N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 22
 

 

ÉCONOMIE :

 

Tourisme

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Émilie Bonnivard

 

Députée

____



SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS  de la rapporteure spéciale

RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. LE soutien au tourisme dans le programme 134 développement des entreprises et régulations : des crédits stables MALGRÉ l’amputation du budget d’Atout France

A. LA FIN DE L’AFFECTATION DES DROITS DE VISA à Atout France suscite l’inquiétude de LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1. Les dépenses de promotion de la destination France sont quasi intégralement inscrites sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie

a. Les crédits affectés au soutien au tourisme sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations

b. 5,85 millions d’euros de dépenses de promotion relèvent toujours du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État

2. Si ces crédits sont stables, la fin de l’affectation des droits de visa à Atout France doit être compensée

B. Le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations continue de porter une partie des dépenses du plan « Destination France »

II. Les plans destination France et avenir montagnes : une vision d’avenir pour le tourisme durable à pérenNiser et amplifier

A. les crédits du plan « Destination France » : une lisibilité des crédits perfectible, des actions à achever et à poursuivre

1. Axe 1 : Conquérir et reconquérir les talents

2. Axe 2 : La résilience du secteur et le soutien à la montée en qualité de l’offre

a. Les mesures de relance du secteur ont produit leur effet sans nécessiter la consommation de tous les crédits prévus

b. La rapporteure spéciale sera attentive au déploiement complet des outils financiers prévus pour soutenir la montée en gamme de l’offre touristique dans les villes moyennes

3. Axe 3 : Valoriser et développer les atouts touristiques français

a. 51 millions d’euros pour développer les atouts touristiques français

b. 55 millions d’euros pour renforcer l’offre d’ingénierie touristique

4. Axe 4 : Répondre aux enjeux de la transformation du secteur

a. Vers un tourisme durable

b. L’investissement dans un écosystème touristique innovant

5. Axe 5 : Promouvoir la destination France et consolider ses parts de marché

B. Le plan avenir montagnes : une démarche inédite à pérenniser

1. L’engagement des crédits du plan Avenir Montagnes se poursuit

2. Un plan pérennisé

C. D’autres dépenses tranSversales participent au développement du tourisme

1. Le programme 219 Sport et la promotion de la destination France dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques

2. Le plan littoral 21

III. Le tourisme post-covid : des défis à relever pour un tourisme durable

A. Si le tourisme retrouve son niveau d’activité précrise, l’hôtellerie et la restauration font face à un pic de défaillances

1. En 2023, le tourisme retrouve son niveau d’activité pré-crise

a. Une fréquentation des hébergements touristiques proche de celle de 2019

b. Si les mouvements sociaux n’ont pas eu d’impact significatif, l’inflation a eu pour conséquence un déport sur l’hôtellerie de plein air

2. Un pic de défaillances et des difficultés de recrutement persistantes dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration

a. Un pic de défaillances dans l’hôtellerie et la restauration

b. Malgré les actions entreprises pour favoriser l’attractivité du secteur, les tensions sont toujours vives sur le marché de l’emploi

c. Un plan « saisonniers » qui vise à stimuler l’emploi dans ce secteur

B. la fiscalité des meublés de tourisme : concilier logement permanent et offre d’hébergements touristiques

C. Une trop faible ambition pour les classes de découverte

1. Aucun moyen budgétaire nouveau n’est demandé pour 2024 en vue de soutenir les classes de découverte

2. Vers un soutien financier pour permettre de relancer l’organisation des classes de découverte

3. Rétribuer l’engagement des enseignants dans l’organisation des classes de découverte

D. Le verdissement des transports pour les destinations touristiques, angle mort de la mutation vers le tourisme durable

1. La prépondérance de la voiture et de l’avion pour les trajets en direction des destinations touristiques

2. Les actions engagées pour favoriser le report modal vers des modes de transport décarbonés

a. La réouverture de lignes de trains de nuit

b. Les navettes bas-carbone

c. Le verdissement des flottes de cars

d. Les dispositifs de tarification préférentielle

3. Une stratégie insuffisamment ciblée sur les trajets entre le domicile et les destinations touristiques

a. La hausse du recours au train pendant les vacances estivales est un signe encourageant

b. L’évolution des prix des billets de train

c. L’absence d’une stratégie spécifiquement dédiée aux déplacements en direction des zones touristiques

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 86 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS
de la rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale se satisfait du rattachement des crédits du tourisme à la mission Économie. Elle déplore toutefois qu’aucune conséquence n’en ait été tirée quant à l’ambition qui doit accompagner, sur le plan politique et budgétaire, la politique publique de soutien à un secteur qui représente 3 % du PIB et 1,56 million d’emplois.

Les crédits affectés au tourisme sont caractérisés par leur illisibilité. En l’absence de document de politique transversale ou de toute autre annexe budgétaire, le commentaire de ces crédits est tributaire des réponses de l’administration. La rapporteure spéciale demande qu’à tout le moins un programme budgétaire relatif au tourisme soit créé au sein de la mission Économie ou qu’une annexe budgétaire retrace les crédits destinés à cette politique publique.

La rapporteure spéciale regrette que le budget d’Atout France soit amputé des droits de visa qui représentaient 4 à 5 millions d’euros les années précédentes. Si elle comprend que ces droits de visa ne peuvent plus être affectés à l’opérateur dès lors qu’il est sous la tutelle du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle, elle estime nécessaire que cette perte soit compensée à due concurrence par un abondement de la subvention pour charges de services public de l’opérateur (28,7 millions d’euros) à hauteur de 5 millions d’euros

La rapporteure spéciale salue le plan Destination France qui porte une ambition renouvelée pour la montée en gamme de l’offre touristique et la bifurcation vers un tourisme durable. Le plan doit se poursuivre au-delà de l’année 2024 pour exécuter l’ensemble des crédits prévus, en particulier s’agissant des mesures relatives à la mutation vers le tourisme durable ou au déploiement d’une offre d’ingénierie touristique.

La rapporteure spéciale estime qu’il convient de pérenniser le plan Avenir Montagnes, démarche inédite pour aider chaque territoire de montagne, dans sa spécificité, à faire évoluer son modèle de développement via un abondement de ce plan à hauteur de 150 millions d’euros.

Si la rapporteure spéciale salue la contribution du fonds tourisme durable, doté de 70 millions d’euros au titre du Plan Destination France, pour aider les établissements à effectuer leur transition énergétique, elle souligne la nécessite d’adopter une stratégie de décarbonation ciblée sur les déplacements entre le domicile et les destinations touristiques, responsables des 80 % des émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme, afin de favoriser le report modal de la voiture et de l’avion, d’une part vers le train, d’autre part.

Enfin, la rapporteure spéciale regrette le manque d’ambition du Gouvernement s’agissant de l’organisation des classes de découverte. Face à l’augmentation des coûts de ces séjours et des difficultés rencontrées pour les organiser, elle propose de créer un fonds national de soutien aux départs en voyages scolaires, doté de 3 millions d’euros et d’accorder aux enseignants qui organisent une classe de découverte d’une durée de plus de trois nuitées en dehors de leur département une prime à hauteur de 1 250 euros. Une prime inférieure mais graduée en fonction de la durée du séjour et de l’éloignement de la classe de découverte pourrait être accordée aux enseignants qui organisent des voyages scolaires d’une durée inférieure.

Compte tenu de ces observations et du vote de son amendement IICF768 abondant la subvention pour charges de service public d’Atout France à hauteur de 5 millions d’euros afin de compenser la fin de l’affectation d’une quote-part de droits de visa à cet opérateur, la rapporteure spéciale a rendu un avis favorable sur les crédits attribués à la politique du tourisme, lors du vote sur les crédits de la mission Économie pour 2024.

 

 

 


   RECOMMANDATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Recommandation n° 1 : Abonder la subvention pour charges de service public allouée à Atout France à hauteur de 5 millions d’euros afin de compenser la fin de l’affectation des droits de visa à l’opérateur.

Recommandation n° 2 : Abonder le plan « Avenir Montagnes » à hauteur de 150 millions d’euros pour l’inscrire dans la durée avec pour priorités la mutation vers le tourisme quatre saisons des territoires qui le demandent, l’investissement dans les centres de vacances, la diversification des activités des stations thermales et la modernisation écologique des infrastructures des stations de montagne.

Recommandation n° 3 : Rallonger la durée de remboursement des prêts garantis par l’État de six à dix ans en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel.

Recommandation n° 4 : Maintenir à 71 % l’abattement applicable aux revenus issus d’un meublé de tourisme classé dans la limite d’un seuil fixé à 10 000 euros et diminuer le montant de cet abattement pour l’éteindre totalement lorsque le seuil de revenus atteint 20 000 euros afin de protéger les propriétaires qui maintiennent des « lits chauds » sur des territoires touristiques, en les distinguant des propriétaires qui en tirent des revenus proches de ceux d’une activité professionnelle.

Recommandation n° 5 : Afin de relancer l’organisation des classes de découverte, créer un fonds national d’aide au départ en voyages scolaires doté de trois millions d’euros, qui pourrait alimenter une aide comprise entre 700 et 1 000 euros par classe selon la durée du séjour et son éloignement.

Recommandation n° 6 : Afin de relancer l’organisation des classes de découverte, abonder le programme Enseignement scolaire public du premier degré de la mission Enseignement scolaire à hauteur de 3,7 millions d’euros afin d’allouer aux enseignants du premier degré qui organisent une classe de découverte d’une durée supérieure à trois nuitées en dehors du département une part fonctionnelle de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves équivalente à 1 250 euros. Une indemnité inférieure serait accordée aux enseignants qui organisent des séjours plus courts, avec un montant gradué en fonction de l’éloignement et de la durée du séjour.

Recommandation n° 7 : Créer une feuille de route dédiée à la décarbonation des trajets vers les destinations touristiques dotée d’indicateurs (ouvertures de lignes de train de nuit, mise en place de navettes bas carbone, différentiel de prix entre le train et l’avion) et d’un budget dédié.

 

 

 


   DONNÉES CLÉS

crédits affectés au soutien au tourisme

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes de la mission

LFI
2023

PLF
2024

Évolution (en %)

LFI
2023

PLF
2024

Évolution (en %)

Programme 134 Développement des entreprises et régulations (hors crédits Destination France)

28,7

29,1

+ 1,4 %

28,7

29,1

+ 1,4 %

Plan Destination France (y compris programme n° 134)

94,62

46,61

– 50,7 %

83,43

55,57

– 33,4 %

Programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence

5,85

5,85

0 %

5,85

5,85

0 %

Programme 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale

0

0,5

NA

0

0,5

NA

Programme 162 Interventions territoriales de l’État

10

8

– 20 %

4,42

4,2

– 5 %

Programme 123 Conditions de vie en Outre-mer

0,4

0,4

0 %

0,4

0,4

0 %

Programme 364 Cohésion

0

0

NA

67,1

35

– 47,84 %

Programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de

l’emploi

0

10

NA

0

10

0 %

Programme 219 Sport

12,9

12,3

– 4,7 %

8,7

8,7

0 %

Total

152,47

112,76

 26 %

198,6

149,32

 24,8 %

Source : commission des finances, d’après les réponses de l’administration aux questions de la rapporteure.

 

 

 

 

 

 

 

 


   INTRODUCTION

Au sein du présent projet de loi de finances pour 2024, trois principaux postes de dépenses se rattachent à la politique du tourisme :

– 28,7 millions d’euros sont demandés, en autorisations d’engagements et en crédits de paiement, pour la subvention pour charges de service public d’Atout France, opérateur en charge du développement touristique français, via le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie ;

– le plan Destination France, doté d’1,9 milliard entre 2022 et 2024, dont l’exécution se poursuit avec 46,61 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 55,57 millions d’euros de crédits de paiement auxquels il convient d’ajouter 82,5 millions d’euros de prêts, outils financiers et aides mobilisés par Bpifrance, la Banque des territoires et l’Agence nationale des chèques vacances ;

– le plan Avenir Montagnes, doté de 170 millions d’euros sur six ans, pour lequel 35 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2024.

D’autres dépenses transversales peuvent s’y ajouter telles que les dépenses de soutien à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques du programme 219 Sport de la mission Sport, jeunesse et vie associative ainsi que les crédits du plan « saisonniers » qui relèvent du programme n° 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi.

En l’absence de document politique transversale, supprimé par voie d’amendement du Gouvernement lors de l’examen de la loi de finances pour 2023, les crédits affectés à cette politique sont particulièrement illisibles et difficiles à identifier. Les crédits ainsi présentés n’épuisent donc pas le soutien financier de l’État au secteur touristique, qui s’inscrit dans des politiques publiques plus larges.

La rapporteure spéciale s’est attachée à évaluer l’ambition des crédits affectés à la politique publique du tourisme au sein du projet de loi de finances pour 2024, à examiner la réalité de l’exécution du plan Destination France et des crédits qui sont ouverts pour mener ce plan à son terme ainsi qu’à évaluer les crédits affectés au plan Avenir Montagne. Ces plans pluriannuels portent une ambition louable pour le tourisme durable de demain et pourraient être pérennisés.

S’il a retrouvé le niveau d’activité qu’il connaissait avant la crise, le secteur touristique fait face à de nombreux défis, au premier rang desquels figurent la fragilité des entreprises de l’hôtellerie et de la restauration, les difficultés de recrutement et l’adaptation au changement climatique.

I.   LE soutien au tourisme dans le programme 134 développement des entreprises et régulations : des crédits stables MALGRÉ l’amputation du budget d’Atout France

A.   LA FIN DE L’AFFECTATION DES DROITS DE VISA à Atout France suscite l’inquiétude de LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1.   Les dépenses de promotion de la destination France sont quasi intégralement inscrites sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie

a.   Les crédits affectés au soutien au tourisme sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations

Depuis la loi de finances 2023, les crédits alloués à la politique du tourisme ont été transférés depuis l’action n° 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme n° 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État vers ceux de l’action n° 23 Industrie et services du programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie.

La direction générale des entreprises est désormais seule compétente pour assurer la tutelle d’Atout France, la promotion de la France comme destination touristique, la structuration de l’offre ainsi que l’élaboration du cadre normatif applicable au tourisme.

Pour 2024, le budget alloué au tourisme au sein du programme n° 134 Développement des entreprises et régulations est de 34,9 millions d’euros, soit :

– 28,7 millions d’euros de crédits de fonctionnement au titre de la subvention pour charges de services public versée à l’opérateur Atout France ;

– 5,8 millions d’euros de dépenses d’intervention visant à financer le plan « Destination France » ;

– 0,4 million d’euros au titre de la contribution de la France au budget de l’Organisation mondiale du tourisme.

b.   5,85 millions d’euros de dépenses de promotion relèvent toujours du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État

L’action n° 7 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme n° 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État finance toujours 5,85 millions d’euros de dépenses de promotion de la destination France pilotées par l’opérateur Atout France à travers des campagnes de communication et de promotion qui permettront notamment de titrer profit des grands évènements sportifs internationaux qu’accueille la France en 2023 et 2024 (mesures 19 et 20 du plan Destination France).

2.   Si ces crédits sont stables, la fin de l’affectation des droits de visa à Atout France doit être compensée

La subvention pour charges de service public allouée à Atout France dans le présent projet de loi de finances est stable depuis 2021.

Évolution de la subvention pour charges de service public (SCSP)
d’Atout France

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

32,7

32,7

30,9

28,7

28,7

28,7

28,7

Source : commission des finances d’après les projets annuels de performances.

Toutefois, le budget d’Atout France diminue sensiblement en raison de la fin de l’affectation d’une quote-part des droits de visa à l’opérateur, effective dès 2023, de façon rétroactive. Hors période de crise, Atout France recevait ainsi entre 4 et 5 millions d’euros de droits de visa.

Évolution de la quote-part de droits de visa affectée à atout France

(en millions d’euros)

2018

2019

2020

2021

2022

4,1

4,5

4,9

3,57

1,33

Source : réponse du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de la France au questionnaire budgétaire de la rapporteure.

Le décret n° 2023-798 du 21 août 2023 modifiant le décret n° 2015‑1819 du 30 décembre 2015 portant attribution de produits au budget du ministère des affaires étrangères et du développement international a mis fin à l’affectation d’une quote‑part des droits de visa à Atout France. Selon le Gouvernement, cela se justifie par le transfert de la tutelle de l’opérateur du ministère de l’Europe et des affaires étrangères vers le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de la France. Il ajoute que l’article 3 de la loi organique n° 2021‑1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit que l’affectation à un tiers, autre que les collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux organismes de sécurité sociale, d’une imposition de toute nature ne peut être maintenue que si cette imposition est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées.

La rapporteure spéciale considère qu’il est nécessaire de compenser cette perte subie par l’opérateur. Elle a déposé un amendement ([1]), adopté par la Commission des finances, afin d’augmenter la subvention pour charges de service public d’Atout France à hauteur de 5 millions d’euros visant à palier l’effet délétère de cette modification réglementaire.

Recommandation n° 1 : Abonder la subvention pour charges de service public allouée à Atout France à hauteur de 5 millions d’euros afin de compenser la fin de l’affectation des droits de visa à l’opérateur.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) à la disposition de l’opérateur sont relativement stables. Les ETPT sous plafond diminuent de 278 à 273 en raison du transfert de 5 de ces ETPT en direction des ETPT rémunérés par le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations. En sus, les ETPT hors plafond passent de 60 à 50. Les emplois en fonction dans l’opérateur rémunéré par l’État passent de 19 à 16 en raison de départs en retraite non remplacés.

B.   Le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations continue de porter une partie des dépenses du plan « Destination France »

L’action n° 23 Industrie et services du programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie porte, cette année encore, une partie des dépenses prévues au titre du plan de reconquête et de transformation du tourisme « Destination France ».

Les 5,8 millions d’euros alloués, en autorisations d’engagements et en crédits de paiement, au sein de cette action, au plan Destination France permettent de financer :

– 5 millions d’euros au titre du renforcement de l’offre d’ingénierie touristique ;

– 0,7 million d’euros au titre de la structuration et de la valorisation des données touristiques, via la plateforme France Tourisme Observation, afin de les mettre à disposition des acteurs du secteur ;

– 0,1 million d’euros au titre de la mise en place d’un tableau de bord des indicateurs du tourisme durable.

Ces crédits sont en diminution par rapport à l’an dernier, où ils s’élevaient à 8,05 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10,05 millions d’euros en crédits de paiement. L’an dernier, ces crédits supplémentaires finançaient la mise en œuvre des actions de rayonnement de la « Tourisme tech » (1,25 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) et les derniers décaissements concernant l’accompagnement à la transition numérique de 10 000 TPE et PME (2 millions d’euros en crédits de paiement). Les appels à manifestation d’intérêt prévus pour renforcer l’offre d’ingénierie touristique pilotés par Atout France étaient dotés d’un million d’euros supplémentaire (6 millions d’euros au total).

II.   Les plans destination France et avenir montagnes : une vision d’avenir pour le tourisme durable à pérenNiser et amplifier

A.   les crédits du plan « Destination France » : une lisibilité des crédits perfectible, des actions à achever et à poursuivre

Annoncé en novembre 2021 par le Premier ministre, le plan « Destination France » était initialement doté d’1,9 milliard d’euros sur trois ans et vise à transformer le secteur pour faire de la France la première destination du tourisme durable au monde. La rapporteure spéciale regrette, qu’en l’absence de document de politique transversale ou de toute autre annexe budgétaire, la représentation nationale dispose d’une vision partielle et lacunaire de l’exécution de ce plan.

Elle a pu reconstituer l’exécution budgétaire de ce plan en 2022 et 2023 ainsi que les crédits ouverts en 2024 à partir des réponses des différents ministères en charge de sa mise en œuvre.

1,42 milliard d’euros devrait être effectivement décaissé à la fin de l’année 2023, dont 1,28 milliard d’euros de prêts, outils financiers et aides divers mobilisés par la Banque des territoires, Bpifrance et l’Agence nationale des chèques-vacances. 46,61 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 55,57 millions d’euros de crédits de paiement sont demandés en 2024 auxquels il convient d’ajouter 82,5 millions d’euros de prêts, outils financiers et aides mobilisés par Bpifrance, la Banque des territoires et l’Agence nationale des chèques vacances.

exécution du plan « Destination France » (en crédits de paiement)

(en millions d’euros)

Axes

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

1° Conquérir et reconquérir les talents

18

4,53

13,47

0

0

2° Renforcer la résilience du secteur et soutenir la montée en qualité de l’offre

1 629,6

833,91

468,46

327,23

83,19

3° Valoriser et développer les atouts touristiques français

106,2

6,3

24,35

75,55

24,4

4° Répondre aux enjeux de transformation du secteur

128,9

25,56

36,83

66,51

24,47

5° Promouvoir la destination France et consolider ses parts de marché

20

0,1

8,1

11,8

6

Total

1 902,7

870,4

551,21

481,09

138,06

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

1.   Axe 1 : Conquérir et reconquérir les talents

L’axe n° 1 vise à susciter des vocations dans un secteur marqué par des tensions sur le marché de l’emploi depuis plusieurs années. La rapporteure spéciale se satisfait que les 18 millions d’euros prévus au titre de cet axe ont effectivement été dépensés en 2022 et 2023. Ce travail doit être prolongé car le secteur connaît toujours d’importantes difficultés de recrutement.

axe n° 1 : conquérir et reconquérir les talents (crédits de paiement)

(en millions d’euros)

Mesures

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

Campagne nationale de communication et semaine des métiers du tourisme.

10

3,31

6,69

0

0

Déployer des guichets d’accueil et d’orientation des saisonniers dans les territoires touristiques

0

0

0

0

0

Créer un réseau d’excellence des formations du tourisme permettant de créer 400 places d’étudiants entre 2022 et 2024

8

1,22

6,78

0

0

Total

18

4,53

13,47

0

0

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

Dotée de 10 millions d’euros ouverts sur le programme n° 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières de la mission Gestion des finances publiques, la mesure n° 1 a permis de conduire une campagne de communication sur les métiers du tourisme et d’organiser une semaine des métiers du tourisme. À la fin de l’année 2023, 9,9 millions doivent être consommés sur cette mesure, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, et aucun nouveau crédit n’est ouvert dans le projet de loi de finances pour l’année 2024.

Dans le cadre de la mesure n° 2, 50 guichets d’accueil et d’orientation des saisonniers ont été déployés en 2022 et 2023 afin de couvrir les enjeux relatifs à l’accès au droit, à l’emploi, au logement ou les aides à la mobilité. Cette mesure n’était pas dotée de crédits budgétaires spécifiques.

La troisième mesure projetait de créer un réseau d’excellence des écoles et formations du tourisme afin de les rendre plus attractives en permettant la création de 400 places d’étudiants entre 2022 et 2024. Si les 8 millions d’euros d’autorisations d’engagement ont été ouverts en 2022 sur cette mesure via le programme n° 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur, les crédits de paiement doivent être totalement consommés en 2023, avec respectivement 1,2 million d’euros consommés en 2022 et 6,8 millions d’euros qui doivent être consommés en 2023. Aucun crédit supplémentaire n’est prévu pour 2024 dans le présent projet.

2.   Axe 2 : La résilience du secteur et le soutien à la montée en qualité de l’offre

L’axe 2 porte diverses mesures permettant tant de relancer certains secteurs comme le tourisme d’affaires que de favoriser la montée en gamme des infrastructures touristiques, faiblesse expliquant, en partie, la décorrélation entre les performances de la France en matière de nombre de touristes accueillis et des recettes issues du tourisme international plus faibles que l’Espagne et le Royaume-Uni (73 milliards de dollars pour l’Espagne, 68 milliards pour le Royaume-Uni et 60 milliards pour la France en 2022), deux pays accueillant pourtant moins de touristes que la France.

1,63 milliard d’euros étaient prévus au titre de cet axe, dont 1,36 milliard d’euros de prêts, outils financiers divers et aides financés via la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires, Bpifrance et des fonds propres de l’Agence nationale des chèques vacances.

Sur les 267 millions d’euros de crédits budgétaires prévus, 22,36 millions devraient être décaissés à la fin de l’année 2023. 700 000 euros de crédits budgétaires sont prévus au sein du projet de loi de finances 2024 afin d’achever le déploiement de la plateforme de structuration des données touristiques. Ces crédits non consommés ne sont pas inquiétants dans la mesure où ils correspondent à des garanties provisionnées que les opérateurs de voyage et de séjours n’ont pas eu besoin d’appeler et à des crédits rendus inutiles par le retour du tourisme d’affaires à son niveau d’activité d’avant-crise.

Sur le 1,36 milliard d’euros de prêts, outils financiers divers et aides financés par la Caisse des dépôts et consignations, la Banque des territoires, Bpifrance et l’Agence nationale des chèques vacances, 1,28 milliard d’euros devrait effectivement être décaissé d’ici la fin de l’année 2023. Près de 20 millions d’euros d’aides au départ en vacances devraient être déployés par l’Agence nationale des chèques vacances en 2024.


axe n° 2 : résilience du secteur et soutien à la montée en qualité
de l’offre (crédits de paiement)

(en millions d’euros)

Mesures

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

Renforcer l’offre publique de prêt de long terme en faveur du tourisme

1 250 ([2])

798,45

451,55

0

0

Montée en qualité de l’hôtellerie et restauration

62,5 ([3])

0

0

62,5

62,5

Soutenir les acteurs du tourisme d’affaires et de l’évènementiel à hauteur de 100 millions d’euros

100

20,96

0

79,04

0

Mécanisme de réassurance publique pour sécuriser le marché de la garantie financière des opérateurs de voyage et de séjours

165

0

0

165

0

Structurer les données de tourisme au profit d’une meilleure connaissance du secteur par ses acteurs

2,1

0,7

0,7

0,7

0,7

Soutenir le départ en vacances de 50 000 jeunes et 100 000 seniors en situation de précarité par an d’ici 2025 et favoriser l’offre de tourisme social pour les ultra-marins

50 ([4])

13,8

16,21

19,99

19,99

Total

1 629,6

833,91

468,46

327,23

83,19

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

a.   Les mesures de relance du secteur ont produit leur effet sans nécessiter la consommation de tous les crédits prévus

La mesure n° 6 prévoyait de soutenir à hauteur de 100 millions d’euros le tourisme d’affaires afin de faire revenir les « top acheteurs » sur les marchés nationaux. En 2022, 51,54 millions d’euros en autorisations d’engagement et 20,96 millions d’euros en crédits de paiement ont été effectivement consommés sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations pour relancer le tourisme d’affaires. L’objectif de cette mesure a été atteint puisque le nombre d’exposants a atteint 85 % ([5]) de son taux de 2019 sur les salons franciliens en 2022 et que cette tendance se poursuit en 2023. Cela justifie que seuls 21 des 100 millions d’euros en crédits de paiement prévus sur cette mesure aient été consommés et qu’aucun crédit nouveau ne soit prévu au sein du projet de loi de finances pour 2024.

La mesure n° 7 visait à mettre en place un mécanisme de réassurance des opérateurs de voyage et de séjour afin de tirer les leçons de la crise. Un fonds de réassurance a effectivement été constitué en 2022 par la direction générale du Trésor via 165 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement mis à disposition sur le programme n° 114 Appels en garantie de l’État de la mission Engagements financiers de l’État. Il n’a pas été mobilisé et aucun crédit n’est ouvert ni en 2023, ni en 2024.

Enfin, la mesure n° 9 projetait de soutenir le départ en vacances de 50 000 jeunes et 100 000 seniors en situation de précarité par an d’ici 2025 et de favoriser l’offre de tourisme social en Outre-mer. 30 millions d’euros ont effectivement été mobilisés sur cette mesure tandis que 19,9 millions d’euros sont prévus en 2024, via la mobilisation des fonds propres de l’Agence nationale des chèques-vacances (ANCV).

b.   La rapporteure spéciale sera attentive au déploiement complet des outils financiers prévus pour soutenir la montée en gamme de l’offre touristique dans les villes moyennes

La mesure n° 4 prévoyait de renforcer l’offre publique de prêt de long terme en faveur du tourisme et de faire monter en qualité l’hôtellerie-restauration des villes moyennes. Les capacités du « prêt tourisme » ont bien été portées à 1,5 milliard d’euros via le concours de Bpifrance et de la Banque des territoires qui ont accordé 1,25 milliard d’euros de prêts sur les années 2022 et 2023.

La rapporteure spéciale s’étonne toutefois que la seconde partie de la mesure visant à un soutien de 62,5 millions d’euros via des prêts et des outils financiers à l’hôtellerie – restauration des villes moyennes n’ait pas du tout été mise en œuvre. Ces acteurs nécessitent un soutien spécifique tant pour favoriser la meilleure répartition des flux touristiques à travers la France que pour accroître les recettes touristiques. Le ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que leur décaissement en 2024 dépend de l’accord aval de la Caisse des dépôts et consignations.

La mesure n° 8 vise à structurer et valoriser les données de tourisme via la plateforme France Tourisme observation mise en place par Atout France. Elle permet de mettre à disposition des partenaires disposant d’une licence attribuée par Atout France un ensemble de données portant sur le secteur touristique. 1,4 million d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, sera décaissé d’ici la fin de l’année 2023 et les 700 000 euros restant doivent être dépensés en 2024.


3.   Axe 3 : Valoriser et développer les atouts touristiques français

Cet axe vise à renforcer l’offre d’ingénierie touristique et à aménager les sites naturels du territoire français. Sur les 106,2 millions d’euros prévus, 30,65 millions d’euros ont été effectivement décaissés en crédits de paiement tandis que 20,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 24,4 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus par le présent projet de loi de finances, notamment pour financer l’aménagement de sites naturels et l’offre d’ingénierie touristique.

axe n° 3 : valoriser et développer les atouts touristiques français (en crédits de paiement)

(en millions d’euros)

Axes

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

Aménagement des sites naturels

45

0

9

36

10

Valoriser les 32 itinéraires culturels du Conseil de l’Europe

1,2

0,3

0,08

0,82

0,4

Développer le tourisme de savoir-faire

5

0

5

0

0

Offre d’ingénierie touristique pour un tourisme durable d’Atout France

17

6

6

5

5

Offre d’ingénierie touristique de l’Agence nationale de cohésion des territoires

29

0

4,1

24,9

9

Offre d’ingénierie territoriale du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires pour inscrire l’immobilier touristique dans une démarche écologique.

9

0

0,17

8,83

0

Total

106,2

6,3

24,35

75,55

24,4

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

a.   51 millions d’euros pour développer les atouts touristiques français

La mesure n° 10 alloue une enveloppe de 51,2 millions d’euros pour développer les atouts touristiques et naturels français consommée à hauteur de 14,4 millions d’euros (en crédits de paiement) tandis que 6,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10,4 millions d’euros en crédits de paiement sont demandés pour 2024 :

– 45 millions d’euros pilotés par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires pour l’aménagement des sites naturels dont 9 millions d’euros ont été dépensés, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, pour rénover les sentiers de pays au titre des programmes n° 113 Paysages, eau et biodiversité et n° 205 Affaires maritimes de la mission Écologie, développement et mobilités durables tandis que 6,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus en projet de loi de finances pour 2024 ;

 1,2 million d’euros visant à améliorer la signalétique des itinéraires du Conseil de l’Europe dont 380 000 euros ont été dépensés et 400 000 euros seraient ouverts en 2024 sur le programme n° 175 Patrimoines de la mission Culture tandis que le reliquat des 420 000 euros ne sera pas dépensé ;

– 5 millions d’euros visant à développer le tourisme de « savoir-faire » qui doivent être entièrement consommés en 2023.

b.   55 millions d’euros pour renforcer l’offre d’ingénierie touristique

La mesure n° 11 vise à mobiliser 55 millions d’euros au profit de la valorisation et du renforcement d’une offre d’ingénierie touristique, dont 21,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 16,27 millions d’euros en crédits de paiement ont été consommés tandis que 14 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont demandés dans le projet de loi de finances pour 2024 :

– 17 millions d’euros correspondent aux appels à manifestation d’intérêt d’ingénierie territoriale d’Atout France. 6 millions d’euros de crédits, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, ont été consommés en 2022 tandis que 6 millions d’euros, en AE et en CP, devraient être consommés à la fin de l’année 2023 et 5 millions d’euros, en AE et en CP, sont provisionnés au sein du projet de loi de finances pour 2024 sur le budget d’Atout France pour des appels à manifestation d’intérêt portant sur le tourisme durable et l’Outre-mer abondés par le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie ;

– 29 millions d’euros au titre du programme d’ingénierie territoriale développé par l’Agence nationale de cohésion des territoires, dont 8,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,1 millions d’euros en crédits de paiement ont été consommés en 2023. 9 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, doivent également être ouverts en 2024 sur le programme n° 112 Impulsion et coordination des politiques publiques de la mission Cohésion des territoires ;

– 9 millions d’euros sont prévus pour la création d’une offre d’ingénierie territoriale visant à inscrire l’immobilier touristique dans une démarche écologique, dont 0,5 million d’euros en autorisations d’engagement et 0,17 million d’euros en crédits de paiement ont été consommés sur le programme n° 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Cohésion des territoires. Aucun crédit supplémentaire n’est prévu en 2024.


4.   Axe 4 : Répondre aux enjeux de la transformation du secteur

L’axe n° 4 participe pleinement de l’objectif du plan d’engager la mutation du tourisme français vers un tourisme durable. Sur les 129 millions d’euros prévus au titre de cet axe, 62,39 millions d’euros auront effectivement été dépensés en 2023 tandis que 19 millions d’euros en autorisations d’engagement et 24,46 millions d’euros en crédits de paiement sont demandés pour 2024, notamment pour alimenter le fonds tourisme durable à hauteur de 12 millions d’euros.

AXE N° 4 : répondre aux enjeux de la transformation du secteur

(en millions d’euros)

Axes

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

Élargir le périmètre et renforcer les moyens du fonds tourisme durable

70

24,7

23

22,3

12

Accompagner l’adaptation des campings au changement climatique en zone littorale

4

0

2,5

1,5

1,5

Outils pour réduire l’empreinte écologique du secteur et adoption d’un tableau de bord du tourisme durable

1,3

0

0,2

1,1

0,66

Soutenir le vélo tourisme

10

0

3,73

6,27

2,64

Verdir les transports touristiques (trains touristiques)

4

0,12

0,3

3,58

0

Rénover et verdir les ports de plaisance et bases nautiques

30

0

0

30

7

Soutenir les start-up du tourisme

5,5

0,74

4,1

0,66

0,66

Accompagner la transition numérique

4,1

0

3

1,1

0

Total

128,9

25,56

36,83

66,51

24,46

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

a.   Vers un tourisme durable

La mesure n° 12, dotée de 70 millions d’euros sur les trois années du plan, vise à élargir le périmètre et les moyens du fonds tourisme durable porté par l’ADEME dont l’objectif est d’accompagner les acteurs du secteur de l’hébergement et de la restauration afin d’accélérer leur transition écologique par la mobilisation de diagnostics énergétiques et d’aides à la rénovation. Il participe également à la promotion du « slow-tourisme ». 47,7 millions d’euros auront été dépensés en 2022 et 2023 sur les programmes n° 364 Cohésion et n° 362 Compétitivité de la mission Plan de relance ainsi que sur le programme n° 181 Prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilités durables tandis que 12 millions d’euros sont prévus au titre de l’année 2024.

La mesure n° 13 vise à accompagner de manière spécifique l’adaptation des campings au changement climatique en zone littorale. 4 millions d’euros étaient prévus pour cette mesure. 2,75 millions d’euros, en autorisations d’engagement et 2,5 millions d’euros en crédits de paiement devraient être consommés d’ici la fin de l’année 2023, tandis qu’1,25 million d’euros en autorisations d’engagement et 1,5 million d’euros en crédits de paiement sont demandés sur le programme n° 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Cohésion des territoires en 2024.

La mesure n° 14 vise à moderniser et verdir les classements des hébergements touristiques. Les classements des différents types d’hébergements touristiques sont ainsi verdis au fur et à mesure de leur actualisation. De nouveaux classements ont été créés pour les campings, les hôtels et les auberges collectives.

La mesure n° 15 permet de mettre en place des outils visant à la réduction de l’empreinte écologique du secteur et d’adopter un tableau de bord du tourisme durable :

– sur le premier volet, 681 575 euros en autorisations d’engagement et 97 230 euros en crédits de paiement devraient être consommés pour étudier les émissions de gaz à effet de serre, les dépendances et impacts du secteur sur la biodiversité, les actions déjà mises en œuvre par les acteurs ainsi que les besoins de formation. 560 000 euros sont prévus sur le programme n° 113 Paysages, eau et biodiversité

– le tableau de bord du tourisme durable commence à être mis en œuvre en 2023, avec 100 000 euros décaissés en 2023 et 100 000 euros prévus pour 2024, pour permettre aux pouvoirs publics de mesurer, suivre et appuyer la bifurcation écologique du tourisme, avec la mise en place d’indicateurs de la trajectoire de transformation du secteur (décarbonation de l’activité touristique, réduction de la consommation énergétique, préservation de la biodiversité, gestion des flux touristiques)

– sur le dernier volet, la charte d’engagements pour la croissance verte a été signée.

La mesure n° 16 vise à mobiliser 44 millions d’euros pour soutenir l’investissement dans les infrastructures durables via :

– le soutien au vélo-tourisme avec un référentiel autour de la marque accueil vélo, l’implantation d’aires de services et la réalisation d’études : 6,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement ont été ouverts et 3,73 millions d’euros en crédits de paiement ont été consommés en 2023 tandis que 2,64 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus en 2024 sur le programme n° 203 Infrastructures et services de transport de la mission Écologie, développement et mobilités durables ;

– le verdissement des trains touristiques, via des aides au verdissement : 4 millions d’euros ont été engagés en 2022, quand seulement 420 000 euros de crédits de paiement ont été consommés sur le programme n° 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilités durables seront dépensés en 2023 et 2024 via des aides à hauteur de 20 000 euros chacune ;

– la rénovation et le verdissement des ports de plaisance et des bases nautiques : sur les 30 millions d’euros prévus, 5,6 millions d’euros ont été effectivement engagés en 2023 tandis que 5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 7 millions d’euros de crédits de paiement sont demandés pour 2024 sur le programme 205 Affaires maritimes de la mission Écologie, développement et mobilités durables.

b.   L’investissement dans un écosystème touristique innovant

La mesure n° 17 vise à soutenir le développement d’un écosystème touristique de start-up et d’entreprises innovantes. Sur l’année 2023, 4,1 millions d’euros d’aides auront été mobilisés pour le soutien à la Travel Tech via différents appels à projets organisés par Atout France et la DGE. 160 000 euros d’aides doivent encore être apportés par Bpifrance et Business France en 2024 tandis que l’appel à projet « 50 territoires d’expérimentation » pour la travel tech se poursuit avec 500 000 euros qui doivent être décaissés par Atout France en 2024.

Enfin, sur les 4,1 millions d’euros prévus sur le programme n° 134 Développement des entreprises et régulations, 3 millions d’euros doivent effectivement être décaissés en 2023 pour achever l’accompagnement à la transition numérique des TPE et PME via 10 000 diagnostics de transformation numériques.

5.   Axe 5 : Promouvoir la destination France et consolider ses parts de marché

Le dernier axe vise principalement à mobiliser des actions de communication et de promotion de la Destination France pour tirer profit de la coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux olympiques en 2024. Sur les 20 millions d’euros prévus, 8,2 millions d’euros seront exécutés d’ici la fin de l’année 2023 tandis que 6 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2024 via le programme n° 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État et le programme n° 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture.


Axe n° 5 : Promouvoir la destination France et consolider
ses parts de marché

(en millions d’euros)

Axes

Enveloppe prévue

2022

2023

Crédits non consommés

Prévisionnel 2024

Plan de communication et promotion de la Destination France

19,5

0

8

11,5

5,85

Organisation des rencontres nationales et régionales du tourisme culturel

0,5

0,1

0,1

0,3

0,15

Tirer profit des grands évènements sportifs internationaux pour valoriser la destination France

Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Non renseigné

Total

20

0,1

8,1

11,8

6

Source : commission des finances, d’après les réponses ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aux questions de la rapporteure.

Les mesures prévues au titre de l’axe 5 se déclinent de la manière suivante :

– sur les 19,5 millions d’euros prévus sur le programme n° 185 Diplomatie culturelle et d’influence, 8 millions d’euros de crédits de paiement ont été décaissés tandis que 5,85 millions d’euros sont prévus en 2024 sur le programme n° 185 Diplomatie culturelle et d’influence de la mission Action extérieure de l’État ;

– sur les 500 000 prévus au titre du programme n° 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture pour l’organisation de rencontres nationales et régionales du tourisme culturel, 100 000 euros ont été décaissés en 2022 ; 100 000 euros en 2023 et 150 000 euros sont prévus en 2024.

B.   Le plan avenir montagnes : une démarche inédite à pérenniser

1.   L’engagement des crédits du plan Avenir Montagnes se poursuit

Initié en 2021, le plan Avenir montagnes est doté de 170 millions d’euros sur l’action n° 7 Cohésion territoriale du programme n° 364 Cohésion de la mission Plan de relance. Un montant de 150 millions d’euros doit également être décaissé par les régions. Il est décliné en trois volets :

– le volet « investissement » doté de 150 millions d’euros ;

– le volet « ingénierie » doté de 10 millions d’euros ;

– le volet « mobilité » doté de 10 millions d’euros.

Les investissements sont déployés par l’Agence nationale de cohésion des territoires sur six massifs hexagonaux (les Alpes, le Massif central, les Vosges, la Franche-Comté, les Pyrénées, la Corse), unité territoriale de déploiement du plan ainsi qu’en Guadeloupe et à La Réunion. L’ensemble des autorisations d’engagement ont été ouvertes en 2021 et 2022. La consommation des crédits de paiement doit se poursuivre jusqu’en 2026.

L’axe investissement est lui-même subdivisé en trois axes :

– 93 millions d’euros sont alloués au développement d’une offre touristique diversifiée pour la transition vers un tourisme pour deux ou quatre saisons ;

– 26 millions d’euros sont dédiés au soutien aux projets en faveur de la transition écologique des activités touristiques ;

– 31 millions d’euros sont dédiés à la rénovation et la transformation de la transition écologique des activités touristiques.

Au 31 août 2023, 46,17 millions d’euros de crédits de paiement ont été effectivement décaissés sur le volet investissement ; 6,82 millions d’euros sur le volet ingénierie et 5,36 millions d’euros sur le volet mobilités. Il convient de remarquer que 6 millions d’euros supplémentaires devaient être ouverts par la Banque des territoires pour financer l’appui méthodologique aux chefs de projet et des prestations d’ingénierie. Ces sommes n’ont pas été mobilisées et restent à disposition sur demande des territoires.

exécution du plan Avenir montagnes (crédits de paiement)

(en millions d’euros)

Volets

2021

2022

2023 ([6])

Total

Restes à payer

Volet investissement

6,44

31,03

8,7

46,17

103,83

Volet ingénierie

1,8

4,87

0,15

6,82

3,18

Volet mobilités

0

4,19

1,17

5,36

4,64

TOTAL

8,24

40,09

10,02

58,35

111,65

Source : commission des finances, d’après les réponses apportées par la direction générale des collectivités locales et l’agence nationale de cohésion des territoires.

Les montants effectivement exécutés à la fin de l’année 2023 seront plus élevés dès lors que la cible d’exécution est de 48,9 millions d’euros pour 2023 au titre du volet d’investissement et de 3,8 millions d’euros pour le volet ingénierie. Les montants non consommés sur ce prévisionnel seront reportés sur l’exercice 2024. 35 millions d’euros de crédits de paiement doivent être décaissés au titre de l’exercice 2024, 25 millions d’euros en 2025 et 10 millions d’euros en 2026. La ventilation des crédits décaissés par volets du plan sera déterminée en fonction de l’avancement des projets.

2.   Un plan pérennisé

Le plan a permis d’engager une dynamique de transformation durable du tourisme dans ces territoires. Les territoires accompagnés connaissent des progressions en termes de mobilisation des outils de gouvernance, de rédaction de leur stratégie et d’accélération du montage des projets. Il a permis de concrétiser des projets arrivés à maturation et d’impulser des trajectoires de mutation, dans une logique adaptée à chaque territoire.

La rapporteure spéciale estime que ce plan doit se poursuivre au-delà de 2026. Elle a déposé un amendement ([7]) en ce sens afin d’abonder un nouveau plan à hauteur de 150 millions d’euros. De nombreux besoins existent dans les territoires de montagne pour mobiliser l’ensemble des acteurs autour de la mutation du modèle de développement de certains territoires vers un tourisme quatre saisons, pour favoriser la transition énergétique des infrastructures, pour verdir les transports ou encore pour engager la mutation écologique des stations de montagne (remontées mécaniques moins énergivores, achat de dameuses vertes, transition du parc automobile des stations et achat de véhicules électriques ou encore acquisition de navettes propres pour les stations).

Le volet ingénierie mériterait notamment d’être prolongé pour générer de nouveaux projets. Dans l’immédiat, un tel prolongement pourrait notamment avoir pour priorités la transition écologique des stations de montagne, l’investissement au profit des centres de vacances et le développement du tourisme social et la diversification des activités des stations thermales qui constituent souvent le poumon économique de petites villes.

Recommandation n° 2 : Abonder le plan « Avenir Montagnes » à hauteur de 150 millions d’euros pour l’inscrire dans la durée avec pour priorités la mutation vers le tourisme quatre saisons des territoires qui le demandent, l’investissement dans les centres de vacances, la diversification des activités des stations thermales et la modernisation écologique des infrastructures des stations de montagne.

C.   D’autres dépenses tranSversales participent au développement du tourisme

1.   Le programme 219 Sport et la promotion de la destination France dans le cadre des jeux olympiques et paralympiques

Au sein du programme Sport, 12,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 8,7 millions d’euros en crédits de paiement sont dédiés à des dépenses liées aux subventions pour l’organisation des grands évènements sportifs internationaux et aux études d’impact relatives à leur accueil que l’on peut identifier comme des dépenses participant au soutien au tourisme.

Atout France a également lancé d’importantes actions de promotion de la destination France dans le cadre de la coupe du monde de rugby et des jeux olympiques de rugby :

– une campagne de communication particulièrement ciblée sur huit pays : Royaume-Uni, Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Japon, États-Unis et Italie ;

– un programme de sensibilisation à l’accueil des visiteurs internationaux dédié aux professionnels du tourisme ;

– la mise en avant de Paris 2024 dans le cadre de la participation d’Atout aux salons Business to Business internationaux et lors de son salon « Rendez-vous en France » en mars 2023 ;

– des « learning expeditions » à destination des agences et tours opérateurs dans les villes hôtes (Paris, Nantes et Lille) et la mise en place d’une campagne grand public à l’international visant à découvrir la diversité de territoires d’accueil des épreuves au début de l’année 2024 sur une douzaine de marchés.

2.   Le plan littoral 21

Comme en 2023, le projet de loi de finances pour l’année 2024 prévoit la mobilisation de 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,2 millions d’euros en crédits de paiement pour aménager le littoral d’Occitanie. Il s’agit de moderniser certaines stations touristiques, en particulier leurs infrastructures, de s’adapter aux nouveaux usages et d’adapter le littoral au changement climatique pour inventer un tourisme durable.

En 2024, le plan littoral 21 sera mobilisé autour de trois axes :

– 2,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 million d’euros en crédits de paiement sont dédiés à des actions de lutte contre l’érosion (restauration des digues, confortement des dunes, rechargement des plages) et des opérations de renaturation des zones naturelles ;

– 3,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,3 million d’euros en crédits de paiement sont prévus pour financer le développement harmonieux des filières touristiques, halieutiques, conchylicoles, le soutien aux sports nautiques sur la zone méditerranéenne ainsi que des dispositifs d’ingénierie touristique ;

– 2,3 millions d’euros en autorisation d’engagement et 1,9 million d’euros en crédits de paiement sont prévus pour moderniser cinq stations littorales via l’aménagement des centres‑bourgs et le déploiement d’infrastructures numériques ainsi que l’aménagement des ports de plaisance.

III.   Le tourisme post-covid : des défis à relever pour un tourisme durable

A.   Si le tourisme retrouve son niveau d’activité pré‑crise, l’hôtellerie et la restauration font face à un pic de défaillances

1.   En 2023, le tourisme retrouve son niveau d’activité pré-crise

a.   Une fréquentation des hébergements touristiques proche de celle de 2019

Dès 2022, de nombreux indicateurs retrouvent des niveaux supérieurs à ceux de 2019. Les recettes internationales atteignent 57,9 milliards d’euros, soit un niveau supérieur de 2,1 % par rapport à l’année 2019, notamment grâce au retour des clientèles d’Amérique du Nord et du Royaume-Uni. Le nombre de touristes internationaux atteint 75 millions contre 90 millions en 2019. Enfin, les investissements dans les infrastructures touristiques s’élèvent à 18,6 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2019. Il convient de remarquer que les hébergements marchands pèsent 27 % de ce total et les restaurants 34 %.

En 2023, la fréquentation pourrait atteindre 80 à 85 millions d’arrivées internationales selon les estimations d’Atout France pour des recettes estimées entre 64 et 67 milliards d’euros. À l’été 2023, la fréquentation des hébergements touristiques, mesurée par l’INSEE, dépasse celle de l’été 2019 avec 250 millions de nuitées sur l’ensemble des hébergements collectifs entre mai et août, soit une hausse de 3,3 % par rapport à 2019.

Ce retour de la clientèle internationale ne doit pas masquer le maintien de la clientèle domestique. Entre juillet et août, 67 % des Français sont partis en vacances, soit un chiffre en augmentation par rapport à l’an dernier selon le dernier baromètre des intentions de départ des Français. Entre le 1er juillet et le 20 août 2023, 306 millions nuitées domestiques ont été réalisées, un chiffre similaire au niveau de 2022.

b.   Si les mouvements sociaux n’ont pas eu d’impact significatif, l’inflation a eu pour conséquence un déport sur l’hôtellerie de plein air

L’hôtellerie a fortement répercuté l’inflation sur ses prix. Selon Atout France, les prix moyens de l’hôtellerie sont en hausse de 25,5 % entre janvier et août 2023 par rapport à la même période en 2019. Cela n’a pas altéré le chiffre d’affaires de l’hébergement puisqu’il progresse de 10,1 % entre avril et juillet 2023 par rapport à la même période l’année précédente. Ce chiffre d’affaires est principalement tiré par le tourisme d’affaire, l’hôtellerie haut de gamme et la clientèle internationale. La fréquentation de l’hôtellerie par la clientèle domestique, elle, a diminué de 5,3 % tandis que l’hôtellerie de plein air a progressé de 1,1 %.

Les mouvements sociaux de l’été 2023, eux, n’ont pas eu d’impact notable sur la fréquentation touristique en France. Ainsi, le taux d’occupation des hébergements à Paris est resté compris entre 91 % et 93 % tandis qu’il est resté de 85 % en juin 2023 dans les hôtels de la petite couronne (Seine‑Saint‑Denis, Val de Marne et Hauts-de-Seine).

2.   Un pic de défaillances et des difficultés de recrutement persistantes dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration

a.   Un pic de défaillances dans l’hôtellerie et la restauration

Entre janvier et juillet 2023, 6 998 entreprises de l’hôtellerie et de la restauration ont été mises en liquidation, soit un niveau supérieur par rapport au nombre de défaillances enregistrées en 2019 (6 840 défaillances sur l’année). Selon les chiffres de la Banque de France, les défaillances dans le secteur sont en hausse de 70 % en juillet 2023 par rapport à l’année précédente. Cette hausse atteint 66 % en août 2023.

Ces chiffres sont à mettre en relation avec le poids des dépenses énergétiques dans les charges d’exploitations des entreprises du secteur, les tarifs réglementés étant réservés aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires, des recettes ou un total de bilan annuels inférieur à 2 millions d’euros, employant moins de 10 personnes et dont les besoins en énergie sont inférieurs à 36 kilovoltampères.

Ils résultent également de la nécessité de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE). Au 31 juin 2023, dans le secteur touristique, l’encours du PGE s’élève à 10,73 milliards d’euros, avec un capital restant dû de 7,1 milliards d’euros. 240 millions d’euros ont ainsi été appelés en garantie.

L’État a certes proposé des solutions de rééchelonnement de la dette par l’intermédiaire du Médiateur du crédit. Toutefois, au regard de l’évolution du nombre de défaillances, de l’évolution des prix de l’énergie, de l’impact de l’inflation et de l’évolution des salaires dans le secteur, un rallongement de la durée de remboursement du PGE serait de bon aloi et permettrait aux entreprises de réaliser les investissements nécessaires, en particulier dans la perspective des jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Recommandation n° 3 : Rallonger la durée de remboursement des prêts garantis par l’État de six à dix ans en fonction d’un pourcentage du chiffre d’affaires annuel.

b.   Malgré les actions entreprises pour favoriser l’attractivité du secteur, les tensions sont toujours vives sur le marché de l’emploi

Les partenaires sociaux du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ont mis en œuvre un certain nombre d’actions pour renforcer l’attractivité du secteur via :

– une revalorisation des grilles salariales proposant une augmentation moyenne des rémunérations minimales de 16 % ;

– des négociations engagées afin d’améliorer les conditions de travail (temps de repos) et la protection sociale des personnels.

Malgré cela, les difficultés de recrutement sont persistantes et tiennent en particulier au coût du logement, notamment pour les travailleurs saisonniers. Ainsi, à l’été 2022, les professionnels du secteur estimaient à environ 200 000 le nombre d’emplois non pourvus dans le secteur touristique. Selon l’enquête Besoin de main-d’œuvre conduite par Pôle emploi en 2023, dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, on dénombre 390 000 projets de recrutement, dont 64 % sont jugés difficilement réalisables par les professionnels du secteur.

c.   Un plan « saisonniers » qui vise à stimuler l’emploi dans ce secteur

Le 31 mai 2023, le Gouvernement a annoncé une feuille de route pour l’emploi des saisonniers sur les années 2023 à 2025.

Il prévoit notamment une pérennisation des mesures prises dans le cadre du plan « Destination France » avec une augmentation des guichets d’accueil et d’orientation des saisonniers, une pérennisation de la semaine des métiers du tourisme et un accompagnement renforcé dans la recherche de solutions d’emplois et de formations pendant l’intersaison.

Au sein du fonds national pour l’emploi (FNE – Formation), une enveloppe de 10 millions d’euros par an doit être consacrée, sur le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi de la mission Travail et emploi, à la formation de 10 000 demandeurs d’emploi, sur des formats courts, dans l’objectif de les recruter dans le secteur touristique.

Cette feuille comprend également quelques dispositions relatives au logement avec le déploiement d’une plateforme recensant les offres de logement pour les saisonniers dans les parcs publics, associatifs ou sociaux et l’ouverture à la location, pendant l’été, de 1 300 chambres universitaires des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et des bailleurs sociaux dans les grandes villes universitaires à proximité des pôles touristiques.

Si cette feuille de route a le mérite d’exister, elle ne répond pas totalement aux difficultés des professionnels du secteur. Lors de la saison estivale 2022, 59 % des entreprises du secteur ont dû restreindre leur activité (fermeture hebdomadaire, réduction du nombre de clients accueillis) par manque de personnels. En outre, ils ont de plus en plus recours à des autoentrepreneurs mis à disposition par des plateformes numériques.

B.   la fiscalité des meublés de tourisme : concilier logement permanent et offre d’hébergements touristiques

Les territoires situés en zones touristiques font face à une pénurie de logements et une difficulté à trouver un hébergement pour les ménages qui y habitent tout au long de l’année. Dans le même mouvement, ils dépendent souvent de l’activité touristique et l’hôtellerie ne peut, à elle seule, répondre à la demande d’hébergements exprimée par les touristes. Il convient de concilier ces deux exigences.

L’article 50-0 du code général des impôts prévoit que le résultat imposable des revenus issus de meublés de tourisme bénéficie d’un abattement de 71 % dans la limite d’un seuil de 77 700 euros pour les meublés de tourisme non classés et d’un seuil de 188 700 euros pour les meublés de tourisme classés.

En choisissant d’abaisser cet abattement fiscal à 50 % de manière uniforme, la rapporteure spéciale considère que le Gouvernement ne répond ni à la nécessité de réduire, de manière significative, l’avantage fiscal qui bénéficie aux personnes qui louent des logements permanents en les transformant en meublés de tourisme et en tirent des revenus similaires à des professionnels, asséchant, par-là, l’offre de logements permanents, ni à la nécessité de maintenir cet avantage fiscal pour conforter les « lits chauds » dans les territoires dont l’offre d’hébergements touristiques est principalement constituée de meublés, comme c’est le cas dans certaines stations thermales ou dans des villes touristiques situées sur les littoraux.

La rapporteure spéciale estime qu’il convient de maintenir un abattement de 71 % ([8]) pour les meublés de tourisme classés dans la limite d’un seuil abaissé à 10 000 euros, d’abaisser cet abattement à 50 % dans la limite d’un seuil abaissé à 10 000 euros pour les meublés de tourisme non classés et de réduire progressivement le montant de cet abattement, de sorte à ce qu’il soit éteint lorsque le seuil de 20 000 euros est atteint. Cela permettrait de maintenir une distinction entre les meublés de tourisme classés et non classés afin d’encourager les propriétaires qui s’engagent dans cette démarche. Cette proposition protégerait les propriétaires qui maintiennent des « lits chauds » sur des territoires touristiques en les distinguant des propriétaires qui en tirent des revenus proches de ceux d’une activité professionnelle.

Recommandation n° 4 : Maintenir à 71 % l’abattement applicable aux revenus issus d’un meublé de tourisme classé dans la limite d’un seuil fixé à 10 000 euros et diminuer le montant de cet abattement pour l’éteindre totalement lorsque le seuil de revenus atteint 20 000 euros afin de protéger les propriétaires qui maintiennent des « lits chauds » sur des territoires touristiques, en les distinguant des propriétaires qui en tirent des revenus proches de ceux d’une activité professionnelle.

C.   Une trop faible ambition pour les classes de découverte

1.   Aucun moyen budgétaire nouveau n’est demandé pour 2024 en vue de soutenir les classes de découverte

Aucun crédit budgétaire nouveau n’est prévu pour soutenir les classes de découverte. Pour la rapporteure spéciale, c’est un outil essentiel pour favoriser la socialisation des enfants et le vivre-ensemble, développer de nouveaux apprentissages et permettre à tous les enfants de découvrir de nouveaux milieux et de nouvelles parties de la France. Elles s’inscrivent parfaitement dans l’objectif de l’éducation à l’environnement.

Trop peu d’initiatives ont été entreprises pour les favoriser. Le ministère de l’Éducation nationale a certes créé un catalogue national des structures d’accueil et d’hébergement regroupant l’ensemble des structures labellisées par le ministère pour l’accueil des élèves dans le cadre des voyages scolaires. C’est un outil utile pour permettre aux enseignants de trouver des structures adaptées à la mise en œuvre de leur projet pédagogique. Ce catalogue prévoit également un tarif national de référence orienté autour de thématiques liées au développement durable, à la protection de la nature et de la biodiversité, ce qui était prévu par la mesure n° 6 du plan Avenir montagnes. Ce tarif de référence n’a toutefois pas permis de minorer la hausse significative du coût de ces séjours.

En outre, depuis l’adoption de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, l’article L. 1253-4 du code des transports prévoit que le ministre chargé des Transports et celui chargé de l’Éducation nationale sollicitent la conclusion d’un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des voyages scolaires. Cela n’a pas été mis en œuvre.

En outre, la circulaire du 13 juin 2023 relative à l’organisation des sorties et voyages scolaires dans les écoles, les collèges et les lycées publics doit simplifier l’organisation de ces classes de découverte en déléguant la compétence d’autoriser ces voyages scolaires, auparavant à la main du directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) à l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription et en abaissant le taux d’encadrement applicable aux voyages scolaires organisés avec des élèves de niveau élémentaire.

La rapporteure spéciale regrette que le ministère de l’Éducation nationale ne soit pas en mesure de donner des statistiques relatives au nombre d’enfants qui partent en classes de découverte. C’est un élément essentiel pour suivre l’évolution de ces séjours et permettre aux parlementaires de réaliser des propositions afin de soutenir ces classes de découverte.

2.   Vers un soutien financier pour permettre de relancer l’organisation des classes de découverte

Le coût des classes de découverte a augmenté de manière significative ces dernières années. L’association savoyarde des classes de découverte, auditionnée par la rapporteure spéciale, a ainsi indiqué que le coût du transport a augmenté de 50 % en trois ans. De même, les centres d’accueil des mineurs font face à une augmentation de leurs coûts de l’ordre de 10 % en moyenne.

Certaines initiatives ont été prises pour relancer l’organisation de ces séjours. À titre d’exemple, l’Agence nationale des chèques vacances (ANCV) et Jeunesse au plein air ont lancé un fonds doté de 1,7 million d’euros pour 1 700 classes (soit 1 000 euros par classe) visant à aider financièrement les départs en voyages scolaires. Le syndicat national des moniteurs du ski français a également créé un fonds de dotation « Enfance et Montagne » d’aide au départ de 500 000 euros pour 2022 et 2023.

La rapporteure spéciale considère qu’il faut prendre une initiative nationale pour soutenir financièrement l’organisation des classes de découverte. Elle propose ([9]) donc la création d’un fonds national d’aide au départ en voyages scolaires doté de trois millions d’euros qui pourrait alimenter une aide comprise entre 700 et 1 000 euros par classe selon la durée du séjour et son éloignement sur le programme n° 230 Vie de l’élève de la mission Enseignement scolaire. Cette aide serait ciblée sur les départs en voyages scolaires dans le premier degré.

Recommandation n° 5 : Afin de relancer l’organisation des classes de découverte, créer un fonds national d’aide au départ en voyages scolaires doté de trois millions d’euros, qui pourrait alimenter une aide comprise entre 700 et 1 000 euros par classe selon la durée du séjour et son éloignement.

3.   Rétribuer l’engagement des enseignants dans l’organisation des classes de découverte

Organiser une classe de découverte dépend principalement de l’engagement bénévole des enseignants qui doivent prendre en charge la définition du projet pédagogique, la recherche des centres d’accueil, les démarches administratives et la recherche de financements.

Cet engagement est rarement rétribué. Il peut théoriquement ouvrir droit au versement d’une part fonctionnelle de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves au titre d’une mission de coordination et de prise en charge des projets d’innovation pédagogique ([10]). Toutefois, cela dépend des arbitrages réalisés par le chef d’établissement et, en pratique, cette indemnité est rarement versée dans le cadre de l’organisation d’une classe de découverte.

Aussi, pour rétribuer cet engagement, la rapporteure spéciale propose d’allouer aux enseignants qui organisent une classe de découverte en dehors du département pour une durée supérieure à trois nuitées une part fonctionnelle de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves équivalente à 1 250 euros ([11]). Une indemnité inférieure pourrait être versée aux enseignants qui organisent des séjours plus courts selon un montant gradué en fonction de la durée du séjour et de l’éloignement par rapport à l’établissement de départ.

Recommandation n° 6 : Afin de relancer l’organisation des classes de découverte, abonder le programme Enseignement scolaire public du premier degré de la mission Enseignement scolaire à hauteur de 3,7 millions d’euros afin d’allouer aux enseignants du premier degré qui organisent une classe de découverte d’une durée supérieure à trois nuitées en dehors du département une part fonctionnelle de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves équivalente à 1 250 euros. Une indemnité inférieure serait accordée aux enseignants qui organisent des séjours plus courts, avec un montant gradué en fonction de l’éloignement et de la durée du séjour.

D.   Le verdissement des transports pour les destinations touristiques, angle mort de la mutation vers le tourisme durable

Le tourisme compte pour 11 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. En 2018, les émissions du secteur touristique proviennent pour 80 % des transports tandis que le transport aérien représente lui-même 40 % de ces 80 %. L’hébergement, les achats de biens et la restauration représentaient, pour leur part, 20 % des émissions ([12]).

Si la création du fonds tourisme durable a permis d’encourager la bifurcation écologique des établissements de l’hôtellerie et de la restauration, le report modal des transports entre le domicile et les destinations touristiques de la voiture et de l’avion, d’une part vers le train, d’autre part reste l’angle mort des politiques de transformation de la France en première destination du tourisme durable.

1.   La prépondérance de la voiture et de l’avion pour les trajets en direction des destinations touristiques

Les trajets de longue distance pour motifs personnels, notion la plus proche des voyages touristiques qui n’est pas quantifiée, sont marqués par une très nette prépondérance de la voiture et de l’avion.

part des trajets pour motifs personnels par mode de transport

 

Mode de transport

Milliards de kilomètres voyagés

Part sur l’ensemble de l’utilisation de ce mode de transport

Voiture

174,48

44,2 %

Train

32,85

8,3 %

Avion

169,99

43,1 %

Autocar

9,08

2,3 %

Autre mode

8,43

2,1 %

TOTAL

394,83

100 %

Source : commission des finances, d’après les réponses apportées par la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités.

2.   Les actions engagées pour favoriser le report modal vers des modes de transport décarbonés

a.   La réouverture de lignes de trains de nuit

Depuis 4 ans, l’État a investi 152 millions d’euros pour rénover ou remettre à niveau le parc de trains de nuit. À la suite d’une étude portant sur le développement de nouvelles lignes de trains de nuit, conformément à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, de nouvelles lignes de train de nuit ont été remises en service, ce que salue la rapporteure spéciale.

Ainsi, à partir du 10 décembre prochain, SNCF voyageur opérera les lignes suivantes en train de nuit : Paris – Briançon ; Paris – Nice ; Paris – Cerbère ; Paris – Rodez – Albi ; Paris – Aurillac ; Paris – Toulouse ; Paris – Latour‑de‑Carol et Paris – Bayonne – Lourdes – Tarbes.

En outre, le train de nuit Paris – Lourdes – Tarbes circulera par la façade Atlantique et rejoindra Tarbes quotidiennement via Dax, Bayonne, Orthez, Pau et Lourdes. Le train de nuit à destination de Cerbère desservira de nouvelles villes : Nîmes, Montpellier, Sète, Agde et Béziers.

Le recours aux trains de nuit est une orientation d’avenir : selon SNCF Voyageurs, à l’été 2023, 215 000 voyageurs ont eu recours aux trains de nuit internationaux, ce qui représente une hausse de 15 % par rapport à l’été 2022.

b.   Les navettes bas-carbone

Les collectivités territoriales sont relativement proactives pour la mise en place de navettes bas-carbone afin de permettre aux touristes de se déplacer sur les derniers kilomètres.

Un soutien de l’État est également accordé dans les espaces peu denses via l’appel à manifestation d’intérêt mobilités déployé dans le cadre du plan « Avenir montagnes » (10 millions d’euros) et le Plan France Ruralités, doté de 30 millions d’euros par an à partir de 2024. Les crédits ainsi affectés peuvent, par exemple, financer des navettes bas-carbone ou des services de vélo‑partage.

c.   Le verdissement des flottes de cars

Un certain nombre de dispositifs ont été lancés par l’État, via le programme n° 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilités durables afin de verdir les flottes d’autocars :

– le dispositif de bonus pour l’acquisition de véhicules lourds propres « zéro émission » lancé au 1er janvier 2021 jusqu’au 31 décembre 2022 a permis de soutenir 79 dossiers relatifs aux autocars pour un montant de 2,37 millions d’euros ;

– un appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques » a permis l’acquisition de 21 autocars pour une aide de 1,8 million d’euros ;

– un nouvel appel à projets ouvert en avril jusqu’au 29 septembre 2023 prévoit l’attribution d’une aide de 5 millions d’euros pour les autocars électriques.

d.   Les dispositifs de tarification préférentielle

Quelques initiatives ont été lancées dans ce domaine tels que le « Pass France‑Allemagne » permettant à 30 000 Français et 30 000 Allemands âgés de 18 à 27 ans de voyager gratuitement pendant sept jours de leur choix sur une période d’un mois. La volumétrie de ce dispositif reste toutefois symbolique.

De manière plus structurelle, des dispositifs de tarification préférentielle ont également été initiés via les services « Ouigo trains classiques », plus lents mais moins onéreux, « Ouigo à grande vitesse » et les cartes Avantage, qui représentent plus de la moitié des billets vendus :

– l’offre Ouigo permet ainsi de desservir 41 destinations et représente 25 % de l’offre à grande vitesse de SNCF Voyageurs ;

– la carte Avantage permet à 4,5 millions de personnes qui la possèdent une réduction garantie de 30 % et des prix plafonnés ;

– des réductions spécifiques aux familles permettent aux enfants de moins de 4 ans de voyager gratuitement tandis que la réduction sur les TGV Inoui est de 50 % sur le tarif loisir et de 60 % avec une carte Avantage adulte pour les enfants âgés entre 4 et 12 ans.

Durant l’été 2023, un billet de TGV loisir sur deux a été vendu à moins de 45 euros grâce aux cartes Avantage et à l’offre Ouigo.

3.   Une stratégie insuffisamment ciblée sur les trajets entre le domicile et les destinations touristiques

a.   La hausse du recours au train pendant les vacances estivales est un signe encourageant

Le recours au train durant les vacances d’été est en croissance. À l’été 2023, 24 millions de voyages ont été réalisés par les trains à grande vitesse de la SNCF. Le taux d’occupation des TGV a dépassé les 80 % et 40 % de ces trains étaient complets. Ces ordres de grandeur étaient similaires en 2022. Toutefois, en 2023, SNCF Voyageurs a commercialisé 450 000 places supplémentaires. Cette hausse s’observe également sur les TER dont la fréquentation augmente de 10 % par rapport à l’été 2022, avec des performances très importantes en Occitanie, dans les Pays‑de‑la‑Loire et en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

b.   L’évolution des prix des billets de train

La première difficulté réside dans le fait que les recettes commerciales des trains à grande vitesse, qui pourraient se substituer à certains trajets en avion ou en voiture sur de longues distances, doivent couvrir les coûts et dégager une marge afin de subventionner les trains express régionaux dont le taux de couverture des dépenses par les recettes est de l’ordre de 25 %.

En second lieu, la SNCF a dû procéder à une hausse de ses tarifs de l’ordre de 5 % entre décembre 2019 et décembre 2022 afin de faire face aux coûts générés par l’évolution des prix de l’énergie. Les coûts de production des voyages en TGV ont ainsi augmenté de 11 % selon SNCF Voyageurs (péages ferroviaires, énergie, matériel roulant, personnel).

Le prix des péages ferroviaires pourrait être réduit pour favoriser le report modal vers le train. Ceux-ci sont nettement plus élevés en France : 16 euros par train/kilomètre contre 5,40 euros en Allemagne ; 6,60 euros en Espagne et 3,30 euros en Italie.

L’arrivée de nouveaux acteurs tels que Trenitalia et RENFER qui proposent des trajets entre Lyon Barcelone, Marseille et Madrid ou encore Milan, Lyon et Paris pourraient avoir un effet positif sur les tarifs des billets.

c.   L’absence d’une stratégie spécifiquement dédiée aux déplacements en direction des zones touristiques

L’article 301 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets prévoit que, pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, une feuille de route est établie conjointement par les représentants des filières économiques, le Gouvernement et les représentants des collectivités territoriales afin de coordonner les actions mises en œuvre pour atteindre les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone.

Une telle stratégie n’existe pas s’agissant des transports en direction des destinations touristiques. La rapporteure spéciale considère qu’une stratégie spécifique aux transports en direction des destinations touristiques doit être établie. Elle permettrait à l’ensemble des acteurs concernés de définir des indicateurs de performance, des objectifs et les moyens budgétaires associés.

Recommandation n° 7 : Créer une feuille de route dédiée à la décarbonation des trajets vers les destinations touristiques dotée d’indicateurs (ouvertures de lignes de train de nuit, mise en place de navettes bas carbone, différentiel de prix entre le train et l’avion) et d’un budget dédié.

 

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa deuxième réunion du 27 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits relatifs à la mission Économie.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Malgré l’avis favorable des rapporteurs spéciaux M. Xavier Roseren et Mme Émilie Bonnivard et conformément à l’avis défavorable des rapporteurs spéciaux MM. Michel Sala et Franck Allisio, la commission a rejeté les crédits de la mission Économie.

La commission a adopté l’amendement II-CF768 de la rapporteure spéciale Mme Émilie Bonnivard portant modification des crédits du programme n° 134 Développement des entreprises et régulations et du programme n° 220 Statistiques et études économiques.

 

M. Franck Allisio, rapporteur spécial (Commerce extérieur). Je passerai rapidement sur les crédits qui se rattachent au commerce extérieur : les montants ont très peu évolué par rapport à l’année dernière et, surtout, ne représentent qu’une infime partie des enjeux financiers économiques relatifs au commerce extérieur français.

Seules deux actions budgétaires traduisent le soutien financier de l’État au commerce extérieur. En premier lieu, l’action Développement international des entreprises et attractivité du territoire du programme 134 Développement des entreprises et régulations comprend des crédits au bénéfice d’opérateurs chargés de l’internationalisation de l’économie française. Elle ne connaît pas d’évolution budgétaire notable, la hausse de 132 % des crédits correspondant à l’engagement de la totalité des dotations annuelles de BpiFrance sur la période 2024-2028.

La deuxième action, intitulée Développement international de l’économie française, figure dans le programme 114 de la mission Engagements financiers de l’État. Elle regroupe les dispositifs de garanties aux entreprises exportatrices et connaît une baisse de 8,2 % en crédits de paiement, à environ 111 millions d’euros, l’abondement de l’assurance-prospection ayant diminué.

Ainsi, le soutien au commerce extérieur dans le budget s’élève à environ 300 millions d’euros. Mais le chiffre important en la matière, et véritablement consternant, est celui du déficit commercial de la France en 2022 : 163,6 milliards d’euros. Il devrait légèrement s’améliorer en 2023, mais ce sera principalement du fait de la baisse conjoncturelle des prix de l’énergie.

Le Gouvernement n’est jamais avare de communication sur les rares bonnes nouvelles économiques qui peuvent lui tomber dessus. Mais il y a un grand absent dans les discours, qui pèse pourtant, tel un boulet, depuis plus de vingt ans : la performance catastrophique de la France dans le commerce international. Notre pays perd de manière continue des parts de marché. Nous représentions plus de 5 % des exportations mondiales en 2002, et seulement 2,5 % aujourd’hui. Nous n’avons pas connu d’excédent commercial depuis 2002, et chaque année nous battons des records de déficit commercial.

Les causes structurelles de notre solde abyssal sont pourtant bien connues : une désindustrialisation planifiée et organisée pendant une vingtaine d’années, une compétitivité prix moindre que celle de nos concurrents ou encore un tissu de PME et d’ETI (entreprises de taille intermédiaire) exportatrices plus faible que chez nos voisins allemands ou italiens.

Pour remonter cette pente, il faudra beaucoup de temps et un certain courage, car on ne décrète pas la réindustrialisation de la France. Toutefois, des actions rapides et de bon sens pourraient d’ores et déjà être entreprises. En premier lieu, il faut définir une politique claire pour le commerce extérieur et cela ne peut passer que par la mise en place d’un ministère de plein exercice, en lien avec l’administration du ministère de l’économie. Si les ambassadeurs ont leur rôle à jouer, c’est au sein de l’économie française que le commerce extérieur se joue. Rien ne justifie la mise sous tutelle de cette politique par le Quai d’Orsay.

La construction d’une politique ambitieuse pour le commerce extérieur doit également passer par une stabilité à sa tête. En onze ans, nous avons connu douze secrétaires d’État ou ministres délégués chargés du commerce extérieur : je vous mets au défi de n’en citer ne serait-ce que la moitié. Il s’agit pourtant d’une politique vitale pour notre économie, qui mérite mieux que cette inconstance.

Ensuite, il faut revenir sur les erreurs des précédents gouvernements, en particulier le retrait de l’assurance-prospection et de la garantie des grands contrats des mains de la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur). C’est une décision qui a coûté cher à notre modèle d’exportation, BpiFrance, qui en a hérité, n’ayant pas l’expérience accumulée par la Coface dans les pays où pourraient rayonner les entreprises françaises exportatrices.

Surtout, il faut renouer avec une politique volontariste et mettre le commerce extérieur au cœur de l’action publique, car il s’agit d’une politique transversale qui touche tous les secteurs. Ainsi, je m’étonne que dans la mission budgétaire Investir pour la France de 2030, le mot « export » ne soit pas écrit une seule fois : comment peut-on penser la réindustrialisation sans organiser la projection à l’export des futures industries ?

Face à tous ces défis, le Gouvernement annonce un plan Osez l’export doté de 125 millions d’euros, sans que l’on sache l’emploi de ce montant. Donner plus d’argent aux agences de l’État n’y changera rien : il faut revoir en profondeur la structure de notre politique commerciale. Pour toutes ces raisons, je vous invite à ne pas voter les crédits de la mission Économie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial (Statistiques et études économiques ; Stratégies économiques ; Accords monétaires internationaux). Il me revient de vous présenter les crédits des programmes 220 et 305 de la mission Économie pour 2024. Ces programmes concernent respectivement l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la direction générale du Trésor. Leurs crédits sont relativement stables par rapport à 2023, en dépit de certaines disparités au sein des actions. Les fonds alloués servent en grande partie au fonctionnement interne des administrations, notamment le personnel, ainsi qu’aux missions régaliennes ou d’intérêt public que l’État confère à différents organismes.

S’agissant du programme 220 Statistiques et études économiques, qui est le support budgétaire de l’Insee, les crédits de paiement passent de 454,8 millions à 473,5 millions, soit une hausse d’environ 4 %. Les 3 ETP (équivalents temps plein) supplémentaires, qui portent le total à 5 040 ETP, traduisent la fin de la tendance baissière engagée depuis une dizaine d’années. Toutefois, elle ne correspond pas à notre demande l’an dernier.

Le programme 305 Stratégies économiques finance la direction générale du Trésor, la compensation versée à la Banque de France pour les missions exercées pour le compte de l’État, la compensation versée depuis 2023 au groupe La Poste pour la réalisation de la mission d’accessibilité bancaire, et le soutien à l’économie sociale, solidaire et responsable (ESS). Les crédits proposés s’élèvent à 698,6 millions en crédits de paiement, contre 715,9 millions l’an passé. Cette diminution s’explique notamment par la trajectoire baissière de la compensation versée au groupe La Poste, sur laquelle je reviendrai plus loin.

Pour ce programme, le nombre d’ETP s’élève à 1 322, soit 19 de plus que l’année dernière. Cela tient notamment à la création, que je salue, d’une nouvelle sous-direction à la direction générale du Trésor, afin de renforcer les capacités d’analyse économique et de conseil sur les politiques publiques relatives à la transition écologique et énergétique.

Je souhaiterais souligner les avancées et l’adaptation de l’appareil statistique de l’Insee, qui a su s’adapter à la hausse des demandes d’enquêtes consécutives au conflit en Ukraine. Dans le même sens, je salue l’action de la direction générale du Trésor et de son réseau international pour ses actions.

Toutefois, mes travaux et les auditions que j’ai menées m’ont permis de déceler certaines difficultés. S’agissant du programme 220, j’aimerais insister sur trois points. Tout d’abord, il faut renforcer les moyens d’action de l’Insee pour lui permettre d’assurer ses nouvelles missions et de garantir la qualité de ses enquêtes dans le respect de son obligation d’indépendance.

J’appelle ensuite à la vigilance sur le financement de la dotation forfaitaire de recensement qui est versée aux communes concernées par la mission de recensement. Depuis plusieurs années, celle-ci connaît une diminution sensible, ce qui a pour effet d’accroître les dépenses des collectivités territoriales. Les collectivités n’ont pas à compenser le manque de financement par l’État d’une mission qui est la sienne.

Enfin, les enquêteurs de l’Insee sont confrontés à d’importantes difficultés dans le département de Mayotte. Il devient de plus en plus difficile d’effectuer les missions de recensement prévues par le droit européen. Les enquêteurs ne peuvent plus se rendre dans certains lieux de l’archipel en raison d’un contexte économique, social et sanitaire devenu trop tendu.

Concernant le programme 305, deux points ont retenu mon attention. En premier lieu, la mission d’accessibilité bancaire dévolue à La Poste me semble structurellement sous-financée. Agissant comme un garde-fou contre la marginalisation bancaire, elle permet à près de 1,4 million de personnes rencontrant des difficultés particulières d’avoir accès à une offre de prébancarisation, à savoir à un livret A fonctionnant quasiment comme un compte courant. Alors que cette mission m’apparaît fondamentale dans le climat économique et social qui est le nôtre, la trajectoire de financement de la compensation prévoit une réduction de l’enveloppe de 5 % par an jusqu’en 2026. Pourtant, le montant de cette compensation ne couvre les charges qu’à hauteur de 89,2 %. De ce fait, le groupe a dû supporter un reste à charge de 41 millions en 2021. J’estime qu’il faut remédier à cette situation.

En second lieu, je m’interroge sur le financement de l’économie sociale, solidaire et responsable, dont les crédits me semblent insuffisants. Plusieurs amendements seront présentés pour les augmenter, et j’y suis résolument favorable. L’ESS est un secteur d’avenir, mais reste encore largement reléguée à une place secondaire. Dans mon rapport, je plaide pour un rapprochement entre l’ESS et l’économie conventionnelle, afin que cette dernière intègre les pratiques sociales et environnementales vertueuses nécessaires pour répondre aux enjeux de la transition écologique.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme). Bonne nouvelle : le tourisme français a retrouvé des couleurs. Le niveau de recettes est équivalent, voire supérieur à celui de 2019, à près de 58 milliards d’euros en 2022. La fréquentation est bonne, dépassant même celle de 2019. C’est donc une nette amélioration par rapport aux années marquées par l’épidémie de Covid-19, qui ont mis à mal le secteur.

Il est toujours difficile d’analyser les crédits relatifs au tourisme parce que nous n’avons plus de documents de politique transversale. On peut évaluer l’effort budgétaire en faveur du tourisme en 2024 à 130,37 millions d’euros en autorisations d’engagement et 167 millions d’euros en crédits de paiement. En font partie notamment les crédits dédiés à l’opérateur Atout France, qui est chargé de la promotion de la destination France, à hauteur de 28,7 millions. Atout France rencontre cette année une difficulté particulière : en raison de son passage de la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères à celle du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et des nouvelles exigences de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances), l’opérateur se voit privé d’une recette pourtant essentielle dans son budget de promotion, à savoir les droits de visa, qui représentent entre 4,5 et 5 millions d’euros. Je proposerai donc un amendement pour combler cette perte, notamment à la veille des Jeux olympiques et paralympiques de Paris

En 2024 se poursuivra l’exécution du plan Destination France, doté de 1,9 milliard d’euros. Ce plan a permis de définir une vision pour le tourisme de demain. Toutefois, des défis majeurs ne sont toujours pas relevés, alors qu’ils sont structurels dans le secteur touristique. Ainsi, les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration font face à des difficultés de recrutement constantes. À ce titre, je serai très attentive au déploiement du plan « saisonniers », en particulier s’agissant des 10 millions devant être décaissés au titre du fonds national de l’emploi formation.

Par ailleurs, les prix de l’énergie et la nécessité de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE) ont conduit à un pic de défaillances des entreprises dans le secteur avec une augmentation de 70 % des défaillances en juillet 2023 par rapport à juillet 2022. Le remboursement des PGE constitue un véritable enjeu : la médiation du crédit n’est pas suffisante et la notation des établissements est dégradée au niveau bancaire, ce qui les bloque dans leurs investissements, sans parler des difficultés de trésorerie.

S’agissant des meublés de tourisme, le choix du Gouvernement de baisser l’abattement fiscal de manière uniforme, à 50 %, a été une erreur. Cela ne répond pas au besoin de certains territoires touristiques de conforter leurs « lits chauds » au bénéfice de l’activité touristique – je pense à la montagne, aux stations thermales, ainsi qu’à certaines stations du littoral qui se sont construites sur ce type d’hébergement, comme La Grande-Motte. Cela ne permet pas non plus de lutter contre le dévoiement professionnalisé des logements permanents dans les zones tendues, de type Airbnb, qui fait que nos concitoyens ne peuvent plus se loger dans des villes comme Biarritz, Saint-Malo ou Paris par exemple.

Sur ce sujet, j’ai deux convictions. Tout d’abord, il faut conserver une différence de fiscalité entre meublés de tourisme classés et non classés : c’est fondamental. Ensuite, s’il ne faut pas toucher à l’avantage fiscal de 71 % pour les meublés classés jusqu’à 7 000 euros – cela concerne les tout petits loueurs – pour sauvegarder les hébergements touristiques en zone de montagne, il faut ensuite ramener l’avantage fiscal à 50 % entre 10 000 et 20 000 euros, et le supprimer au-delà : de cette façon, il est certain que l’immobilier repartira à la location permanente dans les zones tendues.

Le plan Destination France promeut un tourisme durable, à cette réserve près que l’on n’agit pas sur le transport, qui est à l’origine de 80 % des émissions de CO2 dans le tourisme. Si l’on ne développe pas le transport ferroviaire pour assurer la liaison entre le domicile et la destination touristique, on n’assurera pas la transition écologique du secteur. Toutefois, un effort est engagé par le Gouvernement en ce domaine. Je me prononcerai donc sur les crédits du tourisme à l’issue de nos débats, notamment en fonction du sort que connaîtra mon amendement.

M. Mathieu Lefèvre, suppléant M. Xavier Roseren, rapporteur spécial (Développement des entreprises et régulations ; Plan « France Très haut débit » ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés). M. Roseren a examiné les crédits de trois des cinq programmes de la mission Économie ainsi que ceux du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations est abondé à hauteur de 2,6 milliards en crédits de paiement et de près de 3 milliards en autorisations d’engagement. Cette forte baisse, puisqu’il dépassait en 2022 les 6 milliards, s’explique uniquement par l’arrêt, en 2024, du dispositif d’aide temporaire aux entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité. Quelque 4 milliards avaient été inscrits en 2023 pour ces entreprises particulièrement touchées par l’augmentation du coût de l’énergie. Pendant la crise énergétique, le programme 134 a par ailleurs été l’un des supports budgétaires des aides aux entreprises. L’extinction de ces dispositifs ramène logiquement le dimensionnement du programme à un niveau normal.

Cette diminution ne doit cependant pas occulter une évolution plus structurelle des crédits de ce programme qui est, elle, très positive. On peut notamment se féliciter du fait que 100 millions soient à nouveau consacrés au financement de l’activité de garantie de BPIFrance. Cette ligne a existé jusqu’en 2018 et a depuis été supprimée dans chaque PLF. M. Roseren plaidait chaque année pour son rétablissement.

La compensation carbone, qui est une dépense de guichet destinée aux entreprises électro-intensives, est également en forte hausse, à plus de 1 milliard. Ces crédits soutiendront 280 entreprises. Il conviendrait de renforcer les contreparties qui leur sont demandées en matière de décarbonation. L’année dernière, M. Roseren avait plaidé en ce sens auprès de la direction générale du Trésor ; des discussions sont aujourd’hui en cours avec la Commission européenne.

Un autre point d’attention concerne le guichet unique de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). L’Institut s’est vu confier une nouvelle mission de vérification du registre national des entreprises sans bénéficier d’effectifs complémentaires. Cette mission s’est ajoutée à l’institution du guichet unique. M. Roseren a interrogé l’administration sur ce manque d’effectifs. Il plaide pour une modernisation des modalités de dépôt des comptes auprès de l’Inpi, qui sont actuellement au format PDF, ce qui nécessite un travail de saisie pour les rendre exploitables.

S’agissant du programme 343 Plan « France Très haut débit », l’évolution des crédits correspond à ce qui était attendu puisque l’on est entré dans la phase opérationnelle de déploiement des réseaux dès 2022. Cela se traduit par le décaissement des autorisations d’engagement votées les années précédentes, et donc par un montant de crédits de paiement très supérieur aux autorisations d’engagement mais qui entame sa tendance baissière. Des appels à projets spécifiques ont été lancés afin de financer les raccordements les plus complexes. M. Roseren sera très vigilant sur les crédits relatifs aux raccordements complexes ainsi que sur la transition entre la fin du réseau cuivre et le passage à la fibre.

Enfin, une nouvelle action Inclusion numérique est créée au sein du programme 343, qui assurera désormais le financement des conseillers numériques France Services. Cela se traduit par un transfert de près de 42 millions en provenance du programme 349.

Le programme 367 Financement des opérations patrimoniales en 2024 sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » n’est pas abondé en 2024. Les dépenses fiscales qui y sont rattachées s’établissent à 7 milliards, contre 18 milliards en 2022. Cette forte baisse s’explique principalement par l’extinction progressive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et par la disparition des dispositifs fiscaux institués lors de la crise sanitaire. La dépense fiscale est encore très insuffisamment chiffrée, ce qui est d’autant plus problématique qu’elle représente près de deux fois les crédits de paiement ouverts sur le programme.

Enfin, on constate que le compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés retrouve son niveau d’avant-crise.

Le rapporteur spécial émet un avis favorable à l’adoption des crédits de ces programmes ainsi qu’à ceux du compte de concours financier Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1743 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le contribuable paie pour un certain nombre de missions de service public qui devraient être financées par des secteurs protégés. La Poste reçoit ainsi près de 600 millions d’euros pour assurer ses missions relatives à l’aménagement du territoire, à l’acheminement et à la distribution de la presse, et au service universel postal. Or, les multinationales du numérique ont affaibli structurellement le secteur du courrier, ce qui entraîne une contribution toujours plus élevée du contribuable. Celui-ci ne peut compenser l’ensemble des déséquilibres économiques entraînés par le progrès ou les positions dominantes. Il me paraîtrait donc logique que ce soient les géants du numérique, autrement dit les Gafam, qui contribuent financièrement à la présence universelle postale.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Je crains que votre amendement ne conduise à fermer de nombreux sites ou points de contact de La Poste, alors que ses missions relatives à l’aménagement du territoire et au service postal universel sont d’intérêt général. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je vais essayer d’être plus clair : le contribuable français ne peut pas compenser financièrement des déséquilibres économiques créés par la position dominante de certains acteurs économiques tels que les Gafam. Si le courrier s’est effondré, si La Poste ne peut plus assurer la présence universelle du service public, c’est du fait d’une concurrence technologique difficile, voire impossible à combattre. Nous pensons que c’est aux Gafam de financer le service universel de présence postale. Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le service public.

M. le président Éric Coquerel. Comme hier au sujet de la presse et de l’audiovisuel, la conséquence de votre proposition serait que l’on dépende des fonds privés pour financer le service public, ce qui ne me paraît pas sécurisant. Si l’État finance les missions de La Poste, c’est aussi, en théorie, pour assurer l’égalité de toutes et tous sur le territoire, y compris dans les endroits où ce n’est absolument pas rentable. Je préfère disposer de la garantie de l’État, raison pour laquelle je m’opposerai à votre amendement. Cela étant, on pourrait en effet envisager une taxation supplémentaire des profits des Gafam et des autres multinationales pour contribuer au financement de ces missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF1499 de M. Jean-Philippe Tanguy et II-CF1625 de M. Aurélien Lopez-Liguori (discussion commune)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Parmi les sources d’économie que nous proposons figure la suppression d’un certain nombre d’agences, en l’occurrence l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse). Ce n’est évidemment pas par des mouvements de crédits que l’on peut mener des politiques publiques, mais il s’agit d’envoyer un message politique. Nous pensons que les télécoms sont un monopole naturel dont il faut recentraliser la direction au sein du ministère. Dès lors, il n’est pas besoin d’une énième autorité administrative indépendante qui affaiblit la démocratie et les décideurs publics et se fait le cheval de Troie de lobbys privés.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Les régulateurs sont essentiels, comme on l’a vu lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur spécial suppléant Mathieu Lefèvre, la commission rejette successivement les amendements II-CF1759 et II-CF1621 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1762 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet de créer un fonds de soutien aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) en faveur de l’innovation dite low tech pour la bifurcation écologique, c’est-à-dire fondée sur des techniques durables, réparables, simples, appropriables et résilientes. Les crédits institués en leur faveur par le plan de relance n’ont pas été reconduits. Nous proposons d’abonder ce fonds de 40 millions d’euros, ce qui représente une somme infime en comparaison des 10 milliards d’aides directes accordées aux entreprises pour leurs activités de recherche et d’innovation, selon l’estimation de France Stratégie.

M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial suppléant. Heureusement qu’on ne vous a pas attendus pour soutenir les TPE et les PME ! Je vous rappelle que vous avez refusé, notamment, les boucliers et les amortisseurs relatifs aux dépenses d’électricité. De nombreuses mesures sont déjà appliquées, tels le dispositif Tremplin, le prêt éco-énergie de BpiFrance, les guichets de subventions énergétiques, ou encore les aides fiscales à la transition énergétique, que vous refusez systématiquement, loi de finances après loi de finances. Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je vous rappelle à mon tour que vous n’avez pas voté la proposition de loi, présentée à l’initiative de la NUPES, qui visait à instaurer des prix régulés de l’énergie pour les TPE et les PME.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons cet amendement. La low tech représente un enjeu important. Des pays comme l’Inde lancent des chantiers considérables mêlant recherche technologique et low tech, dans une perspective de développement durable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF768 de Mme Émilie Bonnivard

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Il s’agit de l’amendement que j’ai évoqué tout à l’heure, qui vise à abonder de 5 millions d’euros la subvention pour charges de service public d’Atout France.

La commission adopte l’amendement II-CF768.

Amendement II-CF1754 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous proposons de rehausser les moyens alloués à la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Elle joue un rôle central dans la protection de nos concitoyens, de la santé et de l’ordre publics, puisqu’elle est notamment chargée de l’information des consommateurs, du contrôle de la loyauté des pratiques commerciales des producteurs et des intermédiaires et du repérage des fraudes. Or le cadre dans lequel elle exerce ses missions se dégrade depuis quinze ans : elle a perdu près de 900 ETP depuis 2007.

Son rôle est encore plus crucial en période d’inflation aiguë, alors que les pratiques trompeuses se développent, tout comme les nouveaux modes de consommation – eux aussi trompeurs.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Xavier Roseren, elle rejette successivement les amendements IICF1626 de M. Aurélien Lopez-Liguori, II-CF1752 de Mme Aurélie Trouvé et II-CF1832 de M. Manuel Bompard.

Amendement II-CF1704 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est encore un amendement d’appel qui relève de la philosophie politique.

Dans le cadre de la mission d’information sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes que je corapporte avec François Jolivet, nous avons découvert que le contribuable doit payer La Banque postale pour assurer l’universalité de l’accessibilité bancaire, mission de service public et d’intérêt général. Je le souligne, je n’ai évidemment aucune intention de remettre en cause l’accessibilité bancaire universelle, mais il convient que le secteur finance lui-même ce service. Je suis d’accord avec vous, monsieur le président : c’est l’État qui doit faire l’interface. Mais il faut que ce service public soit payé par la finance, par le secteur bancaire, et non par le contribuable.

Les banques ont ce privilège exorbitant de pouvoir refuser des clients ou les exclure du système sans avoir à le justifier, ce qui est scandaleux. En attendant de changer cela dans la loi, qu’au moins les banques financent l’accès aux services bancaires des clients qu’elles en excluent. Notre secteur bancaire, quasi oligopolistique, en a largement les moyens.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Défavorable. L’accessibilité bancaire est une mission d’intérêt général dont le financement revient naturellement à l’État.

Le rattachement de cette mission au programme 305 visait à répondre à une préoccupation de la Cour des comptes, qui estimait que le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts n’avait pas vocation à financer cette mission, ce que je trouve tout à fait pertinent.

Il est fondamental qu’un établissement de crédit désigné par l’État, en l’espèce La Banque postale, assure l’effectivité de cette mission, sans quoi un grand nombre de personnes seraient économiquement marginalisées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Non, il n’est pas du tout naturel que les contribuables doivent payer l’exclusion de nos concitoyens des services bancaires. Ce qui est naturel, c’est que ceux qui assument d’exclure les citoyens paient eux-mêmes leur choix.

M. Alexandre Holroyd (RE). Le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts, c’est de l’argent déposé à la Caisse des dépôts pour le compte du Gouvernement ; s’il y a bénéfice, il lui est reversé. C’est donc l’argent du contribuable. Cet amendement est un non-sens absolu.

Votre objectif est de faire payer les banques, dont vous voudriez par ailleurs qu’elles réduisent leurs taux d’intérêt ; or, si vous leur imposez des coûts externes, elles les factureront par l’intermédiaire d’autres services.

Une mission de service public doit être payée par le service public.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Deux philosophies s’affrontent : il y a ceux qui se soumettent aux lobbys bancaires et estiment qu’on ne peut jamais faire payer ceux qui s’enrichissent en jouissant de privilèges exorbitants et ceux qui, comme moi, pensent que c’est au secteur bancaire d’assumer ses choix.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. On ne peut pas répondre de la même façon à tous les amendements présentés par M. Tanguy.

En ce qui concerne l’Arcep, j’étais en désaccord, car nous avons besoin d’une autorité de régulation de l’accès au numérique pour rappeler les opérateurs concurrents à leurs obligations ; ce n’est pas à eux de financer cette mission d’intérêt général. En revanche, ce qu’il dit du secteur bancaire me semble pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1675 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Amendement II-CF1713 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans le cadre de la même mission d’information, j’ai découvert que l’État apportait 2 millions d’euros de financement à des instituts d’opinion. Ils ont le droit d’exister, mais ce n’est pas au contribuable de les financer. Je pense par exemple à l’association Bruegel, qui vient de produire un rapport à la demande des institutions européennes. Le budget de l’État ne finance pas de mouvements souverainistes – j’ai vérifié –, je ne vois pas pourquoi il le ferait pour des mouvements fédéralistes comme celui-là.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’exposé sommaire de votre amendement affirme qu’il est illégitime que cet institut reçoive ces crédits, sans donner d’explications. L’association Bruegel produit des études et analyses, essentiellement économiques, sur des sujets européens fondamentaux. La diversité des questions abordées permet de toucher un large public. Je ne suis pas favorable à une régression de l’information et de la connaissance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1756 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Il s’agit d’augmenter les moyens alloués aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF223 de M. Gérard Leseul et II-CF1848 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement vise à augmenter l’enveloppe dévolue aux dispositifs locaux d’accompagnement, dans le cadre desquels le secteur associatif peut réfléchir à des améliorations de sa gouvernance ou de son système commercial par exemple. Leur durée est bien trop courte. Cette revalorisation permettrait au secteur associatif de se professionnaliser davantage lorsqu’il en ressent le besoin.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements reprennent une préconisation du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (Csess) dans son avis dressant le bilan de la loi Hamon (loi du 17 mars 2014 relative à la consommation) dix ans après son entrée en vigueur. Je partage ce constat.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Ayant longtemps travaillé dans l’ESS, j’ai noté une difficulté des associations à faire la transparence sur leur financement. Le bénéficiaire final ne sait pas d’où viennent les fonds et nos concitoyens ignorent qu’ils sont presque entièrement d’origine publique. Or c’est très important.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF221 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à assurer le financement de la fonction d’accueil, information et orientation (AIO) des Cress (chambres régionales de l’économie sociale et solidaire). Depuis la loi de juillet 2014, les Cress informent toute personne désireuse de créer une association, une coopérative ou une entreprise sociale, les chambres de commerce ne dispensant pas une information suffisamment pointue dans ce domaine.

Le montant de ce financement, de 80 000 euros annuels par Cress en moyenne, est très insuffisant. Nous proposons de porter le total à 2,5 millions d’euros. Il s’agit d’une autre recommandation formulée par le Csess dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi Hamon que lui avait confiée le Gouvernement.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress sont des acteurs visibles dans les territoires. Durant la crise sanitaire, elles ont assuré l’orientation des entreprises de l’ESS vers les dispositifs de soutien. De surcroît, des expérimentations d’AIO sont en cours, par exemple en Nouvelle-Aquitaine, où le dispositif Pschit (parcours de soutien aux changements et initiatives de transition) lancé par la Cress a permis d’assister plus de 3 000 structures de l’ESS en 2021. La particularité de ce dispositif est la capacité à mobiliser, par un parcours commun, l’ensemble de la chaîne de l’accompagnement et du financement de l’ESS. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je ne suis pas d’accord. Dans ma région, la Cress est à Lyon : ce n’est pas elle qui reçoit et accompagne les porteurs de projet de la Savoie ! Vous voulez renforcer une structure régionale très autocentrée, qui a son intérêt du point de vue de la coopération entre les acteurs de l’ESS mais n’apporte rien aux porteurs directs, car elle n’est pas une porte d’entrée pour eux – heureusement, car cela évite aux Savoyards ou aux Isérois d’aller jusqu’à Lyon pour avoir un conseil. Vous devriez plutôt demander davantage de financements pour les structures France active, qui sont présentes dans les territoires et assurent le premier accueil.

M. Gérard Leseul (SOC). La plupart des Cress ont des missions délocalisées au niveau départemental. En outre, France active ne joue pas tout à fait le même rôle, même si je partage votre avis positif à son sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1853 de M. Manuel Bompard

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Selon le ministère de l’économie, l’ESS représente 10 % du PIB et près de 14 % des emplois privés, avec 2,7 millions d’emplois pour plus de 60 % de femmes dans 200 000 entreprises. Il s’agit souvent d’emplois de qualité, non délocalisables. Le budget de 20 millions d’euros que l’État alloue à l’ESS est ridicule au regard de la masse des aides à l’économie dite classique.

Nous proposons 2,5 millions d’euros pour les Cress, qui jouent un rôle décisif pour impulser des projets économiques vertueux dans les territoires. Je salue la qualité du travail de la Cress Occitanie, de son président André Ducournau et de sa directrice Sarah Rousseau.

Être propriétaire de son travail est un objectif politique libérateur qui devrait tous nous réunir : c’est la définition de la République sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF219 de M. Gérard Leseul et II-CF1845 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de constituer un fonds de conversion des entreprises à l’économie sociale et solidaire, qui serait notamment destiné aux entreprises reprises en Scop (société coopérative de production) ou qui scindent leurs activités. Il s’agit de proposer un appui sous la forme de prêts, de dispositifs de garantie ou d’ingénierie.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les enjeux de transition écologique nous obligent à modifier nos pratiques de production. Il est opportun que l’État accompagne ces transformations. Un fonds de conversion permettrait de soutenir les acteurs en matière d’ingénierie et d’investissement, pour accompagner la transition. Avis favorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je soutiens l’économie sociale et solidaire mais attention : pour bénéficier aux salariés, futurs patrons de l’entreprise, ces projets, notamment le passage en Scop, requièrent d’être solidement accompagnés. Il faut être exigeant. Or la Caisse des dépôts déploie de nombreux outils, en particulier des prêts participatifs, pour accompagner ces projets. Mieux vaut éviter les doublons.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF220 de M. Gérard Leseul et II-CF1856 de M. Manuel Bompard (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement II-CF220 a pour objet de recréer les correspondants régionaux, qui sont les représentants de l’économie sociale et solidaire dans les préfectures. En effet, l’administration n’est pas suffisamment mobilisée sur l’ensemble des dispositifs de l’ESS. Un délégué interministériel à l’économie sociale a été récemment recréé par décret, mais il n’a pas d’administration sur laquelle s’appuyer.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Bien que solidement implantés dans les territoires, les acteurs de l’ESS ont rarement le loisir de s’adonner pleinement à leur mission. Ces amendements devraient permettre de rendre plus lisible l’action de l’État en faveur de l’ESS. Ils auraient pour effet vertueux d’accroître la productivité des acteurs dans le secteur. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques II-CF222 de M. Gérard Leseul et II-CF1854 de M. Manuel Bompard

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de renforcer une des missions des Cress. Depuis la loi relative à l’économie sociale et solidaire de juillet 2014, celles-ci ont la responsabilité de tenir un fichier qui recense l’ensemble des entreprises de l’ESS. Un tel suivi est nécessaire pour flécher des financements, lorsqu’ils existent, vers ces entreprises. Ainsi, une partie des fonds versés dans les livrets de développement durable et solidaire peuvent revenir au secteur de l’économie sociale, mais encore faut-il que les Cress aient identifié les entreprises de l’ESS. Nous devons donc les soutenir dans cette mission.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Les Cress n’étant pas des chambres consulaires, elles ne collectent pas directement les données administratives, comme le font les centres de formalité des entreprises telles que les chambres de commerce et d’industrie ou les chambres de métiers et de l’artisanat. Or l’ESS souffre d’un suivi statistique insuffisant. Lors des auditions, les représentants du cabinet de la ministre déléguée Olivia Grégoire comme les acteurs de l’ESS ont estimé nécessaire de renforcer le suivi des entreprises relevant de ce secteur. Ces amendements en donnent l’occasion. Pour cela, il faut fournir aux Cress les moyens d’accomplir convenablement leur mission. Avis favorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements II-CF1286 de Mme Christine Arrighi et II-CF224 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Ces amendements vont dans le bon sens. Il est étonnant de voir que peu d’entreprises de l’économie sociale et solidaire sont concernées par les crédits de cette mission, alors que le secteur peut légitimement apparaître comme un vecteur d’innovation et de décarbonation de notre industrie. Ses objectifs sont en effet ceux du plan France 2030. Il est toutefois nécessaire de réfléchir, en concertation avec les acteurs concernés, à l’opportunité de faire des Cress de véritables chambres consulaires. Avis favorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement II-CF1594 de M. Charles Fournier.

Amendement II-CF225 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à reconnaître l’innovation sociale au même titre que l’innovation technique dans les différents dispositifs et programmes. Bénéficier de subventions dans ce domaine constituerait une chance pour l’économie sociale.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF226 de M. Gérard Leseul et II-CF1057 de M. Charles Fournier

M. Gérard Leseul (SOC). Ces amendements visent à développer les monnaies locales, dont certaines fonctionnent très bien et d’autres moins. Il conviendrait de renforcer les dispositifs au niveau national pour bénéficier de l’expérience de celles qui réussissent.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette les amendements.

Amendement II-CF1407 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli prévoit 1 million d’euros pour soutenir les monnaies locales, contre 2,16 millions d’euros pour le II-CF226.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, la commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial Michel Sala, elle rejette l’amendement II-CF1411 de M. Gérard Leseul.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux avis des rapporteurs spéciaux et des orateurs de groupe sur les crédits de la mission.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Michel Sala, rapporteur spécial. Avis défavorable, en raison de la sous-dotation de La Banque Postale, des effectifs de l’Insee et du rejet de toutes les propositions sur l’ESS.

M. Franck Allisio, rapporteur spécial. Défavorable.

Mme Émilie Bonnivard, rapporteure spéciale. Je comptais m’abstenir sur ces crédits. Toutefois, mon amendement relatif à l’abondement des crédits d’Atout France ayant été adopté je voterai pour les crédits de la mission Économie, malgré des réserves sur certains sujets.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous sommes favorables à ces crédits.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre ces crédits pour les raisons qu’a données Franck Allisio. Il est très difficile de parler des politiques de soutien à l’export, un des grands échecs de ces vingt dernières années. Il est très difficile aussi de parler de certains détails dans les comptes de la République, qui sont une des causes des dérives structurelles des finances publiques : les bons acteurs économiques ne paient pas les services publics. Quand on les remet en cause, on n’obtient que de la mauvaise foi.

Enfin, nous avons aussi un problème d’importation. J’ai saisi Bruno Le Maire à de nombreuses reprises sur la possibilité qu’aurait la France de se couvrir sur les marchés extérieurs, notamment pour ses importations de pétrole, ce qui permettrait aussi de diminuer le coût de la facture énergétique. Je déduis des réponses qui me sont faites un refus de travailler à protéger notre économie française des externalités négatives de l’économie et des incertitudes des marchés.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Contrairement à celui de Mme Bonnivard, aucun de nos amendements n’a été accepté, notamment sur la question essentielle de l’économie sociale et solidaire. Nous voterons donc contre les crédits.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le groupe Les Républicains avait prévu de s’abstenir. À titre personnel, en soutien à ma collègue Émilie Bonnivard, je voterai pour les crédits de la mission Économie.

M. Sébastien Peytavie (Écolo-NUPES). Pour les écologistes, il est impossible d’adhérer à la politique d’aide massive et inconditionnée du Gouvernement, dont le budget est bien trop juste pour disposer d’une administration : les agents, pourtant engagés, ne peuvent donc appliquer les réglementations protectrices de la concurrence et des consommateurs. Rappelant l’importance de l’ESS en France, nous voterons contre le présent budget, qui laisse la part belle à la déréglementation et aux superprofits.

M. Gérard Leseul (SOC). Pas de document transversal sur le tourisme, un seul amendement adopté, aucun pour renforcer la DGCCRF : c’est une déception pour mon groupe.

S’agissant de l’économie sociale et solidaire, tous les amendements présentés étaient issus du rapport d’évaluation de la loi de Benoît Hamon, qui a été coordonné par un ancien conseiller d’État, ancien délégué interministériel, voté par le Conseil supérieur de l’ESS et remis à la ministre. Aucun n’a été retenu, pas même des amendements structurels de faible montant ! Je ne peux pas suivre les dispositions proposées. Nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission.

La commission rejette les crédits de la mission Économie.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Suivant l’avis du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF1418 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Après l’article 52

Amendement II-CF917 de M. Michel Sala

M. Michel Sala, rapporteur spécial. L’instabilité dans la gestion du portefeuille de l’économie sociale et solidaire ainsi que le mince budget qui lui est dédié, de 20 millions d’euros, indiquent que le Gouvernement ne lui porte qu’un intérêt périphérique. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux, quand l’ESS compte pour 10 % du PIB. En tout état de cause, parce que l’effort de l’État en faveur de l’ESS ne se limite pas au programme 305 – le secteur bénéficie aussi de mesures générales – il serait souhaitable de disposer d’un document de politique transversale. Tel est l’objet de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 37 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

La commission adopte les crédits du compte de concours financiers Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés non modifiés.

Elle adopte les crédits du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux non modifiés.

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Association savoyarde des classes de découverte

– Mmes Clémence Denjean, directrice ; Annick Carcereri, secrétaire

Audition commune

 Groupement national des indépendants de l’hôtellerie et de la restauration (GNI-HCR)* : M. Franck Trouet, délégué général.

 Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)* : M. Éric Abihssira, vice-président confédéral ; Mme Ophélie Rota, directrice de la communication, des relations institutionnelles et suivi des partenaires

ATD-Quart Monde*

– Mme Marie-Aleth Grard, présidente

Direction générale des entreprises (DGE)

– MM. Christophe Strobel sous-directeur du tourisme ; Olivier Lacoste, directeur de projets des droits juridiques, européens internationales ; Michel Anselin, chef de pôle économie du tourisme

Audition commune

 Direction générale des collectivités locales (DGCL) : MM. Alexandre Sanz, sous‑directeur de la cohésion et de l’aménagement du territoire, Romain Siaud, adjoint au chef de bureau des affaires financières, budgétaires et Florian Mellinger, chargé de mission

 Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT)  Mme Simone Saillant, directrice des programmes Montagne, commissariats de massifs, ruralités et village d’avenir, M. Nicolas Sornin‑Petit, chef du pôle interface et contrats territoriaux

Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM)

 Mme Anne‑Florie Coron, adjointe au directeur général des transports ; M. Pierre Soulié, chef de projet, référent mobilité rurale et solidaire ; Mme Sandrine de Lahondès, sous‑direction budget, synthèse et appui aux services ; Mme Sophie Hoarau, cheffe de la mission Autorité organisatrice des trains d’équilibre du territoire (MAOT)

Atout France

– Mme Caroline Leboucher, directrice générale

Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC – Fédération syndicale unitaire (SNUipp – FSU)

– Mme Céline Sierra, directrice d’école et coordinatrice académique du SNUipp – FSU Pays de la Loire

Syndicat des enseignants – Union syndicale des syndicats autonomes (SE-UNSA)

– Mmes Cécile Suel, professeur documentaliste et secrétaire nationale aux parcours professionnels et Nadia Alram, professeur des écoles et référente métier – Élémentaire, système éducatif et conditions d’apprentissage

Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)

– MM. Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives ; Laurent Beaudoux, chef du bureau de la réglementation et de la vie des établissements.

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 

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([1]) Amendement n° II-CF768 déposé lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 en Commission des finances

([2]) Cette ligne correspond à des prêts de la Banque des territoires et de Bpifrance.

([3]) Cette ligne correspond à des prêts de la Caisse des dépôts et consignations.

([4]) Cette ligne correspond à des aides financées via des fonds propres de l’Agence nationale des chèques vacances.

([5]) Réponses du ministère de l’Économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique au questionnaire budgétaire de la rapporteure.

([6]) Au 31 août 2023.

([7]) Amendement n° II-CF233 déposé lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 en Commission des finances

([8]) Sous-amendement n° I-CF3043 déposé lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2024 en Commission des finances.

([9]) Amendement n° II-1885 dépose en séance.

([10]) Arrêté du 19 juillet 2023 fixant les montants de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves et précisant les missions ouvrant droit à la part fonctionnelle de ces deux indemnités.

([11]) Amendement n° II-1884 déposé en séance.

([12]) ADEME, Bilan des émissions de gaz à effet de serre du secteur du tourisme en France, avril 2021.