N° 1745

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 21
 

 

Économie :

 

STATISTIQUES ET ÉTUDES ÉCONOMIQUES

 

STRATÉGIES ÉCONOMIQUES

 

ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX

 

 

Rapporteur spécial : M. Michel SALA

 

 

Député

____

 



SOMMAIRE

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Pages

principales observations du rapporteur spÉcial

donnÉes clÉs

INTRODUCTION

I. L’institut national de la statistique et des Études Économiques poursuit son activité en tenant compte des effets de conjoncture

A. Une Évolution des crédits en légère hausse afin de compenser les effets de conjoncture économique

1. L’action 1 Infrastructures statistiques et missions régaliennes

2. L’action 6 Action régionale

3. L’action 8 Information économique, démographique et sociale

4. L’action 9 Pilotage, soutien et formation initiale

B. Des moyens humains qui se stabilisent, mais demeurent à flux tendus

1. Les moyens humains de l’Insee, après une baisse ces dernières années, connaissent désormais une stabilisation

2. Cette stabilisation ne doit pas masquer des situations difficiles et asymétriques

C. Les difficultés posées par la politique d’open data de l’Insee

D. Un recours aux données privées qui doit prendre ancrage

II. Le programme 305 stratégies Économiques

A. Les crédits budgétaires alloués en compensation de la mission d’accessibilité bancaire assurée par La Poste semblent insuffisants.

1. Une mission indispensable mais victime d’un sous-financement chronique

a. La mission d’accessibilité bancaire (MAB) : un parapet contre la marginalisation bancaire, mais un suivi insuffisant

b. La mission d’accessibilité bancaire : un sous financement chronique

B. La compensation versée À la banque de France se stabilise, mais IL CONVIENT D’Être vigilant FACE au risque de surendettement

1. La Banque de France réalise depuis 2012 d’importants gains de productivité, permettant la baisse de la compensation qui lui est versée par l’État

2. Il convient de rester attentif à la tendance haussière du nombre de dossiers de surendettement

C. L’Économie sociale, solidaire et responsable : un maigre financement

1. Un budget constant, mais invariablement insuffisant.

a. Le premier axe de financement : le développement de l’économie sociale et solidaire et le soutien à l’investissement à impact social

b. Le deuxième axe de financement : le dispositif local d’accompagnement

c. Un troisième axe de financement : les pôles territoriaux de coopération économique

2. Faire de l’ESSR le linéament de l’économie moderne.

3. La lisibilité de l’ESSR est à renforcer

III. Le compte de concours financiers Accords monÉtaires internationaux

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.


   principales observations du rapporteur spÉcial

Le budget alloué au programme 220 Statistiques et études économiques bénéficie d’une légère hausse de près de 4 % de ses crédits de paiement par rapport à 2023. Plus de 485 millions d’euros permettront à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de poursuivre ses missions essentielles pour l’orientation des politiques publiques. Cette hausse provient des mécanismes du contrat de financement pluriannuel et correspond essentiellement à des frais de fonctionnement.

Le rapporteur spécial constate avec satisfaction que la baisse tendancielle du budget de l’Insee, telle que prévue dans l’ancien contrat d’objectif et de moyens établi entre le secrétariat général des ministères économiques et financiers et l’Insee, connaît un coup d’arrêt au profit d’une stabilisation des moyens de l’Insee. Il souligne en outre l’effort spécifique à destination de la cyber‑sécurité pour l’année 2024, effort d’autant plus important qu’il est crucial pour une entité statistique ayant accès à des données potentiellement sensibles.

Le programme 305 Stratégies économiques voit son budget légèrement baisser de 1,5 % en autorisations d’engagement et de 2,4 % en crédits de paiement. La hausse significative du budget de programme observée en 2023 était due à une mesure de périmètre prévoyant la compensation versée au groupe La Poste au titre de sa mission d’accessibilité bancaire. Cette dernière connaîtrait une trajectoire baissière de 5 % par an jusqu’en 2026 afin de respecter la trajectoire notifiée à la Commission européenne.

La compensation versée par la direction générale du Trésor à la Banque de France poursuit sa baisse permise par les gains de productivité acquis grâce à des réformes de son organisation et de son système informatique. Cette évolution atteint cependant ses limites et le rapporteur spécial sera vigilant quant à l’évolution de la compensation versée à la Banque. Le rapporteur spécial insiste toutefois sur la nécessité de demeurer attentif quant à la hausse, certes contenue, du nombre de dossiers déposés au secrétariat de la commission de surendettement dans le contexte économique dégradé. Il remarque néanmoins avec satisfaction que les inscriptions au FICP (Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers) se sont stabilisées ; partant, le resserrement du canal du crédit consécutif à la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne, ne semble pas avoir provoqué une augmentation des incidents de crédits.

Intégré depuis 2021, le budget de l’action de l’économie sociale, solidaire et responsable resterait stable par rapport à 2023 avec environ 20 millions d’euros. S’il juge pertinents les différents dispositifs financés par le programme, le rapporteur spécial remarque toutefois que ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux et des ambitions de ce secteur qui, selon les auditionnés, recevrait un soutien d’environ 10 milliards d’euros de l’État chaque année.

Afin d’appréhender avec plus de précision les dispositifs de soutien en faveur de l’ESSR, le rapporteur spécial attend la remise du rapport consacré à ce secteur, prévu en loi de finances pour 2023. Ce rapport devant être communiqué dans les prochaines semaines au Parlement. Comme l’année dernière, il estime nécessaire la production d’un document de politique transversale ou d’un jaune budgétaire pour suivre ce secteur et déposera des amendements en ce sens sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024.

Enfin, le rapporteur spécial est préoccupé par la tendance baissière de la compensation versée à La Poste au titre de la mission de service public d’accessibilité bancaire (MAB) dont elle assure la mise en œuvre. La hausse du nombre de bénéficiaires de cette formule de pré‑bancarisation, conjuguée à la diminution envisagée des crédits alloués à cette mission essentielle fait craindre un goulot d’étranglement pour les futurs bénéficiaires. Le risque de marginalisation économique de certains individus risquerait alors de s’accroître.

De manière transversale, qu’il s’agisse du programme 220 ou du programme 305, le rapporteur spécial tient à insister sur l’importance des politiques qu’ils financent. Dès lors, il convient de mettre à disposition des différents services et entités les moyens et les effectifs nécessaires à la bonne réalisation de leurs missions. La dématérialisation et la restructuration des services ne peuvent constituer une solution systématique – et risquent de nuire à la qualité du travail effectué.

 

   donnÉes clÉs

Évolution des crÉdits des programmes 220
STATISTIQUES ET ÉTUDES ÉCONOMIQUES
et 305 STRATÉGIES ÉCONOMIQUES
et du compte accord monétaires internationaux

 

(en millions d’euros)

Évolution de la Compensation versÉe À la Poste
pour la réalisation de la mission d’accessibilité bancaire

(en millions d’euros)

 

 


   INTRODUCTION

Le présent rapport spécial analyse l’évolution des crédits des programmes 220 Statistiques et études économiques et 305 Stratégies économiques de la mission Économie ([1]) ainsi que les crédits du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux.

Les deux programmes portent les budgets de l’Institut national de la statistique et des études économiques, pour le programme 220, et celui d’une partie des activités de la direction générale du Trésor, pour le programme 305 – notamment l’activité de son réseau international, la compensation versée à la Banque de France pour les activités réalisées pour le compte de l’État, des crédits en soutien de l’économie sociale solidaire et responsable (ESSR) ainsi que, depuis 2023, des crédits compensatoires de la mission d’accessibilité bancaire (MAB) assurée par la Banque Postale.

Évolution des crÉdits des programmes 220 et 305 de la mission Économie

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2023

PLF
2024

Évolution 2023-2024

LFI
2023

PLF
2024

Évolution 2023-2024

220 - Statistiques et études économiques

458,9

485,7

+ 5,85 %

454,8

473,4

+ 4,10 %

305 - Stratégies économiques

714,5

703,7

– 1,51 %

715,9

698,5

– 2,42 %

Total

1 173,4

1 189,4

+ 1,35 %

1 170,7

1 172,0

+ 0,12%

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

1 172 millions d’euros sont demandés pour ces deux programmes (en crédits de paiement) contre 1 170 millions votés en loi de finances initiale pour 2023. Le financement de ces deux programmes est caractérisé par sa stabilité. Aucune mesure significative de périmètre n’est prévue et l’évolution de la masse salariale ne connaît également que de très faibles évolutions.

Le plafond d’emplois du programme 220 s’élève à 5 040 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 5 037 en 2023. Celui du programme 305 s’élève à 1 322 ETPT contre 1 303 en 2023. Cette augmentation de 19 ETPT s’explique notamment par l’impact des schémas d’emplois de 2023 à 2024 et par la création d’une nouvelle sous-direction à la direction générale du Trésor, afin de renforcer les capacités d’analyse économique et de conseil sur les politiques publiques relatives à la transition écologique et énergétique.

I.   L’institut national de la statistique et des Études Économiques poursuit son activité en tenant compte des effets de conjoncture

Le programme 220 Statistiques et études économiques finance l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui constitue une des directions générales du ministère en charge de l’économie.

Les crédits de paiement demandés pour 2024 atteignent 473 millions d’euros.

Évolution des crédits du programme 220 statistiques et études économiques

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

Programme 220

458,9

485,8

6 %

454,8

473,5

4 %

1 - Infrastructure statistique

143,45

148,99

4 %

142,45

149,89

5 %

6 - Action régionale

46,96

43,12

 8 %

46,96

43,12

 8 %

8 - Information économique, démographique et sociale

125,38

130,59

4 %

122,98

131,19

7 %

9 - Pilotage, soutien et formation

143,13

163,06

14 %

142,45

149,27

5 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

Le plafond d’emplois du programme 220 s’élève à 5 040 ETPT pour 2024, ce plafond découlant de l’extension en année pleine des suppressions d’emplois pour 2022 (soit – 67 ETP). Le schéma d’emplois pour 2024 se traduit par une augmentation de 3 ETP, correspondant aux ajustements de trajectoires permis par le contrat d’objectifs et de moyens (COM) établi entre l’Insee et les ministères économiques et financiers.

Répartition des ETP de L’Insee par service

Service

Schéma d’emplois

ETP

au 31 décembre 2023

Administration centrale

+ 31

1 418

Services régionaux

– 40

3 463

Autres*

+ 3,7

158

Total

 5,3

5 040

* : élèves-fonctionnaires scolarisés à l’ENSAE et l’ENSAI.

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

Sur une base annualisée, la répartition par action des équivalents temps plein travaillé (ETPT) est détaillée ci‑après :

– l’action 1 « Infrastructure statistique et missions régaliennes » comporte 1 536 ETPT qui correspondent à 30,5 % de l’ensemble des ETPT du programme ;

– l’action 6 « Action régionale » comporte 486 ETPT qui correspondent à 9,6 % de l’ensemble des ETPT du programme ;

– l’action 8 « Information économique, démographique et sociale » comporte 1 793 ETPT qui correspondent à 35,6 % de l’ensemble des ETPT du programme ;

– l’action 9 « Pilotage, soutien et formation initiale » comporte 1 225 ETPT qui correspondent à 24,3 % de l’ensemble des ETPT du programme ;

À noter que les enquêteurs de l’Insee relèvent de l’action 01 (relevés de prix et enquêtes de recensement auprès des personnes vivant en communautés) représentant 140 ETPT au sein de celle-ci et de l’action 08 (enquêtes auprès des ménages) représentant 500 ETPT. Ces enquêteurs représentent près d’un tiers des ETPT de l’action 08.

L’Insee, une institution en constante évolution :
l’exemple de la collecte de données

Historiquement, l’Institut avait à connaître essentiellement de données recueillies à la suite d’entrevues entre un enquêteur et des enquêtés. Ce faisant, le stock de données disponibles demeurait circonscrit. Progressivement, la numérisation de la société et des procédures a conduit à moderniser l’appareil de collecte statistique.

La dématérialisation des enquêtes a notamment eu pour effet d’accroître sensiblement le stock et le flux de données susceptibles d’intéresser la statistique publique. Dans son programme « Horizon 2025 » l’Insee a ainsi insisté sur la nécessité de faire évoluer les pratiques de collecte.

Désormais, les enquêtes en « multimode » permettent aux enquêteurs de recueillir des données de différentes manières : par l’intermédiaire d’entretien en face-à-face, d’appels téléphonique et même de questionnaires numériques. Une telle évolution des pratiques est de nature à permettre d’importants gains d’efficience et de productivité, ce qui, sur l’aspect purement budgétaire est un puissant outil de rationalisation pour l’Insee.

Surtout, sous l’effet de la science des données, ou « datascience », de nouveaux modes de traitement des données sont apparus :

– Développement de nouveaux outils de codification automatique utilisant l’intelligence artificielle ;

– outils de datascience tel que « Onyxia » ;

– optimisation des infrastructures de production passant par la mutualisation interministérielle des centres de données – ou datacenters.

A.   Une Évolution des crédits en légère hausse afin de compenser les effets de conjoncture économique

1.   L’action 1 Infrastructures statistiques et missions régaliennes

L’action 1 Infrastructures statistiques et missions régaliennes, comme son intitulé l’indique, regroupe les activités à caractère régalien : comptes nationaux, indice des prix à la consommation, recensement de la population, registres des personnes physiques (état‑civil et fichier électoral), répertoire SIRENE des entreprises et des établissements. Elle comprend aussi la mise à disposition de l’information pour tous les publics ainsi que les travaux relatifs aux normes et nomenclatures, la méthodologie, la coordination statistique et internationale.

Au sein de cette action, la « dotation forfaitaire de recensement » (DFR) qui est versée chaque année aux communes concernées par la mission de recensement, représente en 2024 environ 22 millions d’euros en AE et en CP. Celle-ci connaît une diminution sensible depuis des années.

Dans une question écrite adressée au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le sénateur Éric Kerrouche faisait part de ses inquiétudes quant à cette diminution de la dotation aux communes ([2]). Il mettait notamment en cause la méthode de calcul fondée sur des gains d’efficience rendus possibles par les réponses sur internet au questionnaire de recensement.

Récemment, l’Association des maires de France (AMF) a également fait part de cette problématique à l’Insee, en indiquant que la DFR ne permettait plus de couvrir 50 % des coûts des agents recenseurs.

Le rapporteur spécial appelle à remédier à cette situation afin d’éviter de fragiliser davantage les finances des collectivités territoriales.

Le budget proposé pour cette action en 2024 est de 148,99 millions d’euros en autorisation d’engagement, contre 142,45 millions en LFI pour 2023.

L’indice des prix à la consommation

Afin de concevoir son indice des prix à la consommation (IPC) l’Insee définit un échantillon de produits sélectionnés pour suivre les différentes formes de vente sur l’ensemble du territoire. Ces biens ou services sélectionnés font l’objet d’un suivi selon un rythme a minima mensuel.

En outre, l’Insee doit réaliser une collecte de données suffisamment conséquente pour être représentative et fiable. Pour ce faire, l’Institut collecte les données suivantes :

– environ 150 000 relevés de prix, chaque mois, dans plusieurs dizaines de milliers de points de vente ;

– environ 500 000 relevés de prix sur internet. Certains sont réalisés manuellement par le personnel de l’Insee. La plupart sont réalisés par moissonnage automatisé (webscraping) sur internet ;

 les données de caisses des enseignes de la grande distribution, leur transmission ayant été rendue obligatoire depuis un arrêté du 13 avril 2017 ([3]) ;

– des relevés de « tarifs » disponibles sur internet ;

– des enquêtes statistiques par méthode de sondage auprès des ménages pour la mesure de l’évolution des loyers.

 

2.   L’action 6 Action régionale

L’action régionale consiste à éclairer la situation économique, démographique et sociale dans toutes les régions de France, ainsi que les politiques publiques mises en œuvre, qu’elles soient décidées au niveau national ou local. L’action régionale contribue ainsi à l’animation du débat public. Cela se traduit par la définition et la réalisation d’études, analyses et synthèses pertinentes au niveau territorial, ainsi que la diffusion, l’accompagnement et la promotion des productions de l’Insee, nationales et locales. Près de 43 millions d’euros sont proposés pour 2024 sur l’action 6.

L’essentiel des dépenses de cette action sont consacrées à des dépenses de personnel.

3.   L’action 8 Information économique, démographique et sociale

Cette action regroupe les activités concernant l’information économique, démographique et sociale aux travers des enquêtes et études économiques relatives aux entreprises et aux ménages. Elle traite ainsi notamment :

– des statistiques conjoncturelles et structurelles d’entreprises (par exemple l’indice de prix à la production, production de données structurelles à partir de l’exploitation des données fiscales et des données des enquêtes annuelles auprès des entreprises) ;

– des études et synthèses économiques (Note de conjoncture de l’Insee, Rapport sur les comptes de la Nation) ;

– des études démographiques ([4]), de ressources et de conditions de vie (enquêtes sur l’éducation, le logement, la dépendance, l’utilisation du temps etc.) ;

– des études sociales (par exemple la publication annuelle France, portrait social).

Lors des auditions, la direction générale de l’Insee a fait valoir qu’elle était contrainte de refuser un certain nombre de demandes d’enquêtes auprès des ménages. D’une part, le nombre d’enquêtes obligatoires au niveau européen limite les opportunités de l’Insee. D’autre part, les enquêteurs de l’Insee sont aujourd’hui en trop faible nombre pour envisager davantage d’études statistiques.

Près de 163 millions d’euros sont proposés sur cette action.

4.   L’action 9 Pilotage, soutien et formation initiale

Cette action recouvre le pilotage, l’organisation et la coordination des fonctions support de l’ensemble des services centraux et régionaux de l’Insee. Au-delà des moyens de la direction générale de l’Insee et des services qui lui sont directement rattachés, elle regroupe les fonctions de l’inspection générale de l’Insee, les moyens engagés pour le support informatique (notamment la maintenance des applications), la communication générale de l’Insee et, enfin, la formation continue des agents ainsi que la rémunération des élèves fonctionnaires suivant leur scolarité au sein de l’ENSAE ou de l’ENSAI. 149,3 millions d’euros sont prévus sur cette action.

Le rapporteur spécial estime judicieux d’avoir renforcé les moyens en matière de cyber-sécurité, compte tenu de la sensibilité des données auquel a accès l’Insee.

Par ailleurs, il se félicite de voir que cinq places de plus ont été ouvertes au concours de l’ENSAI. Il considère indispensable d’accroître le nombre d’analystes et de scientifiques des données – data analysts et data scientists – pour appréhender les besoins futurs en matière de capital humain dans l’administration.

B.   Des moyens humains qui se stabilisent, mais demeurent à flux tendus

1.   Les moyens humains de l’Insee, après une baisse ces dernières années, connaissent désormais une stabilisation

Pour les années 2023 à 2027 les dépenses de personnel devraient légèrement augmenter. Cette hausse est certes en partie due à une stabilisation des effectifs de l’Institut, mais elle résulte également d’une compensation de la dégradation de la conjoncture économique.

Évolution de la masse salariale de l’Insee 2008-2027

(en millions d’euros)

Source : Documents transmis au rapporteur spécial par l’Insee.

Toutefois, lorsqu’on observe la trajectoire d’évolution du schéma d’emplois pour les années 2023 à 2027, on constate une légère hausse de +3 ETP sur la période.

Or le schéma d’emplois résultant du précédent contrat d’objectifs et de moyens (COM) prévoyait une diminution de – 80 ETP sur la même période.

Le rapporteur spécial se félicite que les effectifs de l’Institut se stabilisent, ce qui devrait favoriser une bonne appréhension des enjeux en matière d’évolution du domaine de la donnée.

Évolution du schéma d’emplois de l’insee 2008-2027

(en ETP)

Source : documents transmis au rapporteur spécial par l’Insee.

2.   Cette stabilisation ne doit pas masquer des situations difficiles et asymétriques

Si la stabilisation des effectifs est une heureuse nouvelle pour les services de l’Insee, il n’en reste pas moins que ces dernières années de réduction de la masse salariale ont conduit à une mise sous tension des effectifs.

Ce constat est particulièrement vrai pour les enquêteurs de l’Insee. Le recours aux contractuels s’est accru ces dernières années, ce qui a pour effet de précariser davantage la fonction.

De la même manière, le développement des enquêtes en « multimode » a pour effet de transformer les missions des enquêteurs qui doivent désormais maîtriser plusieurs outils (informatique, téléphonique, etc). En conséquence, leurs tâches traditionnelles s’en trouvent affectées. Lors des auditions au printemps, les syndicats de l’Insee ont fait valoir que l’évolution des pratiques était de nature à complexifier le travail.

Au-delà de la modification des méthodes de travail, les auditionnés relèvent, comme l’année précédente, les difficultés d’accès à certains bâtiments afin de procéder aux auditions en face-à-face.

Afin de lutter contre cette dernière difficulté, le rapporteur spécial recommande que les enquêteurs de l’Insee puissent disposer d’un Pass Vigik. Cette recommandation, déjà présentée lors des précédents rapports, demeure inaboutie en raison de l’absence de véhicule législatif permettant l’adoption d’une telle mesure. Aussi, le rapporteur spécial se montrera attentif, en opportunité, afin de déposer un amendement sur un texte idoine le cas échéant.

Le rapporteur spécial souhaite également alerter sur la situation pour les acteurs de l’Insee dans le département d’outre-mer de Mayotte.

L’île rencontre des difficultés certaines, de différentes natures, qui ne favorisent pas le travail des enquêteurs de l’Insee. Lors de l’audition du responsable du programme 220, ce dernier a fait part au rapporteur spécial des contraintes voire des craintes des agents de l’Institut sur place.

Concrètement, il est devenu difficile de répondre aux obligations légales sur ce territoire. À titre d’exemple, le recensement de la population ne peut être effectué, a fortiori depuis le lancement de l’opération Wuambushu ([5]), qui entraîne des destructions de bidonvilles et des déplacements de population.

Le contexte rend difficile le travail de l’Insee. Les enquêteurs ne peuvent – et peut être aussi ne veulent – plus se rendre dans certains espaces de l’archipel devenus trop dangereux. L’insécurité est parfois telle que les enquêteurs sont contraints d’être accompagnés par des agents municipaux et des agents de police municipale pour se rendre sur les lieux de l’enquête.

Le rapporteur spécial fait part de ses vives préoccupations concernant la situation à Mayotte. Il estime nécessaire une réflexion sur l’avenir du travail des enquêteurs qui, en tout état de cause, n’ont pas à mettre leur sécurité en péril pour exercer leurs activités dans le département. L’accompagnement systématique par des agents communaux ou des policiers municipaux n’apparaît pas satisfaisant.

Pour l’heure, les obligations européennes en matière de données de population et de logements ne peuvent être remplies. Cette situation est préoccupante alors que l’Union européenne a présenté un règlement européen « European statistics on population (and housing) » dit « ESOP », d’application dès 2026 et qui renforce les obligations de collecte de données statistiques pour les États membres.

C.   Les difficultés posées par la politique d’open data de l’Insee

Lors des auditions au printemps et en octobre de l’année 2023, le directeur général de l’Insee et sa secrétaire générale, s’ils ont tous les deux souligné les bienfaits de la politique des données ouvertes – open data  ont toutefois souhaité informer le rapporteur sur les limites et les contraintes d’une telle ouverture.

Les limites, déjà exposées dans le rapport d’information publié dans le cadre du printemps de l’évaluation intitulé : « L’accès aux données privées : une nouvelle ressource pour l’Institut national de la statistique et des études économiques ? » ([6]), sont toujours d’actualité. Dans une logique de chaînage vertueux, le rapporteur spécial souhaite rappeler certains de ces points.

Tout d’abord, l’ouverture des données ne peut, par principe, concerner la totalité des données dont dispose l’Insee, dans la mesure où cette ouverture pourrait conduire à rompre avec le principe même du secret statistique qui guide les activités de l’Insee.

Ensuite, les demandes formulées par des associations, telles que l’association Ouvre-boîte qui milite pour une « libération des documents de l’administration » et notamment des bases de données et des codes sources ne sauraient être entièrement satisfaites. Au-delà de l’enjeu en matière de secret statistique, le responsable de programme a également fait observer que de telles demandes mobilisent lourdement les agents de l’Insee.

D.   Un recours aux données privées qui doit prendre ancrage

Dans le même rapport d’information du printemps de l’évaluation pour 2023, le rapporteur spécial préconisait la consécration d’une notion de donnée d’intérêt général large à des fins de production statistique en vue de permettre l’utilisation de données privées.

Il estime que cette notion est propice à l’utilisation de données de nature privée. Il comprend toutefois les freins légaux actuels au niveau européen, ainsi qu’au niveau national, qui contreviennent à l’émergence d’une telle notion.

Pour autant, le rapporteur spécial estime que l’utilisation des données de nature privée serait opportune afin d’obtenir des statistiques de meilleure qualité, avec un échantillonnage plus touffu, à des coûts moindres pour l’Institut.

II.   Le programme 305 stratégies Économiques

Le programme 305 Stratégies économiques est relatif aux dépenses de la direction générale du Trésor (DGT), dont relève notamment la compensation versée à la Banque de France au titre des activités qu’elle exerce pour le compte de l’État.

Depuis 2023, le programme retrace les crédits relatifs à la mission d’intérêt général d’accessibilité bancaire assurée par l’établissement de crédit de La Poste.

programme 305 Stratégies économiques : ÉVOLUTION DES CRÉDITS EN 2024

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI
2023

Demandés pour 2024

Évolution (en %)

LFI
2023

Demandés pour 2024

Évolution (en %)

1 - Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France

624,5

610,6

 2%

625,1

602,3

 4%

2 - Développement international de l’économie française

70,8

73,9

+ 4%

70,1

73,9

+ 5,4%

4 - Économie sociale, solidaire et responsable

19,2

19,2

+ 0,1

20,7

22,4

+ 8%

Total

714,5

703,7

 2%

715,9

698,6

 2 %

Source : PAP 2024.

A.   Les crédits budgétaires alloués en compensation de la mission d’accessibilité bancaire assurée par La Poste semblent insuffisants.

1.   Une mission indispensable mais victime d’un sous-financement chronique

a.   La mission d’accessibilité bancaire (MAB) : un parapet contre la marginalisation bancaire, mais un suivi insuffisant

Protection contre la marginalisation économique et bancaire, la mission d’accessibilité bancaire (MAB) dévolue au groupe La Poste et à son établissement de crédit : la Banque Postale (LBP) ([7]) a pour objectif de favoriser la pré‑bancarisation de populations qui, compte tenu de facteurs économiquement exogènes (handicap, illectronisme, barrière linguistique, etc.), n’ont pas accès à la bancarisation traditionnelle.

Cette mission prévoit un droit à l’ouverture, à titre gratuit, d’un livret A ayant des caractéristiques spécifiques à toute personne qui en formule la demande ([8]). Caractérisés par une forte liquidité, les fonds déposés sur ce compte épargne sont disponibles à tout moment et permettent d’utiliser ce dernier comme un quasi-compte courant. En outre, le livret A doit fonctionner selon des modalités simplifiées et adaptées (domiciliations de certains revenus et de certains prélèvements, montant minimum des opérations individuelles de retraits et de dépôts fixé à 1,50 euro contre 10 euros dans les autres établissements, absence de carte de paiement, etc.).

L’utilisation intensive du Livret A est l’un des éléments pris en compte pour déterminer la population bénéficiant de cette mission.

Pour permettre l’effectivité de cette mission, le groupe La Poste est incité à conserver un maillage territorial étendu de 17 000 bureaux de poste et de guichets bancaires, y compris dans les zones rurales et les quartiers moins favorisés, seule condition à la réalisation d’opérations bancaires courantes. Notamment, la désignation de 360 bureaux dits « référents migrants » permet d’identifier des zones de flux intenses de demandeurs de cette mission d’accessibilité bancaire afin de répondre de manière idoine aux besoins spécifiques de cette population.

Cette mission de service public a bénéficié, en 2022, à 1,4 million de clients de La Banque Postale (les chiffres du nombre actuel de bénéficiaires n’ont pas été actualisés). Il convient de noter que le groupe La Poste compte également 1,6 million de « clients fragiles » qui bénéficient de l’offre spécifique dédiée aux personnes fragiles financièrement (OCF) ([9]) qui est différenciée et non soluble dans la mission d’accessibilité bancaire.

Malgré les efforts de quantification du nombre de bénéficiaires de la mission, le calcul en stock sur une année donnée ne semble pas satisfaisant pour appréhender l’étendue des bénéficiaires réels de ce dispositif.

Le rapporteur spécial constate, sans pouvoir le quantifier, un phénomène de transfert d’une part de la population concernée par la mission d’accessibilité bancaire vers des offres commerciales annexes, notamment l’offre de Banque digitale 100 % mobile du groupe : Ma French Bank ([10]).

De surcroît, comme le notent les syndicats, il semble que ce transfert se fasse parfois à marche forcée, au détriment de clients initialement bénéficiaires de la mission de service public. Le rapporteur spécial appelle à moraliser ce genre de pratiques commerciales qui, si elles peuvent s’entendre dans un contexte de concurrence entre établissements de crédit, n’a pas vocation à concerner une population fragile relevant d’un accompagnement spécifique.

Afin d’améliorer le suivi de cette population bénéficiaire de la mission, le rapporteur spécial invite le groupe La Poste à produire une étude permettant d’appréhender les flux entrants et sortants du dispositif et à les répertorier par catégories – bénéficiaire d’un compte courant (CCP), bénéficiaire d’une offre de banque en ligne et les sorties du dispositif sans information complémentaire.

Par ailleurs, le rapporteur spécial recommande de mieux cartographier le déploiement de la mission d’accessibilité bancaire à l’échelle du territoire métropolitain et des territoires d’outre-mer en vue d’y appréhender géographiquement les zones de tensions.

Enfin, le rapporteur spécial préconise de renforcer l’offre de formation du groupe à l’égard de ses chargés de clientèle et conseillers financiers qui sont en contact régulier avec la population bénéficiaire de la MAB. Aujourd’hui, deux offres de formation sont proposées :

– Une formation obligatoire sur l’accompagnement des clients susceptibles de rencontrer des difficultés financières ;

– Une formation optionnelle, sur la base du volontariat, tournées sur les spécificités de la mission d’accessibilité bancaire.

Les syndicats auditionnés par le rapporteur spécial déplorent parfois une impossibilité de s’inscrire à ces formations, en raison des tensions en termes d’effectif, qui ne permettent pas de dégager le temps nécessaire.

b.   La mission d’accessibilité bancaire : un sous financement chronique

  1.   À partir de 2023, les modalités de financement de cette mission ont évolué

La compensation financière de la mission d’accessibilité bancaire était, avant l’adoption de l’article 184 de la loi de finances pour 2023, assurée par le Fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et de consignations en vertu de l’ancien article L. 221-6 du code monétaire et financier (ci-après « le Fonds d’épargne »).

Or l’accessibilité bancaire ne faisait pas partie de la mission prioritaire confiée au Fonds d’épargne en vertu de l’article L. 221‑7 du code monétaire et financier, à savoir le financement du logement social.

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport consacré à l’épargne réglementée paru en septembre 2022 : « L’intégration de la Banque Postale dans le groupe CDC et sa consolidation au plan comptable depuis 2020 créent une situation nouvelle pour ce qui concerne l’appréciation de l’étanchéité entre le fonds d’épargne et le groupe […]. Du fait de sa « double casquette » de gérant de fonds d’épargne et d’entité bancaire consolidante de la Banque Postale, la CDC doit gérer des intérêts qui risquent de ne pas être complètement alignés. » ([11]).

Une telle situation rendait peu lisible l’action de la Caisse des dépôts et s’apparentait, en creux, à une débudgétisation de la part de l’État. La Cour a donc proposé l’inscription au budget général de l’État des crédits nécessaires à la compensation de La Poste en charge de la mission d’accessibilité bancaire.

  1.   Une compensation strictement encadrée, mais constamment sous-financée

La compensation financière versée au groupe La Poste au titre de la mission d’accessibilité bancaire est encadrée par le droit européen qui prévoit :

– La tenue d’une comptabilité analytique fine permettant d’isoler les charges afférentes à la mission ;

– La définition des calculs de la compensation ;

– La garantie que la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir le « coût net ».

Le calcul de la mission d’accessibilité bancaire demeure perfectible

Le calcul de la compensation versée par l’État à la Banque Postale au titre de la mission d’accessibilité bancaire (MAB) repose sur le calcul du « coût net », soit la différence entre le bénéfice (ou le déficit) constaté pour la réalisation de service public – on parle alors de scénario « factuel » ‑ et le modèle économique théorique maximisant les profits de la société – considéré comme le scénario « contre‑factuel ». Ce modèle contre‑factuel permet de calculer un résultat brut d’exploitation (RBE) hypothétique correspondant au RBE en l’absence de sujétions particulières de service public. Le calcul du coût net est assuré, pour la mission d’accessibilité bancaire, par la direction générale du Trésor.

Pourtant, une limite théorique peut être évoquée. Le calcul du coût net permet de prévenir le risque de surcompensation mais ne permet pas de déterminer le montant précis de la compensation à verser qui lui relève d’un choix discrétionnaire de l’État.

Aussi, la compensation versée à La Poste relève des critères de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne établis dans la décision Altmark ([12]) et des règles du « Paquet Almunia » s’appliquant au service d’intérêt économique général (SIEG). Ce faisant, les marges de manœuvre budgétaire des autorités françaises pour compenser pleinement les coûts engendrés par la mission d’accessibilité bancaire sont limitées.

La compensation pour la période courant de 2021 à 2026 ayant été fixée par arrêté notifié à la Commission européenne, il est peu réaliste de penser que la trajectoire sera rectifiée pour cette période. Toutefois, en 2025, s’engageront les négociations pour déterminer les montants à allouer pour la période 2027 à 2032. Le rapporteur spécial sera attentif à l’évolution tendancielle de cette compensation.

La trajectoire telle qu’établie entraîne d’importants surcoûts pour le groupe La Poste qui ne sont pas compensés et constituent une perte sèche pour le groupe.

La Cour des comptes dans son audit flash de mai 2023, « Les missions de service public du groupe La Poste : Un coût croissant, un usage moins fréquent », fait apparaître que le montant de la compensation versée à LBP ne couvre les charges qu’à un taux d’environ 89,2 %. Partant, restent à la charge du groupe La Poste des frais qui relèvent, en réalité, de l’exercice de cette mission d’accessibilité bancaire.

Coût net après compensation versée à la Banque Postale
au titre de la mission d’accessibilité bancaire

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

2021

18

56

56

41

Source : contrat d’entreprise 2023-2027 entre l’État et La Poste, contrat relatif aux missions de service public confiées au groupe La Poste.

Le rapporteur spécial appelle à ce que l’État prenne en charge la totalité des coûts engendrés par cette mission de service public et insiste sur la nécessité de réviser la méthode de calcul ou d’inclure dans l’année budgétaire n+1 des crédits de rattrapage correspondant au delta constaté.

Afin de permettre un suivi plus efficace de cette trajectoire, le rapporteur spécial, dans le sillage de la Cour des comptes dans son audit flash de mai 2023 ([13]) estime que la compensation financière versée à la Banque Postale pour les sujétions tirées de la mission d’accessibilité bancaire (MAB) devrait être mieux documentée. Une documentation plus complète et plus lisible permettrait d’appréhender la diminution, estimée à environ 5 % par an de cette compensation par la direction générale du Trésor.

Cette mission suit une trajectoire dégressive afin de répondre à l’exigence d’incitation à l’efficience de la mission prévue par la réglementation européenne.

trajectoire retenue pour la compensation versée À la poste
pour sa mission d’accessIbilité bancaire

(en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

En AE et CP

303

287

269

252

250

Source : Audition conduite par le rapporteur spécial.

  1.   Des besoins à anticiper.

En premier lieu, le rapporteur spécial estime nécessaire de réfléchir à une trajectoire de financement pérenne aux effets neutre sur le groupe La Poste. La méthodologie de calcul en « coût net » apparaît aujourd’hui inadaptée à une mission de service public indispensable telle que la MAB.

Le rapporteur spécial tient à insister sur le fait que la trajectoire baissière de la compensation, conjuguée à « l’incitation à l’efficience » portée par l’Union européenne ne peut conduire qu’à une casse du service public.

Lors de l’audition des représentants de La Poste, ces derniers ont fait savoir au rapporteur spécial que l’État, La Poste et l’entité bancaire du même groupe prévoyaient de se réunir en 2024 afin d’établir un bilan de cette mission d’accessibilité bancaire. Ce bilan d’étape devrait être l’occasion de s’interroger sur la mise en œuvre opérationnelle, la situation économique de la mission et sur la compensation en coût net.

En second lieu, le rapporteur spécial est préoccupé par les risques que font peser les tensions inflationnistes actuelles et l’intensification des flux migratoires sur la soutenabilité de la mission d’accessibilité bancaire. Les syndicats auditionnés ont fait valoir, sans toutefois pouvoir quantifier le volume et appréhender les effets de ces deux phénomènes, une crainte quant au devenir de la mission dans les conditions de financement actuelles.

B.   La compensation versée À la banque de France se stabilise, mais IL CONVIENT D’Être vigilant FACE au risque de surendettement

La Banque de France accomplit désormais, au titre de ses missions d’intérêt général, neuf prestations demandées par l’État, dont la nature et les conditions de rémunération sont fixées par des conventions spécifiques conformément à l’article L. 141‑7 du code monétaire et financier. Chacune de ces prestations s’inscrit dans le cadre du contrat de performance ([14]) signé le 1er octobre 2021 entre l’État et la Banque de France pour les années 2022 à 2024. Une contribution est versée à la Banque de France en contrepartie de ces prestations. Pour l’année 2024 le montant de cette compensation atteint 202,3 millions d’euros intégrant une compensation exceptionnelle compte tenu d’une moindre consommation des crédits sur l’année 2022.

Parmi ces missions, les dépenses liées au traitement du surendettement et à la tenue du compte du Trésor représentent environ 90 % des coûts supportés pour les prestations rendues par la Banque de France à l’État.

Pour 2024, l’État a confié à la Banque de France une nouvelle mission d’analyse des prêts garantis par l’État (PGE), dispositif mis en place en mars 2020 dans le cadre des mesures de soutien d’urgence à l’économie ayant pris fin en juin 2022. Le coût estimé de cette nouvelle prestation est toutefois marginal, puisqu’il représente un coût estimé à 100 000 euros pour 2024.

1.   La Banque de France réalise depuis 2012 d’importants gains de productivité, permettant la baisse de la compensation qui lui est versée par l’État

Depuis 2012, la Banque de France réalise des gains élevés de productivité qui s’expliquent par trois facteurs :

– la modernisation de ses outils informatiques, avec la mise en service d’une nouvelle application pour la gestion du compte du Trésor et la dématérialisation de la procédure qui se poursuit ;

– l’adoption et la mise en œuvre de mesures législatives permettant de simplifier et d’accélérer la procédure de surendettement (introduites par les lois du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) ;

– la mise en œuvre progressive des plans de modernisation (Ambitions 2020 et Construire Ensemble 2024) qui reposent sur la réorganisation territoriale de la Banque de France, la création de centres de traitement partagé au niveau régional pour le surendettement et le suivi des entreprises s’agissant de l’activité tertiaire.

Cette modernisation se poursuit avec la mise en œuvre progressive du nouveau dispositif d’accueil téléphonique, autour d’un numéro unique, le 3414, et la possibilité de déposer un dossier de surendettement en ligne.

Ces gains de productivité ont permis une baisse continue de la compensation versée à la Banque de France depuis 2012 et ce malgré l’ajout de nouvelles missions : le droit au compte puis, en 2023, le secrétariat du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF).

Missions effectuées par la Banque de France pour le compte de l’État

Les neuf missions rémunérées à la Banque de France, en application de l’article L. 141‑7 du code monétaire et financier et inscrites sur le programme 305 sont les suivantes :

– le secrétariat des commissions de surendettement,

– la tenue du compte du Trésor,

– le droit au compte,

– la mise en circulation, sur l’ensemble du territoire métropolitain, des monnaies métalliques neuves,

– l’organisation des séances d’adjudication des valeurs du Trésor,

– la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers,

– le secrétariat du Comité monétaire de la zone franc,

– le secrétariat du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF),

– analyse des prêts garantis par l’État (PGE).

 

Évolution de la compensation versée à la Banque de France depuis 2012

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires.


2.   Il convient de rester attentif à la tendance haussière du nombre de dossiers de surendettement

Le rapporteur spécial salue le travail d’identification en amont des personnes en situation de fragilité bancaire effectué par la Banque de France, qui permet de prévenir les situations de surendettement.

Néanmoins, si la hausse comprise entre 6 et 7 % du nombre de dossiers déposés au secrétariat de la commission de surendettement n’est à ce stade pas alarmante, elle appelle à la vigilance. Lors des auditions menées par le rapporteur spécial, les représentants de la Banque de France ont fait valoir que cette hausse était en réalité un retour à la trajectoire naturelle – soit celle connue avant la crise sanitaire – et que les phénomènes d’inflation et de resserrement du canal monétaire via une raréfaction du crédit n’avaient pas directement une incidence sur cette hausse.

Le rapporteur spécial constate toutefois avec satisfaction que les inscriptions au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) et a fortiori au fichier central des chèques (FCC) se sont stabilisées, voire ont diminué en volume par rapport à l’an passé.

Présentement, la dégradation de la conjoncture économique et la hausse de l’inflation n’ont pas conduit à une explosion des situations de surendettement.

C.   L’Économie sociale, solidaire et responsable : un maigre financement

Depuis la loi de finances pour 2021, le programme 305 comprend les crédits budgétaires destinés au soutien de l’État à l’économie sociale, solidaire et responsable (ESSR). Un ministère délégué auprès de la Première ministre est désormais en charge de ces questions.

Dans le présent projet pour 2024, l’action 4 – Économie sociale, solidaire et responsable est abondée à hauteur de 22,38 millions d’euros (en CP). Cette enveloppe finance trois sous actions : (a) le développement de l’économie sociale et solidaire et le soutien à l’investissement à impact social ; (b) le dispositif local d’accompagnement (DLA) et enfin, (c) le soutien aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) qui ont, selon les mots du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, connu un « nouveau souffle » à partir de 2022.

À cette faiblesse budgétaire s’additionnent les annonces récentes mettant en péril certaines activités connexes à l’ESS : suppression de 15 000 contrats aidés, baisse des moyens dédiés à l’expérimentation territoires zéro chômeurs de longue durée. La tension inflationniste pèse également sur les organisations et entreprises de l’ESSR.

Néanmoins, selon les réponses apportées par la direction générale du Trésor, l’État aurait en réalité alloué plus de 10 milliards d’euros à l’économie sociale, solidaire et responsable au travers de 36 missions du budget de l’État totalisant 105 programmes budgétaires. Le rapport détaillant ces allégations n’étant pas encore parvenu au Parlement, il est impossible au rapporteur spécial d’en apprécier la teneur.

1.   Un budget constant, mais invariablement insuffisant.

a.   Le premier axe de financement : le développement de l’économie sociale et solidaire et le soutien à l’investissement à impact social

Le programme 305 permettra de soutenir les politiques de développement économique, de soutien à l’innovation sociale et à l’investissement à impact, de structuration territoriale et de croissance des emplois de l’ESS, pour un total de 5,6 millions d’euros en AE et 8,7 millions d’euros en CP.

Ces politiques comportent plusieurs champs d’intervention :

Le soutien des têtes de réseaux et des organismes fédérateurs de l’ESS ainsi que des organismes de recherche et centres de ressources, dans le cadre des missions qui leur ont été confiées par la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon ». Ce soutien sert d’effet de levier pour encourager l’engagement financier d’autres partenaires, collectivités territoriales ou acteurs financiers publics et privés, contribuant à l’essor de l’ESS.

Le financement des chambres régionales de l’ESS (CRESS) par le biais de conventions garantissant l’exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi précitée du 31 juillet 2014. Le programme permet ainsi de soutenir un réseau de correspondants dans les administrations déconcentrées travaillant en coordination avec les CRESS dans leurs actions en faveur des structures de l’ESS.

Auditionnés par le rapporteur spécial, les représentants de la CRESS Occitanie se sont montrés satisfaits du périmètre d’actions octroyé par la loi du 31 juillet 2014. Ils ont toutefois insisté sur la faiblesse chronique des crédits qui leur sont alloués. Ces derniers ne permettent pas de faire progresser l’ESSR.

Comparativement aux financements des chambres de commerce et de l’industrie (CCI) et chambres des métiers de l’artisanat (CMA) relevant du programme 134 – Développement des entreprises et régulations, les CRESS ne bénéficient pas de taxes affectées et le montant de ces dernières est amplement supérieur à ce qui est voté en soutien aux CRESS.

Les CRESS, des structures implantées et visibles, mais insuffisamment financées

Émanations des années soixante, mais officiellement reconnues par la loi de 2014, les CRESS sont devenus des acteurs incontournables pour le développement et le soutien de l’ESS dans les territoires. Aujourd’hui, les CRESS représentent 17 structures et rassemblant près de 200 salariés et 1 872 adhérents.

Elles sont chargées de représenter les intérêts de l’économie sociale et solidaire auprès des acteurs régionaux tels qu’au Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de leur région. La présence des CRESS au sein d’instances stratégiques a permis d’infuser les spécificités de l’ESS au sein des politiques publiques, sans toutefois parvenir à une logique de co‑construction de celles-ci.

Les CRESS sont également porteuses de projets. Elles assurent un soutien au développement et au maintien d’entreprises par l’intermédiaire d’une expertise sur le financement, la détermination du modèle économique idoine ou encore sur la mise en relation et le développement des affaires. En 2022, ce sont près de 3 523 structures qui ont bénéficié d’un accompagnement.

Les missions des CRESS sont toutefois fragilisées par un financement insuffisant. L’État contribue au financement des chambres essentiellement par l’intermédiaire de la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) reposant sur la réalisation de cinq missions socles. Or, cette CPO, d’un montant moyen de 80 647 euros, représente uniquement 11 % des ressources d’exploitations des CRESS. Les financements sont par ailleurs asymétriques et erratiques, certaines chambres, à l’instar de la CRESS Bretagne, reçoivent un financement via le CPO égal à 3 % de leur budget total.

Source : Rapport ESS France, « Les CRESS au service du développement de l’ESS », février 2023.

Le soutien budgétaire aux réseaux d’accompagnement nationaux, comme l’association French Impact, les réseaux Avise ou France Active, ainsi qu’aux partenariats noués au niveau des territoires, est destiné à promouvoir les initiatives locales innovantes socialement ou à mettre en lien les acteurs de l’ESS et leurs partenaires publics et privés autour de projets communs et ambitieux. Le programme contribue au déploiement opérationnel et au financement des contrats à impact social (CIS).

Les contrats à impact social (CIS)

Les CIS constituent une modalité innovante de financement de projets sociaux, sélectionnés par l’État dans le cadre d’appels à projets.

Initiés et conduits de manière autonome par des opérateurs sociaux partenaires de la puissance publique, ces projets visent un très fort impact sur les bénéficiaires finaux, principalement des publics vulnérables économiquement ou socialement, en complément de l’action publique.

Des investisseurs publics et privés financent les opérateurs sociaux pour mettre en œuvre leurs projets, puis sont remboursés par l’État, avec une rémunération du risque pris et en fonction de l’atteinte des résultats, quantifiés et contractualisés. Ces résultats sont évalués par un tiers indépendant.

Depuis leur lancement, près de 30 projets ont fait l’objet d’un financement par contrat à impact social, pour un montant total de 76,5 millions d’euros.

Suivi, depuis le lancement en 2016, des contrats à impact social

(en millions d’euros)

 

Nombre de contrats
à impact social

Budget

Réalisé/terminé

4

3,2

En cours de réalisation

21

57,9

En cours de structuration

5

15,4

Total des contrats à impact

30

76,5

Source : informations transmises au rapporteur spécial par la direction générale du Trésor.

Enfin, la participation au développement de l’ESS à l’échelle européenne et internationale, intervient dans le cadre de conventions passées avec l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

b.   Le deuxième axe de financement : le dispositif local d’accompagnement

Le programme finance également le dispositif local d’accompagnement (DLA), à partir de crédits déconcentrés, à hauteur de 11,5 millions d’euros en AE en CP, montant stable par rapport à 2023.

Ce dispositif, créé en 2002, est un organisme indépendant destiné à accompagner la consolidation et le développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ses objectifs d’accompagnement et ses orientations sont fixés par un Comité de pilotage local composé de la direction départementale du travail et de l’emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), la Caisse des dépôts et consignations, les collectivités territoriales, le Fonds social européen (FSE) et ESS France.

Cet accompagnement, à destination principalement des associations, se traduit par des missions d’ingénierie sur leurs projets stratégiques, leur organisation interne, leurs compétences internes, leur modèle économique, leurs projets de regroupements et de partenariats.

La CRESS auditionnée, dans le sens des conclusions de l’avis du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire sur le bilan de la loi de 2014 ([15]) a estimé que les crédits alloués au dispositif local d’accompagnement pourraient être rehaussés.

Le rapporteur spécial soutient cette demande, une hausse du DLA permettrait d’accompagner et de financer un plus grand nombre de structures, de procéder à des accompagnements dans la durée sur des projets plus complexes et de pallier les effets de l’inflation pour le secteur. À cet égard, il se montrera favorable à l’amendement déposé par son collègue député Gérard Leseul en commission des finances, prévoyant une hausse de 6 millions d’euros à destination du dispositif.

c.   Un troisième axe de financement : les pôles territoriaux de coopération économique

Définis à l’article 9 de la « loi Hamon » de 2014 ([16]), les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) sont constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) qui s’associent à des entreprises privées, en lien avec des collectivités territoriales, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation ou toute autre personne physique ou morale, pour mettre en œuvre une stratégie commune et continue de mutualisation, de coopération ou de partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants socialement ou technologiquement et porteurs d’un développement local durable.

Ils s’inspirent des pôles de compétitivité créés par l’État, lesquels prennent appui sur le modèle économique des « clusters territoriaux » ([17]) et permettent non seulement la mise en place d’un cadre légal et financier pour le déploiement de projets économiques innovants et solidaires à l’échelle d’un territoire, mais aussi de recréer des filières, des emplois non délocalisables et de revitaliser des territoires sinistrés socialement et économiquement.

Pour 2024, le montant des crédits budgétaires alloués à ces pôles territoriaux atteint 2,2 millions d’euros en AE comme en CP.

2.   Faire de l’ESSR le linéament de l’économie moderne.

À l’issue des auditions qu’il a menées, le rapporteur spécial ressort convaincu de l’avenir et des enjeux qui sous-tendent l’économie sociale, solidaire et responsable (ESSR).

Il plaide pour un rapprochement entre l’économie conventionnelle et l’ESSR, estimant que les enjeux de transition écologique nous obligent à faire évoluer nos pratiques en matière de développement économique.

À cet égard, la dynamique engendrée par l’adoption de la Directive « Corporate sustainability reporting directive » (dite CSRD) le 14 décembre 2022 et qui entrera progressivement en application à partir du 1er janvier 2024 ([18]), est propice à un rapprochement entre deux modèles économiques encore largement distincts. L’un étant essentiellement motivé par la maximisation du gain, l’autre prônant l’établissement d’une notion de « lucrativité limitée ». Cette directive va en effet renforcer les obligations de compte rendu, ou reporting, pour les entreprises, notamment en matière de questions sociales, environnementales et de gouvernance. Ces préoccupations sont d’ores et déjà omniprésentes dans l’ESSR contemporaine.

Les entreprises de l’ESSR jouent non seulement un rôle essentiel dans le quotidien de la population française (activités de solidarité, d’éducation populaire, culturelles...), mais sont aussi particulièrement dynamiques dans l’émergence et la structuration de filières dites « d’avenir », hautement stratégiques dans la perspective d’une nécessaire transition écologique, d’un renforcement de la cohésion sociale et d’une promotion de l’égalité des chances. À cet égard, une association comme La Cravate Solidaire qui a bénéficié de financement par l’intermédiaire d’un contrat à impact social agit en faveur de l’égalité des chances. Concrètement, il s’agit de fournir un accompagnement à des individus susceptibles de subir des discriminations à l’embauche en raison de leur origine sociale ou culturelle.

Par conséquent, le rapporteur spécial estime qu’une vaste réflexion doit avoir lieu sur les moyens de transposer les pratiques vertueuses de l’ESSR vers l’économie conventionnelle.

3.   La lisibilité de l’ESSR est à renforcer

Interrogé sur l’opportunité de consacrer un document de politique transversale pour l’économie sociale, solidaire et responsable (ESSR), sur le modèle de l’orange budgétaire « Tourisme » qui existait jusqu’en 2023, la direction générale du Trésor a fait valoir qu’une telle documentation n’avait pas vocation à être établie. Le rapporteur spécial regrette une telle position qui affaiblie la visibilité et la traçabilité des crédits soutenant l’ESSR, d’autant que la même direction générale affirme que l’État soutient ce secteur de l’économie à hauteur de 10 milliards d’euros.

Par ailleurs, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à produire sans tarder le rapport d’information sur les moyens et les dépenses des personnes publiques, notamment de l’État, en faveur du développement de l’économie sociale et solidaire, prévu à l’article 185 de la loi de finances pour 2023, à l’initiative du Sénat. Ce rapport aurait dû être communiqué au Parlement avant le 30 juin 2023.

Le rapporteur spécial regrette que cette nouvelle demande de rapport ne soit pas entendue jusqu’ici. Il rappelle que le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) notait en juillet dernier dans son avis sur le bilan de la « loi Hamon » de 2014 ([19]) : « Les quatre rapports demandés par le Parlement au gouvernement […] ne lui ont jamais été remis. La volonté du Parlement rencontre donc comme première limite : celle de la coopération du pouvoir exécutif. »

Article 185 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

« Au plus tard le 30 juin 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'information sur les moyens et les dépenses des personnes publiques, notamment de l'État, en faveur du développement de l'économie sociale et solidaire. Ce rapport a vocation à s'intéresser notamment :

1° Aux dépenses de l'État et des collectivités territoriales, tant au titre de l'investissement que des dépenses de fonctionnement, réalisées à destination des associations, des fondations, des sociétés coopératives de production et des sociétés coopératives d'intérêt collectif ainsi que des autres structures relevant de l'économie sociale et solidaire ;

2° À la difficulté que représente un modèle de financement basé sur l'appel d'offres et l'appel à projets au détriment d'un modèle basé sur la subvention de fonctionnement ;

3° À l'intérêt de mettre en place des financements pluriannuels pour le secteur associatif ;

4° Aux difficultés d'accès aux subventions européennes par les structures de petite ou de moyenne taille relevant du secteur de l'économie sociale et solidaire ;

5° Aux mesures à prendre pour permettre un accompagnement dans la gestion prévisionnelle territoriale des emplois des structures de l'économie sociale et solidaire. »

Si tant le cabinet de la ministre Olivia Grégoire que la direction générale du trésor ont fait valoir, au cours des auditions, que ce rapport était réalisé et qu’il allait être transmis au Parlement dans les plus brefs délais, ce n’est pas le cas à la date de rédaction du présent rapport spécial.

Au-delà de ces demandes répétées, le rapporteur spécial estime nécessaire d’accroître le suivi statistique de l’ESSR. Tant le cabinet de la ministre compétente, Mme Olivia Grégoire, que les organismes du secteur de l’économie sociale, solidaire et responsable (dont l’avis du CNESS précédemment cité) jugent qu’il existe un déficit de production statistique. Or cela nuit à la visibilité du secteur.

En effet, le rapporteur spécial estime nécessaire de rendre plus visible la politique en faveur de l’investissement solidaire, responsable et écologique. À cet égard, l’opportunité de redonner des marges de manœuvre à l’ESSR dans le cadre d’une loi de programmation de l’économie solidaire, sociale, responsable et écologique serait de nature à combler les actuels errements de cette politique publique.


III.   Le compte de concours financiers Accords monÉtaires internationaux

Le compte de concours financiers Accords monétaires internationaux comprend les trois programmes 811 Relations avec L’Union monétaire ouest-africaine, 812 Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale et 813 Relations avec l’Union des Comores.

Ce compte est destiné à garantir, en tant que de besoin, les deux fondements de la coopération monétaire avec la zone franc que sont l’ancrage de la parité du taux de change sur l’euro et la garantie de convertibilité illimitée.

À cet effet, il retrace, en recettes et en dépenses, les opérations d’octroi et de remboursement des appels en garantie de convertibilité effectuées au profit des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international. Contrairement aux autres comptes de concours financiers, il est doté de crédits évaluatifs, comme le précise l’article 24 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances (LOLF).

Ce compte n’est doté de crédits que si la dégradation de la situation financière de tout ou partie de l’une des trois zones monétaires l’exige. Or les banques centrales concernées détiennent des niveaux de réserves considérés comme suffisants. Il en résulte une faible probabilité d’appel en garantie de l’État. Celle-ci n’a d’ailleurs plus été mise en œuvre depuis 1994.

La publication des documents budgétaires sur le compte a d’ailleurs été suspendue en 2009, de telle sorte que le 6° de l’article 51 de la LOLF n’est pas appliqué concernant ce compte de concours financiers.

La Cour des comptes ne s’est pas opposée à cette situation, mais a considéré que si des événements conduisaient à mettre en œuvre la garantie de convertibilité, les documents budgétaires prescrits par la LOLF devraient être rétablis, avec des objectifs et des indicateurs de performance. En revanche, sa recommandation de faire figurer dans l’annexe au compte général de l’État (CGE) les informations sur les risques éventuels associés à ce compte a été suivie à partir de l’exercice 2011.

Ainsi, comme les années précédentes, aucun crédit n’est demandé pour 2024.


EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du vendredi 27 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Économie.

La vidéo cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission a rejeté les crédits de la mission Économie.

 

M. Franck Allisio, rapporteur spécial (Commerce extérieur). Je passerai rapidement sur les crédits qui se rattachent au commerce extérieur : les montants ont très peu évolué par rapport à l’année dernière et, surtout, ne représentent qu’une infime partie des enjeux financiers économiques relatifs au commerce extérieur français.

Seules deux actions budgétaires traduisent le soutien financier de l’État au commerce extérieur. En premier lieu, l’action Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 Développement des entreprises et régulations comprend des crédits au bénéfice d’opérateurs chargés de l’internationalisation de l’économie française. Elle ne connaît pas d’évolution budgétaire notable, la hausse de 132 % des crédits correspondant à l’engagement de la totalité des dotations annuelles de BpiFrance sur la période 2024-2028.

La deuxième action, intitulée Développement international de l’économie française, figure dans le programme 114 de la mission Engagements financiers de l’État. Elle regroupe les dispositifs de garanties aux entreprises exportatrices et connaît une baisse de 8,2 % en crédits de paiement, à environ 111 millions d’euros, l’abondement de l’assurance-prospection ayant diminué.

Ainsi, le soutien au commerce extérieur dans le budget s’élève à environ 300 millions d’euros. Mais le chiffre important en la matière, et véritablement consternant, est celui du déficit commercial de la France en 2022 : 163,6 milliards d’euros. Il devrait légèrement s’améliorer en 2023, mais ce sera principalement du fait de la baisse conjoncturelle des prix de l’énergie.

Le Gouvernement n’est jamais avare de communication sur les rares bonnes nouvelles économiques qui peuvent lui tomber dessus. Mais il y a un grand absent dans les discours, qui pèse pourtant, tel un boulet, depuis plus de vingt ans : la performance catastrophique de la France dans le commerce international. Notre pays perd de manière continue des parts de marché. Nous représentions plus de 5 % des exportations mondiales en 2002, et seulement 2,5 % aujourd’hui. Nous n’avons pas connu d’excédent commercial depuis 2002, et chaque année nous battons des records de déficit commercial.

Les causes structurelles de notre solde abyssal sont pourtant bien connues : une désindustrialisation planifiée et organisée pendant une vingtaine d’années, une compétitivité prix moindre que celle de nos concurrents ou encore un tissu de PME et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) exportatrices plus faible que chez nos voisins allemands ou italiens.

Pour remonter cette pente, il faudra beaucoup de temps et un certain courage, car on ne décrète pas la réindustrialisation de la France. Toutefois, des actions rapides et de bon sens pourraient d’ores et déjà être entreprises. En premier lieu, il faut définir une politique claire pour le commerce extérieur et cela ne peut passer que par la mise en place d’un ministère de plein exercice, en lien avec l’administration du ministère de l’économie. Si les ambassadeurs ont leur rôle à jouer, c’est au sein de l’économie française que le commerce extérieur se joue. Rien ne justifie la mise sous tutelle de cette politique par le Quai d’Orsay.

La construction d’une politique ambitieuse pour le commerce extérieur doit également passer par une stabilité à sa tête. En onze ans, nous avons connu douze secrétaires d’État ou ministres délégués chargés du commerce extérieur : je vous mets au défi de n’en citer ne serait-ce que la moitié. Il s’agit pourtant d’une politique vitale pour notre économie, qui mérite mieux que cette inconstance.

Ensuite, il faut revenir sur les erreurs des précédents gouvernements, en particulier le retrait de l’assurance-prospection et de la garantie des grands contrats des mains de la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur). C’est une décision qui a coûté cher à notre modèle d’exportation, BpiFrance, qui en a hérité, n’ayant pas l’expérience accumulée par la Coface dans les pays où pourraient rayonner les entreprises françaises exportatrices.

Surtout, il faut renouer avec une politique volontariste et mettre le commerce extérieur au cœur de l’action publique, car il s’agit d’une politique transversale qui touche tous les secteurs. Ainsi, je m’étonne que dans la mission budgétaire Investir pour la France de 2030, le mot « export » ne soit pas écrit une seule fois : comment peut-on penser la réindustrialisation sans organiser la projection à l’export des futures industries ?

Face à tous ces défis, le Gouvernement annonce un plan Osez l’export doté de 125 millions d’euros, sans que l’on sache l’emploi de ce montant. Donner plus d’argent aux agences de l’État n’y changera rien : il faut revoir en profondeur la structure de notre politique commerciale. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas voter les crédits de la mission Économie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux). Il me revient de vous présenter les crédits des programmes 220 et 305 de la mission Économie pour 2024. Ces programmes concernent respectivement l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la direction générale du Trésor. Leurs crédits sont relativement stables par rapport à 2023, en dépit de certaines disparités au sein des actions. Les fonds alloués servent en grande partie au fonctionnement interne des administrations, notamment le personnel, ainsi qu’aux missions régaliennes ou d’intérêt public que l’État confère à différents organismes.

S’agissant du programme 220 Statistiques et études économiques, qui est le support budgétaire de l’Insee, les crédits de paiement passent de 454,8 millions à 473,5 millions, soit une hausse d’environ 4 %. Les 3 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires, qui portent le total à 5 040 ETP, traduisent la fin de la tendance baissière engagée depuis une dizaine d’années. Toutefois, elle ne correspond pas à notre demande l’an dernier.

Le programme 305 Stratégies économiques finance la direction générale du Trésor, la compensation versée à la Banque de France pour les missions exercées pour le compte de l’État, la compensation versée depuis 2023 au groupe La Poste pour la réalisation de la mission d’accessibilité bancaire, et le soutien à l’économie sociale, solidaire et responsable (ESS). Les crédits proposés s’élèvent à 698,6 millions en crédits de paiement, contre 715,9 millions l’an passé. Cette diminution s’explique notamment par la trajectoire baissière de la compensation versée au groupe La Poste, sur laquelle je reviendrai plus loin.

Pour ce programme, le nombre d’ETP s’élève à 1 322, soit 19 de plus que l’année dernière. Cela tient notamment à la création, que je salue, d’une nouvelle sous-direction à la direction générale du Trésor, afin de renforcer les capacités d’analyse économique et de conseil sur les politiques publiques relatives à la transition écologique et énergétique.

Je souhaiterais souligner les avancées et l’adaptation de l’appareil statistique de l’Insee, qui a su s’adapter à la hausse des demandes d’enquêtes consécutives au conflit en Ukraine. Dans le même sens, je salue l’action de la direction générale du Trésor et de son réseau international pour ses actions.

Toutefois, mes travaux et les auditions que j’ai menées m’ont permis de déceler certaines difficultés. S’agissant du programme 220, j’aimerais insister sur trois points. Tout d’abord, il faut renforcer les moyens d’action de l’Insee pour lui permettre d’assurer ses nouvelles missions et de garantir la qualité de ses enquêtes dans le respect de son obligation d’indépendance.

J’appelle ensuite à la vigilance sur le financement de la dotation forfaitaire de recensement qui est versée aux communes concernées par la mission de recensement. Depuis plusieurs années, celle-ci connaît une diminution sensible, ce qui a pour effet d’accroître les dépenses des collectivités territoriales. Les collectivités n’ont pas à compenser le manque de financement par l’État d’une mission qui est la sienne.

Enfin, les enquêteurs de l’Insee sont confrontés à d’importantes difficultés dans le département de Mayotte. Il devient de plus en plus difficile d’effectuer les missions de recensement prévues par le droit européen. Les enquêteurs ne peuvent plus se rendre dans certains lieux de l’archipel en raison d’un contexte économique, social et sanitaire devenu trop tendu.

Concernant le programme 305, deux points ont retenu mon attention. En premier lieu, la mission d’accessibilité bancaire dévolue à La Poste me semble structurellement sous-financée. Agissant comme un garde-fou contre la marginalisation bancaire, elle permet à près de 1,4 million de personnes rencontrant des difficultés particulières d’avoir accès à une offre de prébancarisation, à savoir à un livret A fonctionnant quasiment comme un compte courant. Alors que cette mission m’apparaît fondamentale dans le climat économique et social qui est le nôtre, la trajectoire de financement de la compensation prévoit une réduction de l’enveloppe de 5 % par an jusqu’en 2026. Pourtant, le montant de cette compensation ne couvre les charges qu’à hauteur de 89,2 %. De ce fait, le groupe a dû supporter un reste à charge de 41 millions en 2021. J’estime qu’il faut remédier à cette situation.

En second lieu, je m’interroge sur le financement de l’économie sociale, solidaire et responsable, dont les crédits me semblent insuffisants. Plusieurs amendements seront présentés pour les augmenter, et j’y suis résolument favorable. L’ESS est un secteur d’avenir, mais reste encore largement reléguée à une place secondaire. Dans mon rapport, je plaide pour un rapprochement entre l’ESS et l’économie conventionnelle, afin que cette dernière intègre les pratiques sociales et environnementales vertueuses nécessaires pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme). Bonne nouvelle : le tourisme français a retrouvé des couleurs. Le niveau de recettes est équivalent, voire supérieur à celui de 2019, à près de 58 milliards d’euros en 2022. La fréquentation est bonne, dépassant même celle de 2019. C’est donc une nette amélioration par rapport aux années marquées par l’épidémie de Covid-19, qui ont mis à mal le secteur.

Il est toujours difficile d’analyser les crédits relatifs au tourisme parce que nous n’avons plus de documents de politique transversale. On peut évaluer l’effort budgétaire en faveur du tourisme en 2024 à 130,37 millions d’euros en autorisations d’engagement et 167 millions d’euros en crédits de paiement. En font partie notamment les crédits dédiés à l’opérateur Atout France, qui est chargé de la promotion de la destination France, à hauteur de 28,7 millions. Atout France rencontre cette année une difficulté particulière : en raison de son passage de la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à celle du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et des nouvelles exigences de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances), l’opérateur se voit privé d’une recette pourtant essentielle dans son budget de promotion, à savoir les droits de visa, qui représentent entre 4,5 et 5 millions d’euros. Je proposerai donc un amendement pour combler cette perte, notamment à la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris

En 2024 se poursuivra l’exécution du plan Destination France, doté de 1,9 milliard d’euros. Ce plan a permis de définir une vision pour le tourisme de demain. Toutefois, des défis majeurs ne sont toujours pas relevés, alors qu’ils sont structurels dans le secteur touristique. Ainsi, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration font face à des difficultés de recrutement constantes. À ce titre, je serai très attentive au déploiement du plan « saisonniers », en particulier s’agissant des 10 millions devant être décaissés au titre du fonds national de l’emploi formation.

Par ailleurs, les prix de l’énergie et la nécessité de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE) ont conduit à un pic de défaillances des entreprises dans le secteur avec une augmentation de 70 % des défaillances en juillet 2023 par rapport à juillet 2022. Le remboursement des PGE constitue un véritable enjeu : la médiation du crédit n’est pas suffisante et la notation des établissements est dégradée au niveau bancaire, ce qui les bloque dans leurs investissements, sans parler des difficultés de trésorerie.

S’agissant des meublés de tourisme, le choix du Gouvernement de baisser l’abattement fiscal de manière uniforme, à 50 %, a été une erreur. Cela ne répond pas au besoin de certains territoires touristiques de conforter leurs « lits chauds » au bénéfice de l’activité touristique – je pense à la montagne, aux stations thermales, ainsi qu’à certaines stations du littoral qui se sont construites sur ce type d’hébergement, comme La Grande-Motte. Cela ne permet pas non plus de lutter contre le dévoiement professionnalisé des logements permanents dans les zones tendues, de type Airbnb, qui fait que nos concitoyens ne peuvent plus se loger dans des villes comme Biarritz, Saint-Malo ou Paris par exemple.

Sur ce sujet, j’ai deux convictions. Tout d’abord, il faut conserver une différence de fiscalité entre meublés de tourisme classés et non classés : c’est fondamental. Ensuite, s’il ne faut pas toucher à l’avantage fiscal de 71 % pour les meublés classés jusqu’à 7 000 euros – cela concerne les tout petits loueurs – pour sauvegarder les hébergements touristiques en zone de montagne, il faut ensuite ramener l’avantage fiscal à 50 % entre 10 000 et 20 000 euros, et le supprimer au-delà : de cette façon, il est certain que l’immobilier repartira à la location permanente dans les zones tendues.

Le plan Destination France promeut un tourisme durable, à cette réserve près que l’on n’agit pas sur le transport, qui est à l’origine de 80 % des émissions de CO2 dans le tourisme. Si l’on ne développe pas le transport ferroviaire pour assurer la liaison entre le domicile et la destination touristique, on n’assurera pas la transition écologique du secteur. Toutefois, un effort est engagé par le Gouvernement en ce domaine. Je me prononcerai donc sur les crédits du tourisme à l’issue de nos débats, notamment en fonction du sort que connaîtra mon amendement.

M. Mathieu Lefèvre, suppléant M. Xavier Roseren, rapporteur spécial (Développement des entreprises et régulations ; Plan « France Très haut débit » ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés). M. Roseren a examiné les crédits de trois des cinq programmes de la mission Économie ainsi que ceux du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations est abondé à hauteur de 2,6 milliards en crédits de paiement et de près de 3 milliards en autorisations d’engagement. Cette forte baisse, puisqu’il dépassait en 2022 les 6 milliards, s’explique uniquement par l’arrêt, en 2024, du dispositif d’aide temporaire aux entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité. Quelque 4 milliards avaient été inscrits en 2023 pour ces entreprises particulièrement touchées par l’augmentation du coût de l’énergie. Pendant la crise énergétique, le programme 134 a par ailleurs été l’un des supports budgétaires des aides aux entreprises. L’extinction de ces dispositifs ramène logiquement le dimensionnement du programme à un niveau normal.

Cette diminution ne doit cependant pas occulter une évolution plus structurelle des crédits de ce programme qui est, elle, très positive. On peut notamment se féliciter du fait que 100 millions soient à nouveau consacrés au financement de l’activité de garantie de BPIFrance. Cette ligne a existé jusqu’en 2018 et a depuis été supprimée dans chaque PLF. M. Roseren plaidait chaque année pour son rétablissement.

La compensation carbone, qui est une dépense de guichet destinée aux entreprises électro-intensives, est également en forte hausse, à plus de 1 milliard. Ces crédits soutiendront 280 entreprises. Il conviendrait de renforcer les contreparties qui leur sont demandées en matière de décarbonation. L’année dernière, M. Roseren avait plaidé en ce sens auprès de la direction générale du Trésor ; des discussions sont aujourd’hui en cours avec la Commission européenne.

Un autre point d’attention concerne le guichet unique de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). L’Institut s’est vu confier une nouvelle mission de vérification du registre national des entreprises sans bénéficier d’effectifs complémentaires. Cette mission s’est ajoutée à l’institution du guichet unique. M. Roseren a interrogé l’administration sur ce manque d’effectifs. Il plaide pour une modernisation des modalités de dépôt des comptes auprès de l’Inpi, qui sont actuellement au format PDF, ce qui nécessite un travail de saisie pour les rendre exploitables.

S’agissant du programme 343 Plan « France Très haut débit », l’évolution des crédits correspond à ce qui était attendu puisque l’on est entré dans la phase opérationnelle de déploiement des réseaux dès 2022. Cela se traduit par le décaissement des autorisations d’engagement votées les années précédentes, et donc par un montant de crédits de paiement très supérieur aux autorisations d’engagement mais qui entame sa tendance baissière. Des appels à projets spécifiques ont été lancés afin de financer les raccordements les plus complexes. M. Roseren sera très vigilant sur les crédits relatifs aux raccordements complexes ainsi que sur la transition entre la fin du réseau cuivre et le passage à la fibre.

Enfin, une nouvelle action Inclusion numérique est créée au sein du programme 343, qui assurera désormais le financement des conseillers numériques France Services. Cela se traduit par un transfert de près de 42 millions en provenance du programme 349.

Le programme 367 Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » n’est pas abondé en 2024. Les dépenses fiscales qui y sont rattachées s’établissent à 7 milliards, contre 18 milliards en 2022. Cette forte baisse s’explique principalement par l’extinction progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et par la disparition des dispositifs fiscaux institués lors de la crise sanitaire. La dépense fiscale est encore très insuffisamment chiffrée, ce qui est d’autant plus problématique qu’elle représente près de deux fois les crédits de paiement ouverts sur le programme.

Enfin, on constate que le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés retrouve son niveau d’avant-crise.

Le rapporteur spécial émet un avis favorable à l’adoption des crédits de ces programmes ainsi qu’à ceux du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1743 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le contribuable paie pour un certain nombre de missions de service public qui devraient être financées par des secteurs protégés. La Poste reçoit ainsi près de 600 millions d’euros pour assurer ses missions relatives à l’aménagement du territoire, à l’acheminement et à la distribution de la presse, et au service universel postal. Or, les multinationales du numérique ont affaibli structurellement le secteur du courrier, ce qui entraîne une contribution toujours plus élevée du contribuable. Celui-ci ne peut compenser l’ensemble des déséquilibres économiques entraînés par le progrès ou les positions dominantes. Il me paraîtrait donc logique que ce soient les géants du numérique, autrement dit les Gafam, qui contribuent financièrement à la présence universelle postale.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Je crains que votre amendement ne conduise à fermer de nombreux sites ou points de contact de La Poste, alors que ses missions relatives à l’aménagement du territoire et au service postal universel sont d’intérêt général. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je vais essayer d’être plus clair : le contribuable français ne peut pas compenser financièrement des déséquilibres économiques créés par la position dominante de certains acteurs économiques tels que les Gafam. Si le courrier s’est effondré, si La Poste ne peut plus assurer la présence universelle du service public, c’est du fait d’une concurrence technologique difficile, voire impossible à combattre. Nous pensons que c’est aux Gafam de financer le service universel de présence postale. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le service public.

M. le président Éric Coquerel. Comme hier au sujet de la presse et de l’audiovisuel, la conséquence de votre proposition serait que l’on dépende des fonds privés pour financer le service public, ce qui ne me paraît pas sécurisant. Si l’État finance les missions de La Poste, c’est aussi, en théorie, pour assurer l’égalité de toutes et tous sur le territoire, y compris dans les endroits où ce n’est absolument pas rentable. Je préfère disposer de la garantie de l’État, raison pour laquelle je m’opposerai à votre amendement. Cela étant, on pourrait en effet envisager une taxation supplémentaire des profits des Gafam et des autres multinationales pour contribuer au financement de ces missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF1499 de M. Jean-Philippe Tanguy et II-CF1625 de M. Aurélien Lopez-Liguori (discussion commune)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Parmi les sources d’économie que nous proposons figure la suppression d’un certain nombre d’agences, en l’occurrence l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). Ce n’est évidemment pas par des mouvements de crédits que l’on peut mener des politiques publiques, mais il s’agit d’envoyer un message politique. Nous pensons que les télécoms sont un monopole naturel dont il faut recentraliser la direction au sein du ministère. Dès lors, il n’est pas besoin d’une énième autorité administrative indépendante qui affaiblit la démocratie et les décideurs publics et se fait le cheval de Troie de lobbys privés.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Les régulateurs sont essentiels, comme on l’a vu lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial suppléant Mathieu Lefèvre, la commission rejette successivement les amendements II-CF1759 et II-CF1621 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1762 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet de créer un fonds de soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) en faveur de l’innovation dite low tech pour la bifurcation écologique, c’est-à-dire fondée sur des techniques durables, réparables, simples, appropriables et résilientes. Les crédits institués en leur faveur par le plan de relance n’ont pas été reconduits. Nous proposons d’abonder ce fonds de 40 millions d’euros, ce qui représente une somme infime en comparaison des 10 milliards d’aides directes accordées aux entreprises pour leurs activités de recherche et d’innovation, selon l’estimation de France Stratégie.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Heureusement qu’on ne vous a pas attendus pour soutenir les TPE et les PME ! Je vous rappelle que vous avez refusé, notamment, les boucliers et les amortisseurs relatifs aux dépenses d’électricité. De nombreuses mesures sont déjà appliquées, tels le dispositif Tremplin, le prêt éco-énergie de BpiFrance, les guichets de subventions énergétiques, ou encore les aides fiscales à la transition énergétique, que vous refusez systématiquement, loi de finances après loi de finances. Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je vous rappelle à mon tour que vous n’avez pas voté la proposition de loi, présentée à l’initiative de la NUPES, qui visait à instaurer des prix régulés de l’énergie pour les TPE et les PME.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons cet amendement. La low tech représente un enjeu important. Des pays comme l’Inde lancent des chantiers considérables mêlant recherche technologique et low tech, dans une perspective de développement durable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF768 de Mme Émilie Bonnivard

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Il s’agit de l’amendement que j’ai évoqué tout à l’heure, qui vise à abonder de 5 millions d’euros la subvention pour charges de service public d’Atout France.

La commission adopte l’amendement II-CF768.

Amendement II-CF1754 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous proposons de rehausser les moyens alloués à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Elle joue un rôle central dans la protection de nos concitoyens, de la santé et de l’ordre publics, puisqu’elle est notamment chargée de l’information des consommateurs, du contrôle de la loyauté des pratiques commerciales des producteurs et des intermédiaires et du repérage des fraudes. Or le cadre dans lequel elle exerce ses missions se dégrade depuis quinze ans : elle a perdu près de 900 ETP depuis 2007.

Son rôle est encore plus crucial en période d’inflation aiguë, alors que les pratiques trompeuses se développent, tout comme les nouveaux modes de consommation – eux aussi trompeurs.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, elle rejette successivement les amendements IICF1626 de M. Aurélien Lopez-Liguori, II-CF1752 de Mme Aurélie Trouvé et II-CF1832 de M. Manuel Bompard.

Amendement II-CF1704 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est encore un amendement d’appel qui relève de la philosophie politique.

Dans le cadre de la mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes que je corapporte avec François Jolivet, nous avons découvert que le contribuable doit payer La Banque postale pour assurer l’universalité de l’accessibilité bancaire, mission de service public et d’intérêt général. Je le souligne, je n’ai évidemment aucune intention de remettre en cause l’accessibilité bancaire universelle, mais il convient que le secteur finance lui-même ce service. Je suis d’accord avec vous, monsieur le président : c’est l’État qui doit faire l’interface. Mais il faut que ce service public soit payé par la finance, par le secteur bancaire, et non par le contribuable.

Les banques ont ce privilège exorbitant de pouvoir refuser des clients ou les exclure du système sans avoir à le justifier, ce qui est scandaleux. En attendant de changer cela dans la loi, qu’au moins les banques financent l’accès aux services bancaires des clients qu’elles en excluent. Notre secteur bancaire, quasi oligopolistique, en a largement les moyens.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Défavorable. L’accessibilité bancaire est une mission d’intérêt général dont le financement revient naturellement à l’État.

Le rattachement de cette mission au programme 305 visait à répondre à une préoccupation de la Cour des comptes, qui estimait que le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts n’avait pas vocation à financer cette mission, ce que je trouve tout à fait pertinent.

Il est fondamental qu’un établissement de crédit désigné par l’État, en l’espèce La Banque postale, assure l’effectivité de cette mission, sans quoi un grand nombre de personnes seraient économiquement marginalisées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Non, il n’est pas du tout naturel que les contribuables doivent payer l’exclusion de nos concitoyens des services bancaires. Ce qui est naturel, c’est que ceux qui assument d’exclure les citoyens paient eux-mêmes leur choix.

M. Alexandre Holroyd (RE). Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts, c’est de l’argent déposé à la Caisse des dépôts pour le compte du Gouvernement ; s’il y a bénéfice, il lui est reversé. C’est donc l’argent du contribuable. Cet amendement est un non-sens absolu.

Votre objectif est de faire payer les banques, dont vous voudriez par ailleurs qu’elles réduisent leurs taux d’intérêt ; or, si vous leur imposez des coûts externes, elles les factureront par l’intermédiaire d’autres services.

Une mission de service public doit être payée par le service public.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Deux philosophies s’affrontent : il y a ceux qui se soumettent aux lobbys bancaires et estiment qu’on ne peut jamais faire payer ceux qui s’enrichissent en jouissant de privilèges exorbitants et ceux qui, comme moi, pensent que c’est au secteur bancaire d’assumer ses choix.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. On ne peut pas répondre de la même façon à tous les amendements présentés par M. Tanguy.

En ce qui concerne l’Arcep, j’étais en désaccord, car nous avons besoin d’une autorité de régulation de l’accès au numérique pour rappeler les opérateurs concurrents à leurs obligations ; ce n’est pas à eux de financer cette mission d’intérêt général. En revanche, ce qu’il dit du secteur bancaire me semble pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1675 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1713 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le cadre de la même mission d’information, j’ai découvert que l’État apportait 2 millions d’euros de financement à des instituts d’opinion. Ils ont le droit d’exister, mais ce n’est pas au contribuable de les financer. Je pense par exemple à l’association Bruegel, qui vient de produire un rapport à la demande des institutions européennes. Le budget de l’État ne finance pas de mouvements souverainistes – j’ai vérifié –, je ne vois pas pourquoi il le ferait pour des mouvements fédéralistes comme celui-là.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’exposé sommaire de votre amendement affirme qu’il est illégitime que cet institut reçoive ces crédits, sans donner d’explications. L’association Bruegel produit des études et analyses, essentiellement économiques, sur des sujets européens fondamentaux. La diversité des questions abordées permet de toucher un large public. Je ne suis pas favorable à une régression de l’information et de la connaissance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1756 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les moyens alloués aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF223 de M. Gérard Leseul et II-CF1848 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à augmenter l’enveloppe dévolue aux dispositifs locaux d’accompagnement, dans le cadre desquels le secteur associatif peut réfléchir à des améliorations de sa gouvernance ou de son système commercial par exemple. Leur durée est bien trop courte. Cette revalorisation permettrait au secteur associatif de se professionnaliser davantage lorsqu’il en ressent le besoin.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements reprennent une préconisation du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (Csess) dans son avis dressant le bilan de la loi Hamon (loi du 17 mars 2014 relative à la consommation) dix ans après son entrée en vigueur. Je partage ce constat.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Ayant longtemps travaillé dans l’ESS, j’ai noté une difficulté des associations à faire la transparence sur leur financement. Le bénéficiaire final ne sait pas d’où viennent les fonds et nos concitoyens ignorent qu’ils sont presque entièrement d’origine publique. Or c’est très important.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF221 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à assurer le financement de la fonction d’accueil, information et orientation (AIO) des Cress (chambres régionales de l’économie sociale et solidaire). Depuis la loi de juillet 2014, les Cress informent toute personne désireuse de créer une association, une coopérative ou une entreprise sociale, les chambres de commerce ne dispensant pas une information suffisamment pointue dans ce domaine.

Le montant de ce financement, de 80 000 euros annuels par Cress en moyenne, est très insuffisant. Nous proposons de porter le total à 2,5 millions d’euros. Il s’agit d’une autre recommandation formulée par le Csess dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi Hamon que lui avait confiée le Gouvernement.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress sont des acteurs visibles dans les territoires. Durant la crise sanitaire, elles ont assuré l’orientation des entreprises de l’ESS vers les dispositifs de soutien. De surcroît, des expérimentations d’AIO sont en cours, par exemple en Nouvelle-Aquitaine, où le dispositif Pschit (parcours de soutien aux changements et initiatives de transition) lancé par la Cress a permis d’assister plus de 3 000 structures de l’ESS en 2021. La particularité de ce dispositif est la capacité à mobiliser, par un parcours commun, l’ensemble de la chaîne de l’accompagnement et du financement de l’ESS. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je ne suis pas d’accord. Dans ma région, la Cress est à Lyon : ce n’est pas elle qui reçoit et accompagne les porteurs de projet de la Savoie ! Vous voulez renforcer une structure régionale très autocentrée, qui a son intérêt du point de vue de la coopération entre les acteurs de l’ESS mais n’apporte rien aux porteurs directs, car elle n’est pas une porte d’entrée pour eux – heureusement, car cela évite aux Savoyards ou aux Isérois d’aller jusqu’à Lyon pour avoir un conseil. Vous devriez plutôt demander davantage de financements pour les structures France active, qui sont présentes dans les territoires et assurent le premier accueil.

M. Gérard Leseul (SOC). La plupart des Cress ont des missions délocalisées au niveau départemental. En outre, France active ne joue pas tout à fait le même rôle, même si je partage votre avis positif à son sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1853 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Selon le ministère de l’économie, l’ESS représente 10 % du PIB et près de 14 % des emplois privés, avec 2,7 millions d’emplois pour plus de 60 % de femmes dans 200 000 entreprises. Il s’agit souvent d’emplois de qualité, non délocalisables. Le budget de 20 millions d’euros que l’État alloue à l’ESS est ridicule au regard de la masse des aides à l’économie dite classique.

Nous proposons 2,5 millions d’euros pour les Cress, qui jouent un rôle décisif pour impulser des projets économiques vertueux dans les territoires. Je salue la qualité du travail de la Cress Occitanie, de son président André Ducournau et de sa directrice Sarah Rousseau.

Être propriétaire de son travail est un objectif politique libérateur qui devrait tous nous réunir : c’est la définition de la République sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF219 de M. Gérard Leseul et II-CF1845 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de constituer un fonds de conversion des entreprises à l’économie sociale et solidaire, qui serait notamment destiné aux entreprises reprises en Scop (société coopérative de production) ou qui scindent leurs activités. Il s’agit de proposer un appui sous la forme de prêts, de dispositifs de garantie ou d’ingénierie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les enjeux de transition écologique nous obligent à modifier nos pratiques de production. Il est opportun que l’État accompagne ces transformations. Un fonds de conversion permettrait de soutenir les acteurs en matière d’ingénierie et d’investissement, pour accompagner la transition. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je soutiens l’économie sociale et solidaire mais attention : pour bénéficier aux salariés, futurs patrons de l’entreprise, ces projets, notamment le passage en Scop, requièrent d’être solidement accompagnés. Il faut être exigeant. Or la Caisse des dépôts déploie de nombreux outils, en particulier des prêts participatifs, pour accompagner ces projets. Mieux vaut éviter les doublons.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF220 de M. Gérard Leseul et II-CF1856 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement II-CF220 a pour objet de recréer les correspondants régionaux, qui sont les représentants de l’économie sociale et solidaire dans les préfectures. En effet, l’administration n’est pas suffisamment mobilisée sur l’ensemble des dispositifs de l’ESS. Un délégué interministériel à l’économie sociale a été récemment recréé par décret, mais il n’a pas d’administration sur laquelle s’appuyer.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Bien que solidement implantés dans les territoires, les acteurs de l’ESS ont rarement le loisir de s’adonner pleinement à leur mission. Ces amendements devraient permettre de rendre plus lisible l’action de l’État en faveur de l’ESS. Ils auraient pour effet vertueux d’accroître la productivité des acteurs dans le secteur. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-CF222 de M. Gérard Leseul et II-CF1854 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de renforcer une des missions des Cress. Depuis la loi relative à l’économie sociale et solidaire de juillet 2014, celles-ci ont la responsabilité de tenir un fichier qui recense l’ensemble des entreprises de l’ESS. Un tel suivi est nécessaire pour flécher des financements, lorsqu’ils existent, vers ces entreprises. Ainsi, une partie des fonds versés dans les livrets de développement durable et solidaire peuvent revenir au secteur de l’économie sociale, mais encore faut-il que les Cress aient identifié les entreprises de l’ESS. Nous devons donc les soutenir dans cette mission.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress n’étant pas des chambres consulaires, elles ne collectent pas directement les données administratives, comme le font les centres de formalité des entreprises telles que les chambres de commerce et d’industrie ou les chambres de métiers et de l’artisanat. Or l’ESS souffre d’un suivi statistique insuffisant. Lors des auditions, les représentants du cabinet de la ministre déléguée Olivia Grégoire comme les acteurs de l’ESS ont estimé nécessaire de renforcer le suivi des entreprises relevant de ce secteur. Ces amendements en donnent l’occasion. Pour cela, il faut fournir aux Cress les moyens d’accomplir convenablement leur mission. Avis favorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF1286 de Mme Christine Arrighi et II-CF224 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements vont dans le bon sens. Il est étonnant de voir que peu d’entreprises de l’économie sociale et solidaire sont concernées par les crédits de cette mission, alors que le secteur peut légitimement apparaître comme un vecteur d’innovation et de décarbonation de notre industrie. Ses objectifs sont en effet ceux du plan France 2030. Il est toutefois nécessaire de réfléchir, en concertation avec les acteurs concernés, à l’opportunité de faire des Cress de véritables chambres consulaires. Avis favorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement II-CF1594 de M. Charles Fournier.

Amendement II-CF225 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à reconnaître l’innovation sociale au même titre que l’innovation technique dans les différents dispositifs et programmes. Bénéficier de subventions dans ce domaine constituerait une chance pour l’économie sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF226 de M. Gérard Leseul et II-CF1057 de M. Charles Fournier

M. Gérard Leseul (SOC). Ces amendements visent à développer les monnaies locales, dont certaines fonctionnent très bien et d’autres moins. Il conviendrait de renforcer les dispositifs au niveau national pour bénéficier de l’expérience de celles qui réussissent.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette les amendements.

Amendement II-CF1407 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli prévoit 1 million d’euros pour soutenir les monnaies locales, contre 2,16 millions d’euros pour le II-CF226.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1411 de M. Gérard Leseul.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux avis des rapporteurs spéciaux et des orateurs de groupe sur les crédits de la mission.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Avis défavorable, en raison de la sous-dotation de La Banque Postale, des effectifs de l’Insee et du rejet de toutes les propositions sur l’ESS.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je comptais m’abstenir sur ces crédits. Toutefois, mon amendement relatif à l’abondement des crédits d’Atout France ayant été adopté je voterai pour les crédits de la mission Économie, malgré des réserves sur certains sujets.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous sommes favorables à ces crédits.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ces crédits pour les raisons qu’a données Franck Allisio. Il est très difficile de parler des politiques de soutien à l’export, un des grands échecs de ces vingt dernières années. Il est très difficile aussi de parler de certains détails dans les comptes de la République, qui sont une des causes des dérives structurelles des finances publiques : les bons acteurs économiques ne paient pas les services publics. Quand on les remet en cause, on n’obtient que de la mauvaise foi.

Enfin, nous avons aussi un problème d’importation. J’ai saisi Bruno Le Maire à de nombreuses reprises sur la possibilité qu’aurait la France de se couvrir sur les marchés extérieurs, notamment pour ses importations de pétrole, ce qui permettrait aussi de diminuer le coût de la facture énergétique. Je déduis des réponses qui me sont faites un refus de travailler à protéger notre économie française des externalités négatives de l’économie et des incertitudes des marchés.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Contrairement à celui de Mme Bonnivard, aucun de nos amendements n’a été accepté, notamment sur la question essentielle de l’économie sociale et solidaire. Nous voterons donc contre les crédits.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains avait prévu de s’abstenir. À titre personnel, en soutien à ma collègue Émilie Bonnivard, je voterai pour les crédits de la mission Économie.

M. Sébastien Peytavie (Écolo-NUPES). Pour les écologistes, il est impossible d’adhérer à la politique d’aide massive et inconditionnée du Gouvernement, dont le budget est bien trop juste pour disposer d’une administration : les agents, pourtant engagés, ne peuvent donc appliquer les réglementations protectrices de la concurrence et des consommateurs. Rappelant l’importance de l’ESS en France, nous voterons contre le présent budget, qui laisse la part belle à la déréglementation et aux superprofits.

M. Gérard Leseul (SOC). Pas de document transversal sur le tourisme, un seul amendement adopté, aucun pour renforcer la DGCCRF : c’est une déception pour mon groupe.

S’agissant de l’économie sociale et solidaire, tous les amendements présentés étaient issus du rapport d’évaluation de la loi de Benoît Hamon, qui a été coordonné par un ancien conseiller d’État, ancien délégué interministériel, voté par le Conseil supérieur de l’ESS et remis à la ministre. Aucun n’a été retenu, pas même des amendements structurels de faible montant ! Je ne peux pas suivre les dispositions proposées. Nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission.

La commission rejette les crédits de la mission Économie.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF1418 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Après l’article 52

Amendement II-CF917 de M. Michel Sala

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’instabilité dans la gestion du portefeuille de l’économie sociale et solidaire ainsi que le mince budget qui lui est dédié, de 20 millions d’euros, indiquent que le Gouvernement ne lui porte qu’un intérêt périphérique. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux, quand l’ESS compte pour 10 % du PIB. En tout état de cause, parce que l’effort de l’État en faveur de l’ESS ne se limite pas au programme 305 – le secteur bénéficie aussi de mesures générales – il serait souhaitable de disposer d’un document de politique transversale. Tel est l’objet de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 37 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés non modifiés.

Elle adopte les crédits du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux non modifiés.

 

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Groupe La Poste :

– M. Vincent Moullé, directeur, direction de la régulation, de la concurrence et des relations institutionnelles ;

– M. François Régis Benois, directeur des affaires publiques La Banque Postale ;

– Mme Rebecca Peres, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires du Groupe La Poste.

Table ronde syndicats de La Poste :

– CFDT : M. Marc Laloux, délégué syndical central ; M. Stéphane Oppici, représentant syndical ; M. Stéphane Chevet, représentant CFDT ;

– FO : M. Patrick Boursaut, responsable Clientèle Professionnelle La Banque Postale ; M. Thierry Viarouge, correspondant bancaire ; Mme Solange Villemejane chargée d’affaires, Secteur Public et Économie Sociale / Direction Régionale Midi‑Atlantique / Banque de Financement et d’Investissement.

INSEE :

– M. Jean-Luc Tavernier, directeur général ;

– Mme Karine Berger, secrétaire générale.

Direction générale du Trésor :

– Mme Emmanuelle Ivanov-Durand, Secrétaire générale adjointe ;

– Mme Constance Andre-Chiossone ;

– Mme Marine Mahistre ;

– Mmes Élisabeth Millard et Gaëlle Humbert, pour l’ESSR ;

– Mme Élisabeth Rodriguez ;

– M. Rémi Sappia ;

– Manuel Château.

Cabinet de Mme Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme :

– Mme Lisa Broutté ;

– M. Mehdi Mahammedi-Bouzina ;

– M. Jean-Baptiste Bernard de la direction générale du Trésor.

Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) Occitanie :

– Mme Sarah Rousseau.

 

 

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([1]) La mission Économie comporte au total cinq programmes. Aux programmes 220 et 305 s’ajoutent les programmes 134 Développement des entreprises et régulations, 343 Plan France très haut débit, et, depuis le courant de l’année 2021, le programme 367 Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État.

([2]) Question écrite n°03223 – 16ème législature, M. Éric Kerrouche, sénateur des Landes.

([3]) Arrêté du 13 avril 2017 rendant obligatoire la transmission de données par voie électronique à des fins de statistique publique.

([4]) hors recensement.

([5]) Cette opération débutée le 24 avril 2023 vise à expulser les étrangers en situation irrégulière, à détruire les bidonvilles et à lutter contre la criminalité sur l’archipel. Elle est toujours en cours.

([6]) Rapport d’information de M. Michel Sala, député, « L’accès aux données privées : une nouvelle ressource pour l’Institut national de la statistique et des études économiques ? », publié le 27 juin 2023.

([7]) La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a confié à la Banque postale une mission de service public d’intérêt général d’accessibilité bancaire, codifiée aux articles L. 221‑2, L. 221-3, L. 518-25 et L. 518- 25-1 du code monétaire et financier.

([8]) L’article L. 518-25 du code monétaire et financier indique que « dans les domaines bancaire, financier et des assurances, La Poste propose des produits et services au plus grand nombre, notamment le Livret A ».

([9]) Cette offre consacre dix services bancaires de base pour 3 euros par mois et un plafonnement des commissions d’intervention à 4 euros l’opération et 20 euros par mois.

([10]) Ma French Bank est une banque en ligne 100 % digitale accessible uniquement sur smartphone offrant un accès à une carte de paiement pour la somme de 3 euros par mois.

([11]) Cour des comptes, 5 septembre 2022, « L’épargne réglementée ».

([12]) CJCE, 2023, Altmark, affaire C280/00.

([13]) Cour des comptes, Audit flash, mai 2023, « Les missions de service public du groupe La Poste, un coût croissant, un usage moins fréquent ».

([14]) Un avenant a été signé à l’été 2022 dans le cadre de la préparation du PLF 2023.

([15]) Avis du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire sur le bilan de la loi 2014 publié le 27 juillet 2023.

([16]) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire précitée.

([17]) Alfred Marshall, « Industry and trade », 1919.

([18]) Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/CE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

([19]) Avis du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS) sur le bilan de la loi de 2014 publié le 27 juillet 2023.