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N° 1745

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024
(n° 1680),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Jean-RenÉ CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

——

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

FICHE N° 1 : Le contexte macroéconomique

I. Dans un contexte de ralentissement mondial, l’économie française devrait connaître une reprise progressive en 2024             

A. L’inflation demeure élevée mais fléchit, en lien avec le resserrement de la politique monétaire             

1. La reprise économique et la situation géopolitique ont entraîné une augmentation des prix forte et durable, aux conséquences macroéconomiques importantes             

2. La politique monétaire apporte une réponse à la crise de l’inflation par la hausse des taux d’intérêt             

3. La croissance mondiale est ralentie

B. Le rebond attendu de l’économie française en 2024

1. Les déterminants de la croissance en 2024

a. La consommation des ménages accélèrerait en parallèle de la normalisation de l’inflation             

b. Le marché de l’emploi suit la dynamique de l’activité tandis que les salaires progressent             

c. Les entreprises font face aux conséquences du resserrement monétaire

d. Le commerce extérieur apporterait une contribution mesurée à la croissance

2. La trajectoire de long-terme du PIB français

II. L’avis du Haut Conseil des finances publiques

1. L’appréciation du scénario macroéconomique

2. L’appréciation de la trajectoire des finances publiques


FICHE N° 2 : La situation des finances publiques

I. Les prÉlÈvements obligatoires

A. Les prÉlÈvements obligatoires jusqu’en 2022

1. L’évolution de long cours

2. La structure des prélèvements obligatoires

B. Les prélèvements obligatoires en 2023 et 2024

1. Un reflux marqué du taux de prélèvements obligatoires après 2022, en raison d’une croissance spontanée modérée             

2. L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

II. Une évolution modérée du niveau des dépenses publiques en 2024, dans un contexte de recul des dépenses de crise             

A. Une légère hausse des dépenses publiques en volume, malgré le recul des dépenses exceptionnelles de crise             

B. La poursuite de la décrue du ratio de dépense publique dans le PIB

C. La dépense publique en milliards d’euros courants

D. Une évolution de la dépense différenciée selon les sous‑secteurs d’administration publique             

III. une AmÉlioration sensible du solde public en 2024

A. L’Évolution du dÉficit public sur longue pÉriode

B. Le solde public serait conforme à la prévision en 2023 et s’améliorerait en 2024 

1. Un solde stable entre 2023 et 2024

2. Une amélioration en cohérence avec la trajectoire pluriannuelle du Programme de stabilité et du projet de loi de programmation des finances publiques             

C. L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

a. L’État porte l’essentiel du déficit public

i. L’exécution budgétaire de l’État en 2022

ii. La prévision actualisée du déficit de l’État en 2023

iii. Le déficit de l’État en 2024

iv. La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

b. Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture             

D. Les administrations de sécurité sociale

E. Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale


IV. La dette publique

A. Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, le ratio de dette publique diminue depuis 2021             

1. Un choc haussier historique sur le niveau dendettement public en 2020

2. La diminution du niveau de l’endettement public depuis 2021, dans un contexte de rattrapage économique obscurci par le choc lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie             

B. SI le ratio de dette publique se stabilise en 2024, sa diminution continuerait au cours des années suivantes             

1. La stabilisation du ratio de dette publique en 2024

2. La nécessité d’amplifier la baisse de la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité à long terme             

a. Les points de vigilance

i. L’impact de l’inflation

ii. La remontée des taux d’intérêt

iii. La hausse de la charge de la dette

b. L’ancrage d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité à long terme             

3. La poursuite du cantonnement de la « dette covid »

FICHE N° 3 : LE BUDGET DE L’ÉTAT

I. Les recettes

A. Les recettes fiscales de l’État

1. Identification des recettes fiscales nettes

a. La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre.

b. Les recettes fiscales de l’État hors budget général

2. Présentation générale

a. Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

i. L’évolution spontanée

ii. Les mesures législatives

iii. Les mesures de périmètre et de transfert

b. Évolution générale de 2023 à 2024

3. Présentation par impôt

a. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

i. En 2023

ii. En 2024

b. L’impôt sur le revenu

i. En 2023

ii. En 2024

c. L’impôt sur les sociétés

i. En 2023

ii. En 2024

d. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

i. En 2023

ii. En 2024

e. Les autres recettes fiscales

B. Les recettes non fiscales du budget général

C. Les prélèvements sur recettes

D. les dépenses fiscales

II. Les dépenses de l’État

A. Un recul des dépenses pilotables de l’État proposées en 2024 résultant principalement de l’extinction des mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie             

B. L’évolution des dépenses prioritaires de l’État

1. L’évolution des dépenses du budget général depuis 2019

2. La forte baisse des dépenses liées aux mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie             

3. Une hausse inédite des crédits consacrés à la transition écologique

4. La poursuite du renforcement du pôle régalien

5. La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’éducation et de la recherche 

6. Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

7. Un renforcement des moyens de la mission Travail et emploi

III. L’évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses opérateurs             

A. L’évolution de la masse salariale de l’État

B. L’évolution des effectifs des ministères

1. Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné             

2. L’année 2024 correspond à une hausse des plafonds et des schémas d’emplois

Audition du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et DU ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics             

audition du président du haut conseil des finances publiques

 


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   introduction

Le projet de loi de finances pour 2024 illustre l’engagement et l’ambition du Gouvernement et de sa majorité parlementaire pour maîtriser nos finances publiques et nous désendetter, pour poursuivre et amplifier la transition écologique, pour financer le réarmement de nos services publics régaliens et de l’éducation nationale et pour accroître l’intensité de la lutte contre la fraude fiscale. Cette action est entreprise dans le respect des politiques entreprises depuis 2017 en faveur du développement de notre tissu productif, du renforcement de l’activité et de l’emploi et de la baisse de la fiscalité des ménages et des entreprises.

Le Gouvernement prévoit que la décrue du déficit public se poursuive en s’établissant à 4,4 % du PIB en 2024, après 4,9 % en 2023. Cette nette amélioration est conforme au Programme de stabilité d’avril 2023 et à la trajectoire figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 29 septembre 2023, à la suite de l’engagement de sa responsabilité par le Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Elle doit aboutir à un déficit passant sous le seuil de 3 % en 2027, pour atteindre 2,7 % du PIB. Elle permet une stabilisation du ratio de dette publique en 2024 à 109,7 % du PIB, avant une décrue permettant d’atteindre 108,1 % du PIB en 2027.

L’amélioration du solde public prévue en 2024 est essentiellement structurelle. Elle s’appuie sur une baisse massive des crédits destinés au soutien des ménages et des entreprises face à l’inflation, s’agissant notamment du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité et des aides au paiement des factures des professionnels. Elle a également pour fondement l’amorçage de la mise en œuvre des conclusions de revues de dépenses, comme l’extinction du dispositif Pinel jugé inefficace. Le débat parlementaire doit contribuer à amplifier la documentation et la mise en œuvre d’autres économies.

La trajectoire de maîtrise de nos finances publiques s’appuie en 2024 sur une croissance qui s’élèverait, selon le Gouvernement, à 1,4 %, soit un niveau supérieur à la progression du PIB de 1 % en 2023 – chiffre sur lequel s’accordent désormais les conjoncturistes, pour beaucoup d’entre eux plus pessimistes initialement. Elle s’appuie également sur un reflux marqué de l’inflation anticipé par les mêmes conjoncturistes ; elle est attendue par le Gouvernement à 2,6 % en 2024, après 4,9 % en 2023 et 5,2 % en 2022.

Sans préjudice de ce sérieux budgétaire, et conformément aux annonces faites par la Première ministre au cours de l’été 2023, le présent projet de loi de finances propose une progression inédite des crédits consacrés à la transition écologique, à hauteur de 7 milliards d’euros en crédits de paiement et de 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement en 2024.

Cet effort porte à près de 40 milliards d’euros en 2024 le total des dépenses favorables à l’environnement au sens du « budget vert », soit une hausse de plus d’un cinquième par rapport à 2023. De nombreux dispositifs visant à accompagner les ménages et les entreprises dans la transition écologique bénéficient de ces moyens supplémentaires, parmi lesquels :

– les aides à la rénovation énergétique, en particulier la prime de transition énergétique, dite « MaPrimeRenov’ », distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). L’Agence verrait ses moyens augmenter en 2024 de 0,5 milliard d’euros en crédits de paiement et de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement ;

– le plan d’avenir pour les transports, présenté le 24 février 2023 par la Première ministre, par lequel l’État apportera des moyens à hauteur de 8,6 milliards d’euros au cours du quinquennat, destinés notamment aux investissements dans le réseau ferroviaire, dans le cadre des contrats de plan État‑régions (CPER) ;

– le plan France 2030, dont les moyens dédiés aux investissements verts progresseraient de 1,5 milliard d’euros de crédits de paiement en 2024, au profit notamment de la fabrication des batteries électriques, du développement de l’hydrogène et de la décarbonation des sites industriels ;

– les aides à l’acquisition de véhicules propres (notamment la prime à la conversion, le bonus écologique et le dispositif de leasing social ouvert à compter de 2024). Les crédits de paiement destinés à ces aides s’établiraient à 1,5 milliard d’euros, en progression de 0,2 milliard d’euros par rapport à 2023 ;

– le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », est renforcé et doté de 2,5 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2024 (+ 0,5 milliard d’euros). Ces nouveaux moyens seront destinés au financement des projets des collectivités territoriales, notamment pour la rénovation énergétique des écoles à hauteur de 500 millions d’euros.

Le verdissement de l’action publique passe résolument par la fiscalité dans le PLF 2024 :

– son article 3 prévoit le régime fiscal du plan d’épargne avenir climat (PEAC), créé dans le cadre du projet de loi relatif à l’industrie verte adopté définitivement le 11 octobre 2023, et qui prévoit l’exonération des revenus de ce produit d’épargne longue réservé aux personnes âgées de moins de 21 ans et orienté notamment vers le financement de la transition écologique ;

– l’article 5 crée un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte afin de contribuer au financement de la production, en France, de batteries, de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de pompes à chaleur ;

– les articles 12, 13 et 14 renforcent très substantiellement notre fiscalité environnementale, en engageant l’extinction progressive de l’avantage fiscal pour le gazole non routier (GNR), en accroissant les incitations des metteurs sur le marché de produits pétroliers à l’incorporation de biocarburants et en relevant les malus liés au poids et aux émissions de dioxyde de carbone assis sur l’achat et l’usage des véhicules par les particuliers et les entreprises.

Le texte du Gouvernement conforte les politiques publiques prioritaires, dans le strict respect des lois de programmation qui définissent la progression pluriannuelle des crédits qui leur sont alloués.

S’agissant du pôle régalien, la mission Défense bénéficie d’un nouvel accroissement de ses crédits, de 3,7 milliards d’euros (+ 6,9 %), afin de financer la préparation opérationnelle face à l’intensification des conflits, le renouvellement des équipements, les capacités liées aux nouveaux milieux (spatial, cyberespace, fonds marins), le renseignement, l’amélioration des conditions d’entraînement et la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.

Les crédits de paiement de la mission Justice augmentent à nouveau en 2024 de 0,5 milliard d’euros (+ 5,2 %). Il s’agit notamment de poursuivre la mise en œuvre des programmes immobiliers engagés (plan de construction de 15 000 places de prison), ainsi que les projets numériques du ministère. Dans la continuité des états généraux de la justice, il s’agit également de continuer le renforcement des effectifs et l’amélioration des conditions de travail des agents.

Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 1,1 milliard d’euros, afin notamment de contribuer à la poursuite de la création de onze unités de forces mobiles et de nouvelles brigades de gendarmerie, ainsi qu’au renforcement des effectifs pour la sécurisation des grands évènements sportifs, notamment les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

S’agissant de la priorité donnée à l’éducation et de la recherche, les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 4,4 milliards d’euros en 2024 pour s’établir à 86,8 milliards d’euros (pensions comprises), notamment afin de financer des mesures qui auront permis, en janvier 2024, une revalorisation moyenne de 11 % de la rémunération des enseignants par rapport au printemps 2022. Ces moyens permettront également de financer la réforme des lycées professionnels et agricoles mise en œuvre depuis la rentrée 2023, qui conduira l’État à prendre en charge la rémunération des lycéens professionnels pendant leurs périodes de stage. Les effectifs d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) devraient à nouveau être renforcés à la rentrée 2024, à hauteur de 3 000 emplois supplémentaires.

Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur augmentent de 1 milliard d’euros en 2024, notamment afin de renforcer des moyens consacrés aux formations supérieures et le financement des mesures sociales en faveur des étudiants (revalorisation minimale de 37 euros par mois des bourses sur critères sociaux, gel des droits d’inscription à l’université, des loyers en résidence « Crous » et des tarifs de restauration).

Le texte du Gouvernement met résolument en œuvre le volet fiscal de sa feuille de route pour agir contre la fraude aux finances publiques. Parmi les mesures proposées, figurent :

– le renforcement des moyens de l’administration fiscale pour détecter et sanctionner les utilisations abusives des règles de prix de transfert par les grandes entreprises. Tous les leviers sont concernés, notamment : le seuil de déclenchement de l’obligation de présenter une documentation complète de la politique de prix de transfert, le montant de l’amende pour défaut de présentation de cette documentation et son caractère opposable, ainsi que le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels ;

– la création d’une sanction complémentaire d’indignité fiscale visant les personnes condamnées pour des manquements graves à leurs obligations fiscales, qui seraient ainsi temporairement privées du droit de bénéficier de réductions et crédits d’impôts ;

– la création d’un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant les personnes physiques ou morales qui mettent à la disposition des contribuables des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales ;

– la possibilité pour les agents des finances publiques spécialement habilités de procéder à des enquêtes actives sous pseudonyme sur des sites internet, réseaux sociaux et applications de messagerie – aux fins de recherche et constatation de certaines infractions particulièrement graves ;

– la création d’un régime de sanction applicable aux fraudes aux aides publiques, en l’absence de régime de sanction spécifique déjà applicable ;

– le renforcement de l’arsenal existant contre la fraude à la TVA, comme le « carrousel » ou la pratique commerciale « dropshipping » qui consiste, pour un intermédiaire, à acheter un bien situé en territoire tiers et à le revendre en ligne en France sans jamais en disposer physiquement ;

– la création de 250 postes dans l’administration fiscale dédiés au contrôle fiscal et à la lutte contre la fraude, dans le cadre d’un plan portant sur 1 500 postes sur 5 ans.

Enfin, ce projet de loi de finances acte un « retour à la normale » s’agissant des finances locales. Malgré la hausse de leurs dépenses de fonctionnement, les collectivités territoriales, par l’effet combiné du soutien de l’État face à l’inflation en 2022 et 2023, et le dynamisme de leurs recettes (notamment fiscales), conservent une capacité d’autofinancement, une trésorerie et un investissement élevés. Les départements sont toutefois confrontés à la contraction brutale des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) provoquée par la tension croissante du marché de l’immobilier, ce qui justifie une vigilance renforcée à leur égard sur la fin de l’année 2023.

Le projet de loi de finances pour 2024 comprend aussi plusieurs réformes structurelles pour les collectivités territoriales. Il confirme la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui continue à devenir plus péréquatrice. Il engage la réforme des « zonages » de soutien aux territoires ruraux, longtemps évoquée et enfin aboutie, à la suite d’une large concertation avec les élus locaux et les acteurs économiques. L’État intensifie ensuite son soutien à l’investissement local, par l’augmentation substantielle et l’élargissement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Enfin, ce projet de loi de finances approfondit le « verdissement » des finances locales, en prévoyant des exonérations de fiscalité locale pour la rénovation de logements sociaux pouvant être qualifiés de « passoires thermique », en proposant une montée en puissance de la dotation de protection de la biodiversité qui atteint 100 millions d’euros et en portant le « fonds vert » à 2,5 milliards d’euros pour financer des actions qui concourent à la transition écologique.

 

 

 


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   FICHE N° 1 : Le contexte macroéconomique

Résumé de la fiche

Après la récession historique liée à la pandémie de covid-19 et le choc déclenché par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’économie mondiale est affectée d’une croissance faible et d’une inflation qui demeure forte en dépit de son ralentissement.

La réponse des banques centrales à l’inflation, qui s’est traduite par une hausse des taux directeurs rapide et massive, entraîne un ralentissement de l’investissement, tandis que la stabilité bancaire constitue un atout et un point d’attention.

Selon le Gouvernement, la croissance française passerait de 1,0 % en 2023 à 1,4 % en 2023. Elle serait essentiellement soutenue par la consommation des ménages. Les entreprises maintiennent leurs marges, tandis que les exportations se redressent, permettant un rattrapage des pertes de performance à l’international. Le marché de l’emploi continue sa progression et le taux de chômage se maintient à un niveau bas.

Les prévisions relatives aux finances publiques de l’année à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler d’hypothèses macroéconomiques crédibles en termes de croissance, d’inflation, de taux d’intérêt et d’emploi.

Ces hypothèses, qui sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir, reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques. Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est chargé d’apprécier la cohérence et la sincérité de ces prévisions.

Les principaux indicateurs nécessaires à l’élaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de croissance correspond au taux de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire corrigée de la variation des prix. L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle sur laquelle porte le budget doit également être pris en compte car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, quant à lui, intègre la variation des prix et figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

L’inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées à l’inflation. L’inflation peut avoir également pour effet de réduire le rendement relatif de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires fixées en valeur en début d’exercice).

Les taux d’intérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est‑à‑dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG – et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’Insee concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

I.   Dans un contexte de ralentissement mondial, l’économie française devrait connaître une reprise progressive en 2024

Alors que la crise liée à la pandémie de covid-19 s’atténuait, l’économie mondiale a été bouleversée par l’agression russe en Ukraine, engagée le 24 février 2022, et ses conséquences géostratégiques, économiques et financières.

Après une période de stagnation liée aux conséquences de la crise financière de 2008, l’économie française avait retrouvé un dynamisme à compter de 2014, avec un point haut enregistré en 2017 s’appuyant sur la progression de l’investissement des entreprises et des ménages. Le rythme de croissance avait ensuite ralenti parallèlement à la détérioration des perspectives internationales, avant de connaître un recul inédit en 2020.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,1

2,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,9

1,8

– 7,9

6,8

2,5

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux.

 

Le rebond franc de l’année 2021 a montré la résilience de l’économie française en sortie de crise, malgré l’amorce de tensions sur les prix et les approvisionnements. Le PIB français a retrouvé son niveau d’avant-crise au dernier trimestre 2021. En dépit du choc important lié à la guerre en Ukraine, dont la conséquence économique première a été la hausse des prix de l’énergie en Europe, la croissance s’est maintenue en 2022.

A.   L’inflation demeure élevée mais fléchit, en lien avec le resserrement de la politique monétaire

1.   La reprise économique et la situation géopolitique ont entraîné une augmentation des prix forte et durable, aux conséquences macroéconomiques importantes

À l’automne 2023, les effets directs de la pandémie de covid-19 sur l’économie mondiale se sont largement atténués. La Chine fait figure d’exception notable, car les restrictions sanitaires s’y sont prolongées jusqu’en décembre 2022 dans le cadre d’une politique « zéro covid ». La crise immobilière en cours s’accompagne d’un ralentissement économique renforcé par la forte propension des ménages chinois à l’épargne.

Le fait majeur de l’environnement macroéconomique mondial demeure le niveau d’inflation. La crise sanitaire avait entraîné des perturbations importantes des chaînes de production et, avec elles, des difficultés d’approvisionnement, ce qui explique que les prémisses de la forte inflation actuelle débutent avant le mois de février 2022. Ensuite, l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie a eu des répercussions sur les marchés de produits de base, les chaînes d’approvisionnement, le niveau des prix et les conditions financières.

La hausse du prix du gaz a mécaniquement conduit à une hausse du prix de l’électricité, notamment en Europe. Par ailleurs, les prix des denrées alimentaires ont reflété une hausse des risques de ruptures d’approvisionnement depuis les exportations agricoles russes et ukrainiennes. Ces augmentations se sont répercutées sur les prix des produits manufacturés, de l’alimentation et des services. Conjuguées aux tensions de recrutement, elles ont alimenté la hausse des salaires, qui participent du renchérissement des coûts de production des entreprises, pouvant alors conduire à une boucle prix-salaires auto-entretenue.

La Chine est demeurée épargnée par la tendance mondiale en raison de son faible niveau de croissance, d’une politique monétaire plus restrictive mais aussi parce qu’elle n’a pas eu recours à des mesures de sanctions qui ont renchéri les coûts de l’énergie pour les pays occidentaux.

Dans l’Union européenne comme dans l’ensemble des pays de l’OCDE, l’inflation reflue en 2023 après une année de hausse très rapide des prix. Les prévisions pour 2024 font état d’une poursuite de la désinflation, qui atteindrait 3 % dans la zone euro, soit un niveau désormais relativement proche de la cible de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE).

Perspectives de l’inflation

(en %)

 

2022

2023

2024

G20

7,8

6,0

4,8

États-Unis

6,3

3,8

2,6

Chine

1,9

0,5

1,3

Japon

2,5

3,1

2,1

Brésil

9,3

4,8

3,6

Inde

6,7

5,3

4,8

Russie

13,7

5,2

5,2

Zone euro

8,4

5,5

3,0

Allemagne

8,7

6,1

3,0

Italie

8,7

6,1

2,5

Royaume-Uni

9,1

7,2

2,9

Source : OCDE, Perspectives économiques – Rapport intermédiaire, septembre 2023.

 

Pour les ménages, la conséquence de l’inflation est le risque d’une perte de revenu réel. En effet, hormis les hypothèses d’indexation, la temporalité de l’ajustement des revenus du travail ne se fait pas sans perte frictionnelle. De plus, en l’absence d’adaptation des barèmes fiscaux, l’augmentation des revenus nominaux peut conduire à une augmentation du taux d’imposition, ce qui correspond à une perte de pouvoir d’achat. Cette baisse de revenus pèse sur la demande intérieure comme sur les exportations.

Pour les entreprises, la hausse des prix des intrants implique un choix entre l’augmentation des prix et une perte subséquente de compétitivité, ou un maintien des prix et une baisse subséquente du taux de marge. L’inflation s’accompagne en outre de « coûts de menu », c’est-à-dire de dépenses d’adaptation de leur offre au niveau des prix.

Enfin, la persistance de l’inflation se mue en crise du coût de la vie. Les difficultés concrètes d’approvisionnement en énergie et en denrées alimentaires peuvent créer des risques vitaux, avec de graves conséquences économiques et sociales. En tout état de cause, la hausse des prix des matières premières se transmet à l’ensemble des chaînes de production avant d’atteindre le secteur des services par le canal des salaires, ce qui contribue à la persistance de l’inflation dans les mois suivant les chocs.

Contribution par poste à l’inflation d’ensemble en France


(Glissement annuel en % et contributions en points)

Source : Insee, point de conjoncture du 7 septembre 2023.

En France, la réponse des pouvoirs publics à l’inflation a été importante et immédiate (bouclier tarifaire sur l’énergie, indexation du barème de l’impôt sur le revenu, aides exceptionnelles) ([1]).

L’objectif visé par une telle politique est de lisser les effets de l’inflation dans le temps et, ainsi, éviter une situation de récession. De fait, la hausse des prix demeure moins importante en France que dans le reste de la zone euro, ce qui participe à la préservation du pouvoir d’achat des ménages.

Conformément à la tendance mondiale, l’inflation est en net recul en France et s’établirait, en 2024, à 2,6 %. La prévision du Gouvernement est cohérente avec l’ensemble des instituts et légèrement supérieure à celle de la Banque de France, qui prévoit un niveau légèrement plus proche de la cible de moyen terme.

Prévisions d’inflation (IPC) en moyenne annuelle

(en %)

Institut

2023

2024

Banque de France (d’après la prévision d’IPCH)

4,9

2,4

OFCE

5,2

3,6

Rexecode

5,1

3,0

Consensus Forecast

5,0

2,7

Insee

5,0

OCDE

5,8

2,9

PLF 2024

4,9

2,6

Source : PLF 2024 et avis du HCFP. Toutes les prévisions sont datées de septembre 2023.

Selon l’Insee, l’inflation totale a atteint un pic dès le mois de février 2023, tandis que l’inflation sous-jacente a commencé à refluer au mois d’avril. L’évolution récente des prix du pétrole peut constituer un risque de dépassement des prévisions pour 2023 et 2024, alors que la consommation de carburant à la pompe représente environ 5 % de la consommation totale. Selon le Gouverneur de la Banque de France, ces variations ne remettent pas en cause la tendance à la désinflation sous-jacente ([2]).

L’inflation sous-jacente

L’indice d’inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l’évolution des prix.

Il traduit l’évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l’offre et de la demande. Il exclut les prix soumis à l’intervention de l’État (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais...) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux.

L’indice d’inflation sous-jacente est corrigé des mesures fiscales, de façon à neutraliser les effets sur l’indice des prix de la variation de la fiscalité indirecte ou des mesures gouvernementales affectant les prix à la consommation. Cette notion est ainsi plus adaptée à une analyse des tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes.

Source : INSEE, Définitions.

Pour les années suivantes, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, prévoit un retour à une inflation de 2 % en 2025 et de 1,75 % pour 2026 et 2027.

2.   La politique monétaire apporte une réponse à la crise de l’inflation par la hausse des taux d’intérêt

Les ménages comme les entreprises sont également affectés par les décisions politiques en réponse à la hausse de l’inflation. La normalisation de la politique monétaire après une décennie d’expansionnisme implique une augmentation des taux d’intérêt, soit un accès plus restreint au crédit et à l’investissement. L’objectif est de limiter la création monétaire qui alimente le cycle de l’inflation ([3]) sans casser la dynamique de la croissance.

Les grandes zones monétaires sont concernées par ce mouvement de resserrement, qui s’effectue à un rythme très soutenu. La banque centrale américaine (Fed) a fixé ses taux au plus haut depuis 2001. Alors que la Turquie faisait notoirement exception, la politique longtemps promue par le président Erdogan de taux bas a laissé la place, à partir du printemps 2023, à des relèvements successifs pour endiguer l’inflation.

Le 14 septembre 2023, la BCE a annoncé une dixième hausse consécutive de ses taux directeurs, qui les porte à leur plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique. Au total, les taux ont augmenté de 450 points de base depuis juillet 2022.

Évolution des taux directeurs de la BCE de 2019 à 2023

(en %)

Date

Sept. 2019

Juillet 2022

Sept. 2022

Nov. 2022

Déc. 2022

Fév. 2023

Mars 2023

Mai 2023

Juin 2023

Août 2023

Sept. 2023

Taux de refinancement

0,0

0,5

1,25

2,0

2,5

3,0

3,5

3,75

4,0

4,25

4,5

Taux de la facilité de prêt marginal

0,25

0,75

1,5

2,25

2,75

3,25

3,75

4,0

4,25

4,5

4,75

Taux de dépôt

– 0,5

0,0

0,75

1,5

2,0

2,5

3,0

3,25

3,5

3,75

4,0

Source : Banque de France.

Ces hausses renchérissent le coût de l’argent pour les banques de détail et, par conséquent, pour les ménages et les entreprises. Les répercussions sur le taux des crédits distribués par le secteur financier sont importantes et entraînent un ralentissement du recours à l’endettement.

Évolution des taux des prÊts du secteur concurrentiel depuis août 2020

 

Taux moyens (en %)

Sur 15 ans

Sur 20 ans

Sur 25 ans

Août 2020

1,22

1,05

1,20

1,47

Décembre 2020

1,17

0,97

1,10

1,35

Août 2021

1,04

0,87

0,99

1,17

Décembre 2021

1,06

0,86

0,99

1,17

Août 2022

1,82

1,71

1,85

1,96

Décembre 2022

2,35

2,14

2,3

2,42

Août 2023

3,8

3,72

3,92

4,08

Source : Observatoire Crédit logement/CSA.

L’incidence de ces hausses sur le marché de l’immobilier ne peut pas encore être pleinement mesurée. Afin de limiter le rationnement de l’offre de crédit, le taux d’usure a été relevé et atteint, à partir du 1er octobre 2023, 5,8 % pour les prêts à taux fixe de vingt ans et plus ([4]).

Du point de vue des comptes publics, cette hausse des taux a un effet sur le coût de la dette publique et peut entraîner des effets de surendettement, particulièrement dans les pays émergents à faibles revenus qui cumulent les facteurs de vulnérabilité.

La hausse des taux peut également avoir des conséquences sur les banques commerciales :

– une baisse de la valeur de la dette de moyen et long-terme détenue par les banques, en raison d’un faible taux de rentabilité réelle (faible taux nominal conjugué au fort taux d’inflation), ce mécanisme valant également pour les bons du Trésor ;

– une baisse de la valeur d’autres actifs en raison des incertitudes sur les perspectives de croissance, de la hausse du coût de l’emprunt pour les acteurs économiques et de la moindre liquidité ;

– une augmentation des risques sur les marchés immobiliers en raison du resserrement des normes de prêts, qui peut entraîner une brusque correction des prix et faire baisser la valeur des collatéraux des prêts en cours.

Dans ce contexte, la stabilité du système bancaire fait partie des principaux points de vigilance de l’économie mondiale. Les conséquences du resserrement monétaire sur l’équilibre des établissements de crédit ont entraîné des phénomènes ponctuels de retraits massifs de liquidités en mars 2023 aux États-Unis et en Suisse. La propagation des faillites engendrées aux États-Unis a été rapidement circonscrite par l’action des régulateurs et par certaines opérations de consolidation ([5]).

3.   La croissance mondiale est ralentie

Revue légèrement la hausse par plusieurs institutions au cours de l’été 2023, la croissance mondiale atteindrait, selon le Fonds monétaire international (FMI), 3,0 % en 2023 et 2024 ([6]). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) fait une prévision de 3,0 % en 2023 et 2,7 % en 2024 ([7]).

Perspectives de la croissance mondiale

(croissance du PIB réel, en %)

 

2022

2023

2024

Monde

3,5

3,0

3,0

États-Unis

2,1

1,8

1,0

Chine

3,0

5,2

4,5

Japon

1,0

1,4

1,0

Brésil

2,9

2,1

1,2

Inde

7,2

6,1

6,3

Russie

– 2,1

1,5

1,3

Zone euro

3,5

0,9

1,5

Allemagne

1,8

– 0,3

1,3

Italie

3,7

1,1

0,9

Royaume-Uni

4,1

0,4

1,0

Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2023.

Dans la zone euro, la croissance ralentit en 2023 tandis que sa composition évolue. Le regain d’activité dans les secteurs des services et du tourisme bénéfice notamment aux économies italienne et espagnole.

L’Allemagne, dont le PIB a commencé à reculer au dernier semestre 2022 (– 0,4 %) a vu ses prévisions de croissance corrigées plusieurs fois à la baisse et entre en récession pour l’année 2023 (– 0,3 %). La production industrielle, moteur de la croissance allemande, est en baisse, notamment sous l’effet du ralentissement chinois, ainsi que du fait d’une perte de compétitivité dans les secteurs énergivores, comme la chimie. La croissance redeviendrait positive en 2024.

Aux États-Unis, la croissance devrait ralentir mais reste soutenue par la croissance de la consommation, portée par les gains de revenu réel liés aux tensions sur le marché du travail : le taux de chômage est à un niveau historiquement bas de 3,8 %. La baisse du taux d’épargne des ménages américains, repassé sous 4 % en juillet 2023 ([8]), contribue également à la consommation.

Le Royaume-Uni a vu sa prévision de croissance rehaussée pour 2023 sous l’effet d’une évolution favorable de la consommation. Les incertitudes relatives aux conséquences du Brexit ont été atténuées par l’accord-cadre de Windsor signé en février avec l’Union européenne au sujet des questions douanières en Irlande du Nord.

Dans les pays émergents, la situation est contrastée. La croissance russe a été révisée à la hausse du fait de mesures de relance budgétaire soutenant le commerce, la construction et la production industrielle. L’Arabie saoudite devrait voir son activité ralentir sous l’effet d’accords entre les pays exportateurs de pétrole visant à réduire la production. Les projections concernant l’Inde et le Brésil sont également plus favorables, sous l’effet respectivement de l’investissement intérieur et de la production agricole.

À moyen terme, des incertitudes continuent de peser sur les perspectives macroéconomiques. En dépit des résultats légèrement plus favorables que prévu de la croissance, l’inflation mondiale demeure élevée en 2023, ce qui pourrait provoquer un « désancrage » des anticipations à long terme dans certains pays. Or, lorsque les anticipations des agents économiques ne sont plus stables, la politique monétaire des banques centrales perd en crédibilité et en efficacité.

La stabilité financière fait l’objet d’une attention particulière. Les marchés financiers pourraient réviser à la hausse leurs prévisions sur les taux d’intérêt, entraînant une chute du prix relatif des actifs et fragilisant les établissements exposés au risque de taux. Par ailleurs, le coût de l’emprunt pour les pays émergents et en développement reste élevé, ce qui augmente le risque de surendettement.

Enfin, la survenance d’évènements climatiques extrêmes demeure une menace pour la croissance mondiale. Les épisodes de sécheresse et d’inondation créent les conditions de chocs asymétriques sur la production de denrées alimentaires ; ils pourront également avoir une incidence sur l’industrie du tourisme.

B.   Le rebond attendu de l’économie française en 2024

L’économie française a retrouvé son niveau d’avant-crise dès le dernier trimestre de l’année 2021, sous l’effet d’un fort rebond. La croissance est demeurée soutenue en 2022 en dépit de révisions à la baisse en cours d’année.

Après une sortie de crise entravée par le choc de la crise ukrainienne et en dépit de l’environnement international peu porteur, la croissance française demeure solide en 2023. Après une croissance de 0,1 % au premier trimestre et de 0,5 % au deuxième trimestre, l’économie française ralentit au second semestre tout en maintenant une croissance positive qui devrait atteindre, selon l’INSEE, 0,9 % sur l’ensemble de l’année 2023 ([9]).

La prévision du Gouvernement en loi de finances initiale demeure inchangée à 1,0 %, tandis que l’ensemble des organismes de prévision ont révisé leur prévision à la hausse en cours d’année.

PrÉvisions de croissance pour la France

(évolution en % du PIB en volume)

Institut

Date

2023

2024

FMI

Juillet 2023

0,8

1,3

Commission européenne

Septembre 2023

1,0

1,2

Consensus Forecast

Septembre 2023

0,8

0,8

Banque de France

Septembre 2023

0,9

0,9

Insee

Septembre 2023

0,9

OCDE

Septembre 2023

1,0

1,2

Rexecode

Septembre 2023

0,9

0,4

PLF 2024

Septembre 2023

1,0

1,4

Source : commission des finances.

1.   Les déterminants de la croissance en 2024

Alors que l’inflation poursuivrait sa décélération en 2024, la prévision de croissance, que le Gouvernement a ramenée à 1,4 % (contre 1,6 % dans le Programme de stabilité présenté en juillet 2023), est principalement soutenue par la consommation.

a.   La consommation des ménages accélèrerait en parallèle de la normalisation de l’inflation

La demande intérieure contribuerait pour une part essentielle à la croissance en 2024, à hauteur de 1,3 point de PIB (en hausse de 0,8 point par rapport à 2023).

Le revenu disponible brut (RDB) des ménages augmenterait de 7,6 % en 2023 et de 4,0 % en 2024. En dépit de la hausse des prix, le pouvoir d’achat correspondant augmenterait de 1,3 % en 2023 comme en 2024.

Le taux d’épargne des ménages, qui atteint un niveau très élevé en 2023, devrait baisser légèrement. Il s’établit actuellement à 18,6 %, alors que la prévision associée au PLF 2023 était de 16,3 %. Ce taux devrait baisser pour atteindre 18,2 % en 2024 et 17,2 % en 2025, ce qui demeure sensiblement supérieur à la moyenne observée dans l’Union européenne.

b.   Le marché de l’emploi suit la dynamique de l’activité tandis que les salaires progressent

L’emploi total en France s’est très fortement redressé durant les années 2021 et 2022. En 2023, le taux d’emploi continue de progresser et s’établit à son plus haut niveau depuis 1975 : parmi les personnes de 15 à 64 ans vivant en France hors Mayotte, 68,6 % étaient en emploi au sens du Bureau international du travail (BIT). L’emploi salarié marchand dépasse son niveau d’avant crise de 6,6 %, soit de plus d’un million d’emplois.

En 2023, la création d’emploi total ralentit mais demeure dynamique. L’emploi salarié marchand progresserait (+ 125 000 en glissement annuel). Pour 2024, la prévision s’établit à + 135 000 postes.

Le Gouvernement prévoit que la productivité effective du travail reculerait de 0,1 % en 2023 comme en 2022, avant de repartir à la hausse (+ 0,9 %) en 2024.

Prévisions d’emploi

(en glissement annuel et en milliers)

 

2022

2023

2024

Emploi salarié agricole

5

0

5

Emploi salarié marchand

325

125

135

Emploi salarié non marchand

25

55

30

Total salariés

355

175

175

Non-salariés

100

20

20

Emploi total

455

195

195

En raison d’effets d’arrondis, la somme des lignes d’une colonne peut ne pas coïncider avec le total indiqué.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Après avoir nettement baissé, le taux de chômage semble stabilisé à un niveau inférieur à celui d’avant la crise sanitaire. Il s’agit également de son plus bas niveau depuis quarante ans, en dépit des chocs économiques et de la situation internationale. En particulier, le chômage des jeunes âgés de 15 à 24 ans est désormais de 16,7 %, soit un taux inférieur de 5 points à son niveau d’avant crise.

Taux de chômage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

20231

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,0

9,4

9,0

8,4

8,0

7,4

7,3

7,2

au deuxième trimestre. Source : Insee, enquête Emploi.

Les tensions sur le recrutement se maintiennent à un niveau élevé. Les difficultés de recrutement, déjà très marquées en 2021 et 2022, concernent plus de la moitié des entreprises dans l’industrie manufacturière et les services, et 81 % des entreprises dans la construction.

Pour y répondre, le Gouvernement met en place des politiques d’insertion pour améliorer l’adéquation entre offre et demande de travail, ce qui passe par la réforme du lycée professionnel, la poursuite du développement de l’apprentissage ainsi que par un renforcement de l’efficacité de l’orientation.

c.   Les entreprises font face aux conséquences du resserrement monétaire

La situation des entreprises demeure favorable, comme l’indique la légère augmentation du taux de marge qui s’établirait à 32,7 % en 2023 et 2024.

L’investissement, soutenu par la progression des marges, est cependant affecté par la hausse des taux d’intérêt : il devrait progresser de 3,2 % en 2023 avant de ralentir à + 0,9 % en 2024, repassant ainsi sous la croissance de l’activité. De plus, l’augmentation du salaire moyen par tête dans le secteur marchand entraîne une progression effective du salaire réel ([10]) à partir de 2023, ce qui participe du renchérissement des coûts de production ([11]).

Compte des sociÉtÉs non financiÈres

Indicateur

2020

2021

2022

2023

2024

Taux de marge (EBE/VA)

31,8

34,3

31,7

32,6

32,6

Taux d’épargne (épargne/VA)

21,9

26,9

22,2

23,4

23,0

Taux d’autofinancement (épargne /FBCF)

89,1

105,3

85,9

91,4

89,9

Taux d’investissement (FBCF/VA)

24,6

25,6

25,9

25,6

25,6

* L’EBE est calculé comme l’excédent généré par les activités d’exploitation des entreprises après rémunération de la main-d’œuvre. Il s’agit du capital dont disposent les sociétés non financières pour rémunérer leurs créanciers, payer leurs impôts et financer leurs investissements. Source : Eurostat.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Les prévisions du Gouvernement diffèrent de celles de la Banque de France, qui indique que le taux de marge diminuerait légèrement pour atteindre 31,5 % en 2024. En 2025, à la faveur d’un redressement de l’activité économique et d’une progression du salaire réel moins rapide que celle de la productivité, la Banque de France estime que le taux de marge remonterait à 32,0 %, soit un niveau légèrement supérieur à son niveau de 2018 ([12]).

d.   Le commerce extérieur apporterait une contribution mesurée à la croissance

La contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB avait été très négative sur l’année 2022 (– 0,6 point de PIB), en raison de la forte hausse des importations d’énergie (+ 26 %) et de services (+ 17 %). Cette contribution est fortement positive en 2023 (+ 0,6 point de PIB, en lien avec le contrecoup du solde énergétique), avant de se réduire en 2024 (+ 0,1 point de PIB).

Selon le Gouvernement, en 2024, la demande mondiale en biens adressée à la France redeviendrait dynamique (+ 3,0 %, après – 0,5 % en 2023). La conjoncture internationale pèse sur le commerce au niveau mondial, sans épargner la demande extérieure adressée à la France, qui pâtit principalement du faible dynamisme en zone euro et au Royaume-Uni.

Les exportations accélèreraient (+ 3,5 %), sous l’effet notamment des exportations manufacturées pour lesquelles la France bénéficierait de gains de parts de marché amorcés en 2023. Les importations connaîtraient également une croissance soutenue (+ 3,1 %), du fait de la demande intérieure dynamique.

Commerce extÉrieur de la France

(en %)

 

2020

2021

2022

2023

2024

Importations

– 12,2

7,8

6,6

0,3

3,1

Exportations

– 16,1

8,6

6,8

2,1

3,5

Demande adressée à la France

– 6,8

11,5

5,5

– 0,5

3,0

Contribution du commerce extérieur à l’évolution du PIB en volume

– 1,1

– 0,3

– 0,6

0,6

0,1

Balance commerciale (en points de PIB)

– 2,8

– 3,4

– 6,2

– 3,7

– 3,2

Balance commerciale (en mds)

– 65

– 85

– 163

– 105

– 95

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

2.   La trajectoire de long-terme du PIB français

L’économie française a été durablement perturbée par les deux chocs majeurs qu’ont représenté la pandémie et l’invasion russe en Ukraine. L’écart entre la tendance actuelle et celle d’avant-crise demeure importante, bien que les estimations fluctuent dans le temps.

Alors que le choc provoqué par la crise sur le PIB potentiel était estimé à – 2,25 % dans les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2021, cette perte avait été révisée à – 1,75 % au sein du rapport économique, social et financier associé au PLF 2022, puis à – 0,75 % dans à l’occasion du PLF 2023. Selon l’analyse du Gouvernement, la crise n’a pas conduit à un effondrement de l’investissement, ni à des destructions massives d’emplois. Son principal effet aura été une perte temporaire de productivité globale des facteurs (PGF) travail et capital, en raison de l’arrêt de l’économie durant l’année 2020.

Pour l’examen du projet de loi de finances pour 2024, le Gouvernement reprend le scénario de croissance potentielle présenté en nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour 2023 à 2027, qui diffère légèrement des projections établies en 2022. Dans cette hypothèse, la perte pérenne de PIB potentiel liée à la crise sanitaire est revue légèrement à la hausse (+ 0,5 point de PIB potentiel), ce qui la porte à 1,25 %.

À partir de 2023, la croissance potentielle s’établirait à 1,35 %. Il s’agit d’une prévision élevée, bien qu’elle soit proche de celles du FMI et de l’OFCE, qui l’estiment à 1,3 %.

hypothèses de croissance potentielle

(en %)

 

2019

2020

2021

2022

2023

PIB nominal (en volume)

1,8

– 7,9

6,8

2,5

1,0

PIB potentiel (en volume)

1,25

0,0

1,30

1,25

1,35

 

 

 

 

 

 

 

2024

2025

2026

2027

 

PIB nominal (en volume)

1,4

1,7

1,7

1,8

 

PIB potentiel (en volume)

1,35

1,35

1,35

1,35

 

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

II.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Dans son avis n° HCFP-2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024, publié le 22 septembre 2023, le HCFP a examiné les hypothèses du Gouvernement associées au projet de loi de finances pour 2024.

1.   L’appréciation du scénario macroéconomique

L’hypothèse de croissance du Gouvernement apparaît « plausible » en 2023 et « optimiste » en 2024 pour le Haut Conseil des finances publiques :

– en 2023, elle est cohérente avec les autres prévisions disponibles, qui ont été révisées à la hausse. Au regard de la progression de l’activité au début de l’année, une croissance légèrement positive sur les deux derniers trimestres suffira pour atteindre l’objectif du Gouvernement ;

– en 2024, elle est supérieure à l’ensemble des prévisions disponibles. Dans le détail, la prévision du Gouvernement se situe dans la fourchette haute des prévisions quelle que soit la composante du PIB. Le HCFP cite en particulier la consommation des ménages, la consommation des administrations publiques et l’investissement total. Certaines hypothèses sont qualifiées de « fragiles », dans la mesure où elles impliquent notamment que le durcissement des conditions de crédit a déjà produit l’essentiel de ses effets en 2023, notamment sur l’investissement des ménages, ce en quoi la prévision gouvernementale diffère des autres instituts.

Pour 2023 et 2024, la prévision d’inflation apparaît « plausible » au HCFP dans la mesure où elle se situe dans la fourchette des prévisions disponibles. L’inflation s’établirait à 4,9 % en 2023 avec une stabilisation de l’inflation sous-jacente, cohérente avec son évolution de 0,1 % sur les trois mois précédant la publication de l’avis. L’inflation pour 2024, estimée à 2,6 %, reculerait en lien avec la modération des prix des denrées alimentaires et des biens manufacturés. Cependant, la hausse des prix des services se poursuit à un niveau plus élevé que prévu dans le Programme de stabilité (3,1 % soit une hausse de 0,2 point), en raison de la dynamique de hausse des salaires.

Pour le HCFP, les prévisions d’emploi et de masse salariale apparaissent également « plausibles ». Le Gouvernement a cependant estimé le salaire moyen par tête à un niveau considéré comme bas. Or, l’inflation a un effet retardé sur les salaires. Ainsi, la prévision d’emploi, qui est d’autant plus favorable que les salaires sont bas, est considérée comme optimiste.

2.   L’appréciation de la trajectoire des finances publiques

Pour 2023, les prévisions de prélèvements obligatoires sont « plausibles » selon le HCFP.

Pour 2024, le Haut Conseil estime que la prévision de recettes est légèrement surestimée, car elle repose sur :

– une prévision favorable de croissance du PIB ;

– une dynamique de la TVA élevée (+ 4,8 %) supérieure à la croissance des emplois taxables ;

– une stabilité des recettes prévues de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), en dépit de la tendance baissière en valeur et en volume du marché immobilier ;

– en revanche, une prévision de prélèvements sociaux et d’impôt sur le revenu (IR) cohérente avec la prévision de progression de la masse salariale, elle‑même jugée plausible.

S’agissant de la dépense publique, les hypothèses d’évolution sont également plausibles. En 2023, le repli des dépenses publiques en volume (– 1,3 %) résulte du recul des mesures d’urgence et exceptionnelles (« covid », relance et inflation). Hors dépenses exceptionnelles, les dépenses progresseraient de 5,4 % en valeur et 0,5 % en volume.

En 2024, malgré l’extinction des dépenses de soutien, les dépenses continueraient à augmenter (+ 2,6 % pour les dépenses primaires nettes, en comparaison aux + 2,3 % demandés à la France par le Conseil de l’Union européenne dans le cadre du semestre européen et de sa « recommandation-pays »).

Le HCFP relève que cette prévision est sujette à plusieurs incertitudes majorantes, notamment la dynamique de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), ainsi que le coût des mesures de soutien, qui dépendra notamment des prix sur le marché de l’électricité.

S’agissant de la prévision de solde public pour 2023, qui s’établit à – 4,9 points de PIB comme en 2022, le Haut Conseil estime qu’elle n’appelle pas de remarque.

Pour 2024, il estime que la prévision de – 4,4 % pourrait être un peu surestimée, en lien avec les remarques précédentes liées à l’optimisme des prévisions de croissance et de recettes, tandis que les dépenses pourraient être un peu plus élevées que prévu.

Il note également que le déficit public demeure supérieur à la limite de 3 points de PIB prévue par le Pacte de stabilité et de croissance. Les négociations sur l’évolution des règles budgétaires européennes n’ayant pas abouti à ce stade, la clause dérogatoire générale du Pacte, qui avait été activée en mars 2020, cessera de s’appliquer à la fin de l’année 2023. Ainsi, le Haut Conseil souligne que la Commission européenne pourrait ouvrir des procédures pour déficit excessif dès le printemps 2024.

Par ailleurs, l’ajustement structurel, qui s’élève à 0,1 point de PIB potentiel en 2023 et 0,5 point en 2024, demeure inférieur aux exigences du volet préventif du Pacte de stabilité. Celui-ci prévoit que les pays dont le taux d’endettement est supérieur à 60 % du PIB réduisent leur solde structurel d’au moins 0,5 point de PIB potentiel par an pour converger vers leur objectif de moyen terme (OMT). De plus, la recommandation du Conseil de l’Union européenne pour la France correspond à un ajustement structurel primaire de 0,7 point.

Enfin, le HCFP relie l’ajustement structurel prévu pour 2024 à la mise en extinction des mesures de réponse à la crise de l’inflation, qui améliorerait le solde de près de 0,7 point de PIB potentiel. A contrario, la hausse de la charge d’intérêts dégraderait le solde structurel de 0,3 point. La charge de la dette de l’État, en comptabilité maastrichtienne, passerait en effet de 38,6 milliards d’euros en 2023 à 48,1 milliards d’euros en 2024 puis 57,0 milliards d’euros en 2025 ([13]).

En dernier lieu, le HCFP note que la stabilisation attendue en 2024 du ratio de dette est « fragile ». Il renouvelle sa position selon laquelle la soutenabilité à moyen terme des finances publiques appelle la plus grande vigilance.

*

*     *

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 2 :
La situation des finances publiques

Résumé de la fiche

L’année 2023 est marquée par une inversion de la tendance de long terme à l’alourdissement du poids des prélèvements obligatoires, le taux de prélèvements obligatoires régressant à 44 % du produit intérieur brut (PIB), pour ne remonter que de 0,1 point en 2024. Les recettes n’en progresseraient pas moins de 51,1 milliards d’euros.

L’évolution de la dépense publique est différenciée selon les secteurs d’administration publique. En 2024, les dépenses de l’ensemble des administrations publiques augmenteraient en volume de 0,5 % par rapport à 2023. La dépense des administrations publiques centrales augmenterait plus modérément que l’inflation et baisserait ainsi en volume, avec un double mouvement de diminution des dépenses de soutien face à la hausse des prix et de progression des autres dépenses, y compris de la charge de la dette. Les dépenses des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales connaîtraient une croissance en valeur légèrement supérieure à l’inflation.

Après être resté pratiquement stable entre 2022 et 2023, le solde public connaîtrait une amélioration sensible de 0,5 point de PIB entre 2023 et 2024, en cohérence avec la trajectoire prévue par le Programme de stabilité 2023-2027.

La France a connu un choc de dette historique (+17,2 points de PIB) en 2020. Si la fin progressive de la crise sanitaire et le rebond de l’activité économique ont permis la diminution du ratio de dette publique entre 2021 et 2023, celui-ci se stabiliserait en 2024 du fait notamment du reflux de l’inflation. Les années suivantes devront confirmer la réalisation de la trajectoire de désendettement présentée par le Gouvernement, afin de conforter la soutenabilité de la dette française dans un contexte de relèvement des taux d’intérêt.

I.   Les prÉlÈvements obligatoires

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes. En comptabilité nationale, le taux de prélèvements obligatoires est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques

Les prélèvements obligatoires ont connu, en tendance longue, une progression presque continue, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années.

A.   Les prÉlÈvements obligatoires jusqu’en 2022

La part des prélèvements obligatoires dans le PIB connaît une hausse régulière, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années (A) afin de financer les différents sous-secteurs d’administration publique (B).

1.   L’évolution de long cours

Les prélèvements obligatoires (PO) ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, passant de 33,7 à 40,3 % du PIB, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 6,6 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période. Le taux de PO a ainsi dépassé 40 % du PIB en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par paliers :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les prélèvements obligatoires ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 % et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,7 % du PIB.

Les PrÉlÈvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Taux

33,7

35,1

37,1

37,0

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Taux

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

 

 

 

 

 

 

Taux

44,7

43,8

44,5

44,3

45,4

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014.

La progression des prélèvements obligatoires par rapport à la richesse nationale a donc été une tendance lourde. Un premier point haut en 2017, à 45,1 %, a été dépassé en 2022, année au cours de laquelle le taux de prélèvement obligatoires a atteint 45,4 % du PIB, sous l’effet de l’élasticité supra unitaire des prélèvements obligatoires à l’activité (cf. encadré infra).

Au cours des quinze dernières années, les oscillations à la baisse et à la hausse n’ont pas été corrélées à la sensibilité politique de la majorité parlementaire et présidentielle. Ainsi la hausse a-t-elle été d’une ampleur comparable durant les années 2007 à 2012 (+ 1,6 point) et durant les années 2012 et 2017 (+ 1,3 point). Il convient toutefois de noter que le taux de prélèvements obligatoires avait entamé une décrue sensible en 2018 et 2019 (– 1,3 point), avant de refranchir à la hausse le seuil de 44 % en 2020.

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards d’euros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

995,3

44,6

2017

1 036,8

45,1

2018

1 057,5

44,7

2019

1 068,6

43,8

2020

1 026,5

44,3

2021

1 108,2

44,3

2022

1 196,9

45,4

2023*

1 241,1

44

2024*

1292,2

44,1

* Prévisions associées au projet de loi de finances pour 2024.

Source : INSEE, base 2014, et projet de loi de finances pour 2024.

La crise économique et sanitaire de 2020 a donc mis fin à la réduction du taux de prélèvements obligatoires, qui est remonté de 0,5 point. Cependant, dans le même temps, les prélèvements obligatoires ont diminué en valeur absolue de 42,1 milliards d’euros. Ce phénomène s’explique par un « effet dénominateur » : la contraction du PIB sur l’année 2020 a entraîné, mécaniquement, une remontée du taux de PO en diminuant le dénominateur de ce ratio.

Le taux de prélèvements obligatoires est resté proche en 2021 de son niveau en 2020, avant de remonter, au cours de l’année 2022, sous l’effet de l’élasticité supra unitaire des prélèvements obligatoires par rapport à l’activité.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux de son évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée a la même proportion, bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

Alors que la prévision se fonde en général sur l’hypothèse d’une évolution des recettes des prélèvements obligatoires identique à celle du produit intérieur brut, ce qui correspond à la moyenne historique, l’élasticité s’est élevée à 1,6 en 2022, « forte variation [qui] s'explique par le fait que certaines assiettes ne sont qu’incomplètement reflétées dans le PIB de l’année en cours » ([14]) , notamment celles de la taxe sur la valeur ajoutée, qui s’applique aussi aux importations, des prélèvements assis sur la masse salariale, dont la progression fut supérieure à celle de l’activité, ou de l’impôt sur les sociétés, le bénéfice fiscal 2021 ayant connu une forte progression.

2.   La structure des prélèvements obligatoires

La répartition des prélèvements obligatoires entre sous-secteurs d’administrations révèle une part prépondérante des administrations de sécurité sociale. Au sein des APUC, l’État est destinataire de la grande majorité des recettes issues des prélèvements obligatoires.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires
par sous-secteur d’administration entre 2022 et 2024

En % du PIB, champ courant

 

2022

2023

2024

État

12,9

12,2

12,3

ODAC

0,7

0,7

0,7

APUL

6,6

6,3

6,3

ASSO

24,9

24,7

24,6

Union européenne

0,3

0,3

0,2

Taux de prélèvements obligatoires

45,4

44,0

44,1

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024

B.   Les prélèvements obligatoires en 2023 et 2024

L’année 2023 serait marquée par une inversion de la tendance de long terme, le taux de prélèvements obligatoires régressant à 44 % du PIB après 45,4 % en 2022, soit une forte baisse de 1,4 point, en raison d’une élasticité redevenue inférieure à l’unité ([15]). Ce taux ne remonterait en 2024 que de 0,1 point. En montant, les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 241 milliards d’euros en 2023, puis 1 292 milliards d’euros en 2024.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2017-2023

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

 

 

 

PIB

2 297,2

2 363,3

2 437,6

2 318

2 502

2 639

2 818

2 931

2,3 %

1,9 %

1,8 %

-7,5%

6,4%

2,5%

1,0%

1,4%

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

En volume

 

 

 

Recettes publiques

1 230

1 261

1 275

1 214

1 316

1 412

1 452

1 511

53,5 %

53,4 %

52,3 %

52,4%

52,6%

53,5%

51,5%

51,6%

 dont prélèvements obligatoires*

1 037

1 057

1 069

1 026

1 108

1 197

1 241

1 292

45,1 %

44,7 %

43,8 %

44,3%

44,3%

45,4%

44,0%

44,1%

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

36

36

26

22

22

18

18

1,3 %

1,5 %

1,5 %

1,1 %

0,9 %

0,8 %

0,6 %

0,6%

 dont autres recettes**

168

172

175

166

191

201

200

206

7,3 %

7,3 %

7,2 %

7,2%

7,6%

7,6%

7,1%

7,0%

* : les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales.

** : les « autres recettes » correspondent à des cotisations sociales imputées que l’État se verse à lui-même, à la production de ses branches marchandes et aux ventes résiduelles, à la production pour emploi final propre (c’est-à-dire les biens et services développés en interne) ou encore aux revenus de la propriété publique.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général.

1.   Un reflux marqué du taux de prélèvements obligatoires après 2022, en raison d’une croissance spontanée modérée

Après une sensible hausse de 1,1 point en 2022, le taux de prélèvements obligatoires, régressant de 1,4 point en 2023, connaîtrait une évolution inverse d’une amplitude supérieure, avant une légère hausse de 0,1 point en 2024. Les prélèvements obligatoires en valeur absolue progresseraient de 51,1 milliards d’euros entre 2023 et 2024.

 

2023

2024

Prélèvements obligatoires
(en milliards d’euros)

1 241,1

1 292,2

Mesures nouvelles en milliards d’euros

– 4,0

– 1,5

Croissance effective

3,7 %

4,1 %

Croissance spontanée

4,0 %

4,2 %

Élasticité

0,6

1,1

Source : commission des finances, d’après le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

En 2023, le montant des prélèvements obligatoires connaîtrait une croissance spontanée de 4 %, sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur, qui connaît une progression de 6,8 %. Ce phénomène s’explique notamment par :

– le contrecoup sur le solde de l’impôt sur les sociétés de la très forte croissance du bénéfice fiscal 2021 ;

– un resserrement des conditions d’emprunt immobilier venant diminuer le produit des droits de mutation à titre onéreux ;

– une revalorisation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu ayant un effet négatif sur les recettes ;

– une consommation de carburants en retrait affectant les recettes de TICPE ;

– des recettes de taxe sur la valeur ajoutée affectées par des remboursements de crédits de TVA importants.

Au total, la croissance effective du montant des prélèvements obligatoires serait ainsi de 3,7 % en 2023.

En 2024, la croissance spontanée du montant des prélèvements obligatoires serait pratiquement égale à celle de l’activité, puisqu’elle est évaluée à 4,2 % contre 4 % pour la croissance en valeur. Le dynamisme des recettes reposerait principalement sur celui du produit de l’impôt sur les sociétés, porté par la hausse du bénéfice fiscal en 2023.

Au total, s’établissant à 4,1 %, la croissance effective des prélèvements obligatoires serait ainsi proche de leur croissance spontanée.

2.   L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

En 2023, les mesures nouvelles contribuent, à hauteur de 4 milliards d’euros, à la baisse des prélèvements obligatoires, notamment :

 la mise en œuvre du premier palier du processus de suppression de la CVAE ;

– une baisse supplémentaire de l’accise sur l’électricité dans le cadre de la prolongation du bouclier tarifaire ;

– l’achèvement de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales ;

– la baisse du taux d’impôt sur les sociétés ;

– la baisse des cotisations des travailleurs indépendants ;

– le traitement en recettes des gains sur charges de service public de l’énergie, qui relèvent, dans la comptabilité nationale, de la catégorie des taxes lorsque les prix de marché de l’électricité sont supérieurs aux prix de référence.

En 2024, les mesures nouvelles auraient un effet à la baisse de 1,5 milliard d’euros sur les prélèvements obligatoires :

– la poursuite de la suppression de la CVAE, désormais lissée sur quatre ans au lieu de sa suppression intégrale prévue par la loi de finances pour 2023 (– 1 milliard d’euros) ;

– la sortie de la mesure de contribution sur les marges infra-marginales des producteurs d’électricité (– 3,1 milliards d’euros).

Ces mesures feraient plus que compenser la mise en place de la taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de transport et la hausse de la fiscalité énergétique pour les ménages et les entreprises, dans le cadre de l’orientation à la baisse des prix de l’énergie.

Principales mesures législatives
sur les prÉlÈvements obligatoires en 2024 (toutes APU)

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Suppression de moitié de la CVAE en 2023 et suppression sur 4 ans (2024-2027) de la CVAE restante (net des effets retour IS)

– 0,7

Contribution sur les rentes infra-marginales

– 3,1

Atteinte du plafond du Fonds de résolution unique ([16]) 

– 2,8

Mesure SAP : généralisation de la contemporanéisation du CI-SAP pour les services à destination des personnes handicapées

– 1,6

Mesures de hausse

 

Contrecoup de la trajectoire de baisse de cotisations des travailleurs indépendants

0,3

Harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac

0,3

Fiscalisation de la prime de partage de la valeur

0,7

Ajustement fiscalité énergétique

1,9

Mesures de gage industrie verte ([17])

0,4

Taxe sur les gestionnaires d’infrastructures de transport

0,6

Hausse du taux de cotisations CNRACL

0,6

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

II.   Une évolution modérée du niveau des dépenses publiques en 2024, dans un contexte de recul des dépenses de crise

La progression du total des dépenses des administrations publiques décélèrerait en valeur en 2024. Contrairement aux deux années précédentes, ces dépenses connaîtraient cependant une faible hausse en volume du fait de la baisse du rythme de l’inflation. Cette évolution modérée résulterait de mouvements contrastés. Les dépenses exceptionnelles mises en œuvre face à la hausse des prix – en particulier ceux de l’énergie – reculeraient fortement par rapport aux deux années précédentes. Les dépenses directement liées à la crise sanitaire et à la relance auraient pour leur part un caractère encore plus résiduel qu’en 2023. À l’inverse, les autres dépenses connaîtraient une progression plus marquée que le montant total de la dépense publique, du fait notamment du dynamisme de la charge d’intérêt de l’État dans un contexte de hausse des taux d’emprunt.

La dépense de l’ensemble des administrations publiques, hors crédit d’impôt, est estimée à 1 622 milliards d’euros pour 2024, après 1 575 milliards en 2023 ([18]). Cette évolution est à mettre en regard de l’inflation qui demeurerait supérieure à 2 % à la fin de l’année 2024 et qui, pour un montant égal de dépenses publiques en euros courants d’une année sur l’autre, produit une baisse des dépenses en volume ([19]).

Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2024, estime que les prévisions du Gouvernement relatives à l’évolution des dépenses publiques pour l’année 2024 se fondent sur des éléments encore incertains. Ces incertitudes tiennent au coût réel du bouclier tarifaire et à la dynamique de l’Ondam, qui pourrait s’avérer plus forte que prévu ([20]).

A.   Une légère hausse des dépenses publiques en volume, malgré le recul des dépenses exceptionnelles de crise

La dépense de l’ensemble des administrations publiques en 2023 est évaluée à 1 575 milliards d’euros hors crédits d’impôt, soit 55,9 % du PIB.

D’après les hypothèses présentées par le présent projet de loi de finances, la dépense publique recommencerait à croître à hauteur de + 0,5 % en volume en 2024 et s’établirait à 1 622 milliards d’euros, soit 55,3 % du PIB. Cette reprise de la hausse tendancielle des dépenses en volume, à un niveau toutefois nettement inférieur à la croissance du PIB (+ 1,4 %), résulte principalement du recul de l’inflation à 2,6 % en 2024, après 4,9 % en 2023 et 5,2 % en 2022. Le niveau élevé de l’inflation au cours des deux années précédentes explique la diminution des dépenses en volume constatée en 2022 (– 1,1 %) et en 2023 (– 1,3 %).

Évolution des dépenses publiques (toutes APU)

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Niveau de la dépense publique hors crédits d’impôt (Md€)

1 311

1 403

1 461

1 523

1 575

1 622

Croissance en valeur

+ 7,0 %

+ 4,2 %

+ 4,1 %

+ 3,4 %

+ 3,0 %

Croissance en volume (basée sur l’IPC hors tabac)

+ 6,8%

+ 2,6%

– 1,1 %

– 1,3 %

+ 0,5 %

Ratio de dépense publique sur PIB

53,8 %

60,5 %

58,4 %

57,7 %

55,9 %

55,3 %

Source : présent projet de loi de finances et programme de stabilité 2023-2027.

Plusieurs facteurs contribuent à cette évolution modérée de la dépense des administrations publiques en 2024 :

– l’extinction progressive des dépenses temporaires de soutien face à l’inflation, qui diminueraient de plus de 23 milliards d’euros en droits constatés, ainsi que des dépenses de relance ;

– la progression plus soutenue du reste des dépenses des administrations publiques, à hauteur de 4,8 % en valeur et 2,2 % en volume ([21]).

Le graphique suivant distingue l’évolution des dépenses publiques totales et leur évolution hors mesures de soutien d’urgence et de relance décidées en réponse aux effets de la crise sanitaire :

 

Évolution annuelle des dépenses publiques en volume,
hors crédits d’impôt, hors soutien d’urgence et hors relance

(en pourcentage)

Note : les dépenses de soutien face à l’inflation ne sont pas retraitées en 2022 et 2023.

Source : rapport économique, social et financier 2024.

Dans un contexte d’inflation nettement plus soutenue en 2022 et en 2023 que les années précédentes, les modalités de calcul de l’évolution des dépenses en volume doivent attirer l’attention de la représentation nationale.

Ce calcul consiste à neutraliser, dans l’évolution du montant des dépenses publiques exprimé en euros courants, la part qui résulte de l’inflation, en utilisant l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) déterminé par l’INSEE. Il donne une mesure fiable de l’évolution de la dépense publique en volume, classiquement utilisée dans la documentation budgétaire.

Il est cependant également possible d’utiliser le déflateur du PIB pour passer de l’expression de la dépense publique en euros courants – c’est-à-dire en valeur – à une expression en volume. Ce déflateur permet de déterminer la part de la croissance du PIB qui est induite par l’évolution des prix de tous les biens et services, y compris les services publics.

Déflateur du PIB et indice des prix à la consommation

Il existe plusieurs manières de calculer la variation en volume d’un agrégat économique à partir de son expression en valeur, c’est-à-dire en prix courant.

Il est d’usage que le Gouvernement, dans ses hypothèses sur la situation des finances publiques, utilise l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) pour évaluer la part de la variation qui est uniquement due à une hausse des prix et ainsi isoler la variation dite « réelle » de l’agrégat qui l’intéresse (ou variation en volume).

Il est aussi possible de mesurer l’évolution des agrégats de finances publiques tels que les dépenses des APU en utilisant le déflateur du PIB, dont l’expression est la suivante :

PIB nominal (prix courants)

PIB réel (prix constant à l’année de référence)

Le déflateur du PIB reflète les prix de tous les biens et services produits dans une économie (notamment les biens et services publics), tandis que l’IPC traduit l’évolution des prix d’un panier représentatif de biens et services achetés par les consommateurs. Le déflateur du PIB utilise la comparaison des prix des biens et services actuellement produits par rapport aux prix des biens et services de l’année de base. Il prend donc imparfaitement en compte l’inflation importée.

Compte tenu du déflateur du PIB, la dépense publique reculerait plus fortement en 2023, à  2,2 % en volume, contre – 1,3 % avec l’IPCHT, selon le Haut Conseil des finances publiques. Comme le relève le Haut Conseil, à partir de 2024, les deux déflateurs sont proches, de sorte qu’ils ne donnent plus lieu à des écarts importants dans les calculs d’évolution des dépenses en volume en fonction de la méthode utilisée.

Évolution des deux indicateurs sur la période 2023-2027

(en pourcentage)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Déflateur du PIB

2,9

5,7

2,5

1,8

1,6

1,6

IPC (hors tabac)

5,3

4,8

2,5

2,0

1,75

1,75

Source : Insee, rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et avis du Haut Conseil des finances publiques sur ce projet de loi.

B.   La poursuite de la décrue du ratio de dépense publique dans le PIB

Depuis 1974 et avant la crise sanitaire de 2020, il n’y avait eu que trois périodes de plus de deux années successives de baisse de la part de la dépense publique dans la richesse nationale – ou ratio de dépense publique. Par ailleurs, jamais ce ratio n’avait atteint un niveau aussi élevé que celui de 2020 (60,5 %).

Le ratio de dépense publique a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Il avait atteint un maximum en 2013 à 56,5 %. Cette part a été réduite six années durant, à compter de 2014. En 2019, la dépense publique représentait 53,8 % de la richesse nationale produite en une année.

La crise sanitaire liée à la covid-19 a interrompu cette dynamique baissière. En 2020, le ratio de dépense publique a atteint 60,5 %, en hausse de 6,7 points par rapport à 2019. Le rattrapage de l’activité à partir de 2021, dans un contexte de décrue des dépenses de soutien et de relance, puis l’inflation élevée en 2022 et en 2023, ont permis, malgré la mise en place de mesures de soutien face à la hausse des prix, de faire reculer ce ratio à un rythme soutenu (plus de 1,5 point par an en moyenne), de sorte qu’il devrait s’établir à 55,9 % en 2023.

Évolution de la part de la dÉpense publique
hors crédits d’impôt dans le PIB depuis 1974

(en % du PIB)

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

39,8

44,5

45

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

+ 4,7

+ 0,5

– 0,8

+ 1,0

+ 0,3

+ 0,9

+ 2,6

+ 1,2

+ 0,5

+ 0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

+ 0,6

– 0,4

– 0,6

– 0,7

– 1,2

+ 0,7

+ 1,1

+ 1,4

+ 2,6

– 0,6

+ 0,2 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

+ 0,1

– 0,3

– 1,6

– 0,3

– 1,0

+ 0,1

+ 0,9

+ 0,5

– 0,3

+ 0,2

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

52,0

52,5

56,3

56,0

55,5

56,3

56,5

56,0

55,3

55,3

55,1

– 0,5

+ 0,5

+ 3,8

– 0,3

– 0,5

+ 0,8

+ 0,2

– 0,5

– 0,7

– 0,1

– 0,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

(p)

2024

(p)

 

 

 

 

54,0

53,8

60,5

58,4

57,7

55,9

55,3

 

 

 

 

– 1,1

– 0,2

+ 6,7

– 2,1

– 0,7

– 1,8

– 0,6

 

 

 

 

En grisé/vert, les baisses du ratio de dépense publique.

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2014, et le présent projet de loi de finances.

Le recul du ratio de dépense publique continuerait en 2024, le rythme de hausse en volume des dépenses des administrations publiques demeurant inférieur à celui de la croissance. Le ratio s’établirait à 55,3 % en 2024, en baisse de 0,6 point par rapport à 2023. D’après la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement, le retour au niveau du ratio constaté en 2019, soit 53,8 % du PIB, est envisagé pour 2027. Ce niveau demeure supérieur de 1,3 point à celui de 2008.

Prévision de l’Évolution de la part de la dÉpense publique
hors crédits d’impôt dans le PIB

(en % du PIB)

Source : Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture le 29 septembre 2023 après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement.

La trajectoire d’évolution de la dépense publique en volume par sous-secteur d’administration est exposée dans le tableau ci-dessous. Celui-ci illustre, comme en 2023, la concentration de l’effort en dépense sur les administrations publiques centrales en 2024.

Trajectoire d’évolution de la dÉpense publique en volume,
hors crédits d’impôt, par sous-secteur

(en pourcentage)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Administrations publiques centrales

– 0,1

– 3,6

– 1,4

+ 1,9

+ 1,5

+ 1,2

Administrations de sécurité sociale

– 2,4

– 0,5

+ 1,7

+ 0,3

+ 0,7

+ 0,6

Administrations publiques locales

+ 0,1

+ 1,0

+ 0,9

+ 0,2

– 1,9

– 1,0

Total

– 1,1

– 1,3

+ 0,5

+ 0,8

+ 0,5

+ 0,5

Source : article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture le 29 septembre 2023 après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement.

C.   La dépense publique en milliards d’euros courants

D’après les données fournies au rapporteur général par le Gouvernement, la dépense publique hors crédits d’impôt augmenterait de 48 milliards d’euros en 2024, après une hausse de 52 milliards d’euros en 2023.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution de la dépense publique en milliards d’euros courants. S’il s’agit d’une présentation lisible de l’évolution de cet agrégat, elle n’est pas la plus pertinente. En effet, le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et, en particulier, aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse est donc complémentaire de celle de l’évolution en volume de la dépense publique ainsi que de celle de sa part rapportée au PIB.

Évolution annuelle de la dÉpense publiqUE

(en milliards d’euros, hors crédits d’impôt)

Année

Dépense publique,

y compris crédits d’impôt (*)

Augmentation

Annuelle

Dépense publique,

hors crédits d’impôt (*)

Augmentation

Annuelle

2002

838,3

835,7

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,3

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1 020,5

43,3

1 010,3

39,8

2008

1 061,9

41,4

1 046,7

36,4

2009

1 106,7

44,8

1 089,6

42,9

2010

1 135,0

28,3

1 117,3

27,7

2011

1 158,7

23,7

1 141,6

24,3

2012

1 192,9

34,2

1 176,3

34,7

2013

1 211,6

18,8

1 195,7

19,4

2014

1 230,0

18,3

1 204,6

8,9

2015

1 248,7

18,7

1 216,3

11,7

2016

1 266,4

17,8

1 234,8

18,5

2017

1 298,0

31,6

1 266,2

31,4

2018

1 315,1

17,0

1 275,4

9,3

2019

1 349,3

34,2

1 311,1

35,6

2020

1 421,9

72,6

1 403,1

92,0

2021

1 477,7

55,8

1 461,9

58,8

2022

1 538,9

61,2

1 522,6

60,6

2023 (p)

1 591

52

1 575

52

2024 (p)

1 640

48

1 622

48

(*) Arrondis à la décimale supérieure, d’où un écart possible avec l’augmentation annuelle.

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE base 2014, comptes de la nation publiés pour les années 2002 à 2022 et les données fournies par le Gouvernement pour les années 2023 et 2024.

D.   Une évolution de la dépense différenciée selon les sous‑secteurs d’administration publique

L’évolution de la dépense publique suit une dynamique différenciée selon les secteurs d’administration publique, qui dépend notamment des sollicitations particulières auxquelles ceux-ci ont fait face depuis plusieurs années, dans le cadre de la crise sanitaire, des politiques de relance, puis des mesures de soutien face à l’inflation.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution en valeur de la dépense publique entre 2022 et 2027, selon la trajectoire proposée par le Gouvernement, décomposée par sous-secteur d’administration :

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VALEUR SUR LA PÉRIODE 2022 – 2027

Toutes administrations publiques

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dépense publique (hors crédits d’impôt, en Md€)

1 523

1 575

1 622

1 668

1 705

1 744

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

+ 3,4

+ 3,0

+ 2,8

+ 2,2

+ 2,3

Administrations publiques centrales (APUC)

Dépense publique (hors CI, en Md€)

625

631

639

658

678

696

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

+ 1,0

+ 1,3

+ 3,0

+ 3,0

+ 2,7

Administrations publiques locales (APUL)

Dépense publique (hors CI, en Md€)

295

312

322

329

329

331

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

+ 5,8

+ 3,2

+ 2,2

+ 0,0

+ 0,6

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

Dépense publique (hors CI, en Md€)

704

730

761

779

798

817

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

+ 3,7

+ 4,2

+ 2,4

+ 2,4

+ 2,4

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2024 et article 3 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture le 29 septembre 2023 après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement.

En ce qui concerne les administrations publiques centrales, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 propose une nouvelle définition du champ des dépenses de l’État ([22]). La nouvelle norme, dite « périmètre des dépenses de l’État » (PDE), donne une vision d’ensemble des dépenses engagées par l’État, qu’elles soient exceptionnelles ou courantes, sur un champ large qui n’exclut pour l’essentiel que les remboursements et dégrèvements, la charge de la dette et les participations financières. Les dépenses incluses dans le PDE s’établiraient à 496 milliards d’euros en 2023 et à 491 milliards d’euros en 2024.

Entre la loi de finances initiale pour 2023 et le projet de loi de finances pour 2024, les dépenses de l’État au sens de ce nouveau périmètre diminueraient donc de 5,3 milliards d’euros (soit – 1,1 % en valeur).

Évolution du périmètre des dépenses de l’État

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Trajectoire du périmètre des dépenses de l’État (en Md€)

496,1

490,8

504,9

512,4

519

Évolution en valeur (%)

+ 1,7

– 1,1

+ 2,9

+ 1,5

+ 1,3

Source : commission des finances à partir du présent projet de loi de finances et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

À périmètre constant, l’évolution de la dépense publique en valeur de l’ensemble des APU, hors crédits d’impôt, s’établirait à + 3,0 % en 2024 par rapport aux dépenses autorisées et prévues initialement pour 2023, après une hausse de 3,4 % entre 2022 et 2023.

 Les dépenses de l’État augmenteraient très modérément en 2024, à hauteur de 0,4 % en valeur sur le seul périmètre du budget général par rapport à la loi de finances pour 2023 ([23]). Cette évolution correspond à une hausse de 1,8 milliard d’euros hors charge de la dette et amortissement de la dette liée à la covid19. Les crédits ouverts par le présent projet de loi de finances seraient par ailleurs en baisse par rapport au total des crédits disponibles en 2023 (– 17 milliards d’euros).

Crédits de paiement ouverts au titre des missions du budget général
en LFI pour 2023, crédits disponibles au total en 2023 et ouvertures proposées pour 2024, hors contributions au CAS Pensions

(en milliards d’euros)

Mission du budget général

LFI 2023

Report de 2022 vers 2023 (fonds de concours compris)

Total disponible pour 2023

Ouvertures proposées pour 2024

Variation par rapport à la LFI 2023

Variation par rapport au total disponible pour 2023

Action extérieure de l'État

3,1

0,0

3,1

3,3

6,5%

5,4%

Administration générale et territoriale de l'État

3,7

0,2

3,9

4,1

10,8%

5,1%

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3,6

0,3

3,9

4,5

25,0%

14,2%

Aide publique au développement

5,9

0,0

5,9

5,9

0,0%

– 0,7%

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

1,9

0,0

1,9

1,9

0,0%

– 0,5%

Cohésion des territoires

17,9

0,9

18,8

19,4

8,4%

3,2%

Conseil et contrôle de l'État

0,7

0,0

0,7

0,7

0,0%

– 1,4%

Crédits non répartis

1,2

0,0

1,2

0,5

– 58,3%

– 58,3%

Culture

3,5

0,1

3,6

3,7

5,7%

2,8%

Défense

43,9

0,3

44,2

47,2

7,5%

6,9%

Direction de l'action du Gouvernement

0,9

0,1

1,0

1,0

11,1%

– 2,0%

Écologie, développement et mobilité durables

36,6

1,9

38,5

20,7

– 43,4%

– 46,2%

Dont programme 345 Service public de l'énergie (boucliers énergétiques) et indemnité exceptionnelle carburant

21,7

0,0

21,7

5,5

– 74,7%

– 74,7%

Économie

7,7

5,2

12,9

4,0

– 48,1%

– 68,9%

Engagements financiers de l'État

60,3

0,0

60,3

60,8

0,8%

0,8%

Dont charge de la dette de l'État et amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19

57,4

0,0

57,4

57,8

0,7%

0,7%

Enseignement scolaire

60,3

0,2

60,5

64,2

6,5%

6,2%

Gestion des finances publiques

8,0

0,1

8,1

8,3

3,8%

2,2%

Immigration, asile et intégration

2,0

0,1

2,1

2,1

5,0%

1,0%

Investir pour la France de 2030

6,1

0,0

6,1

7,7

26,2%

26,2%

Justice

9,6

0,0

9,6

10,1

5,2%

5,1%

Médias, livre et industries culturelles

0,7

0,0

0,7

0,7

0,0%

– 2,8%

Outre-mer

2,5

0,0

2,5

2,6

4,0%

2,8%

Plan de relance

4,4

6,0

10,4

1,4

– 68,2%

– 86,6%

Pouvoirs publics

1,1

0,0

1,1

1,1

0,0%

0,0%

Recherche et enseignement supérieur

30,6

0,5

31,1

31,6

3,3%

1,7%

Régimes sociaux et de retraite

6,1

0,0

6,1

6,2

1,6%

1,6%

Relations avec les collectivités territoriales

4,5

0,1

4,6

4,3

– 4,4%

– 7,1%

Remboursements et dégrèvements

131,6

0,0

131,6

140,3

6,6%

6,6%

Santé

3,4

0,1

3,5

2,3

– 32,4%

– 34,7%

Sécurités

15,8

0,1

15,9

16,3

3,2%

2,6%

Solidarité, insertion et égalité des chances

29,4

0,2

29,6

30,7

4,4%

3,9%

Sport, jeunesse et vie associative

1,8

0,1

1,9

1,8

0,0%

– 3,7%

Transformation et fonction publiques

1,2

0,0

1,2

1,1

– 8,3%

– 11,3%

Travail et emploi

20,7

2,2

22,9

22,4

8,2%

– 2,0%

Total des crédits budgétaires,
hors charge de la dette et amortissement de la dette liée à la covid-19

473,3

18,8

492,1

475,1

0,4%

(et 0,4 % avec la charge de la dette)

– 3,4%

(et – 3,0 % avec la charge de la dette)

Note : arrondis à la décimale supérieure, soit à la centaine de millions d’euros. Pour les missions dont les reports de 2022 vers 2023 s’élèvent à un montant inférieur à 50 millions d’euros, affiché comme nul dans le tableau, ces arrondis expliquent les différences de taux d’évolution selon que l’on rapporte les montants prévus par le PLF 2024 à ceux de la LFI 2023 ou au total disponible pour 2023.

Source : données fournies au rapporteur général par le Gouvernement.

En 2024, la décrue des dépenses de soutien face à la hausse des coûts de l’énergie (– 15,2 milliards d’euros en comptabilité budgétaire) et des dépenses de relance (– 3 milliards d’euros) ([24]) participerait à la hausse très contenue des dépenses totales des administrations publiques centrales. En comptabilité nationale, les dépenses brutes de soutien pour faire face à l’inflation reculeraient de plus de 23 milliards d’euros.

Évolution du Coût des mesures de soutien
pour faire face à l’inflation, notamment énergétique
(en comptabilité nationale)

(en milliards d’euros)

Année

2021

2022

2023

2024

Bouclier gaz – compensation aux fournisseurs de gaz

0,4

6,7

2,3

0,5

Bouclier électricité – manque à gagner des fournisseurs d'électricité

11,2

15,9

2,8

Sous-total boucliers tarifaires (mesures en dépense)

0,4

17,9

18,2

3,3

Bouclier électricité – baisse de la TICFE (et de l’ex-TCCFE avant 2023)

7,0

8,8

8,9

Total boucliers tarifaires

0,4

24,9

27,0

12,2

Amortisseur électricité et garantie TPE (suramortisseur)

2,6

0,8

Guichet d’aide au paiement des factures d'électricité pour les entreprises

0,5

2,5

Remise sur les prix du carburant

7,9

Barème kilométrique

0,4

0,6

0,5

Indemnité inflation

3,8

Aide exceptionnelle de rentrée

1,1

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

6,7

1,6

0,1

Aides sectorielles

0,9

0,1

Chèques de soutien aux ménages modestes

0,5

1,2

1,3

Autre

 

0,9

Total mesures hors boucliers

4,3

18,7

9,6

1,4

Moindres charges de service public de l'énergie (CSPE) (*)

– 1,9

– 10,1

– 8,6

– 6,7

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d'électricité (CRI)

– 1,2

– 3,1

Contribution exceptionnelle de solidarité (CES)

– 0,2

Hausse des redevances hydroélectriques

– 0,1

– 0,2

– 0,4

– 1,0

Total net des moindres CSPE, des recettes de redevances hydroélectriques, des recettes de CES et de CRI

2,7

31,8

24,7

5,9

(*) L’économie indiquée est en écart entre le niveau de charges de SPE constaté ou anticipé et celui prévu par la Commission de régulation de l’énergie en juillet 2021, avant la mise en place des boucliers tarifaires.

Note : le présent projet de loi de finances, dans sa version déposée, ne comprend pas de crédits relatifs à l’indemnité carburant annoncée par le Président de la République le 24 septembre 2023, dont le coût n’est pas présenté dans le présent tableau. Au regard de son montant de 100 euros et du nombre de bénéficiaires estimé (4,3 millions), ce coût peut être estimé à 430 millions d’euros.

Source : commission des finances d’après le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Dans ce contexte, les dépenses de certains ministères continuent de progresser pour le financement des priorités gouvernementales (crédits transversaux au titre de la planification écologique, éducation, défense, travail et emploi, solidarité, recherche, justice, sécurité) et conformément aux différentes lois de programmation sectorielle en vigueur.

Les dépenses des administrations publiques locales devraient augmenter de 3,2 % en valeur entre 2023 et 2024, soit une hausse plus modérée qu’entre 2022 et 2023 (+5,8 %). L’investissement local demeurerait fortement dynamique (+ 8,5 % hors Société du Grand Paris), progressant à un rythme similaire à celui prévu pour 2023. La hausse des dépenses de fonctionnement ralentirait en 2024 (+ 2,1 % après + 4,7 % en 2023) sous l’effet du reflux de l’inflation. Les dépenses de rémunération progresseraient également moins fortement qu’en 2023, malgré la nouvelle revalorisation du point d’indice intervenue le 1er juillet 2023.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale connaîtraient une dynamique plus forte en 2024 qu’en 2023 (+ 4,3 % après + 3,7 %), du fait, en particulier, de la revalorisation des prestations sociales sur la base de l’inflation soutenue de l’année précédente. Les dépenses de santé sous Ondam seraient portées par les mesures décidées dans le cadre du « Ségur de la santé » et par le dynamisme des soins de ville, mais évolueraient à un rythme moins soutenu qu’en 2023 (+ 3,2 % hors covid après + 4,8 % en 2023). Ces hausses de dépenses seraient partiellement compensées par la poursuite de la diminution des prestations d’assurance chômage, du fait de la situation favorable du marché de l’emploi et de la montée en charge de la réforme de l’assurance chômage de 2023.

Les administrations de sécurité sociale constitueraient toujours, en 2024, le premier secteur en terme de dépense publique, avec 44,3 % de la dépense totale, contre 37,7 % pour les administrations publiques centrales et 18 % pour le secteur local.

III.   une AmÉlioration sensible du solde public en 2024

L’article liminaire du projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2024.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2022 À 2024

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2022

Prévision

2023

Prévision

2024

Solde structurel (1)

– 4,2

– 4,1

– 3,7

Solde conjoncturel (2)

– 0,5

– 0,7

– 0,6

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

– 4,8

– 4,9

– 4,4

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

– 4,7

– 4,8

– 4,3

NB : les chiffres étant arrondis au dixième, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2024.

Article 1er E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2021
relative aux lois de finances

« La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives, les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale et les lois de finances de fin de gestion comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l’année en question :

1° L’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre, et des prévisions de solde par sous-secteur ;

2° L’état de la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques ;

3° L’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.

Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les agrégats mentionnés aux 1°, 2° et 3°, résultant de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

L’article liminaire présente également, pour l’année en question, l’état des prévisions portant sur les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E.

Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de l’encadrement des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut en principe excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La crise économique et sanitaire déclenchée en 2020 a été suivie du déclenchement du conflit en Ukraine, affectant durablement la trajectoire de réduction des déficits engagée depuis une décennie (A). Nonobstant les effets de ces crises sur les finances publiques, le solde public s’améliorerait en 2024(B).

Au sein des administrations publiques, l’État continue de supporter l’essentiel du déficit public (C). Enfin, le déficit de l’État en comptabilité nationale fait l’objet d’une analyse spécifique (D).

A.   L’Évolution du dÉficit public sur longue pÉriode

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Alors que les effets du premier choc pétrolier commençaient à se faire sentir, les comptes publics affichaient un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023*

2024*

Solde

– 2,5

– 3,0

– 8,9

– 6,5

– 4,8

– 4,9

– 4,4

* prévisions du projet de loi de finances pour 2024.

Source : INSEE, base 2014.

Avant 2020, le point le plus bas de solde effectif avait été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. En 2020, le déficit a été encore plus élevé.

L’évolution des principales données relatives aux finances publiques est retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution des finances publiques depuis 2017

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

 

 

 

PIB

2 297

2 363

2 438

2 318

2 502

2 639

2 818

2 931

2,3%

1,9%

1,8%

-7,5%

6,4%

2,5%

1,0%

1,4%

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

En volume

 

 

 

Recettes publiques

1 230

1 261

1 275

1 214

1 316

1 412

1 452

1 511

53,5%

53,4%

52,3%

52,4%

52,6%

53,5%

51,5%

51,6%

 dont prélèvements obligatoires*

1 037

1 057

1 069

1 026

1 108

1 197

1 241

1 292

45,1%

44,7%

43,8%

44,3%

44,3%

45,4%

44,0%

44,1%

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

36

36

26

22

22

18

18

1,3%

1,5%

1,5%

1,1%

0,9%

0,8%

0,6%

0,6%

 dont autres recettes

168

172

175

166

191

201

200

206

7,3%

7,3%

7,2%

7,2%

7,6%

7,6%

7,1%

7,0%

 

 

 

Dépenses publiques

1 298

1 315

1 349

1 422

1 478

1 539

1 591

1 640

56,5%

55,6%

55,4%

61,3%

59,1%

58,3%

56,5%

55,9%

 dont crédits d’impôt enregistrés en dépenses

32

40

38

19

16

16

17

18

1,4%

1,7%

1,6%

0,8%

0,6%

0,6%

0,6%

0,6%

 dont dépenses hors crédits d’impôt

1 266

1 275

1 311

1 403

1 462

1 523

1 575

1 622

55,1%

54,0%

53,8%

60,5%

58,4%

57,7%

55,9%

55,3%

 

 

 

Déficit public

-68

-54

-75

-208

-162

-127

-139

-128

-3,0%

-2,3%

-3,1%

-9,0%

-6,5%

-4,8%

-4,9%

-4,4%

 

 

 

Dette publique

2 254

2 311

2 375

2 657

2 824

2 949

3 091

3 215

98,1%

97,8%

97,4%

114,6%

112,9%

111,8%

109,7%

109,7%

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à cinq périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives ;

– une cinquième fois depuis 2020.

L’année 2017 avait marqué le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. Ainsi, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, avait été tendancielle jusqu’à la crise déclenchée en 2020. Le niveau de déficit enregistré en 2020 (– 9 % du PIB) fut, ainsi, le plus élevé enregistré depuis la création des comptes nationaux en 1948.

B.   Le solde public serait conforme à la prévision en 2023 et s’améliorerait en 2024

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un solde stable et conforme à la prévision en 2023 et une amélioration en 2024.

1.   Un solde stable entre 2023 et 2024

Alors que le déficit représentait 4,8 % du PIB en 2022 et que la loi de finances initiale pour 2023 prévoyait qu’il atteindrait 5 % en 2023, il devrait finalement s’établir à 4,9 %.

Évolution des prÉvisions de solde pour 2023

Soldes

LFI 2023

Pstab

PLF 2024

Solde structurel (1)

– 4,0

– 4,0

– 4,1

Solde conjoncturel (2)

– 0,8

– 0,8

– 0,7

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 5,0

 4,9

 4,9

En raison d’effets d’arrondis, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : LFI pour 2023, Programme de stabilité 2023-2027, PLF pour 2024.

La prévision est ainsi demeurée relativement stable et l’exécution serait conforme à celle-ci.

Le solde public ne connaîtrait pas d’amélioration en 2023, ce qui correspond également à la prévision du programme de stabilité (– 5,0 %). En valeur absolue, le déficit public serait de 139 milliards d’euros.

2.   Une amélioration en cohérence avec la trajectoire pluriannuelle du Programme de stabilité et du projet de loi de programmation des finances publiques

La hausse du déficit, en milliards d’euros, entre 2022 et 2023 est liée à une hausse des dépenses publiques légèrement supérieure à celle des recettes. Entre 2023 et 2024, les recettes redeviendraient plus dynamiques que les dépenses, permettant pratiquement de ramener le déficit à son niveau absolu de 2022.

Évolution du déficit public en valeur entre 2020 et 2024

(en milliards d’euros)

 

2022

2023

2024

Évolution 2022-2023

Évolution 2023-2024

Évolution 2022-2024

Recettes

1 412

1 452

1 511

40

2,8 %

59

4,1 %

99

7 %

Dépenses

1 539

1 591

1 640

52

3,4 %

49

3,1 %

101

6,6 %

Déficit

127

139

128

12

9,4 %

 11

 7,9 %

1

0,8 %

En raison d’effets d’arrondis, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général.

Le Gouvernement prévoit une amélioration progressive du solde public selon une trajectoire détaillée dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Évolution du solde public jusqu’en 2027

(en % du PIB)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

RESF 2024

– 4,8

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

Pstab 2023

– 4,7

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Le RESF actualise à la marge la trajectoire du solde public par rapport à celle du programme de stabilité 2023-2027, avec une dégradation de 0,1 point du solde pour 2022. Il convient de noter que la trajectoire inscrite dans le texte considéré comme adopté le 29 septembre 2023, en nouvelle lecture, par l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027 est identique à celle du RESF.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

C.   L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

Parmi les quatre sous-secteurs d’administration publique, l’État est celui qui supporte la majeure partie du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de produit intérieur brut)

Sous-secteur

2022

2023

2024

État

-5,7

-5,3

-4,6

Organismes divers d’administration centrale

0,5

-0,1

-0,1

Administrations publiques locales

0,0

-0,3

-0,3

Administrations de sécurité sociale

0,4

0,7

0,6

Solde public

-4,8

-4,9

-4,4

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de l’État est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

i.   L’exécution budgétaire de l’État en 2022

En 2022, le solde budgétaire de l’État était de – 151,5 milliards d’euros, soit une amélioration de 19,2 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2021.

ExÉcution budgétaire en 2022

(en milliards d’euros)

Composantes du solde

Exécution

Recettes fiscales nettes

323,3

Recettes non fiscales

23,9

Fonds de concours et attribution de produits

7,5

PSR-UE (à déduire)

– 24,2

PSR-CT (à déduire)

– 43

Recettes nettes

287,5

Dépenses nettes

445,7

Solde du budget général

– 158,2

Solde des budgets annexes

0,0

Solde des comptes spéciaux

6,7

Solde budgétaire de l’État

– 151,5

Source : projet de loi de règlement pour 2022.

ii.   La prévision actualisée du déficit de l’État en 2023

La loi de finances pour 2023 prévoyait un déficit du budget de l’État de 164,9 milliards d’euros. Le projet de loi de finances pour 2024 actualise les prévisions pour 2023, en portant la prévision de déficit de l’État à 172,1 milliards d’euros, principalement sous l’effet de la hausse de la charge de la dette (+ 3,8 milliards d’euros) et de l’accroissement du déficit des comptes spéciaux (– 2,2 milliards d’euros), double mouvement qu’atténuent la hausse des recettes fiscales nettes (+ 3,9 milliards d’euros) et celle des prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales (– 1,1 milliard d’euros).

prÉvision actualisÉe pour 2023

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

455,5

Recettes fiscales nettes

332,1

PSR au profit de l’Union européenne

24,4

Recettes non fiscales

26,0

PSR au profit des collectivités territoriales

44,5

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

-5,8

Déficit à financer

(I  II  III)

-172,1

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

iii.   Le déficit de l’État en 2024

Le déficit de l’État diminuerait de 27,6 milliards d’euros entre 2023 et 2024, pour s’établir à 144,5 milliards d’euros.

prÉvision d’équilibre pour l’année 2024

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

445,1

Recettes fiscales nettes

349,4

PSR au profit de l’Union européenne

21,6

Recettes non fiscales

22,6

PSR au profit des collectivités territoriales

44,8

Soldes des comptes spéciaux et des Budgets Annexes (III)

-5,0

Déficit à financer

(I  II  III)

144,5

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Par rapport à 2023, le niveau des dépenses du budget général refluerait, alors que les recettes de l’État connaîtrait une évolution de même ampleur en sens inverse.

passage du solde 2023 actualisÉ au solde du plf 2024

(en milliards d’euros)

 

2023

Prévision actualisée

Variation

2024

PLF

 

2023

Prévision actualisée

Variation

2024

PLF

Dépenses (I)

524,4

 12,9

511,5

Recettes (II)

358,1

13,9

372

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

455,5

– 10,4

445,1

Recettes fiscales nettes

332,1

17,3

349,4

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

24,4

– 2,8

21,6

Recettes non fiscales

26,0

– 3,4

22,6

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

44,5

0,3

44,8

Soldes des comptes spéciaux  et des budgets annexes (III)

 5,8

0,8

 5,0

Solde

(I  II  III)

 172,1

27,6

 144,5

Source : commission des finances.

iv.   La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Cette part est devenue supérieure au déficit public de 2017 à 2019, le déficit de l’État allant jusqu’à représenter 117 % du déficit public en 2019.

Cette tendance a été interrompue par la crise sanitaire, qui a pesé lourdement sur les finances sociales : en 2020 et 2021, le déficit de l’État représentait une part inférieure à 90 % du déficit public. Depuis 2022, le déficit de l’État est à nouveau supérieur au déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

Solde public

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 81,3

– 75,9

– 6,2

3,0

– 2,2

2017

– 68,0

– 70,1

– 4,4

1,6

4,9

2018

– 54,1

– 66,0

– 2,6

2,7

11,7

2019

– 74,7

– 85,7

– 2,4

– 1,1

14,5

2020

– 208,2

– 180,2

21

– 3,5

– 45,8

2021

– 162,1

– 142,5

-1,5

– 0,8

– 17,2

2022

– 126,8

– 149,6

12

0,8

10

En raison d’arrondis au dixième, la somme des soldes État, ODAC, APUL et ASSO peut ne pas correspondre au solde public.

Source : Insee, comptes nationaux, et rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

b.   Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture

Le solde des administrations publiques locales s’établirait à – 0,3 % du PIB en 2024. Tant les ODAL (– 5,1 milliards d’euros) que les collectivités locales (– 2,9 milliards d’euros) seraient déficitaires.

Solde des APUL

 

2022

2023

2024

Solde des APUL (en % de PIB)

0,0

– 0,3

– 0,3

Solde des APUL (en mds)

0,8

– 8

– 8

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances 2024 et article liminaire.

D.   Les administrations de sécurité sociale

Les comptes de la sécurité sociale ont connu une amélioration continue de leur solde entre 2010 et 2018, année où le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité social et du fonds de solidarité vieillesse se trouvait réduit à 1,5 milliard d’euros, suivie d’un léger ressaut de ce déficit en 2019, avant une nette aggravation en 2020, essentiellement portée par la branche maladie, sous l’effet de la crise sanitaire. Ainsi le déficit s’est-il creusé de 38 milliards d’euros entre 2019 et 2020.

 

Évolution des dÉficits sociaux depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Maladie

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

– 0,7

– 1,5

– 30,4

– 28,7

– 21

– 9,5

ATMP*

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

0,7

1,0

– 0,2

1,3

1,7

1,9

Famille

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

0,5

1,5

– 1,8

2,2

1,9

1

Vieillesse

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

0,2

– 1,4

– 3,7

– 2,7

– 3,8

–1,9

FSV**

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

– 1,8

– 1,6

– 2,5

– 1,5

1,3

0,8

Sous-total Régime général + FSV**

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

– 1,2

 1,9

 38,7

 24,4

 
***


***

Régimes obligatoires de base + FSV**

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

– 1,5

 1,7

 39,7

 29,3

 19,6

–7,7

* accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

*** : sans objet depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([25]).

Source : Cour des comptes et projets de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2023 et de financement de la sécurité sociale pour 2024

Il convient toutefois de noter que le déficit des comptes sociaux ne constitue pas le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui prend également en compte le fonds de réserve pour les retraites (FRR), l’Unédic, la Caisse d’amortissement de la dette sociale et les régimes complémentaires.

Alors qu’il s’était amélioré pour atteindre + 14,5 milliards d’euros en 2019, le solde du périmètre des administrations de sécurité sociale s’est fortement dégradé à – 46,0 milliards en 2020 en raison des mesures d’urgence décidées en réponse à la crise sanitaire. Les dépenses de santé et d’activité partielle ont fortement progressé tandis que le repli de l’activité a entraîné une baisse des recettes. Le déficit des administrations de sécurité sociale s’est résorbé à – 17,4 milliards d’euros en 2021. L’amélioration est encore plus significative en 2022, les ASSO redevenant excédentaires à hauteur de 10 milliards d’euros.

Évolution des dépenses et recettes des ASSO

(en %)

 

2022

2023

2024

Solde (en % du PIB)

0,4

0,7

0,6

Solde (en milliards d’euros)

10

20,8

17,3

Évolution des dépenses

3,0

3,7

4,3

 dont évolution des prestations

2,6

3,7

4,8

Évolution des recettes

7,2

5,1

3,7

 dont évolution des cotisations sociales

6,6

5,4

3,9

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Le solde excédentaire des administrations de sécurité sociale s’améliorerait encore en 2023, atteignant 20,8 milliards d’euros, avant de régresser légèrement, pour s’établir à 17,3 milliards d’euros en 2024. Le solde hors Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et Fonds de réserve des retraites (FRR) deviendrait en 2023 excédentaire pour la première fois depuis 2019. Cette amélioration s’explique par la fin des dépenses exceptionnelles de santé liées à la pandémie de covid-19, à la maîtrise des prestations versées par l’Unédic dans un contexte de bonne tenue de l’emploi tandis que la progression salariale soutient le dynamisme des recettes.

En 2024, une moindre progression de la masse salariale, la dynamique des prestations de vieillesse et des dépenses dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie expliqueraient un moindre excédent.

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards d’euros)

Année

2022

2023

2024

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

10,0

20,8

17,3

Recettes

714,3

750,9

778,6

Dépenses

704,3

730,1

761,3

 

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

-18,3

-7,8

-8,7

Recettes

479,5

508,7

530,7

Dépenses

497,8

516,5

539,4

 

 

 

 

Unédic

3,6

2,8

3,7

Recettes

43,3

43,7

44,9

Dépenses

39,7

40,9

41,2

 

 

 

 

Régimes complémentaires

8,5

8,2

7,4

Recettes

103,4

109,4

113,3

Dépenses

94,9

101,2

105,9

 

 

 

 

Cades

18,1

18,4

16,3

Recettes

20,5

21,4

19,6

Dépenses

2,4

3,1

3,3

 

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

-1,6

-1,6

-1,6

Recettes

0,7

0,7

0,7

Dépenses

2,3

2,3

2,3

 

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

-0,5

0,5

0,9

Recettes

115,8

122,7

126,4

Dépenses

116,2

122,2

125,5

N.B. : Les recettes et dépenses sont dans le tableau ci-dessus en comptabilité nationale après consolidation, c’est-à-dire retraitées des transferts entre caisses sans impact sur le solde. Toutefois, ce n’est pas le cas des régimes ou groupes de régimes, dont le solde est affecté par les transferts internes aux ASSO. En conséquence, la somme des recettes et des dépenses des sous-ensembles ne correspond pas au total des ASSO.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général et rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

E.   Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

Aux termes de l’article 34 du projet de loi de finances pour 2024, le déficit budgétaire de l’État devrait être de 144,5 milliards d’euros en 2024. Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, serait toutefois inférieur de 10,3 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à 134,2 milliards d’euros par le RESF annexé au projet de loi de finances.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire d’une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public ou à son solde structurel. Plusieurs retraitements – exposés dans le RESF annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

L’écart entre le solde 2024 en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale s’explique par quatre principaux effets, retracés dans le tableau ci‑dessous.

Principales ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Décalage comptable relatif à la comptabilisation des recettes de subvention de l’Union européenne au titre du Plan de relance

-3,1

Effet en trésorerie lié aux primes et décotes à l’émission et l’enregistrement des intérêts courus non échus (ICNE)

+4,1

 

 

Traitement en opérations financières des prises de participations et cessions de titres effectuées sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’Etat  (CAS PFE ), hors dépenses réalisées par la Caisse des dépôts et des consignations dans le cadre des PIA et financées par le CAS PFE (y compris remboursement de la dette Covid).

+6,5

 

 

Traitement en comptabilité nationale des crédits d’impôts

+1,1

 

 

Traitement en comptabilité nationale du précompte mobilier.

+1,0

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

IV.   La dette publique

Si notre niveau d’endettement public a connu un choc haussier historique en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire (+ 17,2 points entre 2019 et 2020), le rebond de l’activité économique a permis une diminution du ratio de dette publique rapportée au PIB depuis 2021.

Le PLF 2024 s’inscrit dans cette trajectoire de baisse de l’endettement public, conformément aux engagements pris dans le Programme de stabilité remis à la Commission européenne en avril 2023 et à la trajectoire définie par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Après une stabilisation du ratio en 2024 à son niveau de 2023, le niveau d’endettement public diminuerait chaque année de plus en plus fortement jusqu’en 2027, contribuant ainsi à assurer la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme.

  1.   Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, le ratio de dette publique diminue depuis 2021
    1.   Un choc haussier historique sur le niveau dendettement public en 2020

Dans le contexte de la crise sanitaire, la dégradation du déficit public en 2020 (– 9,0 % du PIB), la croissance de la dépense (+ 6,8 % en volume par rapport à 2019) et la chute du PIB (– 7,5 %) ont eu pour effet d’accroître très fortement le ratio de dette publique, en agissant à la fois sur son numérateur et sur son dénominateur. Ce ratio est ainsi passé de 97,4 % du PIB en 2019 à 114,6 % en 2020, soit une hausse de 17,2 points. En euros courants, la hausse a représenté 282,4 milliards d’euros et la dette s’établissait à 2 657,4 milliards d’euros au 31 décembre 2020 (+ 11,9 %).

Cette augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique ne fut pas propre à la France, bien que nettement supérieure à celle observée en moyenne dans la zone euro. Le ratio de dette publique dans l’ensemble des pays de la zone euro est en effet passé de 84,1 % fin 2019 à 97,2 % fin 2020 (soit une hausse de 13,1 points) ([26]).

De manière générale, les ratios de dette publique constatés à la fin de l’année 2020 ont été légèrement moins dégradés que ce qui avait été anticipé en cours d’année, grâce à une résistance des économies de la zone euro meilleure que prévu. En septembre 2020, le niveau de l’endettement public à la fin de la même année était en effet attendu à 117,5 % du PIB pour la France et à 100,7 % pour la zone euro.

COMPARAISON DE l’évolution des RATIOS DE DETTE publique
DE LA FRANCE, DE LA ZONE EURO ET DE L’Allemagne

(en points de PIB)

Source : commission des finances et Eurostat.

  1.   La diminution du niveau de l’endettement public depuis 2021, dans un contexte de rattrapage économique obscurci par le choc lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie

Après le choc de dette historique de 2020, le ratio de dette publique a diminué de 1,7 point en 2021, s’établissant à 112,9 % du PIB. Cette baisse s’explique, d’une part, par la réduction du déficit en 2021 (– 6,5 % du PIB) et, d’autre part, par le très net rebond de l’activité en sortie de crise (+ 6,4 %) qui a permis de ralentir la croissance de l’endettement public.

Malgré le choc d’inflation observé et la mise en place de mesures importantes visant à soutenir le pouvoir d’achat des Français, ce ratio a de nouveau diminué de 1,1 point en 2022 pour s’établir à 111,8 % du PIB. La croissance économique encore forte (+ 2,5 %) a permis d’observer un solde stabilisant le ratio de dette publique (– 5,9 %) inférieur de plus d’un point au solde public (– 4,8 %). Il convient de noter que les boucliers énergétiques, dont le coût au sens de la comptabilité nationale est pris en compte dans le calcul du déficit public, n’ont pas donné lieu à des décaissements pour un montant équivalent en comptabilité budgétaire en 2022, du fait de reports sur 2023.

Le ratio de dette publique diminuerait encore de 2,1 points en 2023 et s’établirait à 109,7 %. Cette baisse résulterait principalement de la résistance de la croissance en volume (+ 1,0 %), malgré une forte hausse du déflateur du PIB (à 5,7 % en 2023 après 2,9 % en 2022), qui entrainerait une importante diminution du solde stabilisant (– 7,1 %). Celui-ci s’établirait nettement en-dessous du solde public, prévu à – 4,9 %.

Le solde public stabilisant

Pour que le ratio rapportant la dette publique au PIB soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser la progression du numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant.

Le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre l’année (n – 1) et l’année (n) et du rapport entre le stock de dette de l’année (n – 1) et le PIB de l’année (n).

Au 30 juin 2023, la dette était portée à près de 81 % par l’État, à un peu plus de 2 % par les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ([27]), à environ 8 % par les administrations publiques locales (APUL) ([28]) et à près de 9 % par les administrations de sécurité sociale (ASSO).

Répartition de la dette publique par sous-secteur au 30 juin 2023

(en pourcentage du total)

Source : commission des finances d’après les données de l’Insee.

  1.   SI le ratio de dette publique se stabilise en 2024, sa diminution continuerait au cours des années suivantes
    1.   La stabilisation du ratio de dette publique en 2024

D’après les données du présent PLF, le ratio de dette publique se stabiliserait en 2024 à 109,7 % du PIB. Malgré une croissance en volume de l’activité plus dynamique qu’en 2023, s’établissant à 1,4 %, l’amélioration du solde public (– 4,4 % en 2024 après – 4,9 % en 2023) serait compensée par la remontée du solde stabilisant. Celui-ci s’établirait à – 4,2 % du fait du repli de l’inflation, qui serait de 2,5 % en 2024, quel que soit l’indicateur retenu (déflateur du PIB ou IPC hors tabac). Le flux de créance légèrement négatif compenserait la majeure partie de l’écart entre le solde effectif et le solde stabilisant, de sorte que le ratio d’endettement ne connaîtrait qu’une évolution à la hausse infra-décimale.

évolution et trajectoire du ratio de dette publique française

(en % du PIB)

Source : commission des finances d’après les données de l’Insee et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

  1.   La nécessité d’amplifier la baisse de la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité à long terme
    1.   Les points de vigilance

La soutenabilité de la dette publique désigne la capacité d’un État à honorer ses engagements financiers dans le futur.

Dans le contexte actuel, marqué par la perspective d’une décrue de l’inflation et par la remontée des taux d’intérêt qui avaient atteint des niveaux historiquement bas, plusieurs points de vigilance doivent être relevés. Ils plaident pour une action résolue en faveur de la consolidation de nos finances publiques et du respect d’une trajectoire ambitieuse de baisse du ratio d’endettement public.

  1.   L’impact de l’inflation

L’inflation a un impact positif à court terme sur le ratio de dette publique en augmentant le taux de croissance du PIB en valeur ([29]) et en facilitant ainsi le remboursement de la dette héritée du passé. Elle produit donc une baisse « mécanique » du ratio rapportant la dette au PIB, puisque le dénominateur de ce ratio augmente.

Cet effet favorable s’est toutefois trouvé limité, dans le cas du choc d’inflation qui a débuté en 2022, par le caractère largement importé de la hausse du niveau des prix observée, par les importantes dépenses de soutien aux ménages et par l’alourdissement de la charge de la dette ([30]).

Si l’inflation a donc un effet incertain sur le taux d’endettement public, elle accroît en revanche la charge de la dette, de manière directe et immédiate, par ses conséquences sur l’encours des obligations indexées sur l’inflation et, plus indirectement et à plus long terme, via la réponse de politique monétaire qu’elle tend à engendrer.

L’encours de dette de moyen et long terme de l’État était constitué, à l’été 2023, de 11,5 % à 12 % d’obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l’inflation. La référence d’indexation de ces titres est, à hauteur des trois quarts de leur encours, l’indice des prix à la consommation harmonisé hors tabac de la zone euro publié par Eurostat (ces titres sont désignés « OAT€i ») et, pour le quart restant, l’indice français des prix à la consommation hors tabac publié par l’Insee (OATi).

Contrairement au cas des obligations dites « nominales », le capital des OAT indexées évolue chaque année au même rythme que l’inflation constatée entre l’émission et la date d’échéance du titre. En contrepartie, leur taux fixe, qui détermine le montant des coupons annuels versés à l’investisseur, est plus faible. Chaque année, le coût représentatif de l’indexation de ces titres est inscrit en loi de finances comme charge budgétaire au sein du budget général de l’État, sous la forme d’une provision pour charge d’indexation.

En répondant à une demande de protection face au risque inflationniste, ces titres permettent de diversifier la base d’investisseurs de la dette française, ce qui ouvre des débouchés supplémentaires dans un contexte de hausse des volumes d’émissions de dette.

Le niveau d’inflation a donc un impact direct sur la charge de la dette puisqu’il se répercute sur la totalité de l’encours des titres indexés, à la différence des variations de taux d’intérêt qui affectent uniquement les émissions de titres. Au 31 août 2023, l’encours des titres indexés était de 263 milliards d’euros : une variation positive durable de 0,1 point du taux d’inflation aurait donc un impact annuel de l’ordre de 263 millions d’euros supplémentaires sur la charge de la dette.

À la suite de l’inflation soutenue constatée en zone euro et en France à partir de 2022, la provision pour charge d’indexation des OAT€i et OATi est passée de 3 milliards d’euros environ en 2021 à 15,5 milliards d’euros en 2022. Elle atteindrait 15,8 milliards d’euros en 2023, soit 1,9 milliard de plus que l’estimation présentée en loi de finances initiale pour 2023. Cette provision devrait diminuer en 2024 sous l’effet du repli du niveau d’inflation : la prévision du présent projet de loi de finances s’élève à 8,7 milliards d’euros.

La charge de la dette indexée se comporte donc de façon contra‑cyclique : elle augmente lorsque l’inflation progresse, alors que celle-ci tend à faire progresser avec elle le PIB en valeur et les rentrées fiscales, mais diminue lorsque la hausse des prix et le dynamisme des recettes fiscales s’atténuent.

  1.   La remontée des taux d’intérêt

Dans un contexte d’inflation basse et de crise économique, la Banque centrale européenne (BCE) a mené depuis l’après-crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, une politique monétaire accommodante qui a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur ceux de l’ensemble des États de la zone euro. Cette politique monétaire expansionniste a été accentuée en 2020 lors de la crise sanitaire, avec la mise en place d’un programme d’achat d’urgence face à la pandémie, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP). Cette action a été décisive pour maintenir les taux à des niveaux faibles et contenir les écarts de taux entre les pays membres.

Cette politique monétaire accommodante s’est poursuivie en 2021, malgré l’accélération de l’inflation. Celle-ci était en effet demeurée inférieure à 2 %, s’établissant à 1,6 %, et était anticipée comme temporaire, deux conditions justifiant aux yeux de la BCE le maintien de taux d’intérêt bas pour soutenir la croissance en zone euro.

Face à la persistance de l’inflation, la BCE a mis un terme à son programme d’achats d’actifs à compter du 1er juillet 2022 et a procédé au relèvement de ses taux directeurs de 50 points de base en juillet 2022, de 75 points de base en septembre et en novembre et, à nouveau, de 50 points de base en décembre 2022. Au cours de l’année 2023, la BCE a régulièrement relevé ses taux directeurs (+ 50 points de base en février et en mars et + 25 points de base en mai, en juin, en août et en septembre). Le taux de dépôt s’élevait à 4 % à la fin du mois de septembre, soit un niveau inédit depuis la création de l’euro.

De son côté, confrontée à une inflation plus rapide, la Fed a mis fin à ses rachats d’actifs en mars 2022 et a annoncé une réduction de son bilan en juillet 2022. Elle a aussi fortement relevé ses taux directeurs en 2022 (+ 425 points de base) puis en 2023 (+ 100 points de base entre le début de l’année et le 30 septembre).

Ce resserrement des politiques monétaires et le maintien d’une inflation élevée ont conduit à une remontée des taux d’intérêt demandés par les marchés sur les obligations souveraines aux États-Unis et en zone euro. Ainsi, alors que le taux des obligations françaises à 10 ans s’est établi en moyenne à 0 % en 2021, il atteignait 1,5 % en 2022. Selon les prévision du Gouvernement, ce taux s’élèverait à 3,4 % à la fin de l’année 2023 et à 3,5 % à la fin de l’année 2024.

Évolution DES TAUX DE L’OAT À 10 ANS FRANÇAISE (moyenne annuelle)

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d’après les rapports annuels de l’AFT et les prévisions du présent PLF.

Note : les données pour 2023 à 2027 correspondent à des hypothèses en fin d’année et non à des moyennes annuelles.

  1.   La hausse de la charge de la dette

Malgré le choc de dette de 2020, la charge de la dette est restée très contenue en 2020 et en 2021, dans un contexte d’inflation faible et de taux d’intérêt bas. L’année 2022 a cependant été marquée par une hausse importante de cette charge, qui s’est établie à 51,5 milliards d’euros en comptabilité budgétaire, en hausse de 34 % par rapport à 2021. La charge de la dette connaîtrait à nouveau une légère hausse en 2023 (51,7 milliards d’euros, soit + 0,2 milliard d’euros par rapport à 2022).

Les prévisions du présent projet de loi de finances font état d’une nouvelle progression de la charge de la dette en 2024, celle-ci s’établissant à 52,2 milliards d’euros, soit un niveau exceptionnellement élevé.

Charge de la dette et de la trésorerie de l’État (*)

(en milliards d’euros)

(*) En charge budgétaire, retracée par les programmes 117 Charge de la dette et de la trésorerie de l’État et 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État.

Source : AFT, projet annuel de performance Engagements financiers de l’État et réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

Selon les prévisions du Gouvernement, après la légère hausse constatée en 2024 (+ 457 millions d’euros), la charge de la dette de l’État progresserait davantage en 2025 (+ 3,6 milliards d’euros) puis en 2026 (+ 5,2 milliards d’euros), sous l’effet de la hausse des taux d’intérêts.

La France conserve aujourd’hui son attractivité pour les investisseurs : le taux d’intérêt à 10 ans reste relativement contenu au regard du contexte économique et sa stabilisation est anticipée à partir de la fin de l’année 2023. L’écart de taux (ou spread) entre l’Allemagne et la France demeure stable et relativement limité, autour de 60 points de base, loin des niveaux observés lors de la crise des dettes souveraines (ce spread avait atteint près de 200 points de base au plus fort de la crise, au mois de novembre 2011). Le plan de relance européen Next Generation EU, d’un montant de 750 milliards d’euros et financé par l’émission de titres de dette commune, doit également participer à la réduction des risques qui pourraient peser sur la soutenabilité de la dette souveraine des États membres.

taux d’intérêt de l’obligation souveraine
à 10 ans au 29 septembre 2023 (*)

(en pourcentage)

Pays

Taux d’intérêt de l’obligation souveraine à 10 ans

France

3,4

Allemagne

2,8

États-Unis

4,6

Royaume-Uni

4,4

Italie

4,8

Espagne

3,9

Pays-Bas

3,2

(*) Ces taux d’intérêt ont connu une hausse significative au cours du mois de septembre (de l’ordre de 30 points de base sur un mois pour la France et l’Allemagne et 40 points de base pour les États-Unis) avant de se stabiliser. Ils demeurent relativement volatiles.

Source : Bloomberg.

Toutefois, la hausse des taux d’intérêt se traduit par une hausse de la charge de la dette, d’autant plus forte que le stock de dette à amortir et les nouvelles émissions sont importants. La durée de vie moyenne de la dette négociable étant de 8 ans et 190 jours à la fin du mois de juillet 2023, la hausse des taux consécutive à la persistance d’une inflation élevée ne se transmet que progressivement à la charge de la dette, au rythme des nouvelles émissions. D’après les données du Gouvernement, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur toutes les maturités aurait un impact de 2,6 milliards d’euros la première année, de 6,6 milliards d’euros la deuxième année et de 17,2 milliards d’euros la cinquième année.

IMPACT D’UN CHOC DE TAUX DE 1 %
SUR LA CHARGE DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Source : rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2024.

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale.

  1.   L’ancrage d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité à long terme

Dans un contexte de croissance normalisée autour de son potentiel, le maintien de taux d’intérêt relativement contenus est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique ([31]), ce qui implique de conserver la confiance des marchés. La remontée actuelle des taux d’intérêt, face à un stock de dette qui a fortement augmenté ces dernières années, impose la nécessité de fixer une trajectoire de dette claire et crédible pour les prochaines années, qui permette de faire diminuer progressivement le niveau de l’endettement public.

Cette trajectoire de désendettement repose sur une nécessaire réduction du déficit public, sans dégrader la croissance potentielle. D’après le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (PLPFP) considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, le déficit public passerait sous le seuil des 3 % en 2027.

Après un recul du ratio de dette publique en 2021, 2022 et 2023, la trajectoire de long terme présentée par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi de finances et du PLPFP fait état d’une stabilisation de l’endettement public en 2024, sous la forme d’une variation à la hausse infra-décimale. Le recul de la part de la dette dans le PIB reprendrait en 2025 (– 0,1 point) et s’amplifierait en 2026 (près de – 0,6 point) et en 2027 (– 1 point), pour atteindre un ratio d’endettement de 108,1 % en fin de période.

Cette trajectoire est plus ambitieuse que celle qui avait été définie par la précédente loi de finances initiale : le projet de loi de finances pour 2023 prévoyait une hausse du ratio d’endettement en 2024 et en 2025, suivie d’une baisse plus mesurée, le ratio s’établissant à 110,9 % en 2027.

trajectoire d’endettement public

(en % du PIB)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dette publique

111,8

109,7

109,7

109,6

109,1

108,1

Solde stabilisant le niveau d’endettement

– 5,9

– 7,1

– 4,2

– 3,8

– 3,5

– 3,6

Solde effectif

– 4,8

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

Variation du ratio d’endettement

– 1,1

– 2,1

0,1

– 0,1

– 0,6

– 1,0

Source : projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

NB : arrondis à la décimale supérieure.

trajectoire du ratio de la dette publique française

(en % du PIB)

Source : commission des finances.

La confiance des marchés dépend par ailleurs de la cohérence de la trajectoire d’endettement public française avec celle de nos principaux partenaires européens. À cet égard, il apparaît nécessaire de ne pas renouveler la situation de hausse du ratio de dette publique observée en France entre 2013 et 2017, dans un contexte où nos voisins se désendettaient.

Enfin, il est important de rappeler que même en l’absence de matérialisation du risque d’insolvabilité, l’endettement constitue une perte de souveraineté. La dette constitue en effet une dépense qui réduit les marges de manœuvre financières de l’État pour mener sa politique budgétaire de manière autonome. En 2022, les dépenses de charge de la dette de l’État – y compris la charge de la dette de la SNCF – se sont ainsi élevées à 51,5 milliards d’euros, soit 11,6 % de l’ensemble des dépenses du budget général de l’État (445,7 milliards d’euros hors remboursements et dégrèvements) et 2,3 % de l’encours de la dette négociable (2 278 milliards d’euros). La charge de la dette de l’État anticipée en 2024 (52,2 milliards d’euros) aura un impact sur le solde public comparable à celui des crédits budgétaires alloués à la mission Défense (56,8 milliards d’euros).

Ces dépenses de charge de la dette contraindront de plus en plus fortement les marges de manœuvre financières des administrations publiques dans les années à venir, malgré la trajectoire baissière du ratio de dette publique. Sous l’effet en particulier de la hausse des taux d’intérêts, le poids de la charge de la dette publique rapportée au PIB devrait augmenter de plus de 85 % entre 2021 et 2027. Les dépenses des administrations publiques consacrées à cette charge s’élèveraient ainsi à 2,6 % du PIB en 2027 (dont 2,2 % pour la seule charge de la dette de l’État), contre 1,4 % en 2021 (dont 1,3 % pour l’État) ([32]).

3.   La poursuite du cantonnement de la « dette covid »

La loi de finances pour 2022 a créé un programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 au sein de la mission Engagements financiers de l’État, afin d’isoler les 165 milliards d’euros de dette directement liée à la crise sanitaire de 2020 du reste de l’encours, issu des déficits successifs antérieurs. Ce montant de 165 milliards d’euros correspond aux écarts des déficits constatés en 2020 et en 2021 par rapport à ceux qui étaient anticipés à la fin de l’année 2019, retraités du plan de relance.

Le cantonnement de cette dette « covid » doit contribuer au renforcement de la lisibilité de l’information sur la trajectoire de la dette publique et constitue un engagement politique de la France à rembourser cette dette. Le Gouvernement prévoit ainsi son amortissement en vingt ans, d’ici 2042.

Ce programme a été doté dès 2022 d’autorisations d’engagement (AE) à hauteur du montant de 165 milliards d’euros retenu. Il ne fera donc plus l’objet d’aucune ouverture d’AE au cours des années ultérieures.

Les crédits de paiement sont quant à eux fixés chaque année en fonction de la dynamique de la croissance : 5,9 % du surcroît de recettes fiscales nettes dégagées chaque année au-delà de leur niveau de 2020 est consacré au désendettement, cette fraction permettant, dans la trajectoire prévisionnelle de croissance actuelle, de rembourser la dette « covid » d’ici 2042. Ce taux doit être ajusté au fur et à mesure de l’amortissement, à la hausse ou à la baisse, selon que la croissance du PIB est plus ou moins élevée par rapport à sa trajectoire prévisionnelle, afin de respecter l’horizon de remboursement.

Le programme a été doté de 1,9 milliard d’euros de crédits de paiement en 2022 et de 6,6 milliards d’euros en 2023. Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 6,5 milliards d’euros à ce remboursement en 2024. Il indique par ailleurs des montants prévisionnels de 8,7 milliards d’euros pour 2025 et 9 milliards d’euros pour 2026. Fin 2026, près de 33 milliards d’euros seraient donc amortis. Cette trajectoire apparaît conforme aux montants nécessaires pour rembourser l’ensemble des 165 milliards d’euros en vingt ans : les ouvertures annuelles dédiées à ce remboursement après 2026 devraient s’élever en moyenne à un peu plus de 8 milliards d’euros.

 

 

 


—  1  —

   FICHE N° 3 :
LE BUDGET DE L’ÉTAT

Résumé de la fiche

Les recettes fiscales de l’État progresseraient en 2024 de 17,3 milliards d’euros par rapport à 2023, pour atteindre 349,4 milliards d’euros, principalement en raison de la dynamique de l’impôt sur les sociétés. Les recettes non fiscales, en baisse par rapport à 2023 compte tenu de moindres versements européens au titre du financement de la relance, atteindraient 22,6 milliards d’euros. Les prélèvements sur recettes, qui avaient progressé de 1,8 milliard d’euros entre 2022 et 2023, connaîtraient en 2024 une baisse de 2,4 milliards d’euros par rapport à 2023, notamment sous l’effet d’une baisse conjoncturelle des besoins de financement de la politique de cohésion de l’Union européenne. Les dépenses fiscales verraient leur coût baisser de 2,6 milliards d’euros pour s’établir à 78,7 milliards d’euros.

Les dépenses de l’État s’établiraient à 490,8 milliards d’euros en 2024 au sens du nouveau périmètre des dépenses, soit une diminution de 5,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Le recul important des mesures de soutien face à l’inflation n’est qu’en partie compensé par de nouvelles dépenses liées aux priorités gouvernementales (transition écologique, éducation, renforcement des ministères régaliens, travail et emploi, solidarités, recherche). Hors dotations relatives au service public de l’énergie et hors relance, les missions budgétaires voient ainsi le total de leurs crédits, hors pensions, augmenter de près de 13 milliards d’euros par rapport à la LFI 2023. La transition écologique bénéficie de hausses de crédits transversales pour un montant inédit de 7 milliards d’euros.

Les dépenses liées à la charge de la dette augmentent en 2024 en raison de la hausse du stock de dette ainsi que de la remontée des taux d’intérêts, qui compensent le repli des effets de l’inflation sur l’encours de dette indexée.

I.   Les recettes

Les recettes nettes du budget général de l’État atteindraient 372,1 milliards d’euros en 2024, contre 358 milliards d’euros en 2023.

 

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État en 2023 et 2024

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État & PSR

Prévision actualisée

2023

Prévision 2024

Impôt sur le revenu (IR)

90,7

94,1

Impôt sur les sociétés (IS)

61,3

72,2

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

96,3

100,4

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

16,4

16,4

Autres recettes fiscales

67,4

66,3

Sous-total recettes fiscales nettes

332,1

349,4

Recettes non fiscales

26,0

22,6

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

358,0

372,1

Prélèvements sur recettes UE (2a)

24,4

21,6

Prélèvements sur recettes CT (2b)

45,8

44,8

Recettes nettes de l’État hors fonds de concours (1  2)

287,8

305,6

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 305,6 milliards d’euros en 2024 au lieu de 287,8 milliards d’euros en 2023.

Cette approche, retenue au sein du tome I de l’annexe Voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, présente néanmoins un risque de confusion entre les ressources du budget général de l’État et celles de l’État.

En particulier, le tableau précédent élude les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et minore la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (A).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (B), aux prélèvements sur recettes (C) et aux dépenses fiscales (D) seront ensuite présentées successivement.

A.   Les recettes fiscales de l’État

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’identifier le périmètre des recettes fiscales nettes (1). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (2) puis par principaux impôts (3).

1.   Identification des recettes fiscales nettes

Dans le tableau précédent, les recettes « nettes » sont présentées sans prendre en compte les remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.

Remboursements et dégrèvements

En 2024, le montant des recettes fiscales brutes du budget général serait de 485,4 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État devraient s’élever à près de 136 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à près de 349,5 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État progresseraient de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2023 et se décomposeraient ainsi en 2024 :

– 103 milliards d’euros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 79,3 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 11,4 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 17,9 milliards d’euros au titre de soutiens à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 15 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteindraient 4,3 milliards d’euros.

Au total, les remboursements et dégrèvements s’élèveraient donc à 140,3 milliards d’euros.

Source : Projet annuel de performances de la mission Remboursements et dégrèvements annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Le montant des recettes fiscales nettes présenté à l’article 34 du présent projet de loi (article d’équilibre) s’établit à 349,5 milliards d’euros.

a.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre

En modifiant l’article 34 de la LOLF, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a fait évoluer la présentation budgétaire habituelle, qui déduisait du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. Cette présentation était critiquée par Cour des comptes, qui recommandait de manière constante que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de l’État ([33]). En effet, ceux-ci n’ont rien à voir avec la mécanique des impôts d’État et il n’est donc pas pertinent de les en soustraire.

En 2024, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’État, retracés dans le programme 201, sont estimés à 4,3 milliards d’euros au lieu de 4,6 milliards d’euros en 2023.

Aussi, à l’article d’équilibre du projet de loi de finances pour 2023, les recettes fiscales sont de 349,5 milliards d’euros. Ce chiffre correspond aux recettes fiscales brutes minorées des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.

b.   Les recettes fiscales de l’État hors budget général

La présentation budgétaire classique ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité, souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, n’est pourtant pas négligeable.

Ainsi le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État serait-il en 2024 de 1 milliard d’euros, en hausse de 0,8 milliard d’euros par rapport à 2023.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte d’affectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2024

BA

Contrôle et exploitation aériens

Tarif de l’aviation civile

511,3

Taxe de solidarité

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

141

CAS

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377

Total

1 029,3

Source : projet de loi de finances pour 2024, état A.

2.   Présentation générale

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 332,1 milliards d’euros en 2023, soit une prévision actualisée supérieure de 3,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023 ;

– et à 349,4 milliards d’euros en 2024.

Recettes fiscales nettes du budget général
de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2009

214,3

2010

253,6

2011

255,0

2012

268,4

2013

284,0

2014

274,3

2015

280,1

2016

284,1

2017

295,6

2018

295,4

2019

281,3

2020

256,0

2021

295,7

2022

330,3

2023 (prévision actualisée)

332,1

2024 (prévision)

349,4

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général et rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

a.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB, ce qui permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Par la suite, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

i.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La croissance spontanée des recettes est comparée à l’évolution du PIB en valeur plutôt qu’en volume. Selon les hypothèses du projet de loi finances, en 2023, la croissance en valeur est de 6,8 % (1 % en volume) ; en 2024, elle est de 4 % (1,4 % en volume).

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée est de + 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

Si le rendement de la TVA est nécessairement lié à l’activité tant celle-ci s’appuie en partie sur la consommation, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse, en principe, proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique. La crise économique commencée en 2020 a cependant modifié ce type d’analyse : le produit de l’IR s’est maintenu entre 2020 et 2022, notamment du fait du choix des pouvoirs publics de garantir une très grande partie des revenus salariaux, ainsi que sous l’effet de l’inflation.

ii.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

iii.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

b.   Évolution générale de 2023 à 2024

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État s’établiraient en 2024 à 349,4 milliards d’euros, en hausse sensible de 17,4 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2023.

L’évolution spontanée des recettes fiscales nettes serait importante en 2024, atteignant 5,6 %, après 1,1 % en 2023, notamment en raison de l’évolution hors mesures nouvelles de l’impôt sur les sociétés, liée à une hausse importante du bénéfice fiscal attendu en 2023. Les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2024 conduiraient à minorer légèrement les recettes fiscales nettes en 2024 de 1,2 milliard d’euros, notamment en raison de la mise en œuvre du premier jalon de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), désormais étalée sur quatre ans.

Recettes fiscales nettes de l’État en 2024

(en milliards d’euros)

 

Prévision

2024

Impôt sur le revenu (IR)

94,1

Impôt sur les sociétés (IS)

72,2

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

16,4

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

100,4

Autres recettes fiscales

66,3

Total des recettes fiscales nettes du budget général de l’État

349,4

Fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

1

Total des recettes fiscales nettes du budget de l’État

350,4

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : commission des finances, d’après le projet de loi de finances pour 2024 et le rapport économique, social et financier annexé.

3.   Présentation par impôt

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après.

a.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt d’État partagé en premier lieu avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable d’ajustement dans les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([34]).

Le partage des recettes de TVA entre les sous-secteurs d’administration publique s’est amplifié en 2021 avec l’affectation d’une fraction de TVA aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, et d’une nouvelle fraction de TVA aux régions dans le cadre de la baisse des impôts de production. Ce partage a été amplifié sous l’effet de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), compensée par l’affectation d’une nouvelle fraction de TVA.

répartition du produit de la TVA depuis 2013

(en milliards d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Part État

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

100,8

96,3

100,4

Compensation de la contribution à l’audiovisuel public

-

-

-

-

-

-

-

-

-

3,6

3,8

4,0

Part Sécurité sociale

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,2

41,5

45,4

53,8

57,4

57,8

60,3

Part APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

40,9

52,3

55,0

Total

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

171,1

174,8

163,2

186,7

202,7

210,2

219,7

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : lois de règlement pour les années 2018 à 2020, projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1, et réponses au questionnaire du rapporteur général.

La TVA affectée à l’État a baissé de façon importante en 2020, en raison de la baisse de la consommation et de l’investissement du fait de la crise. Son produit a diminué une nouvelle fois de façon marquée en 2021, du fait d’importantes mesures de transfert aux collectivités territoriales dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation et de la baisse des impôts de production, avant de rebondir en 2022, porté par son évolution spontanée (+ 5,9 %).

i.   En 2023

Le rendement de la TVA affectée à l’État reculerait de 4,5 milliards d’euros en 2023 pour s’établir à 96,3 milliards d’euros, la croissance spontanée de cette recette étant en partie compensée par un surcroît de demandes de remboursements de crédits de TVA par les entreprises.

Les mesures nouvelles abaisseraient quant à elles le niveau de recettes fiscales nettes de TVA d’environ 9 milliards d’euros, principalement en raison de la compensation de la suppression de la CVAE.

ii.   En 2024

En 2024, la part de TVA affectée à l’État progresserait de 4,1 milliards d’euros par rapport à 2023, pour atteindre 100,4 milliards d’euros. La dynamique des recettes (+ 4,0 % de croissance spontanée) s’expliquerait principalement par la croissance des emplois taxables (+ 3,8 %).

Des recettes nettes de tva en 2022 aux recettes attendues en 2024

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

Évaluation initiale
pour 2023

Évaluation révisée
pour 2023

Évolution spontanée

Mesures

TVA 2024

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

100,8

94,7

96,3

3,8

-

0,2

0,1

100,4

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, tome I.

b.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Son produit a progressé de 23,7 milliards d’euros entre 2013 et 2023.

Rendement net de l’Impôt sur le revenu depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2 013

2 014

2 015

2 016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Rendement net

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

71,8

74,0

78,7

89

90,7

94,1

Source : lois de règlement, projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et projet de loi de finances pour 2024.

i.   En 2023

Les recettes d’IR progresseraient en 2023 de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2022 pour atteindre 90,7 milliards d’euros. Cette évolution s’expliquerait par le prélèvement à la source (+ 4,8 milliards d’euros) en raison du dynamisme de la masse salariale assujettie en 2023 (+ 6,2 %), et par un solde en diminution (– 3,3 milliards d’euros) du fait d’une croissance du salaire moyen en 2022 inférieure à l’évolution du barème, indexé sur l’inflation.

ii.   En 2024

En 2024, les recettes progresseraient de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2023 et s’élèveraient à 94,1 milliards d’euros. Cette évolution serait due, à hauteur de 3,3 milliards d’euros, au dynamisme du rendement du prélèvement à la source lié au dynamisme de la masse salariale assujettie en 2024. Le solde serait quant à lui, quasiment stable entre 2023 et 2024, en raison de l’évolution du salaire moyen 2023 à peine plus forte que l’inflation, sur laquelle le barème est indexé.

de l’impôt brut sur le revenu à l’impôt net

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2022

Prévision 2023

Prévision 2024

Impôt brut sur le revenu

109,8

113,4

117,6

Prélèvement à la source

80,3

85,1

88,4

Retenue à la source

61,8

65,5

68,0

Acomptes contemporains

18,6

19,8

20,5

Décalage comptable

-0,1

-0,3

-0,1

Hors prélèvement à la source

29,5

28,3

29,3

Exercice courant

18,8

17,4

17,9

Exercice précédent

1,9

1,6

1,7

Exercice antérieur

1,4

1,5

1,5

Plus-values immobilières

1,6

1,3

1,3

Prélèvement forfaitaire obligatoire / prélèvement forfaitaire unique

5,8

6,4

6,8

Remboursements et dégrèvements

 20,8

 22,7

 23,5

Impôt net sur le revenu

89,0

90,7

94,1

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, tome I.

 

Des recettes nettes d’impôt sur le revenu en 2022
aux recettes attendues en 2024

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

Évaluation initiale
pour 2023

Évaluation révisée
pour 2023

Évolution spontanée

Mesures

IR 2024

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

89,0

87,3

90,7

3,3

0,1

0,0

94,1

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, tome I

c.   L’impôt sur les sociétés

L’impôt sur les sociétés est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de l’impôt sur les sociétés depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2 013

2 014

2 015

2 016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Rendement net

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

33,4

36,3

46,3

62,1

61,3

72,2

Source : lois de règlement, projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et projet de loi de finances pour 2024.

i.   En 2023

Quoiqu’inférieure de 0,8 milliard au rendement constaté en 2022, la prévision révisée de rendement de l’impôt sur les sociétés pour 2023 est supérieure de 6 milliards d’euros à la prévision initiale, principalement en raison de la révision à la hausse de l’évolution du bénéfice fiscal en 2022, prévue à – 3 % en loi de finances pour 2023 et finalement estimée à + 2 %, ce qui engendre une plus-value sur les acomptes 2023 et le solde 2022 versé en 2023.

Cette nouvelle prévision prend notamment en compte la mesure nouvelle que constitue la contribution temporaire de solidarité ([35]).

ii.   En 2024

En 2024, les recettes rebondiraient de 10,9 milliards d’euros par rapport à 2023 pour atteindre 72,2 milliards d’euros, essentiellement sous l’effet d’une hausse de 14 % du bénéfice fiscal en 2023 qui affecte les acomptes et le solde versés en 2024.

Des recettes nettes d’impôt sur les sociétés en 2022
aux recettes attendues en 2024

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

Évaluation initiale
pour 2023

Évaluation révisée
pour 2023

Évolution spontanée

Mesures

IR 2024

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

62,1

55,3

61,3

10,0

1,0

-0,2

-

72,2

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, tome I

 

d.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Décomposition des recettes de TICPE

(en milliards d’euros)

Année

2023

2024

TICPE brute totale

31,4

31,7

Transfert aux collectivités territoriales

– 11,1

– 11,1

Transfert à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France

– 1,9

– 2,1

Transfert à Île-de-France Mobilités

– 0,1

– 0,1

Autres

-

-

TICPE État brute

18,3

18,4

Remboursements et dégrèvements

– 1,9

– 2,0

TICPE État nette

16,4

16,4

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

i.   En 2023

La TICPE nette pour l’État s’établirait à 16,4 milliards d’euros en 2023, en baisse de 1,6 milliards d’euros par rapport à 2022.

L’évolution spontanée de la TICPE budgétaire de l’État (– 3,4 %) résulterait d’une moindre consommation de carburants, du fait des prix élevés des produits pétroliers et de la fin des mesures d’aide de l’État sur le prix des carburants à la pompe. En outre, l’augmentation des transferts de TICPE au profit de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), à hauteur de 0,7 milliard d’euros, grèvera la part revenant à l’État.

ii.   En 2024

En 2024, les recettes de la TICPE nette de l’État seraient stables par rapport à 2023 (cf. tableau supra). D’une part, passant de 1,9 milliard d’euros à 2,1 milliards d’euros, le montant des transferts à l’AFITF devrait progresser dans une moindre mesure que le rendement brut total de la TICPE (+ 300 millions d’euros), tandis que le montant des transferts aux collectivités territoriales et à Île-de-France Mobilités resterait stable. D’autre part, le montant des remboursements et dégrèvement de TICPE progresseraient de 100 millions d’euros.

Des recettes nettes de TICPE en 2022 aux recettes attendues en 2024

(en milliards d’euros)

Exécution 2022

Évaluation initiale
pour 2023

Évaluation révisée
pour 2023

Évolution spontanée

Mesures

TICPE 2024

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

18,0

16,6

16,4

0,0

0,0

0,2

-0,2

16,4

Source : Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, tome I

e.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales nettes sont calculées comme la somme de recettes brutes qui comprennent les droits de mutation à titre gratuit, l’impôt sur la fortune immobilière ou les taxes intérieures de consommation hors TICPE, nettes des remboursements et dégrèvements, qui regroupent les contentieux fiscaux, les admissions en non-valeur ou les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

En 2023, les autres recettes fiscales nettes atteignent, selon la prévision révisée, 67,4 milliards d’euros, en hausse sensible de 7,1 milliards d’euros rapport à l’année 2022, essentiellement en raison de l’effet de la budgétisation de la part de CVAE restante (+5,7 milliards d’euros), des effets du bouclier tarifaire (– 2,9 milliards d’euros), de la création de la contribution sur les rentes infra‑marginales (+ 3,6 milliards d’euros) et de l’achèvement de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (– 2,8 milliards d’euros).

En 2024, les autres recettes fiscales nettes connaîtraient une légère baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à 2023, pour atteindre le montant de 66,3 milliards d’euros, en raison d’une croissance spontanée modérée et de mesures nouvelles négatives, notamment la première marche de la suppression en quatre ans de la CVAE et les contentieux fiscaux exceptionnels.

B.   Les recettes non fiscales du budget général

Les recettes non fiscales de l’État comprennent cinq grandes catégories : les dividendes et recettes assimilées, les produits du domaine de l’État, les produits de la vente de biens et de services, les remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières, les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite.

Les recettes non fiscales de l’État devraient atteindre 26 milliards d’euros en 2023. Il s’agit d’un montant en augmentation de 2 milliards d’euros par rapport à 2022. Hors financements européens du plan de relance, elles seraient en légère baisse de 0,7 milliard d’euros.

En 2024, les recettes non fiscales diminueraient de 3,3 milliards d’euros par rapport à 2023 pour atteindre 22,6 milliards d’euros au total, essentiellement sous l’effet de la baisse attendue des financements européens du plan de relance (– 3,4 milliards d’euros) ([36]).

Des recettes non fiscales 2023 aux recettes non fiscales 2024

(en millions d’euros)

Recettes prévues pour 2023

25 965

Divers versements européens

– 3 384

Baisse des dividendes versés par les entreprises non financières

– 658

Autres dividendes et recettes assimilées

– 123

Hausse des dividendes versés par les entreprises financières

+ 188

revenus du domaine public non militaire

+ 664

Redevances d’usage des fréquences radioélectriques

– 347

produits des amendes prononcées par les autorités de la concurrence

+ 263

produit des autres amendes et condamnations pécuniaires

+ 300

Autres

– 235

Recettes prévues pour 2024

22 633

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

C.   Les prélèvements sur recettes

Les prélèvements sur recettes, qui avaient progressé de 1,8 milliard d’euros entre 2022 et 2023, connaîtraient en 2024 une baisse de 2,4 milliards d’euros par rapport à 2023.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes entre 2022 et 2024

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire des prélèvements sur recettes

2022

2023

(actualisée)

2024

Union européenne

24,2

24,4

21,6

Collectivités territoriales

42,9

44,5

44,8

Total

67,1

68,9

66,5

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, dont le montant varierait peu en 2023 par rapport à l’année précédente, connaîtrait en 2024 une baisse de 2,8 milliards d’euros, soit 11,6 % par rapport à la prévision révisée pour 2023, notamment sous l’effet d’une baisse transitoire des paiements programmés au titre de la politique de cohésion en 2024, due à un retard dans la mise en œuvre de la politique de cohésion 2021-2027.

Évolution du prélèvement sur recettes
en faveur de l’Union européenne

(en millions d’euros)

 

2023

2024

Ressource TVA

4 153

4 327

Ressource plastique

1 564

1 505

Ressource RNB

18 720

15 778

Dont rabais forfaitaires

1 428

1 512

Total

24 437

21 610

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I

Les PSR en faveur des collectivités connaîtraient une progression limitée de 0,3 milliard d’euros.

D.   les dépenses fiscales

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de 78,7 milliards d’euros.

les Dépenses fiscales de 2021 à 2024

(en milliards d’euros)

Année

2021

exécution

2022

exécution

2023

prévision

2024

prévision

Montant des dépenses fiscales

89,6

85,6

81,3

78,7

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II, annexées aux projets de loi de finances pour 2023 (pour l’exécution 2021) et pour 2024 (pour les années 2022 à 2024).

Le coût total des dépenses fiscales baisserait ainsi de 3,6 milliards d’euros par rapport à 2023, après une baisse de 4,3 milliards d’euros en 2023 par rapport à 2022

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 disposait que « le rapport entre, d’une part, le montant annuel des dépenses fiscales et, d’autre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022 ». Le projet de loi de programmation pour les années 2023 à 2027 ne prévoit pas de dispositif similaire de plafonnement du taux de dépenses dans les recettes. Il prévoit en revanche un plafond pour l’incidence budgétaire des nouvelles dépenses fiscales (article 6) ainsi qu’un bornage dans le temps (article 7).

Plafond annuel de l’incidence budgétaire des mesures nouvelles
en prélèvements obligatoires

(en milliards d’euros courants)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de l’ensemble des mesures

– 5,0

– 2,0

– 3,0

– 2,0

– 3,0

Dont incidence relative aux dépenses fiscales

 0,5

 0,5

 0,5

 0,5

 1,0

Dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicable aux cotisations sociales

– 1,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Source : article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version issue d’un amendement gouvernemental adopté par la commission des finances et considérée comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

Dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, l’article 7 du même projet de loi de programmation fixe à trois ans la durée maximale d’application des dépenses fiscales nouvellement créées, ainsi que celle de la prorogation des dépenses fiscales existantes – prorogation conditionnée à la réalisation d’une évaluation des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l’efficacité et le coût de celles-ci.

 

Taux de dÉpenses fiscales dans les recettes nettes de l’État

(en % et en milliards d’euros)

 

2021

2022

2023

2024

Montant des recettes fiscales nettes (en milliards d’euros)

295,7

330,3

332,1

349,4

Montant des dépenses fiscales (en milliards d’euros)

89,6

85,6

81,3

78,7

Total

385,3

415,9

413,4

428,1

Taux de dépenses fiscales plafond prévu par la LPFP (en %)

26

25

-

-

Taux de dépenses fiscales exécuté ou prévisionnel (en %)

23

20,6

19,7

18,4

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluation des voies et moyens, tome II.

Bien qu’il en soit dénombré 467, dont 60 sont en cours d’extinction, dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles. Ainsi les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses représentent-elles à elles seules près de 50 % du montant total des dépenses fiscales. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), malgré sa suppression, continue d’avoir des effets du fait de créances passées, mais la disparition progressive des créances qu’il a engendrées tend à diminuer de façon significative le montant total des dépenses fiscales : s’élevant à 5,525 milliards d’euros en 2022, le coût de cette dépense serait de 1,173 milliard d’euros en 2023 et connaîtrait une baisse de près de 74 % en 2024 par rapport à 2023.

Le coût total des dépenses fiscales serait en 2024 de 78,7 milliards d’euros, en baisse de 2,6 milliards d’euros par rapport à 2023, essentiellement sous l’effet de la baisse des incidences de la taxe au tonnage et du CICE (cf. infra), et malgré une hausse de l’exonération des intérêts des livrets A, dont le coût évalué à 386 millions d’euros en 2023 progresserait de 135 %, et du tarif réduit pour le gaz naturel et le méthane utilisés dans les installations grandes consommatrices d’énergie et soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre, tarif réduit dont l’incidence budgétaire, passant de 404 millions d’euros en 2023 à 872 millions d’euros en 2024, augmenterait de 116 %.

Les 15 dÉpenses fiscales les plus coÛteuses en 2024

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

7 651

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

6 170

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

4 544

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement, de l’abondement ou d’un partage de plus-value, aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs ou obligatoires

2 580

Taux de 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que les travaux de rénovation énergétiques soumis au taux de 5,5 % en application de l’article 278-0 bis A, portant sur les logements achevés depuis plus de deux ans

2 240

Application au département de Mayotte et en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à La Réunion, à la place de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, de la taxe spéciale de consommation, aux tarifs plus bas et au champ plus étroit

2 022

Exonération de l’impôt sur le revenu des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant

1 850

Exonération de l’impôt sur le revenu, sous certaines conditions et limites, des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019

1 787

Réduction d’impôt au titre des dons

1 777

Déduction des revenus fonciers des dépenses de réparations et d’amélioration

1 650

Tarif réduit (remboursement) pour le gazole, le fioul lourd et les gaz de pétrole liquéfiés utilisés pour les travaux agricoles et forestiers

1 627

Taux de 10 % pour la restauration commerciale (consommation sur place et vente à emporter en vue d’une consommation immédiate)

1 536

Crédit d’impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de 6 ans

1 534

Niveau des taux de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit)

1 530

Réductions d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire (dispositifs Duflot et Pinel)

1 523

Total

40 021

Source : projet de loi de finances pour 2024, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

Ne figurent plus parmi les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses :

– la réduction d’impôt sur les sociétés au titre des dons faits par les entreprises à des œuvres ou organismes d’intérêt général, quoique son montant prévu pour 2024 demeure égal à la prévision pour 2023, soit 1,507 milliard d’euros ;

– la détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leur navire, dont l’incidence budgétaire passerait de 5,615 milliards d’euros à 1,1 milliard d’euros.

Figurent parmi les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses deux dispositifs qui n’y figuraient pas l’an dernier (en grisé dans le tableau supra) :

– les réductions d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire, soit les dispositifs dits Duflot et Pinel, dont l’incidence budgétaire passerait de 1,482 milliard d’euros à 1,523 milliards d’euros ;

– les taux réduits de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit), dont l’incidence budgétaire passerait de 1,43 milliard d’euros en 2023 à 1,53 milliard d’euros en 2024, soit un retour à son niveau de 2022.

  1.   Les dépenses de l’État

A.   Un recul des dépenses pilotables de l’État proposées en 2024 résultant principalement de l’extinction des mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 propose une nouvelle mesure des dépenses de l’État, appelé périmètre des dépenses de l’État. Cette norme regroupe les crédits du budget général, à l’exception de ceux relatifs à la charge de la dette, à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19 et aux remboursements et dégrèvements ([37]), les crédits des budgets annexes, les taxes affectées plafonnées, les dépenses des comptes d’affectation spéciale (à l’exception de celles liées au désendettement, aux participations financières de l’État et aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre), les dépenses du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public ainsi que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

Selon cette nouvelle norme, les dépenses de l’État s’élèveraient à 491 milliards d’euros en 2024, soit 5 milliards d’euros de moins que les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale pour 2023. Le présent projet de loi de finances propose un objectif d’évolution de ce périmètre jusqu’en 2027, identique à celui défini par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Évolution du périmètre des dépenses de l’État entre 2022 et 2027

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024 et le projet de loi de règlement pour 2022.

L’année 2024 est marquée par un fort recul des moyens budgétaires dédiés au soutien face à la hausse des prix de l’énergie. Les crédits ouverts au titre des boucliers tarifaires diminueraient de 16,2 milliards d’euros par rapport à ceux prévus par la loi de finances initiale pour 2023.

La mission Plan de relance, créée dans le contexte de la crise sanitaire, a été déployée sur deux ans : l’intégralité de ses autorisations d’engagement a été consommée en 2021 et, plus marginalement, en 2022. Ces engagements ont été couverts par des dépenses diminuant chaque année : 18,9 milliards d’euros consommés en 2021, 11,6 milliards d’euros en 2022 et 4,4 milliards d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2023. Les ouvertures de crédits de paiements proposées pour 2024 s’élèvent à 1,4 milliards d’euros, en diminution de 3 milliards d’euros par rapport à l’année précédente.

Évolution du périmètre des dépenses de l’État entre 2023 et 2024
et prévisions pour 2025 et 2026

(en milliards d’euros)

Composition du PDE

LFI 2023
(format 2024)

PLF 2024

Prévision 2025

Prévision 2026

Écart PLF 2024 / LFI 2023

Crédits budgétaires (hors charge de la dette, amortissement de la dette liée à la covid-19, contributions directes au CAS Pensions et remboursements et dégrèvements)

340,6

334,3

345,7

351,0

– 6,3

Taxes et recettes affectées

20,2

21,8

22,3

22,2

+ 1,6

Budgets annexes et comptes spéciaux

70,7

74,3

76,3

77,7

+ 3,6

Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

45,6

44,8

45,2

45,7

– 0,8

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

25,0

21,6

27,4

27,8

– 3,4

Retraitement des flux internes à l’État

– 6,0

– 6,0

– 6,0

– 6,0

+ 0,0

Économies issues des revues de dépenses

– 6,0

– 6,0

Évolution des dépenses incluses dans le PDE

496,1

490,8

504,9

512,4

 5,3

Charge de la dette (y compris programme 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État)

51,7

52,2

55,7

61,0

+ 0,5

Amortissement de la dette liée à la covid-19

6,6

6,5

8,7

9,0

– 0,1

Source : rapport économique social et financier annexé au PLF 2024 et dossier de presse du PLF 2024.

B.   L’évolution des dépenses prioritaires de l’État

L’essentiel des dépenses de l’État reposant sur des crédits budgétaires répartis par mission, le tableau suivant permet de constater l’évolution du financement des politiques publiques entre 2023 et 2024, de comparer cette évolution avec les montants constatés en 2019, année précédant la crise sanitaire, et d’apprécier ses perspectives jusqu’en 2026.

Évolution des Crédits de paiement du budget général
(hors remboursements et dégrèvements, hors contributions
directes de l’État au CAS Pensions et hors charge de la dette)

(en milliards d’euros)

Année

Exécution 2019
(format 2021)

Exécution 2020
(format 2021)

 

LFI 2023
(format 2024)

PLF 2024

Prévision 2025

Prévision 2026

Écart PLF 2024 /
LFI 2023

Écart PLF 2024 / 2019

Action extérieure de l’État

2,6

2,8

 

3,1

3,3

3,4

3,4

0,2

0,7

Administration générale et territoriale de l’État

3,2

3,1

 

3,5

3,9

4,3

4,6

0,4

0,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,7

2,6

 

3,6

4,5

4,5

4,6

0,9

1,8

Aide publique au développement

3,0

3,4

 

5,9

5,9

6,4

6,9

0,0

2,9

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,3

2,2

 

1,9

1,9

1,8

1,7

0,0

– 0,4

Cohésion des territoires

17,3

17,3

 

17,9

19,4

19,7

20,2

1,5

2,1

Conseil et contrôle de l’État

0,5

0,5

 

0,7

0,7

0,7

0,7

0,0

0,2

Crédits non répartis

0,0

0,0

 

1,2

0,5

0,2

0,2

– 0,7

0,5

Culture

2,8

3,0

 

3,5

3,7

3,8

3,8

0,2

0,9

Défense

35,7

37,5

 

43,9

47,2

50,5

53,7

3,3

11,5

Direction de l’action du Gouvernement

0,6

0,7

 

0,9

1,0

1,0

1,0

0,1

0,4

Écologie, développement et mobilité durables

17,7

19,2

 

35,7

20,7

25,6

26,3

– 15,0

3,0

Économie

1,6

2,7

 

7,7

4,1

3,9

3,9

– 3,6

2,5

Engagements financiers de l’État

0,3

0,4

 

2,9

2,2

1,6

1,0

– 0,7

1,9

Enseignement scolaire

52,5

53,4

 

60,3

64,2

65,1

65,4

3,9

11,7

Gestion des finances publiques

7,4

7,4

 

8,0

8,3

8,4

8,3

0,3

0,9

Immigration, asile et intégration

1,8

1,8

 

2,0

2,2

2,2

2,3

0,2

0,4

Investir pour la France de 2030

1,1

2,1

 

6,1

7,7

8,5

7,7

1,6

6,6

Justice

7,3

7,4

 

9,6

10,1

10,7

10,7

0,5

2,8

Médias, livre et industries culturelles

0,6

1,1

 

0,7

0,7

0,7

0,7

0,0

0,1

Outre-mer

2,2

2,2

 

2,5

2,6

2,6

2,6

0,1

0,4

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0,0

36,9

 

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Plan de relance

0,0

0,0

 

4,4

1,4

0,7

0,6

– 3,0

1,4

Pouvoirs publics

1,0

1,0

 

1,1

1,1

1,1

1,2

0,0

0,1

Recherche et enseignement supérieur

27,3

28,2

 

30,6

31,6

32,1

32,7

1,0

4,3

Régimes sociaux et de retraite

6,2

6,2

 

6,2

6,2

6,4

6,4

0,0

0,0

Relations avec les collectivités territoriales

3,5

3,6

 

4,5

4,3

4,2

4,2

– 0,2

0,8

Santé

1,2

1,1

 

3,4

2,3

1,9

2,0

– 1,1

1,1

Sécurités

13,3

13,8

 

16,1

16,5

17,0

17,5

0,4

3,2

Solidarité, insertion et égalité des chances

24,7

28,5

 

29,4

30,7

31,8

32,9

1,3

6,0

Sport, jeunesse et vie associative

1,1

1,2

 

1,8

1,8

1,6

1,6

0,0

0,7

Transformation et fonction publiques

0,3

0,3

 

1,1

1,1

0,8

0,8

0,0

0,8

Travail et emploi

12,7

12,9

 

20,7

22,4

22,4

21,6

1,7

9,7

Total (*)

254,5

304,5

 

340,6

334,3

345,7

351,0

– 6,3

79,8

Évolution

+ 50,0

 

+ 34,3
par rapport à 2020

– 6,3

+ 11,4

+ 5,3

Total (hors missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Plan de relance)

254,5

267,6

 

336,2

332,9

345,0

350,4

– 3,3

78,4

Note : l’écart entre le PLF 2024 et l’exécution 2019 est présenté sans retraitement des mesures de périmètre intervenues depuis 2022.

(*) Un décalage avec la somme des montants par mission est possible du fait des arrondis à la décimale supérieure.

Source : Commission des finances d’après les dossiers de presse du projet de loi de finances pour 2024 et du PLF 2022.

1.   L’évolution des dépenses du budget général depuis 2019

Hors programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilités durables, les dépenses du budget général continueraient à augmenter en 2024 pour financer les priorités du Gouvernement. Celles-ci s’inscrivent en cohérence avec le quinquennat précédent. Les priorités liées à la planification écologique font par ailleurs l’objet d’une attention particulière dans le cadre du présent projet de loi de finances.

Entre la loi de finances initiale pour 2023 et le projet de loi de finances pour 2024, l’augmentation totale des crédits de paiement du budget général (y compris les remboursements et dégrèvements) serait de 4,05 milliards d’euros et de 3,7 milliards d’euros si l’on exclut les dépenses liées à la charge de la dette et à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19 ([38]). La hausse des dépenses du budget général entre 2019 et 2024 s’élèverait à 78,4 milliards d’euros hors contributions directes au CAS Pensions et hors plan de relance.

L’augmentation des crédits budgétaires est néanmoins concentrée sur certaines missions.

Les 10 missions budgétaires dont les crédits ont le plus augmenté depuis 2019 (hors remboursements et dégrèvements, hors
contribution au CAS Pensions et hors charge de la dette)

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

 

Exécution 2019
(format 2021)

 

LFI 2023
(format 2024)

PLF 2024

Prévision 2025

Prévision 2026

Écart PLF 2024 / LFI 2023

Écart PLF 2024 / 2019

Enseignement scolaire

52,5

 

60,3

64,2

65,1

65,4

3,9

11,7

Défense

35,7

 

43,9

47,2

50,5

53,7

3,3

11,5

Travail et emploi

12,7

 

20,7

22,4

22,4

21,6

1,7

9,7

Investir pour la France de 2030

1,1

 

6,1

7,7

8,5

7,7

1,6

6,6

Solidarité, insertion et égalité des chances

24,7

 

29,4

30,7

31,8

32,9

1,3

6,0

Recherche et enseignement supérieur

27,3

 

30,6

31,6

32,1

32,7

1,0

4,3

Sécurités

13,3

 

16,1

16,5

17,0

17,5

0,4

3,2

Écologie, développement et mobilité durables

17,7

 

35,7

20,7

25,6

26,3

– 15,0

(dont – 16,2 au titre du programme 345 et de l’indemnité carburant)

3,0

Aide publique au développement

3,0

 

5,9

5,9

6,4

6,9

0,0

2,9

Justice

7,3

 

9,6

10,1

10,7

10,7

0,5

2,8

Total

195,3

 

258,3

257,0

270,1

275,4

 1,3

+ 61,7

Note : les données pour 2019 sont présentées sans retraitement des mesures de périmètre intervenues depuis 2022.

Source : commission des finances d’après dossier de presse du projet de loi de finances pour 2024.

2.   La forte baisse des dépenses liées aux mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie

Le coût des boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité est estimé, en comptabilité nationale, à 12,2 milliards d’euros en 2024, après 27 milliards d’euros en 2023. Ce montant se décompose en 8,9 milliards d’euros correspondant au manque à gagner du fait de la baisse de l’accise sur l’électricité (après 8,8 milliards en 2023), en 0,5 milliard d’euros devant être compensés aux fournisseurs de gaz (après 2,3 milliards d’euros en 2023) et en 2,8 milliards d’euros dus aux fournisseurs d’électricité (après 15,9 milliards en 2023).

Le contexte de hausse des prix de marché a par ailleurs entraîné, depuis 2021, des moindres dépenses pour charges de service public de l’énergie par rapport aux prévisions ainsi que des reversements au budget de l’État au titre des contrats avec les producteurs d’énergies renouvelables, qui ont modéré le coût des boucliers tarifaires. Les charges prévisionnelles de service public de l’énergie, qui ont fait l’objet d’une nouvelle estimation par la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération du 13 juillet 2023, demeurent inférieures de près de 7 milliards d’euros en 2024 à leur niveau anticipé avant la mise en place des boucliers tarifaires.

La normalisation des prix de marché du gaz a conduit à l’extinction du bouclier tarifaire fin juin 2023. Le bouclier « électricité » est pour sa part prolongé jusqu’à la fin de l’année 2024.

Suivi des charges de service public de l’énergie
en comptabilités budgétaire et nationale

(en milliards d’euros)

 

 

2021

2022

2023

2024

Comptabilité nationale

Dépenses pour charges de service public de l’énergie (*)

6,1

1,5

– 1,5

0,7

Bouclier gaz

0,4

6,7

2,3

0,5

Bouclier électricité (hors baisses de TICFE et ex‑TCCFE)

11,2

15,9

2,8

Total en comptabilité nationale

6,5

19,4

16,7

4,0

Comptabilité budgétaire

Total du programme 345 Service public de l’énergie

9,1

12,1

21,0
(LFI 2023)

5,5
(PLF 2024)

(*) Un signe négatif signifie une recette pour l’État.

Source : commission des finances d’après les données de la Commission de régulation de l’énergie (délibération n° 2023‑200 du 13 juillet 2023) et la documentation budgétaire.

3.   Une hausse inédite des crédits consacrés à la transition écologique

Dans le contexte de la planification écologique, le présent projet de loi de finances propose une progression inédite des crédits dédiés à la transition écologique, à hauteur de 7 milliards d’euros en crédits de paiement et 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement en 2024.

Cet effort porte à près de 40 milliards d’euros en 2024 le total des dépenses favorables à l’environnement au sens de la première partie du rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, dite « budget vert », soit une hausse de plus d’un cinquième par rapport à 2023. Appelé à se poursuivre au cours des prochaines années, il témoigne de la pertinence de la méthode et des outils de planification écologique dont s’est doté le Gouvernement.

Les crédits supplémentaires pour la transition écologique s’imputent sur les programmes rattachés à six missions budgétaires et un compte d’affectation spéciale, selon la répartition indiquée par le tableau suivant.

Destination des moyens supplémentaires
dédiés à la transition écologique en 2024

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

Objet

Crédits en LFI 2023

Ouvertures en PLF 2024

Écart
2024 / 2023

Missions et programmes budgétaire d’imputation

Bâtiments

3,4

4,2

+ 0,8

 

Rénovation des logements privés

3,0

3,5

+ 0,5

– Programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat (mission Cohésion des territoires)

– Programme 174 Énergie, climat et après-mines (mission Écologie, développement et mobilité durables)

État exemplaire – bâtiment de l’État

0,4

0,7

+ 0,3

– Programme 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et de ses opérateurs (mission Transformation et fonction publiques)

Mobilités

7,9

9,4

+ 1,4

 

Infrastructures de transport (hors construction de routes)

3,2

3,9

+ 0,7

– Programme 203 Infrastructures et services de transports (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Autres transports

3,4

3,9

+ 0,5

– Programme 203 Infrastructures et services de transports (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Décarbonation des véhicules

1,3

1,5

+ 0,2

– Programme 174 Énergie, climat et après-mines (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Collectivités

0,9

1,6

+ 0,8

 

Fonds vert

0,5

1,1

+ 0,6

– Programme 380 Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Verdissement des collectivités hors biodiversité

0,4

0,5

+ 0,1

– Programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements (mission Relations avec les collectivités territoriales)

Ressources naturelles

3,9

5,1

+ 1,2

 

Agriculture

1,1

1,5

+ 0,4

– Programmes 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation (mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales)

– Programmes 775 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation et 776 Recherche appliquée et innovation en agriculture (CAS Développement agricole et rural)

Forêt

0,3

0,7

+ 0,4

– Programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales)

Biodiversité

0,3

0,6

+ 0,3

– Programme 113 Paysages, eau et biodiversité (mission Écologie, développement et mobilité durables)

– Programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements (mission Relations avec les collectivités territoriales)

Plan eau

2,2

2,3

+ 0,2

– Programme 113 Paysages, eau et biodiversité (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Énergie

4,3

5,4

+ 1,1

 

Biométhane

0,0

0,9

+ 0,8

– Programme 345 Service public de l’énergie (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Hydrogène

0,0

0,0

+ 0,0

– Programme 345 Service public de l’énergie (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Autres dont soutien aux territoires ultramarins

4,2

4,5

+ 0,2

– Programme 345 Service public de l’énergie (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Compétitivité verte

2,2

3,9

+ 1,7

 

France 2030

1,5

3,0

+ 1,5

– Mission Investir pour la France de 2030

ADEME

0,7

0,9

+ 0,2

– Programme 181 Prévention des risques (mission Écologie, développement et mobilité durables)

Autres dépenses classées favorables par le budget vert

10,2

10,2

0,0

 

Total

32,7

39,8

+ 7,0

 

Note : effets d’arrondis à la décimale supérieure.

Source : informations transmises par le Gouvernement au rapporteur général.

De nombreux dispositifs visant à accompagner les ménages et les entreprises dans la transition écologique bénéficient de ces moyens supplémentaires, parmi lesquels :

– les aides à la rénovation énergétique, en particulier la prime de transition énergétique, dite « MaPrimeRenov’ », distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). L’Agence verrait ses moyens augmenter en 2024 de 0,5 milliard d’euros en crédits de paiement et de 1 milliard d’euros en autorisations d’engagement, financés par les programmes 174 Énergie, climat et après-mines et 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, afin notamment d’accompagner la montée en charge des rénovations les plus performantes (rénovations globales améliorant la performance énergétique). Un objectif de 200 000 rénovations est attribué à « MaPrimeRenov’ » en 2024 ;

– le plan d’avenir pour les transports, présenté le 24 février 2023 par la Première ministre, par lequel l’État apportera des moyens à hauteur de 8,6 milliards d’euros au cours du quinquennat, destinés notamment aux investissements dans le réseau ferroviaire, dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER). En 2024, afin de financer ce plan, le montant des taxes affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) serait relevé à 3,5 milliards d’euros (+ 0,8 milliard d’euros, après une hausse de 0,7 milliard d’euros en 2023) ;

– le plan France 2030, dont les moyens dédiés aux investissements verts progresseraient de 1,5 milliard d’euros de crédits de paiement en 2024, au profit notamment de plusieurs secteurs prioritaires (batteries électriques, développement de l’hydrogène, décarbonation des sites industriels) ;

– les aides à l’acquisition de véhicules propres (notamment la prime à la conversion, le bonus écologique et le dispositif de leasing social ouvert à compter de 2024), qui ont pour but d’accélérer l’évolution vers un parc automobile moins émetteur de gaz à effet de serre et de polluants. Les crédits de paiement destinés à ces aides s’établiraient à 1,5 milliard d’euros, en progression de 0,2 milliard d’euros par rapport à 2023.

Les crédits proposés par le présent projet de loi de finances témoignent par ailleurs de l’implication de l’État pour l’accompagnement des collectivités territoriales dans la transition écologique. Le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », est renforcé et doté de 2,5 milliard d’euros d’autorisations d’engagement en 2024 (+ 0,5 milliard d’euros). Ces nouveaux moyens seront destinés au financement des projets des collectivités territoriales, notamment pour la rénovation énergétique des écoles à hauteur de 500 millions d’euros.

4.   La poursuite du renforcement du pôle régalien

● En 2024, la mission Défense bénéficie d’un nouvel accroissement de ses crédits, de 3,7 milliards d’euros (+ 6,9 %) en intégrant la contribution au CAS Pensions et 3,3 milliards d’euros hors charges de pensions, en cohérence avec la trajectoire de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ([39]).

Trajectoire des crédits de la mission défense définie par la LPM 2024-2030

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

Année

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Crédits de la mission Défense, hors charges de pensions

47,2

50,5

53,7

56,9

60,4

63,9

67,4

Variation

+ 3,3

+ 3,3

+ 3,2

+ 3,2

+ 3,5

+ 3,5

+ 3,5

Source : loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 (article 4).

Les crédits supplémentaires contribuent en priorité à la préparation opérationnelle face à l’intensification des conflits, au renouvellement des équipements, aux capacités liées aux nouveaux milieux (spatial, cyberespace, fonds marins), au renseignement, à l’amélioration des conditions d’entraînement et à la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.

Les effectifs du ministère des armées seront renforcés de 456 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2023. Par ailleurs, la mise en œuvre de la politique d’amélioration de la rémunération des militaires se poursuit, de même que l’accompagnement des familles des personnels, dans le cadre du deuxième plan « famille ».

● Au cours de la période 2018-2022, les crédits de la mission Justice ont fortement augmenté, au‑delà même de la trajectoire prévue par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.

Après une hausse de 0,7 milliard d’euros en 2023 (hors contributions au CAS Pensions), les crédits de paiement de la mission Justice augmentent à nouveau en 2024 de 0,5 milliard d’euros (+ 5,2 %), conformément à la trajectoire définie par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027. Au total, la hausse des crédits de la mission Justice entre la loi de finances initiale pour 2017 et le présent projet de loi de finances atteint + 47 %.

Trajectoire des crédits de la mission Justice proposée par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027

(en milliards d’euros de crédits de paiement)

Année

2022 (exécution)

2023

2024

2025

2026

2027

Crédits de la mission Justice, hors contribution au CAS Pensions

8,86

9,58

10,08

10,68

10,69

10,75

Évolution

+ 8,0 %

+ 8,1 %

+ 5,2 %

+ 6,0 %

+ 0,1 %

+ 0,6 %

Source : projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 (article 1er).

La hausse des crédits proposée en 2024 permet notamment de poursuivre la mise en œuvre des programmes immobiliers engagés, y compris dans le domaine pénitentiaire (plan de construction de 15 000 places de prison), ainsi que les projets numériques du ministère. Dans la continuité des états généraux de la justice, elle vise également à continuer le renforcement des effectifs et l’amélioration des conditions de travail des agents.

Les dépenses de personnel proposées en 2024 progressent de 7 % par rapport à la loi de finances pour 2023 et s’établissent à 5 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions, du fait notamment d’un schéma d’emplois positif à hauteur de 1 961 ETP et de la revalorisation des rémunérations et des carrières des agents. Entre 2023 et 2027, l’objectif d’exécution des schémas d’emplois est fixé à 10 000 créations nettes de postes.

● Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, pour atteindre 24,2 milliards d’euros au titre de l’année 2024, y compris les contributions au CAS Pensions. Ces moyens supplémentaires s’inscrivent en pleine cohérence avec la trajectoire définie par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI).

L’année 2024 sera notamment marquée par la poursuite de la création de onze unités de forces mobiles et de nouvelles brigades de gendarmerie, dans le cadre défini par la LOPMI, ainsi que par le renforcement des effectifs pour la sécurisation des grands évènements sportifs. L’augmentation du budget permettra aussi de poursuivre les efforts en matière de transformation numérique, de lutte contre la cybercriminalité et d’investissement (notamment pour l’immobilier et les moyens de la sécurité civile).

Le maintien de schémas d’emplois très dynamiques permettrait la création de 2 267 emplois supplémentaires en 2024, conformément à l’objectif de doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique d’ici 2027.

Évolution des crédits de la mission SÉcuritÉs

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

PLF 2024

Écart 2024 / 2018

Crédits de paiement de la mission Sécurités

19,9

20,5

20,6

21,0

22,1

23,1

24,2

+ 4,3

Schéma d’emploi (en ETP)

+ 1 750

+ 2 362

+ 1 914

+ 1 504

+ 910

+ 2 874

+ 2 267

+ 13 581

ETP : équivalent temps plein travaillé

Source : Lois de règlement pour les années 2018 à 2020 ; projets de loi de règlement pour 2021 et 2022, projet de loi de finances pour 2024 et note d’exécution budgétaire 2022 de la Cour des comptes.

Au cours de la période 2023-2027 et par rapport à 2022, le ministère de l’intérieur bénéficierait, dans le cadre de la trajectoire définie par la LOPMI, d’un cumul de 15,3 milliards d’euros supplémentaires hors charges de pensions ainsi que de 8 500 créations nettes de postes.

5.   La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’éducation et de la recherche

● Les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 3,9 milliards d’euros en 2024 (hors CAS Pensions) pour s’établir à 64,2 milliards d’euros. Y compris les charges de pensions, les crédits demandés pour 2024 sont de 86,8 milliards d’euros. Cette mission, dont le montant des crédits est la plus élevée hors remboursements et dégrèvements, aura connu une augmentation de 15,2 milliards d’euros entre 2018 et 2024.

Évolution des crédits de la mission Enseignement scolaire

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

PLF 2024

Écart 2024 / 2018

Crédits de paiement de la mission Enseignement scolaire

71,7

72,7

74,0

75,9

78,5

82,4

86,8

15,2

Source : Lois de règlement pour les années 2018 à 2020 ; projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et projet de loi de finances pour 2024.

L’accroissement du budget prévu pour 2024 résulte en particulier des mesures de revalorisation salariale (revalorisation exceptionnelle des enseignants et revalorisations catégorielles à la rentrée scolaire 2023, produisant leurs effets en année pleine en 2024, et mesures générales de revalorisation du point d’indice). Au total et selon le Gouvernement, ces mesures auront permis, en janvier 2024, une revalorisation moyenne de 11 % de la rémunération des enseignants par rapport au printemps 2022.

Ces moyens permettront également de financer la réforme des lycées professionnels et agricoles mise en œuvre depuis la rentrée 2023, qui conduira l’État à prendre en charge la rémunération des lycéens professionnels pendant leurs périodes de stage.

Les effectifs d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) devraient à nouveau être renforcés à la rentrée 2024, à hauteur de 3 000 ETP supplémentaires. Au total, le schéma d’emplois de la mission serait positif à hauteur de 580 ETP, prenant en compte la diminution tendancielle du nombre d’élèves anticipée d’ici à 2027, qui concerne d’abord le premier degré.

● Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur augmentent de 1 milliard d’euros en 2024 pour atteindre un budget total de 31,8 milliards d’euros.

L’exercice 2024 est le quatrième de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) ([40]). L’augmentation des crédits en 2024 permettra un renforcement des moyens consacrés aux formations supérieures, le financement des mesures sociales en faveur des étudiants (revalorisation minimale de 37 euros par mois des bourses sur critères sociaux, gel des droits d’inscription à l’université, des loyers en résidence « Crous » et des tarifs de restauration) et la prise en compte de l’incidence des mesures de revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

Les effectifs sont également en augmentation, particulièrement chez les opérateurs rattachés à la mission.

Depuis 2018, la mission aura connu une hausse de ses crédits de près de 4,2 milliards d’euros.

Évolution des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

LFI 2023

PLF 2024

Écart 2024 / 2018

Crédits de paiement de la mission Recherche et enseignement supérieur

27,6

28,0

28,7

28,8

29,4

30,8

31,8

4,2

Source : Lois de règlement pour les années 2018 à 2020 ; projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et projet de loi de finances pour 2024.

● Les crédits de paiement de la mission Investissements pour la France de 2030 devraient atteindre 7,7 milliards d’euros en 2024 après un total de 6,1 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale pour 2023.

La poursuite du déploiement du plan France 2030, qui intègre le 4ème plan d’investissements d’avenir (PIA 4), permet à la France de continuer à financer ses investissements dans les secteurs stratégiques et en faveur de l’innovation et de la recherche.

6.   Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

Cette mission voit à nouveau ses moyens augmenter, un peu moins fortement que les années précédentes. Les crédits demandés pour 2024 s’élèvent à 30,8 milliards d’euros, en hausse de 1,3 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. La mission Solidarité, insertion et égalité des chances avait connu une augmentation de ses moyens de 9,7 milliards d’euros entre 2018 et 2023.

En 2024, l’augmentation s’explique par la hausse du nombre de bénéficiaires des prestations sociales financées par la mission : allocation aux adultes handicapés (AAH), prime d’activité et revenu de solidarité active (RSA) lorsque son financement n’est plus décentralisé ([41]). Elle résulte en outre de la revalorisation des montants forfaitaires de ces prestations et des effets de la réforme de l’AAH (« déconjugalisation »). Environ 90 % des crédits de la mission financent des dépenses de guichet correspondant essentiellement à ces trois prestations.

7.   Un renforcement des moyens de la mission Travail et emploi

Le présent projet de loi prolonge l’effort financier en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle, avec un budget de la mission Travail et emploi en hausse de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023.

Ces moyens supplémentaires permettront de poursuivre la montée en puissance de l’apprentissage, en cohérence avec l’objectif d’un million d’entrées annuelles en apprentissage en 2027. La prime à l’embauche d’apprentis sera financée en 2024 à hauteur de 3,9 milliards d’euros et la mission prendra en charge une nouvelle dotation à France compétences, d’un montant de 2,5 milliards d’euros.

Dans le cadre de la réforme de Pôle emploi et de la création de France Travail, l’opérateur serait doté de 300 ETP supplémentaires en 2024.

III.   L’évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses opérateurs

A.   L’évolution de la masse salariale de l’État

En 2023, les dépenses de personnel du budget général de l’État, incluant les opérateurs, s’élèveraient en fin d’année à 146 milliards d’euros. La masse salariale augmenterait ainsi de 7,2 milliards d’euros (+ 5,2 %) par rapport à l’exécution 2022 ([42]).

En 2024, les dépenses de personnel, dites de titre 2, prévues sur l’ensemble des missions du budget général de l’État s’élèvent à 153,5 milliards d’euros (+ 5,1 % par rapport à 2023), dont 90 milliards d’euros de rémunérations d’activité (+ 6 %) et 62,3 milliards d’euros de cotisations et contributions sociales (+ 3,8 %), y compris la contribution au CAS Pensions de chacune des missions.

L’évolution des rémunérations est marquée en 2024 par la nouvelle revalorisation de 1,5 % du point d’indice au 1er juillet 2023 ainsi que par une augmentation de 5 points d’indice dans l’ensemble de la fonction publique.

Entre 2018 et 2022, la valeur du point d’indice de la fonction publique n’a pas été revalorisée. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point correspondait alors à un surcoût annuel de 2,1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques, dont 880 millions pour l’État et ses opérateurs ([43]).

Face à l’accélération de l’inflation, le Gouvernement a décidé de rompre avec le gel du point d’indice en revalorisant de 3,5 % la valeur du point à partir du 1er juillet 2022. Sur la moitié de l’année 2022, cette revalorisation a représenté un coût de 3,7 milliards d’euros pour les administrations publiques, dont 1,5 milliard d’euros pour l’État et 1,1 milliard d’euros pour les administrations locales comme pour le secteur social. En 2023, cette revalorisation devrait représenter un coût en année pleine de 7,2 milliards d’euros ([44]).

En 2023, à la suite du maintien de l’inflation à un niveau élevé, le Gouvernement a décidé une nouvelle revalorisation du point d’indice de la fonction publique, à hauteur de 1,5 %, à compter du 1er juillet. Le coût de cette mesure est estimé à 1,6 milliard d’euros au total en 2023, dont 750 millions d’euros au titre de la fonction publique d’État, 495 millions d’euros au titre de la fonction publique territoriale et 355 millions d’euros au titre de la fonction publique hospitalière. En 2024, en année pleine, ce coût doublerait pour atteindre 3,2 milliards d’euros au total, dont 1,5 milliard d’euros pour l’État.

À compter du 1er janvier 2024, l’ensemble des agents publics bénéficieront par ailleurs d’une augmentation de 5 points d’indice majoré, se traduisant par une revalorisation uniforme des rémunérations de l’ordre de 295 euros bruts par an. Cette mesure aurait un impact budgétaire de 2,15 milliards d’euros en 2024, dont 0,93 milliard d’euros pour l’État.

B.   L’évolution des effectifs des ministères

1.   Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné

Le Gouvernement avait fixé, au début du quinquennat précédent, un objectif de réduction nette de 50 000 emplois sur le champ de l’État et de ses opérateurs entre 2017 et 2022. Cette prévision avait été inscrite dans la loi, l’article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 disposant que l’incidence en 2022 des schémas d’emplois exécutés sur cette période devait être au moins égale à une baisse de 50 000 emplois exprimés en équivalents temps plein travaillé (ETPT) ([45]).

Le Gouvernement avait par la suite révisé cet objectif en prévoyant, à partir de 2020, une diminution nette de 10 500 équivalents temps plein (ETP) entre 2018 et 2022. Depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement n’a par la suite plus présenté d’objectif pluriannuel chiffré d’évolution des plafonds d’emplois de l’État ([46]).

En 2022, le nombre d’emplois consommés par l’État et ses opérateurs avait progressé de près de 11 700 ETPT par rapport à celui de 2017 ([47]). Cette hausse était principalement due au champ des opérateurs, dont les emplois ont progressé de près de 8 200 ETPT sur la période. Cette évolution masque par ailleurs des disparités importantes entre ministères, qui traduisent le choix de renforcer l’action de l’État dans le champ régalien (armée, intérieur, justice) ainsi que dans l’enseignement primaire.

Pour 2023, la loi de finances initiale prévoit des schémas d’emplois positifs à hauteur de + 10 809 ETP. Les créations de postes concerneraient principalement l’État (+ 8 975 ETP) et, dans une moindre mesure, les opérateurs (+ 1 834 ETP).

2.   L’année 2024 correspond à une hausse des plafonds et des schémas d’emplois

Le plafond des autorisations d’emplois de l’État pour 2024 proposé par le présent projet de loi de finances s’élève à 1 976 561 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au titre des missions du budget général et à 10 923 ETPT au titre des budgets annexes. Pour les opérateurs de l’État, le plafond proposé est de 408 281 ETPT.

En 2024, les créations nettes d’emplois au sein de l’État et de ses opérateurs s’élèveraient à 8 273 équivalents temps plein (ETP), soit un ralentissement de 23 % par rapport à 2023.

En ce qui concerne les services de l’État (+ 6 695 ETP), ces créations de postes renforcent principalement les moyens humains alloués aux fonctions régaliennes (+ 2 653 ETP pour le ministère de l’intérieur, + 1 925 ETP pour la justice et + 456 ETP pour les armées), à l’éducation nationale (+ 560 ETP) et à la transition écologique (+ 417 ETP).

Les effectifs des opérateurs de l’État augmenteraient pour leur part de 1 578 ETP en 2024. Cette hausse bénéficierait principalement aux opérateurs rattachés au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (+ 746 ETP), dans le cadre des moyens prévus par la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, et à ceux rattachés au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministère de la transition énergétique (+ 318 ETP).

Consommation et plafond des autorisations d’emplois de l’État
pour les années 2019 à 2024

(en ETPT)

Ministère

Consommation d’emplois 2019

Consommation 2020

Consommation 2021

Consommation 2022

Plafond prévu en LFI 2023

Plafond prévu en PLF 2024

Agriculture et souveraineté alimentaire

30 150

29 883

29 681

29 528

29 888

30 458

Armées

268 996

269 758

271 268

266 777

272 571

271 852

Culture

10 633

9 388

9 370

9 241

9 111

9 163

Économie, finances et souveraineté industrielle et numérique

133 923

130 239

127 857

124 741

125 854

125 789

Éducation nationale et jeunesse

1 012 500

1 010 178

1 012 747

1 010 721

1 038 537

1 060 503

Enseignement supérieur et recherche

7 040

6 754

5 502

5 212

5 179

5 119

Europe et affaires étrangères

13 598

13 525

13 583

13 598

13 635

13 761

Intérieur et outre-mer

289 960

290 967

295 457

295 874

302 146

303 839

Justice

85 341

86 917

89 489

90 223

92 753

94 916

Services du Premier ministre

9 380

9 235

9 465

9 524

10 049

10 421

Solidarités et familles

9 467

7 646

5 083

5 029

4 999

5 040

Sport et jeux Olympiques et paralympiques

1 442

1 442

Transformation et fonction publiques

1

395

470

514

Transition écologique et cohésion des territoires

39 558

38 368

36 308

35 332

35 769

35 945

Travail, plein emploi et insertion

8 769

8 643

8 215

7 731

7 767

7 799

Total budget général

1 919 315

1 911 502

1 914 025

1 903 926

1 950 170

1 976 561

Contrôle et exploitation aériens

10 440

10 421

10 406

10 289

10 421

10 439

Publications officielles et informations administratives

527

495

483

481

503

484

Total budgets annexes

10 967

10 916

10 889

10 770

10 924

10 923

Total général

1 930 282

1 922 418

1 924 914

1 914 696

1 961 094

1 987 484

Source : loi de règlement 2020, projets de loi de règlement 2021 et 2022, loi de finances initiale pour 2023 et projet de loi de finances pour 2024.

Aux termes de l’article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, l’objectif d’exécution des schémas d’emplois de 2023 à 2027 pour l’État et ses opérateurs est, au plus, la stabilité globale des emplois exprimés en équivalents temps plein.

 

 


—  1  —

Audition du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
et DU ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

Lors de sa réunion du mercredi 27 septembre 2023, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique et M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général)

M. le président Éric Coquerel. Nous auditionnons Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics. Après l’examen en commission du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027 auquel ils ont participé lundi, ils vont nous présenter le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, adopté ce matin en Conseil des ministres.

Il était prévu que Bruno Le Maire nous expose le mercredi 20 septembre les conséquences des assises des finances publiques, organisées en juin. Finalement, il a paru plus utile et cohérent de grouper cette présentation avec celle du PLF.

L’examen de la première partie du PLF en commission aura lieu les mardi 10, mercredi 11 et jeudi 12 octobre ; le délai de dépôt des amendements est fixé au jeudi précédent, à dix-sept heures. La discussion du texte en séance publique se déroulera du mardi 17 au lundi 23 octobre ; le vote solennel sur l’ensemble devrait avoir lieu le mardi 24 octobre, après les questions au Gouvernement. Il faut que la première partie du PLF soit adoptée, ou considérée comme adoptée, avant de commencer l’examen de la seconde partie. La commission des finances se saisira successivement de toutes les missions de la seconde partie, qu’elle examinera du mardi 24 au mardi 31 octobre ; elles seront inscrites à l’ordre du jour de la séance publique du mardi 31 octobre au vendredi 17 novembre. La commission devra également examiner les articles non rattachés, en vue d’une discussion en séance publique le lundi 20 novembre. Le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2024 interviendrait donc le mardi 21 novembre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis heureux de vous présenter le projet de loi de finances pour 2024, avec Thomas Cazenave.

Le contexte en est singulier. L’économie française résiste : la croissance se monte à 1 % ; 2 millions d’emplois ont été créés en six ans ; la réindustrialisation s’accélère, avec 100 000 nouveaux emplois industriels ; les investissements dans les entreprises se maintiennent. Ces résultats sont parmi les meilleurs des pays de la zone euro. Dans le même temps, il nous faut affronter la crise inflationniste la plus grave depuis les années 1970. C’est le premier défi que nous devrons relever avec ce PLF. L’inflation entame la confiance des ménages et plonge les plus modestes dans une véritable anxiété. Depuis plusieurs semaines, nous marquons des points, elle reflue, mais ce n’est pas encore perceptible pour nos compatriotes.

Notre deuxième défi consiste à accélérer le désendettement du pays et à réduire son déficit. Assainir les finances publiques constitue un impératif catégorique. J'appelle la majorité à retrouver l'esprit de 2017 et notre ADN politique, la bonne tenue des comptes publics. Les oppositions ne nous aident guère en ce domaine : elles proposent des dépenses à l’envi, par exemple concernant les carburants, mais avancent peu d’idées pour réaliser des économies. Certains critiquent la trajectoire des comptes, tout en refusant de voter la réforme de l'assurance chômage et la réforme des retraites, les mieux à même de dégager des économies et d’accélérer le désendettement. Il est d’autant plus nécessaire de faire preuve de responsabilité budgétaire que les taux d'intérêt ont augmenté de 300 points de base. L’argent gratuit, c’est fini, et pour longtemps. Dans ces conditions, il serait irresponsable de maintenir le rythme des dépenses quand les taux d’intérêt atteignent 4 % et alourdissent la charge de la dette, qui s’élèvera à 74 milliards d’euros en 2027.

Le troisième défi qu’il nous faut relever consiste à dégager des marges de manœuvre. Il faut pouvoir investir dans les domaines régaliens – la guerre est de retour en Europe et chacun voit la nécessité de disposer de forces armées et de sécurité à niveau ; dans la santé et l’éducation – les deux grands services publics sur lesquels s’appuie la nation ; dans la transition écologique, pour faire face au réchauffement climatique.

Pour résoudre l’équation ainsi posée, nous devons piloter nos finances publiques avec beaucoup de fermeté, en faisant preuve de clarté. Ainsi, je m’opposerai à toute augmentation d’impôt qui n’ait déjà été décidée dans le cadre de la bascule vers la fiscalité verte. Notre taux de prélèvements obligatoires est déjà le plus élevé de tous les pays développés.

À court terme, notre objectif est de mettre fin à la flambée des prix. Cela suppose d’abord de rester cohérents avec les décisions de la Banque centrale européenne (BCE) – sinon, mieux vaut sortir de l’Europe. Augmenter les dépenses quand la BCE réduit la voilure reviendrait à accélérer quand le voisin appuie sur le frein : nous irions droit dans le décor.

Nos compatriotes veulent en premier lieu que l’inflation baisse. Il faut maîtriser la dépense et cibler les aides. Accéder aux demandes de ceux qui, la main sur le cœur, font assaut de générosité et veulent injecter toujours plus d’argent public, alimenterait le phénomène dont souffrent nos compatriotes. C’est une règle économique.

Il faut néanmoins répartir équitablement le fardeau de l’inflation. Il serait injuste et inefficace de faire porter tout l’effort sur l’État. Il prend déjà beaucoup à sa charge ; les acteurs privés – industriels et distributeurs notamment – doivent assumer la leur. Certains prétendent que nous ne cessons de demander, sans jamais rien obtenir. C’est faux. Nous avons réuni les industriels et les distributeurs, et obtenu le blocage ou la baisse du prix de 5 000 produits. Ceux qui défendent le blocage universel des prix, notamment alimentaires, devraient en parler aux agriculteurs : ils seront ravis. Tous les pays qui ont fait ce choix ont connu la pénurie. L’économie française, grande économie de marché, n’a pas intérêt à suivre la même voie que l’Union soviétique.

Nous avons obtenu des distributeurs qu’ils consentent des efforts : trimestre anti-inflation ; maintien ou baisse des prix de 5 000 produits ; avancée de la conclusion des négociations commerciales au 15 janvier 2024. TotalEnergies plafonnera le prix des carburants à 1,99 euro par litre dans ses 3 000 stations françaises. Les distributeurs vendront à prix coûtant le carburant à la pompe jusqu’à la fin de l’année. L’État prendra sa part : avec le Président de la République, nous avons décidé de concentrer l’aide vers ceux qui en ont le plus besoin – ceux qui travaillent. Certains doivent se rendre à l’usine, au bureau, à l’hôpital ; ils ne peuvent pas limiter leurs déplacements et ont besoin qu’on les accompagne pour s’y rendre sans se demander s’ils perdent de l’argent en allant travailler. L’indemnité carburant transport s’élèvera à 100 euros par voiture, pour ceux qui bossent, à partir de janvier. Cette mesure nécessaire et juste coûtera 430 millions d’euros.

On l’oublie trop souvent : l’État prend sa part de la protection contre l’inflation, grâce à l’indexation des prestations sociales, des pensions de retraite et du barème de l’impôt sur le revenu (IR). Toutes les retraites seront ainsi revalorisées de 5,2 % ; pas un Français ne sera soumis à l’impôt sur le revenu, s’il ne l’était déjà – sans ce mécanisme, ils auraient été 320 000. Ceux que leur entreprise n’augmentera pas suffisamment – de 1 ou 2 % seulement – verront donc leur impôt baisser. Dans le budget pour 2024, l’indexation représente 25 milliards d’euros de dépenses : 4,5 milliards pour l'indexation des prestations sociales ; 14 milliards pour celle des pensions de retraite ; 6 milliards pour celle du barème de l’IR.

Je veux tordre le cou à l’idée que l’État se remplirait les poches en période d’inflation, grâce à l’explosion des recettes de la TVA. Entre 2023 et 2024, celles‑ci augmenteront de 10 milliards, quand les seules indexations représentent plus du double de dépenses. L’État perd au contraire de l’argent !

Notre deuxième défi consiste à accélérer le désendettement. C’est notre objectif de moyen terme. Le PLPFP, qui sera examiné ce soir en séance, prévoit de ramener le déficit à 2,7 % du PIB et la dette à 108 %, tout en baissant le taux de prélèvements obligatoires de 45,4 à 44,4 %, ce qui reste très lourd pour nos compatriotes. Cette trajectoire est sage.

Le PLF pour 2024 constitue la première étape de cette ambitieuse trajectoire pluriannuelle, avec 16 milliards d’euros d’économies : 10 milliards proviennent de l’extinction du dispositif de bouclier tarifaire ; 4,4 milliards du recentrage des dispositifs d’aide exceptionnelle aux entreprises ; un milliard des politiques de l’emploi, dont 600 millions des contrats d’apprentissage ; 700 millions de l’application de la réforme de l’assurance chômage.

Le désendettement est un impératif catégorique. Je recommande à tous ceux qui parlent d’austérité d’aller voir ce que cela signifie dans d’autres pays européens ou de reprendre les chiffres d’il y a dix ans, ils verront que c’est radicalement différent. Comment d’ailleurs parler d’austérité quand plus de 54 % de la richesse nationale sont consacrés à la dépense publique ?

Notre stratégie, volontariste, de désendettement dépend de trois leviers. Le premier, c'est la croissance, indispensable pour se désendetter. C’est pourquoi nous maintenons la politique de baisse des impôts sur les entreprises, à hauteur de 1 milliard pour la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et que nous envisageons de diminuer de 2 milliards les impôts sur les ménages, en 2025.

Les réformes de structure constituent le deuxième levier ; celles du système de retraite et de l’assurance chômage rapporteront 25 milliards en 2027.

Les revues des dépenses publiques forment le troisième levier. Engagées en 2023, elles concerneront toutes les dépenses, sans exception. Chaque année, elles porteront sur quinze nouveaux secteurs, avec l’objectif de financer les 12 milliards d’euros d’économies nécessaires en 2025, qui ne sont pas documentées à ce jour. Nous avons six mois pour y parvenir : je profite de l’occasion pour souligner que toutes les bonnes volontés parlementaires seront les bienvenues. Grâce à ces revues, nous avons déjà identifié comment réaliser à terme 2 milliards d’économies. Il s’agit de mieux cibler la dépense publique et de la rendre plus efficace.

Toutefois, je vais être clair, notamment avec les députés de la majorité : ces revues sont nécessaires, mais pas suffisantes. Pour être efficaces et durables, elles doivent s’inscrire dans une réflexion globale sur les missions de l’État, sur le périmètre de l’action publique et sur les choix fondamentaux de politique sociale. Chacun doit comprendre que, sans de profondes réformes de structure, nous ne pourrons faire perdurer notre modèle social, car il ne peut fonctionner à perte ou à crédit. Les économies conjoncturelles ne suffiront pas. Si nous voulons continuer à soigner gratuitement ceux qui en ont le plus besoin, à éduquer dans les meilleures conditions et à protéger efficacement, l’État doit repenser ses missions. Avec gravité, parce que nous sommes arrivés au bout d’un chemin, j'invite tous les parlementaires de notre majorité à s’engager dans cette démarche. Depuis six ans, le Président de la République nous y exhorte ; elle fait l’identité de notre famille politique, et nous devons y être fidèles dans les prochaines années, pour éviter de devoir prendre des décisions dans l’urgence, ou déchirantes.

Le troisième enjeu du PLF est d’investir pour préparer l’avenir. C'est notre objectif de long terme.

La croissance est indispensable pour réduire la dette et le déficit, or pour susciter la croissance, il faut de l’investissement. C’est pourquoi nous avons supprimé la taxe d’habitation, et la contribution à l’audiovisuel public, et baissé l’impôt sur les sociétés. Cette politique de l’offre, de soutien aux entreprises, nous a permis de créer 2 millions d’emplois, d'engager la réindustrialisation de la France et de conserver une croissance positive en 2023, quand beaucoup de nos voisins sont en récession. Nous la poursuivrons. Le présent PLF prévoit d’appliquer l’imposition minimale à l’impôt sur les sociétés, dite pilier 2, qui placera les entreprises dans des conditions de concurrence fiscale équitables à l’échelle internationale. Elle nous rapportera 1,5 milliard par an à partir de 2026, prouvant qu’on peut être en même temps efficace et juste.

Nous avons choisi de financer notamment la sécurité et les domaines régaliens, pour appliquer scrupuleusement les lois de programmation des ministères de la justice, de l’intérieur et des armées. Le Président de la République a donné la priorité à l’éducation et à la santé. Enfin, comme il l’a expliqué lundi, et la Première ministre hier soir, nous avons fait des choix décisifs en faveur de la décarbonation et de la transition écologique.

Le budget consacré à MaPrimeRénov’ sera porté à 5 milliards d’euros par an, soit une augmentation de 1,6 milliard. Nous amplifierons nos efforts sur les véhicules électriques, en augmentant le bonus automobile pour les classes moyennes et les personnes les plus modestes, et en ouvrant en novembre les préréservations pour un leasing à 100 euros par mois pour les 50 % des ménages les plus modestes, avec un premier loyer intégralement pris en charge par l’État.

Nous favoriserons la production d’énergie nucléaire. Nous travaillerons avec EDF pour déterminer le prix de l’énergie le plus proche possible du coût moyen de production. Nous ne voulons plus que le coût moyen de l’électricité en France, produite grâce aux énergies renouvelables ou au nucléaire, soit indexé sur le coût marginal de l’ouverture de la dernière centrale à gaz dans l’est de l’Europe.

Enfin, les investissements dans la décarbonation supposent d’engager la conversion de notre fiscalité. Il serait shadokien de créer des avantages fiscaux pour les énergies vertes et la décarbonation tout en conservant ceux consentis aux énergies fossiles. Je salue la responsabilité des secteurs concernés : avec les agriculteurs et les entrepreneurs de travaux publics, nous sommes parvenus à un accord concernant la réduction de l’avantage fiscal accordé au gazole non routier (GNR). Ainsi, la transition écologique avance quand les mesures ne sont pas imposées mais discutées, et quand on accompagne les gens en leur donnant des solutions, au lieu de les confronter à des problèmes.

Il y a trois ou quatre ans, nous pensions pouvoir supprimer cet avantage fiscal en un seul PLF. Nous avons reporté trois fois la décision. Mieux vaut discuter avec les secteurs concernés pour définir les mesures possibles et raisonnables. Concrètement, pour les agriculteurs, le tarif des droits d’accise sur le GNR augmentera de 2,85 centimes par litre de carburant en 2024 ; l’augmentation sera la même jusqu’en 2030 et l’intégralité des recettes supplémentaires sera consacrée à aider les agriculteurs et à développer la filière du biocarburant.

Au total, le texte prévoit plus de 40 milliards pour la transition écologique, soit une hausse de 7 milliards en crédits de paiement (CP) et de 10 milliards en autorisations d’engagement (AE) par rapport à 2023. Cela prouve qu’il s’agit d’une priorité du Président de la République et de la majorité.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Je suis heureux de présenter le PLF pour 2024, avec Bruno Le Maire, à la commission des finances de l’Assemblée nationale. Ce budget est le résultat d’une méthode, celle du dialogue, d’un esprit, celui de la responsabilité, et d’une boussole, agir pour l’avenir.

D’abord, le projet de loi de finances pour 2024 confère une priorité absolue à la transition écologique. En effet, outre la dette financière, nous avons une dette écologique. Dans le cadre de la stratégie de planification, le texte prévoit d’investir 10 milliards d’euros supplémentaires, avec une hausse de 7 milliards des crédits de paiement en 2024.

Concrètement, nous permettrons la construction de RER métropolitains ; nous engagerons des rénovations thermiques de bâtiments, avec une participation de l’État de 550 millions d’euros ; nous encouragerons la mise en œuvre du plan « haies », en allouant 110 millions d’engagements; pour décarboner le chauffage des entreprises et des ménages, le fonds Chaleur bénéficiera de 300 millions d’euros supplémentaires ; pour les collectivités, nous pérennisons le fonds vert, à hauteur de 2,5 milliards, dont 500 millions seront consacrés à rénover les écoles, comme le Président de la République l’a annoncé.

Par ailleurs, nous inciterons tous les acteurs à s’engager en faveur de la transition écologique, en créant un crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte et en renforçant les malus automobiles pour les véhicules les plus polluants.

Nous cherchons à amplifier l’effort de tous les leviers de financement, en dotant le futur plan d’épargne avenir climat d’un régime fiscal incitatif et en mettant à contribution les gestionnaires des infrastructures de transport les plus émetteurs pour financer le ferroviaire.

L’année 2024 constitue la première étape pour tenir un engagement à long terme. Lundi, lors de l’examen en commission des finances du PLPFP, nous avons émis un avis favorable à un amendement qui prévoit l’établissement d’une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Cet amendement rejoint plusieurs amendements qui ont été déposés par l’opposition, et ce n’est pas une surprise. Cette demande de visibilité pluriannuelle a en effet été exprimée par presque tous les groupes à l’occasion des dialogues de Bercy.

Les collectivités territoriales ont aussi un rôle majeur à jouer. Nous travaillons avec les associations d’élus pour généraliser les budgets verts. L’enjeu est de nous doter d’une boussole commune. Là encore, je suis certain que le débat parlementaire permettra d’enrichir le texte.

Le budget de 2024 tend également à réarmer les services publics, garants de notre cohésion nationale. L’augmentation se monte à plus de 3,9 milliards d’euros pour l’éducation nationale ; 1 milliard pour la recherche et l’enseignement supérieur ; 3,3 milliards pour les armées ; 1 milliard pour le ministère de l’intérieur ; 500 millions pour la justice. Grâce à ces financements, nous améliorerons la rémunération des enseignants, nous poursuivrons les investissements en matériel prévus dans la loi de programmation militaire, nous équiperons mieux les policiers.

Au-delà des chiffres, le service public est constitué de femmes et d’hommes. Le PLF pour 2024 permettra à l’État de recruter près de 6 700 agents publics supplémentaires et aux opérateurs de l’État d’en embaucher 1 580. Nous créerons en 2024 notamment 3 000 postes d’AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) ; 1 900 postes dans la justice ; la police bénéficiera de 2 600 membres supplémentaires et le ministère de la transition écologique et ses opérateurs de 700 agents de plus. S’il en était besoin, ces créations démentent ceux qui nous reprochent d’avoir délaissé nos services publics : rien n’est plus faux.

Enfin, qu’on arrête d’opposer l’État et les collectivités. Nous soutenons ensemble les services publics : les concours financiers aux collectivités s’élèveront à 54,8 milliards en 2024, et la dotation globale de fonctionnement (DGF) augmentera à nouveau de 220 millions d’euros, après avoir connu en 2023 sa première hausse depuis douze ans.

Nous avons par ailleurs décidé d’étendre le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) aux dépenses d’aménagement. Cela répond à une demande des élus locaux, et représente un effort supplémentaire de 250 millions.

Mais l’appui que nous offrons aux collectivités territoriales doit aller de pair avec la réduction du coût des doublons entre l’État, les opérateurs et les collectivités, et avec la réduction du coût des normes. Nous lancerons prochainement une grande mission sur la question, pour alimenter des pistes de réformes structurelles.

Les grands équilibres de ce projet de loi de finances ont un cap clair, rappelé par Bruno Le Maire : réduire nos déficits publics. Investir pour l’avenir, c’est maîtriser nos comptes publics. Si l’État a pu protéger, c’est qu’il avait réduit son déficit en 2018 à 2,3 %. Un État qui consacre plus aux intérêts de la dette qu’au budget de l’éducation nationale, ce qui sera le cas en 2027, ne peut plus prétendre être tourné vers l’avenir.

Les dépenses de l’État passeront de 496 à 491 milliards, une baisse historique, qui s’explique d’abord par la sortie des dispositifs de crise. Les mesures exceptionnelles instaurées pendant la crise énergétique ne sont pas éternelles. Nous n’en avons pas les moyens. Nous devons sortir progressivement de ces dispositifs de crise qui pèsent sur nos finances publiques. Sur les mesures exceptionnelles, nous dépenserons 14 milliards de moins en 2024 qu’en 2023.

Dans le même temps, nous devons continuer à lutter contre la vie chère et redonner du pouvoir d’achat aux Français. C’est pour protéger les Français que nous revalorisons les tranches du barème de l’impôt sur le revenu, les pensions, les minima sociaux, pour un équivalent de 25 milliards. C’est un véritable bouclier contre l’inflation.

Les économies sur le budget viennent aussi des réformes structurelles. Nous réaliserons 350 millions d’économies sur les dépenses en faveur de l’emploi, en cohérence avec la baisse du chômage, ainsi qu’un peu plus de 500 millions en améliorant l’efficience de la politique de formation professionnelle.

Le déficit budgétaire passera ainsi de 165 à 145 milliards : nous atteindrons la cible des 4,4 % de solde public en 2024. Nous poursuivons de manière méthodique le redressement progressif de nos comptes publics, et nous devrons continuer sur cette lancée dans les prochaines années. Notre trajectoire prévoit que nous fassions 12 milliards d’économies en 2025. C’est un effort très important et c’est dans ce cadre que nous relançons les revues de dépenses.

Ce PLF est aussi un PLF antifraude. Avant d’être un enjeu financier, la lutte contre la fraude est un enjeu de cohésion et de justice sociale. Il n’y a pas de consentement à l’impôt si on ne peut garantir que tous ceux qui doivent payer des impôts les paient effectivement.

Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) instaurent une dizaine d’outils juridiques supplémentaires pour mieux lutter contre la fraude. Par exemple, face à la nouvelle donne numérique, nos administrations pourront différencier sur les plateformes numériques les vendeurs qui ne respectent pas leurs obligations fiscales ou permettre à nos agents de mener des cyberenquêtes sous pseudonyme.

Nous lutterons contre ceux qui achètent à l’étranger sur internet et revendent en France sans payer la TVA. Nous créerons une peine complémentaire de privation du bénéfice des crédits et réductions d’impôts pour les particuliers condamnés pour fraude fiscale. Nous instaurerons un nouveau délit d’incitation à la fraude fiscale, afin de poursuivre tous les intermédiaires qui proposent des montages d’évasion fiscale, sans attendre la condamnation de leurs clients. C’est une manière d’empêcher la fraude à la source pour ceux qui la vendent. Ce délit concernera aussi les personnes qui promeuvent la fraude aux aides sociales, comme l’a fait récemment un youtubeur.

Nous créerons une sanction administrative pour lutter contre la fraude aux aides publiques et mettrons en place dans le PLFSS le précompte des cotisations des travailleurs des plateformes, pour leur créer des droits et éviter la fraude.

Enfin, nous renforcerons l’arsenal pour mieux contrôler les arrêts maladie.

Parallèlement à la création de 1 500 emplois au sein du contrôle fiscal à Bercy, d’ici à 2027, 1 000 agents supplémentaires chargés de la lutte contre la fraude rejoindront les caisses. Nous devons renforcer la sécurité de nos agents qui effectuent les contrôles en permettant la délocalisation de certains contrôles et en assouplissant la procédure d’anonymisation des contrôles. C’est une évolution essentielle, après le drame que nous avons connu l’an dernier.

Voilà les mesures que nous proposons dans le texte initial, mais nous sommes prêts à l’enrichir. La plupart des participants aux dialogues de Bercy ont évoqué la lutte contre la fraude. Certains ont proposé de pérenniser le dispositif des aviseurs fiscaux, auquel nous sommes très favorables.

Enfin, ce PLF est une méthode, celle du dialogue. J’y suis très attaché. C’est pourquoi, depuis mon arrivée, j’ai réuni les parlementaires de tous bords, lors des dialogues de Bercy ou de réunions bilatérales. Ces échanges ont permis d’identifier des questions pour un travail commun. C’est aussi ce qui a permis, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), d’émettre un avis favorable à une quinzaine d’amendements, de la majorité et des oppositions. Cette méthode de dialogue, éprouvée avec vous, vaut avec tous. C’est aussi main dans la main, avec les collectivités territoriales que nous avons travaillé sur ce budget. Dans l’esprit du pacte girondin du Président de la République, nous avons créé, avec Bruno Le Maire, le Haut Conseil des finances publiques locales, pour échanger d’égal à égal entre l’État et les collectivités territoriales.

S’agissant du PLF, plusieurs thématiques sont ressorties de nos dialogues, notamment le logement, la justice fiscale ou la transition écologique. Nous sommes ouverts à vos propositions. Le texte que vous avez entre les mains est le texte initial, non final.

M. le président Éric Coquerel. Nous avons matière à un beau débat budgétaire à l’Assemblée, voire à un débat de société qui, je l’espère, sera argumenté et intéressera les Français. Si, des bancs de cette assemblée, des majorités expriment des propositions qui ne figurent pas dans le budget initial, j’espère que le Gouvernement saura les envisager de manière positive, malgré les lignes rouges que vous avez fixées.

Dans les mesures de baisse des dépenses publiques que vous proposez, la plupart ont pour défaut de s’attaquer encore davantage au pouvoir d’achat des Français, notamment des plus défavorisés. Je pense particulièrement à la question des franchises médicales dans le PLFSS, et à la fin du bouclier énergétique, même si les annonces du chef de l’État sur le chèque carburant nous laissent dubitatifs quant au but poursuivi.

Tout cela touche la question de l’inflation. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, expliquer que l’État ne peut être le seul à prendre sa part en matière d’inflation. Je regarderai votre démonstration de plus près, pour analyser ce prorata entre les recettes et ce que l’inflation coûte à l’État.

Il reste qu’aujourd’hui, l’inflation est payée par une grande majorité de nos concitoyens, ceux qui ont des salaires ou des allocations minimales non indexés. Et pour trouver ceux qui profitent de l’inflation, il faut plutôt regarder les marges des entreprises que les salaires. Ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre paient l’inflation. Or ce sont eux qui alimentent la consommation populaire, d’où le lien avec l’activité économique.

Deuxièmement, votre budget ne satisfait pas les besoins les plus cruciaux de la population.

Vous annoncez 7 milliards pour la transition énergétique. On est loin de ce qui serait nécessaire, notamment selon le rapport Pisani-Ferry. Pour arriver à 37 milliards en 2027, il faudrait commencer avec bien plus. Nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu climatique et de la dette écologique, qui ne cesse de croître.

Je vous ai par ailleurs entendu dire, messieurs les ministres qu’un chantier est à ouvrir en matière de logement. Pour le moment, on est loin du compte sur cette question, qui menace le pays d’implosion sociale. J’ai noté votre ouverture, sur tout ce qui concerne Airbnb et les résidences secondaires. Mais j’ai vu avec inquiétude que, pour résoudre dans l’urgence la question, vous envisagiez qu’on puisse louer des passoires thermiques. Penser que l’environnement et le climat puissent être une variable d’ajustement dans la période actuelle me laisse dubitatif. En tout état de cause, cela ne répond pas à la question urgente du manque de logements dans le pays, du fait que le logement est trop cher et que cela craque partout. Ce budget ne satisfait donc pas les besoins des Français. Or c’est de là qu’il faut partir.

Troisième élément : vous avez quelques contradictions. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, vous annoncez des baisses de dépenses publiques. Mais ce n’est qu’en 2025 qu’on tapera dans le dur du dur, avec 12 milliards – non documentés – qui, si on comprend bien, devraient concerner des dépenses publiques essentielles à nos concitoyens.

Cela laisse dubitatif. Le report à 2025 s’explique peut-être par le constat que vous refusez de faire quant aux estimations de croissance annoncés en 2023. Bruno Le Maire, vous avez raison de dire que les économistes estimaient que la France n’atteindrait pas 1 % de croissance en 2023. Encore faut-il se demander pourquoi nous sommes différents de l’Allemagne qui est entrée en récession. Au fond, le fait que la France ait mieux résisté que les autres pays européens est peut-être dû à ce que vous critiquez en permanence, son taux de dépense publique supérieur à celui d’autres pays. Je crois profondément qu’en cas de reflux économique, cela soutient l’activité économique, comme nous avons pu l’observer après la crise de 2008.

Or il est à craindre que, l’an prochain, cela soit moins vrai. Pierre Moscovici a estimé ce matin que les 1,4 % de croissance ne seraient pas atteint, notamment de ce fait, et que le déficit annoncé serait supérieur. Pour le vérifier, on pourra se donner rendez-vous à la fin de l’année.

Vous dites que l’argent gratuit, c’est fini, mais il faudrait aussi que l’on finisse de distribuer l’argent aux plus riches. Les dépenses fiscales que vous avez accumulées pendant des années, dont certaines ont considérablement alimenté les plus riches de nos citoyens ces dernières années, sont-elles supportables quand les taux d’intérêt remontent ? Je ne le crois pas.

Vous attendez des oppositions qu’elles vous disent quelles autres dépenses réduire. Je vous le dis clairement : il faut aller chercher l’argent là où il a été accumulé, dans la poche de nos concitoyens les plus riches, qui vivent du capital que vous avez largement désindexé, par rapport à l’imposition du travail.

Je vous ai posé la question lors des dialogues de Bercy, en lien avec l’étude réalisée par l’IPP (Institut des politiques publiques) sur la base des données de Bercy. Elle révèle que le taux d’imposition global des 370 foyers les plus riches était d’environ 25 %. Vous m’avez dit que vous pouviez partager ce constat mais que vous le renvoyiez au niveau européen. Pourquoi renvoyer à ce niveau des mesures qui touchent les plus riches de nos concitoyens, et qui pourraient rapporter des milliards à l’État, et non le fait de s’attaquer aux retraites ou aux chômage, entre autres ?

Sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, pouvez-vous préciser comment se répartit la prévision de recettes de 600 millions pour 2024 entre les différents types d’exploitants – autoroutes et aéroports ? En comparaison des montants des surprofits, une taxe de 4,6 % du chiffre d’affaires ne peut-elle pas être qualifiée de timide ?

L’article 4 permet d’appliquer le pilier 2 de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) visant à instaurer un taux d’imposition minimal des grandes entreprises. Il prévoit pourtant d’appliquer la règle des bénéfices insuffisamment imposés à compter de 2025 seulement. Cela signifie-t-il que certaines entreprises échapperont à cette imposition minimale ?

Dans son rapport sur l’application des mesures fiscales, mon collègue Jean-René Cazeneuve indiquait qu’avec la prolongation partielle, en 2024, du bouclier tarifaire, une réflexion sur la prorogation de la contribution sur la rente inframarginale serait justifiée. Il semble que vous ayez décidé de ne pas reconduire cette contribution dans le PLF. Quelles en sont les raisons ?

L’article 16 prévoit une réforme d’ensemble des redevances perçues par les agences de l’eau. On comprend qu’il s’agit de les rendre plus incitatives et de financer les mesures du plan Eau. La redevance sur la consommation d’eau potable sera due par tous nos concitoyens. Cette mesure se traduira-t-elle par une augmentation de la facture, renchérissant toujours plus le prix des mètres cube d’eau nécessaires aux premiers besoins, qui devraient être gratuits ?

Comptez-vous reconduire le montant et le mode de financement de l’audiovisuel public adoptés l’an dernier ?

Dans un contexte d’inflation persistante, êtes-vous certains de pouvoir mettre un terme au bouclier énergétique ?

Enfin, monsieur Le Maire vous ne m’avez pas habitué à la polémique, mais évoquer l’URSS pour parler du blocage des prix, c’est furieusement seventies. Lors des dialogues de Bercy, vous aviez insisté sur la nécessité de « ne pas désespérer Boulogne-Billancourt ». Cela renvoie aux années où le blocage des prix a été pratiqué en France, non seulement par les gouvernements Maurois et Rocard mais aussi par le gouvernement Barre. Et ce n’était pas forcément l’URSS !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Malgré un contexte économique international très difficile et contraire, malgré les très nombreux avertissements des oiseaux de mauvais augure, nous avons tenus nos engagements en 2023. Le Premier président de la Cour des comptes l’a encore expliqué ce matin, toutes les hypothèses d’atterrissage sont plausibles, en matière de déficit, de dépenses, d’inflation ou de croissance.

Nous présentons un budget de responsabilité pour notre majorité. Responsabilité sur la trajectoire, d’abord : avec la loi de programmation, nous nous sommes engagés à redresser les finances publiques jusqu’à atteindre 2,7 % de déficit public en 2027, contre 4,4 % en 2024. C’est un minimum. Nous devons tenir cet objectif pour garder notre crédibilité envers les marchés et l’Europe.

Responsabilité sur le volet transition écologique, ensuite. L’effort que nous consentons avec ce budget est unique, exceptionnel. Avec divers instituts, nous avons beaucoup travaillé au chiffrage des actions à mener, pour respecter nos objectifs, ainsi qu’à leur déclinaison, secteur par secteur, acteur par acteur – entreprises, collectivités territoriales, État – pour définir la manière dont chacun devait porter sa part.

Dans le projet de loi de programmation, nous avons voté la planification des moyens sur lesquels l’État doit s’engager pour atteindre cet objectif. La marche que nous franchissons en 2024 paraît s’inscrire dans la dynamique qui nous permettra d’atteindre l’objectif du rapport Pisani-Ferry en 2027. Cela passe par l’augmentation du fonds vert, des financements de l’Anah (Agence nationale de l’habitat), de MaPrimeRénov’ et par l’extension du budget vert. C’est un budget à 360 degrés en matière d’écologie.

Responsabilité, enfin, par le soutien à toutes les politiques prioritaires, qu’il s’agisse de l’éducation ou du régalien, avec des augmentations significatives en 2024.

Le pilier 2 est une grande mesure de justice fiscale. Il y a quelques années, beaucoup en auraient rêvé. Il s’inscrit dans le travail plus large qu’a réalisé notre gouvernement d’abord sur la taxe dite Gafa, pour lutter contre la sous-imposition des géants du numérique en France. La France a également été moteur pour instaurer cet impôt minimal au niveau mondial, et je salue le rôle qu’a joué Bruno Le Maire dans ce dossier : plus aucune entreprise multinationale ne pourra payer dans aucun des pays de l’OCDE moins de 15 % d’impôt. C’est une avancée très importante en matière de justice.

Autre mesure de justice : la lutte contre la fraude, avec la création d’une peine d’indignité fiscale, d’un délit de mise à disposition de moyens servant à frauder, l’encadrement resserré des prix de transfert, la sécurisation du cadre d’intervention des agents publics dédiés à la lutte contre la fraude. C’est en la matière un budget très sérieux, copieux, si je puis dire.

En prévoyant un déficit de 4,4 % en 2024, vous engagez la France dans la voie de la maîtrise des finances publiques, conformément au pacte de stabilité et au projet de loi de programmation des finances publiques récemment adopté par la commission des finances. Afin d’y parvenir malgré les aléas liés à l’exécution budgétaire et les incertitudes macroéconomiques, pouvez-vous décrire les niveaux de mise en réserve et les moyens de régulation budgétaire envisagés, afin de garantir l’atteinte de ces objectifs en 2024 ?

Vous présentez également un plan d’émission de dettes record, de 285 milliards d’euros, supérieur aux années précédentes. L’amortissement de la dette pèse plus lourd, même si le déficit à financer décroît nettement. À quelles conditions notre pays emprunte-t-il ?

Dans le paquet de verdissement de notre fiscalité, vous proposez une fiscalité à l’immatriculation des véhicules et des véhicules de société, en particulier pour tenir compte du coût écologique de l’intégralité de leur fabrication. Pouvez-vous confirmer que 100 % de son produit sera réinjecté dans la transition écologique ? Quand les Français auront-ils l’information, voiture par voiture, des aides dont ils pourront bénéficier ? Quand serez-vous en mesure de lancer le leasing à 100 euros par mois pour les voitures électriques ?

Enfin, quels objectifs chiffrés fixez-vous en matière de lutte contre la fraude fiscale dans les prochaines années ? Quels moyens humains nouveaux comptez‑vous affecter pour les atteindre ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour ce qui est du pouvoir d’achat des plus défavorisés, je le redis, l’indexation de toutes les prestations sociales – RSA, allocations familiales, prime de rentrée scolaire, minimum vieillesse, prime d’activité, allocation aux adultes handicapés, allocation de solidarité spécifique – est la meilleure des protections apportées à nos compatriotes les plus touchés par l’inflation. Le filet couvre largement nos compatriotes.

Je maintiens que la sortie du bouclier sur le gaz et l’électricité est une mesure juste, dès lors que les prix de l’énergie baissent. Il n’y a aucune raison de maintenir une protection maximale.

S’agissant des marges des entreprises, le Président de la République a annoncé dimanche soir la conclusion d’un accord de modération. Nous y travaillons avec les industriels et les entreprises concernés.

Pour ce qui est du financement de la transition écologique, nous contestons non pas le montant global nécessaire, soit quelque 70 milliards par an, mais que l’intégralité de ce financement doive retomber sur les épaules de l’État. Il faut mobiliser les financements privés. Nous l’avons fait grâce à certains instruments de la loi « industrie verte ». Le taux d’épargne des ménages a augmenté de 15 % à 19 %. Il n’a jamais été aussi élevé dans notre pays depuis plusieurs décennies. C’est cette épargne-là qu’il faut mobiliser. Si nous utilisons sans cesse l’argent de l’État, nous allons creuser les déficits et la dette.

Le logement est un enjeu immédiat et de long terme, qui est majeur pour nos compatriotes. Depuis plusieurs décennies, notre politique en la matière n’a pas donné les résultats escomptés. Nous dépensons environ 1,5 point de richesse nationale de plus que l’Allemagne pour cette politique, avec des résultats qui ne sont pas à la hauteur. Nos concitoyens ont du mal à se loger et dépensent une part importante de leur revenu pour le logement.

Il faut corriger cela : c’est l’objectif de cette refondation de notre politique du logement, qui paraît indispensable. Pour la refonder, il faut être clair sur les objectifs. On ne peut pas en fixer plusieurs à la fois. C’est ce qui explique les mauvais résultats que nous enregistrons depuis plusieurs décennies. Cela peut faire l’objet d’un beau débat politique.

L’objectif d’une politique du logement est-il d’abord de garantir un revenu complémentaire à certains compatriotes, par l’immobilier locatif ? Si tel est le cas, il faut multiplier les avantages fiscaux, comme cela est fait depuis dix ans, ce qui confère une certaine notoriété aux ministres du logement successifs, qui voient leur nom accolé à une loi.

Cette solution est cependant très coûteuse : le Pinel coûtait 2 milliards pour 30 000 logements par an. Ce n’est pas forcément très efficace.

L’objectif principal d’une politique du logement, le seul qui devrait nous guider, est selon moi de construire rapidement des logements de qualité dans des zones tendues. Cela doit faire l’objet d’une discussion entre nous.

Comme vous, monsieur le président, j’ai conscience qu’il y a urgence sur le logement. Il faut donc corriger certains paramètres. Nous avions décidé de restreindre le champ d’application du prêt à taux zéro, qui permet à certains primo-accédants de disposer d’une mise de départ, donc d’obtenir plus facilement un crédit immobilier. Je suis prêt à reconnaître qu’avec l’augmentation des taux, la production de crédits immobiliers a chuté davantage que ce que nous avions prévu. Il est bon, lorsque l’on n’a pas atteint son objectif, de corriger le tir, plutôt que de s’entêter.

Je suis donc prêt à revoir le barème du PTZ, pour qu’il puisse toucher un plus grand nombre de nos compatriotes, y compris des classes moyennes, et servir d’apport à des ménages qui veulent acheter pour la première fois.

Dans le prolongement des propositions du président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, je suis également prêt à réfléchir à un taux intermédiaire, qui serait un peu moins coûteux pour les finances publiques mais un peu plus accessible pour les classes moyennes. Avec un taux de crédit à 4 %, un taux intermédiaire retrouve du sens. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur cette question.

Parmi les mesures immédiates, nous avons décidé que, sur les logements dits Airbnb, l’avantage fiscal devrait passer de 71 % à 50 %, pour libérer des biens immobiliers.

Viennent ensuite les réflexions de moyen terme, notamment les nombreuses propositions du rapport Sansu-Mattei, que je ne partage pas toutes.

Il me paraît intéressant, notamment, que le rapport soulève la question de la fiscalité sur les résidences secondaires, formule d’ailleurs maladroite puisque ces 4 millions de logements ne sont pas que des villas dans les endroits les plus cotés. En l’état, les règles sociales et fiscales pour l’imposition des plus-values ne sont pas alignées, ce qui n’est guère cohérent ; en outre, l’exonération n’est totalement acquise qu’au bout d’un temps long ; conséquemment, les biens immobiliers ne changent pas de main. Je suis prêt à débattre avec vous de la révision de ces règles afin d’en évaluer le coût et de vérifier si elle permettrait de remettre rapidement des logements sur le marché. De même, les normes et les règles dans le secteur du bâtiment mériteraient d’être simplifiées. Ce ne sont pas la Loi et les prophètes !

Je partage donc votre inquiétude à propos des problèmes liés au logement. Il est en effet nécessaire d’agir vite et bien, dans une perspective de long terme permettant de construire des biens de qualité dans les zones tendues.

Je vous confirme que la marge de manœuvre pour réaliser 12 milliards d’économies en 2025 est délicate. C’est pourquoi j’ai appelé cet après-midi tous les députés, en particulier ceux de la majorité, à travailler avec moi sur les revues des dépenses publiques et sur les transformations structurelles liées à la place de l’État et à notre modèle social.

La France est à l’origine de la taxation des Gafa et de l’imposition minimale à l’impôt sur les sociétés. Nous pouvons fort bien l’être s’agissant de l’imposition minimale sur le revenu, mais au plan européen car nous ne voulons pas que des Français quittent notre pays en raison d’une fiscalité qui serait plus pénalisante.

La contribution sur la rente infra-marginale a été instaurée par l’Union européenne en 2022. Nous l’avons immédiatement appliquée puis reconduite en 2023. Elle doit s’éteindre ce 31 décembre mais si, dans leur grande sagesse, des parlementaires souhaitent qu’elle soit prolongée, je me montrerai ouvert. Dans un période d’inflation persistante, il me paraît légitime d’engager une telle réflexion.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Commission européenne, notre croissance devrait s’élever à 1,2 % et, selon le Fonds monétaire international (FMI), à 1,3 %. Notre prévision d’1,4 % me semble donc raisonnable, dès lors que les autres ne tiennent pas compte des conséquences de la réforme de l’assurance chômage et des retraites.

En 2024, notre besoin de financement s’établira à 300 milliards, en baisse de 11 milliards. Il sera principalement couvert par de nouvelles émissions de titres de dettes à moyen et long termes, à hauteur de 285 milliards en 2024. Ce chiffre est certes élevé mais notre programme se déroule sans difficulté : 85 % des émissions d’emprunts ont été réalisés – avec des taux plus élevés que naguère en raison de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), puisque ceux-ci sont désormais supérieurs à 3 %.

La France n’est pas la seule dans ce cas-là. L’écart de taux avec l’Allemagne sur nos obligations à dix ans reste stable depuis le printemps 2022, autour de 50 à 60 points de base, ce qui illustre la solidité de la politique économique française. Si les marchés financiers doutaient de notre capacité à financer cette dette par la croissance, ce spread serait beaucoup plus élevé. Il n’en reste pas moins qu’il est urgent de nous désendetter et de réduire la dépense publique.

Le montant du bonus sur les véhicules électriques augmentera en 2024 pour les ménages modestes et les classes moyennes. Les premiers leasings à 100 euros pourront être souscrits à partir de la mi-novembre. De plus, pour la première fois, ce bonus d’1,2 milliard financé par le contribuable sera réservé à des véhicules respectant les meilleures normes environnementales de la planète, c’est-à-dire, principalement, à des véhicules européens. Je suggère que nous poursuivions dans cette voie-là pour donner ce que j’appelle un « contenu industriel européen » aux aides apportées aux industries.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. S’agissant du financement de la transition écologique, il n’est pas possible de comparer les 7 milliards qu’y consacre l’État avec les 30 ou 35 milliards nécessaires évalués par le rapport de Jean Pisani‑Ferry. Le financement public de la transition écologique, en effet, ne se limite pas à l’État : il mobilise également les collectivités territoriales et des dispositifs comme le certificat d’économie d’énergie (C2E), la responsabilité élargie du producteur, etc. La trajectoire pluriannuelle nous permettra d’y voir plus clair.

Nous avons indexé le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, à l’exception de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, lesquels sont déjà largement mis à contribution, à hauteur de plus d’un milliard probablement. Ne dites donc pas que nous ne demandons pas un effort supplémentaire aux personnes les plus aisées !

La taxe sur les gestionnaires d’infrastructures se répartirait comme suit : 500 millions pour les sociétés d’autoroute et 100 millions pour les aéroports.

Les assises de l’eau se sont conclues par une réforme très importante de la redevance sur la consommation d’eau potable, que traduit l’article 16 du PLF. Les actuelles redevances pour pollution d’eau d’origine domestique et modernisation des réseaux de collecte seront remplacées par une nouvelle redevance sur la consommation visant les particuliers et les entreprises. Les redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et des systèmes d’assainissement collectifs, quant à elles, visent à faire diminuer le nombre de fuites et à améliorer le traitement des eaux. Enfin, la redevance pour prélèvement d’eau est réformée selon le principe préleveur-payeur. Le rendement, d’environ 132 millions, est réparti entre les secteurs de l’énergie – 100 millions –, de l’agriculture – 10 millions – et de l’industrie – 30 millions. Cette réforme rééquilibre les efforts entre les ménages et les autres consommateurs. Elle est neutre pour les premiers et les comités de bassin pourront s’en emparer en 2024 pour ajuster leurs tarifications en fonction des besoins du plan Eau. Enfin, nous travaillons avec les collectivités pour qu’elles puissent instaurer une tarification sociale de l’eau.

Dès 2024, le taux de mise en réserve passera de 3,5 % à 4 %. Je rappelle qu’il ne s’applique évidemment pas aux dépenses de personnels, ni aux dépenses de prestations sociales. Nous gèlerons ainsi 9,4 milliards de crédits de paiement en début d’année prochaine. En cours d’année, nous pourrons utiliser d’autres moyens de régulation, comme nous l’avons fait en 2023 avec le sur-gel de 1 % des crédits, qui a permis de mettre en réserve 1,6 milliard. Dans la même lignée, nous avons annulé 5 milliards de crédits sur le périmètre du ministère de l’économie et des finances afin de nous assurer qu’ils ne seraient pas recyclés vers d’autres dépenses et de tenir notre trajectoire en 2023.

Les mesures de ce PLF permettront d’améliorer très significativement la lutte contre la fraude. Nous ne fixons aucun objectif chiffré mais, le 10 octobre, nous installerons un comité d’évaluation des fraudes qui nous permettra d’avoir une idée de l’ampleur de la fraude fiscale et sociale. La dernière loi relative à la lutte contre la fraude fiscale nous a permis d’augmenter le montant des droits recouvrés, qui est passé de 9 à 11 milliards. Le renforcement de notre arsenal nous permettra d’accroître nos performances.

J’ajoute que 1 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires seront affectés aux services du contrôle fiscal de Bercy. Dès 2024, 250 emplois supplémentaires seront créés. À cela s’ajoute le doublement des effectifs d’officiers fiscaux judiciaires dans le cadre de la transformation du service d’enquête judiciaire fiscale en Office national antifraude (Onaf). Nous renforcerons également à hauteur de 1 000 ETP les effectifs qui se consacrent à la lutte contre la fraude sociale dans les caisses de sécurité sociale.

M. le président Éric Coquerel.  Nous en venons aux interventions des orateurs de groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce budget, qui se caractérise par des choix forts, montre combien le sérieux est le seul antidote à ces deux maux que sont le laxisme et l’austérité.

Il assume la poursuite d’une politique économique qui marche. Depuis 2017, nous avons créé 2 millions d’emplois. Le plein emploi a un prix : celui de la constance de notre politique économique et fiscale.

Il assume également la fin de l’endettement de crise. Nous avons protégé nos compatriotes comme nul autre pays et nous avons évité de passer par la case « récession ». Un tel endettement, néanmoins, est aujourd’hui incompatible avec la préservation de notre souveraineté européenne, compte tenu des disparités d’endettement dans la zone euro. Il n’est pas possible de s’alarmer de telles disparités et de réclamer des mesures dispendieuses supplémentaires.

Il assume le refus de ces impasses que sont la hausse des impôts et de la dette, qui vont hélas trop souvent ensemble.

Il assume la réduction des dépenses inefficaces et de mettre le paquet sur les dépenses d’avenir et de sécurité. Les budgets de l’école, de la protection sociale et de la transition écologique sont historiques.

Il assume l’instauration d’un véritable bouclier social avec l’indexation des retraites, des prestations sociales et de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, ce qui représente 1 point de PIB, soit 25 milliards.

Tout en défendant le partage de ce fardeau qu’est l’inflation, il assume que l’État ne peut et ne doit pas tout parce que, in fine, c’est vous et moi, c’est le contribuable qui paient.

Enfin, il assume de mener des combats à l’échelon européen dans le cadre du pilier 2.

Notre majorité veille à concilier industrie et écologie. Le crédit d’impôt « investissements industries vertes » permettra d’investir 23 milliards supplémentaires. Comment s’organisera la répartition entre les différentes filières d’avenir concernées ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). En 2024, nous célèbrerons le cinquantenaire d’une absence, celle d’un budget en équilibre – non au sens où il serait déséquilibré en raison de ses excédents, cela va de soi. Ces noces d’or sont en fait des noces de plomb. Cinquante ans que le « cercle de la raison » plombe les finances nationales, accumule la dette, multiplie les impôts et ne parvient plus à contrôler les dépenses !

Je vous suggère d’écrire un nouveau roman, monsieur le ministre, fondé sur le mythe du tonneau des Danaïdes ou celui de Sisyphe. Vous conjuguerez ainsi l’inspiration tragique et absurde. Depuis six ans, vous prétendez redécouvrir chaque année les lignes d’une saine trajectoire des finances publiques et, chaque année, vous enfoncez la France dans la dette.

L’année dernière, je vous avais dit que vous étiez comme le capitaine d’un radeau dans la tempête de l’hyperinflation, sans voile, sans gouvernail, sans cap. Alors que la tempête se calme, vous découvrez l’état de votre radeau et vous écopez, à la petite cuillère, en essayant de réduire deci delà, quelques dépenses. Vous êtes cependant incapable de faire face aux masses d’eau qui ont submergé votre plan contre l’hyperinflation. Vous ne réduisez même pas des dépenses exceptionnelles alors que la situation, dites-vous, est redevenue normale.

Avec vous, l’exception – le désordre économique et fiscal – est la règle. M. Macron, dont nous savons depuis dimanche que c’est M. Bricolage, a de la chance : il a recruté de bons artisans à Bercy pour trouver des expédients, 3 centimes par-ci, quelques euros par-là, alors qu’en 2027, le record du coût de la dette sera pulvérisé.

Face à un tel désastre, je me demande seulement si vous ferez perdre beaucoup de temps au Parlement ou si vous assumerez d’en venir rapidement au 49.3, ce qui nous permettra de discuter de textes sans doute plus intéressants, comme celui sur l’immigration, qui est l’Arlésienne de ce mandat.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). Selon vous, le premier défi de ce budget est la lutte contre l’inflation, or, pour lutter contre un mal, il faut en connaître la cause. Selon le FMI, plus de la moitié de l’inflation s’explique par la hausse des profits des grandes entreprises. Or, aucune des mesures que vous proposez ne permet de briser le cercle infernal prix-profits. Vous prétendez avoir obtenu des avancées historiques mais il suffit d’aller faire ses courses ou un plein d’essence pour s’apercevoir que vous n’avez rien obtenu du tout. Les seuls records historiques de l’an passé, ce sont ceux des dividendes versés par les grandes entreprises et ceux qu’ont battu un certain nombre de profiteurs.

Vous avez écarté avec ironie et mauvaise foi des mesures contraignantes à l’endroit des industriels. Je suis toutefois ravi d’apprendre que vous êtes devenu un ministre soviétique depuis que vous avez décidé de bloquer le prix de vente des bouteilles d’eau à Mayotte, sans que des pénuries s’en soient pour autant suivies. Faire valoir qu’un blocage des prix handicaperait nos agriculteurs serait presque risible si les marges du secteur agro-alimentaire n’avaient grimpé en deux ans de 70 %. Vous préférez distribuer un mini-chèque qui, au maximum, permettra de faire un plein d’essence dans l’année. Bref, vous abandonnez encore une fois les Français, condamnés à alimenter les profits des grandes entreprises.

Les oppositions, avez-vous dit, ne proposent aucune solution. En voici quelques-unes, que je vous prie de bien vouloir noter afin de vous en souvenir : rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, instauration d’une véritable taxe sur les superprofits, remise en cause de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), conditionnement social et écologique de l’aide de 200 milliards accordée par l’État aux entreprises. Comptez-vous y donner suite ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Deux regrets, tout d’abord.

Pour redonner du pouvoir d’achat aux Français, il faut diminuer les prélèvements obligatoires car ce sont eux qui pénalisent les ménages et les entreprises. J’en veux pour preuve leur croissance spontanée de 3 %, qui devrait les porter à 1 241 milliards.

M. le ministre délégué a évoqué une diminution historique des dépenses de 16 milliards, mais les dépenses structurelles ne baissent en rien. J’en veux pour preuve l’horizon de 2025, que vous avez-vous-même pointé.

Le Gouvernement publie les avis rendus par le Conseil d’État sur l’ensemble des projets de loi à l’exception des textes financiers. Envisagez-vous de le faire ? Un refus ne contribuerait pas à faciliter les échanges que vous appelez de vos vœux.

Vous avez évoqué une hypothèse de croissance d’1,4 %. La Banque de France l’envisage à 0,9 %. Quelle serait la conséquence d’un tel écart en termes de déficit ?

Vous intégrez l’hypothèse d’une diminution de l’épargne de 0,4 %. Confirmez-vous que ce reflux aura des effets positifs ?

L’article 7 du PLF prévoit la création d’un nouveau dispositif France Ruralités Revitalisation. Quelles communes en bénéficieront et quelles en seront les conséquences ?

Mme Marina Ferrari (Dem). N’en déplaise à ceux qui voudraient nous faire croire à un PLF d’austérité, ce budget est celui de la détermination et de l’équilibre.

Détermination pour soutenir nos concitoyens face à l’inflation ainsi que notre économie, mais également les missions régaliennes – santé, éducation, justice, sécurité, défense –, l’investissement public, la réduction de notre endettement et de notre déficit public, la transition écologique et énergétique.

Équilibre, car il repose sur des économies, un recentrage et une augmentation de nos dépenses publiques pour des actions prioritaires.

Pour réussir, nous devons cependant aller plus loin en accélérant la revue des dépenses publiques dans le cadre d’une étroite concertation entre l’État, les collectivités et les organismes de sécurité sociale.

En matière de santé, la prévention devra être au cœur de notre action.

Nous devons également adapter notre fiscalité au contexte. De ce point de vue, la transposition de l’accord OCDE sur l’imposition minimale des grandes entreprises est historique. Le Gouvernement est-il prêt à poursuivre cette adaptation de notre fiscalité ?

Ce budget devrait en outre permettre d’apporter de premières réponses à la crise du logement, sans pour autant prétendre la résoudre. Nous regrettons toutefois la réduction de l’ambition du prêt à taux zéro (PTZ) et nous ferons plusieurs propositions.

Au-delà de la question des plateformes, le Gouvernement est-il prêt à travailler à une réforme systémique du secteur du logement, à la question des plus-values immobilières ou à la création d’un véritable statut de l’investisseur immobilier ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Le recul de l’inflation n’implique pas sa disparition : 5,2 % en 2022, 4,9 % en 2023, soit plus de 10 % en deux ans. Selon les bolcheviks du FMI, la moitié de l’inflation s’explique par l’avidité des entreprises. Les Français se moquent de savoir si elle est moins importante chez nos voisins : ils veulent manger à leur faim et vivre de leur travail ou de leur retraite, ce qui n’est pas le cas.

L’expérimentation du dispositif des aviseurs fiscaux pour les manquements supérieurs à 100 000 euros serait pérennisée et les enquêteurs pourraient travailler sous « alias ». Nous confirmez-vous que ce sera bien le cas ?

S’agissant du PTZ, êtes-vous prêt à revenir sur le zonage parfois absurde distinguant zones tendues et détendues ? Peut-on faire en sorte que les logements nus soient au moins traités comme les logements meublés à travers une harmonisation des taux de fiscalité mais, aussi, des plafonds ?

Nous faisons des propositions d’économies depuis longtemps, notamment sur les niches fiscales et sociales, à partir d’expertises et de rapports sérieux de France Stratégie, de la Cour des comptes, du Conseil d’analyse économique (CAE), mais encore faudrait-il nous entendre. Passer en huit ans de 2 à 7 milliards de dépenses dans le cadre du crédit d’impôt recherche sans vouloir le plafonner relève de l’irresponsabilité, surtout lorsque les résultats ne sont pas toujours au rendez‑vous.

Mon rapport Garantir la prise en charge des personnes âgées en établissement, encadrer leur reste à charge montre que 76 % des résidents ne disposent pas de revenus mensuels suffisants pour payer leur gîte et leur couvert en Ehpad, ce qui est honteux et inadmissible. Je formulerai des propositions afin que les classes populaires et les classes moyennes puissent être aidées.

Mme Lise Magnier (HOR). Nous partageons les priorités de ce budget : la poursuite de l’investissement dans la transition écologique et le renforcement substantiel des crédits alloués aux ministères régaliens et à l’éducation nationale, tout en respectant la trajectoire de rétablissement des finances publiques.

L’article 2 indexe sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu afin de protéger les Français et de permettre que les impôts de ceux qui travaillent n’augmentent pas.

L’article 4 transpose la directive européenne visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure. Il s’agit là d’une grande avancée en matière de justice fiscale. Pouvez-vous confirmer que les coopératives agricoles françaises n’entrent pas dans le champ d’application de cet article ?

L’article 5 crée le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte, ce qui constitue un excellent signal pour réindustrialiser notre pays.

L’article 14 prévoit le renforcement de la fiscalité applicable aux véhicules selon leur niveau de pollution. Un renforcement des aides à la conversion est-il prévu ?

Enfin, pouvez-vous expliquer la baisse substantielle du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, fixé à un peu plus de 21 milliards pour 2024 contre près de 25 milliards en 2023 ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Le contexte dans lequel intervient ce projet de loi de finances est particulièrement tendu pour nos concitoyens, surtout les plus précaires, qui subissent de plein fouet l’inflation ainsi que les effets du réchauffement climatique, mais tendu aussi pour nos collectivités territoriales, devenues de toute évidence la variable d’ajustement du Gouvernement.

D’un rapide examen du texte transmis ce matin pour une audition cet après-midi, il ressort qu’après la valse des milliards et des millions qui ont saturé l’espace médiatique depuis plus de six mois, voici venu le temps de la vérité des prix et de vos engagements réels. Hélas, le compte n’y est pas : ni pour la planification écologique, ni pour le soutien des plus précaires face aux ravages de l’inflation ; pas davantage pour les collectivités.

J’en prends deux exemples : le grand plan de rénovation des écoles annoncé par le Président de la République se traduit par un abondement du fonds vert de 500 millions en autorisations d’engagement – aucun crédit de paiement –, sachant que l’objectif est de 2 000 écoles rénovées dès 2024 et 41 000 établissements rénovés en dix ans. Savez-vous, monsieur le ministre, combien coûte la rénovation du groupe scolaire Rangueil dans ma circonscription ? 12,4 millions d’euros ; pour l’école Paul Bert, plus petite, il faudra 2,3 millions.

S’agissant du développement des services express régionaux métropolitains, autre engagement présidentiel datant de décembre 2020, la SNCF et les collectivités territoriales évaluent à un milliard le coût de chaque opération. Or il était prévu de débloquer 800 millions pour des études dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) et nous découvrons aujourd’hui que ce montant a été ramené à 700 millions sans explications.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) s’est montré particulièrement prudent sur vos évaluations et il avait raison. Vous avez visiblement de nouveau raté le coche. Des solutions existent pourtant pour réduire le déficit public et satisfaire aux exigences européennes : faites des économies structurelles en mettant fin aux niches fiscales néfastes au climat ; arrêtez de soutenir les énergies fossiles ; à l’échelle européenne, sortez du « en même temps » et ne vous opposez pas, comme vous venez de le faire, au durcissement des normes de pollution pour les gaz d’échappement des voitures particulières.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). À vous écouter, je ne comprends pas l’ingratitude des Français qui affichent au mieux leur scepticisme, au pire leur hostilité. Pourtant nos compatriotes ont bien raison, le pouvoir d’achat, le pouvoir de vivre est en berne pour un trop grand nombre d’entre eux, particulièrement ceux des couches modestes et moyennes.

Une étude vient de confirmer que le salaire moyen aura perdu, en trois ans, 0,5 %, les retraites du régime général, 2,7 %, le RSA et les prestations familiales, 3,2 %. Alors vous pouvez vous délivrer des brevets d’autosatisfaction, nos concitoyens n’en peuvent plus de l’énergie chère, des prix des denrées alimentaires qui flambent et d’un prix à la pompe qui ne cesse de monter.

Or dans le projet de loi de finances pour 2024, rien ne vient réellement contrebalancer la spirale de perte de pouvoir d’achat. S’agissant de l’indemnité carburant, en 2023, vous aviez proposé 300 euros pour les trois premiers déciles et 200 euros pour les deux suivants, là où aujourd’hui vous vous contentez de 100 euros pour celles et ceux qui travaillent – les retraités qui emmènent leurs petits enfants à l’école ou au sport n’y auront pas droit.

Si la fièvre du projet de loi de finances (PLF) n’atteint pas trop vite quarante-neuf degrés trois, nous ferons des propositions pour rebâtir une architecture fiscale plus progressive, qui assoit les prélèvements sur les richesses indécentes, à l’instar des recommandations du rapport que j’ai présenté avec Jean‑Paul Mattei sur la fiscalité du patrimoine. Nous défendrons des mesures pour favoriser les investissements permettant de répondre à l’urgence climatique.

L’antienne de la stabilité des dispositifs fiscaux n’est plus acceptable pour refuser de prendre en compte les évolutions. Il ne peut y avoir de consentement à l’impôt si l’esprit et la lettre de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – la contribution selon les facultés respectives – ne sont pas respectés.

L’extinction du dispositif Pinel permettra-t-elle de redéployer des crédits pour préserver et étendre le PTZ ? Pour favoriser les mobilités douces, ne serait-il pas opportun d’augmenter le versement mobilité ? S’agissant des agences de l’eau, prenez-vous l’engagement de ne pas divertir une part des ressources tirées de la redevance vers le budget général ?

M. Charles de Courson (LIOT). Partagez-vous l’avis du HCFP selon lequel vos prévisions sont optimistes et la probabilité que toutes vos prévisions se réalisent faible ?

D’après le HCFP, la croissance des dépenses publiques, hors dépenses liées à la crise sanitaire, à l’inflation et aux mesures de relance, est estimée, en 2023, à 5,4 % en valeur et 0,5 % en volume, et non pas en baisse, alors que la croissance du PIB est de l’ordre de 1 % en volume. En 2024, toujours d’après le Haut Conseil, la hausse est de 4,8 % en valeur et de 2 % en volume, soit beaucoup plus que la croissance du PIB que vous estimez à 1,4 %. Pensez-vous qu’une telle croissance est compatible avec le redressement des finances publiques ?

Enfin, où sont les économies dans le projet de loi de finances pour 2024 ? Pourquoi repoussez-vous à 2025 les 12 milliards d’économies dont personne ne connaît le contenu ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne reviens pas sur les propos de Mathieu Lefèvre, que je remercie de son appréciation sur la politique économique du Gouvernement.

S’agissant du crédit d’impôt « investissement industrie verte » (C3IV), nous sommes le premier État européen à instaurer un tel mécanisme, sur le modèle de l’Inflation Reduction Act (IRA) mis en place par le président Biden aux États-Unis. Alors que toutes les chaînes de valeur sont en cours de réorganisation, c’est le moment d’investir dans l’industrie verte. Nous ne ferons venir à nous les usines de batteries électriques, d’anodes et de cathodes, d’hydrogène vert, de pales d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques que si nous offrons des conditions parmi les plus attractives. Nous sommes déjà la nation la plus attractive en Europe pour les investissements étrangers. Grâce au nouveau crédit d’impôt, nous doublons les chances de convaincre des investisseurs d’ouvrir des usines en France. Celui-ci doit financer une soixantaine de projets pour un montant total d’investissement de 23 milliards d’euros ; il représente un coût budgétaire direct de 3,7 milliards d’ici à 2030 : 2,5 milliards pour les batteries électriques – dans le nord de la France, notamment dans la région du Dunkerquois, nous sommes en train de créer un des plus grands pôles européens de batteries électriques – ; 500 millions pour les panneaux photovoltaïques ; 500 millions pour l’éolien et 100 millions pour les pompes à chaleur – soutien appelé à monter en puissance à la suite des annonces du Président de la République. L’objectif est de développer de nouvelles filières liées à l’industrie verte, et je pense que nous avons tous les atouts de notre côté.

Monsieur Tanguy, vous nous reprochez de présenter un budget qui n’est pas à l’équilibre. Ce ne sera certainement pas grâce aux propositions du Rassemblement national que nous y parviendrons puisqu’elles ne font que creuser davantage les déficits : la suppression de la TVA sur les carburants coûterait 10 milliards d’euros ; l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite, 20 milliards ; l’exonération d’impôt pour les jeunes, de l’ordre de 10 milliards. J’en suis déjà à 40 milliards de dépenses. Vous faites donc couler un peu plus vite le bateau et vous ne garantissez certainement pas un retour à l’équilibre.

Quant au mot de radeau que vous employez pour décrire la France, il ne me convient pas, je vous en laisse la paternité. Pour moi, la France est davantage un paquebot solide et puissant qu’un radeau. Nous approchons du plein-emploi, nous avons créé deux millions d’emplois et nous avons ouvert 300 usines. Si le paquebot était si peu attirant, il ne serait pas celui sur lequel tous les investisseurs étrangers veulent s’embarquer en priorité aujourd’hui.

Monsieur Bompard, comme madame Pires Beaune, vous n’avez pas lu attentivement le rapport du FMI. Il indique que l’inflation vient des profits en zone euro, à l’exception de la France. En France, la répartition entre le capital et le travail – c’est l’une de nos grandes caractéristiques – est restée stable au cours des années passées. Et quand il y a eu des profits, nous avons capté la rente, comme vous nous y aviez invités au sujet des énergéticiens. Le FMI établit très clairement que ce qui nourrit l’inflation dans certains pays développés ne le fait pas en France, précisément en raison de notre politique redistributive.

Quant à vos propositions, que ce soit le rétablissement de l’ISF, le renoncement à la baisse des impôts de production ou à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la majorité n’y donnera pas suite – je préfère le dire clairement pour éviter les déceptions au moment du débat.

Madame Louwagie, vous regrettez l’absence d’économies structurelles dans les 16 milliards d’euros de baisse des dépenses prévues. Néanmoins entrent en vigueur des baisses structurelles, notamment celle liée à la réforme de l’assurance chômage. En outre, nous sommes prêts à reprendre les recommandations structurelles sur l’efficacité de la dépense publique contenues dans l’excellent rapport que vous avez produit avec Robin Reda.

S’agissant de la publication des avis du Conseil d’État, je suis réservé en raison du risque d’affaiblissement de l’État dans les contentieux fiscaux en cours. Je voudrais donc approfondir ce point.

En ce qui concerne la croissance, je rappellerai que notre prévision est en ligne avec celles de l’OCDE et du FMI – 1,2 % et 1,3 % respectivement. Quant à la prévision de la Banque de France, à laquelle vous vous référez, madame, l’estimation basse de l’institution pour la croissance en 2023 était de moins 0,5 %, soit un écart d’1,5 par rapport à ce que la France a réalisé. Cela m’amène à penser que notre prévision de croissance pour 2024 est réaliste et sincère.

En revanche, vous avez raison d’insister sur le fait que le taux d’épargne est un élément absolument déterminant de la croissance pour 2024. La singularité de la croissance au deuxième trimestre 2023, c’est que, pour la première fois, elle a été tirée par les exportations de biens manufacturiers – l’aéronautique et, pour la première fois depuis très longtemps, et j’en félicite EDF et tous ses agents, l’électricité grâce au retour de nos réacteurs nucléaires. Le moteur qui est aujourd’hui à l’arrêt, c’est la consommation, à cause de l’inflation et des inquiétudes. Le taux d’épargne a explosé ; il n’a jamais été aussi élevé en France, il est passé de 15 à 19 % ; l’encours du livret A a augmenté de 2,5 milliards d’euros pour le seul mois d’août. L’un des enjeux majeurs pour la croissance de 2024 est donc de rassurer nos compatriotes sur notre politique économique – sur la baisse des impôts et la sortie de la spirale inflationniste – pour qu’ils recommencent à consommer. Pourquoi j’insiste avec autant de fermeté sur la stabilité de notre politique économique, sur les impôts et la confiance ? Parce que s’il y a le moindre doute sur la stabilité de notre politique économique, nous ne rallumerons pas le moteur de la consommation. Or c’est bien notre intention.

En réponse à Mme Ferrari et Mme Pires Beaune, je le redis, je partage le constat du président et de plusieurs d’entre vous sur la crise du logement et les décisions urgentes qu’elle impose. Oui, nous sommes prêts à revoir le barème du prêt à taux zéro. Oui, nous sommes prêts à revoir le zonage du PTZ. Nous sommes prêts à prendre des décisions structurelles face à la crise du logement pour apporter des réponses immédiates aux primo-accédants.

Je mets en garde contre la modification de la fiscalité sur le logement meublé, car le risque de faire des centaines de milliers de perdants est très élevé. Il faut vraiment regarder les choses de près avant de s’engager dans cette voie.

Sur le PTZ, nous sommes ouverts car j’ai parfaitement conscience qu’il n’y a pas des dizaines de réponses immédiates à notre disposition. Quant aux EPHAD, madame Pires Beaune, je connais votre combat sur le sujet, je le salue ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

Madame Magnier, l’imposition minimale concerne les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros, apprécié sur une période pluriannuelle pour éviter les effets de seuil, mais sans distinction du type d’activité. Par conséquent, les coopératives fiscales devraient y être soumises. Elles bénéficient jusqu’à présent en France d’un régime fiscal très favorable qui s’explique par le souhait parfaitement légitime d’accompagner le mieux possible le monde agricole. Nous avons ouvert les discussions avec les coopératives pour trouver le meilleur chemin pour concilier l’avantage historique dont elles bénéficient et la mise en place de l’imposition minimale. Je vous invite à participer à ces discussions.

Madame Arrighi, Thomas Cazenave vous répondra sur la rénovation des écoles.

Monsieur Sansu, en réponse à votre remarque sur l’énergie chère, nous avons insaturé un bouclier sur le gaz et sur l’électricité qui a représenté des économies de plusieurs centaines d’euros par mois pour nos compatriotes sur leurs factures.

Monsieur de Courson, la vraie difficulté structurelle à laquelle nous sommes confrontés n’est pas le niveau de croissance en France, mais celui de la zone euro. Personne ne peut se satisfaire d’une croissance aussi faible. Au moment où les États‑Unis affichent un redémarrage économique extraordinairement dynamique et où l’Asie conserve des taux de croissance élevés, la zone euro vivote : c’est insupportable. Personne ne peut s’y résigner. Quel est le problème de la zone euro ? C’est la faiblesse des gains de productivité depuis plusieurs années. Il faut prendre à bras-le-corps ce sujet – cela suppose une réflexion approfondie sur nos systèmes éducatifs et de formation – continuer à investir, et innover collectivement. Personne ne peut se satisfaire de voir autant d’États de la zone euro en récession et les autres avec une croissance faible.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Monsieur Tanguy, dans le cadre des dialogues de Bercy, nous avons demandé à chacun des groupes de nous présenter des propositions d’économies. Hormis le changement de politique monétaire qui ne relève pas du PLF, vous n’avez esquissé aucune proposition concrète d’économie.

Madame Louwagie, le PLF fusionne trois types de zonage existants qui arrivaient à échéance en fin d’année – les zones de revitalisation rurale (ZRR), les bassins d’emplois à redynamiser (BER) et les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (Zorcomir) afin de renforcer leur lisibilité et de soutenir plus efficacement le développement économique des territoires. Ils sont remplacés par un nouveau zonage intitulé France Ruralités Revitalisation (FRR), qui comprendra deux niveaux – un niveau socle qui concernera 14 000 communes et un niveau renforcé pour 4 000 communes – et conservera le même champ d’activités éligibles, y compris les médecins. Les exonérations fiscales seront simplifiées et amplifiées. Je m’engage à vous transmettre dès que possible la liste des communes éligibles.

Madame Pires Beaune, oui, nous sommes favorables à la généralisation de l’expérimentation sur les aviseurs fiscaux. Nous soutiendrons les amendements déposés en ce sens.

Par ailleurs, le PLF prévoit que les agents de la direction générale des finances publiques, et pas uniquement ceux en lien avec les douanes, pourront travailler sous « alias », permettant ainsi d’anonymiser leur travail dans des situations compliquées.

En ce qui concerne les Ephad, à la suite de votre rapport, la Première ministre a décidé de créer un fonds d’urgence doté de 100 millions d’euros. En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) envisage une expérimentation d’autres modes de financement des Ehpad, ce qui me semble aller dans le sens d’une réforme structurelle du financement de l’accompagnement du vieillissement.

Madame Magnier, en effet, le PSRUE baisse dans le PLF pour 2024 du fait de décaissements moindres au titre de la politique de cohésion. Cette baisse est en trompe-l’œil puisque le prélèvement devrait connaître une hausse en 2025.

Madame Arrighi, le Président de la République a fait de la rénovation des écoles un grand chantier. C’est la raison pour laquelle 500 millions d’euros y sont consacrés dans le PLF mais cela n’épuise pas le financement public. La rénovation des écoles est de la responsabilité des collectivités territoriales qui investissent. Celles-ci le prendraient très mal si nous nous substituions à elles. Nous devons donc travailler avec elles. À cet effet, nous renforçons le fonds vert pour qu’elles investissent davantage et la Caisse des dépôts gère le programme EduRénov doté de 2 milliards d’euros. Enfin, la loi visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique que nous avons adoptée à l’unanimité trouvera parfaitement à s’appliquer aux écoles.

S’agissant des RER métropolitains, le Président de la République n’a pas dit que l’État financerait l’ensemble des RER métropolitains. Le montant prévu dans le PLF correspond à un abondement dans la négociation sur les CPER destiné à accélérer ce chantier.

M. le président Éric Coquerel. La parole est aux autres orateurs inscrits.

M. Xavier Roseren (RE). Je me félicite de la hausse des budgets prioritaires – 4 milliards d’euros pour l’armée, la police, et la justice ; 7 milliards pour la transition écologique et 5 milliards pour l’éducation. Nous devons aller plus loin sur la baisse du déficit public, conformément à notre trajectoire de dépenses d’ici à 2027. La maîtrise de notre déficit public est prioritaire.

Je souhaite appeler l’attention sur le logement. Sans attendre le futur projet de loi, nous devons faire des propositions fortes dans les PLF pour 2024 et 2025. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir supprimer l’abattement pour les meublés classés de tourisme. Ce serait un mauvais signal pour le tourisme français pour un gain très réduit. Il est nécessaire d’aller plus loin et de revoir en profondeur la fiscalité de la location non meublée professionnelle. Nous avons réussi la flat tax, faisons de même avec la fiscalité des meublés.

Mme Stella Dupont (RE). Je tiens à souligner l’importance des moyens consacrés à la transition écologique – 7 milliards d’euros en crédits de paiement et 10 milliards en autorisations d’engagement. C’est significatif mais nous redisons, messieurs les ministres, notre attachement à une trajectoire budgétaire crédible pour la planification écologique.

Le PLF prévoit une baisse de 25 millions d’euros de la taxe affectée aux chambres de commerce et d’industrie (CCI), baisse qui pourrait atteindre 100 millions d’euros dans les années à venir. Pouvez-vous me confirmer ces chiffres ? Qu’en est-il d’un éventuel prélèvement sur le fonds de roulement ? Lors de la précédente législature, le réseau a été réformé, la voilure a déjà été réduite. Nous avons besoin de ces outils dans l’ensemble des territoires pour mettre en œuvre la stratégie de plein-emploi et de développement de la formation et de l’apprentissage. Je suis très réservée sur une nouvelle réduction des moyens des CCI.

En matière de logement, nous avons tous été alertés sur les difficultés à venir – certaines entreprises y sont déjà confrontées. Des mesures sont-elles envisagées pour encourager l’investissement locatif par des institutionnels dans le secteur du locatif intermédiaire ?

Mme Émilie Bonnivard (LR). Ma question portera également sur le logement. Tous les acteurs du BTP s’attendent à une crise majeure en 2024. Nous devons donc placer ce sujet au cœur du PLF.

La crise est la conséquence d’une politique très défavorable à la construction et au logement depuis six ans. Dès 2017, le Gouvernement a voulu réorienter les placements des Français vers les capitaux mobiliers. Aujourd’hui, les revenus immobiliers sont soumis à un prélèvement de 65 % contre 30 % pour les revenus mobiliers grâce au prélèvement forfaitaire unique. Si vous y ajoutez la disparition de l’avantage Pinel, sans dispositif de substitution, nous allons vers une crise majeure, de l’offre notamment, à laquelle nous ne répondrons pas sans incitation fiscale. Par ailleurs, je partage l’appréciation de M. Roseren sur l’hébergement touristique.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je vous soumets une question de mon collègue Olivier Falorni, député de Charente-Maritime, qui souhaite déposer un amendement sur le sujet.

Compte tenu de l’importance croissante de la mobilité douce, soutiendrez‑vous une modification de l’article L. 321-11 du code de l’environnement visant à allouer une partie des recettes du droit départemental de passage à l’aménagement et à l’entretien des pistes cyclables en site propre pour les îles maritimes reliant le continent par un ouvrage d’art, comme le pont qui relie l’île de Ré au continent ?

M. Daniel Labaronne (RE). Vous soulignez l’intérêt de construire là où nous avons besoin de logements. Or ces besoins se situent aujourd’hui dans des territoires en réindustrialisation qui ne sont pas forcément éligibles aux zonages autorisant les logements locatifs notamment intermédiaires. Je salue donc votre volonté d’engager une révision de ces zonages et je m’interroge sur ses modalités.

Vous proposez d’élargir l’accès au PTZ et de créer un prêt à taux bonifié. Ces deux initiatives pourront-elles se combiner ?

M. Franck Allisio (RN). Après un septennat aux affaires, vous vous attaquez enfin – timidement – à la fraude. Vol intolérable du fruit du travail de nos compatriotes, celle-ci est d’autant plus inacceptable dans un pays qui bat tous les records d’impôts et où vous avez laissé filer les recettes fiscales supplémentaires dues à l’inflation – certains parlent de cagnotte, d’autres de profiteurs de crise ou d’inflation.

Nous restons sans surprise sur notre faim, même si vos quelques mesures techniques ont le mérite d’exister. Nous notons avec satisfaction que vous reprenez deux de nos propositions : la privation du droit aux réductions et crédits d’impôt pour les fraudeurs, dans une version certes édulcorée ; la lutte contre les pratiques abusives en matière de prix de transfert. Nous soutiendrons ces mesures et en présenterons d’autres.

Est-ce là tout ce que vous avez à proposer ou bien Gabriel Attal est-il parti avec les brouillons déjà peu prometteurs d’il y a quelques mois ?

M. Dominique Da Silva (RE). L’organisme France Compétences se voit allouer une subvention de 2,5 milliards d’euros afin d’assurer l’équilibre financier d’une politique volontariste de l’apprentissage qui vise à former un million d’apprentis de moins de 30 ans, selon les engagements du Président de la République.

Quels indicateurs ont conduit à calibrer la subvention à ce niveau ?

Ne faudrait-il pas se pencher sur le versement de ces aides afin que l’effort porte davantage sur les grandes entreprises et les qualifications de niveau supérieur ?

M. François Jolivet (HOR). L’économie de la construction s’effondre. La moitié de la production de logements sociaux est liée aux opérations mixtes des promoteurs ; or celles-ci disparaissent, puisque la remontée des taux empêche un grand nombre d’accessions à la propriété. Les investisseurs ont vu leur rentabilité s’écrouler. Les promoteurs, régionaux et nationaux, prévoient des plans sociaux. Enfin, les banques transforment leurs relais de trésorerie en prêt de bas de bilan ; elles envisagent de les transformer en actions pour contrôler les promoteurs et perdre moins d’argent.

Le secteur du logement est un supertanker : il lui faut énormément de temps pour s’arrêter, ce qu’il est en train de faire ; il lui en faudra autant pour redémarrer.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Ma question porte sur le plan de lutte contre les fraudes annoncé par Gabriel Attal au mois de juin dernier. Quelques ajustements bienvenus sont inscrits dans ce projet de loi de finances ; mais sans moyens de contrôle supplémentaires, vous n’irez pas bien loin. Or aucune augmentation réelle des moyens du contrôle fiscal n’est prévue, puisque les 1 500 effectifs supplémentaires sont des redéploiements, qui viennent après la perte de 1 600 postes au cours des cinq dernières années. Les services d’enquête et de justice ne reçoivent pas de moyens supplémentaires, et aucun changement de paradigme ne viendra empêcher l’évitement de l’impôt à grande échelle.

Pourquoi ne faites-vous pas le choix politique d’aller chercher les 80 à 120 milliards de manque à gagner annuels dus à l’évasion fiscale ? Un agent du contrôle fiscal rapporte 1,5 million par an, un agent de Tracfin 30 millions ; en dehors des redéploiements de moyens dans le contrôle fiscal, qu’en est-il de la justice et des services d’enquête, nécessaires pour aller chercher les milliards ? Vous pourriez augmenter considérablement les recettes de l’État tout en rétablissant la justice fiscale au lieu d’imposer aux plus modestes une austérité brutale.

M. Karim Ben Cheikh (Écolo-NUPES). Nous apprécions l’augmentation des moyens budgétaires et humains de la mission Action extérieure de l’État, mais il faut la rapporter à ce qu’a subi notre appareil diplomatique depuis près de trente ans. Vous connaissez les conséquences de son démantèlement sur le réseau consulaire, avec la crise des visas et la fragilisation de nos compatriotes les plus vulnérables. Sans réarmement de notre diplomatie, ce sont nos opérations extérieures qui sont mises en danger : on le voit au Sahel, où nous brillons par notre absence et finissons par laisser la place à d’autres acteurs pas toujours bienveillants.

Cette augmentation s’inscrit-elle bien dans une vision pluriannuelle du réarmement de notre diplomatie ? Pourquoi alors ne pas reprendre la proposition, formulée lors des états généraux de la diplomatie, d’une loi de programmation qui serait l’occasion de repenser notre outil diplomatique ? Nous ne sommes manifestement pas outillés pour faire face aux enjeux nouveaux, comme l’a montré la succession de déconvenues dont nos compatriotes installés à l’étranger sont les principales victimes collatérales.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Roseren, s’agissant de l’alignement de la fiscalité des locations, restons prudents. Une majorité de bailleurs sont au régime réel et n’optent pas pour les abattements forfaitaires de 30 % pour la location nue ou 50 % pour la location meublée. Par ailleurs, l’alignement, par souci de cohérence, de l’abattement de 30 % sur celui de 50 % coûterait un milliard d’euros ; si en revanche nous baissions l’abattement de 50 %, nous ferions plus de 500 000 perdants. C’est une question d’une sensibilité extrême, et je propose que nous regardions cela ensemble.

À l’inverse, il est possible de faire évoluer rapidement le PTZ, y compris dans le PLF si les parlementaires le souhaitent.

Madame Dupont, la recherche d’un meilleur équilibre entre les économies demandées par l’État et la dynamique économique des CCI que nous avons engagée ensemble depuis sept ans fonctionne. Je suis tout à fait ouvert à la discussion sur les montants d’économies demandées aux CCI.

S’agissant du logement, je partage l’analyse de Mme Bonnivard. Nous pouvons prendre des mesures immédiates, dans le PLF. D’autres demandent plus de travail, notamment les prêts bonifiés, instruments nouveaux qui demandent la coopération de multiples acteurs.

En ce qui concerne le logement social, l’urgence était de sauver les programmes en cours. Cela a été fait par le rachat de différents programmes par CDC Habitat et Action logement, aux termes d’un accord que nous avons conclu au mois de juin dernier.

J’ai aussi décidé de plafonner le taux du livret A à 3,5 % pour trouver le bon équilibre entre la rémunération des épargnants et le financement du logement social. C’est un effort important, parfois difficile à expliquer à nos compatriotes. J’assume cette décision mais j’aimerais que les acteurs du logement social ne l’oublient pas trop vite.

S’agissant enfin du financement de l’action extérieure de l’État, il me semble que cela pourra faire l’objet d’un débat utile au Parlement.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Madame Dupont, en ce qui concerne le logement intermédiaire, nous avons transformé l’exonération de taxe foncière en créance d’impôt sur les sociétés. Pour bénéficier de cette évolution, la structure juridique doit comprendre uniquement des personnes morales. Le PLF pour 2024 étend la créance d’impôt sur les sociétés aux sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) intégralement détenues par des personnes morales.

Monsieur Laqhila, dès lors que l’évolution proposée par M. Falorni n’entraîne pas une hausse du droit de passage pour les usagers mais modifie seulement l’utilisation de la ressource par les collectivités concernées ‑ ce qui s’inscrit dans un objectif de responsabilisation des collectivités ‑, il me semble que c’est une bonne idée à laquelle je pourrai être favorable.

Monsieur Allisio, ce projet de loi de finances contient dix dispositifs législatifs nouveaux : ce n’est pas rien, et cela consolide un plan de lutte contre les fraudes qui comprend quatre-vingt-six mesures dont toutes ne sont pas de niveau législatif.

Lors des dialogues de Bercy, Mme Pires Beaune a formulé au nom du groupe socialiste des propositions concrètes pour enrichir le plan. Je n’ai rien entendu de tel de la part du Rassemblement national : ce plan doit donc vous paraître suffisant, vous avez seulement du mal à le reconnaître.

Madame Leduc, de la même manière, je vous invite à regarder ce qui concerne dans le projet de loi le renforcement du contrôle des prix de transfert. Nous créons l’Office national antifraudes (Onaf) ; nous doublons notamment le nombre des officiers fiscaux judiciaires. Sur ce sujet de la fraude sociale, fiscale et douanière, nous pouvons nous retrouver. Le Gouvernement agit de manière ambitieuse, et ces évolutions concrètes sont très attendues des agents.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie.

Je ne trouve pas trace dans le rapport du FMI du passage sur l’exception française en matière d’inflation.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous le fournirai. Je vous renvoie également au rapport de l’Insee, qui montre clairement que l’inflation est d’abord tirée par l’augmentation du prix des intrants et de l’énergie, et en troisième position seulement par les marges des entreprises. Il me paraît préférable de s’attaquer aux sources de l’inflation.

M. le président Éric Coquerel. Je ne partage pas votre diagnostic, mais nous en reparlerons.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je précise que, lorsque j’ai formulé des propositions contre la fraude, c’était au nom de l’ensemble de l’intergroupe NUPES.

 


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   audition du président du haut conseil
des finances publiques

Lors de sa réunion du mercredi 27 septembre 2023, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut conseil des finances publiques sur l’avis du Haut conseil sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (M. JeanRené Cazeneuve, rapporteur général)

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons pour la deuxième fois cette semaine, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), M. Pierre Moscovici, afin qu’il nous présente l’avis rendu par le Haut Conseil sur le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, qui viennent d’être présentés à Bercy devant la presse. Cet avis porte sur les prévisions macroéconomiques qui fondent le PLF et le PLFSS, ainsi que sur la cohérence entre leur article liminaire et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation. Le Haut Conseil doit également donner son avis sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du PLF et du PLFSS.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP), au sujet duquel nous avons déjà échangé, détermine la trajectoire de nos finances publiques d’ici à 2027. L’avis du Haut Conseil que je vous présente aujourd’hui examine la première brique, dont dépend la crédibilité de l’ensemble.

Conformément à la loi organique du 28 décembre 2021, le Haut Conseil a été non seulement saisi des prévisions macroéconomiques, mais il a également porté une appréciation sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des PLF et PLFSS. Une fois n’est pas coutume, le Haut Conseil a bénéficié, en réponse à sa demande, d’un enrichissement des informations relatives aux finances publiques qui lui ont été transmises par l’administration et de délais presque convenables, puisque nous avons eu une semaine pour accomplir notre mission. Les choses s’améliorent donc, et vous n’entendrez pas notre traditionnelle remarque d’humeur médiocre à ce sujet. Je me félicite de la qualité de ces échanges, car nous pouvons mieux jouer notre rôle au service du Parlement et des citoyens.

Notre avis délivre deux messages principaux. Premièrement, les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour 2024 reposent sur une hypothèse de croissance de 1,4 % que le Haut Conseil estime élevée. Deuxièmement, la prévision d’un solde public de 4,4 points de PIB paraît, quant à elle, optimiste.

Après avoir faibli en 2023, la croissance de l’économie mondiale resterait globalement inchangée en 2024. Elle serait pénalisée par une inflation certes en baisse mais toujours élevée, et par des politiques monétaires durablement restrictives au sein des pays développés. L’environnement économique mondial devrait rester peu porteur pour la croissance française et nos finances publiques.

Aux États-Unis, en dépit du relèvement des taux par la Fed au rythme le plus rapide observé depuis quarante ans, la croissance a mieux résisté en 2023 que ce qui avait été anticipé. La hausse de l’emploi et le repli de l’inflation ont soutenu la croissance du revenu réel des ménages, donc leur consommation, tirée en outre par une forte baisse du taux d’épargne. L’ampleur du soutien budgétaire en faveur des infrastructures et de la réindustrialisation a également stimulé l’investissement. La dégradation de la situation financière des ménages, qui ont largement puisé dans leur épargne accumulée pendant la crise sanitaire pour nourrir leur consommation, ainsi que le resserrement monétaire, devrait cependant peser sur la croissance américaine en 2024. Les prévisions indiquent que celle-ci devrait ralentir significativement, même si ce pays devrait éviter la récession.

Quant au rebond de la croissance chinoise qui a suivi la levée des restrictions liées à la fin de la politique de zéro covid, il s’est révélé de courte durée. Les inquiétudes concernant la situation du secteur immobilier et la situation de l’emploi pèsent sur les dépenses des ménages et des entreprises qui ont eu tendance à privilégier l’augmentation de leur taux d’épargne et le désendettement. De surcroît, les tensions géopolitiques se sont traduites par une chute des investissements étrangers et un affaiblissement des exportations. L’évolution récente des prix à la consommation et le surendettement de certains acteurs majeurs de l’immobilier ainsi que des collectivités locales devraient continuer à peser sur l’économie chinoise dans les trimestres à venir, d’autant que les autorités sont peu enclines à stimuler la croissance – ce qui constitue un facteur d’incertitude.

Les économies de la zone euro traversent une phase de ralentissement. Les indicateurs publiés cet été signalent que l’activité pourrait se contracter dans plusieurs pays européens. La hausse des taux de la Banque centrale européenne de 450 points de base depuis juillet 2022 affecte progressivement les économies. La demande de crédit a chuté en lien avec la hausse des taux d’intérêt, entraînant une diminution des investissements et une dégradation du marché immobilier – nous n’en sommes pas préservés. En Allemagne, en particulier, les perspectives sont nettement assombries pour les prochains mois. Les instituts de conjoncture prévoient une contraction du PIB pour l’ensemble de 2023, notamment du fait de l’industrie. Toutefois, même si elle reste très modeste et sur une base dégradée, la croissance devrait intervenir en 2024. Elle serait comprise entre 1 % et 1,3 % selon les prévisions disponibles. L’activité allemande serait tirée par un rebond de la consommation, grâce à la conjonction d’une forte hausse des salaires et du recul de l’inflation, qui redonnerait du pouvoir d’achat aux ménages.

Ces prévisions sont marquées par beaucoup d’incertitudes : les tensions géopolitiques ; la poursuite du conflit en Ukraine ; l’évolution des prix du pétrole, qui sont passés de 80 dollars à la fin juillet à 90 dollars à la mi-septembre après la décision de l’Opep de restreindre son offre de pétrole ; la vitesse et l’ampleur du repli de l’inflation, lequel conditionne la trajectoire à venir des taux d’intérêt des banques centrales ; la densité et la gravité des effets de la hausse des taux déjà effectuée sur la croissance et l’inflation ; les risques sanitaires qui n’ont pas disparu même s’ils ont nettement reculé.

Concernant les prévisions macroéconomiques du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance retenu pour l’économie française en 2024 est élevé, mais que la prévision de l’inflation, à 2,6 %, et celle de la masse salariale sont plausibles. Au-delà des nombreux aléas que je viens de mentionner, l’exercice de la prévision économique appelle à beaucoup de modestie. L’évolution de certains comportements économiques, comme le taux d’épargne des ménages – pourquoi est-il élevé ? – et la faiblesse durable de la productivité sont difficiles à comprendre pour tout le monde. Les hypothèses quant à leur persistance ou, au contraire, un retour à la normale, diffèrent fortement selon les prévisionnistes que le Haut Conseil a auditionnés. Elles ont pourtant une incidence majeure sur les prévisions économiques.

Selon le Gouvernement, la croissance du PIB s’établirait à 1 % en 2023 et à 1,4 % en 2024. Avec une hausse de 0,5 % au deuxième trimestre 2023, l’activité économique en France a été beaucoup plus soutenue que ce qui avait été anticipé, portant l’acquis de croissance à 0,8 % à la fin du premier semestre. Depuis, l’économie semble être entrée dans une phase de ralentissement. Le resserrement de la politique monétaire commence à se faire sentir, au-delà du secteur immobilier qui est déjà fortement affecté. Les informations conjoncturelles disponibles pour le troisième trimestre montrent un fléchissement des anticipations des chefs d’entreprise et une confiance des ménages qui peine à se redresser. La prévision du Gouvernement d’une croissance de 1 % en 2023, équivalente à celle de la Commission européenne, reste cependant plausible, car une croissance trimestrielle légèrement positive aux deux derniers trimestres est suffisante pour l’atteindre.

En revanche, pour 2024, la prévision du Gouvernement s’écarte nettement de celles des autres instituts de prévision. Elle est légèrement supérieure à celles de la Commission européenne, à 1,2 %, de l’OCDE, à 1,2 % et du FMI, à 1,3 %, même si ces deux dernières datent de près de trois mois. Elle est supérieure à celle du consensus des économistes de septembre, à 0,8 %, dans une fourchette comprise entre 0,3 % et 1,3 % ; supérieure également à celle de tous les prévisionnistes auditionnés par le Haut Conseil, aussi divers que Rexecode, l’OFCE et la Banque de France – ces estimations varient entre 0,4 % et 0,9 %. En outre, il nous semble que les hypothèses du Gouvernement sont fragiles. Elles supposent que le durcissement des conditions de crédit aura des effets limités sur l’investissement des entreprises en 2024 et que, contrairement aux prévisions des instituts auditionnés par le Haut Conseil, il entraînera un recul beaucoup plus faible de l’investissement des ménages en 2024 qu’en 2023. Aussi affirmons-nous que cette prévision est élevée, même si nous reconnaissons que, compte tenu des nombreuses incertitudes qui affectent toute prévision pour 2024, elle n’est pas inatteignable. Mais qu’elle soit éventuellement atteignable n’en fait pas pour autant une bonne base pour construire une loi de finances. En général, les informations disponibles ne conduisent pas à prévoir une croissance de 1,4 %, et le Haut Conseil le dit.

Concernant l’inflation, l’augmentation de l’indice des prix à la consommation serait de 4,9 % en moyenne en 2023 selon le scénario du Gouvernement. C’est plausible. Pour 2024, sous une hypothèse de 86,10 dollars du baril, l’inflation est prévue à 2,6 % en moyenne annuelle. Le repli de la hausse des prix des produits alimentaires et manufacturés se poursuivrait, tandis que celui des services progresserait à un rythme plus élevé que celui constaté avant la crise sanitaire, du fait de hausses de salaires plus dynamiques. Le Haut Conseil estime que cette prévision est, elle aussi, plausible. Comme pour 2023, il nous semble toutefois qu’elle est affectée d’un risque de dépassement, lié notamment à la hausse récente du prix du pétrole.

Le Haut Conseil considère également que la prévision de masse salariale pour 2023 et 2024 est plausible.

En somme, notre avis est que la prévision de croissance pour 2024 est élevée, même si des incertitudes demeurent, que la prévision d’inflation est crédible avec toutefois des risques de dépassement, et que les prévisions d’emploi et de masse salariale sont plausibles.

J’en viens aux prévisions relatives aux finances publiques. Le scénario du Gouvernement prévoit un solde public effectif de moins 4,9 points en 2023 et de moins 4,4 points en 2024. La prévision de solde pour 2023 n’appelle pas de remarque. Elle semble plausible. Celle pour 2024 nous paraît conjuguer principalement des hypothèses favorables, tant du côté des recettes que de celui des dépenses, et pourrait être surestimée.

Détaillons les prévisions d’évolution des recettes. En 2023, les prélèvements obligatoires augmenteraient, selon le Gouvernement, de 3,7 % pour atteindre 1 241 milliards. L’évolution de ces recettes refléterait une croissance spontanée,de 4 %, sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur, se traduisant par une élasticité des recettes nettement inférieure après deux années d’élasticité particulièrement élevée. La liste des principaux impôts ne fait pas ressortir de biais importants. En 2024, la prévision de prélèvements obligatoires serait à 1 292 milliards d’euros, soit plus 4,1 % par rapport à 2023, et très proche de celle du PIB en valeur. Les mesures nouvelles viendraient amputer les recettes de prélèvements obligatoires à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Cette prévision paraît haute, notamment du fait d’une hypothèse de croissance de l’activité elle-même optimiste : 0,5 point de croissance en plus ou en moins représente 0,2 point de déficit en plus ou en moins. Ce biais affecte plus particulièrement les prélèvements obligatoires dont les assiettes sont les plus corrélées au PIB, comme la TVA et l’impôt sur les sociétés. Au-delà de l’incidence de l’hypothèse de croissance, la prévision de prélèvements obligatoires est aussi tirée par des hypothèses favorables concernant le rendement de certains impôts, avec notamment une croissance prévue de la TVA supérieure à celle de sa base taxable et un arrêt prévu de la baisse des droits de mutation à titre onéreux. Pour résumer nos observations, les recettes nous paraissent un peu surestimées.

J’en viens à l’évolution des dépenses publiques. En 2023, hors crédits d’impôt, celles-ci augmenteraient de 3,4 % en valeur, pour s’élever à 55,9 points de PIB contre 57,7 en 2022. En volume, elles reflueraient de 1,3 %, ce qui résulte de la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire – le « quoi qu’il en coûte » serait enfin fini –, et de la baisse du coût des mesures liées à l’inflation et aux dépenses de relance. Une fois ces dépenses exclues, les dépenses publiques augmenteraient de 5,4 % en valeur et de 0,5 % en volume. En 2024, les dépenses augmenteraient de 3 % en valeur et de 0,5 % en volume. La progression serait cependant nettement plus sensible : une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien, elle atteindrait 4,8 % en valeur et 2,2 % en volume. En 2024, le poids des dépenses publiques dans le PIB serait encore supérieur de 1,5 point à ce qu’il était avant la crise sanitaire, à 55,3 contre 53,8 en 2019.

Dans le nouveau périmètre des dépenses de l’État, la très forte réduction du coût des mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie serait presque compensée par la hausse résultant des priorités gouvernementales. Les mesures en faveur de la transition énergétique ou écologique augmentent de 7 milliards d’euros. Les mesures d’attractivité pour l’éducation nationale progressent de 3,1 milliards d’euros. Les politiques sectorielles font l’objet de crédits supplémentaires inscrits dans les lois de programmation pour la défense, la justice, la recherche et l’intérieur.

Enfin, la charge des intérêts de l’État augmenterait entre 2023 et 2024 de près de 10 milliards d’euros en comptabilité nationale. Cette prévision de hausse des dépenses publiques est sujette, selon nous, à plusieurs facteurs de dépassement. D’abord, le coût du bouclier tarifaire pour les prix de l’électricité, maintenu en 2024, est fortement dépendant des prix à venir sur les marchés de gros, et son coût paraît faible au vu des prix observés au cours des derniers mois. Ensuite, le Gouvernement prévoit un net ralentissement des dépenses de santé sous Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie) à 3,2 %, contre 4,8 % en 2023 : cela suppose un infléchissement de la tendance spontanée des soins de ville, qui semble optimiste, et un volet d’économies de 3,5 milliards d’euros, qui est costaud. Un tel montant d’économies a déjà été atteint par le passé, mais il paraît sensible ou complexe à atteindre dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et dans l’offre de médicaments. Par conséquent, les dépenses publiques pourraient s’avérer plus élevées que prévu, en particulier s’agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé.

Au total, il ressort de cette analyse des recettes et des dépenses par le Haut Conseil que la prévision de hausse de 4,4 % des dépenses publiques qui vous sera présentée n’est pas inatteignable, mais est optimiste.

Enfin, le ratio de dette publique diminuerait de deux points en 2023, pour s’établir à 109,7 points de PIB grâce à une croissance de 6 % de ce dernier, et il ne baisserait plus en 2024. La croissance du PIB en valeur serait encore forte, mais retrouverait une valeur plus proche des évolutions des vingt dernières années.

En conclusion, 2024 sera une année charnière pour nos finances publiques. Notre déficit public demeure toujours sensiblement supérieur à la limite de trois points de PIB prévus par les règles du pacte de stabilité, et il se ralentit lentement. Or la Commission a annoncé que la clause dérogatoire générale activée en 2020 ayant conduit à une suspension de facto des règles applicables devrait être désactivée à la fin de 2023 et qu’elle ouvrirait, le cas échéant, des procédures pour déficit excessif dès le printemps 2024. Par conséquent, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024 sont importants et scrutés. C’est la première étape qui doit conduire au respect de nos engagements européens. Je souhaite, pour ma part, que ces règles soient réformées d’ici à la fin de l’année.

Le Gouvernement prévoit une progression sensible des dépenses publiques en 2024, malgré une sortie des crises sanitaire et énergétique et l’extinction des mesures de soutien qu’elles ont suscité. Les dépenses continueront à augmenter davantage que le recommandait l’Union européenne dans le cadre du semestre européen en juin dernier.

Dans un contexte de forte progression de la charge d’intérêt et des dépenses, le projet de loi de finances contient peu de mesures d’économies structurelles. Pourtant, 2023 était le premier millésime des revues de dépenses organisées et le projet de loi prévoit une quasi-stabilité du taux de prélèvements obligatoires. Il en résulte une simple stabilité du ratio de dette prévu, alors même que la France voit sa position d’endettement relatif au sein de la zone euro se dégrader au cours des dernières années. Depuis 2020, et même avant, le Haut Conseil appelait l’attention sur le risque de la dette : ce n’est plus un risque. Avec 31 milliards d’euros en 2021, 57 milliards cette année et 84 milliards en 2027 – ce sont les chiffres du Gouvernement –, la charge de la dette annuelle connaîtra un quasi-triplement et devient progressivement supérieure au poste budgétaire le plus élevé de l’État. C’est pourquoi le Haut Conseil continue à appeler à la plus grande vigilance quant à la soutenabilité à moyen terme de nos finances publiques.

M. le président Éric Coquerel. Vous estimez que la prévision de croissance pour 2024, même si elle a été récemment baissée par le Gouvernement de 1,6 à 1,4 %, reste élevée face à celles de la Banque de France, de 0,9 %, et du consensus des économistes, de 0,8 %. Bruno Le Maire fait régulièrement remarquer que les prévisions des mêmes économistes étaient plus pessimistes que le résultat attendu pour la fin de l’année. Pour ma part, je considère que le maintien de la croissance en France est peut-être lié à l’importance des dépenses publiques dans notre pays. En période de reflux, c’est un élément plutôt positif pour maintenir une activité économique, et cela explique pourquoi la France n’était pas entrée en récession après la crise des subprimes. J’y vois l’une des raisons d’un non-dit que vous relevez : la baisse pérenne des dépenses publiques, de 12 milliards d’euros, est finalement annoncée pour 2025 dans la LPFP, sans être documentée et, pour 2024, le Gouvernement se garde bien de procéder à une telle baisse – quand il y a une récession en Allemagne et quand un reflux de l’économie s’annonce en Chine, ce n’est pas le moment de baisser les dépenses publiques. Mais on ne le reconnaît pas et on propose une cote mal taillée.

Peut-être aussi que les prévisions de croissance du Gouvernement sont plus élevées que les autres à cause d’une vision du pouvoir d’achat des Français faussée par un raisonnement en moyennes. En se fondant sur une hausse de 1,8 % de la consommation soutenue par une hausse du pouvoir d’achat de 1,3 %, le Gouvernement ne tient pas compte des profondes inégalités parmi les ménages. Depuis fin 2021, la consommation en volume de produits agricoles et de produits agroalimentaires a baissé respectivement de 10,2 % et 11,6 % mais ces baisses ne touchent pas indifféremment toutes les catégories sociales, et l’augmentation du pouvoir d’achat est plus forte pour les plus riches, en particulier ceux qui perçoivent des revenus du capital – les dividendes et intérêts nets reçus par les ménages ont en effet augmenté de 4,2 % au deuxième trimestre 2023. En se reposant sur des moyennes, on ne voit pas que ce phénomène touchant la consommation est très largement porté par ceux de nos concitoyens qui n’ont pas ces moyens pour vivre et sont frappés par la crise. Pour moi, l’explication de la distorsion est là. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, la diminution du taux d’épargne de 0,4 % me laisse sceptique, alors que les Français, en particulier les plus populaires qui disposent malgré tout d’une petite épargne, commencent à y puiser pour faire face à la hausse des prix.

Enfin, vous considérez que les dépenses pourraient s’avérer plus élevées que prévu compte tenu du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé. D’ailleurs, en même temps qu’on annonce la fin du bouclier énergétique, le chef de l’État annonce un chèque carburant pour une grande partie des Français, reconnaissant ainsi que l’inflation continue à sévir sur le marché énergétique. Il serait également temps de comprendre qu’elle est davantage liée aux marges des entreprises qu’à l’organisation du secteur énergétique dans le monde.

Pour toutes ces raisons, je suis assez d’accord avec votre prudence et votre avis. Prenons date, je pense qu’à la fin 2024, le déficit sera plus élevé qu’annoncé par le Gouvernement, parce que la réalité rattrapera le budget.

Présidence de Mme Véronique Louwagie, vice-présidente de la commission.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Dans votre avis, toutes les hypothèses pour 2023 sont considérées comme plausibles. C’est dire que, malgré un environnement économique international particulièrement difficile, nous avons tenu nos objectifs en matière de dépenses, de déficit et de croissance. Par ailleurs, nous proposons un PLF empreint de responsabilité, avec la réduction des déficits conforme à la trajectoire définie dans la loi de programmation, l’accélération exceptionnelle de la transition écologique et le soutien des services publics prioritaires. Pour 2024, nous anticipons à la fois une baisse significative de l’inflation – projection que vous considérez comme plausible – et une augmentation de la croissance. Même si vous considérez que c’est optimiste, cela laisse penser que le plus dur est derrière nous.

Votre avis est balancé entre des considérations plausibles et des considérations optimistes.

Vous indiquez que la prévision de croissance du Gouvernement est trop optimiste, en particulier s’agissant du sous-jacent constituée la progression de la consommation et du pouvoir d’achat des Français. Pourtant, vous estimez que l’estimation gouvernementale du taux d’épargne des ménages est élevée. Quelles politiques publiques permettraient de libérer cette épargne ?

Vous considérez que le niveau de dépenses publiques anticipé par le Gouvernement pour 2024 pourrait être sous-estimé, en raison du coût du bouclier pour l’électricité et de l’Ondam, étant rappelé que ce dernier augmentera plus que l’inflation, l’an prochain. La piste d’une reconduite de la taxation exceptionnelle des profits des énergéticiens en 2024 pourrait-elle nous aider ? Les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement pour assurer « l’atterrissage » 2023, comme l’annulation récente de 5 milliards de crédits, ne sont-elles pas des gages de sérieux pour la tenue de notre budget pour 2024 ?

M. Pierre Moscovici. Le président Coquerel a livré de la résilience relative de l’économie française en 2023 une explication que je respecte, mais personne n’est en mesure d’expliquer ce qui s’est passé au deuxième trimestre 2023. Tirer une interprétation générale et systémique de ce phénomène intervenu entre une tendance assez plate au premier trimestre et un ralentissement au troisième et au quatrième trimestres, me paraît audacieux, et je ne m’en sens pas capable.

Les mesures de soutien ont, certes, contribué à préserver le pouvoir d’achat des ménages, mais la consommation de ces derniers, qui a reculé de 0,2 % en 2023, n’a pas été le moteur de la croissance ; celle-ci a plutôt reposé sur l’investissement et les exportations. Peut-être y a-t-il eu un phénomène exportation ; en tout cas, quelque chose s’est passé, qui est un isolat. Peut-être est-ce une conséquence structurelle, la France a été moins handicapée que l’Allemagne par sa moindre exposition au gaz russe et aux marchés mondiaux. Tout cela ne me paraît pas être en lien direct avec la dépense. Il existe toujours de bons motifs de ne pas toucher à la dépense, mais nous sommes restés en croissance positive.

Enfin, assimiler les choix qui seraient faits cette année à de l’austérité n’aurait pas grand sens : notre pays n’a pas voté un budget en équilibre depuis cinquante ans et nonobstant les choix qui seront faits, la dépense continuera de croître dans la plupart des départements ministériels. Nous atteindrons encore le niveau de 55,9 % de dépenses publiques dans le PIB – si c’est cela l’austérité… La dépense publique par habitant est de 28 % supérieure à ce qu’elle était en 2000. La France ne sort pas vraiment de vingt années d’austérité et elle n’y est toujours pas entrée – nous ne le préconisons en rien.

Monsieur le rapporteur général, je suis un peu embarrassé par vos questions parce qu’au fond, nos analyses convergent. Il ne faut pas faire dire au HCFP ce qu’il ne dit pas. Le HCFP se fonde sur les prévisions qu’on lui donne, celles du Gouvernement et celles des autres, pour faire des raisonnements économiques. Son rôle n’est pas de faire des préconisations de politique publique. Il ne porte pas de jugement sur ce que fait le Gouvernement ; il fournit les bases du débat. Celles-ci sont toujours objectives et si elles déplaisent, c’est involontaire. Ce sont les analyses d’un cénacle pluraliste, dont les membres ont des opinions diverses.

Nous considérons que la prévision de croissance est élevée. Elle l’est. Elle est plus élevée que celles du consensus des économistes et de la Banque de France, plus élevée, en réalité, que celles de tout le monde. C’est un fait. Il arrive que ce soit démenti, comme cela a été le cas en 2023, ce n’est pas pour autant que la prévision est erronée. Je souhaite constater, en 2024, que les résultats sont meilleurs que prévu. Du point de vue des mécanismes économiques, ce qui nous fait penser que la prévision est élevée, c’est que pour la totalité des postes de demande –  consommation, investissement, exportations –, le Gouvernement est plus optimiste que les organismes auditionnés par le Haut Conseil. Notamment, il suppose que le durcissement des conditions de crédit a produit l’essentiel de ses effets, en particulier sur l’investissement des ménages, ce qui est une hypothèse favorable. Comment faire baisser l’épargne, je ne le sais pas, mais la question me semble plutôt de savoir comment vous arrivez à une hypothèse de baisse du taux d’épargne aussi optimiste et qui ne repose pas sur des comportements observables.

L’avis est balancé. Nous ne disons pas que la prévision de croissance est insincère ou irréaliste ; elle est atteignable. Elle n’est pas hors de portée pourvu que toutes les hypothèses très favorables se cumulent. Cela peut arriver et c’est pourquoi nous nous gardons de toute caricature. Mais il faut vraiment que les planètes s’alignent.

De la même façon, nous considérons que le déficit est optimiste mais pas inatteignable. Nous n’avons pas chiffré ce que serait le dépassement. Il ne serait peut-être pas considérable. Simplement, j’observe qu’un ralentissement pour atteindre 4,4 % de déficit serait déjà assez faible comparé à nos engagements européens, d’où la nécessité d’être vigilant. Tel est le message du HCFP, ni plus ni moins.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Nous avons lu avec attention l’avis du Haut Conseil des finances publiques : il tord le cou à de nombreuses contre-vérités qui circulent concernant le budget pour 2024.

Il n’est pas sérieux, nous dit-on. Le Haut Conseil estime que les prévisions sont plausibles et vraisemblables, mais que les nombreuses incertitudes dues à la situation économique, en particulier l’évolution de l’inflation, les rendent difficiles. Bercy a donc travaillé rigoureusement.

Le budget serait laxiste. Il prévoit pourtant une baisse du déficit et une stabilisation de la dette. La France est donc bien sur la route du rétablissement des finances publiques – un rétablissement prudent, pour ne pas casser la croissance comme cela a été le cas par le passé.

Le PLF incarnerait aussi l’austérité ou la casse sociale. Or les dépenses d’administration ou de sécurité sociale sont en hausse, les pensions de base sont revalorisées à plus de 5 % et les prestations familiales à près de 5 %, et l’Ondam est en hausse. Peut-on parler d’austérité dans un pays qui connaît une croissance de ses dépenses sociales ?

On dit que l’économie française s’effondre. Or le Gouvernement prévoit une croissance de 1,4 % en 2024, ce qui est mieux que l’Allemagne et les États-Unis comme c’est écrit dans l’avis. C’est bien le fruit de la politique économique et fiscale que nous menons depuis 2017.

Enfin, concernant les collectivités locales, l’avis montre qu’il existe une hausse des dépenses de fonctionnement contraintes, en raison de l’inflation et de la revalorisation du point d’indice. Mais il dit aussi clairement qu’il existe une progression encore forte de l’investissement des collectivités territoriales. Il est donc, là encore, à rebours du discours ambiant de certaines associations d’élus.

M. Frédéric Cabrolier (RN). Nous partageons vos inquiétudes concernant les indicateurs et les ratios que vous avez présentés : un solde public optimiste, à 4,4 % du PIB ; une inflation de 2,6 % crédible mais que les prix du pétrole et la hausse inquiétante des taux d’intérêt risquent de compromettre ; une croissance élevée, à 1,4 %, supérieure aux prévisions, entre 0,4 % et 0,9 %, d’autres organismes et instituts ; une augmentation alarmante de 10 milliards d’euros des charges d’intérêt en 2024, en passe de devenir bientôt le premier budget de l’État, devant celui de l’éducation nationale.

En 2020, la Commission européenne a déclenché la clause dérogatoire du pacte de stabilité qui a permis à la France de s’écarter des exigences budgétaires jusqu’en 2023. En 2024, cette clause prendra fin et la France risque de voir se déclencher le mécanisme de correction. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, le rapport du HCFP ne parle pas de la crise immobilière en gestation alors qu’elle jouera nécessairement sur le BTP.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Si je traduis vos propos, le Gouvernement joue au 421 avec le budget pour 2024 : c’est possible, mais peut-être pas probable.

Des prévisions de croissance que vous dites élevées et optimistes, dans un contexte d’austérité avec une baisse budgétaire de 16 milliards d’euros, ne sont-elles pas de nature à plomber l’économie ?

S’agissant de l’épargne, une hausse des salaires ne permettrait-elle pas de la débloquer ?

Malgré la hausse de certains salaires, la Fédération hospitalière de France estime à 5 milliards le manque à gagner pour l’hôpital à l’horizon de 2027, ce qui se traduirait par une dégradation des conditions de travail et donc de la santé des Français. L’évolution annoncée de l’Ondam est-elle responsable ?

Comment évaluez-vous le risque que fait courir à l’économie l’amplification de la crise immobilière ?

Les efforts d’investissement dans la transition écologique sont-ils en mesure de soutenir la croissance et d’orienter enfin la France vers le respect de ses engagements ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous avions alerté quant aux conséquences que pourrait avoir le « quoi qu’il en coûte ». L’évolution économique était prévisible, mais elle devient vertigineuse et continue de nous inquiéter.

Dans l’état des lieux précis que vous avez dressé, plusieurs voyants passent au rouge. La situation internationale présente des signes de décrochage – vous avez parlé de la récession en Allemagne. Les présidents des fédérations bancaires évoquent 25 % de chute des encours de crédit. La consommation alimentaire est en chute de 12 % en volume depuis un an et demi. Les orateurs précédents ont parlé de la crise du logement et du bâtiment, et d’autres investissements seront bientôt touchés. On anticipe des destructions d’emplois par centaines de milliers, et une charge de la dette, fruit du « quoi qu’il en coûte », qui rendra impossible toute marge de manœuvre. Tout cela est la conséquence logique d’une inflation très élevée, qui atteint deux chiffres sur les produits du quotidien.

Votre rapport parle d’un manque de crédibilité de la trajectoire de redressement présentée par le Gouvernement et de prévisions optimistes pour la croissance en 2024 et après. J’évoquerai, pour ma part, l’évolution de l’emploi salarié : elle s’effondre cette année mais, selon les prévisions du Gouvernement, elle rebondirait comme par magie à partir de l’année prochaine. On est loin des consensus économiques !

Au sujet de la trajectoire de redressement présentée par le Gouvernement, vous parlez d’un manque de crédibilité et de prévisions optimistes pour la croissance en 2023, 2024 et après. J’évoquerai, pour ma part, l’évolution de l’emploi salarié. Elle s’effondre cette année mais, dans les prévisions du Gouvernement, elle rebondirait comme par magie à partir de l’année prochaine. On est loin des consensus économiques !

Puisque vous n’émettez pas d’avis politique, parlons mathématiques. Sur quel montant d’économies supplémentaires devrait-on travailler dès 2023 ou en 2024 pour contrôler l’évolution des finances publiques et la charge de la dette issue de la décennie Macron ?

Si l’on corrige les hypothèses du Gouvernement pour les aligner sur celles du consensus, cette charge franchira-t-elle la barre des 100 milliards d’euros annuels – le double du budget de la défense et une fois et demie celui de l’éducation nationale – avant la fin du quinquennat ? Dans la période actuelle, il faut de la transparence, une vision de long terme et peut-être un peu de courage.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je salue la lucidité de votre évaluation quant à la robustesse des bases sur lesquelles repose notre projet de budget pour 2024. Les indicateurs macroéconomiques relatifs à l’inflation et à la croissance démontrent la capacité de résilience et de rebond de notre économie à la sortie d’une période tumultueuse, assurant ainsi une croissance significative et un contrôle rigoureux de l’inflation propres à protéger nos concitoyens. Cependant, vous exprimez des réserves quant à la prévision de croissance du Gouvernement, estimée à 1,4 %. Cette anticipation se rapproche pourtant sensiblement des projections avancées par des institutions internationales reconnues, comme le Fonds monétaire international (FMI) et l’OCDE.

Vous évoquez une possible sous-estimation des conséquences du resserrement des conditions de crédit. Quels facteurs pourraient, selon vous, entraîner un effet plus prononcé de ce resserrement sur les capacités d’investissement de nos ménages dans les prochains mois ?

Concernant les recettes fiscales, vous suggérez que la croissance des recettes de l’impôt sur le revenu pourrait être supérieure à nos estimations compte tenu de la vitalité des prélèvements à la source sur les revenus mobiliers. Pouvez-vous éclairer cette analyse ?

Enfin, le Gouvernement anticipe une modération de 0,4 % du taux d’épargne des ménages, hypothèse que vous jugez optimiste. Si ce taux diminuait davantage en 2024, quelles pourraient être les conséquences pour notre économie ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Nous avons reçu le PLF peu avant cette réunion, mais je crois savoir que certains journalistes l’ont eu plus tôt, à trois heures du matin. Je tenais à exprimer cette remarque.

La prévision de croissance, à 1,4 %, se situe loin au-dessus du consensus à 0,8 % –  un écart de 0,6 %, c’est énorme. Le qualificatif « élevé » employé par le Haut Conseil semble bien doux en comparaison de ceux qu’il a pu utiliser il y a quelques années. Avez-vous simulé les effets sur les autres variables macroéconomiques et sur les finances publiques d’un budget reconstruit sur une hypothèse de croissance de 0,8 % ?

La non-reconduction en 2024 de la contribution sur la rente inframarginale nous interroge. Le manque à gagner pourrait être de 3 milliards d’euros. Avez-vous interrogé le Gouvernement quant à ce choix ? Que pouvez-vous dire de la contribution exceptionnelle des raffineurs ? Alors qu’elle était chiffrée à 200 millions d’euros, il semblerait qu’on soit plutôt à 1 voire 1,2 milliard. Les documents ne sont pas clairs.

Le rapport du Haut Conseil confirmerait la prévision de croissance de la masse salariale autour de 3,6 % en 2024. Elle pourrait être atteinte, mais avec une croissance du salaire moyen plus haute, et de l’emploi, plus faible. Or les politiques budgétaires en matière d’emploi se justifient en partie par la prévision de croissance de l’emploi. Quel regard porte le Haut Conseil sur la diminution de 600 millions d’euros des crédits alloués à la mission Travail ? Ma question est la même concernant la diminution marquée des pactes régionaux d’investissement dans les compétences. L’État devait y investir 15 milliards d’euros entre 2017 et 2025, mais cet investissement chuterait à 3,9 milliards. Une erreur de prévision n’entraînerait-elle pas le risque de poursuivre une politique dévastatrice pour l’emploi et, par extension, pour la masse salariale ?

M. Christophe Plassard (HOR). L’avis du Haut Conseil relève que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement sont un peu optimistes quant au taux de 1,4 % de croissance pour 2024, mais plausibles en ce qui concerne notre taux d’endettement. Compte tenu de la situation à l’étranger, en particulier aux États-Unis, quelles sont les perspectives de sortie de l’inflation en France ? Les négociations voulues par Bercy sur les prix de l’alimentaire entre les industriels et les distributeurs permettront-elles d’endiguer, d’amortir, d’accompagner ce phénomène ?

Vous appelez aussi notre vigilance sur notre niveau de dette, qui nous prive de marges de manœuvre suffisantes pour faire face à des chocs macroéconomiques d’envergure ou à une crise comme celle de la covid en 2020. Nous sommes dans l’attente d’une réévaluation de la situation économique de la France par les agences de notation ; celle-ci arrivera courant octobre, soit en pleine discussion du projet de loi de finances. En matière budgétaire, mieux vaut préparer le pire pour attendre le meilleur : quelles seraient les conséquences d’une dégradation de la note de la France pour nos prévisions macroéconomiques et pour le contenu et les enjeux du PLF ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Le Haut Conseil se montre très prudent vis-à-vis des projections gouvernementales, s’agissant notamment de la prévision de croissance pour 2024, élevée par rapport à celles du consensus des économistes et d’autres organismes, ou d’un optimisme marqué pour tous les postes de demande, y compris de consommation et d’investissement. S’agissant de la dette publique, il rappelle l’importance de sa soutenabilité à moyen terme pour faire face à d’éventuels chocs économiques ou financiers ainsi qu’aux « besoins élevés d’investissement public, en particulier pour la transition écologique ». Les Écologistes rejoignent cette position ; clairement, il nous faut des moyens supplémentaires pour la financer : 13,9 milliards d’euros supplémentaires dès le PLF 2024 pour les transports, la rénovation thermique des bâtiments, les énergies renouvelables et l’agriculture.

Votre avis concernant les dépenses et la dette publique prend-il suffisamment en compte les avantages économiques potentiels de la transition écologique pour nos finances publiques, notamment en matière de création d’emplois, de croissance et de résilience économique ?

Comment garantir la crédibilité et l’attractivité de la France en retardant les investissements essentiels pour l’avenir ? N’est-ce pas un risque que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre, face à l’urgence climatique ?

Quelle appréciation juridique et comptable faites-vous de l’augmentation sous-entendue du budget vert de 33 à 40 milliards, soutenue par la majorité et par le Président de la République ?

Lors de la première lecture de la loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil avait soulevé dans son avis une insuffisante documentation de la lutte contre la fraude en ces mots : « L’effort de maîtrise de la dépense et la hausse prévue de certaines recettes, inscrits dans la loi de programmation, ne sont que partiellement documentés. » La situation vous semble-t-elle avoir évolué avec le PLF 2024 ? Le Haut Conseil peut-il faire un suivi de son avis ?

Enfin, que pensez-vous des propositions visant à renforcer durablement les effectifs et certains moyens juridiques français et européens – douanes, DGFIP, Urssaf – pour lutter contre les fraudes ?

M. Charles de Courson (LIOT). Merci pour cet avis copieux.

Vous signalez, page 19, que la réforme des retraites coûte aux finances publiques en 2024, avec 2,2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour 2 milliards d’économies. Avez-vous tenu compte de l’incidence pour l’Unedic et les finances départementales, essentiellement sur le RSA ?

Vous signalez que le déficit structurel, dans les prévisions gouvernementales, ne baisse que de 0,4 point de PIB en 2024. Or, dans le pacte de stabilité, l’Union européenne demandait à ceux qui étaient au-dessus de 60 % de PIB de dette publique de porter cette baisse à 0,5 point. La France risque-t-elle de faire l’objet d’une procédure pour déficit excessif ?

L’hypothèse gouvernementale de baisse du taux d’épargne est-elle crédible compte tenu des indicateurs qualitatifs ?

Votre comparaison de l’évolution de la productivité du travail en France et dans les autres pays européens montre l’anomalie française. Comment l’interprétez‑vous ? N’existe-t-il pas un risque pour l’emploi, avec le redressement de la productivité – on ne voit pas comment celle-ci pourrait continuer à baisser ?

Quelle est l’incidence du prix du baril de pétrole, plus élevé que dans les prévisions gouvernementales ? Quelle est la sensibilité de la croissance et de l’indice des prix ?

Enfin, vous signalez que la croissance de la TVA est supérieure à celle de sa base taxable. Comment expliquer un tel phénomène ? Est-ce parce qu’il n’y a plus que 100 milliards de TVA dans le budget de l’État alors que son produit est de 200 milliards ? La sécurité sociale et les collectivités territoriales en prendraient donc une part croissante ?

M. Pierre Moscovici. Nombre de questions entrent déjà dans le débat sur le PLF mais, étant président du Haut Conseil des finances publiques, je me garderai d’y répondre. Nous ne sommes pas là pour évoquer des scénarios alternatifs ; ce n’est pas notre mission.

Nous avons jugé que la prévision d’inflation du Gouvernement était plausible. Toutefois, l’incertitude demeure très forte car elle a été établie sur un prix du baril légèrement inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. Elle suppose également une régulation des prix alimentaires : celle-ci est en cours mais il reste à préciser jusqu’où elle ira.

Le taux d’épargne est une donnée qui est vue comme en baisse par le Gouvernement. Il faudra poser la question au ministre ; pour notre part, nous ne savons pas l’expliquer. Dès lors, c’est plutôt quelque chose de favorable.

Concernant la productivité, quelques explications sont possibles, comme l’effet de l’apprentissage ou la rétention de main-d’œuvre dans l’énergie. Une hausse de la productivité pourrait être à court terme défavorable à l’emploi mais favorable à long terme à la croissance, et donc aux finances publiques, ce qui serait une bonne chose.

Les 16 milliards d’économies ne constituent pas une politique d’austérité dans la mesure où ils sont pour l’essentiel non structurels. Ils correspondent au retrait de dispositifs qui sont liés à l’évolution des prix d’énergie. Cela n’aura donc pas de conséquence sur la croissance.

S’agissant des retraites, je vous invite à demander directement au Gouvernement le calcul de ce coût de 2,2 milliards d’euros. À ma connaissance, il n’inclut pas les effets de la réforme des retraites sur le RSA.

La lutte contre la fraude ne figure plus dans les mesures évoquées par le Gouvernement en 2024. Ce n’est donc pas un facteur d’ajustement des finances publiques, mais la question mérite sans doute d’être posée.

Une prévision de croissance élevée n’est pas sans effet sur le déficit. Si elle est établie à 0,8 point de PIB, il y aura un déficit supplémentaire de 0,3 point auquel il faudrait répondre soit par une hausse des prélèvements, soit par des baisses supplémentaires de dépenses, ou bien laisser aller l’augmentation du déficit à 4,7 points, ce qui serait vraiment très élevé au regard de nos engagements européens et poserait des problèmes pour la trajectoire future.

Le Gouvernement ne joue pas au 421 ; il parie plutôt sur des comportements économiques vertueux permettant d’aboutir à une prévision élevée. Même si les observations actuelles ne la laissent pas présager comme probable, elle n’est pas impossible. On nous objectera les résultats de l’an dernier qui, à notre sens, ne sont pas totalement expliqués et ne sont pas forcément reproductibles, mais ce sera à vous d’avoir un débat avec le Gouvernement sur ce pari.

La Commission européenne a annoncé que la clause dérogatoire au pacte de stabilité et de croissance serait désactivée à la fin de 2023 et qu’elle ouvrira des procédures pour déficit excessif dès le printemps 2024 sur la base des résultats de 2023. Or le solde public en 2023 demeure sensiblement supérieur à la limite des 3 points de PIB. L’amélioration du solde structurel demeure sensiblement inférieure aux exigences du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. De surcroît, les dépenses continuent à progresser en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne. Conclusion : je préfère nettement que les règles soient réformées et qu’on ait une appréciation davantage basée sur la tendance et l’analyse individualisée des profils de dette publique. Toutefois, cela signifie aussi que notre position relative au sein de la zone euro ne s’améliore pas et que, à notre sens, un effort plus grand est nécessaire.

La crise immobilière, par son ampleur, peut jouer un rôle compte tenu de ses conséquences sur l’investissement des ménages, en baisse en 2023 et dont la baisse en 2024 nous semble sous-estimée par le Gouvernement, et sur les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), en chute de près de 20 % en 2023, la prévision de stabilité du Gouvernement pour 2024 nous paraissant optimiste.

Quant à l’investissement écologique, les 7 milliards de dépenses supplémentaires sont prévus dans le budget 2024. L’impact sur la croissance est incertain selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, et pourrait même être plutôt défavorable à la croissance à court terme. Il est pris en compte dans la trajectoire du Gouvernement. Il conviendra d’être attentif aux effets indirects de la dépense publique sur la dette et sur la charge d’intérêt.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Avant d’en venir aux questions des autres orateurs, je voudrais réagir sur le niveau des prélèvements obligatoires. Je suis assez dubitative sur leur croissance spontanée de 3 %. J’en veux pour preuve le tableau de bord du Gouvernement de juillet 2023, qui présente des recettes d’impôt sur le revenu en baisse de 5 % par rapport au niveau de juillet 2022, des recettes d’impôt sur les sociétés en baisse de 14,8 % et des recettes fiscales qui globalement, à périmètre courant, ont diminué de 7,7 %. Cette croissance spontanée de 3 % vous paraît-elle cohérente ?

M. Patrick Hetzel (LR). La désactivation de la clause dérogatoire au pacte de stabilité et de croissance à la fin 2023 pourrait avoir des conséquences sur le spread. Étant donné l’état des finances publiques françaises, les taux d’intérêt pourraient être plus élevés pour la France que pour d’autres pays de l’Union européenne, ce qui enclencherait une spirale problématique pour le pays. Le Haut Conseil des finances publiques s’est-il intéressé à l’incidence potentielle de l’évolution du spread en 2024 ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’avis évoque l’impact négatif pour les finances publiques de la réforme des retraites en raison de la revalorisation des petites pensions. Le Haut Conseil a-t-il pu décliner les impacts en matière de consommation, non seulement en 2023 et 2024 mais également au-delà ?

Par ailleurs, vous évoquez le dynamisme de la dépense des administrations de sécurité sociale, qui est pour partie lié au mécanisme d’indexation des retraites et des prestations. Quelle est la part, dans l’augmentation totale de la dépense publique, de ce mécanisme d’indexation, qui représente 25 milliards d’euros, soit environ 1 point de PIB ?

M. Fabrice Brun (LR). Selon vous, le PLF 2024 répond-il à l’objectif d’obtenir de meilleurs résultats non pas en dépensant plus mais en dépensant mieux ? L’État se prépare en effet à emprunter un montant record sur les marchés et Bercy parie tout à la fois sur une hypothèse de croissance et sur une forte décrue de l’inflation que beaucoup jugent optimistes. Par ailleurs, je partage l’analyse de mon collègue Hetzel sur l’évolution des taux d’intérêt.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Tout d’abord, nous sommes plusieurs à ne pas avoir compris votre réponse sur le mécanisme de correction européen.

Ensuite, ne pensez-vous pas que les hypothèses macroéconomiques servant à l’élaboration du PLF, qui prennent en compte le prix du baril, devraient désormais intégrer les prix de l’électricité et du gaz, deux indicateurs qui étaient historiquement stables pour la France mais qui, malheureusement, ne le sont plus ? Ils ont en effet des incidences sur la bonne tenue du PLF.

M. Pierre Moscovici. Le spread est très stable depuis un an, alors que les marchés savent que la clause dérogatoire générale sera levée en 2024. La situation est donc anticipée. Par ailleurs – je n’ai pas répondu tout à l’heure à la question sur les agences de notation –, il ne nous revient pas d’intégrer cet aspect dans nos perspectives.

Concernant le mécanisme de correction européen, la clause dérogatoire devrait être levée le 1er janvier 2024. La Commission européenne examinera alors l’éventualité de procédures pour déficit excessif contre certains pays. À cet égard, une prévision de croissance un peu élevée, des dépenses qui ne baissent pas, un déficit élevé et une prévision qui peut être jugée optimiste sont des éléments qui seront pris en considération par la Commission. Celle-ci, loin d’être stupide ou bornée, sait se montrer flexible – en cinq ans à la tête de ce portefeuille, j’ai réussi à ne sanctionner personne. En revanche, les tendances font partie de la discussion, en particulier la crédibilité de la trajectoire et la LPFP.

J’ai dit, par ailleurs, que les règles actuelles ne paraissent pas satisfaisantes et que je préférerais qu’elles soient réformées pour être plus intelligentes. Ce sera à l’Eurogroupe, à l’Ecofin (Conseil pour les affaires économiques et financières), voire au Conseil européen de le décider dans les semaines qui viennent.

Nous estimons que les prévisions de prélèvements obligatoires sont plausibles pour 2023 et plutôt favorables pour 2024, notamment du fait d’une hypothèse de croissance de l’activité optimiste et aussi d’hypothèses favorables sur le rendement de certains impôts. Ces facteurs font que nous estimons que la prévision de déficit est peut-être un peu optimiste.

Les questions de M. Lefèvre sont à adresser directement au Gouvernement, qui pourra détailler ses propres hypothèses.

L’objectif de dépenser mieux est-il atteint avec le PLF 2024 ? C’est une appréciation politique qui vous revient. En tout cas, on peut dépenser beaucoup mieux. Des progrès, il y en a : la fin du « quoi qu’il en coûte » annonce un changement de cap que nous appelions de nos vœux depuis longtemps ; de moindres dépenses de 16 milliards témoignent d’une volonté d’équilibre, même s’il s’agit davantage de retraits de dispositifs que d’économies structurelles.

Nous pensons toutefois que le plus difficile est devant nous. Après les 16 milliards en 2024, dont 3,5 de dépenses structurelles, il faudra trouver 12 milliards de façon pérenne pour les années suivantes. L’exercice sera un peu différent ! La revue des dépenses publiques devra aller beaucoup plus loin, en prenant en compte l’investissement et le fonctionnement de l’État, ainsi que ceux des collectivités locales et de la sécurité sociale. Elle devra être débattue de façon beaucoup plus ouverte et démocratique, avec le Parlement et peut-être des institutions comme la Cour des comptes. Surtout, elle devra être faite dans la durée et non pas réservée à la saison budgétaire : quand il s’agira de trouver 12 milliards d’euros pérennes par an, il faudra changer de braquet et de méthode.

Je conclus en vous souhaitant une discussion budgétaire passionnante et fructueuse, et je rappelle mon message : nous avons besoin d’une loi de programmation des finances publiques. J’espère que nous aurons été entendus.


([1]) Au-delà de la mise en extinction de la plupart des dispositifs en dépenses, l’effort du Gouvernement se poursuit à travers le projet de loi portant mesures d’urgence pour adapter les dispositions du code de commerce relatives aux négociations commerciales dans la grande distribution, déposé le 27 septembre 2023.

([2]) Intervention du Gouverneur François Villeroy de Galhau, 7 septembre 2023.

([3]) Le mandat de la BCE, qui commande les décisions du Conseil des gouverneurs,- est centré sur la stabilité des prix. Il comprend un objectif d’inflation de moyen terme de 2 % mais pas de cible de croissance.

([4]) Les seuils de l’usure prévus au premier alinéa de l'article L. 314-6 du code de la consommation et à l’article L. 313-5 du code monétaire et financier sont calculés mensuellement par la Banque de France. Leurs valeurs en vigueur à la date de publication du présent rapport figurent dans un avis qu’elle a publié le 28 septembre 2023.

([5]) Du 10 au 19 mars 2023, quatre banques américaines, Silvergate Bank, Signature Bank, Silicon Valley Bank et First Republic Bank ont disparu. À l’initiative de l’État suisse, la banque UBS a racheté la banque systémique Crédit Suisse, ce qui a évité sa faillite.

([6]) FMI, Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2023.

([7]) OCDE, Perspectives économiques - Rapport intermédiaire, septembre 2023.

([8]) Ce taux s’établit autour de 14 % dans la zone euro (Eurostat).

([9]) INSEE, Point de conjoncture du 7 septembre 2023.

([10]) Il s’agit du salaire « vu du producteur » lorsqu’il est déflaté du prix de la valeur ajoutée.

([11]) Banque de France, Projections macroéconomiques, juin 2023.

([12]) L’année 2018 est utilisée comme référence car l’année 2019 est affectée par le double compte du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

([13]) Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2024.

([14])  V. Prieur, J. Sol Macher et E. Trézéguet, « Un objectif de déficit public tenu en 2022 malgré la crise énergétique », #TrésorEco, n° 330, juillet 2023, p. 3.

([15]) Corrigé des effets du bouclier tarifaire, ce même taux s’élèverait à 45,6 % en 2022 et 44,4 % en 2023.

([16]) Fonds d'urgence utilisable en temps de crise, le Fonds de résolution unique vise à empêcher la faillite des banques une fois les autres solutions épuisées. Financé par le secteur bancaire lui-même, toutes les banques des 21 pays membres de l’union bancaire de l’Union européenne devant s’acquitter d’une redevance annuelle, le fonds s’est constitué sur une période de huit ans, commencée en 2015 et terminée en 2023, par la mise en commun des contributions, pour un montant total de 80 milliards d’euros.

([17]) Selon le tableau récapitulatif des mesures nouvelles joint au tome I des Évaluations des voies et moyens annexées au projet de loi de finances pour 2024, il s’agit de l’ajustement de la fiscalité du gazole non routier, dont l’incidence budgétaire serait de 200 millions d’euros, du relèvement des malus sur les véhicules les plus polluants, dont l’incidence budgétaire serait de même ampleur, et de la création d’un crédit d’impôt investissement industries vertes (C3IV).

([18]) Le périmètre retenu est celui de l’ensemble des administrations publiques au sens des comptes nationaux, qui sert à calculer la dette publique au sens du traité du Maastricht.

([19]) Exprimé autrement, du fait de l’inflation, la quantité de services publics offerts ou financés diminue d’une année sur l’autre pour un même montant de dépenses à prix courants.

([20]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° 2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2024, septembre 2023.

([21]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° 2023-8 précité.

([22]) La nouvelle norme de dépenses de l’État se substituerait aux deux normes définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 qui a distingué la norme de dépenses et l’objectif de dépenses totales de l’État.

([23]) Y compris la mission Remboursements et dégrèvements, portée par le présent projet de loi de finances à 140,3 milliards d’euros de crédits de paiement, après 131,6 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2023. L’évolution ne diffère pas selon que la charge de la dette et l’amortissement de la dette liée à la covid-19 soient exclus de ce calcul ou qu’ils y soient inclus.

([24]) Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, p.91.

([25])  La révision organique du 14 mars 2022 a mis un terme à la convention suivant laquelle le solde de la sécurité sociale s’entendait comme l’addition de celui des branches du seul régime général et du fonds de solidarité pour la vieillesse. Les chiffres les plus usuels ne représentaient donc qu’environ 80 % des ressources et des charges de la LFSS. Afin d’avoir une vision consolidée des recettes et dépenses sociales, le choix a été fait que l’ensemble constitué des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du FSV soit la nouvelle référence.

([26]) Données Eurostat.

([27])  Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) définis par la comptabilité nationale recoupent largement les opérateurs de l’État, notion de comptabilité budgétaire.

([28])  Les administrations publiques locales regroupent les collectivités territoriales et des organismes divers d’administration locale, notamment les établissements publics locaux.

([29]) De la même façon, la hausse des prix entraîne une hausse des prélèvements obligatoires.

([30]) Haut Conseil des finances publiques, Axelle Lacan, note d’étude n° 2022-4, « En 2022, la hausse de l’inflation augmente le poids de la dette publique », septembre 2022.

([31]) Dans un contexte où la croissance du PIB est limitée, le fait que la charge d’intérêts de la dette demeure contenue contribue à ce que le niveau de solde public stabilisant le ratio d’endettement (voir encadré ci‑dessus) soit atteignable.

([32]) Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2024, septembre 2023, p. 6.

([33]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021 de la mission Remboursements et dégrèvements, juillet 2022. La recommandation n° 3 (reconduite) préconise de « comptabiliser les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en dépenses budgétaires de l’État ».

([34]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([35]) L'article 40 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 instaure, pour certaines entreprises exerçant leur activité dans le secteur de l’énergie, une contribution temporaire de solidarité au taux de 33 %, due au titre du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 par les entreprises dont 75 % au moins du chiffre d’affaires provient des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage. L’assiette de cette contribution établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés est égale à la différence entre le résultat imposable constaté au titre du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 et un montant égal à 120 % du quart de la somme algébrique des résultats imposables constatés au titre de l'ensemble des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 et précédant le premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022.

([36])  Au titre des versements de l’Union européenne, la loi de finances initiale pour 2023 prévoyait un montant de 12,983 milliards d’euros, prévision révisée à 10,867 milliards d’euros. En 2024, c’est un montant de 7,483 milliards d’euros qui est prévu, correspondant à la troisième tranche de versement au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience, dispositif de soutien aux investissements publics doté de 672,5 milliards d’euros et principal instrument du plan de relance européen NextGenerationEU.

 

([37]) Ne sont pas pris en compte, dans les crédits du budget général, la contribution de chaque mission au CAS Pensions.

([38]) Avec la contribution de chaque mission au CAS Pensions.

([39]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([40]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur. Cette loi prévoit une augmentation progressive des crédits dédiés à la recherche sur le champ de la mission Recherche et enseignement supérieur (+ 0,5 milliard d’euros en 2022, + 0,4 milliard en 2023 et de nouveau + 0,5 milliard chaque année entre 2024 et 2027, hors charges de pensions).

([41]) Le financement du RSA a été recentralisé pour la Seine-Saint-Denis, les Pyrénées Orientales, Mayotte, la Réunion et la Guyane. Le département de l’Ariège est également concerné depuis 2023.

([42]) Hors fonds de concours.

([43]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([44]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juillet 2023, page 39.

([45]) Par dérogation au principe selon lequel les variations d’emplois sont exprimées en ETP, cet article avait fixé un objectif exprimé en ETPT.

([46]) L’article 10 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, fixe un objectif de stabilité globale des schémas d’emplois de 2023 à 2027 pour l’État et ses opérateurs, sans se référer à l’incidence de ces schémas sur les plafonds d’emplois.

([47]) Données non retraitées des mesures de périmètre.