N° 2071

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2054),
DE Mme ANNE-LAURENCE PETEL ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,(1)


visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie,

 

PAR Mme Anne-Laurence PETEL

Députée

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


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La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice-présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, David AMIEL, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Mme Pascale BOYER, MM. Manuel BOMPARD, Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Fabien DI FILIPPO, Grégoire de FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Guillaume GAROT, Mmes Félicie GÉRARD, Perrine GOULET, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mmes Brigitte KLINKERT, Julie LAERNOES, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anne‑Laurence-PETEL, Anna PIC, MM. Christophe PLASSARD, Jean-Pierre PONT, MM. Alexandre SABATOU, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Origines du conflit

A. Contexte Historique

1. Le Haut-Karabakh, majoritairement peuplé d'Arméniens, a été placé sous administration azerbaïdjanaise durant l'ère soviétique

2. Les tensions ethniques et territoriales existaient depuis longtemps mais étaient contenues par le pouvoir soviétique.

B. Le premier conflit (1988-1994)

1. Avec l'effondrement de l'URSS en 1991, le Haut-Karabakh déclare son indépendance, non reconnue internationalement.

2. Cela conduit à un conflit armé entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

3. Le conflit de 1991-1994 se termine par un cessez-le-feu, laissant le Haut-Karabakh et les régions avoisinantes sous contrôle arménien.

II. Période de Gel du Conflit (1994-2016)

A. Une situation stratégique gelée

1. Cessez-le-Feu et Impasse Politique

2. "Guerre de Quatre Jours".

B. Une stabilisation illusoire

1. Le Haut-Karabakh développe ses institutions politiques séparément.

2. La dépendance de l’Arménie vis-à-vis de la Russie s’accentue

III. Conquête azerbaïdjanaise (2020-2024)

A. Un basculement à l’avantage de l’Azerbaïdjan

1. Le conflit de septembre 2020 change radicalement la dynamique régionale

2. La fermeture du corridor de Latchine

3. La conquête finale du Haut-Karabakh

B. Un conflit non résolu

1. La menace contre l’intégrité territoriale de l’Arménie

2. Réaction de la France et de l’Europe

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS examinés par la commission

Proposition de résolution européenne

annexe  1 :  Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Le 19 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une nouvelle offensive militaire contre le Haut-Karabakh. Ce territoire, peuplé d’Arméniens depuis près de deux mille cinq cents ans mais annexé à l’Azerbaïdjan par Staline en 1920, fait depuis lors l’objet de revendications territoriales entre Arméniens et Azerbaïdjanais. Le Haut-Karabakh s’est proclamé indépendant le 2 septembre 1991, estimant que son avenir et sa spécificité ne pouvaient être garantis dans le cadre de la nouvelle République d’Azerbaïdjan, dont l’indépendance avait été proclamée trois jours plus tôt, et qui n’entendait pas prolonger l’autonomie fragile et limitée dont le Haut‑Karabakh avait bénéficié en tant qu’oblast autonome dans le cadre de l’URSS.

L’indépendance du Haut-Karabakh n’a jamais été reconnue par la communauté internationale, ni même par la République d’Arménie, dont une bande de territoire azerbaïdjanais le séparait. La spécificité de la région, berceau de la civilisation arménienne, n’a toutefois jamais été admise par l’Azerbaïdjan qui a toujours entendu l’absorber sans lui accorder, d’une quelconque façon, la garantie d’une préservation de son héritage historique et culturel, ou d’une relation particulière avec la République d’Arménie ou la diaspora arménienne.

Ce conflit, qui a commencé en 1988, avant même la dissolution de l’URSS, pourrait à première vue sembler avoir pris fin en septembre 2023 par une victoire militaire complète de l’Azerbaïdjan, immédiatement suivie du départ du territoire de sa population arménienne, désormais réfugiée en Arménie. Deux éléments amènent toutefois à douter que ce conflit soit réellement terminé.

En premier lieu, le Haut-Karabakh est un territoire empreint d’une grande importance symbolique pour les Arméniens, qui n’acceptent pas son absorption brutale par l’Azerbaïdjan. Qu’il s’agisse de la préservation de son patrimoine historique arménien ou du droit au retour de sa population, le sujet n’est pas clos.

En second lieu, les ambitions territoriales de l’Azerbaïdjan ne se limitent pas à la conquête du Haut-Karabakh, mais concernent désormais le territoire souverain de la République d’Arménie voisine, puisque l’Azerbaïdjan réclame un corridor traversant l’Arménie entre son territoire principal et son exclave du Nakhitchevan.

Cette proposition de résolution européenne vise donc à attirer l’attention sur une situation qui comporte toujours des risques et dont il est souhaitable que l’Europe se préoccupe.

 

I.   Origines du conflit

A.   Contexte Historique

1.   Le Haut-Karabakh, majoritairement peuplé d'Arméniens, a été placé sous administration azerbaïdjanaise durant l'ère soviétique

Bien que l’existence d’une Arménie indépendante remonte à l’antiquité ([1]), le dernier État arménien indépendant avant l’époque contemporaine, le Royaume d’Arménie de la dynastie des Bagratides, a été conquis par ses voisins, notamment l’empire byzantin, en 1045 ([2]). Une Arménie indépendante a brièvement émergé entre 1918 et 1920, dans le contexte de la révolution russe et de la contestation du traité de Sèvres par la République turque, mais a rapidement été absorbée par la Russie soviétique, devenant une République socialiste soviétique jusqu’en 1991.

La République d’Arménie, proclamée le 21 septembre 1991, ne s’étend toutefois que sur une partie réduite du territoire qui pourrait être considéré comme historiquement arménien ([3]). Plus précisément, elle ne recouvre qu’une partie minoritaire du territoire reconnu à l’Arménie par le traité de Sèvres de 1919 qui lui accordait une partie de l’actuel Irak et, surtout, de l’actuelle Turquie. Ne reste à la République socialiste soviétique d’Arménie que le territoire revenu alors sous souveraineté soviétique, mais ce territoire est à nouveau réduit lorsque sont accordés à la RSS voisine d’Azerbaïdjan, le 5 juillet 1921, les territoires du Nakhitchevan et du Haut-Karabakh. Peuplé à moitié d’Azéris et à moitié d’Arméniens, le premier de ces territoires, le Nakhitchevan, était séparé de l’Azerbaïdjan par l’Arménie. Le second, le Haut-Karabakh, était majoritairement peuplé d’Arméniens mais séparé de l’Arménie par une portion de territoire azerbaïdjanais. Cette décision, imposée par Staline ([4]) lui-même contre l’avis des autorités locales, dans le but d’accentuer le poids du pouvoir central soviétique dans la région, impliquait cependant également que soit accordé un statut d’autonomie au territoire du Haut-Karabakh, statut auquel a mis fin l’éclatement de l’URSS en 1991.

2.   Les tensions ethniques et territoriales existaient depuis longtemps mais étaient contenues par le pouvoir soviétique.

Entre 1920 et l’indépendance des États voisins d’Arménie et d’Azerbaïdjan, les différends territoriaux et ethniques n’ont pas cessé mais ont eu lieu sous la domination d’un pouvoir central soviétique puissant qui les a généralement arbitrés en faveur de l’Azerbaïdjan, pour des raisons à la fois internes, les Arméniens s’étant soulevés en février 1921, ou diplomatiques, l’URSS cherchant à se rapprocher de la Turquie kémaliste dont les Azéris sont culturellement proches.

En tout état de cause, la politique des autorités locales azerbaïdjanaises dans les territoires du Nakhitchevan et du Haut-Karabakh a abouti à une évolution de leur peuplement en faveur des Azéris : ces derniers représentaient environ la moitié de la population du Nakhitchevan en 1920 et sa totalité en 1988. Quant au Haut‑Karabakh, sa population presque entièrement arménienne en 1920 était devenue azérie pour environ un quart en 1988.

B.   Le premier conflit (1988-1994)

1.   Avec l'effondrement de l'URSS en 1991, le Haut-Karabakh déclare son indépendance, non reconnue internationalement.

L’autodissolution de l’URSS à l’initiative de la Russie, en 1991, aboutit à transformer en États souverains des « républiques socialistes soviétiques » dont les territoires avaient été fixés par décisions administratives et les frontières délimitées sans considération du fait qu’elles pourraient un jour séparer des États n’entretenant pas nécessairement les meilleures relations.

Le territoire du Haut-Karabakh s’est donc non seulement trouvé instantanément séparé de l’Arménie, mais a également perdu son statut de relative autonomie, auparavant garanti par l’URSS et désormais refusé par la République d’Azerbaïdjan. Le territoire du Nakhitchevan, en revanche, faisait partie de la République d’Azerbaïdjan mais s’en trouvait séparé par le territoire de la République d’Arménie. Il convient de noter que cette région autonome est frontalière de la Turquie, alliée et soutien de l’Azerbaïdjan, contrairement au reste du territoire azerbaïdjanais.

2.   Cela conduit à un conflit armé entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

La question de l’autonomie du Haut-Karabakh n’a toutefois pas attendu la dissolution de l’URSS pour refaire surface mais a été réactivée dès le début de la Perestroïka. Le 20 février 1988, le Soviet suprême de la région autonome du Haut-Karabakh a voté le rattachement du territoire à la RSS d’Arménie, décision rejetée par la RSS d’Azerbaïdjan, tandis que des manifestations avaient lieu en Arménie et dans le Haut-Karabakh et que des violences éclataient entre communautés. Le 30 août 1991, l’Azerbaïdjan a proclamé son indépendance et annulé dans le même temps le statut d’autonomie du Haut-Karabakh, lequel a proclamé à son tour son indépendance le 2 septembre 1991. L’indépendance du Haut-Karabakh n’a cependant été reconnue par aucun État, pas même l’Arménie, jusqu’à ce jour.

3.   Le conflit de 1991-1994 se termine par un cessez-le-feu, laissant le Haut-Karabakh et les régions avoisinantes sous contrôle arménien.

Cette situation juridique est restée figée malgré une série d’affrontements armés qui ont modifié la situation sur le terrain. Le premier d’entre eux a eu lieu entre 1988 et 1994 et a tourné à l’avantage de l’Arménie qui a conquis un territoire important autour du Haut-Karabakh, reliant ainsi les Arméniens du Haut Karabakh et ceux de l’Arménie, et qui semblait pouvoir constituer une monnaie d’échange en vue d’un statut final avantageux. L’Arménie contrôlait en 1994 14 % du territoire azerbaïdjanais, 9 % si l’on exclut le Haut-Karabakh.

Outre les dizaines de milliers de morts qu’il a causées de part et d’autre, ce premier conflit a également donné lieu à des déplacements de population importants. Entre 1988 et 1990, environ 500 000 Arméniens et 200 000 Azéris ont respectivement quitté l’Azerbaïdjan et l’Arménie, dans un contexte de tensions grandissantes. Ces changements en termes de contrôle du territoire et de peuplement n’ont cependant pas permis d’aboutir à un compromis.

II.   Période de Gel du Conflit (1994-2016)

A.   Une situation stratégique gelée

1.   Cessez-le-Feu et Impasse Politique

Des négociations ont été entamées en 1992 avec l’appui du Groupe de Minsk, groupe de contact composé de huit États, formé dans le cadre de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et coprésidé par les États-Unis, la Fédération de Russie et la France, et ont duré jusqu’à la reprise du conflit en 2016. Plusieurs propositions ont été faites, notamment les « principes de Madrid » en 2007, proposant le retour des territoires entourant le Haut-Karabakh à l'Azerbaïdjan, un statut intermédiaire pour le Haut-Karabakh, et des garanties de sécurité.

Elles n’ont toutefois abouti à aucun accord, aucune des parties ne se considérant en position de devoir faire les concessions nécessaires. L’Azerbaïdjan considérait la restitution de l’ensemble des territoires conquis comme un préalable à une discussion sur le statut final du Haut-Karabakh, tandis que l’Arménie et le Haut-Karabakh exigeaient préalablement la reconnaissance de l’indépendance de ce dernier. L’Arménie se trouvait dans une position en apparence avantageuse, ayant conquis l’ensemble des territoires dont elle revendiquait un changement de statut, et même plus, mais rien n’obligeait l’Azerbaïdjan à entériner cet état de choses.

2.   "Guerre de Quatre Jours".

Le 1er avril 2016, la « Guerre des quatre jours » a débuté avec des échanges de tirs entre les forces du Haut-Karabakh et celles de l’Azerbaïdjan. Ces affrontements ont duré jusqu’au 5 avril et ont causé des pertes civiles et militaires des deux côtés, jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu prenne effet. Sans conséquences stratégiques décisives, cette brève escalade a rappelé que le conflit du Haut‑Karabakh était gelé mais pouvait reprendre d’un moment à l’autre. L’attention internationale qu’elle a suscitée n’a toutefois pas permis d’avancée notable vers un règlement.

La situation sur place est cependant demeurée tendue pendant toute la période, avec des escarmouches régulières et un renforcement progressif des capacités militaires azerbaïdjanaises.

B.   Une stabilisation illusoire

1.   Le Haut-Karabakh développe ses institutions politiques séparément.

La République du Haut-Karabakh, qui a proclamé son indépendance le 2 septembre 1991, trois jours après la déclaration d’indépendance de l’Azerbaïdjan, s’est efforcée depuis lors de présenter autant que possible les caractéristiques d’un État indépendant. La République du Haut-Karabakh, devenue la République d’Artsakh en 2017, avait en 2016 une population estimée à 151 000 habitants et sa capitale était Stepanakert. Des élections législatives et présidentielles au suffrage universel s’y sont tenues régulièrement (et simultanément après la révision en 2017 de la Constitution adoptée par référendum en 2006).

Les territoires conquis par les forces de l’Arménie et du Haut-Karabakh entre 1988 et 1994 ont été considérés comme faisant partie du territoire de ce dernier jusqu’à leur reprise par l’Azerbaïdjan, ce qui portait sa superficie à 11 500 km², la région autonome du Haut-Karabakh d’avant la guerre ne s’étendant que sur 4 400 km². Après la conquête azerbaïdjanaise de 2020, la République d’Artsakh ne s’étendait plus que sur 2 900 km².

Il convient de noter que la République du Haut-Karabakh, se considérant comme un État indépendant et doté de sa propre force armée, n’a jamais été ni reconnu comme tel, ni revendiqué en tant que territoire par la République d’Arménie, qui a plus volontiers mis en avant le principe d’autodétermination des peuples et son lien historique avec la population du Haut-Karabakh pour justifier son implication dans le conflit.

2.   La dépendance de l’Arménie vis-à-vis de la Russie s’accentue

L’Arménie, de son côté, enclavée et isolée géographiquement, a compté sur un partenariat stratégique avec la Russie pour préserver sa souveraineté, avec des résultats décevants.

Dès le 29 décembre 1991, soit trois jours après la dissolution officielle de l’URSS, l’Arménie a signé avec la Russie un traité d’amitié, de coopération et de sécurité commune prévoyant le déploiement de soldats russes le long des anciennes frontières extérieures de l’URSS (avec la Turquie et l’Iran). En 1995, la base russe de Gyumri a été prolongée pour vingt-cinq ans. Les deux pays ont signé un traité de défense commune en 1997, puis, en 2002, un accord permettant des prises de participation russes dans les secteurs énergétiques et miniers en échange du non-remboursement de la dette arménienne. La Russie contrôlait 80 % du secteur énergétique et industriel arménien en 2003.

L’accord de 2010 prolongeait encore la base de Gyumri (jusqu’en 2044) et prévoyait une assistance militaire russe en cas d’agression contre l’Arménie, faisant de cette dernière un client stratégique à qui la Russie fournissait la quasi-totalité de son matériel militaire. La même année, l’Arménie est devenue membre de l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC), alliance militaire dominée par la Russie ([5]) dont l’article 4 de la charte prévoit une assistance militaire en cas d’agression contre l’un de ses membres.

L’assistance russe a cependant été quasiment inexistante lors des guerres de 2022 et 2023, la Russie se souciant manifestement peu de la crédibilité de la garantie d’assistance mutuelle contenue dans la charte de l’OTSC.

Le rôle de la Russie dans la région apparaît donc comme le prolongement, dans un contexte différent, de celui qu’elle a joué dans le cadre de l’URSS. Bien que des Etats souverains aient remplacé les républiques soviétiques d’avant 1991, la région demeure enclavée géographiquement et l’influence russe est difficilement contrebalancée par celle d’acteurs extérieurs, surtout occidentaux. Dans le cas particulier de l’Arménie, ce qui pouvait sembler un soutien russe a changé de nature après les élections législatives de 2018 en Arménie.

Ces dernières, intervenues après un mouvement de contestation qui a conduit à la démission du gouvernement pro-russe du Premier ministre Serge Sarkissian, ont abouti à la formation du gouvernement de Nikol Pachinian, favorable à une plus grande indépendance vis-à-vis de la Russie et une démocratisation des institutions. Les événements de 2018, perçus par la Russie comme une nouvelle « révolution de velours », l’ont manifestement conduite à tenter de démontrer la dépendance de l’Arménie vis-à-vis d’elle et à réaffirmer son rôle d’arbitre ultime dans la région, dont l’occasion lui a été fournie par la guerre de 2020.

III.   Conquête azerbaïdjanaise (2020-2024)

A.   Un basculement à l’avantage de l’Azerbaïdjan

1.   Le conflit de septembre 2020 change radicalement la dynamique régionale

La Seconde Guerre du Haut-Karabakh, qui a éclaté le 27 septembre 2020, a marqué une escalade majeure dans le conflit de longue date entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Ce conflit a duré quarante-quatre jours, et s’est terminé le 9 novembre 2020 par un accord de cessez-le-feu négocié par la Russie. Le conflit a été extrêmement meurtrier, avec plusieurs milliers de morts et de blessés des deux côtés, et a causé d’importantes destructions d’infrastructures civiles et militaires.

D’un point de vue militaire, le conflit consiste en une offensive victorieuse de l’Azerbaïdjan qui a non seulement reconquis les territoires passés sous contrôle arménien jusqu’en 1994, mais également environ les deux-tiers du Haut-Karabakh lui-même, réduisant d’autant le territoire de la République autoproclamée d’Artsakh, et conduisant les populations arméniennes vivant sur les territoires conquis à fuir vers les territoires restés sous le contrôle de Stepanakert ou vers l’Arménie voisine.

Le cessez-le-feu du 9 novembre, négocié par la Russie, a donc laissé l’Arménie et le Haut-Karabakh dans une situation extrêmement précaire.

En premier lieu, il est apparu que l’Azerbaïdjan avait préparé cette offensive, non seulement en améliorant ses relations avec la Russie, qui n’a rien fait pour l’empêcher, mais également avec le soutien de la Turquie, accusée d’avoir organisé le transit d’environ 5 000 combattants djihadistes syriens vers l’Azerbaïdjan afin de renforcer son armée.

En deuxième lieu, la Russie a déployé en application du cessez-le-feu une force de maintien de la paix d’environ 2 000 hommes le long de la ligne de contact dans le Haut-Karabakh et le long du corridor de Latchine, qui préservait un contact entre l’Arménie et le Haut-Karabakh. Le mandat de cette force de maintien de la paix n’était cependant garanti par aucune puissance extérieure et permettait à la Russie d’agir à sa convenance dans l’hypothèse d’une reprise des combats. Plus concrètement, l’implantation d’un contingent russe au Haut-Karabakh a permis la Russie d’accroître sa présence de la région.

Enfin, pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan, le cessez-le-feu n’a fait que concrétiser l’avantage acquis militairement par l’Azerbaïdjan, faisant dépendre la survie de la République d’Artsakh de la seule volonté russe et laissant l’Arménie dans une position qui lui permettait difficilement de défendre sa souveraineté.

2.   La fermeture du corridor de Latchine

En dépit d’un accord de cessez-le-feu très favorable à la partie azerbaïdjanaise, l’Azerbaïdjan n’a eu de cesse de violer les termes de l’accord tripartite du 9 novembre 2020.

Ces violations se sont manifestées par le blocage de la route reliant le Haut‑Karabakh à la République d’Arménie via le corridor de Latchine, par des manifestants téléguidés par les autorités azerbaïdjanaises.

À partir de cette date, la population du Haut-Karabakh s’est donc retrouvée coupée du monde, sans possibilité de ravitaillement en vivres ou en médicaments depuis l’Arménie. Ce blocage des communications routières s’est doublé d’une coupure de l’approvisionnement en gaz et en électricité, privant ainsi les populations civiles du Haut-Karabakh de chauffage et d’eau chaude dès le début de l’hiver.

Au mois d’avril 2023, les manifestants téléguidés par Bakou ont été remplacés par les forces armées azerbaïdjanaises, avec l’établissement d’un checkpoint au pont de Hakari, sur la route reliant Stepanakert à l’Arménie. À partir de juin 2023, le blocus est devenu totalement hermétique, les autorités azerbaïdjanaises interdisant même la circulation des convois de la Croix-Rouge destinés aux évacuations sanitaires vers l’Arménie.

À deux reprises, les 22 février et 6 juillet 2023, la Cour internationale de Justice a ordonné à l’Azerbaïdjan de « prendre toutes les mesures […] afin d’assurer la circulation sans entrave le long du corridor de Latchine dans les deux sens », ordonnances ignorées par Bakou.

3.   La conquête finale du Haut-Karabakh

Le 19 septembre 2023, trois ans après la guerre des quarante-quatre jours dont le cessez-le-feu a été signé le 9 novembre 2020, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a lancé une opération militaire d’ampleur contre les Arméniens du Haut-Karabakh.

Le déséquilibre écrasant des forces, conjugué aux conséquences du blocus de neuf mois imposé à ce territoire, a conduit dès le lendemain à la reddition de l’armée de défense de la République autoproclamée d’Artsakh et à une victoire militaire totale de l’Azerbaïdjan.

La conséquence de cette opération militaire a été immédiate : le nettoyage ethnique de ce territoire peuplé d’Arméniens depuis plusieurs millénaires. Fuyant les bombes et l’avancée des troupes azerbaïdjanaises, contraints par les menaces explicites transmises par messagerie et vidéos, plus de cent mille Arméniens du Haut-Karabakh ont ainsi fui en quelques jours vers la République d’Arménie voisine.

B.   Un conflit non résolu

1.   La menace contre l’intégrité territoriale de l’Arménie

La volonté expansionniste d’Ilham Aliyev ne se limite cependant pas au seul territoire du Haut-Karabakh. À la suite d’opérations militaires menées à partir de mai 2022, et qui ont culminé les 12, 13 et 14 septembre 2022, l’Azerbaïdjan occupe près de deux cents km2 du territoire souverain de la République d’Arménie. Cette occupation, dans les régions du Gegharkunik, du Vayots Dzor et du Syunik, est précisément documentée par la mission civile de l’Union européenne présente en Arménie depuis le début de l’année 2023.

L’ambition expansionniste du régime azerbaïdjanais est assumée à travers la revendication d’un corridor extraterritorial dans le sud de l’Arménie pour relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan, au travers du territoire souverain de la République d’Arménie. Cette revendication, à laquelle s’ajoutent les propos bellicistes et anti-arméniens dont Ilham Aliyev est coutumier, fait désormais craindre une opération militaire de l’Azerbaïdjan pour imposer l’ouverture de ce « corridor du Zanguezour » et s’emparer de tout ou partie du sud de l’Arménie.

Mme Hasmik Tolmajian, ambassadrice de la République d’Arménie en France et rencontrée par votre rapporteure dans le cadre de la rédaction du présent rapport, rappelle à ce sujet que l’Arménie a proposé la libre disposition par l’Azerbaïdjan des voies de circulation reliant son territoire principal au Nakhitchevan, la seule condition étant le maintien de la souveraineté arménienne sur l’ensemble de son territoire. Le fait que l’Azerbaïdjan maintienne sa revendication d’un contrôle souverain sur cet axe est un indice clair d’une ambition allant au-delà d’une simple liaison économique avec son exclave.

2.   Réaction de la France et de l’Europe

Face à cette situation, la France n’est pas restée sans réaction. En premier lieu, notre pays a été le premier à dépêcher une aide humanitaire pour la prise en charge des blessés du Haut-Karabakh transférés en Arménie et pour permettre l’accueil des réfugiés, ainsi qu’à mettre en œuvre un renforcement de cette aide à plus long terme, à la fois à titre bilatéral et par l’intermédiaire des agences des Nations unies et de la Croix-Rouge.

La France a également été initiatrice des efforts diplomatiques déployés afin d’amener ses partenaires à condamner plus fermement le recours à la force et ses conséquences, à défendre le principe de l’intégrité territoriale de l’Arménie et à œuvrer en faveur d’une paix durable.

Il s’agit toutefois d’atteindre un objectif double et pour cette raison complexe.

En premier lieu, la France estime dans l’intérêt de l’Arménie de parvenir à un traité de paix, afin d’aboutir à une stabilisation générale de la région, l’un des enjeux connexes étant la réouverture de sa frontière avec la Turquie, fermée par cette dernière depuis 1993, utile au désenclavement de l’Arménie.

Ce désenclavement se justifie notamment par le fait que la République d’Arménie, parallèlement à la démocratisation de ses institutions, a la volonté d’échapper à l’influence russe afin de garantir son indépendance.

En deuxième lieu, il s’agit d’aider l’Arménie à exercer pleinement sa souveraineté, non seulement sur le plan diplomatique, mais également à travers une coopération renforcée avec l’Union européenne.

La France plaide ainsi en faveur d’un plan européen de renforcement de la souveraineté de l’Arménie, qui se justifie entre autres par la volonté grandissante de l’Arménie de se rapprocher de l’Union européenne.

Au niveau bilatéral, la France a également renforcé sa coopération militaire avec l’Arménie. Lors d’une visite à Erevan le 3 octobre 2023, la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a ainsi indiqué que « la France [avait] donné son accord à la conclusion de contrats futurs forgés avec l'Arménie qui permettront la livraison de matériel militaire », afin de donner à l’Arménie les moyens d’assurer sa défense. Cet accord de coopération militaire a été officiellement signé le 23 octobre dernier par le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu et par M. Suren Papikyan, ministre de la défense de la République d’Arménie.

Cette décision fait de la France le premier pays occidental à s’engager concrètement pour le renforcement des capacités de défense de la République d’Arménie, dans un contexte où la Fédération de Russie, partenaire de défense historique de l’Arménie, a failli à ses obligations.

Enfin, s’agissant du Haut-Karabakh, les enjeux se concentrent sur le droit au retour des populations ayant fui à la suite de l’opération militaire de septembre 2023, ainsi que sur la préservation du patrimoine culturel. Actuellement, le Haut-Karabakh a été presque intégralement vidé de sa population arménienne et les traces historiques de son peuplement arménien ancien de presque trois millénaires sont elles-mêmes menacées, l’Azerbaïdjan ayant manifesté à plusieurs reprises sa volonté dans ce sens ([6]).

Le processus de nettoyage ethnique qui s’est manifesté à la suite de la conquête de septembre 2023, déjà entamé lors de la guerre de 2020, relève d’une stratégie délibérée d’éradication de la présence arménienne dans ce territoire, que cette proposition de résolution européenne vise à dénoncer et qui se traduit non seulement par le départ forcé des populations, mais aussi par la dégradation et la destruction du patrimoine culturel et religieux arménien dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan.

 


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   Conclusion

 

La présente proposition de résolution européenne appelle l’Europe à intensifier son soutien humanitaire et à développer sa coopération avec la République d’Arménie. Elle encourage les efforts visant à préserver le patrimoine arménien du Haut-Karabakh et à permettre le droit au retour des populations déplacées. Elle vise enfin à appeler l’Europe à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, en envisageant des sanctions contre les dirigeants azerbaïdjanais en cas de violation de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, et en développant les coopérations de défense avec la République d’Arménie.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 17 janvier 2024, sous la présidence de M. Pieyre Alexandre Anglade, Président, pour examiner le présent rapport.

 

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Je voudrais d’abord souhaiter à toutes et tous une excellente année 2024 ! Je laisse la parole à Mme Anne-Laurence Petel que nous venons de nommer rapporteure sur la proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure. Le 19 septembre 2023, trois ans après la guerre des 44 jours dont le cessez-le-feu a été signé le 9 novembre 2020, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a lancé une opération militaire de grande ampleur contre les Arméniens de la République autoproclamée du Haut-Karabakh, avec pour objectif l’occupation totale de ce territoire.

Cette attaque éclair a constitué l’ultime phase d’une conquête territoriale entamée entre septembre et novembre 2020. C’est une guerre qui a été conduite avec l’aide de la Turquie, de 5 000 djihadistes venus de Syrie et qui a fait des milliers de morts et de blessés de part et d’autres, laissant la République autoproclamée d’Artsakh amputée des ¾ de son territoire.

L’opération militaire du 19 septembre n’a pas présenté de difficulté majeure pour les forces azerbaidjanaises pour trois raisons. En premier lieu, le cessez-le-feu de 2020 a laissé les Arméniens du Haut-Karabakh quasiment sans défense. En deuxième lieu, cette attaque a été précédée d’un blocus de neuf mois du corridor de Latchine - cordon ombilical entre le Haut-Karabakh et la République d’Arménie - commencé en décembre 2022, laissant les populations sans vivres, sans médicaments et sans carburant. En troisième lieu, la Russie, que l’accord de cessez-le-feu de novembre 2020 désignait comme garante de la libre circulation des biens et des personnes et dont les 2 000 soldats devaient assurer la protection de la population, a refusé de jouer son rôle et d’intervenir pendant le blocus et l’attaque, laissant la population sans défense face à son agresseur.

Le déséquilibre écrasant des forces, conjugué aux conséquences du blocus et à l’inaction des forces russes, a ainsi conduit dès le lendemain de l’attaque à la reddition de l’armée de défense de la République autoproclamée d’Artsakh et à une victoire militaire totale de l’Azerbaïdjan.

La conséquence de cette opération militaire a été immédiate : le nettoyage ethnique de ce territoire peuplé d’Arméniens depuis plusieurs millénaires. Fuyant les bombes et l’avancée des troupes azerbaïdjanaises, contraints par les menaces explicites transmises par messagerie et vidéos, plus de cent mille Arméniens du Haut-Karabakh ont ainsi fui en quelques jours vers la République d’Arménie voisine, soit la quasi-totalité de la population. Pour la première fois depuis 2 500 ans il n’y a plus d’Arméniens dans ce territoire considéré comme le berceau de la culture arménienne.

Ce processus de nettoyage ethnique, déjà entamé lors de la guerre de 2020, relève d’une stratégie délibérée d’éradication de la présence arménienne au Haut-Karabakh, que cette proposition de résolution européenne vise à dénoncer. Il se traduit non seulement par le départ forcé des populations, mais aussi par la dégradation et la destruction systématique du patrimoine culturel et religieux arménien dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan. Ces faits sont documentés par des images satellites produites par l’Université de Durham en Angleterre.

La volonté expansionniste d’Ilham Aliyev ne se limite cependant pas au seul territoire du Haut-Karabakh. À la suite d’opérations militaires menées à partir de mai 2022, et qui ont culminé les 12, 13 et 14 septembre 2022, l’Azerbaïdjan occupe près de deux cents km2 du territoire souverain de la République d’Arménie. Cette occupation, dans les régions du Gegharkunik, du Vayots Dzor et du Syunik, est précisément documentée par la mission civile de l’Union européenne présente en Arménie depuis le début de l’année 2023.

L’ambition expansionniste du régime azerbaïdjanais se matérialise par la revendication récurrente d’un corridor extraterritorial pour relier l’Azerbaïdjan à son exclave du Nakhitchevan, à travers le territoire souverain de la République d’Arménie. Cette revendication, à laquelle s’ajoutent les propos bellicistes et anti-arméniens dont Ilham Aliyev est coutumier, fait désormais craindre régulièrement une opération militaire de l’Azerbaïdjan pour imposer l’ouverture de ce « corridor du Zanguezour » et s’emparer de tout ou partie du Sud de l’Arménie. Il convient de noter que cette dernière ne s’oppose pas à ce que les voies de communication de cette région puissent être utilisées par les Azerbaïdjanais pour communiquer avec le Nakhitchevan dès lors que la souveraineté arménienne y demeurerait pleine et entière, ce qui est une demande légitime dans un pays souverain. Cette option est un point de l’accord de cessez-le-feu de 2020 mais la position de l’Arménie ne semble pas satisfaire l’Azerbaïdjan, toujours plus gourmand. Preuve de cette mauvaise volonté et des buts cachés d’Aliyev, l’Iran propose une option sur son propre territoire, de l’autre côté de la frontière, mais l’Azerbaïdjan la rejette.

Face à cette situation, la France n’est pas restée sans réaction. En premier lieu, notre pays a été le premier à dépêcher une aide humanitaire pour la prise en charge des blessés du Haut-Karabakh transférés en Arménie et pour permettre l’accueil des réfugiés, ainsi qu’à mettre en œuvre un renforcement de cette aide à plus long terme, à la fois à titre bilatéral et par l’intermédiaire des agences des Nations unies et de la Croix-Rouge. Notre aide humanitaire est ainsi passée de 5 à 12 millions d’euros, bien plus que l’Union européenne, l’augmentation de cette aide par l’Europe est d’ailleurs une demande de cette proposition de résolution européenne.

En second lieu, la France a été initiatrice des efforts diplomatiques déployés afin d’amener ses partenaires à condamner plus fermement le recours à la force et ses conséquences, à défendre le principe de l’intégrité territoriale de l’Arménie et à œuvrer en faveur de la signature d’un traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Les efforts de la France pour sensibiliser ses partenaires européens ont notamment permis une implication de l’Allemagne dans la médiation et la présence désormais d’Olaf Scholtz dans certaines rencontres diplomatiques de négociation d’un traité de paix, notamment à Chisinau en Moldavie le 1er juin dernier, en marge de la communauté politique européenne.

Afin d’aider la République d’Arménie à défendre son intégrité territoriale, la France a renforcé sa coopération militaire avec l’Arménie. Lors d’une visite à Erevan, le 3 octobre 2023, la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a ainsi indiqué que la France avait « donné son accord à la conclusion de contrats futurs forgés avec l'Arménie qui permettront la livraison de matériel militaire », afin de donner à l’Arménie les moyens d’assurer sa défense et de lui permettre d’assurer la maîtrise du ciel. Je rappelle que l’utilisation massive de drones et de bombes à sous-munitions ou au phosphore avait fait des dégâts lors de la guerre de 44 jours.

Cet accord de coopération militaire a été officiellement signé le 23 octobre dernier par le ministre des Armées M. Sébastien Lecornu et par M. Suren Papikyan, ministre de la défense de la République d’Arménie.

J’ajoute qu’un attaché militaire de défense avait préalablement été nommé à l’ambassade de France, qu’une représentation consulaire française a été ouverte à Goris, dans le Sud convoité par l’Azerbaïdjan, et que l’accord de défense comprend également un conseiller de défense auprès du ministère de la défense arménien.

Cette décision fait de la France le premier pays occidental à s’engager concrètement pour le renforcement des capacités de défense de la République d’Arménie, dans un contexte où la Fédération de Russie, partenaire de défense historique de l’Arménie, a failli à ses obligations.

La proposition de résolution européenne que je présente porte les enjeux d’intégration des populations réfugiées, de garantie de leur droit au retour, de préservation de leur patrimoine culturel et religieux, de reconnaissance de l’intégrité territoriale de l’Arménie à protéger. Elle rappelle également l’importance de la signature d’un traité de paix avec la reconnaissance de frontières claires.

La présente proposition de résolution européenne appelle l’Europe à intensifier son soutien humanitaire et à développer sa coopération avec la République d’Arménie. Elle encourage les efforts visant à préserver le patrimoine arménien du Haut-Karabakh et à permettre le droit au retour des populations déplacées. Elle vise enfin à appeler l’Europe à prendre les mesures nécessaires pour garantir l’intégrité territoriale de la République d’Arménie, en envisageant des sanctions contre les dirigeants azerbaïdjanais en cas de violation de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie et en développant les coopérations de défense avec la République d’Arménie au titre de la Facilité européenne pour la paix (FEP), ce dont le Conseil des ministres des Affaires étrangères du 13 novembre 2023 a convenu « d’étudier la possibilité ».

Le conflit du Haut-Karabakh, qui a commencé dès la fin des années quatre-vingt, avant même la dissolution de l’URSS, n’est en effet réglé qu’en apparence. Pays enclavé, entouré de voisins hostiles, notamment l’Azerbaïdjan mais aussi son allié la Turquie, qui ne cache pas son projet panturc et dont la frontière avec l’Arménie est fermée depuis 1993, l’Arménie se trouve dans une situation d’extrême vulnérabilité. La Russie, seule puissance extérieure à même d’agir de façon décisive dans la région, lui refuse désormais son soutien. L’Arménie est à la fois au cœur de la résurgence des empires mais aussi au carrefour d’enjeux géostratégiques qui mêlent les intérêts de pays comme l’Iran ou la Turquie.

Au-delà de ces enjeux, il est primordial de rappeler que depuis 2018, l’Arménie a engagé sa vie politique et ses institutions sur le chemin de la démocratie. Ce changement l’amène à se rapprocher de l’Europe et à renforcer son indépendance vis-à-vis de la Russie. Je rappelle que jusqu’en 1991 l’Arménie était une République de l’exURSS. C’est un changement risqué vis-à-vis de son voisin russe et il faut saluer le courage du gouvernement et des députés qui ont récemment voté son adhésion à la Cour pénale internationale (CPI).

Au regard de notre histoire commune, de la nécessaire stabilité du Caucase du Sud mais aussi des valeurs démocratiques qui nous lient, il est essentiel de saluer le soutien de la France à l’Arménie, l’encourager à poursuivre son action et surtout appeler l’Union européenne à agir beaucoup plus résolument et activement afin de stabiliser la région en aidant l’Arménie à consolider sa souveraineté, son économie et sa défense.

L’exposé de la rapporteure a été suivie d’un débat.

Mme Constance Le Grip (RE). L’examen de cette proposition de résolution européenne nous ramène aux tragédies de l’histoire et au premier génocide du XXe siècle, celui de 1915 en Arménie par l’empire ottoman. La guerre d’agression en Ukraine, les attaques terroristes islamistes du Hamas contre Israël, les menaces sur la circulation en mer Rouge ne doivent pas occulter la tragédie qui se joue au Haut-Karabakh. Les 19 et 20 septembre 2023, l’Azerbaïdjan a conduit une nouvelle attaque en violation du cessez-le-feu conclu le 9 novembre 2020 avec l’Arménie, à l’issue de la guerre des 44 jours.

La France a été le premier État à condamner avec force cette agression inacceptable, et a obtenu dès le 21 septembre une première réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a appelé à la cessation immédiate de l’agression militaire et à ménager un accès pour l’aide humanitaire. Depuis, plus de 100 000 Arméniens du Haut-Karabakh ont été contraints de fuir leur terre ancestrale, dont 30 000 enfants. Ce nettoyage ethnique relève d’une stratégie délibérée d’éradication de la présence arménienne au Haut-Karabagh, dont témoigne la destruction du patrimoine architectural et religieux arménien dans les territoires passés sous contrôle azéris. Candidat à sa réélection anticipée en février prochain, le président Aliyev souhaite capitaliser sur sa victoire militaire et laisse entendre qu’il pourrait continuer de menacer la République d’Arménie voisine. La France et l’Union européenne l’ont réaffirmé à de nombreuses reprises : pour nous s’impose de manière très claire le respect de la souveraineté territoriale de la République d’Arménie. Nous appelons à voter en faveur de cette proposition de résolution européenne.

Mme Annick Cousin (RN). Je tiens à réaffirmer le soutien inébranlable de notre groupe à l’Arménie et à son peuple. Les forces armées azéries ont lancé d’importantes offensives sur plusieurs localités du territoire souverain arménien proche de la frontière. Ces attaques se sont caractérisées par des bombardements massifs d’artillerie et l’utilisation de drones d’assaut fournis par la Turquie. Le peuple arménien fut le premier peuple victime de génocide dans l’histoire. Comment cette même histoire nous jugerait-t-elle si, une fois de plus, par notre inaction, nous regardions ailleurs ? Il est impératif de ne plus détourner le regard et l’Union européenne doit mettre fin à son double discours. Faut-il choisir entre le gaz azéri et le sang arménien ? Comment justifier auprès des générations futures notre préférence pour quelques mètres cubes de gaz par rapport au sang arménien ? Comment pouvons-nous accepter que la Commission européenne signe un accord visant à doubler les quantités de gaz importées d’Azerbaïdjan tout en ignorant les actions de ce pays ? La guerre d’agression azéro-turque persiste avec des violations permanentes du cessez-le-feu. S’abstenir de soutenir un peuple ami au nom d’intérêts gaziers comme le fait l’Union européenne est une trahison.

Le président azéri s’est récemment félicité d’avoir « entièrement restauré la souveraineté du pays après avoir récupéré en septembre 2023 à la suite d’une offensive sanglante le territoire du Haut-Karabakh ». Cette conquête a entraîné l’exode de plus de 100 000 arméniens présents sur ces terres depuis plus de 3 000 ans. Il a également proféré des menaces à l’égard de la France en déclarant : « Je pense que cela devrait servir de leçon non seulement à l’Arménie mais aussi à ceux qui la soutiennent. » Alors que le risque d’une nouvelle opération militaire de l’Azerbaïdjan demeure, quelles mesures seront prises à l’issue du conflit pour assurer un développement pacifique à l’Arménie qui représente potentiellement une puissance concurrente de Bakou ? Si la décision d’envoyer une mission d’observation en Arménie est souhaitable, que pourra-t-elle réellement accomplir ?

M. Sébatien Delogu (LFI). En tant que député français d’origine arménienne, je vous félicite, ainsi que les députés qui ont quitté le groupe d’amitié avec l’Azerbaïdjan. Nous sommes d’accord sur presque tout. Votre proposition de résolution européenne condamne l’action militaire du 19 septembre, dénonce le nettoyage ethnique en cours, appelle à sanctionner les responsables politiques et à reconsidérer les accords gaziers et/ou pétroliers avec l’Azerbaïdjan. Il faudrait plutôt les dénoncer tout en considérant la menace qui pèse sur l’Arménie. Il s’agit là d’un ensemble de mesures nécessaires que nous soutiendrons.

L’Union européenne doit faire davantage pour protéger les populations arméniennes et leurs territoires historiques. Malgré cette proposition de résolution européenne, notre soutien souffre de nombreuses contradictions. Comment expliquer, par exemple, au peuple arménien l’arrivée au ministère de la culture de Rachida Dati, véritable VRP des dirigeants azerbaïdjanais et membre du conseil d’administration de l’association des amis de l’Azerbaïdjan ? Comment expliquer, également, le soutien de la France à Israël qui est l’un des principaux partenaires militaires de l’Azerbaïdjan alors que la communauté arménienne à Jérusalem est elle-même confrontée aux attaques ? Il serait bénéfique de mettre un terme à toutes ces contradictions.

Malheureusement, cette proposition de résolution n’a aucun pouvoir de contrainte et encore moins au niveau européen. Nous voterons toutefois en faveur de son adoption car les dispositions qu’elles portent vont dans le sens de la communauté arménienne. Notre groupe sera toujours du côté des peuples opprimés et dont le respect des droits n’est pas assuré au niveau international.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Le groupe Les Républicains soutiendra cette proposition de résolution européenne. Nous estimons en effet que même si cette résolution ne représenterait qu’un tout petit pas, il s’agirait d’une pierre supplémentaire plantée dans le jardin de M. Aliyev qui permettra de réaffirmer la volonté du parlement français, comme le Parlement européen a pu exprimer sa position, dans des mots qui vont même plus loin que ce qui est prévu par cette proposition de résolution européenne.

La situation au Haut-Karabakh est bien connue : il s’agit d’une épuration ethnique et religieuse qui vise à retirer les chrétiens de leurs terres ancestrales dans la région. La situation constitue également une menace extrêmement forte sur l’intégrité territoriale de l’Arménie. Dans la droite ligne des positions de notre parti sur ce sujet, notre soutien est inconditionnel à l’Arménie et aux populations du Haut-Karabakh.

J’exprimerai toutefois un regret au sujet de cette proposition de résolution, celui de ne pas aller suffisamment loin dans les demandes de sanctions. Nous avons entendu le Président de la République à Grenade, début octobre, puis l’ancienne ministre des affaires étrangères exprimer la position de la France selon laquelle l’heure n’est pas encore aux sanctions. Dans votre proposition de résolution européenne, vous appelez à l’adoption de sanctions contre les dirigeants. Nous pensons qu’il est temps d’aller plus loin et de prendre des sanctions économiques, commerciales, à l’encontre de l’Azerbaïdjan mais également de suspendre les relations diplomatiques avec ce pays. Malgré ce regret, nous voterons pour cette proposition de résolution européenne.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Le groupe socialiste soutiendra cette proposition de résolution européenne. Il faut rappeler que cette guerre a été déclenchée principalement à trois reprises : en 1991 d’abord, puis en 1994 et en 2020 enfin, pendant six semaines. Ce conflit a fait l’objet de plusieurs résolutions internationales, notamment du Conseil de sécurité des Nations unies en 1993 et de la conférence des ministres de l’OSCE de Minsk en 2005. Ces résolutions étaient formulées en des termes très claires. Elles visaient à ce que les États s’abstiennent de toute action armée hostile. Elles visaient aussi à ce que les forces armées soient retirées des territoires occupés. Elles visaient également à mettre en œuvre une expertise pour contribuer à l’élaboration d’un statut politique du Haut-Karabakh que Bakou a reconquis en septembre 2023 après une offensive éclair. À la suite de cette dernière, la quasi-totalité de la population arménienne – plus de 200 000 personnes – a fui vers l’Arménie.

Des mesures ont été prises visant à faire respecter les droits humains et à engager des plans d’actions pour chacun des deux États. Plus récemment, en décembre, les deux États ont, d’un commun accord, promis des mesures concrètes pour normaliser leurs relations et réaffirmer leur intention de signer un accord de paix. Ils se sont également entendus sur la libération de trente-deux prisonniers de guerre arméniens en l’échange de soldats azerbaidjanais. Il ne s’agit là que d’intentions mais celles-ci comptent et il aurait été bienvenu de les mentionner dans le rapport.

Des constats inquiétants demeurent néanmoins, comme le sort des 100 000 déplacés par le conflit dans le Haut-Karabakh, région reprise par la force par l’Azerbaïdjan. La situation des droits de l’homme reste préoccupante à de nombreux égards. La situation régionale doit aussi être examinée dans sa globalité avec des États qui entendent jouer un rôle politique majeur comme la Russie ou la Turquie. La question de la protection de l’État arménien est posée : un soutien à sa capacité de modernisation doit avoir lieu.

Pour conclure, je voulais juste rappeler certains efforts nécessaires. L’Union européenne a une place et un rôle à jouer mais la France également : au sein de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe dont sont membres les deux États, de l’OSCE, et au niveau du Conseil de sécurité en vue de déployer une force de sécurité.

Les députés socialistes soutiennent la philosophie de cette proposition mais formuleront quelques amendements.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure. Je remercie chacun pour les mots que vous avez eu pour l’Arménie, pays avec lequel nous partageons une riche histoire. Je rappelle que le 21 février prochain, entreront au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian. Nous fêterons cette année les cent ans d’Aznavour et les cent ans de Paradjanov. 2024 sera ainsi une grande année pour l’Arménie et la France.

Vous avez raison, Madame Le Grip, de dire que l’histoire se répète. L’Arménie vit une redite de ce qu’il s’est passé en 1915. Ce conflit est ainsi une plaie à vif dans l’histoire du pays. 30 000 enfants sont concernés et la communauté internationale est silencieuse bien que des décisions de la Cour internationale de justice soient intervenues pour enjoindre à l’Azerbaïdjan de cesser le blocus.

Madame Cousin, l’Union européenne a pu donner l’impression qu’elle avait un double discours. Toutefois, depuis l’attaque du 19 septembre, l’Europe a pris toute sa part, notamment sous l’impulsion de la France, en matière d’aide humanitaire en particulier, avec 5 millions d’euros d’aide et 1,7 million supplémentaire. La présidente de la Commission européenne a reçu le Premier ministre arménien pour conclure un accord de coopération de plusieurs milliards d’euros sur le plan des investissements et de l’économie.

S’agissant de la mission d’observation déployée en Arménie, Madame Colonna a demandé que son mandat soit revu et qu’il soit élargi à des membres internationaux.

Monsieur Delogu, je sais que vous êtes attaché à l’Arménie et je vous remercie de ce soutien sans faille. Je suis allée en Arménie avec la précédente ministre de la Culture pour établir des coopérations culturelles. J’ai alerté la nouvelle ministre sur la nécessité de poursuivre ces coopérations.

S’agissant de la portée de cette proposition de résolution, bien que cela soit symbolique, vu de Bakou cela compte car c’est la voix du Parlement, des députés et des sénateurs qui s’exprime. Je rappelle aussi qu’au Parlement européen une résolution a été votée en octobre à la quasi-unanimité et qu’une proposition de résolution est en cours d’examen au Sénat.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, la France a porté trois fois la question du soutien à l’Arménie. Toutefois, elle se heurte à la réticence de certains pays européens qui ont besoin du gaz de l’Azerbaïdjan, mais c’est un travail quotidien que fait la France pour arriver à une déclaration commune en faveur de l’Arménie.

Mme Joëlle Mélin (RN). Si nous partageons l’esprit et la lettre de cette proposition de résolution européenne, nous doutons de l’Union européenne. Elle aurait pu empêcher les conflits russo-ukrainien et arménien. Cette proposition de résolution ne peut avoir de sens que si on envoie un message de clarté à la Commission européenne. En effet, l’un des résultats indirects de l’invasion russe en Ukraine et du changement de stratégie énergétique de l’Union européenne est la conclusion en juillet 2022 d’un accord sur le gaz avec l’Azerbaïdjan tendant à faire croire que l’UE tient un double discours.

Cet accord, qui renforce l’Azerbaïdjan, vise à doubler les exportations de gaz vers l’UE d’ici 2027. Cela représente au moins vingt milliards de mètres cubes annuellement, en remplacement partiel des exportations de gaz russe. Cet accord est contradictoire avec les principes de solidarité énoncés par le Conseil et la Commission à l’égard de l’Arménie et de son peuple, d’autant plus qu’il est désormais avéré que l’Azerbaïdjan achète du gaz à la Russie et le revend à l’Union européenne. Ma question est donc : peut-on avoir confiance en l’Union ?

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure. La possibilité que la Russie vende son gaz par l’intermédiaire de l’Azerbaïdjan est en effet un problème. Mais ce lien économique constitue également un levier pour l’Union européenne. La rupture de relations, qu’elles soient économiques ou diplomatiques, n’est pas toujours la bonne solution, maintenir ces relations et s’en servir comme levier est aussi une option.

Amendement n° 1 de M. Sébastien Delogu

M. Sébastien Delogu (LFI). Nous souhaitons rappeler le contexte européen dans lequel s’inscrit cette proposition. Nous tenons à manifester au peuple arménien notre solidarité pleine et entière ainsi qu’à dénoncer certaines décisions prises après l’invasion russe de l’Ukraine. Pour limiter les capacités militaires de la Fédération de Russie, l’Union européenne a décidé d’augmenter ses achats en provenance de nouveaux pays, dont l’Azerbaïdjan. Acheter du pétrole et du gaz à Bakou, pour plus de 15,6 milliards d’euros en 2022, selon les données d’Eurostat, a permis de renforcer l’économie ainsi que les capacités militaires de l’Azerbaïdjan au détriment de l’Arménie. L’Union européenne est, en outre, devenue le principal marché pour les exportations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis défavorable. Sans vouloir contester la pertinence de cet amendement, il convient de noter que le renforcement des capacités militaires de l’Azerbaïdjan ne provient pas directement des importations de l’Union européenne. Le point 22 de la proposition de résolution le satisfait en demandant « à l’Union européenne de reconsidérer ses accords gaziers avec l’Azerbaïdjan et à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que ces accords ne contribuent pas au contournement des sanctions prises à l’encontre de la Fédération de Russie ». J’ai également rappelé que la relation de dépendance à l’Union européenne peut être un levier d’influence. Enfin, je précise que cette proposition de résolution européenne n’a pas pour objet de condamner l’Union européenne mais de l’engager à contribuer économiquement, militairement et diplomatiquement à l’intégrité territoriale de l’Arménie.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 2 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip (RE). Le groupe Renaissance souhaite par cet amendement inscrire dans le corps de la proposition de résolution l’important accord militaire, auquel vous avez-vous-même fait allusion tant dans l’exposé des motifs de votre proposition de résolution que dans le rapport. Ainsi le texte pourrait directement mentionner l’accord de coopération militaire signé le 23 octobre 2023 par le Ministre des Armées français M. Sébastien Lecornu et par le Ministre de la Défense de la République d’Arménie, M. Suren Papikyan. Il importe de souligner que nous avons été le premier pays occidental à soutenir les capacités de défense de l’Arménie.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis favorable. Cette mention est pertinente, il s’agit peut-être même d’un oubli de ma part. Mentionner cet accord permettra, nous l’espérons, d’en générer d’autres.

L’amendement est adopté.

Amendement n° 3 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous proposons une rédaction utilisée en droit international. Remplacer l’expression « nettoyage ethnique » par celle de « déplacement forcé de population » permet d’utiliser une expression ayant force juridique en droit international, et signifiant une violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux pouvant constituer un « crime de guerre ». L’article 8, paragraphe 2, b viii du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) mentionne en effet que « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une partie de sa population civile, dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité́ ou d'une partie de la population de ce territoire » représente un non-respect des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux qui constitue un possible « crime de guerre ».

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis favorable, cela apporte une pertinence juridique. Toutefois, je propose une rédaction très légèrement différente : « et appelle à la reconnaissance de ces actes comme un déplacement forcé de population au sens du droit international par les organes judiciaires internationaux. »

L’amendement ainsi modifié est adopté.


Amendement n° 4 de Mme Marietta Karamanli

Mme Marietta Karamanli (SOC). Nous souhaitons donner davantage de force à une mission placée sous l’égide de l’Union européenne. En effet, il s’agit de rehausser le profil de la mission de l’Union européenne en Arménie (EUMA), actuellement uniquement civile et d’en compléter les fonctions par des moyens militaires afin d’instituer une véritable « mission de prévention des conflits et de maintien de la paix » de l’Union européenne tel que prévu par l’article 43 paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis favorable. La ministre des Affaire étrangères, Mme Catherine Colonna, avec laquelle je me trouvais en Arménie le 3 octobre, a précisé vouloir changer le profil de la mission, en nombre ainsi qu’en termes de mandat. Vous anticipez un peu le contenu de ce mandat, mais vous appelez surtout le Conseil européen à ouvrir le débat, ce qui correspond exactement à ce qui a été demandé.

L’amendement est adopté.

Amendement n° 5 de M. Sébastien Delogu

M. Sébastien Delogu (LFI). Madame la rapporteure, soyons clairs. Je suis parti à Goris, c’est-à-dire que j’ai fait exactement le parcours, à pieds, des Arméniens du Haut-Karabakh, pour quitter leur pays. Nous sommes d’accord, ce qui s’est passé est extrêmement grave. Vous avez utilisé des termes forts, et pour la première fois, je vous félicite pour cette proposition de résolution. En parallèle, je constate que l’Union européenne pour affaiblir la Fédération de Russie n’a pas hésité à dénoncer les accords gaziers et pétroliers qui la liaient à ce pays. Or, j’ai montré votre proposition de résolution à des Arméniens, notamment ceux que je connais à Marseille. Pour eux, il faudrait utiliser le terme « dénoncer » et non pas « reconsidérer », bien trop politique. Il importe de montrer aux Arméniens que nous ne nous moquons pas d’eux. Je m’adresse aux députés présents, je ne peux pas voter car je ne suis pas membre de votre commission, votez pour mon amendement qui a le mérite de renforcer la teneur de la proposition de résolution. Les Arméniens s’attendent clairement à ce que l’on utilise le terme « dénoncer » et non pas « reconsidérer ».

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis défavorable. Je crois avoir déjà répondu sur ce point. Ce type de résolution est le résultat d’un travail collectif, avec le groupe d’amitié, avec le gouvernement arménien, à savoir les Arméniens vivant en Arménie. C’est à eux que l’on pense en écrivant ce texte. Ce qui s’est passé est extrêmement grave, vous avez raison, il s’agit d’un nettoyage ethnique, tragique. Avant même le cessez-le-feu de 2020, nous sommes allés lors d’un déplacement avec quelques collègues, à l’hôpital d’Erevan, rencontrer des personnes blessées par des bombes au phosphore ou à sous-munition. L’augmentation des capacités économiques et militaires de l’Azerbaïdjan remonte à une quinzaine d’années et ne provient pas de l’argent de l’Union européenne. Le développement des capacités militaires de l’Azerbaïdjan, très défavorables à l’Arménie, ne provient donc pas de ces contrats gaziers. J’entends bien vos arguments, mais, tout ne peut pas être dit dans une proposition de résolution et il faut également garder des leviers de négociations en fonction de l’évolution de la situation. Je reste défavorable à ce changement de terminologie ainsi qu’à cette explication.

L’amendement est rejeté.

Amendement n° 6 de Mme Constance Le Grip

Mme Constance Le Grip (REN). Je propose une réécriture du point 23 de la proposition de résolution. Il s’agit d’indiquer que nous souhaitons un soutien militaire de l’Union européenne envers la République d’Arménie, notamment par l’envoi d’équipements militaires et d’armes défensives dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix. Outre une coopération culturelle et économique, cette coopération militaire est essentielle et, ne nous cachons pas derrière les mots, il ne faudra pas éviter les sanctions économiques à l’encontre des dirigeants d’Azerbaïdjan en cas de violation territoriale délibérée de la République d’Arménie.

Toutefois, il serait plus pertinent et réaliste d’enclencher un mouvement dont la France serait à l’origine en précisant que ce soutien militaire serait non létal, conformément aux conclusions du Conseil Affaires Générales du 13 novembre 2023 et aux déclarations du Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

Mme Anne Laurence Petel, rapporteure (RE). Avis défavorable. La France a pris l’initiative d’un premier accord de défense notamment pour la livraison de missiles Mistral. Nous parlons bien de matériel de défense, donc possiblement létaux. Cette initiative a également vocation à servir d’exemple pour d’autres pays de l’Union européenne. Le principe de cette résolution consiste à demander à l’Union européenne d’aller plus loin que ce qui est initialement envisagé.

Concernant le second point de votre amendement, le renforcement de la mission militaire en Arménie, il est satisfait par le point 20 de la proposition de résolution ainsi que par l’amendement déposé par Mme Marietta Karamanli et son groupe, précédemment adopté.

M. David Amiel (RE). Je profite de cet amendement qui traite de la question de la livraison d’armes à l’Arménie pour rappeler combien il est essentiel. Nous soutiendrons bien sûr ce texte au nom des liens qui nous unissent à l’Arménie et de l’histoire longue. Nous le ferons également au nom de l’humanité face au nettoyage ethnique en cours et de la menace existentielle pesant sur ce pays. Nous le soutenons en outre au nom de nos propres intérêts. Ce conflit pose la question de l’autonomie de l’Arménie vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine qui mène actuellement une guerre en Ukraine. L’Arménie s’est rapprochée des démocraties occidentales et singulièrement de l’Union européenne. En Arménie comme ailleurs, c’est la force de l’Europe qui est testée.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Nous défendons en effet les mêmes valeurs en soutenant l’Arménie qu’en soutenant l’Ukraine, et de même que nous n’imaginerions pas ne fournir que des armements non létaux à l’Ukraine, nous ne pouvons pas soutenir cet amendement prévoyant la livraison d’armes non létales à l’Arménie. Je suis le raisonnement de Madame la rapporteure qui veut que nous pesions dans l’échange. Nous ne pouvons donc pas nous-même nous mettre des bâtons dans les roues et inscrire que la livraison doit être celle d’armes non létales, et ce d’autant moins que la France s’est déjà engagée dans la livraison d’armes létales.

L’amendement n° 6 est rejeté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adopté.

La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée à l’unanimité.


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   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 2 et l’article 3, paragraphes 3 et 5, du traité sur l’Union européenne,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 13 et 17,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,

Vu la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, telle qu’amendée par les Protocoles n° 11, 14 et 15, complétée par le Protocole additionnel et les Protocoles n° 4, 6, 7, 12,13 et 16

Vu la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 4 janvier 1969,

Vu la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972,

Vu la Déclaration d’Alma‑Ata du 21 décembre 1991,

Vu la résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 16 septembre 2005 sur la responsabilité de protéger,

Vu l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020,

Vu les ordonnances n° 180 du 22 février 2023 et du 6 juillet 2023 de la Cour internationale de Justice,

Vu l’ordonnance du 17 novembre 2023 de la Cour internationale de justice, sur l’application de la convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan),

Vu la résolution n° 520 sur la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d’Europe et d’Orient, adoptée par l’Assemblée nationale le 3 décembre 2020,

Vu la résolution n° 37 visant à exiger la fin de l’agression de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’Arménie et à établir une paix durable dans le Caucase du Sud, adoptée par l’Assemblée nationale le 30 novembre 2022,

Vu la résolution du Parlement européen 2022/2582 du 10 mars 2022 sur la destruction du patrimoine culturel au Haut‑Karabakh,

Vu la résolution du Parlement européen 2023/0393 du 5 octobre 2023 sur la situation dans le Haut‑Karabakh après l’attaque menée par l’Azerbaïdjan et la persistance des menaces contre l’Arménie,

Vu la décision 2023/162 du Conseil du 23 janvier 2023 relative à une mission de l’Union européenne en Arménie,

Vu la décision 2023/386 du Conseil du 20 février 2023 relative au lancement de la mission de l’Union européenne en Arménie et modifiant la décision 2023/162,

Vu le dépôt par l’Arménie de son instrument de ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 14 novembre 2023.

Vu la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne du 13 novembre 2023,

Considérant que le blocus imposé par l’Azerbaïdjan aux populations arméniennes du Haut‑Karabakh depuis le 12 décembre 2022 constitue une violation de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et a causé la mort de civils en raison de l’insuffisance des vivres et des médicaments, et de l’absence de soins médicaux appropriés,

Considérant que l’Azerbaïdjan a refusé de se soumettre aux ordonnances de la Cour internationale de Justice du 22 février 2023 et du 6 juillet 2023 lui imposant de garantir la circulation libre et ininterrompue de toutes personnes, de tous véhicules et de toutes marchandises le long du corridor de Latchine, dans les deux sens,

Considérant que l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh les 19 et 20 septembre 2023 constitue également une violation de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020,

Considérant que la Fédération de Russie n’a pas assuré le respect du cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020 ni la protection des populations arméniennes du Haut‑Karabakh, dont elle était pourtant la garante ;

Considérant que les témoignages font état d’infractions répétées au droit international humanitaire commises par des soldats azerbaïdjanais sur des civils et militaires arméniens du Haut‑Karabakh ;

Considérant l’exode forcé de 100 000 Arméniens du Haut‑Karabakh en l’absence de toute garantie de sécurité de la part de l’Azerbaïdjan ;

Considérant que des témoignages et des vidéos font état de dégradations et de destructions du patrimoine culturel et religieux arménien, dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan depuis l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et l’opération militaire du 19 septembre 2023 ;

Considérant la menace qui pèse sur l’intégrité territoriale des frontières souveraines de la République d’Arménie et sur la sécurité des populations des régions du sud et de l’est de la République d’Arménie, entretenue par des discours belliqueux et une incitation à la haine de la part des autorités azerbaïdjanaises ;

Considérant les efforts déployés depuis 1994 par la France et son souci constant, dans le cadre du groupe de Minsk dont elle assure la coprésidence aux côtés des États‑Unis et de la Fédération de Russie, de parvenir à une résolution pacifique, durable et concertée du conflit dans le respect du droit international ;

Constatant cependant la difficulté pour le groupe de Minsk à remplir en concertation sa mission, à la suite de l’impact du conflit ukrainien déclenché par la Fédération de Russie et du rejet de son action par l’Azerbaïdjan ;

Considérant les discussions menées à Prague en marge de la réunion du 6 octobre 2022 de la Communauté politique européenne ;

Considérant les efforts diplomatiques en vue de la nécessaire mise en œuvre des mesures provisoires prescrites par la Cour internationale de Justice dans son ordonnance du 17 novembre 2023 relative à la situation au Haut‑Karabagh, imposant à l’Azerbaïdjan de « veiller à ce que toute personne qui aurait quitté le HautKarabakh après le 19 septembre 2023 et qui souhaiterait y retourner soit en mesure de le faire en toute sécurité, librement et rapidement » ;

Considérant les risques géopolitiques majeurs qu’une escalade incontrôlable du conflit ferait courir à l’ensemble de la région du Caucase du Sud ;

Rappelant le contenu de la déclaration d’Alma‑Ata de 1991, par laquelle la République d’Arménie et l’Azerbaïdjan reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté ;

Considérant le soutien inconditionnel, entier et constant de la France envers l’Arménie, ainsi que l’a exprimé le Président de la République, M. Emmanuel Macron, le 24 septembre 2023 ;

1. Condamne avec la plus grande vigueur l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh depuis le 19 septembre 2023 ;

2. Condamne fermement les exactions commises par les forces armées de la République d’Azerbaïdjan, ayant entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles des civils et notamment des enfants ;

3. Déplore l’exode forcé ayant conduit plus de 100 000 Arméniens du Haut‑Karabakh, soit la quasi‑totalité de la population de ce territoire, à quitter leurs terres ancestrales ;

4. Considère que ce processus de nettoyage ethnique au Haut‑Karabakh relève d’une stratégie délibérée d’éradication de la présence arménienne dans ce territoire ;

5. Déplore la dégradation et la destruction du patrimoine culturel et religieux arménien dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan, d’une part à l’issue de l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020, et d’autre part à la suite de l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh depuis le 19 septembre 2023 ;

6. Condamne les arrestations illégales de plusieurs responsables politiques et militaires de la République d’Artsakh et leur détention en Azerbaïdjan et appelle la France et l’Union européenne à se mobiliser pour leur libération ;

7. Condamne les déclarations de M. Ilham Aliyev, Président de la République d’Azerbaïdjan, et des responsables azerbaïdjanais, tendant à remettre en cause l’intégrité territoriale de la République d’Arménie ;

8. Estime urgent que le Gouvernement français et l’Union européenne fournissent toute l’aide matérielle et humaine nécessaire au Gouvernement et à la société civile de la République d’Arménie pour l’accueil, le relogement et la satisfaction des besoins fondamentaux des populations déplacées ;

9. Demande en conséquence au Gouvernement français et à la Commission européenne de mettre à la disposition des institutions et des organisations non gouvernementales arméniennes et européennes une aide humanitaire d’ampleur ;

10. Appelle la France et l’Union européenne à agir afin que les organisations internationales compétentes, en particulier le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, mettent en œuvre les moyens humains et matériels indispensables pour venir en aide aux populations déplacées ;

11. Appelle la France et l’Union européenne à agir auprès des organisations internationales compétentes afin de créer les conditions d’un possible retour des populations arméniennes du Haut‑Karabakh sur leurs terres dans des conditions qui permettent de garantir leur liberté et droits fondamentaux ;

12. Appelle également la France et l’Union européenne à agir afin que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation la science et la culture mette en place une mission d’experts au Haut‑Karabakh visant à faire un inventaire des biens culturels arméniens, y compris religieux, et à empêcher leur destruction ;

13. Considère cependant que, au‑delà d’une assistance humanitaire, il est indispensable de soutenir le développement économique de l’Arménie, notamment via le développement de ses échanges avec l’Union européenne ;

14. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne d’accélérer les projets de coopération économique existants et de favoriser l’émergence de nouvelles coopérations, notamment dans les domaines de l’énergie et des infrastructures ;

15. Considère également que, au‑delà des mesures visant à aider les populations déplacées et les victimes d’exactions de la part de l’Azerbaïdjan, les responsables de ces exactions doivent faire l’objet de poursuites judiciaires et de sanctions afin que de telles pratiques ne soient pas répétées lors de conflits futurs ;

16. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne de fournir l’aide matérielle et humaine requise aux autorités judiciaires internationales afin que les responsables de ces agissements soient identifiés et traduits en justice pour répondre de leurs actes ;

17. Appelle le Gouvernement français et l’Union européenne à envisager des sanctions économiques à l’encontre des dirigeants de la République d’Azerbaïdjan, notamment le gel de leurs avoirs dans l’Union européenne, en cas de violation de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie ;

18. Demande à l’Union européenne de dénoncer l’accord avec la République d’Azerbaïdjan visant à faciliter la délivrance de visas ;

19. Considère cependant que le risque d’une nouvelle opération militaire de l’Azerbaïdjan sur le territoire souverain de la République d’Arménie, notamment dans la région du Syunik, constitue une menace réelle et sérieuse ;

20. Appelle l’Union européenne à pérenniser sa mission en Arménie au‑delà de son mandat initial de deux ans, à élargir ses prérogatives, et à poursuivre le renforcement significatif des moyens humains et matériels qui lui sont accordés ;

21. Invite l’Union européenne à rendre publics les rapports et les cartes produits par la Mission civile de l’Union européenne en Arménie, documentant l’occupation d’une partie du territoire de la République d’Arménie par l’Azerbaïdjan depuis les opérations militaires initiées en mai 2022 ;

22. Invite l’Union européenne à reconsidérer ses accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que ces accords ne contribuent pas au contournement des sanctions prises par l’Union européenne en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie ;

23. Invite l’Union européenne à accorder un soutien militaire à la République d’Arménie, notamment par l’envoi d’équipements militaires et d’armes défensives dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix, conformément aux annonces faites le 13 novembre 2023 par le Haut‑représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

 

 

 


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  AMENDEMENTS examinés par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 janvier 2024


Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

M. Delogu, Mme Leboucher, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M.Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier et M. Walter

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l'alinéa 37, insérer l’alinéa suivant :

"Rappelant que depuis le début du conflit en Ukraine, l'Union européenne a intensifié ses importations de gaz et de pétrole en provenance de l'Azerbaïdjan, renforçant ainsi l'économie du pays et, par conséquent, ses capacités militaires."


EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Par cet amendement, le groupe parlementaire de la France insoumise – NUPES, souhaite rappeler qu’à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, l’Union européenne s’est tournée vers de nouveaux producteurs de gaz et de pétrole, dont l’Azerbaïdjan.

Le sujet de cette PPRE est majeur et nous nous devons de montrer notre solidarité pleine et sans ambiguïté avec le peuple arménien. C’est l’occasion de reconnaître les torts et de dénoncer les décisions néfastes de ceux qui nous gouvernent, en les incitant à changer l’ordre actuel des choses.

Ainsi, il est donc nécessaire de rappeler qu’à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, l’Union européenne s’est empressée, avec raison, d’imposer des sanctions et de rompre les partenariats économiques existants avec la Russie. Tout ceci dans l’optique de mettre en échec l’économie russe. En 2021, l'UE consommait 400 milliards de mètres cubes de gaz russe. Ce qui représentait environ 45 % des importations du gaz naturel. L’Union s’est donc tournée vers d’autres producteurs pour éviter une crise énergétique sans précédent. L’UE a ainsi signé, en juillet 2022, un nouvel accord sur le gaz avec l’Azerbaïdjan, qui représente aujourd’hui 3 % du total des importations gazières de l’UE. L’objectif est que ce pays double ses exportations gazières vers l’UE d’ici à 2027. Ceci représenterait au moins 20 milliards de mètres cubes par an (contre 8 milliards en 2021). L’office Eurostat affirme que ces exportations ont rapporté 15,6 milliards d’euros à l’Azerbaïdjan en 2022. L’Union européenne est d’ailleurs le principal marché pour les exportations de gaz azerbaïdjanais, devant la Turquie et la Géorgie, selon le centre de réflexion Bruegel de Belgique. Cet argent a sans doute contribué au renforcement militaire azerbaïdjanais.

Par ailleurs, des soupçons pèsent sur l’origine du gaz azerbaïdjanais, dont une partie viendrait de la Russie. Le Parlement européen a même exhorté la Commission à enquêter sur ces soupçons, le 5 octobre dernier, lors de l’adoption d’un texte qui demandait également à la Commission de suspendre les accords gaziers et d’imposer des sanctions à l’Azerbaïdjan.

Pour cette raison, nous proposons par le biais de cet amendement, de rappeler dans cette PPRE le contexte européen sur ce sujet. L’UE s’est tournée vers le gaz et le pétrole azerbaïdjanais dans un contexte d’invasion russe de l’Ukraine, en bafouant son engagement de se tenir du côté des Arméniens. Nous déposons également un amendement succinct qui a pour objectif de demander à l’Union européenne d’en finir avec ses accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan.

 

Cet amendement a été rejeté.


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17 janvier 2024


Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Constance LE GRIP

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ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 37, insérer l’alinéa suivant :

« Considérant l’accord de coopération militaire signé le 23 octobre 2023 par le Ministre des Armées français M. Sébastien Lecornu et par le Ministre de la Défense de la République d’Arménie M. Suren Papikyan, en vue de renforcer les capacités de défense de la République d’Arménie ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

La signature de cet accord de coopération militaire fait de la France le premier pays occidental à s’engager concrètement pour le renforcement des capacités de défense de l’Arménie.

Cet accord de coopération s’inscrit dans le contexte de rapprochement stratégique des deux pays, engagé à l’été 2022 avec la création d’une mission de défense à Everan.

 

 

Cet amendement a été adopté.

 

 


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Rectangle

Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 3

 

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, Mme Anna Pic et M. Guillaume Garot

 

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ARTICLE UNIQUE

Compléter l’alinéa 41 par les mots :

« et appelle à la reconnaissance par les organes judiciaires internationaux des déplacements forcés de population ayant eu lieu, tels qu’ils sont définis en droit international. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés propose de caractériser les faits survenus au Haut-Karabagh moins comme un « nettoyage ethnique » notion qui n’a de force juridique que comme un « déplacement forcé de population », qui elle figure dans le droit international comme une violation des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux pouvant constituer un « crime de guerre ». La substitution d’une notion dépourvue d’effet juridique ou sa précision par un terme clairement défini en droit international semble préférable et plus opérant.

L’article 8, paragraphe 2, b) viii) du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI) mentionne en effet que « le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante d'une partie de sa population civile, dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité́ ou d'une partie de la population de ce territoire » représente un non-respect des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux qui constitue un possible « crime de guerre ».

Cet amendement a été adopté.


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Rectangle

Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 4

 

 

présenté par

Mme Marietta Karamanli, Mme Anna Pic et M. Guillaume Garot

 

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 57, insérer l’alinéa suivant :

« 20.bis Appelle à ce titre le Conseil européen à ouvrir, en concertation avec toutes les parties prenantes, le débat sur le déploiement d’une mission de prévention des conflits et de maintien de la paix conformément à l’article 42 paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés propose d’envisager de rehausser le profil de la mission de l’Union européenne en Arménie (EUMA), actuellement uniquement civile et d’en compléter les fonctions par des moyens militaires afin d’instituer une véritable « mission de prévention des conflits et de maintien de la paix » de l’Union européenne tel que prévu par l’article 43 paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne. Il est proposé que cette option fasse l’objet d’un débat entre États membres au sein du Conseil européen, en concertation avec toutes les parties prenantes.

L'objectif de l’actuelle EUMA, officiellement lancée le 20 janvier 2023 pour un mandat de 2 ans renouvelable, est de contribuer à la stabilité dans les zones frontalières de l'Arménie, en effectuant des patrouilles y compris le long de la frontière avec l’Azerbaïdjan, dans la région du Nakhitchevan. Elle fait à ce titre des rapports réguliers. Elle a aussi pour objectif de renforcer la confiance sur le terrain et de soutenir les efforts de normalisation entre l'Arménie et l’Azerbaïdjan.

 

Cet amendement a été adopté.

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Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

M. Delogu, Mme Leboucher, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Garrido, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Pilato, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurinya, M.Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier et M. Walter

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ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi l'alinéa 59 :

« Demande à l’Union européenne de dénoncer ses accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Par cet amendement le groupe parlementaire de la France insoumise – NUPES, souhaite demander à l’Union européenne d’en finir avec ses accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan, et non pas de les « reconsidérer » comme l’entend la formulation initiale du texte.

Le sujet de cette PPRE est majeur et nous nous devons de montrer notre solidarité pleine et sans ambiguïté avec le peuple arménien. C’est l’occasion de reconnaître les torts et de dénoncer les décisions néfastes de ceux qui nous gouvernent, en leur demandant de changer l’ordre actuel des choses. À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, l’Union européenne s’est empressée, avec raison, d’imposer des sanctions et de rompre les partenariats économiques existant avec la Russie. Tout ceci dans l’optique de mettre en échec l’économie russe. En 2021, l'UE consommait 400 milliards de mètres cubes de gaz russe. Ce qui représentait environ 45 % des importations du gaz naturel. L’Union s’est donc tournée vers d’autres producteurs pour éviter une crise énergétique sans précédent. L’UE a ainsi signé, en juillet 2022, un nouvel accord sur le gaz avec l’Azerbaïdjan, qui représente aujourd’hui 3 % du total des importations gazières de l’UE. L’objectif est que ce pays double ses exportations gazières vers l’UE d’ici à 2027. Ceci représenterait au moins 20 milliards de mètres cubes par an (contre 8 milliards en 2021). L’office Eurostat affirme que ces exportations ont rapporté 15,6 milliards d’euros à l’Azerbaïdjan en 2022. L’Union européenne est d’ailleurs le principal marché pour les exportations de gaz azerbaïdjanais, devant la Turquie et la Géorgie, selon le centre de réflexion Bruegel de Belgique. Cet argent a sans doute contribué au renforcement militaire azerbaïdjanais.

Par ailleurs, des soupçons pèsent sur l’origine du gaz azerbaïdjanais, dont une partie viendrait de la Russie. Le Parlement européen a même exhorté la Commission à enquêter sur ces soupçons, le 5 octobre dernier, lors de l’adoption d’un texte qui demandait également à la Commission de suspendre les accords gaziers et d’imposer des sanctions à l’Azerbaïdjan.

Pour cette raison, nous considérons comme nécessaire de demander à l’UE de dénoncer unilatéralement, de façon immédiate et sans ambiguïté, les accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan, à l'instar de la demande des eurodéputés en octobre dernier.

 

 

 

Cet amendement a été rejeté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

17 janvier 2024

Rectangle

Proposition de résolution européenne visant à dénoncer le nettoyage ethnique des populations arméniennes du Haut-Karabakh et à exiger le respect de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie (n° 2054)

 

AMENDEMENT

No 6

 

 

présenté par

Constance LE GRIP

 

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ARTICLE UNIQUE

 

Rédiger ainsi l’alinéa 60 :

« 23 : Invite l’Union européenne à accorder un soutien militaire non-létal à la République d’Arménie, notamment par l’envoi d’équipements militaires et d’armes défensives dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix, et à renforcer la mission de l’Union européenne dans le pays, afin que le nombre d’observateurs et de patrouilles puisse y être augmenté, y compris dans les zones sensibles, conformément au relevé de conclusions du Conseil des Affaires Étrangères du 13 novembre 2023. »

EXPOSÉ DES MOTIFS

Cet amendement se justifie par son texte même. Il s’agit clairement de faire état des conclusions auxquelles était parvenu le Conseil des Affaires Étrangères du 13 novembre 2023, et des déclarations du Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

 

 

Cet amendement a été rejeté.


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  Proposition de résolution européenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 2 et l’article 3, paragraphes 3 et 5, du traité sur l’Union européenne,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 13 et 17,

Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,

Vu la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, telle qu’amendée par les Protocoles n° 11, 14 et 15, complétée par le Protocole additionnel et les Protocoles n° 4, 6, 7, 12,13 et 16,

Vu la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale du 4 janvier 1969,

Vu la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel du 16 novembre 1972,

Vu la Déclaration d’Alma‑Ata du 21 décembre 1991,

Vu la résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations unies du 16 septembre 2005 sur la responsabilité de protéger,

Vu l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020,

Vu les ordonnances n° 180 du 22 février 2023 et du 6 juillet 2023 de la Cour internationale de Justice,

Vu l’ordonnance du 17 novembre 2023 de la Cour internationale de justice, sur l’application de la convention internationale sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale (Arménie c. Azerbaïdjan),

Vu la résolution n° 520 sur la protection du peuple arménien et des communautés chrétiennes d’Europe et d’Orient, adoptée par l’Assemblée nationale le 3 décembre 2020,

Vu la résolution n° 37 visant à exiger la fin de l’agression de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’Arménie et à établir une paix durable dans le Caucase du Sud, adoptée par l’Assemblée nationale le 30 novembre 2022,

Vu la résolution du Parlement européen 2022/2582 du 10 mars 2022 sur la destruction du patrimoine culturel au Haut‑Karabakh,

Vu la résolution du Parlement européen 2023/0393 du 5 octobre 2023 sur la situation dans le Haut‑Karabakh après l’attaque menée par l’Azerbaïdjan et la persistance des menaces contre l’Arménie,

Vu la décision 2023/162 du Conseil du 23 janvier 2023 relative à une mission de l’Union européenne en Arménie,

Vu la décision 2023/386 du Conseil du 20 février 2023 relative au lancement de la mission de l’Union européenne en Arménie et modifiant la décision 2023/162,

Vu le dépôt par l’Arménie de son instrument de ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 14 novembre 2023.

Vu la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne du 13 novembre 2023,

Considérant que le blocus imposé par l’Azerbaïdjan aux populations arméniennes du Haut‑Karabakh depuis le 12 décembre 2022 constitue une violation de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et a causé la mort de civils en raison de l’insuffisance des vivres et des médicaments, et de l’absence de soins médicaux appropriés,

Considérant que l’Azerbaïdjan a refusé de se soumettre aux ordonnances de la Cour internationale de Justice du 22 février 2023 et du 6 juillet 2023 lui imposant de garantir la circulation libre et ininterrompue de toutes personnes, de tous véhicules et de toutes marchandises le long du corridor de Latchine, dans les deux sens,

Considérant que l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh les 19 et 20 septembre 2023 constitue également une violation de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020,

Considérant que la Fédération de Russie n’a pas assuré le respect du cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020 ni la protection des populations arméniennes du Haut‑Karabakh, dont elle était pourtant la garante ;

Considérant que les témoignages font état d’infractions répétées au droit international humanitaire commises par des soldats azerbaïdjanais sur des civils et militaires arméniens du Haut‑Karabakh ;

Considérant l’exode forcé de 100 000 Arméniens du Haut‑Karabakh en l’absence de toute garantie de sécurité de la part de l’Azerbaïdjan ;

Considérant que des témoignages et des vidéos font état de dégradations et de destructions du patrimoine culturel et religieux arménien, dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan depuis l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, et l’opération militaire du 19 septembre 2023 ;

Considérant la menace qui pèse sur l’intégrité territoriale des frontières souveraines de la République d’Arménie et sur la sécurité des populations des régions du sud et de l’est de la République d’Arménie, entretenue par des discours belliqueux et une incitation à la haine de la part des autorités azerbaïdjanaises ;

Considérant les efforts déployés depuis 1994 par la France et son souci constant, dans le cadre du groupe de Minsk dont elle assure la coprésidence aux côtés des États‑Unis et de la Fédération de Russie, de parvenir à une résolution pacifique, durable et concertée du conflit dans le respect du droit international ;

Constatant cependant la difficulté pour le groupe de Minsk à remplir en concertation sa mission, à la suite de l’impact du conflit ukrainien déclenché par la Fédération de Russie et du rejet de son action par l’Azerbaïdjan ;

Considérant les discussions menées à Prague en marge de la réunion du 6 octobre 2022 de la Communauté politique européenne ;

Considérant les efforts diplomatiques en vue de la nécessaire mise en œuvre des mesures provisoires prescrites par la Cour internationale de Justice dans son ordonnance du 17 novembre 2023 relative à la situation au Haut‑Karabagh, imposant à l’Azerbaïdjan de « veiller à ce que toute personne qui aurait quitté le HautKarabakh après le 19 septembre 2023 et qui souhaiterait y retourner soit en mesure de le faire en toute sécurité, librement et rapidement » ;

Considérant les risques géopolitiques majeurs qu’une escalade incontrôlable du conflit ferait courir à l’ensemble de la région du Caucase du Sud ;

Rappelant le contenu de la déclaration d’Alma‑Ata de 1991, par laquelle la République d’Arménie et l’Azerbaïdjan reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté ;

Considérant le soutien inconditionnel, entier et constant de la France envers l’Arménie, ainsi que l’a exprimé le Président de la République, M. Emmanuel Macron, le 24 septembre 2023 ;


Considérant l’accord de coopération militaire signé le 23 octobre 2023 par le Ministre des Armées de la République française M. Sébastien Lecornu et par le Ministre de la Défense de la République d’Arménie M. Suren Papikyan, en vue de renforcer les capacités de défense de la République d’Arménie ;

1. Condamne avec la plus grande vigueur l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh depuis le 19 septembre 2023 ;

2. Condamne fermement les exactions commises par les forces armées de la République d’Azerbaïdjan, ayant entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles des civils et notamment des enfants ;

3. Déplore l’exode forcé ayant conduit plus de 100 000 Arméniens du Haut‑Karabakh, soit la quasi‑totalité de la population de ce territoire, à quitter leurs terres ancestrales ;

4. Considère que ce processus de nettoyage ethnique au Haut‑Karabakh relève d’une stratégie délibérée d’éradication de la présence arménienne dans ce territoire et appelle à la reconnaissance de ces actes comme un déplacement forcé de population au sens du droit international par les organes judiciaires internationaux ;

5. Déplore la dégradation et la destruction du patrimoine culturel et religieux arménien dans les territoires passés sous contrôle de l’Azerbaïdjan, d’une part à l’issue de l’accord de cessez‑le‑feu du 9 novembre 2020, et d’autre part à la suite de l’opération militaire menée par l’Azerbaïdjan au Haut‑Karabakh depuis le 19 septembre 2023 ;

6. Condamne les arrestations illégales de plusieurs responsables politiques et militaires de la République d’Artsakh et leur détention en Azerbaïdjan et appelle la France et l’Union européenne à se mobiliser pour leur libération ;

7. Condamne les déclarations de M. Ilham Aliyev, Président de la République d’Azerbaïdjan, et des responsables azerbaïdjanais, tendant à remettre en cause l’intégrité territoriale de la République d’Arménie ;

8. Estime urgent que le Gouvernement français et l’Union européenne fournissent toute l’aide matérielle et humaine nécessaire au Gouvernement et à la société civile de la République d’Arménie pour l’accueil, le relogement et la satisfaction des besoins fondamentaux des populations déplacées ;

9. Demande en conséquence au Gouvernement français et à la Commission européenne de mettre à la disposition des institutions et des organisations non gouvernementales arméniennes et européennes une aide humanitaire d’ampleur ;

10. Appelle la France et l’Union européenne à agir afin que les organisations internationales compétentes, en particulier le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, mettent en œuvre les moyens humains et matériels indispensables pour venir en aide aux populations déplacées ;

11. Appelle la France et l’Union européenne à agir auprès des organisations internationales compétentes afin de créer les conditions d’un possible retour des populations arméniennes du Haut‑Karabakh sur leurs terres dans des conditions qui permettent de garantir leur liberté et droits fondamentaux ;

12. Appelle également la France et l’Union européenne à agir afin que l’Organisation des Nations unies pour l’éducation la science et la culture mette en place une mission d’experts au Haut‑Karabakh visant à faire un inventaire des biens culturels arméniens, y compris religieux, et à empêcher leur destruction ;

13. Considère cependant que, au‑delà d’une assistance humanitaire, il est indispensable de soutenir le développement économique de l’Arménie, notamment via le développement de ses échanges avec l’Union européenne ;

14. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne d’accélérer les projets de coopération économique existants et de favoriser l’émergence de nouvelles coopérations, notamment dans les domaines de l’énergie et des infrastructures ;

15. Considère également que, au‑delà des mesures visant à aider les populations déplacées et les victimes d’exactions de la part de l’Azerbaïdjan, les responsables de ces exactions doivent faire l’objet de poursuites judiciaires et de sanctions afin que de telles pratiques ne soient pas répétées lors de conflits futurs ;

16. Demande en conséquence au Gouvernement français et à l’Union européenne de fournir l’aide matérielle et humaine requise aux autorités judiciaires internationales afin que les responsables de ces agissements soient identifiés et traduits en justice pour répondre de leurs actes ;

17. Appelle le Gouvernement français et l’Union européenne à envisager des sanctions économiques à l’encontre des dirigeants de la République d’Azerbaïdjan, notamment le gel de leurs avoirs dans l’Union européenne, en cas de violation de l’intégrité territoriale de la République d’Arménie ;

18. Demande à l’Union européenne de dénoncer l’accord avec la République d’Azerbaïdjan visant à faciliter la délivrance de visas ;

19. Considère cependant que le risque d’une nouvelle opération militaire de l’Azerbaïdjan sur le territoire souverain de la République d’Arménie, notamment dans la région du Syunik, constitue une menace réelle et sérieuse ;

20. Appelle l’Union européenne à pérenniser sa mission en Arménie au‑delà de son mandat initial de deux ans, à élargir ses prérogatives, et à poursuivre le renforcement significatif des moyens humains et matériels qui lui sont accordés ;

20 bis. Appelle à ce titre le Conseil européen à ouvrir, en concertation avec toutes les parties prenantes, le débat sur le déploiement d’une mission de prévention des conflits et de maintien de la paix conformément à l’article 42, paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne ;

21. Invite l’Union européenne à rendre publics les rapports et les cartes produits par la Mission civile de l’Union européenne en Arménie, documentant l’occupation d’une partie du territoire de la République d’Arménie par l’Azerbaïdjan depuis les opérations militaires initiées en mai 2022 ;

22. Invite l’Union européenne à reconsidérer ses accords gaziers et pétroliers avec l’Azerbaïdjan, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que ces accords ne contribuent pas au contournement des sanctions prises par l’Union européenne en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie ;

23. Invite l’Union européenne à accorder un soutien militaire à la République d’Arménie, notamment par l’envoi d’équipements militaires et d’armes défensives dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix, conformément aux annonces faites le 13 novembre 2023 par le Haut‑représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

 

 

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

Mme Hasmik TOLMAJIAN, Ambassadrice d'Arménie en France

 

M. Brice ROQUEFEUIL, Directeur de l’Europe continentale

 

 


([1])  La plupart des éléments historiques nourrissant ce rapport sont tirés de l’ouvrage Géopolitique de l’Arménie¸de Tigrane Yégavian.

([2])  Le Royaume de Cilicie, situé sur la côte sud-est de l’actuelle Turquie, était peuplé d’Arméniens mais situé hors de l’Arménie historique et a perdu son indépendance en 1375.

([3])  Le territoire du royaume arménien du roi Tigrane II, vers 70 av. J.-C, s’étend de la Caspienne à la Méditerranée mais il s’agit d’un empire qui n’a duré que très peu de temps.

([4])  Alors commissaire aux nationalités de la Russie soviétique.

([5])  Les autres membres de l’OTSC sont la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

([6])  Le président Aliyev maintient que la population arménienne du Haut-Karabakh est en réalité une population d’origine albanaise du Caucase, thèse sans fondement sérieux mais manifestant une volonté d’effacer toute trace historique de la présence arménienne dans la région.