qui ne me semble pas approprié et que je souhaite remplacer par « femmes atteintes » d’endométriose.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

Amendement AS6 de Mme Isabelle Valentin

Mme Isabelle Valentin (LR). Je regrette, pour la cause des femmes et pour les 10 % de femmes touchées par cette maladie, que l’article 1er n’ait pas été adopté.

L’endométriose est invalidante et douloureuse, voilà pourquoi mon amendement vise à permettre aux jeunes filles scolarisées au sein d’un établissement scolaire sous contrat avec l’éducation nationale de bénéficier d’une tolérance pour leurs absences, lorsque celles-ci sont justifiées par des symptômes d’endométriose certifiés par un médecin.

M. le rapporteur. Avis favorable.

Vous soulevez un vrai problème : si l’endométriose au travail peut se révéler un calvaire pour les femmes qui en souffrent, la situation est identique pour les jeunes femmes scolarisées. Selon l’étude Endovie, réalisée par Ipsos, 49 % des femmes atteintes d’endométriose ont vu les symptômes apparaître avant l’âge de 20 ans. Il importe que l’absentéisme scolaire lié à l’endométriose ne pénalise pas les jeunes femmes qui y sont contraintes.

M. Victor Catteau (RN). Nous voterons évidemment en faveur de l’amendement, car les femmes adultes ne sont pas les seules à souffrir d’endométriose.

Le groupe La France insoumise a déposé un texte assez similaire au nôtre il y a quelque temps, mais il vote aujourd’hui contre des dispositions qu’il a lui-même proposées. L’hypocrisie est manifeste, et cette proposition de loi est l’occasion de dévoiler la mascarade. Cela fait des mois que nous proposons des mesures allant dans le sens de l’intérêt des Français, mais ce groupe s’obstine à s’y opposer. Aujourd’hui, ce sont les femmes qui en font les frais.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS2 de Mme Josiane Corneloup et AS5 de Mme Isabelle Valentin (discussion commune)

Mme Josiane Corneloup (LR). L’endométriose touche 10 % des femmes en âge de procréer et représente la première cause d’infertilité en France. Le diagnostic et la prise en charge sont souvent trop tardifs, le premier intervenant en moyenne plus de sept ans après l’apparition des symptômes. Ce retard affecte considérablement la qualité de vie des femmes qui souffrent de cette affection. Le manque d’information des femmes et des jeunes filles rend capitale la sensibilisation des collégiens et des lycéens à l’endométriose ; une séance annuelle par groupes d’âge homogènes au collège et au lycée permettrait aux élèves de mieux comprendre les symptômes, les défis et les implications de cette maladie. Cette opération sensibiliserait également, de manière indirecte, les mères de ces adolescentes.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement AS5 va dans le même sens ; il reprend une disposition de la proposition de loi de Véronique Louwagie consistant à autoriser les enseignants à faire intervenir des associations ou à enseigner eux-mêmes, dans le cadre de l’éducation morale et civique ou des sciences de la vie et de la terre, un module portant sur différentes pathologies, dont l’endométriose. L’objectif est de sensibiliser les élèves le plus tôt possible sur ce problème de santé publique.

M. le rapporteur. Je suis favorable à l’amendement AS2 et je demande le retrait de l’AS5, car la rédaction du premier me paraît plus précise que celle du second. L’ensemble des professionnels et des associations nous alertent depuis des années sur l’errance de diagnostic, qui dure encore dix ans selon l’Inserm alors que l’endométriose est évolutive. Il est donc primordial de repérer les symptômes le plus rapidement possible, ce à quoi contribuerait l’adoption de vos amendements.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. Ces deux amendements visent à modifier un article du code de l’éducation portant sur les cours d’éducation à la sexualité dispensés dans le primaire et le secondaire, dont l’existence est inscrite dans la loi depuis 2001. Le contenu de cet enseignement a fait l’objet d’une circulaire du ministère de l’éducation nationale, datée du 12 décembre 2018, qui précise les contours du champ biologique pris en compte, à savoir tout ce qui est de l’ordre de l’anatomie, de la physiologie, de la reproduction et de ce qui en découle. Conscients de l’importance de ces séances, le même ministère a pris une nouvelle circulaire le 30 septembre 2022, afin d’en assurer l’effectivité.

L’objectif poursuivi par les amendements nous semble louable, mais force est de constater que les séances d’éducation à la sexualité peuvent servir de vecteurs à sa réalisation. Comme ils sont satisfaits, nous ne voterons pas en leur faveur.

Mme Véronique Riotton (RE). Permettre aux professeurs d’accueillir en classe des associations est déjà possible : les centres d’information sur les droits des femmes et des familles ou le Planning familial interviennent d’ailleurs régulièrement dans les écoles.

M. Yannick Neuder (LR). Le cadre que vient de rappeler Mme la rapporteure générale est-il bien respecté partout ? Nous devons nous pencher sur cette question pour veiller collectivement à préciser notre approche de l’endométriose, qui n’entre pas tout à fait dans le domaine de l’éducation sexuelle. Il faut préciser le cadre et libérer la parole sur cette maladie, qui n’est pas psychologique puisqu’elle résulte d’une colonisation de tissus utérins dans d’autres parties du corps, mais qui n’est pas non plus liée à l’éducation sexuelle.

Par ailleurs, nous devons nous montrer prudents : on ne peut pas renvoyer au pouvoir réglementaire des sujets importants – celui-ci touche quand même 10 % des femmes – et surlégiférer sur d’autres qui le sont moins – je pense à la proposition de loi sur les punaises de lit annoncée à grand renfort médiatique. Parlons des femmes ce matin !

M. Jean-François Rousset (RE). Dans le cadre de la réforme du collège, effective depuis cette rentrée, tous les collégiens à partir de la cinquième pourront bénéficier d’une information sur l’endométriose, dispensée par des associations. Cette mesure s’insère dans notre démarche d’ouverture de l’éducation nationale à de nombreux sujets de société.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). L’utérus des femmes comparé aux punaises de lit : nous avons atteint un sommet ce matin !

Il y a un lien entre l’éducation à la sexualité et celle au corps des femmes et à leur émancipation : j’entends bien que cette relation n’est pas évidente pour vous, cher collègue de droite, mais l’ordre des sexes et celui des sexualités sont totalement liés dans l’histoire. S’il faut informer les jeunes filles le plus tôt possible sur l’existence de cette pathologie, il faut également que cet enseignement s’inscrive dans une éducation et une sensibilisation plus globales à tout ce qui touche au corps des femmes, à leur sexualité et à l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous demandons depuis longtemps de combler l’absence de cette dimension dans notre système éducatif.

Le problème principal est la faiblesse de la formation et de la sensibilisation des médecins. Ces derniers sont nombreux à ne pas savoir poser le diagnostic de l’endométriose en présence des symptômes de cette maladie. Nous souhaitons inscrire cette affection dans la liste ALD 30 pour effacer les inégalités territoriales, qui sont très fortes. La circulaire représente un pas dans la bonne direction, mais l’inscription de l’endométriose dans l’ALD 30 est le moyen de garantir une meilleure automaticité de la prise en charge. Pour le moment, les efforts du Gouvernement sont notoirement insuffisants. Entre 2021 et 2022, la prise en charge de femmes souffrant de formes invalidantes de la maladie dans le cadre de l’ALD 31 a certes progressé de 43 % mais, en chiffres, cela se traduit par une augmentation de 9 300 à 13 000 – autant dire rien !

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La question centrale est celle de la santé des femmes. Comme tous les dispositifs législatifs nécessaires à la prise en charge de l’endométriose existent déjà, la protection et le soin des femmes souffrant de cette maladie dépendent de la volonté politique du Gouvernement. La proposition de loi du Rassemblement National met en lumière la difficulté de la majorité à agir concrètement pour ces femmes : que l’exécutif prenne le décret nécessaire à la reconnaissance de cette maladie comme ALD et l’objet de cette proposition de loi disparaîtra ! En n’agissant pas, il donne des gages au Rassemblement National – c’est inacceptable !

Mme Sandrine Josso (Dem). Le ministre de la santé et de la prévention a publié une instruction sur l’endométriose le 27 septembre et, aujourd’hui, se tient à Rennes le comité de pilotage sur l’endométriose, dont la réunion était prévue bien avant l’examen de cette proposition de loi. Le Gouvernement prend bien en compte le sujet.

L’amendement AS5 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS2.

Amendement AS3 rectifié de Mme Josiane Corneloup

Mme Josiane Corneloup (LR). Par un arrêté du 2 septembre 2020, l’endométriose est officiellement entrée dans le programme du deuxième cycle des études de médecine, mais elle reste absente du premier cycle. L’amendement propose d’intégrer au programme de la première année des études de santé une sensibilisation à cette affection. Cela aiderait les futurs praticiens à diagnostiquer plus rapidement et plus facilement l’endométriose, ce qui favoriserait une prise en charge rapide et adaptée des femmes atteintes.

M. le rapporteur. Votre amendement est utile, car l’intégration de l’endométriose au programme de la première année des études de santé sensibiliserait les étudiants se dirigeant ensuite vers l’odontologie, la pharmacie ou la maïeutique à cette affection.

L’avis est favorable.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. L’arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales vise directement l’endométriose comme objet d’étude, de la définition de la prise en charge en passant par le diagnostic et l’épidémiologie. En outre, des modules de formation en ligne (Mooc) sur l’endométriose sont ouverts aux professionnels de santé.

M. Victor Catteau (RN). Sensibiliser les étudiants à l’endométriose, qui touche entre 1,5 million et 2,5 millions de femmes en France, est essentiel. Les étudiants ayant reçu un enseignement sur la question seront des porte-parole et des agents de prévention dans tout le territoire français.

Chers collègues du groupe Renaissance, pourrez-vous regarder des femmes droit dans les yeux en leur disant que vous n’avez pas soutenu cette proposition de loi, alors que le Gouvernement n’a rien fait depuis des années, contrairement à ce qu’il avait promis ?

M. Stéphane Viry (LR). Je soutiens l’amendement car il y a eu, de la part de certains professionnels de santé, une errance médicale dans le diagnostic et la prise en charge de l’endométriose. Mme la rapporteure générale a évoqué un arrêté de 2013, qui prescrirait à tous les futurs professionnels de santé le suivi d’une formation, mais je m’interroge sur le degré de son application. Ces personnes sont-elles bien formées à l’endométriose ?

Je comprends le sens de l’amendement et je présume qu’il est nécessaire car il y a des carences en France dans ce domaine, même si je n’ai pas forcément la connaissance que certains membres de la commission ont des professionnels de santé. Il me semble difficile de dire que notre pays se montre performant dans l’enseignement et la prise en charge de l’endométriose.

M. Didier Martin (RE). Le sujet de ce matin est la santé des femmes. Le réseau des Maisons des femmes se développe dans notre pays, notamment par le biais du collectif Re#Start, qui est né en Seine-Saint-Denis sous l’impulsion de Ghada Hatem et qui agit pour la santé des femmes, en particulier dans les domaines de la contraception, de l’IVG, des troubles menstruels, des mutilations et des violences. Je pourrais en parler à une femme droit dans les yeux, monsieur Catteau. Il faut s’occuper de l’endométriose mais également de la question plus large de la santé des femmes : l’existence de lieux adaptés comme ceux-ci où des professionnels de santé – sages-femmes, infirmières, médecins – et des forces de l’ordre les accueillent et les écoutent est essentielle.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). Je suis d’accord avec vous, les Maisons des femmes sont nécessaires dans tout le pays. Certains collègues se sont étonnés du caractère politique de l’endométriose : oui, le lien entre cette maladie et l’émancipation et la santé des femmes est éminemment politique. Autre question politique, consacrons-nous des moyens suffisants au développement des Maisons des femmes ? Les budgets que vous votez année après année, chers collègues du groupe Renaissance, empêchent d’apporter une réponse positive à cette interrogation : ce constat vaut d’ailleurs pour l’ensemble des services publics, dont les moyens sont constamment taris quand l’argent public coule à flots et sans contreparties pour les grands groupes.

Nous sommes donc devant un choix politique : étendons-nous les protections, les services publics et les droits ou continuons-nous à les rabougrir pour les faire entrer dans vos normes budgétaires ?

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Reconnaître la qualité de travailleur handicapé aux femmes atteintes d’endométriose qui le souhaitent

Amendement AS4 de Mme Isabelle Valentin

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains s’oppose à l’article 2. D’une part, les femmes souffrant d’une endométriose handicapante pour leur quotidien ou leur travail peuvent déjà demander une RQTH auprès de la MDPH. D’autre part, la modification de l’article L. 5213‑1 du code du travail est inutile – elle pourrait même s’avérer dangereuse –, car sa rédaction est suffisamment large.

L’amendement vise à apporter une vraie simplification du quotidien professionnel des femmes qui souffrent de cette maladie invalidante. Celles dont les conditions de travail s’y prêtent pourraient moduler leur semaine et obtenir, grâce à un certificat médical, des jours de télétravail. Cette avancée, simple à mettre en place, permettrait aux femmes de se sentir plus à l’aise et de travailler convenablement, sachant que les douleurs peuvent être fortes et survenir sans signe précurseur.

M. le rapporteur. L’article 2 facilite déjà l’obtention de la RQTH et constitue le bon outil pour répondre aux difficultés ressenties au travail. Les femmes pourraient bénéficier de jours de télétravail et d’aménagements de leurs horaires et de leur poste de travail. Les femmes qui refuseraient la RQTH ne seraient pas contraintes d’entrer dans ce cadre.

L’article 2 satisfaisant votre amendement tout en se montrant plus protecteur, je vous demande de retirer celui-ci ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Clémentine Autain (LFI - NUPES). On touche au problème central de votre proposition de loi dont les dispositions ne sont pas placées dans la bonne partie du code de la santé publique. Les collègues du groupe Les Républicains l’ont bien compris et tentent d’aménager le texte pour pouvoir le voter, mais rien ne tient. Vous souhaitez l’insérer dans la section du code consacrée au handicap alors que nous nous battons pour que l’endométriose soit traitée dans la partie consacrée aux ALD. La logique est très différente ! Nous ne nous étonnons d’ailleurs pas que le Rassemblement National place les femmes dans le handicap.

Mme Sandrine Josso (Dem). L’amendement part d’une bonne intention. Poser la question de l’endométriose dans les entreprises participe à lever un tabou. Je n’approuve pas la rédaction de l’amendement, mais je soutiens son objectif.

M. Yannick Neuder (LR). Madame Autain, je suis d’accord avec vous pour constater l’insuffisance de la formation des personnels médicaux et paramédicaux pour diagnostiquer l’endométriose, mais compte tenu des déserts médicaux et de la surcharge de travail des praticiens, la formation est mise de côté, même si je soutiens les Mooc.

En revanche, je ne vous suis pas dans votre opposition entre l’ALD 30 et la RQTH. Nous sommes tous d’accord pour intégrer l’endométriose dans la liste des ALD 30, mais quel est le meilleur dispositif de prise en charge des femmes qui souffrent beaucoup de symptômes qui créent un handicap dans leur vie professionnelle et affective ? Qui a une meilleure proposition que cet amendement ? Nous sommes ouverts à des sous-amendements, mais force est de constater qu’actuellement, rien n’est fait pour ces femmes.

Mme Véronique Louwagie (LR). Nous sommes là pour légiférer et apporter des réponses pragmatiques à toutes les personnes atteintes d’endométriose. Le 19 avril dernier, une enseigne nationale de grande distribution a fait un grand pas pour les femmes en étant le premier employeur privé du pays à instaurer douze jours de congés payés spéciaux pour les employées souffrant d’endométriose. Alors que les entreprises se saisissent de ce sujet, nous refuserions, nous, législateurs, de le traiter ? Cette grande entreprise française ouvre la voie à des politiques publiques, mais le Gouvernement n’a toujours pas pris ce chemin. Au travers de cet amendement, je vous engage à le suivre, car la prise de conscience des entreprises est empreinte de responsabilité familiale, sanitaire et sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS8 de M. Emmanuel Taché de la Pagerie

M. le rapporteur. J’ai déjà expliqué pourquoi il convenait de remplacer le mot « victimes » par les mots « femmes atteintes ».

La commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Gage financier

La commission rejette l’article 3.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


–  1  –

ANNEXE N° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

   Réseau EndoSud PACA  Pr Aubert Agostini, président, et Mme Michèle Marcot, coordinatrice du réseau

  Table ronde avec des associations de patientes :

 EndoAction  Mme Myriam Poulain, présidente, et Mme Oriane Stingari, référente réseaux sociaux

 Association Justice endométriose  Mme Barbara Mvogoh, fondatrice et présidente, Mme Loïs Vieillefosse, responsable de la recherche sociologique, Mme Lucile Pascaud, assistante de direction et communication, et Mme Manon Barbin, membre du réseau Justice Endo, représentante de l’association Manoléta Vaucluse

 La santé pour toutes  Mme Jennifer Hermange, présidente

   Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)  Pr Sofiane Bendifallah, membre de la commission endométriose

  Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam)  Mme Catherine Grenier, directrice des assurés

  Mme Marie Dauchy, députée européenne

  Ministère de la santé et de la prévention :

 Direction générale de la santé (DGS) – Dr Olivier Scemama, chef de bureau au sein de la sous-direction santé des populations et prévention des maladies chroniques

 Direction de la sécurité sociale (DSS)  Mme Clélia Delpech, sous-directrice du financement du système de soins, et Mme Marion Mathieu, adjointe au chef de la mission coordination et gestion du risque maladie

– Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Mme Anne Hégoburu, sous-directrice de la régulation de l’offre de soins, et Dr Julien Carricaburu, chef de projet au cabinet de la directrice générale

  Table ronde avec des professionnels :

 Pr Charles Chapron, chef de service de gynécologie et médecine de la reproduction à l’hôpital Cochin

 M. Erick Petit, radiologue, fondateur et responsable du Centre de l’endométriose de l’hôpital Paris Saint-Joseph

 M. Benjamin Merlot, gynécologue spécialisé dans le traitement de l’endométriose au centre spécialisé de la clinique Tivoli-Ducos

 Pr Cyril Touboul, chef de service du service gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction à l’hôpital Tenon

 

 

 

 

 

 

 

 

 


–  1  –

ANNEXE n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

    

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la sécurité sociale

L. 160-14

2

Code du travail

L. 5213-1

 

 


([1]) Site de l’Inserm, Endométriose. Une maladie gynécologique fréquente mais encore mal connue, 2018.

([2]) Zacharopoulou, C., Rapport de proposition d’une stratégie nationale contre l’endométriose (2022 – 2025), 2022.

([3]) Site de l’OMS, page sur l’endométriose, 2023.

([4]) Ipsos, enquête Endovie réalisée en partenariat avec EndoFrance et Gedeon Richter, 2020.

([5])  Inserm, communiqué de presse « Endométriose : les projets de recherche en cours à l’Inserm », 3 mars 2022.

([6]) Site de l’Inserm, Endométriose. Une maladie gynécologique fréquente mais encore mal connue, 2018.

([7]) Site de l’association EndoFrance, Les traitements de l’endométriose, 20 novembre 2022.

([8]) HAS, Prise en charge de l’endométriose, recommandations de bonne pratique, 2017.

([9]) Ipsos, enquête Endovie réalisée en partenariat avec EndoFrance et Gedeon Richter, 2020.

([10]) Zacharopoulou, C., Rapport de proposition d’une stratégie nationale contre l’endométriose (2022 – 2025), 2022.

([11]) Site ameli.fr, Endométriose : symptômes, diagnostic et évolution, 2022.

([12])  AP-HP, Infertilité et Endometriose, 2021.

([13]) Rapport d’information n° 1522 fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur la santé mentale des femmes, par Pascale Martin et Anne-Cécile Violland, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juillet 2023.

([14]) À cet égard, nombreuses sont les femmes auditionnées qui ont fait état du désarroi ressenti face à la phrase : « il est normal d’avoir mal pendant ses règles ».

([15]) Romerio, A., « L’endométriose au travail : les conséquences d’une maladie chronique féminine mal reconnue sur la vie professionnelle », Centre d’études de l’emploi et du travail (Ceet) du Conservatoire national des arts et métiers, novembre 2020.

([16]) Rapport d’information sur la « Santé des femmes au travail : des maux invisibles », n° 780, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et déposé au Sénat le 27 juin 2023.

([17]) Simoens, S., et al., étude EndoCost. 2011.

([18]) Heroic santé, communiqué de presse « L’effarante réalité derrière les chiffres de l’endométriose », 7 mars 2022.

([19]) Kanj, O., Évaluation économique de la prise en charge de l’endométriose, thèse de doctorat en sciences économiques, Université Clermont Auvergne, 2017.

([20]) Zacharopoulou, C., Rapport de proposition d’une stratégie nationale contre l’endométriose (2022 – 2025), 2022.

([21]) Cerfa n° 15692*01.

([22]) Site Mon parcours handicap, MDPH : nouvelle diminution de la durée de traitement des dossiers. 2022.

([23]) Zacharopoulou, C., Rapport de proposition d’une stratégie nationale contre l’endométriose (20222025), 2022.

([24]) Chapron et al., A new validated screening method for endometriosis diagnosis based on patient questionnaires, The Lancet, vol. 44, février 2022.

([25]) Proposition de résolution n° 4766 visant à reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 décembre 2021, adoptée le 13 janvier 2022 (T.A. n° 742).

([26]) Rapport d’information sur la « Santé des femmes au travail : des maux invisibles », n° 780, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et déposé au Sénat le 27 juin 2023.

([27]) Ministère des solidarités et de la santé, Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, dossier de presse, 14 février 2022.

([28]) Cour des comptes, La politique d’égalité entre les femmes et les hommes menée par l’État, des avancées limitées par rapport aux objectifs fixés, rapport public thématique, septembre 2023.

([29]) Ipsos, enquête Endovie réalisée en partenariat avec EndoFrance et Gedeon Richter, 2020.

([30]) Romerio, A, « L’endométriose au travail : les conséquences d’une maladie chronique féminine mal reconnue sur la vie professionnelle », Centre d’études de l’emploi et du travail (Ceet) du Conservatoire national des arts et métiers, novembre 2020.

([31]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13935942_651d1225e64b1.commission-des-affaires-sociales--examens-des-propositions-de-loi--soutien-des-femmes-qui-souffren-4-octobre-2023