N° 1745

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

PAR M. Jean-René CAZENEUVE,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 48
 

 

AFFAIRES EUROPÉENNES

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Alexandre SABATOU

 

 

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

AVANT PROPOS

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. L’Évaluation proposée pour le PSR-UE 2024, dans un contexte de discussion du budget européen entre les institutions européennes toujours en cours

A. les ÉlÉments disponibles relatifs à l’exÉcution en 2023 : une exÉcution en lÉgÈre baisse par rapport au montant votÉ en loi de finances pour 2023, pour des raisons conjoncturelles

1. Présentation des trois budgets rectificatifs

2. Un montant exécuté en 2023 qui serait inférieur à la prévision

B. le budget 2024 : Les caractÉristiques de la proposition de la commission europÉenne et l’État de la nÉgociation

1. Une proposition de budget qui tire les conséquences de forts retards d’exécution pour les politiques traditionnelles de l’Union européenne

a. Les lignes principales du budget présenté par la Commission européenne

b. Un budget marqué par la hausse de l’inflation, ses répercussions automatiques sur les salaires des fonctionnaires européens, et celle des intérêts des emprunts contractés dans le cadre du plan NextGenerationEU

2. La position critique du Conseil de l’Union européenne, qui propose une approche baissière et la préservation des marges

3. L’inconnue de la conséquence de l’augmentation de la taille du Parlement européen sur le budget 2024

C. le montant proposé pour le PSR-UE, en baisse, Tire les conséquences du projet de budget européen

II. Une contribution française structurellement haussière, tandis que le taux de retour dont bénéficie la France est en diminution

A. Des projections actuelles haussières auxquelles s’ajouteront les futures conclusions de la révision du CFP 2021-2027

B. la poursuite de la discussion sur les nouvelles Ressources propres dans une perspective de remboursement des prêts à partir de 2028

1. Des propositions de la Commission européenne qui permettraient de générer jusqu’à 36 milliards d’euros

2. « L’obligation de résultat » pesant sur les négociations : une absence d’accord avant 2028 se traduirait par un nouveau ressaut des contributions nationales

C. LA France QUI NE BÉNÉFICIE PAS DE RABAIS, VOIT SON TAUX DE RETOUR BAISSER

1. La pratique des rabais

2. La baisse tendancielle des taux de retour

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS Du RAPPORTEUR SPÉCIAl

 Le prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne (PSR-UE) est évalué par le Gouvernement à 21,61 milliards d’euros, un montant en baisse tant par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2023 (25 milliards d’euros) que par rapport aux actuelles prévisions d’exécution pour 2023 (24,4 milliards d’euros).

 Ce montant évaluatif masque l’enjeu de la hausse attendue du PSR-UE jusqu’à la fin du CFP 2021-2027, la baisse attendue à ce jour en 2024 n’étant que conjoncturelle et liée à une baisse transitoire des décaissements des crédits de paiement des programmes de la politique européenne de cohésion.

 Les négociations actuelles portant sur une révision à la hausse du CFP 2021-2027 ne pourront qu’avoir des conséquences haussières sur les prochains PSR-UE, y compris en 2024.

 Le rapporteur spécial déplore de nouveau que les conditions d’examen du PSR-UE empêchent un examen attentif par la Représentation nationale, du fait d’un calendrier qui se superpose aux discussions encore en cours entre les autorités budgétaires européennes, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.

 Le projet de budget européen communiqué par la Commission européenne en juin 2023 s’élève à 189,3 milliards d’euros en crédits d’engagement (CE) et 143,1 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 1,4 % en CE et une baisse de 15,2 % en CP par rapport au budget de l’année 2023.

 Le rapporteur partage les préoccupations du Conseil devant l’utilisation « maximaliste » des instruments de stabilité et des marges, dans la présentation de ce projet de budget, qui ne semble pas laisser de marge de manœuvre suffisante en gestion.

 Le rapporteur spécial estime que le remboursement du plan NextGenerationEU est un moyen d’imposer aux États membres des taxes supranationales de nature fédérale, qui pourraient permettre à l’UE de se libérer de tout lien avec les États.

 

 


   AVANT PROPOS

La contribution française au budget européen s’élève à 21,61 milliards d’euros pour l’année 2024.

Ce montant est bien en deçà des quatre années précédentes, représentant alors en moyenne 24,7 milliards d’euros mais aussi des prévisions pour 2025 et 2026 qui porteront la contribution française à respectivement 27,4 et 27,8 milliards d’euros.

L’année 2024 apparaît donc comme une singularité, anormalement basse dans une tendance nettement orientée à la hausse. De là à penser que cette baisse soit liée aux élections européennes prévues pour la même année, il n’y a qu’un pas.

Malheureusement, les éléments à la disposition du rapporteur indiquent que les prévisions des montants de la contribution française au budget de l’Union européenne (UE) pour les trois années à venir sont sous évaluées, et donc insincères.

En effet, le cadre financier pluriannuel européen 2021-2027 est en cours de renégociation. Ce dernier ne s’oriente pas vers une diète, bien au contraire. En l’état actuel des discussions, c’est bien une augmentation conséquente des contributions nationales qui est prévue.

Les dirigeants de l’Union Européenne demandent ainsi toujours plus d’efforts financiers aux contribuables Français alors même que notre pays et concitoyens reçoivent toujours moins de fonds dits « européens ».

Ainsi, la contribution nette de la France, à savoir la différence entre l’argent versé par la France à l’UE et l’argent reçu était de 3,4 milliards d’euros en 2005, de 6,1 milliards d’euros en 2015 et de 12,4 milliards d’euros en 2021, une multiplication par quatre de la contribution nette française en seulement seize ans.

Cette perte exponentielle de recettes fiscales ne semble pas inquiéter les parlementaires et membres de l’exécutif objectivement favorables à une fédéralisation européenne imposée de fait.

Si on peut concevoir qu’une hausse de la contribution nette aussi importante puisse être une proposition politique, elle nécessite d’être réellement discutée par le Parlement mais aussi dans le débat public. Il ne suffit pas d’imposer je ne sais quelle acrobatie mentale pour démontrer vainement qu’en réalité les finances publiques françaises et les contribuables seraient gagnants. C’est une chose de choisir de financer à perte la construction européenne, cela en est une autre d’expliquer que nous serions ingrats quand nous ne remercions pas l’Union Européenne de financer des projets sur notre territoire… avec notre argent.

L’explosion de notre contribution nette au budget de l’Union Européenne doit nous alerter et nous faire réagir car c’est une spécificité française qui ne touche aucun de nos partenaires européens.

Ainsi, cinq pays bénéficient de rabais sur leur contribution à l’UE à savoir l’Allemagne (5,82 %), les Pays-Bas (24,8 %), la Suède (20,7 %), l’Autriche (11 %) et le Danemark (7,5 %) ce qui correspond à 4,7 milliards d’euros.

Non seulement la France paie pleinement sa part de fait exorbitante du droit commun, mais elle doit compenser l’essentiel du coût des rabais attribués aux autres pays ! Après avoir soutenu, seule, le budget de l’Union Européenne en temps de crise, la France est légitime à demander elle aussi un rabais sur sa contribution.

La France étant en déficit public depuis 50 ans, on peine à comprendre en quoi nos finances publiques pourraient assurer une telle charge, pour ne pas dire une telle surcharge.

Le 27 mai 2020, pour la première fois de son histoire l’Union Européenne a contracté un prêt de 750 milliards d’euros, action que les nations européennes s’étaient alors jusque-là interdite. Mais la pandémie de Covid a permis l’ouverture de la boîte de Pandore. Sous couvert de vouloir contenir l’explosion du prélèvement sur recettes des pays européens, la Commission européenne a proposé la création de nouvelles ressources propres. L’objectif est en réalité bien différent puisque ces nouvelles ressources ont pour but de rendre l’Union Européenne plus autonome et d’orienter l’Europe vers un régime fédéral sans avoir obtenu l’assentiment des peuples sur une telle évolution.

Une des nouvelles ressources propres proposée par la Commission Européenne vise à taxer 0,5 % de l’excédent brut d’exploitation des entreprises nationales et ce peu importe leur taille. La Commission n’osant pas encore interférer avec la fiscalité des nations encore souveraines, cette ressource comme celle sur la TVA ou le plastique sera une composante supplémentaire du prélèvement sur recettes, du moins à court terme. La réalité est que la Commission craint qu’une taxe à destination directe des particuliers ou des entreprises soit mal reçue et provoque une flambée de l’euroscepticisme.

Deuxième ressource propre proposée, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui répond enfin à nos demandes de politique protectionniste. Mais pour ne pas nous donner raison, la Commission Européenne justifie cette mesure en mettant en avant le combat contre le réchauffement climatique. Cet aveu reste une victoire après des décennies de libre-échangisme qui nous aura coûté très cher en emplois et en usines.

Hélas, la mise en place extrêmement lente et limitée (en termes de produits concernés) de ce processus limite les effets bénéfiques de cette mesure protectionniste. Pire, la liste des produits concernés est si absurde qu’elle incite à délocaliser certaines productions industrielles hors des frontières de l’UE pour les importer.

En l’état, il nous semble important de nous opposer à la création de ces nouvelles ressources propres qui n’ont pour but que de soumettre les États souverains à une Union Européenne supranationale et fédérale. Cette démarche n’a reçu aucun assentiment des peuples et devrait nécessiter l’organisation d’un référendum puisqu’il s’agit d’une nouvelle orientation dans la construction de l’Union Européenne.

 

 

 


—  1  —

   DONNÉES CLÉS

Ventilation du prélèvement pour 2023

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 327

Ressource plastique

1 505

Ressource RNB

15 778

Dont rabais forfaitaires

1 512

Prélèvement total

21 610

Source : annexe au PLF pour 2024, « Voies et moyens ».

 

évolution du PSR-UE depuis 2020

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   INTRODUCTION

Le prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne (PSR-UE), inscrit chaque année en première partie du projet de loi de finances, est la principale contribution française au budget européen. Celui-ci est prévu par l’article 6 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et est composé de :

– la contribution de la France assise sur son revenu national brut, appelé contribution RNB, qui est la ressource d’équilibre du budget, étant donné qu’elle s’ajuste au montant requis pour maintenir le budget en équilibre ;

– un prélèvement sur la TVA de 0,30 % ;

– la ressource plastique, depuis le 1er janvier 2021, assise sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés ;

– les versements au titre des rabais accordés à certains États-membres jusqu’à la fin de l’actuel cadre financier pluriannuel (CFP).

S’y ajoutent la ressource propre traditionnelle, soit les droits de douane reversés par la France à l’Union européenne, et des recettes diverses (solde de l’exercice antérieur, produit des amendes, contributions et remboursements des États, etc.)

Le projet de budget proposé par la Commission européenne le 7 juin 2023 aux deux autorités budgétaires, le Conseil de l’Union européenne (UE) et le Parlement européen, s’élève à 189,3 milliards d’euros en crédits d’engagement (CE) et 143,1 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 1,4 % en CE et une baisse de 15,2 % en CP par rapport au budget de l’année 2023.

La prévision de PSR-UE inscrite à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024, en application de la décision « ressources propres », et des données prévisionnelles de la Commission européenne issues du comité consultatif des ressources propres de mai 2023, est évaluée à 21,61 milliards d’euros pour 2024 soit en diminution de 3,38 milliards d’euros par rapport au montant inscrit en LFI 2023 (24,994 milliards d’euros).

Ventilation du prélèvement pour 2024

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 327

Ressource plastique

1 505

Ressource RNB

15 778

Dont rabais forfaitaires

1 512

Prélèvement total

21 610

Source : annexe au PLF pour 2024, « Voies et moyens ».

Le budget de l’Union européenne pour 2023, dont la négociation est encore en cours, s’intègre dans le cadre financier pluriannuel européen (CFP) 2021-2027, qui représente un budget global de 1 074,3 milliards d’euros, hors plan de relance NextgenerationEU.

Si le PSR-UE est par nature évaluatif, il est troublant de constater que les données utilisées pour en chiffrer le montant sont, comme le rapporteur spécial le faisait déjà remarquer lors du débat sur le PLF 2023, d’un caractère obsolète, du fait de l’état d’avancement de la procédure au niveau européen. Pour le rapporteur spécial, les conditions d’examen du PSR-UE ne permettent pas un examen satisfaisant et complet de la part des députés, d’autant que les documents budgétaires ont de nouveau été mis tardivement à disposition. Pour le rapporteur spécial la publication de l’annexe Relations financières avec l’Union européenne alors que la commission des finances de l’Assemblée nationale avait déjà commencé ses travaux, réduit le travail des députés à sa portion congrue.

La préparation du budget européen pour 2024 présente par ailleurs la particularité de s’inscrire dans une période de révision du cadre financier pluriannuel européen (CFP) 2021-2027, au caractère inédit. Aux négociations actuelles sur les contours et priorités du budget pour 2024, s’ajoutent ainsi celles sur le rehaussement du CFP proposé par la Commission européenne en juillet 2023 – lequel aurait nécessairement des conséquences sur le budget 2024, et par conséquent sur la contribution française.

Le rapporteur spécial s’interroge, par ailleurs, dans une seconde partie :

– sur les perspectives financières haussières de la contribution française à l’Union européenne. La direction du budget du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (DB) précise en effet que le montant proposé pour 2024 n’est pas représentatif des montants annuels attendus d’ici la fin du CFP ;

– sur le caractère baissier des retours français, tandis que la France est le seul pays à ne pas bénéficier de rabais. Or, le PSR-UE finance, à hauteur de la part prise en charge par la France, les différents rabais accordés à certains États-membres, à savoir l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède depuis 2007 et l’Autriche et le Danemark à compter de 2014.

 


—  1  —

I.   L’Évaluation proposée pour le PSR-UE 2024, dans un contexte de discussion du budget européen entre les institutions européennes toujours en cours

A.   les ÉlÉments disponibles relatifs à l’exÉcution en 2023 : une exÉcution en lÉgÈre baisse par rapport au montant votÉ en loi de finances pour 2023, pour des raisons conjoncturelles

L’article 129 de la loi de finances initiale pour 2023 a évalué le PSR-UE à 24,994 milliards d’euros, soit 408 millions d’euros de plus que le montant initialement prévu par le projet de loi de finances, à savoir 24,586 millions d’euros. Cette différence s’explique par la prise en compte, par voie d’amendement, du montant du budget formellement adopté par les autorités budgétaires européennes le 23 novembre 2023.

Le compromis sur lequel se sont entendus le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen a prévu, pour 2023, un montant global de 186,6 milliards d’euros en crédits d’engagement (CE) et de 168,7 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

présentation du budget 2023

(en euros)

 

2023

Variation par rapport à 2022

Variation par rapport à proposition de la commission européenne du 7 juin 2022

CE

186,6 milliards

+ 4,4 milliards (+2,4 %)

+ 1 milliard

CP

168,7 milliards

– 1,4 milliard (– 0,8 %)

+ 2,4 milliards

Source : Commission des finances, d’après les documents budgétaires.

L’exécution budgétaire du budget de l’Union européenne est marquée depuis le début de l’année, comme en 2022, par les conséquences financières de la guerre en Ukraine. Il convient toutefois de rappeler que « l’assistance macrofinancière + » (« AMF+»), instrument de soutien central de l’UE à l’Ukraine en 2023, d’un montant total de 18 milliards d’euros ([1]), n’a pas d’impact budgétaire sur l’exercice 2023, s’agissant d’un prêt.

L’assistance macrofinancière + (AMF+)

« L’assistance macrofinancière + (AMF+) d’un montant maximal de 18 milliards d’euros sous forme de prêt, mis à disposition en application du règlement (UE) 2022/2463 du Parlement européen et du Conseil est l’instrument de soutien central de l’UE à l’Ukraine pour 2023. Son objectif est de contribuer à combler le déficit de financement de l’Ukraine en 2023, notamment en apportant, en temps utile et d’une manière prévisible, continue et ordonnée, un soutien financier à court terme, assorti de conditions très favorables, au budget de l’État de l’Ukraine, y compris le financement de la réhabilitation et d’apporter un soutien initial à la reconstruction d’après-guerre, s’il y a lieu, en vue d’accompagner l’Ukraine sur sa trajectoire d’intégration européenne. Les prêts issus de l’AMF+ font l’objet d’un versement à hauteur de 1,5 milliard d’euros chaque mois de l’année 2023. L’AMF+ en faveur de l’Ukraine est financée par le dispositif unique d’émission de titres de créance à court terme de l’UE et d’obligations de l’UE, conformément à l’approche unifiée en matière de financement adoptée en fin d’année 2022.

« Compte tenu des circonstances exceptionnelles causées par la guerre d’agression non provoquée et injustifiée menée par la Russie, l’octroi des prêts issus de l’AMF+ est assorti de conditions très favorables avec une durée maximale de 35 ans, une période de grâce applicable au remboursement du principal avant 2033, la bonification des intérêts du prêt et le renoncement de l’Union au remboursement des coûts administratifs autrement supportés par l’Ukraine. Par ailleurs, le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 fixant le CFP 2021-2027 (article 2) a été modifié en décembre 2022 afin de permettre, à titre de garantie, pour l’assistance financière octroyée à l’Ukraine pour les années 2023 et 2024, la mobilisation de ressources budgétaires de l’Union au-delà des plafonds du CFP et dans la limite du plafond des ressources propres. Cette modification a permis d’éviter la couverture de 70 % des prêts par l’octroi de garanties nationales bilatérales. »

Source : DB, réponse au questionnaire budgétaire.

1.   Présentation des trois budgets rectificatifs

Depuis le début de l’année 2023, trois projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission européenne, respectivement le 16 mars 2023, le 12 avril 2023, et le 3 juillet 2023. Les deux premiers ont été adoptés par le Conseil et le Parlement européen. Le projet de budget rectificatif n° 3 est actuellement en cours de discussion.

budgets rectificatifs pris en 2023

 

Date de présentation par la Commission européenne

Caractéristiques du budget rectificatif

budget rectificatif n° 1
(BR n° 1)

16 mars 2023

Ajustements techniques au budget 2023 conformément aux accords politiques conclus sur plusieurs propositions législatives, notamment en ce qui concerne REPowerEU, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le programme de connectivité sécurisée de l’UE.

Augmentation de 52,6 millions d’euros des crédits d’engagement, essentiellement liée au renforcement du programme Space Secure Connectivity, et aucune modification en crédits de paiement.

budget rectificatif n° 2
(BR n° 1)

12 avril 2023

Report du solde excédentaire de l’exercice 2022

(+ 2,519 milliards d’euros en recettes)

budget rectificatif n° 3
(BR n° 1)

3 juillet 2023

Actualisation des prévisions d’assiettes de contributions aux différentes ressources propres (comité consultatif des ressources propres du 25 mai 2023) et sur des ajustements consécutifs aux accords politiques relatifs au règlement ASAP (Act in support of ammunition production) et au règlement Chips Act (investissements pour la production de semi-conducteurs). Ces deux paramètres tant en dépenses qu’en recettes ont pour conséquence une augmentation du budget 2023 de 54,8 millions d’euros en CE et une baisse de 190,9 millions d’euros en CP.

Source : DB, réponses au questionnaire budgétaire.

2.   Un montant exécuté en 2023 qui serait inférieur à la prévision

La prévision actualisée pour 2023 s’élève, à ce stade de l’année, à 24,4 milliards d’euros, soit un montant en baisse de 557 millions d’euros par rapport au montant inscrit en LFI pour 2023. Cette estimation demeure provisoire, l’exécution budgétaire n’étant pas terminée.

D’après la DB, cette actualisation à la baisse résulte principalement « d’effets favorables en recettes », parmi lesquels :

« – les effets asymétriques de l’inflation au sein de l’UE qui se traduisent par une baisse relative de la part française dans le RNB européen, principale clé de contribution au budget de l’UE ;

« – l’augmentation des droits de douane versés au budget de l’UE suite à la reprise du commerce international ;

« – un solde reporté plus important qu’anticipé, en raison de l’augmentation de droits de douane en fin d’exercice 2022 ainsi que de sous-exécutions importantes sur le budget européen. »

Comme le précise l’annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, « il ne s’agit à ce stade de l’année que d’une prévision, le montant final du PSR-UE dépendant du niveau d’exécution en dépenses du budget à la fin de l’année 2023 et d’éventuels ajustements divers en recettes. »

B.   le budget 2024 : Les caractÉristiques de la proposition de la commission europÉenne et l’État de la nÉgociation

Si le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen sont les deux autorités budgétaires européennes, il revient à la Commission européenne de leur fournir un projet de budget, qui tient compte des orientations et priorités budgétaires arrêtées au préalable par chacune de ces deux institutions. Le Parlement européen n’a pas formellement adopté de position (« guideline ») en 2023 sur le futur budget en raison du rejet en session plénière du projet de texte préparé par la commission du budget et présentée par son rapporteur M. Janusz Lewandowski (PPE), le 19 avril 2023. L’adoption d’un amendement sur la politique migratoire a entraîné le rejet de l’ensemble du projet de texte.

1.   Une proposition de budget qui tire les conséquences de forts retards d’exécution pour les politiques traditionnelles de l’Union européenne

a.   Les lignes principales du budget présenté par la Commission européenne

Le projet présenté par la Commission européenne le 7 juin 2023 s’élève à 189,3 milliards d’euros en CE et 143,1 milliards d’euros en CP, soit une hausse de 1,5 % en crédits d’engagement et une très nette baisse de 15,2 % en crédits de paiement par rapport au budget de l’UE pour 2023.

L’augmentation des CE correspond à la trajectoire à la hausse des dépenses relatives à l’action extérieure, à la défense et aux dépenses administratives. La baisse des CP traduit des retards d’exécution des politiques traditionnelles de l’UE, au premier chef la politique de cohésion, entraînant une baisse transitoire des paiements.

Les retards d’exécution des politiques traditionnelles de l’Union

« Les retards de déploiement de la politique de cohésion et du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) se traduisent par une baisse des paiements de 37 milliards d’euros par rapport au budget UE 2023 sur le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds de cohésion, le Fonds social européen FSE, et une baisse de 3 milliards d’euros pour le FEADER. Cette baisse demeure transitoire, les retards en paiement se traduisant potentiellement par un rattrapage sur les exercices ultérieurs (2025-2027). »

Source : annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

● Parmi les principales mesures nouvelles présentées par la Commission européenne figure le financement du dispositif du nouveau règlement « soutien à la production de munitions » dit « ASAP ». En application de celui-ci, les crédits augmentent de 8,9 % en CE et de 67,9 % en CP sur la rubrique 5 « Sécurité et Défense » par rapport au budget 2023.

Le texte, qui vise à accélérer la livraison de munitions et de missiles à l’Ukraine et à aider les États membres à reconstituer leurs réserves, a été présenté par la Commission européenne en mai 2023. Le Parlement européen a autorisé l’activation de la procédure législative d’urgence et l’a adopté en juin 2023. Le règlement est entré en vigueur en juillet 2023.

● La présentation du projet de budget par la Commission européenne fait également apparaître 112,9 milliards d’euros issus du plan NextGenerationEU, qui ne figurent formellement pas au budget européen car ils sont financés par emprunt.

Pour rappel, les États membres se sont entendus en 2020 sur la mise en place d’un instrument temporaire destiné à aider à réparer les dommages économiques et sociaux immédiats causés par la pandémie due au coronavirus. La Commission européenne a été autorisée à emprunter un total de 806,9 milliards d’euros courants sur les marchés des capitaux au nom de l’Union européenne (soit 750 milliards d’euros en euros constants 2018). S’y ajoutent des prêts pouvant être accordés aux États-membres.

Le tableau ci-dessous, extrait des documents de présentation du budget pour 2024 de la Commission européenne, présente la participation prévisionnelle des financements de NextGenerationEU aux rubriques du budget.

montants prévisionnels des Versements hors budget (next generation EU) vers les rubriques du budget européen

(en millions d’euros)

 

Contribution NextGenerationEU (versement annuel estimé)

Projet de budget pour 2024 (Commission)

Total projet 2024

1. Marché unique, innovation et digital

2 797

20 916,2

23 713,2

2. Cohésion, résilience et valeurs

10 690,9

24 155,7

34 846,6

3. Ressources naturelles et environnement

96 316,3

10 030,4

106 346,6

4. Migration et gestion des frontières

3 049,9

54 232,6

57 282,5

5. Sécurité et défense

 

3 258

3 258

6. Voisinage dans le monde

 

15 111,2

15 111,2

7. Administration publique européenne

 

11 949,6

11 949,6

TOTAL

112 854

143 053,4

255 907,4

Source : état prévisionnel pour 2024, Commission européenne, juin 2023. https://commission.europa.eu/system/files/2023-06/DB2024-Statement-of-Estimates.pdf

b.   Un budget marqué par la hausse de l’inflation, ses répercussions automatiques sur les salaires des fonctionnaires européens, et celle des intérêts des emprunts contractés dans le cadre du plan NextGenerationEU

Les conséquences du contexte haussier de l’inflation, l’augmentation de la charge des emprunts contractés dans le cadre du plan de relance NextGenerationEU du fait de l’augmentation des taux d’intérêt sur les marchés financiers, ont, pour le rapporteur spécial, des conséquences préoccupantes sur le prochain budget européen.

La prise en compte de l’inflation dans la préparation des budgets annuels
du CFP 2021-2027

L’article 4 du règlement 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027 prévoit les modalités d’ajustements techniques du CFP en amont de la procédure budgétaire annuelle. Pour ce qui est de la prise en compte de l’inflation sur les montants fixés par le CFP, « la Commission procède aux ajustements techniques […] sur la base d’un déflateur fixe de 2 % par an ». Si ce niveau a été supérieur à l’inflation constatée au sein de l’UE sur la période 2013-2020, la tendance s’est inversée depuis 2021.

Source : commission des finances.

« La reprise inattendue de l’inflation à partir de 2021, la persistance des prix élevés de l’énergie et la hausse des taux d’intérêt ont des conséquences directes sur les coûts administratifs des institutions de l’UE, les coûts de financement des opérations d’emprunt et des conséquences indirectes sur l’ensemble des rubriques du budget de l’UE », indique la DB.

● Le rapporteur spécial alerte sur le caractère inquiétant de l’augmentation du financement des opérations d’emprunt liées au plan de relance NextGenerationEU. Ils atteindraient, sur la ligne dédiée EURI, 4 milliards d’euros (+ 2,7 milliards d’euros par rapport au budget 2023), alors que les calculs effectués en 2020 prévoyaient 2,1 milliards d’euros, reconnaît la Commission européenne dans le document de présentation du projet de budget ([2]). Dans ce même document, la Commission européenne propose de recourir à l’instrument de marge unique et à l’instrument de flexibilité pour un montant de 1,7 milliard d’euros.

Ce montant pourrait être mis à jour cet automne par l’habituelle « lettre modificative » au projet de budget de la Commission européenne, en fonction des dernières estimations de la Commission fondées sur les montants empruntés et les taux d’intérêt.

Ce phénomène, dans des proportions moindres, est déjà perceptible dans l’exécution du budget 2023. Si la Commission européenne empruntait à taux négatifs au cours des premiers mois de l’année, elle emprunte désormais à plus de 3 % (3,4 % en juillet 2023). Toute évolution des taux d’intérêt à la hausse a un impact budgétaire sur la ligne dédiée EURI à partir de l’exercice suivant, les montants d’intérêts dus dépendant des émissions de l’année n-1. Les crédits prévus sur la ligne EURI du budget européen pour 2023 s’élèvent à 1,3 milliard d’euros, contre 1 milliard d’euros prévus dans l’accord CFP de décembre 2020.

La Commission européenne a proposé un nouvel instrument, dit « instrument EURI », sorte d’enveloppe budgétaire de sécurité, dans le cadre de sa proposition de révision de l’actuel CFP, comme réponse à cet effet boule de neige. Il est présenté dans l’encart ci-après.

L’instrument EURI

« Pour les prochaines années du CFP, les crédits estimés en 2020 ne seront ainsi pas suffisants pour financer le coût des intérêts en dessous de la rubrique 2b du CFP, la Commission estimant en juin 2023 le surcoût à 18,9 milliards d’euros entre 2024 et 2027. C’est la raison qui a conduit la Commission à proposer, dans le cadre de la révision du CFP, la création d’un instrument spécial dit « instrument EURI » afin de couvrir exclusivement les coûts excédant les projections initiales. Il serait déclenché par l’autorité budgétaire dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle dans le cas où les montants prévus par la programmation financière 2024 (montants de l’accord CFP légèrement ajustés) venaient à ne pas être suffisants.

« La proposition est en cours de négociation. Le coût effectif des intérêts de NextGenerationEU dépendra à la fois des taux d’intérêt en vigueur et du calendrier d’émission de la Commission sur les marchés. »

Source : DB, réponses au questionnaire budgétaire.

● Pour le rapporteur spécial, l’UE est une nouvelle fois confrontée aux effets pervers de la méthode d’ajustement des traitements des fonctionnaires européens, comme il l’avait constaté dans son rapport sur PLF pour 2023. La revalorisation automatique des traitements des fonctionnaires européens en application de ce dispositif contribue à la hausse des crédits prévisionnels des dépenses administratives de 5,6 % par rapport au budget 2023. En période de forte inflation et de crises internationales, la méthode de revalorisation automatique du salaire des fonctionnaires européens lui semble inadaptée voire archaïque.

Présentation de la méthode d’ajustement des traitements des fonctionnaires européens

« Le statut des fonctionnaires européens prévoit une actualisation annuelle des rémunérations des fonctionnaires et agents, sur la base de données statistiques préparées par l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat). L’annexe XI du statut en fixe les modalités d’application et le cadre des actualisations intermédiaires, le cas échéant. ([3])

« Cette revalorisation est fondée sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles et au Luxembourg (indice commun) et sur l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires nationaux des administrations centrales (indicateur spécifique). La valeur de l’actualisation est égale au produit de l’indice commun et de l’indicateur spécifique. La méthode d’ajustement repose sur une actualisation nouvelle avant la fin de chaque année sur la base notamment du rapport de l’office de statistique de l’UE (Eurostat) avec un effet au 1er juillet. Ce système d’ajustement est entré en vigueur le 1er juillet 2004. »

Source : rapport n° 293 au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2023, Annexe 48 : Prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne.

L’ajustement salarial automatique devrait être de 4,4 % pour 2023 et de 3,4 % pour 2024 et sera ajusté cet automne, en fonction des dernières prévisions d’inflation d’Eurostat.

D’après la DB, « si la méthode d’ajustement des salaires est largement critiquée par les États membres, toute évolution est conditionnée à une révision du statut de la fonction publique européenne, que la Commission n’a pas proposée. »

2.   La position critique du Conseil de l’Union européenne, qui propose une approche baissière et la préservation des marges

Comparativement à la proposition de la Commission, la position du Conseil de l’Union européenne pour le budget 2024, adoptée le 5 septembre 2023 et présentée en plénière du Parlement européen le 13 septembre dernier, s’établit à 187 milliards d’euros en AE (soit – 772 millions d’euros) et 141,2 milliards d’euros en CP (soit – 515 millions d’euros).

Compte tenu des incertitudes sur l’exécution du budget, notamment la politique de cohésion, et de la proposition de révision du CFP, et dans le prolongement de sa position exprimée au cours des négociations sur le budget 2023, le Conseil a considéré nécessaire d’augmenter les marges sous plafonds pour avoir suffisamment de flexibilité au plan budgétaire.

la position du Conseil PAR RAPPORT À LA proposition
de la Commission européenne

(en millions d’euros courants)

 

Position du Conseil

Ajustements du Conseil par rapport à la proposition initiale de la Commission

 

CE

CP

CE

CP

1. Marché unique, innovation et digital

21 431

20 916

– 230

– 8

2. Cohésion, résilience et valeurs

74979

34186

– 613

– 573

3. Ressources naturelles et environnement

57 389

54 233

– 10

– 5

4. Migration et gestion des frontières

3 897

3 258

– 20

– 20

5. Sécurité et défense

2 304

2 028

– 17

– 7

6. Voisinage et monde

15 830

15 111

+ 118

+ 98

7. Administration publique européenne

11 950

11 950

0

0

TOTAL

187 780

141 682

 772

 515

Source : DB, questionnaire budgétaire.

Le rapporteur spécial partage les préoccupations du Conseil sur le niveau de la rubrique 7 « Administration publique européenne », qui porte les dépenses des institutions européennes et les traitements des fonctionnaires, et sur le recours aux instruments de flexibilité, dont la fonction de préserver des marges de manœuvre en gestion ne doivent pas être négligées.

Le Conseil estime en effet que les mesures proposées par la Commission européenne ne sont pas suffisantes pour respecter le plafond prévu dans l’actuel cadre financier pluriannuel (CFP) pour la rubrique 7 en 2024, rappelant sa déclaration de juillet 2022 où il invitait déjà la Commission à présenter toutes les propositions appropriées pour alléger la pression exercée sur les dépenses administratives des institutions (hors traitements des fonctionnaires).

Le Conseil regrette par ailleurs que la Commission propose de recourir aux instruments de marge unique pour combler l’écart, en dépit de positions déjà exprimées lors de la préparation du budget de l’année 2024.

Cadre financier pluriannuel et flexibilité

« Afin de faire face à des dépenses imprévues qui ne pourraient pas être financées autrement, cinq instruments spéciaux ont été mis en place dans le cadre du règlement CFP.

« Trois de ces instruments sont thématiques, ce qui signifie qu’ils ne peuvent être mobilisés que pour des événements spécifiques :

« – une réserve d’ajustement au Brexit pour aider les États membres et les secteurs économiques les plus durement touchés par le Brexit (5,4 milliards d’euros, en prix courants) ;

« – le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, pour venir en aide aux travailleurs ayant perdu leur emploi dans le cadre de restructurations liées à la mondialisation (1,5 milliard d’euros pour l’ensemble du CFP, en prix courants) ;

« – une réserve de solidarité et d’aide d’urgence, pour répondre à des situations d’urgence résultant de catastrophes majeures survenues dans des États membres ou dans des pays en voie d’adhésion, ainsi que pour répondre rapidement à des besoins urgents spécifiques dans l’UE ou dans des pays tiers (9,5 milliards d’euros pour l’ensemble du CFP, en prix courants).

« Les instruments spéciaux non thématiques – l’instrument de flexibilité et le dispositif de marge unique - offrent une flexibilité plus efficace, car leur portée n’est pas limitée. Le montant global prévu pour l’instrument de flexibilité au cours de la période 2021-2027 s’élève à 7,2 milliards d’euros (en prix courants). Le montant global prévu pour le dispositif de marge unique au cours de la période couverte par le CFP correspond aux marges laissées disponibles sous les plafonds du CFP. Le recours au dispositif de marge unique au cours d’une année donnée est entièrement compensé par les marges de l’exercice en cours/des exercices suivants. »

Source : Conseil de l’Union européenne - https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/eu-long-term-budget/

3.   L’inconnue de la conséquence de l’augmentation de la taille du Parlement européen sur le budget 2024

Le nombre de députés du Parlement européen est révisé avant chaque élection européenne, dans le respect d’un maximum de 751 élus, avec un minimum de six élus par pays et un maximum de 96 élus par pays.

Le nombre des sièges avait décru au 1er février 2020 avec le départ des 73 eurodéputés britanniques en raison du Brexit, passant de 751 à 705 sièges. 27 sièges avaient alors été redistribués à d’autres pays.

Dans la perspective des élections au Parlement européen qui auront lieu du 6 au 9 juin 2024, celui-ci a proposé en juin dernier de porter le nombre des élus à 716 pour la législature 2024-2029, soit 11 de plus qu’actuellement, pour prendre en compte les évolutions démographiques dans les pays de l’UE. Le Conseil de l’Union européenne s’est accordé en juillet 2023 sur 15 députés supplémentaires, nombre entériné par le Parlement européen en septembre 2023.

Les sièges supplémentaires ont été attribués à raison de :

– deux sièges supplémentaires pour trois pays : la France (81 sièges désormais), l’Espagne (61) et les Pays-Bas (31) ;

– un siège supplémentaire pour neuf pays : la Pologne (53), l’Autriche (20), la Belgique (22), le Danemark (15), la Finlande (15), la Slovaquie (15), l’Irlande (14), la Slovénie (9) et la Lettonie (9).

Cet accord trouvé entre les institutions européennes sur le nombre de nouveaux eurodéputés masque la question non résolue des conséquences que cette hausse du nombre de députés pourrait avoir sur le budget européen. Pour le Conseil, celle-ci ne doit pas avoir de conséquences budgétaires, Au cours de la discussion au Parlement européen en septembre dernier, la commission du budget du Parlement européen a rappelé que l’adoption de la décision du Conseil européen serait sans préjudice des compétences budgétaires du Parlement.

La décision du Conseil européen du 22 septembre 2022 demande au Parlement européen et au Conseil, autorités budgétaires, et à la Commission européenne, de « veiller à ce que (…) l’augmentation du nombre de sièges prévue par la présente décision n’ait pas d’incidence sur le plan budgétaire à l’intérieur de la section 1 du budget général de l’Union ». ([4])

C.   le montant proposé pour le PSR-UE, en baisse, Tire les conséquences du projet de budget européen

Le prélèvement sur recettes au profit de l’UE est évalué à 21,610 milliards d’euros à l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024. Cette estimation correspond à une diminution de 2,827 milliards d’euros par rapport à l’actuelle évaluation révisée du PSR-UE pour 2023.

Ventilation du prélèvement pour 2024

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires.

D’après la DB, cette estimation du PSR-UE s’explique notamment par les facteurs suivants :

– les effets de l’inflation sur l’évolution du RNB des États membres, ainsi que sur le produit des droits de douane reversés au budget européen en hausse en raison de la reprise du commerce international, qui contribuent à réduire le niveau de la contribution française ;

– la baisse transitoire anticipée sur les paiements de la cohésion, due à un retard dans la mise en œuvre de la politique de cohésion 2021-2027, qui conduit à une baisse conjoncturelle des besoins de paiements par rapport à 2023.

Ventilation du prélèvement sur recettes prévu pour 2024

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 327

Ressource plastique

1 505

Ressource RNB

15778

Dont rabais forfaitaires

1512

Prélèvement total

21 610

Source : annexe au PLF pour 2024, « Voies et moyens ».

Le rapporteur spécial regrette à nouveau les conditions dans lesquelles l’Assemblée nationale discute de la principale contribution française à l’UE. En effet, certaines bases du calcul du PSR-UE seront amenées à évoluer, la négociation sur le budget européen pour 2024 étant encore en cours. Le Parlement européen devrait adopter sa position dans la semaine du 16 octobre 2023.

La négociation en cours sur la révision du CFP, présenté en seconde partie, aura nécessairement un effet à la hausse sur le budget européen pour 2024, et donc sur le PSR-UE pour 2024. Le rapporteur spécial s’interroge par conséquent sur le choix du Gouvernement de proposer en PLF pour 2024 un montant pour le PSR-UE dont on sait par avance qu’il devra être révisé à la hausse. Il pourrait être de meilleure méthode d’anticiper cette hausse à venir et d’avoir ainsi dès l’origine un chiffrage plus proche du niveau qui devra finalement être effectivement décaissé par la France en 2024. Pour un parfait respect du principe de sincérité budgétaire, il conviendrait de tenir compte de cette hausse attendue sur l’estimation du PSR-UE. Le rapporteur spécial n’ose imaginer que l’échéance électorale des élections européennes en 2024 soit responsable de cette sous-évaluation.

II. Une contribution française structurellement haussière, tandis que le taux de retour dont bénéficie la France est en diminution

L’exécution baissière du PSR-UE en 2022 doit être considérée comme un cas isolé et non représentatif de la tendance attendue d’ici la fin du CFP, sans parler des négociations en cours tendant à le réviser à la hausse. Comme le signale la Cour des comptes ([5]), « la diminution du PSR-UE en 2022 ne modifie pas pour les années à venir sa trajectoire prévisionnelle à la hausse ».

L’encart ci-dessous reproduit pour mémoire les principaux éléments de l’exécution du PSR-UE pour 2022.

« En 2022, le prélèvement sur recettes avait fait l’objet d’une prévision à 26,36 milliards d’euros en loi de finances initiale. Il s’est finalement élevé à 24,23 milliards d’euros soit :

« – une baisse de 2,1 milliards d’euros (soit – 8 %) par rapport à l’exécution 2021 qui s’élevait à 26,37 milliards d’euros ;

« – une baisse de 2,2 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale. À titre de comparaison, l’écart entre exécution et prévision en 2021 s’était élevé à 832 millions d’euros. »

Source : Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire pour 2022, PSR-UE.

La Cour des comptes qualifie cette baisse de « conjoncturelle (…) principalement liée au rebond des recettes européennes en 2022 et notamment des ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, et dans une moindre mesure à la sous-exécution du budget européen en 2021, qui a entraîné un report du solde plus important que prévu sur 2022 » et des contributions RNB des États membres, qui servent de variables d’ajustement en recettes, moins importantes (– 10,7 milliards d’euros par rapport au montant prévisionnel total).

  1.   Des projections actuelles haussières auxquelles s’ajouteront les futures conclusions de la révision du CFP 2021-2027

Les informations présentées dans le projet de loi de finances pour 2024 et ses documents annexes font état sans équivoque d’une trajectoire haussière :

évolution prévisionnelle du PSR-UE

(en milliards d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Prévision 2025

Prévision 2026

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

25

21,6

27,4

27,8

Source : documents annexés au PLF 2024.

La Cour des comptes estimait au printemps dernier, que le PSR-UE enregistrerait une progression moyenne annuelle de 981 millions d’euros « pour atteindre un niveau de PSR-UE estimé à 28,5 milliards en 2027. »

Le graphique ci-dessous compare l’évolution du PSR-UE de 2020 à 2023 et intègre les prévisions fournies par le Gouvernement pour 2025 et 2026.

évolution du PSR-UE depuis 2020

(en milliards d’euros)

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires.

Le ressaut du PSR-UE entre le CFP 2014-2020 et le CFP 2021-2027 trouve principalement son explication dans les facteurs suivants :

– le départ du Royaume-Uni, alors 2e contributeur au budget de l’UE, fait désormais de la France le 2e contributeur au budget de l’UE, d’après une clé de contribution au budget UE passant d’environ 15,3 % en 2017 à 17,8 % en 2022 ;

– une hausse des dépenses passant d’un CFP 2014-2020 à 1 064 milliards d’euros en CE à un CFP 2021-2027 à 1 216 milliards d’euros en CE, en euros courants ;

– la hausse des rabais forfaitaires dont bénéficient cinq États membres (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède), soit en moyenne une contribution de la France de 1,4 milliard d’euros par an.

Le 20 juin 2023, la Commission européenne a présenté trois propositions législatives visant à renforcer le budget de l’UE, et donc le CFP 2021-2027, dans un nombre limité de domaines prioritaires. Leur ampleur est estimée à 66 milliards d’euros (en CE) entre 2024 et 2027, dont 50 milliards d’euros pour l’Ukraine. Il s’agit, selon la Commission européenne, de tirer les conséquences des facteurs qui, depuis l’adoption en 2020 du CFP pour la période 2021-2027, ont davantage mobilisé que prévu les marges budgétaires (crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, conséquences de la guerre menée par la Russie en Ukraine, hausse des coûts de l’énergie, forte hausse de l’inflation et des taux d’intérêt).

Présentation du projet de révision du CFP de la Commission européenne

La proposition de révision du CFP est composée de trois textes législatifs :

– une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en place d’une facilité pour l’Ukraine, fondée sur des prêts, des subventions et des garanties, d’une capacité globale de 50 milliards d’euros pour la période 2024-2027, afin de couvrir les besoins immédiats de l’Ukraine et soutenir son redressement et sa modernisation dans son cheminement vers l’adhésion à l’UE ;

– une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la mise en place d’une plateforme européenne des technologies stratégiques (« STEP »), destinée à promouvoir la compétitivité à long terme de l’UE en matière de technologies critiques (i.e. dans les domaines des technologies de rupture, des biotechnologies et des technologies à zéro émission). À instrument constant, le règlement prévoit notamment une flexibilisation accrue de certains instruments financiers existants en faveur de ces technologies critiques et d’allouer un budget additionnel de 10 milliards d’euros sur quatre instruments existants (InvestEU, le Fonds pour l’innovation, le Conseil européen de l’innovation (CEI) et le Fonds européen de la défense) ;

– une proposition de règlement du Conseil visant à modifier le règlement (EU, Euratom) 2020/2093 fixant le CFP pour les années 2021-2027 qui, outre les conséquences budgétaires des deux propositions législatives susmentionnées, prévoit principalement :

o un nouvel instrument spécial « EURI » (European recovery instrument) pour financer la hausse des coûts de financement de NextGenerationEU due à l’augmentation des taux d’intérêt depuis 2020 ;

o un renforcement du budget de l’UE de 18 milliards d’euros pour faire face, essentiellement aux dimensions internes et externes des migrations, à la consolidation des partenariats avec des pays tiers clés et le maintien une capacité de réponse aux crises ;

o un financement supplémentaire des dépenses administratives de 1,9 milliard d’euros, notamment afin de tenir compte de l’inflation et des missions supplémentaires confiées à la Commission.

Il semble difficile à ce stade d’estimer les conséquences budgétaires pluriannuelles de la révision du CFP dans la mesure où les négociations sont actuellement en cours et que les montants ne sont pas définitifs.

Une fin des négociations avant la fin de la procédure budgétaire pour 2024 paraît à l’heure actuelle peu probable, auquel cas un budget rectificatif devrait en tirer les conséquences.

B.   la poursuite de la discussion sur les nouvelles Ressources propres dans une perspective de remboursement des prêts à partir de 2028

Dans le cadre de l’accord interinstitutionnel de novembre 2020, les États membres de l’UE réunis au sein du Conseil, le Parlement européen et la Commission se sont entendues sur une feuille de route pour l’introduction progressive de nouvelles ressources propres dans la perspective du remboursement du plan NextGenerationEU à partir de 2028.

1.   Des propositions de la Commission européenne qui permettraient de générer jusqu’à 36 milliards d’euros

La Commission européenne a proposé une première série de nouvelles sources de recettes en décembre 2021 : une ressource fondée sur les recettes tirées du système d’échange de quotas d’émission carbone (ETS), une ressource générée par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), taxant les importations de l’Union européenne dans cinq secteurs (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) en fonction des émissions carbone liées à leur production, le pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE (part des bénéfices résiduels des multinationales qui sera réattribuée aux États membres de l’UE dans le cadre de l’accord OCDE/G20 sur la répartition des droits d’imposition).

Une nouvelle proposition a suivi en juin 2023, en parallèle au paquet législatif portant sur la révision du CFP présentée plus haut. Cette proposition :

– met à jour la proposition précédente, afin de tenir compte de l’adoption des textes sectoriels du paquet « Fit for 55 » ;

– propose une contribution temporaire des États-membres appelée « ressource statistique », basée sur l’excédent brut des entreprises, présentée pour la première fois.

D’après la Commission européenne, les propositions de ressources devraient permettre de générer jusqu’à 36 milliards d’euros par an sur la période 2028-2030 afin de contribuer au remboursement du prêt NextGenerationEU mais aussi au financement du Fonds social climat, couvrant selon elle le besoin de financement des dépenses obligatoires, dans les conditions ci-dessous.

Les propositions de la Commission relatives aux nouvelles ressources propres envisagées

– ressource propre fondée sur les recettes tirées du système d’échange de quotas d’émission : la Commission propose d’affecter 30 % (contre 25 % dans sa précédente proposition de décembre 2021) des recettes générées par le système de quotas d’émission dit ETS (soit 18 milliards d’euros par an à partir de 2028 sur la période 2028-2030) et de reverser 70 % aux États membres. La hausse du taux d’affectation au budget UE est justifiée par la Commission par la hausse du prix du quota ETS générant plus de recettes et garantissant un niveau équivalent voire supérieur au niveau de recettes ETS actuellement perçu par les États membres. Les recettes issues de l’ETS BRT seraient intégrées au budget européen à partir de 2028.

– mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) : la Commission européenne maintient sa proposition d’affecter 75 % des recettes générées par le mécanisme au budget européen (soit 1,5 milliard d’euros par an à partir de 2028) et de reverser les 25 % restants aux États membres.

– ressource statistique temporaire basée sur l’excédent brut des entreprises : la Commission propose d’affecter au budget européen un montant calculé sur la base d’une assiette représentant 0,5 % de l’excédent brut d’exploitation des entreprises nationales (soit 16 milliards par an sur la période 2028-2030). La ressource proposée n’a pas vocation à générer de nouvelles recettes en tant que telle. Il s’agit d’une contribution budgétaire supplémentaire des États membres fonctionnant sur le même principe que la ressource TVA ou plastique. La Commission considère sa proposition comme une première étape avant la mise en place d’une ressource fondée sur BEFIT (« Business in Europe : Framework for Income Taxation ») une fois le texte présenté et un accord trouvé. Sa mise en place aurait pour conséquence une baisse de la part de la ressource RNB.

– S’agissant du Pilier 1 de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE (part des bénéfices résiduels des multinationales qui sera réattribuée aux États membres de l’UE dans le cadre de l’accord OCDE/G20 sur la répartition des droits d’imposition), la proposition est maintenue malgré le manque d’avancée au niveau OCDE impliquant un manque de proposition sectorielle, prérequis indispensable.

Source : DB, réponses au questionnaire budgétaire.

Les négociations sont en cours au Conseil. Conformément à l’article 311 du TFUE, l’adoption de la décision ressources propres (DRP) relève d’une procédure législative spéciale qui exige l’unanimité des États membres, après consultation du Parlement européen. La décision entre en vigueur après son approbation par les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Dans le cadre de la première proposition de décembre 2021 et de la procédure de consultation, le Parlement européen a adopté en novembre 2022 une résolution législative. La proposition de juin 2023 est actuellement en discussion au Parlement européen.

Pour le rapporteur spécial, la ressource statistique temporaire est une « fausse bonne nouvelle » puisque renvoyée aux États membres, comme la ressource « plastique » qui constitue déjà une des composantes du PSR-UE. Comme le précise la DB, « la proposition de ressource propre statistique fondée sur l’excédent brut des entreprises impliquerait nécessairement (…) un passage via le PSR-UE, ne constituant pas de nouvelles recettes », à la différence des ressources issues du système d’échange de quotas d’émission (ETS) et de celles issues du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Le rapporteur spécial souligne ici que l’objectif de la Commission européenne, à terme, est de remplacer cette ressource, pour l’instant versée par les États membres, par une « ressource propre » prélevée par l’Union européenne, qui serait un pas supplémentaire vers un fédéralisme européen.

2.   « L’obligation de résultat » pesant sur les négociations : une absence d’accord avant 2028 se traduirait par un nouveau ressaut des contributions nationales

Le remboursement de l’emprunt NextGenerationEU interviendra à partir de 2028 pour une période maximale de 30 ans. Selon les termes de l’accord du 21 juillet 2020 et la décision ressources propres (DRP) du 14 décembre 2020, les fonds empruntés dans le cadre du plan de relance NextGenerationEU seront remboursés à partir de 2028, voire de façon anticipée si de nouvelles ressources propres sont introduites d’ici là.

Les États membres remboursent d’ores et déjà la charge d’intérêt emportée par cet emprunt sur la période 2021-2027, qui est inscrite sous les plafonds du CFP pour un montant estimé en 2020 à 15 milliards d’euros courants.

À défaut de l’introduction de nouvelles ressources propres d’ici la fin du prochain cadre, ce remboursement sera calculé sur la base de la ressource RNB, soit la part de chaque État membre dans le RNB total de l’UE, qui constitue la ressource d’ajustement du budget de l’UE.

Selon la DB, « le montant annuel à rembourser à partir de 2028 dépendant notamment des conditions de financement de NextGenerationEU sur les marchés jusqu’en 2026, le coût du remboursement devrait être plus important que précédemment estimé en raison du contexte inflationniste actuel et de la hausse des taux d’intérêt. Il est toutefois impossible de communiquer à date un montant définitif. »

Des estimations proposées au printemps dernier par la Cour des comptes sont présentées ci-dessous.

Les conséquences sur la contribution française au budget européen d’une absence de concrétisation de nouvelles ressources propres

« Le choix de financer [le plan NextGenerationEU] par un endettement commun pour ne pas peser sur les finances publiques des États à un moment ou celles-ci étaient déjà fortement sollicitées, a permis de libérer des fonds rapidement. Il est maintenant temps de concrétiser l’intention de financer son remboursement, qui devra commencer en 2028, au moyen de nouvelles ressources propres clairement fléchées vers cet objectif. À défaut, une augmentation de la contribution française au financement du budget européen pourrait être nécessaire ; elle pourrait atteindre jusqu’à 0,6 point de ressource RNB supplémentaire, soit de l’ordre de 2,5 milliards d’euros pendant 30 ans. »

Source : Cour des comptes, L’impact du budget européen sur le budget de l’État.

Ces estimations apparaissent désormais sous-évaluées compte tenu de la hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers.

C.   LA France QUI NE BÉNÉFICIE PAS DE RABAIS, VOIT SON TAUX DE RETOUR BAISSER

  1.   La pratique des rabais

L’existence de déséquilibres entre le montant des contributions versées par plusieurs États membres et leur taux de retour sur les politiques européennes a conduit historiquement certains États à demander une limitation de leur contribution au budget européen.

Sur le modèle du Royaume-Uni, d’autres États membres ont, en faisant valoir le principe agréé à Fontainebleau en 1984, obtenu des corrections sur leur contribution au financement de l’UE : l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l’Autriche et le Danemark. Les décisions ressources propres (DRP) 2007-2013 et 2014-2020 prévoyaient ainsi un certain nombre de corrections. La dernière décision ressources propres (DRP), entrée en vigueur en 2021, simplifie le système des compensations pour la période 2021-2027 tout en ne revenant pas sur le principe d’attribution de corrections.

Les rabais consentis à certains États membres

– Les taux d’appel réduits de TVA : Le taux d’appel normal de la ressource TVA est fixé à 0,30 %. Toutefois, pour la période 2007-2013, certains États membres bénéficiaient d’un taux d’appel réduit, égal à 0,225 % pour l’Autriche, à 0,15 % pour l’Allemagne et à 0,10 % pour les Pays-Bas et la Suède. Pour la période 2014-2020, seuls l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède conservaient un taux d’appel réduit uniforme de 0,15 %. La décision ressources propres (DRP) 2021-2027 supprime formellement ces « rabais TVA », mais leur niveau au cours de l’exercice 2020 a servi de référence, au cours de la négociation du cadre financier pluriannuel, pour le calcul des réductions forfaitaires dont bénéficient les trois États membres cités plus haut.

– Le versement de montants forfaitaires : La dernière décision ressources propres (DRP) prévoit la définition de réductions forfaitaires annuelles pour cinq États membres pour la période allant de 2021 à 2027 : l’Allemagne (3 671 millions d’euros2020), l’Autriche (565 millions d’euros2020), le Danemark (377 millions d’euros2020), les Pays-Bas (1 921 millions d’euros2020) et la Suède (1 069 millions d’euros2020). Ces corrections ont été définies par la « fusion » des trois dispositifs précédents (« rabais sur le rabais », taux d’appel réduits de TVA et montants forfaitaires) au niveau de 2020, résultat relevé au cours des négociations. Ces sommes forfaitaires sont financées par l’ensemble des États membres, y compris les États bénéficiaires (y compris le Royaume-Uni au titre du paiement de sa part de restes à liquider pré-2021, car elles étaient octroyées après calcul de la correction britannique et n’avaient donc aucune incidence sur le montant de cette dernière). Il convient de noter que ces montants forfaitaires sont ajustés tous les ans, étant indexés sur le déflateur du PIB.

– Les réductions sur la ressource plastique : Au cours de la négociation du cadre 2021-2027, afin de faciliter l’introduction de la ressource propre calculée sur la part d’emballages plastique non recyclés qui engendrait dans sa première version des effets régressifs, la présidence du Conseil a proposé d’accorder à l’ensemble des États membres dont le RNB/habitant est inférieur à la moyenne de l’Union une réduction correspondant à 3,8 kg d’emballages plastiques non recyclés par habitant. En conséquence, des réductions brutes annuelles, exprimées en prix courants, sur la contribution au titre de la ressource plastique sont accordées aux États membres suivants : Bulgarie (22 millions d’euros), République Tchèque (32 millions d’euros), Estonie (4 millions d’euros), Grèce (33 millions d’euros), Espagne (142 millions d’euros), Croatie (13 millions d’euros), Italie (184 millions d’euros), Chypre (3 millions d’euros), Lettonie (6 millions d’euros), Lituanie (9 millions d’euros), Hongrie (30 millions d’euros), Malte (1,40 million d’euros), Pologne (117 millions d’euros), Portugal (31 millions d’euros), Roumanie (60 millions d’euros), Slovénie (6 millions d’euros) et Slovaquie (17 millions d’euros). Ces sommes forfaitaires sont financées par l’ensemble des États membres, y compris les États bénéficiaires, à travers le relèvement à concurrence du taux d’appel de la ressource RNB, ressource d’équilibre du budget de l’Union.

Source : DB, réponses au questionnaire budgétaire.

Le tableau ci-dessous présente, pour 2022, les rabais obtenus et les contributions nationales au budget européen des pays concernés.

(en millions d’euros)

 

Montant du rabais en 2022

Contribution en 2022

Rapport rabais/contribution

Allemagne

1 793,5

30 830

5,82 %

Autriche

363,2

3 292,9

11 %

Danemark

204

2 723,6

7,5 %

Pays-Bas

1 511,7

6 096,9

24,8 %

Suède

783,5

3 788,7

20,7 %

Source : commission des finances à partir de données de la commission européenne https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/eu-budget/long-term-eu-budget/2021-2027/spending-and-revenue_en

La DB, interrogée par le rapporteur spécial, lui a apporté les précisions suivantes : « la France est la principale contributrice aux corrections accordées à l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède (en moyenne 1,4 milliard d’euros par an) ; elle est suivie par l’Italie, l’Espagne et la Pologne. La France ne bénéficie pour sa part d’aucun rabais et ne soutient pas la logique de rabais. L’objectif de la France est de sécuriser les enveloppes pré-allouées pour certaines politiques, en premier lieu la politique agricole commune, dont la France reste la première bénéficiaire. La France plaide par ailleurs pour la mise en place de nouvelles ressources propres assises sur des politiques européennes de manière à sortir du débat sur le « juste retour » (retour défini comme les montants perçus nationalement au titre des politiques européennes diminué de la contribution au budget de l’Union) et ainsi mettre un terme aux demandes de corrections de certains contributeurs nets. »

Le niveau d’inflation observé en 2022 et 2023 a également eu pour conséquence de faire augmenter le montant des rabais forfaitaires accordés à l’Allemagne, à l’Autriche, au Danemark, aux Pays-Bas et à la Suède. « En effet, conformément à la décision ressources propres de 2020, les rabais forfaitaires accordés à ces pays sont indexés sur le déflateur du PIB qui est impacté fortement par l’inflation. À titre d’exemple, les rabais s’élèvent à 8 497 millions d’euros dans le projet de budget 2024 de la Commission européenne, soit + 134 millions d’euros par rapport à 2023 (8 363 millions d’euros). Le montant a ainsi augmenté de + 12 % par rapport au montant inscrit dans la décision ressources propres à 7 603 millions d’euros par an. » ([6])

2.   La baisse tendancielle des taux de retour

Le caractère haussier du prélèvement sur recettes, les incertitudes sur la mise en place de nouvelles ressources propres, la place occupée par la France de premier financeur des rabais sont autant de raisons qui poussent le rapporteur spécial à s’intéresser à la notion de « retour ».

Le rapporteur spécial constate que la France occupe, selon les dernières estimations en vigueur, portant sur l’exécution du budget européen pour 2022, la place de deuxième contributeur net.

Le solde net ou « retour »

On appelle solde net, ou « retour », la différence entre ce qu’un État membre verse au budget européen au titre des ressources propres et ce qu’il reçoit grâce aux dépenses de l’Union européenne effectuées sur son territoire au titre des politiques européennes et des programmes du CFP. Il retrace les flux financiers entre un État membre et l’Union européenne.

Source : annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

Même si cette notion ne reflète pas certains gains économiques plus difficilement mesurables (externalités positives notamment), tels que les gains qu’entraîne l’appartenance à un marché unique ou ceux résultant, pour un État membre, de l’utilisation de fonds européens dans un autre État membre, « cette notion est toutefois communément utilisée par les États membres comme l’un des paramètres des négociations budgétaires européennes et peut constituer un indicateur utile pour les arbitrages budgétaires nationaux » ([7]).

Trois méthodes de calcul sont traditionnellement retenues, présentées ci-après. Elles révèlent les divergences d’approches entre les États membres et au sein des institutions européennes, concernant notamment le traitement des ressources propres traditionnelles et la nature des dépenses à répartir.

Méthodes de calcul du « retour » ou du « solde net »

«  selon la méthode dite comptable, le solde net est calculé par simple différence entre la contribution d’un État membre au budget de l’Union européenne au titre de l’ensemble des ressources propres, y compris les RPT (nettes des frais de perception) et le montant des dépenses européennes effectuées dans cet État membre, y compris les dépenses administratives ;

« – selon la méthode dite de la correction britannique, le solde net est calculé sans tenir compte du montant des ressources propres traditionnelles versées au budget européen, qui sont des recettes de l’Union. Une contribution théorique est calculée à partir du montant des dépenses réparties (dont les dépenses administratives). Cette méthode paraît la plus cohérente d’un point de vue économique ;

« – selon la méthode dite de la Commission, le solde net dit opérationnel est calculé à partir de la formule utilisée pour la détermination de la correction britannique (différence entre la contribution nette hors RPT et les dépenses réparties pour chaque État membre), mais en excluant les dépenses administratives, ce qui a pour effet de rendre contributeurs nets le Luxembourg et la Belgique, qui bénéficient fortement de l’implantation des institutions européennes sur leur territoire. C’est cette méthode qui a été utilisée lors des négociations du cadre financier pluriannuel 2014-2020. »

Source : annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

En 2022, le solde net de la France est estimé à – 9 584 millions d’euros selon la méthode comptable (– 0,36 % du RNB) et à – 6 484 millions d’euros selon la méthode de la Commission (– 0,25 % du RNB).

En 2022, selon la méthode de la Commission et la méthode comptable, la France était le deuxième contributeur net en volume, derrière l’Allemagne (– 18,7 milliards d’euros et – 21,5 milliards d’euros), et devant les Pays-Bas (– 4,1 milliards d’euros et – 6,3 milliards d’euros).

Les soldes nets en 2022, selon la définition comptable

(en milliards d’euros)

Source : annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

Cet autre tableau illustre la trajectoire de dégradation du solde net français.

évolution du solde net français (définition comptable)

(en millions d’euros)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde net

En % du RNB

Solde net

En % du RNB

Solde net

En % du RNB

Solde net

En % du RNB

Solde net

En % du RNB

Solde net

En % du RNB

 4 398

 0,19

 7 442

 0,31

 7 698

 0,31

 9 493

 0.41

 12 380

 0,49

 9 584

 0,36

Source : annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

D’après les précisions apportées par l’annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, « alors que le solde net de la France a été inférieur à – 0,1 % du RNB jusqu’aux années 2000, celui-ci n’a cessé de se dégrader depuis lors sous l’effet des élargissements successifs de l’Union européenne, de l’encadrement des dépenses agricoles résultant des perspectives financières 2007-2013 et de l’entrée en vigueur de la décision dite « ressources propres » de 2007. Le cadre financier 2014-2020 a eu un impact plus faible sur le taux de retour depuis 2014. La France a cependant limité la dégradation de son solde, en se maintenant au premier rang des bénéficiaires des dépenses de l’Union. À partir de 2021, ce solde s’est inévitablement dégradé du fait principalement du départ du Royaume-Uni » ([8]), la France occupant selon les années la place de deuxième ou troisième contributeur net.

La détérioration continue du solde net français et la participation de la France, évoquée plus haut, au paiement des rabais obtenus par certains États membres jusqu’à la fin du CFP, doivent conduire la France, selon le rapporteur spécial, à réviser sa position sur les rabais. Si au cours de la discussion du prochain CFP, à partir de 2025, certains États membres demandaient le bénéfice de nouveaux rabais sur la période 2028-2034, il serait indispensable, selon le rapporteur spécial, que la France en demande également le bénéfice.

 

 

 

 

 


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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

  Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

– M. Emmanuel Massé, Ministre conseiller, Chef du Service économique, commercial et financier à la Représentation ;

Commission européenne, Direction générale du budget

– M. Stéphanie Riso, directrice générale (juillet 2023) ;

– M. Christophe Galand, Directeur-Adjoint en charge des Dépenses et Politiques internes au sein de la Direction Générale du Budget de la Commission

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([1]) Mis à disposition en application du règlement (UE) 2022/2463 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022.

([2])  https://commission.europa.eu/system/files/2023-06/DB2024-Statement-of-Estimates.pdf

([3]) https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:1962R0031:20140101:FR:PDF

([4]) 5è considérant de la décision.

([5]) Cour des comptes, Note d’exécution budgétaire sur le prélèvement sur recettes à destination de l’Union européenne pour 2022.

([6]) DB, réponses au questionnaire budgétaire.

([7]) Annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.

([8])  Annexe budgétaire Relations financières avec l’Union européenne, PLF 2024.