N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 19
 

 

 

COMMERCE EXTÉRIEUR

 

(Économie)

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Franck ALLISIO

 

Député

____

 

 



SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

INTRODUCTION

I. alors que le déficit commercial français demeure abyssal, LA TEAM FRANCE EXPORT apparaît sous-dimensionnée pour soutenir efficacement les entreprises exportatrices

A. Le solde commercial Français est structurellement déficitaire malgré une amélioration du nombre d’exportateurs

1. Après une année 2022 historiquement catastrophique, l’année 2023 devrait rester dans le rouge

2. Un accroissement du nombre d’entreprises exportatrices

B. LA Team France export : un outil utile mais limitÉ

1. Dédié principalement au développement international des PME et ETI, Business France bénéficie d’un budget constant qui demeure insuffisant en comparaison avec ses homologues étrangers

a. Business France s’inscrit désormais dans un nouveau contrat d’objectifs et de moyen avec l’État

b. Business France apparaît sous-dimensionné par rapport aux enjeux posés par la dégradation du solde commercial français

2. Les dispositifs de garantie assurés par Bpifrance Assurance Export bénéficient d’un financement stable

3. Le financement public des chambres de commerce et d’industrie a drastiquement diminué ces dernières années

4. Les régions participent au dispositif de soutien à l’export

5. La TFE reste encore un dispositif trop complexe qui nécessite un pilotage unique et lisible

II. l’annonce d’un plan export ne saurait combler le retard que la France a pris sur ses voisins européens

A. un plan export aux contours encore flous

B. Comparatif des stratégies export : les leçons à tirer des performances des Économies comparables en europe

1. L’Allemagne se caractérise par un tissu économique encore fortement industrialisé demeurant sur son sol

2. L’Italie bénéficie d’un riche vivier de PME exportatrices et d’une politique de soutien à l’export volontariste

3. La Suisse exporte des produits haut de gamme et innovants qui tirent sa performance commerciale sans toutefois bénéficier d’un fort soutien public au commerce extérieur

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 86 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


  
PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Après un déficit commercial historiquement élevé de 163,6 milliards d’euros en 2022, un doublement par rapport à 2021, celui-ci devrait s’afficher en 2023 à 105 milliards d’euros. Cette amélioration est principalement due à une baisse de la facture énergétique mais les causes profondes du recul de la France dans le commerce international restent patentes.

Le niveau de déficit commercial demeure au-delà de 100 milliards d’euros. C’est, avec l’explosion de la dette, l’échec le plus retentissant de ce quinquennat comme du précédent. Le sujet n’est toutefois pas nouveau car, depuis près de vingt ans, le niveau des importations est significativement supérieur à celui des exportations. Notre balance commerciale n’est que le reflet de nos choix de politique économique.

Les causes structurelles de cet état de fait sont connues depuis longtemps. La France paie le sacrifice, par nos gouvernements successifs, de notre industrie, de notre système éducatif et de formation professionnelle, de nos capacités d’investissement dans l’innovation et, concernant les crédits de la mission Économie, de nos dispositifs de soutien à l’exportation alors que nos concurrents renforçaient les leurs.

En quinze ans, nos gouvernements successifs auront fusionné deux directions du ministère des Finances compétentes en matière de commerce extérieur (absorption de la direction des relations économiques extérieures par la direction générale du Trésor) – ce qui fait de la France le seul pays de l’OCDE à ne pas disposer d’une administration chargée de promouvoir l’expertise –, mis le ministère du commerce extérieur sous tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (ce que n’a fait aucun pays de l’OCDE) et supprimé le rôle de la Coface pour la garantie du financement à l’exportation et l’assurance-prospection.

Recouvrer les moyens de nos ambitions en matière de commerce extérieur passe par la restauration d’une véritable direction des relations extérieures (aujourd’hui absorbée par la direction générale du Trésor) et d’un ministre du commerce extérieur de plein exercice (aujourd’hui sous tutelle du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et sans administration propre). Cette restauration doit également mener à la réattribution à la Compagnie française d’assistance pour le commerce extérieur (Coface) des compétences accordées à la Banque publique d’investissement et à la concentration de nos efforts dans la détection méthodique, bassin d’activité par bassin d’activité, des dizaines de milliers d’entreprises exportatrices qui nous manquent.

En tout, un peu plus de 300 millions d’euros seulement participent, au sein du budget de l’État, au soutien du commerce extérieur français. Cette somme paraît dérisoire au regard de l’importance que revêt cette politique publique de premier ordre et, surtout, eu égard à la situation catastrophique de notre balance commerciale.

 


   INTRODUCTION

Le soutien financier au commerce extérieur est une politique publique financée par des crédits dispersés entre diverses missions budgétaires, ce qui en rend le suivi particulièrement complexe. À cet égard, le rapporteur spécial regrette la suppression dans le projet de loi de finances 2023 du document de politique transversale (« orange budgétaire ») Développement international de l’économie française et du commerce extérieur.

Dès lors, le rapporteur spécial a concentré son attention sur deux actions principales qui portent les crédits de soutien à l’export des entreprises. Il s’agit des actions suivantes :

– l’action 7 Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie ;

– l’action 4 Développement international de l’économie française du programme 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, des moyens ponctuels avaient été mobilisés pour soutenir le commerce extérieur dans le contexte de crise sanitaire. Ainsi, l’action 3 Plan de soutien à l’export du programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance regroupe les crédits versés aux divers organismes en charge du soutien aux entreprises exportatrices (Business France, BPI assurance export ainsi que le Fonds d’études et d’aide au secteur privé). Des crédits résiduels demeurent sur cette action.

Enfin, l’ensemble des prévisions et résultats des procédures financières de soutien à l’export sont retracés dans le compte de commerce 915 Soutien financier au commerce extérieur.

Évolution des crÉdits se rapportant au SOUTIEN AU Commerce extérieur

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2023

PLF
2024

Évolution 2023-2024

LFI
2023

PLF
2024

Évolution 2023-2024

Action 7  Programme 134 Développement international des entreprises et attractivité du territoire

184,9

429,2

+ 132,2 %

184,9

185,1

+ 0,1 %

Action 4 – Programme 114 Développement international de l’économie française

121,5

111,5

– 8,2 %

121,5

111,5

– 8,2 %

Action 3 – Programme 363

Plan de soutien à l’export

0

0

-

8

8

0 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

Les crédits de paiement de l’action 7 du programme 134 demeurent à un niveau semblable à l’exercice précédent à 185,1 millions d’euros. La nette hausse constatée en autorisations d’engagement (+ 132,2 %) est seulement due à l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisée au bénéfice de Bpifrance Assurance Export dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l’État et Bpifrance AE.

Par ailleurs, la baisse des crédits finançant les garanties export portées par l’action 4 du programme 114 correspond à l’amélioration de la conjoncture économique et à la reprise des procédures de prospection fructueuses.

Enfin, l’extinction programmée du Plan de soutien à l’export se traduit par l’étiolement progressif des crédits de paiement correspondant aux AE engagées au cours des deux dernières années.

I.   alors que le déficit commercial français demeure abyssal, LA TEAM FRANCE EXPORT apparaît sous-dimensionnée pour soutenir efficacement les entreprises exportatrices

A.   Le solde commercial Français est structurellement déficitaire malgré une amélioration du nombre d’exportateurs

Demeurant dépendante aux importations de produits énergétiques, la France voit son déficit commercial s’aggraver avec la hausse des prix de l’énergie. Dans ce contexte, la hausse du nombre d’exportateurs constatée depuis quelques années est un signe encourageant qui ne peut toutefois pas permettre de résorber le déficit commercial français chronique depuis 2003.

1.   Après une année 2022 historiquement catastrophique, l’année 2023 devrait rester dans le rouge

En 2022, le solde commercial français s’établissait à – 163,6 milliards d’euros, un record. Le déficit commercial français devrait, cette année encore, atteindre un niveau dramatiquement élevé à près de 105 milliards d’euros et demeurerait proche en 2024 de 95 milliards d’euros. Cela représente près de 47 milliards d’euros de plus qu’avant la crise sanitaire (– 58 milliards d’euros en 2019).

L’amélioration du solde commercial en 2023 s’explique principalement par des facteurs étrangers à la politique de soutien au commerce extérieur. C’est en effet la diminution des prix de l’énergie qui permet une amélioration conjoncturelle du déficit commercial français au premier semestre 2023, le déficit français des biens énergétiques s’établissant à 37,1 milliards d’euros contre 64,5 milliards d’euros au second semestre 2022.

La balance commerciale de la France illustre la forte dépendance du pays aux importations de produits énergétiques. En 2022, le solde commercial des biens énergétiques a chuté de 70,5 milliards d’euros, constituant le principal déficit sectoriel de la France, dont l’ampleur varie en particulier en fonction des prix, sur lesquels l’économie française n’a pas d’influence significative.

évolution du solde commercial depuis 2013

(en millions d’euros)

Une image contenant texte, diagramme, capture d’écran, ligne

Description générée automatiquement

Source : Direction générale du Trésor.

Les exportations étant encore essentiellement composées de marchandises, la spécialisation française dans les services – dont la balance présente un solde positif et croissant depuis 2013 atteignant l’excédent record de 49,9 milliards d’euros en 2022 – restreint le potentiel d’exportation et rend nécessaire l’importation dans de nombreux secteurs d’activité. Les PME françaises de services sont ainsi bien plus dynamiques à l’exportation que celles de l’industrie manufacturière.

Par ailleurs, le mode d’internationalisation des multinationales françaises favorise les investissements directs à l’étranger (IDE) plutôt que les exportations. Les firmes multinationales françaises comptaient près de 49 000 filiales à l’étranger en 2020, soit davantage que l’Allemagne, l’Espagne ou bien l’Italie. Le nombre de ces filiales a par ailleurs augmenté de 50 % entre 2010 et 2019. L’activité à l’étranger de ces entreprises correspond pour partie à des délocalisations de productions de biens finaux auparavant réalisés en France. C’est donc bien la politique de désindustrialisation menée méthodiquement année après année par les gouvernements successifs qui mène à ce résultat désastreux.

D’autres facteurs structurels doivent aussi être soulignés. En particulier, la France souffre d’une exposition géographique à l’export moins favorable car tournée principalement vers les pays de l’Union européenne. À l’inverse, l’Allemagne se projette davantage vers l’Asie émergente où la demande y a été plus dynamique.

Enfin, les parts de marché de la France dans le commerce mondial reculent. En 2021 et 2022 celles-ci s’établissaient en effet respectivement à 2,6 % et 2,4 % alors qu’elles étaient stables entre 2012 et 2019 autour de 3 % et qu’elles culminaient au-delà de 5 % avant 2004.

2.   Un accroissement du nombre d’entreprises exportatrices

Malgré l’importance du déficit commercial français, il convient de noter l’accroissement du nombre d’exportateurs français. De fait, les entreprises exportatrices ([1]) depuis la France sont passées de 121 800 en 2007 à 146 600 fin 2022, soit une augmentation totale de 20 % sur 15 ans.

Cette évolution recouvre plusieurs cycles qui se sont succédés depuis le début des années 2000 :

– en premier lieu, une baisse du nombre d’exportateurs a été observée depuis le début des années 2000 jusqu’en 2011, dont une baisse moyenne de 1,2 % entre 2007 et 2011 ;

– puis une phase de reprise de 2012 à 2015 caractérisée par une hausse moyenne du nombre d’exportateurs de 1,9 % sur la période ;

– une quasi-stagnation entre 2016 et 2018 autour de 125 000 entreprises exportatrices ;

– enfin, une reprise très soutenue du nombre d’exportateurs depuis 2019 en croissance de près de 4 % en moyenne malgré un ralentissement en 2020 en lien avec à la crise sanitaire.

Le nombre d’entreprises exportatrices a finalement atteint un nouveau record de 147 900 au premier trimestre 2023 ainsi que l’illustre le graphique ci‑dessous.

Évolution du nombre d’entreprises exportatrices

(en milliers)

Source : DGDDI.

L’appareil exportateur français se caractérise par ailleurs par une plus grande stabilité par rapport à 2007. La part des entreprises exportant depuis au moins quatre ans est ainsi passée de 49 % en 2007 à 54 % en 2020 et celle des entreprises exportant depuis au moins deux ans de 73 à 77 %. Les entreprises se lançant ou retournant à l’exportation et celles ayant cessé d’exporter forment deux ensembles représentant chacun 23 % du total des entreprises exportatrices en 2020 contre 27 % en 2007. Ces tendances se sont partiellement inversées en 2020 et en 2021 suite à la forte augmentation des opérateurs à l’exportation « entrants ».

Ainsi, le nombre d’entreprises se lançant ou retournant à l’exportation (opérateurs « entrants » qui exportent alors qu’ils n’exportaient pas l’année précédente) a fortement diminué entre 2001 (39 200 entreprises) et 2011 (27 900) avant de se stabiliser à environ 29 000 jusqu’en 2020, puis d’augmenter de manière significative en 2021 (37 400) et atteignant 42 200 en 2022.

De même, le nombre d’entreprises arrêtant d’exporter (opérateurs « sortants » qui n’exportent pas alors qu’ils exportaient l’année précédente) a diminué de manière quasi-continue entre le début des années 2000 (37 700 en 2001) et 2019 (26 800). Dans le contexte de crise sanitaire, il a enregistré une légère hausse (29 700 en 2020, 31 600 en 2021) mais a diminué en 2022, s’établissant à 31 000.

Près de 79 000 des entreprises exportatrices desservaient le marché de l’Union européenne en 2022, soit près de 54 % des exportateurs. Ce ratio est relativement stable depuis 2015, où il s’élevait à 55 %. Cette propension à exporter vers le marché unique s’accroît avec la taille de l’exportateur. Ainsi, selon les données d’Eurostat pour 2021, la part des entreprises exportant vers l’UE est de 52 % pour les TPE (moins de 10 salariés), de 69 % pour les PME (entre 10 et 249 salariés) et de 72 % pour les ETI et grandes entreprises (au moins 250 salariés).

En termes de montants exportés, la structure de l’appareil exportateur français est relativement stable dans le temps. En 2022, les PME représentaient 96 % des entreprises exportatrices et 12 % des montants exportés.

Structure de l’appareil exportateur français

(en 2022, en %)

Source : DGDDI.

B.   LA Team France export : un outil utile mais limitÉ

La réforme « Team France Export » (TFE) lancée en février 2018 par le Premier ministre repose sur la mise en commun de toutes les expertises de Business France, de Bpifrance et des CCI au sein d’une seule équipe dont les produits et l’expertise en matière d’accompagnement à l’export sont mis au service des entreprises.

Dans cette perspective, un accord stratégique a été signé entre Business France et CCI France en mai 2019 et renouvelé fin 2021 pour cadrer la mise en place de cette nouvelle « co-activité » (objectifs solidaires dans les contrats d’objectifs respectifs des opérateurs, organisation des ressources humaines, gamme de services unifiée, processus et méthodes communs).

Un accord de même nature – renouvelé en 2022 – existe également entre Business France et Bpifrance. Ces deux entités ont en effet mis en place dès 2013 un réseau de 40 chargés d’affaires internationaux (CAI) Business France implantés dans les directions régionales de Bpifrance et permettant de proposer, sur la cible des « ETI et PME de croissance », une solution globale allant de l’accompagnement aux financements des projets export.

En pratique, les entreprises n’ont donc plus qu’un seul interlocuteur, un conseiller international, disposant de toute la palette des offres publiques, ainsi que de certaines offres du secteur privé. Cet interlocuteur est spécialisé dans le secteur d’activité des entreprises qu’il suit. En fonction du secteur d’activité de l’entreprise et de sa stratégie de croissance, le conseiller peut ainsi proposer une offre de préparation en France en format présentiel ou en webinaire, du mentorat ou des espaces d’exposition dans les plus grands salons internationaux.

La constitution de ce « réseau France » a par ailleurs permis aux régions, qui disposent depuis loi NOTRe ([2]) de la compétence de développement économique, de s’intégrer à la TFE. Ainsi, 18 conventions régionales ont été signées avec l’ensemble des régions métropolitaines et ultra-marines.

Dans les faits toutefois, la TFE est limitée, non seulement par le plafonnement de ses moyens mais surtout par la complexité de son organisation. Le rapporteur spécial plaide pour la mise en place d’une politique de soutien à l’export définie et pilotée par un ministère dédié et de plein exercice qui aurait sous sa tutelle les opérateurs de la TFE.

1.   Dédié principalement au développement international des PME et ETI, Business France bénéficie d’un budget constant qui demeure insuffisant en comparaison avec ses homologues étrangers

a.   Business France s’inscrit désormais dans un nouveau contrat d’objectifs et de moyen avec l’État

Business France est un établissement public industriel et commercial (EPIC) placé sous la tutelle des ministres chargés de l'économie, des affaires étrangères et de l'aménagement du territoire.

L’action de Business France était encadrée par un contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2018-2022, renouvelé cette année pour la période 2023-2026. L’opérateur a pour missions principales le développement des investissements étrangers en France, le développement, la promotion et la gestion du volontariat international en entreprise (VIE) et la promotion de l’image économique de la France à l’étranger. Surtout, Business France est en charge du développement international des entreprises et de leurs exportations, en particulier des PME et des ETI.

Les actions de Business France de soutien à l’export

Business France contribue au soutien à l’export des entreprises françaises à travers une offre de services variée. L’opérateur contribue notamment :

– au soutien à la participation d’exportateurs à des événements internationaux. En 2023, Business France doit mener 433 opérations dont 111 pavillons France sur des grands salons internationaux, et 322 opérations de mises en relation directe avec des donneurs d’ordre ou des clients sont prévues.

– à la prise en charge d’une partie des frais de déplacement des acheteurs internationaux. Afin d’accompagner les PME primo-exportatrices pour lesquelles le grand export peut être source de complexité et de réticences, des acheteurs internationaux sont invités en France. Business France prend en charge une partie de leurs frais de déplacement pour des événements Export sur le territoire national et leur organise un programme de rencontres « BtoB » avec des PME françaises distinctes. Fin juin, près de 300 acheteurs ont ainsi été conviés sur 13 événements et 950 PME ont pu bénéficier d’un premier rendez-vous avec un ou plusieurs décideurs ou prescripteurs internationaux. Ces opérations bénéficient souvent à des primo-exportateurs ou à des entreprises qui ne sont pas encore clientes de Business France.

– au déploiement de plateformes e-vitrines pour faire connaître des exportateurs sur des secteurs comme l’agroalimentaire, la cosmétique et les vins et spiritueux. Le déploiement de ces e-vitrines a permis de créer au premier semestre 2023 de l’interaction potentielle entre 4 714 PME et ETI françaises et 7 224 acheteurs internationaux.

Les résultats de Business France à la mi-année 2023 sont en amélioration : 4 554 PME et ETI ont déjà été projetées sur les opérations à l’international, contre 3 674 PME et ETI en 2022 et 3 750 sur l’année de référence 2019.

Dans le cadre du renouvellement de son COM, l’action de Business France est désormais définie selon 3 axes stratégiques, déclinés en 9 objectifs et 32 indicateurs de performance :

– L’axe 1 « Impact » prévoit l’accompagnement des filières sectorielles et des entreprises lauréates du Plan France 2030 (voir infra), le renforcement de l’impact économique des activités de l’opérateur afin de favoriser la résilience à l’export des PME-ETI et le déploiement d’une stratégie de décarbonation/ESG dans les volets export et attractivité.

– L’axe 2 « Efficacité et performance » vise à améliorer l’efficacité de l’activité traditionnelle du développement international des entreprises : il inclut les nouvelles mesures pour lesquelles une hausse de la subvention de 16 millions d’euros a été votée en LFI 2023 (digitalisation de l’offre, renforcement des programmes « Boosters », hausse de la prise en charge sur les salons, programme acheteurs en France) et déployées dans le cadre du Plan Export. S’agissant de la gestion, le contrat fixe un objectif d’accroissement du taux de couverture des dépenses par les ressources propres, du taux de couverture des dépenses de fonctionnement et de la masse salariale par la marge dégagée par l’opérateur.

– L’axe 3 « Transformation » est consacré au renforcement des partenariats avec les acteurs de la Team France (CCI France, les régions et les prestataires privés). L’agence a également intégré des objectifs en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone liées à son fonctionnement.

En 2024, les emplois sous plafond de Business France demeurent, comme en 2023, à 1 433 ETPT.

Les volontaires internationaux en entreprises (VIE)

Le volontariat international, dont le statut est encadré par les articles L. 122-1 et suivants du code du service national, permet à des jeunes de 18 à 28 ans de réaliser une mission professionnelle à l’international. Il comprend les VIE (volontaires internationaux en entreprises) et les VIA (volontaires internationaux en administration) qui sont deux programmes distincts.

Les VIE, qui exercent leur mission auprès d’entreprises à l’étranger, sont gérés par Business France et font partie des outils mis en place pour encourager les entreprises françaises à exporter.

10 474 VIE étaient en poste au 30 juin 2023. La Belgique, les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et l’Espagne demeurent les cinq premiers pays d’affectations au 1er semestre 2023. Certains pays affichent une progression notoire entre 2022 et 2023, en particulier le Canada (+ 9,4 %), l’Espagne, l’Italie, les États-Unis, le Japon et les pays nordiques. Les principales baisses concernent le Royaume-Uni du fait du Brexit (– 72 % entre 2019 et 2023) et Singapour.

La rémunération des volontaires civils internationaux est régie par les dispositions de l'article L. 122-12 du code du service national. L'accomplissement du volontariat civil international ouvre droit – à l'exclusion de toute autre rémunération – à une indemnité mensuelle exonérée de l'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale. Celle-ci se compose :

– d’une indemnité commune à tous les volontaires, quel que soit leur pays de mission, dont le montant ne peut être supérieur à 50 % de la rémunération afférente à l’indice brut 244 de la fonction publique ;

– d’une indemnité supplémentaire, dite géographique, nécessaire au besoin de subsistance, d’équipement et de logement du volontaire, variable selon le pays de mission. Le montant de cette indemnité est ajusté chaque trimestre.

Les montants de ces indemnités mensuelles sont versés par Business France.

b.   Business France apparaît sous-dimensionné par rapport aux enjeux posés par la dégradation du solde commercial français

Les ressources de Business France proviennent pour la moitié de subventions de l’État, majoritairement portées par le programme 134 Développement international des entreprises et attractivité du territoire. Le reste des ressources de Business France est composé de diverses recettes propres provenant de plusieurs activités facturées aux entreprises, en particulier la gestion des VIE.

Dès lors, Business France demeure dépendant de ses recettes commerciales, en particulier celles issues des frais de gestion du VIE, qui représentent en année ordinaire près d’un quart de ses ressources et près de la moitié de ses recettes propres en 2019 d’après la Cour des comptes ([3]).

  1.   Un financement public moins ambitieux que celui de ses équivalents étrangers

Les subventions de l’État en faveur de Business France sont constantes dans le projet de loi de finances pour 2024 à 109,3 millions d’euros en AE et en CP, s’inscrivant au même niveau qu’en 2023. Elles sont réparties entre trois programmes budgétaires :

● Le programme 134 Développement international des entreprises et attractivité du territoire (100,7 millions d’euros en AE et en CP) porte la quasi-totalité de la subvention pour charge de service public (SCSP) bénéficiant à Business France.

La stabilité de cette subvention pour 2024 succède à une augmentation de 15,6 millions d’euros entre 2022 et 2023 qui visait à approfondir les offres proposées par l’opérateur. En particulier, elle a permis le développement d’outils digitaux de prospection, la réduction du reste à charge des frais de participation à des salons internationaux pour les entreprises exportatrices et l’accroissement des programmes « booster » d’accompagnement collectif intensif sur des secteurs et des lieux ciblés.

● Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire de la mission Cohésion des territoires comporte 4,8 millions d’euros de crédits, un montant égal à celui de l’exercice précédent, versé par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales à Business France.

● Le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture porte 3,7 millions d’euros de subvention en AE et en CP pour charges de service public du ministère de l’agriculture et de l’alimentation au bénéfice de l’opérateur au titre de sa mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et alimentaire.

Pour le rapporteur spécial, ce niveau des subventions publiques à destination de Business France, par ailleurs stagnant, demeure manifestement trop modeste en comparaison avec les agences similaires dans la plupart des pays développés.

En effet, à titre de comparaison, Business France a reçu, en 2022, 92 millions d’euros de subventions publiques. Rapporté au PIB, l’investissement annuel public dans Business France place l’opérateur dans la fourchette basse de ses homologues européens, en particulier derrière l’Italie, la Belgique et l’Espagne. De la même manière, la France se classe parmi les derniers pays développés pour ce qui est de la part des subventions publiques dans les ressources de l’agence. Ces éléments sont illustrés par les tableaux ci-dessous.

comparatif des SUbventions publiques des agences de soutien à l’export

(en euros par million d’euros de PIB)

subvention-opc.png

Source : Commission des finances, données Business France.

Part des subventions publiques dans les ressources de l’agence

(en pourcentage)

C:\Users\ericardo\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Outlook\AR4PGT5T\subvention-pourcentage.png

Source : commission des finances, données Business France.

Cette problématique du sous-financement de Business France par rapport à ses concurrents avait déjà été soulignée par le rapporteur spécial dans son précédent rapport. Il souhaite donc souligner l’importance qu’il y a à modifier le modèle de financement de l’agence qui demeure vulnérable aux retournements conjoncturels alors même que son action doit permettre une continuité de l’activité exportatrice des entreprises même – et surtout – en période de crise.

  1.   Le réseau à l’étranger de Business France ne cesse de se rétrécir

Parallèlement à la baisse drastique des effectifs des services économiques à l’étranger de la Direction générale du Trésor – entre 2009 et 2022, ceux-ci sont passés de 1 339 à 488 agents –, Business France a connu également un recul de sa présence à l’étranger.

Évolution des ETPT de Business France à l’étranger

(ETPT sous plafond autorisé d’emplois)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Évolution

2017-2022 (en %)

Total Monde (hors France)

900

869

795

758

781

758

– 15,7 %

Source : Commission des finances, données DGT.

Ainsi, le nombre d’agents de Business France à l’étranger, ressource essentielle pour les entreprises qui cherchent à exporter dans de nouveaux marchés, connaît une baisse continue du fait d’un plan de rationalisation prévu dans le COM 2018-2022.

Les fermetures de poste sont majoritairement intervenues sur la première partie du COM. Depuis 2020, seuls des redéploiements d’effectifs d’un pays à l’autre ont été réalisés en fonction de l’évolution des contextes économiques, des opportunités de marchés, des demandes entrantes des PME/ETI et des investisseurs étrangers, à l’exception de la fermeture du bureau de Moscou au printemps 2022 en raison du contexte géopolitique.

Ces réductions de poste sont d’autant plus dommageables qu’elles ne correspondent pas aux demandes des PME/ETI qui veulent davantage se porter sur les marchés de proximité. Ainsi, la part de l’Europe dans l’activité de Business France reste inférieure à la part des exportations françaises vers ces destinations.

Ainsi, le rapporteur spécial soutient de nouvelles orientations dans le déploiement des effectifs étrangers de Business France pour les années à venir :

– un retour au niveau d’effectifs à l’étranger de Business France tel qu’il existait en 2017 ;

– un redéploiement des effectifs Export vers les zones les plus demandées par les entreprises accompagnées par la TFE et dont les plans de charge sont les plus tendus, en particulier en Europe ;

– le renforcement de la souplesse de gestion du réseau, via la poursuite de la gestion en « zone » (souplesse dans l’affectation des ressources au sein de la zone, flexibilité dans la gestion des plans de charge, etc.) et le maintien d’un quota de VIA afin de permettre à Business France de s’adapter à la demande des entreprises et à l’instabilité du contexte géopolitique international.

2.   Les dispositifs de garantie assurés par Bpifrance Assurance Export bénéficient d’un financement stable

Bpifrance Assurance Export est en charge, au nom et pour le compte de l’État, de la gestion des garanties export, depuis le 1er janvier 2017.

Le rapporteur spécial regrette que ces missions, auparavant réalisées par la Coface, aient été transférées à Bpi AE sans que la plus-value en matière d’efficacité dans le soutien à l’export des entreprises françaises ait été clairement établie.

La rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de ses prestations réalisées pour le compte de l’État figure dans le programme 134 Développement des entreprises et régulations à l’action 7 Développement international des entreprises et attractivité du territoire.

Cette rémunération s’élève pour 2024 à 323,9 millions d’euros en AE dans le programme annuel de performances dédié, soit une hausse de 245,8 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent. Toutefois, il s’agit là simplement de l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisée dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l’État et Bpifrance AE. Ainsi, le montant de la rémunération prévu en CP demeure identique à celui de 2023 à hauteur de 79,9 millions d’euros.

Par ailleurs, au sein du programme 114 Appels en garantie de l’État, l’action 4 Développement international de l’économie française regroupe les dispositifs de garantie aux entreprises exportatrices portés par Bpifrance AE. Deux de ces dispositifs sont abondés en 2024 :

– L’assurance prospection est dotée de 89,5 millions d’euros en 2024 contre 95 millions d’euros pour l’exercice précédent, soit une baisse de 5,8 %.

L’assurance prospection permet de couvrir les entreprises contre le risque d’échec des prospections à l’étranger et leur offre un relais de trésorerie. Cette procédure s’adresse aux entreprises implantées en France ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions d’euros et dont les prestations sont, pour une part significative, d’origine française.

Le contrat comprend deux périodes : la première période, d’une durée de quatre ans maximum, constitue la période de garantie au cours de laquelle Bpifrance AE indemnise les frais de prospection de l’entreprise bénéficiaire non couverts par les recettes réalisées sur la zone considérée. L’assiette de la garantie, qui détermine le calcul des indemnités versées à l’entreprise, est constituée du solde entre les dépenses engagées et une fraction des recettes d’exportations fixée contractuellement, solde auquel est appliquée une quotité garantie de 65 %. La période de garantie est suivie d’une période d’amortissement (d’une durée au moins égale à la période de garantie plus une année), au cours de laquelle l’entreprise bénéficiaire rembourse les indemnités versées sur la base du chiffre d’affaires qu’elle réalise sur la zone couverte.

En 2018, l’assurance prospection a été simplifiée afin d’être à la fois plus attractive et plus responsabilisante. Alors que les versements étaient auparavant effectués a posteriori et sur présentation des factures, 50 % des dépenses couvertes sont aujourd’hui versées sous forme d’avances, simplifiant ainsi les formalités administratives. En parallèle, la nouvelle assurance prospection responsabilise davantage en imposant un remboursement forfaitaire minimum de 30 %, même en cas d’échec.

Depuis 2020, le déficit de la procédure d’assurance prospection est intégralement financé par le programme 114 afin de sécuriser cet outil pour les PME. Ainsi, les crédits abondant le dispositif en 2024 correspondent au déficit observé à la fin de l’année 2023 ([4]). La baisse observée reflète donc le rebond qui s’est enclenché depuis 2022.

Le budget prévisionnel accordé à Bpi AE sous forme de crédits engagés depuis le programme 114 pour l’assurance-prospection – tous produits confondus – affiche par ailleurs une trajectoire baissière.

Budget prévisionnel de l’assurance-prospection depuis le programme 114

(en millions d’euros)

 

2024

2025

2026

2027

Crédits prévisionnels

89,5

76,9

61,6

55

Source : commission des finances, données DGT.

– Les garanties du risque exportateur sont créditées en 2024 de 22 millions d’euros (un million d’euros de moins qu’en 2023). Y figurent la garantie des cautions et la garantie des préfinancements.

La garantie des cautions facilite l’émission par les établissements de crédit, pour le compte des exportateurs, des cautions relatives aux contrats internationaux, grâce à l’octroi par Bpifrance AE à ces banques d’une garantie couvrant le risque de non-remboursement des cautions par les exportateurs en cas d’appel de celles-ci. Ces cautions, exigées par les acheteurs étrangers, peuvent être de plusieurs types (cautions de soumission, cautions de bonne fin, cautions de restitution d’acomptes). La quotité garantie maximale est de 50 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 150 millions d’euros et de 80 % pour les autres, qui représentent la majorité des bénéficiaires de cette procédure.

La garantie des préfinancements permet de garantir les banques lorsque celles-ci accordent aux exportateurs des prêts leur permettant de financer le besoin de trésorerie lié à l’exécution de leurs contrats d’exportation. Dans ce cadre, Bpifrance AE, agissant au nom de l’État, couvre les banques contre le risque de non-remboursement par les exportateurs de leurs crédits de préfinancement. Ces prêts peuvent notamment servir à acheter des équipements ou des matières premières. La quotité garantie applicable dans le cadre de la garantie des préfinancements suit le même schéma que celle retenue pour la garantie des cautions.

Suite au lancement du Plan Export annoncée par le Gouvernement le 31 août 2023 (voir infra), l’instruction de l’assurance des cautions export est décentralisée aux réseaux bancaires et gérée sur un fonds de garantie de Bpifrance SA, pour ce qui concerne les dossiers inférieurs à un million d’euros afin d’en massifier la distribution.

Outre ces deux dispositifs, Bpifrance AE propose d’autres mécanismes de garantie non crédités en PLF 2024 : l’assurance-crédit, la garantie de change, la garantie du risque économique, les réassurances de court terme Cap Francexport et Cap Francexport + ainsi que la stabilisation des taux.

Si, dans leur ensemble, ces garanties bénéficient davantage aux PME (95 % des clients), les encours concernés ne représentent qu’une faible part des flux totaux, environ 9 % comme indiqué ci-dessous.

Part des PME bénéficiaires des garanties offertes par Bpifrance AE en 2022

(en millions d’euros)

 

Nombre de clients

Dont PME (en unités)

Dont PME (en %)

Flux

Dont PME

Dont PME (en %)

Assurance-crédit

89

53

60 %

30 180

1 718

6 %

Change

62

43

69 %

422

101

24 %

Risque exportateur

370

349

94 %

930

715

77 %

Investissement

2

2

100 %

1

1

100 %

Assurance-prospection

1 410

1 388

98 %

282

271

96 %

Total

1 933

1 835

95 %

31 816

2 806

9 %

Source : commission des finances, données de la DGT.

3.   Le financement public des chambres de commerce et d’industrie a drastiquement diminué ces dernières années

Les chambres de commerce et d’industrie (CCI) forment un réseau de 125 établissements publics administratifs dirigés par environ 4 000 élus et employant un peu plus de 18 000 salariés. Les CCI jouent un rôle essentiel au sein de la TFE, via leur rôle d’appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l’exportation de leur production. Elles sont l’interlocuteur privilégié dans les territoires pour soutenir les entreprises candidates à l’export à travers deux missions principales :

– L’information et la sensibilisation des entreprises candidates à l’exportation aux enjeux de l’export ;

– Le suivi d’entreprises en collaboration avec Business France. Il s’organise autour de conseillers suivant des portefeuilles sectoriels. Les CCI disposent à cette fin de 130 équivalents temps plein de conseillers internationaux qui suivent chacun en moyenne 200 entreprises. Cet accompagnement s’opère tant dans la préparation de l’entreprise à son développement international que dans la mise en contact concrète avec les clients et distributeurs à l’étranger.

Ces missions s’exercent dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance (COP) signé en avril 2019, entre l’État et CCI France. Les objectifs du COP ont été déclinés, au niveau régional, dans les conventions d’objectifs et de moyens (COM) conclues, à la fin de l’année 2019, entre l’État, chaque CCI de région et CCI France.

En 2022, le réseau des CCI a sensibilisé 29 807 entreprises à l’international et en a accompagné 22 300 dont une grande partie dans le cadre de la TFE. Ces indicateurs enregistrent une légère baisse par rapport à l’année 2021, du fait de l’impact durable de la crise sanitaire.

Afin de soutenir cette activité, les CCI perçoivent un financement public au travers de la taxe pour frais de chambre (TFC) composée de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE) et de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE). Ce financement a des effets péréquateurs positifs, les grands groupes y participant davantage que les PME et ETI.

Toutefois, le rapporteur spécial déplore le montant reversé aux CCI qui demeure bien trop insuffisant. En effet, le plafond de la TFC est passé de 1 368 millions d’euros en 2013 à 525 millions d’euros attendus pour 2022. Cela représente une baisse de 843 millions d’euros soit une diminution de près de 62 % sur la période. Ce moindre soutien aux CCI est particulièrement préoccupant car celles-ci bénéficient d’une proximité et d’un contact privilégiés avec les entreprises dans les territoires dont la TFE ne saurait se passer.

4.   Les régions participent au dispositif de soutien à l’export

Bien qu’elles ne fassent pas formellement partie de la TFE, les régions détiennent la responsabilité de la définition des orientations en matière de développement économique dans les territoires ainsi que le prévoit la loi NOTRe du 7 août 2015. Cette même loi a confié aux conseils régionaux l’élaboration d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), conçu comme un document de programmation à valeur prescriptive ainsi que d’une feuille de route applicable de 2017 à 2021. Le rapporteur spécial déplore à cet égard la lenteur de parution des nouveaux SRDEII.

Depuis fin 2018, la Team France Export a été déployée dans chaque région. Sur le plan opérationnel, près de 240 conseillers internationaux TFE sont en poste au sein des CCIR et de Bpifrance afin de créer une dynamique nouvelle de prospection, de préparation et de projection de nouveaux exportateurs à potentiel sur de premiers marchés à l’étranger, sur l’ouverture de nouveaux marchés pour des exportateurs plus réguliers et pour renforcer le potentiel à l’export des ETI. Des objectifs partagés sont fixés aux équipes en région.

Depuis 2020, toutes les régions métropolitaines sont signataires des conventions Conseil Régional / CCIR / Business France / Bpifrance, la TFE étant déployée sur tout le territoire avec toutefois un protocole spécifique en Bretagne. Tous les territoires ultramarins ont rejoint la TFE.

La crise énergétique qui a touché les régions en 2022, de même que l’inflation subséquente, ont mis à mal l’élan des aides régionales au développement d’activité tournée vers l’export dans leur territoire. Ainsi, plusieurs régions ont opéré en 2023 une réduction de leurs moyens consacrés au soutien à l’export.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a ainsi diminué ses aides en la matière de 50 %. De même, la région Pays de la Loire a réduit son enveloppe dédiée à l’emploi export (de 600 000 euros en 2022 à 300 000 euros en 2023).

Le rapporteur spécial souligne l’importance du rôle des régions pour adapter chaque stratégie d’export aux caractéristiques économiques des territoires. Cependant, il recommande une évaluation régulière de l’efficacité et des résultats concrets de l’action de chaque région en la matière.

5.   La TFE reste encore un dispositif trop complexe qui nécessite un pilotage unique et lisible

Le rapporteur a pu constater au cours de ses auditions les synergies existant entre tous les acteurs participant à la politique de soutien à l’export français, notamment au sein de la TFE. S’il salue l’effort de rationalisation et l’efficacité qui en découle, il ne peut que déplorer le manque de visibilité et la complexité du procédé.

Ainsi, dans le cadre de l’alliance entre Business France et les CCI, les efforts doivent se poursuivre afin de mieux aligner les intérêts des organisations autour de l’objectif commun et central de projeter davantage d’entreprises à l’étranger. Outre une nécessaire poursuite des efforts de visibilité de la TFE auprès des entreprises, le dispositif export doit également être optimisé en interne. Ainsi, dans son rapport d’octobre 2022 ([5]), la Cour des comptes soulignait la nécessité de renforcer le partenariat entre Business France et le réseau régional des CCI. Les modes de rémunération hétérogènes, une double chaîne hiérarchique et l’organisation variable des CCI en région occasionnent des tensions ainsi que la possibilité d’instructions contradictoires, d’autant que les modèles économiques respectifs de Business France et des CCI ne les incitent pas à privilégier les mêmes activités.

Surtout, la multiplicité des tutelles de Business France nuit à l’efficacité de son action. De fait, Business France est un opérateur de l’État placé sous la tutelle conjointe de la Direction générale du Trésor au ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, de la Direction de la diplomatie économique au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et de la Direction générale des collectivités locales au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ces trois administrations sont en charge de la mise en œuvre de la stratégie du Gouvernement et du pilotage de la politique publique de l’export, ce qui implique des lourdeurs administratives, des redondances et un manque de souplesse.

L’absence d’une politique clairement établie par un ministère de plein exercice ne permet pas à la TFE d’exprimer son plein potentiel. Le rapporteur spécial plaide pour que la TFE ainsi que l’ensemble de la politique commerciale soient organisés au sein d’un ministère dédié en lien avec l’administration du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

II.   l’annonce d’un plan export ne saurait combler le retard que la France a pris sur ses voisins européens

Le 31 août 2023, le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, a annoncé le lancement d’un nouveau Plan Export intitulé « Osez l’export » qui doit être doté de 125 millions d’euros sur quatre ans.

Ce plan, qui s’inscrit dans la continuité de celui entrepris au moment de la crise sanitaire, a pour objectif de « rétablir la balance commerciale de la France » selon les mots du ministre délégué. Soucieux de mettre en perspective ces annonces, le rapporteur spécial a voulu établir un parangonnage des politiques de soutien à l’export existant dans des économies similaires à la France mais bien plus performantes à l’export : l’Allemagne, l’Italie et la Suisse.

A.   un plan export aux contours encore flous

Le Plan Export « Osez l’export » vise à porter le nombre d’exportateurs à 200 000 à horizon 2030. À cette fin, il comprend 13 mesures notamment portées par la Team France Export.

Ce nouveau plan fait suite au volet export du plan de relance qui devait être doté de 247 millions d’euros répartis sur la période 2020-2021 pour maintenir les filières d’export de l’économie française particulièrement mises à mal par la crise sanitaire. Prolongé à deux reprises, ce plan de relance devrait voir ses crédits intégralement consommés en 2024.

Le dispositif est en effet en extinction depuis la loi de finances initiale de 2022. Ainsi, ne subsistent dans le projet de loi de finances pour 2024 sur l’action 3 Plan de soutien du programme 363 Compétitivité que 8 millions d’euros en crédits de paiement qui correspondent à la dernière tranche de la clé de décaissement des crédits du fonds d’études et d’aides au secteur privé (FASEP).

Le fonds d’études et d’aide au secteur privé abondé dans le plan de relance

Le fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP) finance des études de faisabilité au bénéfice d’autorités publiques étrangères dans les pays en développement. L’objectif poursuivi est de démontrer au pays bénéficiaire l’efficacité de certaines technologies françaises pour répondre à leurs besoins prioritaires de développement durable. Il permet à l’entreprise d’acquérir une première référence à l’export dans le pays visé, dans l’objectif de répliquer le projet ou de le déployer à grande échelle.

Cet outil favorise la réalisation d’un effet levier qui bénéficie à l’économie et aux entreprises françaises. Les exigences de part française qui conditionnent l’octroi d’un FASEP (85 % du don minimum) garantissent l’impact de cet outil en matière de soutien au tissu industriel français. Les entreprises qui en bénéficient doivent par ailleurs constituer des clubs de suivi associant d’autres entreprises françaises pouvant bénéficier de retombées directes ou indirectes liées aux projets menés.

Dans le cadre du plan de relance, les crédits FASEP ont été augmentés en 2021 de 27,8 millions d’euros en AE portés par le programme 363. Ils ont été intégralement consommés et ont permis de financer près de 50 projets à l’export dans un contexte de relance et d’accroissement significatif du nombre de demandes de FASEP. Deux appels à projet ont été organisés dans ce cadre, portant sur la valorisation des déchets et sur la décarbonation des services essentiels.

En ce qui concerne la consommation des crédits en CP, ceux-ci sont versés par tranche. La clé de décaissement, calculée selon un profil de tirage déterminé sur la base d’un échantillon de projets étudiés, est de 10 % la première année puis de 30 % pour chacune des trois années suivantes. Les études se déroulent pendant généralement quatre ans mais l’avancée des projets dépend de multiples facteurs (déplacements internationaux, situation politique…).

Les différentes mesures figurant au sein du Plan Export « Osez l’export » demeurent encore trop peu lisibles, notamment en ce qui concerne leur financement. À ce stade, le rapporteur spécial souhaite toutefois souligner certaines évolutions notables :

● Alors que le Plan France 2030 ([6]) semblait, lors de son lancement, dépourvu de toute composante export, le rapporteur spécial se réjouit de constater que le plan « Osez l’export » cherche à intégrer la politique de soutien à l’export à celle de réindustrialisation. Ainsi, selon les termes du Plan Export, Business France accompagnera 1 000 entreprises lauréates de France 2030 jusqu’en 2026 en leur proposant un suivi par un conseiller de la Team France Export et une réduction de 50 % sur tout le catalogue de prestations de l’opérateur, pendant une durée de 30 mois.

● Le Plan Export pérennise le programme « boosters » piloté par Business France, qui désigne un accompagnement intensif d’entreprises candidates, sur une période de 9 à 12 mois, selon trois ou quatre phases dont la préparation (entraînement, étude de marché), la projection (prospection, visibilité) et la pérennisation (suivi, ancrage). L’objectif affiché est d’organiser chaque année une vingtaine de programmes boosters pour accompagner 200 sociétés à fort potentiel. Ces sociétés doivent être sélectionnées en ciblant les filières prioritaires France 2030 mais également, pour certains programmes, des géographies à fort potentiel, encore souvent trop peu explorées par les entreprises françaises exportatrices.

Le rapporteur spécial souligne l’importance d’un accompagnement complet et dédié aux candidats à l’exportation. À cet égard, le programme boosters s’inscrit dans cette philosophie. Il conviendra de tirer un bilan de son exécution. Ainsi, pour 2023, 14 boosters ont été lancés avec la participation de 142 entreprises :

 boosters sectoriels avec 72 entreprises ;

 boosters géographiques nationaux avec 59 entreprises dont le booster Afrique de l’Est qui a été fusionné avec l’Accélérateur de Bpifrance, ainsi qu’un booster sur la zone indopacifique ;

 boosters géographiques régionaux en partenariat avec la région Sud (8 à date) et les Hauts-de-France.

La programmation 2024 comprend 19 boosters sectoriels, 3 boosters géographiques nationaux et 2 boosters géographiques régionaux avec la perspective d’accompagner entre 200 et 220 entreprises.

De manière générale, ce plan se contente souvent de pérenniser ou de modifier légèrement des mesures déjà mises en place de longue date ou instaurées avec le volet export du plan de relance. Ainsi l’invitation d’acheteurs étrangers, le recrutement en VIE de jeunes issus des QPV ou la promotion des PME et ETI sur les e-vitrines de Business France n’apparaissent pas comme des mesures particulièrement novatrices.

● La création d’un volontariat territorial de l’export en entreprise (VTE) représente toutefois une mesure nouvelle dont la mise en place peut s’avérer pertinente. Ces VTE seraient en effet une aide aux entreprises qui souhaitent enclencher leur internationalisation depuis la France en engageant des étudiants ou des jeunes diplômés pour des missions dédiées à l’export. La mise en place de ce dispositif d’aide à l’embauche permettra aux entreprises d’obtenir un poste dédié à l’export. Il s’agit potentiellement d’une ressource précieuse pour les PME et ETI qui n’ont souvent pas la trésorerie nécessaire pour cela et dédient rarement un ETP uniquement à cette tâche. Le soutien public pourra atteindre 12 000 euros plafonnés à 50 % des dépenses liées à la mission.

Le financement de ce Plan Export doit se faire en partie dans le cadre de la subvention pour charges de service public de Business France, chargé de mettre en œuvre une partie des mesures à travers son offre de services et ses compétences en matière d’attractivité. Il n’a toutefois pas été possible pour le rapporteur spécial d’en savoir davantage sur la répartition des crédits et sur les objectifs chiffrés de chacune des mesures. Il déplore un effet d’annonce qui, pour l’instant, ne se matérialise par aucun crédit supplémentaire et par le simple prolongement d’offres existantes.

B.   Comparatif des stratégies export : les leçons à tirer des performances des Économies comparables en europe

Le rapporteur spécial, soucieux d’apporter une perspective comparative à ses travaux, a souhaité mettre en lumière les stratégies des pays européens économiquement proches de la France qui excellent pourtant en matière d’exportation. Ainsi, il s’est attaché à examiner les politiques mises en œuvre en la matière dans trois pays : l’Allemagne, l’Italie et la Suisse.

1.   L’Allemagne se caractérise par un tissu économique encore fortement industrialisé demeurant sur son sol

Le solde commercial allemand constitue l’un de ses atouts économiques historiques, le pays enregistrant en moyenne 10 milliards d’euros d’excédent commercial par mois depuis le début des années 2000. L’Allemagne est le premier partenaire commercial de la France : elle constitue son premier client (80,3 milliards d’euros en 2022) et son premier fournisseur (92,5 milliards d’euros en 2022).

L’Allemagne bénéficie d’une économie plus industrialisée que la France. Ainsi, en 2019, la part de l’industrie dans le PIB était de 13,9 % en France contre 25 % en Allemagne. Le nombre d’emplois manufacturiers s’élevait à 7,8 millions en Allemagne contre 2,6 millions en France.

En outre, alors que les entreprises françaises ont plutôt eu tendance à délocaliser leur production de biens finaux auparavant réalisés en France, les entreprises allemandes privilégient une logique de fractionnement du processus de production, en conservant les segments à plus forte valeur ajoutée sur le territoire national.

Bien qu’elle dispose des AHK, les chambres allemandes du commerce extérieur pour soutenir les entreprises allemandes à l’export, l’Allemagne ne porte pas de politique de soutien à l’export nécessairement plus importante que la politique française (hors soutiens exceptionnels liés à la crise sanitaire). Rapporté au volume total des exportations, le poids des subventions dédiées à l’accompagnement non-financier à l’export des entreprises se situe en Allemagne en-dessous de la moyenne des pays européens à 0,008 % (contre 0,016 % pour la France).

En Allemagne, l’accompagnement sur les salons internationaux fait davantage appel à des prestataires privés via des appels d’offres pour la gestion des pavillons nationaux. Le nombre élevé d’entreprises ainsi accompagnées (environ 7 000) par rapport à la France (environ 4 400) se comprend notamment par la forte spécialisation historique outre-Rhin sur les foires et salons.

Le plan de relance allemand, adopté en juin 2020, comprenait en revanche des aides sectorielles à l’instar du milliard d’euros de subventions pour le renouvellement de la flotte maritime. L’hydrogène semble à cet égard une technologie où le soutien au développement de partenariats internationaux par l’État est amené à se développer de manière substantielle. La stratégie nationale hydrogène, publiée le 10 juin 2020, comprend un volet développement à l'international (budget 2021 de 353 millions d’euros). Il s'agit de nouer des partenariats avec les possibles futurs pays exportateurs d’hydrogène vert et importateurs de technologies.

De même, dans le cadre de la guerre en Ukraine, si le gouvernement fédéral d’Allemagne a présenté plusieurs paquets de mesures de soutien aux entreprises, l’export des entreprises ne fait pas l’objet d’annonces ciblées. Les entreprises présentes à l’international peuvent toutefois bénéficier des programmes mis en place tel que le « programme spécial KfW  UBR 2022  financement consortial » qui s’adresse aux entreprises qui ont été touchées par la guerre russe en Ukraine (baisses de chiffres d’affaires, ralentissement ou fermetures de productions, augmentation des coûts de l’énergie). Selon la KfW ([7]), 807 crédits auraient été accordés dans le cadre de ce programme.

2.   L’Italie bénéficie d’un riche vivier de PME exportatrices et d’une politique de soutien à l’export volontariste

L’Italie est le troisième partenaire commercial de la France. Si l’Italie a connu un déficit commercial de 31 milliards d’euros en 2022 du fait de la hausse des prix de l’énergie, elle devrait retrouver un solde positif en 2023. Ainsi, sur les six premiers mois de l’année l’Italie réalisait déjà un excédent commercial de 18,3 milliards d’euros. Les principaux secteurs d’exportation italiens en raison de leur contribution au PIB sont la mécanique (30 %), la mode (17 %) et l'agroalimentaire (15 à 20 %).

Le commerce extérieur de l’Italie se caractérise par la place qu’occupent les PME italiennes. En effet, les seules PME italiennes représentaient 54 % du montant des exportations de l’Italie en 2021 selon Eurostat, soit plus que l’ensemble des PME et des ETI en France (47 % en 2022 selon la DGDDI).

Le fonctionnement du soutien à l’export en Italie est celui qui se rapproche le plus du modèle français. L’agence italienne pour le commerce extérieur, ICE, dispose d’un périmètre analogue à celui de Business France bien que ses prestations soient essentiellement centrées sur l’accompagnement collectif au détriment de l’individuel.

Toutefois, l’essentiel des prestations offertes par ICE sont gratuites, ce qui constitue un avantage comparatif fort dans la projection à l’extérieur des entreprises italiennes. Ainsi, les salons internationaux comportent des stands bien plus fournis d’entreprises italiennes que françaises. Cette tendance s’est renforcée avec la crise sanitaire depuis laquelle 95 % des dispositifs fournis par ICE sont gratuits.

Les ressources de Business France et d’ICE sont analogues (respectivement 229,8 millions d’euros en 2023 et 231,5 millions d’euros en 2021) mais la part des subventions publiques est nettement plus importante pour ICE. Ainsi, alors que Business France tire 47,6 % de son financement de subventions publiques, cette part représente près de 98 % pour ICE.

De manière générale, l’Italie se distingue par un soutien important et continu de ses entreprises exportatrices. Le poids des subventions dédiées à l’accompagnement non-financier à l’export des entreprises relativement au volume total des exportations s’établit en Italie à 0,03 % contre 0,016 % en France, preuve du haut degré de soutien public apporté par l’Italie à ses exportations.

Ainsi, cherchant à limiter l’impact de la crise liée à la pandémie de la Covid et à la guerre en Ukraine, l’Italie a décidé de soutenir en priorité le financement de ses exportations, le marché domestique n’ayant pas la capacité d’absorber la surcapacité productive du tissu industriel. Elle a ainsi atteint son objectif de dépasser 500 milliards d’euros d’exportations en 2021. La politique de soutien au commerce extérieur repose sur six axes (pacte pour l’export) et traduit un fort soutien financier de l’État italien durant la crise :

– une grande campagne de promotion à l’international de 104 millions d’euros ;

– la formation a été renforcée avec la création de la smart export academy qui propose des cours en ligne avec les plus grandes universités et écoles de commerce italiennes et qui compte 10 000 inscrits ;

– le guichet unique export.gov.it qui réunit les instruments de formation et d’information de tous les opérateurs export ;

– le renforcement du commerce électronique à travers des subventions pour l’emploi d’un « digital temporary export manager » et la transformation numérique de l’entreprise ;

– la création de vitrines du Made in Italy sur des plateformes internationales et avec la grande distribution à l’étranger ;

– la promotion des foires et salons.

In fine, un financement massif des exportations a été engagé en 2021 avec 9,3 milliards d’euros de financements aux entreprises et 27 milliards d’euros d’assurance-crédit export.

3.   La Suisse exporte des produits haut de gamme et innovants qui tirent sa performance commerciale sans toutefois bénéficier d’un fort soutien public au commerce extérieur

La valeur annuelle totale des échanges commerciaux entre la Suisse et la France s’élevait en 2022 à 36,2 milliards euros, faisant de la Suisse le 9ème partenaire commercial de la France et la France le 5ème partenaire commercial de la Suisse. La balance commerciale est quasi-équilibrée, les deux économies étant très imbriquées, notamment dans les secteurs de l’énergie, des produits pharmaceutiques et de la recherche.

Le volume du commerce extérieur de la Suisse a doublé en une quinzaine d’années, passant d’environ 375 milliards d’euros en 2006 à près de 750 milliards d’euros en 2022. La Suisse enregistre traditionnellement un excédent de la balance commerciale. En 2022, celui-ci s’élevait à environ 40 milliards d’euros.

Les bonnes performances à l’export de la Suisse s’expliquent notamment par le positionnement de gamme de ses exportations. En effet, les premiers secteurs d’exportation suisses consistent en la pharmacie et la chimie (un tiers des exportations totales), les métaux précieux (un quart) et l’industrie des machines (un dixième). Les produits exportés se caractérisent par une forte valeur ajoutée liée notamment au fort soutien à l’innovation porté par la Suisse. Ainsi, cette dernière a été désignée pays le plus innovant au monde par le Global Innovation Index 2023 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) pour la 13ème année consécutive.

La Suisse bénéficie également d’un tissu de PME dynamiques. Les PME suisses contribuent à près de la moitié du commerce extérieur de la Suisse, représentant 90 % environ des entreprises tournées vers l’export.

Le principal acteur de la politique de soutien à l’export suisse est Switzerland Global Enterprise (S-GE), une organisation privée à but non lucratif chargée de la promotion des exportations et de la place économique suisse sur mandat de la Confédération et des cantons s’agissant de partie investissement.

Les missions confiées à S-GE sont fondées, à chaque législature, sur les orientations fixées par le gouvernement. En coopération avec ses partenaires en Suisse et à l’étranger, S-GE a ainsi pour mandat le soutien des PME suisses dans leurs activités internationales (promotion des exportations) et l’accompagnement des entreprises étrangères innovantes cherchant à s’implanter en Suisse (promotion des investissements).

S-GE compte environ 120 collaborateurs répartis en Suisse sur les sites de Zurich, Renens et Lugano, pour un équivalent d’environ 100 ETP. Son réseau extérieur est intégré aux Ambassades et aux Consulats de Suisse dans 31 pays, totalisant un effectif équivalent de 100 ETP.

Les entreprises peuvent en outre compter sur un important réseau de chambres de commerce suisses à l’étranger. Sur certains marchés, celles-ci sont également actives sur mandat de S-GE.

La politique suisse de soutien au commerce extérieur est donc majoritairement externalisée à une organisation privée à but non lucratif qui agit dans un cadre défini par une convention de prestation entre la Confédération, les cantons et les différentes organisations économiques.

Le modèle de financement du soutien à l’export est donc très différent de celui prévalant en France. S-GE bénéficie ainsi de contributions fédérales et des cantons à hauteur de 28,1 millions d’euros (contre 109,3 millions d’euros de subventions publiques pour Business France), réparties entre différents fonds, tels le fonds de promotion des exportations, le fonds de promotion de la place suisse, le fonds grands projets d'infrastructure ou encore le fonds projets et foires.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 27 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Économie.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial et après avoir adopté l’amendement II-CF768, la commission n’a pas adopté les crédits de la mission Économie.

 

M. Franck Allisio, rapporteur spécial (Commerce extérieur). Je passerai rapidement sur les crédits qui se rattachent au commerce extérieur : les montants ont très peu évolué par rapport à l’année dernière et, surtout, ne représentent qu’une infime partie des enjeux financiers économiques relatifs au commerce extérieur français.

Seules deux actions budgétaires traduisent le soutien financier de l’État au commerce extérieur. En premier lieu, l’action Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 Développement des entreprises et régulations comprend des crédits au bénéfice d’opérateurs chargés de l’internationalisation de l’économie française. Elle ne connaît pas d’évolution budgétaire notable, la hausse de 132 % des crédits correspondant à l’engagement de la totalité des dotations annuelles de BpiFrance sur la période 2024-2028.

La deuxième action, intitulée Développement international de l’économie française, figure dans le programme 114 de la mission Engagements financiers de l’État. Elle regroupe les dispositifs de garanties aux entreprises exportatrices et connaît une baisse de 8,2 % en crédits de paiement, à environ 111 millions d’euros, l’abondement de l’assurance-prospection ayant diminué.

Ainsi, le soutien au commerce extérieur dans le budget s’élève à environ 300 millions d’euros. Mais le chiffre important en la matière, et véritablement consternant, est celui du déficit commercial de la France en 2022 : 163,6 milliards d’euros. Il devrait légèrement s’améliorer en 2023, mais ce sera principalement du fait de la baisse conjoncturelle des prix de l’énergie.

Le Gouvernement n’est jamais avare de communication sur les rares bonnes nouvelles économiques qui peuvent lui tomber dessus. Mais il y a un grand absent dans les discours, qui pèse pourtant, tel un boulet, depuis plus de vingt ans : la performance catastrophique de la France dans le commerce international. Notre pays perd de manière continue des parts de marché. Nous représentions plus de 5 % des exportations mondiales en 2002, et seulement 2,5 % aujourd’hui. Nous n’avons pas connu d’excédent commercial depuis 2002, et chaque année nous battons des records de déficit commercial.

Les causes structurelles de notre solde abyssal sont pourtant bien connues : une désindustrialisation planifiée et organisée pendant une vingtaine d’années, une compétitivité prix moindre que celle de nos concurrents ou encore un tissu de PME et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) exportatrices plus faible que chez nos voisins allemands ou italiens.

Pour remonter cette pente, il faudra beaucoup de temps et un certain courage, car on ne décrète pas la réindustrialisation de la France. Toutefois, des actions rapides et de bon sens pourraient d’ores et déjà être entreprises. En premier lieu, il faut définir une politique claire pour le commerce extérieur et cela ne peut passer que par la mise en place d’un ministère de plein exercice, en lien avec l’administration du ministère de l’économie. Si les ambassadeurs ont leur rôle à jouer, c’est au sein de l’économie française que le commerce extérieur se joue. Rien ne justifie la mise sous tutelle de cette politique par le Quai d’Orsay.

La construction d’une politique ambitieuse pour le commerce extérieur doit également passer par une stabilité à sa tête. En onze ans, nous avons connu douze secrétaires d’État ou ministres délégués chargés du commerce extérieur : je vous mets au défi de n’en citer ne serait-ce que la moitié. Il s’agit pourtant d’une politique vitale pour notre économie, qui mérite mieux que cette inconstance.

Ensuite, il faut revenir sur les erreurs des précédents gouvernements, en particulier le retrait de l’assurance-prospection et de la garantie des grands contrats des mains de la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur). C’est une décision qui a coûté cher à notre modèle d’exportation, BpiFrance, qui en a hérité, n’ayant pas l’expérience accumulée par la Coface dans les pays où pourraient rayonner les entreprises françaises exportatrices.

Surtout, il faut renouer avec une politique volontariste et mettre le commerce extérieur au cœur de l’action publique, car il s’agit d’une politique transversale qui touche tous les secteurs. Ainsi, je m’étonne que dans la mission budgétaire Investir pour la France de 2030, le mot « export » ne soit pas écrit une seule fois : comment peut-on penser la réindustrialisation sans organiser la projection à l’export des futures industries ?

Face à tous ces défis, le Gouvernement annonce un plan Osez l’export doté de 125 millions d’euros, sans que l’on sache l’emploi de ce montant. Donner plus d’argent aux agences de l’État n’y changera rien : il faut revoir en profondeur la structure de notre politique commerciale. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas voter les crédits de la mission Économie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux). Il me revient de vous présenter les crédits des programmes 220 et 305 de la mission Économie pour 2024. Ces programmes concernent respectivement l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la direction générale du Trésor. Leurs crédits sont relativement stables par rapport à 2023, en dépit de certaines disparités au sein des actions. Les fonds alloués servent en grande partie au fonctionnement interne des administrations, notamment le personnel, ainsi qu’aux missions régaliennes ou d’intérêt public que l’État confère à différents organismes.

S’agissant du programme 220 Statistiques et études économiques, qui est le support budgétaire de l’Insee, les crédits de paiement passent de 454,8 millions à 473,5 millions, soit une hausse d’environ 4 %. Les 3 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires, qui portent le total à 5 040 ETP, traduisent la fin de la tendance baissière engagée depuis une dizaine d’années. Toutefois, elle ne correspond pas à notre demande l’an dernier.

Le programme 305 Stratégies économiques finance la direction générale du Trésor, la compensation versée à la Banque de France pour les missions exercées pour le compte de l’État, la compensation versée depuis 2023 au groupe La Poste pour la réalisation de la mission d’accessibilité bancaire, et le soutien à l’économie sociale, solidaire et responsable (ESS). Les crédits proposés s’élèvent à 698,6 millions en crédits de paiement, contre 715,9 millions l’an passé. Cette diminution s’explique notamment par la trajectoire baissière de la compensation versée au groupe La Poste, sur laquelle je reviendrai plus loin.

Pour ce programme, le nombre d’ETP s’élève à 1 322, soit 19 de plus que l’année dernière. Cela tient notamment à la création, que je salue, d’une nouvelle sous-direction à la direction générale du Trésor, afin de renforcer les capacités d’analyse économique et de conseil sur les politiques publiques relatives à la transition écologique et énergétique.

Je souhaiterais souligner les avancées et l’adaptation de l’appareil statistique de l’Insee, qui a su s’adapter à la hausse des demandes d’enquêtes consécutives au conflit en Ukraine. Dans le même sens, je salue l’action de la direction générale du Trésor et de son réseau international pour ses actions.

Toutefois, mes travaux et les auditions que j’ai menées m’ont permis de déceler certaines difficultés. S’agissant du programme 220, j’aimerais insister sur trois points. Tout d’abord, il faut renforcer les moyens d’action de l’Insee pour lui permettre d’assurer ses nouvelles missions et de garantir la qualité de ses enquêtes dans le respect de son obligation d’indépendance.

J’appelle ensuite à la vigilance sur le financement de la dotation forfaitaire de recensement qui est versée aux communes concernées par la mission de recensement. Depuis plusieurs années, celle-ci connaît une diminution sensible, ce qui a pour effet d’accroître les dépenses des collectivités territoriales. Les collectivités n’ont pas à compenser le manque de financement par l’État d’une mission qui est la sienne.

Enfin, les enquêteurs de l’Insee sont confrontés à d’importantes difficultés dans le département de Mayotte. Il devient de plus en plus difficile d’effectuer les missions de recensement prévues par le droit européen. Les enquêteurs ne peuvent plus se rendre dans certains lieux de l’archipel en raison d’un contexte économique, social et sanitaire devenu trop tendu.

Concernant le programme 305, deux points ont retenu mon attention. En premier lieu, la mission d’accessibilité bancaire dévolue à La Poste me semble structurellement sous-financée. Agissant comme un garde-fou contre la marginalisation bancaire, elle permet à près de 1,4 million de personnes rencontrant des difficultés particulières d’avoir accès à une offre de prébancarisation, à savoir à un livret A fonctionnant quasiment comme un compte courant. Alors que cette mission m’apparaît fondamentale dans le climat économique et social qui est le nôtre, la trajectoire de financement de la compensation prévoit une réduction de l’enveloppe de 5 % par an jusqu’en 2026. Pourtant, le montant de cette compensation ne couvre les charges qu’à hauteur de 89,2 %. De ce fait, le groupe a dû supporter un reste à charge de 41 millions en 2021. J’estime qu’il faut remédier à cette situation.

En second lieu, je m’interroge sur le financement de l’économie sociale, solidaire et responsable, dont les crédits me semblent insuffisants. Plusieurs amendements seront présentés pour les augmenter, et j’y suis résolument favorable. L’ESS est un secteur d’avenir, mais reste encore largement reléguée à une place secondaire. Dans mon rapport, je plaide pour un rapprochement entre l’ESS et l’économie conventionnelle, afin que cette dernière intègre les pratiques sociales et environnementales vertueuses nécessaires pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme). Bonne nouvelle : le tourisme français a retrouvé des couleurs. Le niveau de recettes est équivalent, voire supérieur à celui de 2019, à près de 58 milliards d’euros en 2022. La fréquentation est bonne, dépassant même celle de 2019. C’est donc une nette amélioration par rapport aux années marquées par l’épidémie de Covid-19, qui ont mis à mal le secteur.

Il est toujours difficile d’analyser les crédits relatifs au tourisme parce que nous n’avons plus de documents de politique transversale. On peut évaluer l’effort budgétaire en faveur du tourisme en 2024 à 130,37 millions d’euros en autorisations d’engagement et 167 millions d’euros en crédits de paiement. En font partie notamment les crédits dédiés à l’opérateur Atout France, qui est chargé de la promotion de la destination France, à hauteur de 28,7 millions. Atout France rencontre cette année une difficulté particulière : en raison de son passage de la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à celle du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et des nouvelles exigences de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances), l’opérateur se voit privé d’une recette pourtant essentielle dans son budget de promotion, à savoir les droits de visa, qui représentent entre 4,5 et 5 millions d’euros. Je proposerai donc un amendement pour combler cette perte, notamment à la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris

En 2024 se poursuivra l’exécution du plan Destination France, doté de 1,9 milliard d’euros. Ce plan a permis de définir une vision pour le tourisme de demain. Toutefois, des défis majeurs ne sont toujours pas relevés, alors qu’ils sont structurels dans le secteur touristique. Ainsi, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration font face à des difficultés de recrutement constantes. À ce titre, je serai très attentive au déploiement du plan « saisonniers », en particulier s’agissant des 10 millions devant être décaissés au titre du fonds national de l’emploi formation.

Par ailleurs, les prix de l’énergie et la nécessité de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE) ont conduit à un pic de défaillances des entreprises dans le secteur avec une augmentation de 70 % des défaillances en juillet 2023 par rapport à juillet 2022. Le remboursement des PGE constitue un véritable enjeu : la médiation du crédit n’est pas suffisante et la notation des établissements est dégradée au niveau bancaire, ce qui les bloque dans leurs investissements, sans parler des difficultés de trésorerie.

S’agissant des meublés de tourisme, le choix du Gouvernement de baisser l’abattement fiscal de manière uniforme, à 50 %, a été une erreur. Cela ne répond pas au besoin de certains territoires touristiques de conforter leurs « lits chauds » au bénéfice de l’activité touristique – je pense à la montagne, aux stations thermales, ainsi qu’à certaines stations du littoral qui se sont construites sur ce type d’hébergement, comme La Grande-Motte. Cela ne permet pas non plus de lutter contre le dévoiement professionnalisé des logements permanents dans les zones tendues, de type Airbnb, qui fait que nos concitoyens ne peuvent plus se loger dans des villes comme Biarritz, Saint-Malo ou Paris par exemple.

Sur ce sujet, j’ai deux convictions. Tout d’abord, il faut conserver une différence de fiscalité entre meublés de tourisme classés et non classés : c’est fondamental. Ensuite, s’il ne faut pas toucher à l’avantage fiscal de 71 % pour les meublés classés jusqu’à 7 000 euros – cela concerne les tout petits loueurs – pour sauvegarder les hébergements touristiques en zone de montagne, il faut ensuite ramener l’avantage fiscal à 50 % entre 10 000 et 20 000 euros, et le supprimer au-delà : de cette façon, il est certain que l’immobilier repartira à la location permanente dans les zones tendues.

Le plan Destination France promeut un tourisme durable, à cette réserve près que l’on n’agit pas sur le transport, qui est à l’origine de 80 % des émissions de CO2 dans le tourisme. Si l’on ne développe pas le transport ferroviaire pour assurer la liaison entre le domicile et la destination touristique, on n’assurera pas la transition écologique du secteur. Toutefois, un effort est engagé par le Gouvernement en ce domaine. Je me prononcerai donc sur les crédits du tourisme à l’issue de nos débats, notamment en fonction du sort que connaîtra mon amendement.

M. Mathieu Lefèvre, suppléant M. Xavier Roseren, rapporteur spécial (Développement des entreprises et régulations ; Plan « France Très haut débit » ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés). M. Roseren a examiné les crédits de trois des cinq programmes de la mission Économie ainsi que ceux du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations est abondé à hauteur de 2,6 milliards en crédits de paiement et de près de 3 milliards en autorisations d’engagement. Cette forte baisse, puisqu’il dépassait en 2022 les 6 milliards, s’explique uniquement par l’arrêt, en 2024, du dispositif d’aide temporaire aux entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité. Quelque 4 milliards avaient été inscrits en 2023 pour ces entreprises particulièrement touchées par l’augmentation du coût de l’énergie. Pendant la crise énergétique, le programme 134 a par ailleurs été l’un des supports budgétaires des aides aux entreprises. L’extinction de ces dispositifs ramène logiquement le dimensionnement du programme à un niveau normal.

Cette diminution ne doit cependant pas occulter une évolution plus structurelle des crédits de ce programme qui est, elle, très positive. On peut notamment se féliciter du fait que 100 millions soient à nouveau consacrés au financement de l’activité de garantie de BPIFrance. Cette ligne a existé jusqu’en 2018 et a depuis été supprimée dans chaque PLF. M. Roseren plaidait chaque année pour son rétablissement.

La compensation carbone, qui est une dépense de guichet destinée aux entreprises électro-intensives, est également en forte hausse, à plus de 1 milliard. Ces crédits soutiendront 280 entreprises. Il conviendrait de renforcer les contreparties qui leur sont demandées en matière de décarbonation. L’année dernière, M. Roseren avait plaidé en ce sens auprès de la direction générale du Trésor ; des discussions sont aujourd’hui en cours avec la Commission européenne.

Un autre point d’attention concerne le guichet unique de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). L’Institut s’est vu confier une nouvelle mission de vérification du registre national des entreprises sans bénéficier d’effectifs complémentaires. Cette mission s’est ajoutée à l’institution du guichet unique. M. Roseren a interrogé l’administration sur ce manque d’effectifs. Il plaide pour une modernisation des modalités de dépôt des comptes auprès de l’Inpi, qui sont actuellement au format PDF, ce qui nécessite un travail de saisie pour les rendre exploitables.

S’agissant du programme 343 Plan « France Très haut débit », l’évolution des crédits correspond à ce qui était attendu puisque l’on est entré dans la phase opérationnelle de déploiement des réseaux dès 2022. Cela se traduit par le décaissement des autorisations d’engagement votées les années précédentes, et donc par un montant de crédits de paiement très supérieur aux autorisations d’engagement mais qui entame sa tendance baissière. Des appels à projets spécifiques ont été lancés afin de financer les raccordements les plus complexes. M. Roseren sera très vigilant sur les crédits relatifs aux raccordements complexes ainsi que sur la transition entre la fin du réseau cuivre et le passage à la fibre.

Enfin, une nouvelle action Inclusion numérique est créée au sein du programme 343, qui assurera désormais le financement des conseillers numériques France Services. Cela se traduit par un transfert de près de 42 millions en provenance du programme 349.

Le programme 367 Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » n’est pas abondé en 2024. Les dépenses fiscales qui y sont rattachées s’établissent à 7 milliards, contre 18 milliards en 2022. Cette forte baisse s’explique principalement par l’extinction progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et par la disparition des dispositifs fiscaux institués lors de la crise sanitaire. La dépense fiscale est encore très insuffisamment chiffrée, ce qui est d’autant plus problématique qu’elle représente près de deux fois les crédits de paiement ouverts sur le programme.

Enfin, on constate que le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés retrouve son niveau d’avant-crise.

Le rapporteur spécial émet un avis favorable à l’adoption des crédits de ces programmes ainsi qu’à ceux du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1743 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le contribuable paie pour un certain nombre de missions de service public qui devraient être financées par des secteurs protégés. La Poste reçoit ainsi près de 600 millions d’euros pour assurer ses missions relatives à l’aménagement du territoire, à l’acheminement et à la distribution de la presse, et au service universel postal. Or, les multinationales du numérique ont affaibli structurellement le secteur du courrier, ce qui entraîne une contribution toujours plus élevée du contribuable. Celui-ci ne peut compenser l’ensemble des déséquilibres économiques entraînés par le progrès ou les positions dominantes. Il me paraîtrait donc logique que ce soient les géants du numérique, autrement dit les Gafam, qui contribuent financièrement à la présence universelle postale.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Je crains que votre amendement ne conduise à fermer de nombreux sites ou points de contact de La Poste, alors que ses missions relatives à l’aménagement du territoire et au service postal universel sont d’intérêt général. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je vais essayer d’être plus clair : le contribuable français ne peut pas compenser financièrement des déséquilibres économiques créés par la position dominante de certains acteurs économiques tels que les Gafam. Si le courrier s’est effondré, si La Poste ne peut plus assurer la présence universelle du service public, c’est du fait d’une concurrence technologique difficile, voire impossible à combattre. Nous pensons que c’est aux Gafam de financer le service universel de présence postale. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le service public.

M. le président Éric Coquerel. Comme hier au sujet de la presse et de l’audiovisuel, la conséquence de votre proposition serait que l’on dépende des fonds privés pour financer le service public, ce qui ne me paraît pas sécurisant. Si l’État finance les missions de La Poste, c’est aussi, en théorie, pour assurer l’égalité de toutes et tous sur le territoire, y compris dans les endroits où ce n’est absolument pas rentable. Je préfère disposer de la garantie de l’État, raison pour laquelle je m’opposerai à votre amendement. Cela étant, on pourrait en effet envisager une taxation supplémentaire des profits des Gafam et des autres multinationales pour contribuer au financement de ces missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF1499 de M. Jean-Philippe Tanguy et II-CF1625 de M. Aurélien Lopez-Liguori (discussion commune)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Parmi les sources d’économie que nous proposons figure la suppression d’un certain nombre d’agences, en l’occurrence l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). Ce n’est évidemment pas par des mouvements de crédits que l’on peut mener des politiques publiques, mais il s’agit d’envoyer un message politique. Nous pensons que les télécoms sont un monopole naturel dont il faut recentraliser la direction au sein du ministère. Dès lors, il n’est pas besoin d’une énième autorité administrative indépendante qui affaiblit la démocratie et les décideurs publics et se fait le cheval de Troie de lobbys privés.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Les régulateurs sont essentiels, comme on l’a vu lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial suppléant Mathieu Lefèvre, la commission rejette successivement les amendements II-CF1759 et II-CF1621 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1762 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet de créer un fonds de soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) en faveur de l’innovation dite low tech pour la bifurcation écologique, c’est-à-dire fondée sur des techniques durables, réparables, simples, appropriables et résilientes. Les crédits institués en leur faveur par le plan de relance n’ont pas été reconduits. Nous proposons d’abonder ce fonds de 40 millions d’euros, ce qui représente une somme infime en comparaison des 10 milliards d’aides directes accordées aux entreprises pour leurs activités de recherche et d’innovation, selon l’estimation de France Stratégie.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Heureusement qu’on ne vous a pas attendus pour soutenir les TPE et les PME ! Je vous rappelle que vous avez refusé, notamment, les boucliers et les amortisseurs relatifs aux dépenses d’électricité. De nombreuses mesures sont déjà appliquées, tels le dispositif Tremplin, le prêt éco-énergie de BpiFrance, les guichets de subventions énergétiques, ou encore les aides fiscales à la transition énergétique, que vous refusez systématiquement, loi de finances après loi de finances. Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je vous rappelle à mon tour que vous n’avez pas voté la proposition de loi, présentée à l’initiative de la NUPES, qui visait à instaurer des prix régulés de l’énergie pour les TPE et les PME.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons cet amendement. La low tech représente un enjeu important. Des pays comme l’Inde lancent des chantiers considérables mêlant recherche technologique et low tech, dans une perspective de développement durable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF768 de Mme Émilie Bonnivard

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Il s’agit de l’amendement que j’ai évoqué tout à l’heure, qui vise à abonder de 5 millions d’euros la subvention pour charges de service public d’Atout France.

La commission adopte l’amendement II-CF768.

Amendement II-CF1754 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous proposons de rehausser les moyens alloués à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Elle joue un rôle central dans la protection de nos concitoyens, de la santé et de l’ordre publics, puisqu’elle est notamment chargée de l’information des consommateurs, du contrôle de la loyauté des pratiques commerciales des producteurs et des intermédiaires et du repérage des fraudes. Or le cadre dans lequel elle exerce ses missions se dégrade depuis quinze ans : elle a perdu près de 900 ETP depuis 2007.

Son rôle est encore plus crucial en période d’inflation aiguë, alors que les pratiques trompeuses se développent, tout comme les nouveaux modes de consommation – eux aussi trompeurs.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, elle rejette successivement les amendements IICF1626 de M. Aurélien Lopez-Liguori, II-CF1752 de Mme Aurélie Trouvé et II-CF1832 de M. Manuel Bompard.

Amendement II-CF1704 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est encore un amendement d’appel qui relève de la philosophie politique.

Dans le cadre de la mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes que je corapporte avec François Jolivet, nous avons découvert que le contribuable doit payer La Banque postale pour assurer l’universalité de l’accessibilité bancaire, mission de service public et d’intérêt général. Je le souligne, je n’ai évidemment aucune intention de remettre en cause l’accessibilité bancaire universelle, mais il convient que le secteur finance lui-même ce service. Je suis d’accord avec vous, monsieur le président : c’est l’État qui doit faire l’interface. Mais il faut que ce service public soit payé par la finance, par le secteur bancaire, et non par le contribuable.

Les banques ont ce privilège exorbitant de pouvoir refuser des clients ou les exclure du système sans avoir à le justifier, ce qui est scandaleux. En attendant de changer cela dans la loi, qu’au moins les banques financent l’accès aux services bancaires des clients qu’elles en excluent. Notre secteur bancaire, quasi oligopolistique, en a largement les moyens.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Défavorable. L’accessibilité bancaire est une mission d’intérêt général dont le financement revient naturellement à l’État.

Le rattachement de cette mission au programme 305 visait à répondre à une préoccupation de la Cour des comptes, qui estimait que le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts n’avait pas vocation à financer cette mission, ce que je trouve tout à fait pertinent.

Il est fondamental qu’un établissement de crédit désigné par l’État, en l’espèce La Banque postale, assure l’effectivité de cette mission, sans quoi un grand nombre de personnes seraient économiquement marginalisées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Non, il n’est pas du tout naturel que les contribuables doivent payer l’exclusion de nos concitoyens des services bancaires. Ce qui est naturel, c’est que ceux qui assument d’exclure les citoyens paient eux-mêmes leur choix.

M. Alexandre Holroyd (RE). Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts, c’est de l’argent déposé à la Caisse des dépôts pour le compte du Gouvernement ; s’il y a bénéfice, il lui est reversé. C’est donc l’argent du contribuable. Cet amendement est un non-sens absolu.

Votre objectif est de faire payer les banques, dont vous voudriez par ailleurs qu’elles réduisent leurs taux d’intérêt ; or, si vous leur imposez des coûts externes, elles les factureront par l’intermédiaire d’autres services.

Une mission de service public doit être payée par le service public.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Deux philosophies s’affrontent : il y a ceux qui se soumettent aux lobbys bancaires et estiment qu’on ne peut jamais faire payer ceux qui s’enrichissent en jouissant de privilèges exorbitants et ceux qui, comme moi, pensent que c’est au secteur bancaire d’assumer ses choix.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. On ne peut pas répondre de la même façon à tous les amendements présentés par M. Tanguy.

En ce qui concerne l’Arcep, j’étais en désaccord, car nous avons besoin d’une autorité de régulation de l’accès au numérique pour rappeler les opérateurs concurrents à leurs obligations ; ce n’est pas à eux de financer cette mission d’intérêt général. En revanche, ce qu’il dit du secteur bancaire me semble pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1675 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1713 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le cadre de la même mission d’information, j’ai découvert que l’État apportait 2 millions d’euros de financement à des instituts d’opinion. Ils ont le droit d’exister, mais ce n’est pas au contribuable de les financer. Je pense par exemple à l’association Bruegel, qui vient de produire un rapport à la demande des institutions européennes. Le budget de l’État ne finance pas de mouvements souverainistes – j’ai vérifié –, je ne vois pas pourquoi il le ferait pour des mouvements fédéralistes comme celui-là.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’exposé sommaire de votre amendement affirme qu’il est illégitime que cet institut reçoive ces crédits, sans donner d’explications. L’association Bruegel produit des études et analyses, essentiellement économiques, sur des sujets européens fondamentaux. La diversité des questions abordées permet de toucher un large public. Je ne suis pas favorable à une régression de l’information et de la connaissance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1756 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les moyens alloués aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF223 de M. Gérard Leseul et II-CF1848 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à augmenter l’enveloppe dévolue aux dispositifs locaux d’accompagnement, dans le cadre desquels le secteur associatif peut réfléchir à des améliorations de sa gouvernance ou de son système commercial par exemple. Leur durée est bien trop courte. Cette revalorisation permettrait au secteur associatif de se professionnaliser davantage lorsqu’il en ressent le besoin.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements reprennent une préconisation du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (Csess) dans son avis dressant le bilan de la loi Hamon (loi du 17 mars 2014 relative à la consommation) dix ans après son entrée en vigueur. Je partage ce constat.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Ayant longtemps travaillé dans l’ESS, j’ai noté une difficulté des associations à faire la transparence sur leur financement. Le bénéficiaire final ne sait pas d’où viennent les fonds et nos concitoyens ignorent qu’ils sont presque entièrement d’origine publique. Or c’est très important.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF221 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à assurer le financement de la fonction d’accueil, information et orientation (AIO) des Cress (chambres régionales de l’économie sociale et solidaire). Depuis la loi de juillet 2014, les Cress informent toute personne désireuse de créer une association, une coopérative ou une entreprise sociale, les chambres de commerce ne dispensant pas une information suffisamment pointue dans ce domaine.

Le montant de ce financement, de 80 000 euros annuels par Cress en moyenne, est très insuffisant. Nous proposons de porter le total à 2,5 millions d’euros. Il s’agit d’une autre recommandation formulée par le Csess dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi Hamon que lui avait confiée le Gouvernement.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress sont des acteurs visibles dans les territoires. Durant la crise sanitaire, elles ont assuré l’orientation des entreprises de l’ESS vers les dispositifs de soutien. De surcroît, des expérimentations d’AIO sont en cours, par exemple en Nouvelle-Aquitaine, où le dispositif Pschit (parcours de soutien aux changements et initiatives de transition) lancé par la Cress a permis d’assister plus de 3 000 structures de l’ESS en 2021. La particularité de ce dispositif est la capacité à mobiliser, par un parcours commun, l’ensemble de la chaîne de l’accompagnement et du financement de l’ESS. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je ne suis pas d’accord. Dans ma région, la Cress est à Lyon : ce n’est pas elle qui reçoit et accompagne les porteurs de projet de la Savoie ! Vous voulez renforcer une structure régionale très autocentrée, qui a son intérêt du point de vue de la coopération entre les acteurs de l’ESS mais n’apporte rien aux porteurs directs, car elle n’est pas une porte d’entrée pour eux – heureusement, car cela évite aux Savoyards ou aux Isérois d’aller jusqu’à Lyon pour avoir un conseil. Vous devriez plutôt demander davantage de financements pour les structures France active, qui sont présentes dans les territoires et assurent le premier accueil.

M. Gérard Leseul (SOC). La plupart des Cress ont des missions délocalisées au niveau départemental. En outre, France active ne joue pas tout à fait le même rôle, même si je partage votre avis positif à son sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1853 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Selon le ministère de l’économie, l’ESS représente 10 % du PIB et près de 14 % des emplois privés, avec 2,7 millions d’emplois pour plus de 60 % de femmes dans 200 000 entreprises. Il s’agit souvent d’emplois de qualité, non délocalisables. Le budget de 20 millions d’euros que l’État alloue à l’ESS est ridicule au regard de la masse des aides à l’économie dite classique.

Nous proposons 2,5 millions d’euros pour les Cress, qui jouent un rôle décisif pour impulser des projets économiques vertueux dans les territoires. Je salue la qualité du travail de la Cress Occitanie, de son président André Ducournau et de sa directrice Sarah Rousseau.

Être propriétaire de son travail est un objectif politique libérateur qui devrait tous nous réunir : c’est la définition de la République sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF219 de M. Gérard Leseul et II-CF1845 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de constituer un fonds de conversion des entreprises à l’économie sociale et solidaire, qui serait notamment destiné aux entreprises reprises en Scop (société coopérative de production) ou qui scindent leurs activités. Il s’agit de proposer un appui sous la forme de prêts, de dispositifs de garantie ou d’ingénierie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les enjeux de transition écologique nous obligent à modifier nos pratiques de production. Il est opportun que l’État accompagne ces transformations. Un fonds de conversion permettrait de soutenir les acteurs en matière d’ingénierie et d’investissement, pour accompagner la transition. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je soutiens l’économie sociale et solidaire mais attention : pour bénéficier aux salariés, futurs patrons de l’entreprise, ces projets, notamment le passage en Scop, requièrent d’être solidement accompagnés. Il faut être exigeant. Or la Caisse des dépôts déploie de nombreux outils, en particulier des prêts participatifs, pour accompagner ces projets. Mieux vaut éviter les doublons.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF220 de M. Gérard Leseul et II-CF1856 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement II-CF220 a pour objet de recréer les correspondants régionaux, qui sont les représentants de l’économie sociale et solidaire dans les préfectures. En effet, l’administration n’est pas suffisamment mobilisée sur l’ensemble des dispositifs de l’ESS. Un délégué interministériel à l’économie sociale a été récemment recréé par décret, mais il n’a pas d’administration sur laquelle s’appuyer.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Bien que solidement implantés dans les territoires, les acteurs de l’ESS ont rarement le loisir de s’adonner pleinement à leur mission. Ces amendements devraient permettre de rendre plus lisible l’action de l’État en faveur de l’ESS. Ils auraient pour effet vertueux d’accroître la productivité des acteurs dans le secteur. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-CF222 de M. Gérard Leseul et II-CF1854 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de renforcer une des missions des Cress. Depuis la loi relative à l’économie sociale et solidaire de juillet 2014, celles-ci ont la responsabilité de tenir un fichier qui recense l’ensemble des entreprises de l’ESS. Un tel suivi est nécessaire pour flécher des financements, lorsqu’ils existent, vers ces entreprises. Ainsi, une partie des fonds versés dans les livrets de développement durable et solidaire peuvent revenir au secteur de l’économie sociale, mais encore faut-il que les Cress aient identifié les entreprises de l’ESS. Nous devons donc les soutenir dans cette mission.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress n’étant pas des chambres consulaires, elles ne collectent pas directement les données administratives, comme le font les centres de formalité des entreprises telles que les chambres de commerce et d’industrie ou les chambres de métiers et de l’artisanat. Or l’ESS souffre d’un suivi statistique insuffisant. Lors des auditions, les représentants du cabinet de la ministre déléguée Olivia Grégoire comme les acteurs de l’ESS ont estimé nécessaire de renforcer le suivi des entreprises relevant de ce secteur. Ces amendements en donnent l’occasion. Pour cela, il faut fournir aux Cress les moyens d’accomplir convenablement leur mission. Avis favorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF1286 de Mme Christine Arrighi et II-CF224 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements vont dans le bon sens. Il est étonnant de voir que peu d’entreprises de l’économie sociale et solidaire sont concernées par les crédits de cette mission, alors que le secteur peut légitimement apparaître comme un vecteur d’innovation et de décarbonation de notre industrie. Ses objectifs sont en effet ceux du plan France 2030. Il est toutefois nécessaire de réfléchir, en concertation avec les acteurs concernés, à l’opportunité de faire des Cress de véritables chambres consulaires. Avis favorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement II-CF1594 de M. Charles Fournier.

Amendement II-CF225 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à reconnaître l’innovation sociale au même titre que l’innovation technique dans les différents dispositifs et programmes. Bénéficier de subventions dans ce domaine constituerait une chance pour l’économie sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF226 de M. Gérard Leseul et II-CF1057 de M. Charles Fournier

M. Gérard Leseul (SOC). Ces amendements visent à développer les monnaies locales, dont certaines fonctionnent très bien et d’autres moins. Il conviendrait de renforcer les dispositifs au niveau national pour bénéficier de l’expérience de celles qui réussissent.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette les amendements.

Amendement II-CF1407 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli prévoit 1 million d’euros pour soutenir les monnaies locales, contre 2,16 millions d’euros pour le II-CF226.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1411 de M. Gérard Leseul.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux avis des rapporteurs spéciaux et des orateurs de groupe sur les crédits de la mission.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Avis défavorable, en raison de la sous-dotation de La Banque Postale, des effectifs de l’Insee et du rejet de toutes les propositions sur l’ESS.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je comptais m’abstenir sur ces crédits. Toutefois, mon amendement relatif à l’abondement des crédits d’Atout France ayant été adopté je voterai pour les crédits de la mission Économie, malgré des réserves sur certains sujets.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous sommes favorables à ces crédits.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ces crédits pour les raisons qu’a données Franck Allisio. Il est très difficile de parler des politiques de soutien à l’export, un des grands échecs de ces vingt dernières années. Il est très difficile aussi de parler de certains détails dans les comptes de la République, qui sont une des causes des dérives structurelles des finances publiques : les bons acteurs économiques ne paient pas les services publics. Quand on les remet en cause, on n’obtient que de la mauvaise foi.

Enfin, nous avons aussi un problème d’importation. J’ai saisi Bruno Le Maire à de nombreuses reprises sur la possibilité qu’aurait la France de se couvrir sur les marchés extérieurs, notamment pour ses importations de pétrole, ce qui permettrait aussi de diminuer le coût de la facture énergétique. Je déduis des réponses qui me sont faites un refus de travailler à protéger notre économie française des externalités négatives de l’économie et des incertitudes des marchés.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Contrairement à celui de Mme Bonnivard, aucun de nos amendements n’a été accepté, notamment sur la question essentielle de l’économie sociale et solidaire. Nous voterons donc contre les crédits.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains avait prévu de s’abstenir. À titre personnel, en soutien à ma collègue Émilie Bonnivard, je voterai pour les crédits de la mission Économie.

M. Sébastien Peytavie (Écolo-NUPES). Pour les écologistes, il est impossible d’adhérer à la politique d’aide massive et inconditionnée du Gouvernement, dont le budget est bien trop juste pour disposer d’une administration : les agents, pourtant engagés, ne peuvent donc appliquer les réglementations protectrices de la concurrence et des consommateurs. Rappelant l’importance de l’ESS en France, nous voterons contre le présent budget, qui laisse la part belle à la déréglementation et aux superprofits.

M. Gérard Leseul (SOC). Pas de document transversal sur le tourisme, un seul amendement adopté, aucun pour renforcer la DGCCRF : c’est une déception pour mon groupe.

S’agissant de l’économie sociale et solidaire, tous les amendements présentés étaient issus du rapport d’évaluation de la loi de Benoît Hamon, qui a été coordonné par un ancien conseiller d’État, ancien délégué interministériel, voté par le Conseil supérieur de l’ESS et remis à la ministre. Aucun n’a été retenu, pas même des amendements structurels de faible montant ! Je ne peux pas suivre les dispositions proposées. Nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission.

La commission rejette les crédits de la mission Économie.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF1418 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Après l’article 52

Amendement II-CF917 de M. Michel Sala

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’instabilité dans la gestion du portefeuille de l’économie sociale et solidaire ainsi que le mince budget qui lui est dédié, de 20 millions d’euros, indiquent que le Gouvernement ne lui porte qu’un intérêt périphérique. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux, quand l’ESS compte pour 10 % du PIB. En tout état de cause, parce que l’effort de l’État en faveur de l’ESS ne se limite pas au programme 305 – le secteur bénéficie aussi de mesures générales – il serait souhaitable de disposer d’un document de politique transversale. Tel est l’objet de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 37 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés non modifiés.

Elle adopte les crédits du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux non modifiés.

 

 

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Direction générale du Trésor (DGT)

– Mme Magali Cesana, cheffe du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises ;

– Mme Marion Paradisi-Coulouma, cheffe du bureau Tutelle de Business France et Partenaires de l’exportation ;

– M. Grégoire de Warren, adjoint au chef du bureau crédits-export et garanties à l’international.

 

Business France *

– M. Laurent Saint-Martin, directeur général ;

– M. Benoit Trivulce, directeur général délégué ;

– M. Quentin Geevers-Louette, conseiller Spécial pour les relations parlementaires et les parties prenantes ;

– Mme Charlotte Massicard, cheffe de cabinet adjoint.

 

Bpifrance *

– M. Olivier Vincent, directeur exécutif en charge des activités export ;

– M. François Lefebvre, directeur général de Bpifrance Assurance Export ;

– M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles.

 

Ambassade d’Italie

– M. Andrea Domeniconi, chef du service économique et commercial.

 

Ambassade de Suisse

– M. Roberto Balzaretti, ambassadeur de Suisse en France ;

– Mme Marion Paradisi-Coulouma, cheffe du bureau tutelle de Business France et partenaires de l’exportation ;

– M. Grégoire de Warren, adjoint au chef du bureau crédits-export et garanties à l’international.

 

Entretien individuel

– M. François David, ancien président de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

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([1]) Seuls sont comptés les échanges de biens, ces chiffres ne comprennent pas les échanges de service. Sauf mention contraire, ces chiffres proviennent de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

([2]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

([3]) Cour des comptes, Les dispositifs de soutien à l’exportation, octobre 2022.

([4]) Le déficit de la procédure d’assurance prospection de l’année n, observé sur le compte de commerce 915 Soutien financier au commerce extérieur, est compensé en début d’année N+1 grâce à un versement depuis le programme 114.

([5]) Cour des comptes, Les dispositifs de soutien à l’exportation, octobre 2022.

([6]) Le plan « France 2030 », lancé en 2021 et doté de 54 milliards d’euros déployés sur 5 ans, vise à développer la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir.

([7]) Kreditanstalt für Wiederaufbau, institution financière allemande.