N° 1745

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René Cazeneuve,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 37
 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR :

 

RECHERCHE

 

 

Rapporteurs spéciaux : MM. Mickaël Bouloux et Jean-Marc Tellier

 

Députés

____

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES ANALYSES DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. Les crÉdits budgÉtaires : des financements sur projets trÈs ÉlevÉs, des financements rÉcurrents insuffisants

A. Les Évolutions des crÉdits RELEVANT du rapport spÉcial

B. Le contexte : un Écosystème de la recherche confrontÉ aux dÉfis de la lisibilitÉ et du financement

1. Deux types de financements

2. Deux grandes catégories de personnels

3. Une organisation complexe basée sur les unités mixtes de recherche

a. Le système actuel

b. Les évolutions possibles

4. La nécessaire réévaluation de la loi de programmation de la recherche eu égard au contexte inflationniste

C. Le Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, principal programme en faveur de la recherche non universitaire

1. Évolution générale des crédits du programme

2. L’Agence nationale de la recherche : un financement public très important en faveur de la recherche sur projets

a. Le principal opérateur de la recherche sur projets

b. Des crédits en hausse conformément à la loi de programmation de la recherche

c. L’amélioration du taux de succès et du préciput

d. Les financements apportés par l’Agence nationale de la recherche sont de diverses natures

e. Les crédits financent majoritairement l’appel à projets générique

f. La recherche sur projets a de nombreux inconvénients

3. Le Centre national de la recherche scientifique

4. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale

a. Une subvention en légère hausse

b. Un organisme investi dans la recherche contre la maladie de Lyme

5. L’Institut national du cancer

a. Une subvention en hausse

b. Des dispositifs ciblés sur la recherche en cancérologie pédiatrique

6. L’Institut Paul-Émile Victor : un sous-financement chronique

a. Une agence de moyens essentielle pour la recherche polaire

b. L’engagement des rapporteurs spéciaux en faveur de la recherche polaire est en résonance avec le consensus scientifique et politique sur le sujet

7. Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

8. L’Institut de recherche pour le développement

D. Les autres programmes de la mission Recherche et enseignement supÉrieur couverts par le rapport spÉcial

1. Le Programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles

a. L’action 1 Enseignement supérieur

b. L’action 2 Recherche, développement et transfert de technologie

2. Le Programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables : le soutien à des recherches en faveur de la transition écologique

a. Un programme important

b. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

c. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires

d. L’IFP Énergies nouvelles

3. Le Programme 191 Recherche duale (civile et militaire)

4. Le Programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

5. Le Programme 193 Recherche spatiale

II. Deux thÉmatiques transversales d’importance

A. l’ÉgalitÉ femmes-HOMMES dans les organismes liÉs À la recherche

B. Un Étrange absent du dÉbat public autour de la recherche : la punaise de lit

1. Un plan interministériel

2. Une recherche parcellaire et lacunaire

a. De nombreux axes de recherche possibles

b. Une absence de financements publics

III. Des dÉpenses fiscales trÈs coÛteuses mais perfectibles

A. Le crÉdit d’impÔt en faveur des dÉpenses de recherche

B. Le crÉdit d’impÔt en faveur de l’innovation

1. Un dispositif complémentaire au crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche

2. Des effets globalement positifs

EXAMEN EN COMMISSION

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la date limite pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires était fixée au 10 octobre 2022.

À cette date, 78 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux, contre 65 % l’an dernier.


—  1  —

   PRINCIPALES ANALYSES DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Le présent rapport spécial couvre six programmes de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui financent la recherche non universitaire, ainsi que l’enseignement supérieur agricole. Les crédits proposés sur l’ensemble de ces six programmes s’élèvent à 13 685 millions d’euros en AE et 13 312 millions d’euros en CP, en augmentation globale de 6 % en AE et de 4 % en CP.

Le projet de loi de finances pour 2024 (PLF) est marqué par la poursuite de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche (LPR) ([1]), qui prévoit 25 milliards d’euros supplémentaires sur dix ans en faveur de la recherche, destinés à l’Agence nationale de la recherche (ANR) et donc au financement sur projets. L’augmentation des crédits du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires est ainsi de 348 millions d’euros :

– 324 millions d’euros supplémentaires étaient prévus par la LPR, se répartissant principalement en 123 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’ANR, 74 millions d’euros pour la revalorisation des personnels de la recherche et 94 millions d’euros de soutien accru aux organismes et infrastructures de recherche ;

– Les mesures salariales concernant la fonction publique, dont l’augmentation du point d’indice, contribuent à hauteur de 30 millions d’euros à l’augmentation des crédits.

Le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables voit ses crédits rehaussés de 8 %, essentiellement en raison d’une augmentation du financement du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) au réacteur nucléaire de recherche Jules Horowitz.

Les crédits des autres programmes sont stables, ce qui, compte tenu de l’inflation, implique une réduction des dépenses réelles.

Ces chiffres montrent que l’État met des moyens pour la recherche. Les rapporteurs spéciaux regrettent cependant qu’il les mette au mauvais endroit. Le choix fait dans la LPR, confirmé par le présent projet de loi de finances, de soutenir massivement la recherche sur projets au détriment des financements récurrents engendre des conséquences néfastes pour l’état de la recherche : précarité des chercheurs, temps perdu à remplir des dossiers de candidature, manque de vision de long terme, entrave à la liberté de la recherche.

 

Les rapporteurs spéciaux ne sont pas opposés au principe de la recherche sur projets sur des thématiques spécifiques clairement délimitées, mais regrettent son développement croissant au détriment des financements récurrents alloués aux organismes de recherche.

De nombreux organismes auditionnés ont alerté les rapporteurs spéciaux sur les difficultés qu’ils rencontrent en raison de l’augmentation du coût de l’énergie et, dans une moindre mesure, de la revalorisation du point d’indice, évidemment souhaitable dans le contexte inflationniste mais qui nécessite une compensation par l’État. Celle-ci est souvent partielle et oblige les organismes à puiser dans leur fonds de roulement.

Les propos de M. Bruno Le Maire ([2]), ciblant parmi d’autres les organismes de recherche comme potentielles sources d’économies budgétaires du fait des réserves importantes dont ils disposeraient sur leur fonds de roulement, ont été très mal reçus. Les opérateurs ont en effet expliqué aux rapporteurs spéciaux que les crédits non engagés sur leur fonds de roulement n’étaient pas de l’argent thésaurisé mais des engagements pris pour le financement pluriannuel de projets de recherche, décaissés au fur et à mesure de leur avancement.

Les rapporteurs ont interrogé chaque opérateur sur les questions de parité, et ont constaté avec satisfaction que tous se montrent coopératifs et impliqués sur ces sujets, même si évidemment des marges de progression subsistent.

Ils se sont intéressés au financement de la recherche contre les punaises de lit, et déplorent une absence de stratégie au niveau de l’État, qui semble délaisser cette thématique en l’abandonnant aux acteurs privés.

Enfin, la principale dépense fiscale rattachée à l’un des programmes du rapport spécial, le crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche (CIR), continue à atteindre un niveau très élevé (7,7 milliards d’euros), en dépit de ses insuffisances désormais bien connues et de son indifférence quant à l’impact environnemental des opérations qu’il permet de financer.

 

 


—  1  —

I.   Les crÉdits budgÉtaires : des financements sur projets trÈs ÉlevÉs, des financements rÉcurrents insuffisants

A.   Les Évolutions des crÉdits RELEVANT du rapport spÉcial

Les crédits demandés sur l’ensemble des programmes couverts par le présent rapport spécial sont en augmentation de 814 millions d’euros en AE (+ 6 %) et 544 millions d’euros en CP (+ 4 %). En CP, 64 % de la hausse est imputable à celle du programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et 27 % à celle du programme 190 Recherche duale (civile et militaire).

En proportion de leurs CP, les programmes enregistrant la plus forte hausse sont le 190 (+ 8 %), le 172 (+ 4 %) et le 142 (+ 4 %), reflet d’un effort plus marqué sur la recherche pluridisciplinaire et dans les domaines de l’énergie, du développement durable et de l’agriculture. Un seul programme verrait ses crédits diminuer, d’ailleurs faiblement, le 192 (– 1 % en CP, soit – 5 millions d’euros).

Évolution des crÉdits consacrÉs À la recherche non universitaire
et À l’enseignement supÉrieur agricole

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024
(%)

LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024
(%)

Programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles

426

445

4

424

443

4

Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

8 071

8 623

7

7 834

8 181

4

Programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables

1 676

1 889

13

1 801

1 948

8

Programme 191 Recherche duale (civile et militaire)

150

150

0

150

150

0

Programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

682

678

 1

694

689

 1

Programme 193 Recherche spatiale

1 866

1 900

2

1 866

1 900

2

Total

12 870

13 685

6

12 768

13 312

4

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2024.

B.   Le contexte : un Écosystème de la recherche confrontÉ aux dÉfis de la lisibilitÉ et du financement

1.   Deux types de financements

Le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires concentre la plus grande partie des crédits alloués à la recherche.


91 % des crédits du programme seront gérés par les opérateurs :

– Soit pour leur permettre de mener eux-mêmes des projets de recherche : on parle de financements récurrents ;

– Soit pour permettre aux personnes morales retenues de bénéficier d’un financement partiel d’un projet de recherche : on parle de financements sur projets. Les personnes morales retenues peuvent être des équipes de recherche des organismes nationaux de recherche (ONR) (par exemple ceux du programme 172) ou privés, des universités et grandes écoles, des petites, moyennes ou grandes entreprises. Le financement sur projets est essentiellement géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui est donc une agence de moyens : elle finance certains travaux de chercheurs dont les salaires sont payés par d’autres employeurs.

2.   Deux grandes catégories de personnels

Les personnels concourant à la recherche relèvent de deux catégories :

– les chercheurs (au sens large, incluant les enseignants-chercheurs), qui conduisent les activités de recherche ;

– les personnels techniques et administratifs (ITA), qui apportent un soutien aux chercheurs.

Parmi les 170 000 ETP sur lesquels repose la recherche publique en France, les deux tiers des personnels assurent une activité de recherche et un tiers des fonctions de soutien. Sur la période 2010–2020, les effectifs de chercheurs (incluant les enseignants-chercheurs) se sont accrus d’un peu plus de 16 % quand celui des personnels de soutien a quasiment stagné (+ 1,3 %) ([3]), entraînant donc une difficulté administrative accrue pour les chercheurs, qui résulte aussi de la place croissante des financements sur projets.

3.   Une organisation complexe basée sur les unités mixtes de recherche

a.   Le système actuel

La spécificité de l’organisation de la recherche en France, qui est aussi à la source de la complexité du système français, réside dans les unités mixtes de recherche (UMR).

Une UMR est le lieu où les personnels des organismes de recherche et des universités travaillent conjointement, dans les mêmes locaux et sur des questions de recherche communes, indépendamment de leur établissement de rattachement ou de leur employeur.

Les nouvelles connaissances et les produits de la recherche sont, dans leur grande majorité, construits dans ces UMR. Elles permettent aux ONR de décliner localement leur politique nationale de recherche en fonction des acteurs locaux et des spécificités des territoires ([4]).

Les limites de l’organisation du modèle de recherche français
en unités mixtes de recherche

« Si ce modèle est largement soutenu et accepté dans les laboratoires et les établissements, c’est davantage le fonctionnement administratif de l’UMR et les contraintes qui en découlent tant sur le plan budgétaire, financier et de ressources humaines qui posent de sérieuses difficultés et qui nécessitent des mesures de simplification. La complexité de ce système amène assez logiquement la complexité des outils : le partage de la tutelle des unités de recherche par différents opérateurs aboutit à la superposition de nombreux logiciels et d’interfaces informatiques pour assurer le pilotage administratif des structures. Ce poids de l’administration pèse sur les personnels, tant sur la recherche que sur l’appui à la recherche, et représente une contrainte réelle pour les directeurs d’unités.

« Cette situation rend les métiers de chercheur et d’innovateur proches de la course d’obstacles : au-delà de la suradministration observée à l’échelle de l’unité de recherche et du trop grand nombre d’interlocuteurs et de guichets, les processus d’évaluation, multiples, non coordonnés ni synchronisés, observés à toutes les strates (personnels, projets, unités, établissements) manquent souvent d’impact et sont, dans leur configuration actuelle, des freins aux activités de recherche. »

Source : rapport Gillet, p. 24.

b.   Les évolutions possibles

En décembre 2022, Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Sylvie Retailleau a confié à M. Philippe Gillet une mission destinée à l’éclairer sur « l’évolution de l’écosystème national de recherche et d’innovation ».

Extraits de la lettre de mission du rapport Gillet

« Les organismes nationaux de recherche doivent jouer un rôle majeur en tant que pilotes de programmes nationaux, notamment thématiques, et pilotes de la prospective scientifique des principaux thèmes de recherche. La notion d’agences de programmes doit être explorée, en envisageant le pilotage des programmes par les organismes nationaux de recherche, en coordination forte avec leurs partenaires, notamment les universités, et en assurant la transparence dans la gouvernance et l’allocation des moyens. »

Source : rapport Gillet, p. 81.

L’expression « agence de programmes » décrirait ainsi les nouvelles missions des organismes de recherche, appelés à être des pilotes de programmes de recherche sur diverses thématiques prioritaires. Des moyens leur seraient attribués dans cette optique, afin qu’ils les redistribuent à des équipes déposant des projets pour travailler sur le sujet.

Remis le 15 juin 2023, le rapport Gillet propose ainsi de faire évoluer les ONR pour leur ajouter une compétence d’« agences de programmes » (qui compléterait leur compétence actuelle en matière de recherche effectuée directement). Le rapport propose aussi de transformer les universités en « opérateurs de recherche ».

Les agences de programmes proposées par le rapport Gillet

« Les agences de programmes mettront en place une activité de veille et de prospective nationales, construite collectivement entre les ONR et les établissements d’enseignement supérieur.

« Cette prospective doit permettre un suivi en temps réel des avancées de la science, de ses impacts et doit alimenter la stratégie de recherche du pays pour définir les futures orientations à prendre en matière de recherche à court, moyen et long terme. L’ONR auquel serait confiée la mission d’agence de programmes doit garantir de façon stricte, dans son organisation, la complète séparation entre ses activités d’agence de programmes et celles d’opérateur de recherche. Agissant pour le compte de l’État, il aura en charge d’organiser l’animation et la veille scientifiques via une gouvernance ad hoc impliquant l’ensemble des institutions concernées. En particulier, le rôle d’agence de programmes est une responsabilité collective et ne doit pas servir à la promotion des forces de recherche de l’ONR en charge du programme. Les agences de programmes devront donc adopter un fonctionnement transparent, en appliquant strictement les règles mises en œuvre dans les programmes européens ou par l’ANR permettant de s’assurer de processus étanches, et ce dans le but d’éviter tout conflit d’intérêt d’ordre institutionnel.

« Il faudra également veiller à ne pas sous-estimer la tâche que représentera cette mission pour les ONR et à évaluer le plus précisément possible les moyens supplémentaires qui seront nécessaires à la mise en place de ces évolutions dans les meilleures conditions. »

L’ANR pourrait avoir pour rôle, « sur la base d’un cahier des charges défini avec l’agence de programme », de « la gestion des appels à projets » mis en place par les agences de programmes dans le déploiement des programmes nationaux de recherche, qui seraient définis en lien avec leur spécialité. Il y aurait ainsi une distinction claire entre le responsable des orientations scientifiques et celui en charge des procédures d’appels à projets. « Avec un nombre limité d’agences de programmes qui deviendront les portes d’entrée thématiques, le paysage gagnerait largement en lisibilité et en capacité de pilotage, même si le nombre d’opérateurs nationaux de recherche reste important. Cette configuration devrait permettre aux agences de programmes de venir naturellement en appui aux politiques publiques dans leur phase d’élaboration, de construction et d’évaluation. »

Source : extraits du rapport Gillet, pp. 42-48.

4.   La nécessaire réévaluation de la loi de programmation de la recherche eu égard au contexte inflationniste

La LPR a attribué d’importants moyens supplémentaires à la recherche publique. Son article 2 prévoit une hausse des financements, tant en faveur des organismes de recherche que de l’Agence nationale de la recherche. Elle prévoit un total de 25 milliards d’euros supplémentaires pour la recherche à horizon 2030.

Toutefois, cette trajectoire est établie en euros courants, ne tenant donc pas compte de l’inflation. Ce qui en décembre 2020 apparaissait comme un enjeu mineur est devenu un problème majeur du fait de la reprise de l’inflation.

L’inflation : une menace pour la programmation de la recherche

« Dès l’examen de la LPR, le Sénat, par la voix de ses rapporteurs au fond et pour avis, avait alerté sur le fait que la programmation budgétaire proposée par le Gouvernement, établie en euros courants, ne tenait pas compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation. Or, selon les prévisions, une inflation relativement soutenue était prévue au cours des années à venir, atteignant 1,75 % en 2024. Le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean-François Rapin, avait même indiqué qu’en euros constants, c’est-à-dire une fois neutralisés les effets de l’inflation, la hausse prévue par la loi de programmation serait 5 fois inférieure à ce qui était annoncé à horizon 2030, les crédits dédiés à la recherche publique progressant de 1 milliard d’euros et non de 5 milliards d’euros. Et de conclure que si les prévisions d’inflation sur dix ans demeurent évidemment sujettes à caution, « elles [mettent] en exergue le caractère très incertain de la trajectoire retenue ».

« Or, depuis le vote de la loi de programmation fin 2020, l’inflation connaît une forte dynamique. La recherche, comme l’ensemble des secteurs de l’économie, est touchée par cette conjoncture inflationniste. Tous les acteurs auditionnés, qu’il s’agisse des opérateurs ou des chercheurs eux-mêmes, ont fait part de leur inquiétude aux rapporteurs, soulignant que les efforts budgétaires permis par la LPR sont déjà en tout ou partie grevés par l’inflation. »

Source : rapport d’information sénatorial n° 766 (2021-2022) de Mme Laure Darcos et M. Stéphane Piednoir, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 6 juillet 2022, pp. 27-28.

Certains opérateurs de la recherche ont été particulièrement affectés par la hausse des coûts de l’énergie. Afin de les aider, un fonds de compensation du surcoût de l’énergie a été créé. 55 millions d’euros ont été dégelés sur le programme 172, sur un total pour ce fonds de 275 millions d’euros en faveur des opérateurs de la mission Recherche et enseignement supérieurs.

La loi de programmation doit faire l’objet d’une clause de rendez-vous en 2023 en application de son article 3, afin « de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés, notamment financiers ». Ce sera l’occasion de prendre en compte l’impact de l’inflation sur les crédits supplémentaires prévus.

C.   Le Programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, principal programme en faveur de la recherche non universitaire

1.   Évolution générale des crédits du programme

Les AE du programme 172 sont proposées par le présent projet à 8 623 millions d’euros et les CP à 8 181 millions d’euros, en hausse respectivement de 7 % et 4 %, soit 552 millions d’euros en AE et 348 millions d’euros en CP.

Les évolutions de CP résultent de plusieurs évolutions :

– 324 millions d’euros supplémentaires étaient prévus par la LPR ([5]), se déclinant principalement en 123 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’ANR, 74 millions d’euros pour la revalorisation des personnels de la recherche et 94 millions d’euros de soutien accru aux organismes et infrastructures de recherche.

– Les mesures salariales concernant la fonction publique, dont l’augmentation du point d’indice, contribuent à hauteur de 30 millions d’euros à l’augmentation des crédits ;

– Le programme 172 est concerné par sept transferts pour un montant net de – 7 millions d’euros en AE et en CP.

Le schéma d’emplois pour 2024 concernant les opérateurs du programme 172 est de + 272 ETPT, dont :

– + 125 en application de la LPR ;

– + 73 pour le CEA en raison, d’une part d’un projet spécifique dit « Next Gen » sur la microélectronique, d’autre part de la relance du nucléaire.

2.   L’Agence nationale de la recherche : un financement public très important en faveur de la recherche sur projets

a.   Le principal opérateur de la recherche sur projets

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est la principale agence publique de financement de la recherche sur projets en France. Créée en 2005, elle soutient tous les domaines scientifiques ou technologiques au travers d’appels à projets (AAP).

Le fonctionnement de la recherche sur projets

Les projets de recherche financés par l’ANR sont sélectionnés dans le cadre d’appels à projets. Le principe est d’inviter les chercheurs à soumettre un projet et de soutenir les plus prometteurs. Aujourd’hui, près d’un quart des recherches proposées à l’ANR bénéficient d’un financement, un taux de succès qui doit être porté à 30 % d’ici à 2027 conformément aux objectifs de la LPR.

L’ANR finance essentiellement des projets de recherche fondamentale ([6])  proposés par les chercheurs. Ces financements sont alloués chaque année dans le cadre du principal appel à projets de l’agence : l’appel à projets générique (AAPG). Entièrement libre, l’AAPG couvre de nombreuses disciplines, toutes les recherches et tous les types de projets, à différents niveaux de maturité. Plus de 1 700 nouveaux projets ont été sélectionnés en 2022 dans le cadre de cet appel.

Publics ou privés, tous les acteurs impliqués dans la recherche française peuvent bénéficier de financements ou de cofinancements de l’ANR : organismes de recherche, établissements d’enseignement supérieur, entreprises de toutes dimensions, fondations, associations… Le soutien aux nouvelles générations de scientifiques est fondamental pour l’agence : chaque année, l’ANR finance les projets d’environ 600 jeunes chercheurs pour leur permettre de développer leurs propres recherches et de constituer ou de consolider leurs équipes.

La sélection est effectuée par des comités d’évaluation scientifique grâce à une évaluation par les pairs, experts extérieurs à l’agence, en toute indépendance. En cohérence avec les standards de la recherche internationale, l’ANR confie l’examen des dossiers à des personnalités scientifiques reconnues. Ces évaluateurs sont nommés par l’agence pour un mandat d’un an renouvelable deux fois et réunis en comités d’évaluation spécialisés. Leurs décisions sont prises collégialement. Des experts externes sont également sollicités pour apporter un regard complémentaire. Plus de 7 000 scientifiques ont participé à la sélection des projets déposés auprès de l’ANR en 2022.

Source : réponses de l’ANR au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

L’ANR n’est cependant pas le seul organisme à financer la recherche par le biais d’appels à projets.

Les organismes financeurs de la recherche sur projets
hors Agence nationale de la recherche

L’ANR est la principale agence de financement sur projets. Toutefois, d’autres institutions publiques financent des actions de recherche ou d’expertise sur la base d’appels à projets (AAP), en interaction et de façon complémentaires aux actions soutenues par l’ANR. Il s’agit principalement de :

– L’Institut national du cancer (INCa) qui, à côté de ses missions de prévention et de recherche clinique, organise des appels à projets portant spécifiquement sur la biologie des cancers ;

– L’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites – maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), agence autonome de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), qui, en plus d’actions de recherche clinique, finance des appels à projets sur la biologie de ces pathologies ;

– L’Agence de la transition écologique (ADEME), sur des actions de développement et de démonstration dans le domaine de l’énergie et de l’environnement ;

– Le Centre national d’études spatiales (CNES), dans la recherche spatiale ;

– Le Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), organisé par le ministère chargé de la santé, pour soutenir des projets de recherche clinique dans les établissements de santé.

L’ANR a des interactions régulières avec ces organismes et organise, lorsque cela est opportun, des appels à projets conjoints avec ces différentes institutions.

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

b.   Des crédits en hausse conformément à la loi de programmation de la recherche

Les crédits alloués à l’ANR en 2024 ([7]) devraient s’élever à 1 350 millions d’euros en AE (+ 10 %) et 1 086 millions d’euros en CP (+ 13 %) au titre du programme 172.

Parmi les crédits du programme 172, 40 millions d’euros en AE et en CP constituent la subvention pour charges de service public (SCSP) couvrant les frais de fonctionnement et de personnel de l’ANR. Les 1 310 millions d’euros en AE et 1 046 millions d’euros en CP restants constituent des dépenses d’intervention finançant les projets de recherche sélectionnés.

Le montant d’AE prévu pour l’ANR en 2024 est supérieur aux 1 275 millions d’euros programmés par la LPR ([8]).

c.   L’amélioration du taux de succès et du préciput

Ce relèvement année après année des crédits alloués à l’ANR permet d’augmenter le taux de succès des appels à projets. Le rapport annexé à la LPR fixe une cible de 30 % à horizon 2030.

De même, le taux de préciput ([9]) augmente : il est passé de 28,5 % en 2022 à 30 % en 2023. La LPR fixe une cible de taux de préciput de 40 % à horizon 2030. Le montant total de préciput, qui était de 100 millions d’euros en 2020, s’établit à 198 millions d’euros au titre de 2022, et devrait atteindre 219 millions d’euros en 2023.

ConsÉquences de l’Évolution des financements
de L’Agence nationale de la recherche

(en millions d’euros)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023
(prévision)

2024
(prévision)

Évolution
2018-2022

Dotation annuelle du programme 172 à l’ANR
(en CP)

773

860

738

753

884

961

1 086

14 %

ETPT sous plafond d’emplois

248

255

264

283

316

338

355

27 %

Taux de succès moyen aux AAP (en %)

17,10

18,60

19,20

23,1

24

24

25

40 %

Taux de préciput (en %)

11

11

19

25

28,50

30

30

159 %

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Pour accompagner ce développement, le plafond d’emplois de l’opérateur augmenterait de 17 ETPT en 2024, passant de 338 à 355 ETPT.

d.   Les financements apportés par l’Agence nationale de la recherche sont de diverses natures

Les fonds alloués par l’ANR peuvent être décomposés selon les catégories suivantes :

– financement des projets de recherche soutenus dans le cadre des appels à projets (dont AAPG) ;

– préciput attribué aux établissements en plus du financement des projets de recherche ;

– financement du programme Carnot ;

– financement des actions de recherche de l’Institut national du cancer ([10]) ;

– financement des plateformes de recherche technologique (RTB) ([11]).

financements de L’Agence nationale de la recherche

(en millions d’euros)

Budget d’intervention en AE

Exécution 2022

2023
(prévisions)

Appels à projets

853

814

Dont AAPG

758

779

Dont appels à projets spécifiques (AAPS)

15

35

Préciput

96

115

Programme Carnot

92

107

INCa

62

62

Plateformes de recherche technologique (RTB)

4

4

Total du budget d’intervention en autorisations d’engagement

1 118

1 229

Source : réponses de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) au questionnaire budgétaire.

 

Les instituts Carnot

Créé en 2006, le label « Carnot » vise à favoriser le développement des partenariats de recherche et de transfert de technologies entre la recherche publique et les entreprises. Il est délivré, pour une durée de 5 ans, par le ministère chargé de la recherche à des structures de recherche publique, appelées instituts Carnot, réalisant une part importante de leurs activités en relation avec des entreprises.

Les instituts Carnot reçoivent un abondement financier de l’État calculé en fonction de leurs recettes contractuelles bilatérales avec les entreprises ainsi que des revenus de licences conclues en exploitation de leur propriété intellectuelle. Ces moyens complémentaires doivent leur permettre d’une part de développer leurs compétences afin de conserver l’avance scientifique et technologique nécessaire à leur performance et à leur attractivité à l’égard des entreprises, et d’autre part de professionnaliser leurs pratiques partenariales.

Source : rapport de la commission Carnot 3.0, 20 janvier 2015.

Au sein de la catégorie des financements apportés à des projets, il convient de distinguer l’AAPG et les AAPS. Les AAPS répondent aux différents objectifs suivants :

– répondre à des besoins de recherche urgents ou spécifiques ;

– mettre en œuvre des appels à projets répondant à des besoins de recherche exprimés et financés par des partenaires ;

– favoriser le partenariat public privé ;

– soutenir la participation des équipes françaises aux actions de coopérations européennes et internationales ;

– déployer des actions de soutien à la recherche et à la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, conformément à la LPR.

e.   Les crédits financent majoritairement l’appel à projets générique

Le principal outil de financement de la recherche par l’ANR est son AAPG, qui mobilise plus de 70 % des financements qu’elle accorde. Il permet à l’ANR de soutenir des projets de recherche non ciblés, à l’initiative des chercheurs, dans toutes les disciplines. Ces chercheurs peuvent ainsi accéder à des financements additionnels en complément des financements récurrents qui leur sont alloués.

Les règles de sélection des projets dans le cadre des appels à projets

Lors de la publication de l’AAPG ou des AAPS, les critères d’évaluation sont rendus publics. Le principe de sélection est basé dans tous les cas sur le mécanisme de l’évaluation collégiale par les pairs, au sein de comités scientifiques d’évaluation indépendants et libres de leurs décisions. Les membres sont des personnalités qualifiées françaises ou étrangères appartenant aux communautés de recherche, nommées par l’ANR. Les 56 comités de l’AAPG regroupent environ 1 000 membres. Il est de plus fait appel à des rapporteurs extérieurs, spécialistes français ou étrangers du domaine concerné par le projet, sur proposition des membres de comité et sollicités par l’ANR, qui évaluent en toute indépendance les propositions.

Au cours de l’évaluation, les avis émis par les rapporteurs extérieurs sont transmis aux responsables de projets candidats, ceux-ci disposant d’un droit de réponse. Les avis des experts extérieurs et les réponses apportées par les porteurs de projets qui le souhaitent sont examinés par le comité et les différents avis sont discutés de manière collégiale au sein du comité afin d’aboutir à la décision de financement en liste principale, de mise en liste complémentaire ou de non-financement. Ces décisions relèvent des comités d’évaluation.

La composition des comités est rendue publique lors de la publication des résultats. Les porteurs de projet disposent alors d’un délai de deux mois pour, le cas échéant, contester la décision et une procédure de recours est alors mise en œuvre.

L’ensemble des experts intervenant dans l’évaluation sont soumis à des règles strictes en matière de confidentialité et de gestion des conflits d’intérêts.

Source : réponses de l’ANR au questionnaire d’audition.

f.   La recherche sur projets a de nombreux inconvénients

Les rapporteurs spéciaux regrettent la part importante des fonds alloués à la recherche sur projets. Ils ont été sensibilisés par les personnels des organismes de recherche sur les inconvénients de celle-ci. Ils sont nombreux, et justifient qu’ils aient déposé un amendement en commission des finances ([12]) pour allouer l’augmentation de crédits destinée à l’ANR (125 millions d’euros) à des financements récurrents pour les organismes de recherche.

Les rapporteurs spéciaux précisent cependant que les critiques qu’ils adressent ci-après à la recherche sur projets ne visent nullement le personnel de l’ANR. Ils tiennent d’ailleurs à témoigner de la très grande qualité des réponses de l’ANR à leurs interrogations, et la remercient pour la disponibilité dont elle fait preuve.

  1.   La précarisation des chercheurs

La recherche sur projets crée de la précarité et dégrade les conditions de travail des chercheurs, dont les financements ne sont pas garantis sur le temps long, mais qui à l’inverse dépendent à intervalles réguliers d’une sélection sur des appels à projets.

  1.   La perte de temps pour les chercheurs

Elle occasionne d’interminables pertes de temps pour les chercheurs, obligés de passer par des procédures administratives fastidieuses et chronophages pour leur permettre d’obtenir, en moyenne moins d’une fois sur quatre, un financement. La conséquence est une perte d’attractivité des établissements français pour les chercheurs, incités à mener leurs travaux à l’étranger.

Mme la ministre Sylvie Retailleau a d’ailleurs reconnu implicitement cet inconvénient en annonçant : « Nous allons continuer à […] simplifier les procédures dont souffrent nos collègues » ([13]).

Interrogée par les rapporteurs spéciaux, la DGRI a communiqué quelques éléments relatifs aux procédures de simplification déjà engagées pour les chercheurs.

De premières mesures timides pour simplifier
les démarches administratives des chercheurs

Les premiers résultats de la simplification des démarches de financement sur appels à projet inscrite dans le rapport annexé de la LPR sont visibles depuis le 7 octobre 2021 grâce au portail appelsprojetsrecherche.fr. Ce premier volet de la simplification a consisté à centraliser en un point unique les informations sur les appels à projets de différents financeurs.

Fin 2023, pour simplifier la saisie d’informations de candidature pour les déposants, le pré-remplissage automatique d’éléments du CV sera proposé. Les procédures de dépôt de candidatures ont été harmonisées entre les différents financeurs clés et le portail constituera petit à petit (dans les 3 prochaines années) le lieu de dépôt unique des candidatures aux appels des différents financeurs.

Par ailleurs, les processus de dépôt de projets à l’ANR sont simplifiés. Une harmonisation entre les différentes sources de financement, au niveau national et européen, tant dans le dépôt que dans le financement est en cours d’implémentation.

Source : réponses de l’ANR au questionnaire budgétaire.

  1.   Les pertes de découvertes sur le long terme

La recherche sur projets est une entrave à la liberté de la recherche, en ce qu’elle n’incite pas les chercheurs à travailler sur des problématiques moins valorisées sur le moment mais qui pourraient apporter des bénéfices sur le long terme. Par exemple, la recherche sur les coronavirus a longtemps été négligée en France dans les financements sur projets, ce qui n’a pas permis de disposer de connaissances suffisantes quand la crise sanitaire est survenue.

Le rapport Gillet citait d’ailleurs, parmi l’une des causes possibles pour expliquer le fait qu’ « au niveau mondial la production scientifique, comme celle des brevets, est, quelles que soient les disciplines, de moins en moins révolutionnaire et innovante depuis les années 1980 », les « mécanismes de financement de la recherche sur des appels à projets thématisés », et identifiait comme « une des principales » causes « le fait que tout est planifié, ce qui freine la créativité » ([14]).

Des illustrations de l’importance d’une recherche libre
et sans projet précis prédéfini

« Des palindromes dans les séquences d’ADN de bactéries ont éveillé dès les années 1980 la curiosité des biologistes. Ces palindromes sont l’expression d’un système immunitaire des bactéries. Dans les années 2010, toujours poussées par la curiosité et ce besoin de comprendre le mécanisme naturel à l’origine de ce phénomène, Jennifer Doudna (une chercheuse américaine) et Emmanuelle Charpentier (une chercheuse française qui travaille en Allemagne) découvrent CRISPR-Cas9, un système moléculaire qui permet d’éditer le génome. Il n’y avait dans cette démarche pas d’objectif initial finalisé ni de volonté de révolutionner le monde. Pourtant les choses sont allées très vite entre cette découverte en 2010, un prix Nobel conjoint en 2020 et le développement d’innovations dans de multiples domaines, en recherche fondamentale mais aussi dans la création de start-ups et l’engouement des industriels dans des secteurs comme la santé ou l’agriculture.

« Dans les années 1960, le microbiologiste Thomas Brock et ses collègues cherchent à comprendre les tapis gluants et colorés observés dans les geysers du parc du Yellowstone aux États-Unis. Ils y découvrent des bactéries qui vivent et se reproduisent à des températures proches des 100 degrés Celsius, chose inconcevable dans les paradigmes de la biologie de l’époque. Ils ouvrent la voie à la recherche de formes de vie dans des conditions extrêmes dont les applications dans la compréhension de l’apparition de la vie sur Terre et dans l’univers sont maintenant centrales. Cette adaptation aux hautes températures est possible grâce à une molécule qui permet à l’ADN de se multiplier à haute température. Elle est à la base des tests de PCR et de nombreuses autres applications en médecine et pour le diagnostic de différentes maladies.

« Chercher, c’est se poser des questions et ne pas nécessairement trouver les réponses attendues. La recherche repose sur des gens d’exception mais aussi sur un collectif, une communauté, qui sans une considération renouvelée ne permettra pas de mettre notre pays au-devant de la scène de la connaissance et de l’innovation.

 

« La recherche est par nature une prise de risque qu’il faut assumer financièrement et collectivement sur le long terme. Or le système de financement actuel, avec une réduction permanente des financements de base ne favorise ni la prise de risque, ni l’attractivité pour les plus jeunes. L’émergence d’idées et de concepts nouveaux résulte parfois d’une commande de l’État mais émane le plus souvent du libre fonctionnement de l’esprit des chercheurs et découle notamment de la liberté intellectuelle qu’offre le cadre de la recherche publique. »

Source : rapport Gillet, pp. 12, 14 et 68.

Les rapporteurs spéciaux ne sont pas opposés sur le principe à la recherche sur projets, pour financer des actions de recherche sur des thématiques très spécifiques ou érigées au rang de priorité par l’État. Ils s’opposent toutefois à ce que ce mode de financement devienne la norme au détriment des financements récurrents, et appellent de leurs vœux un rééquilibrage en faveur de ceux-ci.

  1.   La conséquence : le décrochage de la France en matière de recherche

Selon les rapporteurs spéciaux, le manque d’intérêt du Gouvernement pour les financements récurrents et son obstination à promouvoir toujours plus la recherche sur projets malgré ses multiples inconvénients expliquent le décrochage de la France dans l’écosystème mondial de la recherche.

Le constat sur le décrochage de la France
dans l’écosystème mondial de la recherche

« Si tous les indicateurs visant à apprécier la qualité et la production scientifique des pays et des institutions présentent leurs limites, ils s’accordent néanmoins pour placer la performance de la France en termes de recherche et d’innovation à une position plutôt moyenne et sans réelle amélioration dans la période récente. Les conséquences des efforts et des investissements réalisés récemment par l’État dans le cadre de la LPR et de France 2030 ne sont pas encore perceptibles. Que ce soit sur sa production scientifique globale, sur la production scientifique de haut niveau ou sur ses résultats en matière d’innovation, la France a toujours une place en décalage avec son rang économique, et en recul depuis plusieurs années. Sans apparaître dramatiques, ces indicateurs contrastés pour un pays comme la France peuvent néanmoins interroger.

« Ce constat n’est bien entendu pas uniforme et peut être nuancé selon les thématiques. Dans certains champs hautement stratégiques, la France est à la peine tant sur le plan de la recherche que de l’innovation, et le pays s’est vu en difficulté lorsqu’il a fallu prendre des virages déterminants comme dans la course aux vaccins à ARNm ou dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ces éléments posent la question des moments de grands basculements de la science qu’il faut savoir saisir à temps : à défaut, le rattrapage s’avère impossible. »

Source : rapport Gillet, pp. 19 et 20.

Les critiques sur la recherche sur projets, et la diminution corrélative de la part des moyens attribués aux financements récurrents, exprimées par les rapporteurs spéciaux et les syndicats de chercheurs qu’ils ont rencontrés sont largement partagées.

Deux sénateurs membres du groupe Les Républicains, rapporteurs d’une mission d’information, témoignaient ainsi, s’agissant de la hausse modérée des financements récurrents des laboratoires, prévue par la LPR en 2021, que « si les représentants des directeurs de laboratoires jugent cette hausse " bienvenue ", ils regrettent qu’elle ne soit pas d’ampleur à rattraper le retard accumulé depuis des dizaines d’années, sans compter qu’elle est déjà en partie grevée par l’inflation ». Dès lors, les rapporteurs avaient « [rappelé] la nécessité de trouver un équilibre entre financements pérennes et financements sur projets afin de préserver le temps long nécessaire à la recherche fondamentale » ([15]).

La presse s’est également fait l’écho du délitement de la recherche en France engendré par le système actuel favorisant excessivement la recherche sur projets.

Illustrations et témoignages des effets de la recherche sur projets
sur la qualité de la recherche en France

« Deux Français sur les trois lauréats du prix Nobel de physique en 2023. Après le prix accordé l’an passé à Alain Aspect, l’expertise française dans le domaine n’est plus à démontrer ! Pourtant, les lauréats Pierre Agostini et Anne L’Huillier ont respectivement quitté la France en 2002 et 1986. « Il ne faut pas que ces prix Nobel nous empêchent de voir la réalité en face, la recherche française est en mauvaise santé, commente Serge Haroche, Nobel de physique en 2012. Les résultats qui sont récompensés aujourd’hui sont le fruit de travaux qui ont débuté en France il y a une quarantaine d’années. Il y a donc un décalage, et il faut se poser les bonnes questions. »

« Le système français décourage les jeunes chercheurs, juge le biologiste Philippe Froguel. Les bons scientifiques se battent pour obtenir des financements. Quand ils les obtiennent, on considère qu’ils n’ont pas besoin d’aide. Ils se retrouvent délaissés… Et quand ils partent à l’étranger, ils voient que c’est beaucoup plus simple d’exercer leur métier. »

« Plusieurs raisons ont guidé mon départ [témoigne Victor Malka, physicien spécialiste des lasers qui a quitté le CNRS en 2019 pour un poste en Israël], mais la fatigue liée aux tâches administratives, la perte de temps à remplir des dossiers, ont beaucoup joué. Il y a une spirale négative à ce système qui peut nourrir un sentiment de lassitude dans notre travail. » Tous les scientifiques joints par Le Figaro dressent le même constat : une perte de temps dans le remplissage de dossiers de subventions, une lourdeur administrative déconcertante, et des salaires très bas qui poussent les meilleurs éléments à aller voir ailleurs.

« Depuis plusieurs années, la France a abandonné le système de financement à long terme, analyse de son côté le biologiste Bruno Canard. C’était un système qui donnait un certain confort, on pouvait travailler dans l’ombre avant de sortir de gros résultats. On est passé à un financement exclusivement sur projet, un peu à l’instar du système anglo-saxon, mais avec des montants qui sont bien plus faibles qu’aux États-Unis ! »

Source : article du Figaro « Ces deux Nobel français qui ont choisi de travailler à l’étranger », Vincent Bordenave, 3 octobre 2023, https://www.lefigaro.fr/sciences/ces-deux-nobel-francais-qui-ont-choisi-de-travailler-a-l-etranger-20231003

3.   Le Centre national de la recherche scientifique

L’activité du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) recouvre la quasi-totalité des domaines scientifiques et toutes les actions de recherche du programme. Il a notamment pour missions d’identifier les recherches présentant un intérêt pour l’avancement de la science ainsi que pour le progrès économique, social et culturel du pays, de contribuer à l’application et à la valorisation des résultats de ces recherches, de développer l’information scientifique et l’accès aux travaux et données de la recherche.

En 2024, la subvention versée au CNRS depuis le programme 172 atteindra 3 123 millions d’euros en AE et en CP, en progression de 2 % en AE comme en CP. Les ressources du CNRS versées par l’État ([16]) devraient être comme chaque année complétées par des ressources propres issues de financements de l’ANR, européens, des collectivités territoriales ou de prestations effectuées pour le secteur privé, quoique, de manière regrettable, le CNRS n’ait pas répondu aux demandes des rapporteurs spéciaux sur le détail de ces financements.

L’augmentation de la SCSP de 74 millions d’euros permettra de compenser, mais seulement partiellement, l’inflation (le surcoût énergétique est estimé à 45 millions d’euros par an) et les mesures de revalorisation salariale communes à l’ensemble de la fonction publique (estimées par le CNRS à 50 millions d’euros en 2024). Le CNRS n’avait déjà pas été compensé des mesures salariales évaluées à 36 millions d’euros sur six mois en 2022, pas plus que de celles de 2023, évaluées à 20 millions d’euros sur l’année.

4.   L’Institut national de la santé et de la recherche médicale

a.   Une subvention en légère hausse

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) est un organisme de recherche dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine. Il assure la coordination entre la recherche fondamentale, la recherche clinique ([17]) et la recherche en santé publique ([18]).

La subvention pour charges de service public (SCSP) prévue pour 2024 dans le présent projet atteindrait 727 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 2 %, intégralement imputée sur le programme 172. D’après les informations communiquées par l’INSERM aux rapporteurs spéciaux, cette hausse devrait permettre de financer en totalité l’augmentation des crédits prévue par la LPR, mais il semble en revanche que les revalorisations salariales communes à l’ensemble de la fonction publique ne le soient que partiellement.

L’INSERM reçoit aussi des financements de l’ANR, de l’Union européenne ou au titre des programmes d’investissements d’avenir (PIA), qui représentent au total près d’un tiers de son budget total. Le détail de ces financements pour 2024 est encore inconnu.

b.   Un organisme investi dans la recherche contre la maladie de Lyme

L’INSERM est également impliqué dans la recherche contre la maladie de Lyme.

Un groupe de travail a tenu sa première réunion à ce sujet en 2020. La crise sanitaire a retardé au 17 mars 2022 la tenue de la seconde réunion. Cette réunion a associé une pluralité d’acteurs ([19]).

Un budget de 20 millions d’euros a été évoqué dans le cadre de ces travaux. Comme l’année dernière, l’INSERM a indiqué aux rapporteurs spéciaux que « de premières estimations du financement nécessaire pour mettre en œuvre ce projet sont en cours d’élaboration ; les discussions du groupe de travail se poursuivent pour en finaliser le contour, identifier les canaux de financement existants qui pourraient d’ores et déjà être mobilisés par les différents partenaires, déterminer la gouvernance du projet et enfin mobiliser les équipes sur le sujet ».

Des financements pour la recherche contre la maladie de Lyme sont également attribués par l’ANR au travers de son AAPG. Il a été indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’un bilan sur l’historique des recherches contre l’ensemble des maladies vectorielles à tiques (MVT) (incluant Lyme) depuis sa création en 2005 fait état de trente projets comportant un volet sur les MVT, pour un soutien d’environ 8,5 millions d’euros au total.

5.   L’Institut national du cancer

a.   Une subvention en hausse

L’Institut national du cancer (INCa) est une agence scientifique et sanitaire, qui recouvre tous les champs de la lutte contre le cancer, incluant la recherche et le soin. Il est organisé sous forme de groupement d’intérêt public (GIP), regroupant l’État, les fédérations hospitalières, des organismes de recherche (INSERM et CNRS) et des associations.

Il ne s’agit donc pas d’un organisme de recherche. Son rôle consiste à concevoir les grands axes de la recherche en matière de cancer et à lancer les appels à projets en conséquence. La sélection des projets relève ensuite d’un jury international, indépendant de l’INCa.

Il bénéficie d’une subvention du programme 172 qui transite par l’ANR pour des raisons historiques, et qui n’apparaît ainsi pas dans les documents budgétaires. D’après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, la subvention versée à l’INCa par le biais de l’ANR devrait s’élever à 70 millions d’euros en 2024 (contre 62 millions d’euros en 2023), auxquels il faudra ajouter 5 millions d’euros fléchés pour la recherche en cancérologie pédiatrique.

b.   Des dispositifs ciblés sur la recherche en cancérologie pédiatrique

À la subvention pour l’ensemble des activités de l’INCa s’ajoute, depuis 2019, un versement supplémentaire annuel de 5 millions d’euros consacré à la recherche contre les cancers pédiatriques, pris en compte parmi les actions communes d’animation de la sous-action 3 Soutien à la recherche de l’action 1 Pilotage et animation du programme 172.

La discussion budgétaire sur la loi de finances 2022 a aussi conduit à doter exceptionnellement l’INCa de 20 millions d’euros supplémentaires pour la recherche en cancérologie pédiatrique, dont 16,5 millions d’euros sont gérés par l’INCa.

L’INCa a indiqué aux rapporteurs spéciaux que « les financements actuels spécifiquement dédiés à cette thématique semblent suffisants, notamment si on veut maintenir un taux de sélection des projets suffisant pour garantir une recherche d’excellence ».

La recherche contre les cancers (incluant les cancers pédiatriques) est aussi financée par des financements récurrents issus de l’INSERM.

6.   L’Institut Paul-Émile Victor : un sous-financement chronique

a.   Une agence de moyens essentielle pour la recherche polaire

L’institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) est l’agence de moyens permettant la mise en œuvre des projets de recherche polaire. Il offre les moyens humains, matériels, logistiques, techniques et financiers nécessaires au développement de la recherche française dans les régions polaires et subpolaires.

L’IPEV n’est pas un organisme de recherche : il n’est pas candidat à des appels à projets et ne produit pas de publication. En revanche, il permet la mise en œuvre des projets de recherche conduits par des organismes publics de recherche (CNRS, universités…) dans les zones polaires difficiles d’accès, pour lesquelles l’IPEV dispose d’une compétence et d’une technicité uniques dans le paysage national et international.

L’Institut bénéficie d’une SCSP inscrite sur le programme 172, stable en 2024 à 15,2 millions d’euros. Son plafond d’emplois reste stable à 53 ETPT.

b.   L’engagement des rapporteurs spéciaux en faveur de la recherche polaire est en résonance avec le consensus scientifique et politique sur le sujet

  1.   L’engagement des rapporteurs spéciaux

Dans le cadre du printemps de l’évaluation, le rapporteur spécial Mickaël Bouloux a souhaité s’intéresser particulièrement à la recherche polaire ([20]). Dans une logique de chaînage vertueux, il renouvelle à l’occasion du présent projet ses constats et ses solutions sur la visibilité législative de la recherche polaire. Il fait remarquer que, comme pour 2023, l’édition 2024 de l’annexe jaune sur les politiques nationales de recherche et de formations supérieures ([21]), ne consacre pas une seule de ses 476 pages à la « recherche polaire », cette dernière expression n’apparaissant nulle part. Le nom de l’Institut Paul-Émile Victor n’apparaît quant à lui que dans l’annexe 8, pour être intégré dans la « liste des organismes de recherche », ce qu’il n’est pas.

Le rapporteur spécial souhaite une évolution législative afin qu’un document de politique transversale (« orange ») soit consacré à la politique polaire de la France. Il a déposé un amendement en ce sens en commission des finances ([22]).

À défaut, il souhaite que le « jaune » relatif aux politiques nationales de recherche et de formations supérieures soit complété afin que le Gouvernement présente chaque année au Parlement le bilan et les perspectives de son action et de celle des entreprises en matière de recherche polaire. Il a déposé un amendement en ce sens en commission des finances ([23]).

Le rapporteur spécial Jean-Marc Tellier s’associe à ces constats et à ces recommandations.

  1.   Le consensus politique : la stratégie polaire

Membre du groupe d’études arctique, antarctique, terres australes et antarctiques françaises et grands fonds océaniques, le rapporteur spécial Mickaël Bouloux est très investi sur le sujet de la recherche polaire. À la suite du dépôt de son rapport d’information sur le sujet, il a été à l’initiative du dépôt d’une proposition de loi transpartisane de programmation polaire pour les années 2024 à 2030 ([24]), à laquelle il espère que ses collègues et le Gouvernement donneront une suite favorable.

Le constat et les recommandations de M. Bouloux sont étayés par le rapport sur la stratégie polaire de M. l’Ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes Olivier Poivre d’Arvor ([25]). Cette stratégie polaire plaide en faveur d’un accroissement spécial du budget pour augmenter l’effectif des chercheurs de l‘Institut polaire français qui sont affectés sur les pôles, en faisant passer les effectifs de 320 à 500 d’ici à 2030. Pour ce faire, elle prévoit de « tripler les moyens financiers » accordés par les pouvoirs publics à la recherche et à la logistique en Arctique, alors que 90 % des financements français consacrés aux mondes polaires vont, à l’heure actuelle, à l’Antarctique. Elle propose ainsi au Gouvernement d’installer une nouvelle base scientifique au Groenland, de rénover les deux stations antarctiques et de construire un nouveau navire océanographique pouvant naviguer dans ces zones froides. »

  1.   Le consensus scientifique

Dans une tribune publiée le 9 octobre 2023, trois scientifiques de renom appellent à « investir davantage dans la recherche [polaire], pour affiner la compréhension du climat », reprenant ainsi les constats et les recommandations exposés par le rapporteur spécial au printemps de l’évaluation.

Bruno David, Jean Jouzel et Valérie Masson-Delmotte ([26]) :
« La France doit faire son retour parmi les grandes nations polaires »

« La France a toujours été moteur de la compréhension et de la protection des pôles. Aujourd’hui, et dans un contexte d’urgence climatique et d’érosion de la biodiversité, la capacité de la science française à faire avancer des connaissances essentielles pour la société est fragilisée par un manque d’investissements au cours des trente dernières années. Deux exemples sont significatifs : la station Dumont-d’Urville, lieu de recherche et porte d’entrée pour la logistique française sur le continent Antarctique, date des années 1950 et, à l’inverse de beaucoup de nations, nous ne disposons pas de navire de recherche adapté aux environnements polaires.

« Ce constat laisse également craindre un affaiblissement de la voix de la France dans les instances internationales chargées de la protection des pôles. Aux pôles, la science est, en effet, un instrument de diplomatie.

« La France s’est dotée d’une stratégie polaire à l’horizon 2030, construite par Olivier Poivre d’Arvor, Ambassadeur aux pôles et aux enjeux maritimes, à la demande du Président de la République. Cette stratégie est une dynamique que nous saluons et qui mérite maintenant d’être concrétisée par l’octroi de moyens financiers à la hauteur de cette ambition renouvelée.

« C’est l’objet de la proposition de loi transpartisane de programmation polaire. Coconstruit avec les scientifiques et les différents acteurs polaires français, le texte programme un effort financier évalué à 450 millions d’euros entre 2024 et 2030. Cet investissement est essentiel pour que la France conserve sa capacité de recherche polaire, alors que d’autres nations réinvestissent massivement dans ces régions. À titre d’exemples, l’Allemagne engagera plus de 1 milliard d’euros dans son nouveau navire brise-glace océanographique, et la Chine construit sa cinquième station en Antarctique.

« Cette initiative montre le caractère stratégique de l’appui de la France à la recherche polaire, et nous souhaitons qu’elle soit portée par le plus grand nombre de parlementaires aux côtés du Gouvernement. Nous invitons donc tous les députés et sénateurs soucieux d’anticiper l’avenir des pôles et attentifs à la place de la France dans le monde à s’y associer.

« Du 8 au 10 novembre, la France organisera le premier sommet polaire international (One Planet – Polar Summit), un événement lors duquel des engagements forts sont attendus de chefs d’État et de gouvernement en faveur des pôles et des glaciers. L’occasion sera belle pour la France d’y annoncer le vote de la loi de programmation, pour rendre tangible notre retour dans le concert des grandes nations polaires. »

Source : tribune précitée, 9 octobre 2023, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/09/bruno-david-jean-jouzel-et-valerie-masson-delmotte-la-france-doit-faire-son-retour-parmi-les-grandes-nations-polaires_6193216_3232.html

L’engagement des rapporteurs spéciaux, appuyés par le consensus politique sur la stratégie polaire et à l’écoute du consensus partagé au sein de la communauté scientifique, a débouché, à l’issue du sommet polaire international « One Planet – Polar Summit » le 10 novembre 2023, sur l’annonce par le Président de la République d’un investissement d’un milliard d’euros d’ici à 2030 pour la recherche polaire. Cette somme devrait financer :

– un renforcement des moyens de l’IPEV afin de mieux soutenir les projets de recherche polaire ;

– la reconstruction de la station Dumont-d’Urville ;

– la rénovation de la station Concordia ;

– la construction d’un navire capable de naviguer dans les glaces des mers polaires.

7.   Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

Le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) couvre la recherche dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement.

Les missions du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

« Le CIRAD a pour missions, en France et hors de France :

a) De contribuer au développement rural des régions chaudes, par des recherches et des réalisations expérimentales, principalement dans les secteurs agricoles, forestiers et agroalimentaires ;

b) D’apporter son concours, à la demande de gouvernements étrangers, aux institutions nationales de recherche dans ces domaines ;

c) D’assurer l’information scientifique et technique des milieux scientifiques, économiques et culturels concernés ;

d) De participer à la formation de Français et d’étrangers, à la recherche et par la recherche ;

e) De contribuer à l’élaboration de la politique nationale dans les domaines de sa compétence, notamment par l’analyse de la conjoncture scientifique internationale. »

Source : article 3 du décret n° 84-429 du 5 juin 1984 portant création et organisation du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

Les crédits du CIRAD pour 2024 sont prévus à hauteur de 139 millions d’euros sur le programme 172, en hausse de 3 millions d’euros. Le CIRAD a indiqué aux rapporteurs spéciaux que sa subvention insuffisamment réévaluée ces dernières années ne lui permettait pas d’augmenter les salaires pour créer un nouvel élan de motivation chez ses personnels, alors qu’il est confronté à des démissions nombreuses.

8.   L’Institut de recherche pour le développement

L’Institut de recherche pour le développement (IRD) est un organisme pluridisciplinaire reconnu internationalement, travaillant en partenariat avec les pays méditerranéens et intertropicaux. Il porte, par sa présence dans une cinquantaine de pays, une démarche originale de recherche, d’expertise, de formation et de partage des savoirs au bénéfice des territoires et pays qui font de la science et de l’innovation un des premiers leviers de leur développement.

Les missions de l’Institut de recherche pour le développement

« L’institut a pour mission, en France et hors de France, en particulier par des actions de recherche en coopération de longue durée, en accord avec les États avec lesquels sont établis des protocoles et conventions :

a) De promouvoir et de réaliser tous travaux de recherche scientifique et technologique susceptibles de contribuer au progrès économique, social et culturel des pays en développement, en particulier :

– par l’étude des milieux physiques, biologiques et humains de ces pays ;

– par des recherches visant à donner à ces pays la maîtrise de leur développement ;

– par des expertises scientifiques dans ses domaines de compétences ;

b) De participer à l’élaboration des orientations proposées conjointement par les organismes de recherche et les établissements publics d’enseignement supérieur ;

c) De contribuer, sur toute question de science liée au développement, en cohérence avec la politique française d’aide au développement, ainsi qu’avec les stratégies nationales d’enseignement supérieur et de recherche qui sont traduites notamment par les orientations visées au b :

– à la coordination nationale de la recherche pour le développement ;

– à la définition de stratégies européennes et multilatérales en ce domaine ;

– à la structuration de l’offre partenariale de formation, de recherche et d’innovation à destination des pays en développement ;

d) D’assurer l’information scientifique et technique dans les divers milieux sociaux, professionnels et culturels concernés ;

e) De contribuer à l’application et à la valorisation scientifique, sociale, économique et culturelle des résultats des recherches ;

f) D’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche de Français et d’étrangers ;

g) De favoriser, par la conclusion de contrats, l’action en commun des organismes travaillant dans son domaine de compétence ;

h) De participer à l’analyse de la conjoncture nationale, européenne et internationale et de ses perspectives d’évolution en vue de l’élaboration de la politique nationale en ce domaine ;

i) D’accueillir des personnels appartenant à des organismes extérieurs. »

Source : article 2 du décret n° 84-430 du 5 juin 1984 portant organisation et fonctionnement de l’Institut de recherche pour le développement.

Les rapporteurs spéciaux ont demandé à l’IRD de lui fournir des exemples de projets financés. Les thèmes sont très variés :

– le projet SABLE (UMR Entropie) vise à promouvoir une stratégie de conservation qui tienne compte du potentiel adaptatif des coraux contre le blanchissement ;

– le Projet GEANTech, au Maroc, a pour objectif de proposer des solutions innovantes et des réponses appropriées pour la gestion efficiente et durable de l’eau, particulièrement dans le secteur agricole, en relation avec les réservoirs physiques (capacités de stockage et de renouvellement) ;

– le projet « Et si on parlait autrement de l’immigration ? Recherche participative sur l’immigration, le travail et les savoirs en France », s’interroge sur la thèse suivante : les politiques publiques politiques s’insèrent dans le cadre d’une économie capitaliste caractérisée par une division internationale du travail pour extraire le maximum de profit des étrangers et des immigrés à travers leur assignation à des positions subalternisées que ce soit dans l’enseignement supérieur, dans l’agriculture saisonnière, dans le bâtiment, dans les services de santé et d’aide à la personne, ou encore dans les métiers de la culture.

La subvention de l’IRD, figurant sur le programme 172, augmentera de 5 millions d’euros pour s’établir à 228 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2024. Les rapporteurs spéciaux considèrent cette faible augmentation insuffisante eu égard à l’inflation, qui volens nolens ne permet pas que soient atteints les objectifs portés par la LPR d’accroissement véritable des moyens en faveur de la recherche.

D.   Les autres programmes de la mission Recherche et enseignement supÉrieur couverts par le rapport spÉcial

1.   Le Programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles

Le programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles regroupe les moyens destinés à assurer la formation d’ingénieurs agronomes, de vétérinaires, de paysagistes, de cadres spécialisés, d’enseignants et de chercheurs. Il soutient aussi la recherche en la matière et sa valorisation, le transfert de connaissances et de technologies pour l’agriculture, l’alimentation, la forêt, la santé et le bien-être des animaux.

Les crédits demandés seraient en augmentation de 4 % en AE comme en CP pour s’établir à 445 millions d’euros en AE et 443 millions d’euros en CP.

a.   L’action 1 Enseignement supérieur

  1.   L’enseignement supérieur agricole

L’enseignement supérieur agricole est constitué d’un réseau de 16 établissements (10 établissements publics et 6 établissements privés sous contrat avec l’État) qui assurent des formations d’ingénieurs, de vétérinaires et de paysagistes. Ces établissements publics et privés accueillent 16 650 étudiants. L’objectif de 16 000 étudiants initialement prévu en 2024-2025 a été atteint dès la rentrée 2022.

Le taux d’insertion des diplômés dans les 12 mois suivant l’obtention du diplôme est estimé à 94 % en 2022, en hausse d’un point par rapport à l’année précédente. Il est proche de 96 % dans les 24 mois suivant l’obtention du diplôme.

  1.   Les crédits de l’action

L’action 1 finance essentiellement (en CP) :

– 263 millions d’euros de dépenses de personnel. Quoique la documentation budgétaire ne le précise pas, il s’agit très vraisemblablement des personnels employés par les établissements publics d’enseignement supérieur agricole ;

– 45 millions d’euros de subventions au fonctionnement des établissements publics ;

– 39 millions d’euros d’aides aux étudiants ;

– 26 millions d’euros pour le financement des établissements supérieurs agricoles sous contrat.

Quoique ce ne soit pas précisé par la documentation budgétaire et que les rapporteurs spéciaux n’aient pas reçu de réponse à ce sujet dans le questionnaire budgétaire, l’augmentation modérée des crédits du programme, avant tout imputable à la croissance des dépenses de personnel, résulte vraisemblablement des mesures de revalorisation indemnitaire des enseignants-chercheurs issues de la LPR, de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et de celle des bourses.

b.   L’action 2 Recherche, développement et transfert de technologie

  1.   Les menaces sur la situation financière de l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement

L’action 2 finance la recherche, le développement et le transfert de technologies, essentiellement par une subvention à l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (INRAE). Ce dernier « a pour missions de réaliser, d’organiser et de coordonner, à son initiative ou à la demande de l’État, tous travaux de recherche scientifique et technologique dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation, de la forêt, de l’environnement, de l’eau, de la biodiversité, de la bioéconomie, de l’économie circulaire, de la gestion durable des territoires et des risques dans les champs de compétence précités » ([27]).

Rattaché au programme 172, qui lui versera en 2024 une subvention de 859 millions d’euros (+ 2 %), l’INRAE bénéficiera aussi d’une subvention de 27 millions d’euros au titre du programme 142 (stable par rapport à la LFI 2023). L’INRAE bénéficie ainsi d’un financement global de l’État d’un montant de 889 millions d’euros, en hausse de 2 %.

L’INRAE a décrit aux rapporteurs spéciaux la situation difficile qui est la sienne face à l’inflation.

L’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement face à l’inflation

« L’INRAE est particulièrement affecté par la hausse des tarifs de l’énergie (+ 100 % prévus en 2024 par rapport à 2021), au vu de son dispositif expérimental très consommateur (serres, chambres climatiques, animalerie en milieu contrôlé…).

« C’est pourquoi la hausse des tarifs de l’énergie impactera sensiblement le budget 2024. Le surcoût par rapport à l’année de référence 2021 est ainsi estimé à 11,2 millions d’euros. Nos efforts d’économies d’énergie et de redéploiements, ainsi qu’une participation raisonnable des unités à la hausse des coûts de l’énergie permettant de préserver l’activité scientifique (hausse des tarifs limitée à + 35%), devraient nous permettre de limiter la sollicitation de notre fonds de roulement à 5 millions d’euros.

« Par ailleurs, en 2024, les mesures salariales de juin 2023 produiront leur effet année pleine pour un coût total de 15,3 millions d’euros.

 

« L’INRAE n’est pas en mesure de supporter sur son fonds de roulement l’imputation de l’ensemble des surcoûts liés à l’énergie et aux mesures salariales en 2024. En effet, le fonds de roulement mobilisable de l’Institut fin 2023 tendra vers zéro, et risque de devenir négatif dès 2024. »

Source : réponses de l’INRAE au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

  1.   L’action de l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement contre la maladie de Lyme

L’INRAE est un organisme investi dans la recherche sur la maladie de Lyme.

L’action de l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement sur la maladie de Lyme

Dans le cadre du plan national de lutte contre la maladie de Lyme, l’INRAE a analysé le risque lié à la tique Ixodes ricinus, principal vecteur des agents pathogènes en France. Les chercheurs se sont basés sur les données récoltées dans 7 observatoires caractérisés par différents microclimats de France métropolitaine ainsi que sur les données météorologiques. Leurs résultats ont permis de développer une carte qui permet de mieux évaluer les risques d’exposition humaine aux piqûres et à mieux cibler les campagnes de prévention. La surveillance s’étend également à de nouvelles espèces de tiques arrivées plus récemment sur le territoire, complétée par des recherches sur l’identification des agents infectieux qu’elles peuvent transmettre.

Par ailleurs, un vaccin innovant, ciblant le microbiote des tiques, a été expérimenté pour diminuer leur infection par la bactérie.

Enfin, le site https://ci-tique-tracker.sk8.inrae.fr/ a été lancé en juin 2023, il s’agit d’un nouvel outil de visualisation des données de signalement de piqûres de tiques. Il est ouvert à tous ceux qui souhaitent l’utiliser (grand public, chercheurs, agences régionales de santé, collectivités, associations, etc.). Il va permettre de répondre à des demandes récurrentes qui étaient adressées à l’équipe en charge du programme.

Source : réponses de l’INRAE au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

2.   Le Programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables : le soutien à des recherches en faveur de la transition écologique

a.   Un programme important

Le programme 190 couvre la recherche dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement.

Les rapporteurs spéciaux rappellent l’importance de la recherche en matière de transition écologique. Ils souscrivent pleinement aux constats d’une tribune publiée par un collectif de scientifiques ([28]), dont le prix Nobel de physique M. Alain Aspect, proposant « un projet Manhattan de la transition écologique » par le biais d’investissements « à l’image de l’investissement américain pour mettre au point la première bombe atomique ». Les rapporteurs spéciaux tiennent à partager ici l’analyse de ces scientifiques :

L’importance de la recherche contre le dérèglement climatique

« Alors que les catastrophes climatiques s’enchaînent – incendies, inondations, canicules, sécheresses… –, il est maintenant indéniable que le réchauffement climatique est une menace existentielle. Limiter ce réchauffement et nous y adapter est un devoir impératif et supérieur : voilà le plus grand défi de l’histoire humaine. Dans l’agriculture, l’industrie, le transport, les énergies fossiles constituent la base même de la société moderne et industrielle. S’en passer implique une nouvelle organisation collective, et en particulier une transformation profonde de nos outils techniques et industriels. Décarboner les procédés énergétiques, physiques, chimiques et agricoles qui sous-tendent le monde industrialisé afin d’éviter des millions de morts : telle est notre responsabilité historique.

« Malgré l’urgence, la transition n’a de facto pas vraiment commencé : les émissions continuent d’augmenter. Nous sommes en train d’échouer et de condamner nos enfants. Pour relever ce défi dans l’urgence, il est impératif de coupler des avancées scientifiques rapides à des transformations industrielles massives. Nous, scientifiques de tous horizons, appelons à la mise en œuvre d’un projet Manhattan de la transition écologique. La France, et plus largement l’Europe, peut le réaliser. »

Source : tribune précitée.

Les crédits proposés sont de 1 889 millions d’euros en AE et 1 948 millions d’euros en CP, en hausse de 13 % en AE et 8 % en CP.

93 % des crédits du programme sont alloués aux opérateurs, dont 72 % pour le seul CEA. Les autres crédits relèvent du secteur de la recherche dans l’aéronautique civile.

b.   Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

L’essentiel de la hausse résulte de celle de la subvention pour le CEA, qui passe de 1 261 millions d’euros en AE et en CP à 1 399 millions d’euros. Cette subvention ne finance qu’une partie du budget annuel du CEA, estimé à 5,8 milliards d’euros, dont :

– 2,6 milliards d’euros consacrés aux activités de défense et financés quasi exclusivement par de la subvention du ministère chargé des armées ;

– 0,8 milliard d’euros pour les activités d’assainissement et de démantèlement des installations nucléaires financées par un fonds dédié ;

– les 2,4 milliards d’euros restants concernent les activités civiles. Ces dernières sont financées par des subventions (1,3 milliard d’euros) et des recettes externes (0,9 milliard d’euros) qui se répartissent à peu près à parité entre des recettes industrielles et des recettes institutionnelles (fonds incitatifs nationaux, Union européenne, collectivités locales, investissements d’avenir…).

Les diverses missions du Commissariat à l’énergie atomique
et aux énergies alternatives

Les activités du CEA s’articulent autour de six missions :

– Une dissuasion nucléaire crédible : le CEA conçoit, fabrique, maintient en condition opérationnelle, puis démantèle les têtes nucléaires. Il contribue à la sécurité nationale et internationale en apportant son appui technique dans la lutte contre la prolifération nucléaire et contre le terrorisme ;

– La transition énergétique : le CEA promeut une vision intégrée de l’énergie s’appuyant sur la complémentarité des nouvelles technologies de l’énergie et de l’énergie nucléaire. Il poursuit l’ambition d’être un acteur de premier plan du développement du photovoltaïque, des systèmes de stockage énergétique, notamment à base de batteries et par le vecteur hydrogène, de l’amélioration de l’efficacité énergétique et de l’insertion des énergies renouvelables dans les réseaux énergétiques. Le CEA prépare également, en coordination avec les industriels, le nucléaire du futur.

– La transition numérique : les principales thématiques abordées concernent les microcomposants, les technologies quantiques, l’intelligence artificielle et la cyber sécurité.

– La médecine du futur : Le CEA valorise son expertise dans les domaines de l’imagerie, des dispositifs médicaux pour la détection et le diagnostic, des solutions vaccinales et immunologiques contre les maladies infectieuses émergentes, du développement de nouvelles approches thérapeutiques et du numérique en santé.

– La recherche fondamentale dans le domaine du monde quantique, de la fusion nucléaire, des évolutions du climat et de l’environnement, des mécanismes fondamentaux du vivant, ainsi que de l’organisation du cerveau et du code neural.

– L’obligation d’assurer l’assainissement et le démantèlement des anciennes installations nucléaires, qui découle de sa responsabilité historique d’exploitant nucléaire. L’ampleur des moyens à déployer dans ce domaine, financé depuis 2016 par une subvention dédiée du programme 190, et les enjeux que représentent ces opérations en matière de sûreté et de responsabilité sociétale appellent un haut niveau d’exigence dans leur conduite.

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire d’audition.

Le schéma d’emplois du CEA est de + 73 en raison, d’une part d’un projet spécifique dit « Next Gen » sur la microélectronique, d’autre part de la relance du nucléaire.

c.   L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires (IRSN) ([29]) exerce des missions d’expertise et de recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et radiologique.

L’IRSN dispose d’un budget annuel de 298 millions d’euros en 2023, qui se répartit en dépenses de personnel pour 160,2 millions d’euros, en dépenses de fonctionnement pour 111,7 millions d’euros et en dépenses d’investissement pour 26,1 millions d’euros. Le financement des activités est assuré à hauteur de 82 % par l’État au moyen d’une subvention du programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, d’une subvention du programme 212 Soutien de la politique de la défense et d’une taxe affectée acquittée par les exploitants des installations nucléaires de base. Le solde, soit 18 % du financement, provient de prestations réalisées ou de contributions financières de tiers (agences de financement de la recherche, partenaires industriels …) aux activités de recherche de l’Institut.

La SCSP prévue pour 2024 s’élève à 183 millions d’euros en AE et en CP (+ 2 %). Cette augmentation pourrait être insuffisante pour absorber les surcoûts liés à l’inflation, qui ont été chiffrés à 12 millions d’euros en 2023. Pour 2024, la prise en compte des effets de l’inflation a conduit l’IRSN à évaluer un besoin de financement de 12 millions d’euros. Le plafond d’emplois passerait de 1 652 à 1 653 ETPT, alors que l’IRSN avait estimé ses besoins à 12 ETPT pour 2024.

Eu égard à ces éléments, l’IRSN a indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’« en l’état actuel du fonds de roulement, l’élaboration d’un budget 2024 de l’IRSN à l’équilibre ne saurait être réalisable sans devoir réduire l’activité ».

d.   L’IFP Énergies nouvelles

Les statuts de l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN) lui donnent la mission de conduire dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’environnement, pour ce qui concerne le développement des technologies et matériaux du futur trois missions : recherche scientifique et développement technologique, formation supérieure et diffusion d’information et d’expertise.

L’IFPEN oriente de plus en plus ses activités vers les activités vertes : énergies renouvelables, biocarburants, captage du dioxyde de carbone, produits biosourcés (fabriqués à partir de déchets, notamment plastiques).

RÉpartition des activitÉs financÉes par l’IFP Énergies nouvelles

(en pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Activités vertes

55

59

67

68

71

76

Activités pour des hydrocarbures responsables et rentables

45

41

33

32

29

24

Source : commission des finances d’après les éléments communiqués par l’IFPEN.

Cet institut a comme particularité d’assurer son financement majoritairement grâce à des ressources propres. Outre sa dotation budgétaire, affectée au financement des activités vertes, les dividendes et redevances issus des filiales industrielles du groupe IFPEN ainsi que les prestations et recherches collaboratives contribuent à son financement. La marge dégagée par les activités de l’IFPEN sur les hydrocarbures finance les recherches dans le domaine des nouvelles technologies environnementales.

La SCSP de l’IFPEN pour l’exercice 2023 est en hausse très modérée de 126 à 127 millions d’euros.

3.   Le Programme 191 Recherche duale (civile et militaire)

Le programme 191 Recherche duale (civile et militaire) est intégralement consacré aux subventions et dotations versées au Centre national d’études spatiales (CNES) et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour leur activité de recherche intéressant la défense. La priorité du programme 191, dont le responsable est le délégué général pour l’armement, est de garantir et de pérenniser la prise en compte des besoins de la défense par les organismes bénéficiaires (le CNES et le CEA) dans leurs études et dans leurs projets grâce à la recherche duale, civile et militaire, ainsi financée.

La recherche duale est une recherche civile ayant des retombées à la fois dans le domaine militaire et pour la protection civile. Un exemple récent est la recherche sur l’amélioration des tests PCR dans le cadre de la crise de la covid-19, qui peut s’appliquer à une meilleure détection d’un agent pathogène en cas d’attaque biologique.

Les crédits n’évoluent pas par rapport à l’année dernière et restent à 150 millions d’euros en AE et en CP. 85 % des crédits sont consacrés à l’action 3 Recherche duale dans le domaine aérospatial, qui finance par une subvention au CNES les études que celui-ci mène en matière de sécurité et de défense.

4.   Le Programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Le programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle concourt au financement des politiques publiques de développement de la recherche technologique des entreprises, ainsi qu’au soutien à l’innovation et au transfert de technologies. Ces politiques se déclinent en trois objectifs : favoriser l’innovation des entreprises, notamment dans la filière de la nanoélectronique, renforcer le soutien aux petites et moyennes entreprises à travers le volet social du dispositif « Jeunes entreprises innovantes » (JEI) et améliorer la formation et la recherche.

Les crédits demandés sur ce programme pour 2024 sont de 678 millions d’euros en AE et 689 millions d’euros en CP, en baisse de 1 % en AE et en CP.

5.   Le Programme 193 Recherche spatiale

Le programme 193 abrite le versement de la subvention au Centre national d’études spatiales (CNES) et le versement à l’Agence spatiale européenne (ESA), par l’intermédiaire des crédits alloués au CNES, de la contribution de la France au budget annuel de l’organisation.

Le CNES est l’établissement public chargé de proposer et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France. Sa mission à cet égard est double. Il a un rôle de force de proposition, de programmation et de mise en œuvre de la politique spatiale de la France. Il dispose également des compétences et des moyens techniques nécessaires pour soutenir l’ambition spatiale de la France.

Il ne s’agit ainsi pas d’un organisme de recherche, mais d’un établissement de proposition et d’appui financier et technique au monde scientifique.

Les crédits proposés pour le programme 193 sont de 1 900 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 2 % par rapport à la LFI 2023, ce qui représente 34 millions d’euros, dont 31 étaient prévus par l’article 2 de la LPR. Si la trajectoire est cohérente avec la LPR, elle ne tient pas compte de l’inflation, alors que celle-ci pèse pourtant sur les finances du CNES. Comme pour d’autres opérateurs, il existe un risque que le surplus de financement pour la recherche permis par la LPR ne serve dans la pratique qu’à absorber l’inflation, sans que les financements réels en faveur de la recherche augmentent.

Mme la Première ministre a annoncé lors du congrès international d’astronautique de septembre 2022 des investissements de l’État dans le secteur spatial à hauteur de 9 milliards d’euros pour les trois années 2023, 2024 et 2025. La direction générale des entreprises (DGE), responsable du programme 193, a détaillé aux rapporteurs spéciaux les financements à cet effet. Il appert que « ce montant, indicatif, correspond à la synthèse de l’ensemble des vecteurs de financements publics nationaux en faveur du spatial », soit :

– l’intégralité des crédits de la LPR budgétés sur les programmes 193 Recherche spatiale (5,7 milliards d’euros au total sur la période 2023-2025) ;

– les crédits du plan Investir pour la France de 2030 et des programmes d’investissements d’avenir (1 milliard d’euros au total) ;

– les crédits militaires en faveur des activités spatiales, prévus tant par la loi de programmation militaire ([30]) que par la budgétisation du programme 191 Recherche duale (2,5 milliards d’euros).

En 2023, la France, représentée par le CNES au Conseil de l’ESA, est le deuxième contributeur annuel à l’ESA (1,08 milliard d’euros sur un budget de 7,08 milliards d’euros), derrière l’Allemagne.

Évolution de la contribution de la France À l’Agence spatiale europÉenne

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Crédits budgétaires
(en millions d’euros)

965

1 175

1 401

1 175

1 174

1 079

1 067

Part de la contribution française dans le budget total de l’ESA (en %)

17

20

21

18

16

15

Inconnu

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Ces montants correspondent ainsi à l’agrégation des trajectoires ambitieuses de la LPR, de la LPM et du plan Investir pour la France de 2030 et ne supposent pas la mise en œuvre de nouveaux crédits.

II.   Deux thÉmatiques transversales d’importance

A.   l’ÉgalitÉ femmes-HOMMES dans les organismes liÉs À la recherche

Les organismes de recherche auditionnés par les rapporteurs spéciaux ont tous indiqué leur attention au sujet de l’égalité femmes-hommes.

À titre d’exemple, l’ANR a indiqué aux rapporteurs spéciaux : « Le genre est au cœur des projets de recherche. L’intégration de la dimension genre dans les travaux de recherche commence par un soutien aux projets scientifiques qui s’intéressent directement à ce sujet. Depuis 2022, l’ANR finance par exemple le projet WomenSoFar, dont l’objectif est d’étudier le rôle méconnu des femmes dans les sociétés agropastorales du Néolithique. Ce faisant, l’ANR s’engage aussi à lutter contre les constructions sociales qui continuent d’influencer, assez largement, la méthode et les choix scientifiques. L’exemple des recherches en biologie est très parlant. Une grande partie des travaux restent menés sur des humains de sexe masculin, sur des animaux mâles, et même sur des cellules d’origine masculine. Consciente du caractère persistant de ces inégalités, l’Agence agit autant pour faire évoluer ses propres pratiques que pour mobiliser l’ensemble des communautés scientifiques ».

Pour donner un autre exemple, le CNRS a expliqué que, pour lutter contre les tendances à l’autocensure des femmes, il fait attention à utiliser les mots « chercheurs et chercheuses », à ne pas utiliser de termes connotés au masculin dans ses offres d’emploi, par exemple « leadership », et à intégrer dans chaque jury de recrutement un référent parité, dont le seul rôle est de constater le pourcentage de femmes retenues, afin de sensibiliser les membres des jurys sur cette question.

Les rapporteurs spéciaux ont demandé aux organismes liés à la recherche qu’ils ont auditionnés de leur communiquer leur index de l’égalité professionnelle ([31]).

Les rapporteurs spéciaux remercient les organismes suivants pour la transparence dont ils ont fait preuve sur ce sujet.

Index de l’ÉgalitÉ professionnelle de diffÉrents
organismes liÉs À la recherche

 

Index en 2022

IFPEN

100

INCa

95

CEA

94

ANR

93

IRSN

89

CIRAD

88

Source : commission des finances d’après les réponses au questionnaire budgétaire.

Certains opérateurs n’ont cependant pas donné suite à la demande des rapporteurs spéciaux.

B.   Un Étrange absent du dÉbat public autour de la recherche : la punaise de lit

1.   Un plan interministériel

À l’automne 2023 s’est imposé dans le débat public le sujet de la recrudescence des infestations par les punaises de lit.

Un plan interministériel de lutte contre les punaises de lit avait été lancé en mars 2022. Il inclut plusieurs actions, mais rien ne semble avoir été pensé en matière de recherche([32]). En particulier, quoique la création d’un observatoire, « pour l’instant à titre expérimental, sur trois territoires (Bouches-du-Rhône, Alpes‑Maritimes, Grand Lyon), afin d’améliorer la connaissance du phénomène », eût été annoncée par le Gouvernement devant l’Assemblée nationale pour septembre 2022 ([33]), elle a été décrite en octobre 2023 comme encore « en cours » ([34]).

2.   Une recherche parcellaire et lacunaire

a.   De nombreux axes de recherche possibles

L’ANSES avait identifié des pistes de recherche variées dans un avis de juillet 2023.

Les actions de recherche à mener contre la punaise de lit d’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

En matière de connaissances biologiques et comportementales sur la punaise de lit :

– étudier la génétique des populations de punaises, afin de comprendre la circulation des punaises de lit au sein d’un quartier ou d’une ville ou la dispersion des punaises en réponse aux méthodes de lutte utilisées ;

– réaliser une étude nationale pour cartographier, dans les populations sauvages, la présence et l’évolution du niveau de résistance aux diverses classes d’insecticides ;

En matière de moyens de détection :

– développer des outils de détection des punaises, basés sur des solutions innovantes (identification des empreintes chimiques de ces insectes dans l’air ambiant).

En matière de lutte contre les punaises :

– encourager les études sur l’évaluation de l’efficacité et de l’applicabilité des méthodes de lutte (physique, biologique et méthodes de lutte combinées) en conditions réelles (dans des habitats infestés) ;

– développer des méthodes et outils alternatifs pour limiter le recours à la lutte chimique.

En matière d’impacts sanitaires et socio-économiques :

– mieux caractériser les conséquences médico-psychologiques des infestations, dans le but de mieux les prendre en charge ;

– mieux caractériser les impacts socio-économiques des infestations afin de les réduire et de mieux les prendre en charge en exploitant les données issues de l’observatoire.

Source : avis de l’ANSES « Les punaises de lit : impacts, prévention et lutte », juillet 2023.

b.   Une absence de financements publics

Les rapporteurs spéciaux ont interrogé plusieurs acteurs du monde de la recherche à ce sujet. Ils déplorent qu’aucune stratégie nationale de recherche contre les punaises de lit ne semble avoir été mise en place. Il s’agissait pourtant d’une recommandation formulée par Mme la députée Cathy Racon-Bouzon dans son rapport de 2020 : « Pour articuler les actions qui relèvent de champs aussi variés que la santé, la recherche, le logement ou le tourisme, l’État doit impulser une dynamique collective et accompagner la structuration d’un service public de l’accompagnement à différents échelons territoriaux » ([35]).

Le Gouvernement avait affirmé en séance : « la deuxième [mesure] est de poursuivre la recherche sur ces nuisibles. L’ANSES est largement mobilisée pour déterminer quels traitements sont les plus à même d’y répondre » ([36]). Pourtant, l’ANSES a expliqué aux rapporteurs spéciaux qu’elle « produit des expertises mais ne réalise pas et ne finance pas de recherches sur les punaises de lit ».

L’INSERM leur a indiqué n’être pas compétent sur le sujet, tout comme l’INRAE car « il s’agit d’insectes qui s’attaquent exclusivement à l’être humain (sans transmission d’agents pathogènes) ».

S’agissant de la recherche sur projets, l’ANR a expliqué aux rapporteurs spéciaux que « l’AAPG est ouvert au dépôt de projets de recherche concernant les ectoparasites, en particulier le genre Cimex auquel appartiennent les punaises de lits, ou les résistances aux insecticides ». Toutefois, elle ajoute que « peu de projets ont jusqu’à présent été proposés à l’AAPG ou mis en œuvre dans le cadre de financements non fléchés de France 2030 ». Une aide de 0,5 million d’euros de l’ANR a été apportée à un projet à partir de 2021, intitulé « Combattre les infestations de punaises de lit : guider l’usage des traitements insecticides et développer des méthodes de lutte alternatives ».

Alors que Mme la Première ministre a annoncé l’engagement « avec l’ensemble des ministères concernés » d’un « travail pour trouver des réponses de long terme sur la détection, l’infestation et l’accompagnement des personnes touchées » ([37]), les rapporteurs spéciaux déplorent que ce travail ne semble pas concerner un soutien à la recherche en la matière. L’absence de financements récurrents sur ce sujet semble préjudiciable.

Ce constat avait déjà été élaboré par Mme Racon-Bouzon : « À ce jour, et malgré une évolution certaine des mentalités, la punaise semble encore largement passer à travers les mailles du filet de l’action publique. Non reconnue comme étant un problème de santé publique, elle ne bénéficie pas d’une prise en charge sanitaire encadrée, le développement de traitements de lutte étant par conséquent laissé à la liberté de professionnels et industriels privés privilégiant majoritairement les traitements chimiques. L’absence d’articulation entre les scientifiques experts de la punaise et les professionnels ou industriels du traitement pose un véritable problème de fiabilité et d’efficacité de la filière ». La DGRI a d’ailleurs indiqué aux rapporteurs spéciaux que la priorité était donnée à la « lutte opérationnelle sur la base des connaissances acquises », davantage qu’à l’approfondissement de ces connaissances par la recherche.

Les rapporteurs spéciaux appellent l’État à se saisir de la recherche en matière de punaises de lit, et à ne pas abandonner le sujet à la recherche privée.

Ils remarquent par ailleurs que ni le « jaune recherche » ni le PAP ne contiennent une seule occurrence du mot « punaise », témoignant par là-même des progrès qui restent encore à accomplir pour développer le soutien de l’État à la recherche en la matière.

La période budgétaire n’est pas idoine pour conduire des travaux approfondis sur une politique publique spécifique comme celle-ci. Les rapporteurs spéciaux suivront cependant avec intérêt ce sujet dans le cadre de leurs travaux ultérieurs, et appellent leurs collègues parlementaires à se saisir de cette thématique.

III.   Des dÉpenses fiscales trÈs coÛteuses mais perfectibles

A.   Le crÉdit d’impÔt en faveur des dÉpenses de recherche

Le crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche (CIR) ([38]), créé en 1983 et profondément réformé en 2008 ([39]), rattaché au programme 172, est le dispositif le plus important dont dispose l’État pour inciter les entreprises à accroître leur effort de recherche et développement. La réforme de 2008 a mis en place un dispositif uniquement en volume et sans plafond dont le taux est fixé à 30 % pour la fraction de dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros, et à 5 % au-delà.

Son coût est évalué à 7 651 millions d’euros en 2024, un montant très élevé et qui continue de croître (+ 6 % par rapport à 2023).

Le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche : une efficacité limitée

En dépit de son coût élevé pour les finances publiques, le CIR a une efficacité relativement limitée. L’étude ([40]) de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) estime son effet d’entraînement à environ 1, en moyenne : le CIR conduit les entreprises à accroître leur dépense interne de recherche et développement du montant du CIR perçu. On n’observe donc pas d’effet d’aubaine ; l’incidence sur les dépenses de recherche et développement est bien réelle. Toutefois, cette moyenne cache de fortes disparités entre les entreprises de petite taille (pour lesquelles l’effet d’entraînement est estimé à environ 1,4) et les grandes entreprises (pour lesquelles il est de 0,4, ce qui démontre l’existence d’un effet d’aubaine partiel). De même, les effets positifs du CIR sur les variables d’innovation (nombre d’ingénieurs dans les effectifs ou nombre de dépôts de demandes de brevet) et d’activité (investissement ou chiffre d’affaires) ne s’observent que sur les PME.


Pourtant, les PME, qui constituent 91 % des bénéficiaires du CIR, ne représentent que 32 % de la créance fiscale. Inversement, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total de CIR et les 100 plus gros bénéficiaires en perçoivent 33 %, alors que les études montrent également que ce dispositif n’a pas d’effet sur la localisation en France des activités de recherche des groupes étrangers, même s’il semble avoir ralenti la délocalisation des activités de recherche et développement des groupes français.

Source : commission des finances d’après le rapport sénatorial « Transformer l’essai de l’innovation : un impératif pour réindustrialiser la France » n° 655 (2021-2022) de Mme Vanina Paoli-Gagin, fait au nom de la mission d’information sur la recherche et l’innovation, déposé le 8 juin 2022.

Évolution du coÛt budgÉtaire du crÉdit d’impÔt
au titre des dÉpenses de recherche

(en millions d’euros)

Année

Coût

2012

3 370

2013

3 269

2014

5 108

2015

5 094

2016

5 555

2017

6 100

2018

6 200

2019

6 400

2020

6 600

2021

6 383

2022

7 193

2023

7 185

2024

7 651

Sources :

– Années 2012 à 2020 : Rapport d’information déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’application des mesures fiscales, présenté par MM. Laurent Saint-Martin, Francis Chouat et Mme Christine Pires Beaune, n° 4402, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021, page 18 (lui-même d’après les Évaluations des voies et moyens des projets de loi de finances, tome II : Dépenses fiscales).

– Depuis 2021 : documentation budgétaire.

Les rapporteurs spéciaux sont très critiques vis-à-vis du CIR. Outre son insuffisant ciblage sur les petites et moyennes entreprises pour lesquelles il est véritablement utile, ils regrettent que son verdissement n’ait pas été retenu par le Gouvernement dans le présent projet. Il leur semble à tout le moins indispensable que le CIR ne puisse pas financer de recherches ayant un impact environnemental défavorable.

Ils font remarquer que le coût du CIR est équivalent aux crédits budgétaires du programme 172 (incluant le financement des appels à projets de l’ANR) : il serait possible, à coût constant pour l’État, de plus que doubler les financements récurrents attribués aux organismes de recherche en réorientant vers ceux-ci les crédits consacrés au CIR et à l’ANR !

Les rapporteurs spéciaux regrettent enfin que, quoique le CIR soit très critiqué, il n’y ait eu aucune étude conduite depuis plus d’un an pour évaluer son efficacité.

B.   Le crÉdit d’impÔt en faveur de l’innovation

1.   Un dispositif complémentaire au crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche

L’article 71 de la loi de finances pour 2013 ([41]) a institué le crédit d’impôt en faveur de l’innovation (CII) ([42]), composante du CIR exclusivement réservée aux PME. Le CII incite les PME à innover en élargissant, pour elles, les dépenses éligibles au titre du CIR à la conception de prototypes et installations pilotes de nouveaux produits.

La différence entre le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche
et le crédit d’impôt innovation

Le CII se veut complémentaire du CIR en ce qu’il ne vise pas la même étape du processus d’innovation. Alors que le CIR a pour objectif d’encourager les activités de recherche et développement dans le but de faire progresser l’état des connaissances scientifiques et techniques en amont du processus d’innovation, le CII cherche à valoriser l’utilisation économique de ces connaissances en aval. Une même opération peut successivement être éligible au CIR, puis au CII en fonction des phases de recherche et d’innovation.

Source : réponses de la direction générale des entreprises (DGE) au questionnaire budgétaire.

Le CII est rattaché au programme 192 et sa fin est actuellement prévue en 2024 (fin du fait générateur).

Évolution du coÛt budgÉtaire du crÉdit d’impôt
en faveur de l’innovation

(en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Coût

108

173

157

190

195

247

280

303

320

332

Source : réponses de la DGE au questionnaire budgétaire.

2.   Des effets globalement positifs

Une évaluation du dispositif a été réalisée par l’INSEE et la DGE en 2019 ([43]). Il en ressort que « l’emploi, le total du bilan, le chiffre d’affaires ou la probabilité de déposer un brevet des PME bénéficiaires du CII progressent plus rapidement que ceux des PME similaires n’ayant pas bénéficié du dispositif dans les années suivant sa mise en place. En revanche, le salaire moyen ou l’investissement progressent au même rythme. Par ailleurs, les PME de l’industrie bénéficiaires du CII ont mis sur le marché davantage de nouveaux produits. Toutefois, ces évolutions différenciées entre bénéficiaires et non bénéficiaires aux caractéristiques similaires ne garantissent pas l’interprétation des résultats comme des causalités ».

L’actualisation de cette étude en 2022 ([44]) établit que les PME qui bénéficient du CII connaissent un développement plus dynamique que celles n’en disposant pas. En 2013, date d’introduction du CII, l’écart en matière d’emploi entre les PME bénéficiaires et celles non bénéficiaires était d’1,8 %, et a atteint 5 % en 2015. Leur chiffre d’affaires est également plus élevé : en 2015, il était de 2,5 % supérieur à celui des non bénéficiaires, puis supérieur à 5 % en 2016. Enfin, l’étude démontre que les PME bénéficiaires du CII dans le secteur industriel créent en moyenne davantage de nouveaux produits que les autres.

Pour éclairer le Parlement sur l’intérêt d’une reconduction au-delà de 2024 de cette incitation fiscale, les rapporteurs spéciaux insistent pour que son évaluation soit réalisée avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2025.

 


—  1  —

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion de 14 heures, le lundi 30 octobre 2023, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur et entendu MM. Mickaël Bouloux et Jean-Marc Tellier, rapporteurs spéciaux des crédits des programmes 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles, 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables, 191 Recherche duale (civile et militaire), 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle et 193 Recherche spatiale.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le compte rendu est consultable en ligne.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté les amendements II-CF17, II-CF138, II-CF139, II-CF1097, II-CF1134, II-CF1235, II-CF1273, II-CF1974, II-CF1979, II-CF1980, II-CF1982, II-CF1984, II-CF1985, II-CF2176, II-CF2458, II-CF2560, II-CF1595, II-CF2725, II-CF2740, II-CF2742, II-CF2743, II-CF2744, II-CF2745, II-CF2791, II-CF2837, II-CF2843, II-CF2945, II-CF2948, la commission a, conformément à l’avis favorable des rapporteurs spéciaux, adopté les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur ainsi modifiés.

 

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial (Enseignement supérieur et vie étudiante). Aucune société ne se rêve un grand dessein et n’a une haute idée d’elle-même et de son rôle dans la vie intellectuelle du monde si elle néglige ses universités. Depuis la fondation de l’université de Paris au XIIe siècle jusqu’aux soixante-seize prix Nobel engrangés par la France, notre pays peut être fier d’être un pôle universitaire majeur de l’Europe. L’université est un espace privilégié d’émancipation des jeunes personnes ; elle leur permet, par l’acquisition de savoirs, de questionner les références sociales, culturelles et religieuses de leur milieu d’origine et, ainsi, de devenir des citoyens éclairés. Le rôle de l’université dans le débat démocratique d’un pays est essentiel, puisqu’elle doit permettre aux étudiants une insertion réussie sur le marché du travail. Une université qui ne forme pas correctement au monde de l’emploi et qui envoie ses jeunes dans des filières sans débouchés est une machine à créer du ressentiment.

Pour que ces belles paroles soient des réalités, nos universités ont besoin de moyens. La France accorde-t-elle des moyens importants à ses universités et à ses grandes écoles ? La réponse est oui. Les 32 milliards de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur représentent beaucoup d’argent. Ces crédits augmentent depuis 2017 et ils seront encore en hausse en 2024, par rapport à 2023. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à voter les crédits de cette mission. Mais est-ce suffisant pour que la France demeure une nation universitaire de premier rang ? J’en doute. Le gouvernement actuel a rectifié le tir, comme sur nombre d’autres politiques, mais le mal est ancien et profond.

Depuis des décennies, la France néglige son université et notre société ne se donne pas les moyens d’un rayonnement intellectuel à la hauteur de ses ambitions. En témoigne la sous-rémunération des enseignants français. Du maître d’école jusqu’au professeur des universités, nos enseignants ne sont pas suffisamment payés, au regard de leur niveau de qualification et surtout de leur importance dans la vie de la nation. Notre société accepte que des enseignants‑chercheurs ne puissent même plus se loger dans la ville où ils enseignent ; elle accepte qu’ils travaillent dans des bureaux indignes de leur rang ; elle accepte que leur train de vie ne soit absolument pas à la mesure de leur excellence. Quand je vois cela, je me dis que la France prépare mal son avenir. Notre société accepte que des docteurs brillants aient comme horizon, en début de carrière, une vie de quasi-smicard. Quand je vois cela, je me dis que la France se trompe. La manière dont notre pays traite ses enseignants et ses chercheurs est aussi révoltante qu’inquiétante. Ce ne sont pas les footballeurs et les influenceurs gavés d’argent facile qui bâtiront l’avenir de la France, mais bien ses professeurs et ses docteurs.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notre effort national en matière universitaire est dans la moyenne des pays riches : il est donc moyen, et j’aurais même tendance à dire qu’il est médiocre. Avec 1,5 % de notre PIB consacré à l’enseignement supérieur, nous sommes loin derrière les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, qui lui consacrent 2 %, voire plus. La dépense par étudiant est même en recul, en raison d’un accroissement plus rapide du nombre d’étudiants que des moyens affectés.

Dans un contexte marqué par l’inflation, la hausse des effectifs et des contraintes budgétaires évidentes, le budget pour 2024 aura cependant mon soutien. Je me félicite notamment de la pérennisation du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers précaires, de la poursuite des rénovations des cités universitaires du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et des efforts pour l’attractivité des carrières scientifiques, en cohérence avec la loi de programmation de la recherche (LPR) votée en 2020. Dans le cadre du rétablissement des finances publiques, la ministre de l’enseignement supérieur a demandé un effort aux universités, s’agissant de la compensation de la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires et des fonds de roulement des opérateurs. De tels efforts ne pourront cependant devenir la règle. Je proposerai donc un amendement demandant au Gouvernement de préciser l’opportunité d’assurer la compensation intégrale et systématique des mesures de revalorisation de la rémunération des agents publics qui ont une incidence sur les dépenses de personnel des opérateurs du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial (Recherche). Les programmes dont nous sommes rapporteurs spéciaux, avec Mickaël Bouloux, financent toute la recherche non universitaire, ainsi que l’enseignement supérieur agricole. Ce budget, comme les précédents, s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la LPR, qui prévoit 25 milliards d’euros supplémentaires sur dix ans en faveur de la recherche, ciblés sur l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires est de loin le plus important, puisqu’il réunit les crédits de l’ANR, principal acteur de la recherche sur projets, et les subventions d’un très grand nombre d’organismes de recherche. Ses crédits augmentent de 348 millions en CP, qui se répartissent principalement en 123 millions d’euros de crédits supplémentaires pour l’ANR, 74 millions d’euros pour la revalorisation du personnel de la recherche et 94 millions d’euros de soutien accru aux organismes et infrastructures de recherche. Les mesures salariales concernant la fonction publique, dont l’augmentation du point d’indice, contribuent à hauteur de 30 millions d’euros à l’augmentation des crédits.

Le programme 190 Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables voit ses crédits rehaussés de 8 %, essentiellement en raison d’une augmentation du financement du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Les crédits des autres programmes sont stables, ce qui, compte tenu de l’inflation, implique une réduction des dépenses réelles.

Ces chiffres montrent que l’État met les moyens pour la recherche. Nous regrettons toutefois qu’il les mette au mauvais endroit. Le choix fait par la LPR, et confirmé par le PLF, de soutenir massivement la recherche sur projets au détriment des financements récurrents a des conséquences néfastes : précarité des chercheurs, temps perdu à remplir des dossiers de candidature, manque de vision de long terme et entrave à la liberté de la recherche. Nous ne sommes pas opposés au principe de la recherche sur projets sur des thématiques spécifiques clairement délimitées, mais regrettons son développement croissant au détriment des financements récurrents alloués aux organismes de recherche.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial (Recherche). De nombreux organismes nous ont fait part des difficultés qu’ils rencontrent en raison de l’augmentation du coût de l’énergie et, dans une moindre mesure, de la revalorisation du point d’indice, qui est évidemment souhaitable, mais qui nécessite une compensation de l’État. Celle-ci étant souvent partielle, les organismes sont obligés de puiser dans leur fonds de roulement.

Les propos de M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Bruno Le Maire, ciblant parmi d’autres les organismes de recherche comme potentielles sources d’économies budgétaires du fait des réserves importantes dont ils disposeraient sur leur fonds de roulement, ont été très mal reçus. Les opérateurs nous ont en effet expliqué que les crédits non engagés sur leur fonds de roulement n’étaient pas de l’argent thésaurisé mais des engagements pris pour le financement pluriannuel de projets de recherche, décaissés au fur et à mesure de leur avancement.

Nous avons interrogé les opérateurs sur les questions de parité et avons constaté que, si tous se sont montrés coopératifs et impliqués sur ces sujets, des problèmes d’inégalités salariales entre femmes et hommes, ainsi qu’en matière de progression des carrières, subsistent.

Enfin, le crédit d’impôt recherche (CIR) continue à atteindre un niveau très élevé – 7,7 milliards d’euros –, en dépit de ses insuffisances désormais bien connues et du fait qu’il ne tient pas compte de l’impact environnemental des projets qu’il finance.

Nous sommes favorables à l’adoption de ces crédits, car leur rejet ne permettrait pas de poursuivre la trajectoire, prévue par la LPR, de renforcement des moyens alloués à la recherche et de revalorisation des rémunérations de son personnel. Nous déplorons toutefois que l’augmentation se fasse majoritairement en faveur de l’ANR, opérateur de la recherche sur projets, et non en faveur des organismes de recherche par une hausse des financements récurrents qui leur sont attribués. Nous vous alertons également sur l’impact de l’inflation, que la LPR permet à peine de compenser, alors que son objectif initial était bien d’accroître les efforts réels de l’État en faveur de la recherche.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation (Enseignement supérieur et vie étudiante). Nous sommes face à des défis quasi civilisationnels, avec la crise écologique et l’explosion des inégalités. Nous avons donc, plus que jamais, besoin de produire des connaissances scientifiques et de qualifier notre jeunesse aux métiers de demain. Par ailleurs le savoir émancipe et l’université doit redevenir un pilier de notre démocratie. Il est donc essentiel de refonder le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui est malade d’un manque chronique de moyens et d’un management organisant la concurrence entre tous ses acteurs.

Examinons le projet de loi de finances à l’aune de ces enjeux. Avec 15,2 milliards d’euros, les crédits du programme 150 sont en réalité en baisse en euros constants de 0,77 % par rapport à 2023. L’État ne compense que la moitié des mesures de revalorisation salariale annoncées en juin. De plus, les universités sont confrontées à une augmentation de leurs dépenses énergétiques non compensées par l’État. En ponctionnant les fonds de roulement des universités, le Gouvernement les met en grande difficulté.

Les crédits du programme 231, Vie étudiante, sont certes en hausse, mais ils ne suffiront pas à résorber la précarité étudiante. Le Gouvernement avait annoncé 500 millions supplémentaires pour financer le premier acte de sa réforme des bourses. Il a menti et les crédits n’augmentent finalement que de 120 millions. L’insuffisance des moyens se traduit par un manque de places en licence et en master. Plus de 100 000 lycéens, soit 17,5 % des bacheliers, n’ont pas obtenu la formation de leur choix en 2023, et plus de 43 000 étudiants n’ont pas obtenu celle qu’ils souhaitaient en master – soit 21,7 %.

Ce manque d’investissement dans l’enseignement supérieur conduit à une forte augmentation de la place prise par le secteur privé, lequel bénéficie aussi de la réforme de l’apprentissage, sous perfusion de France Compétences, dont la dette atteint 11,9 milliards. Le privé bénéficie aussi de la marchandisation globale du secteur et il a connu, depuis 2001, une progression vertigineuse, de l’ordre de 160 %, puisque le nombre d’élèves est passé de 292 000 à 767 000. Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur les crédits de cette mission.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendements IICF2887 et IICF2891 de M. Éric Alauzet

M. Éric Alauzet (RE). Comme tous les Français, les universités subissent l’inflation, principalement sur les fluides. Selon le ministère, cela représente 200 millions d’euros supplémentaires, alors que les présidents d’université ont évalué ce surcoût à 375 millions d’euros, soit pratiquement le double. En 2023, l’État en a compensé la moitié et s’apprête à en faire autant en 2024. Il est donc proposé une compensation de 100 % dans le premier amendement, et de 75 % dans l’amendement de repli.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable car les universités ont la capacité d’absorber ces surcoûts en 2024.

La commission adopte l’amendement IICF2887.

En conséquence, l’amendement IICF2891 tombe.

Amendements IICF2896 et IICF2895 de M. Éric Alauzet

M. Éric Alauzet (RE). Il s’agit de compenser la hausse du point d’indice dans les établissements d’enseignement supérieur, à hauteur de 100 % pour le premier amendement et de 75 % pour l’amendement de repli.

Je saisis cette occasion pour évoquer le fonds de roulement des universités. Des recommandations ont été faites aux présidents d’université pour qu’ils le mobilisent afin qu’il ne soit pas capté par l’État, qui entend récupérer 1 milliard d’euros. Or il paraît difficile de tout mobiliser en une année alors que le fonds de roulement sert à financer des projets dont les dépenses sont étalées sur plusieurs années.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements IICF2733 de M. Jérôme Legavre, IICF2532 de Mme Sophie Taillé-Polian et IICF2671 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). La création de Parcoursup a remis en cause le droit fondamental de chaque bachelier d’accéder à la formation de son choix dans l’enseignement supérieur. Ainsi, en 2022, 125 000 candidats n’ont reçu aucune proposition et la candidature d’un lycéen sur cinq n’a pas abouti. Cette sélection qui ne dit pas son nom est destructrice pour des dizaines de milliers de bacheliers. Il convient donc de revenir sur cette situation inacceptable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nombre de lycéens sont refusés dans des filières qui, pourtant, ne sont pas juridiquement sélectives, en raison d’un manque de places. Cela les oblige à se rabattre sur des filières qu’ils souhaitaient moins, voire à sortir du système. Mon amendement a donc pour objet la création de 100 000 places en licence pour permettre à tous les étudiants d’accéder à l’enseignement supérieur de leur choix.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. M. Legavre a évoqué un droit absolu de tout lycéen à accéder à la formation de son choix : il n’en est rien. Il a toujours existé des filières post-bac sélectives, par exemple les grandes écoles.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avant l’adoption de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, il était inscrit dans la loi que chaque étudiant avait la possibilité de poursuivre des études supérieures dans une filière non sélective, notamment les licences. Or cela n’est plus possible avec Parcoursup.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF2741 de Mme Clémence Guetté

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il s’agit de traiter les enseignants du secondaire affectés dans l’enseignement supérieur de la même manière que leurs collègues du supérieur. En effet, alors qu’ils effectuent le même travail, ils ne touchent pas la totalité des primes auxquelles ont droit leurs collègues du supérieur. Cette situation est particulièrement sensible dans la filière STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). L’amendement vise donc à appliquer un principe simple : à travail égal, salaire égal.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2706 de M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet la suppression des 3,7 millions d’euros alloués au renforcement de l’apprentissage, afin de dénoncer les mesures en faveur de la formation par alternance, laquelle concurrence les autres cursus universitaires. Nous ne sommes pas contre l’apprentissage mais l’explosion actuelle n’est pédagogiquement pas souhaitable. Je rappelle que le nombre d’apprentis est passé de 111 000 en 2010 à 576 000 en 2023 et les formations en apprentissage proposées sur Parcoursup de 3 100 en 2019 à 9 000. De plus, elle est financièrement intenable : la dette de France Compétences, qui s’établit à près de 11 milliards, est due pour au moins 6 milliards à l’apprentissage dans le supérieur.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je suis vraiment très étonné d’entendre que l’explosion du nombre d’apprentis vous pose un problème. C’est une réussite collective dont nous devrions tous être fiers et qui devrait pouvoir être saluée de façon transpartisane.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans le cadre de mon rapport pour avis, j’ai auditionné certains acteurs ayant recours à l’apprentissage, y compris des écoles privées. Ils nous ont fait remarquer très justement que l’apprentissage avant la licence pouvait mettre les jeunes en difficulté car il est très difficile d’acquérir les savoirs tout en étant présent en entreprise. De même, les entrepreneurs nous disent parfois que les apprentis n’ont pas les qualifications nécessaires. Il faut utiliser l’apprentissage à partir d’un certain niveau, de façon bien encadrée et en s’assurant que les apprentis aient des cours à côté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2672 de M. Jean-Claude Raux

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Deux ans après le lancement du plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur et la recherche, le bilan est maigre, avec moins d’une centaine de projets financés, alors qu’un étudiant sur dix déclare avoir été victime de telles violences. L’amendement vise donc à augmenter de 1,5 million d’euros les crédits dédiés à cette lutte.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, elle rejette l’amendement IICF2673 de M. Jean-Claude Raux.

Amendement IICF1091 de M. Julien Bayou

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Les enseignants vacataires à l’université, au nombre de 130 000, sont deux fois plus nombreux que les enseignants titulaires. C’est grâce à eux que l’université tient et que d’autres peuvent effectuer leurs travaux de recherche. Or ils n’ont pas les mêmes droits que les agents publics et sont payés moins que le Smic, parfois avec un an de retard. Je comprends leur indignation. Mon amendement vise à remédier à cette situation qui est tout simplement indéfendable.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. J’émettrai un avis défavorable, même si je partage en partie ce qui vient d’être dit. Le développement non maîtrisé et l’usage excessif de vacataires dans l’enseignement supérieur soulèvent beaucoup de questions. J’espère que nous pourrons repenser tout ce système dans les trois ans et demi qu’il nous reste d’ici à la fin de la législature.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Je saisis cette occasion pour défendre l’amendement II‑CF1135, qui porte sur le même sujet et que nous examinerons un peu plus loin. Les 130 000 vacataires qui travaillent dans l’enseignement supérieur sont souvent des jeunes dont la bourse de thèse est insuffisante ou bien qui cherchent une solution pour poursuivre leurs études. La vacation fait alors partie de ces solutions, même si cela n’est pas acceptable. Il me paraît nécessaire en tout état de cause d’augmenter la rémunération des vacataires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IICF2735 de M. Jérôme Legavre, IICF2533 de Mme Sophie TailléPolian et IICF2674 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’offre de formations en master est insuffisante, comme le démontre la session de candidatures pour la rentrée de 2023 : 156 000 candidats sur 209 000 étudiants ayant validé au moins un vœu sur la nouvelle plateforme MonMaster ont reçu une proposition d’admission. Cela signifie que 22 % des candidats n’ont pas obtenu de formation en master, soit un étudiant sur cinq : c’est énorme. Or, pour 2024, le Gouvernement n’augmente que de 0,77 % les crédits alloués aux formations de niveau master, soit moins que l’inflation. Nous proposons au contraire d’augmenter ce budget de 187 millions d’euros afin d’ouvrir 30 000 nouvelles places en master.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous demandons la création de 27 000 places supplémentaires en master. Il est incompréhensible que des étudiants brillants n’arrivent pas à poursuivre leurs études au-delà de la licence. Il faut investir dans l’enseignement supérieur et dans notre jeunesse.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis totalement défavorable : pour cette année universitaire, 185 000 places sont ouvertes en master pour 173 000 candidats éligibles. Il y a plus de places disponibles que d’étudiants : il n’est donc pas nécessaire de les augmenter.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF2663 de Mme Angélique Ranc

M. Alexandre Sabatou (RN). Il est proposé de renforcer l’apprentissage du latin et du grec ancien. En effet, la découverte des langues anciennes permet d’asseoir la maîtrise de la langue française et surtout de mieux s’approprier les spécialités dont le vocabulaire technique, que ce soit en santé, en physique ou en mathématiques, est très largement d’origine antique.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable car les structures pour l’apprentissage des langues anciennes existent déjà dans l’enseignement supérieur. La question se pose davantage dans le secondaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2942 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le patrimoine immobilier est le deuxième poste budgétaire des universités après la masse salariale. La ministre chargée de l’enseignement supérieur estime à 7 milliards d’euros le coût de la réhabilitation en attente, dont 75 % seraient liés à la transition énergétique et environnementale. Pour sa part, France Universités chiffre à 15 milliards le montant nécessaire pour une rénovation totale. L’amendement vise donc à consacrer 1 milliard d’euros par an à l’immobilier jusqu’en 2030.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2941 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Un étudiant passe en moyenne huit heures par jour assis devant son ordinateur, alors que le fait de rester assis plus de sept heures par jour accroît significativement les risques de maladies cardiovasculaires. Or, seul un étudiant sur cinq fait du sport dans le cadre d’une pratique universitaire. L’amendement vise donc à consacrer 500 millions d’euros au développement d’infrastructures sportives au sein des universités.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je relève la contradiction des députés de votre famille politique qui, lors de l’examen de la première partie, avaient proposé de réduire, voire de supprimer la CVEC (contribution de vie étudiante et de campus), qui alimente notamment les pratiques sportives étudiantes.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La CVEC est versée aux Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) et n’est pas systématiquement fléchée vers le sport – loin de là !

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2680 de M. Lionel Tivoli

M. Alexandre Sabatou (RN). Nous sommes passés de 310 000 étudiants en 1960 à 1,7 million en 1990 et à plus de 2,7 millions aujourd’hui. Or, dans le même temps, la production de logements étudiants a baissé. Alors qu’un étudiant consacre en moyenne 60 % de son budget à son loyer, cela nous inquiète. L’amendement vise donc à construire 15 000 logements par an pendant cinq ans, avec les financements associés.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Le plan « 60 000 logements étudiants », lancé par notre majorité lors du précédent quinquennat, a pris du retard pour deux raisons : d’une part, la crise sanitaire et, d’autre part, le manque de foncier disponible. Des solutions astucieuses ont été trouvées, comme agrandir certaines résidences par le haut, en ajoutant des étages, mais le problème du foncier demeure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF1135 de M. Jean-Marc Tellier

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. L’amendement a pour objet le doublement de la rémunération des enseignants vacataires.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2527 de Mme Sophie Taillé-Polian, amendements identiques IICF1127 de M. Jean-Marc Tellier et IICF2938 de Mme Fatiha Keloua Hachi, amendement IICF2665 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Mon amendement a pour objet de compenser aux universités l’intégralité des hausses de dépenses de personnels décidées par l’État. Si celles-ci sont les bienvenues, notamment l’augmentation du point d’indice, elles ne sont pas financées par l’État. Il s’agit donc de réparer cette injustice.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Il est proposé de compenser l’intégralité du coût des mesures annoncées par le ministre de la transformation et de la fonction publiques. Après la non-compensation de 2022, l’enseignement supérieur est déjà en manque de financement et cette fragilisation financière envoie un message très négatif.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il s’agit de compenser totalement le coût des mesures annoncées par Stanislas Guérini. Après la non-compensation de 2022, les universités regrettent la compensation partielle des mesures annoncées pour 2023 et 2024.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je tiens à préciser que les mesures salariales sont compensées à moitié par l’État, l’autre moitié devant être puisée dans les fonds de roulement. Comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif, je partage le sentiment mitigé ressenti par les universités. À mon sens, cela doit être exceptionnel : si on peut le comprendre cette année, dans une période particulière de rétablissement des finances publiques, cela ne peut pas devenir une méthode au long cours pour l’enseignement supérieur.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est inadmissible que l’État décide de revalorisations salariales sans compenser les universités. Puiser dans leur fonds de roulement mettra de nombreuses universités en difficulté car elles ne pourront plus réaliser certains projets. Cela crée en outre une pression sur l’emploi car elles peuvent être incitées à ne pas ouvrir certains postes si leur budget est trop juste.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques IICF1130 de M. Tematai Le Gayic et IICF2669 de M. Jean-Claude Raux, amendement IICF2950 de Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune)

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Il s’agit, d’une part, d’aider les universités à faire face à l’augmentation des coûts de fonctionnement due à l’inflation et au surcoût de l’énergie et, d’autre part, de prolonger en 2024 le fonds de compensation de l’énergie annoncé en octobre 2022 pour les universités.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Les universités sont dans une situation très problématique en raison de l’augmentation des coûts de l’énergie et des revalorisations de traitement, qui mettent à mal leurs finances et obèrent leur capacité à réaliser les investissements nécessaires dans les bâtiments. Il est normal que l’État assume ses responsabilités ; à défaut, les cours en visioconférence se généralisent et les amphithéâtres ne sont plus suffisamment chauffés : ce ne sont pas des conditions dignes pour étudier.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous proposons de prolonger le fonds de compensation de l’énergie, doté de 100 millions d’euros. L’augmentation des coûts de fonctionnement des universités, consécutive à l’inflation et surtout au surcoût des énergies, est devenue impossible à assumer.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. S’agissant du fonds de roulement, il s’élevait à 2,78 milliards d’euros en 2022 pour l’ensemble des universités, contre 1,92 milliard d’euros en 2018 : il est donc en augmentation sensible. Je maintiens ma position sur cette question.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). J’interviens en défense de ces amendements, qui me paraissent d’autant plus raisonnables qu’ils ne couvrent qu’un tiers des surcoûts anticipés. Cela ne permet qu’une ouverture minimale des établissements, et il me paraît tout à fait extraordinaire que vous puissiez refuser cela. C’est absurde car le volume d’énergie totale va augmenter. Quand un chauffage est éteint dans un amphithéâtre, les étudiants doivent tout faire en télétravail : ainsi, vous n’améliorez en rien la dépense énergétique finale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IICF1126 de M. Nicolas Sansu, IICF2937 de Mme Fatiha Keloua Hachi et IICF1129 de M. Jean-Marc Tellier (discussion commune)

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). L’amendement II‑CF1126 vise à ajouter 45 millions d’euros au programme 150 pour compenser le coût du glissement-vieillesse-technicité (GVT). L’absence de compensation du GVT amène les universités à réduire leurs effectifs afin de garder une stabilité dans leur masse salariale. Cela fait donc peser une contrainte supplémentaire sur les établissements universitaires, la plupart du temps déjà sous‑financés. Quant à l’amendement II‑CF1129, il a pour objet de compenser le coût de l’indemnité forfaitaire de télétravail afin d’aider les établissements à couvrir cette dépense.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable, pour deux raisons. La première, c’est que, contrairement à la question du point d’indice, il n’y a pas de doctrine claire sur la compensation du GVT, d’autant qu’il existe des GVT négatifs, qui justifieraient des reprises financières. La deuxième, c’est que les départs à la retraite des enseignants vont augmenter tendanciellement jusqu’en 2030, réduisant la charge financière du GVT.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le GVT n’est pas un simple problème doctrinal. Il évolue avec la pyramide des âges. Si on ne le compense pas, les universités diminuent leurs recrutements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IICF2667 de M. Jean-Claude Raux et IICF2940 de Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il s’agit de compenser l’indemnité forfaitaire de télétravail décidée dans son coin par l’État et imposée aux universités.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous proposons de consacrer 15 millions d’euros à la compensation du coût de l’indemnité forfaitaire de télétravail.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF1128 de M. Tematai Le Gayic, amendements identiques IICF2666 de M. Jean-Claude Raux et IICF2939 de Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune)

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). L’amendement II‑CF1128 vise à améliorer le soutien apporté aux étudiants en situation de handicap car les universités ne reçoivent pas suffisamment de crédits pour les aider à poursuivre leurs études avec succès. Alors que le financement par étudiant en situation de handicap était de 900 euros en 2007, il est tombé à moins de 300 euros en 2022.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Notre amendement concerne l’aide destinée aux étudiants en situation de handicap, qui a baissé, mettant à mal l’objectif d’une université inclusive.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’enseignement supérieur compte 51 000 étudiants en situation de handicap, soit six fois plus qu’en 2007. Or, dans le même temps, les aides ont baissé.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Non seulement les montants ne baissent pas, mais ils augmentent dans ce PLF puisque l’enveloppe consacrée à l’accompagnement des étudiants en situation de handicap passe de 15 à 25 millions d’euros. Lors de la Conférence nationale du handicap, en avril 2023, le Président de la République a annoncé le lancement d’un appel à projets doté de 1,5 million d’euros pour accompagner trois à cinq établissements démonstrateurs. Tout cela aura vocation à se généraliser à l’avenir.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le nombre d’étudiants handicapés est en progression, et c’est heureux, mais les crédits pour les aider ne suivent pas. Par conséquent, le montant par étudiant baisse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IICF2958 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il vise à augmenter de 2 millions d’euros les crédits destinés à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur, qui concernent un étudiant sur dix.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable. Les montants alloués ont déjà été doublés dans la loi de finances initiale pour 2023.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2528 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il s’agit de revenir sur la logique de financement de la recherche par le biais d’appels à projets. Il est nécessaire de garantir la pérennité des financements afin que les chercheurs puissent se consacrer à plein temps à leur recherche scientifique.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement IICF2953 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il est proposé d’allouer une allocation de rentrée aux étudiants en formation dans les universités, sur le modèle de l’allocation de rentrée scolaire. Elle serait d’un montant de 1 000 euros pour couvrir le coût de la rentrée, en nette augmentation du fait de la hausse des prix de l’énergie, des loyers ainsi que des frais inhérents à l’installation lors de la rentrée universitaire.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. J’émets un avis très défavorable. Vous avez une vision très étrange de la justice sociale car votre amendement aurait pour conséquence de donner beaucoup d’argent à nombre d’étudiants qui n’en ont pas besoin parce qu’ils ont le soutien de leur famille. Notre logique, c’est d’aider ceux qui en ont besoin, raison pour laquelle nous revalorisons les bourses sur critères sociaux et que le ministère de l’enseignement supérieur a lancé une vaste réforme des bourses avec un changement de logique complet prévu pour la rentrée 2025.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La réforme des bourses accorde actuellement 37 euros supplémentaires à chaque étudiant. En outre, 60 % des boursiers sont à l’échelon 0 bis, c’est-à-dire qu’ils touchent quelque 130 euros par mois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2530 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le système des bourses sur critères sociaux implose. Des dizaines de milliers d’étudiants en ont été exclus faute d’une réévaluation des plafonds de ressources familiales. La ministre a annoncé une révolution ; quelques étudiants ont été réintégrés, mais la réforme, qui devait entrer en vigueur à la rentrée, a encore été retardée d’un an. Quand sera-t-elle appliquée ? Au regard du coût de l’inflation, le rattrapage est faible et beaucoup d’étudiants, dont certains ne bénéficient d’aucune bourse ou perçoivent une bourse très faible, sont dans une situation catastrophique.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Une réforme structurelle des bourses est en cours d’élaboration, mais cela demande du temps. Le Gouvernement travaille notamment au versement à la source des allocations sociales, ce qui suppose un nouveau mode de calcul, donc une harmonisation. Pour une réforme structurelle d’une telle ampleur, une application à la rentrée 2025 est raisonnable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). La ministre prévoyait de l’appliquer dès la rentrée 2023. La complexité du dossier ne justifie pas le report ; celui-ci est le résultat d’un manque de volonté politique du Gouvernement, qui cherche à équilibrer son budget sur le dos des universités, au prix du maintien des étudiants dans une situation catastrophique. Cela trahit un manque de vision pour le pays.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2730 de M. Jérôme Legavre, II-CF2806 de M. Jean-Claude Raux et II-CF1131 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Le présent amendement vise à verser les bourses douze mois par an au lieu de dix seulement. Ce ne serait pas du luxe. Les étudiants paient leur loyer et connaissent la précarité alimentaire douze mois sur douze. Des associations d’aide alimentaire ont réalisé une enquête auprès de 5 000 étudiants : 77 % d’entre eux disposent d’un reste à vivre de moins de 100 euros par mois.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Ce système est une aberration : on n’est pas étudiant dix mois sur douze. La ministre le savait et la question n’a rien de complexe : la mesure aurait dû entrer en vigueur dès cette année.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable sur tous les amendements. La question est examinée dans le cadre de la réforme des bourses. À titre personnel, mon avis n’est pas encore tranché : les arguments vont dans les deux sens.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF8 de Mme Cécile Rilhac

Mme Stella Dupont (RE). Le Gouvernement a adopté des mesures pour accompagner les étudiants précaires, comme le repas à 1 euro, dont le bénéfice a été élargi aux étudiants non boursiers en difficulté. Néanmoins, des besoins importants subsistent. Le présent amendement vise à renforcer les moyens alloués à la restauration des étudiants les plus précaires, afin que les jeunes puissent prendre un repas à moindre coût le soir.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Sur tous les amendements relatifs aux bourses, j’émettrai un avis défavorable. Les discussions sont en cours.

La commission adopte l’amendement II-CF8.

Suivant les avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette successivement les amendements II-CF2529 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-CF2668 et IICF2675 de M. Jean-Claude Raux.

Amendement II-CF2956 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Pour que les étudiants puissent vivre dignement et accomplir sereinement leurs études, pour lutter contre la précarité, il faut leur verser une aide inconditionnelle. En seize ans, le taux de pauvreté des jeunes âgés de 18 à 29 ans a doublé. Le système des bourses est désuet ; seuls 8 % des boursiers perçoivent le montant le plus élevé, de 630 euros. L’accès aux bourses dépend du foyer fiscal des parents, compliquant la situation de beaucoup de jeunes. Quatorze présidents d’université ont récemment demandé l’autonomie des étudiants. Le présent amendement vise à créer une allocation universelle d’un montant de 700 euros.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Je suis radicalement opposé à cette mesure. D’abord, elle ne servirait pas la justice sociale : en versant une allocation à tous les étudiants, dont beaucoup ont le soutien de leur famille et ne connaissent pas de difficultés financières, vous défavoriserez ceux qui en ont vraiment besoin. Ensuite, un tel système engendrerait des détournements et n’inciterait pas à entrer sur le marché du travail.

M. Daniel Labaronne (RE). Les crédits du programme 231 augmentent de 221 millions en AE (autorisations d’engagement), soit 7,05 %, principalement en raison de la réforme des bourses sur critères sociaux.

Par ailleurs, je partage l’avis du rapporteur spécial. J’avais d’ailleurs proposé de découpler le versement des APL de la demi-part fiscale accordée aux parents d’étudiants.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La sécurité sociale est fondée sur le principe de la justice sociale : il s’agit de droits universels ; tous les citoyens doivent donc jouir des mêmes. Cela permet aux enfants des plus riches d’être autonomes ; ces derniers acceptent de payer l’impôt parce que leurs enfants bénéficient des mêmes droits que tous les autres enfants. L’universalité des droits est au cœur du contrat social français.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2732 de M. Jérôme Legavre, amendements identiques II-CF2534 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-CF2957 de Mme Fatiha Keloua Hachi et amendement IICF2676 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Pour étudier sereinement, il faut un logement. En 2017, le candidat Macron avait promis de construire dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) 60 000 logements supplémentaires en cinq ans. Ils pouvaient alors accueillir 26 % des boursiers. Au terme du premier quinquennat, 35 000 logements seulement avaient été construits. Aujourd’hui, 78 % des boursiers ne peuvent pas se loger dans les Crous, alors que les prix des locations explosent dans toutes les villes. La situation est intenable ; il est urgent de bâtir suffisamment de places. L’amendement tend à instaurer un plan d’investissement, doté d’environ 1 milliard d’euros, pour construire d’urgence 15 000 logements, en sus de ceux prévus dans la loi de programmation de la recherche (LPR).

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il vise à financer la construction et l’aménagement de logements étudiants supplémentaires.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il est prévu de rénover 12 000 logements Crous d’ici à 2025, en plus des 4 000 en cours de rénovation. Mais 175 000 logements ont besoin de l’être. Or l’urgence climatique aggrave la situation : il faut accélérer, donc adopter des schémas directeurs et encourager les Crous à s’engager.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable aux amendements. Il est question de construction et de foncier, cela ne relève pas du débat budgétaire. L’objectif était de construire 60 000 logements ; au cours du premier quinquennat, nous avons parcouru la moitié du chemin, malgré la crise sanitaire qui a mis l’économie à l’arrêt. Il reste 30 000 logements à construire avant 2027, c’est très accessible. D’ici à 2025, 1 400 logements neufs supplémentaires seront livrés par les Crous. La majorité est fière de ce bilan.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Vous dites que ce n’est pas un problème budgétaire, mais comment construire des bâtiments sans argent, même en faisant travailler des allocataires du RSA quinze heures par semaine ?

Le premier objectif est d’élargir le parc. Le second est d’intérêt général : il s’agit de diminuer le pouvoir des propriétaires privés sur le marché locatif, pour éviter qu’ils augmentent les loyers et pour les inciter à remédier à l’insalubrité.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Vous vous enorgueillissez d’avoir réalisé la moitié des 60 000 logements prévus, mais c’était l’objectif du premier quinquennat. Si l’on prévoit la même évolution pour le second, il manque 90 000 logements !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CF2531 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-CF2728 de M. Jérôme Legavre et II-CF2955 de Mme Fatiha Keloua Hachi (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il y a un problème d’accès au droit. Vous nous opposez qu’il ne faut pas ouvrir à tous les étudiants le dispositif du repas à 1 euro parce que beaucoup n’en ont pas besoin. Certes, mais ils sont très nombreux à en avoir besoin sans pouvoir en bénéficier. Si on n’est pas boursier, il faut recourir aux services sociaux, qui sont sous-dotés dans les universités, donc difficilement accessibles.

Vous considérez qu’il faut attendre la réforme des bourses, qui résoudra tous les problèmes, mais nous pourrions appliquer cette mesure d’urgence dès à présent, afin de soulager les jeunes qui ne peuvent pas se nourrir.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). En janvier 2021, pendant la crise sanitaire, la création du dispositif, ouvert à tous les étudiants, a sauvé des vies. En septembre, il a été réservé aux boursiers. En 2022, les Crous ont distribué 1 million de repas à 1 euro de moins qu’en 2021. La situation continue de s’aggraver. La précarité et la détresse alimentaires des étudiants sont telles qu’il est urgent d’adopter cette mesure.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Aujourd’hui, 43 % des étudiants affirment sauter un repas par jour pour des raisons financières. Le présent amendement vise à rehausser les crédits de la vie étudiante de 90 millions d’euros, afin d’élargir à tous les étudiants le dispositif du repas à 1 euro. En effet, réservé aux boursiers et aux plus précaires, il exclut nombre d’étudiants et complexifie le recours pour les autres, qui doivent se justifier de connaître la précarité. Il faut se déclarer auprès d’un assistant social, or on compte un assistant pour 12 000 étudiants. Il est indispensable de décorréler ce dispositif du système de bourses, lui‑même désuet, notamment à cause des effets de seuil.

Il faut 90 millions d’euros pour que tous nos étudiants aient à manger. Monsieur le rapporteur spécial, ne m’objectez pas la justice sociale !

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Depuis plusieurs mois, des contre‑vérités circulent. Le repas à 1 euro a été voulu par Emmanuel Macron et voté par notre majorité. Il s’agit d’une des plus importantes mesures en faveur des étudiants précaires des dernières décennies. Or nous la pérennisons, pour les étudiants boursiers et pour ceux qui connaissent des difficultés passagères. Tous les étudiants peuvent déjà profiter des repas du Crous pour un tarif social de 3,30 euros.

M. le président Éric Coquerel. Ce dispositif a été créé par la majorité pendant la crise sanitaire, pour résoudre l’urgence alimentaire. Les associations du secteur nous ont décrit il y a peu l’aggravation de la situation, soulignant que les jeunes, les étudiants en particulier, étaient très présents dans leur nouveau public. Ils ont évoqué le risque de devoir soumettre leurs aides à des conditions. Face à l’inflation, il serait bon que l’État prenne partiellement en charge ce problème en généralisant le repas à 1 euro, comme il l’a déjà fait.

Les étudiants peuvent ne pas être boursiers en raison des revenus de leurs parents, mais connaître de graves difficultés sociales. Je soutiens donc les amendements en discussion commune.

M. Philippe Lottiaux (RN). Nous avons défendu une mesure similaire à l’occasion d’une niche, or le coût était évalué à 60 millions. Dans les amendements présentés, il va de 90 à 150 millions.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’estimation est difficile : en augmentant le nombre des bénéficiaires, on augmente le volume de repas servis.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Le dispositif du repas à 1 euro concerne les boursiers, ainsi que les étudiants précaires non-boursiers et ceux qui connaissent des difficultés financières momentanées. Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) nous a confirmé que les modalités d’accès étaient simples et rapides, le contrôle n’intervenant qu’ensuite.

La commission adopte l’amendement II-CF2531.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendements II-CF1095 de Mme Marie-Christine Dalloz et II-CF1133 de M. Tematai Le Gayic (discussion commune)

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). J’ai entendu beaucoup d’interventions en faveur de mesures sociales, mais aucune ne concernait le logement des étudiants en situation de handicap. Le présent amendent vise à financer l’aménagement des locaux.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. L’amendement II-CF1133 tend à prévoir l’aménagement des locaux et des logements pour les étudiants en situation de handicap.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable aux deux amendements. Je ne suis pas insensible à cette cause, bien au contraire, mais les Crous doivent déjà veiller à proposer des logements adaptés aux étudiants en situation de handicap. En outre, les nouveaux logements, en cours de construction, respecteront la norme PMR, qui définit les critères d’accessibilité à une personne à mobilité réduite.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le travail accompli par les Crous est-il suffisant ?

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Ils élaborent un annuaire des logements accessibles ; en 2022, il existait 9 530 logements adaptés ou adaptables et ceux-ci seront bientôt plus de 10 000. Mais on peut considérer que ce n’est pas assez.

La commission adopte l’amendement II-CF1095.

En conséquence, l’amendement II-CF1133 tombe.

Amendement II-CF2453 de Mme Eva Sas

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Il vise à accélérer la construction de logements étudiants, en nombre d’autant plus insuffisant que les loyers ne cessent d’augmenter. Dans certaines régions les travailleurs ne peuvent plus se loger, moins encore les étudiants, qui y consacrent plus de 60 % de leur revenu. En 2017, 7 000 logements ont été construits ; 5 500 en 2021 ; 2 990 en 2022 : la production décroît. En 2024, les étudiants devront quitter leur logement pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), moyennant une indemnité de 100 euros et deux places pour assister à des épreuves – c’est le pompon !

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis défavorable, nous en avons déjà débattu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF2952 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-CF2734 de M. Jérôme Legavre, II-CF2951 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-CF2720 de M. Idir Boumertit et IICF2677 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-CF2952 vise à augmenter de 30 % le budget des services de santé étudiante (SSE), afin qu’ils puissent recruter des spécialistes et développer leurs matériels de soins.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-CF2734 tend à augmenter les crédits alloués aux SSE. La prévention et les mesures de santé publique constituent le meilleur moyen de limiter à terme les dépenses de santé. Une étude de Santé publique France (SPF) parue en 2023 révèle que le nombre de cas de dépression survenus chez les jeunes âgés de 18 à 24 ans a presque doublé entre 2017 et 2021. Le Canada compte un psychologue pour 2 000 étudiants ; l’Autriche, un pour 6 000. En France, le ratio est d’un pour 15 000 en moyenne, dix fois inférieur aux recommandations internationales, que le syndicat étudiant L’Alternative propose de suivre.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Pour soixante-quinze universités, nous n’avons que soixante-deux SSE : le présent amendement tend à créer les treize manquants. Les étudiants doivent pouvoir se soigner à proximité de leur lieu d’études – 13 % disent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.

J’ai rencontré beaucoup d’étudiantes qui n’avaient pas de gynécologue. On les renvoie vers les hôpitaux pour un simple suivi gynécologique alors que chaque centre de santé universitaire doit assurer deux spécialités.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-CF2720, de repli, vise à augmenter le nombre de médecins et de psychologues dans les SSE : 38 % des étudiants renoncent aux soins faute de moyens. Il est urgent de stopper la dérive.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Encore une fois, le Gouvernement ne prend pas la mesure de la situation. Dans chaque domaine de la vie étudiante, des mesures existent mais sont insuffisantes. Ainsi, le programme « Santé psy étudiant » prévoit huit consultations gratuites, mais il est compliqué de trouver des praticiens conventionnés. Il faut élaborer un vaste plan pour préserver la santé des étudiants.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Il est faux de dire que nous n’avons pas pris la mesure du problème. Nous avons mis en œuvre la réforme des services de santé étudiante cette année même. Elle a élargi le public éligible et les domaines pris en charge ; les représentants des étudiants sont mieux associés ; nous avons consenti un effort budgétaire de 8,2 millions. Le ministère établira un premier bilan à la fin de l’année.

La commission adopte l’amendement II-CF2952.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement II-CF1125 de M. Tematai Le Gayic

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Il vise à renforcer la pratique sportive des étudiants : 26 % seulement font du sport, même si 70 % le voudraient. Ils manquent de temps, d’installations sportives et de ressources financières.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF740 de M. Jorys Bovet

M. Philippe Lottiaux (RN). Il vise à augmenter les moyens alloués à l’accompagnement des étudiants qui souffrent de troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA), ou troubles dys.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2791 de M. Charles Fournier

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Élaboré avec One Voice, il vise à renforcer la recherche de solutions alternatives à l’expérimentation animale. Avec quelque 2 millions d’animaux victimes chaque année, y compris de pratiques cruelles, la France fait partie des pays qui y recourent le plus, malgré les directives européennes de réduction. Les engagements ne sont pas tenus. L’immense majorité de la population soutient la recherche d’autres voies.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Mieux vaut renforcer les financements récurrents des organismes de recherche que soutenir la recherche sur projets, toutefois cet amendement va dans le bon sens : avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF2791.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Jean-Marc Tellier, la commission adopte l’amendement II-CF1273 de Mme Sandra Regol.

Amendement II-CF2176 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). L’article 15 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire définit l’innovation sociale. Le présent amendement tend à créer une prime d’innovation sociale pour les entreprises à but non lucratif afin de ne pas limiter les aides à celles qui bénéficient de mesures fiscales pour financer leurs programmes de recherche et d’innovation.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Le crédit d’impôt recherche (CIR) constitue un soutien fort pour les entreprises. Je suis favorable à l’adoption d’une mesure idoine pour les entreprises à but non lucratif.

La commission adopte l’amendement II-CF2176.

Amendement II-CF2836 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les travaux du printemps de l’évaluation ont montré que la France devait disposer d’un nouveau brise-glace pour assurer sa souveraineté dans l’Antarctique, dans le cadre de sa coopération avec l’Italie. La Chine et la Russie renforcent leur prédation sur ces territoires, sanctuaires de biodiversité : si nous voulons les préserver, nous devons maintenir un contrôle physique. Le présent amendement vise à octroyer 50 millions d’euros au financement d’un brise-glace nucléarisé.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je vous remercie de citer mon rapport du printemps de l’évaluation sur la recherche polaire. Je soutiens l’augmentation des moyens consacrés à la politique polaire ; la proposition de loi de programmation pour les années 2024 à 2030 sera peut-être examinée avant la fin de l’année. D’autres amendements, plus ambitieux et transpartisans, seront défendus ultérieurement. Je vous invite à retirer le vôtre à leur bénéfice ; sinon, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1235 de Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Mon ancienneté m’autorise à rappeler que nous avons eu durant des années des programmes sur la maladie de Lyme, dont plus personne ne parle : on a mis la poussière sous le tapis, le ministère de la santé renvoyant à celui de la recherche et réciproquement. Cela suffit car les malades sont trop nombreux pour qu’on les laisse en errance thérapeutique. Je propose donc de flécher impérativement 10 millions d’euros de crédits pour financer la recherche sur cette maladie. Soyons plus ambitieux que l’an dernier – nous avions adopté un amendement qui prévoyait un financement de 5 millions d’euros – pour aider ces patients à sortir de l’errance médicale.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Comme chaque année, des amendements proposent d’augmenter les crédits consacrés à la recherche contre la maladie de Lyme, et il faut évidemment se réjouir que nous soyons tous collectivement mobilisés sur ce sujet.

Un groupe de travail a tenu sa première réunion à ce sujet en 2020, mais la crise sanitaire a retardé au 17 mars 2022 la tenue de la seconde réunion. Un budget de 20 millions d’euros a été évoqué dans le cadre de ces travaux. Comme l’année dernière, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) nous a indiqué que de premières estimations du financement nécessaire pour mettre en œuvre ce projet sont en cours d’élaboration. Les discussions du groupe de travail se poursuivent pour en finaliser le contour et identifier les canaux de financement existants qui pourraient d’ores et déjà être mobilisés.

Des crédits supplémentaires ne m’apparaissent donc pas nécessaires dans l’immédiat. Cependant, le vote de cet amendement enverrait un signal fort de soutien et d’espoir à tous ceux atteints par la maladie de Lyme. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Il est difficile de s’opposer à cet amendement quand on a une petite partie des Vosges dans sa circonscription. Les Vosges alsaciennes, qui attirent beaucoup de marcheurs, sont très concernées par cette problématique dont nos autorités sanitaires nationales ne semblent pas encore avoir pris la mesure.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). En tant qu’ancien forestier, je suis aussi préoccupé par la maladie de Lyme, problème de santé publique majeur. Comme nous avons une série d’amendements du même style, je tiens cependant à souligner que ce n’est pas au Parlement de décider du type de recherches qui doivent être entreprises par les différents instituts. En revanche, en ma qualité de rapporteur pour avis, j’avais proposé des amendements visant à renforcer les moyens de l’INSERM, car c’est à cet organisme ou à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de mener ces recherches. Ce n’est vraiment pas le rôle de l’Assemblée nationale ou de l’une de ses commissions de décider de l’allocation des fonds vers telle ou telle recherche.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Tout d’abord, je précise bien dans mon amendement que ces crédits supplémentaires bénéficieraient à l’INSERM, en suggérant qu’ils soient attribués à la maladie de Lyme car ce sujet me semble important. Ensuite, je déplore – et je trouve même inadmissible – qu’il n’y ait plus de groupe d’études sur la maladie de Lyme à l’Assemblée nationale depuis 2022.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons pour l’amendement de notre collègue Dalloz car, comme le rapporteur spécial, nous sommes favorables à une augmentation des crédits, mais aussi pour le symbole politique. Contrairement au rapporteur pour avis, je ne pense pas que l’orientation des recherches n’est que l’affaire des instituts. Si nos prédécesseurs ne s’étaient pas mobilisés, le problème de la maladie de Lyme aurait été mis sous le tapis par le passé comme c’est désormais le cas. Il serait bon que cet amendement soit adopté à l’unanimité pour envoyer un signal politique fort : il ne faut pas lâcher ceux qui souffrent de la maladie de Lyme et éprouvent une détresse psychologique car ils se sentent abandonnés.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Je faisais référence à un groupe de travail de l’INSERM, pas de l’Assemblée nationale. Je fais seulement état de résultat de nos auditions.

La commission adopte l’amendement II-CF1235.

Amendement II-CF1097 de Mme Marie-Christine Dalloz 

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Mon dernier amendement de la série se rapporte à un sujet tellement sérieux qu’il nous concerne tous : les cancers pédiatriques, dont une étude récente a montré qu’ils touchaient particulièrement certains territoires français, ce qui est un vrai drame. La recherche n’étant pas assez mobilisée, nous devons user de notre influence en fléchant 10 millions d’euros de crédits supplémentaires vers la recherche dans ce domaine – une goutte d’eau mais un signal fort.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. À la subvention pour l’ensemble des activités de l’Institut national du cancer (INCa) s’ajoute, depuis 2019, un versement supplémentaire annuel de 5 millions d’euros, consacré à la recherche contre les cancers pédiatriques. La discussion budgétaire de la loi de finances initiale pour 2022 a aussi conduit à doter l’INCa de 20 millions d’euros supplémentaires pour la recherche en cancérologie pédiatrique, dont 16,5 millions d’euros sont gérés par l’Institut.

L’INCa nous a indiqué que « les financements actuels spécifiquement dédiés à cette thématique semblent suffisants, notamment si on veut maintenir un taux de sélection des projets suffisant pour garantir une recherche d’excellence ».

Des crédits supplémentaires ne m’apparaissent donc pas nécessaires dans l’immédiat. Cependant, l’adoption de cet amendement enverrait un signal fort de soutien et d’espoir à tous les enfants atteints par les cancers pédiatriques et à leurs familles. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Merci d’appeler une nouvelle fois notre attention sur ce sujet si important et grave. Cela étant, il serait bon de tenir également compte des conclusions d’études récentes, notamment de celle qui souligne une corrélation entre la forte densité de vignobles sur un territoire et le nombre de leucémies chez les enfants. Outre les actions en matière de recherche et de traitements, il faudrait aussi agir pour éviter la survenue de ces cancers. Quitte à investir dans la recherche, il faudrait tirer des conséquences des conclusions des chercheurs pour l’ensemble de nos politiques publiques.

La commission adopte l’amendement II-CF1097.

Amendement II-CF2662 de Mme Angélique Ranc

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Je partage évidemment le souhait d’améliorer la recyclabilité des pales d’éoliennes. Toutefois, le présent amendement ne me semble pas nécessaire car il existe déjà l’initiative D3R – pour déconstruction, reconditionnement, recyclage et revente –, filière française qui travaille depuis 2019 à la sécurisation et à l’approvisionnement des matières stratégiques nécessaires à l’aéronautique, à la défense, aux batteries et aux énergies renouvelables. Un groupe de travail comprenant les consommateurs d’aimants permanents et les acteurs capables de les recycler a été réuni en 2020. Des entreprises telles qu’EDF, Renault, Veolia et des centres de recherches comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) y participent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CF2595 de M. Mickaël Bouloux, II-CF2943 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-CF2948 de M. Jimmy Pahun, amendement II-CF2746 de Mme Clémence Guetté, amendements identiques II-CF2597 de M. Mickaël Bouloux, II-CF2944 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-CF2949 de M. Jimmy Pahun (discussion commune)

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Conformément à la proposition de loi transpartisane de programmation polaire pour les années 2024 à 2030, signée par 256 députés de neuf groupes politiques différents, cet amendement propose de renforcer la recherche polaire française à hauteur de 87,8 millions d’euros en 2024, dont 70 millions d’euros pourraient être consacrés à l’acquisition d’un navire de recherche océanographique à capacité glace.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). D’autres pays réinvestissent massivement les pôles, en particulier par le renforcement des outils de recherche. La France ne doit pas rester en retrait, mais investir massivement – 87 millions d’euros – comme préconisé par un consensus de neuf groupes politiques dans une proposition de loi.

M. Jimmy Pahun (Dem). Dans dix jours, la France va accueillir le One Planet Polar Summit, un moment important où les chercheurs partageront leurs travaux. Il donnera lieu à une position politique parce que le Président de la République défend depuis longtemps cette stratégie polaire mise en place par l’ambassadeur des pôles. L’amendement reprend mot pour mot ce qui a été décidé dans cette proposition de loi de programmation polaire, qui a été déposée à l’identique la semaine dernière au Sénat et qui, je l’espère, sera adoptée à l’Assemblée nationale dès le mois de décembre prochain.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement II-CF2746 vise à renforcer le budget de l’Institut Paul-Émile-Victor (IPEV), l’institut polaire français, mis à mal notamment par la crise énergétique. Pour essayer de vous convaincre de l’importance des recherches sur les pôles, je prendrai un seul exemple. On connaît la corrélation entre le CO2 et les températures depuis 2 millions d’années grâce à l’analyse des bulles de gaz présentes dans des carottes effectuées dans l’Antarctique et l’Arctique. C’est ainsi qu’ont été connus les effets des gaz à effet de serre et autres. Il faut absolument développer ces recherches et donc renforcer l’IPEV.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Avec l’amendement II-CF2597, nous ciblons l’IPEV – qui était compris dans l’amendement II-CF2595 à 87,8 millions d’euros.

Membre du groupe d’études consacré à ce sujet, cosignataire de la proposition de loi de programmation polaire, j’avais choisi, dans le cadre du printemps de l’évaluation, de m’intéresser à ce thème de la recherche polaire. Dans une logique de chaînage vertueux, j’émets évidemment un avis favorable à ces amendements et je vous renvoie à mon rapport du printemps de l’évaluation pour une vision d’ensemble des carences et des besoins actuels en matière de recherche polaire.

M. le président Éric Coquerel. Également cosignataire, je ne peux qu’appuyer fortement cet avis.

La commission adopte les amendements identiques II-CF2595, II-CF2943 et IICF2948.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement II-CF1134 de M. Nicolas Sansu

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Travaillé avec le collectif Handicaps, réunissant cinquante-deux associations de défense des droits des personnes en situation de handicap, il a pour objectif d’augmenter les fonds dédiés à la recherche sur le handicap. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF1134.

Amendement II-CF2744 de Mme Clémence Guetté.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Cet amendement a pour but d’augmenter les moyens pour la recherche sur la sûreté des installations électronucléaires. Les dépenses de la R&D nucléaire pour la sûreté ont diminué de plus de 30 % sur la période récente. C’est pourtant un enjeu déterminant car l’âge avancé des installations électronucléaires françaises met en lumière des risques nouveaux, notamment la corrosion sous contrainte qui a mis à l’arrêt vingt-deux réacteurs.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. La subvention de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) s’élève à 183 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2024, soit une hausse de 2 %. Cette augmentation pourrait être insuffisante pour absorber les surcoûts liés à l’inflation. Pour 2024, la prise en compte des effets de l’inflation a conduit l’IRSN à évaluer un besoin de financement de 12 millions d’euros. Eu égard à ces éléments, l’IRSN nous a indiqué qu’« en l’état actuel du fonds de roulement, l’élaboration d’un budget 2024 de l’IRSN à l’équilibre ne saurait être réalisable sans devoir réduire l’activité. » En somme, l’IRSN nécessite un soutien accru. Je suis donc très favorable à votre amendement.

La commission adopte l’amendement II-CF2744.

Amendement II-CF2560 de Mme Julie Laernoes 

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous proposons d’augmenter le budget annuel du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), en le faisant passer de 16,2 à 20 millions d’euros. Cette proposition, formulée par Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert, figurait dans leur rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Entreprise publique, le CSTB exerce des activités de recherche en matière de bâti et de construction, afin de mieux soutenir les innovations non technologiques capables de contribuer à l’accélération de la rénovation énergétique.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Je n’ai pas auditionné le CSTB cette année, mais il remplit des missions louables de recherche à destination des acteurs de la construction pour répondre aux enjeux du développement durable. J’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF2560.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Mickaël Bouloux, la commission adopte l’amendement II-2740 de Mme Clémence Guetté. 

Amendement II-CF2790 de M. Charles Fournier

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Charles Fournier, qui a pris l’exemple de l’université de Tours, dans sa circonscription, souhaite compenser la hausse des dépenses des universités en 2024, liées à l’insuffisance du financement de l’État de la masse salariale, d’une part, et à une augmentation importante des coûts de fonctionnement courant, d’autre part. La situation des établissements universitaires est critique, et ces dépenses supplémentaires risquent de peser sur leurs capacités d’investissement dans les années à venir. Cet amendement vise à prévoir une hausse des crédits de 150 millions d’euros.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Je partage votre souhait de revaloriser les crédits de l’enseignement supérieur agricole au moins à la hauteur de l’inflation. Toutefois, je crains que vous n’ayez confondu « enseignement supérieur » et « enseignement supérieur agricole » puisque vous proposez d’augmenter de 150 millions d’euros les crédits d’un programme qui en compte actuellement 445. En ce sens, votre amendement me paraît excessif et je vous invite à le retravailler en vue de la séance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2945 de Mme Fatiha Keloua Hachi 

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il vise à titulariser 235 postes d’enseignants dans l’enseignement supérieur agricole, pour un montant de 13,7 millions d’euros, afin d’être capables de former nos futurs paysagistes, vétérinaires et ingénieurs agronomes, sachant que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire table sur une augmentation de 75 % du nombre des vétérinaires à l’horizon 2030. Il convient de pérenniser les postes d’enseignants et de personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service (IATOS) et de favoriser leur titularisation, à raison de 20 % par an.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. L’enseignement supérieur agricole a de très bons résultats en matière d’insertion professionnelle. Le taux d’insertion des diplômés dans les douze mois suivant l’obtention du diplôme est estimé à 94 % en 2022, en hausse d’un point par rapport à l’année précédente. Il atteint près de 96 % dans les vingt-quatre mois suivant l’obtention du diplôme. Cela signifie que les personnels font un travail excellent et il me semble idoine de les titulariser en signe de reconnaissance. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF2945.

Amendement II-CF1974 de M. Dominique Potier

M. Gérard Leseul (SOC). Notre collègue Dominique Potier tient beaucoup à cet amendement relatif aux nombreux boursiers de l’enseignement agricole. Le montant alloué à ces bourses est insuffisant compte tenu à la fois de l’augmentation du nombre des étudiants et de l’inflation. Il est indispensable de l’augmenter de 2,8 millions d’euros.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Comme l’a indiqué mon collègue Bouloux, l’enseignement supérieur agricole a de très bons résultats en matière d’insertion professionnelle et il doit donc être encouragé. Dans le même temps, nous sommes tous confrontés à la détresse de nombreux étudiants, contraints de recourir à l’aide alimentaire. J’émets donc un avis favorable pour soutenir ceux de l’enseignement supérieur agricole.

La commission adopte l’amendement II-CF1974.

Amendement II-CF2727 de M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Nous souhaitons dénoncer la baisse constante des budgets alloués aux universités.

Le budget consacré à l’université continue en effet de baisser, ne compensant même pas l’inflation de 2,6 %. Il augmente seulement de 0,98 % pour les formations jusqu’à la licence et de 0,77 % en master. Or, je l’ai déjà dit, les besoins sont immenses : les universités manquent d’enseignants-chercheurs ; plus de 100 000 lycéens, soit 17 % des bacheliers, n’accèdent pas à la formation de leur choix en 2023 ; plus de 43 000 étudiants n’ont pas de formation de master, ce qui représente plus de 20 % des éligibles. La perte de valeur des salaires des enseignants‑chercheurs atteint 25 % depuis l’an 2000, ce qui rend les métiers non attractifs.

Je propose donc d’en finir avec des années d’austérité budgétaire et d’augmenter de 15 % le budget alloué au programme Formations supérieures et recherche universitaire.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2727.

Amendement II-CF2737 M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La dépense de recherche et développement (R&D) de l’État est passée de 1,37 % en 1990 à 1,45 % du PIB en 2021, quand la moyenne européenne passait de 1,03 % à 1,41 %. On assiste donc à un désengagement de l’État au seul profit du secteur privé. Or, je le répète, les besoins sont immenses. Cet amendement propose aussi d’en finir avec des années d’austérité budgétaire et de prévoir une hausse de 15 % de la subvention pour charge de service public versée par l’État aux universités.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. À titre d’information, je vous signale que si nous continuons à avancer au même rythme, ce que j’espère, nous examinerons dans la foulée deux missions qui étaient programmées après le dîner : Conseil et contrôle de l’État, dont le rapporteur spécial est M. Daniel Labaronne ; Pouvoirs publics, dont la rapporteure spéciale est Mme Marianne Maximi. Dans ce cas, il ne resterait que deux missions ce soir.

Amendement II-CF2725 de M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Le fonctionnement de la recherche par des appels à projets organise une concurrence entre établissements, équipes et scientifiques de la recherche publique. Depuis sa création, il n’a cessé d’accroître les disparités entre, d’un côté, les établissements et les unités de recherche dits d’excellence dont les projets sont toujours sélectionnés et qui croulent sous les millions, et, de l’autre, des établissements dont les projets sont rarement financés et qui poursuivent leurs travaux avec des dotations largement insuffisantes. Ce système est particulièrement inefficace car, comme j’ai coutume de le dire, les chercheurs passent leur temps à chercher de l’argent plutôt qu’à chercher. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’ANR et la redistribution de l’ensemble des fonds sous forme de crédits récurrents pour les équipes de recherche.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Comme je l’avais signalé dans mon rapport spécial de l’an dernier et comme je l’ai indiqué lors de mon intervention, la recherche sur projets présente de nombreux inconvénients : précarité des chercheurs, temps perdu à remplir des dossiers de candidature, manque de vision de long terme, entrave à la liberté de recherche. Aussi suis-je favorable à votre amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF2745 de Mme Clémence Guetté

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Dans le droit fil des propos tenus par mon collègue Davi, cet amendement vise à la sanctuarisation du budget des laboratoires de recherche et développement dans les domaines clés de la bifurcation écologique, afin de les soustraire à la logique des lobbies.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Vous proposez d’augmenter les financements récurrents alloués aux chercheurs, ce qui me réjouit, et de le faire au bénéfice des chercheurs engagés en faveur de la transition écologique. Je ne peux qu’y être favorable.

M. Daniel Labaronne (RE). Chers collègues, je voudrais vous faire part de mon étonnement. Ayant passé toute ma carrière dans l’enseignement supérieur, dans la recherche en économie, j’aurais été très surpris que le Parlement fixe nos orientations en matière de recherche – ce qui aurait tout de même été une manière de s’immiscer un peu dans nos affaires.

M. le président Éric Coquerel. M. Davi a fait la même observation à propos d’un amendement précédent.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2731 de M. Jérôme Legavre.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Mickaël Bouloux, la commission adopte l’amendement II-CF2743 de Mme Clémence Guetté.

Amendement II-CF2736 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous proposons un plan de compensation financière de la hausse du coût de l’énergie supporté par les universités et les centres de recherche, estimé à 350 millions d’euros. Quiconque a mis les pieds dans une université récemment sait que les salles et les amphis ne sont souvent pas chauffés en hiver, ce que je trouve absolument indigne. C’est la moindre des choses de prendre des mesures pour permettre le chauffage de ces locaux.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2736.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Jean-Marc Tellier, la commission adopte l’amendement II-CF2742 de Mme Clémence Guetté.

Amendement II-CF2837 de Mme Valérie Rabault

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il vise à prévoir une revalorisation indemnitaire des personnels de la recherche publique à hauteur de 250 millions d’euros, dont 80 % iront à la revalorisation des enseignants-chercheurs et des chercheurs et 20 % à la rémunération des personnels de soutien.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Les syndicats de personnels, que nous avons auditionnés, nous ont alertés sur la faible attractivité de la recherche publique en France par rapport à celle des pays étrangers et du secteur privé. Votre amendement permettrait de renforcer l’attractivité des métiers de la recherche. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF2837.

Amendement II-CF2841 de Mme Valérie Rabault

M. Gérard Leseul (SOC). Nous proposons de recruter des enseignants-chercheurs supplémentaires car ils sont souvent accaparés par de nombreux travaux administratifs qui s’ajoutent à leurs tâches d’enseignement et de recherche. Si nous voulons renforcer la recherche, il faut augmenter le nombre d’enseignants-chercheurs.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2841.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte successivement les amendements II-CF2738 de M. Jérôme Legavre et II-CF2839 de Mme Valérie Rabault.

La commission adopte l’amendement II-CF1979 de M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Mickaël Bouloux, la commission adopte l’amendement II-CF2843 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Il serait intéressant qu’on nous explique comment les dépenses préconisées sont financées.

M. Gérard Leseul (SOC). Je vous invite à lire les exposés des motifs, Monsieur le rapporteur général.

Contre l’avis du rapporteur spécial M. Charles Sitzenstuhl, la commission adopte successivement les amendements II-CF2838 de Mme Valérie Rabault, II-CF2707 de Mme Sarah Legrain et II-CF2708 de M. Idir Boumertit.

Amendement II-CF2739 de Mme Clémence Guetté

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à allouer des fonds à la création de plusieurs formations en Guyane – un brevet de technicien supérieur forestier, une formation au génie électrique, une formation BTP (bâtiment et travaux publics) – pour permettre aux jeunes de travailler dans ces domaines, notamment la foresterie, qui sont essentiels en Guyane.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai l’impression que la commission a adopté de nombreux amendements pour favoriser d’autres solutions que l’expérimentation animale. Peut-on faire le compte de ces crédits supplémentaires ?

M. le président Éric Coquerel. Pour le moment, on n’a pas déplacé des crédits pour des montants excédant les montants initiaux. C’est le problème que nous rencontrons dans cet examen : des amendements sont présentés, sans coordination. Si les amendements étaient examinés en séance, certains groupes de l’opposition se coordonneraient mieux.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez raison, mais il ne faudrait pas discréditer le fond du problème par un montant farfelu.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. J’ignore s’il s’agit de dépasser les 90 milliards adoptés pour la mission Enseignement scolaire ou les 82 milliards votés pour la mission Écologie, développement et mobilité durables. Ce n’est pas une question de « coordination » – le mot est faible. Je parlerais plutôt de responsabilité en termes de dépense publique.

M. le président Éric Coquerel. Sans entrer dans une polémique, les amendements sont adoptés à une majorité d’une voix. Si la majorité se mobilisait, ils ne passeraient pas. Chacun doit revoir ses responsabilités.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La responsabilité est de ne pas déposer de tels amendements.

M. le président Éric Coquerel. Chacun le sait, on paie le fait que des amendements normalement déposés en séance l’ont été en commission, par crainte du 49.3.

Par ailleurs, le délai pour déposer les amendements ne laisse pas assez de temps pour se coordonner. Nous devrions réfléchir à cette question. Si le Gouvernement manifestait la volonté de retenir des amendements majoritaires à l’Assemblée, nous pourrions nous organiser pour éviter que les montants ne s’accumulent, alors que d’autres amendements satisfont la question. Toutefois, on le sait, le 49.3 réduira notre travail à néant. La responsabilité est donc du côté du Gouvernement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. C’est fort de café de rendre le Gouvernement responsable des amendements déposés par l’opposition : d’après vous, nous sommes responsables de tout et tout est la faute du président Macron depuis 2017.

Lorsque l’on dépose des amendements, on a la volonté et l’espoir qu’ils soient votés – ou alors, il ne faut pas les déposer. Vous les déposez, ils sont votés. Maintenant, vous nous reprochez qu’ils l’aient été. Ce n’est pas une question de coordination : c’est un enjeu récurrent, depuis le début de l’examen de la seconde partie du PLF.

Et n’invoquez pas l’argument du 49.3 car cette profusion d’amendements vaut aussi pour la première partie du PLF, où 5 500 amendements ont été déposés en séance. C’est une dérive : pour nos concitoyens, on a perdu le fil et la clarté.

M. le président Éric Coquerel. Il faudrait compter le nombre d’amendements déposés par la majorité, ou plutôt les groupes gouvernementaux – le problème est là. Ils étaient très nombreux sur la première partie du texte, portant sur les recettes.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La procédure budgétaire de cette législature présente plusieurs dysfonctionnements, qui ne sont pas du fait de la majorité. Les oppositions et la majorité n’ont pas le temps de bien travailler ; elles doivent mener de nombreux travaux très lourds en même temps. Il faut réfléchir ensemble à la manière d’améliorer notre façon de travailler et prévoir des délais plus raisonnables.

La commission adopte l’amendement II-CF2739.

Amendement II-CF2721 de M. Idir Boumertit

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Par cet amendement nous souhaitons renforcer l’orientation des étudiants. L’année dernière, la mission de suivi de l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, dont Thomas Cazenave et moi-même étions les co‑rapporteurs, a conclu à la nécessité de refonder le service public de l’orientation. Cet amendement y contribue, en donnant des moyens importants à l’Onisep, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, qui doit retrouver un rôle clé dans l’orientation des étudiants.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, elle rejette l’amendement IICF2710 de M. Idir Boumertit.

Amendement II-CF2724 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à établir un plan de titularisation des contractuels volontaires exerçant des fonctions pérennes. L’enseignement supérieur public compte 130 000 enseignants vacataires, soit plus de 60 % du personnel enseignant dans ce secteur. Ces personnes accomplissent des missions reconnues par tous : il est indispensable que ceux qui en font la demande soient titularisés.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons l’amendement pour des raisons politiques. Le monde universitaire est confronté à un problème de précarité et de lisibilité de ses carrières : les carrières universitaires ne sont pas à la hauteur d’une civilisation qui promeut le savoir, le mérite et qui reconnaît les universitaires comme des personnes qui apportent quelque chose de précieux à la société. Nous devons travailler ensemble pour les rationaliser et les rendre plus claires et plus justes. Elles sont incompréhensibles de l’extérieur et font tomber dans la précarité des personnes qui exercent excellemment leur métier, dans leur domaine de compétences.

La commission adopte l’amendement II-CF2724.

Amendement II-CF1132 de M. Jean-Marc Tellier

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel tend à concrétiser notre proposition de revenu étudiant. Il est pensé comme une somme d’argent versée tous les mois à un étudiant ou une étudiante du supérieur, quels que soient son établissement, sa filière ou sa situation familiale, afin de subvenir à ses besoins.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Défavorable. J’en ai déjà expliqué les raisons. Chers amis de gauche, ce n’est pas cela, la justice sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF1982, II-CF1984 et II-CF1985 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Parmi ces trois amendements d’appel – à 1 euro –, le premier, le II-CF1982, vise à appeler l’attention du Gouvernement sur la nécessité de compenser les mesures salariales pour garantir les capacités de fonctionnement des organismes de recherche. Dans le cas contraire, ces structures se retrouveraient dans une situation financière compliquée, au détriment de la recherche.

L’amendement II-CF1984 a pour objet les conséquences qu’ont certains départs en retraite sur la masse salariale des organismes de recherche.

Le dernier, l’amendement II-CF1985, appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de compenser les surcoûts qu’engendre l’inflation.

La commission adopte successivement les amendements II-CF1982, II-CF1984 et II-CF1985.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement II-CF2722 de M. Idir Boumertit.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, elle adopte l’amendement IICF2723 de M. Idir Boumertit.

Amendement II-CF2726 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de créer une garantie autonomie pour les jeunes en formation de 18 à 25 ans. Le système de bourses en vigueur ne fonctionne plus – une réforme est annoncée mais nous l’attendons toujours. La part des boursiers au sein des formations qui ouvrent droit aux bourses atteint seulement 37,7 %. Un grand nombre d’étudiants sont dans une situation critique. Il s’agit de changer de modèle, pour relever les défis de la misère et de la précarité étudiante, qui n’est plus supportable.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Avis très défavorable. Je suis étonné que des groupes de gauche s’associent à une telle idée : cette allocation universelle pour les étudiants aggravera les inégalités.

M. le président Éric Coquerel. Je soutiens cette allocation : un étudiant est un travailleur en formation. Il est normal qu’il puisse étudier sans avoir à trouver des petits boulots, tous plus précaires les uns que les autres. Comme un jeune travailleur, un étudiant est autonome. Il doit pouvoir faire ses études dans de bonnes conditions de vie, sans être dépendant de ses parents ou de leurs revenus.

C’est un problème de fond qui touche à l’universalité de ces aides, laquelle concerne aussi les allocations familiales : la seule garantie que chacun, y compris les plus aisés, contribue à l’impôt et aux cotisations, est que tous en bénéficient.

Pour ces deux raisons, la garantie autonomie est une valeur « de gauche ».

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). La République a investi dans sa jeunesse pour les élèves admis à l’École normale supérieure ou à l’École nationale d’administration – Bruno Le Maire a ainsi été payé pendant ses études. Il n’est pas normal qu’un tel dispositif soit réservé à une élite. Le fait de le généraliser, comme le demandent les présidents d’université, est une mesure républicaine.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le Rassemblement national répondra toujours présent pour améliorer le système des bourses, le logement étudiant, les Crous. Nous avons ainsi soutenu le repas à 1 euro.

Cependant, un symbole ne convient pas dans cet amendement : étudier n’est pas travailler. C’est un privilège que de nombreux peuples n’ont pas. Il faut que chaque Français, chaque Française, chaque étranger que nous accueillons dans nos universités, sache que l’accès au savoir est une chance que l’on offre, non un dû, ni un acquis. La confusion autour de ces valeurs entraîne une dévalorisation du savoir et un relativisme quant à la chance que nous avons d’accéder à des études ainsi qu’à des chercheurs et des enseignants-chercheurs de qualité. Séparons ce qui relève du travail et des études, mais garantissons un modèle social qui permette à chacun d’étudier.

M. le président Éric Coquerel. Nous avons de vraies différences de principes. J’estime au contraire que le savoir et l’éducation sont un droit.

M. Daniel Labaronne (RE). Le débat entre les principes d’égalité et d’équité est ancien. Au nom du premier, un étudiant riche est équivalent à un étudiant pauvre. Nous préférons une approche différente, consistant à aider ceux qui en ont le plus besoin, en considérant que les étudiants riches ont les moyens de subvenir à leurs besoins et de faire des études.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF2729 de M. Rodrigo Arenas

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons dénoncer le laisser-faire du Gouvernement dans le développement de l’enseignement privé lucratif. J’ai expliqué dans mon rapport combien, face à la faiblesse des moyens alloués à l’enseignement public et à la pénurie de places organisée – non plus seulement en licence, mais aussi en master –, le marché de l’enseignement privé progresse fortement, notamment grâce à l’apprentissage.

Parcoursup constitue une opportunité formidable pour le marché privé de l’orientation et de la formation. Cette année, parmi les quelque 22 000 formations du site, 41 % sont privées, et 767 000 étudiants suivent un cursus dans un établissement privé, soit 26 % des étudiants en 2022. Cette part était bien moins élevée en 2010.

Cet amendement d’appel vise donc à alerter les parlementaires : la question pose un problème de souveraineté car de grands groupes, financés par des fonds privés étrangers, sont entrés sur le marché. Ainsi, Galileo est financé par les mêmes acteurs qu’Orpea. Les écoles privées non lucratives sont également très inquiètes devant l’explosion du privé lucratif.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Je suis défavorable à l’amendement. Il ne faut pas opposer le public et le privé par principe. Le privé non lucratif, qui existe depuis toujours dans notre pays, ne pose pas de problème. Le privé lucratif, lui, pose des difficultés, qui font l’objet d’une prise de conscience réelle de la part de l’État. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi commencé à effectuer des contrôles ; des missions sont en cours au sein du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Vous avez raison de pointer que nous devons faire preuve de vigilance s’agissant du privé lucratif.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutenons l’amendement. Des abus sont en effet constatés dans le monde de l’enseignement privé lucratif. L’accès à la science et aux humanités n’est pas lucratif par essence – cette activité ne peut pas être rentable. Certes, il peut exister de bons enseignements lucratifs, même si je n’en partage pas la philosophie. En revanche, j’ai pu constater, avec de nombreux collègues, que certains élèves, souvent de quartiers populaires, peuvent être trompés par des escroqueries, des formations prétendument avantageuses, qui prennent tout l’argent durement gagné par les familles.

La commission adopte l’amendement II-CF2729.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à l’avis des rapporteurs spéciaux sur le budget initial et modifié, une trentaine d’amendements ayant été adoptés, ainsi qu’aux explications de vote des groupes sur la mission.

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Les derniers quarts d’heure du débat ont fait sévèrement dévier la balance alors que nous nous trouvons dans une situation compliquée pour ce qui concerne les finances publiques.

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Jean-Marc Tellier et moi-même avions annoncé que nous serions favorables à l’adoption des crédits de la mission car leur rejet ne permettrait pas de poursuivre la trajectoire. Or nous avons grandement amélioré le budget de la recherche. Nous sommes donc très favorables à leur adoption.

M. Daniel Labaronne (RE). Le groupe Renaissance était prêt à voter les crédits de cette mission, considérant qu’ils s’accompagnaient d’une augmentation significative des budgets, qu’ils participaient à l’attractivité des carrières universitaires, à la revalorisation des traitements des agents publics, en faveur de leur pouvoir d’achat, à l’augmentation des moyens alloués à la vie étudiante ainsi que de ceux de l’Agence nationale de la recherche. Toutefois, eu égard à la dérive budgétaire à laquelle a conduit l’adoption de nombreux amendements, nous ne pouvons pas les voter. En conséquence, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous abstiendrons sur ces crédits. Nous ne disons pas que rien n’est fait pour la recherche et l’enseignement supérieur. Néanmoins, la trajectoire qui doit s’appliquer à la France n’est pas suivie. Il y a trente ans, les différents gouvernements européens se sont entendus pour que le continent européen, notamment la France, consacre 3 % de son PIB à la recherche. Cet objectif, comme tant d’autres, n’a jamais été atteint. Tant que la France n’aura pas renoué avec un investissement massif en faveur de l’enseignement supérieur, comme le fait la Corée du Sud ou Israël, nous n’arriverons pas à tenir notre rang dans la mondialisation. On n’investit pas assez d’argent public dans la recherche et le développement en France, en particulier dans l’enseignement supérieur.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Le développement de la recherche scientifique et la classification de notre jeunesse sont deux enjeux majeurs pour notre pays. Or le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, comme l’hôpital et l’école, est au bord de l’effondrement. Depuis 1990, la dépense en R&D stagne à 2,2 % du PIB, bien en deçà de la cible des 3 %.

Quant à la part de l’État dans les dépenses en faveur de l’éducation supérieure, elle a chuté, passant de 68 % en 2017 à 60 % en 2022. Ce désengagement s’effectue au profit du seul secteur privé. Les conséquences en sont connues : manque de places en licence et en master ; perte de plus de 25 % de la valeur des salaires des enseignants ; recrutements insuffisants ; management toxique ; stress pour les élèves, et burn out pour les professionnels. Rien dans le budget pour 2024, en baisse de 0,71 %, notamment pour le programme 150, ne permettait d’inverser la tendance.

Heureusement, de nombreux amendements, déposés notamment par l’intergroupe NUPES, ont été adoptés. Visant en particulier à augmenter de 15 % le budget de l’université ou à instituer le repas à 1 euro, ils permettent de relancer le service public. Nous voterons donc les crédits de la mission.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Nos universités sont confrontées à de nombreux défis, notamment le sous-financement par l’État des salaires des professeurs d’université. S’agissant de la recherche, il faudrait établir des programmes qui ont du sens, indépendamment de l’enjeu médiatique ou géopolitique. Je déplore que la LPR prévoie des crédits pour la fin de la législature voire au-delà.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Mme Marina Ferrari (Dem). Il est bien sévère de dire que rien dans le budget initial ne permettait d’inverser la tendance. Celui-ci prévoyait notamment des augmentations de crédits importantes, qui nous mettaient en conformité avec les orientations de la LPR. Certaines avancées étaient prévues, notamment en matière de vie étudiante. Quant au repas à 1 euro pour tous les étudiants, il est injuste dans la mesure où certaines familles peuvent payer ces repas : nous préférons aider les plus nécessiteux. Enfin, madame Dalloz, les programmes de recherche avaient du sens, notamment le programme de recherche nucléaire, qui répondait aux recommandations du Conseil de politique nucléaire de février 2023.

Compte tenu de ce qui s’est passé lors des débats, nous nous abstiendrons sur le vote des crédits.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La lutte contre la précarité étudiante, dont traite le programme 231, Vie étudiante, doit être le fer de lance de la stratégie d’accompagnement et d’épanouissement des étudiants. L’ensemble des lignes budgétaires doit être réfléchi avec pour prisme principal la place de l’étudiant. L’accès au troisième cycle est de plus en plus restreint : nombre d’étudiants arrêtent tôt leur cursus et ne sont pas incités à poursuivre des formations jusqu’au doctorat.

Toutefois, en adoptant nos différents amendements, la commission a fait prendre à la mission Recherche et enseignement supérieur un tout autre sens. C’est bien la démobilisation des macronistes pendant cet examen qui a permis ces votes. Grâce à vous tous, le repas à 1 euro pourra voir le jour, avant ou – pourquoi pas ? – après le 49.3. La multiplication des services de santé, l’augmentation du budget alloué à la formation des enseignants, tout ce travail collectif – sans les macronistes –, allant dans le bon sens, nous voterons en faveur de la mission.

Mme Lise Magnier (HOR). Dans leur version initiale, les crédits de la mission avaient deux objectifs, que le groupe Horizons partage. D’abord, un soutien inédit aux étudiants avec une revalorisation des bourses, la pérennisation du repas à 1 euro pour ceux qui en ont besoin, le maintien du gel tarifaire dans les résidences universitaires, des droits d’inscription à l’université pour tous et la réhabilitation de 12 000 places d’hébergement. Le second objectif visait à un haut niveau d’attractivité pour la recherche française, avec 500 millions d’euros supplémentaires, consacrés notamment à la revalorisation salariale des personnels de recherche, ainsi qu’aux investissements dédiés aux équipements et infrastructures de recherche.

L’adoption de plusieurs amendements lors de l’examen a bousculé l’équilibre des crédits. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). La situation des universités est critique depuis de très nombreuses années, qu’il s’agisse des salaires des professeurs, des conditions de travail des vacataires, des conditions de vie des étudiants, des bâtiments ou des logements.

Celle de la recherche publique l’est tout autant : elle nous amène à nous interroger sur le crédit d’impôt recherche délivré aux entreprises sans condition, ni sociale, ni environnementale.

Les Écologistes se réjouissent des amendements adoptés du fait du désengagement des députés Renaissance, ce que l’on pourrait appeler l’effet papillon du 49.3. En conséquence, ils voteront les crédits de la mission.

M. Jean-Marc Tellier, rapporteur spécial. Compte tenu du nombre des amendements adoptés, le groupe GDR votera les crédits de la mission.

La commission adopte les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF1980 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. L’amendement vise à créer un nouvel indicateur de performance relatif à l’impact du CIR (crédit d’impôt recherche), en évaluant de manière transparente les sommes véritablement allouées à la recherche.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). D’après le bleu budgétaire, le crédit d’impôt recherche coûtera 7,6 milliards d’euros en 2024, en augmentation de 466 millions d’euros. Une hausse de 7 % est prévue l’année prochaine – et il ne s’agit pas de l’inflation. Cet argent serait mieux utilisé s’il était distribué autrement.

La commission adopte l’amendement II-CF1980.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Jean-Marc Tellier, la commission adopte l’amendement II-CF17 de Mme Cécile Rilhac.

Amendement II-CF2679 de M. Jean-Claude Raux

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à introduire un indicateur de mixité dans l’occupation des résidences étudiantes relevant du réseau des œuvres universitaires et scolaires. Les syndicats étudiants font remonter que les étudiants étrangers sont surreprésentés dans les logements les plus dégradés. Nous souhaiterions avoir davantage de lisibilité sur cette situation qui, si elle était avérée, serait très grave.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2679.

Suivant l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission rejette l’amendement II-CF2701 de M. Philippe Ballard.

Après l’article 55

Amendements II-CF138 et II-CF139 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux, rapporteur spécial. Issu des recommandations de mon rapport d’information sur la recherche polaire, dans le cadre du printemps de l’évaluation, l’amendement II-CF138 vise à consacrer un document de politique transversale à la politique polaire de la France, incluant la recherche. L’amendement II-CF139 est un amendement de repli.

La commission adopte les amendements II-CF138 et II-CF139.

Suivant l’avis du rapporteur Charles Sitzenstuhl, la commission rejette successivement l’amendement II-CF2702 de M. Philippe Ballard et l’amendement II-CF2709 de M. Idir Boumertit.

Amendement II-CF2935 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le présent amendement vise à obtenir du Gouvernement une présentation détaillée de la contribution des dépenses fiscales, liées notamment aux dons, legs et donations de personnes physiques et morales de droit privé, au financement de l’enseignement supérieur. Le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur fait état, pour le seul programme 150, Formations supérieures et recherche universitaire, de quatre dépenses fiscales portant sur des impôts d’État, pour un coût total estimé à 3,5 milliards en 2023, en augmentation de 261 millions par rapport à 2022. Par cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement rende compte au Parlement de façon détaillée de l’effet de ces dépenses fiscales sur le niveau, la structure et la répartition du financement de l’enseignement supérieur.

Contre l’avis du rapporteur spécial Charles Sitzenstuhl, la commission adopte l’amendement II-CF2935.

Amendement II-CF3229 de M. Charles Sitzenstuhl

M. Charles Sitzenstuhl, rapporteur spécial. Cet amendement, que j’avais annoncé dans mon propos liminaire, vise à demander au Gouvernement, dans un délai de six mois, un rapport étudiant l’opportunité d’assurer la compensation intégrale et systématique des mesures de revalorisation de la rémunération des agents publics relevant du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire. La compensation partielle ne doit pas devenir la règle : il faut mettre de la pression sur le Gouvernement.

La commission adopte l’amendement. II-CF3229

 

 

 


—  1  —

   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Agence nationale de la recherche : M. Thierry Damerval, président‑directeur général ; Mme Cécile Schou, conseillère relations institutionnelles

IRSN : M. Jean-Christophe Niel, directeur général ; M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie ; M. Patrice Deschamps, directeur adjoint de la stratégie ; Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

M. Philippe Gillet, géophysicien, ancien vice-président de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, auteur du rapport remis à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche « Mission sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation : 14 propositions pour engager le processus de rénovation et de simplification de l’écosystème national », 15 juin 2023.

CNRS : M. Antoine Petit, président-directeur général ; M. Thomas Borel, responsable des affaires publiques

Institut Paul-Émile Victor (IPEV) : M. Yan Ropert-Coudert, directeur ; M. Rémi Traverse, directeur administratif et financier

IRD : Mme Valérie Verdier, présidente-directrice générale

INRIA : Mme Sandrine Mazetier, directrice générale déléguée à l’appui aux politiques publiques

Direction générale des entreprises (DGE) : M. Arnaud Delaunay, sous‑directeur de l’innovation au service de la Compétitivité, de l’innovation et du développement des Entreprises (SCIDE) ; M. Colin Ducrotoy, directeur de projets espace à la sous-direction du Spatial, de l’électronique et du logiciel du service de l’économie numérique (SEN) : Mme Élodie Morival, sous-directrice du pilotage, de la stratégie et de la performance au secrétariat général ; M. Jean Tato Oviedo, chef du bureau des affaires budgétaires à la sous-direction du pilotage de la stratégie et de la performance (SDPSP) du secrétariat général ; M. Karl Roszak, chargé de mission au bureau des affaires budgétaires à la sous-direction du pilotage de la stratégie et de la performance (SDPSP) du secrétariat général

Audition commune :

INCa : M. le professeur Norbert Ifrah, président ; M. Thierry Breton, directeur général

INSERM : M. Didier Samuel, président‑directeur général ; M. Damien Rousset, directeur général délégué à l’administration ; Mme Anne-Sophie Etzol, responsable des relations institutionnelles

 

ESA : M. Jean Max Puech, directeur des ressources internes

Table ronde syndicats de chercheurs

SNTRS-CGT : M. Patrick Boumier, co-secrétaire général ; M. François Bonnarel, membre du bureau national

SNPTES : Mme Laurence Panicot-Dubois, élue SNPTES au conseil d’administration de l’INSERM, chargée de recherche à l’INSERM ; M. Laurent Berthe, chargé de mission du SNPTES, directeur de recherche au CNRS : M. Xavier Duchemin, secrétaire national du SNPTES, assistant ingénieur au CNRS

SNCS-FSU : M. Boris Gralak, secrétaire général du SNCS-FSU

Sud recherche : Mme Claire Chatelain, chargée de recherches CNRS ; Mme Christine Buisson, directrice de recherches à l’université Gustave Eiffel.

SGEN-CFDT : Mme Élisabeth Sioudan-Devailly secrétaire fédérale et permanente au Sgen-CFDT Paris ; Mme Isabelle Cohen, secrétaire fédérale du Sgen-CFDT ; M. Pierre Saillant

 

 

CIRAD : Mme Élisabeth Claverie de Saint Martin, présidente ; Mme Émilie Klander, directrice des affaires publiques ; M. Léonard Livert, chargé d’affaires publiques ; M. Anthony Farisano, directeur général délégué du CIRAD

 

*

*     *


([1]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

([2]) S'adressant aux opérateurs de l’État, dont certains opérateurs de recherche : « Vous avez une trésorerie abondante. Vous avez cette année 2,5 milliards d'euros d'excédent de trésorerie. Dès le budget 2024, nous en récupérerons la moitié. Rien ne justifie [que vous ayez] des trésoreries aussi abondantes ».

([3]) « Mission sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation : 14 propositions pour engager le processus de rénovation et de simplification de l’écosystème national », rapport à Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, M. Philippe Gillet, 15 juin 2023 [ci-après « rapport Gillet »], p. 22.

([4]) Rapport Gillet, p. 23.

([5]) I. de l’article 2.

([6]) La recherche fondamentale consiste en des travaux expérimentaux ou théoriques entrepris principalement en vue d'acquérir de nouvelles connaissances sur les fondements des phénomènes et des faits observables, sans envisager une application ou une utilisation particulière à court terme.

([7]) Inscrits sur l’action 2 Agence nationale de la recherche.

([8]) II. de l’article 2.

([9]) « Le préciput est un mécanisme financier dont le but est d’encourager les organismes de recherche à se porter candidats à des appels à projets compétitifs. Il consiste à réserver systématiquement une partie des crédits obtenus par une équipe de chercheurs au financement des frais de fonctionnement de l’organisme qui abritera leurs recherches. Le préciput est ainsi censé permettre aux établissements bénéficiaires d’amplifier le cercle vertueux qui leur a permis de faire émerger et de soutenir des projets scientifiques de haut niveau. » (Rapport d’information fait au nom de la commission des finances du Sénat par M. Michel Berson, n° 684, enregistré à la présidence du Sénat le 26 juillet 2017.)

([10]) Pour des raisons historiques, la SCSP de l’INCa n’est pas budgétée en tant que telle dans la mission Recherche et enseignement supérieurs mais est versée par l’ANR.

([11]) La RTB (recherche technologique de base) est un programme mis en place par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour soutenir les plateformes de recherche technologique du CEA et du CNRS.

([12]) N° II-CF1979.

([13]) Compte rendu de la réunion de la commission des finances du 1er juin 2023, séance de 21 heures, p. 8.

([14]) p. 20.

([15]) Rapport d’information sénatorial n° 766 (2021-2022) de Mme Laure Darcos et M. Stéphane Piednoir, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, déposé le 6 juillet 2022, p. 24.

([16]) Dont la quasi-totalité est budgétée sur le programme 172.

([17]) La recherche clinique consiste en des expérimentations sur l’homme pour évaluer l’efficacité et la tolérance d’un traitement médical. Elle fait suite à la recherche fondamentale et à l’expérimentation animale.

([18]) La recherche en santé publique consiste à étudier l’état de santé d’une population, ainsi que les facteurs qui déterminent ces états, de sorte à émettre des recommandations pour améliorer la santé et prévenir les maladies.

([19])  Députés membres de la mission d’information sur la maladie de Lyme (ayant conduit au dépôt du rapport n° 4318, 7 juillet 2021), plusieurs directions générales, la Haute autorité de santé, l’INRAE, l’INSERM, des associations de personnes atteintes, des centres nationaux de référence pour la prise en charge clinique des maladies vectorielles à tiques.

([20]) Rapport d’information n° 1315, 2 juin 2023.

([21]) La remise de ce document par le Gouvernement au Parlement est prévue par le 12° de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

([22]) N° II-CF138.

([23]) N° II-CF139.

([24]) N° 1588, 20 juillet 2023.

([25]) Équilibrer les extrêmes, stratégie polaire de la France à horizon 2030, avril 2022.

([26]) Bruno David est naturaliste, président du Muséum national d’histoire naturelle de 2015 à 2023 ; Jean Jouzel est paléoclimatologue, membre de l’Académie des sciences ; Valérie Masson-Delmotte est paléoclimatologue, membre du GIEC de 2015 à 2023.

([27]) Article R. 831-1 du code rural et de la pêche maritime.

([28]) Le Monde, article « Des scientifiques français appellent « à la mise en œuvre d’un projet Manhattan de la transition écologique », 25 septembre 2023.

([29]) Articles L. 592-45 et suivants du code de l’environnement.

([30]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([31]) Il s’agit d’une note, sur 100 points, composée de 5 indicateurs : l’écart de rémunération femmes-hommes ;l’écart de répartition des augmentations individuelles ; l’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés) ; le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité ; la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.

([32]) Réponse à la question écrite n° 4241 de Mme Agnès Carel (réponse publiée au Journal officiel le 28 février 2023).

([33]) Réponse de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, à la question au Gouvernement de Mme Cathy Racon-Bouzon, compte rendu de la séance du mardi 15 février 2022.

([34]) Mme la Première ministre, compte rendu de la première séance du mardi 3 octobre 2023.

([35])  Rapport « La punaise de lit, un fléau à l’ombre des politiques publiques », septembre 2020, p. 3
(p. 5 du document PDF : https://6d95f7f5-f19c-4fe1-8d6d-e8c1bae6a1a5.filesusr.com/ugd/aad295_2c173cb9f286472d9a19f681d6d4a28a.pdf ).

([36]) M. Aurélien Rousseau, compte rendu de la première séance du mardi 3 octobre 2023.

([37]) 3 octobre 2023.

([38]) Article 244 quater B du code général des impôts.

([39]) Article 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([40]) L’impact du crédit d’impôt recherche, mars 2019.

([41]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([42]) k) du II. de l’article 244 quater B du code général des impôts.

([43]) Simon Bunel (Insee) et Benjamin Hadjibeyli (DGE), Évaluation du crédit d’impôt innovation : dynamique des bénéficiaires depuis son introduction, 2019.

([44])  Bunel et Hadjibeyli, « Évaluation du crédit d’impôt innovation français », document de travail de la Banque de France, 2022. Actualisation d’une étude Insee réalisée par les mêmes auteurs en 2019.