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N° 1933

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi

portant plan d’urgence pour le recrutement
et la formation initiale des enseignants du second degré,

 

 

 

Par M. Alexandre PORTIER,

 

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro : 1799.

 


–– 1 ––

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

I. la masterisation des concours de l’enseignement contribue aujourd’hui à une pénurie de professeurs

A. des réformes successives du concours et de la formation…

B. … qui contribuent à une attrition préoccupante du vivier d’enseignants potentiels

II. la formation des futurs enseignants est insuffisamment professionnalisante et ne les prépare pas aux réalités du terrain

A. une formation insuffisamment professionnalisante…

B. … qui ne correspond pas aux attentes des futurs enseignants

III. le concours et la formation doivent faire l’objet d’une évolution structurelle ambitieuse

A. Des mesures ponctuelles pour lutter contre l’attrition du vivier mais aujourd’hui insatisfaisantes

1. Des concours exceptionnels de recrutement qui ne résolvent pas le problème structurel du déficit d’attractivité

2. Des parcours parallèles, permettant une rémunération précoce, qui peinent à trouver leur public et brouillent la lisibilité des parcours de formation

a. La préprofessionnalisation

b. La formation du M2 en alternance

B. une double nécessité : élargir le vivier de candidats tout en renforçant la formation

1. Organiser le concours de recrutement des enseignants en fin de troisième année de licence

2. Repenser l’ensemble de la formation des enseignants dans un continuum de formation débutant dès le baccalauréat et faisant la part belle à la professionnalisation

commentaire des articles

Article 1er Modification des conditions de diplôme pour présenter les concours de l’enseignement du second degré

Article 2 Accroissement de la dimension professionnalisante de la formation des enseignants

Article 3 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE N° 1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur

ANNEXE N° 2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


   INTRODUCTION

La profession d’enseignant souffre aujourd’hui d’un manque d’attractivité criant, qui conduit, d’une part, à une pénurie de candidats aux concours de l’enseignement et, d’autre part, à une dégradation du niveau de ces candidats.

Si la question des modalités de recrutement et de formation ne saurait, à elle seule, expliquer l’ensemble de ces difficultés – qui sont, bien entendu, également liées aux enjeux de rémunération, de mobilité ou encore de conditions de travail – elle demeure centrale et encore très débattue. Les tergiversations des dernières années en témoignent : le concours, qui pouvait ainsi être présenté par les candidats détenteurs d’une licence, s’étant ou non préparés une année supplémentaire au sein d’un institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) jusqu’en 2009, n’a plus été ouvert qu’aux candidats détenteurs d’un diplôme de master 2 à partir de 2010. L’exigence a été abaissée au niveau d’un master 1 (M1) en 2013 avant d’être à nouveau rehaussée au niveau du master 2 (M2) depuis 2019.

Ces hésitations contribuent à brouiller la lisibilité de l’accès à la carrière d’enseignant. Plus fondamentalement, le déplacement du concours en fin de deuxième année de master pénalise les étudiants les moins favorisés financièrement et décourage ceux pour qui la réussite au concours apparaît trop incertaine. Ceci entraîne une diminution toujours plus importante des inscrits et des admis au concours et conduit à une augmentation des postes non pourvus, malgré la diminution sensible du taux de sélectivité et du niveau exigé. Parallèlement, la formation proposée pendant les deux années de master, en particulier au travers des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF), dispensés par les instituts nationaux du professorat et de l’éducation (Inspé) apparait insuffisamment professionnalisante, malgré la place faite aux stages. Un grand nombre d’étudiants, placés à temps plein en situation de responsabilité devant des élèves dès l’obtention du concours, s’estiment trop peu ou mal préparés sur le plan des compétences professionnelles.

La présente proposition de loi a donc pour objet de positionner les épreuves du concours en fin de troisième année de licence, pour faire suivre ce recrutement de deux ans de formation professionnalisante, rémunérée, dispensée en Inspé et désormais renforcée.

Il s’agit ainsi de lutter contre l’attrition qualitative et quantitative du vivier, en attirant un plus grand nombre de candidats potentiels, en captant une cible essentielle pour le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse – les jeunes déjà engagés dans des études universitaires – et en limitant l’évaporation de ces candidats pour des raisons financières, grâce à la sécurisation financière de leur parcours, au terme duquel ils seraient assurés d’être recrutés. Il s’agit également d’adapter la formation pour la rendre davantage conforme aux attentes des étudiants et de l’institution et pour maintenir un niveau élevé de qualification.

Cette proposition fait l’objet d’un consensus presque unanime parmi les acteurs auditionnés, les directions ministérielles entendues ayant d’ailleurs souligné que cela constituait la piste aujourd’hui privilégiée par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Si la proposition de loi ne porte, en l’état, que sur les enseignants du second degré, le rapporteur est favorable à son ouverture au premier degré : l’ambition est bien d’aligner les modalités de recrutement et de formation des enseignants des deux degrés, pour lesquels la parité d’estime et de légitimité – voire l’égale dignité mentionnée par certains – passe par le parallélisme de ces modalités. Le cas échéant, des mesures complémentaires seront nécessaires, que ce soit par voie législative ou réglementaire.

Bien que certaines de ces questions puissent, en droit, être réglées par la voie réglementaire, il semble absolument indispensable de porter ce débat devant le législateur, tant les enjeux, pour près de 400 000 enseignants du second degré et, surtout, des générations d’élèves, sont cruciaux : la qualité du recrutement et de la formation des enseignants constitue un prérequis évident pour améliorer l’épanouissement personnel et professionnel des personnels de l’Éducation nationale et la réussite scolaire des élèves.

 


I.   la masterisation des concours de l’enseignement contribue aujourd’hui à une pénurie de professeurs

A.   des réformes successives du concours et de la formation…

Le recrutement et la formation des enseignants ont fait l’objet de très nombreuses réformes ces quinze dernières années, sans qu’il soit aujourd’hui possible d’en identifier les effets positifs.

Ainsi, comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport thématique de février 2023 portant sur la formation et le recrutement des enseignants ([1]), depuis 2010, « la doctrine du ministère sur le positionnement du concours a changé à trois reprises » : les concours d’enseignants du second degré, jusqu’alors ouverts aux étudiants en fin de licence, ont été restreints aux seuls étudiants détenteurs d’un diplôme de master 2 ou inscrits en deuxième année de master à partir de 2010. La réforme de 2013, portée notamment par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, a positionné ce concours en fin de première année de master – en principe entre les deux années du master MEEF dispensé par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, tous deux créés par cette réforme. À peine six ans plus tard, la réforme de 2019, en partie portée par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, substituait aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation et replaçait le concours en fin de deuxième année de master.

Depuis la session 2022, les candidats aux concours externes d’accès aux corps enseignants doivent ainsi détenir un master ou être inscrits en deuxième année de master au moment des épreuves. Dans ce dernier cas, leur nomination en tant que stagiaire dans les corps concernés est conditionnée à l’obtention effective de leur diplôme.

Cette dernière réforme de 2019 s’accompagnait d’une évolution de la formation  qu’elle devait rendre plus professionnalisante – ainsi que du concours, qui devait également intégrer une épreuve orale et une épreuve écrite de nature à tester les compétences professionnelles. Elle visait plusieurs objectifs : assurer une formation homogène sur l’ensemble du territoire ; permettre, pour les lauréats passés par un master MEEF, une entrée progressive dans la carrière de professeur avec un accompagnement et une prise de responsabilité adaptée ; renforcer l’interaction entre la formation « théorique » et l’exercice en responsabilité par les étudiants ; valoriser la dimension professionnelle des concours externes de recrutement des professeurs et conseillers principaux d’éducation en les positionnant en fin de master 2.

Il apparaît que, sur l’ensemble de ces points, elle a échoué, comme, de fait, les réformes qui l’ont précédée. Ainsi que l’indique la Cour des comptes dans le rapport précité, « depuis 2010, ce nouveau cadre demeure instable, malgré des réformes qui ne parviennent pas à concilier les attentes parfois contradictoires des acteurs concernés, ni à garantir que la formation prépare de manière satisfaisante les étudiants à leur entrée dans le métier et à l’exercice de leurs futures fonctions ». En effet, si le positionnement du concours en fin de M1 présentait l’inconvénient de faire cumuler, sur l’année de M2, les statuts d’étudiant et de fonctionnaire‑stagiaire, son déplacement d’une année a entraîné des difficultés plus grandes encore.

De fait, elle conduit à décourager un grand nombre de candidats potentiels qui ne peuvent se permettre, financièrement, d’étudier une année supplémentaire avant de percevoir un salaire. Cela concerne, en particulier, les étudiants les plus modestes qui constituent pourtant un vivier essentiel pour le corps des professeurs. Mme Cécile Suel, responsable « Entrants dans le métier » du syndicat SE-UNSA, le confirmait dans la presse ([2]) : « dès que [le concours] a été passé en M2, on a observé une dégringolade dans les chiffres de candidats au concours. Un concours en M2 complique les choses pour des candidats de milieux défavorisés, car il implique un coût supplémentaire. »

Le positionnement du concours en fin de deuxième année de master induit, par ailleurs, une charge de travail excessive pour les étudiants qui doivent concilier, au cours de cette deuxième année, la préparation du concours, la validation de leur année universitaire, la rédaction d’un mémoire de recherche et la réalisation de stages – voire d’une alternance en responsabilité – alors même que l’un des objectifs de la réforme était d’alléger cette charge de travail. Comme l’indiquaient MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2023 ([3]), « il est possible que [cette charge de travail] décourage des étudiants de s’engager dans cette voie, d’autant plus que la réussite au concours – particulièrement dans ces conditions  peut apparaître aléatoire ». La Cour des comptes le confirme dans le rapport précité : « ce ressenti, largement exprimé […] trouve une traduction concrète dans la baisse du nombre de candidats présents aux épreuves des écrits des concours de la session 2022, notamment dans le premier degré. Si la baisse des inscrits résulte mécaniquement de la réforme, l’explication de la baisse des présents est en effet à rechercher ailleurs. Ainsi, plusieurs étudiants de M2 rencontrés ont indiqué ne pas avoir passé les épreuves du concours pour terminer leur mémoire et s’assurer ainsi de l’obtention du master et, pour ceux qui sont en alternance, pouvoir faire face à leur charge de cours. »

La réforme complexifie également la réorientation des étudiants qui échoueraient au concours en fin de master 2, ceci pouvant les dissuader d’entamer ce cursus exigeant, d’autant plus que le master MEEF est peu valorisé sur le marché de l’emploi. La sélection en fin de M2 apparaît d’autant moins nécessaire que les étudiants sont déjà sélectionnés finement à l’entrée en master. De fait, ils sont soumis aux mêmes règles de sélection à l’entrée en master et aux mêmes modalités de candidature que tous les candidats à une poursuite d’étude : depuis la rentrée 2023-2024, ils doivent ainsi utiliser la plateforme de candidature Mon Master pour déposer leur candidature et sont sélectionnés sur dossier et, le cas échéant, sur entretien par les équipes pédagogiques des Inspé.

Par ailleurs, il semble exister un véritable décalage entre le nombre d’années d’études exigées avant d’obtenir le diplôme et le salaire perçu en début de carrière. Les données de l’OCDE sont, à ce titre, éclairantes. En effet, comme l’indique la revue Regards sur l’éducation pour l’année 2022, « en 2019 en France, les enseignants dans le premier cycle du secondaire gagnaient 13 % de moins que les autres travailleurs âgés de 25 à 64 ans ayant une formation de l’enseignement supérieur, ceux dans le préélémentaire et l’élémentaire respectivement 20 et 22 % de moins, et ceux dans le deuxième cycle du secondaire 3 % de moins » ([4]). Ces écarts se sont aggravés ces dernières années, comme l’indiquait la même revue pour l’année 2023 : « en 2020, les enseignants en France gagnaient moins que les autres travailleurs âgés de 25 à 64 ans diplômés de l’enseignement supérieur, quel que soit le niveau d’éducation auquel ils enseignaient : 17 % de moins dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, respectivement 24 et 26 % de moins dans le préélémentaire et l’élémentaire, et 8 % de moins dans le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. » ([5])

B.   … qui contribuent à une attrition préoccupante du vivier d’enseignants potentiels

L’ensemble de ces éléments contribuent indéniablement à réduire le vivier potentiel d’enseignants, certains n’ayant pas les moyens de poursuivre cinq années d’études non rémunérées, d’autres ayant la crainte de ne pas pouvoir se réorienter en cas d’échec, d’autres enfin contestant le décalage entre le niveau d’études requis et le salaire offert ou s’orientant, à niveau d’études équivalent, vers des carrières plus rémunératrices.

Comme l’indiquait la direction générale des ressources humaines du ministère de l’Éducation nationale lors de son audition par le rapporteur, les baisses du nombre de candidats aux concours ouverts ces dernières années ont été directement corrélées aux réformes qui ont eu lieu et au niveau de diplôme exigé : si ce phénomène est très net pour le premier degré, il est également visible pour le second degré. Ainsi, la baisse tendancielle du nombre de candidats au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement secondaire (Capes), toutes matières confondues, depuis 2006 – date à laquelle on dénombrait 66 000 candidats – s’est accélérée au moment de la réforme de 2010, laquelle a entraîné une chute du nombre de candidats à 56 000 en 2011. La réforme de 2019, appliquée à partir de 2022, a également entraîné une réduction massive du nombre de candidats, passé de 41 000 en 2021 à 28 000 en 2022. La situation est hétérogène selon les disciplines et les tensions sont particulièrement marquées pour les mathématiques, la physique-chimie, l’allemand ou encore les lettres classiques et modernes.

Évolution du nombre de postes et de candidats aux concours de personnels enseignants du second degré public

Source : Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective (Depp), Repères et références statistiques, 2023.

Cette baisse du nombre de candidats entraîne, presque mécaniquement, une réduction du nombre de lauréats admis, et ce malgré la diminution de la sélectivité du concours. Ainsi, dans le second degré public, alors que 13 537 postes étaient ouverts en 2023 (dont 12 797 postes d’enseignants, 480 postes de conseillers principaux d’éducation et 260 de psychologues de l’Éducation nationale), 11 689 candidats ont été admis. Le nombre de postes non pourvus s’élève ainsi à 1 848 (hors appel aux candidats inscrits sur liste complémentaire) soit 13,6 % ([6]). Si l’on constate une amélioration par rapport à l’année 2022, où le taux de postes non pourvus atteignait 16,6 %, il convient de rappeler que ce taux était, jusqu’en 2022, systématiquement inférieur à 10 %. Les quelque 220 candidats inscrits sur liste complémentaire, qui ont tous été appelés, ne sauraient suffire à combler l’ensemble des postes vacants.

Les situations sont variables selon la nature des concours : 83,4 % des postes ouverts au Capes externe sont ainsi pourvus, avec des résultats hétérogènes selon les disciplines (76 % pour les mathématiques, 42 % pour l’allemand, 30,6 % pour les lettres classiques, 98 % pour l’anglais). 16 % des postes ouverts au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (Capet) externe n’avaient pas davantage trouvé preneurs. Le concours d’accès au corps des professeurs de lycée professionnel (CAPLP) externe présente le déficit le plus important avec 28 % des postes non pourvus. En revanche, le taux de couverture de l’agrégation se maintient à un niveau très élevé, de 95,7 % pour les concours externe et externe spécial ([7]).

La diminution du nombre de candidats admis n’est pas enrayée par la moindre sélectivité du concours qui, en revanche, a pour conséquence le recrutement de lauréats dont le niveau est plus faible qu’auparavant. Comme l’indiquait le président du Conseil supérieur des programmes, auditionné par le rapporteur, la voie républicaine – pour ne pas dire « royale » – d’accès à la fonction publique est celle du concours, qui répond à un objectif d’égalité et de transparence, mais aussi de qualité de recrutement, dès lors qu’il est suffisamment sélectif. Aujourd’hui pourtant, quelques disciplines mises à part, la sélectivité du concours n’est plus assurée et la qualité des lauréats ne saurait être attestée par la seule obtention de ce concours. La Cour des comptes estime également que la sélectivité est « très variable » selon les disciplines : « les notes obtenues, même si elles peuvent toujours être relativisées, aux concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil, voire de Versailles, attestent de faiblesses préoccupantes de nombreux candidats mais aussi de lauréats des concours. De même, avec des taux de candidatures faibles, voire très faibles dans certaines disciplines (lettres classiques, allemand, sciences industrielles de l’ingénieur, biotechnologies, voire mathématiques), les taux de réussite aux concours sont élevés. »

Au-delà du nombre de candidats aux concours, le nombre d’inscrits en master MEEF  prédictif du nombre de candidats aux prochaines sessions des concours  est également décroissant depuis plusieurs années, malgré une stabilisation récente qui ne saurait suffire à affirmer que la tendance est en voie d’inversion. Ainsi, à la rentrée 2022, 53 700 étudiants se sont inscrits dans les Inspé, soit un chiffre équivalent à celui de 2021, après plusieurs années de baisse.

évolution du nombre d’inscrits en master MEEF depuis 2017 pour les mentions premier et second degré

Source : ministère de l’Éducation nationale

En conséquence, les effectifs enseignants du second degré ne cessent de diminuer depuis la rentrée 2018. L’effectif des enseignants titulaires affectés dans le second degré s’établit ainsi à 381 388 à la rentrée 2022 contre 386 118 à la rentrée 2021, soit une baisse de 4 730 enseignants (‑ 1,23 %).

Évolution des effectifs enseignants du 2nd degré public depuis la rentrée 2015

Source : Annuaire EPP – PIAD - date d’observation : octobre 2015, 2016, février 2018 et décembre depuis 2018.

Parallèlement, le taux de personnels contractuels est maintenu à un niveau élevé et continue à augmenter, alors même que leur formation est loin d’être aussi encadrée que celle des enseignants titulaires et présente de nombreuses lacunes : 34 857 contractuels (y compris alternants) exerçaient en juin 2022, sur 381 388 enseignants du second degré, soit plus de 9 %.

 

évolution des effectifs enseignants contractuels du second degré public

(en ETP)

Source : DGRH - PIAD Les recrutements de contractuels en CDD au regard des surnombres disciplinaires - date d’observation : Juin de chaque année scolaire

Comme l’indique la Cour des comptes, « dans le second degré public, avec plus de 35 000 non-titulaires, la part des contractuels rapportée à l’ensemble des enseignants est aujourd’hui de 9 %. Ils étaient déjà plus de 25 000 contractuels en 2012-2013, soit une augmentation de 40 % depuis lors. Le poids des non-titulaires varie fortement, plus marqué dans les académies de Créteil, Versailles et Corse, dans les deux degrés. Il est particulièrement élevé dans l’enseignement professionnel. À la rentrée 2020, les contractuels représentent 16,4 % des effectifs dans les disciplines de l’enseignement professionnel relevant du domaine des services, alors que ce ratio est de 4,8 % pour les disciplines de l’enseignement général. »

Preuve supplémentaire de la persistance des difficultés de recrutement – qui avaient été présentées comme conjoncturelles et strictement liées à la mise en œuvre du déplacement du concours du M1 au M2, entraînant une « année blanche » en 2022 – la période d’inscription aux concours de personnels de l’Éducation nationale pour la session 2024 a été prolongée d’un mois, jusqu’au 7 décembre, afin de permettre, selon le ministère, « à un maximum de candidats de s’inscrire ». Au-delà des concours du second degré (Capes, Capeps, Capet, CAPLP et agrégation), sont également concernés le concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) et les concours de recrutement de conseillers principaux d’éducation ou encore de psychologues de l’Éducation nationale.

Globalement, comme l’indique la Cour des comptes, « les signes tangibles de perte d’attractivité du métier enseignant se renforcent, tant au regard du nombre de candidats aux concours que désormais pour le recrutement de contractuels ».

II.   la formation des futurs enseignants est insuffisamment professionnalisante et ne les prépare pas aux réalités du terrain

A.   une formation insuffisamment professionnalisante…

Au-delà du seul positionnement du concours, qui conduit à perdre des candidats potentiels, il est également reproché à la formation initiale des enseignants d’être insuffisamment professionnalisante et d’entraîner une confrontation trop tardive avec la réalité du terrain, ce que le déplacement du concours en fin de master 2 accentue.

L’arrêté du 27 août 2013, modifié par l’arrêté du 28 mai 2019 pour tenir compte de la réforme engagée la même année, fixe le cadre national des formations dispensées au sein des masters MEEF et précise les attendus de l’employeur Éducation nationale exprimés dans le « référentiel de formation ». Cet arrêté prévoit que « le master “MEEF” […] dispense une formation universitaire professionnalisante fondée sur des enseignements articulant théorie et pratique autour de stages d’observation ou de pratique accompagnée et de périodes d’alternance » et précise que « la formation initiale est articulée sur les quatre semestres du cursus de master et permet d’acquérir, de manière progressive et intégrée, un haut niveau de connaissances et de compétences professionnelles, tant disciplinaires que didactiques et scientifiques, ainsi que celles spécifiquement liées aux contextes d’exercice du métier ».

Ainsi, les étudiants en master MEEF doivent recevoir au moins 800 heures d’enseignement et d’encadrement pédagogique, hors stage. Pour les futurs enseignants du second degré, au moins 45 % du temps de formation doit être consacré à la construction du cadre de référence et à l’enseignement des savoirs de la discipline ou spécialité, au moins 30 % du temps aux stratégies d’enseignement et d’apprentissage et au moins 15 % du temps à l’initiation à la recherche et à l’exploitation de travaux de recherche pour analyser des situations professionnelles. Les équipes enseignantes doivent, depuis la réforme de 2019, comprendre des professeurs des premier et second degrés en exercice, pour au moins un tiers du potentiel d’heures d’enseignement.

Plusieurs périodes de stages doivent également être organisées au cours des deux années de master :

– un stage d’observation et de pratique accompagnée de six semaines la première année ;

– un stage d’observation et de pratique accompagnée d’une durée de douze semaines (consécutives ou non) ou un stage en responsabilité de classe à tiers temps, sous un statut de contractuel alternant, la deuxième année.

Il peut être relevé que le master doit également comprendre des modules spécifiques, dont les volumes horaires sont fixés par différents textes. Ainsi en est‑il, par exemple, de la laïcité et des valeurs de la République (pour 36 heures ([8])) ou de l’école inclusive (pour 25 heures ([9])).

B.   … qui ne correspond pas aux attentes des futurs enseignants

Pourtant, un grand nombre d’enseignants s’estiment encore insuffisamment formés. Le déplacement du concours en 2ème année de master amplifie le phénomène, dès lors qu’il entraîne une confrontation plus tardive avec le terrain, à un moment de la scolarité où il est difficile de faire marche arrière.

Ainsi, comme l’indique la direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective (Depp) du ministère de l’Éducation nationale dans sa publication L’état de l’école 2023 ([10]), « la prise en compte de l’hétérogénéité des élèves, la gestion de la classe ainsi que l’utilisation du numérique en classe sont les aspects du métier pour lesquels les enseignants français du premier degré s’estiment les moins bien préparés : seul un professeur des écoles sur quatre ayant abordé ces domaines s’y estime bien ou très bien préparé. Quant aux enseignants de collège, c’est pour la gestion de la classe que leur sentiment de préparation est le plus faible : seul un professeur sur trois ayant abordé ce contenu s’estime bien ou très bien préparé. »

Si le sentiment de préparation sur les contenus propres aux disciplines est majoritairement positif (87 %), il est beaucoup plus mitigé s’agissant des pratiques professionnelles et pédagogiques, en particulier de la gestion de classe et du comportement des élèves (33 %) ou encore de l’enseignement à des élèves de différents niveaux (44 %).

 

 

 

 

 

 

 

Sentiment de préparation positif pour différents aspects du métier d’enseignant selon le degré d’enseignement (en %)

Source : Depp, L’état de l’école (2023)

Ceci se perçoit très nettement dans les demandes de formation continue formulées par les enseignants : ainsi, selon la Depp « à l’école comme au collège, les enseignants français sont nettement plus nombreux que leurs collègues européens à signaler un besoin élevé de formation pour enseigner aux élèves ayant des besoins éducatifs particuliers (au collège, par exemple, cela concerne 34 % des enseignants français contre 19 % pour la moyenne européenne). Ils expriment également des besoins plus élevés de formation aux compétences TICE ([11]) et à la mise en œuvre d’approches pédagogiques individualisées. Les domaines ayant trait aux compétences pédagogiques, à la connaissance et à la maîtrise de la discipline enseignée ainsi qu’aux connaissances des programmes scolaires sont ceux pour lesquels les enseignants français sont moins nombreux à exprimer des besoins élevés de formation. »

Aussi, les stages effectués au cours de la scolarité, de même que l’enseignement dispensé un tiers du temps de formation en MEEF par des professeurs exerçant en parallèle devant des classes ne paraissent pas suffire à permettre aux étudiants d’acquérir l’ensemble des compétences professionnelles requises pour exercer en classe en toute confiance.

III.   le concours et la formation doivent faire l’objet d’une évolution structurelle ambitieuse

Il apparaît donc urgent de repenser, dans une réflexion globale, à la fois le positionnement du concours et le contenu de la formation initiale, de manière à attirer autant que possible de bons candidats dans cette voie, mais aussi à leur dispenser une formation alliant compétences disciplinaires et compétences didactiques afin de les préparer au mieux à l’exercice de leur métier.

A.   Des mesures ponctuelles pour lutter contre l’attrition du vivier mais aujourd’hui insatisfaisantes

1.   Des concours exceptionnels de recrutement qui ne résolvent pas le problème structurel du déficit d’attractivité

Dès lors que le déficit d’attractivité était présenté comme conjoncturel, lié uniquement au déplacement du concours au cours de la session 2022, plusieurs mesures ponctuelles ont été mises en place, qui ne peuvent cependant apporter une réponse pérenne au déficit structurel d’attractivité de la profession.

Ainsi, les arrêtés du 25 janvier 2021 ont rendu possible le recrutement par la voie des troisièmes concours – accessible à tous ceux qui ont au moins cinq ans d'expériences professionnelles accomplies dans le cadre de contrats de droit privé, sans condition de diplôme – dans toutes les sections et options du Capes, du Capet et du CAPLP. Deux actions ont été menées parallèlement pour diversifier le vivier des concours de recrutement : une augmentation du nombre de postes ouverts aux troisièmes concours et l’ouverture de davantage de sections. À la session 2023, 650 postes ont ainsi été proposés (soit 4,8 % des postes du second degré) contre 420 en 2019 (3,1 %), 445 en 2020 (3,3 %), 500 en 2021 (3,7 %) et 640 en 2022 (4,8 %), dans 37 disciplines contre 32 en 2022.

En parallèle, depuis la session 2021, un concours national à affectation locale pour le corps des professeurs certifiés est organisé à Mayotte et en Guyane, académies particulièrement déficitaires. 86 postes ont été ouverts en 2023 à Mayotte et 66 candidats admis sur liste principale. En outre, dans cette même académie, les conditions de diplôme pour se présenter au Capes externe et interne à affectation locale ont été adaptées : seule une licence est désormais exigée (cf. infra).

Enfin, dans le premier degré, des concours internes exceptionnels ont également été organisés pour permettre aux contractuels employés depuis plus de dix-huit mois d’être titularisés.

2.   Des parcours parallèles, permettant une rémunération précoce, qui peinent à trouver leur public et brouillent la lisibilité des parcours de formation

Pour compenser le retard de perception d’un salaire qu’entraîne le déplacement du concours en deuxième année de master et pallier le risque du décrochage de certains étudiants en difficultés financières, des parcours spécifiques, permettant une rémunération précoce, ont été instaurés, mais ils ne donnent pas pleinement satisfaction.

a.   La préprofessionnalisation

Depuis la rentrée 2019, un parcours de préprofessionnalisation peut être choisi de la deuxième année de licence jusqu’à la seconde année de master MEEF, pour des étudiants qui se préparent aux concours des premier et second degrés et qui souhaitent compléter leur formation universitaire par des missions d’assistant d’éducation (AED) rémunérées. Les AED en préprofessionnalisation prennent ainsi d’abord en charge des dispositifs d’accompagnement à l’enseignement tels que le dispositif « devoirs faits » puis évoluent progressivement vers l’enseignement en pleine responsabilité devant des élèves, mission qu’ils exercent lorsqu’ils sont inscrits en master MEEF, pour une durée de huit heures par semaine. La rémunération, qu’ils perçoivent dès la deuxième année de licence, varie entre 1 019 et 1 311 euros bruts mensuels selon l’année d’études. Elle est cumulable avec les bourses d’études sur critères sociaux.

Comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, « le dispositif de préprofessionnalisation a pour objectif d’améliorer l’attractivité du métier de professeur et de faire émerger un nouveau vivier », notamment en sécurisant financièrement le parcours et en donnant ainsi à des étudiants de catégories socioprofessionnelles moins favorisées la chance d’avoir accès à des études longues. Cependant, les volumes en jeu restent marginaux. Le contingent d’AED en préprofessionnalisation devrait s’élever à la rentrée scolaire 2024 à 2 500 en deuxième année de licence, 2 500 en troisième année de licence, 1 628 en première année de master et 1 665 en deuxième année de master. Cela porte le nombre total d’AED en préprofessionnalisation à 7 568 personnes physiques sur l’année civile.

b.   La formation du M2 en alternance

Depuis la rentrée 2021, la deuxième année du master peut être réalisée en alternance, donnant lieu à un contrat de travail rémunéré à hauteur de 865 euros bruts par mois. Au cours de cette alternance, les étudiants sont placés en responsabilité devant les élèves, avec un temps de service correspondant à un tiers de l’obligation réglementaire de service annuelle. Cette rémunération est compatible avec l’attribution des bourses sur critères sociaux de l’enseignement supérieur dans les conditions de droit commun.

Comme l’indiquaient MM. Fait et Marion dans leur rapport précité, le dispositif de l’alternance en master MEEF n’a, à ce stade, pas encore rencontré le succès escompté. Plusieurs raisons peuvent expliquer le faible nombre de contrats conclus : le manque de tuteurs pour accompagner ces alternants, ne permettant pas d’ouvrir les postes souhaités ; la difficulté à trouver des « berceaux » d’alternance, qui soient suffisamment proches à la fois du lieu de vie et du lieu de formation (l’Inspé) ; la concurrence pour l’accès aux stages entre ces étudiants en alternance, les autres étudiants des Inspé (en stage d’observation ou de pratique accompagnée) ainsi que les fonctionnaires-stagiaires (présents dans les établissements à 50 % ou à 100 % selon leur parcours antérieur).

La Cour des comptes alerte, pour sa part, sur le manque de lisibilité que peut entraîner la multiplicité des parcours : « la réforme […] présente, en outre, certains risques d’aggravation de la perte d’attractivité de la fonction enseignante pour deux raisons notamment : la perte de lisibilité des voies qui conduisent au métier enseignant, le risque que se développe chez les étudiants l’image d’une formation initiale mal définie, contraignante et qui se conclut, après cinq années d’études, par un concours à la réussite incertaine » ([12]).

Le parcours préparatoire au professorat des écoles

Pour les étudiants qui se destinent à enseigner dans le premier degré, un parcours dit « parcours préparatoire au professorat des écoles » (PPPE) a été mis en place en 2021. Il s’adresse aux étudiants de première année de licence et permet, en s’appuyant sur des licences existantes (mathématiques, lettres, sciences de l’éducation), de prévoir une formation comportant :

 des enseignements de culture générale et pluridisciplinaires dispensés en lycée ;

 des enseignements de spécialisation et d’approfondissement adossés à la recherche dispensés à l’université en fonction de la licence suivie ;

 des stages d’observation et de pratique accompagnée dans un établissement du premier degré, dès la première année de licence.

Les étudiants bénéficient ainsi d’un enseignement spécifique leur permettant de se préparer à la poursuite d’études en master MEEF puis à la préparation du concours de recrutement des professeurs des écoles, tout en obtenant en parallèle une licence « classique ». 24 PPPE, couvrant 22 académies, ont été expérimentés depuis la rentrée 2021, pour des promotions de 30 à 40 étudiants par parcours et un total d’environ 700 étudiants. À la rentrée 2022, le nombre était de 48 PPPE, dans 29 académies, proposés au sein de 14 mentions de licence pour plus de 1 500 places disponibles. Ces parcours ont connu un fort succès, avec un taux de pression de 8,1 candidats pour une place. Dans un rapport de janvier 2023 portant sur la première année de fonctionnement des parcours préparatoires au professorat des écoles ([13]), l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) note plusieurs signaux positifs, notamment la hausse de l’attractivité du parcours en 2022 ou les taux d’abandon et de réorientation moindres comparés à une licence normale, mais souligne également des difficultés liées au niveau exigé ou au manque de viviers de stage.

B.   une double nécessité : élargir le vivier de candidats tout en renforçant la formation

1.   Organiser le concours de recrutement des enseignants en fin de troisième année de licence

La nécessité de recruter davantage d’enseignants, et de ne pas décourager ceux qui souhaitent s’engager dans cette voie – et le savent souvent très tôt – rend désormais indispensable de déplacer le concours en fin de licence, sans remettre en cause l’exigence d’obtenir un diplôme de master avant la titularisation. Cette exigence est, en effet, essentielle pour que le métier demeure hautement qualifié et bénéficie de la reconnaissance sociale qu’il mérite.

Ceci permettrait de consacrer pleinement les deux années de master à une formation professionnalisante de qualité, complète, où la pratique  notamment au travers des stages  aurait une place de choix. La charge de travail en seconde année de master serait allégée, dès lors que cette année ne serait plus phagocytée par la nécessité de préparer le concours, comme l’a relevé le réseau des Inspé, la direction générale de l’enseignement scolaire reconnaissant ellemême que les étudiants sont « aujourd’hui plongés dans un trop-plein l’année de M2 ». Ces deux années de formation seraient rémunérées, l’étudiant devant relever d’un statut à définir, entre l’élève professeur et le fonctionnaire stagiaire, et aboutiraient à l’obtention d’un diplôme de master. Ainsi, pour le syndicat national des enseignements de second degré de la Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU), entendu par le rapporteur, la rémunération des deux années de formation devrait permettre de « consolider le recrutement ». Pour M. Mark Sherringham, président du Conseil supérieur des programmes, également entendu par le rapporteur, ce recrutement à Bac+3 serait une mesure efficace pour renforcer l’attractivité de la profession. En outre, comme le notait la Direction générale de l’enseignement scolaire, ce schéma permettrait d’avoir « des professeurs titulaires au bout de cinq ans et non six ».

Ainsi, les lauréats du concours, assurés d’être titularisés s’ils obtiennent effectivement leur diplôme de master, seraient sécurisés à la fois sur le plan financier – par l’engagement dans une formation rémunérée – et sur le plan du recrutement à l’issue de cette formation. Un véritable sursaut d’attractivité devrait en résulter.

Le calendrier de la mise en œuvre de cette réforme doit être précisé : une application pour la session 2025 des concours entraînerait en effet des conséquences sur la formation des étudiants qui entreront en troisième année de licence dès la rentrée 2024.

2.   Repenser l’ensemble de la formation des enseignants dans un continuum de formation débutant dès le baccalauréat et faisant la part belle à la professionnalisation

Le déplacement du concours doit s’accompagner d’une réflexion globale sur l’ensemble de la formation des futurs enseignants.

Si un consensus net émerge sur une formation d’une durée de cinq années au total, les deux cycles – licence puis master – doivent cependant être repensés pour permettre la mise en œuvre d’un véritable continuum de formation, du baccalauréat jusqu’à la titularisation, qui garantisse la consolidation des acquis disciplinaires d’une part, pédagogiques et didactiques d’autre part.

De fait, la formation en licence devra être ajustée, pour intégrer la préparation au concours, sans que cela n’entame le contenu disciplinaire délivré. Si les épreuves seraient nécessairement à dominante plus disciplinaire que celles proposées aujourd’hui, il importera toutefois d’introduire une initiation à la didactique et une première ouverture sur le métier au cours des trois années de licence. Certes, le concours devra attester de la maîtrise disciplinaire de base, qui constitue le socle sur lequel la didactique peut s’appuyer, mais cela ne doit pas, pour autant, priver d’une première réflexion sur la manière dont ces connaissances pourront être transmises : l’équilibre entre l’exigence disciplinaire et l’initiation d’une réflexion sur la didactique et l’art de la pédagogie est à réinventer, dans un modèle de formation certes consécutif  où la formation disciplinaire est préalable, et non simultanée, à la formation professionnelle  mais qui doit rester poreux et non étanche.

Les deux années de master, devraient, au contraire, être centrées sur les pratiques professionnelles pour permettre aux étudiants de se familiariser avec les conditions réelles d’exercice, d’acquérir les gestes professionnels. Il s’agit, comme l’indiquaient Mme Cécile Rilhac et M. Rodrigo Arenas, rapporteurs d’une mission flash sur le recrutement, l’affectation et la mobilité des enseignants du premier degré ([14]) en 2021, « d’une part, d’apprendre concrètement un métier qui requiert des compétences et des gestes professionnels précis, et, d’autre part, de "tester" très tôt l’enseignement au contact des élèves, pour permettre une entrée plus sereine dans le métier et éviter les désillusions tardives ». De fait, comme l’indiquait le syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) lors de son audition, et comme l’estime également le rapporteur, « la construction de la pédagogie doit se faire au long cours pour permettre d’acquérir une boîte à outils large ».

Si les stages devraient tenir une place importante dans cette formation en master, la place des Inspé, et de l’Université de manière générale, doit également être confortée, pour permettre aux étudiants de bénéficier des apports de la recherche, notamment en matière de sciences cognitives, ainsi que d’enseignements complémentaires de nature à renforcer leur analyse réflexive, leur capacité à être véritablement concepteurs – et non simplement transmetteurs – de leurs cours, et ainsi en mesure d’exercer pleinement leur liberté pédagogique.

 


   commentaire des articles

Article 1er
Modification des conditions de diplôme pour présenter les concours de l’enseignement du second degré

Rejeté par la commission

L’article 1er de la présente proposition de loi abaisse au niveau de la licence – et non plus du master – le diplôme exigé pour pouvoir se présenter aux concours de l’enseignement du second degré.

  1.   le droit existant

À l’exception des mesures d’incapacité d’exercer pour les enseignants ayant, notamment, été condamnés pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs fixées à l’article L. 911-5 du code de l’éducation, les conditions pour se présenter aux différents concours de l’enseignement secondaire sont fixées par décret.

  1.   Une exigence généralisée de master pour l’accès au concours de l’enseignement du second degré

L’ensemble des décrets relatifs aux concours de l’enseignement secondaire, modifiés après la réforme de 2019, fixent l’obligation d’être inscrit en deuxième année de master ou celle de détenir un diplôme de master ou un titre reconnu équivalent pour être admis à concourir. Pour les étudiants qui ne seraient qu’inscrits en deuxième année de master au moment des épreuves, l’obtention effective du concours est conditionnée à la validation du master.

Ainsi, le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés, impose, en son article 8, la possession d’un diplôme de master 2 :

« I. - Peuvent se présenter au concours externe :

« 1° Abrogé ;

« 2° Abrogé ;

« 3° Les candidats justifiant, à la date de publication des résultats d’admissibilité, d’une inscription en dernière année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation ;

« 4° Les candidats justifiant, à la date de publication des résultats d’admissibilité, de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation.

« II. - Pour être nommés dans le corps des professeurs certifiés, les candidats ayant subi avec succès les épreuves du concours externe prévu au I doivent justifier de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation.

« Les candidats reçus au concours et qui ne remplissent pas la condition de titre ou de diplôme mentionnée à l’alinéa précédent lors de la rentrée suivant leur réussite au concours gardent le bénéfice de celui-ci jusqu’à la rentrée scolaire suivante. S’ils remplissent alors la condition de titre ou diplôme, ils peuvent être nommés en qualité de fonctionnaires stagiaires. Dans le cas contraire, ils perdent le bénéfice du concours et ne peuvent être nommés. »

Le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel ([15]) fixe les mêmes conditions.

Le décret n° 80-627 du 4 août 1980 relatif au statut particulier des professeurs d’éducation physique et sportive ([16]) prévoit en son article 5-3, de manière plus précise, que sont autorisés à se présenter au concours externe les candidats inscrits en deuxième année de master ou détenteurs d’un diplôme de master, qui ont préalablement suivi et validé une licence en sciences et techniques des activités physiques et sportives ou un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation :

« I.- Peuvent se présenter au concours externe :

« 1° Abrogé ;

« 2° Abrogé ;

« 3° Les candidats justifiant de la détention de la licence en sciences et techniques des activités physiques et sportives ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation, et d’une inscription en dernière année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation ;

« 4° Les candidats justifiant de la détention de la licence en sciences et techniques des activités physiques et sportives ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation, et d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation. »

Enfin, le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l’enseignement du second degré ([17]) est plus précis, dès lors qu’il ne retient pas la possibilité pour les étudiants inscrits en deuxième année de master de se présenter au concours, mais fixe, en son article 5-3, l’obligation stricte de détenir le diplôme au moment des épreuves : « peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation ».

  1.   Des dérogations pour certains concours ou certains territoires

Le droit en vigueur prévoit des exceptions à l’obligation d’être inscrit en master 2 ou de détenir un diplôme de master 2 pour être admis à se présenter aux concours de l’enseignement secondaire, pour certains concours ou certains territoires.

Ainsi, le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel autorise à se présenter aux épreuves de spécialités professionnelles les candidats justifiant de cinq années de pratique professionnelle ou d’enseignement de cette pratique et possédant un brevet de technicien supérieur, ou un diplôme universitaire de technologie, ou un titre ou un diplôme de niveau égal ou supérieur, ou ayant bénéficié d’une action de formation continue conduisant à une qualification professionnelle de niveau 5 au sens de l’article L. 335-6 du code de l’éducation. Pour les spécialités pour lesquelles il n’existe pas de diplôme supérieur au niveau 4, les candidats justifiant de sept années d’une pratique professionnelle ou d’enseignement d’une telle pratique sont admis à concourir. Sont également autorisés à se présenter aux épreuves générales les candidats ayant ou ayant eu la qualité de cadre au sens de la convention collective du travail dont ils relèvent ou relevaient et justifiant de cinq années d’activité professionnelle effectuées en leur qualité de cadre.

Par ailleurs, pour faire face aux difficultés particulières de recrutement que connait l’académie de Mayotte, un dispositif dérogatoire permettant un recrutement à l’issue de la troisième année de licence est prévu depuis 2021. Ainsi, le décret n° 2021-110 du 3 février 2021 fixant des modalités temporaires de recrutement des professeurs certifiés affectés à Mayotte ([18]) dispose en son article 4 que, par dérogation, « peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant, au plus tard à la date de publication des résultats d’admissibilité :

« 1° Soit de la détention d’une licence ou d’un autre titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation nationale ;

« 2° Soit de 120 crédits du système européen d’unités d’enseignement capitalisables et transférables au titre d’une licence ou d’un autre titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation nationale et justifiant d’une inscription en licence ou en vue de l’obtention d’un autre titre ou diplôme reconnu équivalent par ce ministre. »

L’article 5 de ce même décret précise que les lauréats du concours ne peuvent être nommés professeurs certifiés stagiaires que s’ils sont inscrits en première année de master pour l’année suivante : « les lauréats du concours externe sont nommés professeurs certifiés stagiaires :

« 1° S’ils détiennent un master ou un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation nationale ;

« 2° Ou s’ils justifient d’une inscription en première année d’études en vue de l’obtention d’un master ou d’un autre titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation nationale. »

La durée de formation est ajustée pour tenir compte de ce concours anticipé : l’article 7 du décret dispose ainsi que « les professeurs certifiés stagiaires nommés par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale à la suite de leur réussite aux concours […] accomplissent un stage d’une durée de deux ans dans l’académie de Mayotte, qui ne peut être prolongé que d’une année par décision du recteur d’académie. Au cours de leur stage, ils bénéficient d’une formation organisée, selon les orientations définies par l’État, par un établissement d’enseignement supérieur, visant à l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice du métier. La formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement scolaire et des périodes de formation au sein de l’établissement d’enseignement supérieur. »

Si l’accès à la nomination comme fonctionnaire-stagiaire est conditionné, pour les candidats qui ne sont pas déjà détenteurs d’un master, à l’inscription en première année de master, l’accès à la seconde année de stage est, lui, conditionné au passage en seconde année de master, comme en dispose l’article 7 : « L’accès à la seconde année de stage des professeurs certifiés stagiaires nommés à la suite de leur réussite au concours externe et qui ne détiennent pas un master ou un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation nationale est subordonné à leur inscription en deuxième année d’étude en vue de l’obtention d’un diplôme mentionné au I de l’article 5. Ceux d’entre eux qui n’ont pas satisfait à cette dernière condition peuvent être autorisés par le recteur de l’académie à bénéficier, pour y parvenir, d’une année de stage supplémentaire dans les conditions mentionnées au premier alinéa. »

Le décret n° 2023-928 du 7 octobre 2023 prorogeant les modalités de recrutement dérogatoires des professeurs certifiés et des professeurs des écoles à Mayotte ([19]) proroge ces dispositions jusqu’à la session 2026 du concours.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er de la proposition de loi prévoit de fixer, au niveau législatif, l’exigence de détention d’un diplôme de licence ou d’une inscription en troisième année de licence pour présenter les différents concours de l’enseignement secondaire. Ceci conférera à cette condition une valeur législative, dont il devrait résulter une plus grande stabilité à l’avenir : toute nouvelle velléité de modification du concours devrait ainsi être débattue au Parlement.

À ce titre, il crée un article L. 625-3, au sein du chapitre V « Formation des personnels enseignants » du titre II « Les formations universitaires générales et la formation des maîtres » du livre VI « L’organisation des enseignements supérieurs et de la recherche » de la troisième partie « Les enseignements supérieurs et la recherche » de la partie législative du code de l’éducation.

Cet article dispose que peuvent se présenter aux concours de l’enseignement secondaire – qu’il liste de manière exhaustive : certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive, certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique, certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel, agrégation – les candidats qui justifient, à la date de publication des résultats d’admissibilité, d’une inscription en troisième année d’études en vue de l’obtention d’une licence, ou qui sont déjà détenteurs d’une licence ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation, dans la discipline dans laquelle ils se présentent. Ce dernier point constitue un élément important pour la crédibilité du parcours de formation.

Plusieurs acteurs, notamment le réseau des Inspé, se sont montrés favorables à ce que l’ensemble des concours du second degré fassent l’objet d’une procédure de recrutement identique : cet article le permet.

La mise en œuvre de cette mesure devrait, pendant la période transitoire de son entrée en vigueur, créer un « choc d’attractivité », dès lors que trois promotions pourront se présenter aux deux concours qui subsisteraient simultanément pendant deux ou trois années : les étudiants en L3 et en M1 au concours de fin de licence, et les étudiants en M2 au concours de fin de master. Le nombre de places ouvertes à ces deux concours devra néanmoins faire l’objet d’un calibrage fin.

L’article renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d’application de cette disposition, en particulier s’agissant de la nature, du calendrier et du contenu des épreuves du concours dans sa forme rénovée.

  1.   La position du rapporteur

Tenant compte des éléments entendus en audition et lors des échanges avec des députés d’autres groupes parlementaires, le rapporteur a souhaité présenter plusieurs amendements précisant ou clarifiant le texte :

– le premier supprime la mention de la liste exhaustive des concours concernés par les dispositions de l’article 1er, qui n’apparait pas nécessaire et risquerait d’entrainer de la rigidité. La disposition s’impose, par défaut, à l’ensemble des concours de recrutement des enseignants du second degré ;

– le deuxième précise que les concours concernés par les dispositions de la présente proposition de loi sont les seuls concours externes, les conditions à remplir pour se présenter aux concours internes ou aux troisièmes concours n’étant pas modifiées ;

– le troisième précise que les candidats détenteurs d’un master pourront se présenter aux concours de recrutement des enseignants du second degré, y compris dans une discipline autre que celle qu’ils ont étudiée en licence, comme c’est le cas actuellement. Aussi, la proposition de loi permettrait simplement d’ouvrir une voie de recrutement supplémentaire, plus rapide, pour les candidats disposant d’une expertise disciplinaire attestée par leur licence, sans entrainer de critères plus stricts qu’aujourd’hui pour les autres ;

– le quatrième précise que la titularisation effective des lauréats des différents concours ne peut intervenir que si ceux-ci valident leurs deux années de formation initiale et obtiennent ainsi le diplôme de master. Cette « masterisation » doit garantir le haut niveau de qualification nécessaire à ces métiers, et fait consensus parmi les personnes auditionnées ;

– le cinquième précise que l’évolution du niveau de diplôme désormais exigé sera effective à compter de la session 2025 des différents concours de recrutement des enseignants du second degré. Il s’agit de faire en sorte que le choc d’attractivité ait lieu le plus tôt possible.

  1.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article.

*

Article 2
Accroissement de la dimension professionnalisante de la formation des enseignants

Rejeté par la commission

L’article 2 de la présente proposition de loi affirme le caractère prioritaire de la professionnalisation et de l’apprentissage de la pédagogie au cours de la formation de deux ans dispensée aux lauréats des concours de l’enseignement du second degré.

  1.   le droit existant

Les dispositions législatives relatives à la formation initiale des enseignants du second degré sont succinctes.

Elles figurent, d’abord, à l’article L. 625-1 du code de l’éducation, qui dispose, notamment, que « la formation organisée par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation inclut des enseignements théoriques, des enseignements liés à la pratique de ces métiers et un ou plusieurs stages ».

Elles figurent également à l’article L. 721-2 du même code, qui institue au niveau législatif les instituts supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé). Cet article précise que les actions de formation initiale « comportent des enseignements communs permettant l’acquisition d’une culture professionnelle partagée et des enseignements spécifiques en fonction des métiers, des disciplines et des niveaux d’enseignement » et que les Inspé « fournissent des enseignements disciplinaires et didactiques mais aussi en pédagogie et en sciences de l’éducation ».

Ce même article liste enfin un grand nombre d’éléments de formation que les Inspé ont la charge d’organiser :

– formations de sensibilisation à l’enseignement pluridisciplinaire des faits religieux, à la prévention de la radicalisation, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la lutte contre les discriminations, à la manipulation de l’information, à la lutte contre la diffusion de contenus haineux, au respect et à la protection de l’environnement et à la transition écologique, à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers, dont les élèves en situation de handicap ou atteints de pathologies chroniques et les élèves à haut potentiel, ainsi que des formations à la prévention et à la résolution non violente des conflits ;

– préparation des enseignants aux enjeux de l’entrée dans les apprentissages et à la prise en compte de la difficulté scolaire dans le contenu des enseignements et la démarche d’apprentissage ;

– formation des futurs enseignants et personnels de l’éducation au principe de laïcité et aux modalités de son application dans les écoles, collèges et lycées publics, ainsi que pendant toute activité liée à l’enseignement.

Les dispositions relatives à la formation professionnelle au sens strict, consécutive à l’obtention du concours, sont notamment fixées par l’arrêté du 4 février 2022 modifiant l’arrêté du 18 juin 2014 fixant les modalités de formation initiale de certains personnels enseignants et d’éducation de l’enseignement public stagiaires, qui prévoit que « le parcours de formation adapté tient compte […] du parcours académique et professionnel antérieur et des besoins du stagiaire identifiés grâce à un diagnostic partagé qui peut s’appuyer sur des tests de positionnement ». Comme pour le droit commun de la fonction publique, cette formation professionnelle se limite à une durée d’un an, sous le statut de fonctionnaire stagiaire. En pratique, depuis la session 2022, les lauréats titulaires du master MEEF ou qui possèdent une expérience significative d’enseignement exercent à temps plein devant les élèves sous le statut de fonctionnaires stagiaires et bénéficient d’un crédit de dix à vingt jours de formation. Les lauréats qui n’ont pas suivi le master MEEF avant d’obtenir le concours – environ un tiers – exercent à mi-temps devant les élèves et sont, pour le reste de leur temps de service, en formation au sein d’un établissement d’enseignement supérieur.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 complète l’article L. 721-2 du code de l’éducation pour prévoir une durée de deux ans de formation initiale pour les enseignants du second degré, consécutive à l’obtention du concours. Elle précise que cette formation doit donner la priorité à l’apprentissage de la pédagogie et garantir une professionnalisation progressive des nouveaux enseignants grâce à la mise en place de stages dans les établissements scolaires. La durée de ces stages serait croissante au fil du cursus de formation.

Comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition de loi, « il s’agit de revoir en profondeur le cursus dans les Inspé en portant la formation à deux ans, en la recentrant plus fortement sur l’art de la pédagogie et en l’orientant sur une professionnalisation progressive des apprentis enseignants ». De fait, ainsi que l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur, « enseigner est un métier qui s’apprend », et renforcer la dimension pédagogique et didactique de la formation est indispensable.

Au cours de ces deux années de formation rémunérée, les étudiants devraient être amenés à effectuer des stages, voire une alternance, en lien avec les établissements d’exercice professionnel, afin, comme le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse l’indique lui-même, de « renforcer les conditions de formation avant la mise en responsabilité complète ». Si la durée de ces stages doit être progressive – par exemple 25 % du temps la première année et 50 % du temps la seconde année – c’est également la nature des missions qui doit l’être, pour aller de l’observation vers la pratique accompagnée.

Il importe, parallèlement, de conserver à l’université sa place centrale dans la formation, pour ancrer celle-ci dans la recherche et permettre à l’enseignant d’avoir une véritable démarche réflexive, de demeurer en mesure de concevoir ses cours en fonction de ses élèves, et d’exercer sa liberté pédagogique. Ceci permettrait, notamment, de faire de la place aux apports de la recherche, particulièrement en matière de neurosciences, parfois négligés au cours de la formation. C’est pourquoi le rôle des Inspé dans cette formation est conforté.

  1.   La position du rapporteur

À l’issue des auditions, et en particulier de celle du président du Conseil supérieur des programmes, le rapporteur souhaite préciser que la formation initiale de deux ans devra, tout en donnant la priorité à l’apprentissage de la pédagogie, permettre aux élèves professeurs qui en auraient besoin d’avoir accès à des compléments d’enseignements disciplinaires, liés notamment au contenu des programmes de collège et de lycée, qui peuvent différer des éléments étudiés au cours de la licence.

Un amendement est déposé en ce sens, tout comme un amendement explicitant que les modalités d’application de cette disposition devront être précisées par décret.

  1.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article.

*

Article 3
Gage financier

Rejeté par la commission

L’article 3 de la présente proposition de loi prévoit la compensation des charges financières résultats pour l’État de son application.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 prévoit que les charges résultant, pour l’État, de l’application de la proposition de loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières mentionnée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.

  1.   La position de la commission

La commission a rejeté cet article.


–– 1 ––

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa deuxième réunion du mercredi 29 novembre 2023 ([20]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi portant plan d’urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré (n° 1799) (M. Alexandre Portier, rapporteur).

M. Alexandre Portier, rapporteur. Nos enseignants sont la clé de voûte de notre système scolaire. Malheureusement, notre modèle de recrutement et de formation initiale rencontre des difficultés désormais structurelles.

D’abord, une pénurie de candidats aux concours de l’enseignement : 4 000 postes restaient vacants à l’issue des concours 2022, 3 100 en 2023. Ensuite, une baisse progressive, en conséquence, du niveau des enseignants : les barres d’admissibilité sont tombées à 4,5 sur 20 pour le concours de recrutement des professeurs des écoles (CRPE) et à 5,5 pour le Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) de mathématiques. En conséquence également, se développe le recours aux contractuels, moins bien formés ; ils représentent désormais 9 % des effectifs d’enseignants.

C’est une spirale noire à laquelle nous devons, ensemble, mettre un terme, car elle contribue à dégrader notre niveau pédagogique national. Toutes les études montrent le caractère central de la qualité du corps professoral dans un système scolaire ; c’est ce que l’on appelle l’effet maître. C’est à résoudre ce problème que la proposition de loi entend s’atteler.

Elle ne prétend pas être exhaustive. J’ai dit plusieurs fois clairement qu’il faudrait des revalorisations salariales massives pour nos enseignants ; mais cela relève du projet de loi de finances, non d’une proposition de loi. En effet, il y faudrait plusieurs milliards d’euros, à intégrer dans le budget général de l’Éducation nationale et non dans une « niche » parlementaire.

De même, j’aurais aimé pouvoir évoquer les conditions de travail ou la formation continue, qui me tiennent à cœur ; mais, ne pouvant tout aborder dans le cadre d’une proposition de loi devant être examinée pendant une journée d’ordre du jour réservé à un groupe politique, j’ai choisi de prendre à bras-le-corps la question des concours et de la formation initiale, déjà un immense chantier. Si nous pouvions au moins tomber d’accord sur ce point, ce serait une grande avancée collective.

La version initiale de la proposition de loi était plus large : elle traitait aussi du premier degré et du dumping entre titulaires et contractuels, qui contribue lui aussi à la dégradation du système. « Niche » parlementaire oblige, j’ai ramené son champ au second degré, à propos duquel, après des mois de discussions partout en France, j’ai vu se dessiner un vrai consensus. Évidemment, je suis tout à fait favorable à un alignement des règles du premier degré sur celles du second, et je suis prêt à voter les amendements proposés par Mme Rilhac en ce sens.

Le texte vise deux objectifs : accroître le vivier de candidats et améliorer leur formation. Ce n’est pas l’un ou l’autre, ou l’un au détriment de l’autre, mais bien l’un et l’autre, voire l’autre grâce à l’un.

L’article 1er autorise le passage des concours du second degré dès le niveau bac + 3 aux candidats ayant suivi des études dans la discipline du concours visé. Il a pour but de permettre un choc de candidatures à court terme, et non dans dix ou quinze ans. Il assure l’égalité de traitement entre les différentes filières, en particulier générale et professionnelle.

L’article 2 porte à deux ans la durée de la formation comme fonctionnaire stagiaire après l’obtention du concours, pour qu’une plus grande partie du temps de formation des futurs enseignants soit rémunérée. C’est essentiel pour sécuriser les parcours et garantir l’attractivité de la filière. Il faut aussi cesser de confondre l’élève professeur avec un « moyen d’enseignement », pour reprendre le jargon technique du ministère. L’élève professeur, qui est d’abord un apprenti, doit disposer des meilleures conditions pour apprendre le métier.

L’augmentation du temps de formation en Inspé (institut national supérieur du professorat et de l’éducation) doit permettre de renforcer ses acquis pédagogiques et didactiques. Ce n’est pas un petit sujet : 87 % des nouveaux enseignants sont satisfaits de leur formation disciplinaire, mais 33 % se disent insatisfaits de ce qui touche à l’art pédagogique, notamment à la gestion de classe. C’est donc sur cet aspect que nous devons concentrer nos efforts. Dans la formule de formation renforcée que je propose, les nouveaux enseignants seront mieux outillés pour apprendre aux élèves à apprendre, par exemple en faisant plus de place à l’apport des neurosciences ou des sciences cognitives.

Nous pourrons aussi garantir la formation à l’école inclusive dans le second degré. Avec Servane Hugues, j’ai présenté il y a quelques jours, dans le cadre de la délégation aux droits des enfants, un rapport d’information sur l’instruction des enfants en situation de handicap. Si, dans le premier degré, nous avons fait des progrès, grâce aux 25 heures intégrées à la formation initiale, dans le second, la formation des enseignants en la matière n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous avons de vraies difficultés à emmener ces enfants jusqu’au lycée et, a fortiori, jusqu’à l’enseignement supérieur. Cet aspect doit faire partie de la formation initiale.

Enseigner est un métier qui s’apprend. Dans le dispositif proposé, les élèves professeurs bénéficieront d’une immersion progressive en établissement au fil des deux ans – c’est tout l’intérêt de la prolongation de cette période – et de stages au volume horaire croissant et non plus en bloc, afin de pouvoir aller et venir entre l’expérience au sein de l’établissement et le travail avec les formateurs en Inspé.

La proposition de loi tend donc non à supprimer la masterisation, mais à optimiser l’organisation du continuum de formation de cinq ans après le bac. C’est la formule très majoritairement adoptée en Europe ; je ne souhaite pas revenir sur ce choix, mais il faut la moduler plus intelligemment. Mon amendement AC32 vise à préciser que le master restera bien le niveau d’intégration de nos enseignants dans le métier.

Tous les acteurs le constatent : la masterisation a fait considérablement chuter le nombre de candidats aux concours et accru les phénomènes d’évaporation d’étudiants qui ne parviennent pas à aller au terme du master pour passer leur concours ; l’année de master 2 est trop chargée pour les futurs enseignants, qui doivent en même temps faire un master, des stages, rédiger un mémoire et passer le concours.

Voilà pourquoi cette proposition de loi peut faire l’objet d’un large consensus. Les auditions et mes échanges avec de nombreux collègues ont montré que des précisions et des propositions étaient attendues ; je les ai intégrées dans mes amendements. Les acteurs interrogés – le Conseil supérieur des programmes, le réseau des Inspé, France Universités – se sont montrés très favorables à ce que je propose. Une partie des syndicats semble ouverte à une évolution qui sécurise le parcours de formation et fait un pas vers le prérecrutement. Les différentes directions ministérielles rencontrées – la Dgesco (direction générale de l’enseignement scolaire), la DGRH (direction générale des ressources humaines), la Dgesip (direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle) – ont confirmé que cette proposition était la piste privilégiée par le ministère de l’Éducation nationale ; elle a été évoquée par Pap Ndiaye avant son départ et à nouveau, récemment, par Gabriel Attal.

Il y a un temps pour les discours et un temps pour les actes. C’est aux actes qu’il s’agit de passer par cette proposition de loi.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Cécile Rilhac (RE). Merci de nous permettre de débattre à nouveau de l’amélioration des conditions de recrutement et de formation de nos enseignants. Il s’agit d’un facteur déterminant pour renforcer l’attractivité du métier, mais surtout pour que nos élèves bénéficient d’enseignements de qualité.

Personne ne mésestime le problème auquel vous cherchez à apporter des solutions. Toutefois, le groupe Renaissance émet certaines réserves.

Tout d’abord, pourquoi la proposition de loi ne parle-t-elle plus que des enseignants du second degré ? Les cursus et parcours de formation doivent être identiques pour tous les enseignants ; seuls les contenus disciplinaires liés aux savoirs académiques nécessaires à chaque niveau scolaire doivent être particuliers.

De plus, depuis plusieurs mois, le ministère de l’Éducation nationale a engagé des concertations avec les organisations syndicales à propos de la formation, des conditions de travail et des évolutions de carrière des enseignants. Le ministère de l’Enseignement supérieur est également très actif dans ce domaine et travaille avec celui de l’Éducation nationale pour mener une réforme pérenne. Il semble indispensable de préserver la phase de concertation et de discussion avec tous les acteurs concernés si l’on veut proposer aux futurs enseignants une formation attrayante, solide et complète.

L’objectif de l’article 1er, permettre de s’inscrire aux concours du secondaire dès le niveau bac + 3, est partagé par tous, mais votre rédaction interdit aux étudiants de se présenter à plusieurs concours, ce qui réduirait le vivier des candidats.

Quant à l’article 2, il crée un flou en ce qui concerne les deux années après la licence. Quel sera le statut des étudiants après la réussite au concours ? Ces deux ans aboutiront-ils, comme aujourd’hui, à l’obtention d’un master ?

Ces interrogations, ces approximations et la volonté de différencier le recrutement des professeurs des écoles et celui des enseignants du secondaire conduiront mon groupe à voter contre la proposition de loi. Nous restons néanmoins ouverts à la discussion ; je défendrai plusieurs amendements pour que notre commission puisse débattre de ce sujet capital pour notre école.

M. Roger Chudeau (RN). J’avais déposé un amendement de suppression, mais je me suis ravisé : il faut que le débat ait lieu, et le texte qui nous est soumis permet d’aborder le sujet que la mission d’information sur la formation des enseignants du second degré va étudier dans les six prochains mois. De ce point de vue, il arrive au bon moment.

Nous avons tous constaté l’effondrement du nombre de candidatures aux concours de recrutement et la baisse du niveau de ces concours – cette année, en mathématiques, on a pris des candidats ayant obtenu moins de 5 sur 20.

La logique de la proposition de loi est d’avancer le moment du concours vers le milieu des années universitaires afin d’augmenter le nombre de candidats. Nous estimons nous aussi que la perspective d’être fonctionnaire stagiaire durant les deux ou trois années qui conduisent au M2 est de nature à susciter des vocations. Cependant, un recrutement situé en fin de deuxième année n’aurait pas le niveau voulu, ni pour le certificat d’aptitude ni – encore moins – pour l’agrégation.

Pour nous, il faut rétablir les Ipes (Instituts de préparation à l’enseignement du second degré), avec un concours de recrutement spécifique à bac + 1. Une mesure de cette nature créerait un appel d’air très vertueux pour le renouvellement du corps enseignant. Elle aurait certes un coût budgétaire non négligeable – raison pour laquelle mon amendement en ce sens a été déclaré irrecevable –, mais qui resterait très inférieur au coût économique global de l’effondrement du recrutement des professeurs.

S’agissant de l’article 2, sur la formation professionnelle initiale, nous avons une position tranchée : les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres), les Espe (écoles supérieures du professorat et de l’éducation) et les Inspé ont montré leur incapacité à préparer correctement nos futurs professeurs à l’exercice de leur métier et de leurs fonctions. Dans le domaine des valeurs, concernant la défense de la laïcité, le fait que 50 % de nos jeunes collègues considèrent qu’il faut procéder à des aménagements raisonnables vis-à-vis du communautarisme témoigne de la faillite de l’université dans la transmission de l’essence même du modèle républicain français.

Nous amenderons la proposition de loi en ce sens.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). La proposition de loi a le mérite d’aborder un enjeu majeur : la crise chronique de recrutement qui frappe l’Éducation nationale.

Elle s’explique avant tout par la politique d’appauvrissement des professeurs méthodiquement conduite depuis 2010, mais tient également aux conditions de leur recrutement. Nous souhaitons une procédure de prérecrutement permettant d’enrichir le vivier de candidats aux concours enseignants et de le diversifier socialement, la masterisation des concours ayant réduit la part de candidats issus des catégories les plus populaires.

Si elle pose une question à laquelle il nous paraît indispensable et urgent de répondre, la proposition de loi comporte cependant de nombreuses imprécisions ; nous doutons de son caractère opératoire et elle nous semble pouvoir être contre-productive.

En particulier, le rapporteur précise par amendement les conditions de diplôme nécessaires à la titularisation dans un corps de l’enseignement, mais, si cet amendement n’est pas adopté, le texte abaissera le niveau de qualification des futurs professeurs. Cela contreviendrait à l’objectif de relever celui des élèves et pourrait avoir des conséquences négatives pour la carrière des personnels de l’Éducation nationale.

Pour nous, les enseignants sont des experts de la transmission des savoirs, dotés par un parcours universitaire de niveau master d’une solide culture scientifique et pédagogique dont l’acquisition est sanctionnée par la réussite à un concours. L’enjeu est de permettre au plus grand nombre des étudiants le souhaitant de s’y préparer et d’y réussir. Nous proposons donc une procédure de prérecrutement, ouverte dès le niveau bac ou licence et qui offre cinq ou deux années sous statut de fonctionnaire stagiaire, incluant une rémunération, ce que n’indique pas exactement la rédaction actuelle de la proposition de loi.

Là se trouve le fond de notre désaccord : le texte s’attaque à la dimension quantitative de la crise, mais n’apporte pas suffisamment de garanties concernant la qualité. Il faut accroître le vivier tout en assurant le meilleur niveau de qualification des futurs professeurs. La rédaction actuelle de la proposition de loi ne le permet pas.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). L’éducation est au cœur de notre société et de la République. En permettant l’acquisition des savoirs et des valeurs, elle joue un rôle central dans la cohésion et l’ascension sociales. Or on constate, au niveau local et national, un manque criant d’attractivité du métier d’enseignant et une crise des vocations. Le niveau des enseignants nouvellement recrutés baisse et les critères d’admissibilité s’effondrent.

La réponse du Gouvernement, c’est le pacte enseignant, solution miracle, remède universel. Le soutien scolaire ? C’est le pacte. Le dispositif Devoirs faits ? Le pacte encore. Les remplacements ? Le pacte toujours. La crise des vocations ? Le pacte, vous dis-je ! Plus, bien sûr, le recours aux contractuels.

Notre collègue Alexandre Portier a raison de réclamer et de proposer un plan d’urgence pour le recrutement et la formation des enseignants. Je ne comprends pas que certains collègues s’opposent à un texte qui vise à ce que nous disposions de davantage d’enseignants mieux formés. L’ancien ministre partageait le diagnostic ; l’actuel semble lui aussi vouloir avancer dans ce domaine. Pourquoi refuser une démarche constructive s’agissant d’un enjeu majeur pour notre jeunesse ?

Le texte ne propose pas du tout une formation au rabais ; c’est même l’inverse : il s’agit de conserver les mêmes concours, mais d’avoir plus de candidats et de formation à l’issue du concours, grâce à une professionnalisation progressive sur deux ans.

Deux questions pour rassurer ceux qui s’inquiètent : monsieur le rapporteur, pouvez-vous préciser le futur statut des lauréats du concours pendant leur formation de deux ans dans les Inspé ? Et pouvez-vous confirmer que le titre de master sera obtenu à l’issue de la formation ?

Mme Estelle Folest (Dem). À intervalles réguliers, notre assemblée légifère sur l’avenir de l’école. Ainsi la formation des professeurs a-t-elle été réformée cinq fois au moins depuis 2005, sans que l’on mesure les effets de ces changements ou que l’on en tire un bilan consolidé. Ce sera sans doute l’un des objets de la mission d’information que conduiront nos collègues Rilhac et Chudeau ; nous nous en réjouissons.

Le manque criant d’attractivité du métier d’enseignant, d’une part, la baisse du niveau de recrutement, d’autre part, motivent la présente proposition de loi. Nous ne pouvons que partager ce constat dramatique. Nous approuvons l’orientation générale du texte : le rétablissement du concours au niveau de la licence, pour accroître le vivier de recrutement. Cela permettra en outre d’attirer davantage d’étudiants issus des milieux modestes, qui ne peuvent pas financer cinq ans d’études. Nous approuvons également la volonté de redresser le niveau de recrutement, qui baisse drastiquement depuis des années.

Mais nous craignons que l’accent mis sur la professionnalisation et la pédagogie, certes indispensables à la formation, ne permette pas de relever le niveau disciplinaire des candidats. Qu’en sera-t-il du contenu de la formation et du concours ? Comment enrichir le vivier tout en élevant le niveau des futurs professeurs après trente ans de nivellement par le bas et d’affaissement terrible du niveau général ?

Plus largement, quel rôle donnons-nous à l’école et qu’attendons-nous de ses professeurs ? Sommes-nous d’accord pour considérer que leur mission centrale est d’instruire, c’est-à-dire de transmettre les savoirs fondamentaux ? Cet objectif de bon sens ne va plus de soi. On a donné tant de missions à l’école qu’on en a dilué le sens. Or l’instruction n’est pas une violence, mais la clé de la liberté.

Si ces questions ne sont pas débattues et clarifiées, nous risquons de faire une réforme de plus pour rien. Voilà pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de loi, bien que nous en partagions les grandes orientations.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous sommes ravis que nos collègues du groupe Les Républicains aient pris la mesure de la perte d’attractivité du métier d’enseignant, qui entraîne l’amoindrissement, d’année en année, du nombre de candidats aux concours. Le groupe Socialistes et apparentés sonne l’alarme à ce sujet depuis bien longtemps.

Depuis 2017, le nombre de candidats au Capes externe est en chute libre. Il y en avait 37 000 cette année-là, contre 19 000 en 2022. Le problème est réel et il faut agir. Cependant, la proposition de loi ne va pas dans le bon sens.

Elle permettrait à des élèves seulement inscrits en L3, qui n’ont donc validé que deux années de licence, de se présenter au concours, la troisième année de licence devenant une année de préparation aux concours et non d’apprentissage disciplinaire. Suivraient deux années de formation pédagogique, la durée des stages augmentant au fil du cursus.

Dans le second degré, l’attachement des enseignants à la transmission des savoirs disciplinaires est déterminant. Permettre de passer le concours à des étudiants inscrits en troisième année de licence, c’est renoncer à leur enseigner de nombreux savoirs disciplinaires. Autrement dit, le niveau disciplinaire de nos futurs enseignants du secondaire serait revu à la baisse.

Par ailleurs, les concours de l’enseignement seraient non plus à bac + 5 mais à bac + 3. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir sur la grille salariale des enseignants au cours des prochaines années ?

Enfin, nous sommes favorables au passage à deux ans de la durée de formation initiale des enseignants et au fait de mettre l’accent sur les méthodes pédagogiques. Les stages d’observation sont primordiaux pour apprendre le métier. Les stagiaires ne doivent pas devenir une main-d’œuvre bon marché.

Une programmation pluriannuelle du recrutement, sur le modèle de la prévision de 60 000 postes pendant le mandat de François Hollande, redonnerait de l’attrait à la profession et la valoriserait. Les candidatures n’ont jamais été aussi nombreuses que lorsque ces 60 000 postes ont été annoncés. Nous regrettons que la proposition de loi ne s’accompagne pas d’un plan de recrutement massif inscrit dans une loi pluriannuelle.

Nous voterons contre.

Mme Agnès Carel (HOR). Le métier de professeur, si essentiel à notre nation et à son avenir, traverse une crise globale, qui concerne surtout l’attractivité : le nombre de candidats et de recrutements est en très nette baisse depuis quelques années.

Il faut agir sur les différentes causes que nous connaissons. D’abord, améliorer les rémunérations ; c’est ce que le Gouvernement a fait en procédant depuis l’an dernier à une revalorisation sans précédent et en lançant le pacte enseignant, qui doit être mieux expliqué.

Il faut également adapter la formation initiale et continue. La proposition de loi a le mérite de soulever ce problème, mais relève sur ce point du pouvoir réglementaire, d’où une certaine insécurité juridique.

De plus, le texte ne vise que les enseignants du second degré.

Par ailleurs, il conduit à revenir sur la possibilité pour un candidat de se présenter à plusieurs concours. Est-ce un bon calcul ?

Surtout, dès sa prise de fonctions, le ministre de l’Éducation nationale a fait de l’attractivité du métier et de la formation un chantier prioritaire. L’adoption de la proposition de loi viendrait ainsi percuter les concertations engagées avec les organisations syndicales dans l’enseignement secondaire et supérieur.

Il est indispensable de réfléchir à la réforme de la formation des professeurs, laquelle n’est plus adaptée compte tenu des enjeux de recrutement et de qualité de l’enseignement, particulièrement pour les professeurs des écoles – que la proposition de loi ne concerne pas.

Former en trois ans, changer les modalités d’accès aux concours, diversifier les missions et les parcours : autant de pistes à explorer. Nous saluons l’ouverture d’un débat sur le sujet, mais ne souhaitons pas préjuger du résultat des travaux issus des concertations en cours, qui aboutiront début 2024.

Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre la proposition de loi.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Le métier d’enseignant n’attire plus. Les candidats sont de moins en moins nombreux à se présenter aux concours. Cette année encore, les dates limites d’inscription ont dû être repoussées. En outre, les enseignants sont de plus en plus nombreux à démissionner.

Face à ce malaise de la profession, nous devons agir. Mon groupe continue d’appeler à un plan de revalorisation salariale pluriannuel.

Sans aucun doute, une réflexion sur le recrutement doit être menée, s’appuyant sur une évaluation de toutes les réformes précédentes : elles se sont succédé depuis 2010 ; or la crise de l’attractivité et du recrutement naît aussi de l’instabilité.

Il ne faut pas dissocier premier et second degré.

Nous partageons votre point de vue sur la nécessité d’une formation plus professionnalisante, mais comment se matérialisera la professionnalisation progressive que vous préconisez ? Sa mise en œuvre ne risque-t-elle pas de se heurter à des difficultés au sein des établissements ? Un travail de réflexion et de concertation avec le terrain doit être engagé.

Nous nous interrogeons aussi sur le fait que l’abaissement au niveau licence s’applique à tous les types de concours, y compris l’agrégation.

Par ailleurs, si l’on repense l’accès aux concours, ce doit être en lien avec une refonte de la formation. Faire débuter celle-ci au niveau licence implique de bâtir une formation initiale solide, garantissant la maîtrise des disciplines mais aussi de la didactique – nous approuvons le rapporteur quand il insiste sur la pédagogie. Il faut anticiper les conséquences d’une telle réforme sur la rémunération et le statut après le concours et en fin de licence ; sur le contenu du concours et de la formation ; sur la cohabitation avec les autres voies d’accès. En outre, comment intégrer les personnes en reconversion professionnelle ?

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à l’unique question individuelle.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). L’Éducation nationale fait face depuis plusieurs années à une crise du recrutement des enseignants. De façon inquiétante, le nombre de candidats admis est systématiquement inférieur à celui des postes ouverts. À la dernière rentrée, 1 584 postes restaient vacants dans le primaire, 1 850 dans le second degré. Le 8 septembre – une semaine après la rentrée –, de l’aveu même du ministre, 500 postes restaient à pourvoir. À ces chiffres déjà trop élevés, il faut ajouter les doubles admissions et les démissions à venir des enseignants stagiaires. Cette situation dramatique avait déjà été observée en 2021 et 2022.

Après une baisse de 30 % en vingt ans du nombre de candidats dans le primaire, la nouvelle prime d’attractivité n’a pas suffi à inverser la tendance. En plus de ces mesures d’urgence, n’est-il pas indispensable de revaloriser sensiblement et durablement le métier pour mettre fin à cette crise des vocations, qui compromet la qualité des apprentissages ?

M. Alexandre Portier, rapporteur. Mes chers collègues, comme vous, je me réjouis de ce débat, qui met déjà en évidence un net consensus s’agissant du diagnostic – c’est une première victoire.

Madame Rilhac, j’ai parlé dans mon intervention liminaire des raisons pour lesquelles je me suis limité au second degré et annoncé que j’étais favorable à vos amendements qui étendent le dispositif au premier degré.

En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur la concertation : elle dure depuis des mois ; à un moment, il faut agir. Une mesure comme celle que je propose met elle-même des mois à être traduite dans les faits : si elle n’est pas engagée dans les prochains mois, elle ne sera pas mise en œuvre pendant le quinquennat. Depuis que nous sommes élus, il n’y a pas eu de projet de loi en matière scolaire. À nous, députés, de provoquer ces décisions et ces votes, d’autant qu’il est fondamental que le Parlement débatte de l’école, premier budget de la nation comme des collectivités. Sinon, à quoi servons-nous ?

J’ai précisé dans un amendement que la voie d’accès à bac + 3 s’ajoute aux autres. Il faut à la fois accroître le vivier et accélérer le recrutement à court terme. Voilà pourquoi j’indique par voie d’amendement que la possibilité de passer le concours à bac + 5 reste ouverte. Mais il y a urgence et il faut une réponse immédiatement opérationnelle, pour la session 2025. Je suis très inquiet concernant les perspectives de recrutement à la fin du mandat. Cette réponse à court terme s’ajoute aux éléments budgétaires, salariaux ou de conditions de travail dont on peut débattre par ailleurs. Il ne faut pas s’interdire ces voies nouvelles dès lors qu’elles permettent de capter de nouveaux publics.

Monsieur Chudeau, le recrutement au niveau licence, qui vous inquiète, se pratique déjà à Mayotte et existait ici avant 2009. Je n’ai pas le souvenir que nous connaissions alors une pénurie d’enseignants ni que nos enseignants étaient si mal formés. Des générations d’enseignants ont été recrutées au niveau licence ; parfois, ils échouaient au concours la première année, poursuivaient en master, repassaient le concours ensuite et demandaient un report pour finir leur master. Pour les élèves des écoles normales supérieures, le concours de recrutement d’enseignants était inséré dans un cursus de formation modulable et souple. Je le répète, il s’agirait d’une voie en plus.

J’ai été sensible aux interrogations de M. Vannier sur les effets contre-productifs de ma démarche. À l’écoute des personnes auditionnées comme de mes collègues, j’ai tenté d’en corriger certains par voie d’amendement.

L’enseignement est un métier, ce qui implique savoir et savoir-faire. Dans l’article 2, j’ai souhaité insister sur la dimension pédagogique, car c’est dans ce domaine que les difficultés sont les plus grandes, ou vécues comme telles par les nouveaux enseignants. Il serait dommage de laisser entendre que le texte revient sur les contenus disciplinaires : rien n’empêche – je le précise par amendement – d’ajouter des compléments disciplinaires dans la formation à l’Inspé. Cela dit, nous, représentants de la nation, devons dire clairement ce que nous attendons non seulement de l’école, mais aussi des concours de recrutement des enseignants. Si nous estimons qu’il y a une défaillance en matière pédagogique et didactique, c’est notre rôle de le dire et d’être plus ambitieux dans ce domaine.

J’ai fait le choix d’une rédaction resserrée, car on ne peut pas tout écrire dans la loi. J’ai confié au ministre le soin de préciser les modalités d’application du texte et, éventuellement, d’affiner certaines choses par décret.

Monsieur Gaultier, vous avez raison de souligner que le texte ne propose en aucun cas une formation au rabais. Pour renforcer la formation, notamment dans le domaine de la pédagogie, il faut améliorer l’organisation du parcours de formation. Le texte introduit un rééquilibrage, tout en maintenant globalement l’équilibre du cursus de formation actuel, qui se caractérise par la succession de la dimension disciplinaire, au cours des années de licence, et de l’aspect pédagogique pendant le master, qu’il porte sur les Meef (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) ou sur la recherche.

S’agissant du statut des élèves admis au concours, le texte ne déroge pas à la règle en vigueur. Je souhaite simplement que les fonctionnaires stagiaires passent non pas un, mais deux ans au sein d’un Inspe, au cours desquels ils seront évidemment rémunérés.

Pour lever toute ambiguïté, je préciserai, par l’amendement AC32 – même si, à mon sens, cette précision relève du décret – que les étudiants ne pourront être titularisés à la sortie de l’Inspé que s’ils sont titulaires d’un master. Le master apporte non seulement une reconnaissance sociale et universitaire mais peut aussi permettre la poursuite d’études, par exemple dans une filière doctorale, ou la reconversion professionnelle.

Madame Folest, à écouter les étudiants mais aussi des institutions telles que le réseau des Inspé, le Conseil supérieur des programmes (CSP) ou France Universités, nos jeunes enseignants ne pèchent pas par le niveau disciplinaire. Ce qui manque, ce n’est pas le savoir mais le savoir-transmettre. Je dirai donc, répondant ainsi également à Mme Keloua Hachi, que c’est en ce domaine que nous devons muscler notre formation. Un savant peut être un piètre pédagogue. Le métier d’enseignant est spécifique et ne convient pas nécessairement à des personnes qui se destinent plutôt à la recherche.

La proposition de loi ne conduit pas à abaisser le niveau de formation. À l’entrée dans le dispositif, les élèves devront être titulaires d’une licence, condition nécessaire à l’obtention ultérieure d’un master. Or, avant 2009, c’est bien une licence qui était exigée, et je ne crois pas que les étudiants de l’époque étaient si mal formés que cela : nous comptions alors dans nos rangs un certain nombre de médailles Fields et nous occupions la tête de plusieurs classements. C’est plutôt au cours des dernières années que nous avons dégringolé.

Je suis tout à fait d’accord avec vous quant à la nécessité d’avoir une programmation en matière scolaire. Je regrette que l’on ne dispose plus d’une stratégie de long terme en ce domaine, alors que l’on consacre un budget considérable à la formation sur le temps long. On ne peut pas se permettre de changer les règles du jeu chaque année. Il nous faut une loi de programmation, étant rappelé que la dernière en date remonte à 2013.

Madame Carel, je ne pense pas que ces dispositions devraient faire l’objet d’un texte réglementaire. D’une part, il me semble important que les députés s’expriment sur ce qu’ils attendent de l’école, des enseignants et du système qui les forme. D’autre part, on ne peut pas faire de la loi un instrument à géométrie variable et n’y recourir que lorsque cela nous arrange. En 2019, vous avez été un certain nombre à voter la loi Blanquer, qui définissait de manière assez précise le statut des Inspé et des formations qui y sont dispensées. Pourquoi ce qui valait en 2019 ne vaudrait-il plus en 2023 ?

Madame Descamps, les adaptations liées à l’immersion dans les établissements relèvent, pour le coup, d’un niveau de détail qui justifie un texte réglementaire. L’essentiel, à mes yeux, est d’acter dans la loi le principe d’une immersion progressive, qui est au cœur des enjeux de la professionnalisation des enseignants. La rédaction proposée laisse le sujet totalement ouvert.

Je suis tout à fait prêt à ce que l’on reconnaisse la singularité de l’agrégation au regard de son statut et de son histoire, mais aussi pour des raisons très pratiques : c’est le concours pour lequel on rencontre le moins de difficultés de recrutement.

Je ne touche pas, dans ce texte, au concours interne ni au troisième concours, comme je le préciserai par mon amendement AC26.

Madame Anthoine, je souscris totalement au principe de la revalorisation. Il est fondamental que, dans les années à venir, notamment dans le cadre de la loi de programmation que nous appelons de nos vœux, on donne des perspectives de long terme aux enseignants en poste et à ceux qui hésiteraient à s’engager dans la voie du professorat. Ces derniers doivent savoir ce que l’on attend d’eux mais aussi connaître les moyens que l’on compte mettre à leur disposition et les perspectives de carrière qu’ils peuvent espérer. Cela passe par une revalorisation non pas ponctuelle – comme cela s’est produit à plusieurs reprises au cours des dernières années – mais sur une durée au moins décennale.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 1er : Modification des conditions de diplôme pour présenter les concours de l’enseignement du second degré

Amendement de suppression AC20 de Mme Estelle Folest

Mme Estelle Folest (Dem). Face à la pénurie de professeurs que nous constatons tous dans l’enseignement secondaire, l’article 1er propose que les concours de l’enseignement du second degré soient accessibles, non plus aux titulaires d’un master, mais aux détenteurs d’une licence ou aux étudiants qui suivent une troisième année de licence, à la condition que les candidats se présentent exclusivement dans la discipline correspondant à leur diplôme. Cette dernière condition me paraît contraire à l’objectif recherché, car elle restreindrait le vivier de candidats. À titre d’exemple, une personne ayant suivi une classe préparatoire scientifique et inscrite en licence de sciences physiques pourrait fort bien enseigner les mathématiques. Pour cette raison, l’amendement vise à supprimer l’article 1er.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous puissions poursuivre le débat. La procédure que je propose vise à accélérer le parcours de recrutement et de formation de ceux qui ont déjà un très bon niveau dans un domaine donné. Par mon amendement AC29, je maintiendrai la possibilité actuellement ouverte à un étudiant titulaire d’un bac + 5 de se présenter au concours. J’ajoute que les étudiants passés par les classes préparatoires sont souvent inscrits dans des licences bidisciplinaires, qui permettent de passer le concours dans plusieurs disciplines.

Mme Cécile Rilhac (RE). M. le rapporteur a raison de demander le retrait de l’amendement car un grand nombre de précisions doivent être apportées sur l’article 1er. Pour une fois que nous pouvons discuter du sujet capital de la formation et du recrutement des enseignants, ne nous en privons pas ! Je m’opposerai à l’amendement.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Je partage le point de vue de M. le rapporteur : il faut démocratiser le débat sur notre école et permettre aux parlementaires de légiférer sur cette question centrale. L’Éducation nationale, qui constitue le premier budget de la nation, devrait être notre principal sujet de préoccupation. Nous sommes frustrés de n’avoir pu en débattre depuis le début de la législature. Les parlementaires n’ont pas à se déposséder de leur pouvoir de décision au profit de l’exécutif. M. le rapporteur a raison de le souligner, même si, de mon point de vue, il fait parfois lui-même trop de concessions au pouvoir réglementaire.

Je veux souligner la qualité de l’écoute de M. Portier, qui a intégré par voie d’amendement une série de dispositions en réponse aux objections ou aux remarques que nous lui avons faites.

Néanmoins, je voterai en faveur de l’amendement, car l’article 1er, dans sa rédaction actuelle, conduirait à abaisser le niveau de qualification des enseignants et n’apporte pas de clarifications suffisantes sur le statut des futurs lauréats du concours.

Mme Estelle Folest (Dem). Les propos du rapporteur, qui se montre tout à fait ouvert au débat, ainsi que la qualité de nos échanges me conduisent à retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AC26 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. L’amendement vise à préciser que les concours concernés par le texte sont les seuls concours externes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC13 de Mme Cécile Rilhac et sous-amendement AC35 de M. Alexandre Portier

Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement vise à supprimer le mot « secondaire » au deuxième alinéa de l’article. Il nous paraît fondamental que les étudiants suivent un cursus similaire, qu’ils se destinent au premier ou au second degré. En conséquence, nous proposons d’ajouter le certificat d’aptitude au professorat des écoles (Cape) à la liste figurant à ce même alinéa.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Le sous-amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 6 de l’amendement afin de ne conserver que la partie relative au mot « secondaire ». En effet, mon amendement AC25 vise à supprimer la liste des concours mentionnée à l’alinéa 2 pour ne pas corseter la loi et pour laisser une certaine latitude au ministère, notamment dans le cas où l’on souhaiterait ouvrir de nouveaux concours. La disposition proposée par Mme Rilhac étendra tout de même l’application de la proposition de loi au premier degré.

Mme Cécile Rilhac (RE). Nous nous abstiendrons sur votre sous-amendement.

M. Roger Chudeau (RN). Je m’inscris en faux contre l’amendement de Mme Rilhac car je considère que la formation professionnalisante initiale des professeurs du premier et du second degré doit être radicalement différente. En effet, ce ne sont pas les mêmes métiers – même s’il n’y a dans mon esprit aucune échelle de valeurs. Il faut, selon moi, s’en tenir à la rédaction initiale.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement AC25 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’énumération exhaustive des concours concernés, qui ne paraît pas nécessaire et entraîne de la rigidité. L’article s’appliquerait ainsi à l’ensemble des concours de l’enseignement, tant du premier que du second degré.

Mme Cécile Rilhac (RE). Dans l’hypothèse où mon amendement AC16 tomberait à la suite de l’adoption de l’amendement en discussion, je voudrais rappeler que le concours de l’agrégation est ouvert, à l’heure actuelle, aux titulaires d’un master. Il y a là une différence de grade à laquelle nous sommes attachés. L’agrégation externe n’est pas seulement un concours de recrutement de l’Éducation nationale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AC16 de Mme Cécile Rilhac tombe.

Amendements identiques AC10 de Mme Fatiha Keloua Hachi et AC14 de Mme Cécile Rilhac

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement AC10 vise à supprimer la possibilité offerte à un étudiant inscrit en troisième année de se présenter aux concours de l’enseignement. En effet, nous craignons que cela ne diminue le niveau disciplinaire des candidats, lesquels risquent de passer leur troisième année à bachoter. Je ne crois pas que l’Inspe propose des formations disciplinaires très étendues ; en tout état de cause, une fois que l’on a commencé à enseigner, on a trop à apprendre dans le domaine de la pédagogie pour travailler sa discipline. Il est essentiel que l’enseignant ait un excellent niveau disciplinaire.

Mme Cécile Rilhac (RE). Lors des auditions, les syndicats enseignants ont insisté sur la nécessité de détenir la licence pour présenter le concours.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Je ne suis pas favorable à ces amendements. Il me semble important que les candidats puissent passer le concours avant d’avoir validé leur licence, étant rappelé qu’ils ne pourront accéder à la formation dispensée en master que s’ils sont titulaires de la licence. Le niveau des enseignants recrutés ne diminuera pas puisque l’on conserve un continuum de formation de cinq ans. Le concours à bac + 3 est une étape qui vise à alléger les deux années de master, ce qui paraît une nécessité, comme en ont témoigné tous les acteurs institutionnels auditionnés. À l’heure actuelle, l’année de master 2 est un véritable marathon, puisque l’étudiant doit rédiger son mémoire, effectuer ses stages, valider le diplôme et passer le concours. Nous souhaitons valider le bagage disciplinaire en amont pour permettre aux élèves de se concentrer sur l’apprentissage du métier à l’Inspe. On a tout intérêt à s’engager dans cette voie.

M. Roger Chudeau (RN). Je soutiens ces amendements car la professionnalité d’un professeur repose sur sa parfaite maîtrise de la discipline qu’il va enseigner. Cela ne peut être vérifié, au plus tôt, qu’une fois la licence obtenue. Permettre à un candidat de passer un concours avant même d’avoir validé sa licence, c’est, objectivement, diminuer le niveau du concours.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je suis parfaitement d’accord avec M. Portier sur le fait que l’année de master 2 est une année marathon, difficile à vivre et, de surcroît, coûteuse financièrement pour les étudiants. La masterisation a dissuadé un grand nombre d’étudiants de devenir enseignant. Cela étant, il n’est pas souhaitable que, dès la fin de la deuxième année ou le début de la licence, un étudiant se consacre exclusivement à la préparation de son concours. Il serait dangereux de passer du jour au lendemain de bac + 5 à bac + 2,5.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Si, pendant un siècle et demi, le master avait été exigé pour passer les concours, je comprendrais vos inquiétudes. Or, ce n’était pas le cas avant 2009, et cela a fonctionné ainsi pendant des décennies. Je préciserai par voie d’amendement que les étudiants ne pourront suivre la formation de l’Inspe qu’après avoir validé leur licence. Des générations d’enseignants ont passé leur concours tout en finalisant leur licence. Ce qu’ils apprenaient en licence leur servait d’ailleurs pour passer leurs épreuves.

La commission adopte les amendements.

Amendement AC15 de Mme Cécile Rilhac

Mme Cécile Rilhac (RE). Par cet amendement, je souhaite que les étudiants aient à justifier de la détention de la licence à la date de publication des résultats d’admission du concours – et non, comme prévu dans le texte, à la date des résultats d’admissibilité.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Votre amendement me surprend car nous n’avons fait que reprendre les dispositions réglementaires actuelles. Cette modification ne me paraît pas indispensable, mais je n’y suis pas pour autant défavorable. Avis de sagesse.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Avant 2009, les étudiants passaient leur licence puis préparaient le concours pendant un an. Pour votre part, vous proposez que les étudiants aspirants professeurs suivent la troisième année de licence tout en préparant le concours, ce qui rendrait l’un et l’autre objectifs plus difficiles à atteindre. Les étudiants auraient une maîtrise insuffisante de leur discipline car ils se consacreraient davantage au concours. Au-delà de la réponse que vous apportez, il me paraît nécessaire de clarifier les choses sur ce point.

Mme Cécile Rilhac (RE). Ce flou nous empêche de voter l’article 1er, même amendé. L’année de licence devra être construite à la lumière des discussions et des concertations en cours. On pourrait imaginer que, lorsqu’on se trouve dans une filière menant aux concours de recrutement de l’enseignement, on valide la licence en cinq semestres afin de pouvoir se consacrer, au cours du sixième semestre, à la préparation du concours – ce qui éviterait de « perdre » une année. Les deux années que vous appelez de vos vœux pourraient ainsi être mises à profit pour acquérir un niveau de master dans la discipline concernée mais aussi, dans une optique professionnalisante, pour effectuer des stages.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC29 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les candidats détenteurs d’un master puissent se présenter à l’un des concours de recrutement des enseignants, y compris dans une discipline autre que celle qu’ils ont étudiée en licence. Il s’agit de répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées, en particulier par Mme Folest.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). On voit ici apparaître l’une des faiblesses de votre texte. Imaginons qu’un étudiant titulaire d’un master 2 de philosophie obtienne le Capes de mathématiques. Pendant deux ans, ce fonctionnaire stagiaire bénéficierait d’apprentissages essentiellement pédagogiques. Autrement dit, son parcours de formation le priverait des apports disciplinaires que son cursus universitaire ne lui a pas apportés. Dans cette hypothèse, on pourrait avoir un doute sur le niveau de qualification de l’intéressé en mathématiques. En raison de ces effets contre-productifs, nous nous opposerons à l’amendement.

Mme Estelle Folest (Dem). Je suis tout à fait favorable à l’amendement. Il me paraît plus légitime d’ouvrir un concours aux personnes titulaires d’un diplôme d’un certain niveau que d’exclure tous ceux qui n’auraient pas suivi un cursus correspondant exactement à la matière concernée. Les épreuves du concours permettront de s’assurer du niveau de chacun.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Monsieur Vannier, je ne pense pas que le texte produise des effets contreproductifs. Le lauréat d’un concours qui serait détenteur d’un master dans une autre discipline suivrait une formation complémentaire à l’Inspe dans la matière choisie au concours. On s’assurerait ainsi qu’il a le niveau nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC32 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que la titularisation effective des lauréats des différents concours ne pourra intervenir que si ceux-ci valident leurs deux années de formation et obtiennent le diplôme de master à la fin de leur cinquième année d’études supérieures.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous allons voter en faveur de cet amendement, qui apporte une des clarifications que nous attendions, à savoir la garantie du niveau de qualification des futurs enseignants.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC27 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Il s’agit de préciser que l’évolution du niveau de diplôme désormais exigé sera effective à compter de la session 2025 des différents concours de recrutement. Si l’on ne fixe pas un calendrier précis, rien n’avancera.

Mme Cécile Rilhac (RE). Cet amendement a le mérite d’ancrer les dispositions dans le temps. Par ailleurs, je remercie M. le rapporteur d’avoir étendu l’application du texte au premier degré. Cela étant, comme je l’ai dit, il nous semble essentiel de laisser la concertation se dérouler. Nous voterons contre cet amendement compte tenu de notre opposition à l’article 1er, même amendé.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

Amendement AC8 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement a pour objet la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité de créer une voie de prérecrutement des professeurs des premier et second degrés, afin de répondre à la crise de recrutement qui frappe l’Éducation nationale. La représentation nationale doit être éclairée sur cette question majeure.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC9 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement vise, là aussi, à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans le but de l’éclairer, un rapport évaluant les conséquences de la perte de pouvoir d’achat des enseignants sur l’attractivité de leur métier. Il s’agit d’étudier les causes de la désaffection à l’égard des concours de l’Éducation nationale.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Article 2 : Accroissement de la dimension professionnalisante de la formation des enseignants

Amendement AC23 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). S’agissant de la formation initiale professionnalisante prévue à l’article 2 de la proposition de loi, nous considérons que les Inspé ont failli à leur mission, comme le montrent les très nombreuses démissions précoces de jeunes enseignants mal préparés à l’exercice de leur métier. Seul l’employeur, c’est-à-dire le ministère de l’Éducation nationale, doit se voir chargé de la responsabilité de la formation initiale professionnalisante pour que celle-ci soit à la hauteur des enjeux et des spécificités de la fonction enseignante – un décret d’application pourra préciser les modalités de cette formation.

Nous souhaitons substituer à l’actuelle organisation, dans laquelle les études et la formation professionnelle s’effectuent simultanément, un modèle dans lequel la formation ne débuterait qu’une fois les études achevées. Le compagnonnage, système dans lequel la formation est dispensée par des pairs expérimentés, devrait être privilégié ; la fonction de conseiller pédagogique ou de maître formateur dans le second degré pourrait opportunément voir le jour afin de former convenablement les jeunes enseignants.

M. Alexandre Portier, rapporteur. L’avis est défavorable, car votre amendement dénature l’intention de l’article 2 en supprimant la référence à la progressivité des stages – qui constitue à mes yeux un point fondamental et non négociable – et en mettant de côté la nécessité d’accorder plus de place à l’apprentissage de la didactique.

Mme Cécile Rilhac (RE). L’amendement de M. Chudeau recèle une ambiguïté, car il fait référence aux écoles académiques de formation ; or les représentants des Inspe et des syndicats auditionnés ont exprimé leur crainte d’un rapprochement étroit entre les instituts et ces écoles, alors que leurs missions sont actuellement très distinctes. Nous nous opposerons également à l’adoption de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC18 de Mme Cécile Rilhac

Mme Cécile Rilhac (RE). Cet amendement propose de préciser que la formation de deux ans aboutit à l’obtention du master. M. le rapporteur ayant clarifié ce point à l’article 1er, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC28 de M. Alexandre Portier.

Amendement AC21 de Mme Estelle Folest

Mme Estelle Folest (Dem). Votre proposition de loi ne cherche pas à trouver un équilibre entre l’apprentissage de la pédagogie, évidemment indispensable, et la formation disciplinaire. Je suis en désaccord avec vous quand vous dites qu’il n’y a pas de décrochage de niveau en matière de savoirs fondamentaux jusqu’en licence – vous revenez d’ailleurs en creux sur cette position dans l’exposé des motifs du texte, puisque l’on peut y lire que « la chute du nombre de candidats contribue à réduire fortement la sélectivité des concours. »

Il y a lieu de renforcer le savoir disciplinaire car celui-ci constitue le premier facteur de l’autorité des enseignants, dont il est légitime de se soucier.

M. Alexandre Portier, rapporteur. L’avis est défavorable. L’amendement méconnaît la réalité de la formation dans les Inspé, car la majorité de celle-ci est consacrée à l’enseignement disciplinaire ; la dernière maquette des Inspé attribue 45 % du temps de la formation à la construction du cadre de référence et à l’enseignement des savoirs de la discipline ou de la spécialité, et seulement 30 % du temps aux stratégies d’enseignement et d’apprentissage. Un rééquilibrage est nécessaire, d’où la rédaction de l’article 2 ; en effet, les enseignants ne doivent pas être simplement des experts de leur domaine, mais également des pédagogues.

Des compléments disciplinaires peuvent se révéler utiles – nous en avons débattu à propos du master –, au gré des licences obtenues : c’est dans cet esprit que j’ai rédigé l’amendement AC30, qui vise à dispenser des enseignements disciplinaires complémentaires aux candidats qui en auraient besoin.

Mme Céline Calvez (RE). L’excellence disciplinaire est validée par l’obtention du concours après la licence. Notre conception du métier d’enseignant du second degré accorde une place trop importante au savoir disciplinaire. Si nous observons le premier degré, nous constatons l’intérêt de valoriser une formation axée autour de la pédagogie ; pour les cours dans les Inspé comme pour la pratique par alternance – élément qu’il conviendrait de renforcer –, le second degré gagnerait à s’inspirer du premier. Il faut intensifier l’enseignement de la pédagogie, dans les cours comme dans la pratique : enseigner est un métier qui ne se résume absolument pas à la maîtrise d’une matière scolaire.

M. Roger Chudeau (RN). Il me semble délicat de supprimer toute référence à la priorité de l’apprentissage de la pédagogie dans un texte relatif à la formation professionnelle des enseignants.

Je ne méconnais pas la différence entre la pédagogie générale et la didactique des disciplines, mais cette question ne relève pas du domaine législatif. Il existe déjà un référentiel des métiers et un cahier des charges de la formation : l’amendement me semble donc sévère.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC30 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Fruit de l’audition du président du Conseil supérieur des programmes (CSP), Mark Sherringham, l’amendement vise à préciser que la formation initiale de deux ans devra, tout en donnant la priorité à l’apprentissage de la pédagogie, permettre aux élèves professeurs qui en auraient besoin d’avoir accès à des compléments d’enseignements disciplinaires, liés notamment au contenu des programmes de collège et de lycée, lesquels peuvent être absents des maquettes universitaires.

Mme Cécile Rilhac (RE). Votre proposition de loi était dédiée aux enseignants du second degré ; l’amendement, dont l’objet relève du pouvoir réglementaire, réserve les stages d’apprentissage de la pédagogie à cette population, alors que cette formation est également fondamentale pour les enseignants du premier degré. Je suis donc opposée à l’amendement et à l’article 2.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC31 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier, rapporteur. Cet amendement fera sûrement plaisir à Mme Rilhac, puisqu’il vise à préciser que les modalités de mise en œuvre de la formation initiale des enseignants pourront être fixées par décret.

Mme Cécile Rilhac (RE). J’avais déposé un amendement qui visait à supprimer la mention au second degré : il a été déclaré irrecevable car son adoption aurait apparemment créé une charge. Je reste opposée à l’article 2 en ce qu’il ne s’adresse qu’aux enseignants du second degré et je voterai contre cet amendement, bien qu’il soit en effet normal que ce soit un décret qui fixe les modalités de mise en œuvre de la formation initiale.

La commission rejette l’amendement.

La commission rejette l’article 2.

Article 3 : Gage financier

La commission rejette l’article 3.

Titre

Amendement AC19 de Mme Cécile Rilhac

Mme Cécile Rilhac (RE). Je vais le retirer, puisqu’il est devenu sans objet. Nous souhaitons des dispositions pérennes pour le recrutement et la formation des enseignants, et non un plan d’urgence : telle est l’orientation qui se dégage des concertations en cours au ministère de l’Éducation nationale et à celui de l’enseignement supérieur.

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’ensemble de la proposition de loi.

En conséquence, en application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir mis ce sujet, sur lequel nous sommes tous d’accord pour avancer, à l’ordre du jour de nos débats.

M. Alexandre Portier, rapporteur. Nous regrettons de ne pas débattre davantage des questions liées à l’école en séance publique, donc cette proposition de loi est en quelque sorte un texte d’appel à davantage de discussions.

Chers collègues de la majorité, je préférerais que les décisions en matière de recrutement et de formation fassent l’objet d’un débat parlementaire. Un sujet aussi important ne peut pas être totalement laissé au pouvoir réglementaire : nous avons besoin de propositions du ministre et d’un travail aboutissant à l’émergence d’un consensus politique. Le diagnostic est partagé, reste à réfléchir aux solutions. Je vous remercie tous pour la qualité des échanges que nous avons eus, même si le compromis n’est pas encore parfait.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi portant plan d’urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré (n° 1799).

 


–– 1 ––

   ANNEXE N° 1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

       Direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale  M. Boris Melmoux-Eude, directeur général des ressources humaines, et Mme Valérie Saigne, sous-directrice de la gestion prévisionnelle, de la formation et des affaires statutaires et réglementaires, au service des personnels enseignants de l’enseignement scolaire

       Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche  Mme Laure Vagner-Shaw, adjointe et cheffe de service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, M. Laurent Régnier, adjoint à la cheffe de service de la stratégie et de la qualité des formations, et M. Pascal Gosselin, chef du département des formations des cycles master et doctorat

       France Universités *  M. Guillaume Gellé, président, M. Bernard SaintGirons, conseiller au sein du cabinet de M. Gellé, et M. Timothé Gagnard, chargé de relations institutionnelles

       Conseil supérieur des programmes – M. Mark Sherringham, président

       Audition conjointe de syndicats représentant les enseignants du second degré de l’enseignement public

– Syndicat national des enseignements de second degré - Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU) – M. Gwenaël Le Paih, secrétaire national

– Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) – M. Sébastien Vieille, secrétaire national

       Réseau des Inspé  M. Thierry Philippot, vice-président, Mme Anne-Lise Rotureau, déléguée générale, et M. Pierre Hyppolite, conseiller de l’agence Comfluence

       Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse  M. Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


–– 1 ––

   ANNEXE N° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Articles

Codes et lois

Numéros d’article

1er

Code de l’éducation

L. 625‑3 (nouveau)

2

Code de l’éducation

L. 721‑2

    

 

 

 


([1]) Cour des comptes, Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premiers et second degrés, rapport public thématique, février 2023 https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-01/20230201-devenir-enseignant-recrutement-formation-initiale-enseignants.pdf

([2]) https://www.aefinfo.fr/depeche/702197-formation-des-enseignants-le-men-propose-de-deplacer-les-concours-en-l3-pour-les-1er-et-2nd-degres

([3]) Rapport pour avis au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2023 (tome III : Enseignement scolaire), MM. Philippe Fait et Christophe Marion, députés, octobre 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0374-tiii_rapport-avis#

([4]) OCDE (2022), « France », dans Education at a Glance 2022 : OECD Indicators, Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/f7ed3c43-fr

([5]) OCDE (2023), « France », dans Education at a Glance 2023 : OECD Indicators, Éditions OCDE, Paris. https://doi.org/10.1787/4cf48637-fr

([6]) Résultats des concours enseignants de la session 2023, site du ministère de l’Éducation nationale https://www.education.gouv.fr/resultats-des-concours-enseignants-de-la-session-2023-378722

([7]) Résultats des concours enseignants de la session 2023, site du ministère de l’Éducation nationale https://www.education.gouv.fr/resultats-des-concours-enseignants-de-la-session-2023-378722  

([8]) Arrêté du 16 juillet 2021 fixant le cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044036418

([9]) Cahier des charges relatif aux contenus de la formation initiale spécifique https://www.education.gouv.fr/bo/21/Hebdo2/MENE2032812A.htm

([10]) Direction de l’évaluation, de la performance et de la prospective, L’état de l’école 2023, une analyse statistique du système éducatif, octobre 2023 https://www.education.gouv.fr/l-etat-de-l-ecole-2023-379707

([11])  Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement.

([12]) Cour des comptes, Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants des premiers et second degrés, rapport public thématique, février 2023 https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-01/20230201-devenir-enseignant-recrutement-formation-initiale-enseignants.pdf

([13]) Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, La première année de fonctionnement des parcours préparatoires au professorat des écoles (PPPE), janvier 2023 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/la-premiere-annee-de-fonctionnement-des-parcours-preparatoires-au-professorat-des-ecoles-pppe-88771

([14]) Mission flash de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur le recrutement, la mobilité et l’affectation des enseignants du premier degré, Mme Cécile Rilhac et M. Rodrigo Arenas, novembre 2022 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-culturelles/missions-de-la-commission/mi_flash_recrutement

([15]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000528079/2023-07-17/  

([16]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000861758/2023-07-17/  

([17]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000500138/2023-07-17/  

([18]) https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000043092658/2023-07-17/

([19]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048167330

([20]) https://assnat.fr/84Yd0X