N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 2
 

 

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Charles DE COURSON

 

Député

____

 

 



SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. le projet de loi de finances pour 2024 prévoit des engagements de dépenses élevés du fait d’une opération immobilière importante

A. programme 354 administration territoriale de l’état : des crédits en voie de consolidation, des emplois en hausse

1. Le projet de loi de finances pour 2024 propose une reconduction quasi à l’identique des crédits

2. L’immobilier des préfectures constitue un point d’attention dans un contexte d’inflation

3. Un contrôle de légalité « dont la qualité n’est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l’État »

B. programme 232 vie politique : une prévision marquée par l’organisation des élections européennes

1. Les élections européennes justifient la hausse la plus importante parmi toutes les actions de la mission AGTE

2. L’aide publique aux partis a été réallouée suite aux élections législatives de juin 2022

3. Faciliter le financement des campagnes électorales

C. programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur : d’importantes dépenses à engager du fait de la construction du site unique de la dgsi

1. Le projet de site unique pour la DGSI est sur le point d’entrer dans sa phase de construction

2. Le projet de loi de finances propose de doter le programme d’un nouvel opérateur pour piloter le Réseau radio du futur

3. Le FIPD a été négativement mis en lumière par l’affaire du fonds Marianne

II. les propositions du rapporteur spécial

A. les effectifs de l’administration territoriale amorcent une lente remontée après plus d’une décennie d’attrition

1. Une trajectoire baissière qui a été supportée par l’échelon départemental

a. L’administration territoriale de l’État a fait l’objet de plusieurs réformes visant à sa réorganisation partielle

b. Ces réformes se sont accompagnées d’une réduction importante des effectifs

2. Le renforcement des effectifs ne peut se limiter à la seule question de la hausse numérique des emplois

a. L’allocation des effectifs, tant au niveau des missions que des territoires, doit être optimisée

b. Le réarmement de l’État territorial ne sera pas atteint s’il continue de souffrir d’un manque d’attractivité

B. les délais de délivrance des titres d’identité ET DE Séjour : un problème qui demeure

1. La crise des titres s’est à nouveau répétée à l’approche de l’été 2023

2. Une erreur de conception dont le coût pour les finances publiques demeure difficile à évaluer

3. Le succès de la dématérialisation des demandes de titre de séjour risque d’être compromis par la question des rendez-vous en préfecture

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 87,7 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 présente une hausse significative des autorisations d’engagement (AE), avec 736,58 millions d’euros (M€) supplémentaires (+ 15,2 %), par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Les crédits de paiement (CP) demandés sont, quant à eux, en légère augmentation de 88,93 M€.

Cet écart important entre les AE et les CP trouve son origine dans l’engagement d’importantes dépenses immobilières au sein du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (+ 908,28 M€) concernant principalement la construction du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen.

Si la variation annuelle des CP de la mission AGTE est relativement modérée (1,9 %), le rapporteur spécial note la progression importante des crédits du programme 232 Vie politique (+ 115,4 %) en raison de l’organisation des élections européennes du 9 juin 2024, évolution d’autant plus remarquable que l’année 2023 n’a pas connu d’élections au suffrage direct d’envergure nationale.

Quant aux crédits du programme 354 Administration territoriale de l’État, qui concentre plus de la moitié des charges budgétaires de la mission AGTE, ils sont remarquablement stables (à peine 0,2 % de variation par rapport à la LFI 2023). Le programme devrait, par ailleurs, bénéficier d’un schéma d’emplois de + 232 équivalents temps plein (ETP) enfin de renforcer l’échelon départemental du réseau préfectoral dans le cadre du « réarmement de l’État territorial ».

Le rapporteur spécial relève que la hausse des effectifs des préfectures pour la deuxième année consécutive est un phénomène inédit après plus d’une décennie de suppressions d’emploi. Au cours de ses travaux, il a pu constater que les préfectures ainsi que les sous-préfectures ont été particulièrement mises à contribution dans l’effort de réduction des effectifs du ministère de l’intérieur, notamment dans le cadre de la réorganisation de l’administration territoriale de l’État (RéATE) de 2010, de la fusion des régions en 2016 et du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) de 2017. Le rapporteur spécial note que l’administration centrale n’a, quant à elle, pas connu une telle contraction de ses effectifs.

Il estime que le réarmement des préfectures doit aller de pair avec une réflexion sur l’allocation optimale des ressources humaines entre territoires et entre missions. En effet, le renforcement des effectifs ne saurait se limiter à la seule question des schémas d’emploi. Dans un contexte de vieillissement des agents et de recours massif aux contractuels, il appelle à une amélioration de l’attractivité des postes.

Concernant la délivrance des titres d’identité, le rapporteur spécial renouvelle les recommandations formulées lors du Printemps de l’évaluation. Il considère toujours que la dégradation des délais résulte d’une mauvaise conception initiale de la chaîne d’instruction des demandes de cartes nationales d’identité (CNI) et de passeports. D’après lui, l’effet de rattrapage post-crise sanitaire n’a fait qu’accentuer un problème structurel.

 


   DONNÉES CLÉS

crédits des programmes de la mission agte

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

P. 354 – Administration territoriale de l’État

2 790,06

2 633,82

– 5,6 %

2 578,91

2 583,74

+ 0,2 %

P. 232 – Vie politique

113,36

257,73

+ 127,3 %

119,61

257,62

+ 115,4 %

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 956,18

2 704,63

+ 38,3 %

1 870,24

1 816,33

– 2,9 %

Total mission AGTE

4 859,60

5 596,17

+ 15,2 %

4 568,77

4 657,69

+ 1,9 %

Source : Projet annuel de performances.

 

évolution des autorisations d’engagement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

 

évolution des crédits de paiement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

 

 


   INTRODUCTION

La mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) relève du ministère de l’intérieur et des outre-mer. Elle comprend trois programmes, placés sous la responsabilité de son secrétaire général, regroupant les crédits respectivement destinés à :

– l’Administration territoriale de l’État (programme 354), qui porte les moyens et les emplois des préfectures, des sous-préfectures, des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) ainsi que, partiellement, des directions départementales interministérielles (DDI) pour ce qui concerne leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement ainsi que leurs emplois de direction ;

– la Vie politique (programme 232), qui permet le financement public des partis, assure l’organisation des élections et porte les moyens et les emplois de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;

– la Conduite et le pilotage des politiques de l’intérieur (programme 216), qui regroupe les crédits d’une grande partie de l’administration centrale du ministère, notamment au travers des fonctions support à dimension transversale ainsi que ceux destinés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), aux secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) et aux cultes dans les trois départements concordataires.

Le projet de loi de finances pour 2024 présente un montant de 5,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 4,66 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) soit une hausse respective de 15,2 % et de 1,9 %.

La construction du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) nécessitera d’engager 1 milliard d’euros de dépenses sur le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur dès 2024 pour les quatre années à venir. Elle constitue le principal motif de la hausse importante des AE proposée par le projet de loi de finances.

Le 9 juin 2024 se tiendra également l’élection des représentants français au Parlement européen. Elle nécessitera l’ouverture de près de 140 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2023, année qui n’a connu aucun scrutin national au suffrage direct, sur le programme 232 Vie politique. Il s’agit de la progression de CP la plus importante de la mission AGTE, toutes actions confondues.

Quant au programme 354 Administration territoriale de l’État, qui regroupe plus de la moitié des crédits, il fait montre d’une remarquable stabilité (+ 0,2 % en CP) du fait de la consolidation sur 2024 des moyens supplémentaires obtenus en 2023 (+ 6,9 % par rapport à la loi de finances pour 2022).

Il devrait par ailleurs bénéficier d’un schéma d’emplois positif de 232 équivalents temps plein (ETP) en 2024. Ce solde était de + 48 ETP dans la dernière loi de finances.

Ce renforcement inédit des emplois de l’administration territoriale de l’État a conduit le rapporteur spécial à s’intéresser à l’évolution des effectifs des préfectures depuis une quinzaine d’années. Il a souhaité la mettre en perspective par rapport à celle des postes de l’administration centrale rémunérés par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur et, plus largement, des emplois au sein du ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Le rapporteur spécial entend ainsi mettre en lumière la question de l’allocation des ressources humaines au sein du réseau des préfectures, qu’il s’agisse de leur répartition entre les missions et entre les territoires, ainsi que celle de l’attractivité des postes qui en est le corollaire.

Il a également souhaité suivre l’évolution de la « crise des titres » à laquelle il avait consacré ses travaux du Printemps de l’évaluation. La délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports demeure en effet un point noir de la mission AGTE en termes de performance.

 


I.   le projet de loi de finances pour 2024 prévoit des engagements de dépenses élevés du fait d’une opération immobilière importante

La hausse proposée des autorisations d’engagement (AE) par le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 est particulièrement importante : 736,58 millions d’euros supplémentaires pour l’ensemble de la mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE), soit une hausse de 15,2 %.

L’engagement d’importantes dépenses immobilières au niveau du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur explique ce dynamisme. En effet, l’année 2024 sera marquée par le début de la construction du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros en AE.

En crédits de paiement (CP), le PLF 2024 présente, en revanche, un budget relativement stable pour l’ensemble de la mission AGTE avec une variation annuelle de 1,9 %, essentiellement portée par la hausse des crédits du programme 232 Vie politique (+ 138,01 millions d’euros) en raison de l’organisation des élections européennes en juin 2024.

crédits des programmes de la mission agte

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

P. 354 – Administration territoriale de l’État

2 790,06

2 633,82

– 5,6 %

2 578,91

2 583,74

+ 0,2 %

P. 232 – Vie politique

113,36

257,73

+ 127,3 %

119,61

257,62

+ 115,4 %

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 956,18

2 704,63

+ 38,3 %

1 870,24

1 816,33

– 2,9 %

Total mission AGTE

4 859,60

5 596,17

+ 15,2 %

4 568,77

4 657,69

+ 1,9 %

Source : Projet annuel de performances.


A.   programme 354 administration territoriale de l’état : des crédits en voie de consolidation, des emplois en hausse

Avec 2,63 milliards d’euros en AE et 2,58 milliards d’euros en CP, ce programme concentre respectivement 47,1 % et 55,5 % des crédits demandés pour la mission AGTE par le PLF pour 2024. Il porte les charges et les emplois du réseau des préfectures et des sous-préfectures en métropole et en outre-mer ([1]) mais aussi ceux des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) et des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD). Quant aux directions départementales interministérielles (DDI), seules les dépenses de personnel relatives aux emplois de direction ainsi que les dépenses de fonctionnement et d’investissement constituent des charges budgétaires pour le programme 354 Administration territoriale de l’État.

Celui-ci rémunère d’ailleurs 72,5 % des emplois de la mission AGTE, soit un plafond indicatif de 29 445 équivalents temps plein travaillé (ETPT) demandé par le PLF pour 2024 (+ 147 ETPT).

L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) est l’unique opérateur rattaché à ce programme. Toutefois, elle ne perçoit aucune subvention pour charges de service public de sa part, ses ressources étant principalement constituées de taxes affectées ([2]).

1.   Le projet de loi de finances pour 2024 propose une reconduction quasi à l’identique des crédits

Le PLF pour 2024 propose de doter le programme 354 Administration territoriale de l’État de seulement 4,83 millions d’euros supplémentaires en CP par rapport à la LFI pour 2023, ce qui témoigne d’une reconduction quasi à l’identique de ses crédits (+ 0,2 %) après une hausse non négligeable de 166,9 millions d’euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2023 ([3]).

En revanche, il présente une baisse de 156,24 millions d’euros (– 5,6 %) de ses AE par rapport à l’année en cours. Celle-ci traduit en réalité un retour à un niveau normal d’engagement de dépenses dans la mesure où la LFI 2023 présentait une progression exceptionnelle de 180,12 millions d’euros dans la perspective du renouvellement de marchés pluriannuels relatifs aux fluides et aux énergies intervenu dans un contexte inflationniste.

La quasi-reconduction du montant de crédits alloués au programme 354 Administration territoriale de l’État témoigne d’une poursuite du « réarmement » des préfectures et de la modernisation de leurs services d’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer. Ce renforcement des moyens est inscrit dans la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) qui entend fortifier « le pilotage des services de l’État au plus près des territoires et de leurs besoins ».

programmation budgétaire du programme 354 administration territoriale de l’état de 2023 à 2027 (hors cas pensions)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir du rapport sur la modernisation du ministère de l’intérieur annexé à la LOPMI.

Ce renforcement de la présence dans les territoires s’est notamment traduite par la création de sept sous-préfectures depuis fin 2022, dont six correspondent à d’anciens arrondissements supprimés (Château-Gontier en Mayenne, Clamecy dans la Nièvre, Montdidier dans la Somme, Rochechouart en Haute-Vienne, Nantua dans l’Ain et Saint-Pierre en Martinique) tandis qu’une seule est, à proprement parler, nouvelle (Saint-Georges en Guyane).

Dans le sens d’un renforcement de la présence de l’État au plus près des territoires, la commission a adopté l’amendement n° IICF568 de notre collègue Olivier Serva, avec le soutien du rapporteur spécial, demandant la prolongation de la mission préfectorale mise en place sur l’île de Marie-Galante, au large de la Guadeloupe ([4]).

Par ailleurs, les objectifs de la LOPMI se déclinent dans les « missions prioritaires des préfectures et des sous-préfectures pour la période 2022-2025 » (MPP 22-25) qui tiennent lieu de document stratégique pour l’administration territoriale de l’État :

– assurer le pilotage stratégique et opérationnel des crises et des politiques de sécurité ;

– conforter le rôle des préfectures en tant que garantes des libertés publiques et du respect de la loi ;

– accompagner les missions liées à l’entrée et au séjour des étrangers en France dans un contexte de dématérialisation des procédures ;

– renforcer le pilotage des politiques interministérielles pour fournir une expertise et un conseil adaptés aux acteurs du territoire ;

– élargir et diversifier les conditions d’accueil du public.

Concernant les politiques de sécurité des personnes et des biens, la commission a adopté l’amendement n° IICF2248 du rapporteur spécial afin d’appeler le Gouvernement à renforcer les moyens consacrés au maintien de l’ordre et à la prévention de la radicalisation dans un contexte de risque d’attentats élevé.

La poursuite du « réarmement » de l’État territorial devrait également se manifester par un schéma d’emplois positif pour la deuxième année consécutive (solde de + 232 ETP prévu en 2024 contre + 48 ETP pour 2023) dont :

– + 122 ETP au niveau régional correspondant à 77 emplois d’experts de haut niveau affectés auprès des préfets de région pour la mise en œuvre des politiques interministérielles ainsi qu’à 45 emplois destinés aux plateformes régionales d’appui interministériel à la gestion des ressources humaines ;

– + 101 ETP au niveau départemental « afin de lui permettre d’exercer plus efficacement ses missions prioritaires » ([5]) ;

– + 9 ETP au niveau central pour renforcer les effectifs du Conseil supérieur de l’appui territorial et de l’évaluation (CSATE).

Le rapporteur spécial estime que cette dynamique d’augmentation des effectifs, qui intervient après des années de baisse, doit être soulignée même si elle doit aussi être nuancée, celle-ci ne représentant qu’une hausse de 0,5 % des emplois rémunérés par le programme.

C’est pourquoi, il a souhaité approfondir cette question au cours de ses travaux préalables à l’examen du PLF 2024. La question des effectifs des préfectures fera l’objet de développements spécifiques dans la seconde partie du présent rapport.

L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), opérateur du programme 354 Administration territoriale de l’État

L’ANTS est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Elle a pour mission de « répondre aux besoins des administrations de l’État de conception, de gestion, de production de titres sécurisés et des transmissions de données qui leur sont associées » ([6]).

Aucune subvention pour charges de service public n’est versée par le programme 354 Administration territoriale de l’État à l’ANTS. Il lui est seulement transféré 26,5 millions d’euros du produit de la redevance d’acheminement des certificats d’immatriculation des véhicules. L’essentiel de ses ressources est constitué de taxes affectées assises sur les documents qu’elle produit (droits de timbre sur les permis de conduire, les cartes nationales d’identité, les passeports, les certificats d’immatriculation des véhicules, les titres de séjour et de voyage).

L’agence rémunère également 161 ETPT sous plafond de la loi de finances.

2.   L’immobilier des préfectures constitue un point d’attention dans un contexte d’inflation

La garantie de la pérennité du patrimoine immobilier dans des conditions respectueuses de l’environnement et la poursuite de la rationalisation des implantations immobilières font partie des objectifs assignés à l’administration territoriale de l’État pour 2023-2027. Il faut d’ailleurs noter que 529 projets de rénovation énergétique de biens immobiliers de l’administration territoriale de l’État ont été retenus dans le cadre de l’appel à projet du Plan de relance fin 2020 et bénéficient d’un financement de 436,7 millions d’euros. Ces travaux « à gain rapide » devraient s’achever fin 2024.

Les dépenses en matière d’immobilier constituent une part importante des charges budgétaires du programme 354 Administration territoriale de l’État. À hauteur de 313,34 millions d’euros, elles représentent 57 % des crédits hors titre 2 du programme. Dans ce montant, 255,34 millions d’euros couvrent les dépenses immobilières dites « de l’occupant » (entretien, loyers et charges, fluides, énergie, nettoyage et gardiennage) et 58 millions d’euros celles « du propriétaire » (acquisitions, constructions, entretien lourd, mises aux normes, travaux structurants).

Les dépenses immobilières de l’occupant portent sur un parc constitué d’environ 2 500 sites représentant un total de 2,8 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB), dont 1,7 million de mètres carrés de bureaux.

L’inflation a eu un impact important sur les charges budgétaires liées aux fluides et à l’énergie (+ 9,9 millions d’euros en CP en 2023 ([7])) et a conduit au renouvellement des marchés dans des conditions très dégradées (estimées à 108,3 millions d’euros en AE). Si le montant de crédits présenté par le PLF 2024 pour cette action du programme est stable par rapport à la LFI 2023, il demeure élevé par rapport au niveau de la LFI précédente (+ 10,54 millions d’euros en CP). Les AE sont, en revanche, en forte diminution (– 173,05 millions d’euros) dans la mesure où les marchés en question ont été renouvelés en 2023.

D’après le ministère de l’intérieur et des outre-mer, « les conséquences de ces augmentations conduisent à une tension sur les capacités du programme à répondre aux dépenses exceptionnelles imprévues intervenant en cours de gestion, à l’instar des atteintes portées lors des violences urbaines aux bâtiments et véhicules du périmètre de l’administration territoriale de l’État » ([8]).

Quant aux principales opérations financées par les dépenses du propriétaire en 2024, elles concernent l’extension de la préfecture de Mayotte à Mamoudzou (4,3 millions d’euros en CP), la construction de la sous-préfecture de Palaiseau dans l’Essonne (4,1 millions d’euros), la rénovation de la préfecture de la Somme à Amiens (3,9 millions d’euros) et la restructuration d’une partie de la préfecture des Bouches-du-Rhône à Marseille (2,6 millions d’euros).

Au-delà de la question de la rénovation du parc immobilier de l’administration territoriale de l’État, le rapporteur spécial rappelle que le périmètre exact des biens des préfectures est complexe à appréhender.

Dans un rapport du 29 mars 2023 ([9]), la Cour des comptes observe que « le parc immobilier préfectoral reste trop mal connu quant à son état général d’entretien et son évolution dans le temps ». De plus, la majorité de sa surface est mise à disposition par les conseils départementaux : sur 1 738 bâtiments recensés par le ministère de l’intérieur et des outre-mer, 953 appartiennent à des collectivités territoriales, principalement des départements pour 900 d’entre eux ([10]).

Le rapporteur spécial note le caractère incongru de cette situation héritée de la décentralisation, les conventions de partage étant régies par l’article 26 de la loi n° 82‑213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. Par ailleurs, l’article 13 de la loi n° 85‑1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l’État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d’équipement des services placés sous leur autorité dispose que « l’État prend à sa charge les travaux d’entretien et de grosses réparations incombant au propriétaire [et qu’] il possède tous pouvoirs de gestion et, le cas échéant agit en justice aux lieu et place du propriétaire ». Dans ces cas de figure, l’État ne possède qu’un seul attribut du droit de propriété, celui d’user de son bien (usus) mais non d’en tirer d’éventuelles recettes (fructus), ni de le céder (abusus).

Ainsi, le rapporteur spécial ne peut que souscrire à la recommandation de la Cour des comptes « d’étudier l’opportunité et les modalités, au cas par cas, d’une intégration dans le patrimoine de l’État des bâtiments dont il a l’usage » et, à tout le moins, de « mettre à jour les conventions de partage de surfaces et de fluides entre l’État et les conseils départementaux selon un format homogène ».

3.   Un contrôle de légalité « dont la qualité n’est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l’État »

Le PLF 2024 entend consacrer 143,36 millions d’euros au contrôle de légalité, au contrôle budgétaire et au conseil aux collectivités territoriales, un montant comparable à celui prévu en LFI 2023 (141,82 millions d’euros).

Ce rôle fait partie des missions prioritaires du MPP 22-25 et était déjà inscrit dans les objectifs du plan préfectures nouvelle génération (PPNG) de 2017, ce qui apparaît tout à fait normal puisqu’il est prévu par l’article 72 de la Constitution ([11]).

Il fait d’ailleurs l’objet de deux indicateurs de performances.

taux de contrôle des actes des collectivités territoriales
et de leurs établissements publics

(en pourcentage)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (prévision)

2024 (cible)

Actes prioritaires reçus en préfecture

90

90,4

88,7

82,2

82,2

90

90

90

Actes budgétaires

57

60

59

56,6

56,6

61

61

61

Source : projets annuels de performances de la mission AGTE.

Le rapporteur spécial observe que l’indicateur de performances ne mentionne que les actes entrant « dans le champ des priorités nationales (urbanisme, commande publique et fonction publique territoriale) et des priorités locales définies par chaque préfet » ([12]).

Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales n’occupent que 2 132,52 ETPT, soit 7,2 % des emplois rémunérés par le programme 354 Administration territoriale de l’État. La Cour des comptes observe, à ce titre, que cette mission constitutionnelle est « en difficulté du fait d’un effet ciseau entre la croissance des actes reçus chaque année (+ 22 % sur six ans) et l’érosion des moyens humains » ([13]). En effet, les effectifs qui y sont consacrés ont décru de près d’un tiers entre 2011 et 2014 avant de se stabiliser au niveau actuel. Environ une préfecture sur trois dispose de moins de six agents pour mener à bien ce contrôle. Quant au contrôle budgétaire, il n’est exercé que par 2 ETP ou moins dans plus d’un tiers des préfectures.

En conséquence, la Cour des comptes s’inquiète d’un contrôle « dont la qualité n’est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l’État » et constate une certaine hétérogénéité dans son application sur le territoire national. Elle estime qu’un renforcement des effectifs à hauteur de 190 ETP serait nécessaire.

Le ministère de l’intérieur et des outre-mer juge cette préconisation difficilement réalisable dans la mesure où elle absorberait plus de 55 % des créations d’emploi obtenue par la LOPMI pour la période 2023-2027. Par ailleurs, « les priorités d’allocations [des emplois créés en LFI 2023] ont d’abord été données aux missions les plus en tension : services étrangers, CERT ([14]), lutte contre la radicalisation et lutte contre la fraude » ([15]).

Reprenant les préconisations de la Cour des comptes, le rapporteur spécial a présenté l’amendement n° II-CF369 allouant 12,77 millions d’euros en dépenses de personnel (titre 2) à l’action 03 Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales du programme 354 Administration territoriale de l’État.


B.   programme 232 vie politique : une prévision marquée par l’organisation des élections européennes

Ce programme regroupe les crédits destinés à l’organisation des élections, à la Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques (CNCCFP) ainsi qu’à l’aide publique aux partis.

En raison de l’organisation des élections européennes le 9 juin 2024, il est proposé de doter le programme de 257,73 millions d’euros en AE et de 257,62 millions d’euros en CP, soit plus du double de son budget pour 2023, année marquée par l’absence d’élection nationale au suffrage direct.

Le programme 232 Vie politique ne porte que 55 ETPT qui correspondent aux emplois de la CNCCFP, les agents chargés des élections au sein des préfectures étant, quant à eux, rémunérés par le programme 354 Administration territoriale de l’État et ceux en administration centrale par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.

1.   Les élections européennes justifient la hausse la plus importante parmi toutes les actions de la mission AGTE

L’organisation de l’élection des représentants français au Parlement européen le 9 juin 2024 constituera le principal poste de dépense pour le programme 232 Vie politique. L’action 02 Organisation des élections apparaît d’ailleurs comme celle enregistrant la plus forte hausse en CP de toute la mission AGTE par rapport à la LFI 2023. En AE, elle est la deuxième action présentant la plus forte augmentation après l’action 05 Dépenses immobilières du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur (cf. infra).

Cette progression est d’autant plus importante qu’aucune élection au suffrage direct n’a été organisée en 2023 au niveau national. Les seuls scrutins pour lesquels des dépenses ont été engagées étaient les élections territoriales en Polynésie française (16 et 30 avril), les élections sénatoriales (24 septembre) ainsi que sept élections législatives partielles entre janvier et avril ([16]).

Le coût des élections européennes est estimé à 3,37 euros par électeur inscrit, ce qui le situe en deçà des élections présidentielle et législatives mais à un niveau comparable à celui des élections locales. Le rapporteur spécial observe qu’il est nettement supérieur à celui des élections européennes de 2019 (2,78 euros).

Les principaux postes de dépense sont les suivants :

– la diffusion de la propagande électorale (42,8 millions d’euros) ;

– le remboursement des frais d’impression de la propagande électorale aux candidats (41,2 millions d’euros) ;

– le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne aux candidats (29 millions d’euros).

En application de l’article 18 de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, l’État rembourse les frais d’impression des circulaires (couramment appelées « professions de foi »), des bulletins de vote et des affiches électorales aux listes qui ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés.

La diffusion des documents de propagande électorale est, quant à elle, directement prise en charge par l’État. Les préfectures sont chargées de la mise sous pli – qu’elles peuvent éventuellement déléguer à un prestataire privé (routeur) – tandis qu’un opérateur postal s’occupe de la distribution.

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023 ([17]), le rapporteur spécial avait souhaité dépasser le débat entre l’internalisation et l’externalisation du processus de diffusion de la propagande électorale – posé suite aux graves dysfonctionnements apparus lors des élections départementales et régionales de juin 2021 – pour appeler à une véritable remise à plat. La réforme proposée entendait dématérialiser les professions de foi, mettre fin à l’obligation faite aux communes de réserver des emplacements pour l’affichage électorale et limiter le nombre de bulletins de vote à imprimer.

Le plafond de dépenses de campagne, hors propagande électorale, est fixé à 9,2 millions d’euros par liste de candidats (article 19‑1 de la loi du 7 juillet 1977). Celles qui ont obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ont droit à un remboursement dans la limite de 47,5 % de ce plafond, soit 4,37 millions d’euros.

À l’initiative du rapporteur spécial, un nouvel objectif, assorti de deux indicateurs de performances, a été assigné au programme 232 Vie politique. Il vise à « optimiser le délai de remboursement des candidats ». Le contrôle de sa réalisation repose sur deux mesures :

– le délai moyen de remboursement de la propagande électorale ;

– le délai moyen de remboursement forfaitaire des dépenses de campagne.

Pour les élections européennes de 2024, le ministère de l’intérieur et des outre-mer fixe une cible à 102 jours pour le premier indicateur et à 127 jours pour le second. Ces délais prennent en compte le temps d’instruction imputable à la CNCCFP puis aux services compétents du ministère de l’intérieur et des outre-mer (administration centrale ou préfectures selon l’élection en question et ses circonscriptions électorales).

En 2024 se tiendront également les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie à l’issue desquelles seront élus les membres du Congrès ainsi que ceux des assemblées de province.

2.   L’aide publique aux partis a été réallouée suite aux élections législatives de juin 2022

En application des articles 8 et 9 de la loi n° 88‑227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les partis politiques ayant participé aux élections législatives ont droit à une aide publique. Celle-ci est composée de deux fractions égales, destinées aux :

– partis et groupements politiques qui ont présenté, lors des dernières élections législatives, des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions (sauf en outre-mer où aucun nombre de circonscription n’est requis) ;

– partis et groupements politique, éligibles à la première fraction, auxquels des députés ou des sénateurs ont déclaré se rattacher.

L’aide publique est attribuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour, pour la première fraction, et en fonction du nombre de parlementaires, pour la seconde fraction.

La prise en compte de la parité dans le financement public des partis

L’article 15 de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a instauré le principe d’un malus applicable à la première fraction d’aide publique en cas de non-respect de la parité dans la présentation de candidats aux élections législatives.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 9-1 de la loi du 11 mars 1988 prévoit que, lorsque l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, un malus égal à 150 % de cet écart est appliqué.

Les élections législatives des 12 et 19 juin 2022 ont conduit à une redistribution des 68,67 millions d’euros de financement public par rapport à la législature précédente.

 

 

 

partis politiques bénéficiant de plus d’un million d’euros d’aide publique en métropole en 2023

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir du décret n° 2023-585 du 11 juillet 2023 pris pour l’application des articles 8, 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique

détail du versement de l’aide publique aux partis et
groupements politiques en métropole en 2023

(en millions d’euros)

Parti ou groupement politique

Fraction 1

Fraction 2

Total

Ensemble pour la majorité présidentielle

8,83

10,69

19,52

Rassemblement national

6,8

3,34

10,14

Les Républicains

2,3

7,46

9,76

La France insoumise

5,28

2,67

7,95

Parti socialiste

1,37

3,16

4,53

Europe Écologie Les Verts

1,75

1,26

3,01

Union des démocrates européens, centristes et indépendants

0,38

1,97

2,35

Parti communiste français

0,86

1,19

2,05

Reconquête

1,52

0,07

1,59

Régions et peuples solidaires

0,58

0,45

1,03

Parti radical de gauche

0,39

0,41

0,8

Alliance centriste

0,15

0,59

0,74

Parti animaliste

0,41

0

0,41

Lutte ouvrière

0,37

0

0,37

Gauche républicaine et socialiste

0,14

0,22

0,36

Les Écologistes - mouvement écologiste indépendant

0,24

0

0,24

Debout la France

0,18

0,04

0,22

Écologie au centre

0,2

0

0,2

Les Patriotes

0,2

0

0,2

Le Mouvement de la ruralité

0,09

0

0,09

Source : commission des finances à partir du décret n° 2023-585 du 11 juillet 2023 pris pour l’application des articles 8, 9 et 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique.

Le rapporteur spécial estime que la transparence du financement public des partis politiques est menacée par un risque de dévoiement. En effet, le seuil de 1 % des suffrages exprimés pour bénéficier de la première fraction de l’aide de l’État est particulièrement bas. Par ailleurs, la loi n’interdit pas aux différentes formations de reverser les fonds qu’elles ont reçus à d’autres partis, notamment dans le cadre d’accords. D’après la CNCCFP, cette redistribution porterait sur environ 10 % de l’aide publique :

« Sur les 32 partis politiques qui ont perçu l’aide publique au titre de l’exercice 2021, 16 d’entre eux en ont redistribué tout ou partie à d’autres formations. En outre, ces contributions ont été faites dans des proportions variables. En effet, certains partis bénéficiaires de l’aide publique en redistribuent une part importante. Tel est notamment le cas de l’Union des démocrates, radicaux et libéraux (100 %), Régions et peuples solidaires (84 %) ou encore de La France qui ose (82 %). À l’inverse, d’autres partis tels que La République en marche, Les Républicains ou Debout la France n’en reversent qu’une faible part (moins de 1 %) » ([18]).

En conséquence, le rapporteur spécial a présenté deux amendements alternatifs (n° II-CF371 et n° IICF372) visant à relever à 2 % ou 3 % le seuil de suffrage nécessaire pour qu’un parti puisse être éligible au financement public.

La commission a adopté celui fixant ce seuil à 2 % (n° IICF372).

3.   Faciliter le financement des campagnes électorales

Outre la prise en charge de la diffusion de la propagande électorale et le remboursement de ses frais d’impression évoqués plus haut, l’État participe également au financement des campagnes électorales.

Les candidats aux élections ont en effet droit à un remboursement forfaitaire de la part de l’État égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses dès lors qu’ils ont obtenu au moins 5 % des suffrages au premier tour du scrutin (article L. 52-11-1 du code électoral).

Ce plafond de dépenses, fixé à l’article L. 52-11 du même code, dépend de l’élection concernée et du nombre d’habitants. Par exemple, il est de 38 000 euros majoré de 0,15 euro par habitant de la circonscription pour un candidat au mandat de député.

Pour l’élection présidentielle, il est fixé depuis 2002 à 13,7 millions d’euros au premier tour et à 18,3 millions d’euros au second tour ([19]).

Lors de la publication de la liste des candidats au premier tour, « l’État verse à chacun d’entre eux une somme de 200 000 euros, à titre d’avance sur le remboursement forfaitaire de leurs dépenses de campagne […]. In fine, si le montant du remboursement n’atteint pas cette somme, l’excédent fait l’objet d’un reversement » ([20]).

Le rapporteur spécial s’interroge sur l’opportunité d’étendre cette disposition à l’ensemble des élections. Eu égard aux sommes en jeu, l’avance pourrait, par exemple, s’élever au maximum à 30 % du plafond de dépenses du scrutin concerné. C’est le sens de la demande de rapport présentée par l’amendement n° IICF1891 adopté par la commission.

Ce même amendement entend également demander au Gouvernement d’évaluer le coût et les conditions de mise en œuvre d’un système de garantie par l’État des prêts consentis par les banques aux candidats.

En effet, le sujet de l’accès au financement bancaire des candidats aux élections est récurrent.

L’article 30 de la loi n° 2017‑1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires « pour que les candidats, partis et groupements politiques […] puissent, en cas de défaillance avérée du marché […] assurer, à compter du 1er novembre 2018, le financement de campagnes électorales pour les élections présidentielle, législatives, sénatoriales et européennes par l’obtention de prêts, avances ou garanties ».

L’intention du Gouvernement était alors de créer une « banque de la démocratie ». Toutefois, le délai de neuf mois ayant expiré, cette habilitation est caduque et n’est plus à l’ordre du jour.

Par ailleurs, dans ses rapports sur l’élection présidentielle et les élections législatives de 2022, le Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques juge que la banque de la démocratie constitue « une expression facile et sans grand contenu s’agissant du problème du crédit ». Le rapporteur spécial partage cette opinion.


C.   programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur : d’importantes dépenses à engager du fait de la construction du site unique de la dgsi

Avec 2,7 milliards d’euros en AE et 1,82 milliard d’euros en CP présentés par le PLF pour 2024, le programme regroupe respectivement 48,3 % et 39 % des crédits de la mission AGTE. Il porte les moyens et les emplois d’une grande partie de l’administration centrale du ministère de l’intérieur et des outre-mer, notamment au travers des fonctions support à dimension transversale exercées par le secrétariat général.

En dehors de ce périmètre, le programme comprend également les crédits destinés au fonctionnement des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) ([21]), aux subventions du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) et à l’entretien des cultes dans les départements concordataires (Moselle, Bas-Rhin et Haut-Rhin).

En conséquence, il porte 11 113 ETPT, soit 27,4 % des emplois rémunérés par la mission. Ils devraient augmenter de 18 ETPT.

Jusqu’en 2023, le programme subventionnait un seul opérateur : le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), à hauteur de 17,5 millions d’euros. En 2024, un second opérateur lui sera rattaché : l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS), à qui le PLF 2024 propose d’attribuer une subvention de 74,45 millions d’euros.

1.   Le projet de site unique pour la DGSI est sur le point d’entrer dans sa phase de construction

Le PLF présente une hausse importante des engagements de dépenses en 2024, de l’ordre de 748,45 millions d’euros. Cela représente une augmentation de 38,3 % des AE du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur et de 15,4 % de ces mêmes crédits à l’échelle de la mission tout entière.

Cette progression significative s’explique par le financement du projet de site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint‑Ouen (Seine‑Saint‑Denis) à hauteur de 1 milliard d’euros en AE et de 88,19 millions d’euros en CP en 2024.

Ce grand projet immobilier a débuté en janvier 2020 par l’acquisition du terrain nécessaire à sa réalisation puis par la destruction des anciens bâtiments qui s’y trouvaient. Le marché de construction du site de la DGSI sera engagé au deuxième trimestre 2024, d’où le dynamisme important de l’action 05 Affaires immobilières du programme (+ 345,2 % en AE et + 39,3 % en CP).

Le coût du lancement de la construction du site de la DGSI est atténué par une baisse de 88,4 millions d’euros des dépenses de fonctionnement en matière d’immobilier (loyers, charges, énergie, fluides…) par rapport à 2023 mais aussi par une diminution de 156,24 millions d’euros en AE des dépenses en matière de numérique après une forte progression prévue par la dernière LFI.

Pour 2024, le rapporteur spécial souhaite consacrer une partie de ses travaux au suivi de ce vaste chantier immobilier.

Il s’interroge également sur la soutenabilité à moyen terme des restes à payer du programme dans la mesure où celui-ci porte une part importante des investissements numériques et immobiliers du ministère de l’intérieur et des outre-mer. Le solde des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2023 est, en effet, estimé à 914,31 millions d’euros. En 2024, 966,95 millions d’euros de CP devront être ouverts pour honorer les engagements antérieurs.

évolution des restes à payer depuis 2017

(en millions d’euros)

Source : commission des finances à partir des rapports annuels de performances de la mission AGTE.

Si les AE sont en forte hausse, les CP accusent une baisse modérée (– 2,9 %) avec un recul de 53,92 millions d’euros présentée par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur en 2024.

Le recul important des charges budgétaires de l’action 03 Numérique (– 189,63 millions d’euros) traduit, en réalité, un retour à un niveau ex ante de dépenses, la LFI 2023 portait, en effet, une hausse de 216,02 millions d’euros pour financer le réseau radio du futur (RRF) ainsi que la maintenance et l’évolution de plusieurs applications du ministère.

Cette contraction est compensée, au niveau du programme, par une hausse de 90,62 millions d’euros des dépenses immobilières pour les raisons évoquées ci-avant ainsi que par une augmentation de 31,41 millions d’euros des dépenses de personnel. Cette dernière s’explique principalement par l’impact des schémas d’emplois de 2023 et 2024 ainsi que par l’effet de plusieurs mesures catégorielles ([22]).

Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)

Le CNAPS constitue un opérateur du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. Cet établissement public est chargé de la régulation des professions liées aux activités privées de sécurité, régies par le livre VI du code de la sécurité intérieure :

– surveillance et gardiennage ;

– transport de fonds ;

– protection physique des personnes ;

– protection des navires ;

– agences de recherches privées.

L’ordonnance n° 2022‑448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS ([23]) a réformé et moderniser cette instance pour la rapprocher davantage, sur un plan organisationnel, des ordres professionnels tout en maintenant l’ensemble de ses missions.

Le PLF pour 2024 reconduit la subvention de 17,5 millions d’euros au CNAPS dont 17,2 millions d’euros pour charges de service public et 300 000 euros pour charges d’investissement.

Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, le CNAPS sera conduit à délivrer les nouvelles cartes professionnelles autorisant la surveillance de grands événéments sportifs ou culturels ([24]).

2.   Le projet de loi de finances propose de doter le programme d’un nouvel opérateur pour piloter le Réseau radio du futur

L’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS) a été créée par décret ([25]) en application de l’article 11 de la LOPMI. Cet établissement public administratif, placé sous la tutelle du ministre de l’intérieur et des outre-mer, assure la mise en œuvre et l’exploitation du réseau de communications électroniques des services mutualisés de secours et de sécurité ([26]). Concrètement, l’ACMOSS devra régir le réseau radio du futur (RRF).

Ce grand projet a été lancé en 2016 dans le but de doter les forces de sécurité et de secours d’un réseau de communication partagé à très haut débit (4G et 5G). Ce système d’échange instantané sera doté de fonctionnalités inédites : appels vidéo, partages de position, envoi d’électrocardiogrammes… Le coût du RRF est estimé à 926,47 millions d’euros sur neuf ans.

Actuellement en cours de déploiement dans 13 départements, il devra intégralement entrer en service d’ici les Jeux olympiques et paralympiques de Paris à l’été 2024.

Le PLF pour 2024 demande que le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur verse une subvention de 74,46 millions d’euros en AE et en CP à ce nouvel opérateur, dont 60,73 millions d’euros pour charges d’investissement et 13,73 millions d’euros pour charges de service public. Il se verra également allouer 76 ETPT dont 72 sont actuellement rémunérés par d’autres programmes du ministère de l’intérieur et des outre-mer, hors mission AGTE ([27]).

3.   Le FIPD a été négativement mis en lumière par l’affaire du fonds Marianne

Le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur finance également le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) que le PLF demande de doter de 62,43 millions d’euros (en AE et en CP), montant comparable à celui de l’année précédente si on ajoute les 24,97 millions d’euros destinés à aux équipements de vidéo-protection et de surveillance électronique du ministère, des collectivités et des acteurs privés, dont les crédits sont regroupés dans la nouvelle action 11 éponyme du programme.

En effet, à compter du 1er janvier 2024, la gestion des crédits liés à l’équipement en vidéo-protection ne relèvera plus du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) mais de la nouvelle direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA) ([28]).

crédits de paiement destinés au FIPD et aux équipements
de vidéo-protection

(en millions d’euros)

Action 10 Fonds interministériel de prévention de la délinquance

Prévention de la délinquance

Actions en faveur des jeunes exposés à la délinquance ou à la récidive

11

Actions de protection des personnes vulnérables

21,9

Actions pour améliorer la tranquillité publique

4

Soutien et ingénierie de projets

1,5

Sécurisation

10

Prévention de la radicalisation

13,7

Action 11 Équipements de vidéo-protection et de surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés

24,97

Source : Projet annuel de performances de la mission AGTE pour 2024.

Le FIPD a été créé par la loi n° 2007‑297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il est destiné à financer la réalisation d’actions conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics en cohérence avec les plans de prévention de la délinquance arrêtés par les préfets au niveau départemental. Depuis la loi de finances pour 2016 ([29]), le FIPD apporte aussi son concours aux actions de prévention de la radicalisation.

En 2023, le FIPD a été mis en lumière par la polémique autour du fonds Marianne.

Le fonds Marianne

Le 29 mars 2023, un reportage de la chaîne de télévision France 2 ([30]) et un article de l’hebdomadaire Marianne ([31]) ont présenté les résultats d’une enquête conjointe visant l’emploi des 2,5 millions d’euros du « fonds Marianne » lancé en avril 2021 sous l’égide de la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté, Mme Marlène Schiappa, et destiné à promouvoir les valeurs républicaines et à combattre les discours séparatistes suite à l’assassinat de M. Samuel Paty.

Quatre associations se seraient partagées près d’1,3 million d’euros. Parmi elles, l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation au service militaire (USEPPM) aurait obtenu 355 000 euros mais n’aurait eu, pour activité, que la production de 13 vidéos sur le site YouTube ne dépassant pas 50 vues et la création d’un compte Instagram ne totalisant que 138 abonnés.

Suite à ces révélations la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté a saisi l’Inspection générale de l’administration (IGA) tandis que la commission des finances du Sénat a constitué une mission d’information.

En 2021, les dépenses du FIPD s’étaient élevées à 70,32 millions d’euros dont 14,6 millions d’euros (20,8 %) étaient consacrés à la prévention de la radicalisation (actions des référents de parcours de radicalisation, contre-discours, soutien à l’insertion, soutien à la parentalité, soutien psychologique, sensibilisation, dérives sectaires).

Au sein de cette enveloppe, 2,5 millions d’euros avaient fait l’objet d’un appel à projets (AAP) pour promouvoir les valeurs républicaines et combattre les discours séparatistes en avril 2021, baptisé « fonds Marianne ». Il avait pour but de « soutenir des actions en ligne, à portée nationale, destinées aux jeunes de 12 à 25 ans exposés aux idéologies séparatistes qui fracturent la cohésion nationale et abîment la citoyenneté ». Pouvaient candidater à cet AAP, les associations, les établissements culturels ainsi que les établissements scolaires et universitaires « pourvu que le projet proposé soit d’envergure nationale ou touche un grand nombre de territoires ».

Les travaux de l’IGA ([32]) et du Sénat ([33]) ont effectivement démontré que deux associations bénéficiaires du fonds Marianne – dont l’USEPPM – n’ont pas utilisé les crédits perçus de la manière attendue. Isolées, ces fautes n’en demeurent pas moins graves et révélatrices de certains dysfonctionnements, d’après le ministère.

Pour éviter d’autres dérives à l’avenir, le ministère de l’intérieur et des outre-mer entend réformer le CIPDR afin de renforcer la rigueur des contrôles et d’engager une réflexion globale sur ses missions.

En réponse à une question du rapporteur spécial, le ministère de l’intérieur et des outre-mer affirme qu’aucun appel à projet national dans le cadre du FIPD n’a été décidé pour 2024 ([34]).

En 2024, le rapporteur spécial consacrera une partie de ses travaux de contrôle et de suivi de l’exécution des lois de finances à ce fonds.

 


II.   les propositions du rapporteur spécial

Au cours de ses travaux, le rapporteur spécial a souhaité approfondir deux sujets ayant trait au programme 354 Administration territoriale de l’État.

Le premier concerne les emplois qu’il rémunère. Après plus d’une décennie de schémas d’emploi négatifs, la tendance s’est inversée à compter du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Après avoir été neutre deux années consécutives, le solde des entrées et des sorties d’agents publics est, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la LOLF ([35]), devenu positif dans les PLF pour 2023 et 2024.

Cette évolution majeure a incité le rapporteur spécial à étudier l’état des effectifs du réseau préfectoral, notamment à l’occasion de trois déplacements qu’il a effectué à Lille (Nord), Orléans (Loiret) puis Bar-le-Duc (Meuse).

Le second sujet relève des objectifs de performances du programme. Il s’agit de la délivrance des titres d’identité, thème auquel le rapporteur spécial a consacré un rapport d’information lors du Printemps de l’évaluation de 2023 ([36]). Dans la perspective de l’examen du PLF pour 2024, le but du rapporteur spécial n’était plus d’analyser les causes de la dégradation importante des délais d’établissement et de renouvellement de ces documents sécurisés mais d’assurer le suivi de cette « crise des titres » un an et demi après son commencement.

Le rapporteur spécial a présenté plusieurs amendements visant à mettre en œuvre les recommandations qu’il a formulées dans son rapport du printemps dernier.

Il s’est également intéressé à la question de l’instruction des demandes de titres de séjour, sujet dont les problématiques sont différentes mais pèsent aussi de manière importante sur la performance de la mission AGTE.


A.   les effectifs de l’administration territoriale amorcent une lente remontée après plus d’une décennie d’attrition

En 2023, le programme 354 Administration territoriale de l’État a bénéficié d’un schéma d’emplois positif, ce qui est inédit depuis l’entrée en application de la LOLF en 2006.

En effet, tous les projets de loi de finances présentaient un solde négatif de plusieurs centaines d’emplois jusqu’en 2020 ([37]) avant d’être neutre en 2021 et 2022. Pour 2024, le PLF entend l’établir à 232 ETP.

Ce revirement, qui pourrait être qualifié d’« historique », a incité le rapporteur spécial à approfondir la question de l’évolution des effectifs des préfectures depuis une quinzaine d’années.

Les emplois évoqués ci-après concernent le seul périmètre de l’actuel programme 354 Administration territoriale de l’État, même si l’évolution de l’ensemble des effectifs des services déconcentrées placés sous l’autorité des préfets a pu suivre une trajectoire comparable, comme l’a montré la Cour des comptes dans un rapport rendu public en mai 2022 ([38]).

Pour rappel, entrent dans le champ de ce programme les dépenses de personnel des préfectures, des sous-préfectures, des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) et des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) auxquelles s’ajoutent celles des directions départementales interministérielles (DDI) pour leurs seuls emplois de direction.

À l’inverse, les emplois des directions régionales métropolitaines, des directions ultramarines et des DDI (hors direction) ne sont pas rémunérés par les crédits du programme 354 Administration territoriale de l’État, bien que leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement soient prises en charge pour ces dernières.

1.   Une trajectoire baissière qui a été supportée par l’échelon départemental

Les préfectures ont connu une baisse continue de leurs effectifs depuis plus d’une dizaine d’années dans le cadre de plusieurs réformes de l’État déconcentré. De manière générale, il apparaît que l’échelon départemental a principalement supporté les efforts du ministère de l’intérieur en matière de suppression d’emplois.

a.   L’administration territoriale de l’État a fait l’objet de plusieurs réformes visant à sa réorganisation partielle

Au cours des quinze dernières années, l’administration territoriale de l’État a fait l’objet de plusieurs réformes, certaines portant sur l’ensemble des administrations déconcentrées, d’autres réorganisant les seules préfectures :

– la réorganisation de l’administration territoriale de l’État (RéATE) en 2010 ([39]), s’inscrivant dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) lancée en 2007 ;

– la réforme territoriale de 2015 ([40]) qui a conduit à la fusion de 16 des 22 régions au 1er janvier 2016 ;

– le plan « préfectures nouvelle génération » PPNG mis en œuvre à compter de 2017.

La RéATE a regroupé, sous l’autorité des préfets de région, des services déconcentrés au sein de directions ministérielles comme les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), auxquelles s’ajoutent les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) depuis 2021 ([41]).

Quant à la réforme territoriale de 2015, elle a conduit à la fusion des SGAR et des directions régionales concernées.

Au niveau départemental, deux évolutions importantes ont eu lieu.

Premièrement, le PPNG a voulu recentrer les moyens des préfectures autour de quatre missions jugées prioritaires (gestion locale des crises, lutte contre la fraude documentaire, expertise juridique et contrôle de légalité, coordination territoriale des politiques publiques) ([42]). Comme l’affirme la Cour des comptes, « [ce plan] a en réalité été conçu pour adapter les missions aux réductions d’effectifs, et non l’inverse ».

Deuxièmement, les services support des DDI ont été regroupés au sein de nouveaux services transversaux : les secrétariats généraux communs départementaux (SGCD). Au niveau budgétaire, cette réforme s’est traduite par la fusion du programme 307 Administration territoriale de la mission AGTE et du programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées de la mission Direction de l’action du Gouvernement au sein du nouveau programme 354 Administration territoriale de l’État, créé en loi de finances pour 2020 ([43]). En conséquence, les dépenses de fonctionnement et d’investissement ainsi que les emplois de direction des DDI relèvent désormais de la mission AGTE et donc du périmètre du ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Le rapporteur spécial observe que cette modification de la maquette budgétaire de la mission rend délicate une appréciation complète de l’évolution des effectifs des préfectures à moyen et long termes.

Toutefois, il note des tendances certaines au niveau des moyens humains consacrés aux missions des préfectures et des sous-préfectures dans les départements et leurs arrondissements.

b.   Ces réformes se sont accompagnées d’une réduction importante des effectifs

En 2019, l’ex-programme 307 Administration territoriale rémunérait 24 885 ETPT contre 27 499 ETPT cinq ans auparavant (– 9,5 %) et 29 435 ETPT en 2009 (– 15,5 %). Ces chiffres doivent être analysés avec précaution compte tenu des différents transferts d’emploi qui ont pu avoir lieu au cours de cette période. Néanmoins, ils donnent un ordre de grandeur de la baisse des effectifs conduite par les dernières réformes de l’État au niveau déconcentré.

Au cours de cette période, les projets de loi de finances présentaient un schéma d’emplois annuel de – 433,45 ETP en moyenne avec un fossé de – 736 ETP fixé en loi de finances pour 2010.

évolution des schémas d’emplois en lois de finances initiales depuis 2007

(en ETP)

Source : commission des finances à partir des projets annuels de performances de la mission AGTE.

Dans le même temps, la trajectoire des emplois de l’ensemble du ministère de l’intérieur n’a pas été exactement la même. En dix ans, celui-ci n’a rendu que 2 410 ETPT sur les 284 979 réalisés en 2009, soit une baisse de 0,8 %. Il est vrai qu’un plancher a été atteint au milieu de cette décennie lorsque le nombre d’emplois rémunérés est descendu à 274 671 ETPT en 2013 (– 3,6 %). À partir de 2014, les effectifs du ministère de l’intérieur sont repartis à la hausse et continuent depuis de croître chaque année, la LOPMI ([44]) assurant par ailleurs cette trajectoire haussière pour les cinq prochaines années. À ce propos, la Cour des comptes note que la réduction des effectifs des préfectures « a représenté la quasi-totalité des efforts en effectifs du ministère de l’intérieur depuis 2014, lorsque les recrutements de policiers et de gendarmes sont repartis à la hausse ».

Le poids relatif des emplois des préfectures est d’ailleurs passé de 10,3 % des effectifs globaux du ministère en 2009 à 8,8 % en 2019. Proportionnellement à la part qu’elle occupe, l’administration territoriale de l’État a ainsi contribué davantage que les autres services du ministère de l’intérieur à la réduction des effectifs.

Le rapporteur spécial observe que, pendant cette période, les emplois en administration centrale rémunérés par la mission AGTE ont, quant à eux, augmenté. Ils sont en effet passés de 2 971 ETPT en 2009 à 3 428 en 2014 et enfin à 4 109 en 2019, soit une hausse de 38,3 % en dix ans. Certes, les transferts d’emplois et de crédits qui ont pu affecter les programmes de la mission au cours des quinze dernières années invitent à lire ces chiffres avec prudence. Néanmoins, ils indiquent une tendance, en ordre de grandeur, nettement favorable à l’administration centrale.

Pour rappel, le périmètre des emplois centraux rémunérés par la mission AGTE, et plus particulièrement le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, comprend actuellement les cabinets ministériels ([45]), le secrétariat général, les services du haut fonctionnaire de défense, l’Inspection générale de l’administration (IGA), la direction générale des collectivités locales (DGCL), la direction générale des étrangers en France (DGEF) et la délégation à la sécurité routière (DSR). Autrement dit, la mission AGTE porte les emplois de toute l’administration centrale hors police, gendarmerie, sécurité civile et sécurité intérieure.

Toutefois, la direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES), sous l’autorité du secrétaire général, n’a pas connu de renforcement de ses effectifs. Au contraire, ils ont diminué de 14,9 % entre 2014 et 2023 ([46]). Le rapporteur spécial constate ainsi que le recul des moyens humains des préfectures semble avoir également concerné le service qui les supervise.

Ces trajectoires d’emploi renforcent donc le caractère inédit des dernières projections annoncées au Parlement. Les projets de loi de finances pour 2021 et 2022 ont présenté un schéma d’emploi neutre pour le programme 354 Administration territoriale de l’État avant que celui pour 2023 n’aille jusqu’à annoncer une hausse des effectifs à hauteur de 48 ETP, le ministère de l’intérieur et des outre-mer précisant même qu’il fallait mettre fin « à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux, elle-même à l’origine d’une dégradation lente et profonde des liens entre l’État et les citoyens » ([47]). Quant au présent projet de loi de finances, il présente un schéma d’emploi de + 232 ETP ([48]).

2.   Le renforcement des effectifs ne peut se limiter à la seule question de la hausse numérique des emplois

Ces nombreuses années de réduction d’effectifs conduisent à s’interroger sur l’allocation des ressources humaines au sein des préfectures, d’une part entre les missions qui leur incombent et, d’autre part, entre les territoires. Par ailleurs, la question de l’évolution des emplois ne doit pas occulter celle de l’attractivité des postes dans l’administration territoriale de l’État.

a.   L’allocation des effectifs, tant au niveau des missions que des territoires, doit être optimisée

Globalement, les suppressions d’emploi ont principalement concerné les sous-préfectures qui ont perdu un quart de leurs effectifs entre 2012 et 2019 d’après la Cour des comptes. Au niveau des missions, ce sont celles dédiées à l’instruction des titres d’identité, certaines fonctions support ainsi que le contrôle de légalité qui semblent avoir été les plus touchées par les réductions de poste, ce qui apparaît comme une conséquence du PPNG. Toutefois, il est difficile d’apprécier ces évolutions au niveau national qui peuvent agréger des réalités locales parfois différentes.

C’est pourquoi le rapporteur spécial a souhaité analyser plus finement l’évolution des effectifs dans trois préfectures dans lesquelles il s’est déplacé : le Loiret (Orléans), la Meuse (Bar-le-Duc) et le Nord (Lille). Elles ont permis au rapporteur spécial d’avoir un regard sur trois types de territoire avec le département le plus peuplé de France (2,64 millions d’habitants pour le Nord au 1er janvier 2023), un département dont la démographie est représentative du pays (697 000 habitants pour le Loiret) et un département parmi les moins peuplés et perdant des habitants (la Meuse et ses 188 000 habitants). Par ailleurs, les préfets du Loiret et du Nord sont respectivement préfets des régions Centre-Val de Loire et Hauts-de-France.

évolution comparée des effectifs par affectation
dans le loiret et la meuse

(en ETPT arrondis à l’unité)

 

 

2012

2017

2022

Variation 2012-2022

Représentation de l’état et communication

Loiret

29

26

35

+ 21 %

Meuse

20

18

24

+ 20 %

France

3 058

2 771

3 145

+ 3 %

Sécurité

Loiret

27

23

28

+ 4 %

Meuse

10

13

18

+ 80 %

France

2 111

2 263

2 796

+ 32 %

Instruction et délivrance des titres

Loiret

89

78

49

– 45 %

Meuse

25

19

8

– 68 %

France

7 367

7 596

6 201

– 16 %

Élections, expertise juridique et lutte contre la fraude

Loiret

8

18

21

+ 162 %

Meuse

9

6

7

+ 22 %

France

1 346

1 323

1 346

0 %

Relations avec les collectivités locales

Loiret

18

22

22

+ 22 %

Meuse

13

15

12

– 8 %

France

1 873

2 102

2 072

+ 11 %

Animation des politiques interministérielles

Loiret

56

35

39

– 30 %

Meuse

18

19

15

– 17 %

France

3 458

3 105

3 195

– 8 %

Management et appui au pilotage stratégique

Loiret

18

23

22

+ 22 %

Meuse

11

13

17

+ 55 %

France

2 247

2 314

3 207

+ 43 %

Immobilier

Loiret

7

7

16

+ 129 %

Meuse

8

7

7

– 13 %

France

984

1 007

1 977

+ 101 %

Informatique

Loiret

8

0

14

+ 75 %

Meuse

3

0

7

+ 133 %

France

697

152

1 263

+ 81 %

Gestion administrative

Loiret

33

43

50

+ 52 %

Meuse

16

11

16

0 %

France

2 886

2 694

3 695

+ 28 %

Source : données transmises par le secrétariat général du ministère de l’intérieur et des outre-mer, la préfecture du Loiret et la préfecture de la Meuse.

évolution des effectifs de la préfecture du nord par direction

Source : données transmises par la préfecture du Nord.

Si les rythmes de réduction ont pu être différents d’une préfecture à une autre, le rapporteur spécial y observe les grandes tendances qui se dessinent au niveau national à la suite des réorganisations induites par le PPNG, particulièrement marquantes au niveau des anciens services « titres » ([49]).

À ce propos, il s’interroge sur la soutenabilité de ces trajectoires dans la mesure où un recours massif aux contractuels s’est développé dans le même temps.

nombre de contractuels rémunérés par le programme 354
administration territoriale de l’État depuis 2014

(données en ETPT)

Source : réponses au questionnaire.

La durée moyenne des contrats s’élevait à 376 jours au 1er juin 2023. Elle est révélatrice du recours à un nombre important de contractuels infra-annuels, improprement appelés « vacataires » ([50]) par le ministère de l’intérieur et des outre-mer, sur lesquels repose le bon fonctionnement de l’administration préfectorale.

Le ministère considère que « le recours aux contractuels infra-annuels apporte une forme de souplesse en permettant une montée en charge rapide des services en cas de crise (comme dans les centres d’expertise et de ressources titres) et répond à des besoins ponctuels et non structurels » ([51]). Pour le rapporteur spécial, une alternative au recours massif aux contractuels infra-annuels pourrait être de mieux indemniser les heures de travaux supplémentaires et de favoriser l’annualisation du temps de travail pour amortir les pics d’activité.

Il considère que la conclusion de contrats inférieurs à un an constitue un détournement de l’esprit des schémas d’emploi dans la mesure où leur impact est nul à cet égard.

La gestion des effectifs par le préfet de région, en sa qualité de responsable d’un budget opérationnel de programme (BOP), par l’octroi d’emplois par le secrétaire général du ministère de l’intérieur et des outre-mer, responsable du programme 354 Administration territoriale de l’État, laisse peu de marge de manœuvre, d’où la facilité que représentent les contrats infra-annuels. La répartition des ETP se fait dans la continuité d’une année sur l’autre auxquels s’ajoutent ceux pré-fléchés par département et par mission par le responsable de programme. La Cour des comptes note que « le dialogue de gestion entre la centrale et les préfets de région, puis entre région et départements est quasi inexistant », sentiment que partage le rapporteur spécial à l’issue de ses déplacements et de ses auditions.

Il juge d’ailleurs ce système particulièrement rigide. Le rapporteur spécial estime qu’une réflexion devrait être engagée quant à la rémunération et au temps de travail des agents publics affectés sur des postes en tension.

La question de l’allocation optimale des ressources humaines de l’administration territoriale de l’État ne se limite pas aux affectations d’agents publics par mission. Elle interroge également la pertinence de la répartition des emplois entre les préfectures.

Le rapporteur spécial observe que le nombre d’ETPT n’est pas proportionnel au nombre d’habitants.

comparaison entre les effectifs des préfectures et la population
des départements dans le grand est

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire.

Ce constat est également valable dans les préfectures dans lesquelles le rapporteur spécial s’est rendu au cours de ses travaux pour le PLF 2023 et le PLF 2024. Au 1er janvier 2023, la France comptait en moyenne 1 ETPT en préfecture de département pour 2 407 habitants ([52]). Seuls les effectifs du Loiret correspondaient à ce ratio (1 ETPT pour 2 436 habitants). Pour la Meuse, le rapport était de près de 50 % au-dessus de la moyenne nationale (1 ETPT pour 1 298 habitants). Le Nord se trouvait dans une situation diamétralement opposée avec 1 ETPT pour 3 364 habitants (40 % en dessous de la moyenne). Quant aux Yvelines et à la Marne, elles affichaient un taux respectif de 1 ETPT pour 2 990 habitants (– 24 %) et de 1 ETPT pour 2 249 habitants (+ 7 %).

En conséquence, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à accroître les efforts de mutualisations interdépartementales, voire inter-régionales.

b.   Le réarmement de l’État territorial ne sera pas atteint s’il continue de souffrir d’un manque d’attractivité

Concernant le sujet des effectifs de l’administration territoriale de l’État, le rapporteur spécial appelle à dépasser le débat autour du niveau adéquat du schéma d’emplois annuel. Il considère que le réarmement des préfectures ne saurait se limiter à une simple hausse de leurs effectifs.

De plus, le vieillissement des agents laisse à penser que le nombre de recrutements sera nécessairement supérieur au niveau du schéma d’emplois puisqu’il correspond au solde des entrées et des sorties, autrement dit des départs à la retraite dans beaucoup de cas. En effet, l’âge moyen des agents des préfectures se situe à 49,3 ans. La moitié d’entre eux ont plus de 51 ans ([53]).

pyramide des âges des fonctionnaires rémunérés par le programme 354 administration territoriale de l’état en 2023

Source : réponses au questionnaire.

Il ressort des déplacements effectués qu’il ne suffit pas de créer des postes pour qu’ils soient pourvus. De manière générale, l’administration préfectorale souffre d’un déficit d’attractivité qui peut être particulièrement marquant dans certains territoires à la démographie déclinante.

À son initiative, la loi de finances pour 2023 a assigné un nouvel objectif au programme 354 Administration territoriale de l’État visant à « renforcer l’attractivité de l’administration territoriale de l’État », assorti de deux nouveaux indicateurs de performances :

– nombre et pourcentage de postes non pourvus au niveau national (le PLF 2024 fixe une cible de 670 postes maximum, soit 3 %) ;

– nombre de préfectures dont le nombre de postes non pourvus est supérieur à 3 % (cible à 55 départements maximum).

D’après les réponses au questionnaire annuel, le taux de postes vacants se situait, au 30 juin 2023, à hauteur de 4,4 %. Certaines régions enregistrent un taux de vacance de postes plus élevé telles que le Grand Est (6 %), l’Île-de-France (6,2 %) et la Corse (10 %).

Comme évoqué plus haut, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à réfléchir à une évolution du régime indemnitaire pour donner aux préfets plus de libertés en matière de rémunération afin de rendre les postes plus attractifs.

Actuellement, « aucune mesure spécifique nouvelle en vue de renforcer l’attractivité de l’administration territoriale de l’État n’est portée » ([54]). Pour le ministère de l’intérieur et des outre-mer, cela s’explique par la prise en compte des mesures de « rendez-vous salariaux » qui vont bénéficier à l’ensemble des agents, comme l’attribution de 5 points d’indice supplémentaires (12,3 millions d’euros) et la refonte des grilles des fonctionnaires des catégories B et C (3,4 millions d’euros).

Le rapporteur spécial s’interroge également sur une réforme des affectations des lauréats des concours nationaux qui permettrait de garantir l’affectation de nouveaux agents, pour une durée déterminée, dans un périmètre géographique défini.

B.   les délais de délivrance des titres d’identité ET DE Séjour : un problème qui demeure

L’instruction des demandes de cartes nationales d’identité (CNI) et de passeports connaît une véritable crise depuis le printemps 2022. Face à l’allongement des délais, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en place une série de mesures conjoncturelles dont les effets semblent, à court terme, avoir permis d’au moins enrayer la dégradation continue du temps d’attente de l’usager pour obtenir son document d’identité.

Le rapporteur spécial estime que c’est le fonctionnement même de la chaîne de délivrance qui est responsable de la situation actuelle et non l’effet de rattrapage des demandes post-crise sanitaire, même si celui-ci l’a particulièrement accentuée. À défaut de pouvoir réformer le système actuel, il appelle à mieux indemniser les communes et à encadrer de manière plus stricte l’offre de rendez-vous.

L’instruction des demandes de titre de séjour a également fait l’objet d’un suivi de la part du rapporteur spécial bien que ce sujet obéisse à d’autres problématiques.

1.   La crise des titres s’est à nouveau répétée à l’approche de l’été 2023

Pour pouvoir faire établir ou renouveler sa CNI ou son passeport, un usager doit déposer sa demande dans une mairie équipée d’un dispositif de recueil (DR) permettant notamment le prélèvement de ses empreintes digitales. Une fois le dossier complet, la commune transmet la demande de l’usager au centre d’expertise et de ressources des titres (CERT) dont elle relève.

Il existe un CERT par région en métropole ([55]). Ces structures, placées sous l’autorité du préfet du département dans lequel elles sont implantées, sont chargées de contrôler l’ensemble des pièces justificatives et de détecter d’éventuelles fraudes. Une fois validé, le titre est mis en production par l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et fabriqué à l’Imprimerie nationale.

Actuellement, l’indicateur de performances relatif au délai moyen d’instruction des titres ne vise que la phase du processus qui ne concerne que les CERT. Le PLF 2024 fixe une cible à 15 jours pour le traitement des demandes de documents d’identité alors que ce dernier prenait 21 jours pour les CNI et 18 jours pour les passeports en 2022.

Les travaux du Printemps de l’évaluation avaient permis au rapporteur spécial de constater que la dégradation des délais ne provenait pas de ces structures. En effet, la crise des titres d’identité a débuté lorsque le temps d’attente pour pouvoir déposer sa demande est passé de 21 à 66 jours en l’espace de seulement trois mois au début de l’année 2022. Il a fallu attendre la fin du mois de juin 2022 pour que le délai moyen repasse en dessous de 60 jours pour se stabiliser à une cinquantaine de jours jusqu’à la fin de l’année.

À la mi-avril 2023, le temps moyen d’attente pour obtenir un rendez-vous a atteint un nouveau pic avant de décroître pendant l’été. Cette répétition semble conforter l’idée que la dégradation des délais n’est plus liée à la fin de crise sanitaire mais qu’elle est désormais cyclique et appelée à se répéter pour les prochaines années à l’approche de la période estivale.

évolution des délais de rendez-vous auprès d’un dr depuis quatre ans

(en nombre de jours)

Source : réponses au questionnaire.

Ces délais moyens font apparaître d’importantes disparités entre départements mais aussi entre communes équipées de DR. Si on prend l’exemple de la région Centre-Val de Loire, le temps d’attente pouvait aller de 55 jours dans l’Indre à 132 jours en Indre-et-Loire alors que la moyenne régionale se situait à 88 jours à la fin du mois de mars 2023.

Au sein d’un même département comme la Marne, le délai pouvait varier de 0 jour (accueil sans rendez-vous) à 133 jours, pour une moyenne départementale de 48 jours.

Le caractère incomplet de l’indicateur fourni par le projet annuel de performances de la mission AGTE a conduit le rapporteur spécial à présenter l’amendement n° IICF363 visant à inclure le délai de rendez-vous auprès d’un DR dans la mesure.

Pour lutter contre cette dégradation, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a mis en place un certain nombre de mesures visant à dynamiser l’offre de rendez-vous :

– augmentation du nombre de DR de manière temporaire (opérations « coup de poing ») ou pérenne pour atteindre 6 147 DR à la mi-2023 ([56]) contre 5 154 six mois plus tôt ;

– mise en place d’une plateforme mutualisée de prise de rendez-vous en ligne, gérée par l’ANTS, afin d’éviter les doublons ;

– hausse de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) par le décret n° 2023‑206 du 27 mars 2023 qui prévoit que celle-ci peut atteindre jusqu’à 21 500 euros par DR lorsque celui-ci recueille plus de 4 000 demandes par an.

– conclusion de contrats urgence titres (CUT) qui permettent aux communes signataires de recevoir une dotation exceptionnelle de 4 000 euros si elles augmentent de 20 % les recueils effectués en mai et juin 2023 par rapport aux niveaux observés en janvier et février de la même année.

La préfecture du Nord indique, par exemple que « toutes les communes intéressées n’ont pas signé de CUT, tout en s’engageant néanmoins dans la démarche puisque la signature de ce contrat n’était pas un prérequis obligatoire. À titre indicatif toutefois, 39 communes sur les 46 initialement éligibles ont répondu favorablement à l’engagement du « contrat urgence titres ». L’élargissement de ce dispositif à l’ensemble des communes a in fine permis à toutes les communes de s’engager dans la démarche, 32 d’entre elles ayant été identifiées par le ministère de l’intérieur comme ayant atteint leurs objectifs ».

Un sous-préfet à l’engagement national pour les titres a également été nommé auprès du directeur du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur (DMATES) pour coordonner l’ensemble de ces actions. Le rapporteur spécial relève le changement de sémantique dans la communication officielle du ministère de l’intérieur et des outre-mer qui fait allusion à un engagement national pour les titres et non plus une crise de la délivrance des CNI et des passeports, ce que l’on peut interpréter comme une forme de reconnaissance du caractère systémique des problèmes rencontrés.

2.   Une erreur de conception dont le coût pour les finances publiques demeure difficile à évaluer

Il ressortait des travaux du rapporteur spécial du Printemps de l’évaluation que le problème originel du système actuel de délivrance était la déterritorialisation du traitement des demandes qui ne sont plus recueillies par les préfectures et sous-préfectures (passeports) et l’ensemble des communes (CNI) mais par un nombre restreint de mairies équipées de DR sur la base du volontariat.

La généralisation du passeport biométrique à partir de 2009 a conduit au déploiement des premiers DR en raison de la nécessité de recueillir les empreintes digitales avant que la mise en place du PPNG en 2017 n’achève la transition vers le système actuel en confiant aux seules communes dotées de stations d’enregistrement le soin de recueillir les demandes de CNI et en imposant leur transmission dématérialisée aux nouveaux CERT.

Les recommandations du rapporteur spécial
à l’issue du Printemps de l’évaluation 2023

Recommandation n° 1 : inclure l’ensemble des délais auxquels sont confrontés les usagers, de la demande de rendez-vous à la réception du titre d’identité, dans l’indicateur de performance.

Recommandation n° 2 : réformer le calcul de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) de manière à la rendre entièrement proportionnelle.

Recommandation n° 3 : mettre fin à la gratuité de la délivrance de la CNI en rétablissant un droit de timbre de 25 euros.

Recommandation n° 4 : fixer à 50 euros le droit de timbre pour le renouvellement d’une carte nationale d’identité (CNI) en cas de non-présentation de l’ancienne carte.

Recommandation n° 5 : augmenter le droit de timbre pour la délivrance d’un passeport.

Recommandation n° 6 : engager une réflexion sur l’opportunité de substituer aux timbres fiscaux sur la délivrance des passeports et des CNI une redevance pour service rendu.

Recommandation n° 7 : mettre en place des conventions État-commune plus contraignantes concernant la mise à disposition de dispositifs de recueil de titres sécurisés, assorties d’objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Recommandation n° 8 : instaurer un malus sur la DTS en cas de non-respect des obligations de la convention de mise à disposition des stations d’enregistrement.

Recommandation n° 9 : mieux lutter contre les discriminations relatives au lieu de résidence que peuvent subir les usagers lors de leur demande de titre d’identité.

Pour le rapporteur spécial, il faut donc, à la fois, mieux indemniser les communes volontaires et mieux encadrer l’offre de rendez-vous.

Dans le but de mieux connaître le coût que représente, pour une commune volontaire, la gestion d’un DR, le rapporteur spécial a présenté l’amendement n° II-CF387 demandant un rapport d’évaluation au Gouvernement.

Il apparaît en effet que ce coût est mal connu. D’après les éléments transmis par les services de la préfecture de la Meuse, le nombre d’ETP par DR varie de 0,3 à 1 pour un coût en dépenses de personnel allant de 14 000 euros à 31 000 euros.

Le rapporteur spécial regrette que le ministère de l’intérieur et des outre-mer ne soit pas en mesure d’estimer le coût, pour les finances publiques, du système actuel de délivrance.

Le PPNG devait s’accompagner du transfert de 1 500 ETP des anciens services « titres » des préfectures au niveau départemental vers les CERT régionaux, de la réallocation de 1 000 ETP vers les quatre missions prioritaires et de la suppression de 1 300 ETP sur les 4 000 affectés jusqu’alors à ces tâches.

Dans le Nord, les effectifs affectés aux CNI et aux passeports sont passés de 13,2 au 1er janvier 2017 à 3,4 au 1er janvier 2023. Les missions liées à l’accueil du public et à la délivrance des titres (y compris de séjour) ont perdu 37 % de leurs agents. Dans la Meuse, le taux s’élève à 57 %.

Afin de compenser, pour le budget général de l’État, une hausse de la DTS, le rapporteur spécial a présenté deux amendements visant à augmenter les droits de timbre sur la délivrance des titres d’identité :

 l’amendement n° I-CF848 propose de rétablir ([57]) un timbre fiscal de 25 euros pour la remise d’une CNI et de porter à 50 euros le coût pour l’usager d’un renouvellement en cas de perte de la carte précédente ;

 l’amendement n° ICF849 augmente d’un quart le tarif du passeport, actuellement fixé à 86 euros pour un adulte.

Ces deux mesures rapporteraient 280,90 millions d’euros à l’État. Il s’agit d’un gain net dans la mesure où les amendements ne proposent pas, pour autant, de relèvement du plafond d’affectation de ces deux taxes pour l’ANTS.

Concernant l’encadrement de l’offre de rendez-vous – il faut rappeler que le maire agit en tant qu’agent de l’État lorsqu’il recueille les demandes de CNI et de passeport ([58]) –elle passe par la conclusion de conventions de mise à disposition des DR beaucoup plus contraignantes. Actuellement, ces conventions entre le maire et le préfet ne fixent aucun objectif d’ouverture de créneaux d’accueil, les modalités d’organisation étant laissées à la libre initiative de la collectivité. Concernant les rendez-vous, il est seulement stipulé que le maire s’engage « à accueillir tant les demandeurs de titre d’identité et de voyage domiciliés dans sa propre commune que ceux domiciliés dans d’autres communes ».

Le rapporteur spécial a présenté, en ce sens, l’amendement n° II-CF384 à l’article 58 du projet de loi de finances ([59]), rattaché à la mission Relations avec les collectivités territoriales, prévoyant que les conventions comportent des stipulations fixant des objectifs qualitatifs et quantitatifs assorties de malus sur le versement de la DTS.

3.   Le succès de la dématérialisation des demandes de titre de séjour risque d’être compromis par la question des rendez-vous en préfecture

La commission a adopté l’amendement n° II-CF365 du rapporteur spécial qui visait à rétablir une proposition qui avait été retenue par la LFI 2023.

À son initiative, la commission avait en effet adopté un amendement modifiant l’indicateur de performance relatif aux délais de renouvellement des titres de séjour de sorte que celui-ci inclue celui de la prise de rendez-vous. Cette proposition avait été retenue dans le texte sur lequel le Gouvernement avait engagé sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Malgré l’effort de dématérialisation entrepris par le biais de l’administration des étrangers en France (ANEF), un certain nombre de demandes font toujours l’objet d’un rendez-vous initial pour que l’étranger puisse déposer son dossier en préfecture, ce qui serait le cas de près d’un tiers des situations. La direction générale des étrangers en France (DGEF) estime que « si le dépôt des demandes se fait au cours d’un accueil physique, l’usager se présentera en moyenne trois ou quatre fois au guichet » (recueil du dossier, prélèvement des empreintes digitales, apport de justificatifs complémentaires, remise du titre en mains propres).

De plus, un décret du 22 mars 2023 ([60]) crée une solution de substitution aux demandes dématérialisées sur le portail de l’ANEF. Conformément à la nouvelle rédaction de l’article R. 431‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), elle prend la forme « d’un accueil physique permettant l’enregistrement de la demande [mis en place] pour l’étranger qui, ayant accompli toutes les diligences qui lui incombent, notamment en ayant fait appel au dispositif d’accueil et d’accompagnement […] se trouve dans l’impossibilité constatée d’utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ».

Toutefois, afin de bien distinguer les différents délais nécessaires au renouvellement d’un titre de séjour, le rapporteur spécial a, cette fois, proposé que soit ajouté un nouvel indicateur relatif au délai d’obtention d’un rendez-vous physique en préfecture qui viendrait compléter les indicateurs présentés dans le projet de loi de finances pour 2024 (« délai de délivrance des renouvellements de titres de séjour dans l’ANEF et « délai de traitement des demandes de renouvellement de séjour »).

À titre d’illustration, le délai moyen pour obtenir un rendez-vous pour le renouvellement d’un titre de séjour est de 7 semaines dans la Meuse. Dans le Loiret, elle est estimée à 20 jours.

Il faut noter que la question de l’obtention de rendez-vous est à l’origine d’un grand nombre de contentieux portés devant les juridictions administratives. Les préfectures ont fait état de 7 417 référés conservatoires en 2022, soit près de 10 % des requêtes.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 24 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné seize amendements de crédits et adopté les amendements n° IICF2248 et n° IICF568, la commission a adopté, conformément à l’avis favorable du rapporteur spécial, les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État ainsi modifiés.

La commission a ensuite adopté l’amendement n° IICF365 portant modification de l’état G ainsi que les amendements n° IICF372, n° IICF367 et n° IICF1891 portant articles additionnels avant l’article 50 du projet de loi de finances pour 2024.

 

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) porte essentiellement les moyens et les emplois du réseau des préfectures ainsi que ceux de l’administration centrale du ministère de l’intérieur et des outre-mer, hors police, gendarmerie et sécurité civile. Le projet de loi de finances propose une hausse de près de 2 % de ses crédits de paiement, qui atteindront 4,7 milliards d’euros en 2024.

La principale augmentation concerne le programme 232, Vie politique, en raison de l’organisation des élections européennes qui se dérouleront le 9 juin 2024. Celles-ci vont nécessiter l’ouverture de 138 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2023, année marquée par l’absence de scrutin d’envergure nationale au suffrage direct. Au total, elles devraient coûter 180 millions d’euros en 2024, soit 3,37 euros par électeur inscrit, contre 112 millions en 2019, c’est-à-dire 2,78 euros par électeur inscrit.

Le programme 354 Administration territoriale de l’État devrait quant à lui connaître une reconduction de ses crédits quasi à l’identique par rapport à la dernière loi de finances – une reconduction synonyme de consolidation, dans la mesure où celle-ci actait une hausse inédite de 7 % afin de « réarmer » les préfectures. Ce renforcement de l’administration territoriale de l’État devrait également se traduire par un schéma d’emploi positif de 232 équivalents temps plein (ETP), soit une augmentation de 0,5 %.

Je reviendrai dans quelques instants sur la question des effectifs, sujet auquel j’ai consacré une partie importante de mes travaux de rapporteur spécial cette année. Avant cela, je terminerai la présentation du budget de la mission AGTE pour 2024 en relevant la hausse considérable des autorisations d’engagement du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, de l’ordre de 737 millions d’euros, soit une augmentation de 15 %. Elle résulte essentiellement de l’engagement d’importantes dépenses sur la phase de construction du nouveau site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen.

J’en viens à deux sujets qui me semblent importants pour la mission AGTE, et plus particulièrement pour le programme 354 Administration territoriale de l’État, qui concentre plus de la moitié de ses crédits. Le premier concerne sa performance, s’agissant notamment des délais de délivrance des cartes d’identité et des passeports. Souvenons-nous que la crise des titres a commencé au printemps 2022 ; le ministère de l’intérieur nous disait alors qu’elle n’était que la conséquence d’un effet de rattrapage post-covid. J’y ai consacré mes travaux du Printemps de l’évaluation et je suis arrivé à la conclusion que l’accroissement considérable des délais d’obtention était en réalité le résultat d’une mauvaise conception de la chaîne de délivrance elle-même, qui repose sur le volontariat des communes ayant souhaité accueillir un dispositif de recueil (DR). En effet, les retards s’observent dès la phase d’obtention du rendez-vous, et beaucoup moins lors de l’instruction du dossier et de la production du titre.

Un an et demi plus tard, où en sommes-nous ? Au printemps dernier, nous avons de nouveau connu des délais considérables : au mois de mars, il fallait en moyenne patienter deux mois et demi pour pouvoir faire enregistrer sa demande. En comptant la phase d’instruction, trois mois étaient donc nécessaires pour renouveler sa carte d’identité ou son passeport ; difficile, à l’approche de l’été 2023, de parler encore de rattrapage post-covid. Je continue de penser qu’il faut mieux indemniser les communes qui disposent d’un DR et mieux encadrer leur offre de rendez-vous.

Le second thème saillant de la mission AGTE concerne ses effectifs. Au cours des quinze dernières années, l’administration préfectorale a connu trois réformes : la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) en 2010, la fusion des régions en 2016 et enfin le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) en 2017. Elles ont conduit à ce que les effectifs rémunérés par le programme qui nous intéresse baissent d’environ 15 % en l’espace d’un peu plus d’une décennie. Au cours de cette période, chaque projet de loi de finances annonçait un schéma d’emplois négatif, autour de 433 ETP en moyenne annuelle soit l’équivalent de – 1,5 % chaque année. À partir de 2021, le schéma est devenu neutre pour la première fois, avant d’être positif à compter de 2023. Partant de ce constat, j’ai voulu savoir si cette trajectoire était propre aux seuls services déconcentrés et quelles missions elle avait touchées. Comme je l’imaginais, il apparaît que les emplois en administration centrale rémunérés par la mission AGTE ont augmenté dans le même temps à hauteur de 1 000 ETP environ, et que ce sont les missions liées à l’instruction des titres, à l’organisation des élections, au contrôle de légalité ou à la représentation de l’État qui ont perdu le plus d’emplois. Toutefois, le renforcement des préfectures ne saurait se limiter à la seule question des schémas d’emplois, d’une part parce qu’elles souffrent d’un déficit d’attractivité important pouvant être aggravé dans un département à la démographie déclinante, d’autre part parce qu’il apparaît nécessaire de mieux allouer les ressources humaines entre territoires. J’ai pu comprendre, au cours de mes déplacements, que le dialogue de gestion entre l’administration centrale et le niveau départemental est en réalité quasi inexistant, s’agissant de la répartition des effectifs que nous votons.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les centres d’expertise et de ressources titres (Cert) feront prochainement l’objet d’un rapport de la Cour des comptes, laquelle a d’ores et déjà remarqué que les délais de traitement des dossiers et le nombre d’erreurs s’accroissaient à mesure qu’augmentait le nombre de contractuels disposant de contrats de moins d’un an. À l’inverse, la présence d’un plus grand nombre de fonctionnaires titulaires s’accompagne d’une meilleure qualité de traitement et d’une plus grande célérité. Même la Cour des comptes finit par estimer que le recours à des contractuels coûte plus cher que les fonctionnaires titulaires, qui garantissent la stabilité et l’efficacité de l’action de l’État. L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) compte aujourd’hui, sur des plateformes téléphoniques, 450 emplois externalisés qu’il faudrait pourtant, pour assurer un pilotage efficace, réinternaliser. L’Agence, tenue par le plafond d’emplois, avait en effet évalué à soixante le nombre d’agents nécessaires.

S’agissant enfin de l’accès physique aux services publics, alors même que l’action territoriale de l’État est censée être réarmée avec l’augmentation du nombre de maisons France Services et la réouverture de sous-préfectures, la Défenseure des droits constate un nouvel accroissement, du 1er janvier au 1er septembre 2023, du nombre de saisines liées à des questions de titres, en particulier concernant des étrangers. À cet égard, la nouvelle expérience de dématérialisation, l’Anef, administration numérique pour les étrangers en France, s’annonce d’ores et déjà comme un nouvel échec pour l’État.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF539 de Mme Mathilde Paris

Mme Mathilde Paris (RN). Il a pour objet de transférer 19 millions d’euros du programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur vers le programme Administration territoriale de l’État dont l’action 01, Coordination de la sécurité des personnes et des biens, a en effet perdu 2 millions d’euros de crédits de paiements. Elle comprend pourtant la prévention de la radicalisation, qui est essentielle dans le contexte de risque attentat et à laquelle nous devons consacrer tous les moyens nécessaires.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le PLF pour 2024 entend consacrer 187,83 millions d’euros à la coordination de la sécurité des personnes et des biens par les préfets. Cette mission fondamentale concerne le maintien de l’ordre, la sécurité civile, les polices administratives spéciales, le concours de la force publique et, effectivement, la prévention de la radicalisation. Dans un contexte de menace élevée d’attentat, je suis favorable à un geste de la représentation nationale pour appeler l’attention du Gouvernement sur ce sujet. Ces actions, en effet, sont au cœur même des fonctions régaliennes des préfectures. Le montant de 19 millions me semble toutefois trop élevé pour un amendement d’appel, d’autant plus que les crédits de l’action sont entièrement consacrés à des dépenses de personnel. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement au profit de l’amendement alternatif II-CF2248, au travers duquel je propose d’abonder l’action Coordination de la sécurité des personnes et des biens, du programme 354, Administration territoriale de l’État, à hauteur de 4 millions d’euros.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Certes, les crédits sont répartis sur différentes actions, et passent aussi par les directions des sécurités des préfectures mais c’est théoriquement le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) qui devrait être concerné. S’agissant de la prévention de la radicalisation, notre groupe a d’ailleurs déposé un amendement demandant un rapport permettant d’évaluer l’efficacité des actions menées jusqu’à maintenant. Je rappelle en effet que des crédits ont été alloués au fonds Marianne, géré par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) avec le FIPDR. Quand on voit ce que cela a donné, il semble urgent d’attendre avant de déterminer la façon dont l’argent doit être concrètement dépensé. Des investigations sont aussi en cours sur d’autres structures qui, sous couvert d’actions de déradicalisation, détournent de l’argent public.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2248 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je viens de le dire, le vote de cet amendement permettrait d’appeler l’attention du Gouvernement sur le sujet. J’ajoute, en réponse à l’observation justifiée du rapporteur pour avis, que je consacrerai une partie de mes travaux, l’année prochaine, à ce fonds.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF294 de M. Julien Bayou

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Alors que les discours sur la question de l’immigration sont de plus en plus caractérisés par l’outrance, la réalité c’est que nous fabriquons chaque jour des sans-papiers en précarisant les ressortissants étrangers. Alors qu’ils cherchent tout simplement à renouveler leur titre de séjour, ils pâtissent du manque d’agents dans les préfectures pour assurer les rendez-vous, et subissent une angoisse totalement inutile. Certains se retrouvent même en situation irrégulière, ce qui a des conséquences graves sur leur vie personnelle et professionnelle mais constitue aussi une source de stress supplémentaire pour les agents. Le renforcement des moyens est une solution de bon sens, qui permettra de recruter les agents manquants dans les préfectures. Les étrangers sur notre territoire doivent pouvoir vivre et travailler dans de bonnes conditions.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Un certain nombre de demandes de titres de séjour font toujours l’objet d’un rendez-vous initial pour que l’étranger puisse déposer son dossier en préfecture ; ce serait le cas de près d’un tiers des situations. Dans ces cas-là, il se présente en moyenne trois ou quatre fois au guichet pour le recueil du dossier, le prélèvement des empreintes digitales, l’apport de justificatifs complémentaires et la remise du titre en mains propres. Même lorsque la procédure est entièrement dématérialisée, le demandeur est tout de même amené à se présenter une à deux fois au guichet, pour la remise de son titre et, éventuellement, pour le prélèvement de ses empreintes s’il n’a pas été fait antérieurement.

La question de l’obtention de rendez-vous est donc à l’origine d’un grand nombre de contentieux portés devant les juridictions administratives. Il faut parfois sept semaines avant d’obtenir un rendez-vous, même dans un petit département comme la Meuse. Vous apportez toutefois, cher collègue, une mauvaise solution à un vrai problème. Ce n’est pas en augmentant de 100 millions d’euros les moyens des services en charge des étrangers que l’on réglera la question, d’autant plus que ces services souffrent d’un manque d’attractivité. Il ressort de mes déplacements et des contrôles que j’ai effectués que les préfets ont souvent du mal à saturer leur enveloppe d’emplois, en raison des vacances de postes. Peut-être faudrait-il d’abord songer à faire évoluer le régime indemnitaire et les règles de temps de travail des agents, avant d’en recruter davantage. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Il est important de prévoir des crédits supplémentaires pour assurer un accueil physique des demandeurs par des fonctionnaires. L’Anef a dématérialisé sa procédure mais les agents de sa plateforme téléphonique, à Charleville-Mézières, n’ayant même pas accès à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref), renvoient les appelants vers les services des préfectures. Il faut budgétiser les postes pour pouvoir recruter les personnels qui manquent. Je rappelle par ailleurs qu’un arrêt du Conseil d’État datant d’août 2022 oblige les préfectures à prévoir un accès spécifique pour les personnes rencontrant des difficultés pour accomplir leurs démarches. Or cet accès n’est toujours pas assuré et les crédits ne sont pas prévus ! Ne piétinons pas une fois de plus l’État de droit et tenons compte de cet arrêt.

M. Ian Boucard (LR). Je crois en effet qu’il faut davantage de fonctionnaires pour gérer l’accueil des personnes en situation irrégulière, mais pour une raison différente. La France est l’un des seuls pays à avoir fait le choix de déléguer l’accueil de ces personnes à des associations. Or, certaines d’entre elles, telle la Cimade, financées à plus de 50 % par de l’argent public, affichent leur volonté d’aller à l’encontre de la politique menée par le Gouvernement sur les questions de l’asile. Elles aident les personnes en situation irrégulière à multiplier les recours pour se maintenir sur le sol français bien au-delà de la période initiale et leur fournissent même les récits, qui n’ont parfois rien à voir avec leur histoire, à livrer aux différentes commissions. Nous devrions nous interroger sur l’emploi de ces montants importants d’argent public qui sont utilisés pour aller contre la volonté du législateur et du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF381 de M. Franck Allisio

M. Kévin Mauvieux (RN). La baisse prévue de 4,83 % du budget alloué à l’action 02, Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres semble difficilement compréhensible et en opposition avec la prétendue volonté du Gouvernement de lutter contre l’immigration clandestine. Cette action regroupe des sujets variés et essentiels tels que la gestion des demandes d’asile, du séjour des étrangers ou des reconduites à la frontière, la délivrance des pièces d’identité mais aussi l’organisation et le contrôle des élections par les préfectures. Alors que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF) est plus que dérisoire, que l’asile a été dévoyé en filière d’immigration clandestine et que les délais pour la délivrance des pièces d’identité ne cessent de s’allonger, il semble invraisemblable de réduire les dotations de cette action. Le présent amendement prévoit au contraire de les majorer de 50 millions d’euros tout en demandant à l’État de bien vouloir lever le gage.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Mon attention avait effectivement été attirée par cette baisse qui cependant n’en est pas une ! Il y a en effet non pas une coupe budgétaire sur l’action 02 du programme 354, mais un changement dans l’imputation comptable de certaines dépenses des préfectures : les crédits destinés aux Cert et aux services en charge des étrangers ont visuellement diminué d’environ 23 millions d’euros mais, dans le même temps, les crédits de l’action 05 Fonctionnement courant de l’administration territoriale augmentent du même montant. Leurs effectifs connaissent d’ailleurs une augmentation d’une centaine d’ETP.

Sur le fond, un renforcement des moyens de ces services ne changerait rien à la lutte contre l’immigration clandestine et aux retards observés dans le renouvellement des cartes d’identité et des passeports. En effet, la lutte contre l’immigration illégale relève des services de sécurité et non des agents chargés d’examiner les demandes de titre de séjour. C’est d’ailleurs l’objet du programme 303, Immigration et asile, et non de la mission AGTE. S’agissant des cartes d’identité et des titres de séjour, le problème n’est pas le manque de moyens des Cert, dont les délais d’instruction ne participent que très peu au dérapage des délais d’attente depuis un an et demi, mais le temps d’attente pour pouvoir déposer sa demande dans une mairie équipée d’un DR. Je vous propose par conséquent de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF537 de Mme Mathilde Paris

Mme Mathilde Paris (RN). Il vise à doter cette même action 02 non pas de 50 millions d’euros mais de 48 millions.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Avis défavorable. J’ai consacré mon rapport d’information du Printemps de l’évaluation à l’allongement conséquent des délais de délivrance des titres. Il en ressort, pour les titres d’identité, que les problèmes rencontrés ne sont pas dus à un manque de moyens notamment technologiques des Cert ou de l’ANTS, mais à un défaut de conception du système de délivrance progressivement mis en place depuis l’apparition des premiers passeports biométriques et achevé avec le plan Préfectures nouvelle génération en 2017. En effet, la chaîne de délivrance repose dans une trop grande mesure sur un nombre limité de communes qui, sur la base du volontariat, sont équipées d’un dispositif de recueil. C’est dès la prise de rendez-vous auprès de ces mairies que les délais explosent. Il fallait compter une soixantaine de jours en moyenne au plus fort de la crise, et ce n’est qu’une moyenne ! Les délais varient considérablement d’une commune à l’autre, allant de zéro à 150 jours. À défaut de pouvoir remettre à plat ce système, il faut mieux indemniser les communes et mettre en place des conventions plus contraignantes, comprenant des objectifs quantitatifs et qualitatifs.

Pour ce qui est des permis de conduire et des cartes grises, il ressort des contrôles que j’ai effectués que les difficultés rencontrées relèvent surtout d’un problème d’investissement dans le numérique et la conduite des projets informatiques, dépenses qui ne relèvent pas du programme 354.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF369 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il vise à renforcer le contrôle de légalité et des actes budgétaires des collectivités territoriales d’environ 190 équivalents temps plein (ETP) en préfecture, suivant une recommandation formulée par la Cour des comptes dans un rapport de novembre 2022. Celle-ci constate en effet « une érosion des moyens humains devenue intenable » et s’alarme d’un contrôle « dont la qualité n’est plus suffisante au regard des obligations constitutionnelles de l’État ». C’est pourquoi je vous propose de transférer 12,77 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de dépenses de personnel de l’action 01, État-major et services centraux, du programme 216, Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, vers l’action 03, Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales du programme 354, Administration territoriale de l’État. L’évolution des effectifs sur dix ans montre qu’alors que le réseau des préfectures a vu ses effectifs diminuer de 15 %, l’administration centrale a vu son nombre d’emplois augmenter de 10 %. C’est l’illustration d’un système bureaucratique : la tête enfle, tandis que la périphérie dépérit ! Dans les préfectures que j’ai auditées, c’est notamment sur le contrôle de légalité qu’a porté cette baisse, ce qui soulève la question de l’existence de l’État républicain.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. J’ai fait le même constat de mon côté, le pire étant que l’État lui-même n’a pas suivi les préconisations qu’il a faites dans le PPNG. Celui-ci prévoyait, en effet, un renforcement du contrôle de légalité au travers, notamment, de recrutements. On se demande finalement quels objectifs de ce plan ont été atteints ! Je ne suis même pas certain, quant à moi, que 190 ETP soient suffisants : cela représente un peu plus d’un agent par département, alors que nous avons besoin de bien plus. Cette situation a des conséquences sur les chambres régionales des comptes qui, elles-mêmes, n’ont pas les moyens de contrôler a posteriori ce qui n’a pas été contrôlé a priori dans le cadre du contrôle de légalité. Cela multiplie les situations d’insécurité juridique.

M. Daniel Labaronne (RE). Dans le budget 2024, le renfort de 110 ETP est envisagé notamment pour l’instruction et la délivrance des titres de séjour aux étrangers. En outre, les services préfectoraux ont été réarmés, avec la mise en place de sous-préfets en charge de la relance puis de France 2030. De nouveaux sous-préfets seront mis à disposition pour accompagner les collectivités territoriales en termes d’ingénierie, dans le cadre de France ruralité, acte II de l’agenda rural. On ne peut donc pas laisser dire que l’État aurait désarmé les services préfectoraux : au contraire, il les renforce pour rendre davantage de services à nos concitoyens et pour accompagner les collectivités locales dans leurs démarches de projets.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Comment expliquer qu’alors que l’administration centrale avait demandé aux préfets de renforcer le contrôle de légalité, ceux-ci aient fait l’inverse ? Les préfets que j’ai interrogés à ce sujet m’ont répondu qu’ils donnaient la priorité aux services au public, plus urgents que le contrôle de légalité. Quant au réarmement, cher collègue Labaronne, il n’a commencé qu’il y a deux ans et il est encore timide.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF568 de M. Olivier Serva

M. Olivier Serva (LIOT). Il vise à renouveler une mission préfectorale pour Marie-Galante, qui avait été acceptée par la majorité présidentielle et qui a pris fin le 1er novembre 2022. De l’avis des élus locaux, de l’administration, du ministère et du mien en tant que député de cette circonscription, elle a été un succès. La présence d’un préfet ou d’une préfète sur place met en effet de l’huile dans les rouages administratifs. Elle a ainsi permis d’accélérer les procédures, de faciliter la mise en place du contrat pour la réussite de la transition écologique (CRTE), de favoriser la cohésion autour de la modernisation d’une usine sucrière à Marie-Galante, de lutter contre l’échouage des sargasses et pour le développement de l’agriculture nourricière, et enfin de traiter les problématiques de double insularité, notamment en facilitant l’accès aux soins. Cette mission s’opère avec le préfet de la Guadeloupe et le sous-préfet de zone. Elle renforce la présence de l’État déconcentré pour faciliter une décentralisation plus pertinente.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je suis favorable à cet amendement, que j’ai d’ailleurs cosigné. Je rappelle que cette mission préfectorale avait été mise en place après l’incident industriel survenu le 14 avril 2021 à l’usine sucrière de Marie-Galante. Un comité technique avait alors été mis en place pour la réparation et la modernisation de l’usine mais aussi pour redynamiser la filière canne, sucre, rhum, remobiliser les planteurs et développer l’île. Il me semble important que l’État soit présent au plus près de nos territoires, notamment lorsque la continuité territoriale est en jeu comme à Marie-Galante, qui se caractérise par une double insularité, à l’égard de la Guadeloupe et de la métropole.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF277 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac (SOC). La fermeture de points d’accueil physiques dans les préfectures et les sous-préfectures, et la dématérialisation de plusieurs démarches a conduit à l’ouverture de points d’accueil numériques, notamment pour les personnes en situation d’illectronisme, qui touche un Français sur six. Ces points d’accueil sont débordés et leur nombre est insuffisant. Cet amendement propose donc d’augmenter les crédits de l’action 05 du programme 354 de 50 millions pour renforcer ces points d’accueil.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Un point d’accueil numérique est un espace destiné aux usagers qui ne disposent pas d’un outil informatique ou qui sont peu à l’aise avec le numérique. Ils visent à faciliter l’accès aux démarches dématérialisées du ministère de l’intérieur. Recruter davantage de personnel pour ces points d’accueil ne résoudra donc pas le problème de l’obtention d’un rendez-vous en préfecture dans le cas des renouvellements de titres de séjour.

Dans près d’un tiers des situations, les demandes de titres de séjour font l’objet d’un rendez-vous initial pour que l’étranger puisse déposer son dossier en préfecture. Dans ces cas, l’usager doit se présenter en moyenne trois ou quatre fois au guichet pour le recueil du dossier, le prélèvement des empreintes digitales, l’apport de justificatifs complémentaires et la remise du titre en mains propres. Dans les cas où la procédure est entièrement dématérialisée, le demandeur est quand même amené à se présenter une à deux fois au guichet, pour la remise de son titre et, éventuellement pour le prélèvement de ses empreintes si elle n’a pas été faite auparavant.

Je rappelle que les délais d’obtention de rendez-vous sont à l’origine d’un grand nombre de contentieux devant les juridictions administratives.

Mme Elisa Martin (LFI-NUPES). Nous soutiendrons tout ce qui favorise un meilleur accompagnement des gens dans les démarches dématérialisées. Mais il faut selon nous aller plus loin et faire en sorte que toute démarche puisse s’effectuer autrement que sous forme dématérialisée. Les attaques internet ou les catastrophes naturelles, notamment, doivent nous conduire à considérer que nous ne pouvons pas nous reposer seulement sur les machines.

Nous voterons donc cet amendement, bien qu’il ne soit pas suffisant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF692 de Mme Stella Dupont

Mme Stella Dupont (RE). Le rapport d’évaluation de la mission Immigration, asile et intégration que j’ai rédigé en 2021, en tant que rapporteure spéciale avec M. Jean-Noël Barrot, dressait le constat de la fragilité des moyens en ressources humaines des services préfectoraux d’instruction des demandes de titres de séjour.

Pour y remédier et pour faire face à la hausse des contentieux générés par les retards d’instruction, nous proposons par cet amendement un plan de recrutement, étalé sur plusieurs années, de 250 contractuels. Il permettra notamment de diminuer le nombre de vacataires dans les préfectures. Ces métiers manquent certes d’attractivité, mais il existe des outils pour l’améliorer. Il faut également utiliser le levier de la validité pluriannuelle des titres de séjour pour diminuer les flux.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le problème est réel, mais la solution n’est pas dans l’augmentation des crédits pour financer le recrutement de contractuels. Nous ne pouvons pas continuer à gérer cette mission avec des contractuels, d’autant que les contrats de trois ans ne sont renouvelables qu’une seule fois. Certaines préfectures organisent d’ailleurs des concours ou titularisent les contractuels.

La Cour des comptes se demande s’il ne revient pas plus cher de recourir à des contractuels plutôt qu’à des titulaires, mais comment les attirer ? Les préfets ont du mal à saturer leur enveloppe d’emplois en raison du manque d’attractivité de ces postes. L’évolution du régime indemnitaire ou des règles du temps de travail pourraient permettre de la renforcer. Peut-être faudrait-il régionaliser davantage les concours administratifs.

Avis défavorable.

Mme Stella Dupont (RE). Certes, cet amendement ne résout pas tout, mais son adoption constituerait une étape importante. Je rappelle que les préfectures comptaient, en 2020, 610 équivalents temps plein de vacataires, ce qui nous donne de la marge. La création de 50 postes de contractuels en 2024, suivie de postes supplémentaires par la suite, qui pourraient faire l’objet d’une intégration, constituerait un premier niveau de réponse à la nécessité de fournir un service public de qualité et à celle de diminuer le nombre de contentieux très coûteux pour l’État.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. Il faut en effet mettre des moyens supplémentaires mais en ouvrant des postes de fonctionnaires titulaires. La Cour des comptes a précisément pointé le problème que constituait le recours à des contrats courts. J’ajoute que le faible pilotage par l’administration centrale des moyens alloués aux préfets a pour conséquence notamment de les diriger principalement vers le contentieux et l’éloignement, au détriment de l’accueil des usagers. Le problème de la lenteur de l’instruction des demandes de titres de séjour est une question de volonté politique et ce n’est pas en recrutant davantage de contractuels qu’on le réglera.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF531 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement vise à augmenter le budget du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Salarié du secteur hier, et président du groupe d’études sur la sécurité privée aujourd’hui, j’ai pu rencontrer des représentants d’entreprises et de salariés et, directement, des chefs d’entreprise et des salariés. Le constat, qui est partagé par tous, est frappant : le Cnaps, qui régule une filière composée de plus de 180 000 salariés, n’a pas les moyens suffisants pour remplir convenablement toutes ses missions, ce que le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2023 mentionnait déjà. Son sous-dimensionnement a des conséquences directes sur les délais de délivrance des titres, mais aussi sur les missions de contrôle, laissant des entreprises peu scrupuleuses prospérer. 

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le Cnaps est un établissement public subventionné par le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur à hauteur de 17,5 millions. Son budget pour 2024 est stable par rapport à celui de 2023. Dans le cadre de sa mission de police administrative de l’exercice de ces professions réglementées, il délivre les différentes autorisations des entreprises de sécurité privées. Dans la perspective des Jeux olympiques de Paris en 2024, il instruit notamment les demandes de cartes professionnelles temporaires pour la surveillance des grands événements. Il a déjà à ce titre bénéficié d’un schéma d’emplois de 10 ETP supplémentaires en 2023. Je précise que son plafond habituel de 221 ETP est rarement atteint. L’allocation de 10 millions supplémentaires à un opérateur dont la subvention pour charge est déjà de 17,5 millions me semble donc excessive.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. La délivrance des titres ne pose pas de problème. Le système est rodé et robuste, même si un investissement conséquent serait nécessaire pour actualiser les logiciels.

En revanche, les moyens manquent pour la mission de contrôle, notamment des activités exercées le week-end et le soir, qui sont les moments où sont commises le plus de fraudes, avec un fort recours à des travailleurs sans papier. Il faudrait déjà sanctuariser les moyens supplémentaires qui ont été obtenus pour les Jeux olympiques. L’allocation de 10 millions supplémentaires est excessive, mais il est vrai que la suppression de la taxe payée par les entreprises du secteur pour financer leur propre système d’autocontrôle n’a pas conduit à une augmentation drastique des moyens de contrôle.

M. Julien Rancoule (RN). C’est la première fois que j’entends les députés du groupe LFI-NUPES être avares avec les finances publiques. Dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, il ne me semble pas démesuré d’augmenter de 10 millions le budget du Cnaps, qui s’établit aujourd’hui à 17 millions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF796 de M. Ugo Bernalicis

Mme Elisa Martin (LFI-NUPES). Les élus locaux ont parfois l’impression que le roi est nu quand ils ont affaire aux services de l’État. Cet amendement propose d’augmenter les crédits alloués à l’action 01 du programme 216 afin de renforcer les moyens humains dédiés au pilotage de projets, notamment ceux dont les dossiers sont instruits dans le cadre de France 2030, un plan d’investissements de 54 milliards consacrés à l’innovation et, parfois, au capitalisme repeint en vert.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Vous proposez d’allouer 80 emplois supplémentaires pour mener à bien les projets immobiliers et informatiques du ministère de l’intérieur. Ce chiffre me semble excessif. Le projet de loi de finances prévoit en effet des créations d’emplois dans la filière numérique, avec 10 ETP supplémentaires en 2024 pour ce seul secteur. De manière générale, la trajectoire d’emplois tracée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) est plutôt généreuse, notamment pour favoriser la transformation numérique du ministère.

On peut se demander si un renforcement des moyens humains est nécessaire pour les grands projets immobiliers, le ministère de l’intérieur n’intervenant que dans la maîtrise d’ouvrage, comme c’est le cas du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Le principal problème est la maîtrise des coûts, qui est un autre sujet. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Le programme 216 n’est pas conforme aux engagements de la Lopmi en crédits de paiement : il manque 200 millions. J’imagine que cette différence est compensée par les autorisations d’engagements qui seront exécutées l’année prochaine dans le cadre de la réalisation de grands projets.

J’ajoute que ces grands projets étant réalisés à effectifs constants, le recours aux marchés pour l’assistance de maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’ouvrage est très fréquent alors que l’État a les moyens de les assurer. Il faut donner des moyens supplémentaires au pilotage. Je rappelle l’exemple du logiciel de la procédure pénale numérique qui a planté car la direction de projet n’était pas suffisamment robuste. Il a fallu repartir à zéro, ce qui a occasionné la perte de millions d’euros. 

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF775 de Mme Elisa Martin

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de reconduire l’augmentation de crédits de 200 000 euros alloués au Cnaps par la loi de finances pour 2023 pour financer 10 ETP afin d’instruire les demandes supplémentaires de cartes pour l’organisation des Jeux olympiques. Or ce besoin n’est pas ponctuel, car le secteur de la sécurité privée est en tension et le ministère de l’intérieur prévoit que la masse d’agents de sécurité privée est amenée à augmenter, même après les Jeux olympiques.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Avis défavorable. Les crédits alloués l’année dernière l’ont été de manière temporaire pour faire face au surcroît d’activité lié aux Jeux olympiques.

M. Julien Rancoule (RN). Cette augmentation est insuffisante pour permettre notamment au Cnaps de mieux contrôler les entreprises du secteur, dont certaines ne sont pas s honnêtes et exploitent les agents. Le Conseil doit être renforcé sur la durée, pas simplement dans la perspective des Jeux olympiques

Mme Elisa Martin (LFI-NUPES). Les moyens du Cnaps doivent être augmentés de façon pérenne car le développement de ce secteur va se poursuivre. En outre, les accréditations – et c’est heureux ! – ne sont pas permanentes. Il faut donc aussi prendre en compte les renouvellements. En l’occurrence, 24 000 agents supplémentaires devront être accrédités dans le cadre des Jeux olympiques, dont il faudra assurer le suivi. À cet égard, il serait souhaitable que les personnes s’engageant dans les métiers de la sécurité y poursuivent leur carrière, car ce sont des métiers particuliers qui demandent des formations et un accompagnement particuliers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF783 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Frédéric Cabrolier (RN). Le projet annuel de performance mentionne des dépenses, en autorisations d’engagements, de 1 milliard au titre du financement du site unique de la DGSI, dont le chantier est estimé à 1,2 milliard. Ce site réunira l’ensemble des personnels de ses services centraux, aujourd’hui répartis sur plusieurs sites. Cet amendement d’appel a été déposé afin d’en savoir davantage sur le montage retenu pour un coût aussi élevé.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le projet de loi de finances présente une hausse importante des engagements de dépenses en 2024 en raison du financement du projet de site unique de la DGSI à Saint‑Ouen à hauteur de 1 milliard en autorisations d’engagement et de 88 millions en crédits de paiement en 2024.

Ce grand projet immobilier a débuté en janvier 2020 par l’acquisition du terrain nécessaire à sa réalisation puis par la destruction des anciens bâtiments qui s’y trouvaient. Le marché de construction sera engagé au deuxième trimestre 2024, ce qui explique le dynamisme important de l’action 05, Affaires immobilières. Au total ce projet coûtera 1,3 milliard en pluriannuel, dont 1 milliard au titre de la mission Administration générale et territoriale de l’État dans son programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.

Si vous me renouvelez dans mes fonctions de rapporteur spécial de cette mission l’année prochaine, je m’engage à consacrer une partie de mes travaux de contrôle et de suivi à cet important projet.

M. Daniel Labaronne (RE). Je suis étonné de voir un amendement proposer une soustraction de crédits sans réallocation.

M. le président Éric Coquerel. Il propose une économie, l’article 40 n’a donc pas lieu de s’appliquer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF400 de M. Michaël Taverne

M. Jordan Guitton (RN). Cet amendement propose d’augmenter les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui constitue un soutien essentiel aux efforts consentis par les collectivités territoriales pour assurer la sécurité de nos concitoyens et, bien souvent, pour pallier les insuffisances de l’État. Les chiffres récents du ministère de l’intérieur montrent une hausse de plus de 11 % des cambriolages, qui est particulièrement sensible dans les départements ruraux. Dans mon département de l’Aube, les vols de GPS et de carburant sont malheureusement très courants. 

Dans un tel contexte, il est essentiel de renforcer les crédits du FIPD afin que celui-ci puisse donner des moyens aux collectivités territoriales qui agissent, grâce à leur police municipale et à leurs équipements de vidéoprotection, en complément de l’action de la gendarmerie. Certaines collectivités disposent en effet de plus de moyens budgétaires que d’autres.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le programme 216, Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, finance le FIPD, que le projet de loi de finances propose de doter de 62,43 millions, montant comparable à celui de l’année précédente si on y ajoute les 24,97 millions destinés à aux équipements de vidéoprotection et de surveillance électronique du ministère, des collectivités et des acteurs privés, dont les crédits sont regroupés dans la nouvelle action 11 du programme.

Le FIPD est destiné à financer la réalisation d’actions conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics en cohérence avec les plans de prévention de la délinquance arrêtés par les préfets au niveau départemental. Depuis la loi de finances pour 2016, le FIPD apporte aussi son concours aux actions de prévention de la radicalisation.

Le FIPD a été négativement mis en lumière par la polémique autour du fonds Marianne. Cette polémique, ainsi que la nécessité de la lutte contre la radicalisation et les besoins des communes en matière de prévention de la délinquance, m’incitent à me pencher sur ce sujet. Si vous me renouvelez dans mes fonctions l’année prochaine, j’y consacrerai mes travaux de contrôle et de suivi.

Mme Elisa Martin (LFI-NUPES). La police municipale pourrait être financée par les moyens généraux des collectivités, pourvu qu’elles ne soient pas soumises à toujours davantage d’austérité.

Quant aux caméras de surveillance, la promesse faite aux élus relève de l’arnaque : non seulement elles sont inutiles pour prévenir la délinquance, mais, en plus, leur installation en réseau et la conservation des images coûtent cher.

M. Jordan Guitton (RN). Les forces de l’ordre, que j’ai souvent l’occasion de rencontrer dans ma circonscription, sont très favorables à la vidéosurveillance, qui a un fort effet dissuasif, qu’on ne peut pas mesurer, évidemment.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La vidéosurveillance a ses limites. Les délinquants s’adaptent. Ils peuvent par exemple utiliser des cagoules. Surtout, elle peut avoir pour effet de déplacer la délinquance.

Madame Martin, je rappelle que les polices municipales existaient déjà avant-guerre. Elles ont été étatisées par le régime de Vichy en 1942.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF541 de Mme Mathilde Paris

Mme Mathilde Paris (RN). Cet amendement propose d’augmenter de 8,4 millions les crédits du FIPD. Je suis étonnée de voir ses crédits baisser de 26 % dans le projet de loi de finances alors que la délinquance sous toutes ses formes est en hausse sur tout le territoire.

La vidéoprotection est efficace pourvu que les communes soient dotées de moyens, pour acquérir le matériel et contrôler les images.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Avis défavorable, pour les raisons évoquées précédemment.

M. Daniel Labaronne (RE). Madame Paris, la baisse des crédits du FIPD ne s’explique-t-elle pas par le transfert du financement des caméras de surveillance vers un programme budgétaire propre ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF380 de M. Franck Allisio

M. Franck Allisio (RN). En 2017, lors de la campagne présidentielle, François Bayrou avait accepté de soutenir le candidat Emmanuel Macron à condition que celui-ci s’engage à créer une banque de la démocratie. Le principe de cette banque visant à permettre aux partis politiques français de se financer sans difficulté a été entériné par le vote de la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Toutefois, comme cela est de coutume dans la Macronie, cette promesse est restée lettre morte. Par cet amendement, nous proposons de voler au secours de cet engagement du Président de la République et de dégager les moyens financiers permettant sa mise en œuvre effective. 

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Vous proposez de créer une banque pour la démocratie qui serait dotée de 50 millions, inscrits sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État à travers un nouveau programme. Sur la forme, une dotation en capital ne peut être inscrite sur ce chapitre. Elle devrait l’être sur un compte spécial du Trésor public.

Sur le fond, je suis personnellement contre cette idée de banque de la démocratie qui est une expression facile et sans grand contenu s’agissant du problème du crédit, pour reprendre l’expression du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Je rappelle que dans son avis sur le projet de loi pour la confiance dans la vie politique, le Conseil d’État ne voyait pas en quoi la création d’un dispositif spécifique chargé de consentir des prêts, avances ou garanties à des candidats et partis ou groupements politiques serait nécessaire afin de garantir la transparence du financement de la vie politique, d’autant plus que cette même loi a institué un médiateur du crédit.

L’accès au crédit relève moins d’une absence d’offre bancaire, que viendrait combler la banque de la démocratie, que de questions d’informations ou de délais, qui pourraient être réglées différemment. D’ailleurs que ferait cette banque publique en dehors des élections ? Je vous invite plutôt à voter mes amendements sur la garantie de l’État et sur les avances sur le remboursement des dépenses électorales.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il ne reste logiquement qu’une solution pour garantir l’égalité : l’État doit consentir une dotation. On pourrait imaginer un parrainage citoyen : chaque candidat devrait par exemple réunir les signatures de 0,5 % des électeurs pour se présenter. Les factures seraient ensuite présentées à la direction régionale des finances publiques (DRFIP). Les candidats seraient strictement à égalité, déchargés du besoin de souscrire des emprunts et de demander le remboursement des frais de campagne, et le comptable public effectuerait les contrôles au fil de l’eau. Nous y viendrons, pour abolir la différence entre les candidats qui peuvent aller lever des fonds à Londres et les autres.

M. Ian Boucard (LR). François Bayrou a dû habiller son soutien à Emmanuel Macron mais il ne voulait pas tant créer une banque de la démocratie qu’assurer une fois au Mouvement démocrate un groupe parlementaire dans la majorité.

Sur le fond, est-il nécessaire de créer un nouveau programme, doté de 50 millions d’euros par an ? En dehors des années électorales, à quoi servirait cette banque et que feraient les fonctionnaires qui y seraient affectés ? Il est urgent de réduire la dépense publique et d’éviter de créer des dispositifs inutiles.

En revanche, la République doit garantir à chaque citoyen la possibilité de se présenter à une élection, en particulier s’il est candidat au nom d’un parti représentatif. Je combats le Rassemblement national mais je considère, comme nombre d’entre nous sans doute, que cela doit être le cas pour tous ses candidats car il représente une partie des électeurs.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Votre proposition, monsieur le rapporteur pour avis, se heurte à l’écueil du seuil de remboursement. Si vous donnez la même dotation à tous les candidats, sans établir de seuil ni de condition de résultat, des petits rigolos se présenteront juste pour s’amuser.

La commission rejette l’amendement.

M. Daniel Labaronne (RE). Les membres du groupe Renaissance sont satisfaits de l’évolution des crédits de la mission. Leur montant dans le PLF pour 2023 était élevé, ce qui a permis d’ouvrir ou de rouvrir des sous-préfectures et de créer des maisons France Services. Après vingt ans de réduction systématique, ils avaient été augmentés de 13,3 %. La trajectoire reste dynamique, afin d’assurer la présence et la continuité de l’État dans le territoire et de coordonner les administrations déconcentrées, grâce notamment à de nouveaux recrutements dans le corps préfectoral.

S’agissant des fonctions support du ministère de l’intérieur, nous réalisons quelques économies qui, participeront à rentrer dans le cadre des critères européens en 2027, sans recourir à l’austérité.

L’an dernier, nous avions revitalisé le FIPD ; la diminution de ses crédits pour 2024 est compensée par la création de l’action 11, Équipements de vidéoprotection et de surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés.

Pour conclure, nous réarmons l’administration territoriale de l’État, nous recréons un service de proximité et nous modernisons le fonctionnement des services, dans un cadre budgétaire sérieux. Les membres du groupe Renaissance voteront les crédits de la mission.

M. Philippe Lottiaux (RN). Le premier problème est le milliard d’euros au titre du financement de la construction du nouveau site de la DGSI. Le cas est spécifique, mais nous regrettons que la représentation nationale soit quelque peu laissée dans le flou.

Par ailleurs, si les délais pour obtenir un rendez-vous en mairie lors d’une demande de titre sont trop longs, c’est aussi parce que l’État ne fournit pas suffisamment de machines.

Enfin, vous prétendez avoir « réarmé » les préfectures. Dans son rapport public annuel de 2023 consacré à la décentralisation, la Cour des comptes montre qu’elles ne sont plus l’interlocuteur unique dont ont besoin les collectivités locales. Il y a un vrai problème d’efficacité de l’administration territoriale de l’État.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Rassemblement national s’abstiendront sur les crédits de la mission.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le respect d’une trajectoire ne fait pas une politique publique ! Alors que 4 000 emplois ont été supprimés dans les réseaux de préfectures et les sous-préfectures depuis 2010, et que 232 seraient prévus pour 2024, vous ne pouvez pas prétendre avoir « réarmé » les services de l’État. Nous pouvons nous raconter des histoires tant que nous sommes ici, mais si nous allons faire un tour dans les préfectures et les sous-préfectures et discuter avec les élus locaux du contrôle de légalité, de la qualité de l’accueil des usagers, des pilotages et de l’instruction des projets au titre du FIPD, censé susciter des partenariats, nous verrons que le compte n’y est pas. Cela explique sans doute qu’aucun bilan n’ait été établi.

Enfin, il faut systématiquement prévoir une solution alternative aux procédures dématérialisées, en accompagnant les personnes les plus éloignées du numérique et en préservant un accueil physique.

M. Ian Boucard (LR). M. Labaronne nous a décrit un budget historique, alors qu’il est simplement stable.

S’agissant des préfectures, il faut d’abord se poser la question des missions qui leur sont confiées. Or elles ne proposent plus qu’un faible nombre de services aux citoyens – ceux relatifs aux titres de séjour et aux permis de chasse essentiellement. Pourquoi alors vouloir augmenter leurs moyens ? Il faut tendre à l’efficacité. Les membres du groupe Les Républicains s’abstiendront sur les crédits de la mission.

M. Luc Geismar (Dem). Les députés du groupe Démocrate saluent l’augmentation des crédits de la mission. En 2023, les effectifs de l’administration territoriale ont augmenté pour la première fois depuis dix ans ; l’effort sera encore accru en 2024. Les maisons France Services offrent une belle illustration de la volonté politique de développer les services publics dans les territoires.

La rénovation de l’immobilier de l’administration territoriale de l’État sera poursuivie en 2024 ; beaucoup de sites sont vétustes et inadaptés, affectant la qualité des services publics. Nous nous réjouissons que les crédits du programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur augmentent, de 900 000 euros en AE et de 91 000 euros en CP, notamment pour financer les travaux d’investissement, sur lesquels néanmoins nous attendrions davantage de détails.

M. Hervé Saulignac (SOC). Vous affichez ostensiblement l’augmentation des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État, en particulier la création de 232 ETP – équivalents temps plein – dans le réseau territorial, sans pourtant que cela compense les réductions de postes massives de ces dernières années, qui ont sensiblement affecté l’accessibilité des services.

En réalité, le budget pour 2024 s’inscrit dans la continuité des précédents ; la modeste augmentation des moyens alloués au personnel est insuffisante pour satisfaire les besoins croissants de la population. Les délais de renouvellement des titres de séjour, souvent dénoncés par les associations, sont devenus un sujet de préoccupation majeur. Ils peuvent atteindre soixante jours, témoignant que les services de l’État ont régressé.

La dématérialisation des procédures et la difficulté pour obtenir des rendez-vous ont éloigné les services de l’État de plusieurs millions de nos concitoyens. Il faudrait savoir combien d’ETP sont affectés aux points d’accueil numériques : 11 millions de Français sont exclus ou éloignés du numérique, ils y font parfois la queue.

Les membres du groupe Socialistes et apparentés ne voteront pas les crédits de la mission.

Mme Lise Magnier (HOR). Cette mission est la traduction budgétaire des engagements pris lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), notamment celui de renforcer les services et la capacité d’action de l’État sur le terrain, en mettant fin à vingt ans de réduction des effectifs départementaux.

Les crédits de la mission doivent également financer la modernisation des outils des agents du ministère de l’intérieur, afin d’augmenter leur efficacité. Il s’agit d’assurer la continuité de l’État dans tout le territoire.

Les membres du groupe Horizons et apparentés voteront les crédits de la mission.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Le budget est globalement en augmentation, mais l’analyse du détail trahit un recul de l’État dans les territoires. On le voit avec les difficultés pour renouveler les titres. Depuis plusieurs années, la Défenseure des droits dénonce un risque de réduire l’accès aux droits de nombre d’usagers et leur exclusion. Partout nos concitoyens se plaignent des délais : les préfectures sont surchargées ; les centres d’expertise et de ressources titres (Cert) sont en sous-effectifs. Les usagers sont mécontents et les agents souffrent de la pression ainsi subie. La Cour des comptes a également montré que ces dysfonctionnements sont préjudiciables aux usagers. Pourtant, la Première ministre s’était engagée à résoudre ces problèmes. Il faut plus d’humain dans les services publics, or les politiques publiques vont dans le sens inverse.

On constate aussi que les moyens accordés au numérique diminuent, alors que la Lopmi visait à encourager la modernisation.

Enfin, les crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance sont en hausse, mais cela profite surtout à la vidéosurveillance algorithmique, qui ne servira que peu la prévention.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Le Gouvernement affirme vouloir ramener les services publics dans les territoires ruraux, notamment en ranimant le réseau de sous-préfectures. Comme l’an dernier, les effectifs des services préfectoraux augmenteront mais cela intervient après dix ans de coupe. L’objectif de modernisation de l’action publique passe, quant à lui, par le financement du numérique. Or il faut accompagner les usagers qui ne disposent pas d’un outil numérique ou ne le maîtrisent pas. Selon la Cimade, une trentaine de préfectures ou de sous-préfectures seulement mettent à disposition un point d’accueil numérique. En outre, les plages horaires sont trop restreintes et les personnes qui les animent sont trop peu formées ou trop mal payées.

Les membres du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES ne voteront pas les crédits de la mission.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je vous ai exposé les points positifs et négatifs des crédits que nous examinons ; ils ne posent pas de grave problème. Les membres du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires voteront pour.

La commission adopte les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF83 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). Selon une étude de l’Insee publiée le 11 mai 2022, un tiers des adultes ont renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne au cours de l’année 2021. Il faut analyser les difficultés que les usagers rencontrent pour effectuer les démarches administratives en ligne. Le problème est grave, et s’accroît avec l’âge : en 2021, seules 26,6 % des personnes de 75 ans et plus ont effectué au moins une démarche en ligne.

Le présent amendement vise à mesurer le taux d’accès des usagers aux sites des services de l’État, donc le taux de renoncement, afin d’élaborer des solutions.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. L’idée est intéressante. Lorsque l’État dématérialise certaines procédures, il ne doit pas perdre de vue l’illectronisme de certains de nos concitoyens. Toutefois cet indicateur sera très difficile à créer : quelles solutions techniques permettraient de mesurer le taux de renoncement ? En outre, puisque nous examinons la mission Administration générale et territoriale de l’État, il faudrait qu’il ne concerne que les démarches relevant des services préfectoraux, par exemple celles accessibles par le portail de l’ANTS – Agence nationale des titres sécurisés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF363 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il vise à compléter l’intitulé de l’indicateur de performance 2.1, Délais moyens d’instruction des titres, du programme 354, Administration territoriale de l’État. Seule l’instruction des Cert est prise en compte, à l’exclusion des autres étapes, comme la prise de rendez-vous, la fabrication et l’acheminement. Or les retards dans la délivrance résultent davantage de la difficulté à obtenir un rendez-vous en mairie pour déposer une demande, que du stock accumulé dans les Cert. Au plus fort de la crise, le délai atteignait en moyenne 60 à 70 jours, 150 dans certaines communes. L’amendement vise donc à rédiger ainsi l’indicateur : « Délais moyens d’instruction et de délivrance des titres à compter de la date de prise de rendez-vous », afin que la représentation nationale puisse évaluer l’efficacité des services, en mesurant la durée totale de la procédure.

La commission rejette l’amendement.

Présidence de Mme Nadia Hai, vice-présidente de la commission

Amendement II-CF365 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il vise à créer un indicateur du délai moyen d’obtention d’un rendez-vous en préfecture pour renouveler un titre de séjour.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Les délais varient beaucoup d’une préfecture à l’autre, un tel indicateur serait donc dépourvu de sens, sauf si les résultats sont publiés par département.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Le plan Préfectures nouvelle génération (PPNG), les missions prioritaires des préfectures (MPP) qui l’ont suivi et le déploiement de l’Anef visent précisément à supprimer la prise de rendez-vous. Or j’estime qu’il faut préserver la possibilité de prendre rendez-vous pour effectuer les démarches en présence de quelqu’un ; dans ce sens, je suis favorable à l’amendement, parce qu’il serait intéressant de connaître les délais pour évaluer les moyens nécessaires. Mais l’indicateur que vous proposez est savoureux car il contredit le dogme de la suppression de l’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. En théorie, on voudrait ne plus avoir besoin d’accueillir le public, mais en pratique, c’est différent. Un indicateur à même de renseigner sur les délais serait donc utile.

Votre observation est pleine de bon sens, madame Dalloz. Toutefois, il existe 101 préfectures : la moyenne donnera un ordre de grandeur. Surtout, nous pourrons connaître l’évolution des délais.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF81 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). Au premier semestre 2021, 5,7 % des décisions d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) étaient appliquées, malgré les directives de l’État et les mesures proposées pour améliorer ce taux alarmant, qu’illustre la circulaire du 29 septembre 2021 relative à l’éloignement des étrangers qui ont commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public. Les moyens alloués à la mission ne suivent pas. Lors de l’examen du texte par la commission des lois saisie pour avis, j’ai défendu un amendement visant précisément à augmenter les moyens des préfectures, compétentes pour assurer les reconduites à la frontière.

Le présent amendement entend proposer chaque année l’évaluation des taux d’exécution des obligations de quitter le territoire, afin de mesurer l’efficacité de l’échelon préfectoral dans l’application de la politique de retour forcé et d’identifier les lacunes.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La représentation nationale gagnerait à disposer d’un tel indicateur, mais il faudrait pour cela redéposer votre amendement au programme 303, Immigration et asile, de la mission Immigration, asile et intégration. Je vous suggère donc de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CF82 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). Les agents de la fonction publique territoriale déclarent une durée annuelle effective de travail de 1 579 heures, contre 1 661 heures dans la fonction publique de l’État et 1 605 heures dans la fonction publique hospitalière. Pourtant, ils totalisent en moyenne 14,9 jours d’absence par an, contre 10,2 jours pour les agents de l’État.

L’amendement vise à établir le taux annuel d’absentéisme dans la fonction publique territoriale.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. La proposition est intéressante mais cet indicateur n’a pas sa place dans le budget de l’État. Le principe de libre administration des collectivités territoriales risque de s’opposer à sa recevabilité dans une autre mission. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF84 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). La commission des lois a récemment examiné une proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie. La moyenne d’âge des secrétaires en activité étant de 50 ans, l’avenir du métier est en danger. Quelque 1 900 postes sont à pourvoir dans le corps. En 2020, selon la Fédération nationale des centres de gestion, il s’agissait du métier de l’emploi territorial qui connaissait le plus de difficultés de recrutement, alors qu’il était à la quatrième place il y a cinq ans.

Le présent amendement vise à mesurer l’attractivité du métier afin d’améliorer la situation.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il ne relève pas non plus de la présente mission, qui concerne seulement la fonction publique de l’État. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) publie un rapport d’activité annuel : votre indicateur pourrait y trouver sa place. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Ian Boucard (LR). Ce taux est déjà connu puisqu’il a été cité en commission des lois lors de l’examen de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF361 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il vise à créer deux indicateurs de performance rattachés au programme 354, Administration territoriale de l’État, afin de connaître le nombre de départements où le rapport entre les effectifs de la préfecture et le nombre d’habitants est supérieur d’un quart à la moyenne nationale et ceux où il est inférieur d’autant.

Il s’agit de réfléchir à l’allocation des effectifs des préfectures. Au niveau déconcentré, les schémas d’emploi n’ont pas suivi l’évolution de la population. Le Nord compte 784 agents pour 2,6 millions d’habitants, soit un agent pour 3 400 habitants, contre 145 agents pour moins de 190 000 habitants dans la Meuse, soit un pour 1 300.

Certes, le nombre de fonctionnaires ne doit pas nécessairement être strictement proportionnel à la population, mais les écarts sont excessifs. Les plafonds d’autorisation d’emploi sont répartis entre le responsable de programme – en administration centrale –, le responsable de budget opérationnel de programme (BOP) – au niveau régional – et le responsable d’unité opérationnelle – au niveau départemental –, selon des règles trop rigides. La Cour des comptes considère que le dialogue de gestion entre les administrations centrales et territoriales est quasi inexistant – ce que j’ai vérifié.

Cet amendement d’appel vise donc à engager la réflexion sur l’allocation des ressources humaines afin de mutualiser les effectifs et de faire preuve de souplesse dans la répartition.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je suis très favorable à la création d’un tel indicateur. Il faut renforcer le pilotage des moyens. Les disparités sont fortes entre les départements et les préfectures ne sont pas en mesure d’évaluer précisément leurs besoins, qui peuvent être différents du nombre de postes vacants.

On nous dit que les effectifs supplémentaires devraient être prioritairement affectés aux préfectures qui ne parviennent pas à pourvoir tous les postes vacants. Ainsi, le pilotage dépend du recrutement. J’espère que le schéma d’emploi restera positif, toutefois, au rythme où nous allons, il faudra cinquante ans pour parvenir à un équilibre entre le nombre d’agents et la population. De tels indicateurs seront utiles pour suivre les évolutions. Chacun doit être conscient que certaines régions attirent plus que d’autres – d’ailleurs, tout le monde est le bienvenu dans le Nord, où il fait bon vivre.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le secrétaire général du ministère de l’intérieur, que j’ai rencontré, sait fort bien qu’un problème se pose mais une préfecture se doit aussi d’avoir un effectif minimal. Il n’en reste pas moins que certaines fonctions commencent à être mutualisées comme les conseils juridiques ou les centres d’expertise et de ressources titres (Cert). Nous devons donc réfléchir à la question de l’allocation des moyens sur un plan national.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 50

Amendement II-CF785 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Le rapport de la Cour des comptes de 2021 sur l’administration territoriale de l’État a pointé un recours très élevé aux contractuels, notamment aux contrats infra annuels. Nous proposons que le nombre de contractuels n’excède pas 10 % du total des emplois.

J’ajoute que les concours sont déjà interministériels pour les catégories B et C. Nous avons donc les moyens de fidéliser les agents de la fonction publique d’État déconcentrée.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Avis défavorable car une telle mesure ne manquerait pas d’avoir des effets pervers. Comme le prévoit le statut général de la fonction publique, les contractuels sont, en théorie, censés être recrutés « pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, si cette charge ne peut être assurée par des fonctionnaires de l’État ».

Les préfectures peuvent ponctuellement se trouver dans une situation où elles ont besoin d’un renfort massif. Créer une limitation rendra la gestion des emplois encore plus rigide qu’elle l’est. Vous proposez un plafond global plutôt que déconcentré qui, en l’absence d’un véritable dialogue de gestion entre le ministère et les préfectures, serait très compliqué à appliquer.

Que se passera-t-il quand le nombre de fonctionnaires qui partent à la retraite s’accélérera compte tenu de la pyramide des âges ? Faudra-t-il diminuer le nombre de contractuels pour respecter le taux sur le plan national ?

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Les contractuels assument des missions pérennes. Dans l’éducation nationale, par exemple, ils ont chaque année des élèves en face d’eux. L’État ne respecte donc pas lui-même la nature de ce statut. En outre, il est possible de procéder à des vagues de titularisation.

La commission rejette l’amendement.

Présidence de M. Éric Coquerel, président de la commission

Amendements II-CF371 et II-CF372 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Le premier relève de 1 % à 3 % le nombre de suffrages exprimés qu’un parti politique doit avoir obtenu dans au moins cinquante circonscriptions aux dernières élections législatives afin de bénéficier de l’aide publique prévue à l’article 8 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.

Les 66 millions d’aide publique votés chaque année par le Parlement aux partis éligibles font l’objet de reversements successifs entre formations politiques, dont certaines ne sont que des micro-partis destinés, justement, à la perception de ce financement en vue de sa répartition entre plusieurs autres partis, comme le montrent les rapports annuels de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Un relèvement du seuil permettra d’éviter tout risque de dévoiement des conditions posées par le législateur. J’ai choisi le seuil de 3 % car il demeure en deçà de celui de 5 %, censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 janvier 1990. Celui-ci avait en effet considéré qu’un tel seuil était « de nature à entraver l’expression de nouveaux courants d’idées et d’opinions » et qu’il était ainsi contraire aux articles 2 et 4 de la Constitution.

Le second amendement relève le seuil de 1 % à 2 %.

M. Fabien Di Filippo (LR). Lors de nombreuses élections, notamment, les législatives, nous constatons une multiplication du nombre des candidats qui, souvent, n’habitent pas les circonscriptions où ils se présentent. Leurs candidatures de témoignage visent précisément à atteindre de tels scores. Ils ne concourent pas tant à l’expression du pluralisme qu’ils ne contribuent à brouiller la lisibilité d’un scrutin.

Par ailleurs, les reversements que vous évoquez devraient être sans doute mieux contrôlés.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je comprends votre intention mais je ne suis pas favorable à de telles modifications de seuils. Un parrainage citoyen a priori permettrait d’éviter les candidatures fantaisistes. Dès lors que ce « juge de paix » qu’est le peuple s’est prononcé, tous ceux qui se présentent peuvent bénéficier ensuite, le cas échéant, d’un financement public.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Selon la CNCCFP, ces pseudos-partis que sont les micro-partis peuvent se présenter partout et obtenir 1 % des suffrages, ce qui leur permet de ramasser « tant » en fonction du nombre de suffrages. Un seuil de 2 % serait déjà plus difficile à atteindre.

La commission rejette l’amendement II-CF371.

Elle adopte l’amendement II-CF372.

Amendement II-CF367 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Il vise à demander un rapport au Gouvernement afin d’étudier des pistes de réforme pour rendre plus attractif les postes d’agent public dans les préfectures et les sous-préfectures, dont les services peuvent avoir des difficultés à recruter de nouveaux agents et à les fidéliser. En loi de finances pour 2023, j’avais d’ailleurs introduit deux nouveaux indicateurs au sujet des vacances de poste dans l’administration territoriale de l’État.

Les préfectures s’appuient également sur un nombre important de contractuels recrutés pour des durées le plus souvent inférieures à un an. De son côté, la Cour des comptes note que « le vieillissement des agents impose une réflexion sur les voies de recrutement alors que les suppressions de poste ont cessé et que l’attractivité fait parfois défaut ».

Ainsi, le renforcement en ressources humaines des préfectures ne saurait se limiter à la seule question des schémas d’emploi. Par exemple, un solde entrée-sortie positif de 232 équivalents temps plein (ETP) pour les préfectures correspond à plus de 6 000 entrées dont presque 500 sont des primo-recrutements. Ce renforcement pourrait également passer par une évolution du régime indemnitaire des fonctionnaires, une réforme des affectations post-concours, voire, par des concours territorialisés mais, aussi, par une adaptation du temps de travail aux sujétions propres à chaque service.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous soutenons cet amendement car la crise des vocations est bien réelle dans la fonction publique en général et dans celle-ci en particulier. Si le sens des missions et les conditions de travail étaient autres, le nombre de candidats aux concours serait sans doute plus élevé.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques II-CF781 de M. Ugo Bernalicis et II-CF790 de Mme Élisa Martin

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Il vise à demander au Gouvernement un rapport permettant de clarifier le rôle du CIPDR et l’utilisation des crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Jouent-ils leurs rôles ? Les poncifs et les sophismes sont légion : les caméras de vidéosurveillance sont réputées dissuasives, leur financement augmente, donc la prévention de la délinquance s’accroît. En matière de radicalisation, nous avons assisté à du grand n’importe quoi.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Je vous invite à les retirer. Je me suis engagé à procéder à des contrôles suite à certaines « déviations » que nous avons découvertes dans la presse quant à l’utilisation des crédits du FIPD.

Les amendements sont retirés.

Amendement II-CF779 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens de l’Agence nationale des titres sécurisés. Elle a besoin d’environ 90 ETP, notamment d’assistants à la maîtrise d’ouvrage, en particulier en matière de pilotage des systèmes d’information. Des contractuels sont recrutés alors que l’internalisation de la ressource s’impose.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. Avis défavorable. La question n’est pas tant de savoir s’il est opportun ou non que le secteur privé puisse intervenir dans les démarches administratives de délivrance des titres mais si la qualité du service rendu aux usagers est au rendez-vous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1891 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson, rapporteur spécial. L’accès au financement pour les candidats aux élections est un problème récurrent, accru par la lenteur du remboursement des dépenses électorales qui nécessite le contrôle préalable du compte de campagne par la CNCCFP. L’an dernier, notre commission avait d’ailleurs adopté, à mon initiative, deux indicateurs de performances à ce sujet.

Nous avons commencé à débattre de cette question avec la banque de la démocratie. Je suis plutôt favorable à l’instauration d’un système d’avance sur le remboursement forfaitaire, qui existe déjà pour l’élection présidentielle. Il s’élève à 200 000 euros par candidat, soit 4,75 % du plafond des dépenses. Pour les autres élections, cette avance pourrait correspondre par exemple à 30 % du plafond.

Par ailleurs, l’apport de la garantie de l’État aux banques qui acceptent de prêter aux candidats permettrait de lever un frein sur le financement des campagnes électorales.

La commission adopte l’amendement.

 

 

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*    *

 

 

 


   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Ministère de l’intérieur et des outre-mer

M. Didier Martin, secrétaire général ;

M. Pierre Molager, sous-directeur de l’administration territoriale de l’État.

 

Déplacement à la préfecture du Nord (Lille)

Mme Fabienne Decottignies, secrétaire générale, sous-préfète de l’arrondissement de Lille ;

Mme Agnès Chevreuil, directrice du secrétariat général commun départemental (SGCD) ;

M. Bruno Mathis, directeur-adjoint du SGCD ;

M. Samuel Tostain, directeur de l’immigration et de l’intégration ;

Mme Caroline Tourteau, directrice-adjoint de la réglementaire et de la citoyenneté ;

Mme Aurélie Viennet, cheffe du centre d’expertise et de ressources des titres (CERT).

 

Déplacement à la préfecture du Loiret (Orléans)

Mme Sophie Brocas, préfète du Loiret et de la région Centre-Val de Loire ;

M. Stéphane Costaglioli, secrétaire général, sous-préfet de l’arrondissement d’Orléans ;

M. Patrick Eldin, secrétaire général adjoint aux affaires régionales ;

M. Stéphane Blanchet, directeur du SGCD ;

Mme Isabelle Landriève, directrice des migrations et de l’intégration ;

M. Arnaud Guyader, directeur de la citoyenneté et de la légalité ;

M. Étienne Parent, chef du bureau des élections et de la réglementation ;

M. Florian Jarrigeon, chef du pôle d’expertise régional et financier.

 

Déplacement à la préfecture de la Meuse (Bar-le-Duc)

M. Xavier Delarue, préfet de la Meuse ;

M. Bernard Burckel, directeur de cabinet ;

Mme Alba Berthelemy, directrice de la citoyenneté et de la légalité ;

M. François Giege, chef du bureau des relations avec les collectivités territoriales ;

M. Sandro Tomassetti, bureau de la réglementation et des élections ;

Mme Elise Marguet, cheffe du bureau de l’immigration et de l’intégration ;

M. Laurent Maitreheu, directeur du SGCD ;

Mme Gaëlle Charlas, cheffe du bureau des ressources humaines et de l’action sociale.

 

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([1]) Par souci de concision, le terme de « préfecture » désigne également les services des hauts-commissaires de la République et des administrateurs supérieurs dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie dans le présent rapport.

([2]) Ces taxes affectées feront l’objet de développements ultérieurs de la part du rapporteur spécial dans la seconde partie.

([3]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([4]) Cette mission avait été mise en place suite à l’incident industriel survenu en avril 2021 à l’usine sucrière. Un comité technique avait alors été mis en place pour la réparation et la modernisation de l’usine mais aussi pour redynamiser la filière canne-sucre-rhum, remobiliser les planteurs et développer l’île.

([5]) Projet annuel de performances.

([6]) Article 2 du décret n° 2007‑240 du 22 février 2007 portant création de l’Agence nationale des titres sécurisés.

([7]) Réponses au questionnaire.

([8]) Idem.

([9]) Cour des comptes, La Gestion de l’immobilier préfectoral (exercices 2016-2021), 29 mars 2023.

([10]) Réponses au questionnaire.

([11]) « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois » (sixième alinéa).

([12]) Projet annuel de performances de la mission AGTE (PLF 2024).

([13]) Cour des comptes, Contrôle de légalité et contrôle des actes budgétaires en préfecture, 21 novembre 2022.

([14]) Centres d’expertise et de ressources des titres.

([15]) Réponses au questionnaire.

([16]) Scrutins à l’issue desquels ont été élus ou réélus nos collègues Bertrand Petit, Laure Miller, René Pilato, Martine Froger, Éléonore Caroit, Karim Ben Cheikh et Meyer Habib.

([17]) Rapport spécial n° 3 de M. Charles de Courson annexé au rapport n° 292 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023 par M. Jean‑René Cazeneuve, rapporteur général (6 octobre 2023).

([18]) CNCCFP, rapport d’activité 2022.

([19]) Article 3 de la loi n° 62‑1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.

([20]) Idem.

([21]) Contrairement à ce que leur appellation pourrait laisser penser, les SGAMI sont des administrations déconcentrées chargées des fonctions support de la police et de la gendarmerie. Il en existe un par zone de défense et de sécurité. Les crédits de fonctionnement du SGAMI d’Île-de-France n’entrent toutefois pas dans le périmètre du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur.

([22]) Mesures de lutte contre l’inflation (revalorisation du point de la fonction publique, majoration de 5 points d’indice et mesures « bas de grille »), extension en année pleine de la prime de pouvoir d’achat, reconduction de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), prise en charge des frais de transport à 75 %…

([23]) Ordonnance prise sur le fondement de l’article 38 de la loi n° 2021‑646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

([24]) Décret n° 2022‑592 du 20 avril 2022 portant création d’une carte professionnelle de surveillance dans le cadre de manifestations sportives, récréatives, culturelles ou économiques rassemblant plus de 300 personnes.

([25]) Décret n° 2023‑225 du 30 mars 2023 portant création de l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours.

([26]) Article L. 34‑17 du code des postes et des communications électroniques.

([27]) Il s’agit des programmes 176 Police nationale et 152 Gendarmerie nationale de la mission Sécurités.

([28]) Décret n° 2023‑582 du 5 juillet 2023 modifiant le décret n° 201‑728 du 12 août 2013 modifié portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’intérieur et du ministère des outre-mer.

([29]) Article 45 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([30]) France 2, « L’œil du 20 heures », 29 mars 2023.

([31]) Marianne, « Schiappa, Gravel, Sifaoui… Révélations sur l’argent évaporé du fonds contre le séparatisme », Gabriel Libert et Gérald Andrieu, 29 mars 2023.

([32]) IGA, rapport d’inspection relatif à la subvention versée en 2021 à l’USEPPM dans le cadre du fonds « Marianne », mai 2023, et rapport complémentaire, juin 2023.

([33]) Sénat, rapport d’information sur la création du fonds Marianne, la sélection des projets et l’attribution des subventions, le contrôle de leur exécution et les résultats obtenus au regard des objectifs du fonds, Jean-François Husson, juillet 2023.

([34]) Réponses au questionnaire.

([35]) Loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([36]) Assemblée nationale, Délivrance des titres d’identité : un service public en crise, rapport d’information n° 1281 de M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la mission Administration générale et territoriale de l’État, juillet 2023.

([37]) Les schémas d’emploi évoqués ne concernent que l’ancien programme 307 Administration territoriale pour les projets de loi de finances jusqu’en 2019.

([38]) Cour des comptes, Les effectifs de l’administration territoriale de l’État (exercices 2010-2021), observations définitives, 31 mai 2022.

([39]) Décret n° 2010‑146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004‑374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements.

([40]) Loi n° 2015‑29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([41]) Les DREETS remplacent les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les directions régionales de la cohésion sociale (DRCS).

([42]) Ses conséquences sur l’instruction des demandes de titres d’identité sont évoquées dans la sous-partie suivante.

([43]) Loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([44]) Loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

([45]) C’est-à-dire les cabinets du ministre de l’intérieur et des outre-mer, de la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, du ministre délégué chargé des outre-mer et de la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

([46]) Réponses au questionnaire.

([47]) Projet annuel de performances (PAP) de la mission AGTE annexé au projet de loi de finances pour 2023.

([48]) Cf. première partie du présent rapport.

([49]) Cf. précédente sous-partie consacrée à la délivrance des titres d’identité.

([50]) Le terme de « vacataire » désigne une personne recrutée pour accomplir une tâche précise, ponctuelle et limitée à l’exécution d’actes déterminés et rémunéré à la vacation. Les vacataires ne sont pas des contractuels de droit public au sens de l’article L. 332‑1 du code général de la fonction publique.

([51]) Réponses au questionnaire.

([52]) Calcul obtenu à partir du nombre d’habitants au 1er janvier 2023 (données provisoires de l’Insee), soit 68,04 millions d’habitants, et du plafond d’emplois pour les seuls services départementaux en LFI 2023 (28 272 ETPT).

([53]) Réponses au questionnaire.

([54]) Réponses au questionnaire.

([55]) Sauf en Île-de-France (cinq centres interdépartementaux) et en Corse (rattachement au CERT de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur).

([56]) Réponses au questionnaire.

([57]) Jusqu’en 1998, la délivrance d’une CNI était soumise à un droit de timbre de 160 francs (24,39 euros).

([58]) Article L. 1611-2-1 du code général des collectivités territoriales.

([59]) L’article 58 du PLF 2024 propose que la DTS soit « répartie entre les communes en fonction du nombre de stations d’enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d’identité électroniques en fonctionnement dans la commune au 1er janvier de l’année en cours, du nombre de ces demandes enregistrées au cours de l’année précédente et de l’inscription de ces stations à un module dématérialisé et interopérable de prise de rendez-vous ». Les modalités de répartition seront précisées par voie réglementaire.

([60]) Décret n° 2023‑191 du 22 mars 2023 créant une solution de substitution au téléservice mentionné à l’article R. 431‑2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.