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N° 2148

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, EN VUE DE LA LECTURE DÉFINITIVE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants

 

 

PAR M. Bruno STUDER

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 758, 908 et T.A. 84.

    Commission mixte paritaire : 1308

    Nouvelle lecture : 1229, 1693.

    Lecture définitive : 2013

Sénat : 1re lecture : 396, 560, 561 et T.A. 107 (2022-2023).

 Commission mixte paritaire : 674, 675 (2022-2023)

 Nouvelle lecture : 27, 198, 199 et T.A. 42 (2022-2023)

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

Compte-rendu des débats

 


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Mesdames, Messieurs,

Malgré leur souci commun de faire progresser la protection des mineurs, l’Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas parvenus à concilier leurs points de vue, ni lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 1er juin 2023, ni au terme des nouvelles lectures réalisées dans chacune des deux chambres.

L’Assemblée nationale a rétabli la rédaction qu’elle avait adoptée en première lecture, dans le but, notamment, de circonscrire la mesure d’interdiction de publication des contenus relatifs à un enfant aux situations les plus problématiques. Elle a maintenu, dans une rédaction légèrement différente, l’article 5 introduit par le Sénat en première lecture, dans le but de faciliter le recours au référé en matière de protection des droits des mineurs en ligne.

De son côté, à l’initiative de la rapporteure, le Sénat a supprimé les articles 1er et 4 et vidé l’article 2 de son effet.

Il a également modifié l’article 3 pour préciser les conditions de recours à la mesure d’interdiction de publication de l’image de l’enfant sans l’accord de l’autre parent. Cette modification a pour conséquence de restreindre la possibilité de prononcer cette mesure aux situations dans lesquelles le droit à l’image de l’enfant doit être protégé. Cette rédaction est trop restrictive car elle ne permet pas au juge aux affaires familiales d’intervenir de manière préventive, dès le constat d’un désaccord entre les parents sur l’exercice de ce droit. En outre, elle introduit une confusion avec l’office du juge des enfants, chargé de la protection des mineurs.

Enfin, l’article 5 a été complété par une mesure de coordination visant à étendre le dispositif prévu à cet article en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises ([1]).

Dans ces conditions, le désaccord persistant entre les deux chambres ne peut être tranché que par le recours au dernier mot de l’Assemblée nationale. En conséquence, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur cette proposition de loi.

À ce stade de la procédure, l’Assemblée nationale ne peut que reprendre le dernier texte voté par elle, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.

La Commission a accepté de reprendre l’amendement de coordination COM-5 de la rapporteure concernant l’application outre-mer de l’article 5, tel qu’il a été utilement adopté par la commission des Lois du Sénat lors de l’examen du texte en nouvelle lecture.

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   Compte-rendu des débats

Lors de sa réunion du mardi 6 février 2024, la Commission examine, en vue de la lecture définitive, la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants (T.A. n° 174) (M. Bruno Studer, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/6YCnRZ

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons pour la première fois de la législature un texte en lecture définitive. Le Gouvernement demande en effet à l’Assemblée nationale de se prononcer en dernier ressort sur la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, compte tenu du désaccord persistant entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Cette procédure présente plusieurs particularités.

Tout d’abord, nous n’allons pas nous prononcer sur le dernier texte adopté par le Sénat, mais, de nouveau, sur le texte que nous avons nous-mêmes adopté en nouvelle lecture. C’est pourquoi il est inutile de procéder à une nouvelle discussion générale.

Par ailleurs, nous n’allons pas établir de texte de commission. Notre marge de manœuvre est très réduite : nous pouvons uniquement donner un avis sur les amendements reprenant les modifications introduites par le Sénat par rapport à notre version adoptée en nouvelle lecture.

M. Bruno Studer, rapporteur. Je vais brièvement expliquer la situation qui nous mène à cette lecture définitive et ma position au sujet des différentes modifications proposées par le Sénat.

Nous avons le même objectif, malgré quelques petites divergences sur la façon d’y parvenir ; je pense et j’espère qu’au bout du compte, dans l’hémicycle, nous voterons ensemble ce texte relatif à un problème qui commence seulement à se poser.

La commission mixte paritaire n’ayant pu aboutir, j’avais souhaité que l’Assemblée rétablisse en nouvelle lecture le texte qu’elle avait précédemment adopté à l’unanimité, car il était plus ambitieux.

En nouvelle lecture, le Sénat a de nouveau adopté un texte divergent.

Il a supprimé les articles 1er et 4, pourtant essentiels pour rappeler la place du droit à l’image dans l’exercice de l’autorité parentale et pour permettre la délégation de celle-ci en cas d’abus grave. Certains collègues ont à nouveau déposé ici des amendements de suppression de ces articles. Pourtant, il est important que la régulation sociétale – troisième phase venant après la régulation socio-économique, grâce au texte sur les enfants youtubeurs, et la régulation technique, apportée par la loi sur le contrôle parental –, figure noir sur blanc dans le code civil. Je serai donc défavorable à ces amendements.

Le Sénat a également vidé de sa substance l’article 2, qui donnait une portée concrète à l’association de l’enfant aux décisions concernant son image.

La modification apportée à l’article 3 a pour conséquence de restreindre la possibilité de prononcer la mesure aux situations dans lesquelles le droit à l’image de l’enfant doit être protégé. Cette rédaction est trop restrictive : elle ne permet pas au juge aux affaires familiales d’intervenir de manière préventive, dès le constat d’un désaccord entre les parents au sujet de l’exercice de ce droit.

Je vous proposerai seulement de reprendre l’amendement qui étend l’application de l’article 5 – relatif à la protection des données personnelles des mineurs – en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Il vient compléter un dispositif que nous avions adopté en nous inspirant des travaux du Sénat en nouvelle lecture.

Amendement de suppression n° 11 de Mme Emmanuelle Ménard

M. le président Sacha Houlié.  Il tend à supprimer l’article 1er.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission repousse l’amendement.

Amendement n° 1 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). Cet amendement vise à supprimer des dispositions qui nous paraissent satisfaites : l’association de l’enfant à l’exercice de son propre droit à l’image, que vous introduisez à l’alinéa 3, est déjà consacrée par l’article 371‑1 du code civil, qui dispose que « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Pourquoi alors prévoir une disposition spécifique pour le droit à l’image ?

De même, la référence à l’article 372‑1 du code civil que vous ajoutez à l’article 226‑1 du code pénal paraît inutile, puisque le code civil prévoit déjà que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».

Si nous partageons bien sûr les inquiétudes du rapporteur, nous proposons la suppression de ces dispositions superfétatoires.

M. Bruno Studer, rapporteur. Avis défavorable. Cette répétition me paraît souhaitable pour que la loi soit mieux intelligible, y compris pour les enfants eux-mêmes – dont je veux qu’ils soient de véritables sujets de droit, et pas seulement des objets de droit.

Par ailleurs, il est intéressant que le code pénal fasse référence à cette disposition afin que le juge puisse, en cas de contentieux sur l’utilisation de l’image de l’enfant, apprécier si l’enfant a été associé à la décision.

La commission repousse l’amendement.

Amendement n° 2 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). Nous proposons de supprimer l’article 4, qui nous semble inopérant. La délégation du droit à l’image à un tiers ou aux services sociaux ne fait qu’ajouter un nouveau responsable ; elle ne touche pas à l’autorité parentale. Qu’est-ce qui empêchera les parents de continuer leurs agissements ?

M. Bruno Studer, rapporteur. C’est à mon sens le pivot de la proposition de loi, et je regrette ce malentendu : l’article 4 apporte une réponse aux situations dans lesquelles les deux parents s’accordent pour utiliser l’image de l’enfant d’une façon qui lui porte atteinte. Dans ces cas-là, personne, aujourd’hui, ne peut venir au secours de cet enfant, à moins de retirer aux parents l’exercice de l’autorité parentale, ce qui serait aller trop loin.

Je comprends les limites de ce dispositif, et nous verrons comment il sera appliqué. Mais je souhaite conserver cet outil nouveau, qui sera à la disposition du juge aux affaires familiales et qui pourra aussi servir à la prévention.

La commission repousse l’amendement.

Amendements identiques nos 7 de M. Bruno Studer, 8 de Mme Sarah Tanzilli, 9 de Mme Mathilde Desjonquères et 10 de Mme Naïma Moutchou

M. Bruno Studer, rapporteur. C’est l’amendement adopté par le Sénat dont je vous parlais en introduction.

La commission accepte les amendements.

La commission adopte la proposition de loi.

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En conséquence, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution et en application de l’article 114, alinéa 3, du Règlement, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi dans le texte voté par elle en nouvelle lecture ainsi que les amendements qu’elle a acceptés au cours de sa réunion du mardi 6 février 2024.


([1]) Amendement COM-5 de la rapporteure du Sénat, Mme Isabelle Florennes.