N° 1745

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 26
 

GESTION DES FINANCES PUBLIQUES :

 

LUTTE CONTRE L’évasion fiscale

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Charlotte LEDUC

 

Députée

 


SOMMAIRE

___

Pages

Principales observations de LA rapporteure spÉciale

DonnÉes clés

Propositions de la rapporteure spÉciale

Introduction

I. Les moyens alloués à la lutte contre l’évasion fiscale : une présentation incomplète et un niveau insuffisant

A. Les crédits budgétaires consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale

B. Les moyens humains et matériels alloués à la lutte contre l’évasion fiscale Restent insuffisants

1. Une baisse alarmante des effectifs, notamment au sein de la DGFiP

a. Des effectifs de la DGFiP insuffisants et en baisse

b. Des annonces du plan fraude qui se révèlent largement insuffisantes

c. Les agents des douanes, acteurs essentiels de la lutte contre l’évasion fiscale, injustement et inutilement dépossédés de leur mission

d. L’insuffisance de personnel dans les autres services chargés de la lutte contre l’évasion fiscale

2. L’enjeu des effectifs se double d’enjeux matériel et d’attractivité

a. La nécessité de moderniser les moyens matériels et techniques

b. Un enjeu d’attractivité du fait de la concurrence avec le secteur privé

C. Une insuffisance de moyens qui se manifeste À travers Des résultats du contrôle fiscal en baisse sur le long terme

D. Le recours accru à l’intelligence artificielle ne saurait remplacer les effectifs humains

II. Les schémas d’évasion fiscale fréquemment rencontrés rendent nÉcessaire le renforcement de notre arsenal juridique

A. Les principaux schémas d’évasion fiscale

1. Les principaux schémas auxquels ont recours les particuliers

2. Les principaux schémas auxquels ont recours les professionnels

a. Les prix de transfert

b. Les autres schémas

B. Des outils et un cadre juridique À renforcer

1. La DGFiP peut s’appuyer sur un vaste réseau d’accords d’assistance administrative en matière fiscale

2. Un cadre juridique qui doit être renforcé au niveau multilatéral

a. Renforcer le dispositif de reporting pays par pays

b. Le projet BEPS : des avancées prometteuses, qui doivent être poursuivies

c. Faire évoluer les règles applicables au sein de l’Union européenne

d. Les paradis fiscaux : une liste à étoffer, des représailles à renforcer

3. Renforcer l’action de la France dans la lutte contre l’évasion fiscale dans ses relations bilatérales : la modernisation des conventions fiscales internationales

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe : propositions du rapport spécial sur le PLF 2023 rÉitÉrÉes sans modification, ne figurant pas dans le corps du présent rapport

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

 

 

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la commission des finances.

 


   Principales observations de LA rapporteure spÉciale

La deuxième édition du rapport spécial consacré à la lutte contre l'évasion fiscale s'inscrit dans la continuité de celui de l'année dernière. En effet, malgré un plan de lutte contre les fraudes annoncé en grande pompe par le Gouvernement au printemps dernier, l'action de l'État n'a que peu évolué.

Les résultats du contrôle fiscal restent médiocres, les effectifs et les moyens dévolus à cette mission restent insuffisants. C'est pourquoi la plupart des recommandations formulées l'année dernière sont toujours d'actualité et rappelées avec force dans le présent rapport.

Le vol des 80 à 120 milliards d'euros qui continuent à manquer chaque année aux caisses de l'État constitue une atteinte grave à notre cohésion sociale. Il nous empêche d'investir massivement dans le développement des services publics, garants aussi de la lutte contre les inégalités, et dans la bifurcation écologique dont l'humanité a besoin. De plus, il fragilise le consentement à l'impôt pilier de la cohésion nationale.

Un changement de cap est donc nécessaire. Il est urgent d'investir dans le contrôle fiscal pour donner aux agents de l'État, les moyens d'accomplir leur mission au service de l'intérêt général. Le projet de loi de finances pour 2024 n'est absolument pas à la hauteur de cette urgence. Les quelques créations de postes annoncées dans le cadre du plan fraude sont en fait des redéploiements et les effectifs continuent de baisser au niveau global. Le Gouvernement propose bien quelques dispositifs visant à mieux lutter contre l'évasion fiscale, mais on en reste à des mesurettes dérisoires face à l'ampleur d'un tel fléau.

Ce rapport spécial a l'avantage d'être annuel. Il permet donc de suivre année après année l'évolution des politiques publiques en matière de lutte contre l'évasion fiscale. Cette périodicité permet aussi d'explorer chaque année des aspects particuliers du problème. Cette année, le choix a été fait de se focaliser sur la dimension internationale de la lutte contre l'évasion fiscale.

Si des progrès ont été réalisés, notamment dans le cadre de l'OCDE, ils demandent à être approfondis et pérennisés. Il est nécessaire d'aller plus loin que l'impôt minimum à 15 % sur les bénéfices des sociétés. La France s'honorerait à être en pointe dans les négociations multilatérales en particulier et dans la diplomatie fiscale en général. C'est une question de volonté politique. Notre pays peut porter des exigences fortes en matière de justice fiscale. Il peut également s'appuyer sur son exceptionnel réseau de conventions fiscales internationales, qu'il faut renégocier et renforcer pour en faire un outil de lutte contre l'évasion fiscale.

 

Des changements radicaux doivent également intervenir en matière de politique intérieure si l'on souhaite lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscale internationale. Les douanes doivent être renforcées et leur mission première de « police des marchandises » reconnue. La problématique des prix de transfert doit, elle aussi, être totalement repensée. La mise en place de la taxation unitaire, proposée par Gabriel Zucman, et que j'ai déjà recommandé l'année dernière doit devenir une priorité pour mettre fin aux possibilités de manipulation des profits à des fins d'évasion fiscale.

La dimension internationale du problème fait enfin ressortir des questions de souveraineté fiscale. Le développement des nouvelles technologies dans le contrôle fiscal peut être un outil supplémentaire à disposition des agents de l'État. Cependant, deux conditions sont nécessaires pour que ces nouveautés soient un véritable atout. Le déploiement de ces technologies ne doit pas se faire au détriment d'un renforcement de l'expertise humaine et leur développement doit être assuré en interne, par les agents de l'État, pour garantir la souveraineté du contrôle fiscal.

La lutte contre l'évasion fiscale doit devenir une priorité nationale. Une telle injustice ne peut continuer à s'installer sans dommage pour la cohésion nationale. C'est pourquoi j'appelle le Gouvernement à changer radicalement de politique et à se donner les moyens de lutter contre ce fléau des temps modernes. Et il ne faut pas voir cela comme un coût, mais comme un investissement. Car donner les moyens au contrôle fiscal, c'est se garantir des rentrées abondantes dans les caisses de l'État.

 

 

 

 

 


   DonnÉes clés

Évolution des Crédits consacrés À la lutte
contre la fraude fiscale entrE 2023 et 2024

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme ou du PSR ou de l’action

2023 (LFI)

2024

P. 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

932,26

987,56

Action 1 Fiscalité des grandes entreprises

78,96

82,73

Action 2 Fiscalité des PME

563,31

608,00

Action 3 Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale

289,98

296,83

P. 302 Facilitation et sécurisation des échanges

335,99

377,57

Action 1 Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandise et lutte contre la grande fraude douanière

29,73

33,70

Action 3 Préservation de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen

40,65

44,50

Action 4 Promotion de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen

12,09

7,50

Action 5 Fiscalité douanière, énergétique et environnementale

8,45

11,34

Action 6 Soutien des services opérationnels

180,21

208,04

Action 8 Soutien au réseau des débitants de tabac

64,86

59,10

Action 9 Mobilisation des outils du renseignement au service des missions douanières

N/A

13,39

Total

1 268,25

1 365,14

Source : Document de politique transversale Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes

natures et de cotisations sociales annexé au PLF 2024.

 

Recensement fonctionnel des effectifs de la DGFiP 2013-2022

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Effectifs contrôle fiscal au 31/12/N

12 880

12 576

12 362

12 189

11 924

11 387

11 109

10 781

10 373

10 294

Taux de variation des effectifs du contrôle fiscal (par rapport à l’année précédente)

+ 6.44 %

– 2.36 %

– 1.70 %

– 1.40 %

– 2.17 %

– 4.50 %

– 2.44 %

– 2,95 %

– 3,78 %

– 0,77 %

Taux de variation des effectifs de la DGFiP

(par rapport à l’année précédente)

+ 6,31 %

– 1,90 %

– 1,50 %

+ 1,18 %

– 1,43 %

– 2,81 %

– 2,77 %

– 2,28 %

– 2,86 %

– 3,57 %

Source : Réponses au questionnaire budgétaire adressé par la rapporteure spéciale.

Évolution des résultats du contrôle fiscal depuis 2013 ([1])

(en milliards d’euros)

Source : Réponses au questionnaire budgétaire.

 

 

Évolution du nombre de contrôles sur place entre 2013 et 2018

Source : Cour des comptes, « La fraude aux prélèvements obligatoires », 2019.


   Propositions de la rapporteure spÉciale

Recommandations budgétaires

Recommandation n° 01 : En cohérence avec la recommandation n° 28, revenir sur les 200 suppressions de postes prévues cette année dans le champ du contrôle fiscal.

Recommandation  02 : Lancer un plan de recrutement de douaniers d’ici 2027. L’objectif doit être d’arriver au même nombre de douaniers par habitant que l’Allemagne.

Recommandation n° 03 : Poursuivre la montée en puissance des effectifs de TRACFIN afin d’atteindre une charge de travail inférieure à 20 déclarations de soupçons à traiter par mois et par agent.

Recommandation  04 : Lancer un plan décennal de formation et d’investissement afin que la DGDDI soit en mesure de créer et piloter les logiciels qu’elle utilise en interne.

Recommandation n° 05 : Prévoir un plan de renouvellement du matériel informatique dans les services de contrôle et les services d’enquêtes de la DGFiP en partant des besoins du terrain.

Recommandation n° 06 : Créer une base de données commune aux différents services de lutte contre les fraudes : SEJF, Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), Tracfin, DGFiP, Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), etc.

Recommandation n° 07 : Titulariser les contractuels du bureau de datamining et établir une stratégie de développement de ces compétences en interne dans un souci de souveraineté du contrôle fiscal.

Recommandations relatives à la lutte contre les principaux schémas de fraude

Recommandation n° 08 : Établir une grille de pourcentage des marges applicables aux transactions pour les prix de transfert les plus simples.

Recommandation n° 09 : Appliquer aux sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert.

Recommandation n° 10 : Ramener le montant plancher de l’amende pour défaut de présentation de cette documentation à 2 % du montant total des transactions concernées par les documents ou compléments non fournis à l’administration après mise en demeure (avec une amende minimale à 100 000 euros).

Recommandation n° 11 : Porter à 10 ans le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels et aménager en conséquence la nouvelle exception à la garantie de non renouvellement d’une vérification de comptabilité sur ce sujet.

Recommandation n° 12 : Créer un délai de X années de révision automatique des accords préalables en matière de prix de transfert (APP) permettant à l’administration de revoir les hypothèses de l’accord.

Recommandation n° 13 : Mettre en place un système de taxation unitaire.

Recommandation n° 14 : Instaurer une obligation de publication des informations clés sur les impôts que les multinationales payent et leurs activités (chiffre d’affaires, bénéfices, nombre d’employés…), pour chaque pays dans lequel elles opèrent.

Recommandation n° 15 : Voter une résolution parlementaire pour que la France s’engage en faveur d’un véritable impôt mondial sur les sociétés au taux de 25 % et sans qu’aucun mécanisme d’exemptation et d’exonération dans le calcul de l’assiette ne soit mis en œuvre.

Recommandation n° 16 : Voter une résolution parlementaire pour demander le maintien de l’accès public au registre des bénéficiaires effectifs partout dans l’Union européenne.

Recommandation n° 17 : Voter une résolution parlementaire pour que la France défende la création d’une taxe européenne à 2 % sur le patrimoine des milliardaires.

Recommandation n° 18 : Voter une résolution parlementaire demandant à mettre fin à l’unanimité pour les décisions fiscales au niveau de l’Union européenne.

Recommandation n° 19 : Établir en France une liste « grise » des paradis fiscaux pour les pays qui ne respectent que partiellement leurs obligations internationales. La présence sur cette liste doit s’accompagner de sanctions commerciales ou diplomatiques.

Recommandation n° 20 : Interdire aux particuliers comme aux entreprises l’ouverture de comptes et l’implantation de filiales dans les pays non-coopératifs.

Recommandation n° 21 : Doubler les effectifs de négociateurs de la DLF et renforcer les ressources matérielles de cette direction afin d’augmenter le rythme des renégociations des conventions fiscales internationales pour qu’elles intègrent au plus vite les dernières clauses permettant de lutter contre l’évasion fiscale.

Recommandation n° 22 : Obliger le Gouvernement à présenter chaque année, dans le cadre du PLF, une feuille de route en matière de renégociation de conventions fiscales internationales.

Recommandations du rapport sur le PLF 2023 réitérées dans le présent rapport avec une formulation nouvelle

Recommandation  23 (recommandation n° 5 du rapport sur le PLF 2023) : Revenir sur le transfert à la DGFiP de la gestion et du recouvrement des taxes dont la DGDDI avait jusqu’à présent la charge. À défaut, assurer la formation des agents de la DGFiP qui vont devoir contrôler les impôts auparavant gérés par les douanes dans le cadre de ce transfert, et lui garantir les moyens nécessaires pour faire face à la surcharge de travail.

Recommandation n° 24 (recommandation n° 16 du rapport sur le PLF 2023) : Créer une nouvelle grille salariale revalorisée pour les agents des services concernés, en parallèle d’une augmentation du point d’indice.

Recommandations du rapport sur le PLF 2023 réitérées sans modification

Recommandations réitérées dans le corps du rapport

Recommandation n° 25 (recommandation n° 7 du rapport sur le PLF 2023) : Enrichir le document de politique transversale Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales afin d’avoir une vision claire et exhaustive des moyens consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale.

Recommandation n° 26 (recommandation n° 8 du rapport sur le PLF 2023) : Créer une mission budgétaire consacrée aux crédits et aux effectifs relatifs à la lutte contre l’évasion fiscale

Recommandation n° 27 (recommandation n° 9 du rapport sur le PLF 2023) : Appliquer un moratoire sur les suppressions de poste dans le contrôle fiscal et planifier l’embauche de 4 000 agents d’ici à 2027.

Recommandation n° 28 (recommandation n° 11 du rapport sur le PLF 2023) : Pérenniser des agents sur leurs postes et titulariser des contractuels afin de ne pas perdre les qualifications et l’expertise à cause du turn over interne ou externe.

Recommandation n° 29 (recommandation n° 12 du rapport sur le PLF 2023) : Conduire une évaluation quantitative et qualitative des besoins humains de la BNRDF, du SEJF, de TRACFIN et du PNF.

Recommandation n° 30 (recommandation n° 10 du rapport sur le PLF 2023) : Instaurer une concertation avec les syndicats de la DGFiP sur le renforcement de la formation, notamment la formation initiale, des agents du contrôle fiscal.

Recommandation n° 31 (recommandation n° 14 du rapport sur le PLF 2023) : Évaluer les moyens et les besoins techniques de ces différents services dans la « course à l’armement » face aux fraudeurs et planifier des investissements nécessaires en fonction des résultats de cette évaluation.

Recommandation n° 32 (recommandation n° 15 du rapport sur le PLF 2023) : Créer un service d’expertise dédié à l’étude des schémas de fraude et d’optimisation agressive au sein de la DGFiP, afin d’informer les agents du contrôle fiscal sur les dernières innovations des fraudeurs et d’alimenter les paramètres du datamining et de l’IA.

Les autres recommandations formulées dans le rapport sur le PLF 2023 réitérées cette année, mais ne figurant pas dans le corps du présent rapport, se trouvent en annexe.

 

 

 


   Introduction

Créé au début de la XVIème législature sur proposition du président de la commission des Finances Éric Coquerel, ce nouveau rapport spécial thématique porte sur les crédits du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques consacrés au contrôle fiscal. Fortement interministérielle, la politique de lutte contre les comportements visant à éluder l’impôt dépasse cependant le cadre budgétaire de ce seul programme.

Comme chaque année, la rapporteure spéciale s’intéresse dans ce rapport à l’évolution des moyens financiers et humains affectés à la lutte contre la fraude fiscale. Les constats déjà fait l’année passée restent d’actualité : les moyens restent insuffisants. En dépit du « Plan Fraude » annoncé par le ministre des comptes publics, l’évolution des crédits ne compense pas l’inflation et les effectifs continuent de diminuer. L’utilisation de nouvelles technologies comme le datamining ne permet pas de remplacer l’humain ; et le déclin du nombre de contrôles sur place est symptomatique d’une politique publique insuffisamment dotée.

La « lutte contre l’évasion fiscale » recouvre un ensemble d’enjeux très divers. La rapporteure spéciale s’était l’an passé intéressée à la question de la définition du concept d’évasion fiscale ainsi qu’à l’évolution de la philosophie du contrôle fiscal voulue par le Gouvernement au travers de la « nouvelle relation de confiance » portée par la loi dite ESSOC ([2]) du 10 août 2018. À l’issue d’une analyse qui soulignait la primauté de l’accompagnement du fraudeur sur le contrôle répressif, ou encore la possibilité d’échapper à la condamnation pénale moyennant le paiement d’une amende grâce à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), la rapporteure spéciale formulait 34 recommandations pour réformer en profondeur la lutte contre l’évasion fiscale. Aucune de ces recommandations n’ayant été mise en œuvre, la rapporteure spéciale les réitère dans ce rapport.

La rapporteure spéciale s’est cette année plus particulièrement penchée sur la « dimension internationale » de l’évasion fiscale, tant s’agissant des schémas mis en œuvre par les contribuables (utilisation abusive des prix de transfert, implantation de société dans les paradis fiscaux etc.) que des outils à la disposition de la puissance publique (coopération entre administrations, conventions fiscales internationales etc.). À l’issue de ces travaux, la rapporteure spéciale formule 24 nouvelles recommandations. Elle réitère de plus la quasi-totalité des recommandations figurant dans le rapport spécial portant sur le PLF 2023 ([3]).

Plus généralement, les auditions conduites et les experts entendus par la rapporteure renforcent sa conviction que les règles fiscales ne sont aujourd’hui plus adaptées à la réalité économique, et que les adeptes de l’évasion fiscale sont insuffisamment sanctionnés. Une réforme d’ampleur, à travers la remise à plat des niches fiscales, la mise en œuvre d’une transparence des sociétés holdings, de la taxation unitaire ou encore d’un ISF rénové, ainsi qu’une justice effective en matière d’évasion fiscale sont aujourd’hui impératives pour retrouver une fiscalité juste et raviver le consentement à l’impôt.


  1.   Les moyens alloués à la lutte contre l’évasion fiscale : une présentation incomplète et un niveau insuffisant

A.   Les crédits budgétaires consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale

Aucun document budgétaire ne permet aujourd’hui aux parlementaires de disposer d’une vision claire et consolidée de l’ensemble des crédits alloués à la lutte contre l’évasion fiscale. Le document de politique transversale, dit « orange budgétaire » Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales, qui est prévu par le 21°du I de l’article 128 de la loi du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, a été créé par l’article 7 de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016. Il s’agissait à l’origine d’un document relatif à la « lutte contre l’évasion et la fraude fiscales », avant que son champ soit élargi aux cotisations sociales par la loi de finances pour 2019. Mais ce document qui est annexé chaque année au projet de loi de finances manque de précision.

Pour évaluer les crédits consacrés à cette politique transversale de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, le document de politique transversale fait figurer une partie des crédits des actions 1 Fiscalité des grandes entreprises, 2 Fiscalité des PME et 3 Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local de la mission Gestion des finances publiques, auxquels sont ajoutés une partie des crédits du programme 302, Surveillance douanières des flux de personnes et de marchandises et lutte contre la grande fraude douanière.


Évolution des Crédits consacrés À la lutte
contre la fraude fiscale entrE 2023 et 2024

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme ou du PSR ou de l’action

2023 (LFI)

2024

P. 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

932,26

987,56

Action 1 Fiscalité des grandes entreprises

78,96

82,73

Action 2 Fiscalité des PME

563,31

608,00

Action 3 Fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale

289,98

296,83

P. 302 Facilitation et sécurisation des échanges

335,99

377,57

Action 1 Surveillance douanière des flux de personnes et de marchandise et lutte contre la grande fraude douanière

29,73

33,70

Action 3 Préservation de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen

40,65

44,50

Action 4 Promotion de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen

12,09

7,50

Action 5 Fiscalité douanière, énergétique et environnementale

8,45

11,34

Action 6 Soutien des services opérationnels

180,21

208,04

Action 8 Soutien au réseau des débitants de tabac

64,86

59,10

Action 9 Mobilisation des outils du renseignement au service des missions douanières

N/A

13,39

Total

1 268,25

1 365,14

Source : Document de politique transversale Lutte contre l'évasion fiscale et la fraude en matière d'impositions de toutes

natures et de cotisations sociales annexé au PLF 2024.

Les sommes consacrées par le programme 156 à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales figurant dans le tableau ci-dessus comprennent les dépenses de personnel (titre 2) et autres que de personnel (hors-titre 2) liées directement à l’activité de contrôle fiscal.

Ainsi, le document de politique transversale est incomplet à deux titres :

– en premier lieu parce que la présentation des crédits des programmes manque de précision. L’explication des crédits du programme 156 figurant dans le DPT ([4]), par exemple, se borne à une présentation du programme 156, des grandes réformes conduites par la DGFiP ou de la modernisation de ses missions. Si ces informations sont bien sûr intéressantes, il n’en reste pas moins qu’elles ne permettent pas aux parlementaires et aux citoyens de comprendre le budget alloué à la lutte contre l’évasion fiscale. Le DPT devrait ainsi a minima présenter les différents acteurs et services financés par ces crédits (les différents services de la DGFiP et leur rôle précis, TRACFIN etc.) et la ventilation du budget entre eux ; la ventilation du budget entre les personnels ; le budget finançant les différentes réformes techniques et organisationnelles conduites etc. ;

– en deuxième lieu parce que les différents acteurs et services concourant à la lutte contre l’évasion fiscale sont parfois financés par certains programmes qui ne figurent pas dans le DPT. On peut citer par exemple :

● la cellule TRACFIN, qui reçoit des financements en provenance du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières ;

● la BNRDF, service de l’OCLCIFF, donc de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), qui dépend du programme 176 Police nationale de la mission Sécurités (sans que son budget soit précisé dans le projet annuel de performances de cette mission) ;

● le budget du Parquet national financier (PNF), qui est porté par le programme 166 Justice judiciaire de la mission Justice – le projet annuel de performances de la mission présentant là encore le budget général pour tout le parquet, sans spécifier les montants destinés au PNF.

Une présentation claire du budget alloué à la lutte contre l’évasion fiscale est un préalable indispensable à toute discussion sérieuse sur le sujet. De ce fait, la rapporteure spéciale recommande qu’a minima, le document de politique transversale soit enrichi afin de donner une vision claire et exhaustive des moyens mis en œuvre pour lutter contre l’évasion fiscale.

À cet effet, le document de politique transversale pourrait être utilement complété par une cartographie de l’ensemble des acteurs participant à la lutte contre l’évasion fiscale, leur rôle et les relations entre eux, le budget qui leur est alloué et le programme portant ce budget.

Recommandation  25 : Enrichir le document de politique transversale Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales afin d’avoir une vision claire et exhaustive des moyens consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale.

En tout état de cause, la rapporteure spéciale, anticipant le manque d’information en la matière dans les documents budgétaires, avait pris soin de demander lors de l’envoi de son questionnaire budgétaire du mois de juillet une présentation consolidée des dépenses budgétaires et des effectifs consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale, en précisant que cette présentation devrait agréger les dépenses et les effectifs portés par l’ensemble des programmes et des missions budgétaires qui concourent à la lutte contre l’évasion fiscale. La rapporteure spéciale regrette que la réponse apportée par l’administration se limite à l’évolution des effectifs de la DGFiP uniquement, sans qu’aucune explication ne soit apportée quant à l’absence des autres informations demandées.

Plus encore, afin de permettre aux parlementaires d’avoir un vrai moment de discussion consacré à la lutte contre l’évasion fiscale durant l’examen du budget, la rapporteure spéciale recommande la création d’une mission budgétaire Lutte contre l’évasion fiscale. Rappelons que la LOLF dispose qu’une mission budgétaire est créée à l’initiative du Gouvernement, peut être interministérielle, et regroupe un ensemble de programme concourant à une même politique publique (un programme, au sens de la LOLF, relevant d’un seul ministère et regroupant un ensemble cohérent d’actions).

Recommandation  26 : Créer une mission budgétaire consacrée aux crédits et aux effectifs relatifs à la lutte contre l’évasion fiscale.

B.   Les moyens humains et matériels alloués à la lutte contre l’évasion fiscale Restent insuffisants

En dépit des annonces faites dans le « Plan Fraude » présenté par le ministre délégué aux comptes publics au printemps 2023, les moyens alloués à la lutte contre l’évasion fiscale restent largement insuffisants.

1.   Une baisse alarmante des effectifs, notamment au sein de la DGFiP

a.   Des effectifs de la DGFiP insuffisants et en baisse

Ainsi que l’a rappelé la DGFiP à la rapporteure spéciale, les moyens et les effectifs s’analysent au niveau de l’entité administrative qu’est la DGFiP dans son ensemble. Il est dès lors complexe de décompter avec précision les effectifs consacrés à la lutte contre l’évasion fiscale, cette difficulté étant accentuée par le fait que certains agents ne consacrent qu’une quotité de leur temps de travail à cette thématique.

Depuis 20 ans, la DGFiP est l’administration qui connaît les plus importantes baisses d’effectifs. Selon les chiffres communiqués par la DGFiP à la rapporteure spéciale lors de son audition, les effectifs de la DGFiP s’élèveraient aujourd’hui à près de 97 000 (dont un peu plus de 91 000 effectifs réels payés) contre plus de 140 000 en 1999. Le directeur adjoint de la DGFiP a indiqué à la rapporteure spéciale qu’on observait depuis 2013 une « quasi-stabilité des moyens sur le contrôle fiscal » - et que la baisse des effectifs était davantage liée à la suppression de certains postes qui n’étaient pas consacrés à 100 % à cette question.

Un décompte opéré par la DGFiP permet cependant de constater la très forte baisse des effectifs consacrés au contrôle fiscal ces dernières années, qui s’est poursuivie en 2022 – une diminution en phase avec la baisse globale des effectifs de la DGFiP.

Recensement fonctionnel des effectifs de la DGFiP 2013-2022

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Effectifs contrôle fiscal au 31/12/N

12 880

12 576

12 362

12 189

11 924

11 387

11 109

10 781

10 373

10 294

Taux de variation des effectifs du contrôle fiscal (par rapport à l’année précédente)

+ 6.44 %

– 2.36 %

– 1.70 %

– 1.40 %

– 2.17 %

– 4.50 %

– 2.44 %

– 2,95 %

– 3,78 %

– 0,77 %

Taux de variation des effectifs de la DGFiP

(par rapport à l’année précédente)

+ 6,31 %

– 1,90 %

– 1,50 %

+ 1,18 %

– 1,43 %

– 2,81 %

– 2,77 %

– 2,28 %

– 2,86 %

– 3,57 %

 

Source : Réponses au questionnaire budgétaire adressé par la rapporteure spéciale.

Cette baisse d’effectifs peut se justifier en partie par certaines évolutions législatives : la mise en place du prélèvement à la source par exemple, ou encore la modification de la première tranche d’impôts sur le revenu, qui a fait sortir de nombreux contribuables du champ de cet impôt, ou encore la suppression de la taxe d’habitation.

La DGFiP donne également d’autres éléments d’explications, comme le recours croissant à l’intelligence artificielle ou la mise en place d’une logique d’accompagnement en amont des entreprises – des éléments qui ne convainquent cependant pas la rapporteure spéciale (cf. infra).

Cette baisse massive des effectifs consacrés au contrôle fiscal, en plus de constituer une diminution des forces vives luttant contre la fraude, complique sensiblement le travail des vérificateurs et des enquêteurs restants. Les différents syndicats des finances publiques avaient indiqué à la rapporteure spéciale qu’ils devaient désormais effectuer des missions qui étaient auparavant effectuées par d’autres. Dans les brigades départementales, par exemple, la suppression des effectifs d’appui (agents de catégorie C et D) conduit les enquêteurs à effectuer des tâches chronophages de secrétariat en plus de leur mission de contrôle fiscal. Les brigades dont les effectifs baissent ont ainsi de moins en moins de temps pour aller effectivement effectuer leur mission sur le terrain.

La Cour des comptes relevait ainsi dans son rapport de 2019 la très forte baisse des contrôles sur place. Les vérifications de comptabilité (c’est-à-dire le contrôle sur place des professionnels) ont baissé de 20 % entre 2013 et 2018 ; et le nombre de contrôle sur place des particuliers a baissé de 25 % sur la même période.

Évolution du nombre de contrôles sur place entre 2013 et 2018

Source : Cour des comptes, « La fraude aux prélèvements obligatoires », 2019.

Comme ont pu le rappeler les ONG Attac et OXFAM, la priorité doit aujourd’hui être donnée aux moyens humains – et non aux innovations technologiques comme le datamining.

À noter également que pour pallier cette baisse, les services de la DGFiP ont recours de manière accrue aux contractuels – peu souvent en matière de contrôle fiscal à proprement parler, mais régulièrement afin de conduire les opérations de datamining –, une situation qui pose, entre autres, un problème déontologique. Même s’ils sont bien sûr soumis à des obligations déontologiques, les agents contractuels ne sont pas soumis à un statut au même titre que les fonctionnaires – ce qui ne leur offre pas les mêmes garanties d’indépendance, ni ne les soumet aux mêmes sujétions ; et leur accès à des informations sensibles (informations de contentieux, ou de datamining) peut dès lors légitimement interroger.

Les agents sont de plus en plus soumis à des règles contreproductives, comme celle qui les oblige à changer de poste au bout de cinq ans ; alors même qu’une certaine durée en poste est nécessaire pour acquérir une vraie compétence spécialisée sur un sujet. Cette règle de mouvement concerne tous les vérificateurs et les enquêteurs. Les anciens agents, qui forment les nouveaux arrivants, sont ainsi obligés de partir. Cette situation est d’autant plus problématique que de nouveaux supports de fraude comme les crypto monnaies se développent, nécessitant une vraie compétence particulière ; ce que les jeunes recrues n’ont pas, ou peu.

Recommandation  28 : Pérenniser des agents sur leurs postes et titulariser des contractuels afin de ne pas perdre les qualifications et l’expertise à cause du turn over interne ou externe.

b.   Des annonces du plan fraude qui se révèlent largement insuffisantes

Le Gouvernement a annoncé en mai 2023 un plan de lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale. Ce plan a été décliné en 35 mesures, présentées en octobre 2023. Parmi elles, le Gouvernement annonce un « renforcement sans précédent des moyens » : 1 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires en faveur du contrôle fiscal et de la lutte contre la fraude fiscale d’ici 2027, soit une hausse de 15 % des effectifs à la fin du quinquennat. La répartition exacte de ces effectifs supplémentaires entre les différents services concourant à la lutte contre la fraude fiscale n’est pour l’instant pas connue.

Interrogée par la rapporteure spéciale, la DGFiP a indiqué qu’elle bénéficierait dès 2023 de 250 ETP supplémentaires. Or, il apparaît que les effectifs promis pour renforcer l’activité de contrôle fiscal et de lutte contre la fraude conduite par la DGFiP ne sont en réalité que des redéploiements effectués au sein de son réseau. Les effectifs annoncés ne sont donc pas des créations nettes d’emplois, ce que la rapporteure spéciale regrette.

Plus encore, le PLF pour 2024 prévoit, en parallèle de ce renforcement de 250 ETP, une suppression de 450 ETP au sein du programme 156. Autrement dit, alors que le Gouvernement annonçait la création en 2024 de 250 postes de plus pour le contrôle fiscal, le schéma d’emplois de la DGFiP prévu en PLF 2024 se traduit par une diminution de 200 ETP.

Recommandation  01 : En cohérence avec la recommandation n° 28, revenir sur les 200 suppressions de postes prévues cette année dans le champ du contrôle fiscal.

En tout état de cause, une augmentation, même nette, de 1 500 emplois est très insuffisante par rapport à ce qui serait nécessaire pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale. CFDT Finances publiques rappelait dans un article publié en mai 2023 que cela représentait une création de 400 postes par an alors que plus de 2 000 emplois ont été supprimés dans le contrôle fiscal ces dix dernières années ([5]).

La rapporteure spéciale réitère la recommandation faite l’année passée de mettre en place un moratoire sur les suppressions de poste dans le contrôle fiscal et de planifier l’embauche de 4 000 agents d’ici à 2027.

Recommandation  27 : Appliquer un moratoire sur les suppressions de poste dans le contrôle fiscal et planifier l’embauche de 4 000 agents d’ici à 2027.

c.   Les agents des douanes, acteurs essentiels de la lutte contre l’évasion fiscale, injustement et inutilement dépossédés de leur mission

La rapporteure spéciale a cette année auditionné la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et ses syndicats, acteurs essentiels de la lutte contre l’évasion fiscale.

Le Gouvernement a fait le choix de transférer la gestion et le recouvrement des principales taxes gérées par la DGDDI à la DGFiP, pour unifier le recouvrement au sein de cette dernière d’ici 2024. À ainsi par exemple été transféré le recouvrement de la TVA sur le pétrole en 2021, des trois taxes énergétiques portant sur l’électricité, le gaz et le charbon (TICFE, TICGN et TICC) en 2022, des amendes douanières en 2023 et cette année des accises sur les tabacs et les alcools et de la taxe sur la consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

Pour la rapporteure spéciale, cette réforme est un non-sens qui percute l’identité même des douaniers. Le gain d’efficacité souhaité en unifiant le recouvrement au sein de la DGFiP, jusitification de ces transferts, ne sera vraisemblablement pas au rendez-vous. En effet, la DGFiP ne pouvant effectuer le contrôle physique des marchandises, cette prérogative restera aux mains des douaniers. Autrement dit, là où un seul acteur, la DGDDI, intervenait jusqu’à maintenant sur toute la chaîne du contrôle jusqu’au recouvrement, ce sont désormais deux acteurs, la DGDDI et la DGFiP, qui devront se coordonner ; une complexification du processus qui nuira probablement à l’efficacité des opérations. Cette complexité affectera également les entreprises, qui auront désormais deux interlocuteurs au lieu d’un.

Pire encore, ce transfert risque de permettre à certains fraudeurs d’échapper au paiement de l’amende fiscale. Interrogés par la rapporteure spéciale, les syndicats des douanes ont donné l’exemple de la fraude à la TVA à la détaxe. Jusqu’alors, les douaniers qui, lors d’un contrôle de marchandises, constataient une fraude à la TVA, saisissaient la marchandise et faisaient payer immédiatement l’amende fiscale au fraudeur. Désormais, les douaniers seront dans l’obligation de transférer le dossier à la DGFiP qui devra ensuite l’instruire pour enfin demander le paiement de l’amende fiscale – un délai qui laissera le temps au fraudeur de quitter le territoire et de ne jamais s’acquitter de ladite amende.

Ce transfert de compétence de la DGDDI à la DGFiP, s’il ne se justifie pas sur le fond, est de surcroît très mal organisé. La DGFiP ne bénéficie pas pour ces missions d’effectifs supplémentaires. Ses agents, qui n’étaient pas demandeurs pour gérer ces nouvelles taxes, n’ont pas reçu de formation en amont. Les outils informatiques n’étaient également pas prêts.

La rapporteure spéciale réaffirme la nécessité de revenir sur ce transfert de missions et de redonner aux douanes l’entièreté de ses prérogatives. À défaut, il est impératif de donner aux agents de la DGFiP les moyens d’accomplir correctement leurs nouvelles missions.

Recommandation  23 : Revenir sur le transfert à la DGFiP de la gestion et du recouvrement des taxes dont la DGDDI avait jusqu’à présent la charge. À défaut, assurer la formation des agents de la DGFiP qui vont devoir contrôler les impôts auparavant gérés par les douanes dans le cadre de ce transfert, et lui garantir les moyens nécessaires pour faire face à la surcharge de travail.

En tout état de cause, le rôle essentiel que joue la DGDDI invite à en faire une administration disposant d’effectifs suffisants pour accomplir ses missions. Alors que la France a 3,9 fois plus de kilomètres de frontières que l’Allemagne, et 29 fois plus de surface terrestre et maritime, elle ne dispose que de 17 000 douaniers, contre 48 000 douaniers allemands, soit 2,3 fois moins de douaniers par habitant. Il faudrait doubler le nombre de douaniers et donc procéder à 17 000 embauches pour rattraper cet écart selon les organisations syndicales de la DGDDI. La police des marchandises n’est tout simplement plus assurée sur l’ensemble du territoire. Les produits importés de manière illégale (alcool, tabac…) se répandent en toute impunité, notamment dans les zones frontalières. Le préjudice financier pour l’État est immense.

Les douaniers utilisent par ailleurs de nombreux logiciels qui ne sont pas développés en interne. Ils se retrouvent ainsi avec des applications qui ne sont pas toujours compatibles entre elles, ce qui oblige à un long travail de saisie dans chaque application. C’est chronophage et usant pour les agents et cela rend leur travail moins efficace. De plus, l’utilisation de logiciels développés par des entreprises privées pose la question de la souveraineté de l’administration.

La rapporteure spéciale recommande ainsi de lancer un grand plan de recrutement, de formation et d’investissement pour donner à la DGDDI les moyens d’accomplir l’intégralité de ses missions.

Recommandation  02 : Lancer un plan de recrutement de douaniers d’ici 2027. L’objectif doit être d’arriver au même nombre de douaniers par habitant que l’Allemagne.

Recommandation  04 : Lancer un plan décennal de formation et d’investissement afin que la DGDDI soit en mesure de créer et piloter les logiciels qu’elle utilise en interne.

d.   L’insuffisance de personnel dans les autres services chargés de la lutte contre l’évasion fiscale

Outre les services de la DGFiP, les autres organes qui participent à la lutte contre l’évasion fiscale manquent d’effectifs. La rapporteure avait eu l’occasion d’en dresser un panorama dans son rapport l’année passée. Les évolutions proposées dans ce PLF pour 2024 ne répondent pas aux besoins.

Le SEJF, dont l’allocation de moyens généraux dépend de la DGDDI ([6]), avait indiqué avoir besoin de 16 ETP supplémentaires pour passer de 34 à 50 enquêteurs. Dans le cadre du Plan fraude, le Gouvernement a annoncé 40 ETP supplémentaires pour le SEJF. Cependant, cette augmentation s’accompagne de la transformation du SEJF en office national de lutte anti-fraude (ONAF). Ce repositionnement s’appuie sur les résultats très positifs du service créé en 2019, qui allie la technicité des praticiens de l’administration et les pouvoirs d’investigation de la police judiciaire. L’ONAF sera l’interlocuteur de référence pour toutes les infractions portant atteinte aux finances publiques, et aura la possibilité de se saisir d’office d’une enquête dans toutes ses matières d’attribution autres que la matière douanière ou fiscale. Cette transformation s’accompagnera vraisemblablement de nouvelles missions. La rapporteure spéciale sera vigilante à ce qu’une évaluation des besoins en effectifs résultant de cette transformation soit conduite.

Avec près de 200 agents seulement, la cellule TRACFIN ne dispose pas aujourd’hui d’un nombre d’ETP suffisants pour faire faire face à la hausse des déclarations de soupçon (+ 43 % depuis 2020) et des demandes des administrations partenaires. Le plafond d’emplois prévu dans ce PLF 2024 n’est que de 209 ETPT ; et la trajectoire haussière de 10 % d’ETP promise durant le quinquennat 2022‑2027 apparaît très insuffisante. Un agent de TRACFIN traite ainsi, en moyenne, 50 déclarations de soupçons par mois, ce qui nuit à la qualité des enquêtes. Il est donc proposé de mettre en œuvre un plan de recrutement pour atteindre un ratio de 20 déclarations de soupçons à traiter par mois et par agent.

Recommandation  03 : Poursuivre la montée en puissance des effectifs de TRACFIN afin d’atteindre une charge de travail inférieure à 20 déclarations de soupçons à traiter par mois et par agent.

Il est donc impératif d’évaluer correctement les besoins humains, tant quantitatifs que qualitatifs, de ces services spécialisés qui jouent un rôle crucial dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Recommandation  29 : Conduire une évaluation quantitative et qualitative des besoins humains de la BNRDF, du SEJF, de TRACFIN et du PNF.

2.   L’enjeu des effectifs se double d’enjeux matériel et d’attractivité

a.   La nécessité de moderniser les moyens matériels et techniques

Afin de mener à bien leurs missions, les équipes doivent disposer, en plus d’effectifs suffisants, de moyens techniques à la hauteur. La rapporteure spéciale formule plusieurs recommandations en matière de formation des agents, de modernisation des matériels informatiques ainsi que de mise en place d’outils communs aux différents services de lutte contre les fraudes pour permettre une meilleure circulation de l’information.

Recommandation  05 : Prévoir un plan de renouvellement du matériel informatique dans les services de contrôle et les services d’enquêtes en partant des besoins du terrain.

Recommandation ° 06 : Créer une base de données commune aux différents services de lutte contre les fraudes : SEJF, Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), Tracfin, DGFiP, Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), etc.

Recommandation  30 : Instaurer une concertation avec les syndicats de la DGFiP sur le renforcement de la formation, notamment la formation initiale, des agents du contrôle fiscal.

Recommandation  31 : Évaluer les moyens et les besoins techniques de ces différents services dans la « course à l’armement » face aux fraudeurs et planifier des investissements nécessaires en fonction des résultats cette évaluation.

b.   Un enjeu d’attractivité du fait de la concurrence avec le secteur privé

Le service public de la lutte contre l’évasion fiscale fait face à une forte concurrence du secteur privé ; les profils qu’il cherche à recruter étant également la cible d’entreprises privées, notamment les banques et les cabinets d’avocat, qui sont en mesure d’offrir une rémunération bien plus importante, notamment à partir d’un certain niveau d’ancienneté. Cette situation pénalise notamment les services spécialisés, comme TRACFIN.

La rapporteure spéciale souligne dès lors la nécessité de réfléchir à une évolution des modalités de rémunération des agents qui travaillent dans ces services.

Recommandation  24 : Créer une nouvelle grille salariale revalorisée pour les agents des services concernés en parallaèle d’une augmentation du point d’indice.

C.   Une insuffisance de moyens qui se manifeste À travers Des résultats du contrôle fiscal en baisse sur le long terme

Les résultats du contrôle fiscal accusent une nette baisse depuis 10 ans, en dépit du rebond observé en 2021. Si les faibles chiffres de l’année 2020 peuvent s’expliquer par la crise sanitaire que traversait alors le pays, les droits notifiés ont connu une baisse continue entre 2015 et 2019, passant de 21,2 milliards à 13,9 milliards d’euros.

Les résultats sont également très mitigés s’agissant des sommes effectivement recouvrées, que l’utilisation de nouvelles technologies n’a pas fait croître significativement. 10,7 milliards d’euros ont ainsi été encaissés en 2021 contre 12,2 milliards d’euros en 2013.

Évolution des résultats du contrôle fiscal depuis 2013 ([7])

(en milliards d’euros)

Source : Réponses au questionnaire budgétaire.

D.   Le recours accru à l’intelligence artificielle ne saurait remplacer les effectifs humains

La DGFiP s’est dotée en 2014 d’une cellule de datamining destinée au ciblage et à la valorisation des enquêtes. L’intelligence artificielle (IA) et le datamining sont présentés par la DGFiP comme un réel progrès, permettant de mieux repérer les situations frauduleuses, et, par conséquent, de réaliser des gains de productivité.

L’indicateur 1.1 « Efficacité de la lutte contre la fraude fiscale » du programme 156 figurant dans le projet annuel de performances fait ainsi apparaître une ligne « Part des contrôles ciblés par intelligence artificielle et datamining », avec une cible de 50 % en 2024 – un niveau qui doit rester constant jusqu’en 2026.

Cependant, si l’utilisation des nouvelles technologies au service de la lutte contre l’évasion fiscale est dans l’absolu une bonne chose, elle ne peut constituer une fin en soi. L’utilisation de l’IA en elle-même n’a pas grande signification ; elle doit être mise au regard des résultats obtenus. Or, ces derniers ne sont pas particulièrement bons.

Dans son rapport de 2019, la Cour des comptes relève ainsi que la stratégie de diversification des moyens d’action opérée par la DGFiP « aurait dû se traduire par un meilleur ciblage des contrôles et une réduction du nombre d’affaires à faible rendement et d’affaires conformes » ([8]). La Cour note cependant qu’un résultat inverse a été enregistré, « puisque la baisse du nombre de contrôles sur place s’est accompagnée d’une hausse du nombre d’affaires à faible rendement et d’affaires conformes. »

Évolution du nombre d’affaires à faible rendement
et d’affaires conformes entre 2016 et 2018

 

2016

2017

2018

Nombre d’affaires à faible rendement

12 381

12 392

12 959

Taux d’affaires à faible rendement

25,4 %

25,9 %

26,8 %

Nombre d’affaires conformes

7 128

7 409

8 048

Taux d’affaires conformes

14,6 %

15,5 %

16,6 %

Source : Cour des comptes, « La fraude aux prélèvements obligatoires », 2019.

L’IA est un outil intéressant et prometteur pour lutter contre l’évasion fiscale. La rapporteure spéciale recommande de poursuivre les investissements pour le rendre plus performant. Afin de l’utiliser pleinement, la rapporteure réitère sa recommandation formulée l’année précédente consistant à créer un service spécifique à l’étude des schémas de fraude et d’optimisation agressive au sein de la DGFiP, afin d’alimenter en données cet outil.

Recommandation  32 : Créer un service d’expertise dédié à l’étude des schémas de fraude et d’optimisation agressive au sein de la DGFiP qui informerait les agents du contrôle fiscal sur les dernières innovations des fraudeurs et alimenterait les paramètres du datamining et de l’IA.

Cela étant dit, la rapporteure spéciale souligne que cette technologie ne remplacera pas un cerveau humain, une confrontation de déclarations spontanées d’une entreprise avec la réalité sur le terrain. Anticiper des suppressions d’emplois du fait de cet outil apparaît risqué. Si poursuivre l’investissement dans cette technologie est souhaitable, la rapporteure spéciale affirme qu’elle n’est pas une raison suffisante pour poursuivre la réduction des personnels du contrôle fiscal.

Un enjeu de souveraineté se pose par ailleurs s’agissant du datamining. Il est heureux que le contrôle fiscal soit assuré, dans l’immense majorité des cas, par des fonctionnaires titulaires soumis à une déontologie forte et à des règles strictes. Cependant, la montée en puissance des nouvelles technologies comme le datamining se fait en recourant régulièrement à des contractuels par manque de compétences en interne. Cela fait courir un risque de fiabilité à long terme de ces nouveaux outils. Les contractuels qui les ont développés pourraient en effet être approchés à l’avenir par des entreprises qui donneraient cher pour connaître les paramètres de ces outils. Il est urgent d’inverser cette tendance et de développer les compétences nécessaires dans les corps de l’état afin de garantir la souveraineté des nouveaux outils de contrôle fiscal.

Recommandation  07 : Titulariser les contractuels du bureau de datamining et établir une stratégie de développement de ces compétences en interne dans un souci de souveraineté du contrôle fiscal.

II.   Les schémas d’évasion fiscale fréquemment rencontrés rendent nÉcessaire le renforcement de notre arsenal juridique

A.   Les principaux schémas d’évasion fiscale

De nombreux schémas d’évasion fiscale impliquent un élément d’extranéité au sein de groupes multinationaux – une situation vérifiée dès lors qu’une société française est en relation commerciale ou financière avec une autre société du même groupe établie à l’étranger et donc soumise au droit (notamment fiscal) applicable dans son pays. À la demande de la rapporteure spéciale, la DGFiP a recensé les principaux schémas d’évasion fiscale comprenant un élément d’extranéité que ses services étaient amenés à combattre. La rapporteure spéciale tient à saluer la précision des réponses apportées par la DGFiP en la matière.

Au sens large, en 2022, les services de contrôle fiscal (à l’exclusion des contrôles des services de gestion) ont appliqué au moins un redressement se fondant sur un élément d’extranéité dans 10 665 dossiers ([9]). La totalité des droits nets et pénalités de ces dossiers dont au moins un motif de redressement repose sur un élément d’extranéité s’élève à 4,2 milliards d’euros.

1.   Les principaux schémas auxquels ont recours les particuliers

Pour les particuliers, les principaux schémas impliquent l’utilisation de trusts ou de fondations.

Le trust est une technique contractuelle très ancienne couramment utilisée en droit anglo-saxon, qui repose sur une dissociation du droit de propriété qui n’existe pas en droit civil français. En pratique, le constituant du trust y place des biens qui sont administrés par un administrateur, le trustee, dans l’intérêt de bénéficiaires. Les trusts peuvent être utilisés pour dissimuler la détention d’un patrimoine, éluder la taxation des revenus ou des gains générés par les biens placés dans le trust, transmettre ces avoirs sans les soumettre aux droits de donation ou de succession.

À compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2011-900, le 31 juillet 2011, des dispositions du code général des impôts permettent d’imposer les transmissions à titre gratuit qui s’opèrent grâce à des trusts ou des entités similaires (fondation de famille…), de soumettre à l’impôt sur la fortune immobilière les avoirs placés dans un trust. Des obligations déclaratives ont été créées afin que l’administration puisse contrôler le respect de ces dispositions. Dans ce cadre, les contrôles effectués par l’administration fiscale sont complexes en raison du manque de coopération de certains États, des difficultés rencontrées pour identifier les personnes physiques ayant constitué à l’origine les trusts ou placé les avoirs en trust, ainsi que les bénéficiaires desdits avoirs, et également d’une jurisprudence limitant les effets de la loi de juillet 2011 sur les trusts.

Les schémas mis en place dans le cadre de trusts concernent souvent plusieurs juridictions

– au minimum deux juridictions : le trust et l’administrateur du trust sont résidents d’un pays A n’ayant, souvent, pas conclu de convention d’assistance au recouvrement international, et les constituants / bénéficiaires sont résidents d’un pays B ;

– voire quatre juridictions : le trust est résident d’un pays A, l’administrateur d’un pays B, les avoirs détenus par le trust sont situés dans un pays C et les constituants/bénéficiaires d’un pays D.

En outre, il est constaté des opérations de restructuration de trusts au terme desquelles des avoirs détenus dans un trust A, dont le constituant initial est décédé, sont transférés dans un trust B, opacifiant ainsi l’identification du constituant du trust B au sens de l’article 792-0 bis du CGI.

Les particuliers recourent également à la domiciliation fictive. Des contribuables personnes physiques sont faussement domiciliés à l’étranger alors qu’ils résident en fait en France. Cette domiciliation fictive a pour but d’éluder l’impôt en France et de bénéficier de taux d’imposition moins élevés à l’étranger. Elle permet également d’éluder les droits de succession en France lors du décès du contribuable.

Enfin, les particuliers détiennent des biens immobiliers au travers de sociétés situées à l’étranger. Afin de dissimuler à l’administration française la détention de biens immobiliers situés en France et imposables à l’impôt sur la fortune immobilière, des contribuables, résidents de France ou hors de France, détiennent lesdits biens au travers d’une chaîne de détention de sociétés situées à l’étranger, à savoir majoritairement au Luxembourg ou à Monaco. Cette détention associée à un financement des biens immobiliers par compte courant d’associés, inscrits au passif des bilans des différentes sociétés, permet également au contribuable de valoriser son patrimoine immobilier en deçà du seuil d’assujettissement à l’impôt sur la fortune immobilière (1 300 000 euros).

2.   Les principaux schémas auxquels ont recours les professionnels

S’agissant des professionnels, cinq schémas sont fréquemment rencontrés par les services de la DGFiP 

a.   Les prix de transfert

L’un des schémas d’évasion les plus utilisés repose sur les transferts de bénéfices, définis à l’article 57 du CGI, au moyen des « prix de transfert ». Ces transferts peuvent constituer des schémas d’évasion fiscale lorsqu’ils reposent sur des stratégies visant à diminuer délibérément la base imposable en France en la transférant vers des entités étrangères du même groupe, où ils seront peu, voire pas du tout, imposés.

Article 57 du CGI

« Pour l’établissement de l’impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d’entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l’égard des entreprises qui sont sous la dépendance d’une entreprise ou d’un groupe possédant également le contrôle d’entreprises situées hors de France.

« La condition de dépendance ou de contrôle n’est pas exigée lorsque le transfert s’effectue avec des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l’article 238 A ou établies ou constituées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A.

« En cas de défaut de réponse à la demande faite en application de l’article L. 13 B du livre des procédures fiscales ou en cas d’absence de production ou de production partielle de la documentation mentionnée au III de l’article L. 13 AA et à l’article L. 13 AB du même livre, les bases d’imposition concernées par la demande sont évaluées par l’administration à partir des éléments dont elle dispose et en suivant la procédure contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 du même livre.

« À défaut d’éléments précis pour opérer les rectifications prévues aux premier, deuxième et troisième alinéas, les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement. »

Les schémas mis en place par les groupes multinationaux dans le cadre de la fixation de leur politique de prix de transfert concernent :

– la problématique de la gestion des actifs incorporels au sein des groupes internationaux, notamment les cessions d’actifs incorporels à prix minoré à des sociétés étrangères, le niveau du taux facturé au titre de redevances liées à la concession de marques ou de technologie, voire l’absence de redevance de marque facturée par des groupes français à leurs filiales étrangères ;

‑ la sous-rémunération des filiales françaises de groupes étrangers ou a contrario la sur-rémunération de filiales étrangères de groupes français, eu égard aux fonctions et risques assumés au sein du groupe par les sociétés françaises concernées ;

‑ la prise en charge à tort de coûts par l’entreprise française d’un groupe (notamment les frais engagés dans le cadre de restructurations intragroupe) ou l’absence ou l’insuffisance de facturation des prestations de services rendues par une société française à ses filiales étrangères (management fees, garantie ou caution accordées sans rémunération) ;

‑ la sur-rémunération de leurs centrales d’achat implantées à l’étranger, notamment en Asie (Hong-Kong, Singapour), par des groupes français.

L’article 57 du CGI, demeure le dispositif le plus pertinent, et par conséquent le plus utilisé dans le cadre du contrôle de ces transactions. En 2022, ce dispositif a été utilisé à 403 reprises (385 en 2021 et 203 en 2020) pour un total de 3,39 milliards d’euros récupérés, contre 2,86 milliards d’euros en 2021 et 1,2 milliard d’euros en 2020.

Le recours à l’article 57 du CGI comme fondement
DU contrôle de transactions

 

2020

2021

2022

Variation 2021/2022

Rehaussements (en base) en millions d’euros

1 212

2 857

3 387

+ 19 %

Points d'impact

203

385

403

+ 5 %

Source : Réponses au questionnaire budgétaire.

Le montant des rehaussements issus de la mise en œuvre de ces dispositions représente à lui seul 58 % du montant global des rectifications en base de l’année 2022. Le montant moyen des rehaussements par dossier avoisine 8,5 millions d’euros (contre 7,4 millions d’euros en 2021). Plusieurs affaires exceptionnelles se distinguent en termes des résultats financiers au titre de l’article 57 : 6 dossiers représentent chacun plus de 150 millions d’euros de rectifications en base, soit 58 % du montant total des rehaussements effectués, 24 dépassent 20 millions d’euros de rectifications en base par dossier, représentant plus de 79 % du montant total des rehaussements pour ce motif. À l’opposé, 234 affaires (soit près de 58 % du nombre de rectifications effectuées) ont donné lieu à des rehaussements inférieurs à 1 million d’euros en base par affaire.

S’agissant plus spécifiquement des rectifications concernant les transferts de bénéfices à destination des États ou juridictions offrant un régime fiscal privilégié, 49 affaires représentent un montant total de rehaussements en base de 787 millions d’euros (contre 43 affaires pour 774 millions d’euros en 2021). Les principales juridictions impliquées sont la Suisse, le Luxembourg, Hong-Kong, les USA, et également l’Irlande et Singapour.

Des négociations sont en cours au sein de l’OCDE afin de mettre en place une grille de pourcentage de marge applicable aux transactions les plus simples. Cette évolution permettrait aux administrations de se prononcer plus rapidement sur les opérations contrôlées – et offrira par la même occasion une sécurité juridique accrue aux entreprises. La rapporteure spéciale encourage vivement cette évolution et incite le Gouvernement à prendre les devants en établissant d’ores et déjà une telle grille au niveau national.

Recommandation n° 08 : Établir une grille de pourcentage des marges applicables aux transactions pour les prix de transfert les plus simples.

La documentation relative aux prix de transfert, encadrée par les articles L. 13 AA et L. 13 AB du livre des procédures fiscales (LPF), constitue un élément fondamental du contrôle des opérations transfrontalières au sein des groupes multinationaux. En l’état du droit, une entreprise est tenue d’établir cette documentation dès lors que son chiffre d’affaire dépasse 400 millions d’euros ([10]). Le chef du service du contrôle fiscal a confirmé à la rapporteure durant son audition que dès lors qu’un contrôle fiscal était organisé, l’existence d’une documentation de prix de transfert était déterminante pour le bon déroulement du travail des contrôleurs.

Le projet de loi de finances pour 2024 propose dans son article 22 des évolutions en matière de documentation relative aux prix de transfert qui vont dans le bon sens et que la rapporteure salue. Le texte présenté par le Gouvernement propose en effet d’abaisser le seuil de déclenchement de l’obligation d’établir une documentation de la politique de prix de transfert à 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, de porter de 10 000 euros à 50 000 euros le montant minimum de l’amende en cas de non présentation de ladite documentation, et d’étendre à six ans le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels.

Si la rapporteure spéciale salue cette évolution, elle juge cependant que le texte proposé par le Gouvernement reste au milieu du gué. Afin de faciliter l’action des équipes du contrôle fiscal et de lutter résolument contre la manipulation des prix de transfert, la rapporteure spéciale recommande d’abaisser le seuil de déclenchement de l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert aux sociétés ayant au moins 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, d’augmenter sensiblement le montant minimum de l’amende, afin de la rendre dissuasive, et d’allonger à dix ans le délai de reprise dont dispose l’administration – un tel délai devant permettre une évaluation optimale des actifs concernés.

Recommandation n° 09 : Appliquer aux sociétés dont le chiffre d’affaires dépasse 50 millions d’euros l’obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert .

Recommandation n° 10 : Ramener le montant plancher de l’amende pour défaut de présentation de cette documentation à 2 % du montant total des transactions concernées par les documents ou compléments non fournis à l’administration après mise en demeure (avec une amende minimale 100 000 euros).

Recommandation n° 11 : Porter à 10 ans le délai de reprise dont dispose l’administration pour les transferts d’actifs incorporels et aménager en conséquence la nouvelle exception à la garantie de non renouvellement d’une vérification de comptabilité sur ce sujet.

Afin de sécuriser leurs pratiques en matière de prix de transfert, les entreprises peuvent solliciter la procédure de l’accord préalable en matière de prix de transfert (APP), qui leur permet de conclure avec l’administration fiscale un accord préalable sur la méthode de valorisation des prix de transferts futurs.

Evolution du nombre d’APP signés depuis 2020

 

2020

2021

2022

Nombre d'APP signés

8

16

14

Source : Réponse aux questionnaires budgétaires.

La démarche suppose une coopération entre l’entreprise et l’administration. L’étude de la méthode et des transactions soumises à l’examen de l’administration fait l’objet de discussions et de réunions techniques entre les parties afin de permettre au contribuable de présenter les documents nécessaires à l’expertise des transactions concernées et de justifier la méthode qu’il entend retenir.

En cas de contrôle fiscal portant sur les exercices couverts par l’APP, les investigations du vérificateur ne peuvent conduire à remettre en cause les termes de cet accord. En revanche, le service peut vérifier la sincérité des faits présentés par le contribuable au cours de la procédure d’instruction, ainsi que le respect des obligations mises à sa charge dans le cadre de l’accord, de même que l’état des hypothèses fondant l’accord ou déclenchant son éventuelle révision. En 2022, 31 nouvelles demandes d’APP ont été enregistrées, 14 APP ont été signés et le délai moyen de conclusion des accords conclus s’établit à 41 mois.

Si la rapporteure spéciale comprend qu’une entreprise ayant recours à un APP le fasse dans un souci de sécurité juridique, elle juge cependant excessive l’impossibilité générale de remettre en cause cet APP. Dans le cas des actifs incorporels difficiles à valoriser (hard to value intangibles, HTVI), il est en effet difficile de juger des hypothèses de valorisation a priori. Dès lors, l’administration doit pouvoir demander la révision de ces hypothèses pendant une certaine durée après la conclusion de l’accord, afin de s’assurer que l’APP n’a pas servi à sécuriser des transactions illégitimes.

Recommandation n° 12 : Créer un délai de X années de révision automatique des accords préalables en matière de prix de transfert (APP) permettant à l’administration de revoir les hypothèses de l’accord.

*

*     *

Si la rapporteure spéciale a formulé, dans un esprit constructif, un ensemble de recommandations pouvant être rapidement mises en œuvre pour renforcer le cadre normatif existant, elle considère cependant que ce cadre normatif n’est pas adapté à la réalité des pratiques de prix de transfert. Aussi, elle appelle à un changement de paradigme en mettant en place la taxation unitaire, proposée par Gabriel Zucman ([11]). Cette modalité de taxation permettrait en effet de supprimer le bénéfice tiré de la manipulation des prix de transfert.

La taxation unitaire

La taxation des entreprises multinationales repose encore aujourd’hui sur des principes datant du début du 20e siècle, inadaptés aux mutations financières et technologiques récentes. Défendue par de nombreuses organisations et universitaires experts en fiscalité, la taxation unitaire considère chaque entreprise multinationale, non pas comme une somme d’entités juridiques séparées et n’ayant aucun lien entre elles (les filiales), mais comme une entité unique et cohérente, d’où l’expression de « taxation unitaire ». La taxation unitaire consiste à taxer le bénéfice global des entreprises multinationales, en considérant celles-ci comme une entité unique, puis dans une seconde étape, à répartir ce bénéfice dans les pays où ces entreprises réalisent effectivement leur activité (en fonction des ventes et des quantités de travail et de capital utilisées dans chaque pays), afin de déterminer le montant d’impôt sur les sociétés à payer dans chaque pays.

Source : Attac France, La taxation unitaire pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales, juillet 2019

Elle peut être mise en place à l’échelle d’un pays. C’est donc une question de volonté politique. Toutes les recommandations suivantes ne sont donc que des expédients en attendant qu’une telle volonté politique s’exprime aux plus hauts sommets de l’État.

Recommandation  13 : Mettre en place un système de taxation unitaire.

b.   Les autres schémas

Les professionnels contournent les règles de territorialité prévues à l’article 209-I du CGI. L’article 209-I du CGI détermine les règles de territorialité de l’impôt sur les sociétés. C’est sur ce fondement que sont imposés les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, et dans le respect des conventions fiscales, les entreprises étrangères qui disposent sur le territoire français d’un siège de direction effective ou d’un établissement stable.

Autrement dit, les entreprises qui le contournent exercent une activité occulte en France. L’administration rencontre régulièrement le cas de sociétés de droit étranger – bénéficiant généralement dans cet autre État d’un régime fiscal privilégié – se présentant comme résidentes de cet État étranger mais pour lesquelles il peut être démontré qu’elles disposent en fait de leur siège de direction effective en France. Dans d’autres cas, la société étrangère exerce une activité occulte en France par l’intermédiaire d’un établissement stable (volontairement non déclaré).

Le recours à l’article 209-I du CGI comme fondement
du contrôle de transactions

Détermination bénéfice imposable – Territorialité

2020

2021

2022

Variation 2021/2022

Rehaussements (en base) en millions d’euros

319

250

244

– 2,4 %

Points d'impact

79

164

167

1,8 %

Source : Réponse aux questionnaires budgétaires.

En 2022, ce dispositif a été mis en œuvre à 167 reprises (164 en 2021, 79 en 2020) pour un montant total de rectifications de 244 millions d’euros (250 millions d’euros en 2021, 319 millions d’euros en 2020).

Les professionnels recourent également à des schémas de financement intra-groupe. Ces schémas consistent pour une société française à emprunter auprès d’une autre société du groupe située à l’étranger :

‑ avec un taux de rémunération anormalement élevé, permettant ainsi de localiser des charges financières plus élevées en France ;

‑ ou sans que les produits financiers soient imposés dans la structure étrangère prêteuse (dispositifs hybrides : déduction sans taxation corrélative à l’étranger) ou alors à un taux d’imposition moins élevé qu’en France.

Les professionnels évitent également l’impôt au moyen d’entités interposées. Les schémas d’arbitrage sur dividendes dit « CumCum » dans lesquels une entité, souvent un établissement financier, résidente de France (« CumCum internes »), encaisse des revenus distribués et évite à des actionnaires non-résidents de supporter la retenue à la source (et partage avec eux le gain fiscal correspondant) en sont une illustration. Les établissements financiers considèrent qu’aucune retenue à la source n’est due et contestent notamment la doctrine administrative portant sur ce type de schémas. D’autres schémas, reposant sur le mécanisme du « treaty shopping » (interposition d’une structure étrangère pour bénéficier d’un avantage conventionnel), permettent d’éviter ou de réduire la retenue à la source sur des redevances ou dividendes. Dans ces schémas, le récipiendaire direct du revenu n’en est pas le bénéficiaire effectif.

Enfin, l’administration fiscale rencontre fréquemment des schémas de fraude à la TVA. Les pratiques de fraude à la TVA en réseau de type « carrousel » sont toujours régulièrement rencontrées. Elles affectent une grande variété de secteurs d’activité avec toutefois une prédilection pour le secteur de la téléphonie et l’informatique, compte tenu de la valeur des marchandises.

Le développement du commerce en ligne a vu se multiplier les vendeurs, au sein de l’Union européenne ou au-delà de ses frontières, ne respectant pas les règles de la TVA applicables aux ventes à distance, ce qui a conduit à de récentes modifications législatives. En effet, plusieurs régimes d’importation (en particulier le régime douanier 42 et le régime IOSS) permettent l’introduction au sein de l’UE de biens sans paiement de la TVA à l’importation. Ces régimes font l’objet d'abus conduisant à ne pas payer la TVA due au moment de la vente des biens aux consommateurs finaux, par le biais de sites de commerce en ligne.

B.   Des outils et un cadre juridique À renforcer

1.   La DGFiP peut s’appuyer sur un vaste réseau d’accords d’assistance administrative en matière fiscale

Forte d’un vaste réseau d’accords d’assistance administrative en matière fiscale (conventions de non-double imposition, accords d’échanges de renseignements, convention mutuelle multilatérale, directives), la DGFiP est juridiquement en mesure de procéder à des échanges de renseignements fiscaux avec la très grande majorité des juridictions étrangères, dont celles réputées les plus opaques.

Cette coopération peut prendre plusieurs formes :

‑ l’échange sur demande de renseignements fiscaux : c’est là la forme la plus classique de coopération fiscale. Les services de vérification de la DGFiP effectuent des enquêtes et contrôles et peuvent formuler, lorsque c’est nécessaire, des demandes d’assistance administrative internationale ;

‑ l’échange spontané de renseignements fiscaux : à l’inverse de l’échange sur demande, l’échange spontané vise pour la DGFiP à signaler à une juridiction partenaire des éléments d’assiette la concernant, sans nécessairement attendre de réponse en retour. Cette forme d’assistance administrative permet de donner des gages de coopération et de transparence auprès des partenaires étrangers et les incite de manière sous-jacente à faire de même ;

‑ l’échange automatique de renseignements fiscaux : c’est la modalité de coopération qui a connu le plus fort développement depuis 2011. Dans le cadre de la directive 2011/16/UE et des directives modificatives (les « DACs ») au niveau européen et dans le cadre des accords multilatéraux entre autorités compétentes, l’Accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l’échange automatique (le « CBC MCAA ») et l’Accord multilatéral entre autorités compétentes sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (le « CRS MCAA »), sous l’égide de l’OCDE, la France communique automatiquement et annuellement à ses partenaires différentes catégories d’informations fiscales sur leurs résidents fiscaux.

Les échanges automatiques de données fiscales couvrent ainsi :

● les revenus perçus au titre des traitements, salaires, pensions de retraite, jetons de présence, produits d’assurance, propriété et revenus immobiliers (directive DAC 1) ;

● les comptes financiers (CRS- directive DAC 2) ;

● les rulings (Action 5 de BEPS et directive DAC 3) ;

● les déclarations pays par pays (CBC et directive DAC 4) ;

● les schémas de fraude et d’optimisation abusive (directive DAC 6) ;

● les informations relatives aux vendeurs sur les plateformes numériques (directive DAC 7).

En matière de TVA, le système européen VIES, mis en place lors de la constitution du marché unique européen, est également un échange automatique et massif d’informations sur les transactions intracommunautaires.

En 2024, le CESOP (Central Electronic System of Payment information) permettra de suivre les paiements transfrontaliers au sein de l’UE et également ceux émis depuis l’UE vers les pays tiers. Outre le montant des paiements, CESOP contiendra uniquement des informations permettant l’identification des bénéficiaires des paiements (les administrations fiscales ne recevant aucune information sur les personnes à l’origine des paiements). CESOP sera un puissant outil de lutte contre la fraude à la TVA, à la disposition des 27 administrations fiscales de l’UE ;

Le Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales évalue la bonne mise en œuvre des standards adoptés par l’OCDE d’assistance administrative internationale, tout particulièrement en matière d’échange sur demande et d’échange automatique de renseignements fiscaux.

La présentation détaillée de ces accords et les résultats de l’échange de renseignement sont retracés dans le rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel en faveur de la France en matière d’échange de renseignements, annexé au projet de loi de finances.

2.   Un cadre juridique qui doit être renforcé au niveau multilatéral

a.   Renforcer le dispositif de reporting pays par pays

Suivant les recommandations de l’OCDE sur l'action 13 du projet contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (Beps) et conformément à la directive de l’Union européenne DAC 4 ([12]), la France a adopté un dispositif de déclaration pays par pays (« Country by Country Reporting » ou « CbCR »).

Transposée en droit français par la loi de finances pour 2016 ([13]), et codifiée à l’article 223 quinquies C du CGI, cette obligation s’applique aux groupes établis en France qui établissent des comptes consolidés et qui ont un chiffre d’affaires consolidé au moins égal à 750 millions d’euros. Les filiales ou succursales françaises appartenant à un groupe étranger répondant aux critères et dont la société mère est établie dans un des États ou territoires qui n’ont pas rendu obligatoire le dépôt du CbCR ou qui n’ont pas conclu d’accord permettant de l’échanger avec la France doivent aussi obligatoirement souscrire cette déclaration à moins qu’une autre entité du groupe n’ait été désignée pour le dépôt de cette déclaration en France ou dans un État ou territoire ayant instauré une réglementation comparable et ayant conclu un accord permettant un échange de la déclaration avec la France de façon automatique.

Les entreprises soumises à cette obligation sont tenues de fournir aux autorités fiscales certaines informations en ce qui concerne leur structure, leur politique de fixation des prix de transfert et leurs transactions internes.

Si la rapporteure spéciale salue ce dispositif, qui constitue une avancée certaine dans la lutte contre l’évasion fiscale, elle considère problématique le caractère confidentiel de la transmission d’informations. Une publicité des informations ainsi transmises ajouterait une dimension dissuasive supplémentaire sous forme de name and shame. Il convient toutefois de rappeler que, lorsqu’il avait contrôlé la disposition introduite par le législateur en loi de finances pour 2016, le Conseil constitutionnel avait relevé « que les dispositions contestées se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l’administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité ; que ces éléments, s’ils peuvent être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France, ne peuvent être rendus publics ; que, par suite, ces dispositions ne portent aucune atteinte à la liberté d’entreprendre » ([14]).

La rapporteure suggère qu’une réflexion soit de nouveau conduite pour rendre publiques ces informations, dans le respect des règles constitutionnelles.

Recommandation  14 : Instaurer une obligation de publication des informations clés sur les impôts que les multinationales payent et leurs activités (chiffre d’affaires, bénéfices, nombre d’employés…), pour chaque pays dans lequel elles opèrent.

b.   Le projet BEPS : des avancées prometteuses, qui doivent être poursuivies

Le projet BEPS (Base Erosion Profit Shifting), réalisé sous l’égide de l’OCDE et du G20, crée, dans le domaine de la fiscalité internationale, un ensemble unique de règles faisant l’objet d’un consensus pour protéger l’assiette imposable tout en offrant aux contribuables une prévisibilité accrue. En octobre 2021, 136 des 140 juridictions membres du Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS ainsi que le G20 ont adhéré à une Déclaration sur une solution reposant sur deux « Piliers » pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie.

L’un des deux Piliers, le Pilier 2, prévoit l’instauration d’un taux minimum mondial d’imposition de 15 % sur les bénéfices des entreprises multinationales dans le champ d’application du dispositif. En décembre 2022, les États membres de l’Union européenne sont parvenus à un accord de principe visant à mettre en œuvre au niveau européen ce Pilier 2 ; accord matérialisé dans directive  2022/2523 du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d'imposition mondial pour les groupes d'entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure.

L’article 4 du projet de loi de finances pour 2024 transpose cette directive.

Si la rapporteure spéciale salue cette avancée, elle souligne deux importantes limites :

● d’une part l’existence d’un mécanisme d’exemption et d’exonération dans le calcul de l’assiette de l’impôt mondial sur les sociétés prévues par ce pilier BEPS. La France doit s’opposer à un tel mécanisme ;

● d’autre part, l’insuffisance du taux d’imposition de 15 % retenu, inférieur de dix points au taux de droit commun applicable en France.

 

Recommandation n° 15 : Voter une résolution parlementaire pour que la France s’engage en faveur d’un véritable impôt mondial sur les sociétés au taux de 25 % et sans qu’aucun mécanisme d’exemptation et d’exonération dans le calcul de l’assiette ne soit mis en œuvre.

 

c.   Faire évoluer les règles applicables au sein de l’Union européenne

L’Union européenne se veut un espace ouvert, caractérisé notamment par quatre grandes libertés de circulation : la libre circulation des biens, la libre circulation des capitaux, la libre circulation des services, la libre circulation des personnes.

En contrepartie de ces libertés, l’Union européenne doit être beaucoup plus volontariste dans la mise en œuvre de politiques de lutte contre l’évasion fiscale. Si l’accord trouvé par les États membres sur le pilier 2 de BEPS est une avancée, l’Union européenne s’est plusieurs fois illustrée par son inertie en matière de lutte contre la fraude, et même parfois par des décisions faisant reculer cette dernière.

La décision de la CJUE du 22 novembre 2022 jugeant que l’accès public au registre des bénéficiaires effectifs portait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la protection des données en est une illustration. Les évadés fiscaux ne doivent pas bénéficier d’une impunité favorisée par l’opacité. La lutte contre l’évasion fiscale est d’intérêt public, les citoyennes et citoyens, ainsi que les associations et les représentants du peuple doivent avoir accès à ces informations.

Pour cette raison, et sans préjudice des prérogatives de la CJUE, la rapporteure spéciale recommande qu’une résolution parlementaire demandant le maintien de l’accès public au registre des bénéficiaires effectifs partout dans l’Union européenne soit votée à l’Assemblée nationale.

Recommandation n° 16 : Voter une résolution parlementaire pour demander le maintien de l’accès public au registre des bénéficiaires effectifs partout dans l’Union européenne.

Dans la même veine, la rapporteure spéciale considère que l’Union européenne doit être moteur dans la mise en œuvre d’une nouvelle taxation sur les milliardaires. Le système fiscal international est fondé sur des normes qui ont plus de 100 ans. Il n’est pas adapté à la taxation des grandes fortunes actuelles. Il est dès lors nécessaire d’ouvrir le débat sur une réforme mondiale de la fiscalité - et la France s’honorerait à en être l’initiatrice.

Recommandation n° 17 : Voter une résolution parlementaire pour que la France défende la création d’une taxe européenne à 2 % sur le patrimoine des milliardaires.

Il y a désormais urgence à agir ; et les négociations internationales ne peuvent plus servir de prétexte à l’inaction. Trop souvent, la règle de l’unanimité en matière fiscale au niveau européen fait de l’Union européenne un frein à des évolutions qui sont pourtant une nécessité. Pour cette raison, la rapporteure spéciale invite à réfléchir à une évolution de la règle de l’unanimité en matière fiscale au niveau de l’Union européenne.

Recommandation n° 18 : Voter une résolution parlementaire demandant à mettre fin à l’unanimité pour les décisions fiscales au niveau de l’Union européenne.

d.   Les paradis fiscaux : une liste à étoffer, des représailles à renforcer

Les pays et territoires non-coopératifs (ETNC), aussi appelés « paradis fiscaux », sont des États ne remplissant pas certains critères relatifs à la transparence fiscale, à l’équité fiscale ou aux mesures BEPS. Ils figurent sur une liste établie au niveau européen, dite « liste noire ».

Liste noire des pays et territoires non-coopératifs à des fins fiscales établie par l’Union européenne – 17 octobre 2023.

Samoa américaines

Anguilla

Antigua-et-Barbuda

Bahamas

Belize

Fidji

Guam

Palaos

Panama

Russie

Samoa

Seychelles

Trinité-et-Tobago

Îles Turks-et-Caïcos

Îles Vierges américaines

Vanuatu

Les critères relatifs à la transparence fiscale concernent par exemple l’échange d’informations fiscales, automatique ou sur demande, ou encore l’adhésion à la convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Les critères relatifs à l’équité fiscale recouvrent les mesures fiscales préférentielles dommageables, ou la facilitation des structures offshore. Enfin, les critères relatifs aux mesures anti-BEPS recouvrent principalement l’engagement en faveur des normes anti-BEPS minimales de l’OCDE ([15]).

Les pays et territoires qui ne se conforment pas encore à toutes les normes fiscales internationales mais qui se sont engagés à mettre en œuvre des réformes figurent au sein d’une autre liste, dite « liste grise ». Les pays figurant dans cette liste sont soumis au processus d’évaluation de l’Union européenne.

Liste grise établie par l’Union européenne

Albanie

Arménie

Aruba

Botswana

Îles Vierges britanniques

Costa Rica

Curaçao

Dominique

Eswatini (ex Swaziland)

Hong Kong

Israël

Malaisie

Turquie

Viêt Nam

La rapporteure spéciale avait eu l’occasion, dans son rapport sur le PLF pour 2023, de souligner que les critères retenus par l’Union européenne étaient insuffisants. Alors que la liste noire du 17 octobre 2023 ne comporte que 16 pays, les listes établies par les ONG ne cessent de s’allonger.

L’ONG Tax Justice Network a ainsi publié en 2021 une liste de 70 pays classés selon leur « score de paradis fiscal » (« heaven score ») noté sur 100 ([16]). Ce score indique dans quelle mesure le système fiscal et financier du pays permet aux multinationales de transférer leurs bénéfices hors des pays où elles exercent leurs activités et donc d’y payer moins d’impôts. Sur ces 70 pays, 60 ont un score de paradis fiscal supérieur à 50. Ce score est ensuite combiné au volume d’activité financière exercée dans le pays par les sociétés multinationales pour calculer le niveau de fraude fiscale transfrontalière facilitée par le pays. La France se classe 18ème avec un score de paradis fiscal de 67 ; et est considérée comme responsable de plus de 2 % des risques d’évasion fiscale au niveau mondial.

La rapporteure spéciale appelle à la mise en place de critères simples et transparents pour établir la liste noire des paradis fiscaux mais également à prendre des mesures contre les pays qui ne jouent pas le jeu en refusant trop souvent les demandes d’échanges d’information ou en maintenant une trop forte opacité et de trop fortes lacunes dans leur registre des bénéficiaires réels – comme cela peut-être le cas avec les Émirats Arabes Unis.

Recommandation n° 19 : Établir en France une liste « grise » des paradis fiscaux pour les pays qui ne respectent que partiellement leurs obligations internationales. La présence sur cette liste doit s’accompagner de sanctions commerciales ou diplomatiques.

La rapporteure spéciale juge par ailleurs nécessaire de renforcer les actions conduites contre les paradis fiscaux figurant sur la liste noire de l’Union européenne Lors de l’annonce du plan fraude en mai 2023, le Gouvernement avait fait part de son intention de créer un service de renseignement fiscal, composé d’une centaine d’agents, ayant la capacité de mener des enquêtes dans des paradis fiscaux comme au Panama. La création de ce service ne figure cependant pas dans le projet de loi de finances pour 2024. La rapporteure spéciale juge qu’il est désormais temps d’être beaucoup plus ferme avec ces pays, en engageant un rapport de force diplomatique et commercial. Une première mesure en ce sens consisterait à interdire les transferts d’argents et les implantations d’entreprises dans ces pays pour les résidents français.

Recommandation n° 20 : Interdire aux particuliers comme aux entreprises l’ouverture de comptes et l’implantation de filiales dans les pays non-coopératifs.

3.   Renforcer l’action de la France dans la lutte contre l’évasion fiscale dans ses relations bilatérales : la modernisation des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales sont des traités internationaux visant à éviter que les contribuables – entreprises ou particuliers - ne soient imposés deux fois pour un même revenu par deux pays différents, mais aussi à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, en mettant notamment en œuvre la coopération et l’échange de renseignements. La France dispose de l’un des premiers réseaux de convention au monde, avec 125 conventions fiscales signées ou en cours de ratification. La rapporteure spéciale tient à ce titre à saluer le travail réalisé par la sous-direction des questions européennes et relations internationales de la direction de la législation fiscale (DLF), et plus spécifiquement celui du bureau E1 en charge des règles de fiscalité internationale et des conventions fiscales.

Deux principaux modèles de convention existent : le modèle de l’OCDE et le modèle développé par l’ONU. Le premier, largement utilisé, attribue une grande part des recettes fiscales à l’État « de résidence », c’est-à-dire celui où résident l’investisseur, le commerçant etc. ; à l’inverse, le second l’attribue à l’État « source » du revenu, i.e. le pays où l’investissement est conduit ou l’activité de production a lieu.

Si la France dispose d’un des premiers réseaux de conventions fiscales au monde, la plupart d’entre elles sont très anciennes et donc loin des standards actuels en matière de clauses anti-abus et d’outils de lutte contre l’évasion fiscale. La modernisation du réseau est à ce titre la priorité affirmée des services de la DLF en charge des négociations des CFI.

La rapporteure spéciale juge impératif de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour accélérer le rythme de renégociation des conventions. C’est un enjeu très important et la France se doit d’être un exemple en la matière si elle veut peser dans les prochaines négociations multilatérales à l’OCDE ou à l’ONU. Au-delà même du nombre de négociations bilatérales et multilatérales, cette montée en puissance de la DLF est nécessaire pour acquérir l’expertise face aux nouveaux moyens de l’évasion fiscale (cryptoactifs, HTVI, recours à l’IA etc.). Le service de la DLF chargé de négocier les CFI ne comprend aujourd’hui qu’une quinzaine de personnes, ce qui est largement insuffisant. L’augmentation des effectifs de la DLF est d’autant plus impérieuse que le manque de moyens peut être, à de nombreux égards, un facteur limitant de l’avancée des négociations. L’ajout de clauses visant à lutter contre la fraude fiscale dans les CFI n’est en effet pas un facteur bloquant dans les négociations, dans la mesure où il s’agit de normes internationales globalement acceptées.

Outils de lutte contre la fraude ajoutés dans le dernier modèle de convention fiscale

– Le préambule de l’instrument multilatéral de l’OCDE, qui comprend l’objectif d’éviter la non-imposition (en plus de l’objectif de non double imposition).

– Les clauses anti abus générales, qui permettent que le contribuable ne puisse pas se prévaloir de la convention en cas de volonté manifeste de jouer sur les failles pour éviter l’imposition.

– Le renforcement de la définition d’établissement stable pour être assujetti à l’impôt.

– Des clauses relatives à la définition du bénéficiaire effectif.

– Des clauses sur la distribution déguisée (pour empêcher le recours à un tiers bénéficiant d’un privilège qui recevrait les flux à la place du bénéficiaire réel pour profiter de ce privilège).

– Une demande de 365 jours de détention des titres pour bénéficier du régime mère fille (pour les pays hors UE, dans l’UE on applique la directive).

– L’absence d’élimination de l’impôt quand il n’est pas effectivement payé dans l’autre pays.

– Des clause antiabus domestique applicables nonobstant les clauses de la convention (par exemple article 209 B du CGI).

– Une clause de prépondérance immobilière : les revenus des biens immobiliers détenus par des sociétés à prépondérance ne sont pas traités comme des dividendes mais des revenus fonciers taxés en France.

 

Recommandation n° 21 : Doubler les effectifs de négociateurs de la DLF et renforcer les ressources matérielles de la direction afin d’augmenter le rythme des renégociations de CFI pour qu’elles intègrent au plus vite les dernières clauses permettant de lutter contre l’évasion fiscale.

Les conventions fiscales constituent l’outil privilégié pour lutter contre l’évasion fiscale au niveau bilatéral. Pour cette raison, la rapporteure spéciale considère que la représentation nationale doit être informée des actions entreprises par le Gouvernement en la matière. Comme cela avait été évoqué lors des débats préalables à l’adoption de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, le Gouvernement pourrait avoir à présenter une feuille de route en matière de renégociation des CFI, qui devra hiérarchiser les renégociations prioritaires, présenter l’avancement des négociations en cours et justifier des blocages éventuels.

Recommandation n° 22 : Obliger le Gouvernement à présenter chaque année, dans le cadre du PLF, une feuille de route en matière de renégociation de conventions fiscales internationales.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 25 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Gestion des finances publiques.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté quatre d’entre eux (II-CF1299, II-CF2641, II-CF2639 et II-CF1757), et suivant l’avis défavorable de la rapporteure spéciale, la commission a rejeté les crédits de la mission Gestion des finances publiques.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous reprenons l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. L’examen des crédits des missions Action extérieure de l’État et Aide publique au développement, qui était prévu hier soir, est reporté cet après-midi à partir de quatorze heures.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Les crédits de la mission Gestion des finances publiques servent globalement à financer les moyens de trois entités : la direction générale des finances publiques (DGFiP), la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) et le secrétariat général des ministères économiques et financiers. Pour ce dernier, cela correspond à ce qu’il est convenu d’appeler le « grand Bercy » avec, outre le secrétariat général lui-même, un certain nombre de services comme la direction du budget et Tracfin.

Je remercie les services de l’Assemblée nationale pour leur travail remarquable ainsi que ceux du ministère, qui assurent les fonctions de contrôle et de pilotage indispensables à notre politique économique et fiscale.

Le PLF pour 2024 prolonge les efforts de transformation importants engagés depuis 2017, notamment en ce qui concerne la DGDDI et la DGFiP.

Avant d’en venir aux évolutions de crédits, je voudrais souligner quatre points importants.

L’amplification des actions de lutte contre les fraudes est centrale – tous les amendements déposés sur les crédits de cette mission portent d’ailleurs sur cette question. Le plan de lutte contre la fraude récemment annoncé vise d’ailleurs pour la première fois les fraudes fiscale, sociale et douanière de manière coordonnée.

Depuis plusieurs années, le ministère réorganise son administration. Cela a conduit à des diminutions d’effectifs, mais ces derniers tendent désormais à se stabiliser. La qualité du service augmente pourtant, notamment s’agissant de la DGFiP.

La question du pouvoir d’achat des agents du ministère est prise en compte dans le projet de budget, avec une dépense supplémentaire de 67 millions pour l’ensemble de la mission au titre de la revalorisation du point d’indice.

Enfin, les directions précitées utilisent de très nombreuses applications et les enjeux financiers et opérationnels liés aux nouvelles technologies et à l’informatique sont très importants.

Les crédits de paiement (CP) de la mission progressent de 3,4 % et s’élèvent à 10,9 milliards d’euros. Pour éviter tout malentendu, je précise que la diminution des autorisations d’engagement(AE) est conjoncturelle. Elle résulte, d’une part, du nouveau marché de fourniture d’énergie conclu par la DGFiP et, d’autre part, du calendrier de rénovation des bâtiments des ministères économiques et financiers situés dans le 13e arrondissement.

Les CP affectés à la DGFIP progressent de 2,1 %, pour atteindre 8,1 milliards d’euros. Les dépenses informatiques hors titre 2 augmentent de 20 millions d’euros et s’élèvent à 469 millions d’euros en AE et en CP. C’est un point absolument central. Le schéma d’emplois de la DGFiP est quasiment stable, avec une baisse de 200 équivalents temps plein (ETP). Dès 2024, 250 agents supplémentaires seront affectés aux missions de lutte contre la fraude fiscale dans le cadre d’une trajectoire de redéploiement de 1 500 agents d’ici à 2027.

C’est la DGDDI qui bénéficie de la hausse des moyens la plus importante en proportion. Ses AE et ses CP progressent respectivement de 8 % et de 6,5 %, pour atteindre 1,7 milliard d’euros. Ces crédits sont notamment destinés à la modernisation des équipements d’investigation, aux dispositifs de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (Lapi) et aux nouvelles camionnettes scanner. Je relève aussi la création, au sein du programme 302, Facilitation et sécurisation des échanges, d’une action consacrée à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) – que j’ai eu l’occasion de visiter et qui est dotée de 27 millions d’euros en AE et de 20 millions d’euros en CP.

Enfin, les CP du programme 218, Conduite et pilotage des politiques économiques et financières, s’élèvent à 1 milliard en 2024, en hausse de 9,2 %. Son schéma d’emplois progresse de 108 ETP, notamment pour abonder les effectifs de l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) et du secrétariat général.

Je vous invite à adopter les crédits de cette mission.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale (Lutte contre l’évasion fiscale). J’ai l’honneur de vous présenter pour la deuxième fois le rapport spécial consacré à la lutte contre l’évasion fiscale. Je remercie de nouveau le président Coquerel d’avoir proposé la création de ce rapport, qui constitue une nouveauté de cette législature.

Je remercie M. Liscia-Beaurenaut, administrateur, qui m’accompagne très efficacement, ainsi que mon collaborateur Cédric Morzelle.

L’évasion fiscale reste un fléau majeur, puisque 80 à 120 milliards échappent chaque année aux finances publiques. Qu’est ce qui a été fait depuis un an ? Le plan de lutte contre la fraude, annoncé par M. Attal au printemps dernier, a eu le mérite de replacer le sujet dans le débat public. C’est très bien, mais les réformes concrètes n’ont pas suivi.

Je ne nie pas que la dizaine de dispositions prévue dans le PLF pour 2024 va globalement dans le bon sens. Cependant, elles ne sont absolument pas à la hauteur de l’enjeu. Si l’on veut réellement combattre l’évasion fiscale, il faut aller beaucoup plus loin et frapper beaucoup plus fort. Pourquoi le Gouvernement fait-il preuve d’une telle timidité dans ce domaine ?

Des propositions existantes peuvent être directement reprises. Elles figurent bien entendu dans le rapport spécial de l’année dernière, qui s’inscrit lui-même dans la lignée d’autres rapports parlementaires. Avec plusieurs collègues ici présents, nous avons aussi présenté un plan de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale au nom de la NUPES – que nous avions transmis au ministre dans le cadre des dialogues de Bercy.

Le monde de la recherche a également fait sa part du travail. Une étude de l’Institut des politiques publiques publiée au printemps dernier a montré que notre système fiscal était régressif pour les plus riches. Le rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité dévoilé avant-hier présente deux constats fondamentaux. Premièrement, l’évasion fiscale n’est pas une fatalité. Elle découle de choix politiques réversibles. Deuxièmement, les solutions existent et peuvent être mises en place de manière unilatérale dans un pays ou un groupe de pays, avant d’être généralisées.

Dans ces conditions, qu’attendons-nous pour agir ? La lutte contre l’évasion fiscale doit devenir une priorité nationale. C’est pourquoi je réaffirme avec force l’ensemble des recommandations que j’avais formulées l’année dernière.

Le caractère annuel du rapport spécial présente deux avantages.

Cela permet tout d’abord de suivre les recommandations et l’évolution des moyens accordés à la politique de lutte contre la fraude fiscale. À l’évidence, le compte n’y est pas. Les effectifs consacrés au contrôle fiscal continuent de baisser et la plupart des recommandations de l’an dernier sont restées lettre morte. Il faut des moyens humains et matériels à la hauteur de l’enjeu. Ce qui est vrai pour la DGFIP l’est également pour les douanes, qui participent très activement à la lutte contre l’évasion fiscale. Il faut en effet rappeler que la fraude aux taxes douanières sur les marchandises représente une perte de recettes qui dépasse les 25 milliards par an.

Le rapport spécial permet ensuite de s’attacher à un thème particulier. Cette année, je me suis intéressée aux aspects internationaux de l’évasion fiscale. Pour cela, j’ai auditionné des responsables de la DGDDI et les syndicats de cette dernière, le juge Renaud van Ruymbeke, l’ONG Transparency International ou encore des chercheurs internationalement reconnus comme Éric Vernier et Alain Deneault.

Il ressort de ces auditions que les paradis fiscaux jouent un rôle central dans la fraude au niveau mondial, ce qui doit nous amener à repenser notre vision de l’industrie de l’évasion fiscale. En réalité, celle-ci est indissociable de la grande délinquance financière. Les fraudeurs fiscaux utilisent les mêmes schémas et les mêmes intermédiaires que les corrupteurs et les blanchisseurs. Pire, l’argent des paradis fiscaux sert à financer des activités criminelles et des trafics en tous genres. Les paradis fiscaux ne permettent pas seulement au fraudeur individuel de cacher son héritage ou sa plus-value loin des yeux de l’administration.

Les coûts sociaux de l’évasion fiscale sont également trop souvent réduits à leur seule dimension budgétaire. L’évasion fiscale représente des milliards en moins dans les caisses de l’État, mais elle participe aussi à la généralisation du dumping fiscal, auquel notre pays participe. Il suffit pour s’en convaincre de regarder l’évolution du taux nominal impôt sur les sociétés (IS) au cours des trente dernières années.

L’évasion fiscale, c’est la dette publique qui explose, ce sont les services publics marchandisés et démantelés. Enfin, ce sont aussi tout simplement des impôts en plus pour les classes populaires et les PME captives, puisqu’il faut combler les trous dans la caisse provoqués par l’égoïsme des riches resquilleurs.

Le consentement à l’impôt, pilier de notre contrat social, ne résistera pas à une telle injustice. Cette situation n’a rien d’une fatalité. L’évasion fiscale actuelle est le résultat de choix politiques et on peut mettre un terme à ce fléau. Il est possible et même nécessaire d’agir au niveau d’un pays ou d’un groupe de pays, pour ensuite établir un rapport de force permettant d’aboutir à de nouvelles normes mondiales.

Mes chers collègues, 3 000 milliards s’évaporent chaque année du PIB mondial du fait de l’évasion fiscale. Notre pays s’honorerait à être pionnier dans le combat contre cette dernière. Le PLF qui nous est proposé n’est tout simplement pas à la hauteur de l’enjeu. Par-delà la poursuite des suppressions de postes, l’absence d’une volonté politique forte mine la crédibilité de notre pays en la matière.

C’est pourquoi je vous demande de ne pas adopter des crédits du programme 156 Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local.

Je proposerai en outre beaucoup d’amendements destinés à améliorer la lutte contre l’évasion fiscale.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF1370 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. L’amendement propose de recruter et de former des inspecteurs au sein de la DGFiP afin de traquer les fraudeurs fiscaux. Alors que 13 336 agents étaient affectés au contrôle au sein de cette direction générale, ils n’étaient plus que 9 000 en 2020. Cela représente une baisse d’un tiers des effectifs en dix ans. Dans le même temps, les résultats du contrôle fiscal se sont effondrés et sont passés de 17,9 milliards en 2017 à 10,7 milliards en 2021, soit une réduction de moitié lors du premier quinquennat Macron.

La fraude fiscale n’a pour sa part toujours pas baissé et elle coûte encore de 80 à 120 milliards d’euros par an au budget de l’État.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1225 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à amorcer un plan massif de recrutement d’agents de la DGFiP, afin de créer un service d’expertise destiné à l’étude des schémas de fraude et d’optimisation agressive. Ce service alimenterait les paramètres des outils de data mining, tout en amplifiant le travail de lutte contre l’évasion réalisé par les analystes.

L’intelligence artificielle, qui est utilisée de manière croissante par la DGFiP pour repérer les situations de fraude, est un outil intéressant mais encore largement imparfait. Son développement ne doit donc pas être synonyme de baisse des effectifs. Cet outil doit être au service de l’humain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2638 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Il convient de véritablement renforcer les capacités de contrôle fiscal de la DGFiP. Les 250 créations de postes annoncées à cet effet par le Gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre les fraudes ne sont en fait que des redéploiements. En réalité, les effectifs continuent de baisser, avec encore 200 postes perdus en 2024. Il est urgent de mettre un terme à ce désarmement de l’État face aux fraudeurs et d’inverser la tendance.

Il faudrait recruter 4 000 agents pour le contrôle fiscal d’ici à 2027. Le présent amendement propose donc de créer 1 000 postes cette année.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1213 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à s’assurer que les moyens humains de la DGFiP destinés au contrôle fiscal ne seront pas une nouvelle fois réduits. Il faut en effet pouvoir créer un service d’expertise qui étudie les dernières innovations des fraudeurs ou de leurs intermédiaires en matière d’évasion fiscale. Comme je l’ai déjà indiqué, l’intelligence artificielle ne peut remplacer le travail des humains et elle a besoin de données fiables pour progresser et s’améliorer.

Mme Véronique Louwagie, présidente. L’efficacité de l’action publique n’est pas toujours liée à l’accroissement des moyens humains. Il faut en effet lutter contre la fraude, mais cela ne passe pas forcément par des créations de postes. C’est la raison pour laquelle certains d’entre nous votent contre ces amendements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1312 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Toujours dans la perspective de renforcer les moyens dont dispose la DGFiP, cet amendement propose de titulariser les contractuels auxquels cette dernière a massivement recours.

Ces personnels ont acquis une expertise et il serait utile de les conserver au sein de la DGFiP. En outre, les agents titulaires sont soumis à des obligations déontologiques plus importantes, auxquelles il paraît nécessaire que tous les agents travaillant au sein de cette direction générale soient soumis.

Les agents contractuels n’ont actuellement aucun espoir d’être titularisés à la fin de leur CDD d’une durée de trois à quatre ans, éventuellement renouvelable – à défaut, ils rejoignent les rangs des demandeurs d’emploi. Le recours massif aux contractuels est la conséquence directe de l’application de la politique d’austérité aux effectifs.

La création d’effectifs au profit de la DGFiP est directement rentable, madame Louwagie. On voit bien que la réduction du nombre des personnels affectés au contrôle au cours de vingt dernières années a entraîné une baisse du rendement de la lutte contre l’évasion fiscale. Il convient en outre de répondre aux demandes des agents, qui croulent sous les dossiers et n’arrivent pas à se mettre au niveau de la fraude fiscale.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Pour la première fois depuis des années, les effectifs de la DGFIP seront pratiquement stables. Ils avaient en effet beaucoup baissé les années précédentes, en raison notamment de la dématérialisation de la collecte de l’impôt – qui n’a d’ailleurs jamais été aussi efficace. Si l’on prend en considération les transferts entre la DGDDI et la DGFIP, les effectifs de cette dernière diminuent d’à peine 200 ETP.

Le rendement de la lutte contre la fraude fiscale avait baissé en 2021 par rapport aux années précédentes en raison de la covid, mais elle augmente désormais.

Enfin, à la suite des annonces faites par Gabriel Attal puis par Thomas Cazenave, on a assisté à un redéploiement sans précédent d’effectifs afin de renforcer l’activité de contrôle, au profit notamment de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).

Il faut bien entendu poursuivre les efforts, en s’attaquant notamment aux prix de transfert et en abaissant les seuils des contrôles. Mais on ne peut pas dire qu’il y a 100 milliards cachés. Nous partageons l’objectif d’augmenter la lutte contre la fraude fiscale et des marges de progression existent, mais si l’on pouvait passer son rendement de 15 à 80 milliards cela se saurait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1299 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement d’appel demande de renforcer les moyens de la DGFiP, notamment pour permettre la transformation en services déconcentrés du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) et de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). En effet, leurs enquêteurs nous ont fait part des difficultés qu’ils rencontrent pour traiter les dénonciations en raison d’effectifs insuffisants et de leur répartition inadaptée sur l’ensemble du territoire. Il est nécessaire d’entendre ces agents.

L’évaluation de l’évasion fiscale entre 80 et 120 milliards n’est quant à elle pas remise en cause. Elle a été réalisée par le syndicat national Solidaires finances publiques et un magistrat de la Cour des comptes m’a indiqué que cette dernière la jugeait très sérieuse. Cela sera probablement confirmé par le Conseil de l’évaluation des fraudes annoncé par M. Attal.

Des sommes colossales échappent donc bien à l’impôt et il faut absolument aller les chercher, car il s’agit aussi d’une question de justice.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF2641 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement souligne la nécessité d’assurer une formation effective aux agents de la DGFiP qui seront amenés à effectuer le recouvrement des taxes auparavant effectué par les agents de la DGDDI. Les transferts de missions ne devraient pas avoir lieu tant que les agents et les services ne sont pas prêts. Cela paraît évident, mais dans la réalité ce n’est pas le cas. Le rythme des transferts se poursuit même en l’absence de formation et de mise à disposition des outils informatiques nécessaires.

Un exemple tiré de l’audition de responsables de la DGDDI permet de réaliser le niveau d’absurdité atteint. Le transfert du recouvrement des amendes judiciaires est devenu effectif au 1er avril 2023, mais la formation des agents de la DGFiP concernés a eu lieu plus de six mois après. Tout cela a bien entendu des conséquences sur la qualité du recouvrement. On constate des pertes de rendement en ce qui concerne les impôts et taxes déjà transférés, malgré un relèvement des taux. Cela représente une perte de l’ordre de 5 milliards par an pour l’État.

Ce transfert de missions a été réalisé à marche forcée et en dépit du bon sens. Il faut revenir sur cette mesure.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF2642 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Je propose de créer un service opérationnel de renseignement fiscal, doté de dix agents et qui aura deux missions principales : d’une part, gérer les sources humaines et leurs informations avec des moyens offensifs – indemnisation, protection et couverture – et, d’autre part, veiller méthodiquement aux évolutions des schémas de fraude en créant un réseau de correspondants au sein des milieux économiques. L’expertise accumulée par ce service permettra aux agents du contrôle fiscal de rester en pointe en matière de connaissance des techniques de fraude les plus récentes.

Il s’agit de disposer d’un service qui s’occupe des aviseurs fiscaux et des lanceurs d’alerte, afin de garantir leur protection et leur rémunération. Cela permettra également à la DGFiP de renforcer sa connaissance de l’évasion fiscale. Sans expertise et renseignement humains, les nouvelles technologies sont inefficaces.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Cet amendement très étonnant – comme les autres d’ailleurs – donne l’impression que la DGFIP ne travaille pas et en est restée à l’âge de pierre.

Cette administration dispose de beaucoup de moyens et de technologies très avancées, notamment informatiques. Ses agents sont extrêmement compétents. Ceux qui sont chargés de lutter contre la fraude en maîtrisent parfaitement les schémas et des services sont déjà chargés de faire ce que proposent vos amendements cosmétiques.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Je suis bien entendu d’accord avec ce qui vient d’être déclaré au sujet de la qualité du travail des agents. Mais force est de constater que, lorsque nous les rencontrons, tous nous disent qu’ils sont en sous-effectifs et n’ont ni la formation ni les moyens matériels suffisants pour lutter contre les fraudes fiscale et sociale.

C’est la raison pour laquelle notre groupe est favorable à tous ces amendements destinés à renforcer cette lutte – à l’exception du présent amendement sur les lanceurs d’alerte, sur lequel nous nous abstiendrons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1305 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement a pour objet d’alerter sur la nécessité absolue de cesser de supprimer des postes au sein de la DGFiP.

Depuis 2017, cette dernière a perdu 1 600 postes affectés au contrôle fiscal, ces derniers ayant été ramenés à 10 373 en 2021. Les documents budgétaires confirment que de nouvelles baisses d’effectifs sont prévues en 2024, puis de manière encore plus forte en 2026. Ce mouvement s’accompagne d’une surcharge de travail pour les agents du contrôle fiscal, qui doivent désormais aussi effectuer des tâches administratives chronophages.

Ces amendements correspondent à des revendications des agents de la DGFiP et ne constituent évidemment pas une critique de la qualité de leur travail. Ils nous disent qu’ils sont en sous-effectifs et qu’ils manquent de moyens, notamment matériels et informatiques. Ce sont sans doute eux qui regrettent d’être encore à l’âge de pierre dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2637 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement prévoit de mettre en place un plan de renouvellement du matériel informatique dans les services de contrôle et d’enquête, en partant des besoins du terrain. Les diverses auditions ont montré que le matériel mis à la disposition des agents est insuffisant.

Un responsable de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) m’a fait part de sa crainte de perdre la course aux armements face à des fraudeurs fiscaux qui utilisent des techniques toujours plus sophistiquées. Il est donc urgent que les services fiscaux disposent d’un matériel efficace et en quantité suffisante. Je prends un exemple pour illustrer mon propos : énormément d’échanges ont lieu par courriel faute d’infrastructure informatique adaptée, ce qui entraîne un lourd travail de transfert manuel des informations dans les bases de données, au détriment du travail d’enquête.

La lutte contre l’évasion fiscale est d’abord une question de volonté politique. Les agents qui luttent contre ce fléau sont pleins de bonne volonté, ils attendent seulement que l’État leur donne les moyens de faire leur travail.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Disposer d’outils informatiques performants est évidemment nécessaire et des chantiers impressionnants sont en cours. Plus de 700 applicatifs sont en service au sein du ministère des finances et tous ne sont pas connectés entre eux. C’est un héritage historique.

Les services informatiques sont extrêmement sollicités et ils mettent en production 3 500 solutions informatiques par an. Il ne s’agit pas seulement d’une affaire de budget : il faut recruter les personnes qui disposent des compétences nécessaires. Le PLF pour 2024 prévoit 20 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’informatique, mais il faut toujours un peu de temps pour consommer ces crédits.

La volonté politique est bien là et si l’on peut discuter des chiffres, on ne peut pas dire que rien n’a été fait dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2651 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention sur la nécessité de titulariser les contractuels du bureau de data mining et d’établir une stratégie de développement de ses compétences en interne, afin d’assurer la souveraineté du contrôle fiscal.

Il est heureux que ce dernier soit assuré dans l’immense majorité des cas par des fonctionnaires titulaires assermentés, soumis à des obligations déontologiques et à des règles strictes. Cependant, la montée en puissance des nouvelles technologies comme le data mining a lieu en recourant régulièrement à des contractuels, par manque de compétences au sein de l’administration. Cela fait courir un risque à la fiabilité à long terme de ces nouveaux outils. Les contractuels qui les ont développés pourraient en effet être approchés plus tard par des entreprises qui donneraient cher pour connaître les paramètres utilisés.

En outre, à force de recourir aux contractuels on ne développe pas les compétences en interne et on perd énormément en savoir-faire. Cela conduit à recourir à des prestataires – dont, des cabinets de conseil – pour tout et n’importe quoi. Cela n’est pas toujours la solution la plus économe et les résultats laissent souvent à désirer. Il est donc urgent d’inverser cette tendance et de développer les compétences nécessaires au sein de l’administration, afin de garantir la souveraineté des nouveaux outils de contrôle fiscal.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Dans le cadre de la mission d’information sur la rationalisation de notre administration comme source d’économies budgétaires – dont j’étais rapporteure avec Robin Reda –, nous avions pu constater à l’occasion des auditions qu’un certain nombre de personnes ne souhaitent désormais pas forcément rejoindre la fonction publique et préfèrent rester sous contrat. Les comportements évoluent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2652 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Je propose que le Gouvernement présente chaque année à l’occasion du PLF une feuille de route en matière de renégociations des conventions fiscales internationales.

La France a conclu de très nombreuses conventions fiscales de ce type. Cependant, il est urgent de les renégocier pour y introduire les nouvelles exigences en matière de clauses anti-abus et d’outils de lutte contre l’évasion fiscale. Il faut donc faire le nécessaire pour accélérer le rythme de renégociation. Le Gouvernement affiche sa volonté de lutter contre l’évitement de l’impôt. S’il est sincère, il faut qu’il fournisse sa feuille de route en la matière et qu’il la fasse approuver par le Parlement. Cette feuille de route devra hiérarchiser les renégociations, présenter leur état d’avancement et expliquer les blocages éventuels.

L’argument des conventions fiscales internationales est trop souvent utilisé par les partisans de l’inaction pour justifier notre impuissance face à l’évasion fiscale. Pourtant, il est tout à fait possible d’entamer des négociations avec nos partenaires pour avancer vers plus de justice fiscale. Les représentants de la direction de la législation fiscale m’ont d’ailleurs confirmé que l’introduction d’outils de lutte contre l’évasion fiscale n’a jamais bloqué aucune négociation.

S’opposer à la renégociation de ces conventions c’est être laxiste et faire preuve d’une indulgence coupable envers les fraudeurs.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. À l’évidence, personne ne s’oppose à la renégociation de conventions fiscales internationales. Le nombre de celles qui ont été renégociées durant l’année figure d’ailleurs dans un jaune budgétaire. Ce processus est extrêmement long et les négociations aboutissent pour deux à trois conventions par an. L’amendement est satisfait.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. L’amendement prévoit que le Gouvernement transmet une feuille de route et que les priorités en matière de renégociation sont établies avec le Parlement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2636 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à instaurer un audit régulier des besoins des polices fiscales. Il est en effet vain de proclamer que l’on veut lutter contre l’évasion fiscale si l’on ne donne pas les moyens d’agir aux services chargés de combattre ce fléau.

Et ces services manquent de tout – d’effectifs, de moyens informatiques, d’expertise et de formation. Cela s’explique par un manque chronique de crédits dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui a été documenté par l’ONG Transparency International. La folie austéritaire va jusqu’à l’empêcher l’État de se donner les moyens de récupérer les ressources qui lui sont dues.

Il faut changer de paradigme si nous voulons vraiment lutter contre l’évitement de l’impôt et que notre pays devienne un leader international en la matière. Les agents des administrations chargées de lutter contre l’évasion fiscale ne demandent qu’à faire leur travail, au service de l’intérêt général. Il est temps de les écouter et de reconnaître pleinement l’importance de leur action. Les beaux discours ne suffisent pas, il faut partir des réalités du terrain. Il est donc urgent d’établir la liste des moyens qui manquent à ces services pour pouvoir rapidement les leur fournir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1187 de Mme Christine Pires Beaune

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Cet amendement propose d’allouer les moyens nécessaires à la création d’une base de données commune aux différents services de lutte contre les fraudes.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Avis favorable.

Cette base de données pourrait être alimentée par les organismes concernés, dans le respect de leurs prérogatives respectives. Il faut davantage d’échanges d’informations pour lutter contre l’évasion fiscale. Je plaide pour ma part pour un renforcement du caractère interministériel de cette action.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Un protocole d’accord, signé en 2011 entre la DGFiP et la DGDDI, a renforcé l’échange de données ; la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF), service à compétence nationale, a reçu environ 5 000 signalements en dix ans, assez détaillés, de Tracfin.

Je partage le souci de l’interministérialité, qui s’incarne dans la mission interministérielle de coordination antifraude (MICAF). La création d’une base commune se heurte à la protection des données personnelles : il ne faut pas forcément abandonner le sujet, mais au moins le retravailler car il semble difficile de créer un tel outil dès à présent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1208 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à déployer les outils techniques et juridiques permettant de mesurer réellement les conséquences des comportements d’évitement fiscal.

L’un des obstacles à une évaluation fiable des conséquences de la fraude fiscale est le biais inhérent à la base statistique utilisée. L’estimation est extrapolée à partir des résultats des contrôles menés sur les entreprises pour lesquelles des indices de fraude fiscale étaient visibles. Il s’agit de conduire en parallèle une campagne de contrôles aléatoires, qui formera un échantillon véritablement représentatif des entreprises et des ménages.

Il est essentiel de disposer d’une publication annuelle de la DGFiP et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) mesurant la fraude et l’écart fiscal impôt par impôt, selon une méthode constante qui permette les comparaisons. Ensuite, il convient de créer un fichier national des donations anticipées.

J’ai déposé le même amendement l’année dernière : son adoption est d’autant plus importante cette année que le Conseil d’évaluation des fraudes a souligné, lors de sa première réunion, à laquelle j’ai participé, que les contrôles aléatoires représentent une piste très prometteuse ; le président de l’Insee a notamment affirmé que cette méthode constituait le meilleur moyen de chiffrer l’évasion fiscale : le ministre délégué Thomas Cazenave semblait intéressé par cette proposition.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). La DGFIP s’est orientée vers le contrôle programmé et fondé sur l’intelligence artificielle pour économiser des postes dans ses effectifs ; le retour de balancier, que nous constatons dans cette administration, remet en lumière la question que les agents et leurs organisations syndicales ont posée pendant des années, sans jamais obtenir de réponse. Je me félicite que le ministre délégué soit enfin sensible à l’efficacité des agents.

M. Patrick Hetzel (LR). Le recours à l’intelligence artificielle pour effectuer des contrôles est sensé : ce n’est pas l’intelligence artificielle contre les agents. D’ailleurs, ceux que j’ai rencontrés m’ont dit qu’ils n’apportaient aucune plus-value par rapport à des procédures automatisées. L’intelligence artificielle peut aider les équipes chargées du contrôle fiscal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1308 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Il s’agit d’un amendement d’appel pointant la nécessité d’assurer une formation de qualité aux agents du contrôle fiscal. L’externalisation des formations, couplée à des règles de marchés publics qui favorisent le prestataire le moins onéreux au détriment de la qualité, a conduit à une nette dégradation des formations, aux dires des agents eux-mêmes.

La complexification croissante des situations que ces agents du contrôle fiscal affrontent, du fait de la numérisation, de l’apparition de nouveaux outils d’évasion comme les cryptomonnaies, ou du besoin d’une réactivité particulière contre la fraude de type carrousel, rend indispensable la dispense de formations de qualité.

Les syndicats représentatifs de la DGFiP nous ont fait part du besoin d’expertise et de formation des agents sur le terrain. La formation initiale doit donc être rallongée et renforcée, tandis que la formation continue doit être améliorée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1295 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. L’amendement vise à créer une direction interministérielle stratégique de lutte contre l’évasion fiscale associant les ministères chargés des finances, de l’intérieur et de la justice.

La lutte contre l’évasion fiscale est largement interministérielle : une direction interministérielle assurerait un meilleur pilotage de cette politique essentielle ainsi que le déploiement d’une action cohérente insistant sur la complémentarité des différents services concernés et évitant les lacunes actuelles de la lutte contre l’évasion fiscale.

Face à des fraudeurs extrêmement organisés et bien conseillés par des armées d’avocats fiscalistes, il faut que la puissance publique soit à la hauteur et dispose d’une direction stratégique dédiée pour mener ce combat. Il n’y aura pas de plan contre la fraude fiscale sans un peu de hauteur de vue, ni sans planification et coordination interministérielles.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Le ministère de la lutte contre la fraude fiscale, c’est le ministère des comptes publics ; la MICAF, créée en 2020, possède par définition une compétence interministérielle. L’amendement est satisfait : on peut toujours dire que les moyens sont insuffisants, mais il est faux d’affirmer que la volonté politique est absente ; nous souhaitons notamment améliorer les méthodes de détection des stratégies d’évitement fiscal, lesquelles sont en effet de plus en plus complexes et réclament des moyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2633 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Par cet amendement d’appel, je souhaite appeler l’attention de notre commission sur la nécessité de renforcer l’attractivité des métiers concourant au contrôle fiscal, à travers notamment d’une revalorisation de la grille de traitement, à même d’attirer les meilleurs profils dans ce domaine.

Face aux fraudeurs et à leurs armées d’avocats fiscalistes et d’experts en tous genres, l’administration et la justice sont souvent démunies et manquent d’expertise pour aller au bout des dossiers et des enquêtes. Cela n’a rien d’étonnant lorsque l’on observe le peu d’attractivité du service public par rapport aux rémunérations de certains cabinets d’avocats ou de conseil. La DGFiP, Tracfin, le parquet national financier (PNF) et les services d’enquête peinent à attirer et à conserver les juristes et les spécialistes de haut niveau dont ils ont besoin et qui, trop souvent, partent dans le privé. Une nouvelle grille plus rémunératrice apporterait un début de solution à ce problème.

Une telle revalorisation doit être évidemment accompagnée d’une augmentation du point d’indice de la fonction publique, destinée à rattraper la perte de pouvoir d’achat des fonctionnaires dans les dernières années.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1317 de M. Manuel Bompard

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Le nombre d’agents affectés dans les différents services de contrôle de la DGFiP était de 13 336 en 2010 et de 10 252 en 2017 ; en 2020, ils n’étaient plus qu’environ 9 000, soit 9 % des effectifs de la direction générale. Cela représente une baisse d’environ un tiers des effectifs en dix ans. L’amendement vise donc à augmenter le nombre de postes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2640 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Il vise à augmenter de 20 équivalents temps plein (ETP) les effectifs de la direction de la législation fiscale (DLF), afin de doubler les effectifs des négociateurs des conventions fiscales internationales (CFI).

La France dispose d’un réseau de CFI incomparable – elle a signé plus de 125 conventions –, mais la plupart d’entre elles sont très anciennes et sont donc loin des standards actuels en matière de clauses anti-abus et d’outils de lutte contre l’évasion fiscale.

Il est vrai que tout au long du XXe siècle et au fur et à mesure de l’approfondissement de la mondialisation, les CFI ont d’abord servi à éviter la double taxation. Les CFI montrent que l’évasion fiscale est une question éminemment politique : si nous sommes parvenus à négocier avec plus de 125 partenaires différents pour éviter la double taxation, il est possible de négocier avec ces mêmes partenaires pour éviter l’absence de taxation. Aucun pays n’a intérêt à voir sa base fiscale s’envoler : les CFI peuvent donc être un outil de lutte contre l’évasion fiscale, à condition de leur faire intégrer les clauses de lutte contre l’évasion les plus récentes.

Il faut déployer les moyens nécessaires à l’accélération du rythme de renégociation des conventions. C’est un enjeu très important, pour lequel la France doit se mobiliser de façon exemplaire, afin de peser dans les prochaines négociations multilatérales à l’OCDE ou à l’ONU.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. La question des CFI est évidemment centrale, mais les effectifs de la DLF ont gagné 30 ETP en six ans, entre 2018 et 2024. Les 214 agents de la DLF accomplissent un travail remarquable, parfois très lourd ; sans l’engagement de personnes suffisamment nombreuses, formées et qualifiées, nous n’aurions pas obtenu l’accord sur l’impôt minimal à l’OCDE : nous remercions les agents de la DLF, qui ont été à la manœuvre dans ce dossier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2639 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Avec la même volonté de donner aux services compétents les moyens de lutter contre l’évasion fiscale, l’amendement vise à augmenter massivement les effectifs de Tracfin. Service de renseignement du ministère des finances, Tracfin traite des flux d’informations envoyés par l’ensemble des professionnels assujettis à l’obligation de déclaration de soupçon en matière de criminalité financière.

Les déclarations sont de plus en plus nombreuses, puisque l’on a recensé plus de 260 000 signalements en 2022. Cette évolution prouve la bonne assimilation du dispositif par une partie des assujettis et traduit également la montée en puissance des échanges d’informations avec les services de renseignement étrangers. Tracfin peine à traiter le volume d’informations : l’un de mes interlocuteurs a même évoqué l’importance d’une industrialisation du traitement tant la mission lui semblait colossale.

L’enjeu est de taille, car le traitement des signalements fournit la base des enquêtes judiciaires en matière d’évasion fiscale ; la DGFIP lance des procédures aboutissant au recouvrement de milliards d’euros d’impôts éludés. Tracfin dépense également une grande énergie pour récupérer l’information chez les professionnels assujettis qui ne respectent pas toujours leurs obligations. À titre d’exemple, les avocats ne sont à l’origine que de 11 signalements sur les 260 000 reçus par Tracfin l’année dernière.

Il est nécessaire d’augmenter fortement les effectifs de ce service pour faire face à la charge de travail.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF1837 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Frédéric Cabrolier (RN). L’Agence française anticorruption (AFA) a pour mission de détecter les faits de corruption, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Service à compétence nationale, l’AFA compte 53 ETP. Afin de favoriser son action, l’amendement vise à majorer de 500 000 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, hors de toute dépense de personnel, l’action 02 du programme 218, Conduite et pilotage des politiques économiques et financières, et de diminuer d’autant l’action 09 du programme 156, Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Une hausse de 500 000 euros des moyens de l’AFA semble faible ; vous souhaitez en outre qu’il n’y ait pas de création de poste, donc nous nous demandons à quoi cet argent sera-t-il utilisé. L’avis est défavorable.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Les effectifs de l’AFA ont augmenté. L’Agence possède un statut hybride et unique : son budget dépend de celui de Bercy, mais elle dispose d’une autonomie, essentielle pour assurer l’indépendance des contrôles Si les structures n’arrivent pas à recruter, les hausses de budget ne servent pas à grand-chose.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF398 de M. Franck Allisio, II-CF1757 de Mme Christine Pires Beaune et CF2653 de Mme Charlotte Leduc (discussion commune)

M. Alexandre Sabatou (RN). La lutte contre la fraude est souvent présentée comme une priorité du Gouvernement, mais, au-delà des annonces, peu de moyens y sont alloués : il ne faut donc pas s’étonner du manque de résultat. La DGDDI a récemment fait les frais de cette politique en perdant une partie importante de ses missions au profit de la DGFIP.

La lutte contre la fraude douanière représente un enjeu pour les finances publiques, mais également pour l’économie et la sécurité des consommateurs. C’est pourquoi nous proposons d’abonder de 200 millions d’euros les crédits dédiés à la surveillance douanière.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Notre amendement vise à donner des moyens supplémentaires aux douanes et à recréer les 273 postes qui y ont été supprimés. Les contrôles se révèlent largement insuffisants. Dans nos circonscriptions, notamment frontalières, nous sommes alertés par les buralistes sur les trafics de stupéfiants ou d’armes. Chaque nouveau poste de contrôleur rapporte de l’argent à l’État.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Alors que la France compte 3,9 fois plus de kilomètres de frontières que l’Allemagne et 29 fois plus de surface terrestre et maritime, elle emploie 17 000 douaniers quand on en recense 48 000 outre-Rhin, soit 2,3 fois moins de douaniers par habitant. Le maillage territorial des bureaux de douane a été profondément affaibli depuis quarante ans : la France se classe au vingt-septième rang sur vingt-huit dans l’Union européenne pour le nombre de bureaux de douane pour 10 000 kilomètres. La situation est encore pire dans les territoires d’outre-mer, dans lesquels les douanes sont dangereusement sous-dotées. Ainsi, trois agents surveillent 1 300 kilomètres de frontière entre la Guyane et le Suriname : nous abandonnons tout simplement la Guyane.

Les douanes remplissent de nombreuses missions essentielles pour l’intérêt général : police des marchandises, lutte contre l’évasion fiscale – notamment la fraude à la TVA – et protection des consommateurs, des espèces et de la biodiversité. Les douaniers que j’ai auditionnés m’ont dit qu’ils ne parvenaient pas à suivre le rythme : certaines missions sont ainsi abandonnées, faute d’effectifs. Nous ne pouvons pas tolérer cette situation. La police des marchandises n’est plus assurée dans l’ensemble des territoires.

Je propose de déployer un plan massif d’embauches de 17 000 douaniers dans les quatre prochaines années.

Au-delà de mon amendement, le II-CF1757 a ma préférence sur le II-CF-398.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Les effectifs des douanes augmentent de 48 ETP dans le PLF pour 2024 : cette progression est inédite, d’autant que les moyens matériels progressent également – lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation et fourgonnettes spécialisées. La comparaison avec l’Allemagne a ses limites, puisque les compétences des douaniers allemands sont plus larges : ainsi, ces derniers sont responsables de la lutte contre le travail dissimulé, qui relève des agents des Urssaf dans notre pays ; en outre, les douaniers allemands sont tous officiers de police judiciaire, ce qui n’est pas le cas en France. Je suis défavorable aux trois amendements.

M. Robin Reda (RE). Il faut rejeter ces amendements, qui nous donnent toutefois l’occasion de saluer les 16 000 douanières et douaniers français, qui font un travail remarquable pour lutter contre l’économie souterraine, la contrefaçon et les trafics, notamment celui du tabac. Pour preuve, les saisies de tabac ont augmenté de 60 % en 2022 : 650 tonnes de tabac illicite ont ainsi été interceptées.

Avant l’été, nous avons adopté presque unanimement un texte devenu la loi du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, laquelle vise à renforcer les pouvoirs des douaniers et à prévoir le recrutement de 300 nouveaux agents d’ici à 2025. Nous n’avons pas à rougir de notre engagement au service des douaniers, qui se mobilisent pour l’économie française.

M. Alexandre Sabatou (RN). Compte tenu de l’augmentation des échanges commerciaux, du fait que certains ports de l’espace Schengen sont de véritables passoires et de la professionnalisation chaque jour plus intense des passeurs – qui nous a obligés à modifier l’été dernier le code des douanes –, nous avons besoin de donner plus de moyens aux douaniers. Les demi-mesures figurant dans le PLF ne sont pas à la hauteur.

Successivement, la commission rejette l’amendement II-CF398, adopte l’amendement II-CF1757 et rejette l’amendement II-CF2653.

Amendement II-CF2635 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à doubler les effectifs du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), rouage fondamental de la lutte contre l’évasion fiscale, comme l’ont prouvé les immenses perquisitions menées ce printemps sous la direction du PNF sur les scandales d’arbitrage des dividendes, lesquelles ont mobilisé plus d’une centaine d’agents.

Les moyens ne sont pas à la hauteur de ces missions : le Gouvernement avait promis que le plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière doublerait les effectifs, mais on ne trouve aucune trace de cette orientation dans le PLF ; pire, les suppressions de postes continuent dans le contrôle fiscal, puisque 200 ETP seront perdus en 2024. Les 250 créations de postes promises ne se traduisent que par des redéploiements. L’amendement vise à dépasser ce tour de passe-passe et à améliorer concrètement la situation en contraignant le Gouvernement à tenir ses promesses.

Une lutte efficace contre l’évasion fiscale et pour la récupération des 80 à 120 milliards d’euros qui échappent chaque année aux finances publiques, ne peut reposer sur des économies d’effectifs et de moyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2654 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Il s’agit d’ouvrir un débat sur l’opportunité de lancer un plan décennal de formation et d’investissement afin que la DGDDI soit en mesure de créer et de piloter les logiciels qu’elle utilise en interne. Les douaniers ont recours à de nombreux logiciels externes et ils se retrouvent souvent avec des applications qui ne sont pas compatibles entre elles, ce qui les oblige à effectuer un long travail chronophage de saisie dans chaque application – et je n’évoque pas les très nombreuses heures perdues par les agents des douanes, qui doivent saisir les procès-verbaux dans un processus qui n’est toujours pas informatisé. En outre, l’utilisation de logiciels développés par des entreprises privées pose la question de la souveraineté de l’administration.

LA DGDDI se trouve dans un tel dénuement qu’elle semble avoir été abandonnée. Nous devons rendre hommage aux services des douanes, qui remplissent une mission essentielle ; pour les aider dans leur tâche, il convient de mettre à leur disposition des outils qui améliorent leurs conditions de travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1262 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Mon amendement a pour objet la création d’un programme budgétaire qui rassemblerait l’ensemble des moyens dédiés à la lutte contre l’évasion fiscale, c’est-à-dire ceux des services de contrôle fiscal de la DGFiP, Tracfin, le SEJF, la BNRDF ou encore la DGDDI.

Cet amendement, miroir budgétaire du II-CF1295 qui tendait à créer une direction interministérielle à la lutte contre l’évasion fiscale, vise à présenter clairement et de manière cohérente les moyens alloués à cette politique prioritaire ; cette vision globale fait cruellement défaut dans les documents budgétaires. La création du programme budgétaire permettrait également de négocier les budgets de ces services indépendamment de ceux des autres services du ministère des finances : les agents pourraient ainsi déployer une stratégie pluriannuelle.

Le premier pas pour la mise en place d’un plan de lutte contre la fraude fiscale digne de ce nom consiste à élaborer un cadre clair et stable d’interactions entre les différentes entités chargées de la lutte contre ce fléau. En outre, un budget propre contraindrait le législateur et le Gouvernement à justifier politiquement toute baisse des moyens dans le domaine de la lutte contre l’évasion fiscale.

La commission rejette l’amendement.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. La lutte contre le fléau qu’est l’évasion fiscale manque terriblement de moyens, notamment humains. Les crédits de la mission ne sont absolument pas à la hauteur de l’enjeu, ce qui traduit un message politique désastreux. Mon avis sur les crédits de la mission est évidemment défavorable.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Je ne partage pas cette appréciation. L’ambition est clairement affichée ; pour la première fois depuis plusieurs années, nous disposons d’un plan large et massif, qui assure la coordination entre les fraudes fiscale, sociale et douanière. Des moyens nouveaux sans précédent accompagnent des redéploiements en termes d’effectifs. On peut toujours contester le niveau des moyens, mais on ne peut nier l’ambition de notre politique.

Nous avons abaissé tous les seuils de contrôle des prix de transfert, vecteurs privilégiés de la fuite des bases fiscales taxables, afin de rendre notre lutte contre cette évasion plus efficace.

Nous soutenons et nous remercions les agents des douanes, de la DGFiP et de l’ensemble des agents de Bercy travaillant dans ce domaine. Je donne un avis évidemment favorable au vote des crédits de la mission.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission.

M. Daniel Labaronne (RE). Le groupe Renaissance est satisfait de l’augmentation de 3,44 % des crédits de paiement de la mission Gestion des finances publiques. Pour 2024, 10,9 milliards d’euros sont demandés, soit 363 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 : je ne pense pas que l’on puisse parler de désastre, mais bien plutôt d’une ambition forte.

Cette progression facilitera la gestion prudente et raisonnée des dépenses publiques, laquelle est nécessaire pour assurer la bonne gouvernance économique de notre pays ainsi que la stabilité et la croissance. Pour ce faire, les crédits de tous les programmes de la mission augmentent. Le montant du programme 156 progresse ainsi de 2,12 % par rapport à 2023 pour atteindre 8,1 milliards d’euros. De même, le financement du programme 302 croît de 6,52 % par rapport à 2023, pour atteindre 1,7 milliard. Enfin, le programme 218 connaît une très significative hausse de ses crédits, avec un budget demandé de 1,05 milliard, soit une augmentation de 9,24 %. Pour un budget désastreux, on fait mieux !

L’ensemble de ces crédits participeront à la réalisation de nos priorités que sont l’amplification de la lutte contre la fraude, le renforcement de la qualité du service rendu aux usagers, l’efficience des réseaux de recouvrement ou la contribution à l’accessibilité et à la clarté de la norme fiscale. En toute logique, le groupe Renaissance votera les crédits de la mission.

M. Philippe Lottiaux (RN). Ce budget est très timide sur deux sujets à nos yeux essentiels. Le premier est la lutte contre l’évasion fiscale : nous avons déposé deux propositions de loi sur ce thème, dont nous ne retrouvons aucune traduction dans le PLF. Le second est le renforcement des douanes : ce ne sont pas 48 ETP qui vont « réarmer », pour reprendre une expression à la mode, les services des douanes.

Les évolutions des crédits ne sont pas à la hauteur des besoins, ni des enjeux, donc nous voterons contre les crédits de la mission.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Le groupe Les Républicains votera contre les crédits de la mission, mais pour des raisons diamétralement opposées à celles que Mme la rapporteure spéciale, membre de la France insoumise, a largement exposées.

Nous considérons qu’il est possible d’améliorer l’efficience des crédits consacrés à la mission. Le rapport d’information de Véronique Louwagie et Robin Reda était assez clair : il faut rationaliser les moyens ; les crédits de paiement progressent de 3,44 % : cette hausse me paraît injustifiée.

Jamais nous n’avions examiné autant d’amendements pour une mission budgétaire : 73 % des amendements dont nous venons de discuter ont été déposés par Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable à la limitation du droit d’amendement, mais cet excès est inacceptable.

M. Luc Geismar (Dem). Les crédits de paiement de la mission Gestion des finances publiques enregistrent une hausse de 363 millions d’euros pour l’année 2024. Cette augmentation reflète un engagement en faveur du renforcement de la gestion fiscale et de la sécurité douanière, ainsi que l’application de la feuille de route gouvernementale contre toutes les fraudes aux finances publiques, présentée en 2023.

En matière de gestion fiscale, nous saluons les efforts visant à réinternaliser des compétences, en particulier dans le domaine numérique. Cela peut contribuer à réduire la dépendance de l’État à l’égard des prestataires et à réaliser des économies à long terme. Dans le domaine de la sécurité douanière, il importe de souligner que les crédits de cette mission intègrent, pour 2024, la rémunération de 150 agents au titre de la mise en œuvre de la réserve opérationnelle, qui, créée par la loi, vise à donner aux douanes les moyens d’affronter les nouvelles menaces. Enfin, la mise en œuvre de la feuille de route se traduit par un renforcement des équipes de la DGFiP affectées aux missions de contrôle et de lutte contre la fraude : 15 postes supplémentaires seront ainsi créés dans le service de renseignement Tracfin. Au total, 250 ETP seront redéployés au sein de la DGFIP pour lutter contre la fraude.

Nous saluons les efforts consentis pour combattre la fraude fiscale et pour améliorer la gestion financière. Il est essentiel de surveiller de près les réductions d’autorisations d’engagement et les dépenses de personnel, notamment. Une gestion prudente et efficace des ressources financières est indispensable pour atteindre les objectifs de cette mission, de laquelle nous voterons les crédits.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Les crédits de la mission concernent essentiellement les effectifs de la DGFIP et de la DGDDI, ainsi que d’autres entités de Bercy comme l’Inspection générale des finances (IGF) et Tracfin, mais aussi l’AFA ou l’Autorité nationale des jeux (ANJ).

À la DGFiP, vous avez supprimé 2 300 postes en 2018, 2 130 en 2019, 1 500 en 2020, 1 800 en 2021, 1 506 en 2022 et 850 en 2023 ; cette année, vous créez 250 postes au titre du plan de lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière, mais vous en supprimez 450 dans le même temps : vous éliminez donc 200 postes au total. Vous comprendrez que cela nous pose un problème que vous vous moquiez de nous.

Vous comptez sur la réserve douanière : profitons de l’occasion pour rappeler que nous nous y sommes opposés. La France compte 4 fois plus de kilomètres de frontières que l’Allemagne et presque 30 fois plus de surface terrestre et maritime ; pourtant, nous ne comptons que 16 500 agents aux douanes contre 48 000 chez nos voisins. Il y a donc 2,3 fois moins de douaniers en France qu’en Allemagne par habitant : alors qu’il faudrait recruter, vous nous proposez une quasi-stabilité des effectifs – si nous voulons être tatillons, il y a même une suppression de 26 ETP.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que nous voterons contre l’adoption des crédits de cette mission malgré les amendements adoptés ce matin, puisque le sort de ceux-ci est pour le moins aléatoire.

M. Félicie Gérard (HOR). Depuis plusieurs années, les administrations des ministères économiques et financiers ont mené des réformes d’ampleur, comme la réduction importante du nombre d’agents combinée à une plus grande productivité et à un meilleur déploiement des effectifs dans le territoire. La réforme du réseau de la DGFiP a conduit à la hausse du nombre de communes bénéficiant des services de proximité, lesquels sont essentiels pour nos concitoyens.

Je souhaite également souligner le renforcement des moyens attribués à Tracfin, service de renseignement qui lutte contre les services financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Enfin, la loi du 18 juillet 2023 renouvelle le cadre légal applicable aux douaniers et vise à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera pour les crédits de la mission Gestion des finances publiques.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Conformément au contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour les années 2023 à 2027, la transformation numérique reste au cœur de la stratégie de la DGFIP. Celle-ci s’appuie en particulier sur d’importants investissements dans les moyens informatiques. Cette transformation numérique s’accomplit hélas au détriment des moyens humains, que soit pour le contrôle fiscal mais aussi pour l’accueil du public, élément extrêmement pénalisant pour les usagers.

Pourtant, si nous nous référons aux résultats des contrôles fiscaux, le data mining – ou exploration de données – ne remplace pas les humains. Les documents budgétaires précisent d’ailleurs que les effectifs du programme 156, Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local, reculent de 200 ETP en 2024 contre une baisse de 450 ETP prévue dans le COM de la DGFIP. Et cela est présenté comme un exploit !

Pour bien nous embobiner, M. Gabriel Attal a présenté, avant de partir au ministère de l’éducation nationale, un plan claudiquant de lutte contre les fraudes, lequel bénéficie du redéploiement – et non de la création – des 250 ETP, que vous avez sauvés de la disparition.

Le groupe Écologiste-NUPES salue les mesures en faveur du pouvoir d’achat des agents publics, qui subit fortement les effets de l’inflation. Nous partageons également le choix de donner la priorité à la lutte contre la fraude aux finances publiques, mais les moyens alloués à ce combat ne sont évidemment pas à la hauteur. Le nombre d’entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) et à la TVA double, mais les effectifs de contrôle s’affaissent nettement.

Dans ces conditions, nous ne voterons pas pour les crédits de la mission.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). La DGFiP connaît des changements importants ; elle se prépare notamment au transfert du recouvrement de certaines taxes des douanes à partir de 2024. Le parquet national financier n’a toujours pas atteint le nombre de postes prévu à sa création. Le nombre d’agents dédiés au contrôle fiscal a diminué de 1 600 équivalents temps plein depuis 2017.

L’administration douanière subit également des mutations importantes. Sa présence territoriale a considérablement diminué, en grande partie en raison des réductions d’effectifs – elle a perdu 6 000 agents au cours des dix dernières années.

La lutte contre l’évasion fiscale doit rester au premier plan de nos préoccupations. Il est scandaleux de constater qu’aujourd’hui encore, certains ont recours à divers dispositifs pour échapper à l’impôt sur le revenu. Il est grand temps de mettre fin à ces fraudes.

Nous voterons donc contre les crédits de la mission qui, sur tous ces sujets, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Charles de Courson (LIOT). Notre groupe s’abstiendra.

Certes, ce budget témoigne d’un modeste effort d’augmentation des effectifs – 108 ETP – dans le cadre de la lutte contre les fraudes. Ainsi, Tracfin gagne 15 ETP et l’Agence française anticorruption en gagne trois. Mais c’est tout à fait nouveau : bien que la lutte contre la fraude fiscale ait été défendue par tous les ministres qui se sont succédé, il faut bien constater que les effectifs étaient en baisse continue, de même que la productivité si l’on met de côté quelques très grosses affaires qui donnaient de temps en temps l’illusion que le recouvrement effectif des redressements fiscaux ne diminuait pas.

S’agissant des gains d’efficience, il convient de saluer les efforts de productivité considérables que ces services ont réalisés ces quinze dernières années.

La commission rejette les crédits de la mission Gestion des finances publiques.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1473 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Madame Dalloz, je n’ai pas très bien compris la remarque que vous m’avez adressée tout à l’heure. Vous déplorez le nombre d’amendements que je défends en tant que rapporteure spéciale alors qu’ils sont issus d’un travail rigoureux. J’ai mené de très nombreuses auditions sur ce sujet tentaculaire, sur lequel je me penche depuis plus d’un an. Il me paraît donc tout à fait normal de soutenir des amendements visant à améliorer la situation. Par ailleurs, je me suis organisée avec mon groupe afin d’éviter les doublons. Je vous rappelle enfin qu’un 49.3 nous attend en séance et que la commission est donc le seul endroit où nous pouvons avoir ce débat souhaitable. Nous parlons de comportements à l’origine d’un manque de recettes colossal, qui relèvent de la justice et même de la lutte contre la criminalité.

J’en viens à mon amendement II-CF1473. Alors que l’objectif « améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale », au sein du programme 156, est assorti de multiples indicateurs et sous-indicateurs, je souhaite qu’il soit possible de quantifier le coût de cette politique publique au regard des recettes qu’elle rapporte. En matière de performance, cette donnée me semble fondamentale pour mesurer l’efficacité de la lutte contre la fraude.

Selon une étude du National Bureau of Economic Research, chaque dollar investi aux États-Unis dans le contrôle fiscal des 10 % plus riches rapporte en moyenne 12,50 dollars. Le calcul d’un ratio similaire en France permettrait d’observer l’évolution de l’efficacité de la lutte contre la fraude.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Avis défavorable. L’idée n’est pas mauvaise, mais il serait assez difficile d’intégrer dans un tel indicateur toutes les données relatives aux activités de recouvrement et à l’efficacité de la collecte qui, je le répète, s’est considérablement améliorée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1462 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Il s’agit de s’assurer que les recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale ne sont pas considérées comme une variable d’ajustement. Alors qu’un consensus se dégage sur le caractère néfaste de la fraude fiscale et sur la nécessité de déployer des moyens pour la combattre – nous l’avons notamment constaté lorsque nous avons débattu de la question des aviseurs fiscaux –, nous déplorons le manque de moyens humains consacrés à cette politique publique et émettons des réserves s’agissant des indicateurs de performance choisis par le Gouvernement. Ainsi, le contrôle fiscal dégrade naturellement l’indicateur « coût de collecte des recettes douanières et fiscales », puisqu’il est plus difficile de récupérer l’argent de la fraude que de simplement prélever l’impôt. Il convient donc d’améliorer les paramètres de cet indicateur, dans la perspective d’une meilleure évaluation de la performance.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 54

Amendement II-CF1222 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Nous demandons un rapport sur les transferts de missions fiscales de la DGDDI vers la DGFiP. Le processus d’unification du recouvrement de l’ensemble des taxes au sein de la DGFiP peut sembler séduisant ; il se déroule pourtant de manière catastrophique et contribue à démanteler les capacités de contrôle fiscal de l’État.

Alors que les douanes disposent de l’expertise et des effectifs nécessaires au recouvrement d’un certain nombre de taxes – taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), taxes énergétiques, TVA à l’importation – et au contrôle fiscal correspondant, ces missions sont transférées sans réflexion à la DGFIP, qui n’a ni l’expertise ni les effectifs nécessaires pour les assumer. On observe en conséquence une baisse du produit de ces taxes, de plusieurs milliards d’euros par an, que seules des augmentations de taux viennent légèrement masquer. Les agents des douanes vivent également très mal cette réorganisation, qui nie leurs qualifications et leur expertise dans ce domaine. Le transfert de missions ne s’est accompagné d’aucun transfert d’effectifs, tandis que la DGFIP continue de perdre des postes année après année. À terme, c’est la souveraineté du contrôle fiscal qui se trouvera menacée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1389 de Mme Martine Etienne

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à proposer au Gouvernement d’étudier l’opportunité de modifier la convention fiscale entre la France et le grand-duché de Luxembourg, en s’inspirant de celle conclue par notre pays avec le canton de Genève. Une juste rétrocession fiscale, par le Luxembourg, de l’impôt engendré par les travailleurs frontaliers français permettrait d’augmenter les recettes perçues par la France et ses collectivités frontalières.

Les conventions conclues par la France avec ses voisins sont très hétérogènes. Entre la France et le canton de Genève, pour éviter les doubles impositions, c’est le canton qui perçoit l’impôt ; en échange, il rétrocède 3,5 % des salaires bruts à la France et à ses collectivités transfrontalières, ce qui permet d’atténuer la création de cités-dortoirs aux abords des frontières et le délitement des services publics qui en résulte.

En tant que députée de Moselle, je constate directement, sur le terrain, la catastrophe que constitue la proximité du Luxembourg pour les collectivités locales. Pourtant, nous pourrions tout à fait établir une relation équilibrée avec notre voisin. Un mécanisme de rétrocession fiscale pourrait permettre aux communes frontalières de ne plus être des cités-dortoirs totalement abandonnées.

M. Louis Margueritte, rapporteur spécial. Avis défavorable. Vous avez décrit le système de rétrocession relatif aux travailleurs frontaliers français en Suisse et en Belgique, qui vise à rééquilibrer la situation budgétaire entre la France et ses voisins – plutôt à notre avantage, d’ailleurs, mais peu importe car là n’est pas la question. Les règles ne sont pas les mêmes avec le Luxembourg, qui taxe les travailleurs français, de même nous taxons les ressortissants luxembourgeois travaillant en France. Nous avons simplement choisi un système différent : il ne s’agit évidemment pas de taxer personne.

Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale. Vous n’ignorez pas que la relation entre la France et le Luxembourg est totalement déséquilibrée. Dans ma circonscription, même la ville de Metz, qui est loin d’être la plus touchée – Thionville l’est bien davantage –, subit la fuite de tous les travailleurs : nous n’avons plus de conducteurs de bus, plus d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), plus de soignants, de moins en moins d’enseignants… Tout le monde part travailler au Luxembourg en raison du décrochage des salaires. En revanche, aucun Luxembourgeois ne vient travailler à Metz ou à Thionville. Une rétrocession fiscale permettrait de rééquilibrer la situation, mais il faut pour cela que la France ait la volonté politique d’aller chercher cet argent. Nous ne sommes pas sûrs que le Luxembourg accepte, mais pour le savoir, il faut au moins engager une négociation.

M. Charles de Courson (LIOT). Les échanges de population active entre la France et le Luxembourg sont plus que déséquilibrés. Le rapport doit être de un à deux ou deux et demi – j’ai moi-même des amis qui habitent à Nancy mais travaillent au Luxembourg, en dépit des embouteillages qu’ils subissent tous les matins et tous les soirs.

Je ne pense pas qu’un mécanisme de rétrocession soit le bon moyen de redynamiser le nord de la Moselle. Je m’interroge d’ailleurs sur la recevabilité de cet amendement : je croyais que les députés n’avaient pas la possibilité de donner des ordres à l’exécutif. La jurisprudence aurait-elle changé ?

Mme Véronique Louwagie, présidente. Il s’agit, en l’occurrence, d’une demande de rapport.

Mme Marina Ferrari (Dem). Ma circonscription étant située en Savoie, à la limite de la Haute-Savoie, je ne vis pas très loin du canton de Genève. Je puis donc vous assurer que la rétrocession fiscale, pour intéressant que soit ce mécanisme, ne permettra malheureusement pas de régler totalement les problèmes d’évasion des emplois, de manque de main-d’œuvre, de mobilité et de logement. Je rejoins donc l’avis de M. de Courson.

La commission rejette l’amendement.

 

 

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   Annexe : propositions du rapport spécial sur le PLF 2023 rÉitÉrÉes sans modification, ne figurant pas dans le corps du présent rapport

Recommandation n° 1 du rapport sur le PLF 2023 : Créer un groupe de travail composé d’experts nationaux et européens, de chercheurs et de parlementaires afin d’établir un lexique harmonisé.

Recommandation n° 2 du rapport sur le PLF 2023 : Proposer une résolution parlementaire qui rappelle la clause de la « substance économique » : toute opération dont le but principal est d’échapper à l’impôt est illégale.

Recommandation n° 3 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place (ou généraliser) un programme de contrôle fiscal randomisé par la DGFiP.

Recommandation n° 4 du rapport sur le PLF 2023 : Prévoir une obligation légale pour le CPO de proposer toutes les ans une évaluation de la fraude, impôt par impôt, grâce aux contrôles randomisés.

Recommandation n° 6 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place une direction interministérielle de la lutte contre l’évasion fiscale associant les ministères des finances, de l’intérieur et de la justice.

Recommandation n° 13 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place de services décentralisés de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, du service d’enquêtes judiciaires des finances et de la cellule TRACFIN en région pour traiter les dénonciations obligatoires de fraude fiscale.

Recommandation n° 17 du rapport sur le PLF 2023 : Évaluer les effets de la loi ESSOC sur la dimension dissuasive du contrôle fiscal et sur le travail des agents du contrôle fiscal.

Recommandation n° 18 du rapport sur le PLF 2023 : Rendre possible la dérogation à la limitation à trois ans des enquêtes préliminaires en matière de fraude fiscale.

Recommandation n° 20 du rapport sur le PLF 2023 : Lancer une nouvelle évaluation ministérielle sur les effets des conventions judiciaires d’intérêt public.

Recommandation n° 21 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place de critères d’exclusion des marchés publics à tous les échelons administratifs (municipal, intercommunal, départemental, régional et national) pour les entreprises non-coopératives.

Recommandation n° 22 du rapport sur le PLF 2023 : Faire de la France un percepteur en dernier ressort pour les entreprises françaises et les multinationales implantés en France au prorata de leur activité en France grâce à la mise en place d’un « impôt universel » avec un taux d’imposition de référence à 25 %.

Recommandation n° 25 du rapport sur le PLF 2023 : Voter une résolution parlementaire pour que la France réclame la publicité des débats du groupe « code de conduite » au niveau européen.

Recommandation n° 26 du rapport sur le PLF 2023 : Créer un cadastre financier.

Recommandation n° 27 du rapport sur le PLF 2023 : Lancer un groupe d’étude interministériel chargé d’évaluer la possibilité de limiter les impôts auto-déclaratifs.

Recommandation n° 28 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place un fichier national des donations anticipées (pour permettre l’évaluation de la fraude dans ce domaine).

Recommandation n° 29 du rapport sur le PLF 2023 : Pénaliser davantage les intermédiaires : toute personne participant à un montage dont le but principal est d’échapper à l’impôt est pénalement responsable (le secret des affaires ou le secret professionnel des avocats ne doit pas être opposable).

Recommandation n° 30 du rapport sur le PLF 2023 : Séparer les activités de conseil en fiscalité et d’audit et validation des comptes au sein des cabinets de conseil afin qu’elles soient exercées par deux entités distinctes sur le modèle du Glass-Steagall Act américain qui avait jadis séparé les banques d’investissement et les banques commerciales.

Recommandation n° 31 du rapport sur le PLF 2023 : Revoir le cadre légal des assujettis à la déclaration de soupçons de fraude fiscale avec, par exemple, l’obligation de signalement pour les avocats et les notaires lorsqu’ils ne connaissent pas leur client.

Recommandation n° 32 du rapport sur le PLF 2023 : Organiser une campagne de communication et de formation auprès des professions autorégulées pour leur rappeler leurs obligations en termes de déclaration de soupçons de fraude fiscale.

Recommandation n° 33 du rapport sur le PLF 2023 : Mettre en place un statut du lanceur d’alerte, prise en charge de la formation pour celles et ceux qui souhaitent se reconvertir et possibilité de postuler aux troisièmes concours de la fonction publique.

Recommandation n° 34 du rapport sur le PLF 2023 : Augmenter et généraliser la rémunération des « aviseurs fiscaux » par la DGFiP et mettre en place un statut qui garantit l’exfiltration et la possibilité de reconversion pour l’aviseur s’il les demande.


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Direction générale des finances publiques (DGFiP) :

 M. Frédéric Iannucci, chef du service sécurité juridique et du contrôle fiscal

 

Direction de la législation fiscale :

– M. Gaël Perraud, Sous-directeur des affaires européennes et internationales, Direction de la législation fiscale ;

– M. Florian De Filippo, Chef du bureau E1 - Règles de fiscalité internationale, Direction de la législation fiscale

 

Transparency international France * :

– M. Patrick Lefas, président ;

– Mme Sara Brimbeuf, responsable de plaidoyer

 

Table Ronde Syndicats des douanes

 CFDT Douane : Mme Manuela Graciet, secrétaire nationale

– UNSA Douanes : MM. Vincent Durand, inspecteur des douanes à la Direction interrégionale d'IDF et Nicolas Huin, contrôleur des douanes à la DNRED

– Solidaires Douanes : M. Fabien Milin, co-secrétaire général

 

Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) :

– Mme Isabelle Braun-Lemaire, directrice générale ;

– Mme Corinne Cléostrate, sous-directrice des "affaires juridiques et lutte contre la Fraude" ;

– M. Cyrille Cohen, chef de bureau "Lutte contre la Fraude" ;

– M. Fabrice Demaison, chef de bureau "comptabilité et Recouvrement.

M. Alain Deneault, philosophe

 

M. Renaud Van Ryumbeke, ancien juge d’instruction

 

M. Eric Vernier, Maître de conférence en sciences de gestions, expert sur les risques de blanchiment

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) La méthodologie de présentation des résultats du contrôle fiscal a évolué à partir de 2019, le Gouvernement ne communiquant plus sur les montants notifiés mais sur les montants recouvrés.

([2]) Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

([3]) Assemblée nationale, Rapport spécial n° 273 sur le projet de loi de finances pour 2023, M. Jean-René Cazeneuve, Rapporteur général, député – Annexe n° 26 « Lutte contre l’évasion fiscale », Mme Charlotte Leduc, rapporteure spéciale, députée.

([4]) Précisons que le projet annuel de performances du programme 156 propose une présentation plus complète.

([5]) CFDT Finances publiques, « FRAUDE FISCALE : Un Plan-Plan Anti-Fraude ? », 15/05/2023.

([6]) La DGDDI est remboursée dans un deuxième temps par la DGFiP en vertu d’une convention.

([7]) La méthodologie de présentation des résultats du contrôle fiscal a évolué à partir de 2019, le Gouvernement ne communiquant plus sur les montants notifiés mais sur les montants recouvrés.

([8]) Depuis le 1er janvier 2015, sont considérées comme affaires à faible rendement en Dircofi les affaires où les droits bruts redressés sont inférieurs à 10 000 euros et en directions territoriales lorsqu’ils sont inférieurs à 7 500 euros.

([9]) Étant entendu que l’extranéité ne concerne pas toujours le champ sur lequel se base le redressement.

([10]) Article L. 13 AA du LPF.

([11]) La rapporteure spéciale avait déjà eu l’occasion d’appeler à sa mise en œuvre dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023.

([12]) Directive 2011/16/UE modifiée par la directive (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal.

([13]) Article 121 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([14]) Décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015, cons. 33.

([15]) Une présentation exhaustive de ces critères est disponible sur la page du Conseil de l’Union européenne : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-list-of-non-cooperative-jurisdictions/criteria/  

([16]) Pour un accès à la liste complète : https://cthi.taxjustice.net/fr/