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N° 1928

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (n° 1176)

PAR M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur

Députés

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 Voir le numéro : 1176.


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-Propos de M. Inaki Echaniz, rapporteur

avant-propos de MME annaÏg le meur, rapporteure

INTRODUCTION

I. La croissance excessive de l’immobilier touristique a eu des incidences nuisibles que n’ont pas permis d’enrayer les rÉgulations adoptÉes À ce jour

A. L’explosion de l’immobilier touristique a suscitÉ une attrition du logement disponible dans les zones tendues

1. L’essor incontestable de l’immobilier de tourisme depuis 2008, particulièrement prononcé dans les zones les plus tendues

a. Les locaux meublés peuvent avoir des effets bénéfiques ciblés

b. Une tension sociale alimentée par une guérilla juridique et contentieuse

2. L’avantage compétitif du local touristique par rapport au logement résulte en partie d’avantages réglementaires

a. L’avantage réglementaire

b. L’avantage fiscal

3. Une attrition résultante de l’offre de logement

4. L’attrition du logement a un impact récessif sur l’économie locale

B. un effort de rÉgulation concentrÉ dans certaines zones et aux effets largement insuffisants

1. Des outils ont été créés, à la main des territoires

a. La déclaration préalable en mairie

b. La réglementation du changement d’usage

c. Le régime de l’enregistrement

i. La déclaration préalable soumise à enregistrement

ii. La faculté des communes de demander des informations aux plateformes

iii. La création de l’interface « API meublés »

iv. La réglementation européenne en cours d’élaboration

v. Les dispositions du projet de loi SREN en cours de navette

d. Le plafonnement du nombre de nuitées en résidence principale

2. Les outils déployés présentent des faiblesses, qui empêchent leur plein effet

3. Les résultats, insuffisants, justifient un nouvel effort législatif

4. De nouveaux outils sont possibles

a. La généralisation de l’enregistrement

b. La mise en place de quotas

c. La mobilisation d’une servitude d’urbanisme

d. Le rééquilibrage ou l’inversion des dispositions fiscales

II. Les dispositions du texte

COMMENTAIRES Des ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (article L. 324-1-1 du code du tourisme)  Généralisation du numéro de déclaration des meublés de tourisme

Article 1er (articles L. 631-10 [nouveau] et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation)  Application des obligations de diagnostic de performance énergétique et de décence énergétique aux locaux meublés de tourisme

Article 1er bis (nouveau) (article L. 324-1-1 du code du tourisme)  Faculté de la commune d’abaisser le plafond annuel de jours de mise en location des résidences principales et amendes en cas de fausses déclarations

Article 2 (articles L. 631-7, L. 631-7-1 A, L. 631-9, L. 651-2 et L. 651-2-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation ; articles L. 151-14-1 [nouveau], L. 153-31, L. 153-45 et L. 4814 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ; article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales) Extension du champ d’application du régime de changement d’usage et création de servitudes d’usage d’habitation dans les programmes de logement

Article 3 (articles 50-0 et 151-0 du code général des impôts) Modifications de la fiscalité des locaux meublés de tourisme

Article 4 (nouveau) (article 151 septies du code général des impôts)  Suppression de la double déduction des amortissements dans l’imposition des revenus de la location des meublés

Article 5 (nouveau) (article 9-2 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)  Information obligatoire du syndic de copropriété en cas d’autorisation de changement d’usage d’un des lots et point d’ordre du jour

Titre

EXAMEN EN COMMISSION

1. Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 16 heures 30

2. Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 21 heures 30

Liste des personnes auditionnÉes À Paris

Liste des personnes auditionnÉes À ajaccio

 


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   Avant-Propos
de M. Inaki Echaniz, rapporteur

Le logement, à bien des égards, est devenu un outil d’optimisation fiscale et de rendement permettant une exonération exagérée de l’impôt.

Dans les zones les plus tendues, de nombreux travailleurs ne peuvent plus vivre sur le lieu de leur travail, et des entreprises déménagent par manque de logements pour leurs salariés. Des soignants, des employés territoriaux sont contraints de dormir dans leurs voitures ou au camping en été tandis que l’appartement qu’ils louaient se retrouve au même moment sur un site de location de vacances.

Des locataires, en règle, sont exclus de leurs logements pour que ces derniers soient transformés en meublés de tourisme. Des familles ne sont plus en capacité de vivre dans le lieu où ils ont grandi car la spéculation immobilière a fait exploser les prix et transforme nos villes et villages en résidences de vacances.

Dans des villes universitaires, le manque de logements pour les étudiants est inversement proportionnel à l’augmentation du nombre de meublés de tourisme et 12 % de ces jeunes abandonnent leurs études sans solutions de locations.

Les appels à l’aide des élus locaux se multiplient face au nombre croissant de sollicitations qu’ils reçoivent concernant l’accès au logement. Or, force est de constater que l’État encourage ce déséquilibre délétère, et ainsi la crise du logement, par des avantages fiscaux injustifiés et une absence de réglementation efficace.

Par le biais de cette proposition de loi transpartisane, nous avons tenté d’apporter une réponse à ces problématiques. Du Sud-Ouest à la Bretagne, du littoral à la montagne, des villes aux villages, ce texte porte un objectif commun : encadrer les meublés de tourisme et favoriser le logement permanent. C’est un enjeu de justice sociale, de justice fiscale et de cohésion des territoires.

Car ce phénomène ne touche pas seulement Biarritz ou Saint Malo, Marseille ou Paris mais se propage partout, jusqu’à Bourges, Orléans ou Caen, ce type d’opération est très lucratif. Durant nos auditions, nous avons entendu le cri d’alarme de nombreux élus locaux, de toute tendances politiques et de tous les territoires. Nous devons agir.

Au lendemain du congrès des maires, ce texte entend leur permettre de pouvoir mettre en œuvre une politique du logement juste et équilibrée, au plus près des besoins de leur population et de leur territoire.

Si louer un meublé de tourisme permet un complément de revenu pour certains, il participe surtout à l’augmentation du prix des loyers, l’impossibilité d’acheter pour les ménages de classes moyennes, l’accroissement du mallogement et la précarisation des plus fragiles. En somme, le régime actuel crée beaucoup de perdants et chacun peut comprendre qu’avec un plafond d’abattement fiscal allant jusqu’à 77 700 euros, nous nous trouvons assez loin d’un simple complément de revenus.

Par ailleurs, n’oublions pas que la location longue durée permet, elle aussi, un complément de revenu, et possède des garanties mises en place par le législateur, comme le service gratuit contre les loyers impayés, dit « Visale ».

Cette proposition de loi n’a pas pour visée d’interdire les locations de type « Airbnb », ou de mettre en œuvre une règlementation drastique comme dans certains pays pourtant très libéraux comme récemment à New York, par exemple, mais bien de trouver l’équilibre entre « activité touristique saisonnière » et « vie du territoire le reste de l’année ».

N’oublions pas que le caractère culturel exceptionnel de nos territoires est le fruit de plusieurs générations d’hommes et de femmes qui l’ont façonné et valorisé. Voir les habitants d’une commune s’en aller, c’est voir disparaitre une partie de sa mémoire vivante et de son identité. C’est aussi ces mêmes habitants permanents qui permettent la présence de services publics ou de commerces de proximité aujourd’hui menacés.

Dans certains quartiers, nous constatons pourtant leur évincement par la montée des prix mais aussi par le développement de pratiques illégales. En effet, l’intérêt économique des meublés de tourisme est un terreau qui insécurise gravement les locataires : baux mobilité abusifs visant à générer un double revenu issu de la location saisonnière et longue durée, faux congés pour vente ou pour reprise. À titre d’exemple, 302 procédures pour congés ont été comptabilisées au tribunal de Bayonne, c’est plus qu’à Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunis.

Sur une thématique si importante que celle de l’habitat, il est indispensable que des mesures préventives priment sur des mesures curatives. Le logement n’est pas une marchandise comme une autre et ne doit pas être traité comme tel.

C’est avec cette conviction que j’avais porté dès le mois de février, avec mon groupe, une proposition de loi en ce sens. Je me réjouis aujourd’hui que nous puissions travailler ensemble avec ma corapporteure Annaïg Le Meur autour d’un texte commun qui, même s’il ne peut résoudre à lui seul l’ampleur de la crise en cours, est une première initiative pour permettre concrètement et rapidement aux français de se loger.

 


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   avant-propos
de MME annaÏg le meur, rapporteure

Notre pays connaît actuellement une crise du logement sans précédent.

Pour nos concitoyens, la croissance exponentielle du nombre de meublés de tourisme et du poids des plateformes numériques en est probablement le symptôme le plus visible. En quelques années, près d’un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements « classiques » destinés à l’habitat permanant.

Cette réalité n’épargne aucun territoire. Nous la constatons quotidiennement en tant qu’élus. Les zones périphériques, périurbaines et rurales sont désormais autant concernées par ce phénomène que les métropoles, les zones touristiques, littorales, insulaires et de montagne.

Les études et les rapports qui s’accumulent, y compris provenant de la part d’organes gouvernementaux, attestent et étayent ce phénomène d’attrition du logement. J’ai moi-même eu l’occasion de travailler sous cette législature sur deux rapports, dont l’un sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (hors Île-de-France), qui confirment ce phénomène.

Les 800 000 meublés de tourisme sur le territoire constituent une réserve locative indéniable et se concentrent particulièrement dans les zones qui connaissent des tensions locatives à l’année. En outre, elles créent une tension supplémentaire, qui nuit aux capacités de recrutement de nos entreprises et donc à la dynamique de réindustrialisation en cours.

L’objectif de de ce texte n’est pas d’interdire l’usage des plateformes ni des meublés de tourisme. Nous avons besoin d’avoir une offre de tourisme adaptée et attractive sur l’ensemble de notre territoire, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment d’une offre de location à l’année. Dans ma circonscription, des villages entiers se vident sous le poids des meublés de tourisme et se transforment en villages vacances. Ce n’est pas ma conception du vivre-ensemble.

Les locations de courte durée ont permis de renforcer une offre touristique parfois insuffisante ou inexistante, et continuerons de le faire là où nous en avons le plus besoin. Cependant, la proportion des meublés de tourisme est telle dans certains territoires qu’elle déséquilibre en profondeur nos villes, assèche considérablement l’offre locative résidentielle et modifie durablement les équilibres économiques et sociaux de nos cœurs de villes. Tout est une question d’équilibre.

Les locations de courte durée ne sont pas soumises aux mêmes réglementations environnementales, énergétiques et de sécurité que les locations de longue durée, ce qui engendre un effet d’éviction qu’il convient de corriger d’urgence avant qu’il ne soit trop tard. Les règles doivent être les mêmes pour tous.

Avec ce texte, nous proposons plusieurs dispositions dans une optique de décentralisation concrète : la majorité des instruments proposés reposent sur une mise en œuvre à la main des élus locaux, qui sont les mieux placés pour connaître les difficultés de logement propres à leurs territoires. C’est notamment le sens de la « boîte à outils » que nous mettons à disposition dans l’article 2 avec différents dispositifs renforcés pour agir au plus près du terrain.

Je me réjouis que ces dispositions aient été nettement musclées et enrichies lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques.

Au-delà de ces aspects, ce texte traite également de la fiscalité spécifique des meublés de tourisme, dont les dispositions ont pendant trop longtemps laissé survivre des abattements avantageux qui s’ajoutent au profil de rentabilité déjà élevé du marché touristique.

C’est pourquoi nous proposons de rééquilibrer la fiscalité de location touristique pour aboutir à une solution de compromis et d’équilibre budgétaire. La mission sur la refonte de la fiscalité locative que la Première ministre m’a confiée, avec ma collègue Marina Ferrari, « pour favoriser les locations de longue durée », rendra ses conclusions au cours de la navette parlementaire et permettra, si besoin, d’affiner la proposition retenue en proposant éventuellement un dispositif complémentaire pour favoriser la location de longue durée.

Car je ne sais pas expliquer à nos concitoyens, aux travailleurs et aux étudiants, que nous continuons à encourager les locations de courte durée alors qu’ils n’arrivent plus à se loger.

Je ne sais pas non plus expliquer aux entreprises, dont plus d’un quart rencontrent des difficultés de recrutement liées au manque de logement, que nous préférons favoriser l’économie saisonnière à l’économie productive, au risque de sacrifier l’élan de réindustrialisation voulu par notre majorité.

Enfin, je ne sais pas expliquer aux élus locaux qui nous alertent depuis des mois, voire des années, que nous ne sommes pas en capacité de mobiliser, au niveau national, le levier fiscal pour répondre à leurs attentes.

Je sais en revanche expliquer au Gouvernement, à mes collègues et à nos concitoyens, que le temps est enfin venu de rééquilibrer le marché locatif en faveur de la longue durée.

 


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   INTRODUCTION

I.   La croissance excessive de l’immobilier touristique a eu des incidences nuisibles que n’ont pas permis d’enrayer les rÉgulations adoptÉes À ce jour

Face aux carences en logement suscitées notamment par l’essor de la transformation d’une partie du parc en biens à vocation touristique, l’État et les collectivités les plus affectées ont pris des mesures de régulation qui n’ont toutefois pas permis d’inverser les tendances constatées.

A.   L’explosion de l’immobilier touristique a suscitÉ une attrition du logement disponible dans les zones tendues

Le pays se trouve actuellement dans une situation critique en matière de logement, avec un problème récurrent de carence de l’offre face à une demande dynamique, qui résulte notamment du développement de l’immobilier de tourisme, et pèse à son tour sur l’économie des territoires affectés.

1.   L’essor incontestable de l’immobilier de tourisme depuis 2008, particulièrement prononcé dans les zones les plus tendues

Apparu dans la deuxième moitié de la décennie 2000, le marché des hébergements saisonniers proposés par des particuliers via des plateformes n’a cessé de se développer et de se structurer, pour devenir un acteur incontournable du secteur de l’hébergement touristique. Actuellement, près de 20 % des nuitées saisonnières réalisées en France le sont dans un meublé de tourisme mis à la location par un particulier. L’évolution rapide de ces nouveaux modes d’hébergement peut s’expliquer, selon la direction générale des entreprises (DGE) dans une note sur ce sujet, par des changements dans les comportements touristiques et de nouvelles attentes des clients, en quête d’un voyage plus autonome et indépendant ([1]).

Les évolutions des technologies numériques dans les années 2000 ont permis la montée en puissance de nouveaux acteurs de l’offre saisonnière. Ces années ont vu naître une multitude de plateformes proposant aux particuliers et aux professionnels de réserver en ligne les différentes composantes de leur voyage, en particulier l’hébergement. Les plateformes de location saisonnière entre particuliers sont devenues des acteurs majeurs du marché français de la location saisonnière, désormais dominé par un petit nombre d’entreprises : Airbnb, Leboncoin, Booking, Tripadvisor et Expedia Group. Pour la plupart, ces plateformes étaient initialement ancrées dans l’ « économie collaborative », et certaines études parlent encore, de ce fait, du secteur collaboratif ou non marchand, par opposition au secteur touristique traditionnel, professionnel ou marchand.

Selon la note de la DGE citée plus haut, qui est basée sur les données du tableau de bord de la plateforme InsideAirbnb, Airbnb est la principale plateforme de locations saisonnières en France, avec plus de 600 000 annonces à son actif, dont près de 60 000 annonces pour le seul marché parisien (voir illustration), ce qui la classe très nettement devant Abritel et Cybevasion, éditeur du comparateur gite.fr, qui rassemblent environ 130 000 annonces chacun.

Prenant acte de cet essor, le pouvoir réglementaire a défini pour la première fois les meublés de tourisme en 2006. Selon le code du tourisme, « les meublés de tourisme sont des villas, appartements, ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois » ([2]). Ces locations dites de « courte durée » (LCD) sont à distinguer des locations de longue durée (LLD), conclues avec une finalité résidentielle, et qui relèvent le plus souvent du régime du bail locatif défini par la loi du 6 juillet 1989. Ne sont donc pas considérés comme des meublés de tourisme les logements faisant l’objet d’un bail d’habitation, même si celui-ci est un bail meublé ou un bail mobilité. Ne rentrent pas non plus dans cette définition les chambres chez l’habitant, qui ne sont pas à la disposition exclusive du locataire. Les meublés de tourisme se distinguent également des hôtels, des résidences de tourisme et des chambres d’hôtes, en ce qu’ils ne comportent ni accueil, ni hall de réception, ni services et équipements communs.

Bien que l’Union nationale pour la promotion et le développement de la location de vacances (UNPLV) ([3]), qui représente le secteur, ait fait valoir lors de son audition par vos rapporteurs que de tels dispositifs ont toujours existé, rapprochant notamment les meublés touristiques d’aujourd’hui des hôtels garnis du XXe siècle, un consensus existe sur leur explosion quantitative au cours des deux dernières décennies. Du reste, l’analogie avec les garnis, aussi appelés hôtels meublés ou hôtel préfecture, n’est pas probante : ces hôtels, qui n’assuraient pas de services ou de prestations, se caractérisaient par une location au mois, et les chambres étaient souvent occupées à demeure, pendant plusieurs mois, voire années, par des personnes y ayant leur domicile effectif.

 

marchÉ parisien des locations Airbnb en novembre 2023 (inside airbnb)

Source : Inside Airbnb pour Paris, consulté le 25 novembre 2023.

L’Insee, qui compte les logements de tourisme proposés par des particuliers à travers les principales plateformes, a ainsi noté, à titre d’illustration, une croissance de fréquentation, en nuits x logements, de 25 % en 2016, de 19 % en 2017 et de 15 % en 2018 ([4]). En 2018, les hébergements touristiques proposés par des particuliers via des plateformes internet représentaient 14 % de la fréquentation des hébergements touristiques marchands en matière de logements mesurée en nuits x logements. En 2015, ils n’en représentaient que 9 %.

Les statistiques expérimentales sur les hébergements de courte durée proposées par Eurostat permettent d’étayer ce constat en mesurant le nombre de nuitées enregistrées sur ces plateformes : en 2019, ce sont 109 millions de nuitées qui ont été enregistrées en France, soit un cinquième du nombre total de nuitées enregistrées dans l’Union européenne (554 millions de nuitées) ([5]) et l’équivalent, en ordre de grandeur, de 25 % des nuitées enregistrées au total en France en hébergement collectif touristique au cours de la même année (442 millions de nuitées) ([6]), représentant donc un cinquième du total de nuitées enregistrées en cumulant les secteurs « professionnel » et « collaboratif ». La cartographie des nuitées enregistrées dans les meublés de tourisme donne à voir l’ampleur de ce phénomène, notamment dans les départements littoraux et de montagne (voir carte).

nuitÉes passÉes dans les hÉbergements de courte durÉe proposÉs par des particuliers via des plateformes en ligne en 2019, par dÉpartement

Source : données Eurostat, cartographie direction générale des entreprises.

Les dynamiques locales continuent d’être très importantes. À Ajaccio, où vos rapporteurs se sont rendus 2 787 annonces actives ont été recensées en 2022 sur les plateformes locatives, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2021 ([7]). M. Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté d’agglomération du Pays basque, auditionné par vos rapporteurs, a rapporté une évolution du nombre de meublés de tourisme entre 2016 et 2020 de + 160 %. M. Patrick Amico, adjoint au maire de Marseille, a mentionné un taux de 10 % de meublés de tourisme dans le parc résidentiel du deuxième arrondissement. Dans le quartier du Panier, M. Anthony Krehmeier, maire des deuxième et troisième arrondissements, a confirmé que ce taux peut s’élever à 30 % ou 40 % du parc.

Comme le note la DGE, les plateformes de location saisonnière ont des modèles de rémunération variés, regroupant généralement le prélèvement d’une commission sur les réservations ou « frais de service », souvent compris entre 5 à 20 % du prix hors taxe de la nuitée, selon les opérateurs.

Selon ADN Tourisme, qui publie annuellement un état des lieux du parc de meublés de tourisme classés, 186 000 meublés classés étaient comptabilisés au 31 décembre 2022, ce qui constitue une progression de 11 % sur une année. Ces unités, avec une capacité moyenne de 4,9 personnes par meublé, représentent 910 400 lits ([8]). Les départements les plus concernés sont, selon ADN Tourisme, deux départements de montagne : la Savoie, avec 16 500 unités, et la Haute-Savoie, avec 11 400 unités. Suivent trois départements littoraux : le Var, avec 9 300 unités, la Charente-Maritime, avec 8 200 unités, et les Landes, avec 7 300 unités.

Les meublés de tourisme classés

Afin d’offrir à la clientèle un certain nombre de garanties en matière d’accueil et de confort, il est possible de demander le classement de son meublé de tourisme, procédure qui résulte de l’article L. 324-1 du code du tourisme.

Le classement n’est pas obligatoire. Il s’agit d’un label de qualité, allant de 1 à 5 étoiles, avec une validité de cinq ans, période à l’issue de laquelle le loueur doit effectuer une nouvelle demande de classement s’il souhaite que son hébergement continue de bénéficier d’un classement. La décision de classement relève d’un organisme homologué auprès du ministère chargé du tourisme. Pour la visite de son logement, le loueur du meublé (ou son mandataire) s’adresse à l’organisme de son choix parmi ceux figurant sur la liste des organismes accrédités ou agréés.

Dans le mois suivant la visite du meublé, l’organisme transmet au loueur (ou à son mandataire) un certificat de visite comportant trois documents dont les modèles sont fixés par un arrêté du 8 mai 2012 :

– le rapport de contrôle ;

– la grille de contrôle dûment remplie par l’organisme évaluateur ;

– une proposition de décision de classement.

Le loueur (ou son mandataire) dispose d’un délai de quinze jours pour refuser la proposition de classement. Passé ce délai, le classement est acquis.

Les décisions de classement sont transmises par les organismes chargés des visites de contrôle à l’organisme départemental du tourisme concerné, qui met à disposition et tient à jour la liste des meublés classés dans le département.

La grille de classement contient 133 critères répartis en trois grands chapitres : équipements, services au client, accessibilité et développement durable.

L’agence de développement touristique de la France dénommée « Atout France » publie chaque année un recensement des meublés classés.

Les données d’Eurostat permettent de constater que l’essor de ces plateformes, au niveau européen et notamment en France (voir carte), se poursuit même depuis la crise sanitaire de 2020. La plupart des pays d’Europe sont en effet confrontés à ce phénomène. Au Royaume-Uni, en 2020, les meublés de tourisme constituaient, dans certaines zones, jusqu’au quart du parc résidentiel ([9]).

nuitÉes enregistrÉes dans un meublÉ de tourisme AIRBNB, BOOKING,
EXPEDIA, ou TRIPADVISOR : Évolution par rÉgion entre 2019 et 2022

Source : Eurostat, données expérimentales sur les séjours de courte durée via des plateformes numériques collaboratives (pour les régions de niveau NUTS-2, soit les anciennes régions pour le cas de la France), juin 2023.

Le recensement d’ADN Tourisme ne concernant que les seuls meublés classés, les données concernant l’ensemble du parc des meublés de tourisme sont peu disponibles. Une réponse écrite de la ministre chargée du tourisme à une question du Sénat fait état d’une estimation de plus de 800 000 meublés de tourisme, sans étayer les sources de cette estimation ([10]). En réponse à vos rapporteurs, le ministère a partagé les éléments suivants sur ce qui a guidé cette estimation (cf. encadré).

Fondements de l’estimation de 800 000 meublés de tourisme

Estimation des acteurs :

– UNPLV: 700 000 meublés en France en 2019 (évolution du marché depuis).

– Géoconfluences ENS Lyon, via du moissonage de données, établit le chiffre de 600 000 pour la seule plateforme Airbnb (données moisonnées, donc fiables).

Estimation historique DGE (utilisation de proxy) :

Il existe près de 3,33 millions de résidences secondaires en France. En faisant l’hypothèse que seule 1 résidence secondaire sur 4 fait l’objet de location saisonnière, on estime le nombre de meublés à près de 740 000 à l’échelle nationale.

Données expérimentales (proxy, part de marché Airbnb) :

Des données (expérimentales) produites par Eurostat renseignent sur le volume de nuitées réalisées dans un meublé mis à la location sur chacune des quatre plateformes dominantes (Airbnb, Expedia, Booking, Tripadvisor) et donc sur la part de marché de Airbnb, près de 80 % en moyenne. Cette part de marché est combinée avec les données de moissonage Airbnb. Via cette méthode, le nombre de meublés en France s’élève à :

Nombre meublés Airbnb x [1-PdM Airbnb] + Nombre de meublés Airbnb = 600 000 x [0,20] + 600 000 = 720 000.

Enfin, on compte près de 190 000 meublés classés (source ADN tourisme), dont une partie n’est pas mis à la location sur les sites type Airbnb.(hypothèse raisonnable: la moitié des meublés classés ne sont pas mis à la location sur les sites de réservation type Airbnb, soit 95 000).

Ainsi, ces quelques méthodes d’estimation (acteurs du secteur, utilisation de proxy, données expérimentales, combinaison avec meublés classés) évaluent le marché à près de 800 000 meublés.

Source : ministère chargé du tourisme.

rÉpartition des meublÉs de tourisme classÉs par dÉpartement en 2022

Source : données plateforme CLASS, cartographie ADN Tourisme.

Les acteurs auditionnés ont tous souligné l’ampleur du phénomène. France urbaine, par exemple, en insistant sur le caractère massif de l’essor de cette classe d’actifs, a rapporté une rapide augmentation du nombre de ses adhérents concernés au fil des années, cette thématique impliquant aujourd’hui des territoires qui n’y auraient pas pensé il y a quelques années. Il s’agit donc non seulement d’une augmentation au sein des communes historiquement touristiques, mais aussi d’une croissance du nombre de communes concernées. À Bourges, qui a enregistré 500 nouveaux meublés de tourisme en un semestre, occasionnant un déséquilibre locatif sur son centre-ville, à Saint-Nazaire, à Saint-Ouen, à Caen, à Rennes, les élus interpellent désormais régulièrement l’association sur les « vagues de meublés qui déferlent dans les territoires ».

a.   Les locaux meublés peuvent avoir des effets bénéfiques ciblés

Vos rapporteurs ne contestent pas que certaines locations meublées de courte durée puissent avoir un sens, notamment quand elles concernent des résidences principales. De façon générale, et contrairement aux caricatures, les personnes auditionnées ont tenu des propos mesurés. France urbaine a ainsi rappelé que les territoires concernés vivent des situations contrastées : bien qu’un grand nombre de territoires souffrent de situations excessives, certaines villes peuvent se satisfaire d’un développement de l’offre d’immobilier touristique, tant que celle-ci reste modérée, puisqu’elle permet d’amener une nouvelle clientèle, plus jeune et qui passe uniquement par ces plateformes.

L’UNPLV, quant à elle, fait valoir les retombées économiques positives pour les territoires, en soulignant notamment que la création d’une offre de meublés touristiques permet d’élargir la saison d’usage pour les résidences secondaires, notamment « en aile de saison », ce qui peut emporter des impacts économiques bénéfiques pour le tissu commercial local.

Mme Pascale Bicchieray, secrétaire générale adjointe de l’Umih de Corse, a insisté sur le rôle crucial joué par les plateformes dans la redynamisation des campagnes, du fait de la meilleure agilité de l’offre d’immobilier touristique par rapport à l’offre hôtelière traditionnelle, dans la mesure où, hors-saison, l’ouverture d’une offre de locaux touristiques peut avoir un sens tandis que l’hôtel n’est pas rentable.

Comme l’avait observé la mission d’information sur les coûts du logement en zone tendue, dont votre rapporteure était co-rapporteure, l’arrivée de ces acteurs sur les marchés locaux du logement a également été de pair avec un enrichissement de l’offre d’hébergement touristique, une montée en gamme de la qualité des hébergements proposés et, enfin, une collecte de la taxe de séjour assurée dans des conditions de transparence plus grande favorisant, en un sens, une attrition du marché de la location touristique parallèle. Plusieurs acteurs ont soulevé à cet égard le risque de favoriser à nouveau l’émergence d’une offre moins régulée, pointant notamment l’émergence d’un phénomène, encore réduit, de mise sur le marché irrégulier, « au noir », via des plateformes moins réglementées que les majors.

L’effet concurrentiel de l’arrivée des plateformes sur le secteur touristique traditionnel est, selon un rapport d’information de la commission des affaires économiques du Sénat réalisé à ce sujet en 2018, « peu documenté », la direction générale des entreprises ayant estimé à entre 2 et 3 % le transfert de clientèle en faveur du secteur dit « non marchand » ([11]). La Confédération des acteurs du tourisme (CAT) a insisté sur l’importance, pour l’attractivité d’un territoire touristique, d’assurer une « offre importante dans sa quantité, sa qualité et sa diversité ». Elle conclut donc à l’importance, pour certains territoires, de préserver l’offre existante de meublés touristiques, tout en s’assurant de sa qualité.

Dans le même sens, DSF a souligné que, dans les stations de sports d’hiver, 50 % des hébergements sont des « lits froids », fermés la plupart de l’année, et qu’il est nécessaire d’inciter les propriétaires à aller vers une mise en marché du bien.

Lors des auditions menées sur ce sujet dans le cadre des travaux de la mission, avec des élus locaux notamment, il est apparu que ces acteurs jouent un rôle important en matière d’attractivité touristique pour certains territoires, en plus d’offrir des solutions complémentaires à l’hébergement classique.

L’un des arguments les plus régulièrement mis en avant, notamment par les parties prenantes du secteur, consiste à voir dans la location, entre particuliers, de logements de courte durée via des plateformes électroniques, un gain de pouvoir d’achat, qui pourrait s’apparenter par exemple à une forme de « treizième mois ». Selon le président de l’UNPLV, une telle rentabilisation de la résidence principale par le « partage » est un facteur, devenu important pour les ménages, dans une période inflationniste, d’amélioration des conditions de vie. D’après les calculs du cabinet d’études Asterès, mandaté par Airbnb pour estimer les gains de pouvoir d’achat des loueurs de meublés, dits « hôtes », ceux-ci ont dégagé un revenu médian de 3 916 euros brut en 2022, soit 3 086 euros après impôts et prélèvements sociaux ([12]), une augmentation moyenne de 6 % du pouvoir d’achat.

b.   Une tension sociale alimentée par une guérilla juridique et contentieuse

Les élus interrogés évoquent tous une tension croissante sur ces sujets dans les territoires. Les populations qui ont de moins en moins la possibilité d’accéder au logement – étudiants, personnes âgées, personnes sans emploi ou en contrat précaire, familles monoparentales – ressentent de plus en plus vivement l’attrition du logement sous la pression de l’offre touristique. Comme l’a remarqué le président de la CAT, le sujet du taux d’acceptabilité de l’activité touristique sur un territoire devient plus prégnant à mesure que la crise du logement se creuse et attise un ressentiment des populations à l’égard des touristes.

Les tensions sociales sont récurrentes sur ce sujet. Comme l’a fait remarquer M. Anthony Krehmeier, maire des deuxième et troisième arrondissements de Marseille, le phénomène engendre des nuisances, notamment sonores, qui gênent les travailleurs qui doivent se lever tôt, notamment dans les quartiers populaires. Il modifie l’offre commerciale : cordonniers, pressings, boulangers, sont remplacés par des boutiques de souvenirs. Une confrontation larvée peut s’installer entre habitants et touristes, alimentée aussi par la coexistence, côte à côte, de l’habitat indigne et des meublés de tourisme. De nombreux élus décrivent des velléités croissantes de la part d’organisations locales en vue de « squatter les Airbnb » ou encore de « casser les boîtes à clefs ».

France urbaine décrit ainsi une « ambiance de tension, de pression, d’agression sur les élus, de chantage, de guérilla juridique », en particulier en ce qui concerne le régime du changement d’usage et les contentieux autour des mesures de compensation de la transformation d’un logement en local de tourisme. C’est un phénomène qui « oblige les collectivités à s’équiper en observatoire et en personnel pour essayer de réguler et de contrôler le phénomène ». L’association insiste encore sur une situation, qui va en s’aggravant, où « les particuliers, les professionnels du tourisme, les restaurateurs ont de grandes difficultés à loger leurs salariés : face à eux, des associations d’hôtes, outillées juridiquement par les plateformes ».

2.   L’avantage compétitif du local touristique par rapport au logement résulte en partie d’avantages réglementaires

L’essor de la mise en location pour des courtes durées des biens à vocation de logement peut s’expliquer en partie par des facteurs de marché, qui dotent ce secteur doté d’avantages compétitifs par rapport au secteur de la location résidentielle de longue durée :

– un avantage d’ordre financier, lié à la rentabilité locative brute de l’activité d’hébergement de courte durée, qui est généralement nettement plus élevée que celle du logement de longue durée ;

– des avantages en termes de sécurisation des transactions, notamment le système de facturation préalable, qui prémunit le loueur contre le défaut de paiement, aléa très présent sur le marché locatif sous la forme de l’impayé de loyer, et celui de la cotation des demandeurs, qui permet de se prémunir, en principe, contre les dégradations locatives.

Toutefois, au-delà de ces avantages de marché, le secteur jouit également d’avantages qui sont moins liés à son propre modèle ou à sa propre performance mais résultent plutôt de dispositions réglementaires ou législatives.

a.   L’avantage réglementaire

Depuis l’adoption de la loi Climat et résilience en 2021 ([13]), l’ensemble du parc locatif est concerné par un calendrier de rénovation énergétique obligatoire des logements, qui organise l’interdiction successive à la location, respectivement aux 1er janvier 2023, 2025, 2028 et 2034, des logements des classes énergétique G +, G, F et E (voir commentaire de l’article 2). Ces interdictions font peser sur les propriétaires bailleurs, particulièrement ceux dont les biens sont des « passoires énergétiques » au sens de la loi, une obligation de rénovation rapide des biens, dans un contexte également marqué par l’inflation, la hausse des coûts des matériaux de construction, et une demande croissante de travaux de rénovation qui occasionne une hausse de leur coût.

Face à ce défi, et prenant en compte le gel des loyers des « passoires énergétiques » depuis le 22 août 2022 en application de la même loi, de nombreux propriétaires peuvent se trouver tentés de retirer leur bien du marché locatif résidentiel pour le positionner plutôt, via une plateforme, sur le marché de la location de courte durée, sur lequel les obligations ne s’appliquent pas. Cette distinction a été retenue par le législateur en 2021, celui-ci ayant alors estimé que le poids de la facture énergétique ne repose pas sur l’occupant du meublé de tourisme de la même façon que sur le locataire d’un logement.

Or il s’avère aujourd’hui que le risque de déport d’une partie du marché locatif vers la location touristique de courte durée est très réel et ne fait que s’accentuer à mesure que les premières interdictions massives de louer s’approchent – celle qui s’applique déjà, adoptée dans la loi Énergie-climat ([14]) concernant les logements qui consomme plus de 450 kwh.m².an, ne touche qu’un nombre relativement faible de logements.

b.   L’avantage fiscal

Le développement des hébergements touristiques procède notamment d’un cadre fiscal avantageux défini par la loi. La fiscalité locative repose sur une dichotomie entre le régime foncier applicable à la location nue et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), applicable à la location meublée. Les locations de meublés de tourisme peuvent être soumises au régime spécifique dit du « micro-BIC », régi par l’article 50-0 du code général des impôts.

Le régime du micro-BIC comprend une valorisation fiscale majeure, ouvrant droit à un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés non classés, dont le plafond est fixé à 77 700 euros. S’agissant des meublés de tourisme classés au titre du code du tourisme (voir supra), ils bénéficient d’un abattement de 71 % et d’un plafond de 188 700 euros de recettes tirées de la location des biens. Il est donc particulièrement avantageux pour le propriétaire de classer son meublé afin de bénéficier d’un abattement supérieur, d’autant plus que le classement est relativement peu contraignant pour les propriétaires.

Il faut comparer ce régime avec celui de la location de logements nus, qui relève du régime foncier, et accorde un avantage fiscal moindre. Si les revenus locatifs annuels sont supérieurs à 15 000 euros, le régime réel s’applique : celui-ci permet de déduire des revenus fonciers les charges et les frais liés au bien. Si les revenus locatifs annuels sont inférieurs à 15 000 euros, le régime micro (dit aussi régime forfaitaire) s’applique et permet un abattement fiscal de 30 % des revenus.

Les propriétaires sont donc incités à mettre leur logement en location meublée, plutôt qu’en location nue, afin de bénéficier d’un abattement fiscal plus élevé, et donc de maximiser leurs revenus. La rentabilité après impôt de la location meublée est ainsi généralement supérieure à celle de la location nue d’un même bien. Selon une simulation de rendement locatif réalisée par l’inspection générale des finances et le conseil général de l’environnement et du développement durable en 2016, en régime réel, l’écart de taux de rentabilité interne au profit de la location meublée était compris en 0,6 et 2,1 points de pourcentage ([15]).

En outre, les seuils du régime micro-BIC applicables aux locations meublées ont fait l’objet de revalorisations fréquentes, renforçant l’attractivité fiscale de ce régime. La loi de finances pour 2018 portait notamment un doublement des seuils du régime micro-BIC, passant de 82 800 euros à 170 000 euros pour les locations meublées classées, et de 33 200 euros à 70 000 euros pour les locations meublées non classées.

Certaines personnes auditionnées attirent l’attention sur les risques d’une baisse trop forte des abattements sur les meublés, en particulier classés : ainsi, selon l’Unem, la baisse de l’incitation à faire classer ses meublés amènerait une baisse du nombre de classés, et donc à un risque de perte du classement de station de tourisme de montagne, qui engendrerait la perte des recettes fiscales associées et de la possibilité d’ouvrir un office du tourisme, entre autres effets négatifs. Domaines skiables de France a estimé que le taux différencié se justifiait initialement, à sa création, par une surcharge de fonctionnement occasionnée par le caractère saisonnier de l’activité et les conditions spécifiques des stations de ski, et était destiné à des stations de vacances balnéaires ou de montagne, les plateformes ayant ensuite « surfé sur cette possibilité pour une ouverture à tout le territoire ».

Le classement des communes touristiques

Les premières stations classées de tourisme sont apparues dès 1912 et correspondaient à l’émergence du développement touristique dans des villes d’eaux. La loi du 24 septembre 1919 a donné un cadre juridique à la station classée et a défini six catégories possibles de commune en station classée balnéaire, hydrominérale (thermale), climatique, uvale (pour les cures à base de raisin), de tourisme ou de sports d’hiver et d’alpinisme. Après plusieurs rapports en ce sens, la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme a réformé les textes relatifs à la procédure de classement en station classée de tourisme. Le dispositif mis en place repose sur deux échelons de qualité :

– la « commune touristique » ([16]) est l’échelon de base, qui reconnaît le caractère touristique de la commune ; elle est attribuée par arrêté préfectoral pour une durée de cinq ans aux communes qui « mettent en oeuvre une politique du tourisme et qui offrent des capacités d’hébergement pour l’accueil d’une population non résidente » ainsi qu’à celles qui perçoivent la dotation particulière, au titre de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF), prévue au deuxième alinéa du II de l’article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales ;

– la « station classée de tourisme » ([17]) traduit la reconnaissance par l’État des efforts accomplis par les communes concernées pour structurer une offre touristique d’excellence. Elle est attribuée pour une durée de douze ans aux communes ayant préalablement obtenu la dénomination de commune touristique, à condition qu’elles « mettent en oeuvre une politique active d’accueil, d’information et de promotion touristiques tendant, d’une part, à assurer la fréquentation plurisaisonnière de leurs territoires, d’autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu’elles mobilisent en matière de créations et d’animations culturelles et d’activités physiques et sportives ». Les stations classées bénéficient de majoration d’indemnités de fonction pour les élus locaux.

Après une dizaine d’années de mise en application et l’extinction des anciens classements au 1er janvier 2018, le Conseil interministériel du tourisme du 19 juillet 2018 a décidé de procéder à une refonte des critères de classement en station de tourisme et de simplifier la procédure administrative. L’objectif de cette réforme est d’une part de rationaliser les critères de classement, en les simplifiant et en supprimant les moins pertinents, et d’autre part en prenant davantage en compte les besoins et les attentes des touristes, notamment en matière d’accès au numérique et à des services de proximité. La nouvelle grille de critères est ainsi fixée par l’arrêté du 16 avril 2019, entré en vigueur le 1er juillet 2019 et le décret du 27 avril 2020 a déconcentré la procédure qui est désormais entièrement du ressort des préfets de département.

Source : direction générale des entreprises, « Guide méthodologique des procédures relatives aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme », septembre 2020.

Interrogée, la direction de la législation fiscale (DLF) a reconnu la « vétusté » des règles fiscales en matière de location touristique, et plus largement de location, qui a justifié que le Gouvernement confie le 16 novembre une mission sur le sujet à votre rapporteure Annaïg Le Meur et à la députée Marine Ferrari.

Le régime des loueurs en meublé, une « incongruité fiscale » dès 2008

Le régime des loueurs en meublé présente plusieurs spécificités dont la légitimité paraît d’autant plus fragile qu’aucune contrepartie n’est exigée des contribuables en bénéficiant.

Le dispositif est, en effet, ouvert non seulement à des logements neufs mais aussi à des logements anciens et, en tout état de cause, sans aucune condition quant aux modalités de la location. Le seul critère conditionnant le bénéfice du régime est, en effet, la présence de meubles dans le logement, présence dont on peine à voir pourquoi les pouvoirs publics l’encouragent. En particulier, on peut se demander pourquoi un logement ancien loué meublé aux conditions du marché peut, sans aucune condition, être intégralement amorti lorsque l’amortissement d’un logement loué nu constitue un avantage fiscal qui n’est ouvert que dans certains régimes spéciaux contraignants pour les propriétaires (…).

L’ensemble des avantages du régime des loueurs professionnels en meublé mérite donc d’être remis à plat. C’est manifestement le cas s’agissant des conditions particulières dans lesquelles cette activité peut être considérée comme professionnelle. Les deux critères imposés, l’inscription au registre du commerce et des sociétés, d’une part, et un montant annuel de recettes supérieur à 23 000 euros ou à 50 % du revenu total, d’autre part, ne garantissent en effet nullement la réalité de l’activité professionnelle et permettent au contraire à un pur investisseur d’être considéré comme un professionnel (…).

On ne peut dès lors que se demander si la vraie difficulté n’est pas plutôt, en amont, dans la soumission au régime des activités commerciales d’une activité qui est, en réalité, bien souvent, de nature foncière. Il convient donc de distinguer dans les activités de location en meublé celles d’entre elles qui présentent un certain caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) et qui pourraient conserver le bénéfice du régime des bénéfices industriels et commerciaux des autres dont les revenus ont vocation à être imposés selon les modalités de droit commun applicables aux revenus fonciers.

Par ailleurs, même pour des locations présentant un caractère commercial marqué, le bénéfice de l’abattement prévu par le régime micro-BIC n’apparaît pas justifié et il conviendrait de prévoir l’application d’un abattement au même taux que celui prévu par le régime micro-foncier (soit 30 %).

Proposition n° 9 : Normaliser le régime des loueurs en meublé professionnels

9.1/ Réserver le bénéfice du dispositif aux revenus locatifs présentant un réel caractère commercial (exploitation de chambres d’hôte, par exemple) ou, éventuellement, un intérêt général particulier (notamment les résidences avec services dont le développement est prioritaire) ;

9.2/ Appliquer, dans les autres cas, le droit commun des revenus fonciers ;

9.3/ Ramener à 30 % le taux de l’abattement applicable dans le cadre du régime micro aux revenus locatifs imposés dans la catégorie des revenus industriels et commerciaux.

Source : Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Jérôme Cahuzac, Charles de Courson, Gaël Yanno, rapport d’information sur les niches fiscales, juin 2008.

 

Les interrogations sur le régime très avantageux du meublé, et en particulier des meublés de tourisme, ne sont pas nouvelles. Un rapport parlementaire de Didier Migaud, président de la commission des finances et de Gilles Carrez, rapporteur général du budget, s’interrogeait dès 2008 sur la légitimité des disparités fiscales en la matière (voir encadré à la page suivante). La Fondation Abbé Pierre a considéré pour sa part que le statut fiscal des locaux de tourisme constitue « le nerf de la guerre » et que son traitement serait de nature à ralentir la croissance du parc d’hébergements touristiques. Toutefois, elle a insisté, comme d’autres personnes auditionnées, sur l’importance de s’attaquer au régime réel et non seulement au micro-BIC. Le Collectif national des habitants permanents (CNHP) a abondé dans ce sens, estimant qu’il y aurait un réel risque de déport des investisseurs sur le régime réel dans le cas où la loi ne modifierait que le régime micro-BIC.

3.   Une attrition résultante de l’offre de logement

L’intensification de l’activité de meublés de tourisme contribue, de l’avis de l’ensemble des observateurs du marché, à l’augmentation des prix de la location et de l’achat dans les zones tendues et génère des externalités négatives, notamment en termes de raréfaction de l’offre résidentielle, d’augmentation des loyers, de nuisances sonores, de congestion des services publics locaux, de dévitalisation des centres-villes, et de gentrification.

La Fondation Abbé Pierre (FAP) et la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) ont publié conjointement une étude à ce sujet en 2020 ([18]), sur la base de données fournies par InsideAirbnb et co-analysées avec The Guardian. À l’aide de plusieurs études empiriques réalisées dans des villes européennes dont Lisbonne, Madrid, Paris, Varsovie, Barcelone et Berlin, le rapport constate que « l’idée initiale du modèle de plateforme de location à court terme est basée sur le lien entre touristes et propriétaires privés locaux, qui loueraient de façon occasionnelle une chambre d’amis. La réalité est pourtant bien différente, et le développement du phénomène s’est accompagné d’une  professionnalisation ” des hôtes : une part importante des annonces concerne des logements entiers, et non plus une chambre chez l’habitant. Par ailleurs, plusieurs études universitaires et enquêtes d’investigations montrent qu’une part significative d’annonceurs ne sont pas des propriétaires individuels mais des entreprises possédant plusieurs biens ».

Cette professionnalisation des loueurs, notée dans de nombreuses études sur la plupart des grandes villes, suscite concrètement la transformation de logements en meublés touristiques. Dès lors, plusieurs études font le lien entre la transformation de logements à destination de location longue durée (LLD) en locations de courte durée (LCD), d’une part, et la diminution des logements disponibles pour les habitants. C’est le cas, par exemple, à Barcelone, où une étude établit la relation entre l’augmentation du nombre d’hébergements touristiques et la baisse du nombre de résidents permanents ([19]).

Face à ce problème d’offre, on serait naturellement tenté de proposer la création d’offre supplémentaire. Mais, dans un contexte marqué à la fois par la raréfaction foncière – particulièrement importante dans les communes littorales et de montagne du fait des sujétions spécifiques auxquelles elles sont soumises – et par la limitation normative croissante, à des fins écologiques, de la construction neuve, il n’est plus possible pour les marchés immobiliers locaux de s’équilibrer par les quantités de l’offre. La commission des affaires économiques, compétentes en matière de législation foncière et de lutte contre l’artificialisation des sols, a eu l’occasion de réaffirmer, dans la loi du 21 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, son attachement à une meilleure régulation des usages fonciers à l’avenir. Dès lors, la conversion des locaux résidentiels en locaux touristiques entraîne une attrition irrémédiable de l’offre résidentielle, non compensée par de la production nouvelle, ce qui se traduit par une augmentation, parfois très sensible, des prix de marché de la location.

Dans les zones tendues concernées par la présente proposition de loi, qui connaissent des tensions élevées sur le marché de l’immobilier, le changement et la diversification des usages des meublés ont un effet inflationniste sur l’ensemble des prix résidentiels, et donc un effet d’éviction sur les habitants permanents. Le développement rapide des locations de meublés de tourisme au cœur des agglomérations attractives a ajouté une pression supplémentaire sur les marchés locaux du logement et sur la disponibilité de ces logements ([20]).

Parmi les causes de l’attrition du logement accessible, la « secondarisation » d’une partie du parc et sa substitution par l’offre touristique en sont les facteurs les plus clairement observés ces dernières années. Comme le relèvent les travaux de la récente mission interministérielle, « les études économiques démontrent que le développement rapide des locations de meublés de tourisme accentue les déséquilibres sur les marchés locaux du logement » ([21]). Globalement, cette tendance est due au déport vers le marché touristique d’une partie des biens précédemment destinés au logement. Le même rapport évoque « une réduction de l’offre de résidences principales en zones tendues » et « l’augmentation des prix de l’immobilier d’autant plus que l’offre de logement est par construction inélastique à court terme ».

Les personnes auditionnées concordent dans ce constat : selon le Collectif national des habitants permanents, le logement constitue la première externalité négative de l’essor des meublés de tourisme. L’Umih, pour sa part, évoque un « rôle important des locations de meublés touristiques dans la crise du logement », en soulignant que c’est un phénomène qui ne concerne plus exclusivement les communes littorales, citant notamment l’exemple du Haut-Doubs, où les entreprises n’arrivent plus à loger leurs salariés ni leurs saisonniers, du fait du double défi résultant des transfrontaliers et du tourisme, comme à Annemasse.

C’est pourquoi France urbaine demande à « revenir aux fondamentaux de la location de courte durée », en contrant la professionnalisation et la massification de cette pratique : « la possibilité pour un particulier de louer quelques jours par an son appartement, bien sûr. Mais ce n’est pas le cas dans les territoires urbains, avec des îlots entiers qui basculent dans ce statut locatif, avec des effets d’éviction sur les étudiants, les travailleurs précaires, les saisonniers, les familles monoparentales, qui amplifient la crise du logement ».

Comme le souligne le rapport interministériel consacré à l’attrition résidentielle, « l’attractivité touristique d’un territoire génère une tension, souvent concentrée dans le temps et dans l’espace, qui vient se cumuler avec des déséquilibres déjà préexistants sur l’ensemble de l’année pour des territoires attractifs (excédent migratoire, foncier en moyenne plus rare, plus cher et plus contraint qu’ailleurs) et qui a une incidence sur la capacité de logement de l’ensemble de la population permanente et non-permanente (résidents secondaires et touristes) » ([22]).

La mission ajoute que : « les communes touristiques peuvent devoir faire face, lors des pics saisonniers estivaux, à une multiplication par dix de leur population qui entraîne des tensions immobilières et peut donner lieu à des dilemmes pour les élus entre promotion du tourisme et développement d’une population de résidents à l’année. Ces tensions sont renforcées par le fait que l’offre touristique française et notamment hôtelière est parfois qualitativement insuffisante voire obsolète, alors que des capacités abondantes et attractives sont un élément de baisse de la pression immobilière dans les zones touristiques ».

Les zones tendues se caractérisent par des niveaux élevés des prix et des loyers, ainsi que par de moins bonnes conditions de logement (logements plus petits, fréquence plus importante de situations de mal-logement) qu’en zones non tendues. Ces situations sont généralement exacerbées dans les centres-villes des grandes agglomérations. De fait, certains ménages ne pouvant se loger où ils le souhaitent se retrouvent contraints à habiter à des distances importantes de leurs lieux de travail, et subissent alors de longs et parfois coûteux déplacements domicile-travail.

Cette situation est à mettre en regard de la situation plus générale du pays en matière de logement.

En France, le marché immobilier se caractérise par la présence de déséquilibres de long-terme sur les marchés et segments du logement. L’offre croissante (progression de 1,2 % du parc des résidences principales par an) mise sur le marché depuis cinquante ans n’arrive pas à satisfaire une demande elle-même croissante. Certes, le parc progresse 2,5 fois plus vite que la population (+ 0,5 % sur la même période) et est sensiblement plus important que dans les autres économies développées ([23]) : la France compte 590 logements pour 1 000 habitants en 2020 dans son territoire européen, contre 515 en 2011, ce qui la place en deuxième position au sein de l’OCDE (cf. graphique). Par contraste, les pays de l’OCDE comptent en moyenne environ 450 logements pour 1 000 habitants.

Nombre total de logements pour 1 000 habitants en 2011 et 2020

Source : OCDE, OECD Affordable Housing Database, indicateur “HM1.1 Housing stock and construction”, 2022.

Mais il est important de souligner que cet indicateur ne prend pas en compte le statut d’occupation du logement comptabilisé. En France, une part non négligeable du stock total de 37,8 millions de logements est constituée de résidences secondaires et de logements occasionnels (3,7 millions de logements, soit 9,8 % du parc) et de logements vacants (3,1 millions de logements, soit 8,2 % du parc) ([24]). Ces statistiques doivent signifier que, contrairement à une idée répandue, l’ampleur de la problématique du logement en France n’est pas explicable seulement par un problème de moindre construction intervenu depuis deux ou trois ans.

Il faut aussi remarquer que si la demande de logements augmente du fait de l’accroissement naturel de la population et de ses changements démographiques (vieillissement, hausse du nombre de ménages par séparation et décohabitation), elle se répartit de manière différenciée sur le territoire. Les zones de tension identifiées par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et le service des données et des études statistiques (SDES) dans le cadre de l’analyse prospective de la demande de logement, en particulier l’outil de territorialisation des besoins en logements (Otelo) en 2021 sont principalement les zones littorales de l’ouest et du sud du territoire hexagonal français.

RÉpartition du parc de logements selon l’usage

Source : Insee, « Insee Focus »,  309, octobre 2023. Données France hors Mayotte, de source Insee et CGDD-SDES (ministère de la transition écologique).

En 1983, le pays, qui comptait 56 millions de personnes, avait un stock de logements de 24 millions. En 2023, avec une population de l’ordre de 67 millions, le stock de logements est de 38 millions. Le stock de logements a donc augmenté d’environ 55 % tandis que la population augmentait de 20 %. Plutôt qu’une focalisation exclusive sur la construction de logements neufs, marque de fabrique de nombreuses politiques depuis les années 1980, devenue incompatible avec les engagements du pays en matière de sobriété foncière, la production de logements abordables doit donc en passer par la mobilisation pleine du vivier existant, objectif qui est servi par la présente proposition de loi.

4.   L’attrition du logement a un impact récessif sur l’économie locale

La crise du logement cher a un impact sur l’économie, fortement ressenti au niveau local par les entreprises, dont certaines peinent à recruter faute de logements disponibles pour loger leurs salariés à des prix raisonnables. Le logement cher pèse en conséquence sur la mobilité professionnelle, et réduit d’autant la possibilité d’adaptation des travailleurs aux évolutions des bassins d’emploi auxquels ils appartiennent. Votre rapporteure a récemment consacré un rapport budgétaire à cette question ([25]).

Le déficit d’attractivité suscité par les difficultés de logement et le moindre recrutement qui en résulte emportent des incidences négatives sur l’emploi, bien que les études économétriques sur ce point manquent en France ([26]). Tout comme la carence en logements peut constituer un facteur majeur de perte d’attractivité pour un territoire, ce facteur affecte fortement l’attractivité des emplois proposés. Cela est d’autant plus vrai qu’une grande partie des emplois, tout particulièrement dans le secteur tertiaire, se concentre majoritairement dans les grandes métropoles où le logement privé est devenu inaccessible du fait du renchérissement immobilier intervenu au cours des dix (Bordeaux, Lyon, Lille) ou vingt dernières années (Paris).

Cette situation emporte des conséquences non négligeables pour le reste de l’économie. Les coûts économiques de ce déficit de recrutement sont connus. La mauvaise « allocation spatiale du travail » entre les villes et les territoires résulte en premier lieu, selon les analyses de Hsieh et Moretti ([27]), de la restriction de l’offre de logements, qui affecte directement le nombre de travailleurs qui ont accès aux « zones de haute productivité » comme New York, la baie de San Francisco, ou, en France, l’Île‑de‑France. Cette étude en déduit une baisse de la croissance agrégée de l’économie de 36 % entre 1964 et 2009 ([28]).

Plusieurs leviers, de nature différente, expliquent selon les différentes études citées le déficit de croissance constaté en cas de carence durable de logements : la dégradation de la rentabilité des entreprises s’explique principalement par le levier du coût du travail du fait de l’octroi d’un avantage salarial pour compenser le coût du logement ([29]) ; le coût de la « dépense non réalisée » en biens de consommation et en investissement, qui résulte de la dépense excédentaire consentie en faveur du logement, calculée par rapport au « seuil de sortie du caractère abordable », évalué à 30 % des ressources ([30]) ; des effets locaux et keynésiens liés au déficit de nouveaux résidents consommateurs de services.

Une telle évolution, dont les retombées bénéfiques ne sont pas évidentes à retrouver, emporte une perte économique nette pour le territoire et le pays. En dépit des arguments parfois présentés en sens contraire, cette perte est loin d’être compensée par le surcroît d’activité engendré par la multiplication des meublés touristiques, l’activité en question ne présentant du reste pas le même profil de soutenabilité que les activités de logement et d’emploi remplacées.

B.   un effort de rÉgulation concentrÉ dans certaines zones et aux effets largement insuffisants

Le législateur n’est pas resté passif face à ce défi majeur. Visant à limiter l’érosion du parc résidentiel dans les zones tendues, il a d’ores et déjà apporté des solutions d’encadrement de l’activité de meublés de tourisme, en particulier par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan) et la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Des outils nombreux ont été créés, de nature réglementaire (déclaration préalable, enregistrement) et fiscale (taxe de séjour).

1.   Des outils ont été créés, à la main des territoires

De nombreux pays ont adopté des outils pour réguler les locations de courte durée. Selon une étude menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 16 pays sur 40 répondants au « questionnaire sur le logement abordable et le logement social » ([31]) rapportent l’existence de telles mesures. La forme la plus fréquente de limitation prise au niveau national concerne la durée maximale d’un tel séjour, avec des plafonds compris entre 30 jours en Italie et 180 jours en Nouvelle-Galles du Sud ([32]).

En France, l’encadrement législatif et réglementaire de la location de meublés de tourisme est prévu à la fois par le code du tourisme et le code de la construction et de l’habitation (CCH).

a.   La déclaration préalable en mairie

Le code du tourisme prévoit l’obligation, pour toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, qu’il soit classé ou non, de le déclarer préalablement au maire de la commune où est situé le meublé ([33]), tout en disposant explicitement que les résidences principales sont exemptées de cette déclaration préalable.

Dispositifs existants permettant la rÉgulation des meublÉs de tourisme

Source : direction générale des entreprises, « Impact économique et réglementation des meublés de tourisme », Thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.

En droit immobilier, une résidence principale s’entend au sens de la loi du 6 juillet 1989 comme un « logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l’habitation » ([34]). Un logement qui est loué plus de quatre mois dans l’année, soit plus de cent-vingt jours, ne peut donc pas être considéré comme une résidence principale.

b.   La réglementation du changement d’usage

La procédure de changement d’usage, prévue aux articles L. 631‑7 à L. 631‑9 du code de la construction et de l’habitation (voir commentaire de l’article 2) s’inscrit, depuis sa création, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dans l’objectif de lutter contre la pénurie de logements. Dans les communes concernées par cette réglementation, tout changement d’usage de locaux destinés à l’habitation est soumis à une autorisation préalable délivrée par la mairie.

Le régime du changement d’usage a été élargi en 2014 pour concerner la location répétée pour des courtes durées d’un local affecté à l’habitation ([35]), le législateur ayant alors expressément précisé que louer un logement pour de courtes durées constitue bien un changement d’usage par rapport à l’usage d’habitation : « Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article » ([36]).

Cette procédure connaît actuellement trois niveaux de mise en œuvre :

– elle est obligatoire pour les communes de plus de 200 000 habitants et pour celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val‑de-Marne ;

– les communes situées en « zone tendue » ([37]) peuvent délibérer en organe délibérant pour appliquer la démarche ([38]) ;

– les autres communes peuvent demander au préfet sa mise en œuvre.

Dans ces communes, une délibération du conseil municipal peut, ou doit, selon le cas, définir un régime d’autorisation préalable de changement d’usage. Une telle autorisation peut, depuis 2005, être subordonnée à une opération de compensation, sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. Lorsqu’elle est subordonnée à une compensation, l’autorisation de changement d’usage est réelle, c’est-à-dire qu’elle est attachée au local transformé, et non à la personne qui l’a transformé.

Le changement d’usage : règles fréquentes

Le contenu du règlement de changement d’usage est à la main de la commune ou de l’intercommunalité, mais comprend le plus souvent certaines règles :

– à condition de ne pas dépasser 120 jours de location cumulée par année civile, le loueur est uniquement soumis à une obligation de déclaration électronique du logement afin d’obtenir un numéro d’enregistrement, qui doit apparaitre dans les annonces publiées ;

 au-delà de cette limite, il ne s’agit plus d’une activité occasionnelle de location du logement pendant l’absence du résident : la règlementation relative aux résidences secondaires s’applique. Outre la déclaration d’enregistrement du meublé, il est dès lors nécessaire de solliciter une autorisation de changement d’usage auprès de la mairie ;

 s’il s’agit du premier logement mis à la location meublée touristique, une autorisation temporaire de changement d’usage d’une durée d’un an, renouvelable cinq fois, peut être accordée par propriétaire. Cette autorisation est limitée à une résidence par foyer fiscal et est personnelle, donc incessible ;

– si la période de location s’étend au-delà de la cinquième année, le propriétaire est alors soumis à changement d’usage définitif, et donc à une obligation de compensation ;

– une compensation est également obligatoire dès la deuxième logement mis à la location meublée touristique pour un même loueur, ce qui obligera celui-ci à transformer en logements de surface équivalente des locaux non habitables, le plus souvent des commerces ou bureaux, de surface équivalente. 

Concrètement, le demandeur, avant de pouvoir louer sa résidence secondaire à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile pour des courtes durées, devra solliciter à la mairie une autorisation de changement d’usage, afin de pouvoir exercer dans ce bien une activité commerciale de location touristique. L’autorisation de la mairie ayant pour objet de transformer un local à usage d’habitation en local en local commercial, la mairie pourra imposer au demandeur de proposer, en contrepartie, la transformation d’un bien à usage commercial en bien à usage d’habitation. Il est possible aussi d’acheter des titres de compensation, par exemple auprès d’un bailleur social qui mène des opérations de transformation de bureaux en logements. D’après la Ville de Paris, la moyenne du coût de ce genre d’opération se situe autour de 1 600 euros par mètre carré ([39]).

La loi prévoit également l’obligation pour les intermédiaires de location d’informer le loueur des obligations de déclaration ou d’autorisation préalables ([40]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile plafonnée à 500 euros par meublé de tourisme objet du manquement. La procédure de changement d’usage s’accompagne d’une demande de changement de destination d’urbanisme, qui se fait par le biais d’une déclaration préalable.

En l’état, le texte permet à la collectivité de définir la compensation comme elle le souhaite. Un point d’attention, soulevé notamment par le tribunal administratif de Bayonne, est que la compensation soit réaliste. Des questions particulières peuvent se poser sur l’utilisation de cet instrument pour favoriser la transformation des zones commerciales, au-delà du périmètre communal. À Paris, des problématiques de nature différente se posent sur la transformation de locaux commerciaux en rez-de-chaussée en locations meublées de courte durée.

Selon certains membres du Collectif national des habitants permanents (CNHP) auditionnés par vos rapporteurs, la compensation ne peut résoudre le problème au regard de la concentration des meublés de tourisme. Le CNHP demande à ce que l’autorisation de changement d’usage fasse l’objet d’un affichage obligatoire par la ville ou le syndic, sans quoi les délais de recours ont de trop fortes chances de s’écouler sans prise de connaissance adéquate de la part des parties prenantes. Le collectif Alda a également abondé en ce sens, en rapportant que la compensation en vigueur à Biarritz aurait suscité le retour à la location à l’année de 130 logements.

c.   Le régime de l’enregistrement

À cette procédure de déclaration de changement d’usage s’ajoute un dispositif qui permet un contrôle et un suivi renforcés sur les meublés de tourisme : la mise en place d’un numéro d’enregistrement, dispositif créé par l’article 51 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

i.   La déclaration préalable soumise à enregistrement

Les communes qui ont mis en œuvre une procédure de changement d’usage ont ainsi la faculté de subordonner toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à enregistrement ([41]). Cette déclaration doit indiquer si le bien offert à la location constitue la résidence principale du loueur. Un numéro d’enregistrement est délivré au loueur à la réception de la déclaration.

Cette procédure d’enregistrement a notamment pour objectif de vérifier le respect du plafond des 120 jours de location pour les résidences principales. Les intermédiaires de location sont associés au contrôle du respect de cette obligation : ils doivent retirer du marché de la location tout meublé de tourisme déclaré comme résidence principale qui serait loué plus de 120 jours au cours d’une même année civile ([42]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par annonce faisant l’objet du manquement ([43]).

Les plateformes n’ont pas accès à la liste des numéros d’enregistrement délivrés par les communes : ce sont donc les communes qui sont en mesure de repérer les numéros frauduleux.

L’Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) recensait, au 31 décembre 2022, 193 communes ayant introduit une procédure de changement d’usage et une procédure de déclaration donnant lieu à enregistrement. Alors qu’elle recensait 92 villes ayant introduit une procédure de changement d’usage et une procédure de déclaration ouvrant à enregistrement des meublés de tourisme au long de l’année 2021, l’UNPLV dénombrait donc 101 villes supplémentaires à la fin de l’année 2022. Depuis le 1er janvier 2023, l’UNPLV veille au respect de la réglementation en vigueur relative à la location meublée touristique (numéro d’enregistrement obligatoire, maximum de 120 jours pour les résidences principales) dans les communes où elle a connaissance de l’instauration d’une procédure de déclaration ouvrant à enregistrement conforme à la loi en vigueur ([44]).

ii.   La faculté des communes de demander des informations aux plateformes

Le législateur a prévu dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Élan) que les communes ayant mis en place une procédure d’enregistrement sont habilitées à demander à un intermédiaire de la location le décompte du nombre de jours au cours desquels un meublé de tourisme a fait l’objet d’une location sur leur territoire ([45]).

Elles peuvent également demander la transmission d’autres informations : le nom du loueur, l’adresse du meublé, le numéro de déclaration et, le cas échéant, le fait que ce meublé constitue ou non la résidence principale du loueur.

L’intermédiaire de location dispose d’un délai d’un mois pour transmettre ces informations. Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile plafonnée à 50 000 euros par meublé de tourisme objet du manquement.

iii.   La création de l’interface « API meublés »

La direction générale des entreprises (DGE), le pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) ont expérimenté entre février et juillet 2022 la mise en œuvre d’une interface de programmation d’application (application programming interface ou API), dite « API meublés », visant à faciliter les échanges de données entre les intermédiaires de location de meublés de tourisme et les communes, afin de permettre à celles-ci de mieux contrôler le respect de la réglementation.

Le projet, initié dès l’automne 2020, a associé cinq communes partenaires (Bordeaux, Lyon, La Rochelle, Nice et Strasbourg) et cinq intermédiaires de meublés de tourisme (Expedia, Airbnb, Booking, Clévacances et Leboncoin), tous volontaires. Selon le bilan d’étape du projet publié en 2022, l’augmentation des demandes a fait apparaître de nouveaux besoins qui nécessitent une adaptation des modalités techniques de transmission.

La solution numérique développée devrait permettre l’harmonisation et la simplification des transmissions entre intermédiaires de location et communes, l’automatisation des échanges et la mutualisation de l’effort de correction et de réconciliation de données pour les communes, la base d’adresses nationale ayant vocation à être utilisée pour consolider les adresses et exploiter des outils cartographiques.

L’étude d’impact du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) indique que le bilan de l’expérimentation s’est révélé positif. Les intermédiaires de location ont mis en avant la nécessité de faciliter la vérification de la légalité des demandes des communes et l’automatisation des flux de données. Quant aux communes, elles ont souligné qu’il leur était essentiel de disposer de données fiables pour les exploiter et prendre des décisions éclairées.

iv.   La réglementation européenne en cours d’élaboration

À la fin de l’année 2022, à la suite notamment d’une campagne en ce sens menée par les principales villes au niveau européen ([46]), la Commission européenne a présenté un projet de règlement visant à promouvoir la transparence dans le secteur de la location de logements de courte durée ([47]). Selon Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission pour une Europe adaptée à l’ère du numérique, « le secteur de la location de logements de courte durée a été stimulé par l’économie des plateformes, mais il ne s’est pas développé avec suffisamment de transparence ».

Pour Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, « les locations de logements de courte durée apportent des avantages aux hôtes, aux touristes et à l’écosystème touristique, mais l’expansion de ce secteur ne devrait pas se faire au détriment des communautés locales. La proposition présentée aujourd’hui garantira que les autorités locales disposent des données dont elles ont besoin pour soutenir un secteur durable de la location de courte durée, lutter contre les référencements illicites et contribuer à un écosystème touristique équilibré », dans le cadre général de la directive « Services » et du Digital Services Act (DSA).

Le Conseil de l’Union européenne a arrêté sa position sur cette proposition de règlement en mars 2023 ([48]). En septembre dernier, la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a adopté le texte à l’unanimité ([49]). Il y a quelques jours, le 16 novembre, le Parlement européen a annoncé avoir obtenu un accord avec la présidence espagnole du Conseil dans le cadre du trilogue, précisant que les axes de l’accord préservent les points suivants :

– des mesures de simplification de l’enregistrement d’un bien : le texte convenu établit une procédure d’enregistrement en ligne gratuite, ou à coût proportionné, pour les propriétés locatives de courte durée dans les pays qui le demandent. Une fois la procédure terminée, les hôtes recevront un numéro d’enregistrement qui leur permettra de louer leur propriété. Les autorités compétentes connaîtront dès lors l’identité des hôtes et seront en mesure de vérifier leurs informations ;

– des mesures de sécurisation de la location : les plateformes en ligne devront s’assurer que le numéro d’enregistrement d’un hôte permet aux utilisateurs d’identifier le bien sûr l’annonce, et que les informations fournies sont fiables et complètes. À cet effet, les plateformes devront faire des « efforts raisonnables » pour effectuer des contrôles aléatoires sur ces informations. Les autorités compétentes pourront suspendre les numéros d’enregistrement, demander aux plateformes de supprimer les annonces illégales ou imposer des sanctions aux plateformes et aux hôtes non conformes ;

– l’amélioration de la transmission des données : dans le cadre de l’accord, les États membres mettront en place un point d’entrée numérique unique pour recevoir des données des plateformes sur l’activité de l’hôte (par exemple, adresse spécifique, numéro d’enregistrement correspondant, URL de la liste) sur une base mensuelle. Un régime moins contraignant est prévu pour les petites plateformes, avec une moyenne de 4 250 annonces ou moins. Ces données seront utilisées pour établir des statistiques et permettre aux pouvoirs publics de mieux évaluer la situation sur le terrain et d’améliorer les services touristiques.

La DHUP a fait remarquer lors de son audition que cette réglementation s’applique pour toute location de courte durée, sans définir précisément la notion, et qu’elle pourrait donc aussi bien s’appliquer, par exemple, au bail mobilité, sur lequel l’administration ne dispose pas à ce jour de données précises et sur lequel les auditions ont rapporté des abus.

v.   Les dispositions du projet de loi SREN en cours de navette

L’article 17 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), en cours de navette parlementaire, qui s’inscrit dans le cadre de la réforme portée par la Commission européenne, modifie le code du tourisme pour instaurer un dispositif de centralisation des données relatives à la location de meublés de tourisme. Un organisme unique sera chargé de collecter ces données auprès des plateformes et de les communiquer aux communes qui en feront la demande :

– à la possibilité existante pour les communes de solliciter directement les plateformes ([50]), l’article substitue la faculté pour elles d’accéder aux données mises en ligne par un organisme unique, chargé de collecter les données de manière électronique auprès des intermédiaires de location participant à la location des meublés de tourisme. Ces données seront de nature à permettre aux communes concernées de contrôler le respect des obligations pesant sur les loueurs, et demeureront disponibles en données ouvertes pour une durée de deux ans à compter de leur agrégation ;

 le projet de loi fera l’objet d’une entrée en vigueur différée, qui doit permettre de finaliser les développements informatiques nécessaires au fonctionnement de la plateforme. L’éventualité de permettre à l’ensemble des communes d’avoir accès aux données sans distinction a été écartée par la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi, considérant que le dispositif n’était pas suffisamment mature pour prévoir un élargissement de cette ampleur. L’étude d’impact annexée au projet de loi formule l’hypothèse que 350 communes pourraient bénéficier de ce dispositif de centralisation de données.

Selon la même étude d’impact, l’article ne couvre pas l’ensemble des situations prévues par la proposition de règlement européen, et le droit interne devra de nouveau être adapté une fois le règlement définitivement adopté.

Selon la DGE, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sera également chargée d’animer un observatoire sur le sujet.

d.   Le plafonnement du nombre de nuitées en résidence principale

La mise en location ponctuelle de la résidence principale, par des contrats de courte durée, est devenue une pratique courante chez les propriétaires et les locataires, notamment dans les zones tendues, qui permettent un complément de ressources et une valorisation du bien pendant les périodes de congés. Dans la mesure où ces modalités de « partage » du bien ne posent pas intrinsèquement de problème d’attrition du logement, elles ne soulèvent pas de difficulté pour le législateur, et elle ne sont donc pas soumises à la réglementation du changement d’usage : « lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ([51]).

 Toutefois, cette pratique connaît une limite, liée à la définition de la résidence principale (cf. supra), qui désigne l’habitation occupée plus de huit mois par an, ce qui autorise à une location maximale de 120 jours par an. Il s’agit donc d’une justification liée à la cohérence juridique, et non pas à une limitation constitutionnelle quelconque.

Cette limite est très élevée en comparaison internationale, et même, selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), la plus élevée en Europe. Les témoignages montrent que 120 jours de mise en location à une clientèle de passage peuvent occasionner des désordres dans les immeubles et une modification de la configuration du quartier qui pourraient justifier de retenir un seuil maximal inférieur, ou de doter les élus des moyens de le faire, ces désordres méritent en tout état de cause de renforcer le contrôle.

C’est la raison pour laquelle l’article 17 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN) a été modifié, au cours de son examen, afin de compléter le dispositif de centralisation des données par un mécanisme d’alerte lorsqu’un meublé a été loué plus de 120 jours (voir supra). L’objectif est de repérer les meublés qui sont des résidences principales et qui ne respectent pas le plafond de 120 jours de location par an.

L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) a également rappelé, à propos du rapport entre la location de courte durée et la résidence principale, la réglementation new-yorkaise, qui contraint toute location d’un meublé de tourisme de moins de trente nuitées à se faire en présence du propriétaire, limitant de fait les usages des meublés qui ne sont pas des résidences principales.

2.   Les outils déployés présentent des faiblesses, qui empêchent leur plein effet

Les outils juridiques mis en œuvre par les collectivités sont systématiquement attaqués en justice. L’ambiance de « guérilla » rapportée par les personnes auditionnées se rapporte aussi au terrain judiciaire. Le rapport réalisé par la Fondation Abbé Pierre remet cette lutte dans son contexte : « la bataille des villes, et leurs tentatives d’encadrement, a commencé aux États-Unis dès 2010 (à New York notamment) et s’est rapidement étendue aux capitales européennes, démunies face à l’expansion du phénomène. Les villes européennes ont à leur tour mis en place des réglementations afin de contenir le phénomène des plateformes de location. Mais chaque tentative sera systématiquement contestée devant les tribunaux par les propriétaires ou les plateformes elles-mêmes » ([52]).

Les acteurs rencontrés par vos rapporteurs ont confirmé que les dispositions mises en œuvre par les collectivités territoriales font l’objet de recours contentieux divers. L’Umih a cité le fait que les élus qui mettent en œuvre le changement d’usage sont « systématiquement attaqués en justice », appuyant à cet effet un renforcement de leurs compétences afin de sécuriser leurs décisions. La Confédération des acteurs du tourisme (CAT) a également observé que les outils activés sont attaqués et a appelé à une « pédagogie » auprès des élus sur leur usage et à une simplification de leur mise en œuvre, proposant dans ce sens la « décorrélation » du changement d’usage et du numéro d’enregistrement (cf. supra).

Des difficultés contentieuses particulières concernent, selon la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), la justification de la mise en œuvre du changement d’usage par la commune, dans le régime prévu à l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation pour les communes qui ne sont pas situées en zone tendue, qui pourrait constituer un argument en faveur de la suppression du régime de l’autorisation préfectorale.

Par ailleurs, dans les contentieux contre les loueurs de meublés de tourisme qui ne sollicitent pas l’autorisation de changement d’usage, les communes supportent la charge de la preuve de l’usage d’habitation, car l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation dispose qu’« un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ». Il revient donc aux collectivités de démontrer que le logement était à usage d’habitation au 1er janvier 1970. Cette preuve peut être difficile à produire matériellement. Une utilisation est souvent faite à cet effet du formulaire dit « H2 », rempli par les propriétaires de propriétés bâties à l’occasion de la révision foncière de 1970. La Ville de Paris a produit, pour établir la preuve de l’usage d’habitation d’un local faisant l’objet d’un litige, la déclaration selon le modèle H2 fourni par l’administration fiscale, rempli par le propriétaire en 1978. La Cour de cassation a toutefois eu l’occasion de considérer que les renseignements portés dans ce formulaire ne peuvent être considérés comme décrivant l’usage du bien.

D’autres fragilités majeures concernent les zonages réglementaires prévus pour l’application des dispositifs, perçus comme étant restrictifs et rigides. Les dispositions actuelles s’appliquent selon un système de zonage législatif et réglementaire. Le premier zonage, inscrit dans le texte législatif, concerne l’ensemble des communes de plus de 200 000 habitants. Le second zonage concerne les « zones tendues » au sens du code général des impôts (voir commentaire de l’article 2). Vos rapporteurs rappellent à ce sujet que le législateur a insisté récemment sur la volonté de se voir remettre un rapport sur ces zonages, et que le Gouvernement s’est soustrait à plusieurs reprises à son obligation. De nombreux acteurs ont contesté le rattachement du régime à un zonage. Comme le fait valoir l’Umih, « les zones tendues et détendues évoluent », parfois rapidement, alors que le système de zonage, lui, est caractérisé par une forte rigidité réglementaire, car le pouvoir réglementaire met un temps considérable à l’actualiser pour mieux refléter les dynamiques immobilières locales.

Des difficultés concernent également l’application du dispositif aux personnes morales, notamment les sociétés civiles immobilières. Le Collectif national des habitants permanents a notamment souligné que le contentieux n’avait pas permis aux sociétés civiles immobilières (SCI) d’être soumis au règlement des locaux touristiques pris par la ville d’Annecy.

Les loueurs de meublés peuvent également mettre à profit d’autres faiblesses du régime juridique encadrant les régimes locatifs. Le collectif Alda, auditionné par vos rapporteurs, a pointé par exemple la multiplication des baux mobilité abusifs, conclus au prétexte que les demandeurs sont en contrats à durée déterminée et utilisés par les propriétaires afin de libérer les lieux pendant la période estivale et de mettre le bien sûr le marché de la courte durée : « des centaines de personnes qui travaillent se retrouvent SDF l’été ». Votre rapporteur abonde en ce sens, pointant la pratique, courante au Pays basque, de propriétaires qui n’acceptent des nouveaux locataires qu’avec la stipulation qu’ils devront quitter les lieux en juin s’ils souhaitent pouvoir revenir en septembre. Alda observe que « c’est devenu une jungle où les gens se permettent n’importe quoi : les gens qui travaillent sont de plus en plus précarisés ». Le collectif a aussi rapporté, dans le même sens, le recours excessif au bail meublé, qui diminue le préavis de congé, élimine le droit de priorité sur l’achat du logement, et donc la contestation possible du prix de mise en vente.

3.   Les résultats, insuffisants, justifient un nouvel effort législatif

L’ensemble des nombreux acteurs auditionnés par vos rapporteurs se sont accordés sur la pertinence du sujet et sur l’importance d’un nouveau souffle dans la régulation et l’encadrement de l’immobilier touristique. M. Alexandre Maulin, président des Domaines skiables de France (DSF), a particulièrement salué en l’article 2 « la vraie solution », puisqu’il permet de donner le pouvoir aux élus locaux de prendre des règles contraignantes pour organiser la stratégie de leur territoire, mettant en avant l’idée selon laquelle « vouloir faire une règle nationale pour contraindre les meublés, c’est méconnaître la diversité des territoires concernés ». Selon la CAT, « il ne faut pas passer du rien au tout, mais il faut réguler ».

Même l’UNPLV a accepté, lors de son audition, le principe de mesures de régulation supplémentaires, tout en questionnant la pertinence des mesures proposées. C’est la raison pour laquelle l’association a créé la plateforme « La voix des hébergeurs », qui vise à « recueillir les témoignages d’hébergeurs de toute la France et de les rassembler autour de propositions communes, pour une révision plus juste des règles encadrant le secteur de la location touristique de courte durée » ([53]).

4.   De nouveaux outils sont possibles

Les élus locaux rencontrés par vos rapporteurs sont fortement demandeurs de nouvelles facultés d’agir pour réguler le marché locatif dans leur territoire. Le maire d’Ajaccio a ainsi demandé la création d’ « outils flexibles, que les collectivités puissent adapter en fonction du contexte économique ». Il a également appelé à des outils permettant, non seulement de freiner la transformation de biens résidentiels en biens de tourisme, mais de favoriser le retour des biens transformés dans le secteur résidentiel.

a.   La généralisation de l’enregistrement

L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) a rappelé que, selon une enquête menée auprès de ses adhérents, la fin du conditionnement de la mise en place d’un numéro d’enregistrement à la mise en œuvre préalable de la réglementation du changement d’usage constitue « la principale revendication des élus sur le sujet des meublés », les élus souhaitant en premier lieu la généralisation de l’utilisation de l’API meublés (voir supra).

Dans le même sens, la CAT a demandé l’application du numéro d’enregistrement à l’ensemble des locaux de tourisme, et plus seulement dans les collectivités qui appliquent le changement d’usage, selon le principe que toute activité commerciale doit être enregistrée, et afin que les collectivités aient des données complètes sur l’ensemble du parc ; demande appuyée par l’Umih, qui a insisté sur l’importance d’un « inventaire exhaustif » du parc à la main des élus locaux. Ce « désencastrement » du numéro d’enregistrement et du changement d’usage, dit aussi « décorrélation », peut prendre plusieurs formes : certains préconisent un enregistrement général, partout sur le territoire, tandis que d’autres préfèrent un outil à la main des communes.

À l’appui de cette proposition, la DHUP met en avant le fait que la décision d’enclencher l’enregistrement a souvent été trop tardive par rapport à la dynamique haussière observée dans le parc immobilier. Cela a été le cas, qu’il s’agisse d’un choix autonome de la commune ou en conséquence d’un nouveau zonage. Or l’enregistrement serait plus efficace s’il était mis en œuvre en amont de telles évolutions et participait à la connaissance du parc.

Le Collectif national des habitants permanents a demandé la mise en place d’un observatoire permanent en mesure de consolider les données et de fournir aux collectivités une meilleure connaissance du marché, afin de mieux étayer leurs décisions réglementaires. Vos rapporteurs ont auditionné ParisVSBnb, observatoire bénévole qui extrait par moissonnage (scraping) les données d’Airbnb, qui représente 90 % du marché, pour le marché parisien, ce qui permet une cartographie à l’aide d’un système d’information géographique (SIG), mis à jour une fois par an. L’observatoire rapporte qu’en l’état du droit, la technologie utilisée peut poser des questions de légalité et nécessité une sécurisation. L’observatoire rapporte avoir demandé à travailler avec les services de l’État pour mettre en place un observatoire « en bonne et due forme ».

b.   La mise en place de quotas

Des communes ont mis en place un système de limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée, délivrées au titre de l’article L. 637-1 A du code de la construction, qui constitue dès lors un outil supplémentaire de régulation de l’offre dans les territoires fortement concernés par une tension locative.

La mesure semble particulièrement intéressante à vos rapporteurs, dans la mesure où elle permet de prendre les devants par rapport à la transformation massive des logements en location de courte durée, favorisant ainsi un traitement préventif et non plus curatif de la problématique.

Plusieurs villes, à commencer par Saint-Malo ou Val d’Europe (Marnela-Vallée), ont mis en œuvre de tels dispositifs. D’autres, à l’instar d’Annecy ou de Paris, ont souhaité l’instaurer mais n’ont pas pu aller, à ce jour, au bout de la procédure.

Val d’Europe Agglomération, constatant ainsi que la mise en œuvre du régime de changement d’usage « ne suffisait pas à enrayer la forte augmentation des meublés de tourisme sur le territoire de la communauté d’agglomération et donc à limiter la pénurie de logements », a délibéré en faveur de l’encadrement du nombre d’autorisations pouvant être délivrées au sein d’une même zone, de la subordination de tout changement d’usage de location de meublés de tourisme à l’obligation de compensation, et de l’autorisation, pour tout propriétaire personne physique, de procéder au changement d’usage à titre temporaire sans compensation pendant trois ans et dans la limite d’un logement par foyer fiscal ([54]).

De nombreux acteurs ont soutenu ces initiatives. La Confédération des acteurs du tourisme a rapporté avoir soutenu la mise en œuvre de quotas sur le territoire de Saint-Malo. Selon le Collectif national des habitants permanents (CNHP), la mise en place des quotas à Saint-Malo a emporté une baisse de 1 200 locaux en location de courte durée sur trois ans, avec notamment 400 remises sur le marché et 400 logements remis en location familiale. En tout état de cause, la mesure n’aurait pas créé de vacance particulière.

La DHUP a attiré l’attention de vos rapporteurs sur certains des risques à parer : il semble nécessaire de prévoir une limitation dans le temps du dispositif, pour répondre aux exigences du droit européen de la concurrence. Une sélection transparente est également nécessaire avec des mesures de publicité, afin d’éviter des effets de premier venu-premier servi.

c.   La mobilisation d’une servitude d’urbanisme

Les attentes sont nombreuses quant à la possibilité d’instituer une servitude d’urbanisme qui limiterait, dans certaines zones identifiées du règlement du PLU, la capacité à créer des meublés de tourisme. Il faut rappeler à cet égard que la servitude concerne les constructions neuves, et doit être justifiée par un motif d’intérêt général impérieux, qui justifie de porter atteinte au droit de propriété, ce motif pouvant dans le cas d’espèce être la lutte contre l’attrition du logement dû à la tension touristique.

Une autre difficulté de la création de servitudes résulte de la difficulté de contrôler l’usage des biens, notamment sur une longue période, en ce qui concerne la location de meublés touristiques. Plusieurs contributeurs ont ainsi estimé qu’il pourrait être plus simple d’instituer des servitudes de résidences principales. En effet, le parc de résidences secondaires progresse, et il progresse plus vite que la population et que le parc de résidences principales.

Début 2021, selon l’Insee, on comptait 3,7 millions de résidences secondaires et de logements occasionnels en France (hors Mayotte), ce qui représentait 9,9 % du parc de logements ordinaires. En Angleterre, par comparaison, il existe 809 000 résidences secondaires ([55]), bien que le même phénomène d’augmentation y soit observable. Selon l’Insee, en France, « leur rythme d’accroissement a été très élevé dans les années 1980, puis a baissé au début des années 1990, avant d’accélérer à nouveau au début des années 2010 pour se stabiliser autour de + 1,7 % par an depuis 2015. Entre 2020 et 2021, le rythme a fléchi à + 1,4 %, avec une croissance de 50 000 logements affectés à cet usage ». Cette croissance est à mettre en regard de la croissance de 1 % annuellement enregistrée par le parc total de logements.

Dans le territoire hexagonal, ces logements sont à 54 % des maisons et sont répartis sur le territoire de manière très inégale. Ils représentent un logement sur six dans les communes rurales, contre un sur dix dans toutes les communes, et sont peu présents dans les grandes agglomérations. Ces logements se concentrent majoritairement sur les littoraux méditerranéen et atlantique – environ 40 % de l’ensemble – et à la montagne – 20 %. Dans les départements et régions d’outre‑mer (hors Mayotte), les résidences secondaires sont relativement moins présentes, correspondant à environ 5 % des logements ordinaires.

Les dynamiques de croissance parfois extrêmement fortes enregistrées dans certains territoires justifient, selon l’avis de nombreuses personnes auditionnées, de réfléchir aux possibilités de les encadrer par des mesures inscrites dans les documents qui sont à la main des collectivités.

d.   Le rééquilibrage ou l’inversion des dispositions fiscales

La location meublée non professionnelle bénéficie à l’heure actuelle de plusieurs dispositions qui en font un placement particulièrement avantageux, jouissant d’une rentabilité sans commune mesure avec des instruments plus classiques.

En particulier, l’une des singularités fiscales de ce type d’activité réside dans la possibilité de déduire des amortissements au cours de la location et de ne pas les prendre en compte au moment de la cession dans le calcul de la plus-value. Au cours de la location, on considère que le bien se dégrade et donc qu’il perd de la valeur, ce qui justifie la déduction des amortissements des revenus tirés de la location. A contrario, au moment de la cession, pour l’imposition sur les plus‑values au titre de l’impôt sur le revenu, on considère que le bien n’a pas perdu de valeur, et c’est le prix d’acquisition qui est considéré indépendamment des amortissements déduits, mode de calcul qui semble décorrélé de la réalité économique du bien.

Ainsi, pour un même appartement loué en meublé, acquis à 100 000 euros duquel on a déduit 10 000 euros d’amortissements au cours des années de location et qui est revendu à 120 000 euros :

– les amortissements seront déduits des revenus tirés de la location lorsque celle-ci sera réalisée à titre non professionnel mais ne seront pas réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession. Le contribuable sera imposé sur 120 000‑100 000 euros = 20 000 euros ;

– les amortissements seront déduits des revenus tirés de la location lorsque celle-ci sera réalisée à titre professionnel mais seront réintégrés au moment du calcul de la plus-value de cession. Le contribuable sera imposé sur 120 000 - (100 000 ‑
10 000) euros = 30 000 euros.

Dans le cas de la location nue, la déduction des amortissements n’est pas permise.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, la commission des finances de notre Assemblée avait adopté un amendement de son rapporteur général, Jean-René Cazeneuve, visant à corriger cette anomalie pour les biens loués à des fins touristiques au régime de la location meublée non professionnelle. Pour ces biens, les amortissements déduits des revenus de la location sont réintégrés dans le calcul des plus-values de cession. Cet amendement n’a toutefois pas été retenu dans le texte considéré comme adopté en séance publique.

II.   Les dispositions du texte

Avec les membres de son groupe politique (Socialistes et apparentés), votre rapporteur a déposé dès le mois de février 2023 une proposition de loi portant des mesures d’urgence pour favoriser l’accès au logement dans les zones tendues ([56]). Dans le même temps, avec Vincent Rolland (LR), votre rapporteure a mené pour la commission une mission d’information sur le coût du logement dans les zones touristiques et tendues, qui a abouti en avril à la présentation d’un rapport préconisant des évolutions législatives sur ce sujet ([57]).

Dans un cadre transpartisan et en concertation avec le président de la commission, Guillaume Kasbarian, vos rapporteurs ont déposé le présent texte avec leurs groupes respectifs et l’appui du groupe Horizons et de son président Laurent Marcangeli, et de membres du groupe Démocrate.

Dans sa version initiale, le texte comporte trois articles qui abordent chacun l’un des aspects de la problématique.

L’article 1er A, créé par la commission, soumet toute location d’un meublé de tourisme à une obligation de déclaration en mairie accompagnée d’un enregistrement auprès d’un téléservice national, qui délivrera systématiquement un « numéro de déclaration » ou « numéro d’enregistrement ».

L’article 1er intègre à la réglementation du changement d’usage des locaux d’habitation les obligations énergétiques qui s’imposent aux logements en application de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, en prévoyant l’application, dès la promulgation du texte, d’une obligation d’avoir une étiquette A à D pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage définitif , et d’une obligation de respecter les obligations échelonnées de performance énergétique pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage temporaire. L’article prévoit que le stock des locaux ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation définitive devront se mettre en conformité avec la loi ans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

L’article 1er bis, créé par la commission, dote toutes les communes de la faculté, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre de jours maximal de mise en location de la résidence principale. Il dote également les communes ayant décidé de réglementer les changements d’usage de la faculté d’élargir le régime du changement d’usage à l’ensemble des locaux qui ne sont pas à usage d’habitation. Enfin, il crée une amende administrative prononcée par la commune pour défaut d’enregistrement ainsi qu’une nouvelle amende civile pour faux numéro de déclaration.

L’article 2 élargit à toutes les communes la faculté de définir, sans besoin d’autorisation préfectorale, une réglementation du changement d’usage. Il ouvre également la faculté aux communes de définir des quotas d’autorisations de changement d’usage et de délimiter, dans le règlement d’urbanisme, des secteurs où s’applique, pour toute construction nouvelle, une servitude de résidences principales. Il apporte des clarifications au régime du changement d’usage afin de simplifier l’administration de la preuve de l’usage d’habitation et d’ouvrir la réglementation du changement d’usage temporaire aux personnes morales.

L’article 3 modifie la fiscalité applicable aux meublés de tourisme, en prévoyant une réduction des abattements fiscaux et des plafonds de chiffre d’affaires applicable au sein du régime « micro-BIC » pour l’ensemble des meublés classés et non classés, en différenciant toutefois les régimes applicables selon leur localisation en zone très peu dense ou non au sens de l’Insee.

L’article 4, créé par la commission, réintègre les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession soumises à l’impôt sur le revenu.

L’article 5, créé par la commission, prévoit l’information préalable systématique du syndic de copropriété lorsqu’un meublé de tourisme fait l’objet de la déclaration obligatoire prévue et renforcée à l’article 1er A du présent texte, ainsi que l’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété et l’affichage de cette information dans les parties communes.


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   COMMENTAIRES Des ARTICLES

Article 1er A (nouveau)
(article L. 324-1-1 du code du tourisme)
Généralisation du numéro de déclaration des meublés de tourisme

 

Créé par la commission

 

L’article 1er A, créé par la commission, soumet toute location d’un meublé de tourisme à une obligation de déclaration en mairie accompagnée d’un enregistrement auprès d’un téléservice national, qui délivrera systématiquement un « numéro de déclaration » ou « numéro d’enregistrement ».

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le droit actuel prévoit un système de déclaration à deux niveaux :

– dans toutes les communes, la mise en location d’une résidence autre que principale est soumise à une obligation de déclaration préalable auprès de la mairie ([58]) : cette déclaration n’est pas obligatoire pour les résidences principales, ne fait pas l’objet d’une procédure d’enregistrement et ne prévoit pas de pièces justificatives particulières ;

– les communes qui ont mis en œuvre un dispositif de réglementation du changement d’usage (voir introduction et commentaire de l’article 2) peuvent subordonner toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à enregistrement ([59]). Dans ce cas, les résidences principales sont concernées, et la déclaration doit indiquer si le bien offert à la location constitue la résidence principale du loueur. Un numéro d’enregistrement est délivré au loueur à la réception de la déclaration.

II.   Les dispositions adoptÉEs par la commission

L’article 1er A résulte de l’adoption, avant l’article 1er, d’un amendement CE179 de vos rapporteurs.

Le b du  du I généralise la procédure d’enregistrement à toute déclaration préalable de mise en location d’un meublé de tourisme, quelle que soit la commune, et qu’il s’agisse d’une résidence principale ou non. Comme rapporté dans l’introduction, il s’agit d’une mesure plébiscitée par une grande partie des acteurs que vos rapporteurs ont rencontrés. La généralisation de ce numéro est apparue, au cours des travaux de vos rapporteurs, comme un préalable indispensable à une meilleure connaissance du parc par les collectivités territoriales, et dès lors une condition nécessaire pour prendre des mesures de régulation cohérentes et éclairées.

Il est donc prévu que toute déclaration préalable est soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national. L’adoption du sous-amendement CE188 de M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT) prévoit qu’en Corse, cet enregistrement se fait auprès d’un téléservice géré par la collectivité de Corse.

Comme le prévoit le deuxième alinéa du b du 1° du I, la déclaration en mairie devra indiquer si le meublé offert à la location constitue une résidence principale. Toute déclaration complète fera l’objet d’un accusé de réception électronique avec un numéro de déclaration.

L’article prévoit (dernier alinéa du b du 1° du I) également qu’un décret déterminera les informations et pièces justificatives qui sont exigées pour l’enregistrement. Ce décret devra être pris au regard du règlement européen, en cours de négociation, concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, et modifiant le règlement (UE) 2018/1724.

Le deuxième alinéa du c du 1° du I prévoit expressément que la commune pourra désormais, qu’il s’agisse ou non de la résidence principale du loueur, lui demander de transmettre le nombre de jours de location dans l’année jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la mise en location.

Par coordination avec la suppression de la différence entre déclaration et enregistrement, le d du 1° du I modifie le champ de la faculté de mise en œuvre du changement d’usage des locaux à usage commercial : au lieu de concerner les communes ayant mis en œuvre l’enregistrement, il concernera désormais celles qui ont activé un règlement de changement d’usage.

Par coordination, le  du I procède à un élargissement du champ de l’obligation des intermédiaires de location, notamment les plateformes, de transmettre des informations à la demande de la commune.

Le II, compte tenu de la charge technique qu’implique la création d’un tel système d’information, qui devra gérer des flux considérables de demandes, prévoit une date d’application reportée dans le temps et qui devra intervenir en tout état de cause au plus tard le 1er janvier 2026, report qui permettra, avant le lancement, l’élaboration d’une plateforme robuste en mesure de servir l’ensemble des collectivités.

*

* *

Article 1er
(articles L. 631-10 [nouveau] et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation)
Application des obligations de diagnostic de performance énergétique et de décence énergétique aux locaux meublés de tourisme

 

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 1er intègre à la réglementation du changement d’usage des locaux d’habitation les obligations énergétiques qui s’imposent aux logements en application de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, en prévoyant l’application, dès la promulgation du texte, d’une obligation d’avoir une étiquette A à D pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage définitif , et d’une obligation de respecter les obligations échelonnées de performance énergétique pour l’obtention d’une autorisation de changement d’usage temporaire. L’article prévoit que le stock des locaux ayant d’ores et déjà fait l’objet d’une autorisation définitive devront se mettre en conformité avec la loi ans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Le droit immobilier prévoit, parmi les obligations du bailleur, celle de « remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation » ([60]).

Dans le cadre de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », le législateur a créé de nouveaux critères pour le logement décent, qui visent, selon un échéancier déterminé par la loi, à éliminer à horizon 2028 les passoires énergétiques et à favoriser l’amélioration de la performance de tout le parc locatif, processus qui s’inscrit au sein de l’objectif plus large de parvenir en 2050 à un parc entièrement performant ([61]).

 

Calendrier de l’indÉcence ÉnergÉtique et des obligations des copropriÉtÉs

 

Calendrier de l’indécence énergétique

Copropriétés
> 200 lots

Copropriétés
entre 51 et 200 lots

Copropriétés
< 50 lots

1er janvier 2023

Logements G consommant plus de 450 kWh/m²/an

[*loi énergie-climat]

Élaboration obligatoire d’un PPT

 

 

1er janvier 2024

 

Élaboration obligatoire d’un DPE collectif

Élaboration obligatoire d’un PPT

 

1er janvier 2025

Tous les logements G

 

Élaboration obligatoire d’un DPE collectif

Élaboration obligatoire d’un PPT

1er janvier 2026

 

 

Élaboration obligatoire d’un DPE collectif

1er janvier 2028

Tous les logements F

 

1er janvier 2034

Tous les logements E

 

 

 

Source : commission des affaires économiques, rapport d’information n° 247 sur la mise en application de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, janvier 2023.

L’impulsion d’une dynamique de transformation du bâti par la rénovation massive des logements énergivores repose sur une évaluation préalable de l’état de leurs consommations énergétiques. S’inscrivant dans la continuité des précédentes lois (loi du 17 août 2015 pour la transition énergétique et la croissance verte et loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat), le législateur a fait le choix d’appuyer cet effort sur une gamme d’instruments renforcée pour l’état des lieux thermique, en faisant notamment une place particulière au diagnostic de performance énergétique (DPE).

Le DPE est devenu, ces dernières années, un document dont la présentation est obligatoire en matière de vente et de location de logements, du fait notamment de l’obligation de faire figurer le classement énergétique dans les annonces immobilières au moment de la vente et de la mise en location, quoique le document lui-même ait longtemps eu une portée essentiellement indicative.

Le législateur et le pouvoir réglementaire ont porté de façon concomitante, en 2021, une évolution majeure du diagnostic de performance énergétique en faisant dépendre du respect des seuils le droit pour les propriétaires d’offrir leur bien à la location en instaurant, en France hexagonale ([62]), le double seuil de ses étiquettes, en fonction à la fois du niveau de consommation énergétique primaire (Cep) du logement et de sa performance en matière d’émissions de gaz à effet de serre (EGES) ([63]).

Correspondance des Étiquettes ÉnergÉtiques
et du double seuil Énergie primaire/Émissions de GES

ARTICLE L. 173-1-1
DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’HABITATION

ARRÊTÉ DU 31 MARS 2021 ANNEXE 5*
(PRÉSENTATION SIMPLIFIÉE)

Extrêmement performants

Classe A

Cep** < 70

EGES*** < 6

Très performants

Classe B

Cep ≥ 70

EGES ≥ 6

Assez performants

Classe C

Cep ≥ 110

EGES ≥ 11

Assez peu performants

Classe D

Cep ≥ 180

EGES ≥ 30

Peu performants

Classe E

Cep ≥ 250

EGES ≥ 50

Très peu performants

Classe F

Cep ≥ 330

EGES ≥ 70

Extrêmement peu performants

Classe G

Cep ≥ 420

EGES ≥ 100

Pour les biens situés en zone climatique H1b, H1c et H2d ([64]) et à une altitude supérieure à 800 mètres, les classes E, F et G sont définies selon des seuils différents.

** Cep : consommation totale d’énergie primaire, exprimée en kilowattheures consommés par mètre carré habitable par an [kWhep/(m².an)]. *** EGES : émissions de gaz à effet de serre, exprimées en kilogrammes équivalents CO2 par mètre carré par an [kgCO2eq/(m².an)].

Les niveaux de performance ainsi définis ont vocation à servir de fondement aux dispositions précisant les locaux bénéficiant des différentes mesures mises en place par les pouvoirs publics pour inciter les propriétaires à rénover les logements.

La référence aux nouvelles étiquettes énergétiques est également retenue dans le gel des loyers des logements classés F et G, auxquels ne peut plus désormais, depuis le 22 août 2022 et en application de l’article 159 de la même loi, s’appliquer annuellement l’indice de référence des loyers (IRL) qui permet sa révision régulière à la hausse.

II.   le dispositif proposÉ

Les dispositions de la proposition de loi prévoient l’insertion d’une nouvelle section à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

En premier lieu, le A du I bis codifié soumet la location d’un meublé de tourisme à l’établissement préalable d’un DPE, imposant de cette façon aux meublés l’obligation que la loi de 1989 prévoit pour les logements. La réalisation du DPE permet dès lors de vérifier que les biens correspondent à un critère de performance énergétique calqué sur celui de la loi Climat et résilience :

– à partir du 1er janvier 2025, les meublés G sont interdits ;

– à partir du 1er janvier 2028, les meublés F sont interdits ;

– à partir du 1er janvier 2034, les meublés E sont interdits.

Le B prévoit ensuite la faculté pour le conseil municipal de déroger à cette obligation pour les meublés de la commune, si des « circonstances locales particulières » le justifient. Les auteurs de la proposition de loi avaient à l’esprit le cas des communes de montagne ou littorales, dont une partie parfois importante, même majoritaire, du parc bâti, n’a pas vocation à être occupé à l’année et ne peut être adapté dans les mêmes conditions que celui de la majorité des communes.

Le C et le D visent à s’assurer de la bonne mise en œuvre de l’obligation prévue au A par la création d’un moyen de contrôle ex ante ou ex post à la main de la commune.

Le C prévoit la possibilité pour le conseil municipal d’instaurer un régime d’autorisation préalable de mise en location de courte durée qui permet, lorsque le DPE n’est pas valide, de rejeter la demande d’autorisation formulée par le propriétaire. La mise en location sans autorisation ou en violation d’une décision de rejet est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 3 000 euros.

Le D prévoit, pour les communes qui ne se sont pas dotées du régime d’autorisation prévu au C, la faculté pour le maire de mettre en demeure tout bailleur ayant mis en location un meublé de tourisme au moins une fois dans l’année de transmettre une copie du DPE. En cas de manquement à cette mise en demeure ou de DPE n’attestant pas du respect des obligations, le maire peut là aussi prononcer une amende administrative d’un montant maximal de 3 000 euros.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

La commission a adopté un amendement CE182 de vos rapporteurs portant rédaction globale de l’article 1er. Cette rédaction s’inscrit dans la logique de l’article initial, d’extension aux meublés de tourisme des obligations qui découlent de la décence énergétique pour la location locative traditionnelle, tout en conservant la possibilité pour les élus locaux de s’appuyer sur une volonté et une analyse locale.

Afin de remédier à certaines fragilités juridiques et techniques de la rédaction initiale, que vos rapporteurs ont retravaillée à l’occasion de leurs travaux préparatoires, la nouvelle rédaction adosse la disposition au régime existant du changement d’usage. Le I de l’article crée à cet effet un nouvel article L. 631-10 au code de la construction et de l’habitation, dans la section du code consacrée aux changements d’usage des locaux d’habitation. Cet article prévoit :

– pour l’obtention de l’autorisation définitive en vue d’une location de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, visée à l’article L. 631‑7, les propriétaires des locaux concernés devront présenter un diagnostic de performance énergétique classé entre les niveaux A et D ;

– pour l’obtention de l’autorisation temporaire visée à l’article L. 631‑7‑1 A, les propriétaires des locaux concernés doivent justifier du respect des exigences énergétiques minimales mentionnées aux quatrième à sixième alinéas de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 tels qu’ils résultent de l’article 160 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Concrètement, pris en conjonction avec les évolutions proposées à l’article 2, qui étend le changement d’usage à l’ensemble des communes qui en font le choix, par délibération simple ou motivée du conseil municipal, selon le cas, la rédaction revient à mettre en œuvre une obligation largement applicable.

La rédaction évite toutefois les risques d’inégalité territoriale posés par la première rédaction, et exclut a priori les résidences principales que les propriétaires occupants pourraient mettre en location de courte durée quelques jours, qui ne sont pas visées par la mesure.

Le II de l’article prévoit l’application de la mesure au stock de locaux qui ont déjà fait l’objet d’une autorisation définitive de changement d’usage, en définissant un délai de mise en œuvre de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.

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Article 1er bis (nouveau)
(article L. 324-1-1 du code du tourisme)
Faculté de la commune d’abaisser le plafond annuel de jours de mise en location des résidences principales et amendes en cas de fausses déclarations

Créé par la commission

 

L’article 1er bis, créé par la commission, dote toutes les communes de la faculté, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre de jours maximal de mise en location de la résidence principale. Il dote également les communes ayant décidé de réglementer les changements d’usage de la faculté d’élargir le régime du changement d’usage à l’ensemble des locaux qui ne sont pas à usage d’habitation. Enfin, il crée une amende administrative prononcée par la commune pour défaut d’enregistrement ainsi qu’une nouvelle amende civile pour faux numéro de déclaration.

1.   La création d’une faculté pour la commune de moduler le plafond de nuitées de mise en location de la résidence principale

L’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs prévoit que la qualité de résidence principale se perd si le logement est occupé moins de 8 mois par an par son titulaire. Par cohérence, le législateur a fixé une durée maximale de 120 jours de mise en location en résidence principale pour des séjours de courte durée ([65]). Il est possible, pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure, de déroger à ce plafond de 120 jours.

Le  de l’article 1 bis résulte de l’adoption des amendements identiques CE88 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes, CE134 de M. Julien Bayou et des membres du groupe Écologiste – NUPES et CE148 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT. Il donne aux communes la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours durant lesquels toute personne peut offrir à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale, dans la limite de 90 jours au minimum contre 120 jours aujourd’hui.

La procédure d’enregistrement (voir commentaire de l’article 1er A) a notamment pour objectif de vérifier le respect du plafond des 120 jours de location pour les résidences principales. Les intermédiaires de location sont associés au contrôle du respect de cette obligation : ils doivent retirer du marché de la location tout meublé de tourisme déclaré comme résidence principale qui serait loué plus de 120 jours au cours d’une même année civile ([66]). Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par annonce faisant l’objet du manquement ([67]).

2.   La réglementation du changement d’usage élargie

Le résulte de l’adoption des amendements identiques CE80 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance et CE107 de M. Christophe Plassard et des membres du groupe Horizons, sous-amendés par l’amendement CE187 du Gouvernement.

Cette mesure vise à résoudre une difficulté mise en évidence au cours des auditions de vos rapporteurs : au fur et à mesure que les communes ont mis en place des règlements de changement d’usage, les investisseurs ont eu tendance à se tourner d’abord vers la transformation de locaux commerciaux en locaux de tourisme, par exemple en rez-de-chaussée de centre-bourg. Pour résoudre cette première difficulté, le législateur a adopté, lors de la loi du 27 décembre 2019 dite « engagement et proximité », pour les communes ayant mis en œuvre le régime du changement d’usage, la faculté de soumettre à autorisation la location l’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme. Un décret du 11 juin 2021 a détaillé les modalités d’application de ce texte qui permettait donc d’étendre la soumission à autorisation du régime du changement d’usage au-delà de l’habitation.

Il a résulté de cette disposition un nouveau comportement de déport de la part des investisseurs, cette fois-ci vers les bureaux. Le élargit donc à nouveau le régime du changement d’usage, afin qu’il concerne désormais l’ensemble des locaux qui pourraient être transformés en meublés de tourisme, quel que soit leur usage initial.

3.   L’amende civile pour défaut d’enregistrement transformée en amende administrative à la main de la commune

Le  résulte de l’adoption d’un amendement CE59 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR. Il traite de deux sujets, dont le premier concerne les loueurs qui ne procèdent pas à cet enregistrement préalable : ils sont actuellement sanctionnés par une amende civile, qui s’avère peu efficace compte tenu des délais de procédure, qui permettent aux loueurs d’échapper aux contrôles des agents assermentés plusieurs mois durant.

L’article remplace donc l’amende civile par une amende administrative, prononcée par la commune. Son montant resterait inchangé, à 5 000 euros maximum.

4.   La création d’une nouvelle amende administrative en cas d’utilisation d’un faux numéro

Le même 3° de l’article traite aussi du cas des loueurs qui utilisent, sur leurs annonces, un faux numéro d’enregistrement, que ce soit en inscrivant une suite de chiffre inventée de toutes pièces, ou en recopiant un numéro d’enregistrement existant et appartenant à un autre loueur.

D’autres loueurs procèdent à leur enregistrement préalable mais fournissent à la commune de fausses informations, que ce soit sur leur identité, l’adresse précise du local ou si celui-ci constitue sa résidence principale.

Aucune sanction n’étant prévue à ce jour, le texte voté par la commission crée une amende administrative spécifique, prononcée par la commune, pour sanctionner ces comportements frauduleux, d’un montant de 15 000 euros.

 

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Article 2
(articles L. 631-7, L. 631-7-1 A, L. 631-9, L. 651-2 et L. 651-2-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation ; articles L. 151-14-1 [nouveau], L. 153-31, L. 153-45 et L. 4814 [nouveau] du code de l’urbanisme ; article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ; article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales)
Extension du champ d’application du régime de changement d’usage et création de servitudes d’usage d’habitation dans les programmes de logement

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 élargit à toutes les communes la faculté de définir, sans besoin d’autorisation préfectorale, une réglementation du changement d’usage. Il ouvre également la faculté aux communes de définir des quotas d’autorisations de changement d’usage et de délimiter, dans le règlement d’urbanisme, des secteurs où s’applique, pour toute construction nouvelle, une servitude de résidences principales. Il apporte des clarifications au régime du changement d’usage afin de simplifier l’administration de la preuve de l’usage d’habitation et d’ouvrir la réglementation du changement d’usage temporaire aux personnes morales.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, afin de parer aux difficultés massives liées à l’indisponibilité de logements, un principe d’interdiction de tout changement d’affectation des locaux à usage d’habitation, auquel le préfet pouvait déroger dans certaines conditions, a été posé par l’ordonnance du 11 octobre 1945, principe codifié en 1978 aux articles L. 631‑7 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

Plusieurs modifications du régime applicable sont intervenues, notamment le transfert du préfet au maire de la compétence pour délivrer l’autorisation de changement d’usage ([68]), et l’intégration dans son champ des locations de courte durée de locaux meublés lors de la loi du 23 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), qui précise que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage » ([69]).

Les dispositions ont pour effet de soumettre par principe à autorisation préalable tout changement d’usage d’un local affecté à l’habitation en fonction des caractéristiques des communes ([70]) :

– de droit dans les communes comptant plus de 200 000 habitants ou situées dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, ou le Val-de-Marne ;

– sur délibération de l’organe délibérant, dans les communes situées dans une « zone tendue » au sens de la liste fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts ([71]), qui renvoie à deux types de tension ([72]), dont celle qui résulte de la « secondarisation » du parc résidentiel et a justifié l’adaptation du décret « zones tendues » du 25 août 2023 ([73]) :

«  Dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social ;

«  Dans les communes ne respectant pas les conditions prévues au 1° et où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou la proportion élevée de logements affectés à l’habitation autres que ceux affectés à l’habitation principale par rapport au nombre total de logements. » ;

– sur décision du préfet après proposition du maire, qui la motive au moyen d’études territoriales, dans toutes les autres communes.

Le changement d’usage est une notion spécifique au droit de l’habitation ([74]), dont l’appréhension est précisée par les autres dispositions de l’article L. 631-7 :

– constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location ;

– un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. Cette disposition pose en l’état un certain nombre de problèmes d’ordre contentieux ;

– cependant, quand une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation ;

– sont frappés de nullité de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation de cet article.

La procédure d’autorisation préalable au changement d’usage est précisée par l’article L. 631-7-1, qui prévoit que :

– l’autorisation préalable au changement d’usage est délivrée par le maire de la commune, après avis, à Paris, à Marseille et à Lyon, du maire d’arrondissement. Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage ;

– l’autorisation de changement d’usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu’il est mis fin, à titre définitif, à l’exercice professionnel du bénéficiaire. Toutefois, lorsque l’autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne. Dans les deux cas, l’usage des locaux n’est pas affecté par la prescription trentenaire ;

– pour l’application de l’article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si la commune est membre d’un EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme (PLU), la délibération est prise par l’organe délibérant de l’EPCI.

Le changement d’usage fait l’objet d’un contentieux nourri. Au terme d’un long parcours judiciaire de la Ville de Paris, la CJUE a rendu en 2020 un arrêt précisant les conditions d’admissibilité d’une réglementation du changement d’usage, laquelle est justifiée par « la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée [qui] constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation ». Les juges nationaux sont invités à examiner cinq points particuliers, résumés comme suit, que le législateur a donc tout intérêt à prendre également en compte dans l’élaboration d’un dispositif normatif :

– la fixation de critères clairs, non-ambigus, objectifs, rendus publics à l’avance, transparents et accessibles ;

– l’exigence de proportionnalité du mécanisme de compensation offert aux communes et du quantum de l’obligation de compensation ;

– la prise en considération des modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation, notamment quant au point de savoir si l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement ;

– la clarté et l’objectivité suffisantes du dispositif.

II.   le dispositif proposÉ

L’article 2 vise à doter les élus de compétences élargies pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique.

Le a du 1° du I élargit le régime du changement d’usage d’office prévu à l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, qui ne concerne actuellement que les communes de plus de 200 000 habitants ainsi que celle des trois départements de la petite couronne francilienne, pour concerner l’ensemble des zones tendues.

Le b du 1° du I prévoit que ce même régime peut s’appliquer, dans toutes les communes, au sein de secteurs définis par le code de l’urbanisme en application des dispositions du II.

Le 2° du I conforte, à l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, le régime pénal du changement d’usage, en dotant l’autorité organisatrice de l’habitat ou l’EPCI compétent en matière d’urbanisme de la compétence pour assigner en justice la personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 précité, à des fins d’application de l’amende administrative.

Le II prévoit, à l’article L. 151-41 du code de l’urbanisme, une faculté d’encadrer l’usage futur dans le plan local d’urbanisme. Dans la section prévoyant les servitudes et les emplacements réservés, il dispose que le règlement du PLU peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logements, les locaux sont destinés exclusivement à l’usage d’habitation.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

L’article 2 a fait l’objet d’une réécriture complète et d’enrichissements conséquents par l’adoption d’un certain nombre d’amendements.

1.   L’extension et la simplification du régime du changement d’usage

L’adoption de deux amendements identiques CE178 de vos rapporteurs et CE161 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance a modifié les critères de mise en œuvre du régime de changement d’usage.

Dans son texte initial, la proposition de loi tendait à élargir le nombre de communes dans lesquelles s’applique la règle du changement d’usage, en visant l’ensemble des communes situées en zone tendue au sens de l’article L. 31‑10‑2 du code de la construction et de l’habitation.

Or, depuis le dépôt de la proposition en avril, le décret d’application de l’article 73 de la loi de finances pour 2023 ([75]) a procédé à un élargissement significatif du nombre de communes dans lesquelles le changement d’usage peut être instauré sur simple délibération de l’organe délibérant, sans en passer par l’autorisation du préfet. Il s’agit d’une avancée saluée par vos rapporteurs, puisqu’elle donne à davantage de communes les outils pour protéger leur parc de logements.

La nouvelle rédaction du a et du a bis du 1° du I prend acte de cette évolution récente en remplaçant la référence précédente par une référence au « décret mentionné au I de l’article 232 du code général des impôts ». Les communes comprises dans les zones tendues listées par ce décret pourront être soumises, sur décision de l’organe délibérant, à un régime de changement d’usage (qui emportera aussi, conformément à l’article 1er du présent texte, application des obligations de performance énergétique). Pour beaucoup d’entre elles, il s’agit d’une simplification et d’un renforcement, là où il leur fallait, en l’état du droit, attendre l’autorisation préfectorale pour prendre une telle décision.

Les  quater du I prévoit en outre que les territoires qui ne sont pas compris dans une zone tendue au sens du décret précité pourront également appliquer le régime du changement d’usage sans en passer par une décision préfectorale comme c’est le cas dans le droit actuel, à condition toutefois que leur organe délibérant adopte en ce sens une délibération motivée au regard des « éléments caractéristiques de la tension locative ». L’amendement revêt donc aussi une visée simplificatrice, puisqu’il permet de passer de trois catégories de communes à seulement deux, en fonction uniquement de leur situation ou non en zone tendue.

2.   La sécurisation de la preuve du changement d’usage

La commission a adopté deux amendements identiques CE34 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et CE78 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance, qui permet de clarifier le régime de la preuve de l’usage du local.

La loi à cet effet prévoit qu’ « un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 » ([76]). En l’état de la jurisprudence, il revient aux collectivités, dans les contentieux contre les loueurs de meublés de tourisme qui n’ont pas sollicité l’autorisation obligatoire de changement d’usage des locaux d’habitation, de démontrer que le logement en question était affecté à l’usage d’habitation au 1er janvier 1970.

Or l’état de la documentation, qui date désormais de plus de cinquante ans, ne permet pas toujours de rapporter cette preuve au 1er janvier 1970. Cette difficulté s’est encore accrue avec l’interprétation restrictive que la Cour de cassation a faite de ces dispositions dans plusieurs arrêts en 2020 et 2021, et plus récemment le 7 septembre 2023 ([77]).

Les trois premiers alinéas du a quater clarifient donc la rédaction, en prévoyant que tout local ayant reçu une affectation à usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage, sauf une décision explicite qui est intervenue ultérieurement pour en changer l’usage. Cette rédaction laisse supporter la charge de la preuve aux communes, mais facilite son administration dès lors que la démonstration d’un usage d’habitation ne doit plus se faire exactement à la date du 1er janvier 1970.

Le a ter et le quatrième alinéa du a quater procèdent à une distinction plus précise entre l’usage du local, notion consacrée par cet article dans le code de la construction et de l’habitation, et sa destination, définie par l’autorisation d’urbanisme en application du code de l’urbanisme. Ces deux notions ne sont pas équivalentes : la première explique comment est utilisé le sol – par une exploitation agricole ou forestière, une habitation, une industrie, un commerce ou service ou un équipement public, selon les cinq catégories du code ([78]) – dans une logique d’aménagement ; la seconde comment est utilisé l’immeuble par ceux qui disposent de droits dessus.

3.   L’extension du règlement de changement d’usage aux personnes morales

Dans le droit en vigueur, l’article L. 631-7-1 A relatif à l’autorisation de changement d’usage temporaire s’applique aux seules propriétaires personnes physiques. Cette distinction, appliquée strictement par le juge, a encore été réaffirmée par le législateur à l’occasion de la loi « Élan » ([79]).

Cette disposition a pour effet d’empêcher les personnes morales d’avoir recours au changement d’usage temporaire. Ainsi, par exemple, la commune de Saint-Malo, habilitée à recourir au changement d’usage, a été amenée à rejeter une demande de changement de destination que lui avait adressée une société civile immobilière (SCI) pour la mise en location d’une habitation en tant que meublé touristique. Le tribunal a rejeté la requête dirigée contre cet arrêté par la société civile en notant que les dispositions applicables réservent aux seules personnes physiques la possibilité de bénéficier d’une autorisation temporaire de changement d’usage, dans les secteurs où le régime d’autorisation préalable est institué.

Les personnes morales, comme les sociétés civiles immobilières qui sont souvent propriétaires d’ensembles immobiliers importants, sont donc privées de cette faculté et doivent donc passer par la procédure du changement d’usage définitif ([80]).

Le  bis, qui résulte de l’adoption par la commission d’amendements CE81 de M. Antoine Armand et de membres du groupe Renaissance, CE101 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT et CE150 de M. Xavier Roseren (RE), ouvre explicitement le bénéfice du régime du changement d’usage temporaire aux personnes morales.

Selon les porteurs de l’amendement CE81, « pour encadrer le nombre de meublés de tourisme, des outils de régulation permettant de fixer des critères lors de la demande d’une autorisation temporaire ou définitive de changement d’usage des meublés de tourisme sont mis à la disposition des communes. Cependant, la rédaction actuelle du régime d’autorisation temporaire des meublés de tourisme n’inclut pas les personnes morales, ce qui ne permet pas aux communes d’imposer certaines mesures aux entreprises ou aux SCI particulièrement actives sur le marché des meublés de tourisme. À titre d’exemple, l’agglomération du Grand Annecy a porté une mesure ambitieuse visant à imposer des quotas sur le nombre de meublés de tourisme mis en location par des personnes physiques ou morales qui ne peut toutefois pas être appliquée en raison de la rédaction restreinte de l’article L. 631-7-1 A. Le champ d’application réduit des autorisations temporaires de changement d’usage crée une asymétrie dans la capacité qu’ont les collectivités à réguler les locations touristiques en fonction de la nature juridique du locataire et affaiblit significativement l’efficacité recherchée de certaines mesures de régulation temporaire ».

4.   La création d’un quota d’autorisations temporaires de changements d’usage

Tel qu’il résulte de l’adoption de l’amendement CE177 de vos rapporteurs, le deuxième alinéa du 1° ter crée, à l’article L. 631‑7-1 A du code de la construction et de l’habitation, la faculté pour les communes de limiter le nombre d’autorisations de changement d’usage temporaire pour la location de courte durée octroyées sur le fondement de cet article. Il fait suite au constat que certaines communes qui ont souhaité mettre en place un tel système ont été attaquées devant le juge administratif : c’est notamment le cas de Saint-Malo, dont vos rapporteurs ont auditionné le maire, M. Gilles Lurton, de La Rochelle, dont vos rapporteurs ont auditionné l’adjointe au maire chargée du logement, Mme Marie Nedellec, ou encore de Val d’Europe Agglomération

Pour des raisons d’équité dans l’accès au marché et de transparence, la rédaction adoptée précise que le conseil municipal définit alors non seulement le nombre d’autorisations de changement d’usage en meublés de tourisme et les périmètres auxquels il s’applique, mais aussi la durée de l’autorisation, qui doit être la même pour toutes les autorisations, et la procédure de sélection des candidats. Afin de permettre l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché lorsque le nombre maximum est atteint, la délibération doit également assurer des critères d’accès au marché équitables entre les nouveaux entrants et les renouvellements. La limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage n’est pas compatible avec le maintien de la délivrance d’autorisations définitives sans compensation au moins équivalente, sauf à entraîner une rupture d’égalité injustifiée entre les unes et les autres.

5.   La vérification de la conformité au bail et au règlement de copropriété

La commission a adopté un amendement CE69 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR, qui permet de renforcer l’association de la copropriété à la location de meublés de tourisme. Aujourd’hui, l’autorité administrative est tenue de délivrer l’autorisation de changement d’usage, alors même que l’activité exercée par le demandeur serait interdite par le règlement de copropriété ou, lorsque le demandeur est locataire, n’aurait pas été autorisée par le propriétaire. Cette situation peut donner lieu, selon les auteurs de l’amendement, à l’incompréhension des copropriétaires ou des bailleurs concernés, qui doivent engager eux-mêmes des procédures pour faire interdire l’activité pourtant autorisée par l’administration.

L’alinéa 15 ([81]) permet ainsi à l’autorité administrative de s’assurer préalablement de la régularité de la demande au regard des règles de la copropriété et de l’éventuel bail grâce à une attestation sur l’honneur produite par le demandeur. Cette mesure est inspirée des autorisations d’usage mixte, qui permettent d’exercer une activité professionnelle dans une partie de sa résidence principale, et qui prévoient une telle vérification. En effet, celle-ci est déjà délivrée « dès lors qu’aucune stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s’y oppose » ([82]).

6.   La sanction des intermédiaires qui participent à la commission des infractions des loueurs

Avec le développement des meublés de tourisme, de nouveaux acteurs sont apparus sur le marché : les intermédiaires de location de meublés de tourisme. Sous la forme de conciergeries ou d’agences de gestion locative, ces sociétés prospèrent en facilitant les locations de courtes durée, parfois en dépit de leur connaissance de leur atteinte à la réglementation du changement d’usage.

Ces intermédiaires sont soumis aux obligations issues de l’article L. 324‑2‑1 du code du tourisme, mais pour autant, ils ne peuvent être condamnés à l’amende civile de l’article L. 651‑2 du code de la construction et de l’habitation, qui sanctionne uniquement les agissements du loueur.

La commission a donc adopté plusieurs amendements identiques visant à responsabiliser ces intermédiaires : CE36 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes, CE56 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe GDR, CE79 de M. Antoine Armand et des membres du groupe Renaissance, CE106 de M. Christophe Plassard et des membres du groupe Horizons, CE113 de M. Jean-Félix Acquaviva et des membres du groupe LIOT.

Cette disposition soumet les intermédiaires qui participent à la commission des infractions du loueur à une amende civile, dont le montant ne peut excéder 50 000 euros, prononcée par le tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur assignation de la commune.

7.   L’institution d’une servitude de résidence principale dans le document d’urbanisme

La commission a adopté un amendement CE176 de vos rapporteurs qui vise à mieux outiller les collectivités face à la transformation de leur parc de résidences principales en résidences secondaires.

Le II de l’article 2, codifié au code de l’urbanisme, prévoit ainsi, en réponse à une demande fréquemment exprimée par les élus auditionnés, la faculté pour l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme d’instituer, dans le règlement, des secteurs où les constructions nouvelles à destination d’habitation sont soumises à une obligation d’usage au titre de résidence principale. Cette capacité ne sera ouverte qu’aux seules collectivités qui connaissent un taux de résidences secondaires supérieur à 20 %.

La mesure qui est à strictement proportionnée et subordonnée à la poursuite d’un impératif d’intérêt général :

– elle ne s’applique qu’au flux de constructions nouvelles et non au stock de constructions existantes, et ne revient donc pas sur des situations acquises ;

– sa mise en œuvre par la commune doit obligatoirement passer par une modification du règlement d’urbanisme ;

– elle est limitée aux seules communes qui connaissent un taux élevé de « secondarisation » de leur parc résidentiel ;

– elle est justifiée par l’impératif d’intérêt général de lutte contre l’attrition des résidences principales.

La servitude n’affectant pas le parc existant de logements, ceux qui souhaitent acquérir une résidence secondaire pourront encore le faire dans l’ancien.

La rédaction proposée prévoit un dispositif de mise en œuvre fondée sur la mention, en cas de mutation ou de contrat de bail, de l’existence de cette servitude, afin de garantir son application au gré des mutations. Une astreinte journalière est prévue afin de garantir le respect de la servitude, inspirée de l’astreinte qui est d’ores et déjà prévue à l’article L. 481‑1 du code de l’urbanisme pour la mise en œuvre des obligations d’urbanisme.

Le droit des baux est modifié par coordination afin de vérifier le respect de l’obligation d’occuper le bien à titre de résidence principale (IV de l’article 2).

Un amendement CE191 de vos rapporteurs, repris d’un sous-amendement de M. Jean-Félix Acquaviva déclaré irrecevable, a permis, au III de l’article 2, codifié au code général des collectivités territoriales, d’étendre cette faculté, en l’absence de plan local d’urbanisme, au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc).

 

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* *

Article 3
(articles 50-0 et 151-0 du code général des impôts)
Modifications de la fiscalité des locaux meublés de tourisme

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 3 modifie la fiscalité applicable aux meublés de tourisme, en prévoyant une réduction des abattements fiscaux et des plafonds de chiffre d’affaires applicable au sein du régime « micro-BIC » pour l’ensemble des meublés classés et non classés, en différenciant toutefois les régimes applicables selon leur localisation en zone très peu dense ou non au sens de l’Insee.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

Les revenus issus des locations meublées sont imposables, au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Selon le montant des revenus annuels, le loueur relève dès lors soit du régime réel d’imposition, soit du régime dit « micro-BIC ».

1.   Le régime avantageux du micro-BIC

Le régime du micro-BIC est régi par l’article 50-0 du code général des impôts. Il s’applique aux propriétaires dont les revenus issus de la location sont inférieurs à 77 700 euros, s’il s’agit d’une location meublée non classée, ou 188 700 euros s’il s’agit d’un meublé de tourisme classé ([83]).

Le régime du micro-BIC permet un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés non classés. Pour les meublés de tourisme classés, les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes, l’abattement fiscal est de 71 % des revenus locatifs annuels.

À titre de comparaison, les locations classiques de longue durée bénéficient d’un abattement de 30 % et d’un plafond de 15 000 euros de revenus fonciers. Le régime fiscal applicable aux locations meublées est donc particulièrement avantageux et rentable pour le loueur.

Cependant, le régime du micro-BIC ne présente pas un caractère obligatoire. Les loueurs peuvent également, à condition de se faire assister d’un comptable, opter pour le régime réel d’imposition, qui permet notamment de déduire l’amortissement et les charges du logement des revenus de la location meublée.

2.   Une modification du régime fiscal micro-BIC amorcée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024

Au regard du caractère disproportionné de l’avantage fiscal du régime micro-BIC, le Gouvernement a retenu un amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à réduire l’abattement applicable aux locaux classés meublés de tourisme. L’abattement fiscal sur ces biens est abaissé à 50 % des revenus fonciers, dans la limite de 77 700 euros de revenus annuels, afin de l’aligner sur la fiscalité des locaux meublés non classés.

Dans le même temps, cet amendement prévoit un abattement supplémentaire de 21 % pour les locations de meublés classés situés dans des zones géographiques qui ne sont pas concernées par des déséquilibres importants entre l’offre et la demande de logement. Cette mesure vise ainsi à soutenir le développement d’une offre de classés meublés de tourisme et, par conséquent les dynamiques touristiques, dans les zones dites détendues.

II.   le dispositif proposÉ

1.   La réduction de l’abattement fiscal des meublés de tourisme en zone tendue

Dans la lignée des dispositions adoptées dans le projet de loi de finances, l’article 3 modifie la fiscalité des logements meublés prévue à l’article 50-0 du code général des impôts. Pour les meublés de tourisme, l’article resserre le régime préférentiel à ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux. L’article aboutit à proposer le régime suivant, en zone tendue :

– les meublés de tourisme classés bénéficieront d’un régime à 50 % et 30 000 euros ;

– les meublés de tourisme non classés passeront à un régime à 30 % et 15 000 euros, par alignement avec le plafond du régime micro‑foncier pour les revenus locatifs.

 

 

 

Tableau comparatif du rÉgime micro-BIC applicable en zone tendue

 

Régime actuel

Dispositif proposé

 

Seuil de chiffre d’affaires

Taux d’abattement

 

Seuil de chiffre d’affaires

Taux d’abattement

Location meublée classée

 

188 700 euros

71 %

30 000 euros

50 %

Location meublée non classée

 

77 700 euros

50 %

15 000 euros

30 %

En supprimant l’avantage fiscal octroyé aux meublés de tourisme en zone tendue, cette mesure vise à favoriser la mise sur le marché de logements destinés à la location de longue durée, au sein de zones tendues où il est particulièrement difficile de se loger. Lemaintient toutefois une fiscalité plus avantageuse pour les meublés de tourisme classés afin de valoriser la qualité des prestations fournies par les propriétaires.

2.   La préservation d’un abattement fiscal avantageux dans les zones détendues et en station de montagne

En raison de la spécificité de chaque territoire, mais également de l’impact positif que peut avoir la location de meublés de tourisme pour le développement de l’offre touristique de certaines zones, il n’est pas prévu que la réduction de l’abattement fiscal prévue à l’article 3 s’applique à l’ensemble du territoire français. Ainsi, afin de préserver les dynamiques touristiques dans les zones qui le nécessitent, il est prévu que la refonte fiscale ne s’appliquera pas aux maisons d’hôtes, aux gîtes ruraux, ni aux meublés de tourisme en station de montagne.

Par conséquent, en zone détendue ou en station de montagne, les meublés de tourisme classés continueront de bénéficier d’un abattement fiscal de 71 % des revenus et d’un plafond de chiffre d’affaires de 188 700 euros. De même, les meublés de tourisme non classés conserveront un abattement fiscal de 50 % et un plafond de chiffre d’affaires de 77 700 euros.

Cette proposition se fonde sur la volonté de concilier les dynamiques touristiques et la garantie de l’accès au logement de longue durée.

III.   les dispositions adoptÉES par la commission

La commission a adopté un amendement CE201 de vos rapporteurs portant rédaction globale de l’article 3, après un avis défavorable du Gouvernement. La nouvelle rédaction comporte des évolutions au régime de la location de meublés de tourisme, et notamment une harmonisation des taux :

– pour les meublés de tourisme classés, l’abattement fiscal en « micro‑BIC », initialement de 71 %, est abaissé à 30 %. Le plafond de revenus, qui était de 188 700 euros, est fixé à 30 000 euros ;

– pour les meublés de tourisme classés situés en zone rurale, c’est-à-dire définie comme très peu dense au sens de la grille communale de densité de l’Insee, ou en station classée de sport d’hiver et d’alpinisme, l’abattement de 30 % est complété d’un abattement supplémentaire de 41 %, sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros ;

– pour tous les meublés de tourisme non classés, l’abattement est également abaissé à 30 %, et le plafond de chiffre d’affaires est limité à 15 000 euros.

Le plafond inférieur du chiffre d’affaires défini pour les meublés non classés vise à conserver une incitation en faveur du classement, afin d’accompagner la montée en gamme des logements destinés à la location de tourisme.

Tableau comparatif du rÉgime micro-BIC applicable

 

Régime actuel

Dispositif proposé

 

Seuil de chiffre d’affaires

Taux d’abattement

 

Seuil de chiffre d’affaires

Taux d’abattement

Location meublée classée

 

188 700 euros

71 %

30 000 euros

30 %

En zone rurale et en station de sport d’hiver : + 41 % d’abattement supplémentaire (plafond 50 000 €)

Location meublée non classée

 

77 700 euros

50 %

15 000 euros

30 %

Vos rapporteurs se félicitent de l’adoption de cette mesure, qui permet de limiter les déséquilibres du marché locatif en alignant les taux d’abattement de la location meublée avec celle de la location nue, tout en préservant l’attractivité touristique de nos territoires et les dynamiques économiques afférentes dans les zones qui le justifient.

Les stations classées de sport d’hiver et d’alpinisme

Le régime des stations classées est issu de la loi du 24 septembre 1919 portant création de stations hydrominérales, climatiques et de tourisme, établissant des taxes spéciales dans lesdites stations et réglementant l’office national du tourisme. Ce régime distinguait six catégories de classement, à savoir les stations « climatiques », « hydrominérales », « uvales », « balnéaires », « de tourisme » et « de sports d’hiver et d’alpinisme ».

Les stations classées de sports d’hiver et d’alpinisme étaient régies par les articles R. 133‑52 et suivants du code du tourisme, qui ont été abrogés par le décret n° 2008-884 du 2 septembre 2008 relatif aux communes touristiques et aux stations classées de tourisme.

Ce décret fait suite à la réforme des communes touristiques et stations classées de 2006 ([84]). Le régime juridique des stations classées comprend deux nouvelles catégories : les « communes touristiques » et les « stations classées » (voir introduction). La catégorie des « stations classées » englobe les six anciennes catégories de classement. La France compte actuellement 1112 communes touristiques et 475 communes classées stations de tourisme.

 

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Article 4 (nouveau)
(article 151 septies du code général des impôts)
Suppression de la double déduction des amortissements dans l’imposition des revenus de la location des meublés

 

Créé par la commission

 

L’article 4, créé par la commission, réintègre les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession soumises à l’impôt sur le revenu.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

La location meublée non professionnelle (LMNP) est soumise, par défaut, au régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Toutefois, si le bailleur dépasse le plafond de chiffres d’affaires du régime micro-BIC, ou bien s’il opte pour un changement de régime, il est alors soumis au régime réel simplifié.

Ce régime présente l’avantage de permettre la déduction d’une part importante des dépenses liées à l’activité, dont les charges de copropriété, les frais d’acquisition ou encore les intérêts d’emprunt.

Le statut de la LMNP au réel simplifié permet surtout une prise en compte spécifique des amortissements. En effet, le bailleur a la possibilité de déduire des amortissements au cours de la location, et en outre de les déduire, au moment de la cession du bien, dans le calcul de la plus-value imposée au titre de l’impôt sur le revenu ([85]). Peuvent notamment être amortis, les travaux effectués dans le logement, mais également le mobilier. En conséquence, après déduction des amortissements, le résultat imposable peut être négatif ou nul.

En revanche, un tel dispositif d’amortissement n’est pas permis pour la location nue. La double déduction des amortissements renforce donc encore davantage l’attractivité de la location meublée.

II.   les dispositions adoptÉES par la commission

L’article 4 résulte de l’adoption par la commission des affaires économiques des amendements identiques CE39 de M. Stéphane Delautrette et des membres du groupe Socialistes et CE47 de M. Jean-René Cazeneuve (RE), rapporteur général de la commission des finances, après des avis favorable de vos rapporteurs et défavorable du Gouvernement.

Ces amendements réintègrent les amortissements déduits des revenus de la location meublée non professionnelle dans le calcul des plus-values de la cession au titre de l’impôt sur le revenu.

Vos rapporteurs se réjouissent de l’adoption de cette mesure, qui permettra de réduire à nouveau les différences dans le traitement fiscal de la location meublée et de la location nue.

 

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Article 5 (nouveau)
(article 9-2 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965)
Information obligatoire du syndic de copropriété en cas d’autorisation de changement d’usage d’un des lots et point d’ordre du jour

 

Créé par la commission

 

L’article 5, créé par la commission, prévoit l’information préalable systématique du syndic de copropriété lorsqu’un meublé de tourisme fait l’objet de la déclaration obligatoire prévue et renforcée à l’article 1er A du présent texte, ainsi que l’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de copropriété et l’affichage de cette information dans les parties communes.

L’article 5 résulte de l’adoption par la commission, après des avis de sagesse des rapporteurs et défavorable du Gouvernement, d’un amendement CE68 de M. Stéphane Peu et des membres du groupe Gauche démocrate et républicaine.

Il prévoit une meilleure association de la copropriété à la location d’un meublé de tourisme, par trois leviers :

– lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 324‑1-1 du code du tourisme, le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé, en informe le syndic ;

– un point d’information par le syndic relatif à l’activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale ;

– le syndic affiche cette information dans les parties communes de l’immeuble.

Selon les auteurs de l’amendement, cette information préalable auprès du syndic, ainsi que l’affichage dans les parties communes, sont « indispensables au bon fonctionnement de la copropriété ». Ils estiment que cette information limitera les conflits de voisinages en levant l’anonymat du loueur, qui devra dès lors prendre toute disposition pour limiter les risques de nuisances, en établissant par exemple des fiches d’information pour les occupants et en communiquant un numéro d’urgence pour le syndic.

 

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Titre
 

La commission a adopté un amendement CE180 de vos rapporteurs tendant à supprimer la référence aux zones tendues qui figurait dans le titre de la proposition de loi déposée. L’objectif des rapporteurs à travers ce texte est en effet de dépasser la simple considération des zones considérées comme tendues. Les zonages réglementaires en matière de tension du parc ont effet la caractéristique d’intervenir a posteriori, une fois les problèmes de logement durablement constitués et ancrés au sein d’un territoire.

Bien souvent, vos rapporteurs considèrent que ces zonages sont en retard par rapport à la réalité, et que dès lors, il est souhaitable que les collectivités puissent plutôt, dès qu’elles perçoivent des signaux de difficultés croissantes sur le secteur locatif, prendre des mesures préventives et non plus seulement curatives.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de ses réunions du mardi 28 novembre 2023, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue (n° 1176) (M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur, rapporteurs).

1.   Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 16 heures 30

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le ministre, chers collègues, la commission des affaires économiques examine aujourd’hui la proposition de loi (PPL) visant à remédier au déséquilibre du marché locatif en zone tendue.

Ce texte vise, pour l’essentiel, à réguler la location des meublés de tourisme, dont la forte croissance ces dernières années, du fait notamment du développement des plateformes numériques, pèse sur la disponibilité du logement de longue durée pour les habitants des territoires concernés, essentiellement les zones touristiques et les métropoles.

Nos deux rapporteurs, élus de Bretagne – Mme Annaïg Le Meur – et du Pays basque – Inaki Echaniz – travaillent sur ce sujet depuis plusieurs mois. La proposition de loi a d’ailleurs été déposée le 28 avril et la nomination des rapporteurs a été effectuée par notre commission, dès le 3 mai.

Depuis cette date, ils ont organisé de nombreuses auditions et entretiens, et effectué plusieurs déplacements auxquels plusieurs d’entre nous ont pu parfois être associés. En ce qui me concerne, j’ai ainsi pu me rendre à Bayonne, et plus récemment encore à Ajaccio, à la rencontre des acteurs locaux.

Toutes ces rencontres ont confirmé l’importance et la sensibilité de la question abordée par cette proposition de loi. La liste de ces signataires illustre d’ailleurs l’intérêt que nombre d’entre vous y accordent. Elle est ainsi signée par trois présidents de groupe, dont M. Boris Vallaud, président d’un groupe d’opposition.

Si le texte est inscrit à l’ordre du jour de la semaine dite « de l’Assemblée nationale », débutant le 4 décembre au titre des propositions de loi portées par le groupe Renaissance, il aurait donc dû tout aussi bien y figurer en tant que proposition de loi transpartisane. D’ailleurs, le bureau de notre commission avait reconnu ce caractère transpartisan lors de sa réunion du 17 mai.

Conscient de l’intérêt porté à cette proposition de loi par plusieurs groupes, j’ai d’ailleurs demandé qu’elle soit examinée selon la procédure de législation en commission (PLEC) et me félicite qu’à ce stade, aucun groupe n’ait fait d’opposition à cette procédure qui garantit la possibilité d’adopter le texte lors de la semaine de l’Assemblée nationale, dont l’ordre du jour est particulièrement chargé.

La présence à la tribune de M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement, manifeste également l’attention accordée à cette proposition de loi par le Gouvernement. La Première ministre a ainsi fait part de son soutien clair, il y a quelques jours.

Monsieur le ministre, je vous salue avec d’autant plus de plaisir qu’il s’agit là de votre première réunion au sein de notre commission des affaires économiques depuis votre nomination au Gouvernement. J’espère que nous pourrons d’ailleurs vous entendre prochainement lors d’une audition permettant d’évoquer tous les sujets relevant de votre ministère.

Un autre indice du vif intérêt porté à cette proposition de loi est le nombre d’amendements dont il a fait l’objet. Pas moins de 196 amendements ont été déposés, sur une proposition comportant seulement trois articles.

Plusieurs amendements ont été retirés par leurs auteurs. Un amendement a été déclaré contraire à l’article 40 de la Constitution. Par ailleurs, j’ai été conduit à déclarer irrecevables 40 amendements constituant des cavaliers législatifs, au titre de l’article 45 de la Constitution.

Je rappelle que dans le cadre de cette procédure, je suis tenu de m’appuyer sur le contenu des articles de la proposition de loi, et non sur son titre. Or, les trois articles ne visent que les meublés de tourisme et ne mentionnent pas les relations entre les propriétaires et les locataires. Je ne pouvais donc pas déclarer recevables, par exemple, les amendements portant sur les résidences secondaires, sur les congés pour reprise, sur les baux mobilité ou encore sur l’encadrement des loyers. Il nous restera donc 131 amendements à examiner.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Je suis très heureuse d’être présente à vos côtés cet après-midi, afin d’étudier notre proposition de loi, visant à remédier au déséquilibre du marché locatif.

Il s’agit d’un sujet majeur pour nos territoires, nos élus et nos concitoyens. Notre pays connaît une crise du logement sans précédent, qui se manifeste notamment par l’augmentation incontrôlée des meublés de tourisme ces dernières années.

Je suis également particulièrement honorée d’avoir été nommée rapporteur sur ce texte, au côté de mon collègue Inaki Echaniz, député socialiste des Pyrénées-Atlantiques, que je veux tout particulièrement saluer pour le travail de qualité que nous avons mené.

Le texte que nous portons ensemble, depuis maintenant plusieurs mois, de manière transpartisane, et avec le soutien actif du président de la commission, que je tiens également à remercier pour son engagement à nos côtés, est le fruit d’un combat de longue haleine et d’une mobilisation collective de tous les acteurs de terrain.

Le constat partagé est simple. Ces dernières années, près d’un million de meublés de tourisme se sont substitués à des logements classiques, destinés à de l’habitat permanent. Cela fait maintenant plusieurs années que des études et des rapports, y compris d’organes gouvernementaux, attestent et étayent ce phénomène d’éviction ou d’attrition du logement.

J’ai moi-même eu l’occasion de travailler sur deux rapports sous cette législature, dont un avec M. Vincent Rolland, député les républicains de Savoie, qui confirment ce phénomène.

Les 800 000 meublés de tourisme sur le territoire constituent une réserve locative indéniable et se concentrent particulièrement dans les zones qui connaissent des tensions locatives à l’année.

L’objectif de ce texte n’est pas d’interdire l’usage des plateformes ni des meublés de tourisme. Nous avons besoin d’avoir une offre de tourisme adaptée et attractive sur l’ensemble de notre territoire, mais celle-ci ne doit pas se faire au détriment d’une offre de location à l’année.

Dans ma circonscription, des villages entiers se vident sous le poids des meublés de tourisme et se transforment en villages de vacances. Ce n’est pas ma conception du vivre ensemble.

Le texte que nous proposons contient plusieurs dispositions visant à traiter le sujet, en utilisant des leviers différents. Sa philosophie générale va dans le sens d’une décentralisation réelle et audacieuse. La majorité des instruments proposés repose sur une mise en œuvre à la main des élus locaux, qui sont les mieux placés pour connaître des difficultés de logement propres à leur territoire.

Les élus nous demandent plus d’agilité et de dispositifs pour agir. L’article 2 permet de mettre à disposition des territoires une véritable « boîte à outils », visant à mieux juguler les différentes dynamiques qui ont lieu sur le marché de l’habitat.

Nous proposerons notamment à cet article un amendement (n° CE176), qui prévoit, en réponse à une demande fréquemment exprimée par les élus de terrain, la faculté de l’autorité compétente en matière de plan local d’urbanisme (PLU), d’instituer dans le règlement d’urbanisme des secteurs où les constructions nouvelles à destination d’habitation sont soumises à une obligation d’usage, au titre de la résidence principale.

Cette capacité, qui sera ouverte aux seuls territoires qui connaissent un taux de résidence secondaire supérieur à 20 %, permettra aux maires et aux présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), d’empêcher que la construction nouvelle contribue à la secondarisation du parc résidentiel. Cette mesure, à la fois forte et proportionnée, sera particulièrement utile pour les territoires concernés.

Par ailleurs, nous souhaitons traiter une question qui ne figure pas dans le texte initial, mais qui constitue un point important soulevé par l’ensemble des élus rencontrés et par la plupart des acteurs du monde du logement.

Nous sommes confrontés à un problème de connaissance du parc locatif et à des difficultés de récolte et d’accès à la donnée existante. Pourtant, le législateur avait adopté en 2016 des obligations de transmission d’informations à la charge des plateformes, qu’elles ont mis un certain temps à mettre en œuvre. De plus, le Gouvernement expérimente depuis 2022 un outil appelé « API Meublés », qui centralise les données en la matière.

Un règlement, en cours de trilogue au niveau européen, vise à renforcer les obligations de transparence des plateformes. En outre, l’article 17 du projet de la loi, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), en cours de navette, renforce la mise à disposition des collectivités des données pertinentes en matière de meublés de tourisme.

Pour répondre aux enjeux actuels, il nous semble nécessaire d’aller plus loin, afin d’améliorer la connaissance du parc actuel, tout en veillant à la coordination avec ces textes.

Il est ainsi proposé, avant l’article premier, une généralisation de la procédure d’enregistrement des meublés de tourisme, quels qu’ils soient. Cette procédure obligatoire permettra à l’État et aux communes de connaître précisément l’état du parc immobilier touristique, et sera donc à même d’éclairer les mesures de régulation qu’ils pourront prendre.

Nous considérons qu’il s’agit d’un préalable nécessaire à la pleine effectivité des autres mesures prévues dans le texte. Un délai de mise en application, fixé au 1er janvier 2026, permettra aux administrations concernées de mettre en place un dispositif robuste, afin de traiter des flux de déclaration qui risquent d’être conséquents.

Au-delà des outils que nous mettons à disposition des territoires, ce texte traite de la fiscalité spécifique des meublés de tourisme. Depuis trop longtemps, ce secteur profite d’une fiscalité avantageuse, qui s’ajoute au profil de rentabilité élevé du marché touristique. Nous proposons ainsi une solution alternative, visant à rééquilibrer la fiscalité de la location touristique, et à aboutir à une solution de compromis et d’équilibre budgétaire.

La mission sur la refonte de la fiscalité locative, que la Première ministre m’a confiée avec Mme Marina Ferrari, afin de favoriser la location de longue durée, rendra ses conclusions au cours de la navette parlementaire. Elle permettra, si besoin, d’affiner la proposition retenue, et d’éventuellement proposer un dispositif complémentaire, afin de favoriser la location de longue durée.

En effet, nous ne pouvons pas continuer à encourager la location de courte durée, alors que nos concitoyens, nos travailleurs et nos étudiants n’arrivent plus à se loger. Nous ne pouvons pas favoriser l’économie saisonnière à l’économie productive, au risque de sacrifier l’élan de réindustrialisation voulu par notre majorité. Plus d’un quart des entreprises rencontrent des difficultés de recrutement liées au manque de logements. Enfin, nous devons être capables de mobiliser, au niveau national, un levier fiscal pour répondre aux attentes des élus locaux, qui nous alertent depuis des mois, voire des années.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Est-il normal que le logement soit devenu un outil d’optimisation fiscale et de rendement maximal, permettant une exonération quasi totale de l’impôt ? Est-il normal que des locataires, en règle, soient mis hors de leur logement pour qu’il soit transformé en meublé de tourisme ? Est-il normal que des soignants ou des employés territoriaux dorment dans leur voiture ou au camping, entre le mois de juin et de septembre, alors que leur appartement se trouve au même moment sur un site de location de vacances ?

Plus largement, est-il normal que des travailleurs n’aient plus la capacité de vivre là où ils travaillent et que des entreprises ne se développent pas ou désertent des territoires, par manque de logements pour leurs salariés ?

Est-il normal que des jeunes ou des moins jeunes ne soient plus en capacité de vivre dans le lieu où ils ont grandi, car la spéculation immobilière a fait exploser les prix et transforme nos villes et villages en résidence de vacances ?

Est-il normal que dans des villes universitaires, le manque de logements étudiants soit inversement proportionnel à l’augmentation du nombre de meublés de tourisme ?

Est-il normal que se multiplient les appels à l’aide d’élus locaux, qui voient disparaître chaque jour des biens en faveur de logements touristiques, alors même qu’ils reçoivent un nombre croissant de sollicitations concernant l’accès au logement ?

Enfin et surtout, est-il normal que l’État subventionne ce déséquilibre délétère et ainsi la crise du logement par des avantages fiscaux injustifiés et une absence de réglementation efficace ?

Voici les questions auxquelles nous avons tenté d’apporter des réponses, par le biais de cette proposition de loi transpartisane. Du sud-ouest à la Bretagne, du littoral à la montagne, des villes au village, notre texte porte l’ambition et un objectif commun : encadrer les meublés de tourisme et favoriser le logement permanent. Il s’agit d’un enjeu de justice sociale, de justice fiscale et de cohésion des territoires.

En effet, ce phénomène ne touche pas que Biarritz ou Saint-Malo, Marseille ou Paris, mais se propage partout, jusqu’à Bourges, Orléans ou encore Caen, tant ces opérations sont lucratives.

Durant nos auditions, nous avons entendu le cri d’alarme de nombreux élus locaux, de toutes tendances politiques et de tous les territoires. Alors, agissons !

Au lendemain du congrès des maires, ce texte entend leur permettre de mettre en œuvre une politique du logement juste et équilibrée, au plus près des besoins de leur population et de leur territoire.

Oui, le meublé de tourisme permet un complément de revenu pour certains, mais il participe surtout à l’augmentation du prix des loyers pour les autres, à l’impossibilité d’acheter pour les ménages de classes moyennes, à l’accroissement du mal-logement et à la précarisation des plus fragiles. En somme, le régime actuel crée beaucoup de perdants, trop de perdants.

Chacun peut comprendre qu’avec un plafond d’abattement fiscal à 188 000 euros pour les classés, ou 77 700 euros pour les non classés, nous nous trouvons assez loin du complément de revenu.

Par ailleurs, n’oublions pas que la location de longue durée permet, elle aussi, un complément de revenu et possède des garanties mises en place par le législateur. Je pense à la garantie gratuite contre les loyers impayés, dite « Visale ». Je pense aussi, monsieur le président, à votre proposition de loi, même si je n’y souscrivais pas, et je n’y souscris toujours pas.

Si je me place du point de vue libéral (que je ne suis pas), l’État participe donc à une distorsion du marché. Pour être tout à fait clair, il ne s’agit pas d’interdire Airbnb, ou de mettre en œuvre une réglementation drastique, comme dans certains pays pourtant très libéraux, comme récemment à New York. L’objectif est bien de trouver un équilibre entre activité touristique saisonnière et vie du territoire le reste de l’année.

N’oublions pas que le caractère culturel exceptionnel de nos territoires est le fruit de plusieurs générations d’hommes et de femmes qui l’ont façonné et valorisé. Voir les habitants d’une commune partir, c’est aussi voir disparaître une partie de sa mémoire vivante et de son identité. Ces mêmes habitants, permanents, permettent aussi la présence de services publics ou de commerces de proximité, aujourd’hui menacés.

Dans certains quartiers, nous constatons une éviction de ces habitants, par la montée des prix, mais aussi plus brutalement, par des pratiques abusives, comme les faux congés pour vente ou pour reprise. 302 procédures pour congés ont été comptabilisées au tribunal de Bayonne. C’est plus qu’à Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunies.

Je regrette, à ce titre, que les amendements précieux sur la taxation des transactions immobilières, de mon collègue Jean-Félix Acquaviva, ainsi que sur un délai de carence pour louer un logement en meublé touristique, à la suite d’un congé pour reprise, aient été déclarés irrecevables par notre président, particulièrement sévère, comme à son habitude.

L’intérêt économique des meublés de tourisme est un terreau pour le développement de pratiques illégales, qui insécurisent gravement les locataires. Je pense notamment aux faux congés, mais aussi aux baux frauduleux, comme le bail mobilité, utilisé abusivement, afin de générer un double revenu, issu de la location longue et courte durée.

Nous préférerons le préventif au curatif, notamment sur une thématique si importante pour la population que celle de l’habitat. Le logement n’est pas une marchandise comme une autre, et ne doit pas être traité comme telle.

C’est avec cette conviction que j’avais portée, dès le mois de février avec mon groupe, une proposition de loi en ce sens. Je me réjouis aujourd’hui que nous ayons pu travailler ensemble, avec Mme Annaïg Le Meur, pour déposer un texte commun et obtenir son inscription à l’ordre du jour.

Dans un premier temps, l’article 1er de la proposition de loi vise à étendre aux meublés de tourisme le diagnostic de performance énergétique (DPE) et le calendrier de la décence énergétique, issus de la loi « climat et résilience » du 22 août 2021, et applicable au parc locatif de logement.

Nous considérons qu’il s’agit là d’une mesure de bon sens, qui doit nous permettre, sans entrer dans les débats sur le calibrage du calendrier énergétique, d’assurer l’égalité de traitement entre les différents marchés de la location.

En outre, cet amendement sera utile pour lutter contre le phénomène, déjà constaté, des propriétaires qui prennent refuge sur le marché touristique, contre les obligations énergétiques, en retirant leur bien du marché locatif.

Nous proposerons de faire évoluer cet article pour en simplifier et clarifier l’application. En effet, plusieurs acteurs se sont émus de la création d’un nouveau dispositif d’autorisation qui se superposerait aux autres dispositions existantes en matière de meublés de tourisme.

Pour cette raison, nous avons finalement décidé d’adosser le diagnostic de performance énergétique au régime d’autorisation, qui existe déjà dans le droit : l’autorisation de changement d’usage d’un local. Nous porterons un amendement n° CE182 en ce sens, à l’article premier.

Dans le même temps, nous étendons de façon considérable le champ d’application de ce système d’autorisation de changement d’usage. Le système actuel est la fois trop limitatif et trop complexe. Désormais, toutes les communes y auront accès, sans passer par une autorisation préfectorale, soit d’office, si elles sont classées en zone tendue, soit par une délibération motivée, fondée sur une tension locative du marché local. Nous portons l’amendement n° CE178 en ce sens, à l’article 2.

Comme l’ont fait remarquer de nombreuses personnes auditionnées, il peut être contre-productif d’attendre le classement en zone tendue d’une commune, dans la mesure où ces classements prennent un certain temps à être réévalués et qu’un traitement préventif des difficultés devrait être privilégié, afin d’empêcher la survenance de tensions qu’occasionne le classement. Une telle extension semble une preuve de confiance nécessaire vis-à-vis des élus locaux, qui nous ont montré, tout au long de nos travaux préparatoires, qu’ils sont demandeurs d’outils pour traiter ces difficultés.

Ouvrir le régime d’autorisation de changement d’usage signifie doter toute commune volontariste de moyens de lutter efficacement contre la transformation du parc locatif.

En outre, nous souhaitons renforcer encore l’arsenal préventif des communes. À cet effet, nous proposons un amendement n° CE177, à l’article 2, qui dotera les territoires de la faculté, dans le cadre du régime d’autorisation, de définir le nombre maximal d’autorisations temporaires de changement d’usage qui peuvent être délivrés sur une période de cinq ans. Cette mesure, assortie d’une limitation dans la durée de cinq ans au maximum, est inspirée de dispositions mises en place à Saint-Malo, à La Rochelle ou encore à Val d’Europe, et qui ont porté leurs fruits.

En outre, nous serons favorables à de nombreux amendements qui visent à clarifier le régime du changement d’usage, afin de sécuriser les maires qui en font l’application ou à l’éteindre aux personnes morales.

Ce texte ne peut résoudre à lui seul l’ampleur de la crise en cours, mais constitue une première initiative pour permettre concrètement et rapidement aux Français de se loger dignement et durablement.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. En préambule, je souhaite rappeler quelques principes essentiels, qui illustrent bien le positionnement du Gouvernement sur ce que nous allons évoquer aujourd’hui.

Premier principe : le logement n’est pas un bien comme les autres. Il est ancré dans les territoires, et donc sur un foncier unique, et répond à un besoin social essentiel. Le marché de l’habitat doit donc être régulé, tant sur le plan national que local, que ce soit à travers des normes, des dispositifs d’encadrement, des aides financières ou des mesures fiscales. Cette question de la régulation est essentielle.

Deuxième principe : les outils des politiques de l’habitat doivent être différenciés selon les territoires, avec des exigences de décentralisation.

Troisième principe : le logement doit pouvoir être accessible, en location comme en accession. L’insuffisance de l’offre sur certains territoires se traduit mécaniquement par une hausse des prix, tant à la location qu’à l’achat.

En outre, cette insuffisance de l’offre s’est traduite par une augmentation continue de la part des dépenses liées au logement dans le budget des ménages. Cette part peut atteindre 30 à 35 % des revenus pour les locataires, comme pour les accédants à la propriété. Hier, nous pouvions mettre entre 5 et 10 ans pour rembourser un prêt. Aujourd’hui, même avec des salaires supérieurs au salaire médian en France, peu de personnes empruntent sur moins de 20 ans.

Le succès rapide rencontré par les plateformes internet de location en courte durée, ouvrant la voie à de nouvelles formes d’hébergement de tourisme, en dehors de l’offre hôtelière et parahôtelière classique, s’est traduit par une envolée du nombre de logements mis en location touristique dans le parc de logements français, tant dans les zones touristiques que dans les métropoles, et maintenant dans certains secteurs périphériques de ces territoires.

En conséquence de ce mouvement, nous assistons à une diminution forte de la part du parc d’habitation à vocation de résidence principale depuis quelques années. Ce rétrécissement accéléré de l’offre de résidences principales accroît les déséquilibres locaux entre offre et demande et participe in fine à la hausse des prix et à une forme de désespérance sociale. Je pense notamment aux étudiants, qui ont été particulièrement touchés par cette question.

Depuis plusieurs années, de nombreux élus locaux tirent la sonnette d’alarme et réclament la mise en place d’un dispositif de régulation puissant, à même de limiter, voire contrer cette expansion incontrôlée du parc de logements touristiques de courte durée.

Une réglementation existe pourtant en la matière. Cette réglementation, relative aux changements d’usage et définie principalement dans le code de la construction et de l’habitation, aux articles L631-7 et suivants, permet aux communes, sous réserve de respecter certaines conditions, de mettre en place un dispositif d’enregistrement des demandes de changement d’usage, visant à mettre en location de courte durée des logements et à instaurer un dispositif d’autorisation de changement d’usage temporaire ou définitif, subordonné, le cas échéant, à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.

La mise en œuvre de cette réglementation par les collectivités se heurte cependant sur le terrain à de nombreuses difficultés pratiques et juridiques. Les contentieux visant à annuler les règlements mis en place localement se multiplient, à l’image de Saint-Malo ou du Val d’Europe à Marne-la-Vallée.

Le présent projet de loi transpartisane, porté par des députés de plusieurs bords, propose un ensemble de mesures législatives visant à moderniser, améliorer et renforcer le régime du changement d’usage.

Je me félicite de l’arrivée devant le Parlement de cette proposition de loi, qui répond pleinement aux attentes des élus de tout bord, confrontés sur le terrain à ces difficultés, par la refonte du dispositif de régulation que constitue le changement d’usage.

Ce débat s’engagera parallèlement au démarrage d’une mission parlementaire, confiée par la Première ministre aux députés Annaïg Le Meur et Marina Ferrari, portant sur la fiscalité locative et visant à formuler des préconisations en matière d’évolution de la fiscalité, applicable aux locations meublées de courte durée, aux locations meublées de longue durée et aux locations nues de résidence principale. Ces préconisations auront vocation à être présentées devant le Parlement, pour être intégrées par voie législative.

La proposition de loi initiale a fait l’objet de très nombreux amendements parlementaires, visant à l’élargir, l’enrichir, voire la durcir sur certains points, mais également à la sécuriser sur le plan juridique.

Avant d’entrer dans le détail de la discussion parlementaire et de l’analyse des différents amendements, je tenais à vous faire part de la position du Gouvernement sur les principales dispositions portées par cette proposition de loi.

L’article 1er vise à assujettir les locations touristiques de courte durée à des obligations de décence énergétique, semblables à celles du parc locatif privé à vocation de résidence principale, pour les communes ayant mis en place un dispositif d’autorisation de changement d’usage.

Pour mémoire, les logements locatifs privés, à titre de résidence principale, ne pourront plus être mis en location au 1er janvier 2025, et sortiront du critère de la décence, si leur étiquette énergétique est « G » (au 1er janvier 2028 si l’étiquette est « F », et au 1er janvier 2034 si l’étiquette est « E »).

Je me félicite de l’application des obligations de rénovation énergétique, telles qu’elles sont proposées ici. Elles sont intéressantes à plusieurs égards.

L’objectif premier est d’éviter le basculement des logements locatifs de longue durée vers la courte durée. Nombreux sont les professionnels de l’immobilier qui ont alerté sur le risque de voir des bailleurs privés, confrontés aux obligations de décence énergétique, privilégier une reconversion de leurs biens vers des locations touristiques de courte durée. Avec cet amendement, les deux types de locations sont mis sur un pied d’égalité en matière d’obligations environnementales.

En second lieu, la disposition n’est applicable qu’aux communes mettant en place un régime de changement d’usage, de sorte qu’une commune rurale ou montagnarde, qui souhaite développer son parc de locations touristiques, ne sera pas tenue d’imposer ces obligations, ce qui répond à des demandes formulées par de nombreux élus de ces territoires. Ainsi, la liberté est laissée à toutes les communes qui le souhaitent de mettre en place le changement d’usage et l’obligation environnementale, désormais associée.

Enfin, il me semble que cette obligation ne devrait pas concerner les résidences principales, louées quelques jours par an à des touristes, par des propriétaires occupants, qui n’ont pas d’obligations énergétiques actuellement, pour le bien qu’ils occupent.

Dans l’article 2, le changement d’usage est le pivot de la régulation des meublés touristes. Sa mise en place doit être laissée à l’appréciation des communes, ainsi que le propose le texte, qui dorénavant permet, sans justification préalable, la mise en place du changement d’usage dans toutes les communes en zone tendue ou touristique, tout en permettant aux autres communes qui le souhaitent de le déployer, sous réserve d’une délibération motivée.

Afin de faciliter la justification de cette mise en place et ainsi de limiter les contentieux, tout en permettant aux acteurs publics de bénéficier d’une meilleure visibilité sur l’évolution de l’offre locative touristique, les amendements proposent de généraliser la mise en place du principe d’enregistrement, via un outil informatique national. Cette plateforme unique permettra d’améliorer la connaissance du parc et de faciliter le contrôle du respect de la réglementation, par exemple, du nombre de jours de locations autorisé pour une résidence principale. Elle est une clé de la réussite de cet outil de régulation et j’en défends donc largement le principe de mise en œuvre.

En matière d’encadrement des constructions neuves, la servitude de résidence principale proposée dans cette PPL est également un outil particulièrement attendu par certains maires. L’excès de résidences secondaires peut changer le visage d’un territoire, déséquilibrer son fonctionnement quotidien et modifier l’offre commerciale. Cette servitude, définie par les collectivités locales, garantira dans les projets neufs le maintien dans la durée de la répartition et de l’équilibre souhaité par les collectivités, entre résidences principales et résidences secondaires.

J’attire toutefois votre attention sur le risque juridique de constitutionnalité, attaché à la généralisation de cette servitude, sur l’ensemble du territoire national (hors marché tendu). Il pourrait être considéré que cette servitude, qui affecte dans la durée les possibilités de jouissance d’un bien, entrave excessivement les libertés individuelles dans des territoires où le marché local ne le justifie pas.

Enfin, concernant la fiscalité des meublés touristiques, je rappelle mon engagement pour une justice fiscale entre la location de courte durée et la location nue, destinée à encourager la location de longue durée, et a minima, à ne pas avantager les locations de courte durée par rapport aux locations à titre de résidence principale.

La fiscalité de l’immobilier est toutefois un sujet délicat, dans lequel plusieurs régimes peuvent coexister pour une même activité. Il en va par exemple des régimes dits « macro », avec abattement forfaitaire et au réel, applicable aux bénéfices industriels et commerciaux, auxquels sont assujettis les locations meublées de courte durée et de leur pendant pour les revenus fonciers tirés des locations nues de longue durée. J’ai ainsi proposé cette mission sur la fiscalité du bailleur privé. Du temps est nécessaire pour analyser et mettre en place cette fiscalité dans ces différentes composantes, au-delà des enjeux concernant les meublés touristiques, par exemple, pour les avantages fiscaux associés à l’engagement des bailleurs à pratiquer des loyers abordables.

La priorité, en matière de temps, était la création d’un outil de régulation puissant pour les communes. Les questions de fiscalité sont plus complexes et nécessitent une visibilité complète, que la mission parlementaire pourra nous garantir. J’en appelle donc absolument à une cohérence avec les propositions de la mission parlementaire qui est aujourd’hui lancée.

En conclusion, je vous informe d’ores et déjà que le Gouvernement donnera un avis favorable à la majorité des amendements étudiés aujourd’hui, qui s’insèrent dans l’économie générale des articles 1 et 2 de cette proposition de loi, sans pour autant remettre en question leur sécurité juridique, constitutionnelle.

Au-delà de la discussion de ce jour, j’espère surtout pouvoir poursuivre rapidement les travaux sur ce sujet, afin de concrétiser, au premier semestre 2024, notre engagement concernant l’encadrement des locations des meublés touristiques.

M. le président Guillaume Kasbarian.  Je donne désormais la parole aux orateurs de groupe.

M. Antoine Armand (RE). Dans le Finistère, dans les Pyrénées-Atlantiques, en Haute-Savoie et dans tant d’autres communes, du littoral, de montagne, et dans d’autres agglomérations en France, un phénomène fait rage. Dans la vieille-ville à Annecy, dans le massif des Aravis, à Saint-Jean-de-Luz, comme à Brest, les fameux meublés de tourisme se multiplient et se concentrent. Avec eux apparaissent des nuisances que parfois nous ne soupçonnions même pas, avec l’attrition des logements permanents en pleine crise, mais aussi des conséquences sur la qualité des bâtis. Des immeubles entiers deviennent meublés de tourisme. Des conséquences apparaissent également sur la vie locale, où peu à peu des commerces de proximité sont remplacés par des officines touristiques.

Des mesures proposées concernent l’enregistrement de ces meublés de tourisme. Selon les élus locaux, nous ne connaissons pas le nombre de ce type de meublés dans chaque commune. Il s’agit pour nous, qui faisons des politiques publiques, un problème central.

Vous portez également des mesures relatives à la qualité énergétique de ces meublés. Vous remettez simplement les choses à l’endroit. Pourquoi les meublés de tourisme et les propriétaires qui louent ces meublés seraient-ils soumis à des obligations écologiques et énergétiques moindres que ceux qui louent des logements à l’année ?

Les mesures portent aussi sur la régulation de ces meublés de tourisme, avec la volonté de sécuriser les dispositions en place, sources d’inquiétude pour les collectivités qui s’engagent sur ce chemin. Vous apportez également des mesures complémentaires pour l’ensemble des zones tendues.

D’autres mesures, liées à la fiscalité, s’inscrivent dans le cadre de la mission confiée à Mme le rapporteur et Mme Marina Ferrari, qui ont aussi pour objectif de remettre les choses à l’endroit. Il n’y a pas de raison, sur notre sol et dans notre territoire, quel que soit notre soutien au tourisme et au pouvoir d’achat, que les finances publiques aident davantage, dans cette situation de crise du logement que nous connaissons, une personne qui louerait un meublé de tourisme, plutôt qu’une autre qui louerait son logement à l’année, meublé ou nu.

Nous proposerons des compléments au fur et à mesure de ce texte, afin de l’enrichir et de le sécuriser, qu’il s’agisse de l’intégration dans les mesures de régulation aux personnes morales, afin que le business des « Airbnb » ne s’étende pas ou ne devienne pas contagieux.

Nous saluons donc votre initiative, à double titre. D’abord, car il s’agit d’une initiative parlementaire d’élus connectés à leur territoire, soucieux de donner des outils aux collectivités et aux élus locaux. De plus, il s’agit d’une initiative transpartisane, impliquant des compromis et de l’écoute.

Frédéric Falcon (RN). Cette proposition de loi visant, je cite : « à remédier au déséquilibre du marché locatif en zone tendue », est présentée comme une réponse forte à la crise du logement que subissent aujourd’hui les Français. Pourtant, rappelons que cette majorité, et elle seule, a fabriqué cette crise du logement.

M. Emmanuel Macron est coupable du manque d’offres locatives, par un effondrement de la construction de logements neufs, que l’inflation et la remontée des taux ne peuvent à elles seules justifier.

L’addition sans fin de normes, telle que zéro artificialisation nette, que le Rassemblement national supprimera purement et simplement, dans les zones rurales à fort potentiel de développement, en 2027, la RE2020, qui a alourdi de plus de 15 % les coûts de construction, la fin de la taxe d’habitation et l’abandon des maires rendent impossible tout nouveau projet de promotion.

Avec l’interdiction de louer des logements présentant un DPE « G », « F » ou « D », vous aggravez délibérément la crise de l’offre locative. Ces normes, qui vont bien au-delà des transpositions européennes, auraient pu, à défaut d’être supprimées, voir leur calendrier aménagé. Que les Français se rassurent, nous supprimerons aussi cette mesure absurde en 2027.

Face à cette catastrophe annoncée, aucune réaction du Gouvernement, si ce n’est des mesures cosmétiques, comme cette proposition de loi calquée sur les revendications de quelques villes de la côte atlantique, du littoral breton ou de la côte basque.

Lors de vos auditions, aucun élu du littoral méditerranéen, languedocien ou provençal, à l’exception d’un maire socialiste du secteur de Marseille, n’a été consulté. Aucun maire de la côte languedocienne, marquée par la spécificité des stations balnéaires, que vous ignorez, hier à vocation estivale, aujourd’hui progressivement occupée à l’année, n’a été consulté.

Pourquoi ce mépris, alors que nous sommes aussi confrontés à des tensions fortes sur le marché locatif ? Il est vrai que ce sont des circonscriptions Rassemblement national et que cette proposition de loi dite « transpartisane » a été rédigée par le parti socialiste et la gauche de la majorité.

Par ailleurs, pourquoi sortir les stations de montagne de ce dispositif fiscal, alors que les saisonniers et les habitants de ces zones sont aussi exposés à de réelles difficultés en matière de logement ? Je pense que vous avez cédé au lobby des stations.

Si nous sommes favorables à une évolution du cadre juridique, offert aux communes pour juguler les excès de la location saisonnière, amorcée par votre article 2 de cette PPL, l’extension des normes DPE est inacceptable, tout comme l’augmentation de la fiscalité que vous préparez.

Pendant que vous augmentez les taxes pour les petits propriétaires, ce qui constitue décidément une obsession en « Macronie », vous refusez de vous attaquer à la toute-puissance des plateformes numériques domiciliées en Irlande et adeptes de l’évasion fiscale. Le credo de cette majorité reste « plus de taxes et plus de normes ».

La décennie Macron aura été un carnage pour la politique du logement en France. Nous n’entrevoyons aucune vision ni aucune politique d’aménagement du territoire capable de rééquilibrer des espaces métropolitains.

Vous l’aurez compris, nous voterons contre cette proposition de loi confiscatoire pour les petits propriétaires, qui refuse de s’attaquer à « l’ubérisation » du marché locatif des meublés de tourisme. Vous êtes décidément les alliés des grandes plateformes numériques.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je vous rappelle que nous avons sollicité l’Association des maires de France, France urbaine et l’Association des maires ruraux de France. Il me semble que vos communes font peut-être partie de ces associations. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas de ma responsabilité.

Sur le sujet du DPE, nous ne sommes pas ici pour débattre du calendrier et de la mesure même du DPE. Nous sommes ici pour calquer cette mesure, sans la juger bonne ou mauvaise.

Enfin, vous considérez le logement comme une priorité, mais vous n’avez déposé aucun texte à ce sujet durant les deux niches parlementaires que vous avez eues. Ne venez donc pas critiquer ce que les autres font, alors que vous ne faites rien.

Mme Élise Leboucher (LFI). Je ne reconnais plus mon quartier, je l’adorais, c’était un village. Désormais, nous ne connaissons plus personne. Avant, il y avait une pâtisserie en face, une droguerie, quatre boulangeries et deux charcuteries dans la même rue, ainsi qu’un fleuriste et une mercerie. Il n’y a plus rien. Aucun commerce. Même la pharmacie a fermé il y a deux ans.

Avant, le loyer était accessible à tous. J’ai vu les gens partir, car les loyers avaient augmenté et ils ne pouvaient plus payer.

Ces témoignages viennent des habitants du quartier du Panier à Marseille. Or, à Biarritz, à La Rochelle ou encore à Paris, le même diagnostic se pose. Nous vivons une crise du logement sans précédent.

Pour des millions de citoyens, il est devenu quasi impossible d’accéder au logement. Le prix des loyers a connu une hausse ininterrompue depuis 40 ans. Les loyers ont été multipliés par 2,6. Alors que les salaires stagnent et que l’inflation augmente, les Français doivent faire toujours plus d’efforts pour pouvoir se loger.

Pour les 10 % des ménages les plus modestes, près de la moitié des revenus (42 %) sont consacrés au paiement du loyer. Comment boucler ses fins de mois et vivre dignement dans ces conditions ?

Plus d’un sixième de la population est mal logé. 12 millions de personnes se trouvent dans le halo du mal-logement et 4,1 millions de personnes sont mal-logées, selon la Fondation Abbé Pierre.

Cinq millions de personnes attendent un logement social. Pourtant, la production de logements sociaux ne cesse de diminuer et des millions d’entre eux sont vacants.

Dans ce contexte, l’augmentation incontrôlée de la location touristique nourrit cette crise. Près de la moitié des logements en location sont possédés par 3,5 % des ménages.

En 2016, 300 000 logements étaient mis en location touristique de courte durée. En 2021, leur nombre a plus que doublé, passant à 800 000. Ce constat a été encouragé par une fiscalité excessivement et injustement avantageuse.

Les multipropriétaires, qui mettent des immeubles entiers en location touristique sur Airbnb, peuvent bénéficier jusqu’à 71 % d’abattement fiscal. En revanche, les habitants, qui tout au long de l’année font vivre les communes, font face au silence et à l’inaction de l’État.

Pendant que les locations touristiques ont augmenté, l’offre de location pour les locaux s’est réduite comme peau de chagrin. À Saint-Malo, par exemple, le tiers des logements dans le centre-ville ancien a été placé sur le marché de la location touristique, entraînant une hausse de 40 % du foncier, avec un exode des commerces de proximité et des résidents qui ne sont plus en mesure de payer des loyers hors de contrôle.

Il est donc urgent de mettre fin à cette situation absurde et injuste. La PPL que nous examinons marque un premier pas essentiel.

Ce texte vise à en finir avec les niches fiscales indécentes, dont bénéficient Airbnb et les profiteurs de la crise du logement. Ce texte vise également à donner plus de pouvoir aux communes, afin de réglementer l’implantation des locaux touristiques, sanctuariser des secteurs pour l’habitation et empêcher les propriétaires de convertir leurs passoires thermiques en lieu de tourisme. Ce sont des avancées.

Néanmoins, le groupe LFI-NUPES attend bien plus de cet examen. La crise du logement appelle des réponses à sa mesure. Nous avons donc déposé des amendements pour renforcer le texte et faire en sorte d’arrêter que nos finances publiques encouragent l’enrichissement des multipropriétaires et d’Airbnb, aux dépens du droit au logement.

Nous voterons en faveur de la proposition et nous vous appelons à voter pour nos amendements.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Nous pouvons effectivement constater que les commerces de proximité se retrouvent en difficulté, par manque de clients. Les restaurateurs souffrent également de cette situation, alors que le tourisme bénéficie de logements dotés de cuisine. Un amendement vise d’ailleurs à maintenir les commerces de rez-de-chaussée.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Depuis plusieurs années, les textes se succèdent pour tenter de pallier les dérèglements liés au marché de la location de courte durée, en vain.

En effet, le déséquilibre demeure et l’action publique en faveur de la maîtrise des prix du logement en zone tendue peine à porter ses fruits.

Nous en constatons les conséquences régulièrement dans nos circonscriptions, que ce soit en matière de tension sociale ou de difficultés de recrutement, notamment pour les saisonniers.

Ce texte, qui aborde la problématique du logement de manière très limitée, ne saurait résoudre ces difficultés qui résultent d’ailleurs d’erreurs stratégiques du Gouvernement.

La réponse à la crise du logement en zone tendue exige un juste équilibre : d’un côté, le maintien de l’activité touristique, secteur économique indispensable à l’attractivité, à l’emploi et à l’économie des territoires, de l’autre, la nécessité de permettre à ceux qui y vivent et qui y travaillent d’habiter de façon pérenne, dans des conditions acceptables.

Ce texte, de toute évidence, n’est pas à la hauteur de cette exigence. L’obligation des DPE, dans des délais intenables, ne permettra pas de créer des logements permanents ni d’accélérer la transition énergétique. Bien au contraire, cette disposition risque d’affaiblir le marché de la location touristique, ce qui impactera les capacités d’accueil des destinations, sans faire diminuer les tensions sur le logement.

Quant à la modification des avantages fiscaux, pour les locations saisonnières, elle n'est pas acceptable en l’état. Nous devons attendre la mission d’information sur la fiscalité du logement, qui rendra ses conclusions en février 2024, et qui permettra notamment d’intégrer une réponse territorialisée à cette question.

À l’instar de la proposition de loi de notre collègue M. Thibault Bazin, la priorité doit être de relancer la construction et de réhabiliter des logements vacants. Agissons par des mesures viables et structurelles, sans renoncer à nos exigences en matière de développement durable, de justice sociale et d’attractivité touristique des territoires. Pour toutes ces raisons, en l’état, le groupe les républicains votera contre ce texte.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Sur la question du DPE, nous avons clairement spécifié que les maires pourront déroger (sur justification) à cette transposition de la loi « climat et résilience ». Je ne comprends donc pas votre inquiétude.

Par ailleurs, je m’interroge sur la colonne vertébrale des Républicains. Des sénateurs LR ont voté dimanche 26 novembre au soir, à l’unanimité, la suppression de cette niche fiscale. Des sénateurs LR soutiennent notre texte. Nous avons auditionné des maires LR, qui sont favorables du début à la fin à notre texte, et nous nous retrouvons aujourd’hui avec des députés LR qui voteront en défaveur du texte. Je ne comprends pas.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Nous évaluerons la situation au terme des discussions sur les amendements.

M. Philippe Bolo (Dem). Le débat qui nous réunit est très attendu par les Français, qui vivent dans les zones tendues de notre territoire, particulièrement dans les zones les plus touristiques. Ces zones où l’écart entre le niveau de vie des habitants et le prix de l’immobilier est devenu insupportable et parfois démentiel.

Face à l’importante crise du logement que traverse notre pays, le groupe Démocrates appelle de ses vœux une réponse globale. Cette proposition de loi vient comme une première brique utile, pour donner à l’État et aux maires les moyens d’éviter la prolifération des logements meublés de tourisme dans les zones tendues.

Néanmoins, nous pensons qu’un travail plus global permettra de prendre en compte l’ensemble des problématiques. Cela étant, la démarche proposée est pertinente, bien que le texte mérite d’être travaillé davantage.

Ainsi, je souhaiterais vous faire part de certaines de nos interrogations. Sur l’article 1er, j’ai pu prendre connaissance de l’amendement que les rapporteurs proposeront. Il est effectivement anormal que l’obligation de respect des objectifs de performance énergétique ne s’impose pas aux meublés touristiques, alors que ces derniers se sont multipliés.

Nous connaissons dans nos territoires des difficultés de main d’œuvre dans la rénovation des bâtiments. Tous les logements ne pourront être rénovés en même temps. Le calendrier, qui devait être proposé pour les biens déjà en location temporaire, nous donne un peu plus de temps et de visibilité. Néanmoins, nous devrons, dans les prochains mois et les prochaines années, nous assurer de l’efficacité de ce dispositif, par son évaluation.

Je ne m’attarderai pas sur les modifications proposées quant aux changements d’usage à l’article 2, car nous partageons ces objectifs.

En revanche, je souhaite, pour terminer, évoquer les modifications fiscales prévues à l’article 3. Madame le rapporteur, vous avez été nommée par la Première ministre, avec notre collègue Mme Marina Ferrari, pour une mission de fiscalité locative, qui doit étudier les évolutions possibles de la fiscalité locative, susceptibles de favoriser les locations de longue durée.

Aussi, vous comprendrez notre étonnement de voir avancer, dès à présent, cette proposition à l’article 3, alors même que nous n’avons pas de vision objective de la situation.

De nombreux curseurs peuvent être bougés, afin d’avantager les locations de longue durée, et j’espère que votre mission vous permettra, en vous appuyant sur des données solides, dont nous ne disposons pas à l’heure actuelle, de trouver la meilleure solution.

Soutenant votre démarche, notre groupe souhaite être force de proposition, afin d’aboutir à un texte équilibré au service de tous nos territoires.

M. Inaki Echaniz, rapporteur.  Je souhaite apporter une précision sur le calendrier du DPE, car je constate qu’il s’agit d’un sujet d’inquiétude. Si le Gouvernement décide de reculer le calendrier de la règle générale, le calendrier pour les DPE sera reculé également. Ce débat concerne la majorité.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Concernant la fiscalité, je comprends votre question. Nous avons voulu maintenir ce dispositif, afin de pouvoir débattre entre nous. Les citoyens souhaitent avoir des mesures fiscales, afin de favoriser un équilibre et une justice vis-à-vis de la fiscalité.

Une mission existe, mais les deux éléments peuvent co-exister parallèlement. Des changements interviendront par la suite, lors de l’examen au Sénat ou en commission mixte paritaire (CMP).

Nous proposons cette approche, afin de pouvoir en débattre ensemble. Les éléments ne sont pas figés dans le temps.

M. le président Guillaume Kasbarian.  Je rappelle que le texte a vocation à vivre. Nous n’en sommes qu’à la première lecture à l’Assemblée nationale. Il y aura une première lecture au Sénat dans quelques mois, si nous votons ce texte. Une CMP sera convoquée par la suite, au moment opportun.

Il est toujours possible de modifier l’article 3 sur la fiscalité tout au long de la discussion. Rien n’est figé pour le moment.

La mission et la PPL peuvent très bien converger et cheminer ensemble, ce qui nous permettrait d’avancer sur le sujet dans les mois qui viennent.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Enfin, cette proposition de loi transpartisane a trouvé son chemin à l’ordre du jour de notre assemblée, n’en déplaise à certains. Le fait que notre commission ait à examiner trois propositions sur le logement, en une semaine, témoigne par ailleurs du constat partagé sur l’urgence de répondre à cette crise du logement, au-delà de nos divergences sur les solutions.

Je veux saluer l’excellente collaboration et la qualité du travail de nos rapporteurs, afin de donner une ambition réelle à ce texte, tout en conservant un soutien transpartisan le plus large. Cette ambition passe en premier lieu par une nationalisation et une généralisation des outils, avec l’abandon de la logique désuète des zones tendues et détendues.

Sur tous les bancs, avec les élus locaux, nous partageons l’idée que ces zonages sont obsolètes et imparfaits. En outre, ils ne permettent pas d’avoir une approche préventive sur les dynamiques qui engendrent la tension locative. Nous ne devons pas attendre que nos communes soient malades, avant de disposer d’outils de régulation.

Avec les amendements des rapporteurs, toutes les communes qui connaissent des tensions disposeront d’une « boîte à outils » renforcée, y compris la possibilité, lorsqu’elles possèdent déjà 20 %ù de résidences secondaires sur leur territoire, de mettre en œuvre une servitude dans leur PLU, afin d’imposer la création exclusive de résidences principales dans le neuf. Il s’agit d’une mesure forte.

En second lieu, nos rapporteurs proposent d’aligner progressivement les lignes en matière de DPE, entre les différents modes de location, afin de ne pas créer une distorsion qui, à l’approche des différentes étapes du calendrier de la loi « climat et résilience », risque de créer un effet de transfert massif qui amplifierait la crise.

En outre la rédaction proposée permettra une coordination automatique avec ce calendrier, s’il devait évoluer par ailleurs.

Enfin, les rapporteurs proposeront, dans la continuité de leur démarche commune en Projet de loi de finances (PLF) pour 2024, une première refonte des abattements fiscaux du régime « micro-BIC » pour les meublés de tourisme, afin de réduire l’incroyable distorsion par rapport à la location nue. Cette première étape s’enrichira de la navette parlementaire et de la mission confiée au rapporteur et à notre collègue Marina Ferrari.

Dans le même esprit, nous proposerons aussi, dès à présent, la suppression de la double déductibilité des amortissements dans le cadre du régime réel, qui constitue une véritable aberration fiscale.

Ainsi, le groupe des députés socialistes et apparentés soutiendra résolument les travaux de nos rapporteurs et leurs amendements, ainsi que ceux des autres amendements qui participent de la même logique, et votera bien entendu cette excellence proposition de loi.

M. Christophe Plassard (HOR). La crise du logement, à laquelle nous sommes confrontés, est plus ancienne et plus violente encore dans les zones tendues, et plus particulièrement dans les communes touristiques. Être une ville touristique constitue pourtant une chance. Or, cette chance se transforme en calvaire pour les personnes qui y vivent à l’année.

En effet, le nombre de résidences secondaires et les meublés de tourisme saturent le marché immobilier, rendant le logement impossible pour les personnes qui travaillent ou qui vivent sur place.

Cette proposition de loi ne vise pas à empêcher les personnes qui le souhaitent d’acquérir une résidence secondaire dans leur ville de cœur. Il n’est pas question non plus d’interdire les locations de meublés touristiques, qui contribuent également à l’attraction de nos communes et à la vie économique locale.

Cette proposition de loi vise à corriger des injustices légales qui favorisent les locations de meublés touristiques au détriment des locations longue durée, devenues bien trop rares dans des communes, notamment soumises à la loi littorale ou à d’autres contraintes qui empêchent la construction de nouveaux logements.

A l’origine, les plateformes de location de meublés touristiques sont arrivées avec une promesse faite aux petits propriétaires : « mettez votre logement à la location quelques jours ou quelques semaines, afin de vous aider à payer vos charges, vos travaux ou vos propres vacances ».

Aujourd’hui, ces plateformes ont cannibalisé le marché de l’immobilier dans plusieurs communes, où des immeubles entiers et des maisons sont achetés par des investisseurs qui réalise uniquement de la location courte durée plus intéressante fiscalement.

Le groupe Horizons et apparentés s’associe pleinement et votera en faveur de cette proposition de loi transpartisane.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). L’assemblée se décide enfin à encadrer Airbnb. Ce fléau est responsable d’un tsunami de disparition de logements. De partout, monte la demande d’encadrement et c’est le sens de l’initiative transpartisane que nous portons depuis un an maintenant.

Les chiffres donnent le tournis. À Paris, dans le troisième arrondissement, l’offre de logements meublés touristiques est 25 fois plus importante que celle de logements classiques. À Die, dans la Drome, vous trouverez au maximum cinq logements à louer, en location classique, contre une centaine sur les différentes plateformes de tourisme. Ce constat se retrouve partout.

Lyon a réussi à diviser par deux le nombre d’offres, grâce à la compensation. Biarritz y travaille également. En revanche, d’autres villes ont eu moins de succès. Un cadre protecteur est donc nécessaire.

Je ne comprends pas que la majorité ait autant tergiversé, en fragilisant par ailleurs le logement social et les droits des locataires. Nous n’avons pas compris ce temps perdu avec le Conseil national de la refondation. Je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement fait preuve d’autant d’attentisme sur ce sujet du logement, qui concerne tout le monde.

Nous devons agir pour encadrer les structures comme Airbnb. Cette démarche commence par la fin de la niche fiscale. Nous avons vécu un épisode incroyable lors du projet de loi de finances. La proposition de suppression de la niche fiscale a été combattue par le Gouvernement et par le rapporteur général. Visiblement, des recettes fiscales sont nécessaires tout le temps, sauf quand il s’agit de mettre fin à la niche fiscale. Les sénateurs LR sont tout de même parvenus à voter la fin de la niche fiscale. J’espère que cette décision sera confirmée.

L’encadrement d’Airbnb se poursuit par l’alignement de la rénovation thermique (le DPE), au risque de fragiliser tous les efforts de rénovation thermique et l’effectivité de la loi. Les personnes qui s’opposent à cet alignement sont les mêmes qui s’opposent à la rénovation thermique, à l’action pour le climat ou encore à l’action pour la justice sociale.

Rénover permet aux habitants de se chauffer correctement et dignement, de manière économique. En outre, cette action permet de créer des milliers d’emplois non délocalisables. Le dogmatisme « anti-sciences » de ces personnes leur fait oublier ces évidences.

Enfin, l’encadrement d’Airbnb passe par une capacité de régulation autonome des collectivités. Des amendements ont vocation à rendre ce contrôle plus efficace.

Nous ne sommes pas d’accord sur toutes les propositions faites pour lutter contre la crise du logement, mais les écologistes soutiendront ce texte et les amendements pour le renforcer.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La nomination d’un maire en tant que ministre du Logement, proche de terrain, constitue une bonne nouvelle. Je ne doute pas de la sincérité de nos deux rapporteurs et nous sommes d’accord sur le diagnostic. Les maisons et les appartements à volets clos et les boîtes aux lettres qui fleurissent dans nos villes affaiblissent et affadissent le dynamisme de cœur de ville et aggravent les inégalités d’accès au logement. Il s’agit d’une calamité qu’il faut évidemment réguler.

Dans ma ville, nous avons mené 12 opérations programmées d’amélioration de l’habitat pour maintenir en cœur de ville des commerces et des populations, de conditions modestes.

La crise sanitaire, l’accélération du nombre de résidences secondaires et le nombre de logements Airbnb (937 en cœur de ville à Dieppe) ont bousculé 20 ans d’engagement pour préserver une dynamique locale.

La proposition relative au DPE permettra d’égaliser les exigences entre les logements de longue durée et les logements de court séjour. La question des moyens, dont disposeront les collectivités pour contrôler la réalité des DPE, se pose néanmoins.

Par ailleurs, j’entends positivement la volonté du ministre de donner la main aux maires. Personne n’est mieux placé qu’un maire pour savoir ce qui est bon pour sa population et pour son territoire.

Nous changeons ainsi de mode et nous transformons les communes en pivots de la régulation. Or, le zonage contredit cette approche. Dieppe, pourtant en B2, connaît une explosion des Airbnb et du taux de résidence secondaire. Le taux de vacance dans le logement social est inférieur à 1 %. De plus, j’accueille un projet d’intérêt européen majeur (l’EPR à Penly), avec 13 000 salariés attendus sur le territoire.

Je n’ai pas envie que cette ville soit en zone tendue. Je souhaite que le maire puisse réguler, afin de permettre aux personnes qui le souhaitent de s’implanter dans la ville, dans de bonnes conditions.

Enfin, nous devons immédiatement agir dans la loi sur le levier fiscal. L’histoire de la grand-mère qui complète sa retraite grâce à Airbnb est fausse. À Dieppe, les 937 Airbnb sont détenus par 60 propriétaires qui ont plus de 10 logements, qui défiscalisent et qui gagnent de l’argent sur la misère des personnes et sur l’attractivité de la Normandie.

L’objectif n’est pas d’empêcher ces personnes de venir, mais de réguler, sans préjudice en matière de politiques futures du logement social et de construction de logements sociaux, pour défendre l’offre de logements sur le territoire.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Merci de mettre en lumière des chiffres concrets concernant votre commune, qui viennent effectivement démonter le principal argumentaire de nos plus féroces opposants, notamment les plateformes concernées, qui évoquent uniquement ce sujet du « complément de revenu du petit propriétaire ». Ce texte n’est effectivement qu’une étape, et nous devrons aller plus loin.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Effectivement, nous ne pouvons pas nier l’urgence de la situation qui touche tous les territoires. Dans le nôtre, l’augmentation des prix est exponentielle, avec des prix de résidences secondaires qui peuvent atteindre 25 000 euros le mètre carré. Les luxueuses villas et la multiplication des résidences secondaires alimentent la pression immobilière et une croissance exponentielle du prix du foncier.

Cette situation crée des inégalités, avec des fractures sociales entre résidents et investisseurs appâtés par un cadre légal et fiscal intéressant. Un fort sentiment de dépossession s’installe.

Les conséquences sociales sont connues, avec notamment la perte du pouvoir d’achat, accaparé par le logement, du déclassement et de l’exclusion.

Si nous saluons ce texte, nous considérons toutefois qu’il ne constitue qu’un premier pas vers la régulation qui doit être plus massive, afin de renverser les lourdes tendances à l’œuvre. Se focaliser essentiellement sur la fiscalité des locations saisonnières semble regrettable, car ce sujet ne représente, selon nous, qu’un aspect du problème.

Nous devons également agir sur le prix des logements et les plus-values immobilières, avec des outils législatifs permettant de contenir cette prolifération dans des résidences secondaires, tels qu’une taxe anti-spéculative sur les transactions immobilières d’un certain montant ou encore le renforcement du droit de préemption des collectivités.

Néanmoins, les quelques outils contenus dans le texte sont intéressants et nous y souscrivons.

L’article 1er va dans le bon sens, avec la fourniture du diagnostic de performance énergétique. La question centrale est de mieux accompagner l’effort de rénovation des logements des ménages les plus modestes.

Nous sommes favorables à l’article 2 sur le changement d’usage. J’insisterai surtout sur la refonte de l’article 2, permettant de délimiter dans les zones urbaines et urbanisées, les secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’un programme de logement, les locaux sont exclusivement destinés à la résidence principale, car cette refonte est fondamentale.

 Concernant les dispositions fiscales de la proposition de loi, nous sommes évidemment d’accord sur la nécessité de rétablir de la justice fiscale entre location touristique et location de longue durée. Ce qui était prévu dans le PLF 2024 ne nous satisfait pas, et nous restons sur l’option des rapporteurs, à savoir l’alignement des taux à 40 %, en faisant une différence, notamment dans les zones rurales d’abattement fiscal à 71%, pour les gîtes ruraux. Avec ces évolutions, nous soutiendrons ce texte.

M. Vincent Roland (LR). Je me félicite que ce texte prévoit de créer un zonage de servitude d’habitation permanente. Il s’agit en effet d’un point essentiel lorsqu’une collectivité s’implique pour créer du logement.

Effectivement, il n’est pas rare qu’au fil du temps, ces logements, initialement destinés aux résidents permanents, soient ensuite dévoyés pour des résidences secondaires.

S’agissant des DPE, placer ce sujet dans les mains des conseils municipaux constitue une bonne nouvelle. Néanmoins, le délai pose des difficultés. Dans l’application actuelle, cette démarche est impossible.

Enfin, je suis particulièrement timoré au sujet de la fiscalité. Des personnes ont monté des équilibres économiques avec certaines données fiscales et les changer en cours de route risque de fragiliser ces ménages. Une des raisons de la crise du logement réside certainement dans cette modification à outrance des règles fiscales.

Mme Marina Ferrari (Dem). La lutte contre la crise du logement permanent, notamment en zone tendue, est aujourd’hui devenue indispensable, tant nos concitoyens rencontrent des difficultés à accéder à des logements.

Néanmoins, lorsque nous nous attachons aux questions de fiscalité, nous avons besoin d’évaluer les impacts de nos décisions. Elles impacteront des millions de contribuables et toucheront certains équilibres, dont les territoires touristiques peuvent être largement dépendants.

Or, les derniers textes pris semblent introduire une certaine illisibilité dans nos volontés. La mesure adoptée au PLF concerne uniquement les classés « meublés de tourisme ». Nous avons donc choisi un prisme réduit pour nous attaquer à la problématique, car sur les plateformes Airbnb, 90 % des logements ne sont pas classés « meublés de tourisme ». Nous devons donc nous adresser prioritairement aux meublés non classés tourisme. Ce texte présente de bonnes mesures, mais nous devons être vigilants vis-à-vis de l’article 3.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). Ce texte est intéressant, mais ne constitue qu’un commencement. Il est nécessaire, en premier lieu, de stopper l’augmentation de l’offre, notamment dans les zones tendues.

Cette évolution sera permise par le changement d’usage que nous devons mettre en place le plus rapidement possible. En revanche, le rôle de la fiscalité semble limité, avec un écart trop important, qui limitera probablement l’impact des éventuelles mesures mises en place dans ce domaine.

Par ailleurs, une problématique concerne les impayés dans le domaine des locations annuelles. Les propriétaires se sentent abandonnés et n'arrivent plus à se faire régler leurs loyers. La solution simple pour eux consiste donc à effectuer de la location saisonnière.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Cette proposition de loi m’interpelle à plusieurs égards, avec notamment un risque de créer de nouveaux effets de bord. D’une part, ce texte risque d’entraîner une restriction de l’offre de biens à louer, dans un contexte de crise immobilière majeure, avec le coup d’arrêt de la construction de logements neufs dans notre pays, en raison de taux d’emprunt élevés. Ces taux empêchent des locataires d’obtenir des prêts immobiliers pour accéder à la propriété.

Par ailleurs, le nombre de logements vacants est souvent plus important que les locations meublées à usage touristique. Il semble donc nécessaire de s’attaquer aux raisons qui découragent les propriétaires à mettre leur logement sur le marché, plutôt que de s’attaquer à une offre qui reste marginale. En effet, sur un million de logements meublés touristiques, près de la moitié sont des résidences principales et concernent des logements utilisés exclusivement ou principalement à la location de courte durée, et finalement ne représentent que 80 000 logements, soit 0,2% du parc. De plus, cette pratique apporte un pouvoir d’achat important à de nombreux ménages, en complément de revenu.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Je souhaite remercier M. Roland. Nous avons beaucoup travaillé pour trouver des moyens de faire baisser le prix du logement en zone tendue. Nous souhaitions mettre en place le dispositif de servitude. Nous avons rencontré des difficultés à trouver le bon outil pour pouvoir déterminer de l’usage sur un territoire. Nous y arrivons, mais des notions devront certainement être prises en compte, pour éviter les changements ou les détournements à l’avenir.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. J’entends les interrogations sur la fiscalité. Il s’agit avant tout d’une mesure de justice sociale et de justice fiscale. Des personnes peuvent louer leur appartement parfois plus de 1 000 euros par semaine. Rien ne justifie une déduction fiscale, jusqu’à 71 %, et un plafond de 188 000 euros pour le classé et de 77 000 euros pour le non classé.

Il ne s’agit pas de compléments de revenu, mais simplement d’un business plan et d’une sorte de dividendes. Peu importe le montant de l’abattement que sera retenu, ces personnes continueront à gagner suffisamment d’argent pour englober leurs charges. Rien ne justifie ces taux.

Nous avions initialement besoin de logements touristiques. Or, nous en avons désormais trop. Ce mécanisme crée plus de perdants que de gagnants. Certains propriétaires paieront plus d’impôts, ce que semble normal lorsque l’on bénéficie de revenus issus du foncier.

L’abattement sera seulement abaissé de 10 ou 20 %. Cette évolution n’est pas susceptible de remettre en cause les équilibres fiscaux de ces personnes.

De plus, sur un nombre conséquent de logements, une majorité écrasante est tenue par des multipropriétaires. Demander aux personnes de payer des impôts à la hauteur des revenus qu’elles gagnent n’est en rien scandaleux. Nous préservons par ailleurs les gîtes ruraux et les maisons d’hôtes qui ont une valeur ajoutée dans nos territoires.

En outre, une grande partie des multipropriétaires est aujourd’hui au régime réel et parvient même à payer zéro euro d’impôts. Sur internet, des « pseudo-influenceurs » titrent leurs vidéos : « Comment payer zéro impôt en investissant dans Airbnb ? »

Il n’est pas acceptable que le logement soit devenu un outil de défiscalisation. Il s’agit simplement d’une mesure de justice, permettant aux personnes de participer à l’effort collectif en payant des impôts à la hauteur de leurs revenus.

Effectivement, la mesure actuelle, introduite par le Gouvernement dans le PLF, ne satisfait personne. Nous avons donc maintenu notre amendement.

Par ailleurs, le sujet des impayés et des difficultés des propriétaires à louer leurs biens s’inscrit dans le cadre de la désinformation, car la garantie Visale existe. Cette garantie pour les impayés couvre un grand nombre de personne. En revanche, il semble exister une difficulté de promotion et diffusion de la garantie Visale auprès des propriétaires.

Le propriétaire, grâce à Visale, a la garantie de n’avoir aucun impayé à la fin du mois, car la Caisse des Dépôts se porte garante.

De son côté, la loi dite « Kasbarian » vise à lutter contre les squats et à faciliter les expulsions. Je suis néanmoins, à titre personnel, opposé à ces mesures qui impactent les plus fragiles.

Nous devons également prendre en compte le nombre de meublés de tourisme qui deviennent des lieux de fête et qui sont dégradés à cette occasion. Par ailleurs, ces meublés de tourisme sont aussi aujourd’hui l’outil de la prostitution, notamment des personnes mineures.

Nous ne pouvons pas nous permettre de rester immobiles, en nous cachant derrière les « sacro-saints » droits de propriété et droits d’investir.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. J’aime ces débats qui concernent le terrain et la réalité locale, et qui permettent de sortir des logiques de posture.

Sommes-nous satisfaits de la ville que nous avons construite depuis 70 ans, qui a placé nos concitoyens à 80 kilomètres de leur emploi, qui a concentré les plus démunis dans des quartiers politique de la ville, qui n’a pas répondu aux enjeux de transition écologique et qui n’a pas répondu au vieillissement de la population ?

Ce modèle ne date pas de 2017. Nous le produisons depuis 70 ans. Les logiques de posture qui laissent penser que la crise du logement remonte à 2017 ne sont pas acceptables.

Je suis présent ce jour pour aborder ces questions, et pour trouver les moyens de répondre collectivement à l’enjeu du logement, et notamment à la crise du logement qui est structurelle et que nous avons vu arriver depuis au moins une quinzaine d’années.

Le Gouvernement actuel tente de changer ce modèle et de fabriquer des territoires et des logements qui correspondent aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.

Nous avons eu le courage de mettre sur la table la question de la fin des dispositifs d’aide fiscale aux investissements locatifs qui ont contribué à faire décrocher les prix immobiliers du pouvoir d’achat des ménages. Une partie des catégories populaires et des classes moyennes a été exclue de l’accession à la propriété.

Nous avons eu le courage de mettre fin à ces dispositifs d’aide fiscale à l’investissement locatif, qui avaient surtout un effet inflationniste et qui ont fait exploser le prix du foncier, notamment dans les métropoles, ne permettant plus à un grand nombre de personnes d’accéder à la propriété.

La question qui nous concerne est celle de l’attrition des logements. 12 % des étudiants renoncent à leur premier choix d’études pour des questions de logement. Le meublé touristique est venu aggraver la situation des étudiants sur le marché du logement. Nous devons agir, en donnant en priorité un outil de régulation à nos maires.

Ce Gouvernement a le courage de poser la question de la décentralisation de nos politiques du logement. Ce sujet est évoqué depuis au moins 30 ans. Ce Gouvernement pose également la question du lien qui existe entre emploi et logement, et la capacité de nos concitoyens à se rapprocher de leur emploi.

Par ailleurs, la transition écologique n’est pas une option. Nous devons la réussir. Imposer le DPE à l’ensemble des logements locatifs privés et aux meublés touristiques est une évidence. La difficulté était de trouver le dispositif adapté. Dans la location classique, le dispositif DPE permet au locataire d’attaquer en justice le propriétaire, ce qui semble plus compliqué dans le cadre d’un meublé touristique. Nous devions donc trouver un dispositif efficace sur cette question du DPE.

La priorité est l’outil de régulation. La fiscalité ne changera pas fondamentalement la dynamique dans les territoires. À l’inverse, l’outil de régulation permettra de faire évoluer la situation, en offrant aux maires un moyen de réguler localement la situation des meublés touristiques, afin de casser l’attrition de logement.

La fiscalité peut effectivement engendrer des effets de bord. Essayons d’analyser calmement la situation. Des occasions de revenir sur ce texte apparaîtront à l’avenir. Néanmoins, la mission parlementaire doit avancer. Un quart du parc de logements en France correspond à du logement locatif privé, avec 1 % d’institutionnels. Je me bats au quotidien pour essayer de remonter ce pourcentage d’institutionnels, notamment l’assurance vie et l’épargne retraite qui peuvent être mobilisées partiellement sur le locatif privé.

Néanmoins, nous aurons toujours besoin des particuliers dans le locatif privé. Nous devons nous concentrer sur la notion de justice fiscale, sans pour autant renoncer à inciter les personnes à louer dans le locatif privé. Un équilibre doit être trouvé sur cette question.

Concernant le calendrier du DPE, je vous proposerai dans les amendements la possibilité d’accorder un an supplémentaire sur l’étiquette G. Les autres catégories ne seraient pas concernées par cette proposition.

L’objectif n’est pas de faire évoluer le calendrier de la loi « climat et résilience ». Repousser le calendrier de cette loi ne servirait à rien. Nous devons tenir ce calendrier et nous travaillerons avec les professionnels de l’immobilier pour accompagner les propriétaires bailleurs, et ainsi être au rendez-vous le 1er janvier 2025.

Je vous proposerai un amendement, pour les meublés touristiques, afin de mettre en place une exception pour l’étiquette G, avec une date repoussée au 1er janvier 2026.

La séance est suspendue de 18 heures 11 à 18 heures 20.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous commençons avec les articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er

Amendement n° CE179 de Mme Annaïg Le Meur, rapporteure et M. Inaki Echaniz, rapporteur, et sous-amendements CE188 de M. Jean-Félix Acquaviva et CE190 de M. Stéphane Peu, amendements CE159 et CE157 de M. Antoine Armand, amendement CE55 de M. Stéphane Peu et amendement CE90 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune)

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Je vous ai exposé cet amendement CE179 dans mes propos liminaires. Il porte sur la généralisation du numéro d’enregistrement. Cette demande émane notamment de plusieurs maires et vise à obtenir une meilleure vision du parc locatif. Quelques mairies l’ont mise en place et nous demandons sa systématisation, pour obtenir plus de données et disposer d’une meilleure connaissance de nos territoires.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Nous sommes favorables à l’amendement de Mme la rapporteure, mais notre sous-amendement CE188 relève de la cohérence. À la différence des régions de droit commun, contrairement à l’article L4424-32 du code général des collectivités territoriales, en Corse, le président du conseil exécutif signe les arrêtés de classement des meublés de tourisme, tout comme des établissements de tourisme des offices de tourisme ou encore des communes touristiques et des stations classées. Il s’agit là d’une compétence propre à la collectivité. Par cohérence, il nous semble nécessaire que le service de téléservice soit piloté par la collectivité de Corse, dans le cadre du prolongement de cette compétence.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Mon sous-amendement CE190 propose de renforcer les données transmises en matière de meublés de tourisme, notamment le fait d’inscrire l’URL de l’annonce et le nom du propriétaire. Nous sommes tous favorables au fait que les collectivités puissent vérifier. Or à l’expérience, il s’avère que dans des grands immeubles collectifs, si le nom du propriétaire ou l’URL ne sont pas bien remplis sur l’adresse précise du logement, les vérifications sont impossibles. Cette précision complétera utilement l’amendement.

M. Antoine Armand (RE). Les amendements CE157 et CE159 visent, avec des entrées en vigueur différentes, à donner de la visibilité à nos élus locaux pour qu’ils puissent ensuite réguler dans les meilleures conditions. En effet, aujourd’hui, nous connaissons le nombre de meublés classés, le nombre de meublés de tourisme lorsqu’un enregistrement est rendu possible par la loi, dans certaines communes et dans certaines zones tendues seulement. En revanche, cette information n’est pas connue ailleurs. Il existe probablement deux fois plus de meublés de tourisme que de meublés classés. Ces éléments témoignent de l’ampleur du phénomène et de l’importance pour l’ensemble des communes de France de pouvoir disposer de cette visibilité, afin de savoir ensuite s’il faut délibérer et utiliser les possibilités de régulation qui sont ouvertes.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). L’amendement CE55 vise à apporter des précisions. À ce stade, un certain nombre de renseignements sont de caractère informatif. Il existe de nombreuses fausses déclarations ou des déclarations erronées, qui ne permettent pas le contrôle. Cet amendement propose de réclamer des pièces justificatives pour les informations transmises.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). L’amendement CE90 vise à imposer systématiquement un classement pour la location de tout meublé touristique. Le classement se détermine sur cinq niveaux correspondant à des étoiles. Il est réalisé par un organisme accrédité et valable pour cinq ans. Il nous paraît donc normal que cette activité de location à caractère commercial apporte d’abord des garanties d’un niveau de confort aux clients. Notre exposé des motifs rappelle les avantages : un abattement forfaitaire de 71 % sur les revenus de location au titre du régime des micro-entreprises et une exonération de taxe d’habitation et de taxe foncière. Les élus locaux attendent de pouvoir disposer sur tous les territoires de données fiables et précises sur leur parc locatif.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je demande l’avis des rapporteurs sur cette discussion commune.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. L’avis est favorable pour l’amendement CE179 et le sous-amendement CE188.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. S’agissant du sous-amendement CE190 de M. Peu, nous partageons la nécessité de compléter les informations transmises par les plateformes en matière de meublés de tourisme. Cependant, cet amendement est satisfait par la réforme en cours du régime de l’enregistrement au niveau européen, qui précise les pièces à transmettre. De ce fait, nous demandons un retrait, et émettons sinon un avis défavorable.

S’agissant des amendements CE157 et CE159 de M. Armand, nous demandons un retrait au profit de l’amendement 179, puisque la date de mise en application diffère. Nous avons proposé le 1er janvier 2026.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. L’amendement CE55 de M. Stéphane Peu précise que le dossier d’enregistrement peut contenir des pièces justificatives et empêche l’utilisation de numéro de déclaration tant que le dossier complété n’a pas été transmis. Votre amendement est satisfait pour ce qui concerne les pièces justificatives. En effet, notre amendement avant l’article 1er prévoyait que la commune puisse exiger des pièces justificatives listées par décret lors de l’enregistrement du meublé. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec la partie de l’amendement qui prévoit une mise en demeure et un gel de la déclaration, qui me paraissent être motifs de lourdeur. Nous demandons donc le retrait.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. L’amendement CE90 de M. Jean-Félix Acquaviva reviendrait à opérer deux renforcements : d’une part, exiger le classement de tout meublé de tourisme ; et d’autre part, ajouter la décence aux critères de classement d’un meublé au sens du code du tourisme. Il s’agirait d’une double exigence qui pèserait notamment sur ceux qui souhaitent louer leur résidence principale pour une courte durée. Cela semble une bien lourde charge à leur imposer. Nous émettons un avis défavorable.

M. le président Guillaume Kasbarian.  En résumé, vous émettez un avis favorable sur l’amendement CE179 et le sous-amendement CE188. En revanche, pour les autres amendements, vous demandez un retrait et, à défaut, vous émettez un avis défavorable. Monsieur le ministre, quel est votre avis ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. J’émets un avis favorable à l’amendement CE179 ; un avis défavorable sur les sous-amendements CE188 et CE180. Je partage l’avis de Mme la rapporteure sur le sous-amendement CE190. Je propose le retrait des amendements CE157 et CE159 au bénéfice de l’amendement CE179. Nous livrons l’amendement CE55 à la sagesse de l’Assemblée et notre position est défavorable sur l’amendement CE90.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous corrigeons l’avis sur l’amendement CE55 et optons également pour la sagesse.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je précise que l’adoption de l’amendement CE179 fait tomber le reste.

M. Antoine Armand (CE). Je retire les deux amendements CE157 et CE159.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Je n’ai pas compris l’argument employé pour désavouer le sous-amendement CE190. D’après l’expérience des collectivités qui exercent d’ores et déjà des contrôles actuellement, les déclarations obligatoires des plateformes ne permettent pas toujours de pouvoir contrôler efficacement. Je retire l’amendement CE55 et maintiens le sous-amendement CE190 en attendant des clarifications des rapporteurs.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Je maintiens l’amendement CE90. Il ne s’agit pas d’une double contrainte ; mais soit d’un classement, soit d’une visite. Nous ne voulons pas créer de niche fiscale avec un effet d’opportunité, mais nous considérons que la location de meublés de tourisme engage ceux qui recourent à une activité commerciale. Introduire un minimum de visite par les organismes agréés me semble constituer un élément qualitatif, qui participe à la lisibilité de la proposition de loi.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Monsieur Peu, les discussions sont en cours dans le cadre du trilogue, au niveau européen, mais nous avons bonne chance de voir aboutir ce dispositif, qui est intégré en fait au texte.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Si nous sommes trop précis, cela pourra se retourner contre nous.

La commission adopte le sous-amendement CE188.

La commission rejette le sous-amendement CE190.

La commission adopte l’amendement CE179 sous-amendé.

En conséquence les autres amendements tombent.

 

Article 1er (article L. 324-1-1 du code du tourisme) : Application des obligations de diagnostic de performance énergétique et de décence énergétique aux locaux meublés de tourisme

 

Amendements de suppression CE7 de M. Frédéric Falcon

M. Frédéric Falcon (RN).  Nous sommes opposés à l’extension des contraintes de DPE sur les locations saisonnières. Vous ne mesurez pas le carnage qu’elles induisent sur le marché locatif, notamment à Paris. Monsieur le ministre nous expliquait qu’il consultait les organisations professionnelles, mais les agences immobilières indiquent qu’un certain nombre de logements sont retirés du marché locatif, notamment à destination des étudiants, parce qu’ils ne respectent pas les normes DPE. J’aimerais également comprendre la logique de cette mesure. Je ne vois pas en quoi la location d’un logement G passoire thermique en plein mois d’août, dans une station balnéaire comme chez moi dans le Languedoc, pose un problème en termes de préservation de l’environnement. On nous dit « Pensez à vos enfants », mais cela ne nous empêche pas d’avoir un minimum d’esprit critique et de ne pas être idiots.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous avons déjà entrepris ce débat à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’examen des crédits consacrés au logement dans le PLF. Il ne s’agit pas pour nous de remettre en question ou de débattre du calendrier de la rénovation énergétique. Cet article 1er représente une mesure d’égalité importante entre les locaux de tourisme et le logement. Depuis le 22 août 2021, tous les logements qui ont vocation à être mis en location sont soumis à ce calendrier de rénovation. Si nous ne l’étendons pas aux meublés de tourisme, nous courons le risque que les propriétaires qui veulent éviter la rénovation se ruent sur le meublé de tourisme. Nous voulons éviter un appel d’air qui serait dévastateur pour le logement. Votre commune ne sera pas obligée de mettre en œuvre le changement d’usage et ne sera donc pas soumise au DPE. Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement de suppression.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Mon avis est défavorable : la transition écologique n’est pas une option.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je souligne que l’article donne la faculté aux maires de demander aux locations d’appliquer la règle de DPE. Il ne s’agit pas d’une imposition.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Je rappelle que la rénovation thermique est absolument nécessaire et cruciale : la science et le dérèglement climatique nous obligent. En outre, cet article est bon pour le porte-monnaie. Collègues du Rassemblement national, vous devriez vous battre pour un service public de la rénovation et être au côté des parlementaires qui réclament des milliards pour la rénovation thermique plutôt que de vous opposer – excusez-moi de le formuler ainsi – bêtement et de manière dogmatique à la rénovation thermique.

M. Frédéric Falcon (RN). Permettez-moi de rire lorsque les Écologistes nous parlent de progrès et de science. Nous sommes évidemment favorables à la rénovation énergétique, mais les efforts qui sont demandés sont essentiellement portés par les Français les plus modestes, qui ne peuvent pas assumer le rythme d’application de ces mesures. Il faut également mener une réflexion sur l’efficacité et la pérennité des travaux engagés. Des études commencent d’ailleurs à s’intéresser à ce sujet. La Cour des comptes a également épinglé un certain nombre de travaux de rénovation énergétique en expliquant que 61 % des logements qui avaient fait l’objet d’une opération de rénovation restaient classés E, F ou G. Que faites-vous pour ces logements ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE182 de M. Inaki Echaniz, rapporteur, CE151 de M. Xavier Roseren, CE46 et CE128 de Mme Virginie Duby-Muller, CE175 et CE43 de M. Vincent Rolland (discussion commune).

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Initialement, à l’article 1er, nous avions prévu de créer un nouveau régime d’autorisation de meublés de tourisme, sur le fondement de la présentation d’un DPE valide au titre du calendrier de la rénovation énergétique. Cette mesure est tout autant motivée par un impératif écologique que par un impératif en matière de logement, pour éviter le départ massif des propriétaires vers le marché touristique au fur et à mesure que les interdictions à la location des passoires thermiques deviendront effectives. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui a été saluée par la très grande majorité des acteurs que nous avons rencontrés. Toutefois, ils n’ont pas manqué de soulever la spécificité des situations locales, qui rendront parfois très difficile l’application de cette mesure dans les délais, et notamment la faculté de dérogation de la collectivité.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, dans l’amendement CE182, une nouvelle rédaction plus claire et plus simple sur le plan juridique, qui vise à améliorer l’effectivité de cette mesure importante. Celle-ci, au lieu de créer un nouveau régime d’autorisation qui s’additionnerait aux dispositifs existants, adosse le régime du DPE au régime de l’autorisation de changement d’usage, que les communes pourront mettre en place ou non. Il s’agit d’un régime d’autorisation qui prévaut dans de nombreuses communes et dont nous proposerons, à l’article 2, d’étendre le champ. Dans le cadre de cette réglementation, les propriétaires de meublés de tourisme auront l’obligation de remplir les exigences du calendrier énergétique de la loi « climat et résilience », faute de quoi ils ne pourront obtenir l’autorisation. Comme pour le parc de logements, une mesure est prévue pour concerner le stock existant des meublés qui auront cinq ans – ce délai est raisonnable – à compter de la promulgation de la loi, pour se mettre en conformité avec ces obligations.

M. Xavier Roseren (RE). L’amendement CE151 vise à étendre les exigences de performance énergétique, déjà en vigueur pour les locations classiques, aux meublés de tourisme. Il s’agit de dissuader les propriétaires en zones tendues de passer de la location classique annuelle à la location touristique de courte durée. Les stations de montagne comptent un nombre élevé de passoires thermiques et il est difficile d’y trouver des entreprises de rénovation. Le maire pourra exceptionnellement assouplir cette règle. Cette dérogation vise à donner plus de temps au parc immobilier touristique pour se mettre au niveau sur le plan énergétique. Chaque territoire étant vraiment différent, cette approche flexible reflète une volonté d’adapter la transition énergétique aux spécificités locales, tout en faisant confiance aux décisions des élus.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Je défends de manière commune les amendements CE46 et CE128. Cet article prévoit de conditionner la possibilité de louer un meublé touristique à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique et de le soumettre aux mêmes obligations de performance énergétique que les locations de longue durée. Cette mesure risque de réduire l’offre de meublés touristiques et de réduire le pouvoir d’achat des ménages sans pour autant libérer de logements supplémentaires. Cette mesure se heurte aussi à la non-éligibilité aux financements de type « MaPrimeRénov’ », à la forte proportion dans le parc touristique d’appartements de vacances mal isolés construits dans les années 1970 sur le littoral et en montagne, et à un manque de main-d’œuvre qualifiée pour la réalisation de travaux de rénovation thermique. Par conséquent, l’amendement CE46 propose de cibler, en autorisant les communes volontaires à intégrer des critères de performance énergétique pour l’obtention de l’autorisation de changement d’usage des meublés de tourisme. Ainsi, 3 381 communes seront en mesure d’adopter de telles dispositions directement.

L’amendement CE128 modifie les termes en fonction des classes du DPE et le calendrier.

M. le président Guillaume Kasbarian. M. Rolland va défendre l’amendement CE175, identique à celui de Madame Duby-Muller, ainsi que l’amendement CE43.

M. Vincent Rolland (LR). Nous ne sommes pas opposés au DPE. Notre collègue écologiste parlait tout à l’heure de dogmatisme ; pour ma part je vous parlerai d’idéologie.

Il est tout simplement impossible de faire coïncider le calendrier de la législation sur les meublés de tourisme avec celui de la loi « climat et résilience ». En effet, il existe des ensembles immobiliers issus des Plans neige voulus par l’État, dont les appartements ne sont pas les plus vertueux en matière d’isolation thermique. Des accords doivent d’abord être trouvés au sein de copropriétés, puis il faut ensuite trouver des artisans. Or nous connaissons tous la pénurie actuelle en matière d’artisans, de main-d’œuvre et de matériaux.

Si ce texte doit être voté en l’état, la réalité nous rattrapera et elle sera absolument cruelle. Il faudra alors trouver le moyen de déroger, une fois de plus, comme cela s’est fait d’ailleurs dans certaines métropoles sur un autre sujet, celui des zones à fiables émissions (ZFE). Cela n’est pas sérieux, essayons d’anticiper et de détendre le calendrier. Il est certes pertinent de confier cette décision aux conseils municipaux, mais si nous voulons réaliser des DPE, donnons-nous du temps.

M. le président Guillaume Kasbarian. Quels sont les avis des rapporteurs sur chacun de ces amendements ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur. L’avis est favorable sur l’amendement CE182.

L’amendement CE151 adosse le DPE au changement d’usage, comme nous le faisons également. Toutefois, deux différences posent un problème. Il ne porte pas sur le stock de meublés tourisme existants. De notre côté, nous établissons un délai de cinq ans, qui nous semble raisonnable pour le stock. Il décale en outre le calendrier d’application à l’année 2026, ce qui suscitera un effet d’appel d’air entre 2025 et 2026 et rendra inopérante la mesure que nous voulons prendre aujourd’hui pour les propriétaires qui cherchent à éviter d’engager des travaux.

Je précise que je suis moi-même élu d’une circonscription qui comprend des stations de ski. Je suis donc bien conscient de l’enjeu spécifique de la rénovation dans ces stations de ski. Cependant, les DPE sont déjà aménagés dans ces stations de ski et les communes de stations ne seront pas obligées de mettre en œuvre le changement d’usage. Elles ne seront donc pas soumises au DPE. J’insiste cependant sur le fait qu’il faut nous prendre à bras-le-corps la question de la rénovation des passoires thermiques en stations de ski. Il faudra mettre en place un plan de rénovation global de nos stations, pour leur avenir et surtout l’avenir de notre planète.

Je demande donc le retrait des amendements au profit de notre amendement CE182.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Je suis défavorable à l’amendement CE182 pour des raisons de sécurité juridique. Je suis favorable à l’amendement CE151 et défavorable aux amendements CE46 et CE128 pour des questions de difficulté juridique de nature à créer une rupture d’égalité entre les territoires. Je suis également défavorable à l’amendement CE175.

M. le président Guillaume Kasbarian.  Dans la mesure où l’adoption d’un de ces amendements reviendrait à faire tomber la totalité des autres, puisqu’il s’agit d’une réécriture globale, je cède la parole à chacun des groupes, afin que chacun puisse s’exprimer.

M. Antoine Armand (RE). Je soutiens l’amendement CE182 du corapporteur. Il permet d’ouvrir une faculté supplémentaire à nos élus locaux pour réguler davantage. Il est vraiment très triste que le Rassemblement national ne le comprenne pas, à la fois dans une perspective écologique, mais aussi dans une perspective d’équité nationale. Franchement, ne voulez-vous pas laisser aux maires la faculté de réguler et de permettre une amélioration du bâti ? Cela n’a pas de sens par rapport à ce que vous prétendez défendre, c’est-à-dire la décentralisation des politiques.

Je viens en soutien à ces dispositifs précisément parce qu’ils visent à ouvrir cette faculté et à permettre un alignement avec le rythme de la loi « climat et résilience ». Comment peut-on défendre aujourd’hui l’existence d’une différence de traitement de la qualité du bâti énergétique, entre des meublés de tourisme d’une part et des logements permanents d’autre part ? Il s’agit là d’une question de logique et de cohérence intellectuelle.

M. Thibault Bazin (LR). Je dois vous faire part de ma surprise sur les différents avis. Nous ne pouvons nier les réalités auxquelles nous sommes confrontés et nous convenons de la nécessité d’assurer la transition écologique et énergétique des logements meublés de tourisme. Néanmoins, la question du calendrier et des moyens n’en demeure pas moins évidente.

Ma collègue Virginie Duby-Muller a souligné à juste titre le manque de main-d’œuvre qualifiée, mais également les problèmes existants en matière d’accompagnement financier. Des propriétaires ne disposent pas toujours des revenus suffisants. Dès lors, la question est de savoir comment nous les accompagnons pour permettre cette transition. S’ils ne peuvent pas rénover dans les délais, moins de logements seront disponibles, ce qui ne permettra pas d’atteindre l’objectif recherché. Il est donc dangereux de ne pas donner plus de souplesse au calendrier.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous sommes en soutien de l’amendement CE182, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, si nous ne nous attaquons qu’aux nouveaux flux sans travailler sur les stocks, nous passerons à côté du problème. Il faut resituer notre action dans le contexte de l’urgence écologique et il n’est pas possible de tenir un double discours qui consisterait à prétendre vouloir avancer, mais à ne pas agir en pratique. De plus, le délai de cinq ans nous semble raisonnable et suffisant pour permettre justement de s’adapter à cette obligation nouvelle.

Mme Marina Ferrari (Dem). Si j’ai bien compris, les rapporteurs souhaitent qu’un délai de cinq ans soit établi pour se mettre en conformité. Je vous remercie de cette évolution, sans laquelle un appel d’air risquait d’être créé, au détriment de la rénovation des logements pérennes. Ce délai permettra de laisser le temps au stock de meublés de tourisme de s’adapter. En revanche, je souhaiterais obtenir un complément d’information sur l’amendement de M. Roseren, qui propose de repousser à 2026 l’adoption du calendrier. Concerne-t-il uniquement les nouveaux entrants ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Il ne concerne que les nouveaux entrants, mais pas le stock.

Mme Marina Ferrari (Dem). En résumé, je suis favorable l’amendement CE182.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Nous sommes favorables à l’amendement CE182, en attendant d’obtenir quelques précisions sur le problème de sécurité juridique mentionné par M. le ministre. Je salue cette disposition, synonyme de décentralisation, qui donne la parole aux élus. Nous sommes favorables à cette transition énergétique qui prend en compte les flux et les stocks.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Nous sommes également favorables à l’amendement CE182. Il nous paraît important de redonner la main aux maires et aux communes. D’autre part, la mesure ne concerne pas les habitations principales, et parmi elles celles qui sont occasionnellement mises en location touristique. Je rappelle que la vocation initiale des locations Airbnb ou de meublés touristiques n’est pas de constituer un business spécifique, mais de demeurer une location ponctuelle.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Nous soutiendrons cet amendement, mais il s’agit pour nous d’une forme d’amendement de repli, dans la mesure où il n’est pas question de tergiverser ou de négocier avec le climat. C’est en établissant des objectifs et des dates que la filière pourra voir le jour, à condition bien sûr que le Gouvernement tolère que nous accordions des moyens à la régulation thermique. Je redoute qu’à force de prendre du retard, nous ne dévitalisions les objectifs.

M. Christophe Plassard (HOR). Nous soutenons l’amendement CE182 et attendons un éclairage sur la question de sécurité juridique, mais également sur les aménagements attendus pour rendre possibles les 600 000 rénovations.

M. Vincent Rolland (LR). Les corapporteurs peuvent-ils fournir un éclaircissement sur le terme « régulièrement » dans la phrase « régulièrement à la location à une clientèle de passage ». Comment le définissez-vous ? À quoi correspond le stock ? Un délai de cinq ans supplémentaires nous convient, mais comment définir l’enveloppe ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Que se passe-t-il pour les logements que des propriétaires veulent mettre en location ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Cet amendement a été mûrement travaillé et retravaillé pour essayer de répondre à un équilibre qui nous était demandé, compte tenu des enjeux de la rénovation énergétique ; de la différenciation des territoires et de la prise en compte des spécificités de chacun ; et de la nécessaire mobilisation des professionnels et artisans. L’objectif consistait ainsi à trouver une formulation équilibrée permettant de satisfaire tout le monde tout en étant juridiquement solide. L’amendement est conçu dans un esprit de simplification et de décentralisation, afin de donner la responsabilité aux élus locaux, et notamment aux maires, de pouvoir agir en fonction des territoires. Je considère qu’il s’agit de l’amendement le plus abouti.

Ensuite, les résidences principales ne seront pas concernées par cette obligation. Par ailleurs, nous avons repris la définition du meublé de tourisme telle qu’elle est inscrite dans le code du tourisme. En matière de stock, il s’agit de parler des logements qui ont déjà une autorisation de changement d’usage. Deux types de changements d’usage doivent être distingués : les changements d’usage définitifs et les changements d’usage à renouveler en fonction de la durée fixée par les communes. Concernant le changement définitif, notre proposition consiste à laisser un délai respectable de cinq ans pour effectuer les travaux. Enfin, pour obtenir un renouvellement, il faudra apporter ce DPE.

Il me semble que cet amendement est le plus clair, le plus lisible et le plus équilibré pour concilier à la fois l’ambition écologique, la volonté de décentralisation et la spécificité des territoires.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Je précise qu’auparavant, le changement d’usage ne s’appliquait que pour les communes de plus de 200 000 habitants dans les zones tendues. Très peu de personnes sont donc concernées par ce stock.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. L’objectif consiste à simplifier la tâche pour les collectivités. Tel est le cas si le DPE est vérifié au moment de l’autorisation. Lorsqu’il s’agira d’aller chercher sur le stock, l’opération sera un peu plus complexe en termes de contrôles, notamment pour la collectivité. Nous étions initialement plutôt défavorables pour des questions de sécurité juridique. Pour autant, Mme la rapporteure a raison de souligner que peu de logements sont concernés. Par conséquent, si vous le souhaitez, nous pouvons livrer l’amendement à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président Guillaume Kasbarian. Selon vous, le stock est difficile à contrôler, mais si le seul flux était concerné, très peu de cas se présenteraient.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Les rares cas concernent les stocks.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Si les propriétaires ont déjà effectué un changement d’usage, il sera possible de les retrouver. Les communes disposent en effet de leur numéro et de leur identité. Il sera donc possible de les solliciter progressivement, compte tenu du délai de cinq ans.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous mettons aux voix l’amendement CE182 des rapporteurs, sur lequel le ministre s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte l’amendement CE182 et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Après l’article 1er

 

Amendements CE132 et CE126, CE127, CE134 de M. Julien Bayou, CE164 de M. Aurélien Lopez-Liguori, CE10 de M. Frédéric Falcon, CE37, CE87 et CE88 de M. Stéphane Delautrette, CE133 et CE65 de M. Stéphane Peu, CE148 de Jean-Félix Acquaviva (discussion commune)

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à passer la limite de location à quatre-vingt-dix jours au lieu de cent vingt jours pour la résidence principale et surtout pour étendre cette limite de quatre-vingt-dix jours à l’ensemble des autres résidences, dont les résidences secondaires. Aujourd’hui, le paradoxe est le suivant : la limite ne porte que sur la résidence principale, mais pas sur les autres.

M. Frédéric Falcon (RN). Je défends l’amendement de mon collègue Lopez-Liguori. Cet amendement réduit la durée de location maximale de cent vingt jours à soixante jours. Après consultation des professionnels, cela nous semble être un bon compromis, notamment dans les territoires languedociens.

Je défends également mon amendement CE10, qui vise à donner la possibilité aux communes de choisir de réduire éventuellement jusqu’à soixante jours la location saisonnière, comme je l’ai présenté initialement pour l’amendement de mon collègue.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Mon amendement CE126 vise à donner aux communes la possibilité de diminuer le nombre maximal de jours durant lesquels une personne peut offrir à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale, dans la limite de trente jours, contre cent vingt jours.

J’en profite pour vous présenter les amendements de repli CE87 et CE88. L’amendement CE87 propose de fixer cette limite à soixante jours et l’amendement CE88 propose de la fixer à quatre-vingt-dix jours.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Dans le même état d’esprit, mon amendement CE126 vise à permettre à la commune de descendre cette limite jusqu’à trente jours et par là même, je défends les mêmes amendements identiques à quatre-vingt-dix jours.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Mon amendement CE133 vise à donner la faculté aux villes d’abaisser la limite à trente jours.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement CE148 est identique et porte sur une limite inférieure de quatre-vingt-dix jours.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). L’amendement CE65 concerne un abaissement à soixante jours.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je demande l’avis des rapporteurs sur ces différents amendements.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Les amendements évoqués précédemment s’inscrivent dans deux logiques différentes. Certains veulent diminuer d’office la durée, quand d’autres souhaitent laisser le soin aux maires de décider, selon des durées plus ou moins longues.

Pour rappel, le plafond des jours de location en courte durée s’impose uniquement aux résidences principales et non aux locaux qui ont fait l’objet d’une demande de changement d’usage à titre définitif ou temporaire, ou dans les communes où le changement d’usage n’est pas appliqué aux résidences secondaires. Selon l’OCDE, la limite de cent vingt jours est plutôt élevée en comparaison internationale. Ainsi, la Norvège l’Irlande ou encore la ville de Londres ont une limite à quatre-vingt-dix jours tandis que l’Italie établit un plafond de trente jours. Contrairement à d’autres mesures, le plafond en termes de jours ne semble pas avoir d’incidence directe sur l’attrition du logement en zones tendues, dans la mesure où les résidences principales concernées ne constituent pas un stock de logements supplémentaires que la mesure pourrait libérer.

Cependant, le plafonnement de jours entraîne d’autres impacts reconnus en matière de désordre dans les immeubles et dans la modification de la configuration des quartiers, notamment. La limite à cent vingt jours est liée à la définition de la résidence principale comme étant celle qui est occupée au moins huit mois par an, qui existe à la fois en droit fiscal et en droit immobilier.

Toutefois, la remise en cause du plafond n’occasionne en rien une déstabilisation des définitions utiles de la résidence principale. Il s’agit donc d’ouvrir aux communes la faculté de définir un plafond inférieur, ce qui constitue une demande récurrente des communes que nous avons pu auditionner et qui voient leur configuration socioéconomique évoluer. Nous émettons, en tant que rapporteurs, un avis favorable à l’amendement CE88 de M. Stéphane Delautrette, ainsi qu’aux amendements identiques qui suivent et qui permettent d’offrir aux communes la faculté de descendre à quatre-vingt-dix-jours. Je demande un retrait au profit de ces amendements pour tous les autres.

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous êtes donc favorable à l’amendement CE88 et demandez le retrait de tous les autres.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. La limite de cent vingt jours est cohérente avec la définition de la résidence principale à huit mois. Elle doit donc demeurer. Ensuite, je préfère que les maires aient la possibilité de s’adapter à la situation plutôt que de fixer une baisse valable pour tout le monde. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée soit pour l’amendement CE87, soit pour l’amendement CE88.

M. Vincent Rolland (LR). Nous sommes clairement opposés à la modification du seuil. Lorsque j’entends des collègues proposer un seuil bas pour les locations de meublés touristiques de type résidence secondaire, pardonnez-moi, mais je trouve cela lunaire. À la faveur des Plans neige ou des plans de développement des stations balnéaires impulsés par l’État, des dizaines, voire des centaines de milliers d’appartements ont été créés. Aujourd’hui, certains voudraient en limiter le taux d’occupation et donc, d’une certaine manière, mettre à mal un système économique. Je trouve cela complètement décalé.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Non, il ne s’agit que des résidences principales.

M. Vincent Rolland (LR). Je ne l’avais pas compris ainsi ; je m’en excuse.

M. le président Guillaume Kasbarian. Encore une fois, l’optique retenue est celle de la décentralisation, afin de doter les élus de la faculté de décider.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Mme la rapporteure l’a rappelé, la limite à cent vingt jours s’effectue en cohérence avec les huit mois d’occupation pour la résidence principale.

Le total des jours de week-ends et des jours de congés payés de droit commun s’établit à 129 jours par an. Il apparaît difficilement compatible avec une occupation réelle d’un logement comme résidence principale au moins huit mois par an, d’autant plus que dans de rares exceptions qui se justifieraient pour des raisons professionnelles, pour des raisons de santé ou en cas de force majeure, il existe déjà une possibilité de déroger à ce délai des cent vingt jours. C’est la raison pour laquelle il semble intéressant de donner aux maires, dans le contexte de leur commune, la possibilité d’abaisser ce seuil. Compte tenu de l’avis des rapporteurs, je retire les amendements autres que le CE88, qui a retenu leur avis favorable.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous ne parlons ici que de la résidence principale, même si la question peut se poser également pour une résidence secondaire, dont la définition peut être fluctuante, selon qu’il s’agisse d’une résidence secondaire unique ou d’une résidence secondaire parmi d’autres, par exemple pour des multipropriétaires. Dès lors, il sera nécessaire de redéfinir les contours de cette résidence secondaire par rapport aux investissements locatifs.

M. Stéphane Delautrette a très bien exposé notre intention de donner la possibilité aux maires de mettre en place ce seuil de quatre-vingt-dix jours, qui ne nous paraît pas hors de propos. Des aménagements seront prévus pour des catégories spécifiques de la population, mais un citoyen lambda est rarement absent cent vingt jours, soit quatre mois, de sa résidence principale.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il est vrai que les résidences secondaires recouvrent des réalités différentes.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. La réflexion porte plus largement sur la question de savoir à quoi correspond aujourd’hui un logement, dans notre société actuelle. Par exemple, la notion de logement de fonction n’existe pas, alors que cette question se pose, notamment dans le cadre du développement du télétravail. De même, la question de l’habitat mobile se pose également.

Les amendements CE37 et CE87 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE132, CE164, CE165, CE10, CE126, CE133 et CE127.

La commission adopte les amendements identiques CE88, CE134 et CE148.

En conséquence, l’amendement CE65 tombe.

 

Amendements CE63 de M. Stéphane Peu, CE80 de M. Antoine Armand, CE107 de M. Christophe Plassard et sous-amendement CE187 du Gouvernement (discussion commune)

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Cet amendement CE63 vise à traiter un sujet qui est pour l’instant peut-être encore assez marginal, mais qui pourrait s’étendre. Nous avons traité le changement d’usage de commerce en logement, mais il demeure un blanc dans la législation sur les transformations d’usage. Or dans certaines métropoles et à Paris en particulier, nous assistons massivement à des transformations d’usage de bureaux en meublés touristiques. Cet amendement propose aux communes qui le souhaitent de réglementer ces transformations, toujours dans le même esprit de décentralisation.

M. Antoine Armand (RE). L’amendement CE80 va dans le même sens que celui de mon collègue. Nous commençons à voir apparaître un détournement : certains propriétaires et certaines sociétés utilisent des bureaux ou des locaux qui se rattacheraient à des entrepôts pour en faire des meublés de tourisme. Or ce qui est aujourd’hui un début de détournement pourrait être bien plus massif dans un monde où nous régulons plus fortement. Cet amendement vise à la fois à empêcher les détournements actuels et à prévenir des détournements futurs, en confiant à nouveau cette faculté aux élus locaux.

M. Christophe Plassard (HOR). L’amendement CE107 adopte le même raisonnement. Je précise par ailleurs que ce phénomène concerne notamment de nombreux rez-de-chaussée et les commerces situés en rez-de-chaussée des immeubles, qui ont tendance dans certaines métropoles, à être à basculés vers des logements touristiques saisonniers.

M. le président Guillaume Kasbarian. Sur les amendements identiques de MM. Armand et Plassard, le Gouvernement nous propose un sous-amendement CE187, d’ordre purement rédactionnel.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous remercions nos collègues d’avoir déposé ces amendements sur un sujet qui a été porté à notre connaissance par plusieurs collectivités. À Paris, j’ai pu observer des rues entières où le commerce, notamment le commerce de proximité, a complètement disparu pour laisser place uniquement à des façades grisées et floutées. À ce jour, les communes ne peuvent pas réguler cet usage.

Nous sommes favorables sur le principe à l’amendement de M. Peu, mais je préfère la rédaction de l’amendement de M. Armand pour une question technique. En effet, l’amendement de M. Peu prévoit aussi la suppression du troisième alinéa du 4 bis de l’article qui apporte pourtant une simplification administrative bienvenue, en prévoyant l’autorisation de changement d’usage au titre de cet article qui vaut autorisation de changement de destination au titre du code de l’urbanisme. Notre but consistant à mieux réglementer les changements d’usage, à simplifier les mesures pour les communes et à ne pas alourdir les procédures administratives pour les autorisations concédées par les mairies, j’effectue une demande de retrait au profit de l’amendement CE80 de M. Armand.

L’avis est favorable pour les amendements de MM. Armand et Plassard, ainsi que pour le sous-amendement rédactionnel du Gouvernement.

M. le président Guillaume Kasbarian. M. le ministre, quel est votre avis ?

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. L’avis est favorable pour l’amendement CE80 sous-amendé. L’avis est défavorable pour l’amendement CE63, car il propose de supprimer la coordination nécessaire avec des procédures d’autorisation du code de l’urbanisme, en attachant l’autorisation à la personne et non plus au local. Il me semble au contraire qu’il est préférable, toujours dans la mesure du possible, de permettre aux demandeurs de déposer une seule demande qui soit valable pour deux procédures plutôt que deux demandes indépendantes pour un même objet.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Je retire mon amendement.

Mme Marina Ferrari (Dem). M. le rapporteur a indiqué que les communes ne pouvaient pas empêcher la mutation de locaux commerciaux en habitation. Cependant, il est déjà possible de l’inscrire dans les règlements d’urbanisme. C’est aujourd’hui le cas dans ma commune, où il est interdit de faire muter les biens sur certains linéaires.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Il s’agit effectivement d’une possibilité, mais comme nous le verrons plus tard dans l’article 2, celle-ci est régulièrement attaquée et ne peut donc, de fait, être mise en œuvre. Par exemple, la mairie de Paris se retrouve confrontée à cette situation. Notre rédaction vise donc à sécuriser le dispositif dans la loi.

La commission adopte le sous-amendement du Gouvernement.

La commission adopte les amendements CE80 et CE107 ainsi sous-amendés.

 

Amendements CE59 et CE60 de M. Stéphane Peu (en discussion commune)

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Je défends simultanément les amendements CE59 et CE60. Certaines communes ayant plus d’expérience que d’autres ont mis en place l’obligation d’enregistrement. Le retour d’expérience fait état de nombreuses fraudes dans ce secteur. Par exemple, des loueurs ne possèdent pas d’enregistrement préalable, ce qui est aujourd’hui sanctionnable d’une amende civile, qui s’avère pourtant peu efficace. En effet, les longs délais de procédure permettent aux loueurs d’échapper au contrôle des agents assermentés.

L’amendement CE59 vise à remplacer l’amende civile par une amende administrative, qui serait prononcée par la commune. Son montant resterait inchangé, à 5 000 euros maximum.

Par ailleurs, certains loueurs utilisent sur leurs annonces un faux numéro d’enregistrement ou, bien que procédant à leur enregistrement préalable, fournissent à la commune de fausses informations, notamment sur leur identité ou l’adresse précise du local. Aucune sanction n’est prévue à ce jour et il est proposé d’ajouter une amende administrative spécifique, prononcée par la commune, pour sanctionner les comportements ouvertement frauduleux, d’un montant de 15 000 euros.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. La notion d’amende doit être étudiée. Ce problème a été évoqué fréquemment lors des auditions, compte tenu des importants détournements qui peuvent avoir lieu. Nous serons favorables à la demande d’amende, notamment telle qu’elle est formulée à l’amendement CE59. L’amendement CE60 étant redondant, nous demandons son retrait en faveur du CE59.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. L’avis est favorable.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Je retire l’amendement CE60.

La commission adopte l’amendement CE59.

 

Amendement CE48 de M. Vincent Rolland

M. Vincent Rolland (LR). Cet amendement propose de réaliser un rapport sur le DPE. En effet, à entendre les diagnostiqueurs, les différences entre les diagnostics demeurent trop importantes. Il est par exemple fréquent qu’un même logement reçoive une note différente selon le diagnostiqueur. Les notifications sont parfois déroutantes. Un tel rapport permettrait de mesurer l’amélioration et, à défaut, de « resserrer » certains écrous.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. La situation des DPE s’améliore.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteur. Nous sommes défavorables en règle générale aux demandes de rapport. Nous pourrons en reparler, mais selon nous, le dispositif que vous proposez est proche de celui résultant de la rédaction de l’article 1er. Je considère donc que votre amendement est satisfait par la rédaction de cet article 1er.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Un rapport a déjà été rédigé par trois corps d’inspection, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale des finances (IGF). Ce rapport a justement proposé de soumettre les locations saisonnières aux obligations de performance énergétique. L’avis est donc défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Mon collègue Vincent Rolland vous a proposé la remise d’un rapport sur le DPE et vous venez de répondre qu’un rapport existant recommande de soumettre ces locations aux obligations de performance énergétique. Cependant, vous ne répondez pas à la deuxième question soulevée par mon collègue. Nous attendons des propositions pour corriger les dysfonctionnements liés au DPE. La presse a indiqué qu’une réforme du mode de calcul est envisagée. Vous nous dites que la situation s’est améliorée, mais nous vous demandons des comptes sur ce point, car les conséquences seront très structurantes pour les propriétaires, mais aussi pour les locataires.

Nous avons besoin d’y voir plus clair. Je nous invite tous collectivement à voter cet amendement. Dans nos permanences parlementaires, nous recevons des personnes qui ont réalisé des travaux, mais qui sont navrées de ne pas recevoir la bonne étiquette énergétique. Parfois, dans une même copropriété, il existe trois étiquettes différentes sur le même palier, alors que les logements ont les mêmes caractéristiques.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE9 de M. Frédéric Falcon

M. Frédéric Falcon (RN). Cet amendement porte sur une demande de rapport afin d’évaluer les conséquences de ces mesures d’élargissement des obligations DPE sur le marché locatif. Vous l’avez compris, nous sommes assez dubitatifs sur ces effets et nous souhaitons mettre en lumière, éventuellement par une étude scientifique, la pérennité de ces travaux d’isolation énergétique. Visiblement, selon certaines études, ces travaux n’ont pas les résultats escomptés. La Cour des comptes s’est déjà prononcée dans ce domaine, de même que l’université de Cambridge dans une étude, que j’avais remise à Mme la rapporteure. J’espère d’ailleurs que vous l’avez lue.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Comme nous l’avons indiqué précédemment, nous sommes plutôt défavorables aux rapports. Cet amendement propose un rapport sur l’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience sur le volume de l’offre locative des meublés de tourisme, qui ne rentrera en vigueur qu’au 1er janvier 2025. Dès lors, il n’y a donc pas encore d’impact à proprement parler. Il sera temps de réaliser des rapports d’évaluation lorsque les dispositifs seront entrés en vigueur. Par ailleurs, notre commission réalisera, je pense, une mission d’évaluation de la loi « climat et résilience » en 2024, trois ans après sa promulgation. L’avis est donc défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE122 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Cet amendement vise à intégrer le DPE au classement « Atout France » pour conditionner l’obtention de l’abattement forfaitaire majoré par les meublés de tourisme au plus grand respect des standards de l’efficacité énergétique. En effet, l’abattement de 21 % supplémentaire pour les hébergements classés emprunte déjà à la logique du tourisme durable. Cet amendement vise à envisager l’opportunité d’intégrer le diagnostic de performance énergétique au classement « Atout France » pour faire des propriétaires les alliés de la rénovation énergétique, en les incitant. Il s’agit finalement de verdir le classement « Atout France ».

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Votre amendement est déjà en partie satisfait par le dispositif de la présente proposition de loi, qui prévoit que dans les communes soumises au changement d’usage, toute demande d’autorisation de mise en location pour de courtes durées devra comprendre une copie du DPE certifiant la conformité aux exigences de performance énergétique.

En outre, il n’est pas souhaitable d’intégrer le DPE au classement « Atout France ». Le DPE et le classement « Atout France » concourent en effet à des objectifs de politique publique différents. Le DPE correspond à une norme de décence énergétique et donc à une exigence écologique, et non à un facteur de confort dans le secteur touristique, qui permet de garantir l’excellence de l’offre touristique française. 

Pour l’obtention de l’autorisation de mise en location, le meublé devra simplement disposer d’un DPE conforme à la réglementation, mais celui-ci ne constitue pas un critère de classement, et le nombre d’étoiles fondé sur le confort du local n’en dépend pas. L’avis est donc défavorable.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Je partage ce point de vue. De plus, les critères sont revus tous les cinq ans. La dernière révision a eu lieu en 2021. Cela me paraît donc être contre-productif. L’avis est défavorable.

M. Vincent Rolland (LR). Je regrette que cet amendement soit balayé, dans la mesure où il est au contraire vertueux. Il serait en effet possible de lier la réalisation d’un DPE à un abattement majoré. Celui-ci pourrait en outre être inclus dans le classement « Atout France ». L’isolation thermique fait partie aussi du confort. Je m’interroge sur votre refus, honnêtement.

Mme Marina Ferrari (Dem). La proposition me semble intéressante. Il ne s’agit pas nécessairement d’intégrer le DPE dans le classement « Atout France », mais nous devons nous poser la question de l’évolution des classements « Atout France », qui devront prendre en compte davantage de critères de rénovation. Il est intéressant de faire monter en gamme les classements en intégrant les critères de rénovation énergétique.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je suis d’accord avec Mme Ferrari, cette intégration pourra avoir lieu par la suite. J’ai longuement étudié les motifs de classement et il ne m’apparaît pas difficile d’obtenir une étoile. Il est nécessaire de rehausser le niveau du classement « Atout France » si nous voulons monter en gamme au niveau touristique.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 2 (article L. 631-1 du code de la construction et de l’habitation et article L. 151‑41 du code de l’urbanisme) : Extension du champ d’application du régime de changement d’usage et création de servitudes d’usage d’habitation dans les programmes de logement

Amendement CE149 de M. Xavier Roseren

M. Xavier Roseren (RE). Cet amendement permet à toutes les communes en zones tendues de mettre en place les mêmes outils de régulation que Paris et sa proche banlieue. Au préalable, il fallait passer par un accord préfectoral. L’amendement vise à permettre au maire et au conseil municipal de mettre en place ce changement d’usage plus facilement, comme toutes les communes en zones tendues. Il offre une plus grande autonomie aux collectivités dans la gestion des meublés de tourisme et, surtout, une sécurité juridique.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Cet amendement propose de réécrire l’article 2 en permettant une application généralisée du changement d’usage. Je partage le fond de votre demande, j’ai moi-même un amendement en ce sens. En revanche, vous procédez à une réécriture globale de l’article, qui présente pour nous l’inconvénient d’écraser la deuxième partie de l’article, laquelle concerne les servitudes d’urbanisme. Comme nous tenons à ces servitudes et que nous vous proposerons également une mesure à ce sujet, je demande le retrait de votre amendement au profit du mien, qui vient juste après dans la discussion.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. Je propose également le retrait au profit de l’amendement CE161.

M. Xavier Roseren (RE). Vous m’expliquerez le lien avec la servitude. Pour ma part, je ne pense pas que mon amendement fasse tomber les autres articles. Je le retire malgré tout.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. L’amendement contient une réécriture globale.

L’amendement est retiré.

 

Amendements CE178 de M. Inaki Echaniz et Mme Annaïg Le Meur, CE161 de M. Antoine Armand (RE), CE172 de M. Jean-Pierre Vigier, CE117 de M. François Piquemal, CE86 et CE85 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune).

M. Inaki Echaniz, rapporteur. L’amendement CE178 présente une extension de l’application du régime de l’autorisation de changement d’usage et une simplification de sa mise en œuvre. Désormais, au lieu de trois catégories de communes, il n’y en aura que deux : les communes situées en zone tendue au sens du décret élargissant la liste, pris en août de cette année, qui pourront mettre en œuvre le régime sur simple délibération du conseil municipal ; et les autres communes, qui devront prendre une délibération motivée au regard des difficultés observées sur le marché immobilier local. Ces communes ne devront donc plus en passer par une décision préfectorale.

Il s’agit ici de simplifier, dans une optique préventive. Aujourd’hui, le classement des zones tendues présente un retard : une commune est ainsi classée une fois qu’elle est déjà sous tension. Notre objectif vise justement à atténuer cette tension. Nous voulons donc étendre à toutes les communes la possibilité de mettre d’ores et déjà ce règlement en place.

M. Antoine Armand (RE). Mon amendement est identique. Il permet à la fois d’étendre la régulation et de procéder à une simplification administrative.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’amendement CE72 vise à laisser aux élus locaux la possibilité de réglementer le changement d’usage des locaux d’habitation, sans condition, sous réserve des spécificités locales.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement CE86 ouvre la possibilité du changement d’usage des locaux d’habitation par simple délibération à l’ensemble des communes, au-delà des zones tendues.

L’amendement CE85 est un amendement de repli qui porte sur le zonage de la taxe d’habitation.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Les autres amendements en discussion commune s’inscrivent globalement dans la même philosophie que le nôtre et que celui de M. Armand, qui vise à simplifier le régime juridique et à œuvrer en faveur de la décentralisation, en ouvrant le régime de changement d’usage à davantage de communes, sans passer par l’autorisation du préfet. Pour cette raison, je demande le retrait des autres amendements au profit des amendements CE178 et CE161.

Je le répète, les communes qui sont aujourd’hui en zone tendue pourront mettre en œuvre ces changements d’usage de façon automatique. Celles qui ne le sont pas devront effectuer une délibération en conseil municipal. Le préfet pourra interroger cette motivation, mais cela m’étonnerait qu’il le fasse, puisqu’il est censé connaître son territoire.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé du logement. L’avis est favorable à l’amendement CE161 et nous proposons que les autres amendements se retirent à son profit.

La commission adopte les amendements CE178 et CE161.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

2.   Réunion du mardi 28 novembre 2023 à 21 heures 30

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le Ministre, chers collègues, nous reprenons l’examen de la proposition de loi (PPL) visant à rétablir l’équilibre sur le marché locatif en zone tendue.

 

 

Article 2

 

Amendements CE34 de M. Stéphane Delautrette, CE78 de M. Antoine Armand, CE49 de M. Stéphane Peu, CE99 de M. Jean-Félix Acquaviva, CE145 de M. Xavier Roseren, CE162 de M. Antoine Armand et CE50 de M. Stéphane Peu (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CE34 a pour objectif de renforcer la capacité d’action des collectivités. Il offre une nouvelle possibilité aux collectivités qui souhaitent lutter contre l’attrition des résidences principales en modernisant et simplifiant le contrôle du changement d’usage des biens à usage d’habitation. L’objectif de cet amendement est de clarifier la distinction entre la destination et l’usage.

Actuellement, selon la législation en vigueur, un local est considéré comme destiné à un usage d’habitation s’il était affecté à cette fin au 1er janvier 1970. Or, la jurisprudence actuelle impose aux collectivités de prouver que le logement en question était effectivement destiné à un usage d’habitation à cette date. Cette difficulté s’est accentuée avec l’interprétation très stricte de la Cour de cassation, notamment dans plusieurs arrêts en 2020, 2021 et plus récemment en septembre 2023.

Afin de remédier à cette situation, il est proposé de modifier le code de la construction et de l’habitation (CCH) en prévoyant que tout local ayant reçu une affectation à un usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage, sauf en cas de décision explicite postérieure visant à en changer l’usage. Cette rédaction transfère la charge de la preuve aux communes, tout en simplifiant l’administration, puisque la démonstration de l’usage d’habitation ne doit plus nécessairement se faire à la date précise du 1er janvier 1970.

M. Antoine Armand (RE). L’amendement CE78 est identique, dans la continuité de ce que nous avons voté jusqu’à maintenant. L’objectif consiste à simplifier, pour les communes, la possibilité de mieux réguler les meublés de tourisme.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). J’ai d’ores et déjà été présenté l’amendement CE49 lors de l’imbroglio de la fin de la séance tout à l’heure. Nous pouvons considérer que cet amendement est défendu. Pour les villes les plus avancées et les plus rigoureuses dans la régulation de ce marché, la date du 1er janvier 1970 représente une difficulté, il est nécessaire de procéder à des recherches importantes dans les archives municipales. Par conséquent, je pense qu’il relève du bon sens de retenir notre formulation.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement CE99 s’inscrit dans la même perspective. Il concerne les litiges entre les communes et les loueurs de meublés n’ayant pas sollicité l’autorisation obligatoire prévue par le régime de changement d’usage. En l'état, il incombe aux communes de prouver l’usage d’habitation dans le cas d’un litige. Cependant, nous rencontrons des difficultés pour ce faire, car l’état actuel du droit, comme rappelé précédemment, conformément à l’article L. 631-7 du CCH, prévoit que les locaux sont réputés à usage d’habitation s’ils étaient affectés à cette fin au 1er janvier 1970.

Pour remédier à cette situation, la proposition consiste à modifier le CCH, établissant que tout local ayant reçu une affectation à usage d’habitation depuis le 1er janvier 1970 conserve cet usage, sauf en cas de décision explicite postérieure visant à en changer l’usage.

Cet amendement contribue également, à l’image d’autres propositions, à apporter des clarifications sur la notion de destination dans une logique d’aménagement, ainsi que sur la notion d’usage, déterminant la manière dont l’immeuble est effectivement utilisé par ceux qui disposent des droits dessus.

M. Xavier Roseren (RE). Nous continuons à explorer les années 1970 dans le dessein de protéger la résidence principale, avec l’amendement CE145. Cet amendement vise à moderniser et simplifier le contrôle du changement d’usage des biens destinés à l’habitation. De nombreux locaux ne respectent pas la règle en matière de changement d’usage, entraînant ainsi des contentieux. Il revient souvent à la commune de prouver le changement d’usage.

Actuellement, le CCH prévoit que la définition d’un local à usage d’habitation repose sur la situation au 1er janvier 1970. Cependant, l’état de la documentation ne permet pas toujours de prouver cette situation.

L’amendement, tout en maintenant la charge de la preuve aux communes, simplifie son administration. Désormais, la démonstration d’un usage d’habitation ne doit plus obligatoirement se faire à la date exacte du 1er janvier.

M. Antoine Armand (RE). L’amendement CE162 est identique et défendu.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). Je rappelle que les contrôles sont empêchés par cette référence au 1er janvier 1970. Les municipalités ne sont pas en mesure d’obtenir des syndics la transmission des règlements de copropriété, et bien souvent ces règlements n’existent tout simplement pas. Il convient donc, avec cet amendement CE4, de supprimer la référence pour faciliter et rendre effectifs les contrôles.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). L’amendement CE50 a d’ores et déjà été présenté.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte les amendements CE34 et identiques.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendements CE81 de M. Antoine Armand, CE101 de M. Jean-Félix Acquaviva, CE150 de M. Xavier Roseren, CE153, CE154, CE155 et CE156 de M. Antoine Armand (discussion commune).

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement revêt une importance significative, car il marque une avancée dans la régulation des meublés touristiques. Cette modification découle des échanges approfondis que nous avons eus avec les élus locaux, en particulier ceux d’Annecy.

Actuellement, lorsqu’une commune tente de réglementer le nombre de meublés touristiques sur son territoire, elle ne peut le faire que pour les personnes physiques, car l’autorisation temporaire ne s’applique qu’à ces dernières. Cette limitation pose actuellement un problème, et anticiper l’avenir soulève également des inquiétudes, notamment en ce qui concerne l’établissement de quotas. Imaginer que ces quotas s’appliquent exclusivement aux personnes physiques, tout en épargnant les personnes morales, serait en contradiction avec nos objectifs.

Par conséquent, la proposition consiste à étendre la régulation, notamment les autorisations temporaires, aux personnes morales.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’amendement CE101 est identique et défendu.

M. Xavier Roseren (RE). L’amendement CE150 est également identique. Il entend supprimer la limitation du régime d’autorisation temporaire aux seuls propriétaires-personnes physiques. En effet, aucun élément juridique ne justifie la création d’un régime différencié entre les personnes morales et les personnes physiques.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Ces amendements ont en effet pour objectif de lever la restriction du régime d’autorisation temporaire aux seuls propriétaires-personnes physiques. Comme vous l’avez tous souligné, la limitation actuelle du régime exclusivement aux personnes physiques ne semble pas pertinente, comme l’ont également relevé de nombreuses personnes auditionnées. Par conséquent, nous soutenons vivement les amendements CE81 et identiques, et je propose le retrait des autres amendements en leur faveur.

La précision relative aux personnes morales est suffisante, étant donné que les personnes autres que le propriétaire ne sont pas concernées par le régime des autorisations de changement d’usage. Tout comme pour les amendements précédents concernant l’année 1970, notre objectif est d’élargir et de simplifier la réglementation sur le changement d’usage. Nous avons recueilli des retours positifs de la part des communes qui ont déjà mis en œuvre ces changements.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Ma position est la même.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je souscris bien entendu à ces amendements. Comme je l’ai mentionné précédemment lors de mon intervention générale, dans ma ville, qui compte un peu plus de 900 meublés touristiques, 60 propriétaires sont concernés. Ils ont tous, bien évidemment, constitué soit une SCI, soit une entité juridique pour gérer les meublés en question. Il est donc essentiel que nos mesures de régulation puissent également les englober.

Cependant, j’aimerais profiter de l’occasion pour poser deux questions d’ordre technique. Il semble que ce qui est prévu par l’ensemble de la loi a vocation à embrasser les territoires en zones tendues ou touristiques. J’aimerais connaître la définition que vous envisagez pour le statut touristique. Le fait, par exemple, d’être une station balnéaire surclassée touristique selon le code général des collectivités locales implique-t-il automatiquement l’extension des mesures de régulation à ces territoires en question ?

Par ailleurs, lors de ma prise de parole générale, Monsieur le Ministre, j’ai soulevé la question d’un projet d’intérêt européen majeur de type EPR à Penly. Le maire de Dunkerque est bien conscient des implications de ce type de projet sur la pression foncière. Nous parlons de l’accueil de 13 000 salariés, avec la nécessité de logements temporaires et définitifs. Or, il semble que les zonages et le rythme de définition de ces zonages ne prennent pas toujours en compte le fait qu’un investissement de 18 milliards d’euros puisse perturber l’équilibre. Êtes-vous en mesure de prendre en considération cette spécificité dans la reconnaissance des tensions sur le domaine foncier ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Effectivement, monsieur Jumel, l’extension du changement d’usage concernera l’ensemble du territoire national. Les zones tendues pourront le mettre en œuvre automatiquement, tandis que les zones non tendues pourront le faire après délibération du conseil municipal. La décision finale reposera sur les préfets. J’espère sincèrement que les préfets, connaissant bien leur territoire, ne remettront pas en cause la motivation des élus municipaux à mettre en œuvre ce règlement d’usage.

Comme je l’ai souligné précédemment, j’ai moi-même émis des critiques à l’égard du zonage tendu, qui intervient après coup pour reconnaître la pression existante dans les territoires. Nous devons inverser cette tendance et veiller à ce que les territoires sous pression deviennent moins tendus, tout en évitant que les territoires actuellement détendus ne deviennent tendus. Cet enjeu est crucial, et le texte vise à permettre à tous d’adopter une approche préventive plutôt que curative.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. En ce qui concerne votre commune, monsieur Jumel, tout d’abord, une extension du logement locatif intermédiaire (LLI) est d’ores et déjà survenue, comme pour l’ensemble des sites en réindustrialisation. Aujourd’hui, cette possibilité est toujours ouverte.

Ensuite, nous sommes actuellement en train de procéder à une deuxième vague de modifications des zonages. Nous avons récemment terminé une première vague d’évolutions de ces zonages, aux alentours de fin septembre ou début octobre. Nous rouvrons maintenant une modification du zonage que nous souhaitons finaliser le plus rapidement possible. Théoriquement, les préfectures sont déjà informées et ont pu entrer en contact, le cas échéant, avec les élus locaux susceptibles d’être concernés. Bien entendu, certains critères objectifs doivent être respectés.

Enfin, je vous informe qu’un dispositif gouvernemental appelé « Territoires engagés pour le logement » a été annoncé par la Première ministre. Nous sommes actuellement en train d’identifier une vingtaine de sites pour ce programme. Il vise à répondre à des enjeux de tension très élevée sur certains territoires afin d’accélérer la production de logements dans des délais très courts, inférieurs à trois ans. Il implique des procédures financières de déblocage des opérations, réglementaires et législatives pour accélérer la production grâce à diverses mesures d’accompagnement. Je vous conseille de vous renseigner auprès de la préfecture pour voir si votre territoire est candidat à ce programme « Territoires engagés pour le logement ». Il n’est pas réservé uniquement aux métropoles, mais également à certains sites connaissant une transformation profonde de leur activité économique.

La commission adopte les amendements CE81 et identiques.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendement CE177 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous vous soumettons un amendement qui met à la disposition des élus un nouvel outil très sollicité. En effet, plusieurs collectivités ont déjà instauré un nombre maximal d’autorisations de changement d’usage pouvant être accordées au cours d’une période déterminée, traitant ainsi explicitement de la question des quotas. Des exemples concrets incluent La Rochelle, Val d’Europe Agglomération, et Saint-Malo, dont le maire M. Gilles Lurton est venu nous présenter son initiative lors d’une audition.

L’objectif de cet amendement est de consolider ces pratiques en créant une base légale dans le CCH, permettant à la commune de définir un nombre d’autorisations temporaires, tout en instaurant un mécanisme de publicité et de transparence. Ces autorisations temporaires seraient délivrées pour une période inférieure à cinq ans. Il est en effet essentiel de s’assurer que ces autorisations ne soient pas conservées indéfiniment.

L’objectif est simplement de pérenniser et d’inscrire dans la loi un dispositif déjà existant qui a donné des résultats concrets, notamment dans des situations délicates. Un exemple serait celui d’Annecy, où la question des meublés de tourisme se concentre exclusivement sur le centre-ville, et où une compensation serait inefficace, car les propriétaires pourraient simplement se tourner vers une zone plus vaste, ne résolvant ainsi pas le problème du centre-ville. Cette problématique est également présente à Saint-Malo.

Il devient donc impératif de sécuriser cette approche, car les communes qui l’ont mise en place font face à des actions en justice entraînant souvent des référés suspensifs et entravant la réalisation de ces quotas qui, à mon sens, représentent la mesure la plus fine et la mieux adaptée aux spécificités des territoires.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je suis favorable à cet amendement.

M. Antoine Armand (RE). Je tiens non seulement à remercier le rapporteur pour ses propos très pertinents sur la situation à Annecy, mais également à saluer cet amendement. Il constitue, à mon avis, un amendement crucial en termes de sécurité juridique. Les élus locaux réclament avec insistance d’être renforcés et aspirent à obtenir de la visibilité ainsi qu’une sécurité juridique dans les actions qu’ils entreprennent. Je suis convaincu que cet amendement répond de manière indispensable à ces besoins.

M. Thibault Bazin (LR). Je juge regrettable, alors que nous encourageons la mise en place de programmes  locaux de l’habitat (PLH) intercommunaux et la répartition de la production de logements aidés à l’échelle intercommunale avec des offices publics de l’habitat (OPH) intercommunaux, que nous observions des zonages incohérents au sein même des métropoles et agglomérations. Après avoir examiné la liste des communes que vous avez mentionnées, je suis très surpris de constater des incohérences. Parfois, nous pouvons passer d’un trottoir à l’autre et être éligibles d’un côté tout en ne l’étant pas de l’autre.

Cet amendement est très intéressant, mais la question qui se pose est celle de la cohérence globale de l’ensemble de nos politiques publiques, au-delà de la simple question des meublés de tourisme. Il est essentiel d’assurer une cohérence d’ensemble sur l’ensemble des politiques, surtout si nous voulons promouvoir la mixité et garantir la production. Au-delà de l’investissement en zonage, cela a un impact sur l’accession avec le prêt à taux zéro (PTZ) et les quotités bonifiées en fonction du zonage.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Je suis pour ma part extrêmement favorable à cet amendement. Nous pouvons parfois être critiques à propos de mesures centralisées générant des effets pervers. En l’espèce, cet amendement se nourrit des expériences de terrain de manière ascendante, pour parvenir à une différenciation. J’apporte donc mon soutien à cette méthode.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je rappelle que le dispositif demeure à la main de la commune. Rien n’empêche ensuite les maires souhaitant mettre en place des quotas de se coordonner entre eux à une échelle plus large.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je souhaite pour ma part répondre à propos de la nécessité de cohérence. Comme je l’ai mentionné en introduction, nous assumons un changement de modèle de développement territorial pour nous adapter à la transition écologique et au lien entre l’emploi et le logement. Nous sommes en train de revoir le modèle de développement urbain que nous devons poursuivre dans les années à venir.

Ainsi, une série de mesures législatives est en cours pour adapter les différentes modalités. La manière dont le zonage évoluera sera abordée dans la loi sur le logement, et nous y repenserons également l’ensemble des outils de la politique nationale du logement. La loi logement doit englober à la fois les questions de décentralisation, déterminant qui fait quoi, et tous les instruments de la politique étatique du logement que nous devons revoir.

La commission adopte l’amendement CE177.

 

Amendement CE163 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

M. Frédéric Falcon (RN). Il s’agit d’un amendement visant à compenser la prolifération excessive des meublés de tourisme à travers des plateformes telles que Airbnb. Mon collègue Aurélien Lopez-Liguori propose, par cet amendement, de formaliser la mise en place systématique d’une compensation lors d’un changement d’usage dans les zones tendues.

L’objectif de cette compensation consiste à obliger le propriétaire, en cas de passage d’un logement en location de courte durée, à proposer un autre logement destiné à un usage d’habitation. Cela pourrait impliquer la réhabilitation d’un logement inhabitable ou la transformation d’un local à usage commercial ou professionnel en logement. Ainsi, à chaque changement d’usage, un local serait affecté à des fins d’habitation. Cette pratique se répand de plus en plus, avec des exemples concrets à Colmar, Toulouse, Paris et au sein communauté d’agglomérations du Pays basque.

Il est important de souligner que les communes ont la possibilité de moduler l’application de cette compensation. Elles peuvent exiger que le logement proposé ait une certaine taille, soit situé dans une zone spécifique, ou encore que la mesure soit mise en place après un certain nombre de locations. La compensation apparaît ainsi comme un outil efficace pour rééquilibrer l’offre de logements en zone tendue et répondre à la multiplication des locations de courte durée.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. La mesure de compensation existe déjà. Cet amendement suggère de rendre obligatoire la compensation du changement d’usage dans l’ensemble des zones tendues. Cette proposition me semble à la fois excessive et en contradiction avec la liberté d’administration des élus locaux. Elle va à l’encontre de l’esprit de notre loi qui vise à fournir aux élus des outils qu’ils peuvent adapter en fonction des réalités de leur territoire.

Par conséquent, nous émettrons un avis défavorable sur votre amendement.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je profite par ailleurs de cet amendement pour saluer le travail de fond mené par la communauté d’agglomération du Pays basque. Elle a été parmi les premières à mettre en œuvre le principe de compensation, suivie notamment par Paris, malgré une réglementation très stricte et des pressions considérables. Bien que cela ait été contesté deux fois en justice, cette mesure est en application depuis le mois de mars et montre déjà des résultats probants. Dans le Pays basque, où nous observions une augmentation de 130 à 150 % du nombre de meublés, cette mesure a contribué à freiner l’essor des logements touristiques.

En dépit des critiques, ce dispositif a également permis de réintégrer une cinquantaine de logements, autrefois dédiés aux meublés touristiques, dans le marché locatif à long terme. Il s’agit donc d’une initiative positive que nous préférons laisser à la discrétion des communes plutôt que de la rendre obligatoire.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Nous sommes effectivement pour la liberté laissée aux maires d’utiliser ou non le dispositif. Par conséquent, nous sommes défavorables à cet amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Je pense qu’un véritable sujet porte sur les changements de destination, lesquels sont parfois complexes, notamment en zone inondable ou en zone relevant de l’architecte des bâtiments de France (ABF). Il importe de laisser la liberté aux maires, mais également que les administrations d’État permettent ces changements.

La commission rejette l’amendement CE163.

 

Amendement CE69 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Nous sommes actuellement dans une situation paradoxale où l’autorité administrative peut accorder un changement d’usage sans être informée, par exemple, d’une opposition du règlement de copropriété ou du propriétaire, surtout lorsque le demandeur est un locataire. Cela génère des conflits d’usage et conduit à des autorisations de changement qui ne sont pas adaptées à la réalité du terrain.

Nous proposons donc que l’accord de conformité avec le règlement de copropriété ou l’avis du propriétaire soit fourni en support de la demande de changement d’usage.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous constatons une certaine redondance sur ce sujet. Nous nous en remettons à la sagesse de la commission.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous avions nous-mêmes déposé un certain nombre d’amendements de simplification donnant davantage de pouvoirs aux copropriétés. Ces amendements n’ont pas été jugés recevables par le président, mais nous devrons effectivement traiter ce sujet dans un futur texte. Il est dommage que nous ne puissions pas le faire dès aujourd’hui, mais telles sont les règles des articles 45 et 40.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Pour ma part, j’exprime une position défavorable dans l’attente du règlement de Bruxelles. Il sera sans doute nécessaire effectivement de recourir à un autre texte ultérieurement.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Lorsqu’une collectivité met en place le permis de louer, elle le fait sur des bases déclaratives. Les moyens dont disposent les collectivités pour contrôler si, au moment du changement de bail, le permis de louer est sollicité sont réduits.

De la même manière, notre PPL prévoit la transmission des diagnostics de performance énergétique (DPE) pour s’assurer que les meublés touristiques sont bien conformes aux exigences. Cependant, les mécanismes pour obtenir ces DPE ne sont pas toujours très clairs. Ils ne correspondent pas toujours à la réalité des performances exégétiques des logements.

Je vous invite donc à réfléchir au moyen de contrôle concret dont l’État et les collectivités disposent pour que ces prescriptions légitimes soient bien respectées.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Dans les copropriétés où la part des logements Airbnb devient très importante, les dysfonctionnements générés sont majeurs. La copropriété subit également des surcoûts. Par conséquent, demander la conformité avec le règlement de copropriété me semble acceptable, y compris dans l’attente d’un texte plus large.

La commission adopte l’amendement CE69.

Amendements CE36 de M. Stéphane Delautrette, CE56 de M. Stéphane Peu, CE79 de M. Antoine Armand, CE106 de M. Christophe Plassard et CE113 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à rétablir une certaine équité face à l’émergence de nouveaux acteurs liés à l’essor des meublés touristiques, notamment des intermédiaires tels que les conciergeries ou les agences de gestion locative. Ces entités prospèrent en facilitant des locations de courte durée, malgré les contraintes réglementaires relatives au changement d’usage dans l’intérêt général.

Bien que ces intermédiaires soient soumis aux règles du Code du tourisme, ils ne peuvent actuellement être sanctionnés par une amende civile conformément au Code de la construction de l’habitation.

Nous proposons donc qu’ils puissent être passibles de sanctions financières en cas d’actions contraires à la réglementation. Il est important de souligner que ces dispositions ne s’appliquent qu’aux loueurs.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Ma proposition est identique, avec les mêmes arguments. Il ne me paraît pas incongru d’exiger dans une loi que les professionnels que sont ces intermédiaires respectent la loi et ne prospèrent pas de son contournement.

M. Antoine Armand (RE). Je suis d’accord avec mes collègues. J’ajoute que certains intermédiaires trompent sciemment leurs clients, lesquels pensent être en conformité avec la réglementation et seraient pourtant directement tributaires de l’amende.

M. Christophe Plassard (HOR). Ces dispositions pourraient également dissuader des personnes qui entendraient créer une conciergerie pour gérer un certain volume de propriétés.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Il s’agit effectivement d’un amendement d’éthique et d’équité, en responsabilisant ces intermédiaires pour qu’ils ne puissent pas éviter les sanctions et que le loueur ne soit pas le seul concerné.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous émettons un avis favorable.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous parlons en effet ici de pratiques frauduleuses, et l’un de nos amendements retirés visait à suspendre les agents immobiliers concernés. Il existe aujourd’hui un réel sujet de contrôle de ces pratiques délétères pour les personnes et les territoires. Malheureusement, les services de Bercy, aujourd’hui, ne se mobilisent pas suffisamment sur ce sujet. Pourtant, les contrôles ne seraient pas si complexes que cela à mettre en place.

J’ai moi-même été témoin de personnes âgées de 85 ou 86 ans expulsées de chez elles pour un congé pour reprise, et le lendemain, le logement se trouvait sur Airbnb. Le cas de M. Dupont à Biarritz est particulièrement illustratif : M. Dupont est âgé de 66 ans et bénéficie d’une pension d’invalidité. Il a résidé pendant 20 ans dans un logement de 20 min 2 s et a reçu un congé pour reprise. Il perçoit un revenu mensuel de 1000 euros et se trouve alors dans l’incapacité de trouver un autre logement à Biarritz ou même dans les Pyrénées-Atlantiques. Or, nous savons que son appartement sera très probablement mis en location sur des plateformes comme Airbnb ou transformé en résidence secondaire dès son départ.

Cette situation met également en lumière les défis rencontrés par des personnes comme les infirmières, qui se retrouvent parfois contraintes de signer des baux sous des conditions inappropriées, imposées par des propriétaires ou des agences immobilières. Ces contrats sont parfois illégaux, créant ainsi des difficultés pour les travailleurs et locataires. Il est souvent question des locataires qui ne remplissent pas leur part du contrat, mais certains propriétaires se montrent également abusifs.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je m’en remets à la sagesse de la commission sur cet amendement.

M. Frédéric Falcon (RN). Nous sommes pour notre part plutôt favorables à cet amendement. Cependant, nous regrettons que les plateformes numériques ne soient pas concernées. Nous ne comprenons pas pourquoi elles sont exclues par cette PPL.

M. Romain Daubié (Dem). Cet amendement propose-t-il de distinguer les intermédiaires disposant de la carte G issue de la loi Hoguet de ceux qui ne l’ont pas ?

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous n’avons pas prévu cette distinction. La navette permettra de compléter ce point si besoin.

M. le président Guillaume Kasbarian. Par ailleurs, monsieur Falcon, concernant les plateformes, la PPL examinée ici résulte de choix. Vous êtes libre de formuler également une PPL sur le sujet.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE176 de Mme Annaïg Le Meur et sous-amendements CE197,CE198, CE199 et CE200 de M. Vincent Rolland et CE192 de M. Sébastien Jumel, amendements CE129 de M. Sébastien Jumel, CE144 de M. Xavier Roseren, CE89 et CE96 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune)

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous abordons ici le sujet de la servitude de la résidence principale dans le règlement d’urbanisme, répondant à une préoccupation croissante des élus et à la nécessité de préserver le parc résidentiel des communes face à une possible transformation en résidences secondaires. La proposition consiste à autoriser, dans le plan local d’urbanisme (PLU), la création de secteurs où les nouvelles constructions à usage d’habitation sont contraignantes et doivent être utilisées en tant que résidence principale.

Cette mesure se veut équilibrée, encadrée et strictement subordonnée à un impératif d’intérêt général. Elle s’applique uniquement aux constructions nouvelles, excluant les constructions existantes, et ne remet donc pas en cause les situations établies.

Elle exige une modification du règlement d’urbanisme de la commune et est limitée aux territoires présentant un taux élevé de secondarisation du parc, fixé à 20 % dans notre proposition. Cette limite est justifiée par l’impératif d’intérêt général de lutte contre l’attrition des résidences principales. Par ailleurs, cette servitude n’affecte pas le parc existant de logements, préservant ainsi la possibilité d’acquérir une résidence secondaire dans l’ancien.

La rédaction proposée prévoit un dispositif de mise en œuvre, avec la mention, en cas de mutation ou de contrat de bail, de l’existence de cette servitude, afin de garantir son application au gré des mutations.

M. Vincent Rolland (LR). Je suis extrêmement favorable à ce type de dispositif. Dans la mission que j’avais partagée avec Mme Annaïg Le Meur, nous avions identifié une problématique concernant des collectivités qui investissent dans des aménagements réservés à des habitations principales, mais qui, au fil du temps, voient ces habitations transformées en résidences secondaires pour diverses raisons. Il est préoccupant de constater que des fonds publics se retrouvent ultérieurement au service de résidents secondaires. Il est donc crucial, notamment pour les nouvelles constructions, lorsque des zones sont délimitées, de figer définitivement ces habitations en tant que résidences principales.

Cependant, je questionne le choix du seuil fixé à 20 %. Comme l’a souligné plus tôt M. le rapporteur, privilégier le préventif au curatif est essentiel. Dans les zones où la prévalence de résidences secondaires est déjà élevée, il est connu que des communes non touristiques, mais limitrophes peuvent être affectées par une contagion géographique, entraînant l’acquisition d’habitations principales par des résidents secondaires. Par conséquent, pourquoi ne pas envisager, dès maintenant dans ces communes, l’établissement de zones réservées aux habitations principales, figées dans le temps ? Si la décision relève de la délibération du conseil municipal et témoigne de la volonté propre de la commune, il n’existe aucune raison de s’y opposer.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je propose également d’abaisser ce seuil. Dans ma ville de Dieppe, le coût de l’immobilier entre 2017 à 2022 est passé de 1510 euros à 2068 euros le m2. La pression sur le logement a ainsi surenchéri le prix du foncier.

Cette ville de 30 000 habitants comprend 39 % de logements sociaux. Dans le même temps, nous y dénombrons 1988 résidences secondaires, soit environ 10 %. Or, je vous ai indiqué plutôt que le taux de vacance des logements sociaux à Dieppe est inférieur à 1 %. Par ailleurs, le nombre de logements Airbnb augmente très fortement.

Ainsi, le pourcentage de résidences secondaires n’est pas significatif à propos de l’inadéquation de l’offre et de la demande de logements. C’est pourquoi je propose que le dispositif prévu ne s’enferme pas dans un taux théorique de 20 %.

M. Xavier Roseren (RE). En France, un logement sur 10 est une résidence secondaire. Nous nous plaçons en première position au niveau européen sur ce sujet. Quatre résidences sur 10 se trouvent sur le littoral, et 16 % dans les stations de montagne et 12 % dans les agglomérations. Dans certains territoires, la concentration de ces logements est extrême.

Ces situations entraînent des conséquences importantes en termes de gentrification. Les habitants permanents n’ont plus les moyens financiers de se loger.

Cet amendement ambitieux prévoit l’instauration de zones consacrées uniquement à la création de nouvelles résidences principales. Il est proposé d’autoriser la mise en place de ces servitudes dès lors que les communes dépassent le taux de 10 % de résidences secondaires. Nous faisons confiance aux élus locaux en la matière.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Ce débat est effectivement important. Vous savez qu’en Corse, dans le cadre des discussions sur l’autonomie, il est question d’un statut de résident. Nous parlons ici d’une servitude sur les constructions nouvelles dans les PLU, afin de prévoir des zones exclusivement dédiées à des résidences principales.

L’amendement CE96 fait référence au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc). Il est proposé d’adapter le Padduc pour réaliser des espaces stratégiques permettant aux PLU futurs de la Corse d’être compatibles avec les objectifs de Mme la rapporteure. En effet, nous comptons 58 % de communes sans PLU, soit quatre fois plus que la moyenne nationale. Pourtant, le taux d’artificialisation au RNU est supérieur à n’importe quelle commune au RNU de France continentale.

De même, nous ne rencontrons pas de problème de construction de logements neufs en Corse. Le problème porte plutôt sur la destination de ces logements.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Je souhaite tout d’abord remercier M.  Rolland d’avoir permis d’aboutir à cette notion de servitude, grâce à ces travaux au cours de la mission que nous avons partagée.

Le taux de 20 % nous paraît proportionné, car nous comptons aujourd’hui environ 10 % de résidences secondaires sur l’ensemble du territoire. Certaines communes se trouvent en deçà et d’autres bien au-delà. L’objectif était de parvenir à un outil pour ces dernières. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire d’augmenter ce taux au-delà de 10 %.

Par ailleurs, une question portera certainement au niveau constitutionnel sur la proportionnalité.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Par ailleurs, nous sommes favorables sur le fond à l’amendement CE96 concernant le Padduc. Cependant, nous formulons une demande de retrait en faveur de l’amendement CE191 examiné par la suite. Nous considérons en effet que la Corse doit bénéficier de dispositifs adaptés à ses spécificités.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous formulons donc un avis favorable à l’amendement que j’ai présenté et des avis défavorables et une demande de retrait pour l’ensemble des sous-amendements et amendements restants.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je formule quant à moi un avis de sagesse concernant l’amendement CE176 et un avis défavorable pour l’ensemble des sous-amendements. Je pense en effet que fixer un taux inférieur à 20 % de résidence secondaire ne respecterait pas la notion de proportionnalité sur le plan juridique.

Ensuite, je suis également défavorable à l’amendement CE129. S’agissant du CE144 et du CE189, je formule un avis de sagesse.

En revanche, je suis défavorable à l’amendement CE96, car le degré de précision du Padduc me semble incompatible avec cette mise en place. Il est nécessaire de mettre en place des PLU.

M. Thibault Bazin (LR). Je comprends l’intérêt et l’objectif. Cependant, je m’interroge sur l’opérationnalité du dispositif. Par exemple, aucune durée n’est précisée pour la résidence principale. Or, si demain nous devons déménager pour des raisons professionnelles et que nous ne souhaitons pas vendre le logement, que devons-nous faire ? Le logement reste-t-il vacant dès lors qu’il n’est pas possible de le louer ?

Ensuite, si le propriétaire n’occupe pas le logement et ne le propose pas en location, quelles sont les sanctions ? Aucune n’est prévue.

J’entends que vous ciblez les locations de courte durée. Cependant, si le dispositif englobe également les logements qui ne sont pas des résidences principales qui ne se trouvent pas en location, nous n’aurons pas nécessairement atteint l’objectif. Il me semble donc nécessaire d’approfondir les modalités.

M. Frédéric Falcon (RN). Pour ce qui nous concerne, nous étions plutôt d’accord avec la philosophie de l’article 2. Cependant, les attaques aux droits de propriété deviennent considérables. Chers collègues, vous pouvez voter ces amendements, mais que feront ensuite les propriétaires ? Ils passeront leurs résidences secondaires en résidences principales pour résoudre le problème.

Mme Marina Ferrari (Dem). Pour ma part, je me réjouis de lire cette disposition dans le texte. Elle était notamment demandée depuis longtemps par l’Association des maires des stations de montagne.

J’entends pour autant le risque concernant le seuil et l’atteinte au droit de la propriété. Il est d’ailleurs possible que cette question se pose également avec un taux de 20 %. Pour autant, sur un territoire comme le mien, à Aix-les-Bains en Savoie, avec 15 % de résidences secondaires, il est d’ores et déjà très difficile de loger nos résidents permanents. Il serait donc bien que ce seuil soit abaissé.

Quoi qu’il en soit, il s’agit ici d’une bonne mesure qui, je l’espère, passera les contrôles de légalité.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). Je soutiens bien entendu cet amendement. Nous aurons également à évoquer le stock ultérieurement. Je peux notamment citer l’exemple de Paris où il est difficile de construire de nouvelles résidences : nous y comptons aujourd’hui 10 % de résidences secondaires, l’équivalent de deux fois le 10e arrondissement et de trois fois le 7e autour de l’Assemblée nationale. Il sera bien nécessaire un jour de transformer ces logements non occupés en logements utiles.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Cette loi générale se heurte nécessairement à la différenciation des territoires dans la réalité. Je suis pour ma part surpris par vos propos, monsieur le ministre, à propos du Padduc. Il sera nécessaire que vous veniez en Corse, notamment pour comprendre l’article L.4424-11 et la notion des espaces stratégiques existante uniquement pour ce Padduc. Votre interprétation nous inquiète.

Par ailleurs, concernant l’absence de PLU de Corse, celle-ci s’explique par de nombreux sujets. C’est d’ailleurs pourquoi il est heureux que le Padduc existe.

Nous n’avons donc pas la même lecture juridique que vous. Il serait bien de davantage prendre en considération les territoires sur ce sujet.

Je vais pour ma part me rallier à l’amendement CE191, mais je ne suis pas du tout d’accord avec vous sur ce sujet.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je sais que les maires disposent d’autres moyens de contrôler l’affectation des constructions neuves. Dans les faits, il est possible d’influer sur que nous considérons utile pour la population.

Cependant, je souhaite insister sur le fait que ce seuil de 20 % est problématique. Une petite commune à proximité d’une ville plus importante, avec 45 % de résidences secondaires, pourra actionner le dispositif que vous prévoyez, mais une ville de 30 000 habitants peut avoir un quartier au-delà de 45 % de résidences secondaires, comme tel est le cas à Dieppe, sans être capable, dans le zonage, de mettre en place le même dispositif. Je juge cela dommageable pour la mixité et le vivre ensemble.

La commission rejette les sous-amendements.

La commission adopte l’amendement CE176.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

Amendement CE191 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous reprenons l’amendement précédent de M. Acquaviva avec de légères adaptations, et nous y donnons un avis très favorable. La Corse a effectivement besoin d’outils adaptés à la réalité de son territoire, en accord avec la différenciation et la décentralisation.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je précise que M. Acquaviva avait déposé un sous-amendement sur ce sujet, que je ne pouvais pas rendre recevable, car son champ excédait celui d’un sous-amendement. C’est pourquoi les rapporteurs ont repris ce sujet.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). En l’absence de PLU, je salue cette reprise de la part des rapporteurs. Cela sera très utile dans la situation transitoire actuelle. Je rappelle en effet que dans la loi 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux  (« Zan »), nous avons obtenu, grâce à M. le président et à d’autres de nos collègues, le fait de rendre obligatoires les PLU au plus tard en 2027.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je rappelle qu’un usage en vigueur à l’Assemblée nationale consiste à ne jamais anticiper les décisions du Conseil constitutionnel. Il importe donc de ne pas se brider. Le Conseil constitutionnel fait ensuite son œuvre une fois qu’il est saisi des textes.

M. le président Guillaume Kasbarian. Un autre usage porte sur la grande sensibilité des rapporteurs à ces arguments, notamment lorsqu’ils sont suggérés par les administrateurs.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3

 

Amendements de suppression CE11 de M. Frédéric Falcon, CE74 de M. Jean-Pierre Vigier et CE112 de Mme Pascale Boyer.

M. Frédéric Falcon (RN). Nous constatons un certain caractère technocratique dans les débats des dernières heures, une déconnexion totale entre la classe politique que vous représentez ici et les aspirations des Français, ce qui est plutôt préoccupant.

Il est important de souligner notre opposition catégorique à toute augmentation de la fiscalité sur l’immobilier, quel que soit le prétexte invoqué. En France, l’immobilier demeure l’actif le plus taxé, et nous estimons qu’il serait plus judicieux de privilégier des dispositifs incitatifs plutôt que d’alourdir davantage la fiscalité.

Notons également que cette PPL semble être calibrée essentiellement pour des villes situées à l’ouest du pays, sur l’arc atlantique. Cette mesure constitue une atteinte sérieuse aux droits de propriété et une lourde charge fiscale pour les petits propriétaires, comme c’est le cas dans ma région du Languedoc. Il est particulièrement regrettable que les plateformes numériques ne soient pas du tout concernées par ces mesures, accentuant ainsi les inégalités.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il est légitime que chacun exprime son avis sur les amendements, mais taxer vos collègues de « technocratiques » et balayer leurs opinions d’un revers de main me semble quelque peu indélicat. Nous avons tous le droit d’avoir nos opinions, et chaque groupe ici les exprime. Nous devrions tous être ouverts à des débats constructifs et respectueux, en présentant des arguments solides plutôt que de disqualifier les positions de nos collègues de manière générale.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Cet article 3 traite de la fiscalité des meublés de tourisme classés. Or, vous savez que le Gouvernement a confié une mission à deux députés précisément sur le sujet de la fiscalité locative. Il est par conséquent proposé d’attendre les conclusions de cette mission avant de prendre toute décision sur le sujet.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Les arguments que je viens d’entendre sont regrettables, car nous avons travaillé sur le terrain avec pragmatisme. Notre approche n’est pas restée confinée à des lectures technocratiques, mais s’est concrétisée par des rencontres avec les élus et les citoyens. Il devient de plus en plus difficile d’expliquer pourquoi il persiste un écart en faveur de la fiscalité liée au logement touristique.

Ne pas agir sur la fiscalité serait, à nos yeux, un non-sens face à son impact sur l’intensification des activités de meublés de tourisme. Cela entraînerait des répercussions sur l’augmentation des loyers, sur la dévitalisation des centres-villes, et une augmentation des nuisances sonores dans les zones tendues. Le régime actuel des locations meublées bénéficie d’un avantage fiscal que nous considérons comme disproportionné compte tenu de la situation critique en matière d’accès au logement. Une réduction de l’abattement fiscal est donc plus que nécessaire pour rééquilibrer le marché locatif.

Notons que dès 2008, la commission des finances s’est penchée sur ce sujet en qualifiant le régime applicable aux meublés de tourisme « d’incongruité fiscale ». De plus, l’abattement fiscal prévu par le régime micro-BIC était alors jugé « injustifié ».

J’ai déjà soulevé cette problématique dans le cadre du rapport d’information sur les moyens de faire baisser le prix du logement en zone tendue hors Île-de-France. Cela a également été abordé dans mon avis budgétaire sur le logement. Des mesures doivent être prises sans attendre. Pour ces raisons, je m’oppose aux amendements de suppression, afin que nous puissions débattre de la question.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je vais exposer la position du Gouvernement concernant l’article 3 dans son ensemble, ainsi que sur les différents amendements. Nous avons traité la question de l’outil de régulation mis à la disposition des maires pour contrôler le développement des meublés touristiques, car cette mesure était urgente. Il était nécessaire de donner aux maires et aux élus locaux les moyens de freiner la progression.

Nous abordons maintenant la question de la fiscalité. Contrairement à la régulation des meublés touristiques, ce sujet n’est pas urgent. Il est toutefois complexe, et un exemple peut l’illustrer : nous évoquons le régime micro-BIC, mais il est possible que la majorité des propriétaires-bailleurs des meublés logistiques se trouve au réel. Tant que la mission parlementaire n’a pas formulé de propositions concrètes en matière de réforme de la fiscalité locative, prendre des décisions importantes dans ce domaine serait prématuré. Nous manquons d’éléments à ce jour.

Par ailleurs, le logement locatif privé en France représente un quart du parc, et 99 % des propriétaires-bailleurs sont des particuliers. Certains investisseurs ont opté pour les meublés touristiques, et en tant que ministre du logement, j’aspire à les voir revenir dans le locatif privé de longue durée demain. Il s’agit d’un enjeu majeur que devra traiter la mission parlementaire.

Ainsi, je propose de laisser l’article en l’état, sans y apporter de modifications, et d’attendre les résultats et propositions de la mission parlementaire avant d’envisager toute évolution.

M. le président Guillaume Kasbarian. Avant d’ouvrir la discussion, je souhaite rappeler que nos rapporteurs ont déposé cette PPL en avril, et que nous avons sollicité plusieurs fois des chiffres au Gouvernement au fil des mois, en vain malheureusement. Il est aujourd’hui encourageant, monsieur le ministre, que vous ayez initié cette mission avec Mme Ferrari et Mme Le Meur. Nous espérons obtenir enfin les éléments chiffrés tant attendus depuis des mois et qu’une solution pertinente émanera de cette mission en mars.

Par ailleurs, intégrer un article fiscal dans cette PPL offre la possibilité d’apporter des modifications au Sénat, étant donné que nous sommes actuellement en première lecture. Nous pourrions maintenir l’article fiscal dans le processus législatif tout en menant cette mission. J’apporte cette précision méthodologique avant d’ouvrir la discussion.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Pour le RN, être technocrate revient à prendre des décisions déconnectées de la réalité des gens. Pourtant, être capable de se plonger dans la technique pour résoudre les problèmes concrets des citoyens est un devoir. Je constate que vous avez plutôt tendance à exploiter les difficultés du monde sans réelle efficacité.

Je reviens maintenant au sujet principal. Je suis d’accord sur la nécessité d’intégrer la question de la fiscalité dans le texte. Comme le dirait ma grand-mère, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».

De plus, quand bien même je partage l’avis du ministre sur la nécessité d’orienter les propriétaires privés vers de nouvelles affectations de leur logement, cela ne se fera pas spontanément. Ma conviction est que les déclarations d’amour fonctionnent parfois mieux lorsqu’elles sont accompagnées d’incitations, notamment sous forme de contraintes fiscales. Il n’est ni possible ni acceptable que la location de maisons à volet fermé soit fiscalement plus avantageuse que celle de maisons à volet ouvert contribuant à l’animation des cœurs de ville.

Je partage donc l’avis du président et des rapporteurs quant à l’inclusion dans le texte d’une pénalité fiscale, en vue d’ajustements ultérieurs en fonction des conclusions du rapport de nos collègues au cours de la navette parlementaire.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). Pour répondre tout d’abord à l’argumentation du Front national qui défend, je cite, « les petits propriétaires », il est important de souligner que nous parlons d’un abattement de 178 000 euros, soit 14 000 euros par mois.

En ce qui concerne l’argument d’attente du ministre, celui-ci ne me semble pas convaincant pour deux raisons : premièrement, le Sénat a voté en faveur de la suppression de cette niche fiscale, et il est donc cohérent de l’intégrer au projet de loi de finances.

De plus, vous avez mentionné, monsieur le ministre, que nous ignorions si les bailleurs étaient au régime réel, auquel cas ils ne seraient pas concernés. Si tel est le cas, cela ne pose pas de problème, et cela permettrait pour autant de privilégier les locations de longue durée, comme l’a souligné M. Jumel.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Notre groupe considère que notre PPL serait incomplète sans aborder le volet fiscal. Il ne s’agit pas de créer un nouvel impôt, mais de rétablir une justice fiscale. Cela devient particulièrement crucial pour éviter les situations où des personnes se retrouvent privées de logements en raison de l’utilisation locative touristique, favorisée par l’existence de telles niches fiscales.

Il est vrai que nous avons attendu depuis des mois ces données de l’administration fiscale, et il est surprenant que nous ne soyons toujours pas en mesure de les obtenir. Heureusement, la mission en cours devrait apporter ces informations.

Pour conclure, dans nos propositions sur le volet fiscal, nous ne nous limitons pas au régime micro-BIC, nous proposons également des amendements sur le régime réel, notamment en ce qui concerne les amortissements. Il s’agit d’un premier pas indispensable qui pourra être ajusté lors de la navette parlementaire.

Mme Marina Ferrari (Dem). Je suis consciente de ma position en tant que juge et partie, mais la position du Mouvement Démocrate a été mal interprétée. Notre intention n’était pas de repousser cette PPL, mais nous estimions qu’agir sans une étude d’impact claire constitue un exercice périlleux, risquant de déstabiliser les équilibres territoriaux, notamment dans les zones touristiques. Nous pourrions affecter des millions de contribuables. Or, notre objectif est de favoriser la location permanente.

Vous pouvez compter sur notre engagement envers cet objectif. Cependant, la PPL initiale proposait un alignement de tous les régimes à 40 %, et aujourd’hui nous nous retrouvons avec un texte à 30 %. Cela démontre une certaine incertitude.

Notre avis penche donc plutôt vers l’attente des résultats de notre mission, dont les conclusions seront rendues fin mars. Il serait préférable d’éviter un télescopage avec une éventuelle CMP.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous confirme que ce télescopage n’est pas possible en l’état, car il revient à la Première ministre de convoquer la CMP. Elle a tout le loisir d’attendre le rendu de vos conclusions pour ce faire.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je suis impressionné par la capacité du Gouvernement à déployer des arguments visant à expliquer que sur la fiscalité des Airbnb, il est urgent d’attendre. Chaque fois, les arguments sont portés avec conviction pour aboutir à la même conclusion : il convient d’attendre avant de légiférer.

Pour ma part, j’estime important de poser un acte politique à travers cet article. Il s’agit de rappeler un principe qui ne pourra pas être remis en cause par la mission d’information parlementaire dont nous parlons : tout d’abord, il est nécessaire d’agir sur la fiscalité des Airbnb ; ensuite, il convient d’aligner les fiscalités pour mettre fin à la niche fiscale existante qui favoriser le meublé touristique. Il me paraît important que la représentation nationale affirme ses principes dès maintenant et défende donc cet article 3 dans sa rédaction.

M. Frédéric Falcon (RN). Tout d’abord, chers collègues, souffrez qu’une opposition existe dans cette commission. Vous êtes tous globalement d’accord entre vous, mais notre philosophie, quant à nous, est divergente. Vous êtes tous aujourd’hui les alliés du Gouvernement. Cela n’est pas un drame, il nous arrive également, parfois, de voter avec lui.

Je souhaiterais vous mettre en garde quant à l’évolution de la fiscalité. Cette PPL n’est pas du tout adaptée à mon territoire, le Languedoc et les stations balnéaires. Je peux d’ores et déjà vous prédire des conséquences sociales, et si je peux paraître impertinent ce soir, mon objectif n’est pas de vous agacer, mais bien de vous alerter et de défendre ce territoire. La côte languedocienne n’est pas un territoire très riche, et il importe de faire attention.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). J’ai un problème avec la méthode évoquée de reporter. Nous ne découvrons pas ce sujet, nous en avons parlé lors de l’ancienne mandature. Je vous rappelle que la mission sur l’éviction de résidences permanentes par les résidences secondaires est issue d’un amendement de la loi 3DS, et que cette mission devait produire des conclusions sur la fiscalité locative elle-même, pas simplement sur la fiscalité meublée.

Je suis certain que la prochaine mission sera importante, mais rien n’empêche, au cours de la navette parlementaire, en bonne intelligence, de construire des compromis. Nous sommes dans l’exercice de notre pouvoir d’élaboration de la loi et je pense donc qu’il convient de légiférer.

M. Vincent Rolland (LR). Nous ne savons plus très bien où nous en sommes, car des modifications fiscales substantielles ont été décidées à propos des meublés à l’occasion de l’examen en première lecture du PLF. L’article 49-3 a également modifié les amendements qui avaient été retenus. Je ne ferai pas de commentaire sur ce qui s’est déroulé ce week-end au Sénat. J’observe simplement que vous avez parfois des alliés de circonstance chez LR.

Toujours est-il que la modification de la fiscalité visant à favoriser le logement permanent contre le logement permanent ne peut pas s’appliquer de manière uniforme à l’ensemble du territoire national. Il en va d’ailleurs de même pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Je peux vous indiquer que certains conseils municipaux ont estimé qu’il s’agissait pour eux de recettes supplémentaires, ne réglant en rien la question du logement permanent.

M. Antoine Armand (RE). Sur le fond, je voudrais quant à moi, répondre au réflexe poujadiste du Rassemblement national. Vous nous accusez de coercition alors que nous proposons un rééquilibrage fiscal. Où étiez-vous lorsque nous avons ouvert des facultés pour les maires à réguler les Airbnb ? Vous vous y êtes opposés, et voilà que vous jouez les héros des petits propriétaires. Pourtant, vous avez déposé plus tôt un amendement pour imposer une compensation obligatoire. Vos prises de position ne sont donc que tartufferies, erreurs et incohérences.

Pour ce qui est de la méthode, nous sommes favorables à une démarche de rééquilibrage fiscale. Peut-il être plus avantageux de louer un logement de tourisme plutôt qu’un logement à des salariés ou à des étudiants ? Cela ne doit pas représenter une aspiration sociale.

Il n’en demeure pas moins qu’il importe effectivement de prendre en compte les spécificités locales et le soutien au pouvoir d’achat. Je suis certain que la mission de nos deux collègues le permettra. J’ai toutefois la faiblesse de croire que cette PPL a suscité cette mission.

M. Christophe Plassard (HOR). Je pense que les échanges que nous pouvons mener maintenant sont de nature à nourrir la mission. Notre travail ne sera pas nécessairement inutile, quand bien même nous savons qu’il est temporaire et ne peut représenter qu’une étape vers un texte plus définitif.

M. Jean-René Cazeneuve (RE). Ma position est proche de celle du ministre. La complexité de la fiscalité est évidente sur un tel sujet. Je suis donc affolé par l’absence d’étude d’impact. Vous avez l’habitude, monsieur Jumel, de reprocher au Gouvernement de proposer des lois sans des études d’impact suffisantes, et vous proposez ici des amendements sans aucune visibilité sur ce point.

Le problème n’est pas Airbnb, ce dispositif apporte des avantages à de nombreuses personnes, notamment pour ce qui est du taux d’occupation. Le problème est en revanche l’abus de Airbnb et la professionnalisation en la matière. La question doit être de savoir comment procéder pour toucher uniquement ces personnes, et non pas la grand-mère possédant un gîte rural louant une chambre de temps en temps.

Par ailleurs, nous avons constaté de nombreuses versions dans les derniers mois, toutes plus différentes les unes que les autres. Je vous invite donc une nouvelle fois à la plus grande prudence en la matière. Quel serait l’impact d’un alignement ? Personne ne le sait ici. Un impact à 40 % coûterait beaucoup d’argent aux finances publiques, et j’y serais donc par principe défavorable. La loi telle qu’elle est écrite aujourd’hui, à 30 %, fait d’ores et déjà beaucoup de perdants. Des centaines de milliers de foyers paieront des impôts supplémentaires. Or, personne n’est capable ici de dire combien seront exactement ces foyers et combien ils devront payer en plus.

Je partage les objectifs de cette loi, bien entendu. Un sujet porte effectivement sur un avantage fiscal indu et sur le rééquilibrage du marché. Il convient cependant de demeurer prudent en la matière, et de rester sur le texte tel qu’il est écrit initialement.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Monsieur le rapporteur général, en juillet 2022, j’ai posé ma première question au Gouvernement, à M. Bruno Le Maire, sur cette thématique. Entre-temps a travaillé le groupe sur l’attrition des logements et divers rapports ont été rédigés. Bercy aurait donc pu produire son étude d’impact, nous l’avons d’ailleurs demandé. Nous avons sollicité des rendez-vous et de la coopération, nous n’avons rien reçu en retour.

Par conséquent, je peine à entendre aujourd’hui que l’argument pour ne rien faire est le manque d’étude d’impact. La responsabilité en la matière est celle de Bercy. S’il existe un État dans l’État, nous n’en sommes pas responsables.

Monsieur Rolland, effectivement, le groupe LR a voté la suppression de la niche au Sénat dimanche dernier. Vous devrez vous mettre d’accord sur ce point.

 

Concernant la mission, effectivement, cette dernière doit travailler sur l’ensemble de la fiscalité. Nous n’avons pas évoqué les meubles résidentiels, mais il s’agit également d’un sujet important. Cependant, je me permets d’insister sur les influenceurs qui, partout, indiquent que faire du Airbnb permet de se faire financer son logement par l’État, de ne pas payer d’impôts et de rentabiliser les logements dès le premier achat.

Avec notre PPL, les propriétaires ne perdront pas d’argent, ils continueront à avoir des revenus suffisants pour couvrir leur frais. Il s’agit simplement d’une question de justice fiscale. Je le redis avec fermeté, nous ne pouvons pas attendre au regard de la tension actuelle sur les territoires. Nous aurons tout le temps au cours de la navette de procéder à un éventuel ajustement si besoin.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Monsieur le rapporteur, nous nous sommes croisés pour la première fois fin août. Nous sommes aujourd’hui fin novembre pour examiner la PPL. Cela ne fait que trois mois. Le dossier est donc pris au sérieux par le Gouvernement.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Il l’est effectivement par vous, monsieur le ministre. Je peux toutefois émettre des doutes sur la volonté de Bercy d’agir. Pour ce qui nous concerne, j’espère que nous continuerons à travailler ensemble, je ne vous remets pas en cause.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous allons essayer de poursuivre cette réunion dans une bonne ambiance. N’hésitez pas à m’interpeller plutôt qu’à vous interpeller entre vous.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement CE201 de Mme Annaïg Le Meur et sous-amendement CE202 de Mme Marina Ferrari, amendements CE92 de M. Jean-Félix Acquaviva, CE91 de M. Jean-René Cazeneuve, CE77 de M. Jean-Pierre Vigier, CE104 et CE102 de M. Christophe Plassard, CE6 et CE3 de M. Julien Bayou, CE76 de Mme Émilie Bonnivard, CE118 de Mme Élise Leboucher et CE119 de M. François Piquemal (discussion commune).

M. le président Guillaume Kasbarian. Madame et monsieur les rapporteurs, je vous invite à nous présenter vos solutions. Essayons de progresser plus rapidement pendant cette séquence.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Pour inciter les propriétaires à louer leurs biens sur du long terme, nous proposons de modifier les plafonds et taux d’abattement comme suit : pour les meublés de tourisme classés, l’abattement fiscal en micro-BIC est baissé à 30 % dans le cadre du plafond de revenus de 30 000 euros. Cette disposition vise à conserver une incitation en faveur du classement, afin d’accompagner la montée en gamme des logements destinés à la location de tourisme.

Pour les meublés de tourisme classés situés en zones rurales définies comme « très peu denses » au sens de la grille communale de la densité de l’Insee ou en stations classées de sport d’hiver, l’abattement de 30 % est complété d’un abattement supplémentaire à 41 % sous réserve d’un chiffre d’affaires plafonné à 50 000 euros, soit 71 % au total.

Pour les meublés de tourisme non classés, l’abattement est également baissé à 30 % dans le cadre d’un plafond de chiffre d’affaires limité à 15 000 euros. Au-delà de ce plafond, les propriétaires devront se mettre au régime réel.

L’objectif reste le même : l’équilibre dans les abattements et sur le plan budgétaire.

Mme Marina Ferrari (Dem). Le sous-amendement CE202 vise à élargir le bénéfice de l’abattement de 71 % aux communes classées « stations de tourisme » ou « communes touristiques ». Nous comptons aujourd’hui 475 stations de tourisme et 1024 communes touristiques. Ces communes ont investi sur leurs outils touristiques et sont attachées au classement des meublés de tourisme, lesquels représentent une infime part de ce qui se trouve actuellement sur Airbnb. Surtout, ces meublés sont indispensables pour la qualité de l’accueil sur nos territoires touristiques. C’est pourquoi je vous propose cet amendement de bon sens.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Mon amendement porte sur un alignement à 40 % pour les locations classées et non classées et pour les locations nues, avec un plafond rehaussé à 30 000 euros, sauf pour les gîtes ruraux, les maisons d’hôtes et les logements de stations de ski et d’alpinisme.

Cependant, je dois indiquer que l’amendement de Mme la rapporteure me convient, y compris dans sa définition des zones rurales.

M. le président Guillaume Kasbarian. Souhaitez-vous par conséquent retirer votre amendement ?

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Tout à fait.

M. Jean-René Cazeneuve (RE). Je reconnais que nous manquons d’informations par la faute d’un certain nombre de personnes qui auraient dû nous les fournir depuis longtemps. Pour autant, cela ne représente pas une raison de légiférer sans savoir. L’amendement sur un alignement à 40 % vient d’être retiré, mais il aurait représenté un effet d’aubaine important auquel je suis défavorable.

Je suis pour ma part d’accord avec la position de M. Vigier et de Mme Ferrari, il convient d’attendre les conclusions de la mission pour légiférer de manière éclairée. Dans cette attente, je retire mon amendement.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). L’amendement CE77 propose de maintenir l’abattement de 71 % pour les logements classés, sans distinguer le zonage des communes classées des autres. Il s’agit d’abaisser le plafond d’abattement applicable aux revenus tirés des logements touristiques classés à 50 000 euros, afin de lutter contre les professionnels de location de meublés.

M. Christophe Plassard (HOR). Les amendements CE104 et CE102 représentent deux possibilités d’aménagement de la fiscalité. Tout d’abord, il s’agit de considérer la courte et la longue durées en priorité pour procéder à une différenciation. En effet, la carence concerne aujourd’hui principalement la longue durée. L’objectif est donc de marquer une différence de fiscalité entre les deux dispositifs : la courte durée doit bénéficier d’un abattement de 30 % pour les logements non classés et l’abattement devrait être augmenté à 40 % pour la longue durée.

Ensuite, l’amendement suivant porte sur un alignement à 40 %, pour également envoyer un signal fort de diminution de l’avantage fiscal. Lorsque nous avons déposé cet amendement à la commission des finances, j’ai reçu de nombreux messages numériques de l’ensemble de l’écosystème du meublé touristique, me reprochant d’avoir porté un amendement modifiant la fiscalité, mais indiquant dans le même temps de manière unanime que la situation actuelle ne pouvait plus durer. Les personnes qui vendent ces appartements sont donc les premières à considérer le fonctionnement actuel anachronique. La fiscalité de 1974 ne peut pas être celle de 2024.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). L’amendement CE6 est simple et vise à supprimer la niche fiscale Airbnb. Je n’ai entendu aucun argument justifiant que les personnes qui louent en courte durée peuvent payer moins d’impôts.

En revanche, j’ai entendu notre collègue de Savoie déclarer que les stations de ski devaient en bénéficier. Pour quelle raison ? Pourquoi des personnes qui mettent un appartement en location de courte durée devraient-elles payer moins d’impôts ? Qui peut me l’expliquer, dans ce pays si attaché à l’égalité ?

J’ai entendu également M. le rapporteur général changer d’argument. Lors du PLF, il indiquait qu’il était brutal de changer les taux. Cet argument n’a pas porté, bien entendu. Aujourd’hui, il nous dit qu’il est urgent d’attendre.

Pour ma part, je vous propose de supprimer aujourd’hui cette niche fiscale Airbnb que rien ne justifie.

Pour ce qui est de l’amendement CE3, il a été travaillé avec la Fondation Abbé Pierre pour revenir sur les nombreux avantages du dispositif de location meublée. Ces avantages ne sont plus justifiés aujourd’hui. L’amendement propose de les supprimer, pour à nouveau avantager la location de longue durée classique.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nos échanges intéressants soulignent à la fois des convergences et des divergences. Notre proposition d’amendement CE201 visait à parvenir à un équilibre, susceptible de satisfaire tout le monde. J’ai le regret d’émettre un avis défavorable au sous-amendement de Mme Ferrari. En effet, si nous étendions le dispositif aux communes classées tourisme, il deviendrait inutile. Je peux par ailleurs citer de nombreuses communes touristiques qui en ont assez de cet abattement fiscal.

Je reviens à l’essentiel : qu’importe le taux appliqué, les propriétaires de meublés, qu’ils soient classés ou non, continueront à connaître un bénéfice important de leurs locations. Le dispositif n’engendrera ni des volets clos ni des lits froids, car ces propriétaires continueront à gagner de l’argent avec la location touristique.

Nous parlons ici de logements loués de 500 à 1500 euros la semaine, parfois jusqu’à 11 000 euros la semaine. Rien ne justifie alors un abattement de 71 % ou de 50 % par rapport à un voisin qui loue son bien à une famille faisant vivre le territoire et dispose d’un abattement de seulement 30 %. Il existe un impératif de justice fiscale, et cet amendement doit être opérant. Si nous multiplions les exemptions, il ne fonctionnera pas.

Nous avons effectivement exempté les stations de ski. Parfois, je me dis que nous avons été trop cléments. Cependant, ces stations de ski disposent d’un parc important de logements n’ayant pas vocation à être loués à l’année, car personne n’y vit.

Nous avons par ailleurs reçu des maires de stations de ski qui sont également des stations-villages, avec des résidents à l’année alors sortis de leurs villages. Je pense également aux villages sur les côtes qui ne sont pas uniquement des stations balnéaires. À Vieux-Boucau-les-Bains, par exemple, le maire se bat pour fixer des habitants à l’année. Or, l’abattement en vigueur entraîne une distorsion du marché. Nous devons donc unifier la règle et rétablir de l’égalité. Nous exemptons d’ores et déjà les gîtes ruraux, les maisons d’hôtes et les stations de ski, cela me semble suffisant. Vous pourrez ensuite, madame Ferrari, débattre de ce sujet au cours de votre mission avec l’ensemble des élus, et pas uniquement avec des représentants d’organismes d’influence.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Je précise qu’il n’a pas été évident pour nous de définir les exemptions. Nous nous sommes aperçus qu’il existait plusieurs modalités de classement possibles. Les intervenants ne disposaient pas tous des mêmes définitions.

Or, je partage la mission avec vous, madame Ferrari, et je souhaiterais donc vous entendre à nouveau sur ce sujet.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Pour ma part, ma position de principe est défavorable à tous les amendements dans l’attente des résultats de la mission.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les stations touristiques sont hétérogènes. Mon territoire, la Normandie, se trouve à deux heures de Paris, mais a un PIB industriel à 24 %. Nous avons donc besoin de loger des salariés et des étudiants. Si nous exemptons ma station balnéaire des mesures fiscales visant à réguler les locations en Airbnb, nous allons rencontrer des problèmes. Nous ne sommes pas tous des îlots avec une monoactivité touristique.

J’aime les touristes, tel n’est pas le sujet. En revanche, je veux que lorsque ces touristes viennent dans mon territoire, les conditions de leur venue soient compatibles avec la vie de mes habitants, et je veux éviter la spéculation.

Mme Marina Ferrari (Dem). Monsieur Jumel, je partage le même objectif que vous, et ma ville est similaire à la vôtre. Cependant, je dispose également d’une station thermale et j’ai par conséquent besoin d’un parc touristique classé.

Monsieur Bayou, vous semblez faire part quant à vous d’une méconnaissance totale de l’économie touristique. Vous confondez les meublés classés de tourisme, soit 10 % du parc des meubles touristiques, et les meublés touristiques non classés, soit 90 % du parc. Ces derniers se trouvent sur les plateformes Airbnb. Par conséquent, il s’agit de votre cible.

Pour ma part, je défends la différenciation avec les meublés classés de tourisme. Lorsque vous louez un meublé classé, vous montez notamment en gamme. Je rappelle que pour être classé « station de tourisme », il convient de disposer de 70 % de son parc classé « meublé de tourisme », sans quoi vous perdez votre classement de station touristique et les avantages liés. Pour les communes, les impacts financiers peuvent être importants.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). Il convient que chacun se respecte. Tout le monde a travaillé ce texte et déclarer que je ne l’ai pas compris est malhonnête. Pour ce qui me concerne, je suis opposé à cette niche fiscale, et vous ne m’avez pas expliqué en quoi il est normal que des personnes paient moins d’impôts.

M. Vincent Rolland (LR). Je vais essayer d’apporter une explication à M. Bayou. Les meublés classés permettent à des propriétaires d’améliorer l’offre d’hébergements sur place. Les charges y sont alors bien supérieures qu’ailleurs. Aussi, sans ces avantages fiscaux, ces propriétaires ne louent pas ou bien ils le font sur des marchés parallèles. Ces derniers existent, ouvrez les yeux ! Nous vous invitons, si vous le souhaitez.

M. Stéphane Delautrette (SOC). J’ai beaucoup insisté tout à l’heure sur la nécessité d’aborder le volet fiscal. Nous soutiendrons donc l’amendement de madame la rapporteure.

Je souhaite par ailleurs évoquer l’amendement de Mme Ferrari et je m’interroge sur sa recevabilité, car cet amendement n’est pas gagé financièrement quant aux pertes financières pour l’État. Or, cet amendement a pour conséquence d’étendre le dispositif à 2335 communes et 509 stations classées. Je suis étonné que M. le rapporteur général n’ait pas souligné ce point.

M. le président Guillaume Kasbarian. Ce sujet ne relève pas de M. le rapporteur général, mais du président de la commission des finances. Il s’avère que cet amendement est recevable, car il repose sur le droit existant. Il ne dégrade donc pas les finances publiques en maintenant l’avantage fiscal existant. Il ne crée pas de dépenses supplémentaires par rapport à la situation actuelle en France.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Je remarque une confusion dans le débat à propos de ce qu’est un meublé de tourisme classé. Nous ne parlons pas ici de logements quatre étoiles, l’essentiel des meublés touristiques classés sont sur les plateformes et sur Airbnb. D’ailleurs, Airbnb vous explique comment faire pour que votre meublé touristique soit classé. Il suffit d’installer une télévision et de proposer des draps propres, pour atteindre le niveau d’abattement forfaitaire de 71 % totalement disproportionné par rapport à la réalité des chargés à assumer.

Je suis donc d’accord avec M. Bayou, il est temps de considérer que cette disproportion des avantages fiscaux ne correspond plus à la réalité. Il s’agit d’une niche fiscale à raboter. J’espère que nous pourrons le faire un jour.

M. Christophe Plassard (HOR). Pour ma part, j’attends le résultat de la mission. Chacun ramène la réflexion à sa circonscription. Il se trouve que l’île d’Oléron se trouve dans la mienne. Les effets de bord portent également sur l’absence de capacité à loger les saisonniers, par exemple. Dès lors que nous n’y parvenons pas, l’offre touristique se dégrade.

Nous pouvons discuter de la fiscalité et j’espère que Bercy nous fournira des études d’impact pour nous éclairer sur les aspects financiers de la décision. Il n’en demeure pas moins inacceptable qu’une personne née aujourd’hui sur l’île d’Oléron soit contrainte d’aller habiter sur le continent.

M. Antoine Armand (RE). J’espère que je ne serai pas taxé à mon tour d’appartenir à un organisme d’influence dès lors que je défends mon territoire. La spécificité des communes touristiques n’est pas uniquement celle de nos territoires de montagne. Nous regrettons tous le flou actuel, mais la priorité ne me semble pas être la désincitation du classement des meublés. Or, tel est le résultat de nos modifications. Je vous le dis en étant tout à fait favorable à un rééquilibrage fiscal et aux mesures de régulation. Il convient donc que nous nous montrions prudents dans l’approche de la situation.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Nous savons que ce débat est complexe par nature. Néanmoins, l’amendement de la rapporteure me paraît intéressant, car il permet de progresser en matière de justice fiscale. Il s’agit ici d’une demande très forte sur les territoires. Dans le même temps, il permet de conserver l’abattement à 71 % dans des zones rurales plutôt larges.

Des évolutions seront certainement nécessaires, mais nous en sommes au début du processus. Je ne peux pas entendre qu’il est nécessaire de renvoyer la décision à demain par manque d’information. Je rappelle que le Gouvernement a recouru à l’article 49-3 sur l’abattement concernant les plus-values immobilières pour libérer la rétention foncière et provoquer un choc de l’offre. Cette logique vaut dans ce territoire, mais sera catastrophique chez nous. Pourtant, le Gouvernement a pris cette décision sans concertation et sans étude d’impact.

Les amendements CE92, CE91 et CE93 sont retirés.

La commission rejette le sous-amendement CE202 et adopte l’amendement CE201.

En conséquence, les autres amendements tombent.

 

 

Après l’article 3

 

Amendements CE39 de M. Stéphane Delautrette, CE47 de M. Jean-René Cazeneuve, CE103 de M. Stéphane Plassard (discussion commune).

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CE39 vise à supprimer la double déduction des amortissements pour les logements en location meublée non professionnelle, dans le cadre du régime réel.

M. Jean-René Cazeneuve (RE). Il s’agit ici d’une réelle inégalité entre les locations meublées et non meublées, avec un double impact. Initialement, ce dispositif visait à encourager les constructions de meublés pour les jeunes travailleurs et les étudiants. Il a depuis été détourné vers le tourisme, concerné par l’amendement CE47.

Cependant, il est vrai que je ne dispose d’aucune étude d’impact sur ce sujet. Je suis persuadé que cette niche ne se justifie pas, et j’espère que la mission m’apportera des réponses précises sur ce sujet.

M. Stéphane Plassard (HOR). L’amendement CE103 suit la même logique, car deux amortissements surviennent : un premier pendant la durée de détention du bien et un second en échappant à la plus-value. Cette incongruité doit selon moi être corrigée.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous formulons un avis favorable sur les deux premiers amendements. Pour ce qui concerne l’amendement CE103, il s’avère proche des précédents, mais avec une écriture plus large. Nous demandons donc son retrait.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Quand bien même je comprends les arguments formulés, je formule un avis défavorable en lien avec la même position de principe d’attente des résultats de la mission.

M. Julien Bayou (Ecolo-NUPES). J’ai été sévère tout à l’heure avec M. le rapporteur général et je souhaite ici saluer sa prise de position importante. Une niche fiscale ne se justifie pas et il convient de la supprimer. Nous soutenons bien entendu ces deux amendements.

L’amendement CE103 est retiré.

La commission adopte les autres amendements.

 

Amendement CE68 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). L’amendement est défendu.

Après un avis de sagesse des rapporteurs et défavorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

 

 

Titre

 

Amendement CE14 de M. Frédéric Falcon.

M. Frédéric Falcon (RN). Il s’agit ici simplement de reprendre le titre pour le limiter à son champ d’action réel. La PPL porte essentiellement sur des zones tendues en zones littorales.

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Nous formulons un avis défavorable, car nous avons prouvé tout au long de ce débat que nous allons au-delà des zones tendues. Nous développons le changement d’usage à l’ensemble du territoire national.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je formule également un avis défavorable.

M. Eric Bothorel (RE). Pour commencer, je salue le travail accompli par les deux rapporteurs sur ce texte qui propose de la décentralisation concernant la gestion de la politique du logement.

Je ne souhaite toutefois pas quitter ces débats sans évoquer les îles du Ponant : l’association des îles du Ponant s’étonne qu’un certain nombre de communes aient été classées en zones tendues et pas d’autres. Elle s’interroge sur les critères qui président à cette décision.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. J’ai effectivement indiqué plus tôt que nous avions modifié les zonages en nous reposant sur des critères objectifs. Une nouvelle modification est à venir prochainement. Quoi qu’il en soit, cette question plus large des zonages sera abordée au moment de la loi logement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE180 de Mme Annaïg Le Meur.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Nous proposons de supprimer la référence aux zones tendues dans le texte.

M. Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement. Je formule un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

M. Inaki Echaniz, rapporteur. Je tiens maintenant à remercier les deux administrateurs qui ont travaillé avec nous pour parvenir à un équilibre dans ce texte. Je remercie également nos collaborateurs personnels et nos collaborateurs de groupe, ainsi que M. le président Guillaume Kasbarian qui nous a accompagnés sur le sujet.

Je remercie de même ma corapporteure pour le travail mené en bonne intelligence. Nous sommes tous deux animés par la question de la justice sociale et de la justice fiscale.

Ensuite, je remercie M. le ministre pour son implication. Nous nous sommes rencontrés la première fois à Bunus, au cœur du Pays basque, lors d’une table ronde et vous avez immédiatement pris la mesure de la crise et de la nécessité d’agir.

Enfin, je remercie l’ensemble des députés qui ont participé à la discussion extrêmement constructive de ce soir.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure. Je me joins aux remerciements de M. Echaniz. Je tiens également à remercier M. le ministre pour la confiance qu’il m’accorde pour la suite. Avec Mme Ferrari, nous espérons mener une mission nous apportant davantage de données, dont nous manquons aujourd’hui, pour favoriser le logement de longue durée pour nos citoyens.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il ne sera pas possible de dire que nous n’avons pas débattu en commission.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


 Liste des personnes auditionnÉes À Paris

Par ordre chronologique

 

Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

M. Luc-André Jaxel-Truer, sous-directeur de la législation de l’habitat et des organismes de logement social

M. Patrick Brie, adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie

Mme Athénaïs Michel, adjointe à la cheffe de cabinet du directeur

Direction générale des entreprises

M. Christophe Strobel, sous-directeur du tourisme

M. Olivier Lacoste, sous-directeur adjoint du tourisme

M. Christian Zaragoci, chef du pôle de la simplification et de la coordination juridique

Direction générale des finances publiques

M. Aulne Abeille, sous-directeur de la fiscalité des entreprises à la direction de la législation fiscale

Table ronde des associations d’élus :

Association nationale des élus de montagne (ANEM) *

Mme Pascale Boyer, députée des Hautes-Alpes et présidente de l’ANEM

Mme Marie-Annick Fournier, déléguée générale

Mme Raphaelle Pouradier Duteil, conseillère technique

Association nationale des élus des territoires touristiques (ANETT) *

Mme Géraldine Leduc, directrice générale

M. Simon Lebeau, chargé de mission

France urbaine

M. Lionel Delbos, conseiller économie territoriale et tourisme

Confédération des acteurs du tourisme (CAT) *

M. Jean-Virgile Crance, président

M. Guillaume Lemière, délégué général

Table ronde des collectifs :

Collectif national des habitants permanents (CNHP)

Mme Brigitte Cottet (Annecy)

M. Jean Paul Lebas (Saint-Jean Cap Ferret)

M. Vincent Guenot (Paris)

M. Franck Rolland (Saint-Malo)

Alda

M. Txetx Etcheverry, membre

Fondation Abbé Pierre

Mme Sarah Coupechoux, responsable Europe

Table ronde professionnels :

Groupe Expédia

M. Philippe Bauer, directeur des Affaires publiques France et Europe centrale

Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV) *

M. Dominique Debuire, président

M. Pierre Sellin, consultant affaires publiques

Table ronde des maires :

Commune d’Accous

M. Danny Barraud, maire

Communauté d’agglomération du Grand Annecy

Mme Frédérique Lardet, présidente du Grand Annecy

M. Guillaume Magnier, directeur de cabinet

Ville d’Annecy

M. Alexandre Mulatier-Gachet, premier adjoint

Mme Alice Nicolas, chargée de mission

Ville de Bayonne et communauté d’agglomération du Pays basque (CAPB)

M. Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la CAPB

Commune de Bedous

M. Henri Bellegarde, maire

Ville de Chamonix

M. Éric Fournier, maire

Ville de La Rochelle

Mme Marie Nedellec, adjointe chargée du logement

Mme Céline Variot, collaboratrice

Ville de Marseille

M. Benoît Payan, maire de Marseille

M. Patrick Amico, adjoint chargé de la politique du logement et de la lutte contre l’habitat indigne

M. Ahmed Heddadi, adjoint au maire de Marseille

M. Anthony Krehmeier, maire du 2e secteur (2e et 3e arrondissements)

Mme Anthéa Miglietta, cheffe de cabinet adjointe du maire de Marseille

Mme Annabel Mme Clara Jaboulay, collaboratrice du maire du 2e secteur

Mme Anne-Sophie Sidani, collaboratrice du maire du 2e secteur

M. Samy Sidani, directeur général des services de la mairie du 2e secteur

M. Enzo Philip, collaborateur du maire du 2e secteur

Ville de Megève

Mme Catherine Jullien-Brèches, maire de Megève

Mme Fabienne Cordet Evrard, directrice de cabinet

Ville de Paris

M. Jacques Baudrier, adjoint chargé du logement et de la transition écologique du bâti

Mme Barbara Gomes, conseillère de Paris déléguée à l’encadrement des loyers, des plateformes locatives et de la protection des locataires

Mme Blanche Guillemot, directrice du logement et de l’habitat

Mme Alice Tercé, directrice de cabinet de M. Jacques Baudrier

Mme Emeline de Kerret, cheffe du bureau de la protection des locaux d’habitation

Ville de Saint-Malo et communauté d’agglomération du pays de SaintMalo Agglomération

M. Gilles Lurton, maire de Saint-Malo et président de Saint-Malo Agglomération

Commune de Vieux-Boucau-les-Bains et communauté de communes de Maremne-Adour-Côte-Sud (MACS)

M. Pierre Froustey, maire de Vieux-Boucau-les-Bains et président de la MACS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


   Liste des personnes auditionnÉes À ajaccio

Déplacement d’une délégation de la commission à Ajaccio, le 17 novembre 2023, composée de M. le président Guillaume Kasbarian et de vos rapporteurs, reçue par M. Laurent Marcangeli, député de la première circonscription de Corse‑du-Sud, président du groupe Horizons, et par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, en présence de M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, et de M. Paul-André Colombani (LIOT), député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud.

 

Table ronde de socio-professionnels, co-présidée par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, M. le président Guillaume Kasbarian et M. le président Laurent Marcangeli :

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse

Mme Angèle Bastiani, conseillère exécutive, maire d’Île Rousse, présidente de l’Agence du tourisme de la Corse (ATC)

M. César Filippi, président du Groupement des hôtelleries et restaurations de Corse (GHR Corsica)

M. Jean-Jacques Lovichi, vice-président du GHR Corsica

Mme Karine Goffi, présidente de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) *

Mme Pascale Bicchieray, secrétaire générale adjointe de l’Umih *

M. Benoît Chaudron, vice-président de l’Umih *

M. Toussaint Coeroli, président de Gîtes de France Corse *

M. Philippe Albertini, directeur général de la chambre de commerce et d’industrie de Corse

Mme Nathalie Cau, directrice de l’office intercommunal de tourisme du Pays d’Ajaccio

Mme Christelle Combette

M. Jean-Jacques Ciccolini, président de l’association des maires de Corse‑du-Sud

Visite de l’agence immobilière Organigram et rencontre avec son directeur, M. Gautier Fabiani

 

Table-ronde d’élus à l’Hôtel de ville d’Ajaccio, co-présidée par M. Stéphane Sbraggia, maire d’Ajaccio, M. le président Guillaume Kasbarian et M. le président Laurent Marcangeli :

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT), député de la deuxième circonscription de Haute-Corse

M. Paul-André Colombani (LIOT), député de la deuxième circonscription de Corse-du-Sud

M. Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio

M. Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio

Mme Valérie Bozzi, maire de Porticcio

M. Jean-Baptiste Luccioni, maire de Pietrosella

M. Julien Paolini, maire de Pietrosu, président de l’agence d’urbanisme, d’aménagement et de l’énergie de la Corse

M. Jean-Jacques Ciccolini, maire de Cozzano, président de l’association des maires de Corse-du-Sud

M. François Colonna, maire de Vico

M. Nicolas Cucchi, maire de Zonza

M. Charles Chiappini, maire de Calcatoggio, vice-président de la communauté de communes Spelunca-Liamone

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) Direction générale des entreprises, « Impact économique et réglementation des meublés de tourisme », Thémas de la DGE, n° 11, juin 2023.

([2]) Article L. 324-1-1 du code du tourisme. L’article D. 324-1 du même code prévoit une définition quasiment identique, à l’ordre des mots près.

([3]) Les membres de l’UNPLV sont : Abritel (portail français du groupe américain HomeAway), CléVacances, Homelidays, Interhome, Poplidays, Airbnb, Leboncoin, Foncia Locations de vacances, HomeToGo et le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM).

([4]) Insee, « Les logements touristiques de particuliers loués via Internet séduisent toujours », juin 2019.

([5]) Eurostat, Plateformes d’économie collaborative – statistiques expérimentales, 2023.

([6]) Insee, « Les hébergements collectifs touristiques en 2019 », mai 2020.

([7]) Laëtitia Giannechini, « Ajaccio : les meublés de tourisme coulent leurs plus beaux jours », Corse-Matin, mai 2023.

([8]) ADN Tourisme, « Meublés de tourisme classés : chiffres clefs 2022 », juillet 2023.

([9]) Niko Kommenda, “Revealed: the areas in the UK with one Airbnb for every four homes”, The Guardian, février 2020.

([10]) Ministre chargée du tourisme, réponse écrite à la question n° 02650 de Jean-Marie Janssens, sénateur, novembre 2022.

([11]) Viviane Artigalas et Patricia Morhet-Richaud, rapport d’information n° 587 de la commission des affaires économiques sur l’hébergement touristique et le numérique, juin 2018.

([12]) Asterès, « Hôtes Airbnb : un gain de pouvoir d’achat supérieur à l’inflation en 2022 », avril 2023.

([13]) Article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([14]) Article 17 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([15]) Inspection générale des finances et conseil général de l’environnement et du développement durable, rapport de la mission d’évaluation de politique publique sur le logement locatif meublé, janvier 2016.

([16]) Articles L. 133-11 et L. 133-12 du code du tourisme.

([17]) Articles L. 133-13 à L. 133-16 du code du tourisme.

([18]) Fondation Abbé Pierre et Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, « La ville est à nous : comment encadrer Airbnb face à la pénurie de logement », novembre 2020.

([19]) Joan Sales-Favà, Paolo Chevalier, Antonio López-Gay et Juan A. Módenes, « Diminution du nombre de logements disponibles pour les ménages et pression touristique : l’exemple de Barcelone », Téoros : Revue de recherche en tourisme, février 2020.

([20]) Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, rapport d’information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, hors Île-de-France, commission des affaires économiques, 12 avril 2023.

([21]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.

([22]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.

([23]) Inspection générale des finances, conseil général de l’environnement et du développement durable et inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022.

([24]) Insee, « Insee Focus »,  309, octobre 2023. Données France hors Mayotte, de source Insee et CGDD-SDES (ministère de la transition écologique).

([25]) Annaïg Le Meur, PLF pour 2024, rapport pour avis « Logement et urbanisme », commission des affaires économiques, examen des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

([26]) Par exemple, 67 % des entreprises sondées de la région de Boston perçoivent un impact baissier des prix du logement et des coûts de la location sur leur capacité à recruter des candidats qualifiés. Wael Altali, “Assessing affordable housing availability and its effect on employers’ ability to recruit and retain employees in Greater Boston”, Northeastern University et Massachusetts Housing Partnership, avril 2017.

([27]) Chang-Tai Hsieh et Enrico Moretti, “Housing Constraints and Spatial Misallocation”, American Economic Journal: Macroeconomics, 11 (2): 1-39, 2019.

([28]) Ces conclusions sont soutenues également par une étude des cent premières aires métropolitaines des États‑Unis, où se concentrent les gains de croissance, qui conclut, en étudiant, à l’aide d’une modélisation statistique, l’évolution du taux d’emploi local et du PIB par tête en fonction de l’évolution dans le coût du logement, que la carence en logement abordable « affecte négativement le PIB », avec « des effets significatifs de la carence en logement locatif abordable sur la croissance économique (p < 0,02) ». Jerry Anthony, “Housing Affordability and Economic Growth”, Housing Policy Debate, 2022.

([29]) Global Cities Business Alliance et PriceWaterhouseCoopers, “Housing for Inclusive Cities: the economic impact of high housing costs”, avril 2016.

([30]) Ce « seuil de sortie de l’abordable » peut être analysé comme élevé en comparaison historique, dans la mesure où le taux d’effort des ménages en faveur du logement, qui représente la part de leurs ressources qu’ils y consacrent augmente tendanciellement depuis plusieurs décennies.

([31]) Organisation de coopération et de développement économiques, 2021 OECD Questionnaire on Affordable and Social Housing (QuASH).

([32]) Organisation de coopération et de développement économiques, OECD Affordable Housing Database, Indicators on policies for affordable housing, “PH6.1 Rental Regulation”, 2021.

([33]) II de l’article 324-1-1 du code du tourisme.

([34]) Article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Cette interprétation est reprise par le pouvoir réglementaire dans les régimes du droit de la construction (article R. 318-7 du code de la construction et de l’habitation) et du droit de l’urbanisme (article R. 111-51 du code de l’urbanisme), même à l’égard de résidences légères ou démontables. En droit fiscal, la notion substantielle de résidence principale peut être nécessaire pour fonder le régime des plus-values de cession ainsi que divers impôts à l’endroit des résidences non principales. Cette notion fiscale n’est pas la même que la notion retenue en droit immobilier, de la construction et de l’urbanisme. Le pouvoir réglementaire peut considérer comme principale une habitation dès lors qu’elle fait l’objet d’une résidence habituelle (critère de la « majeure partie » de l’année) et effective (utilisation non temporaire). C’est le sens de la référence retenue à l’article 150 U du CGI (la version précédente à l’article 150 C comprenait au titre de l’effectivité un critère d’occupation pendant cinq ans, supprimé en 2003). Cette notion rejoint celle d’habitation principale utilisée dans le cadre de la taxe d’habitation.

([35]) Article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([36]) Dernier alinéa de l’article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation.

([37]) Voir commentaire de l’article 2 pour davantage de précisions. La liste des communes situées en « zone tendue » a été actualisée par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.

([38]) Article L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation.

([39]) Direction du logement et de l’habitat de la Ville de Paris, « Le changement d’usage à caractère réel avec compensation », janvier 2022.

([40]) I de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.

([41]) III de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

([42]) Deuxième alinéa du II de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.

([43]) Troisième alinéa du III de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.

([44]) Union nationale pour la promotion de la location de vacances, « Respect de l’encadrement de la location meublée touristique en 2023 : l’UNPLV publie sa liste actualisée », janvier 2023.

([45]) II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.

([46]) En mars et septembre 2020, par exemple, 22 villes européennes (Amsterdam, Athènes, Barcelone, Berlin, Bologne, Bordeaux, Bruxelles, Cologne, Florence, Francfort, Helsinki, Cracovie, Londres, Milan, Munich, Paris, Porto, Prague, Utrecht, Valence, Vienne et Varsovie) ont pris position pour appeler au renforcement de la réglementation des plateformes . Ville de Paris, « Locations meublées touristiques : les grandes villes européennes en quête d’une coopération européenne », communiqué de presse, septembre 2020.

([47]) Commission européenne, Proposal for a regulation of the European Parliament and of the Council on data collection and sharing relating to short-term accommodation rental services and amending Regulation (EU) 2018/1724, 7 novembre 2022.

([48]) Conseil de l’Union européenne, orientation générale sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, et modifiant le règlement (UE) 2018/1724, 20 février 2023.

([49]) Parlement européen, commission du commerce intérieur et de la protection des consommateurs, texte des amendements de compromis adoptés (Kim Van Sparrentak, rapporteure), 13 septembre 2023.

([50]) II de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme.

([51]) Dernier alinéa de l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation.

([52]) Fondation Abbé Pierre et Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri, « La ville est à nous : comment encadrer Airbnb face à la pénurie de logement », novembre 2020.

([53]) Union nationale de la promotion de la location de vacances, « L’UNPLV donne la parole aux hébergeurs français pour contribuer collectivement à une révision plus équilibrée des règles encadrant le secteur de la location touristique », communiqué de presse, juin 2023.

([54]) Val d’Europe Agglomération, procès-verbal du conseil communautaire du 7 juillet 2022.

([55]) Department for Levelling Up, Housing & Communities, “English Housing Survey 2021 to 2022: second homes”, juillet 2023.

([56]) Iñaki Echaniz, Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés, proposition de loi portant mesures d’urgence pour lutter contre la spéculation locative et favoriser l’accès au logement dans les territoires en tension, enregistrée à la Présidence le 14 février 2023.

([57]) Annaïg Le Meur et Vincent Rolland, rapport d’information sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues, hors Île-de-France, commission des affaires économiques, 12 avril 2023.

([58]) II de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

([59]) III de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

([60]) Article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

([61]) Articles L. 173-2 du CCH issu de l’article 174 de la loi ; article 160 de la loi.

([62]) Du fait de la spécificité des territoires ultramarins, l’entrée en vigueur du nouveau DPE est différée au 1er juillet 2024 en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte (IV de l’article 158).

([63]) Le législateur par l’article 153 de la loi, qui a réécrit l’article L. 126-26 du CCH ; le pouvoir réglementaire par deux arrêtés du 31 mars 2021 relatifs respectivement au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation en France métropolitaine et aux méthodes et procédures applicables au diagnostic de performance énergétique et aux logiciels l’établissant.

([64]) Les huit zones climatiques (H1a, H1b, H1c, H2a, H2b, H2c, H2d, H3) sont définies à l’annexe I de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments.

([65]) IV de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.

([66]) Deuxième alinéa du II de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.

([67]) Troisième alinéa du III de l’article L. 324-2-1 du code de tourisme.

([68]) Article 13 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

([69]) Article 16 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, codifié au dernier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation.

([70]) La première catégorie résulte de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, les deux suivantes de l’article L. 631-9.

([71]) Par cohérence avec la redéfinition des zones tendues à l’article 232 du CGI, l’article 73 de la loi n° 2022‑1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a supprimé l’exigence selon laquelle ces communes devaient également appartenir à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.

([72]) Contrairement à celle de l’article 17 de la loi n° 89-462, qui ne concerne que le 1°.

([73]) Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.

([74]) À distinguer notamment du changement de destination prévu par le code de l’urbanisme.

([75]) Décret n° 2023‑822 du 25 août 2023.

([76]) Article L. 631‑7 du code de la construction et de l’habitation.

([77]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 7 septembre 2023, n° 22-18.101.

([78]) Article R. 151-27 du code de l’urbanisme.

([79]) Article 146 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([80]) Tribunal administratif de Rennes, 15 décembre 2022,  2003369.

([81]) Cet alinéa a vocation à être codifié à l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation.

([82]) Articles L. 631-7-2 à L. 631-7-4 du code de la construction et de l’habitation.

([83]) Depuis le décret n° 2023-422 du 31 mai 2023 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code, les seuils du régime micro‑BIC applicables aux locations meublées ont été réévalués. Au 28 avril 2023, date de l’enregistrement de la proposition de loi examinée à la présidence de l’Assemblée nationale, les seuils étaient de 176 200 euros pour les meublés de tourisme classés et de 72 600 euros pour les meublés de tourisme non classés.

([84]) Loi n° 2006-437 du 14 avril 2006 portant diverses dispositions relatives au tourisme.

 

([85]) Article 151 septies du code général des impôts.