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N° 1934

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 novembre 2023.

 

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION, SUR LA PROPOSITION de loi, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,

 

visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive,

 

 

Par M. Jean-Louis THIÉRIOT,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

 

  Sénat 404 (2021-2022), 67, 68 et T.A. 16 (2023-2024).

 

Assemblée nationale : 1816.


—  1  —

SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

I. des dérives sources de confusion à sanctionner

A. une dangereuse remise en cause de l’accessibilité de la langue

1. Un phénomène en plein essor

2. Des dégâts réels, présents et à venir

B. des bases normatives insuffisantes pour empêcher ces dérives

1. Un encadrement trop limité et aux bases fragiles

2. La nécessité d’une loi pour protéger l’accessibilité de la langue

II. principaux apports du sénat

commentaire des articles

Article 1er Interdiction de l’usage de l’écriture dite inclusive dès lors que le droit exige l’utilisation du français

Article 1er bis (nouveau) Interdiction d’imposer l’usage de certaines pratiques rédactionnelles et typographiques dans l’enseignement supérieur

Article 2 Création d’un délai d’application pour certaines dispositions de la loi

travaux de la commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur

Annexe  2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


   avant-propos

L’intelligibilité et la neutralité axiologiques de la langue sont des valeurs qui dépassent tous les clivages politiques : elles sont les clés de la transmission de l’information et de la délibération démocratique. Cette opinion est si largement partagée, que le rapporteur se permettra de rapporter ici les mots prononcés le 30 octobre dernier par le président de la République, lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, à propos de la langue française  : « il faut permettre à cette langue de vivre, de s’inspirer des autres (…), de continuer à inventer, mais en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe, et ne pas céder aux airs du temps. Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots ou des tirets ou des choses pour la rendre visible. »

Les difficultés liées aux progrès de l’écriture dite « inclusive » ont fait l’objet, déjà, de plusieurs propositions de loi visant à établir une base juridique plus solide assurant l’utilisation d’un français clair et accessible à tous nos concitoyens. Cela témoigne d’un réel besoin de clarification et d’un vide juridique que les parlementaires ont à plusieurs reprises tenté de combler. En dépit de ces efforts manifestant une volonté politique venue parfois des rangs mêmes de la majorité, force est de constater que le débat public n’a pas permis encore de donner à la langue française les outils aujourd’hui indispensables à sa protection.

La présente proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite « inclusive », adoptée le 30 octobre 2023 au Sénat (le même jour que le discours présidentiel cité supra !) constitue une nouvelle opportunité de débattre de ces enjeux, qui sont loin d’être anecdotiques. En effet, l’apparition et la multiplication des usages de certains outils de l’écriture inclusive amènent aujourd’hui les juridictions à se prononcer de façon croissante sur la validité des textes où ils sont employés. Ces décisions des juridictions peuvent avoir des répercussions très concrètes dans la vie de nos concitoyens dès lors qu’elles concernent la légalité des statuts d’une association aujourd’hui et qui sait, demain, la validité d’un texte d’examen universitaire. Si la jurisprudence est source de droit, elle ne devrait pour autant avoir pour mission de venir se substituer à un législateur défaillant. Une jurisprudence hésitante peut en outre se révéler porteuse de grandes insécurités juridiques.

Or, concernant la protection de la langue française contre certaines pratiques syntaxiques et rédactionnelles nouvelles, qui pourraient venir mettre en danger l’intelligibilité de la langue, les seuls outils normatifs existants relèvent encore du domaine réglementaire. Les défis que doit relever notre langue si nous souhaitons qu’elle reste un vecteur de diffusion culturelle et d’influence sont pourtant d’ordres divers et nombreux. Alors que l’année 2024 sera celle des trente ans de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », dont le principal objectif était de renforcer et de conforter l’usage de notre langue face à la diffusion rapide de termes anglophones, il nous faut avoir le courage politique d’affronter les nouvelles menaces de fragmentation et d’affaiblissement que constituent certaines pratiques de l’écriture dite « inclusive ».

Comme le dit le linguiste Franck Neveu, « contrairement à ce que l’on croit, l’écriture "inclusive" n’a pas vocation à rester une option pour ceux qui la défendent, elle vise à s’imposer et à étendre son contrôle à tous les niveaux de l’usage linguistique » ([1]). C’est précisément pour cette raison qu’un encadrement législatif est plus que jamais nécessaire : non pour restreindre la liberté d’usage des termes qui composent la langue française ou empêcher ses évolutions, mais bien pour préserver les contours de la sphère publique du langage, cet espace commun partagé par tous les Français.

En ce sens, le texte proposé, qui permet à chacun de s’abstenir de se positionner publiquement « pour ou contre » l’écriture inclusive dans son usage quotidien de la langue, est tout autant un texte de liberté qu’il est un texte d’égalité pour ceux de nos concitoyens qui éprouvent déjà certaines difficultés face à la langue française. Aider à préserver l’intelligibilité de notre langue, c’est aussi garantir à chacun un meilleur accès aux outils d’émancipation qu’elle ne cesse d’offrir.


I.   des dérives sources de confusion à sanctionner

A.   une dangereuse remise en cause de l’accessibilité de la langue

1.   Un phénomène en plein essor

Il n’existe pas de définition unifiée de l’écriture dite « inclusive » : celle-ci est en effet le terrain de multiples tentatives et expérimentations, dont certaines pourraient même apparaitre comme contradictoires quant aux buts poursuivis. S’agit-il de rendre les femmes plus visibles dans le langage, ou de dépasser la division genrée censément à l’œuvre dans celui-ci pour aboutir à une langue « non-binaire » ? Malgré la volonté de la minorité très active de ses promoteurs, aucune définition scientifique et linguistique rigoureuse ne semble aujourd’hui se dégager pour qualifier l’écriture inclusive, aussi en est-on réduit à revenir à ses manifestations les plus problématiques pour tenter de circonscrire les dégâts qui pourraient être causés à la langue française.

Cette absence de corpus stabilisé de règles, qui pourrait constituer le modèle alternatif d’une langue française « rénovée », constitue l’un des principaux écueils dans l’appréhension de l’écriture inclusive, tant elle induit de difficultés pour la lecture et la compréhension de notre langue (nous y reviendrons infra). Une telle absence de définition fixe apparait néanmoins relativement logique, si l’on considère que la pratique de l’écriture inclusive s’inscrit dans un mouvement plus large de déconstruction tout droit venu des campus nord-américains.

Comme le souligne la sociologue Nathalie Heinich : « identitarisme et néo-féminisme nous viennent directement d’Outre-Atlantique, au rebours de la tradition universaliste qui a longtemps caractérisé la gauche française, ainsi que le féminisme universaliste de la grande époque, il y a deux générations, qui mettait en avant la nécessité de suspendre la différence des sexes pour parvenir à l’égalité plutôt que de l’affirmer en toutes circonstances (comme tente de le faire l’écriture inclusive, qu’il vaut mieux nommer d’ailleurs "écriture excluante") » ([2]). Aujourd’hui, un certain féminisme inspiré par les « gender studies » anglo-saxonnes revendique la position de minorité discriminée qu’occuperaient les femmes dans nos sociétés et promeut l’écriture inclusive pour y remédier.

Mais l’écriture inclusive échoue à proposer un réel contre-modèle d’expression : ses revendications éparses, et, on l’a vu, parfois même incohérentes, laissent chacun face à un bricolage du langage dont la clarté de la communication et la compréhension ne peuvent se satisfaire. C’est que l’écriture inclusive vise à porter sur le terrain de la langue un combat relevant de la sphère des rapports sociaux, et n’en fait pas mystère : ainsi Mme Eliane Viennot, professeure de littérature, affirme que « le combat, aujourd’hui, c’est de démasculiniser le langage en général, écrit comme oral » ([3]), et cela dans le but de parvenir à un « langage égalitaire ». L’écriture inclusive s’inscrit ainsi dans une vision programmatique et politique de l’utilisation du langage, alors même que celui-ci, plutôt que d’être un instrument pour renforcer les divisions du corps social, devrait être affirmé comme un bien commun.

Il faut en outre souligner que la promotion de l’écriture inclusive constitue un mouvement qui ostracise ceux qui le contestent ; comme le note M. Mathieu Bock-Coté : « Qui demeure fidèle au français classique s’affiche de facto comme réactionnaire » ([4]).

Pour autant, en aucun cas la proposition de loi adoptée au Sénat ne vise-t-elle à revenir sur les évolutions du langage favorables à une meilleure reconnaissance du rôle des femmes dans la société. Il n’est ainsi pas question de s’opposer à la féminisation des noms de profession, qui intervient après une réflexion de long terme et correspond à un besoin réel né de la transformation de la société lors des dernières décennies.

En l’absence d’une définition linguistique unanimement acceptée, la proposition de loi s’est appuyée sur la définition de l’écriture inclusive établie par la circulaire du Premier ministre en date du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française. D’après ce texte, « l’écriture dite inclusive » couvre « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ».

La proposition de loi a cherché à préciser cette définition en circonscrivant les pratiques de l’écriture inclusive visées par l’interdiction qui serait prévue aux « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ou à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. »

Il s’agit dans le cadre de la proposition de loi de cibler deux phénomènes qui contribuent à la dégradation de la qualité et de la clarté de la langue :

– la création de nouveaux « mots grammaticaux ». Les mots grammaticaux constituent une catégorie particulière des mots de la langue française : selon le dictionnaire Larousse, les mots grammaticaux désignent « l’ensemble des termes d’une langue qui, en nombre limité, dénotent les fonctions syntaxiques », ce que l’on pourrait définir simplement comme les mots organisant les relations de logique entre les autres mots de la phrase. Cette classe de mots-outils se compose notamment des déterminants (articles et adjectifs non qualificatifs), des prépositions, des pronoms ou encore des conjonctions de coordination et de subordination. Cette catégorie de mots est relativement fixe et peu sujette aux néologismes, dès lors qu’elle emporte une dimension sémantique réduite (contrairement aux « mots lexicaux » que sont les noms, verbes, adjectifs, qui s’avèrent le principal champ de création du langage à mesure qu’émergent de nouveaux phénomènes, techniques etc.). Les mots grammaticaux constituant des néologismes auxquels fait référence la proposition de loi sont par exemple les pronoms personnels iel, ul, ol, ou ielles, elleux, ou les pronoms cellui, celleux, ceuxes ;

– l’utilisation du point médian, qui alourdit les textes en prétendant permettre une meilleure visibilité du féminin, niant de ce fait la valeur neutre que peut revêtir le masculin dans notre langue.

2.   Des dégâts réels, présents et à venir

L’écriture inclusive, et particulièrement les dérives auxquelles elle donne lieu et que la présente proposition de loi vise à empêcher, portent une vision politique et programmatique de la langue que contestent de nombreux linguistes. La proposition de loi ne prétend pas discuter les motivations des promoteurs de l’écriture inclusive, et celles-ci reposent souvent sur les meilleures intentions (parvenir à une société où les femmes seraient mieux représentées). Comme mentionné plus haut, il ne s’agit pas ici de revenir sur la féminisation des noms de métiers ou de fonctions, d’interdire les termes épicènes qui sont déjà d’un usage très courant, ou même, plus largement, de traiter des meilleurs moyens de consacrer aux femmes françaises la femme qui leur revient de plein droit dans toutes les sphères de notre société.

La proposition de loi entend en revanche tirer la sonnette d’alarme quant aux écueils réels posés par ces nouvelles graphies dans le contexte des difficultés croissantes rencontrées dans l’apprentissage de la langue française. Ces dangers, la secrétaire d’État à l’éducation prioritaire Mme Nathalie Elimas les mettait déjà en exergue lors d’un débat sur ce thème au Sénat en 2021 ([5]) : « quatre ans après la circulaire de 2017 et l’avertissement de l’Académie française, je veux donc le redire avec la force et avec la conviction que seule donne l’évidence : l’écriture inclusive est un danger pour notre école ; elle est un danger pour notre langue […] L’écriture dite "inclusive" vient battre en brèche la mission première de tout système éducatif : apprendre à lire. Nul ne peut contester les difficultés de lecture qu’entraîne déjà pour l’adulte une telle graphie. L’écriture inclusive nous fait buter sur les mots, nous contraint au bégaiement. Elle rend la marche d’un texte chaotique, elle disloque les mots en les fendant en deux. L’écriture inclusive nous contraint à la myopie : on ne voit plus que le mot écrit, on ne voit pas plus loin que le mot, on oublie le sens de la phrase, on perd finalement le sens tout court. L’écriture inclusive marque le retour au stade du déchiffrage ; elle est une régression de l’acte de lire. »

Ce constat sévère posé par la ministre de l’Éducation prioritaire faisait suite à la volonté affirmée par le ministère de l’Éducation nationale de poser des limites claires à de telles pratiques, notamment par la circulaire du 5 mai 2021 concernant les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports et les pratiques d’enseignement.

Comme nous l’avons déjà évoqué, l’écriture inclusive ne peut offrir une alternative cohérente aux règles syntaxiques de la grammaire classique. Cela est d’autant vrai plus qu’émerge aujourd’hui l’idée d’une écriture « neutre », qui viserait, elle, à gommer la visibilité des genres... Même chez les défenseurs ou promoteurs de l’écriture inclusive, la pratique est donc variée et évolutive : comment attendre alors d’utilisateurs non avertis qu’ils naviguent dans l’océan de ces injonctions ? Comment imaginer même pouvoir les enseigner à des enfants qui découvrent les règles déjà fort complexes de notre langue ? Le point médian peut par exemple être placé à différents endroits selon les auteurs, tout comme on peut trouver des graphies variables se revendiquant de l’écriture inclusive, particulièrement lorsque des formes au pluriel sont utilisées, et cela pour transmettre la même idée : acteurtrices ou acteurtrices mais aussi acteurices, toutes, toutes ou toustes…

De nombreuses études témoignent aujourd’hui des difficultés croissantes d’apprentissage de la lecture : les fortes disparités existant au détriment des enfants d’origine sociale moins favorisées ne peuvent qu’être accentuées par les obstacles supplémentaires que constituent ces pratiques d’écriture inclusive. En effet, il a été montré que les enfants venant de milieux plus favorisés, qui disposent à l’arrivée en cycle primaire d’un bagage sémantique plus fourni et qui ont souvent déjà été initiés à la lecture au sein même du milieu familial, abordent l’apprentissage de la lecture dans des conditions déjà bien plus favorables à leur réussite. Que penser dès lors de graphies qui, en séparant un peu plus le langage écrit du langage oral, accentuent d’autant le défi que représente l’acquisition de la lecture ?

À cet égard, il faut également souligner que la montée des phénomènes « dys » serait corrélée avec l’écart entre langage écrit et parlé : nul doute que les formes mal stabilisées de l’écriture inclusive contribueront à creuser cet écart. Concernant le point médian, la Fédération française des dys, regroupement  réunissant des associations représentant les personnes atteintes notamment de dyslexie ([6]) et de dysphasie ([7]), indique ainsi sur son site : « pour les lecteurs débutants, qui n’ont pas automatisé la reconnaissance des mots, et pour lesquels le décodage explicite de chaque syllabe demande un effort considérable d’attention, la perturbation des repères orthographiques, avec l’insertion de ponctuation, va représenter une difficulté supplémentaire. » ([8])

La prise en compte des difficultés physiques et cognitives dans la communication publique

Les « pratiques rédactionnelles et typographiques » visées par la circulaire du Premier ministre du 21 janvier 2017 ont pour effet de compliquer la lecture et de rallier la plupart des associations des personnes en situation de handicap contre elles, comme l’expliquaient au rapporteur la coordinatrice et le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, Mme Miroslava Kachler et M. Jérémie Boroy. En effet, les personnes utilisant des logiciels de vocalisation, qui permettent la transposition en fichiers audio de documents écrits, sont confrontées aux limites techniques de ces dispositifs, qui prononcent à voisx haute tout signe écrit. Une énumération comprenant des points médians et une pluralité de terminaisons fera donc l’objet d’une transposition auditive particulièrement lourde et inconfortable. Par ailleurs, pour les personnes atteintes de déficiences cognitives, ces dispositifs rédactionnels ou typographiques sont un obstacle de plus à la compréhension facilitée des textes publics, alors même que se développe parallèlement la diffusion d’une langue « facile à lire et à comprendre » ou FALC.

Comme l’indique le site du ministère de la Culture, le FALC « est une méthode qui a pour but de traduire un langage classique en un langage simplifié. Le FALC permet de rendre l’information plus simple et plus claire et est ainsi utile à tout le monde, notamment aux personnes en situation de handicap, dyslexiques, âgées ou encore maîtrisant mal la langue française ». Cette méthode peut être utilisée par tout le monde, et son utilisation dans un texte est signalée par un logo (voir infra).

Pour qu’un texte soit reconnu comme du FALC, il doit avoir été lu et compris par des personnes en situation de handicap intellectuel. Ce type de dispositif relève d’une véritable volonté d’inclusion, en ce qu’il cherche à favoriser l’accès de tous aux communcations publiques ; il apparait peu compatible avec des pratiques rédactionnelles ou typographiques qui, à l’inverse, conduisent à accroître la difficulté de déchiffrement du texte.

 

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Logo du FALC

B.   des bases normatives insuffisantes pour empêcher ces dérives

1.   Un encadrement trop limité et aux bases fragiles

Le cadre normatif régissant aujourd’hui l’interdiction des pratiques de l’écriture inclusive apparaît très parcellaire et ne suffit même pas à couvrir tous les champs de la communication publique.

En effet, la circulaire du 21 novembre 2017 du Premier ministre M. Édouard Philippe possède un périmètre assez restreint, puisqu’elle ne concerne réellement que les actes administratifs publiés au Journal officiel et les documents émis par les services administratifs placés sous l’autorité du Premier ministre. Ainsi, elle laisse de côté tous les établissements publics, les collectivités territoriales ou les personnes privées chargées d’une mission de service public. Elle a toutefois le mérite d’offrir une première définition de l’écriture inclusive, en établissant que cette expression « désigne les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine. »

Par ailleurs, une circulaire prise par le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse M. Jean-Michel Blanquer le 5 mai 2021 concerne les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d’enseignement. Cette circulaire prône « la conformité aux règles grammaticales et syntaxiques », et proscrit « le recours à l’écriture dite "inclusive", qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot (...) ». En outre, la circulaire souligne que « cette écriture, qui se traduit par la fragmentation des mots et des accords, constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit. L’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes ». Cette circulaire s’applique dans l’enseignement scolaire, et ne concerne donc pas l’enseignement supérieur, où ces pratiques causent d’autres types de difficultés. Il faut observer que l’affirmation claire de la position de l’État sur l’utilisation de l’écriture inclusive à l’école devenait plus que nécessaire après la publication par la maison d’édition Hatier d’un manuel écrit en écriture inclusive en 2017 ([9]).

Même si ces circulaires témoignent d’une certaine prise de conscience des pouvoirs publics de la diffusion rapide des pratiques de l’écriture inclusives, elles peuvent très facilement être remises en cause et ne constituent pas un encadrement suffisant.

Face au silence de la loi sur cette question, les juridictions peuvent être saisies par les justiciables de cas particuliers et se trouvent amenées à offrir des interprétations fluctuantes. Deux décisions rendues en 2023 illustrent le flou qui persiste quant à la validité de l’utilisation des procédés rédactionnels et typographiques évoqués. Alors que le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du conseil d’administration de l’université Grenoble-Alpes approuvant les statuts du service des langues, au motif que sa rédaction en écriture dite inclusive portait atteinte à l’objectif de clarté et d’intelligibilité de la norme ([10]), le tribunal administratif de Paris a, lui, rejeté ([11]) une demande de retrait de plaques commémoratives rédigées en écriture dite inclusive, placées dans l’enceinte de l’Hôtel de Ville. Il faut noter que la décision du tribunal de Grenoble avait suivi la jurisprudence du Conseil d’État, qui en 2021 avait refusé d’approuver les statuts d’une association au motif qu’ils employaient l’écriture inclusive et contrevenaient de ce fait au principe d’intelligibilité de la norme.

Ces différentes décisions, qui ne constituent pas une jurisprudence cohérente, appellent le législateur à prendre ses responsabilités pour garantir par la loi l’intelligibilité et l’accessibilité des normes et communications intervenant dans le champ public.

2.   La nécessité d’une loi pour protéger l’accessibilité de la langue

La langue française constitue un patrimoine en partage pour tous nos concitoyens. L’impératif de son accessibilité et de sa clarté n’est pas nouveau, puisque l’édit de Villers-Cotterêts, actuellement toujours en vigueur, dispose ainsi en son article 110 : « Et afin qu’il n’y ait cause de douter sur l’intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu’ils soient faits et écrits si clairement, qu’il n’y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ni lieu à demander interprétation. » ([12])

Ce que l’on considère souvent comme l’acte de naissance du français comme langue officielle du droit et de la communication dans notre pays créé également un espace social de compréhension en imposant un langage commun. L’écriture dite inclusive fait précisément l’inverse : fondée sur une vision identitaire des rapports sociaux, elle conduit à une archipellisation du langage, à la mise en cause de ce commun.

En 1994, le législateur a jugé de son devoir de répondre aux menaces subies par la langue française face à la diffusion rapide de la langue anglaise. Il a ainsi conforté le statut particulier de notre langue, reconnu deux ans auparavant à l’article 2 de notre Constitution, pour affirmer qu’un certain nombre de communications ne pouvait se faire qu’en français. Il faut rappeler qu’à l’époque, les opposants à cette loi criaient aussi à la censure et à la limitation de la liberté d’expression : il existe désormais un consensus assez large pour reconnaître que la préservation de notre langue justifiait les dispositions de la loi Toubon. De la même façon, mieux encadrer l’usage de notre langue en imposant le recours à un français conforme aux standards usuels de la grammaire répond à un impératif de protection de la langue et de garantie de son intelligibilité. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu lors de sa décision du 29 juillet 1994 sur la loi relative à l’emploi de la langue française qu’« il incombe au législateur d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et d’imprimer ».

 

II.   principaux apports du sénat

L’examen de la proposition de loi au Sénat en commission a abouti à l’adoption d’un premier amendement du rapporteur ([13]), venant préciser le champ des pratiques interdites, en y incluant les néologismes sur les mots grammaticaux ([14]). L’adoption de l’amendement a également permis d’intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi déposée le 25 janvier 2022 par M. Étienne Blanc ([15]), qui vise à ce que tout acte juridique qui contreviendrait à l’interdiction d’usage de l’écriture dite inclusive soit nul de plein droit. Enfin, l’adoption de l’amendement du rapporteur conduit à inclure dans le dispositif les publications émanant de personnes publiques ou de personnes privées chargées d’une mission de service public.

Le second amendement du rapporteur ([16]) adopté en commission a modifié le titre de la proposition de loi afin de mettre l’accent sur la protection de la langue française. Le titre initial du texte, « Proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive », est ainsi remplacé par le titre suivant : « Proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ».

En séance, un amendement du rapporteur est venu préciser que les dispositions adoptées seraient d’ordre public ([17]).

 


   commentaire des articles

Article 1er
Interdiction de l’usage de l’écriture dite inclusive dès lors que le droit exige l’utilisation du français

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à interdire certaines pratiques rédactionnelles et typographiques qui substituent à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, dès lors que le droit exige l’usage du français.

La commission a simplifié la définition en éliminant les termes initialement inclus « mots grammaticaux constituant des néologismes » et en supprimant la référence à l’écriture inclusive. La nullité de plein droit de tout acte juridique enfreignant l’interdiction énoncée est abandonnée car trop extensive. La mention du caractère d’ordre public, redondant car déjà présent dans la loi modifiée par l’article, est supprimée.

I.   l’État du droit

1.   La loi impose l’usage du français dans de nombreux secteurs, sous le strict contrôle du Conseil constitutionnel

Comme l’énonce l’article 2 de la Constitution du 5 octobre 1958, « la langue de la République est le français ». Cette disposition est relativement récente, puisque c’est la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, adoptée suite à la signature du traité de Maastricht, qui a ajouté à la Constitution un titre XIV : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne » ([18]) ainsi que cet alinéa 2 au deuxième article concernant le français. Comme le souligna le député Xavier Deniau lors de la séance du 12 mai 1992, le français devait alors, en tant que symbole, « rejoindre dans le plus magnifique des articles de notre Constitution, à savoir son article 2, les principes majeurs de la République, l’hymne, la devise, le drapeau et les libertés ».

Il faut d’ailleurs noter que le projet de loi constitutionnelle n° 2623, déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 22 avril 1992, ne comportait pas de disposition relative à la langue française. Cet alinéa est en effet issu des débats à l’Assemblée nationale, où un amendement fut déposé en ce sens avant d’être discuté au sein des deux assemblées. Cette consécration constitutionnelle, dont les parlementaires sont donc à l’origine, donnait ainsi un lointain écho à l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice, dite « ordonnance de Villers-Cotterêts », selon laquelle « le français est la langue de la justice. Toutes les décisions de justice et actes juridiques doivent être rédigés en langage maternel françois » ([19]).

Par cette inscription dans la Constitution à l’article 2, le législateur a réaffirmé l’importance symbolique, mais également l’effectivité juridique, de la langue française dans notre pays : le Français, langue commune et ciment de la cohésion nationale, est également la seule langue de communication entre les citoyens et les pouvoirs publics. L’article L. 111-1 du code des relations entre le public et l’administration dispose que « l’usage de la langue française est prescrit dans les échanges entre le public et l’administration ». En ce sens, le Conseil d’État a précisé que « les documents administratifs doivent […] être rédigés en langue française » ([20]). Le Conseil constitutionnel a quant à lui confirmé que « l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public » ([21]).

Ainsi, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française dite « loi Toubon », prévoit que langue française est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics » ([22]). Elle impose l’usage du français dans de nombreux secteurs : la publicité et la consommation (article 2), les inscriptions ou annonces dans l’espace public (article 3), les contrats auxquels des personnes morales de droit public et des personnes privées exécutant une mission de service public sont parties (article 5), les documents distribués aux participants à une manifestation, à un colloque ou à un congrès (article 6).

La langue française est aussi la langue du monde du travail. En effet, selon le code du travail, doivent être rédigés en français : les contrats de travail (article L. 1221-3), les règlements intérieurs (article L. 1321-6), les documents comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail (article L. 1321-6), les conventions et accords ainsi que les conventions d’entreprise ou d’établissement (article L. 2231‑4).

Le Conseil constitutionnel, saisi par soixante députés de la conformité à la Constitution de la loi 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, a reconnu « qu’il incombe au législateur, compétent, aux termes de l’article 34 de la Constitution, pour fixer « les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », d’édicter des règles concernant l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d’écrire et d’imprimer » ([23]). Toutefois, cette compétence intervenant dans le champ de la liberté d’expression, liberté fondamentale protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ([24]), elle s’exerce sous le contrôle le plus attentif du Conseil constitutionnel, et tout empiétement doit être strictement proportionné aux buts poursuivis et mis en balance avec la préservation de principes ou d’objectif de même rang constitutionnel.

  1.   Des pratiques mal définies qui ont fait l’objet d’un encadrement réglementaire

Alors que la loi précitée de 1994 visait d’abord à protéger le français d’une substitution croissante de termes anglo-saxons au vocable français existant, de nouvelles pratiques, apparues depuis le début des années 2000, renouvellent le besoin de protection en vue de la conservation d’une langue neutre et comprise par tous. Ces pratiques nouvelles, subsumées sous l’expression « écriture inclusive », sont fort diverses et ne font pas l’objet d’une définition stabilisée, ce qui rend d’autant plus malaisé leur encadrement. Elles englobent aussi bien la féminisation des titres et des fonctions – admise depuis des années et non sujette ici au débat –, la double flexion (la répétition d’un terme sous ses formes masculine et féminine), le point médian (qui consiste à introduire un point en interligne pour faire apparaître plusieurs terminaisons de genres différents), la préférence donnée aux termes épicènes (dont le sens désigne des individus sans qu’apparaisse leur genre) et les formes neutres ou « non-binaires » incluant une profusion de néologismes, notamment grammaticaux (pronoms « iel, ielles, ul, als », démonstratif « celleux » etc.)

Dans certains domaines de l’action publique, un début d’encadrement a été opéré au niveau réglementaire. Ainsi, l’écriture inclusive est prohibée au sein des administrations de l’État par la circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française. Par cette circulaire, le Premier ministre « invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive ». Le Premier ministre faisait ici usage de son pouvoir réglementaire général d’organisation des services ([25]) : aussi, la contrainte créée par la circulaire ne concerne que les services de l’État, et non les autres personnes publiques, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, des établissements publics ou de tout autre opérateur.

Cette circulaire a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir au motif qu’elle aurait méconnu des dispositions constitutionnelles et européennes ([26]) relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes et aux droits des personnes ne se reconnaissant pas dans une identité sexuelle féminine ou masculine.

Dans sa décision du 28 février 2019, le Conseil d’État a tout d’abord précisé que cette circulaire « n’a d’autres destinataires que les membres du Gouvernement et les services placés sous leur autorité » ([27]). La haute juridiction administrative a ensuite rejeté le moyen soulevé de méconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes et l’atteinte au droit à la vie privée des personnes qualifiées de « genre non binaire » par les requérantes, car selon le Conseil d’État, en « prescrivant d’utiliser le masculin comme forme neutre pour les termes susceptibles, au sein des textes réglementaires, de s’appliquer aussi bien aux femmes qu’aux hommes et ne pas faire usage de l’écriture dite inclusive, la circulaire attaquée s’est bornée à donner instruction aux administrations de respecter, dans la rédaction des actes administratifs, les règles grammaticales et syntaxiques en vigueur ».

L’écriture inclusive est aussi proscrite du cadre scolaire par la circulaire du 5 mai 2021 sur les règles de féminisation dans les actes administratifs du ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les pratiques d’enseignement. Cette circulaire impose la « conformité aux règles grammaticales et syntaxiques » et interdit « le recours à l’écriture dit ʺinclusiveʺ, qui utilise notamment le point médian pour faire apparaître simultanément les formes féminines et masculines d’un mot employé au masculin lorsque celui-ci est utilisé dans un sens générique ».

Cette même circulaire précise à juste titre que « cette écriture, qui se traduit par la fragmentation des mots et des accords, constitue un obstacle à la lecture et à la compréhension de l’écrit. L’impossibilité de transcrire à l’oral les textes recourant à ce type de graphie gêne la lecture à voix haute comme la prononciation, et par conséquent les apprentissages, notamment des plus jeunes. Enfin, contrairement à ce que pourrait suggérer l’adjectif « inclusive », une telle écriture constitue un obstacle pour l’accès à la langue d’enfants confrontés à certains handicaps ou troubles des apprentissages. »

Ces circulaires constituaient un premier pas bienvenu, mais leur champ réduit d’application et leur mise en œuvre plus que défaillante imposent au législateur de se prononcer clairement, tout autant pour la protection de l’accessibilité et de l’intelligibilité de la langue, que pour la préservation de sa neutralité axiologique. Il est en effet regrettable, mais inévitable, que l’utilisation ou non des procédés de l’écriture inclusive visés par la présente proposition de loi ([28]) ne conduisent à une catégorisation « pour ou contre » l’écriture inclusive. Or, la diffusion de ces dispositifs syntaxiques n’apparaît pas comme le résultat d’une évolution naturelle de la langue, mais bien comme répondant à la visée programmatique de certains groupes militants. Les intentions visées ou les principes qui inspirent la promotion de l’écriture inclusive ne sont pas ici en débat. Mais selon votre rapporteur, la forme syntaxique de langue française, liant de notre communauté nationale, ne devrait jamais être instrumentalisée pour quelque cause que ce soit. Le lexique suffit à exprimer toute sorte de message et permet de porter toutes les revendications. En revanche, la perte d’une grammaire commune ne peut qu’immanquablement mener à l’impossibilité de toute communication en stigmatisant les locuteurs, dans un sens ou dans l’autre, selon qu’ils utilisent ou non ces procédés.

En ce sens, il est impératif d’opérer une conciliation nécessaire entre la liberté d’expression et de communication, prévue par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et d’autres principes ou objectifs à valeur constitutionnelle que l’usage intempestif de règles grammaticales disruptives pourrait venir menacer. Dans la décision n 99-421 DC du 16 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a érigé les principes « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi » au rang d’« objectif à valeur constitutionnelle ».

En effet, pour satisfaire à l’exigence d’intelligibilité, la norme doit être « claire », ce que ne permet manifestement pas l’usage de l’écriture inclusive. Cela a récemment été rappelé par le tribunal administratif de Grenoble qui a annulé une délibération du conseil d’administration de l’Université Grenoble-Alpes approuvant des statuts du service des langues, rédigés en écriture inclusive, au motif qu’une telle rédaction « portait atteinte à l’objectif de clarté et d’intelligibilité de la norme » ([29]). Le tribunal rappelle que la « clarté et l’intelligibilité de la norme constituent un objectif de valeur constitutionnelle auquel doivent satisfaire les actes administratifs ». En l’espèce, la juridiction relève que « la plupart des articles des statuts en litige est rédigé en écriture ʺinclusiveʺ consistant à décliner, autour d’un point médian, les formes masculines et féminines des mots variables » ([30]) et conclut que « l’usage d’un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu’aucune nécessité en rapport avec l’objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n’en justifie l’emploi » ([31]).

Aujourd’hui, certaines pratiques de l’écriture dite inclusive conduisent à s’écarter trop fortement des normes grammaticales usuelles de la langue française, comprises par tous et facilement accessibles, pour que l’on puisse encore considérer que l’exigence de l’usage du français posée par la loi Toubon est réellement respectée. C’est pourquoi il revient au législateur d’inscrire cette exigence dans la loi, afin de préserver la neutralité du langage et de garantir l’égalité à son accès.

  1.   le dispositif proposÉ

La loi Toubon constitue le texte de référence quant à l’obligation de l’emploi de la langue française, aussi bien dans le secteur public que dans différents champs de la sphère privée (droit du travail, des contrats, de la publicité etc.). Aussi la proposition de loi vise-t-elle à insérer dans ce cadre fondateur des précisions quant aux pratiques rédactionnelles et typographiques, aujourd’hui de plus en plus fréquentes, qui ne permettent pas de respecter cette obligation dans tous les domaines où elle trouve à s’appliquer.

 

Le premier article de la présente proposition de loi insère, après l’article 19 de la loi du 4 août 1994 précitée, un article 19-1 qui vise à prohiber l’usage de certaines pratiques de l’écriture dite inclusive. Selon celui-ci, dès lors qu’il sera fait usage de « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à (…) substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine » – les termes ici utilisés sont ceux de la circulaire de 2017 – l’obligation de rédaction en français établie par la loi Toubon ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires existantes sera considérée n’être pas remplie.

Les sénateurs ont ajouté à la définition de ces pratiques les « mots grammaticaux constituant des néologismes », afin d’englober, dans les usages ne permettant pas de qualifier la langue utilisée comme étant du français, l’emploi de pronoms nouveaux tels que « iels, ul(s), al(s) ».

Le troisième alinéa de l’article premier de la proposition de loi vise à interdire les mêmes usages de l’écriture dite inclusive dans les publications, revues et communications mentionnées à l’article 7 de la loi du 4 août 1994, soit « les publications, revues et communications diffusées en France et qui émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne privée exerçant une mission de service public ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique ». Cette disposition est déterminante, car ces publications sont essentielles pour l’information du public et dans les relations entre le service public et ses usagers. Là encore, il s’agit d’assurer la diffusion d’un français accessible, notamment pour les personnes atteintes de handicaps physiques ou cognitifs. Pour ces publics, la multiplication des terminaisons d’accord, des doubles flexions et le point médian peuvent rendre les publications difficilement intelligibles. En outre, les logiciels de vocalisation dont peuvent se servir les personnes souffrant de déficiences visuelles lisent l’intégralité des signes des documents : l’usage de tels procédés syntaxiques rend par conséquent l’utilisation de ces dispositifs de traduction vocale très fastidieuse.

Le quatrième alinéa du premier article, ajouté en commission au Sénat, vise à rendre nul de plein droit tout acte juridique utilisant l’écriture inclusive telle que définie précédemment, qu’il s’agisse d’un acte civil, administratif ou d’un contrat. La convocation à un conseil municipal, à une commission d’appel d’offres utilisant l’écriture dite inclusive souffrira la même sanction. Il s’agit de créer un dispositif véritablement dissuasif : comme l’ont montré les deux circulaires précédemment évoquées, l’absence de sanction conduit à une prolifération des usages dommageables à la compréhension, qu’il convient de faire cesser avec résolution.

Le cinquième alinéa de l’article fait de l’article 19-1 de la loi du 4 août 1994 une disposition d’ordre public, ce qui signifie qu’aucune convention ne pourra s’en écarter.

Enfin, le dernier alinéa du premier article étend l’interdiction de l’écriture dite inclusive, au sens du nouvel l’article 19‑1 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, à la langue utilisée pour l’enseignement, les examens et concours, ainsi que les thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement. Il s’agit d’assurer la neutralité du service public de l’enseignement en garantissant l’emploi d’un français neutre et conforme aux standards usuels de la langue. Il s’agit également de prévenir l’emploi de l’écriture dite inclusive dans des sujets d’examen pour ne pas créer de difficulté supplémentaire inutile, et d’empêcher la reproduction de situations – déjà arrivées – dans lesquelles un étudiant pourrait avoir à choisir entre l’emploi ou non de l’écriture inclusive dans ses réponses et possiblement subir une discrimination dans sa notation.

  1.   Les modifications introduites par le sÉnat

L’article 1er de la proposition de loi a été adopté avec des modifications par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat.

Un amendement du rapporteur M. Cédric Vial ([32]), a permis de préciser le champ des pratiques interdites, en y incluant l’utilisation de néologismes, plus spécifiquement en matière de mots grammaticaux ([33]), qui recouvrent « l’ensemble des termes d’une langue qui, en nombre limité, dénotent les fonctions syntaxiques » et incluent les déterminants (articles et adjectifs non qualificatifs), les prépositions, les pronoms ([34]) et les conjonctions de coordination et de subordination.

Le même amendement du rapporteur a permis d’intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi déposée le 25 janvier 2022 par M. Étienne Blanc (membre du groupe Les Républicains) ([35]), qui vise à ce que tout acte juridique qui contreviendrait à l’interdiction d’usage de l’écriture dite inclusive soit nul de plein droit.

Enfin, l’adoption du même amendement du rapporteur a conduit à élargir l’application du premier article de la proposition de loi aux publications mentionnées à l’article 7 de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, soit « les publications, revues et communications diffusées en France et qui émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne privée exerçant une mission de service public ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique ».

En séance, un amendement du rapporteur est venu préciser que les dispositions adoptées seraient d’ordre public.

  1.   la position DU rapporteur

Le rapporteur partage le constat des dérives entraînées par certaines pratiques de l’écriture dite inclusive et souscrit aux objectifs de protection de la langue française et de défense de son intelligibilité, visés par l’article premier de la proposition de loi. La langue française doit rester l’outil de communication qui permet la transmission des informations et le dialogue démocratique : pour cela, elle ne doit pas se caractériser par l’emploi de grammaires alternatives.

Les pratiques visées par l’alinéa 2 de la proposition de loi induisent en effet plusieurs difficultés. Elles conduisent à un amoindrissement de l’intelligibilité des normes et des informations mises à disposition du public en rendant la lecture plus ardue, voire rédhibitoire pour certaines parties de la population souffrant de difficultés physiques ou cognitives. Alors que la communication publique est souvent jugée peu claire, et que l’on constate des difficultés croissantes d’acquisition de la lecture, la préservation d’un français abordable et aisément compréhensible devient un enjeu démocratique de premier ordre.

Par ailleurs, comme déjà mentionné supra, la langue doit, dans l’espace public, conserver une certaine neutralité propice au respect des convictions de chacun. Nous devons pouvoir appliquer la même neutralité dans le champ de la langue française que celle qui, dans l’espace des convictions religieuses, correspond à la laïcité. En outre, de la même manière que l’on ne saurait imaginer un texte juridique rédigé en argot ou en quatrains, celui-ci n’est tout simplement pas le lieu d’une expérimentation syntaxique, quelle que soit la noblesse du motif défendu. En cela, le texte proposé est un texte de liberté, puisqu’il permet à nos concitoyens de ne pas avoir à se positionner pour ou contre les pratiques susmentionnées de l’écriture dite inclusive.

V.   Les modifications introduites par la commission

L’examen du texte en commission a conduit à modifier la définition des pratiques à éviter énoncées par l’article premier et à préciser le champ d’application de la loi.

Un premier amendement de Mme Caroline Yadan ([36]) a adapté la définition des pratiques de l’écriture inclusives jugées incompatibles avec le respect de la loi du 4 août relative à la loi française : celles-ci sont désormais définies comme des « pratiques rédactionnelles et typographiques visant substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ». Il s’agit de la définition déjà donnée dans la circulaire du Premier ministre de 2021. Les termes « écriture dite inclusive » ne sont plus mentionnés dans l’article 1er et la mention des mots grammaticaux constituant des néologismes a été supprimée par souci de clarification du texte.

Un second amendement de Mme Caroline Yadan ([37]) a restreint le champ d’application du troisième alinéa. Ainsi, les textes publiés par les personnes morales recevant des subventions publiques ne seront pas concernés par l’interdiction de l’usage des pratiques rédactionnelles et typographiques énoncées à l’alinéa 2, dont la définition a, par ce même amendement, été mise en cohérence dans l’alinéa 3 avec l’alinéa précédent.

Deux amendements de Mme Caroline Yadan ([38]) ont supprimé les alinéas 4 et 5. L’alinéa 4 établissait la nullité de plein droit de tout acte juridique faisant usage de l’écriture inclusive : il a été jugé comme comportant des risques de contrariété avec le principe de liberté contractuelle. L’alinéa 5 établissait la portée d’ordre public des nouvelles dispositions de la loi du 4 aout 1994 relative à l’emploi de la langue française, qui comportait déjà en son article 20 une disposition semblable applicable à l’ensemble de ses articles, rendant l’alinéa 5 inutile.

Un amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus ([39]) a conduit à une nouvelle rédaction de l’alinéa 6, afin d’exclure l’enseignement supérieur du périmètre de l’interdiction de l’écriture inclusive, qui concernait dans la première version de l’alinéa les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur. Cet amendement a été sous-amendé ([40]) par le rapporteur M. Jean-Louis Thiériot afin de réintroduire dans le champ de l’interdiction des pratiques de l’écriture inclusive les examens, les concours et les épreuves de contrôle continu pratiqués dans l’enseignement supérieur.

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Article 1er bis (nouveau)
Interdiction d’imposer l’usage de certaines pratiques rédactionnelles et typographiques dans l’enseignement supérieur

Introduit par la commission

Le présent article vise à empêcher que le personnel ou les usagers de l’enseignement supérieur ne soient contraints d’utiliser certaines pratiques rédactionnelles et typographiques dans leur communication. Il rend illégales les sanctions qu’un refus d’usage de ces pratiques rédactionnelles et typographiques pourrait entraîner.

Le présent article, introduit en commission par un amendement de M. Jérémie Patrier-Leitus ([41]), vient compléter l’article L. 611‑1 du code de l’éducation pour y introduire l’interdiction pour les établissements d’enseignement supérieur, publics et privés, d’imposer à leurs personnels l’usage des pratiques rédactionnelles et typographiques mentionnées à l’article 19‑1 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

Le nouvel article dispose également que ce refus ne peut constituer la cause d’une sanction de la part de l’établissement envers son personnel, et que les étudiants et les doctorants de l’enseignement supérieur ne peuvent être pénalisés, dans leurs travaux, examens et concours, ainsi que leurs thèses et mémoires, pour leur refus d’utiliser des pratiques rédactionnelles et typographiques mentionnées à l’article 19‑1 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

Cet amendement et l’article nouveau qu’il introduit dans la proposition de loi ont reçu un avis favorable du rapporteur, M. Jean-Louis Thiériot, qui a jugé que ces nouvelles dispositions venaient utilement compléter le texte présenté à la commission.

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Article 2
Création d’un délai d’application pour certaines dispositions de la loi

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article vise à préciser les conditions d’application des dispositions de l’article premier après l’entrée en vigueur de la loi : alors que le dispositif initial mentionnait les contrats et avenant conclus postérieurement à l’adoption de la loi, ce sont désormais tous les documents concernés par l’interdiction de recourir aux pratiques signalées dans l’article 1er qui sont mentionnées. L’article prévoit également un délai d’application de sept mois après publication de la loi pour les articles destinés à la vente.

  1.   le dispositif proposÉ

Le second article de la proposition de loi dispose que la loi s’appliquera aux contrats et avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur.

Toutefois, le second alinéa de l’article prévoit pour les produits destinés à la vente une application différée au septième mois suivant la publication de la loi des exigences du nouvel article 19‑1 de la loi n° 94‑665 du 4 août 1994. Les stocks de produits déjà fabriqués pourront ainsi être écoulés pendant ce délai.


  1.   Les modifications introduites par le Sénat

Lors des débats en séance, l’article 1er de la proposition de loi a été amendé par le rapporteur afin que la mention d’ordre public soit directement associée aux modifications qu’apporte le texte par l’article 1er ([42]). Un amendement du rapporteur en séance a supprimé cette mention à l’article 2 ([43]) de la loi adoptée.

  1.   la position DU rapporteur

Le rapporteur est favorable à cet article et considère qu’un temps d’adaptation sera nécessaire aux fabricants pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences posées par la proposition de loi.

IV.   Les modifications introduites par la commission

Deux amendements identiques de Mme Caroline Yadan ([44]) et M. Jérémie Patrier-Leitus ([45]) ont modifié le premier alinéa du second article afin de prévoir que la loi s’applique à l’ensemble des documents dont la loi exige qu’ils soient écrits en français, et non aux seuls contrats et avenants mentionnés dans la version initiale, dès lors qu’ils sont rédigés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

Un sous-amendement du rapporteur M. Jean-Louis Thiériot ([46]) est venu préciser la nouvelle rédaction de l’alinéa en l’allégeant.

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Enfin, un amendement porté par le groupe Renaissance ([47]) a modifié le titre de la proposition de loi afin de le rendre plus conforme au texte adopté en commission, en établissant que la proposition de loi vise « à protéger l’intelligibilité de la langue française ». Il n’y est ainsi plus fait mention de « l’écriture dite inclusive », alors que l’objectif de protection de l’intelligibilité est mis en avant. Le rapporteur a approuvé cette modification, jugeant qu’elle introduisant une plus grande cohérence avec le texte adopté.

 

 


travaux de la commission

Lors de sa deuxième réunion du mercredi 29 novembre 2023 ([48]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive (n° 1816) (M. Jean-Louis Thiériot).

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je me réjouis de rejoindre pour ce texte la commission des Affaires culturelles et de l’éducation et vous remercie de votre hospitalité ; habituellement membre de la commission de la Défense, je ne m’en éloigne à vrai dire pas tant que cela, car c’est pour la défense de la langue française que j’ai le plaisir de me joindre à vous. Nous savons tous depuis du Bellay que la France est la « mère des arts, des armes et des lois ».

L’intelligibilité et la neutralité axiologiques de la langue sont des valeurs qui dépassent tous les clivages politiques : elles sont les clés de la transmission de l’information et de la délibération démocratique.

Chaque fois que nous laissons un langage militant prendre le pas sur cette fonction neutre de communication, nous rendons celle-ci un peu plus difficile. Nous contribuons alors à l’archipélisation d’un langage commun, notre belle langue française, qui est pourtant un lien essentiel de notre communauté nationale.

Cette opinion est si largement partagée, que je me permettrai de rapporter ici les mots prononcés le 30 octobre dernier par le Président de la République à Villers-Cotterêts : « Il faut permettre à cette langue de vivre, de s’inspirer des autres (…), de continuer à inventer, mais d’en garder aussi les fondements, les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe, et de ne pas céder aux airs du temps. Dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y rajouter des points au milieu des mots ou des tirets ou des choses pour la rendre visible. »

Les difficultés liées aux progrès de l’écriture dite inclusive ont déjà fait l’objet de plusieurs propositions de loi visant à établir une base juridique plus solide pour assurer l’emploi d’un français clair et accessible à tous nos concitoyens. Cela témoigne d’un réel besoin de clarification et de l’existence d’un vide juridique que les parlementaires ont à plusieurs reprises tenté de combler. En dépit de ces efforts, qui manifestent une volonté politique venue de rangs très différents, force est de constater que le débat public n’a pas encore permis de donner à la langue française les outils indispensables à sa protection.

La présente proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive, adoptée le 30 octobre 2023 au Sénat – le même jour que le discours de Villers-Cotterêts – constitue une nouvelle opportunité de débattre de ces enjeux, qui sont loin d’être anecdotiques, et d’apporter les solutions législatives nécessaires, en clair, de passer des discours aux actes.

L’apparition et la multiplication des usages de certains outils de l’écriture inclusive conduisent les juridictions à se prononcer de façon croissante sur la validité des textes où ils sont employés. Les décisions judiciaires peuvent avoir des répercussions très concrètes dans la vie de nos concitoyens, dès lors qu’elles concernent la légalité des statuts d’une association aujourd’hui et qui sait, demain, la validité d’un texte d’examen universitaire. Comme cela a récemment été le cas à l’université de Lyon, il arrive en effet que les épreuves d’un diplôme puissent être données en écriture inclusive ou même non-binaire.

Si la jurisprudence est source de droit, elle ne devrait pas avoir pour mission de se substituer à un législateur défaillant. Une jurisprudence hésitante peut en outre se révéler porteuse de grandes insécurités juridiques. Nous devons donc prendre nos responsabilités.

Concernant la protection de la langue française contre certaines pratiques syntaxiques et rédactionnelles nouvelles, qui pourraient mettre en danger l’intelligibilité de la langue, le seul outil normatif existant relève du domaine réglementaire. Les défis que doit relever notre langue, si nous souhaitons qu’elle reste un vecteur de diffusion culturelle et d’influence, sont pourtant divers et nombreux. Ils dépassent largement le champ des circulaires, dont l’efficacité demeure toute relative.

Alors que l’année 2024 sera celle des trente ans de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, dont le principal objectif était de renforcer l’usage de notre langue face à la diffusion rapide de termes anglophones, il nous faut avoir le courage politique d’affronter les nouvelles menaces de complexification et d’affaiblissement que constituent certaines pratiques de l’écriture dite inclusive.

Un encadrement législatif est plus que jamais nécessaire, non pour restreindre la liberté d’usage des termes qui composent la langue française ou empêcher ses évolutions, mais bien pour préserver les contours de la sphère publique du langage, cet espace commun partagé par tous les Français. Cela passe par la réaffirmation d’une grammaire commune.

Le texte proposé affirme la nécessité de conserver une certaine neutralité de la langue en se conformant aux standards grammaticaux existants, qui permettent à chacun de conserver une forme de neutralité. En ce sens, ce texte est véritablement un texte de liberté. Nos concitoyens peuvent, particulièrement dans certains milieux professionnels, se trouver embarrassés d’avoir à choisir entre utiliser ou non les procédés d’écriture inclusive. Faut-il les employer pour suivre la tendance, même lorsque leur pertinence leur échappe ? Faut-il les éviter, au risque de passer pour un opposant à l’égalité des sexes ? Et que dire des examens ou des lettres de motivation dans lesquels leur emploi ou leur absence conduit à situer le rédacteur, créant de fait un a priori favorable ou défavorable ? C’est pourquoi ce texte est un texte de neutralité : il ôte à nos concitoyens la préoccupation d’opter pour une solution ou une autre en réaffirmant un standard commun, sans brider d’aucune sorte la liberté d’expression. Il évite de devoir choisir, pour complaire à un interlocuteur, l’une ou l’autre forme grammaticale. Il est aussi un texte d’égalité pour tous ceux qui éprouvent déjà certaines difficultés face à la langue française : pensons particulièrement à nos concitoyens en situation de handicap, déficients visuels ou personnes souffrant de troubles dys qu’égare cette nouvelle complexité langagière – nos auditions ont confirmé ce constat. Aider à préserver l’intelligibilité de notre langue, c’est aussi garantir à chacun un meilleur accès aux outils d’émancipation qu’elle propose.

Pour atteindre ces objectifs, la proposition de loi vise à prohiber certaines pratiques de l’écriture inclusive dans tous les cas où l’usage du français est requis, selon les dispositions de la loi Toubon. Dès lors qu’il sera fait usage de « pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes ou à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine », l’obligation d’usage du français sera considérée comme n’ayant pas été respectée. Cette disposition concerne une variété d’actes juridiques dans les domaines de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics.

La loi vise également à interdire les mêmes usages de l’écriture dite inclusive dans les publications, revues et communications mentionnées à l’article 7 de la loi du 4 août 1994, soit « les publications, revues et communications diffusées en France et qui émanent d’une personne morale de droit public, d’une personne privée exerçant une mission de service public ou d’une personne privée bénéficiant d’une subvention publique ». Cette disposition est déterminante, car ces publications sont essentielles pour l’information du public et dans les relations entre le service public et ses usagers. Là encore, il s’agit d’assurer la diffusion d’un français accessible à tous, notamment aux personnes atteintes d’un handicap physique ou cognitif.

Le quatrième alinéa de l’article 1er vise à rendre nul de plein droit tout acte juridique utilisant l’écriture inclusive telle que définie précédemment : cette disposition vise à garantir une pleine effectivité de la loi car la mise en œuvre difficile et souvent lacunaire de la loi Toubon a montré toute la nécessité d’un dispositif de sanction strict.

Le cinquième alinéa de l’article fait de l’article 19-1 de la loi du 4 août 1994 une disposition d’ordre public, ce qui signifie qu’aucune convention ne pourra s’en écarter.

Enfin, le dernier alinéa de l’article 1er étend cette interdiction à la langue utilisée pour l’enseignement, les examens, les concours, les thèses et les mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement. Là encore, il ne s’agit nullement de chercher à combattre les motivations qui peuvent exister à la promotion de telles pratiques, mais bien de mettre les élèves, candidats et étudiants dans une situation de stricte égalité.

Mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas un texte de combat : elle ne vise aucunement à aller contre la promotion indispensable de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il n’est ainsi nullement question d’aller contre la féminisation des titres et des fonctions, ou d’interdire le « Mesdames, messieurs ».

La proposition de loi dont nous allons débattre s’inscrit dans la droite ligne de la loi Toubon qu’elle vise à enrichir : elle partage avec elle le souci de protéger l’intégrité de la langue et la volonté d’en préserver l’accessibilité. Je crois réellement que nos débats permettront de dégager un accord – nous accepterons de nombreux amendements – fondé sur ces objectifs et de parvenir à un texte concerté pour la défense du patrimoine commun qu’est la langue française, ce trésor que Paul Valéry qualifiait de « saint langage » et « d’honneur des hommes ».

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Caroline Yadan (RE). L’image la plus exacte de l’esprit français est bien notre langue, qui est à la fois l’instrument de notre cohésion, de nos valeurs et de notre rassemblement ; toujours en évolution, elle se nourrit au contact d’autres cultures. Elle nous relie à 321 millions de francophones et elle permet de se défaire des déterminismes sociaux : elle est le terrain neutre de l’égalité par excellence.

Il n’est jamais évident de légiférer sur notre langue, tant le débat autour de son usage est souvent polémique. L’écriture dite inclusive et l’usage du point médian se développent depuis plusieurs années ; cette écriture, diverse et non stabilisée, pose un problème d’intelligibilité et d’accessibilité de la norme, notamment pour les lecteurs en difficulté. Il va de soi que cette écriture constitue, pour les personnes dyslexiques ou en situation de handicap cognitif, un frein à la lecture, à la bonne compréhension de l’écrit et à l’étude de la langue.

La circulaire du 21 novembre 2017 du Premier ministre Édouard Philippe prohibe le recours au point médian dans les actes administratifs tout en encourageant la généralisation de la féminisation de la langue : voilà notre position ! Oui, à la féminisation de notre langue mais non, à l’usage du point médian, marqueur idéologique qui fait perdre la neutralité intrinsèque et nécessaire de notre langue. Cette position, qui n’exclut personne, est marquée du sceau de la fermeté et de l’équilibre.

La présente proposition de loi vise à modifier la loi Toubon de 1994 et, dans son article 1er, à interdire l’écriture dite inclusive dans les documents dont le droit exige qu’ils soient rédigés en français. L’article 2 dispose que cette interdiction s’appliquera aux contrats et aux avenants conclus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

Le groupe Renaissance souhaite améliorer le texte et lui apporter des modifications rédactionnelles, dans un objectif de pragmatisme, d’efficacité et de compréhension ; il votera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, largement soutenue par nos collègues sénateurs, car elle améliore la clarté, l’intelligibilité et la sécurité juridique de la norme.

M. Julien Odoul (RN). L’écriture inclusive est un véritable cancer pour la langue française. Symbole de la déconstruction et du wokisme, elle est utilisée par des militants fanatiques pour détruire chaque jour un peu plus l’héritage de la France ainsi que son patrimoine culturel et naturel. Cette maladie de la déconstruction contamine jusqu’aux écoles et aux universités, elle sévit dans certains manuels scolaires et dans certains cours. Par soumission idéologique ou par effet de mode, certains vont même jusqu’à l’imposer au sein d’entreprises où les salariés sont contraints de capituler.

Ces délires wokistes sont dangereux pour les adolescents et pour les enfants, qui sont déjà confrontés à une baisse généralisée et inquiétante du niveau scolaire. Dans un entretien accordé au journal Le Parisien le 13 novembre dernier, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, Gabriel Attal, s’inquiétait du niveau scolaire des collégiens et soulignait que la moitié des élèves de quatrième ne savaient pas lire convenablement.

Lors des débats au Sénat en octobre dernier, la ministre de la Culture a déclaré refuser la police de la langue et a évoqué l’égalité devant la langue française, mais où est l’égalité lorsque des élèves passent, comme à l’université de Lyon-II en juin dernier, un examen rédigé en écriture inclusive, comprenant des pronoms non genrés et des mots inventés et farfelus ? Protéger les élèves et les étudiants de l’endoctrinement idéologique d’extrême gauche doit être une priorité : dans cette optique, l’usage de l’écriture inclusive doit être combattu partout où la République demeure.

Je tiens à rappeler que le groupe Rassemblement national a présenté, lors de sa niche parlementaire du 12 octobre dernier, une proposition de loi visant à interdire l’écriture inclusive dans les éditions, productions et publications scolaires et universitaires, ainsi que dans les actes civils, administratifs et commerciaux : où étiez-vous, chers collègues du groupe Les Républicains ? Où vous cachiez-vous lors du vote de ce texte ? En tout cas, pas dans l’hémicycle ! Le Rassemblement national agit dans le seul intérêt des Français et votera donc en faveur de cette proposition de loi de bon sens.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Voici donc le grand retour, tant attendu, de l’écriture inclusive. Il faut dire que nous n’en avions pas parlé depuis au moins un mois, et la niche de La France insoumise passe complètement à côté de cet enjeu majeur en se contentant de demander l’indexation des salaires sur l’inflation, le blocage des marges abusives des entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution et un soutien aux mères isolées, et de défendre l’accueil physique dans les services publics – autant de propositions totalement déconnectées des véritables préoccupations des Français, dont chacun sait qu’ils se réveillent le matin en se demandant quand on va enfin interdire l’écriture inclusive.

Collègues du groupe Les Républicains, je salue votre sens des priorités. Il a fallu du courage pour voter ce texte au Sénat et braver la cure d’austérité normative à laquelle Gérard Larcher vous appelait. Je salue aussi votre sens de la solidarité, de la courte échelle, de la passerelle, loin du barrage : grâce à votre niche, celle du RN gagne une seconde vie et vous la sauvez de son naufrage pathétique sur fond d’imprécations de Marine Le Pen contre les services de l’Assemblée et les tableaux Excel.

Mais votre générosité ne s’arrête pas là : un véritable arc réactionnaire contre l’écriture inclusive offre enfin au Président de la République une majorité qu’il peinait tant à trouver. Car vous faites le trait d’union – je n’ose dire le point médian – entre l’extrême droite et Emmanuel Macron : comme vous l’avez fièrement rappelé, il récupère votre obsession en affirmant que « dans cette langue, le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible. »

Comme le Président, vous devriez réviser vos classiques. Le grammairien Vaugelas écrivait que « le genre masculin, étant le plus noble, doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble ». Vous gagneriez aussi à lire les études d’histoire de la langue et de sociolinguistique qui démontrent que non, le masculin n’est pas neutre, que son usage est le fruit d’un choix idéologique opéré au XVIIe siècle, et qu’il influence les représentations en perpétuant les biais sexistes inconscients. Il n’est pas très étonnant que le monarque présidentiel, ses courtisans et ses alliés se reconnaissent dans les grammairiens masculinistes de l’époque de la monarchie absolue ; vous ne vous étonnerez pas que nous nous reconnaissions plutôt dans le foisonnement et l’inventivité de la période humaniste, dont les expérimentations actuelles sont les héritières.

Nous rejetterons votre lubie autoritaire et resterons dans la tradition d’une langue française riche et inventive.

Mme Isabelle Périgault (LR). Notre rapporteur le disait, le français est la langue officielle de notre nation depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Depuis plusieurs siècles, il est le ciment de la nation et le socle de l’administration ; grâce à lui chacun de nos concitoyens se sent appartenir à la même communauté : la communauté nationale.

Notre langue est confrontée à de multiples défis : baisse du niveau des élèves en lecture et en orthographe, usage croissant de l’anglais et du franglais dans les médias mais aussi dans toute la société, recul de l’apprentissage du français dans le monde et de son usage dans les instances internationales, dans les échanges économiques, dans la recherche et l’enseignement. La langue française est donc fragile.

L’écriture dite « inclusive » a l’ambition de transformer la société en faisant évoluer le langage ; elle déstructure la langue, porte atteinte à sa lisibilité et plus fondamentalement à son universalité. Dans sa lettre ouverte sur l’écriture inclusive publiée en 2021, l’Immortelle Hélène Carrère d’Encausse écrivait : « Une langue procède d’une combinaison séculaire de l’histoire et de la pratique, ce que Lévi-Strauss et Dumézil définissaient comme “un équilibre subtil, né de l’usage”. » En prônant une réforme immédiate, totalisante, de la graphie, les promoteurs de l’écriture inclusive violentent les rythmes d’évolution du langage ; cette injonction brutale, arbitraire et non concertée méconnaît l’écologie du verbe.

Langue de Molière, de Voltaire, d’Aragon, de Duras ou de d’Ormesson, le français est admiré et plébiscité dans le monde. Ce n’est pas pour rien qu’il est encore la langue de la diplomatie. Le français a su évoluer au cours de sa longue histoire, gagner en simplicité et en clarté.

Parce que le français est notre destinée commune et qu’il s’est montré essentiel pour souder la nation et assurer sa pérennité, il semble important au groupe Les Républicains, dans la continuité du travail de nos collègues du Sénat, que le législateur agisse et protège notre langue contre les dérives de l’écriture inclusive.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Voici, après celle du Rassemblement national, une nouvelle proposition de loi visant l’écriture inclusive : mêmes causes, mêmes effets. Nous rappelions il y a peu à quel point il était inutile de légiférer et de polémiquer sur le sujet alors que les circulaires d’Édouard Philippe, Premier ministre, et de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, sont claires : les administrations de l’État doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme. Le recours à l’écriture inclusive qui utilise le point médian est en outre proscrit dans le cadre de l’enseignement.

Au-delà de cet argument, la rédaction même de votre texte pose problème. On notera d’abord le paradoxe d’une proposition qui, en inscrivant l’écriture dite inclusive au sein même d’un texte législatif, lui donne en réalité une forme d’existence, de légitimité – pourtant bien discutable, tant ses règles restent floues. « Iel » semble devenir par le truchement de votre loi un mot grammatical ; or n’est-il pas agrammatical quand seul le Robert l’intègre au dictionnaire ? On peut au moins se poser la question.

La fin de l’alinéa est encore plus problématique : on peut se demander si, avec votre rédaction, on pourra saluer dans une assemblée des directrices ou des spectatrices quand existent les génériques directeurs et spectateurs. C’est bien plutôt la coexistence au sein du même mot des désinences masculine et féminine qu’il faudrait pointer.

La langue n’a simplement pas vocation à être réglementée. L’Académie française veille à la clarté de la langue ; elle est une vigie indispensable et reconnue. Malgré tout, le principe reste l’usage, et la liberté d’expression s’impose depuis toujours, l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 instaurant l’emploi de la langue française « et non autrement ».

L’écriture inclusive est un phénomène marqué politiquement. On sait de quel bord viennent ces textes. L’intelligibilité de ces usages est clairement remise en cause – et ne parlons pas de la facilité à l’enseigner. Cela rend très peu probable sa généralisation. Laissons donc notre langue vivre. Sa morphologie et sa syntaxe n’ont jamais été régies par la loi : l’usage est le législateur suprême en ce domaine.

M. Inaki Echaniz (SOC). À la lecture de ce texte, j’ai eu comme un goût de déjà-vu. Nous étions en effet il y a quelques semaines déjà réunis ici pour débattre d’une proposition de loi du Rassemblement national sur le sujet. Je le redis : la langue est le reflet de la société et de ses évolutions : pas plus révolution que menace, l’écriture inclusive invite à repenser nos représentations. La seule chose mise en danger est la domination du masculin sur le féminin, de l’homme sur la femme ; c’est contre cela, au fond, que vous souhaitez légiférer.

J’étais ce matin en commission des Affaires économiques pour débattre de la proposition de loi de M. Thibault Bazin qui porte sur un vrai sujet : la crise du logement. Mais elle est inscrite bien après votre texte inutile sur l’écriture inclusive. Où sont donc vos priorités, mesdames et messieurs du groupe Les Républicains ?

Pire, alors qu’une large majorité des députés avait voté en commission des Affaires économiques en faveur d’un texte transpartisan destiné à réglementer les meublés de tourisme, sujet important pour les habitants permanents et les élus locaux, soutenus par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, par France urbaine, par les sénateurs LR et par les élus locaux LR, vous avez choisi de refuser la procédure de législation en commission qui aurait permis une adoption rapide du texte. Plutôt que de résoudre les problèmes des Français, vous préférez faire du transpartisan avec le RN. Les principales dérives que je vois ici ne sont pas celles de notre langue, mais celle de votre groupe, qui tangue dangereusement vers l’extrême droite en reprenant ses thèmes de travail.

Le groupe Socialistes votera contre cette proposition.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). La langue française est sans doute notre bien commun le plus précieux, le cœur de notre identité et un patrimoine immatériel qu’il nous faut préserver et transmettre. Dès l’émergence de l’écriture inclusive, les demandes d’interdiction du point médian et de formules grammaticales telles que « iel » se sont multipliées. Ce n’est pas anodin et j’y vois le signe de l’attachement que les représentants de la nation, et à travers eux une majorité écrasante des Français, portent à la langue française.

Or celle-ci, ou plutôt son usage, est mal en point. Le français doit déjà faire face à de multiples écueils : baisse du niveau des élèves en lecture et en orthographe, usage croissant de l’anglais et du franglais dans les médias et dans la société, recul de l’apprentissage du français dans le monde et de son usage dans les instances internationales.

Depuis quelques années, il se trouve devant un nouveau défi : un militantisme impose des usages grammaticaux et typographiques qui enlaidissent notre français, le rendent confus et même impraticable pour toutes les personnes qui rencontrent des difficultés de lecture. Ces formes d’écriture promues par une minorité activiste et lettrée sont tout à fait décalées par rapport aux difficultés quotidiennes des femmes, par exemple, dans notre société. On n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots pour rendre la langue française lisible, comme le soulignait le président de la République lors de l’inauguration de la Cité internationale de la langue installée au château de Villers-Cotterêts. Ces règles sont impuissantes à apporter des avancées concrètes pour l’égalité entre les hommes et les femmes, ou encore contre les violences faites aux femmes : leur seul pouvoir est un pouvoir de nuisance pour tous les locuteurs atteints de handicaps et de troubles dys.

Dès 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a publié une circulaire relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel qui impose le respect des règles de grammaire et de typographie en vigueur. Ce combat avait été ensuite repris par notre collègue François Jolivet, dont je salue le travail.

Les députés du groupe Horizons sont toujours déterminés à défendre ce patrimoine culturel inestimable et voteront cette proposition de loi présentée par le groupe Les Républicains. Nous défendrons deux amendements : le premier vise à préserver la liberté d’expression dans l’enseignement supérieur, le deuxième à s’assurer que les personnels, les étudiants et doctorants de ces établissements, qu’ils soient publics ou privés, ne puissent jamais à l’avenir être tenus d’utiliser l’écriture inclusive ni encourir des pénalités s’ils refusent de le faire.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Une lubie rétrograde, réactionnaire et antiféministe revient une nouvelle fois s’inscrire à l’ordre du jour de notre commission. Nous nous interrogeons sur vos priorités : vous préférez reprendre à votre compte les sujets qui passionnaient l’extrême droite il y a quelques semaines plutôt que de débattre de notre belle langue française et de son évolution.

Il faut donc le répéter : le langage est le reflet des évolutions de notre société ; notre langue est belle lorsqu’elle est en mouvement, lorsqu’elle n’est plus figée, lorsqu’elle s’inscrit dans le sens du progrès : celui de l’égalité et du féminisme. En trois ans, c’est la douzième fois que nous allons débattre de ce qui vous hérisse : ici un point médian, là des néologismes, ailleurs une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine, et j’en passe.

Échangeons sereinement. Une question se pose à nous et aux générations futures : comment enrichir notre langue ? Comment la magnifier, guidés par la boussole de l’égalité ? Voilà quelle devrait être notre aspiration collective. Nous regrettons qu’après le RN et LR, le Président de la République lui-même réaffirme une énormité poussiéreuse et sexiste selon laquelle le masculin ferait le neutre. Vous êtes à côté de la plaque si vous pensez comme lui qu’il ne faut pas céder à l’air du temps. La langue française n’a pas besoin d’être féminisée ; elle est déjà équipée pour l’égalité, notre matrimoine en regorge d’exemples. Et si c’est dans l’air du temps que de vouloir parler de façon moins sexiste en s’appuyant sur de nouvelles ressources, eh bien, un peu de modernité ne fera de mal à personne dans notre institution.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). La position du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires n’a pas évolué depuis un mois. L’expression la plus contestée de l’écriture inclusive, le point médian, a fait l’objet de plusieurs circulaires qui en ont déconseillé ou proscrit l’usage, notamment pour les documents officiels et pour l’enseignement scolaire. Ces dispositions nous paraissent suffisantes.

En outre, la circulaire est ici plus adaptée que la loi, car la langue évolue. Elle permet aussi le respect du principe constitutionnel de liberté d’expression. Par ailleurs, le texte interdit tout aussi bien le point médian que les termes épicènes ou encore les néologismes, qui ne nuisent pourtant pas la compréhension des phrases. La proposition de loi s’applique de manière très large aux contrats de droit privé ainsi qu’à l’enseignement supérieur. C’est pour nous une contrainte disproportionnée à la liberté d’expression.

Nous rappelons enfin que la loi Toubon, que ce texte cherche à compléter, a manqué sa cible : alors qu’elle devait lutter contre l’hégémonie de l’anglais, elle n’a fait obstacle qu’aux langues régionales.

Notre groupe estime que le législateur doit se montrer très prudent lorsqu’il cherche à encadrer l’usage de la langue, au risque de la standardiser et d’en contraindre l’évolution.

Nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je vais donner la parole pour les questions individuelles.

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Je salue l’adoption de ce texte par le Sénat. J’avais moi-même déposé en septembre 2021 une proposition de loi visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive par les administrations publiques, les personnes morales en charge d’une mission de service public et les bénéficiaires de subventions publiques. C’est l’intelligibilité de notre langue qui est remise en question par l’écriture inclusive, qui peut difficilement être lue telle qu’elle s’écrit : cette distorsion rend malaisée la verbalisation intérieure et donc l’assimilation du message qui veut être transmis. Pour certaines personnes, elle pénalise gravement la compréhension ; elle discrimine gravement ceux qui sont atteints de troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Cette écriture n’a donc d’inclusive que son nom ; elle est facteur d’exclusion, là où la République veut rassembler les Français autour d’une même langue compréhensible par tous. La loi Toubon est malheureusement trop peu respectée. Comment s’assurer que l’interdiction de l’usage de l’écriture inclusive le sera ?

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je précise que cette proposition de loi a été déposée par notre collègue sénatrice Pascale Gruny le 26 janvier 2022. Elle a été adoptée il y a quelques semaines, Cédric Vial, sénateur de la Savoie, en ayant été le rapporteur. Nous n’avons pas attendu le Rassemblement national pour travailler sur ce sujet, et nous n’avons pas de leçons à recevoir.

Il faut en effet consacrer la beauté et la complexité de notre langue, et éviter un dévoiement idéologique. Je suis choquée par les arguments des opposants à ce texte : je suis une femme, membre du groupe Les Républicains, et je prône l’égalité ; je ne me reconnais nullement dans l’idée que maintenir l’intégrité de notre langue et son caractère compréhensible signifierait que nous acceptons une société patriarcale et machiste. Les femmes, chez Les Républicains, ont suffisamment de caractère pour savoir qu’il faut distinguer les problèmes. Mais vous êtes dans l’idéologie.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. L’application de cette loi reposera sur l’idée de statut d’ordre public : le cas échéant, le juge pourra agir et constater par exemple la nullité d’un contrat. Des recours pourront être exercés devant le tribunal administratif contre une autorité publique, une collectivité locale, une société chargée d’une mission de service public. Il n’est pas question d’assortir cette règle de sanctions pénales, même si vous savez comme moi, hélas, ce qu’il en est des règles qui ne sont pas assorties de sanctions. L’application de cette loi repose sur l’idée de risque juridique : un bon avocat ne prendra pas le risque de rédiger un contrat en écriture inclusive.

Je remercie Mme Bonnivard d’avoir rappelé que nous avons été à l’origine de ce texte au Sénat.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Interdiction de l’usage de l’écriture dite inclusive dès lors que le droit exige l’utilisation du français

Amendements de suppression AC1 de M. Inaki Echaniz et AC11 de Mme Sarah Legrain

M. Inaki Echaniz (SOC). Vous préférez perdre du temps sur l’écriture inclusive, faux débat et faux problème, plutôt que de laisser la place à votre collègue Thibault Bazin pour évoquer le logement, vrai sujet qui concerne l’ensemble des Français et sur lesquels nous étions prêts à travailler tous ensemble. Le texte sur les meublés touristiques a été plébiscité par les élus locaux LR et les sénateurs LR mais se voit entravé par une poignée de députés LR qui préfèrent protéger leurs privilèges que se mettre au service des habitantes et des habitants de ce pays. (Vives protestations parmi les députés des groupes LR, RE et HOR.)

Je demande donc la suppression de cet article.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, chaque groupe est libre de choisir les textes qu’il inscrit à l’ordre du jour de sa niche parlementaire et de s’exprimer comme il l’entend. Je souhaite que nous nous écoutions les uns les autres.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). On comprend bien votre projet : sauver le Rassemblement national. Vous vous focalisez donc sur les néologismes et le point médian pour éviter le ridicule vécu au moment de leur niche. Vous êtes comme eux obsédés par la réglementation de la langue, par la volonté d’interdire, tout en expliquant qu’il ne s’agit nullement de combattre la promotion de telle ou telle pratique, que cette proposition de loi n’est pas un texte de combat et ne vise nullement à s’inscrire contre la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je vous prends au sérieux et j’ai une question simple. Des études mettent en évidence que le langage influence les représentations ; il a aussi été démontré que les graphies qui permettent de mettre en avant les deux genres – double flexion, point médian, majuscules, abréviations de toutes sortes – sont plus efficaces pour lutter contre les biais sexistes inconscients que la graphie neutre qui a plus tendance à les perpétuer. Vous voulez interdire toutes les expérimentations destinées à rendre la langue inclusive : que proposez-vous pour en finir avec les représentations responsables du sexisme et de l’autocensure des femmes charriées par la langue ? Comment entendez-vous garantir la vitalité de la langue française, puisque si vous nous proposez d’interdire des usages, vous ne proposez d’en favoriser aucun ?

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je sais bien que l’on cite toujours la phrase de Vaugelas, mais je vous rappelle que c’est un texte à peu près isolé, compilation de propos tenus dans les salons où se faisait la culture, et où c’était d’ailleurs généralement les femmes qui donnaient le ton – l’esprit féminin de ce temps était rayonnant. Il ne faut pas sortir les citations de leur contexte.

Plus sérieusement, sur le fond, je vous répondrai que contrairement à ce que vous laissez entendre, en dehors de quelques études bien identifiées idéologiquement, la langue n’est pas une superstructure ; l’usage et la tradition ont formé d’une langue à l’autre des expressions grammaticales qui n’ont rien à voir avec le genre. Je vous disais que je viens de la commission de la Défense : quand on demandait à une estafette d’aller voir une sentinelle, du temps où l’armée n’avait pas été féminisée, ces deux fonctions étaient exercées par des hommes. Pensons à l’Allemagne : en allemand, la jeune fille se dit das Mädchen, un mot neutre ; tout le monde sait pourtant que la jeune fille est du genre féminin. S’agissant des représentations mentales, la puissance et la gloire sont deux termes féminins. Si je vous renvoie à la matrice de l’organisation politique de l’Occident, l’empire romain, l’empereur dispose de la potestas et de l’auctoritas : deux termes féminins. J’ignorais que des femmes avaient exercé l’imperium à Rome ! Cela prouve que les genres n’ont rien à voir avec la langue.

Pour le reste, votre écriture inclusive est en réalité exclusive. J’ai reçu des associations de personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse de handicap visuel ou de dyslexie : cette écriture aggrave considérablement les difficultés qu’elles rencontrent.

Enfin, notre langue est un trésor qui doit être aussi un outil axiologiquement neutre, c’est-à-dire qui ne porte pas une valeur.

Quand vous imposez à des étudiants de répondre en écriture inclusive, ou même quand l’usage en est possible pour les examens, je veux bien croire à la neutralité du professeur mais on sait qu’existera la tentation de prendre une décision en fonction de cela. Il en va de même pour les magistrats. Je m’autorise une anecdote. J’étais avocat avant d’être député ; quand les titres ont été féminisés, dans certaines cours, il fallait dire « madame la présidente » à moins de passer pour un abominable réactionnaire ; dans d’autres, si vous aviez le malheur de dire « madame la présidente », vous vous faisiez allumer. C’est du vécu, des souvenirs cuisants, je vous l’assure. Ne refaisons pas la même chose. Notre langue est un trésor qui ne doit revêtir aucune dimension idéologique.

Je suis bien sûr opposé à ces amendements.

Mme Caroline Yadan (RE). Je suis opposée à ces amendements. Notre priorité doit être la lisibilité de notre langue ; il ne faut pas laisser de côté des personnes qui rencontrent des difficultés de lecture, qui pourraient être en situation de handicap. Imposer des textes en écriture inclusive aux personnes dys, c’est les exclure. La parité ne passe pas par la typographie d’une langue ou par la remise en cause des règles grammaticales dans une totale anarchie. Interdire la typographie spécifique de l’écriture inclusive, c’est faire montre d’humanisme et de volonté d’inclusion, donc aller dans le sens du progrès et de la liberté.

M. Julien Odoul (RN). Il y a un aveuglement idéologique à laisser croire que la langue serait responsable de tous les maux de la condition féminine. C’est une vue de l’esprit, du militantisme d’extrême gauche. Je rappelle à nos collègues de La France insoumise que Marie Curie n’avait pas besoin de point médian, que Lucie Randoin n’avait pas besoin de tirets, que Simone de Beauvoir n’avait pas besoin de néologismes, de mots inventés, et que Simone Veil n’a jamais revendiqué cette écriture dite inclusive pour mener la carrière qu’elle a menée. La langue n’est responsable ni des inégalités de salaires, ni de la paupérisation des femmes, ni de l’insécurité – que vous refusez de voir, d’ailleurs.

Arrêtez d’instrumentaliser la langue et revenons au concret.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Vous nous parlez de trésor et de patrimoine comme si notre langue était une pièce de musée alors qu’elle évolue en permanence, et partout dans le monde.

L’utilisation du point médian, c’est un outil d’abréviation. Quand vous lisez « Mme », vous prononcez « madame » ; quand vous lisez « 1er », vous prononcez « premier ». Vous savez lire une abréviation !

En tant que dyslexique, j’avoue peu apprécier de servir d’alibi pour justifier de la non-utilisation d’une abréviation. Vous vous entêtez à ne pas voir l’écriture inclusive comme un outil qui permet à une partie de la population qu’on la considère.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je suis pour la suppression de l’article, qui consacre en réalité dans la loi l’existence de l’écriture inclusive.

La proposition de loi est extrêmement mal écrite. Je suis tout de même lettrée, et je ne comprends rien à la définition donnée à l’alinéa 2 : « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à introduire des mots grammaticaux constituant des néologismes » – je rappelle que les mots grammaticaux, ce sont des mots de liaison. Le point médian n’est même pas mentionné ! Et si nous interdisons, comme le demande cet alinéa, la substitution « à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, [d’]une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine », nous ne pourrons plus saluer ni les spectatrices ni les directrices !

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous dites que la langue est le fruit des usages et des traditions : cela veut bien dire qu’elle n’est pas le fruit de la loi, mais de rapports sociaux et de mouvements parfois contradictoires. Vaugelas n’était pas du tout isolé dans sa conception du genre masculin ; si vous le voulez absolument, je peux vous citer François-Eudes de Mézeray, de l’Académie française, qui disait « préférer l’ancienne orthographe, qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes ». Au dix-septième siècle, il y a eu un mouvement qui a voulu reviriliser la langue, les historiens l’ont démontré : des mots féminins ont disparu, et de nouvelles règles d’accord ont été imposées qui n’étaient même pas celles utilisées par Corneille ou Racine. L’évolution pousse aujourd’hui certains et certaines à mener des expérimentations pour rendre la langue plus inclusive. Nous ne vous proposons pas de les inscrire dans la loi, mais de respecter ce que la langue française a toujours été : le fruit de ses usages, mais aussi des tensions et des contradictions qui traversent la société.

Monsieur Odoul, toutes les femmes que vous avez citées ont dû se battre pour obtenir leur place !

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je suis heureux que nous en soyons à discuter de Vaugelas et de Mézeray en 2023. Une évolution de la langue et des débats ont eu lieu au XVIIIe siècle, mais nous sommes au XXIe siècle.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC5 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (RE). Cet amendement vise à réécrire l’alinéa 2, en supprimant notamment la référence à l’« écriture dite inclusive », en accord avec une approche plus pragmatique et moins idéologique.

Cette rédaction est juridiquement meilleure. On parle aujourd’hui d’écriture inclusive, mais cette écriture spécifique utilisant le point médian pourrait prendre demain un autre nom. L’amendement ne vise pas à changer la portée de l’alinéa, mais à reprendre les termes employés dans la circulaire de 2017.

Le point médian entraîne par définition une double lecture, ce qui est le contraire d’une abréviation.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. L’amendement permet de clarifier la rédaction. Ce texte a vocation à être pratique, à nous réunir et à apporter des résultats.

L’expression « mots grammaticaux », qui désigne une classe de mots par opposition aux mots lexicaux, est familière aux linguistes. Mais elle peut en effet paraître obscure au lecteur des textes, ce qui va à l’encontre des principes d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, auxquels cette proposition montre combien je suis attaché.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC6 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (RE). L’alinéa 3 prévoit d’interdire l’usage de pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, dans les publications, revues et communications mentionnées à l’article 7 de la 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, ou « loi Toubon ».

L’amendement propose de limiter cette interdiction aux seules personnes morales de droit public et aux personnes privées exerçant une mission de service public. Nous estimons qu’il n’est pas possible d’étendre une telle interdiction aux personnes bénéficiant d’une subvention publique – et donc aux associations. Une telle mesure serait probablement inconstitutionnelle.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Comme Mme Amiot a indiqué que ma voix portait, je vais m’éloigner du micro.

Je ne suis pas spontanément convaincu par cet amendement, même si j’admets qu’il peut y avoir un débat sur la constitutionnalité de la mesure. Je crains que la rédaction que vous proposez fasse perdre un peu de son efficacité au dispositif. Mais l’essentiel est de nous rassembler le plus largement possible en faveur de ce texte. Avis de sagesse.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Je ne souhaite pas que Jean-Louis Thiériot parle moins fort. Je ne crois pas que la même remarque aurait été faite s’il avait été une femme. Cela s’appelle de la misandrie – c’est-à-dire l’inverse de la misogynie.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Je suis hypersensible au bruit et je me suis sentie physiquement agressée. Je ne vous permets pas de m’accuser de misandrie ! Ma remarque a été formulée de manière bienveillante et hors micro.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Des collègues féminines ont également la voix qui porte et jamais nous n’aurions osé leur en faire la remarque, car c’est leur façon d’être. Votre observation était d’autant plus déplacée que nous débattons d’égalité.

Pour ma part, je ne souhaite pas que le féminin l’emporte sur le masculin.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je remercie Émilie Bonnivard pour ses propos. Rassurez-vous, je n’ai pas eu le sentiment d’être victime de misandrie.

Cela étant dit, nous discutons d’un sujet sérieux auquel il faut apporter des réponses sérieuses. Je propose que l’on continue à avancer. Membre de la commission de la Défense, je suis habitué à des débats sur l’emploi de la force qui sont beaucoup plus calmes…

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC7 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (RE). L’amendement propose de supprimer l’alinéa 4, qui prévoit que tout acte juridique qui comporterait l’usage de l’écriture dite inclusive serait nul de plein droit. Cela contrevient au principe de la liberté contractuelle, définie par l’article 1102 du code civil. Cet alinéa présente le risque d’être inconstitutionnel et il n’est pas opportun de le conserver.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Avis de sagesse, dans le même esprit que pour les précédents amendements.

Il y a plus que matière à débat sur ce sujet. Je me suis entretenu avec un certain nombre d’avocats et tous m’ont assuré que personne ne prenait le risque de rédiger un contrat en écriture inclusive, car cette langue n’est pas intelligible. Mais ne prenons pas de risque en matière de constitutionnalité.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC8 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (RE). L’article 1er insère un nouvel article au sein de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, et il prévoit que ce même article est d’ordre public – ce que l’article 20 de cette loi prévoit déjà. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser de nouveau.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Vous avez parfaitement raison d’un point de vue légistique, mais cela ne serait pas la première fois qu’un texte comprendrait des redondances. Nous avions choisi de mentionner de nouveau que l’article était d’ordre public du fait de sa portée symbolique forte.

Avis de sagesse.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je salue cette belle séquence au cours de laquelle nous avons vu fusionner les forces de la Macronie et celles du groupe Les Républicains, sous les applaudissements du Rassemblement national. Nous voyons bien la manœuvre.

Je constate que des amendements qui ne retirent rien au contenu de cette proposition ont été délibérément déposés pour vous fournir des arguments qui justifient le fait de voter en sa faveur à la fin. Vous obligez le rapporteur à donner des avis favorables ou de sagesse. Il aurait été plus honnête de dire d’emblée que vous êtes d’accord avec sa proposition. Vous retirez la référence à l’écriture inclusive pour vous donner bonne conscience. Assumez vos convergences jusqu’au bout, cela nous fera gagner du temps.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC13 de M. Jérémie Patrier-Leitus et sous-amendement AC17 de M. Jean-Louis Thiériot

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). L’interdiction d’utiliser l’écriture inclusive prévue par le sixième alinéa concerne à la fois les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur.

Cette interdiction est pertinente – et même indispensable – dans le primaire et le secondaire, compte tenu des enjeux d’apprentissage et de perfectionnement de la langue française. Mais elle ne l’est pas dans l’enseignement supérieur où, de plus, prime la liberté d’expression des enseignants et des chercheurs – laquelle est consacrée par article L. 952-2 du code de l’éducation.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. L’un des objectifs importants de cette proposition consiste à éviter que l’enseignement supérieur, public ou privé, ne soit pris en otage par des combats idéologiques liés à la langue. Nous sommes bien évidemment favorables à la liberté de l’enseignement, garantie par la Constitution. Nous n’allons pas réglementer la manière dont les professeurs font leur cours.

En revanche, mon sous-amendement propose d’interdire l’utilisation d’une langue et d’une écriture qui ne sont pas axiologiquement neutres lors des examens, des concours ou du contrôle continu.

Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Je suis contre le sous-amendement et l’amendement.

Il ressort des débats que les actes juridiques ne peuvent pas être nuls s’ils sont écrits en écriture inclusive. L’utilisation de cette dernière demeurerait possible dans l’enseignement supérieur, hormis pour les examens, le contrôle continu et les concours. J’appelle votre attention sur le fait que, de la sorte, vous êtes en train de consacrer l’usage de l’écriture inclusive pour les actes juridiques et à l’université, en dehors des examens et concours.

La loi n’a pas à intervenir sur la manière d’écrire.

Mme Caroline Yadan (RE). Il faut distinguer entre l’enseignement supérieur, et l’enseignement scolaire. L’amendement a été déposé me semble-t-il pour tenir compte du fait que la liberté des chercheurs universitaires est reconnue par le code de l’éducation.

Il en est de même pour le sous-amendement. Si le Conseil constitutionnel a consacré le principe de liberté des chercheurs à l’université, il faut interdire l’utilisation de l’écriture inclusive pour les examens, les concours et le contrôle continu, afin d’éviter de créer une rupture d’égalité entre les candidats habitués à cette pratique et les autres

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je vais m’opposer à cet amendement, mais je veux quand même souligner que quelques petites lueurs de bon sens surgissent dans cette commission. Tant mieux.

Je remercie tout d’abord M. Patrier-Leitus de s’être souvenu qu’il existait une chose qui s’appelle la liberté d’expression des enseignants-chercheurs. Il est bon que quelqu’un se le rappelle au sein de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation. Je le remercie donc d’avoir déposé cet amendement, même si je suis en désaccord avec l’idée d’interdire l’écriture inclusive dans le primaire et le secondaire.

Je salue Mme Bannier, avec qui nous avons des désaccords sur ce qu’il faut penser de l’écriture inclusive mais qui s’en tient avec bon sens à un principe fondamental qui est en train d’être balayé : la manière d’écrire n’a pas à être fixée par la loi. C’est pourtant ce que vous êtes en train de faire, chers collègues, et c’est délirant.

Nous pourrions avoir des débats passionnants sur les expérimentations linguistiques, leurs champs et leur efficacité. Peut-être pourrait-on organiser une table ronde avec des experts, qui nous parleraient des effets de l’écriture inclusive.

Mais il est incroyable de constater qu’après votre apologie de la sédimentation des usages, vous finissez par décider que la langue française est le produit de la loi – comme si vous étiez des académiciens en herbe.

M. Roger Chudeau (RN). Je crois que ce débat montre que l’on confond deux choses : le français comme langue d’enseignement et le français comme objet d’études.

Le premier est la langue de la République. C’est le français courant et il doit être utilisé aussi bien à l’université – sans être maltraité par l’écriture inclusive – que dans l’enseignement primaire et secondaire.

Par ailleurs, il n’y a aucun problème dans le fait que des universitaires décident d’étudier la langue de près, y compris sous l’angle de l’écriture inclusive. Personne ne cherche à s’en prendre aux libertés académiques.

Cet amendement repose sur une confusion et nous nous y opposerons, car nous considérons qu’il ne faut pas permettre de malmener la langue française lorsqu’elle est utilisée comme langue d’enseignement dans le supérieur.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AC14 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Depuis 2015, plusieurs établissements d’enseignement supérieur ont instauré l’écriture dite inclusive dans leurs cours ou leur communication interne. À cette fin, des chartes et guides ont été mis à disposition des étudiants et enseignants. Certaines institutions ont voulu aller plus loin dans l’adoption de cette graphie, à l’exemple du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) qui s’est présenté à partir de 2017 comme une école « d’ingénieur·e », en utilisant le point médian.

Cet usage dans les universités a créé de nombreuses polémiques. Si les exemples sont rares, il paraît néanmoins pertinent de se prémunir contre le risque que des établissements soient tentés de contraindre leur personnel enseignant ou administratif à utiliser l’écriture inclusive.

Cet amendement vise donc à empêcher les établissements d’enseignement supérieur publics et privés d’imposer des pratiques telles que le point médian au personnel ou aux étudiants et doctorants, et d’en faire un motif de sanction ou de pénalité.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je suis vexé de ne pas avoir pensé à rédiger cet amendement moi-même. Merci pour cette leçon d’humilité. Cette modification est extrêmement utile et permettra de lutter contre un certain nombre de dérives.

Mme Caroline Yadan (RE). Je suis favorable à cet excellent amendement.

Les dérives existent. Je connais quelqu’un à Sciences Po que l’on l’oblige à utiliser l’écriture inclusive et qui sait qu’elle sera sanctionnée si elle refuse de le faire. Elle résiste pour l’instant, mais sa position est extrêmement délicate.

Il faut donc, bien sûr, éviter que tous ceux qui refusent d’utiliser ce type d’écriture soient sanctionnés.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Vous montrez toute la défiance dont vous faites preuve envers les enseignants, mais aussi envers les sciences sociales enseignées dans les établissements d’enseignement supérieur que vous avez mentionnés. Elles peuvent précisément conduire à utiliser l’écriture inclusive.

Vous êtes obsédés par la graphie et le point médian, alors qu’en réalité il suffit de développer « d’ingénieur·e » en « ingénieur et ingénieure » – à moins que même « ingénieure » vous pose problème.

En tout cas, bravo pour cette belle jonction entre groupes. Il ne manquait qu’Horizons et apparentés.

Je salue la résistance de nos collègues du groupe Démocrate.

M. Laurent Croizier (Dem). Pas du tout !

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Soyons précis, madame Legrain. Mon amendement propose simplement de ne pas sanctionner des étudiants ou des enseignants qui n’utiliseraient pas l’écriture inclusive. J’ai présenté auparavant un amendement qui refusait que l’on interdise l’écriture inclusive dans l’enseignement supérieur.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Création d’un délai d’application pour certaines dispositions de la loi

Amendement AC12 de M. Léo Walter

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je vais en profiter pour répondre à l’un des arguments qui a été avancé en faveur de cette proposition de loi et qui concerne la situation des personnes en situation de handicap. Elles sont souvent brandies contre l’écriture inclusive, en réduisant cette dernière au seul point médian.

Nous avons auditionné des associations qui représentent ces personnes. Il apparaît que l’apprentissage de la langue peut être rendu plus compliqué à l’école primaire par l’usage du point médian – mais pas par le reste de l’écriture inclusive. Cependant, ce point médian ne présente pas de difficultés pour des adultes qui souffrent ou ont souffert de dyslexie. Ce n’est pas plus compliqué pour eux que de lire des abréviations.

En revanche, beaucoup de représentants d’associations ont indiqué qu’ils trouvaient stigmatisant d’être systématiquement instrumentalisés, tels des boucliers, par les auteurs de propositions de loi qui visent à s’opposer à certains développements du mouvement féministe.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Avis défavorable.

Je rappelle que nous n’avons pas auditionné des personnes handicapées de manière individuelle. Nous avons reçu des représentants du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Nos idées ne sortent donc pas du chapeau ; elles sont issues des auditions que nous avons effectuées dans le cadre de cette proposition de loi.

Mme Caroline Yadan (RE). Il est triste que certains collègues nous accusent d’instrumentalisation.

Françoise Garcia, vice-présidente de la Fédération nationale des orthophonistes, estime que « l’écriture inclusive ajoute de la confusion dans la conversion entre ce qu’on entend et ce qu’on écrit », car le travail de conversion graphophonétique est difficile pour les dyslexiques.

Nous n’inventons rien et n’instrumentalisons personne. Cette proposition concerne aussi l’inclusion de tous dans la société, y compris, ne vous en déplaise, ceux qui ont des difficultés d’apprentissage.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Les organisations représentatives des personnes en situation de handicap sont diverses, comme celles qui représentent les professionnels de santé. Nous avons aussi rencontré des représentants d’associations, et la Fédération française des Dys nous a indiqué que l’écriture inclusive n’était pas forcément un obstacle pour les adultes.

La difficulté soulevée par les orthophonistes tient au fait que dans la langue française l’écart est particulièrement grand entre la phonétique et la graphie – ce qui nous ramène à la question de la simplification de l’orthographe.

Pourquoi ceux qui s’obstinent contre le point médian et font croire qu’il envahit la moindre de nos phrases sont-ils aussi ceux qui s’évanouissent lorsque l’on évoque une éventuelle réforme de l’orthographe ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AC9 de Mme Caroline Yadan et AC15 de M. Jérémie Patrier-Leitus, sous-amendement AC18 de M. Jean-Louis Thiériot

Mme Caroline Yadan (RE). L’amendement précise que la loi s’appliquera à l’ensemble des documents dont la loi exige qu’ils soient écrits en français, dès lors qu’ils sont rédigés postérieurement à son entrée en vigueur – ce qui correspond aux termes retenus dans la loi Toubon.

En effet, l’article prévoit que la loi s’applique aux contrats et avenants conclus postérieurement à son entrée en vigueur, c’est-à-dire aussi aux actes sous seing privé. Cela contreviendrait sans nul doute au principe de liberté contractuelle. Ne prenons pas de risques.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Le sous-amendement est purement rédactionnel.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Titre

Amendement AC10 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (RE). Comme nous avons pour l’essentiel parlé de l’intelligibilité de la langue française, je propose ce nouveau titre : « Proposition de loi visant à protéger l’intelligibilité de la langue française ».

Cela permettra à chacun de s’approprier cette langue, y compris celles et ceux pour qui c’est plus difficile. Le fait de supprimer la référence à l’écriture dite inclusive permettra de nous protéger de formes d’écritures similaires mais qui ne porteraient pas ce nom.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Cet amendement de cohérence répond aux remarques de nos collègues selon lesquelles utiliser l’expression « écriture inclusive » contribue à l’introduire dans la loi, donc à la légitimer. Le titre proposé répond à l’esprit de cette proposition de loi, où la liberté et l’intelligibilité priment la polémique. Ainsi, nous n’avons pas à débattre des différentes acceptions que recouvre l’écriture inclusive. L’intelligibilité de la langue française est notre combat, pour le bien de tous. Avis favorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il faut souligner la beauté de cette démonstration : félicitations à Mme Yadan, qui, par ses amendements, a permis que se rejoignent l’ensemble des groupes macronistes, Modem excepté, le Rassemblement national et Les Républicains. Puisque vous parlez d’intelligibilité, il est plus honnête de dire aux Français que vous êtes en train de « dealer » autour d’une obsession commune de l’écriture inclusive, plutôt que d’essayer de modifier le titre pour faire disparaître le cadeau de noces, si je puis dire.

Tout le monde l’aura compris, je suis contre l’amendement.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il faut arrêter de compter les points pour essayer de créer des alliances qui n’en sont pas. Nous ne le faisons pas quand LFI vote différentes propositions de loi avec le Rassemblement national. Nous verrons lors de votre niche quelle position ce groupe adoptera sur vos textes.

Le combat contre l’écriture inclusive a été mené de longue date par Horizons : Édouard Philippe a signé une circulaire sur la question lorsqu’il était Premier ministre ; notre collègue François Jolivet a également déposé une proposition de loi portant interdiction de l’usage de l’écriture inclusive pour les personnes morales en charge d’une mission de service public. Nous continuons donc de défendre la langue française, en parfaite cohérence avec le président et les membres de notre groupe.

Mme Caroline Yadan (RE). Je suis navrée que vous considériez comme une attaque ce qui n’est qu’une concertation entre les différents groupes, sauf le vôtre, pour faire avancer le débat. En tant que députés, nous devons réfléchir ensemble à faire évoluer la loi, ce qui est notre travail quotidien.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Le sens de l’intérêt général a permis de dépasser les clivages. La loi est au service des Français et des Françaises.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/EIViZn

– Texte comparatif : https://assnat.fr/6PMbnQ

 


ANNEXE  1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

       M. Sami Biasoni, docteur en philosophie de l’École normale supérieure, professeur chargé de cours à l’ESSEC

       M. Franck Neveu, professeur de linguistiques françaises à l’Université Sorbonne Université, et M. Jean Szlamovicz, professeur de linguistique à l’Université de Bourgogne

       Conseil national consultatif des personnes handicapées – M. Jérémie Boroy, président, et Mme Miroslava Kachler, coordinatrice

       M. Jean-Marie Rouart, académicien

       Mme Yana Grinshpun, maître de conférences à Paris 3-Sorbonne Nouvelle

 

 


   Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Articles

Codes et lois

Numéros d’article

1er

Loi n° 94‑665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française

19-1 (nouveau)

1er

Code de l’éducation

L. 121‑3

1er bis

Code de l’éducation

L. 611‑1

 


([1]) https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/pour-ou-contre-l-ecriture-inclusive-deux-linguistes-debattent-20210330  

([2]) https://www.leddv.fr/entretien/nathalie-heinich-refuser-le-chantage-victimaire-20220107  

([3]) https://manifesto-21.com/eliane-viennot-combat-aujourdhui-cest-de-demasculiniser-langage/  

([4]) La Révolution racialiste et autres virus idéologiques (Éditions Litos, 2023)

([5]) Déclaration de Mme Nathalie Élimas, secrétaire d’État à l’éducation prioritaire, sur l’écriture inclusive qui sera désormais proscrite à l’école, au Sénat le 6 mai 2021, débat sur le thème « Écriture inclusive : langue d’exclusion ou exclusion par la langue. »

([6]) La dyslexie est définie comme une « difficulté d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe, en dehors de toute déficience intellectuelle et sensorielle, et de tout trouble psychiatrique » dans le dictionnaire Larousse.

([7]) La dysphasie est définie comme « Trouble du langage provoqué par une lésion anatomique ou une anomalie du développement du cerveau » par le dictionnaire Larousse.

([8]) https://www.ffdys.com/actualites/ecriture-inclusive-et-dyslexie-lavis-de-la-ffdys.htm

([9]) Magellan et Galilée, Questionner le monde CE2, Éd. 2017, Éditions Hatier.

([10]) Dans une décision du 11 mai 2023.

([11]) dans une décision du 14 mars 202.

([12]) Ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539, article 110 (en vigueur)

([13]) Amendement de M. Cédric Vial, rapporteur (rattaché au groupe Les Républicains).

([14]) Notamment les pronoms du type « iel ».

([15]) Proposition de loi visant à lutter contre l’écriture inclusive et protéger la langue française n° 385 (2021‑2022) de M. Étienne Blanc et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 25 janvier 2022.

([16]) Amendement de M. Cédric Vial, rapporteur (rattaché au groupe Les Républicains).

([17]) Amendement de M. Cédric Vial, rapporteur (rattaché au groupe Les Républicains).

([18]) Journal Officiel n° 147 du 26 juin 1992.

([19]) Article 111 de l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice.

([20]) Conseil d’État, 31 octobre 2022, n° 444998.

([21]) Décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999.

([22]) Article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

([23]) DC du 29 juillet 1994 sur la loi relative à l’emploi de la langue française, considérant n° 5.

([24]) « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

([25]) Conseil d’État, 7 février 1936, Jamart.

([26]) Les requérants se fondaient ainsi sur l’article 1er de la Constitution, l’article 2 du traité sur l’Union européenne, l’article 157 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail et l’article 1er de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([27]) Conseil d’État, 28 février 2019, n° 417128, considérant 5.

([28]) À savoir, les néologismes grammaticaux et la substitution à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, d’une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine.

([29]) Tribunal administratif de Grenoble, 11 mai 2023, n° 2005367, considérant 6.

([30]) Ibid., considérant 7.

([31]) Ibid., considérant 8.

([32]) Amendement de M. Cédric Vial, rapporteur (rattaché au groupe Les Républicains).

([33]) Notamment les pronoms du type « iel ».

([34]) Définition du dictionnaire Larousse.

([35]) Proposition de loi visant à lutter contre l’écriture inclusive et protéger la langue française n° 385 (2021‑2022) de M. Étienne Blanc et plusieurs de ses collègues, déposée au Sénat le 25 janvier 2022.

([36]) Amendement n°AC2 de Mme Caroline Yadan (RE).

([37])  Amendement n°AC6 de Mme Caroline Yadan (RE).

([38]) Amendement n°AC7 et AC8 de Mme Caroline Yadan (RE).

([39]) Amendement n°AC13 de M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR).  

([40]) Sous-amendement n° AC 17 de M. Jean-Louis Thiériot (LR).

([41]) Amendement n°AC14 de M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR).  

([42]) Amendement n° 3 de M. Cédric Vial (apparenté Les Républicains).

([43]) Amendement n° 4 de M. Cédric Vial (apparenté Les Républicains).

([44]) Amendement n°AC9 de Mme Caroline Yadan (Renaissance).

([45]) Amendement n°AC15 de M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR).

([46]) Sous-amendement n° AC 18 de M. Jean-Louis Thiériot (Les Républicains).

([47]) Amendement n°AC 10 du Groupe Renaissance.

([48]) https://assnat.fr/84Yd0X