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N° 2157

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,


visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires

PAR Mme Brigitte LISO

Députée

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Voir les numéros :

 Sénat :  111, 200, 201 et T.A. 44 (2023-2024).

Assemblée nationale :  2014


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

I. Présentation synthétique du projet de loi

II. Les modifications apportées par le Sénat

III. Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

Commentaire des articles

Chapitre Ier A Consacrer les pouvoirs et le rôle de l’administration chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de la lutte contre les dérives sectaires

Article 1er A (art. 21 bis [nouveau] de la loi n° 2001504 du 21 juin 2001) Statut législatif de la MIVILUDES

Article 1er BA (art. L. 1325 et L. 13213 du code de la sécurité intérieure) Élargissement aux dérives sectaires des compétences des conseils locaux  de sécurité et de prévention de la délinquance

Chapitre Ier Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Article 1er B (supprimé) (art. 223152 du code pénal) Circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse  au moyen d’un support numérique ou électronique

Article 1er  (art. 223152, 223153 [nouveau], 223154 et 223155 du code pénal, art. 704 et 70673 du code de procédure pénale, art. L. 4446 du code de l’éducation et art. 19 de la loi n° 2001504 du 12 juin 2001) Singulariser le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse résultant d’un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état

Article 2 (art. 2214, 2223, 2224, 2228, 22210, 22212, 22213, 22214 et 3132 du code pénal) Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences  et les escroqueries

Article 2 bis A (nouveau) (art. 225413 du code pénal) Introduire des circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires pour les « thérapies de conversion »

Chapitre Ier bis Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires

Article 2 bis (art. 8 du code de procédure pénale) Allongement des délais de prescription applicables en cas d’abus de faiblesse d’un mineur

Article 2 ter (art. 22715 et 22717 du code pénal) Circonstance aggravante des délits de privation d’aliments ou de soins et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur en cas de manquement à l’obligation de déclaration à l’état civil d’un enfant

Article 2 quater (nouveau) (art. 6 de la loi n° 2004575 du 21 juin 2004) Inclusion de l’abus de faiblesse et du délit de sujétion parmi les infractions contre lesquelles doivent lutter les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus

Chapitre II Renforcer l’accompagnement des victimes

Article 3 (art. 26 et 217 du code de procédure pénale) Étendre les catégories d’associations pouvant se constituer partie civile  en matière d’emprise sectaire

Chapitre III Protéger la santé

Article 4 A (art. L. 4161-5, L. 4223-1, L. 6242-2 du code de la santé publique,  art. L. 132-3 du code de la consommation) Aggravation des sanctions pour les délits d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pratiques commerciales trompeuses commises au moyen de supports numériques et création d’une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre ces infractions

Article 4  (art. 223-1-2 du code pénal) Création d’infractions réprimant la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé

Article 5 (art. 11-3 du code de procédure pénale) Obligation pour le parquet d’informer l’ordre professionnel en cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire d’un professionnel de santé à raison de la commission de certaines infractions

Chapitre IV Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Article 6 (art. 157-3 du code de procédure pénale) Permettre la transmission à l’autorité judiciaire de toute information utile sur les phénomènes sectaires

Article 6 bis (nouveau) (art. 226-14 du code pénal) Dérogation au secret médical pour permettre aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion

Chapitre V Dispositions diverses

Article 7 (art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale) Coordinations outre-mer

Article 8 (nouveau) Remise d’un rapport au Parlement portant sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale

Examen en commission

Personnes entendues

Contribution écrite

 


 

Mesdames, messieurs,

Au cours des dernières années, les phénomènes sectaires ont évolué, s’adaptant aux changements sociaux et culturels et profitant de l’essor des nouvelles technologies pour pénétrer d’autres domaines que celui de la spiritualité. La physionomie de ces mouvements a également connu de profondes mutations. Aux côtés des grandes organisations structurées, ce sont désormais des personnalités charismatiques qui usent de leur influence, en empruntent aux techniques de manipulation propres à assujettir les individus, pour diffuser des discours à caractère sectaire. Ces discours, qui remettent parfois en question la crédibilité des institutions et nuisent à la confiance accordée en la science notamment, déstabilisent les fondements du vivre-ensemble et mettent en péril la santé publique.

L’émergence des dérives sectaires dans le domaine de la santé notamment, en exploitant la perte de repères et les angoisses liées à la complexification de la société, atteste de la vivacité de ce phénomène qui n’épargne aucun secteur ni classe sociale. Par l’intermédiaire de l’utilisation des réseaux de communication en ligne, les nouveaux « gourous 2.0 », qui maitrisent les codes de l’outil numérique, propagent leur discours à destination d’une audience plus large, et bien souvent plus vulnérable. Pour mieux manipuler leurs victimes, ces délinquants exploitent les failles personnelles, mais également les fragilités liées à la maladie ou à la minorité, pour porter atteinte à la liberté de conscience et à l’intégrité des individus.

Pour faire face au renouvellement des phénomènes sectaires, le rôle joué par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) apparaît essentiel. Son engagement croissant dans la lutte contre les dérives sectaires peut se mesurer à l’aune du nombre des signalements reçus, une augmentation de 33 % ayant été relevée en 2021.

Plus de vingt ans après l’adoption de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite « About-Picard », il est devenu urgent d’adapter notre cadre juridique aux nouveaux enjeux de la lutte contre les dérives sectaires.

Dès le mois de mars 2023, le Gouvernement a réuni, sous l’égide de Mme Sonia Backès, alors secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, les Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, associant tous les acteurs impliqués dans ce domaine, et notamment des institutions, associations, et spécialistes, afin de dresser un constat et d’identifier des moyens d’action.

Ces Assises ont abouti à l’ambitieuse Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027, articulée autour de trois axes : une meilleure prévention, un accompagnement plus appuyé des victimes, et un renforcement de l’arsenal juridique.

Le présent projet de loi a pour ambition de tirer les conséquences de ces travaux en mettant essentiellement en œuvre le troisième de ces axes. En adaptant l’arsenal juridique existant aux évolutions des dérives sectaires, il permet également d’assurer un meilleur accompagnement des victimes en réprimant mieux ce phénomène et en assurant leur réparation.

Au cours de ses travaux, votre rapporteure a tenu à accorder la parole à chaque partie prenante en entendant tous les acteurs susceptibles d’être concernés par la lutte contre les dérives sectaires. Qu’il s’agisse des ordres des professionnels de santé, des administrations, des associations, des professeurs, des experts, de la MIVILUDES, toutes les personnes auditionnées ont salué les avancées remarquables de ce projet de loi. Votre rapporteure tient à adresser ses plus vifs remerciements à l’ensemble de ces personnes, dont la contribution a été essentielle pour nourrir ses travaux de façon à répondre aux enjeux de la lutte contre les phénomènes sectaires.

Les débats en commission des Lois ont été l’occasion de restaurer l’ambition initiale de ce projet de loi, en rétablissant notamment deux des dispositions au cœur de la réforme de notre arsenal juridique. Ils ont également permis de consolider certains des apports du Sénat, qui ont renforcé le rôle de la MIVILUDES et adapté la réponse judiciaire à la prise en compte des dérives thérapeutiques à caractère sectaire commises en ligne. Ce travail mérite d’être consolidé lors des débats en séance publique, avec pour objectif de garantir l’équilibre des dispositions du projet de loi sans en sacrifier l’efficacité.

 

 

 


I.   Présentation synthétique du projet de loi

Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires comprenait initialement sept articles.

L’article 1er modifie le délit d’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse. D’une part, il réprime, dans une infraction autonome, le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus frauduleux éventuel. D’autre part, il distingue formellement l’abus de faiblesse sectaire, reposant sur l’état de sujétion de la victime, de l’abus de faiblesse « simple » concernant un mineur ou une personne vulnérable et auquel la circonstance aggravante de commission en bande organisée est étendue.

L’article 2 introduit une nouvelle circonstance aggravante pour le meurtre, les actes de tortures et de barbarie, les violences et l’escroquerie, reposant sur l’état de sujétion psychologique ou physique de la victime.

L’article 3 élargit les catégories d’associations intervenant en matière de dérives sectaires auxquelles peut être reconnu l’exercice des droits de la partie civile, en substituant à la condition tenant à la reconnaissance d’utilité publique de l’association, celle d’obtenir un agrément. Est également prévue une période transitoire de neuf mois, afin que les associations reconnues d’utilité publique puissent continuer à exercer leurs droits, dans l’attente d’être agréées.

L’article 4 renforce la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie ou de la biologie médicale, ou de pratiques commerciales trompeuses, en aggravant les peines encourues lorsque ces délits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne et en prévoyant l’application d’une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne ayant été utilisé pour commettre l’infraction.

L’article 5 vise à rendre obligatoire, et non plus facultative, la transmission aux ordres professionnels nationaux de santé, par le procureur de la République, d’informations relatives à certaines décisions judiciaires prises à l’encontre d’un professionnel placé sous leur contrôle, lorsqu’elles concernent une procédure pour des infractions qui sont en lien avec les dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

L’article 6 introduit en matière pénale une procédure d’« amicus curiae » applicable en cas de poursuites pour des infractions en matière de dérives sectaires, permettant au ministère public ou à la juridiction de solliciter par écrit tout service de l’État dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement.

Enfin, l’article 7 prévoit l’application des dispositions de droit pénal et de procédure pénale du projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

II.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat, à l’initiative de sa commission des Lois, a supprimé les articles 1er, 2 et 4 du projet de loi.

À l’article 3, il a porté de neuf mois à un an la durée de la période transitoire durant laquelle les associations reconnues d’utilité publique peuvent continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile.

Le champ d’application de l’article 6 a été modifié par le Sénat qui, en cohérence avec la suppression des articles 1er et 2 du projet de loi, a limité la procédure d’ « amicus curiae » aux cas dans lesquels les poursuites sont exercées pour des infractions d’abus frauduleux de l’état de faiblesse ou de vulnérabilité.

Le Sénat a par ailleurs introduit six nouveaux articles.

À travers un nouvel article 1er A, introduit par la commission, il a conféré un statut législatif à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), inscrivant dans la loi son existence et ses missions, et a prévu une immunité pénale au bénéfice du président de la MIVILUDES à raison des opinions émises dans le rapport annuel de la mission.

Le Sénat, à l’initiative de M. Guy Benarroche, a également élargi en séance, dans un nouvel article 1er BA, les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), en permettant aux groupes de travail constitués au sein de ces organes de traiter des questions liées aux phénomènes sectaires.

La commission des Lois du Sénat a introduit un nouvel article 1er B qui érige en circonstance aggravante la commission d’un abus de faiblesse en utilisant un service de communication au public en ligne ou au moyen d’un support numérique ou électronique.

Sur proposition de la rapporteure, Mme Lauriane Josende, et de Mme Nathalie Delattre, la commission des Lois, dans un nouvel article 2 bis, a décalé à la majorité de la victime le point de départ du délai de prescription de l’abus de faiblesse, lorsqu’il est commis sur un mineur.

En outre, par un nouvel article 2 ter, introduit lui aussi sur proposition de la rapporteure en commission, le Sénat a prévu, pour les délits prévus aux articles 227‑15 et 227‑17 du code pénal relatifs à la mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs, une circonstance aggravante reposant sur le défaut de déclaration de l’enfant à l’état civil.

Enfin, dans un nouvel article 4 A, également introduit sur proposition de la rapporteure en commission, le Sénat a renforcé la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie ou de la biologie médicale, ou de pratiques commerciales trompeuses. Pour ce faire, cet article introduit une nouvelle cause d’aggravation des peines lorsque ces délits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. Cet article prévoit également l’application, à l’encontre de l’auteur reconnu coupable de l’un de ces délits, d’une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne ayant été utilisé pour commettre l’infraction.

III.   Les principaux apports de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale

L’article 1er A, conservé dans son principe, a été modifié à l’initiative de votre rapporteure pour que le nom de la MIVILUDES ne figure pas expressément dans la loi et que sa consécration législative soit inscrite dans la loi dite « About‑Picard » du 12 juin 2001, relative aux mouvements sectaires. Toujours à l’initiative de votre rapporteure, la Commission est revenue sur l’immunité pénale du président de la MIVILUDES qu’avait prévue le Sénat, et a supprimé l’exigence d’obtenir l’accord des personnes pour que leurs témoignages, anonymisés, soient publiés dans le rapport annuel de la mission. Enfin, sur proposition de M. Philippe Dunoyer, la Commission a précisé que la MIVILUDES exerce sa compétence sur l’ensemble du territoire national.

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a étendu le champ d’application de l’article 1er BA aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).

La Commission, en adoptant des amendements de votre rapporteure, de Mme Mathilde Desjonquères et de MM. Philippe Pradal, Didier Paris et Arthur Delaporte, a rétabli les articles 1er et 2. Le rétablissement de l’article 1er a intégré le dispositif prévu à l’article 1er B, que la Commission a supprimé à l’initiative de votre rapporteure et de M. Jean‑François Coulomme.

Un nouvel article 2 bis A a été introduit sur proposition de votre rapporteure, prévoyant pour l’infraction relative aux « thérapies de conversion » des circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires, à savoir la commission sur une personne en état de sujétion ou par le dirigeant d’un mouvement sectaire ou par les membres d’un mouvement sectaire agissant en bande organisée.

L’article 2 bis a été réécrit à l’initiative de M. Paris, afin que le délai de prescription du nouveau délit de sujétion prévu à l’article 1er, lorsqu’il est commis sur un mineur, soit porté de six à dix ans, avec pour point de départ la majorité de la victime.

À l’article 2 ter, la Commission a adopté un amendement de votre rapporteure assurant le respect de l’échelle des peines correctionnelles.

Sur proposition de M. Erwan Balanant, la Commission a introduit un nouvel article 2 quater étendant aux délits d’abus de faiblesse et de sujétion le champ des infractions contre la diffusion desquelles les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de contenus doivent concourir.

À l’article 3, en adoptant deux séries d’amendements identiques de votre rapporteure et de M. Raphaël Gérard, la Commission a modifié le cadre procédural de constitution de partie civile par les associations. D’une part, le champ des infractions au titre desquelles les associations intervenant en matière de dérives sectaires peuvent agir en justice a été enrichi de l’infraction relative aux « thérapies de conversion ». D’autre part, la Commission a supprimé l’exigence d’un accord de la victime pour qu’une association intervenant en matière de discriminations puisse se constituer partie civile au titre d’une « thérapie de conversion », dès lors que la victime est en état de sujétion.

En adoptant quatre amendements de votre rapporteure, la Commission a coordonné la rédaction des dispositions de l’article 4 A prévoyant l’application d’une peine complémentaire de suspension de compte d’accès à un service en ligne, avec celle des dispositions similaires adoptées dans le cadre de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.

Sur proposition de votre rapporteure, la Commission a rétabli l’article 4 dans sa rédaction initiale.

La Commission a apporté des améliorations rédactionnelles à l’article 5, ainsi qu’à l’article 6, à l’initiative de votre rapporteure.

Sur proposition de M. Erwan Balanant, la Commission a introduit un nouvel article 6 bis, prévoyant la levée du secret médical pour permettre aux médecins et aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique.

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a introduit à l’article 7 des mesures de coordinations permettant d’étendre l’application des dispositions prévues à l’article 4 A du présent projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

À l’initiative de M. Éric Poulliat, la Commission, dans le cadre d’un nouvel article 8, a prévu la remise au Parlement, par le Gouvernement, d’un rapport sur la mise en œuvre du présent texte dans le domaine de la santé mentale.

Enfin, sur proposition de votre rapporteure, la Commission a complété le titre du projet de loi afin d’y consacrer l’amélioration de l’accompagnement des victimes que permet ce texte.


 

   Commentaire des articles

Chapitre Ier A
Consacrer les pouvoirs et le rôle de l’administration chargée de la mise en œuvre de la politique de prévention et de la lutte contre les dérives sectaires

La Commission, à l’initiative de votre rapporteure, a modifié le libellé du chapitre Ier A par cohérence avec les modifications apportées à l’article 1er A, en supprimant l’inscription formelle du nom « MIVILUDES » ([1]).

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article confère à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) un statut législatif, en consacrant son existence et ses prérogatives dans la loi.

       Dernières modifications intervenues

La MIVILUDES a été rattachée au secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation, au sein du ministère de l’Intérieur et des outre-mer, par le décret n° 2020‑867 du 15 juillet 2020.

       Modifications apportées par la Commission

Outre plusieurs aménagements d’ordre rédactionnel, la Commission, sur proposition de votre rapporteure, a supprimé la mention dans la loi du nom de la MIVILUDES, est revenue sur l’immunité pénale du président de la mission introduite par le Sénat, et a supprimé l’exigence de l’accord d’une personne pour que son témoignage figure dans le rapport annuel de la mission.

Elle a également précisé que la compétence de la MIVILUDES s’étend bien à l’ensemble du territoire national.

 

  1.   L’état du droit

La mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) a été créée par voie réglementaire le 28 novembre 2002 ([2]), succédant à la mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) qui avait été créée le 7 octobre 1998 ([3]).

Initialement instituée auprès du Premier ministre, la MIVILUDES a été rattachée en 2020 au secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), au sein du ministère de l’Intérieur et des outre‑mer ([4]).

Ainsi que le relève le document de présentation des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, cette décision, prise à la suite du quatrième Comité interministériel de la transformation publique du 15 novembre 2019, a été motivée par le souci d’un renforcement, d’une part, du partage des compétences entre la MIVILUDES et le CIPDR et, d’autre part, des liens entre services du ministère de l’Intérieur. L’objectif de ce rattachement était de renforcer la politique publique de lutte contre les dérives sectaires et la protection des victimes ([5]).

● Les missions confiées à la MIVILUDES, en application de l’article 1er du décret du 28 novembre 2002, sont :

– l’observation et l’analyse des mouvements sectaires dont les agissements portent atteinte aux droits et libertés, constituent une menace pour l’ordre public ou sont contraires aux lois et règlements ;

– favoriser la coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics contre de tels agissements ;

– le développement d’échanges d’informations entre les services publics sur les pratiques en matière de lutte contre les dérives sectaires ;

– la contribution à la formation et à l’information des agents publics en la matière ;

– l’information du public sur les risques et dangers des dérives sectaires ;

– la facilitation de la mise en œuvre d’actions d’aide aux victimes des dérives sectaires ;

– la participation aux travaux internationaux concernant les dérives sectaires.

● Dans le cadre de l’exercice de ces missions, la MIVILUDES est rendue destinataire des informations sur les mouvements sectaires que les autres administrations détiennent ; elle peut également saisir les ministères               pour que soient réalisées des études ou des recherches en matière de dérives sectaires. Réciproquement, la MIVILUDES diffuse aux services des ministères la synthèse des analyses faites sur les dérives sectaires, et leur signale les agissements susceptibles d’appeler de la part de ces services une action. Si les agissements concernés sont de nature à recevoir une qualification pénale, la MIVILUDES les dénonce au parquet et en informe le ministre de la justice.

La MIVILUDES comporte un conseil d’orientation, réuni périodiquement par le président de la mission et composé de personnalités qualifiées, en charge de nourrir la réflexion des pouvoirs publics sur les dérives sectaires. Le conseil d’orientation est également consulté par le président de la MIVILUDES sur le programme d’action de la mission.

● Le président de la MIVILUDES établit un rapport annuel d’activité, remis au Premier ministre et rendu public.

Ce sont notamment les éléments figurant dans ce rapport annuel, dont la cartographie du phénomène sectaire qu’ils permettent de dresser, qui ont permis de nourrir la réflexion du Gouvernement dans l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027 à la suite des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires tenues les 9 et 10 mars 2023 ([6]).

● La nature centrale du rôle de la MIVILUDES face au phénomène sectaire, et la qualité de l’expertise qu’elle permet de dégager en la matière, font d’ailleurs l’objet d’une reconnaissance expresse dans le cadre du présent projet de loi puisque l’article 6 de ce dernier prévoit de doter la mission d’un rôle d’amicus curiae, dans les affaires judiciaires relatives à des mouvements sectaires (cf. infra, commentaire de l’article 6, pour une présentation complète de ce nouveau dispositif).

  1.   Le dispositif introduit par le Sénat

● Le présent article résulte de l’adoption, en commission des lois du Sénat, d’un amendement de la rapporteure Lauriane Josende (LR) ([7]).

Il entend conférer à la MIVILUDES un statut législatif, en consacrant dans la loi l’existence et les missions de cet organisme.

Le dispositif adopté par la commission a inscrit dans la loi les missions de la MIVILUDES figurant actuellement aux 1° à 6° de l’article 1er du décret du 28 novembre 2002 précité.

Il a également prévu la reprise partielle de l’article 5 de ce décret relatif au rapport annuel public, en ajoutant une clause d’irresponsabilité pénale du président de la MIVILUDES à raison des opinions qui sont émises dans ce rapport.

Enfin, ce dispositif précise que la MIVILUDES reçoit les témoignages de victimes de dérives sectaires ou de tiers ainsi que toutes les informations sur les risques de dérives sectaires, ces éléments pouvant figurer dans le rapport annuel sous réserve de l’accord des victimes et de mesures permettant d’assurer la confidentialité de l’identité des personnes concernées.

● Deux modifications au dispositif introduit par la commission ont été adoptées en séance, à l’initiative de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) et plusieurs de ses collègues.

D’une part, la lise des missions dévolues à la MIVILUDES a été étendue à la coordination de l’action des acteurs associatifs impliqués dans la lutte contre les dérives sectaires et l’accompagnement des victimes, la MIVILUDES pouvant également animer ce réseau associatif, le cas échéant au moyen de formations (7° du présent article) ([8]).

Cet ajout a été introduit avec l’avis favorable de la commission, et malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

D’autre part, le Sénat, à la sagesse duquel la commission et le Gouvernement s’en sont remis, a prévu l’information de la MIVILUDES des travaux conduits en matière de lutte contre les dérives sectaires par les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ([9]) – ainsi qu’il sera vu, l’article 1er BA du présent projet de loi, également introduit par le Sénat à l’initiative de M. Benarroche, étend les compétences des CLSPD à la lutte contre les dérives sectaires (cf. infra).

● La consécration législative de la MIVILUDES prévue par le présent article fait écho à plusieurs travaux conduits par des parlementaires.

Ainsi, dès 2008, notre ancien collègue Georges Fenech, dans le cadre de la mission que lui avait confiée le Premier ministre sur la justice face aux dérives sectaires, préconisait de doter la MIVILUDES d’un statut législatif – sans pour autant lui conférer la qualité d’autorité administrative indépendante ([10]).

En 2013, la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, présidée par Alain Milon et dont le rapporteur était Jacques Mézard, avait formulé une proposition similaire, y ajoutant le souci de conférer au président de la MIVILUDES une immunité pénale au titre du rapport annuel de la mission ([11]).

● Relevons que le Gouvernement, lors de l’examen du texte en séance au Sénat, n’a pas manifesté d’hostilité de principe à la consécration législative de la MIVILUDES, mais avait souhaité, sans que cette proposition ne prospère, aménager le dispositif sur trois points ([12]) :

– ne pas nommer expressément l’organisme, dont l’appellation pourrait être amenée à évoluer et pour éviter un risque constitutionnel tenant à ce que l’organisation de l’administration ne relève pas de la loi, mais du pouvoir réglementaire ;

– inscrire l’existence de l’organisme chargé de la vigilance et de la lutte contre les dérives sectaires dans la loi « About‑Picard » du 12 juin 2001 ([13]), dans un souci de meilleure lisibilité ;

– supprimer l’irresponsabilité pénale du président de la MIVILUDES, pour des considérations d’ordre constitutionnel.

  1.   La position de la Commission

Outre de nombreux aménagements rédactionnels adoptés sur proposition de votre rapporteure ([14]), la Commission a modifié cet article 1er A sur quatre aspects, tout en approuvant le principe de la consécration législative de la MIVILUDES.

● En premier lieu, à l’initiative de votre rapporteure ([15]), la Commission a supprimé la mention expresse de l’appellation « MIVILUDES » dans la loi, tout en conservant naturellement le principe d’une administration chargée de mettre en œuvre la politique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires.

L’organisation de l’administration relevant du pouvoir réglementaire et non du législateur, il apparaissait en effet hasardeux que la loi procède elle-même à la dénomination des services gouvernementaux.

Au demeurant, figer le nom de cette administration dans la loi aurait eu pour conséquence d’empêcher de le modifier de façon rapide et souple, notamment en cas d’évolution des missions, dans la mesure où l’adoption d’une nouvelle loi aurait alors été requise.

La proposition de votre rapporteure a en outre conduit à faire figurer la MIVILUDES dans la loi « About-Picard » précitée, par souci de lisibilité et de cohérence.

● En deuxième lieu, là aussi sur proposition de votre rapporteure, l’immunité pénale du président de la MIVILUDES que le Sénat avait introduite a été supprimée ([16]).

Une telle immunité pénale a paru en effet constituer une importante rupture du principe constitutionnel d’égalité devant la loi, et le Conseil constitutionnel a d’ailleurs déjà censuré un dispositif similaire relatif à l’immunité pénale des parlementaires nommés par le Gouvernement pour réaliser une mission, au titre des propos contenus dans les rapports produits à cette occasion ([17]).

● En troisième lieu, toujours à l’initiative de votre rapporteure ([18]), la Commission est revenue sur l’exigence, pour qu’un témoignage puisse figurer dans le rapport annuel de la MIVILUDES, de recueillir l’accord de la personne concernée.

La MIVILUDES ne pourrait en effet pas matériellement recueillir l’accord de toutes les personnes témoignant, ce point ayant été mis en avant dans plusieurs des auditions conduites. Dès lors, une telle exigence aurait sérieusement compromis la possibilité, pour la MIVILUDES, de publier son rapport annuel.

En tout état de cause, toutes les précautions sont prises pour protéger l’identité des personnes ayant fourni des témoignages.

● Enfin, en quatrième et dernier lieu, la Commission, en adoptant un amendement de M. Philippe Dunoyer (RE) ([19]), a précisé que la compétence de la MIVILUDES s’étend sur l’ensemble du territoire national, en métropole comme dans les outre-mer.

Cet amendement avait fait l’objet, de la part de votre rapporteure, d’une demande de retrait, son dispositif paraissant satisfait – relevons à cet égard que la Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027 prévoit des actions de formation et de sensibilisation à l’égard de groupes présentant un risque particulier en matière d’emprise sectaire, parmi lesquels sont identifiées « certaines personnes en Outre-mer » ([20]), et promeut la mise en place d’un réseau de référents dans les outre-mer pour élaborer un programme de sensibilisation et de formation adapté à chaque territoire ([21]).

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Article 1er BA
(art. L. 1325 et L. 13213               du code de la sécurité intérieure)
Élargissement aux dérives sectaires des compétences des conseils locaux
de sécurité et de prévention de la délinquance

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Introduit par le Sénat en séance, le présent article élargit les compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) en matière de prévention et de lutte contre les dérives sectaires, en permettant aux groupes de travail constitués au sein de ces conseils de traiter de telles questions.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021‑646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés a renforcé la présence des CLSPD en abaissant de 10 000 à 5 000 habitants le seuil de population au-delà duquel la création d’un tel conseil est obligatoire.

       Modifications apportées par la Commission

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a étendu le dispositif introduit par le Sénat aux conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

 

  1.   L’état du droit

Créés en 2002 par voie réglementaire ([22]) puis consacrés par la loi en 2007 ([23]), les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) sont régis par les articles L. 132‑4 et suivant du code de la sécurité intérieure (CSI) ; ils s’inscrivent dans le cadre des prérogatives des maires en matière de prévention de la délinquance.

● La création d’un CLSPD, présidé par le maire ou son représentant, est obligatoire dans les communes de plus de 5 000 habitants et dans celles qui comprennent un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Jusqu’à la loi du 26 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, le seuil de population était fixé à 10 000 habitants ([24]) ; cette loi a également prévu que, dans les communes de plus de 15 000 habitants, un conseiller municipal ou un agent public territorial est chargé du suivi, de l’animation et de la coordination des travaux du CLSPD.

Au sein du CLSPD peuvent être constitués des groupes de travail à vocation territoriale et thématique, ainsi que le prévoit l’article L. 132‑5 du CSI.

Ces groupes, à la demande de l’autorité judiciaire ou des membres du conseil, peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive ; ils peuvent également être le cadre d’échange d’informations confidentielles.

● Aux termes de l’article L. 132‑13 du CSI, dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI‑FP) qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, sont créés des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), dont les prérogatives et missions sont celles des CLSPD à l’échelle intercommunale, et qui peuvent constituer en leur sein des groupes de travail.

La création d’un CLSPD dans les communes membres d’un tel EPCI est alors facultative.

● Les communes dans lesquelles la création d’un CLSPD est obligatoire et les EPCI dotés d’un CISPD concluent par ailleurs avec le département une convention déterminant les modalités de mise en œuvre et de coordination des actions de prévention de la délinquance, auxquelles concourt le département dans le cadre de ses compétences d’action sociale – aux termes de l’article L. 132‑15 du CSI.

● Les actions de prévention de la délinquance conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics doivent s’inscrire dans le cadre du plan de prévention de la délinquance arrêté par le préfet, avec lequel elles ne peuvent être incompatibles, ainsi qu’en dispose l’article L. 132‑6 du CSI.

Le conseil départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation
et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes

Parmi les structures locales intervenant en matière de prévention de la délinquance, il existe un conseil départemental de prévention de la délinquance et de la radicalisation et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, prévu aux articles D. 132‑5 à R. 132‑6‑1 du CSI.

Placé auprès du préfet de département, ce conseil concourt à mettre en œuvre ces politiques au sein du département, en assurant notamment la coordination des actions préventives et répressives des pouvoirs publics à l’encontre de dérives sectaires.

Le conseil est présidé par le préfet, auquel sont associés, en qualité de vice‑présidents, le président du conseil départemental et le procureur de la République. Il réunit également des magistrats, des représentants des services de l’État, des représentants des collectivités territoriales, ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants d’associations intervenant dans les domaines recouverts par l’action du conseil.

  1.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article résulte de l’adoption par le Sénat, en séance, d’un amendement de M. Guy Benarroche (Écologiste – Solidarité et Territoires) et plusieurs de ses collègues, ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission mais d’un avis défavorable du Gouvernement ([25]).

Dans le but affiché de renforcer la coordination entre les élus locaux et les services de l’État face aux phénomènes sectaires, cet article étend les compétences des CLSPD à la prévention et à la lutte contre les dérives sectaires, en permettant aux groupes de travail constitués en leur sein de traiter de ces questions – l’article modifiant à cet effet le deuxième alinéa de l’article L. 132‑5 du CSI.

Cette mesure est présentée comme une traduction de l’objectif n° 7 de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, consistant à organiser et faire vivre un réseau territorial permettant de réparer et de prendre en charge les situations avérées ou à risque de dérives sectaires ([26]).

  1.   La position de la Commission

La Commission, à l’initiative de votre rapporteure, a réécrit cet article afin de lui apporter des aménagements rédactionnels et, surtout, d’en étendre le dispositif aux CISPD ([27]).

 

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Chapitre Ier
Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article érige en circonstance aggravante la commission du délit d’abus de faiblesse en utilisant un service de communication au public en ligne ou au moyen d’un support numérique ou électronique, les peines étant portées de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.

       Dernières modifications intervenues

La loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) a créé une nouvelle circonstance aggravante pour le délit d’abus de faiblesse, portant les peines à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire ; elle a également rendu applicables les dispositions dérogatoires prévues par le code de procédure pénale en matière de délinquance organisée.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a supprimé cet article.

  1.   L’état du droit

● Prévu à l’article 223‑15‑2 du code pénal et passible de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, le délit communément appelé « abus de faiblesse » consiste en l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’un mineur, d’une personne vulnérable ou d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Il est renvoyé au commentaire de l’article 1er du présent projet de loi pour une présentation complète de ce délit (cf. infra).

● Deux circonstances aggravantes sont actuellement prévues :

– les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende si l’infraction est commise par le dirigeant d’un mouvement sectaire ([28]) (deuxième alinéa de l’article 223‑15‑2) ;

– elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende si l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire (troisième alinéa du même article).

Cette seconde circonstance aggravante résulte de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([29]), qui a également rendu applicables à l’hypothèse recouverte par cette circonstance aggravante les procédures dérogatoires et les techniques spéciales d’enquête prévues en matière de lutte contre la criminalité et la délinquance organisées, en modifiant à cet effet l’article 706‑73 du code de procédure pénale.

● Les personnes coupables du délit d’abus de faiblesse encourent également des peines complémentaires prévues à l’article 223‑15‑3 du code pénal.

  1.   Le dispositif introduit par le Sénat

● Introduit par la commission des lois du Sénat à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR) ([30]), le présent article entend tirer les conséquences de l’évolution des modes opératoires des mouvements sectaires qui, de plus en plus, s’appuient sur les réseaux sociaux et les moyens de communication électroniques et numériques pour toucher plus de personnes et ne laisser « aucun répit aux victimes » ([31]).

Il prévoit ainsi de créer une nouvelle circonstance aggravante pour l’abus de faiblesse, lorsque le délit est commis « en ligne », c’est-à-dire en utilisant un service de communication au public en ligne ou au moyen d’un support numérique ou électronique.

Les peines seraient alors portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende – soit le quantum actuellement prévu lorsque le délit est commis par le dirigeant d’un mouvement sectaire.

● Notons que le fait d’ériger en circonstance aggravante la commission d’une infraction au moyen d’un support numérique ou électronique existe déjà dans notre droit pénal ; peuvent être ainsi mentionnés, à titre d’exemples non exhaustifs :

– le harcèlement sexuel, en application du 6° du III de l’article 222‑33 du code pénal, les peines étant portées de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ;

– le harcèlement moral, en application du 4° de l’article 222‑33‑2‑2 du code pénal, les peines étant portées d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;

– les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (« thérapies de conversion »), en application du 5° de l’article 225‑4‑13 du code pénal, les peines étant portées de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ;

– la provocation directe ou l’apologie publique d’actes de terrorisme, en application de l’article 421‑2‑5 du code pénal, les peines étant alors portées de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’              amende à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

● Enfin, le Sénat a également prévu dans le cadre du présent projet de loi, à travers un nouvel article 4 A, d’ériger en circonstance aggravante la commission de certaines infractions en utilisant un support numérique ou électronique ; sont visés l’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie et de la biologie médicale, ainsi que les pratiques commerciales trompeuses – il est renvoyé au commentaire de cet article 4 A pour une présentation complète de ce dispositif.

  1.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article, en adoptant deux amendements identiques de votre rapporteure et de M. Jean‑François Coulomme et les membres du groupe LFI‑NUPES ([32]).

Cette suppression n’a pas reposé sur la même motivation ; celle de votre rapporteure reposait sur la volonté de déplacer, à l’article 1er, le dispositif prévu au présent article.

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Rétabli par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Afin de lutter plus efficacement contre les phénomènes d’emprise sectaire, le présent article prévoyait de réprimer, dans une infraction autonome, le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus éventuel.

Le nouveau dispositif distinguait en outre l’abus de l’état d’ignorance ou de faiblesse d’un mineur ou d’une personne vulnérable, auquel une nouvelle circonstance aggravante de commission en bande organisée était prévue, de l’abus de faiblesse sectaire – pour lequel des circonstances aggravantes propres étaient prévues.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) a assorti le délit d’abus de faiblesse d’une nouvelle circonstance aggravante, reposant sur la commission en bande organisée de l’abus de faiblesse lié à l’état de sujétion psychologique ou physique de la victime – conduisant à l’application de la procédure particulière prévue en matière de délinquance organisée.

       Modifications     apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

       Modifications     apportées par la Commission

La Commission a rétabli cet article, en enrichissant son dispositif de celui prévu à l’article 1er B.

  1.   L’état du droit
    1.   Le délit d’abus de faiblesse

L’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, plus généralement appelé « abus de faiblesse », constitue un délit prévu à l’article 223‑15‑2 du code pénal ; il a été introduit par la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales ([33]), dite « loi About-Picard » du nom de ses rapporteurs au Sénat et à l’Assemblée nationale ([34]).

● Ce délit est caractérisé par l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Trois catégories de personnes victimes sont visées par l’article 223‑15‑2, qui cible les populations particulièrement fragiles :

– les mineurs ;

– les personnes vulnérables, définies comme des personnes dont la particulière vulnérabilité, due à leur « âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue » de l’auteur de l’abus ;

– les personnes en état de sujétion psychologique ou physique, qui résulte de « l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement » de la victime.

● L’abus de faiblesse est passible de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Deux types de circonstances aggravantes sont prévus :

– si l’abus est commis par le dirigeant de fait ou de droit d’un mouvement sectaire, autrement dit un « gourou », les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende (deuxième alinéa de l’article 223‑15‑2) ;

– si l’abus est commis en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire, elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende (troisième alinéa du même article). Cette seconde circonstance aggravante a été introduite par la récente loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) ([35]), qui a également inscrit l’abus de faiblesse commis en bande organisée à l’article 706‑73 du code de procédure pénale (CPP), relatif au champ d’application de la procédure particulière applicable en matière de criminalité et de délinquance organisées, prévoyant notamment des dispositions spéciales pour la garde à vue et les perquisitions ou encore le recours possible à des techniques spéciales d’enquête (telles que la surveillance, l’infiltration, l’interception et l’enregistrement de correspondances, etc.).

La notion de mouvement sectaire est définie par l’article 223‑15‑2 comme « un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ».

● S’agissant de l’abus de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique, ou « abus de faiblesse sectaire », d’après les chiffres figurant dans l’étude d’impact du projet de loi ([36]), entre 2016 et 2022 :

– 878 cas d’abus de faiblesse sectaires ont été décomptés, concernant 1 065 victimes ;

– 49 cas d’abus de faiblesse sectaires commis par un gourou (c’est‑à‑dire dans le cadre de la première circonstance aggravante prévue à l’article 223‑15‑2 du code pénal) ont été décomptés, concernant 91 victimes.

Les données fournies ne concernent pas la nouvelle circonstance aggravante reposant sur la commission en bande organisée, dans la mesure où celle‑ci n’a été introduite qu’en 2023.

● Les personnes physiques reconnues coupables d’abus de faiblesse encourent également des peines complémentaires prévues à l’article 223‑15‑3 du code pénal.

Les personnes morales, quant à elles, encourent des sanctions conformément aux modalités prévues à l’article 223‑15‑4 du même code.

  1.   Un cadre pénal jugé insuffisant pour correctement appréhender le phénomène sectaire

Ainsi qu’il ressort de la présentation du cadre pénal existant, l’article 223‑15‑2 du code pénal mêle l’abus de faiblesse « simple », exercé à l’encontre d’un mineur ou d’une personne vulnérable, et l’abus de faiblesse « sectaire », reposant sur l’état de sujétion psychologique ou physique, et exige pour que l’infraction soit caractérisée que l’abus ait conduit de la part de la victime à un acte ou une abstention lui étant gravement préjudiciables.

● L’abus de faiblesse sectaire se distingue ainsi, dans la réalité des opérations réalisées par les mouvements sectaires, de l’abus de faiblesse simple sur deux points principaux.

D’une part, la faiblesse ne découle pas d’une caractéristique propre à la victime, à savoir sa minorité ou sa particulière vulnérabilité, que l’on retrouve dans l’abus de faiblesse simple, qui consiste à abuser d’une faiblesse « préalable » ([37]), intrinsèque à la victime.

La faiblesse dont il est question en matière sectaire est en effet due à un état de sujétion causé par des pressions ou des techniques manipulatoires qui suscitent ou entretiennent une forme d’aliénation de la personne. Par un processus d’embrigadement, de déconstruction et de reconstruction de la personne, celle‑ci, comme le relève l’étude d’impact, est réduite à un « état agentique » ([38]).

D’autre part, et ce second point est lié au précédent, les préjudices subis par la victime ne sont pas nécessairement causés par un acte ou une abstention et, en tout état de cause, pas nécessairement dus à un « abus frauduleux », mais peuvent résulter directement de l’état de sujétion dans laquelle la victime se trouve, qui peut aboutir par exemple à une dégradation de la santé de la personne, physiquement ou psychiquement, incluant notamment un isolement familial et social, éléments que les juridictions ne considèrent pas systématiquement comme relevant d’un acte ou d’une abstention préjudiciables au sens de l’article 223‑15‑2 du code pénal ([39]).

Les critères permettent d’identifier l’emprise sectaire

● Le professeur Philippe‑Jean Parquet, spécialiste en psychiatrie infanto-juvénile, a dégagé une grille d’analyse permettant, à partir de neuf critères, de caractériser l’emprise mentale qu’un mouvement sectaire exerce sur des personnes, établie si cinq de ces critères sont réunis (1). Ces critères sont :

– la rupture imposée avec les modalités antérieures de comportements, jugements, valeurs et sociabilités ;

– l’occultation des repères antérieurs, la rupture dans la cohérence avec la vie antérieure et l’acceptation de voir sa personnalité et sa vie sociale et morale modelées par les suggestions, ordres, idées ou doctrines imposés par un tiers ;

– l’adhésion et l’allégeance à une personne, un groupe ou une institution, aboutissant à la certitude que le nouveau mode de vie est le seul légitime ;

– la mise à disposition complète, progressive et extensive de sa vie à un tiers ;

– la sensibilité accrue dans le temps aux idées, doctrines et ordres ;

– la dépossession des compétences avec anesthésie affective, altération du jugement et perte des repères, des valeurs et du sens critique ;

– l’altération de la liberté de choix ;

– l’imperméabilité aux avis et valeurs de l’environnement et l’impossibilité de se remettre en cause ;

– la réalisation d’actes gravement dommageables, qui ne faisaient pas partie de la vie de la personne et qui sont désormais admis et non perçus comme dommageables ou contraires aux valeurs et modes de vie habituellement admis en société.

● La MIVILUDES (2) fournit elle aussi des grilles de lecture permettant de déceler les dérives sectaires.

Ainsi, l’influence sectaire dans le comportement d’un proche peut être décelée à travers l’adoption d’un langage propre à un groupe auquel on adhère totalement, les modifications des habitudes de vie, la rupture sociale ou professionnelle, la perte d’esprit critique ou encore l’embrigadement des enfants.

En matière économique et financière, l’influence sectaire peut être décelée à partir de comportements compromettant la situation financière de la personne, tels que l’endettement accru ou les legs ou donations à des personnes appartenant au groupe, de l’obligation d’acheter ou de vendre des matériels et services pour appartenir au groupe, ou encore de publicités mensongères sur les qualités et vertu d’un produit ou d’un service.

(1) Site de l’UNADFI.

(2) Site de la MIVILUDES, rubrique « Comment la détecter ? ».

● Outre les difficultés pour qualifier pénalement la situation, cet état de fait juridique est de nature à complexifier l’indemnisation des victimes : si la réparation des préjudices nés des actes ou abstentions est possible, elle ne couvrira pas l’intégralité des préjudices subis par la victime, tels que des séquelles psychologiques.

La protection des personnes
y compris lorsqu’elles sont à l’origine de leur mise en danger

La liberté de conscience et, plus généralement, la liberté individuelle, peuvent conduire des personnes à se placer volontairement sous l’emprise d’une autre personne ou d’un mouvement. Cependant, si cette emprise est dommageable pour la personne ou attentatoire à sa dignité, la puissance publique se doit d’y répondre, comme elle le fait dans d’autres hypothèses où, au nom de l’ordre public, elle interdit des comportements pourtant consentis par les personnes qui s’y livrent.

Ainsi en va-t-il par exemple, en matière de sécurité routière, de l’obligation du port de la ceinture de sécurité.

Dans le même ordre, en incluant la dignité humaine parmi les composantes de l’ordre public, le Conseil d’État a prohibé les comportements volontaires susceptibles de porter atteinte à cette dignité, dans les célèbres décisions rendues en 1995 sur le « lancer de nain », jugeant qu’une telle attraction « conduit à utiliser comme un projectile une personne affectée d’un handicap physique et présentée comme telle ; que, par son objet même, ce spectacle porte atteinte à la dignité de la personne humaine ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale pouvait, dès lors, l’interdire même en l'absence de circonstances locales particulières et alors même que des mesures de protection avaient été prises pour assurer la sécurité de la personne en cause et que celle-ci se prêtait librement à cette exhibition contre rémunération » (1).

La sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre des formes d’asservissement a également été retenue par le Conseil constitutionnel pour valider la pénalisation d’acheteurs de services sexuels, le Conseil jugeant que « dans leur grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l’existence d’une demande de relations sexuelles tarifées » (2).

En tout état de cause, en matière d’emprises sectaires, la sujétion d’une personne résulte souvent, sinon systématiquement, de pressions et de techniques manipulatoires qui, ainsi qu’il a été vu, altèrent le jugement et le discernement de la personne et, in fine, son libre arbitre. Le caractère volontaire et pleinement consenti du placement sous emprise est donc tout sauf évident.

(1) Conseil d’État, Ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge,  136727, au Recueil ; Conseil d’État, Ass., 27 octobre 1995, Ville d’AixenProvence,  143578, inédit.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2018761 QPC du 1er février 2019, Association Médecins du monde et autres [Pénalisation des clients de personnes se livrant à la prostitution], § 11 à 13.

  1.   Le projet de loi initial

C’est pour répondre aux difficultés et lacunes précédemment mentionnées et, in fine, pouvoir pleinement appréhender l’ensemble des phénomènes d’emprise sectaire, que le Gouvernement a proposé le présent article 1er.

Le dispositif repose sur deux éléments principaux qui, s’ils se concentrent essentiellement sur l’abus de faiblesse sectaire, permettent également un renforcement de la lutte contre les abus de faiblesse « simples ».

  1.   La création d’un article dédié à l’abus de faiblesse sectaire

Le présent article déplace dans un nouvel article numéroté 223153 les dispositions relatives à l’abus de faiblesse sectaire figurant actuellement à l’article 223‑15‑2 du code pénal :

– le  du I du présent article rédige ce nouvel article ;

– le  du même I supprime, à l’article 223‑15‑2 du code pénal, les mentions relatives à l’état de sujétion psychologique ou physique, incluant s’agissant des circonstances aggravantes la suppression de son deuxième alinéa, visant les agissements d’un gourou ;

 le  dudit I procède à la renumérotation des actuels articles 223153 et 223‑15‑4 du code pénal, relatifs aux peines complémentaires des personnes physiques et aux sanctions des personnes morales ; ces articles deviennent, respectivement, les articles 223‑15‑4 et 223‑15‑5.

Notons que la création d’un article dédié à l’abus de faiblesse sectaire est cohérente avec l’article 2‑17 du CPP, qui reconnaît des droits aux associations dont l’objet est la lutte contre les groupements ayant pour but ou effet de créer, maintenir ou exploiter une sujétion psychologique ou physique – le droit pénal reconnaît donc déjà la spécificité de cette situation (cf. infra, commentaire de l’article 3, pour une présentation détaillée de cet article 2‑17).

  1.   La création d’une incrimination visant spécifiquement le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique

● Le cœur du dispositif proposé, figurant dans le nouvel article 223‑15‑3 du code pénal, consiste en la création d’un nouveau délit réprimant spécifiquement la sujétion psychologique ou physique d’une personne, sans qu’elle soit nécessairement assortie d’actes ou d’abstentions préjudiciables – et donc sans qu’il y ait nécessairement d’abus frauduleux.

Cette mesure figure au premier alinéa du I du nouvel article 223153 du code pénal, qui sanctionne le placement ou le maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, au moyen de pressions graves ou réitérées ou de techniques manipulatoires propres à altérer le jugement de la victime, si :

– cela cause une altération grave de la santé physique ou mentale de la victime ;

– ou si cela conduit la victime à un acte ou à une abstention lui étant gravement préjudiciables.

En plus de ne pas exiger l’existence d’un abus frauduleux, la nouvelle incrimination permet également de sanctionner une situation qui n’a pas conduit à un acte ou une abstention préjudiciables de la part de la victime, dès lors que la santé de cette dernière a été gravement altérée par l’état de sujétion dans lequel elle se trouve.

● Le second alinéa du I du nouvel article 223153 reprend l’économie générale de l’abus de faiblesse actuellement en vigueur (abus frauduleux de l’état de sujétion pour conduire la personne à un acte ou une abstention gravement préjudiciables).

Il ressort du dispositif proposé que si l’abus frauduleux est conservé dans la seconde branche de l’alternative, la première branche de celle-ci permet de réprimer la sujétion de façon autonome, dès lors qu’un effet délétère, notamment sur la santé, est constaté, même en l’absence d’abus frauduleux.

● Les peines prévues par le dispositif proposé correspondent à celles du délit d’abus de faiblesse : 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende.

Les II et III du nouvel article 223153 prévoient en outre des circonstances aggravantes aboutissant à des peines plus sévères.

Aux termes du II, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende si le délit est commis :

– sur un mineur ;

– sur une personne vulnérable – reprenant la définition actuellement prévue à l’article 223‑15‑2 ;

– ou par le dirigeant d’un mouvement sectaire, c’est-à-dire un gourou.

Notons que si la troisième hypothèse reprend celle actuellement prévu à l’article 223‑15‑2, les deux premières permettent de sanctionner plus lourdement, par rapport au droit en vigueur, les auteurs d’abus de faiblesse sectaire dont les victimes sont mineures ou vulnérables.

Le III du nouvel article 223153, quant à lui, sanctionne de sept ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende le délit :

– commis dans deux des circonstances aggravantes prévues au II (par exemple, délit commis par le gourou sur un mineur) ;

– ou commis en bande organisée – reprenant là la circonstance aggravante actuellement en vigueur à l’article 223‑15‑2.

● Ainsi qu’il ressort de la lettre du dispositif proposé qui mentionne « une personne », et de l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi, cette nouvelle incrimination cible les actions visant une personne identifiée et non un discours général qui pourrait être tenu notamment sur les réseaux sociaux de façon générale et impersonnelle ([40]).

  1.   Les conséquences du dispositif sur l’abus de faiblesse « simple » : l’application de la procédure particulière en matière de délinquance organisée

Le basculement, dans un article dédié numéroté 223‑15‑3 du délit d’abus de faiblesse sectaire, et la suppression à l’article 223‑15‑2 des éléments relatifs à l’état de sujétion, ont pour conséquences de rendre applicable à l’abus de faiblesse la circonstance aggravante de commission du délit en bande organisée.

En effet, et ainsi qu’il a été vu, seul l’abus de faiblesse sectaire, depuis la LOPMI, était jusque-là concerné par cette circonstance.

Le dispositif proposé permettait donc de poursuivre et de sanctionner plus efficacement les personnes abusant en bande organisée de l’état d’ignorance ou de la faiblesse de mineurs ou de personnes vulnérables, hors état de sujétion :

– en permettant la mise en œuvre de la procédure particulière prévue en matière de lutte contre la délinquance organisée, et notamment les techniques spéciales d’enquête ;

– en rendant applicables les peines plus lourdes prévues, à savoir sept ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende.

  1.   Les mesures de coordination

Plusieurs coordinations sont prévues pour tirer les conséquences du dispositif proposé :

– le  du I du présent article modifie le titre de la section du code pénal relatif à l’abus de faiblesse, pour ajouter l’abus de l’état de sujétion psychologique ou physique ;

– le II modifie le CPP pour étendre au nouvel article 223‑15‑3 du code pénal, d’une part, la compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière prévue à l’article 704 du CPP (), d’autre part, la procédure particulière en matière de criminalité et de délinquance organisée () ;

– le III étend à la condamnation pour les faits couverts par le nouvel article 223‑15‑3 l’interdiction d’exercer prévue à l’article 444‑6 du code de l’éducation ;

– enfin, le IV du présent article étend au nouvel article 223‑15‑3 du code pénal le délit de promotion d’un mouvement sectaire prévu à l’article 19 de la loi « About‑Picard » du 12 juin 2001 précitée, passible de 7 500 euros d’amende.

*

*     *

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a considéré que le dispositif proposé ne méconnaissait pas les exigences constitutionnelles et conventionnelles en matière de légalité des délits et des peines, n’était « pas manifestement inapproprié pour répondre à l’objectif poursuivi par le Gouvernement d’appréhender l’ensemble des phénomènes d’emprise » et qu’il échappait « à tout grief de disproportion manifeste » ([41]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de la rapporteure Lauriane Josende (LR), la commission des Lois du Sénat a supprimé cet article ([42]).

Le Sénat a en effet estimé, d’une manière générale, que le renforcement du quantum de peines proposé s’inscrit dans une habitude du droit pénal « qui ne repose en général sur aucune évaluation d’un besoin en la matière », et que la répression des dérives sectaires supposait avant tout une augmentation des « moyens humains et matériels des enquêteurs » ([43]).

Par ailleurs, le Sénat a jugé non souhaitable l’évolution proposée par le Gouvernement, consistant à réprimer les agissements créant un état de sujétion psychologique, dans une infraction autonome, et non plus les seuls effets négatifs qui en résultent pour la victime.

En outre, il a considéré que le harcèlement moral, en particulier dans ses dispositions prévues à l’article 222‑33‑2‑2, répondait déjà à l’objectif poursuivi par le Gouvernement.

Enfin, le Sénat a identifié une potentielle concurrence entre le dispositif proposé et les dispositions du code pénal réprimant les emprises au sein de la famille, sanctionnées notamment par l’article 222‑33‑2‑1 du code pénal.

  1.   La position de la Commission

La Commission a rétabli cet article 1er, par l’adoption de cinq amendements identiques de votre rapporteure, de M. Philippe Pradal (HOR) et plusieurs de ses collègues, de Mme Mathilde Desjonquères (DEM) et plusieurs de ses collègues, de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues et de M. Arthur Delaporte (SOC) et plusieurs de ses collègues ([44]).

● Les dispositions de cet article, juridiquement robustes, permettront de combler une lacune actuelle mise en évidence non seulement par l’étude d’impact, mais aussi par les auditions conduites par votre rapporteure, ces auditions ayant également souligné le vif intérêt que l’article 1er présentait aux yeux de l’ensemble des acteurs intervenant en matière de dérives sectaires, institutions comme associations.

Par ailleurs, le risque de concurrence entre infractions que l’article induirait, élément soulevé au Sénat, n’apparaît pas devoir emporter la conviction :

– la nouvelle infraction est rédigée en des termes suffisamment clairs et précis et vise des faits définis sans ambiguïté ;

– le fait qu’un même comportement soit passible de plusieurs qualifications pénales n’est pas rare, au contraire ; la personne peut alors faire l’objet de poursuite pour chaque chef d’inculpation.

● Le rétablissement ainsi opéré de l’article 1er l’a été dans une version enrichie par rapport aux dispositions initialement proposées par le Gouvernement. La circonstance aggravante prévue à l’article 1er B pour l’abus de faiblesse figurant à l’article 223‑15‑2 du code pénal a en effet été intégrée à l’article 1er, et étendue au nouvel article 223‑15‑3 du même code.

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*     *

Rétabli par la Commission

        Résumé du dispositif et effets principaux

Cet article prévoyait d’introduire une nouvelle circonstance aggravante pour le meurtre, les tortures et actes de barbarie, les violences et l’escroquerie, reposant sur l’état de sujétion psychologique ou physique de la victime au sens de l’abus de faiblesse, si cette sujétion était connue de l’auteur.

       Dernières modifications législatives intervenues

Ainsi qu’il a été vu dans le commentaire de l’article 1er, la loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 a introduit, dans le cadre de l’abus de faiblesse, une circonstance aggravante reposant sur la commission de l’infraction en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire.

       Modifications     apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

       Modifications     apportées par la Commission

La Commission a rétabli cet article.

  1.   L’état du droit

En droit pénal, les circonstances aggravantes conduisent, lorsqu’elles sont reconnues, à une aggravation du quantum des peines encourues ; elles reposent en principe sur la qualité ou les caractéristiques de la victime, le cas échéant au regard de ses liens avec l’auteur de l’infraction, et sur la nature de la commission de l’infraction – telle que la commission en bande organisée ou sous la menace d’une arme.

Rappelons à toutes fins utiles qu’une circonstance aggravante, si elle peut constituer par ailleurs une infraction autonome distincte, ne peut en revanche être l’un des éléments constitutifs de l’infraction à laquelle elle se rattache, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles en matière pénale ([45]).

● L’état de vulnérabilité d’une victime constitue, pour un grand nombre d’infractions, une circonstance aggravante ; cette circonstance aggravante est acquise si la victime est « une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ».

Cette circonstance aggravante liée à la vulnérabilité de la victime est notamment prévue pour les infractions suivantes :

– meurtre, en application du 3° de l’article 221‑4 du code pénal ;

– tortures et actes de barbarie, en application du 2° de l’article 222‑3 du même code, et de son article 222‑4 en cas de commission habituelle ou en bande organisée sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable (cumul de circonstances aggravantes) ;

– violences volontaires prévues aux articles 222‑8, 222‑10, 222‑12 et 222‑13 du code pénal ;

– violences habituelles sur mineur de quinze ans ou sur personne vulnérable prévues à l’article 222‑14 du code pénal ;

– viol, en application des 3° et 3° bis de l’article 222‑24 du code pénal – le 3° bis visant la vulnérabilité ou la dépendance résultant de la précarité de la situation économique ou sociale de la victime ;

– agressions sexuelles autres que le viol, en application de l’article 222‑29 du code pénal, qui retient le même champ de vulnérabilité que le viol aggravé précédemment mentionné ;

– harcèlement sexuel, en application des 3° et 4° du III de l’article 222‑33 du code pénal, là aussi avec le même champ de vulnérabilité incluant la précarité économique et sociale ;

– révélation d’informations sur la vie d’une personne permettant de l’identifier aux fins de l’exposer ou d’exposer sa famille à un risque d’atteinte à la personne ou aux biens, prévue à l’article 223‑1‑1 du code pénal ;

– extorsion, en application du 2 de l’article 312‑2 du code pénal.

– escroquerie, en application de l’article 313‑2 du même code.

La vulnérabilité de la victime est également l’un des éléments constitutifs de l’abus de faiblesse prévu à l’article 223‑15‑2, l’infraction supposant que la victime doive être mineure, vulnérable selon la définition précédemment mentionnée, ou en état de sujétion psychologique ou physique.

● La prise en compte de l’état de sujétion psychologique ou physique comme composante de la vulnérabilité, qui est déjà une circonstance aggravante, n’apparaît pas évidente au regard de la jurisprudence judiciaire qui, comme le montre l’étude d’impact, est fluctuante en la matière ([46]).

Or, l’état de sujétion psychologique ou physique est consubstantiel à l’emprise sectaire, qui peut se traduire non seulement par un abus de faiblesse au sens de l’article 223‑15‑3 du code pénal, mais aussi par d’autres infractions telles que des atteintes aux personnes et aux biens, pour lesquelles la circonstance aggravante actuellement prévue de vulnérabilité de la victime pourrait ne pas être systématiquement reconnue en l’état du droit et de la jurisprudence.

  1.   Le projet de loi initial

● Afin de mieux appréhender pénalement les infractions s’inscrivant dans un cadre sectaire, et notamment pour éviter que la prise en compte comme circonstance aggravante de la sujétion d’une victime d’un mouvement sectaire ne dépende que d’une jurisprudence actuellement incertaine, le présent article prévoyait de compléter plusieurs infractions constituant des atteintes aux personnes ou aux biens d’une nouvelle circonstance aggravante : l’état de sujétion psychologique ou physique de la victime, au sens de l’article 223‑15‑3 du code pénal ([47]), sous réserve que cette sujétion soit connue de l’auteur des faits.

Pour mémoire, l’état de sujétion dont il est ici question est l’état de sujétion psychologique ou physique qui résulte de l’exercice direct de pressions graves ou réitérées, ou de techniques propres à altérer le jugement de la personne, et qui ont pour effet de causer une altération grave de la santé de la victime, de conduire celle‑ci à des actes ou abstentions lui étant gravement préjudiciables – ainsi qu’en dispose le I de l’article 223‑15‑3 dans sa rédaction résultant de l’article 1er du présent projet de loi, supprimé par le Sénat.

● Les infractions concernées par la nouvelle circonstance aggravante étaient :

– le meurtre ( du présent article) ;

– les tortures et actes de barbarie ( et 3° du présent article) ;

– les violences volontaires ( à 7° du présent article) ;

– les violences habituelles ( du présent article) ;

– l’escroquerie ( du présent article).

Le tableau suivant dresse la synthèse de ces infractions et fait état, pour chacune d’elles, de l’impact sur le quantum de peines de la circonstance aggravante proposée.

synthèse du dispositif proposé au présent article et de ses effets

Infraction

Fondement
(code pénal)

Quantum
de droit commun

Quantum aggravé

Meurtre

221‑1 et 221‑4

30 ans

Perpétuité

Tortures et actes de barbarie

222‑1 et 222‑3

15 ans

20 ans

Tortures et actes de barbarie commis en bande organisée ou de manière habituelle sur une personne vulnérable

222‑1 et 222‑4

20 ans (1)

30 ans

Violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner

222‑7 et 222‑8

15 ans

20 ans

Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente

222‑9 et 222‑10

10 ans
150 000 €

15 ans

Violences ayant entraîné une ITT de plus de huit jours

222‑11 et 222‑12

3 ans
45 000 €

5 ans
75 000 €

Violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou sans ITT

222‑13

Amende contravention 4e classe (2)

3 ans
45 000 €

Violences habituelles sur personnes vulnérables

222‑14

Cf. quantum selon gravité

30 ans si mort
20 ans si mutilation
ou infirmité permanente
10 ans et 150 000 € si  ITT plus de 8 jours
5 ans et 75 000 € si pas ITT plus de 8 jours

Escroquerie

313‑1 et 313‑2

5 ans
375 000 €

7 ans
750 000 €

  1.      Le quantum de 20 ans correspond au quantum aggravé des tortures et actes de barbarie commis sur personnes vulnérables, l’article 222‑4 ajoutant une aggravation reposant sur la commission habituelle ou en bande organisée.
  2.      Hors circonstances aggravantes prévues à l’article 222‑13 du code pénal, cette infraction est une contravention prévue à l’article R. 624‑1 du code pénal.

Le projet de loi initial ne prévoyait pas d’étendre la nouvelle circonstance aggravante reposant sur l’état de sujétion de la victime aux infractions dont la contrainte est l’un des éléments constitutifs, tels que le viol, les agressions sexuelles et l’extorsion, afin de respecter les exigences constitutionnelles précédemment rappelées qui font obstacle à ce qu’une circonstance aggravante d’une infraction soit par ailleurs un élément constitutif de ladite infraction ([48])  – point d’ailleurs souligné par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([49]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), la commission des lois du Sénat a supprimé le présent article ([50]), en souhaitant tirer les conséquences de la suppression de l’article 1er du projet de loi à laquelle la commission a également procédé (cf. supra).

  1.   La position de la Commission

Par cohérence avec le rétablissement de l’article 1er, le présent article a été rétabli par la Commission, à l’initiative de votre rapporteure, de M. Arthur Delaporte (SOC) et plusieurs de ses collègues, de M. Philippe Pradal (HOR) et plusieurs de ses collègues, de Mme Mathilde Desjonquères (DEM) et plusieurs de ses collègues et de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues ([51]).

*

*     *

Introduit par la Commission

Introduit par la Commission, cet article prévoit de nouvelles circonstances aggravantes liées aux dérives sectaires dans le cadre de l’infraction relative aux « thérapies de conversion ».

  1.   L’état du droit

Les « thérapies de conversion », définies comme les pratiques, comportements ou propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, sont pénalement sanctionnées de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende dès lors qu’elles ont pour effet d’altérer la santé physique ou mentale, aux termes de l’article 225‑4‑13 du code pénal introduit en 2022 ([52]).

Des circonstances aggravantes sont prévues par ce même article 225‑4‑13, lorsque l’infraction est commise sur un mineur ou une personne vulnérable, ou par un ascendant ou toute personne ayant une autorité sur la victime, par plusieurs personnes, ou au moyen d’un service de communication au public en ligne ou d’un support numérique ou électronique. Les peines sont alors portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

  1.   Le dispositif introduit par la Commission

● Ainsi que le souligne la MIVILUDES, dans un rapport publié en octobre 2021, d’importants liens existent entre les « thérapies de conversion » et les dérives sectaires ([53]), la MIVILUDES reconnaissant dans les « thérapies de conversion » :

– des « éléments de la dérive sectaire, notamment la déstabilisation mentale, l’atteinte à l’intégrité physique, le discours anti-social, l’embrigadement des enfants » ;

– des « techniques de manipulation utilisées dans tous les groupes sectaires : culpabilisation, promesse de rédemption, menace d’exclusion, chantage, etc. » ([54]).

La MIVILUDES ajoutait que l’objectif d’une « thérapie de conversion » est « de déconstruire l’identité d’une personne jusqu’au plus profond de son inconscient. Pour y parvenir, la personne est brisée, puis reconstruite selon un ensemble de normes et de mœurs jugées valides par la communauté en charge de la thérapie. Ce schéma est extrêmement similaire à celui du processus d’emprise mentale mis en place dans le cadre d’une dérive sectaire. » ([55])

● Tirant les conséquences de ce constat et des liens manifestes entre « thérapies de conversion » et dérives sectaires, et par cohérence avec les dispositions des articles 1er et 2 du projet de loi, la Commission, à l’initiative de votre rapporteure ([56]), a prévu de nouvelles circonstances aggravantes à l’infraction réprimant les « thérapies de conversion » :

– si la victime est en état de sujétion, au sens du nouvel article 223‑15‑3 du code pénal introduit par l’article 1er du présent texte, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ;

– les mêmes peines sont prévues si l’infraction est commise par un « gourou » ;

– enfin, si l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

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*     *

Chapitre Ier bis
Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article fixe à la majorité de la victime, et non à la date de la commission de l’infraction, le point de départ du délai de prescription de l’action publique des délits d’abus de faiblesse lorsqu’ils sont commis sur un mineur.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021‑478 du 21 avril 2021 a prévu un mécanisme de prolongation du délai de prescription des crimes et délits sexuels commis sur un mineur, lorsque la même personne commet, avant l’expiration du délai de prescription, une nouvelle infraction sexuelle sur un autre mineur.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission, réécrivant l’article, a augmenté la durée du délai de prescription du délit de sujétion, lorsqu’il est commis sur un mineur, en le portant de six à dix ans, et en fixant son point de départ à la majorité de la victime.

  1.   L’état du droit

● En application des articles 7 à 9 du code de procédure pénale (CPP), le délai de prescription de droit commun de l’action publique court à compter du jour auquel l’infraction a été commise, et est :

– de vingt ans en matière criminelle (article 7) ;

– de six ans en matière délictuelle (article 8) ;

– d’un an en matière contraventionnelle (article 9).

● Toutefois, de nombreuses et importantes dérogations sont prévues, s’agissant de la durée du délai de prescription ou du point de départ de ce dernier, en particulier lorsque la victime est mineure. À titre d’illustrations, et sans prétendre à l’exhaustivité :

– pour les crimes commis à l’encontre d’un mineur et visés à l’article 706‑47 du CPP, l’action publique se prescrit par trente années, à compter de la majorité de la victime ; sont notamment concernés les meurtres, les crimes de proxénétisme ou encore les viols – notons que le délai de prescription en matière de viol sur mineur est prolongé si la même personne, avant l’expiration de ce délai, commet sur un autre mineur un viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle : la prolongation court, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction ([57]) (troisième alinéa de l’article 7 du CPP) ;

– pour certains délits commis à l’encontre d’un mineur et visés à l’article 706‑47, l’action publique se prescrit par dix années à compter de la majorité de la victime ; sont notamment concernés les délits d’atteinte sexuelle, de proxénétisme ou encore de corruption de mineurs (deuxième alinéa de l’article 8 du CPP) ;

– la prescription de l’action publique est de vingt ans à compter de la majorité de la victime pour le délit d’agression sexuelle sur mineur de quinze ans prévu à l’article 222‑29‑1, les violences volontaires commises sur mineur de quinze ans et ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, et le délit d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans commis avec l’une des circonstances aggravantes prévues à l’article 227‑26 du code pénal (troisième alinéa de l’article 8 du CPP).

Un mécanisme de prolongation du délai de prescription voisin de celui existant pour le viol est prévu s’agissant des agressions et atteintes sexuelles, en cas de commission sur un autre mineur d’un tel délit, ainsi que le prévoit le quatrième alinéa de l’article 8 du CPP ([58]).

● Notons enfin, s’agissant de l’indemnisation des victimes, que la récente loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ) a prévu le report, à la majorité de la victime mineure, du point de départ du délai de forclusion de la demande d’indemnité présentée devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, modifiant à cet effet l’article 706‑5 du CPP ([59]).

  1.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article résulte de l’adoption, par la commission des lois du Sénat, de deux amendements identiques de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR), et de Mme Nathalie Delattre (RDSE) et plusieurs de ses collègues ([60]).

Modifiant l’article 8 du CPP relatif à la prescription de l’action publique en matière de délits, il prévoit à travers un nouveau deuxième alinéa le report du point de départ du délai de prescription de l’action publique des délits d’abus de faiblesse prévus à l’article 223‑15‑2 du code pénal : sans modifier la durée du délai, qui resterait de six ans, le dispositif en fixe le point de départ à la majorité de la victime lorsque le délit est commis sur un mineur.

L’objectif poursuivi par cette mesure est de tenir compte de la situation spécifique des mineurs en matière d’emprises sectaires ; il s’agit au demeurant de la mise en œuvre d’une préconisation déjà ancienne, puisque notre ancien collègue député Georges Fenech, notamment, l’avait déjà suggérée en 2008 ([61]).

  1.   La position de la Commission

En adoptant un amendement de M. Didier Paris (RE) et plusieurs de ses collègues, malgré une demande de retrait de la part de votre rapporteure, la Commission a réécrit le présent article afin de porter de six à dix ans le délai de prescription du délit de sujétion prévu à l’article 223‑15‑3 du code pénal, lorsqu’il est commis sur un mineur, le point de départ de ce délai étant fixé à la majorité de la victime ([62]).

Cette extension du délai de prescription résulte de l’inclusion, à l’article 706‑47 du CPP, d’un nouveau 8° bis visant cette infraction.

Relevons que seul le délit de sujétion, et non l’abus de faiblesse « simple », prévu à l’article 223‑15‑2 du code pénal, est concerné par le dispositif. En outre, une lecture littérale de ce dernier en exclut également l’abus de faiblesse commis sur une personne en état de sujétion, cette infraction, également prévue à l’article 223‑15‑3 du code pénal, étant distincte du nouveau délit de sujétion, dont les éléments constitutifs diffèrent – l’emploi du terme de « délit » au singulier dans le dispositif appuyant cette lecture littérale.

Par ailleurs, si la mention du délit de sujétion à l’article 706‑47 a pour effet de porter le délai de prescription à dix ans, elle conduit également à appliquer à cette infraction la procédure particulière prévue au titre XIX du livre IV du CPP, qui concerne essentiellement des infractions de nature sexuelle et prévoit, notamment, la possibilité de prononcer une injonction de soins pour la personne condamnée (article 706‑47‑1), de réaliser un dépistage d’éventuelles maladies sexuellement transmissibles (article 706‑47‑2) ou encore d’inscrire l’auteur des faits dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) (article 706‑53‑1).

Les infractions mentionnées à l’article 706‑47 du code de procédure pénale

L’article 706‑47 du CPP dresse la liste de plusieurs infractions pour lesquelles, lorsqu’elles sont commises sur un mineur, est prévu un délai de prescription dérogatoire, fixé pour les délits à dix ans à compter de la majorité de la victime. Des dispositions procédurales spécifiques sont par ailleurs prévues.

Sont mentionnés :

– les crimes de meurtre ou d’assassinat commis sur mineur ou en état de récidive légale ;

– les crimes de tortures ou d’actes de barbarie et les crimes de violences sur un mineur de quinze ans ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;

– les crimes de viol ;

– le délit de provocation, par des offres, dons, avantages ou promesses, à la commission d’un viol ;

– les agressions sexuelles ;

– le proxénétisme à l’égard d’un mineur ;

– les délits de recours à la prostitution ;

– la corruption de mineur ;

– le délit de proposition sexuelle à un mineur commis en utilisant un moyen de communication électronique ;

– les délits relatifs à l’enregistrement, la captation, la détention ou encore la diffusion d’images pornographiques d’un mineur, et à la consultation de sites mettant en ligne de telles images ;

– les délits de fabrication, transport, diffusion ou commerce de messages violents ou pornographiques pouvant être perçus par un mineur ;

– l’incitation d’un mineur à commettre une mutilation sexuelle ou à se soumettre à une telle mutilation ;

– les délits d’atteintes sexuelles ;

– le délit d’incitation d’une personne à commettre sur un mineur certains crimes ou délits de nature sexuelle ;

– le délit d’atteinte sexuelle sur animal domestique.

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif introduit par le Sénat et effets principaux

Le présent article prévoit l’introduction d’une circonstance aggravante pour les délits de privation d’aliments ou de soins (article 227‑15 du code pénal) et de soustraction, par les parents, à leurs obligations de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leurs enfants (article 227‑17 du même code), tenant au défaut de déclaration d’un enfant dans les délais légaux à l’état civil – qui constitue déjà un délit.

Le quantum des peines prévues aux articles 227‑15 et 227‑17 du code pénal serait ainsi alourdi dans une telle hypothèse.

       Dernières modifications législatives intervenues

Aucune modification législative récente n’est intervenue. Le législateur, en 2007, a érigé en délit le défaut de déclaration d’un enfant à l’état civil – qui était jusque-là une contravention.

       Modifications apportées par la Commission

Outre une coordination, la Commission a modifié les peines prévues dans le cadre de la circonstance aggravante à l’article 227‑17 du code pénal afin de respecter l’échelle des peines correctionnelles, ramenant ainsi l’emprisonnement encouru de quatre à trois ans.

  1.   L’état du droit

● La mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs fait l’objet, dans la législation pénale, de sanctions particulières.

Ainsi, aux termes de l’article 227‑15 du code pénal, la privation d’un mineur de moins de quinze ans, par un ascendant ou toute personne exerçant l’autorité parentale ou ayant autorité sur ledit mineur, d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé, constitue un délit passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende – il s’agit d’un crime puni de trente ans de réclusion criminelle si la privation a entraîné la mort de la victime, ainsi qu’en dispose l’article 227‑16 du code pénal.

Par ailleurs, le père ou la mère d’un enfant qui, sans motif légitime, se soustrait à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation d’un enfant mineur encourt deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en application de l’article 227‑17 du code pénal ([63]).

En outre, aux termes de l’article 227‑17‑1 du même code, le défaut d’inscription d’un enfant dans un établissement d’enseignement sans excuse valable, malgré une mise en demeure en ce sens de l’administration, est passible de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

● Il incombe également aux parents l’obligation, prévue à l’article 56 du code civil, de déclarer la naissance de leur enfant – et ce, depuis 1803 –, dans un délai de cinq jours à compter de l’accouchement en application de l’article 55 du même code.

Le défaut de déclaration de la naissance de l’enfant à l’état civil dans les délais légaux était, jusqu’en 2007, passible d’une amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe – soit 1 500 euros en application de l’article 131‑13 du code pénal – article R. 645‑4 du code pénal.

Le législateur, en 2007, a érigé ce manquement en délit, prévu à l’article 433‑18‑1 du code pénal et passible de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende. Cette évolution, qui résulte de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ([64]), fit suite aux recommandations d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l’influence des mouvements sectaires sur les mineurs dont les président et rapporteur étaient, respectivement, nos anciens collègues Georges Fenech et Philippe Vuilque ([65]).

  1.   Le dispositif introduit par le Sénat

Considérant que l’absence de déclaration à l’état civil d’un enfant peut traduire un phénomène de soustraction volontaire à tout contrôle d’enfants victimes de dérives sectaires, la commission des lois du Sénat, à l’initiative de sa rapporteure, a introduit le présent article ([66]).

● Il prévoit une nouvelle circonstance aggravante, tenant en l’absence de déclaration à l’état civil dans les délais légaux – délit prévu à l’article 433‑18‑1 du code pénal – pour les délits prévus aux articles 227‑15 et 227‑17 du code pénal :

– pour le délit de privation d’un mineur de moins de quinze ans d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé, prévu à l’article 227‑15 du code pénal, les peines seraient portées de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende à dix ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende ;

– pour le délit de soustraction par un parent à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation d’un enfant mineur, prévu à l’article 227‑17 du même code, les peines seraient portées de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende à quatre ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende.

Rappelons, à toutes fins utiles, qu’une circonstance aggravante d’une infraction donnée peut constituer, par ailleurs, une infraction autonome – ainsi en va‑t‑il, à titre d’exemples, des violences, qui peuvent constituer une circonstance aggravante du vol, ou de l’usage de stupéfiants, qui constitue une circonstance aggravante de l’homicide involontaire en application de l’article 221‑6‑1 du code pénal.

  1.   La position de la Commission

À l’initiative de votre rapporteure, la Commission a modifié les peines prévues à l’article 227‑17 du code pénal au titre de la nouvelle circonstance aggravante introduite par le Sénat, afin de les ramener à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende ([67]).

En effet, le quantum initialement proposé par le Sénat, à savoir quatre ans d’emprisonnement, ne correspondait pas à une peine correctionnelle existante prévue par l’échelle des peines fixées à l’article 131‑4 du code pénal.

Par ailleurs, la Commission, toujours à l’initiative de votre rapporteure, a également apporté une coordination à l’article 227‑17 consistant à supprimer un renvoi à des dispositions du code civil abrogées depuis 2002 ([68]).

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Introduit par la Commission

Cet article, introduit par la Commission, étend le champ des infractions contre lesquelles doivent lutter les fournisseurs d’accès à internet (FAI) et les hébergeurs de contenus en ligne.

  1.   L’état du droit

Afin de réguler l’espace numérique et de lutter, autant que possible, contre la prolifération de contenus illicites et haineux, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « LCEN » ([69]), prévoit au 7 du I de son article 6 la participation des FAI et des hébergeurs de contenus, définis respectivement aux 1 et 2 du même I, à la lutte contre plusieurs infractions, parmi lesquelles la provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination, l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ou encore la pédopornographie.

Concrètement, si la LCEN ne met pas à la charge des FAI et des hébergeurs une obligation générale de surveillance des informations, ils doivent concourir à la lutte contre la diffusion de ces infractions, et mettre à la disposition du public les informations relatives aux moyens consacrés à cet objectif.

  1.   Le dispositif introduit par la Commission

La Commission, en adoptant un amendement de M. Erwan Balanant (Dem) et plusieurs de ses collègues ayant fait de votre rapporteure l’objet d’un avis de sagesse ([70]), a complété la liste des infractions visées au 7 du I de l’article 6 de la LCEN, et contre la diffusion desquelles doivent concourir les FAI et les hébergeurs.

La Commission a ainsi intégré à ce champ l’abus de faiblesse et le délit de sujétion, prévus respectivement aux articles 223‑15‑2 et 223‑15‑3 du code pénal, dans leur rédaction issue du présent texte.

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Chapitre II
Renforcer l’accompagnement des victimes

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Afin de renforcer la défense des victimes de dérives sectaires, le présent article prévoit d’élargir les catégories d’associations auxquelles peut être reconnu l’exercice des droits de la partie civile, en substituant à la condition tenant à la reconnaissance d’utilité publique celle d’obtenir un agrément.

Cette modification est assortie d’une période transitoire de neuf mois, afin que les associations remplissant les conditions actuellement prévues puissent continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile.

       Dernières modifications législatives intervenues

Deux lois en 2023 ont élargi les capacités d’action d’associations en qualité de partie civile :

– la loi n° 2023‑23 du 24 janvier 2023 a étendu à l’ensemble des associations d’élus cette faculté, à raison d’agressions dont un élu est victime ;

– la loi n° 2023‑1059 du 20 novembre 2023 a inclus dans le champ d’action des associations luttant contre le racisme et l’antisémitisme les atteintes discriminatoires ou haineuses aux monuments ou sépultures.

       Modifications     apportées par le Sénat

Outre une modification de coordination liée à la suppression de l’article 1er du projet de loi, le Sénat a allongé de neuf mois à un an la période transitoire prévue par le présent article pour les associations reconnues d’utilité publique.

       Modifications     apportées par la Commission

La Commission a rétabli le nouveau délit de sujétion dans le champ des infractions au titre desquelles les associations intervenant en matière de dérives sectaires peuvent se constituer partie civile, et a étendu ce champ aux « thérapies de conversion ». S’agissant de ces dernières, elle a également supprimé l’exigence d’accord de la victime pour qu’une association intervenant en matière de lutte contre les discriminations puisse agir en justice, si la victime est en état de sujétion.

  1.   L’état du droit

● En application de l’article 2 du code de procédure pénale (CPP), l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction pénale appartient « à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».

Les articles suivants du CPP reconnaissent à certaines associations l’exercice des droits reconnus à la partie civile pour les infractions qui correspondent à leur objet, sous certaines conditions.

● En matière de lutte contre les dérives sectaires, l’article 2‑17 du CPP permet à des associations d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions susceptibles d’être rattachées aux emprises sectaires, sous réserve des conditions suivantes :

– l’association doit être reconnue d’utilité publique ;

– elle doit être régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ;

– elle doit, par ses statuts, se proposer de défendre et d’assister l’individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs ;

– doivent être en cause des actes commis dans le cadre d’un mouvement ou d’une organisation ayant pour but ou effet de créer, maintenir ou exploiter une sujétion psychologique ou physique.

Cet article 2‑17 reconnaît les mêmes droits, et dans les mêmes conditions, aux fondations reconnues d’utilité publique.

La reconnaissance d’utilité publique pour une association suppose la satisfaction de plusieurs conditions, parmi lesquelles :

– être d’intérêt général, c’est-à-dire ne pas exercer d’activité lucrative, avoir une gestion désintéressée et ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes ;

– avoir un nombre d’adhérents minimum (200), exercer une activité effective et justifier d’une réelle vie associative ;

– avoir une solidité financière sérieuse.

● L’exigence de la reconnaissance d’utilité publique de l’association en matière de dérives sectaires tranche avec les autres dispositions du CPP reconnaissant à des associations l’exercice des droits de la partie civile, qui n’exigent qu’une déclaration régulière, une certaine ancienneté et, dans certaines hypothèses, un agrément par l’administration – en plus de la spécialité des statuts. Tel est, à titre d’exemples et pour se limiter aux récentes évolutions législatives en la matière, le cas pour :

– les associations combattant le racisme et les discriminations, dont l’action en qualité de partie civile a été étendue aux destructions et dégradations de monuments ou sépultures commises pour un motif discriminatoire ou haineux, en application de l’article 2‑1 du CPP ([71]) ;

– les associations d’élus locaux, à qui l’exercice des droits reconnus à la partie civile sur le fondement de l’article 2‑19 du CPP a été étendu en 2023 en cas d’agression contre un élu ([72]).

Cette exigence de reconnaissance d’utilité publique est au demeurant de nature à empêcher des associations pourtant légitimes d’intervenir dans les procédures engagées, si ces associations ne remplissaient pas les conditions tenant, par exemple, au nombre minimum d’adhérents ou au sérieux de la solidité financière.

De fait, aujourd’hui, seule une association dispose de la reconnaissance d’utilité publique qui lui permet d’agir en justice en qualité de partie civile : l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI) ([73]).

  1.   Le projet de loi initial

Afin de renforcer la défense des victimes de dérives sectaires, le présent article prévoit un assouplissement substantiel des conditions requises pour que des associations puissent, dans le cadre d’infractions liées à des mouvements sectaires, exercer les droits reconnus à la partie civile.

● En effet, il substitue à la condition de reconnaissance d’utilité publique, celle pour l’association d’être agréée, l’agrément étant délivré après avis du ministère public dans des conditions fixées par voie réglementaire (I du présent article).

Un tel agrément, tout en prémunissant les juridictions de constitutions fantaisistes de partie civile par le cadre qu’il induit, assouplirait le cadre juridique existant en permettant à des associations actives en matière de lutte contre les dérives sectaires d’intervenir au contentieux.

Les conditions tenant à la spécialité des statuts et à l’ancienneté d’au moins cinq années, elles, sont conservées – elles se retrouvent au demeurant dans les autres dispositions du CPP relatives à l’action civile exercée par des associations.

Dans sa version initiale, le présent article prévoyait, au b du 1° de son I, d’enrichir les infractions au titre desquelles une association peut exercer les droits de la partie civile du nouveau délit dont la création était prévue à l’article 1er du présent projet de loi.

● Par ailleurs, le II du présent article prévoit des dispositions transitoires afin d’éviter que les associations reconnues d’utilité publique pouvant actuellement exercer les droits de la partie civile en application de l’article 2‑17 du CPP, soit dans les faits l’UNADFI, se trouvent privée de cette possibilité : l’UNADFI pourrait continuer à exercer les droits de la partie civile dans les instances introduites dans un délai de neuf mois à compter de l’entrée en vigueur du décret fixant les conditions d’agrément.

● Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a validé le bien-fondé du dispositif consistant à substituer à la reconnaissance d’utilité publique le fait pour l’association d’être agréée, « dès lors que les conditions d’agrément […] permettront de garantir le respect des droits de la défense […], de s’assurer du sérieux de l’engagement des associations concernées dans la lutte contre les dérives sectaires et de retirer cet agrément en cas d’abus » ([74]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Deux modifications ont été apportées au présent article par le Sénat, en commission et à l’initiative de la rapporteure, Mme Lauriane Josende (LR) ([75]).

D’une part, par cohérence et coordination avec la suppression de l’article 1er du présent projet de loi, a été supprimée l’inclusion à l’article 2‑17 du CPP de la référence au nouveau délit prévu par cet article 1er.

D’autre part, la période transitoire prévue pour les associations reconnues d’utilité publique, c’est-à-dire pour l’UNADFI, a été portée de neuf mois à un an, dans le souci d’éviter toute difficulté éventuelle qui serait préjudiciable aux victimes.

  1.   La position de la Commission

● Outre un aménagement rédactionnel ([76]), la Commission, à l’initiative de votre raporteure et de M. Raphaël Gérard (RE) et plusieurs de ses collègues, a étendu sur deux aspects le champ des infractions au titre desquelles les associations intervenant en matière de lutte contre les dérives sectaires peuvent se constituer partie civile ([77]).

D’une part, le nouveau délit de sujétion, prévu à l’article 223‑15‑3 du code pénal, a été réintroduit dans ce champ, par cohérence avec le rétablissement de l’article 1er.

D’autre part, ce champ a été enrichi de l’infraction relative aux « thérapies de conversion », eu égard aux liens manifestes entre ces pratiques et les dérives sectaires, ainsi que la MIVILUDES a pu le souligner (cf. commentaire de l’article 2 bis A).

● Par ailleurs, toujours en matière de « thérapies de conversion », et là aussi à l’initiative de votre rapporteure et de M. Gérard, la Commission, modifiant à cet effet l’article 2‑6 du CPP, a supprimé la condition tenant à l’accord de la victime pour qu’une association luttant contre les discriminations puisse se constituer partie civile dans le cadre d’une « thérapie de conversion », dès lors que la victime est en état de sujétion ([78]).

Il s’agit ici de mettre en œuvre la logique existante pour les associations luttant contre les dérives sectaires, pour lesquelles l’accord de la victime n’est pas exigé, de façon logique dans la mesure où les victimes peuvent être sous emprise.

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*     *

Chapitre III
Protéger la santé

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 A du projet de loi, introduit par la commission des Lois du Sénat ([79]), vise à renforcer la répression des délits d’exercice illégal de la médecine, de la pharmacie ou de la biologie médicale, ou de pratiques commerciales trompeuses.

En premier lieu, le présent article aggrave les peines encourues lorsque ces délits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

En second lieu, l’article prévoit l’application, à l’encontre de l’auteur reconnu coupable de l’un de ces délits, d’une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne ayant été utilisé pour commettre l’infraction.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 5 du projet de loi visant à réguler et sécuriser l’espace numérique, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023, crée une peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de plateforme en ligne applicable à certains délits limitativement énumérés au sein du code pénal.

       Modifications apportées par la commission

En adoptant quatre amendements de votre rapporteure ([80]), la commission a harmonisé la rédaction des dispositions de l’article 4 A prévoyant l’application d’une peine complémentaire de suspension de compte d’accès à un service en ligne, avec celle des dispositions similaires adoptées dans le cadre de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.

  1.   L’état du droit
    1.   Les infractions sanctionnant l’exercice illégal d’une profession médicale réglementée

L’infraction d’exercice illégal d’une profession médicale réglementée vise à protéger le monopole d’exercice attaché à ces professions de santé.

Cette infraction permet de sanctionner la personne qui se livre à des actes nécessitant une compétence professionnelle dont le monopole fait l’objet d’une protection particulière. Le délit d’exercice illégal est notamment prévu à l'égard des professions de médecin ([81]), de chirurgien-dentiste ([82]), de sage-femme ([83]), ou encore de pharmacien ([84]) et de biologiste médical ([85]).

 L’exercice illégal de la médecine est défini à l’article L. 4161-1 du code de la santé publique (CSP). Le délit est constitué par « toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ([86]) ou au traitement ([87]) de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine ([88]), sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre ([89]) » exigé pour l’exercice de la profession de médecin.

L’infraction suppose donc l’établissement d’un diagnostic ou d’un traitement ou l'accomplissement d'un acte médical, et ce à titre habituel ou par direction suivie, par une personne n'ayant pas ou n'ayant plus qualité pour agir. Pour caractériser ces éléments constitutifs, la jurisprudence retient une conception large et considère notamment que l’emploi de procédés à distance pour établir un diagnostic ou prescrire un traitement sans examen préalable est susceptible de constituer le délit d’exercice illégal de la profession ([90]). Toutefois, l’infraction ne s’applique pas aux conseils d’ordre général et didactique qui peuvent, notamment, être dispensés dans un ouvrage ([91]).

À titre d’exemples, la jurisprudence a fait application du délit d’exercice illégal de la médecine pour sanctionner certaines pratiques prodiguées par des personnes dépourvues de la qualité de médecin en vue de guérir les maladies, tels que les procédés de désenvoûtement ou d’exorcisme ([92]), d’apposition des mains ([93]), ou encore des pratiques médicales telles que des injections ([94]).

L’article L. 4161-5 du CSP punit l’exercice illégal de la médecine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le juge peut également prononcer, à titre de peine complémentaire, les peines d’affichage et de diffusion de la décision de condamnation, de confiscation du produit ou de l’instrument de l’infraction, d’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une ou plusieurs professions régies par le CSP ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise et d'interdiction d'exercer pour une durée de cinq ans l'activité de prestataire de formation professionnelle continue ([95]).

 L’exercice illégal de la pharmacie est prévu à l’article L. 4223-1 du CSP. L’infraction sanctionne « le fait de se livrer à des opérations réservées aux pharmaciens » sans réunir les conditions exigées pour exercer la profession de pharmacien.

Le délit est ainsi caractérisé lorsque la personne dépourvue de la qualité de pharmacien pratique des actes relevant du monopole pharmaceutique tels que la préparation, la vente et la dispensation au public de certains produits, notamment des médicaments à usage humain ([96]). Il a ainsi pu être considéré, par exemple, que la vente de cures et de certaines vitamines par une personne ne disposant pas de la qualité de pharmacien relevait de l’exercice illégal de la pharmacie ([97]).

Les faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Sont également encourues les peines complémentaires d’affichage ou de diffusion de la décision de condamnation, de confiscation du produit ou de l’instrument de l’infraction, d’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une ou plusieurs professions, et de fermeture de l’établissement dans lequel l’infraction a été commise, prononcée à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus.

 L’exercice illégal des fonctions de biologiste médical est prévu à l’article L. 6242-2 du CSP. Le délit est constitué lorsqu’il est procédé à un examen de biologie ([98]) médical par une personne qui ne dispose pas des qualifications requises.

L’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. À titre de peine complémentaire ([99]), la juridiction peut également prononcer l’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation, la confiscation du produit ou de l’instrument de l’infraction, l’interdiction, temporaire ou définitive, d’exercer une ou plusieurs professions, et la fermeture du laboratoire de biologie médicale, prononcée à titre temporaire ou définitif.

  1.   L’infraction de pratiques commerciales trompeuses

Définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation, les pratiques commerciales trompeuses sont des comportements visant à créer une confusion ou à induire en erreur et ayant pour objet la vente d’un bien ou la prestation d’un service.

Le délit de pratiques commerciales trompeuses prévu à l’article L. 132-2 du code de la consommation vise à sanctionner le professionnel qui a fait usage de ces pratiques trompeuses, la tromperie pouvant aussi bien résulter d’une action, par exemple d’allégations fausses ou de nature à induire en erreur, que d’une omission, telle que la dissimulation d’une information substantielle.

Les faits sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ([100]), la peine d’emprisonnement étant portée à trois ans lorsque les pratiques sanctionnées ont été suivies de la conclusion d’un ou de plusieurs contrats ([101]). Lorsque les pratiques commerciales trompeuses ont été commises en bande organisée, la peine est portée à sept ans d’emprisonnement ([102]).

Le tribunal prononce en outre obligatoirement la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision de condamnation ([103]) et peut également prononcer à l’encontre des personnes physiques reconnues coupables, la peine complémentaire d’interdiction d’exercer une fonction publique, une activité professionnelle ou sociale, ou une activité commerciale ou industrielle ou de gérer une entreprise, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans ([104]).

  1.   La peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service de communication en ligne

Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique adopté le 17 octobre 2023 en première lecture à l’Assemblée nationale instaure, au sein de l’article 131-35-1 rétabli du code pénal, une peine complémentaire de suspension du compte d’accès à un service de plateforme en ligne ([105]).

Cette peine complémentaire, qui s’ajoute à la peine principale d’emprisonnement ou d’amende, peut être prononcée par le juge pour les délits pour lesquels elle est encourue ([106]) pour une durée qui ne peut excéder six mois. Cette durée peut être portée à un an si la personne mise en cause est en état de récidive légale.

Le prononcé de cette peine complémentaire permet d’interdire à la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès aux services de plateforme en ligne concernés par la suspension ou de créer de nouveaux comptes permettant d’accéder à ces mêmes services.

La décision de condamnation est signifiée au fournisseur de service de plateforme en ligne concerné, lequel doit, pendant la durée d’exécution de la peine, procéder au blocage du compte ayant fait l’objet de la peine de suspension, et mettre en œuvre des mesures pour bloquer les autres comptes d’accès à sa plateforme détenus par la personne condamnée ainsi que l’empêcher d’en créer de nouveaux.

Le fournisseur qui ne procède pas au blocage du compte ayant fait l’objet d’une suspension est passible de 75 000 euros d’amende.

Le projet de loi tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en première lecture prévoit notamment l’application de cette peine complémentaire pour le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse prévu au sein de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique, ainsi que pour les délits prévus à l’article 4 de la loi n° 2023‑451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Parmi ces délits figure l’interdiction pour les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique de promouvoir tous produits, actes, procédés techniques et méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, des protocoles ou des prescriptions thérapeutiques ([107]).

La personne condamnée à cette peine complémentaire peut en solliciter le relèvement devant la juridiction compétente à l’issue d’un délai de trois mois après la décision initiale de condamnation ([108]).

  1.   Le dispositif proposé par le Sénat

Partant du constat, établi dans l’étude d’impact du projet de loi, selon lequel des personnalités charismatiques profitent de la « libération sans précédent des moyens de communication » par l’intermédiaire des plateformes numériques ([109]), la commission des Lois du Sénat a renforcé, au sein d’un nouvel article 4 A, la répression des pratiques d’emprise et de sujétion, présentant un risque de dérive sectaire, lorsqu’elles sont commises en ligne.

  1.   L’introduction d’une circonstance aggravante visant les pratiques d’emprise et de sujétion commises en ligne

Lors de l’examen du projet de loi par la commission des Lois, le Sénat a adopté un amendement de la rapporteure ([110]) créant une circonstance aggravante applicable aux délits d’exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses qui sont commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

Les peines sont alors portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.

En adoptant en séance publique deux amendements identiques de M. François Bonneau ([111]) et de Mme Corinne Imbert ([112]), le Sénat a également prévu cette circonstance aggravante pour les délits d’exercice illégal de la pharmacie et d’exercice illégal de la biologie médicale.

  1.   L’introduction d’une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre l’infraction

S’inspirant du mécanisme prévu par le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique adopté le 17 octobre 2023 en première lecture à l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté, lors de l’examen du présent texte en commission des Lois, un amendement de la rapporteure ([113]) instaurant une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne encourue pour les délits d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

La peine complémentaire de suspension du compte d’accès est prononcée par la juridiction pour une durée de six mois, cette durée pouvant être portée à un an si la personne est en état de récidive légale.

Pendant toute la durée de l’exécution de la peine, le fournisseur de service est tenu de procéder au blocage des comptes d’accès concernés et de mettre en œuvre des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à son service éventuellement détenus par la personne condamnée ainsi que de l’empêcher de créer de nouveaux comptes.

Lors de l’examen en séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques de M. François Bonneau ([114]) et de Mme Corinne Imbert ([115]), pour étendre l’application de cette peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne pour les délits d’exercice illégal de la pharmacie et d’exercice illégal de la biologie médicale lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

Il peut toutefois être noté des différences dans la rédaction des modalités d’application de cette peine complémentaire, le présent article 4 A ne reprenant pas les modifications adoptées par l’Assemblée nationale lors de l’examen en première lecture du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.

Outre des différences rédactionnelles, la peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne telle qu’elle figure dans le présent article 4 A se distingue de celle prévue à l’article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique notamment en ce qu’elle s’applique :

­ à l’ensemble des services de plateformes en ligne, y compris s’ils n’ont pas constitué le moyen unique ou principal de commission de l’infraction ;

­ aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo, cette précision n’étant cependant pas utile dans la mesure où ces services sont compris dans la définition des services de plateforme en ligne introduite dans la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Par ailleurs, il n’est pas explicitement prévu d’interdiction pour la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès ayant fait l’objet de la suspension ainsi que de créer de nouveaux comptes d’accès.

Il existe enfin des différences dans les modalités de notification aux fournisseurs de services concernés de la décision de condamnation et dans l’exécution de leur obligation de mettre en œuvre des mesures permettant de procéder au blocage des autres comptes d’accès à leur service éventuellement détenus par la personne condamnée et d’empêcher la création de nouveaux comptes. En effet, il est prévu l’application de l’article 46 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, alors même que cet article, qui concerne les traitements de données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales, n’a pas vocation à s’appliquer aux services de plateformes en ligne et régit uniquement les traitements mis en œuvre par les juridictions ou des personnes limitativement énumérées parmi lesquelles ne figurent pas les services de plateformes en ligne.

Ces différences dans la rédaction des modalités de mise en œuvre de la peine complémentaire de suspension du compte d’accès suivant le projet de loi dans lequel elle est prévue sont susceptibles de soulever des difficultés d’application.

Pour préserver la cohérence de cette nouvelle peine complémentaire et en faciliter l’application par les praticiens, il est nécessaire d’en harmoniser les modalités d’exécution.

Or, l’objet du présent projet de loi ne permet pas de définir les modalités de cette peine complémentaire novatrice, ni d’en mesurer les implications pour limiter les effets de bords induits par l’introduction d’un tel dispositif. Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique demeure le vecteur législatif le plus adapté pour définir le champ de cette peine complémentaire. Le présent projet de loi ne peut préempter les discussions parlementaires sur ce sujet qui sont encore en cours.

  1.   La position de la commission

La commission des Lois a adopté quatre amendements de votre rapporteure ([116]) afin de mettre en cohérence la rédaction de la peine complémentaire de suspension du compte d'accès au service de plateforme en ligne prévue par l’article 4 A du présent projet de loi avec la rédaction de l'article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

L’adoption de ces amendements a permis d’harmoniser la rédaction de ces dispositions pour chacune des quatre infractions entrant dans le champ d’application de cette peine complémentaire, en procédant aux modifications suivantes :

- En premier lieu, l’application de cette peine complémentaire a été limitée aux seuls services de plateforme en ligne utilisés pour commettre les faits ;

- En deuxième lieu, la référence aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo a été supprimée, cette précision n’étant pas utile dans la mesure où ces services sont compris dans la définition des services de plateforme en ligne prévue par le règlement sur les services numériques du 19 octobre 2022 ;

- En troisième lieu, les conséquences de cette peine complémentaire ont été précisées en prévoyant l’interdiction pour la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès ayant fait l’objet de la suspension ainsi que de créer de nouveaux comptes d’accès ;

- En dernier lieu, les modalités de notification de la décision de condamnation aux fournisseurs de services concernés ainsi que celles relatives à l’exécution de leur obligation de mettre en œuvre des mesures permettant de procéder au blocage des comptes détenus par la personne condamnée ont été précisées. Ainsi, la référence à l’article 46 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, a été supprimée, cette disposition n’ayant pas vocation à s’appliquer aux services de plateformes en ligne.

Les aménagements ainsi adoptés sont destinés à faciliter la coordination entre ces dispositions et celles adoptées dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.

 

*

*     *

Rétabli par la commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 crée deux nouvelles infractions pour réprimer les atteintes à la santé résultant des discours ou pratiques prônant des méthodes sans valeur thérapeutique ou dangereuses :

– Le délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, alors que cet abandon ou cette abstention est manifestement susceptible, en l’état des connaissances médicales et compte tenu de la pathologie de la personne visée, d’entraîner pour elle des conséquences graves pour sa santé physique ou psychique.

– Le délit de provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, alors qu’il est manifeste que ces pratiques, en l’état des connaissances médicales, exposent la personne visée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Ces deux infractions de provocation sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, ou, lorsque la provocation a été suivie d’effet, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

       Dernières modifications législatives intervenues

Sans objet.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé l’article 4 du projet de loi.

       Modifications apportées par la commission

En adoptant deux amendements identiques, dont l’un présenté par votre rapporteure ([117]), la commission des Lois a rétabli l’article 4, dans sa rédaction initiale.

  1.   L’état du droit
    1.   Le développement des dérives thérapeutiques à caractère sectaire dans le domaine de la santé

L’essor des méthodes et des discours faisant la promotion de pratiques non conventionnelles (PNC) à visée thérapeutique est favorisé par l’usage des outils de communication en ligne, en particulier des réseaux sociaux.

Comme la MIVILUDES le souligne dans son dernier rapport d’activité, ces méthodes sont très diverses, ce qui rend leur caractérisation malaisée, mais ont pour point commun de ne pas être reconnues par la médecine conventionnelle ni d’être enseignées aux professionnels de santé au cours de leur formation initiale ([118]). Selon le Conseil de l’ordre national des médecins, 71 % des Français auraient déjà eu recours à des pratiques de soins non conventionnelles ([119]).

L’adoption de ces méthodes non conventionnelles par les personnes concernées peut toutefois présenter un danger pour leur santé lorsqu’elle implique l’abandon d’un traitement médical ou l’adoption de pratiques à risque. Dans ce cas, ces pratiques deviennent des dérives thérapeutiques qui sont susceptibles d’occasionner une perte de chance pour la personne malade d’être prise en charge convenablement et mettent en péril sa santé, voire sa vie.

Les dérives thérapeutiques peuvent s’accompagner de comportements présentant les caractéristiques des dérives à caractère sectaire lorsqu’elles visent à entraîner l’adhésion de la personne malade « à une croyance, à un nouveau mode de pensée visant à l’exclure de toute forme de rationalité et à créer les conditions de son isolement » ([120]).

Le phénomène des dérives thérapeutiques à caractère sectaire constitue aujourd’hui un sujet majeur de préoccupation dans la lutte contre les dérives sectaires. En 2021, un quart des saisines de la MIVILUDES concernait le domaine de la santé ([121]).

Exemples de dérives thérapeutiques à caractère sectaire recensées par la MIVILUDES

Toutes les pratiques thérapeutiques non conventionnelles ne revêtent pas nécessairement un caractère sectaire mais certaines visent à faire adhérer la personne à un nouveau mode de croyance en aliénant sa capacité de réflexion ou de consentement et contribuent à la mettre en danger en l’influençant de sorte à ce qu’elle refuse les soins conventionnels. Elles promeuvent des dérives thérapeutiques qui constituent une perte de chance pour le patient d’être pris en charge de manière satisfaisante ou de bénéficier de traitements prouvés scientifiquement et peuvent ainsi le mettre en danger.

À titre d’exemples, la MIVILUDES a recensé dans son rapport d’activité pour l’année 2021, certaines dérives thérapeutiques susceptibles de présenter un caractère sectaire ([122]) :

● La médecine nouvelle germanique : selon cette théorie, tout cancer, et plus généralement toute maladie, résulte d’un choc psychologique intense vécu par la personne malade. Pour en guérir, il conviendrait donc d’identifier ce choc pour la résoudre par la psychothérapie. Le recours aux traitements conventionnels tels que les chimiothérapie et radiothérapie sont des obstacles à la guérison qui doit se fonder sur la volonté propre de la personne malade et ses capacités personnelles de guérison. Cette méthode de traitement fait ainsi peser sur les patients vulnérables un grand sentiment de culpabilité en les poussant à abandonner tout traitement conventionnel ([123]).

● La promotion d’un régime alimentaire drastique : certaines dérives thérapeutiques préconisent une pratique dangereuse du jeûne. Cela peut être le cas, par exemple, du « respirianisme », qui repose sur la pratique du jeûne total à vocation spirituelle fondée sur la possibilité de se nourrir uniquement d’air et de lumière pendant 21 jours. Il en est de même pour le « crudivorisme » qui incite à la consommation de jus de légumes et diffuse la croyance selon laquelle les médicaments seraient à l’origine de toutes les maladies ([124]).

La promotion de ces dérives thérapeutiques peut ainsi inciter les personnes vulnérables auxquelles elle s’adresse, en particulier les personnes malades, à abandonner les traitements médicaux qui leur sont prescrits ou à retarder leur prise en charge médicale. Elles peuvent s’accompagner d’un discours et de méthodes propres à obtenir la sujétion des individus et connaissent aujourd’hui une large diffusion en ligne par l’intermédiaire des réseaux sociaux et l’essor des « influenceurs ».

C’est ainsi que le Conseil national de l’ordre des médecins rappelle qu’aujourd’hui, la santé et le bien-être constituent le premier domaine de risque de dérives sectaires ([125]).

  1.   L’insuffisance du cadre juridique existant

Les dérives thérapeutiques à caractère sectaire sont appréhendées par le cadre juridique existant à travers plusieurs infractions de droit commun, les qualifications retenues dépendant du contexte de commission des faits et pouvant se cumuler à l’occasion des poursuites pour mieux saisir la particularité de ces agissements. Les infractions de droit commun les plus fréquemment retenues sont les suivantes :

– le délit d’abus de faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique ([126]), prévu à l’article 223-15-2 du code pénal ([127]) : cette infraction de droit commun ne prend toutefois pas en compte de manière spécifique les conséquences sur la santé de la personne qui en est victime et manque ainsi de précision sur l’appréciation du caractère gravement préjudiciable.

– les délits d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie ([128]), respectivement prévus aux articles L. 4161-1 et L. 4223-1 du code de la santé publique : ces infractions n’apparaissent toutefois pas suffisantes pour appréhender efficacement les faits de promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

En effet, le délit d’exercice illégal de la médecine constitue un délit d’habitude, sa caractérisation supposant ainsi la répétition des agissements en cause. De plus, ce délit ne permet de réprimer que les conseils donnés à titre individuel ([129]), et non ceux dispensés à titre général ([130]). Or, comme le relève l’étude d’impact du projet de loi ([131]), en usant des stratégies développées par les créateurs de contenus diffusés en ligne et des « influenceurs », il est désormais possible de faire la promotion de pratiques non conventionnelles qui ont des effets délétères sur la santé auprès d’une audience très large en adressant un message non ciblé, à un groupe indistinct de personnes.

Quant au délit d’exercice illégal de la pharmacie, il implique la prescription d’un médicament, et ne peut être constitué par la seule promotion de méthodes présentées comme étant thérapeutiques.

– le délit de pratiques commerciales trompeuses, prévu à l’article L. 121-2 du code de la consommation ([132]) : cette infraction ne permet de sanctionner que les professionnels et non les particuliers, ce qui empêche de la retenir dans un certain nombre de cas.

– le délit de non-assistance à personne en danger ([133]), prévu à l’article 223-6 du code pénal : pour être constituée, cette infraction implique la présence d’un péril déjà constitué. Il ne permet donc pas d’éviter la situation dangereuse pour la personne qui en est victime, mais vise à en limiter les conséquences. Par ailleurs, pour caractériser l’élément moral de l’infraction, il est nécessaire de rapporter la preuve de la conscience, pour l’auteur des faits, du péril auquel autrui était exposé. En matière médicale, il n’est ainsi pas rare que les personnes mises en cause invoquent une erreur de fait sur la nature et l’existence du péril, pouvant par exemple consister en une erreur de diagnostic. Les poursuites sur ce fondement sont donc rendues malaisées.

– le délit de mise en danger de la vie d’autrui ([134]), prévu à l’article 223-1 du code pénal : comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, cette infraction apparaît délicate à mobiliser dans la mesure où ses éléments constitutifs exigent la réunion de preuves directes du lien entre le comportement reproché et le risque encouru par la victime ([135]). Par ailleurs, l’infraction n’est constituée que par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par une loi ou un règlement.

– l’infraction de délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ([136]), prévue à l’article 223-3 du code pénal : cette infraction suppose un acte positif exprimant de la part de son auteur la volonté définitive d’abandonner la victime des faits. La seule privation de soins ne saurait ainsi constituer l’infraction ([137]). Par ailleurs, l’auteur doit au préalable assumer la prise en charge de la personne victime ([138]). Selon les cas, cette infraction pourrait donc ne pas être parfaitement adaptée à la lutte contre la promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

Aucune des infractions de droit commun ne permet donc de saisir dans sa totalité l’ensemble des agissements résultant de la promotion de dérives thérapeutiques à caractère sectaire. En particulier, en dehors de l’infraction d’abus de faiblesse précitée, les éléments constitutifs de ces infractions de droit commun ne permettent pas de refléter avec exactitude le contexte de commission des faits.

Le décompte statistique permettant de mesurer l’ampleur des phénomènes à caractère sectaire en France risque ainsi d’être faussé, dès lors que les procédures en question concernent des infractions de droit commun et que la qualification ne permet pas en elle-même d’établir le contexte de sujétion psychologique dans lequel les faits ont été commis. La création d’une infraction autonome visant à réprimer de manière spécifique ce type d’agissement présente ainsi l’avantage de mieux pouvoir mesurer ce comportement, notamment à des fins statistiques, pour en évaluer l’ampleur et adapter les moyens de lutter contre ce phénomène.

  1.   Le dispositif proposé par le projet de loi

Pour lutter contre le développement des dérives thérapeutiques à caractère sectaire et répondre efficacement à cet enjeu de santé publique, l’article 4 du projet de loi crée au sein de l’article 223-1-2 du code pénal deux nouvelles infractions, réprimant de manière globale et autonome les atteintes à la santé résultant des discours ou pratiques prônant des méthodes sans valeur thérapeutique ou dangereuses :

– Le délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique est constitué lorsque les éléments constitutifs suivants sont réunis :

● D’une part, l’abandon ou l’abstention doivent être présentés comme bénéfiques pour la santé des personnes visées ;

● D’autre part, l’abandon ou l’abstention doivent être manifestement susceptibles, en l’état des connaissances médicales et compte tenu de la pathologie dont les personnes sont atteintes, d’entraîner pour elles des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique.

– Le délit de provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, qui est constitué lorsque les éléments constitutifs suivants sont réunis :

● D’une part, ces pratiques sont présentées comme bénéfiques pour la santé ;

● D’autre part, il est manifeste que ces pratiques, en l’état des connaissances médicales, exposent les personnes à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Ces deux infractions de provocation sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Lorsque la provocation n’est pas suivie d’effet, ces « infractions obstacles » ([139]) permettent de sanctionner le comportement indépendamment de tout résultat mais en considération du risque objectif pour la santé auquel est exposée la victime.

Lorsque la provocation a été suivie d’effet les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

Il est prévu l’application des dispositions relatives à la loi sur la presse en ce qui concerne la détermination des personnes responsables lorsque les faits ont été commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle. Cela permet d’appliquer le principe de la responsabilité en cascade pour rechercher la responsabilité du directeur de publication.

Les infractions de provocation : l’exemple du délit de provocation au suicide

L’incitation d’autrui à commettre un acte illicite ou dangereux([140]) est appréhendée par le droit pénal qui réprime certaines formes de provocation illicites.

Parmi ces infractions, il est possible de citer la provocation au suicide, prévue par l’article 223-13 du code pénal ([141]).

Le délit est constitué par le fait de provoquer au suicide. Sa caractérisation suppose un acte positif, consistant dans le fait d’inciter autrui à se donner la mort. Il n’est pas exigé par la loi que cette incitation se matérialise par l’emploi d’un moyen particulier ([142]). Il n’est pas non plus exigé que la provocation soit directe ou même publique : l’infraction est donc susceptible d’être constituée dans un cadre privé.

Malgré la rédaction très large de ce délit, la jurisprudence en fait une application stricte, en s’attachant notamment à caractériser rigoureusement l’élément intentionnel.

L’élément moral est constitué lorsque l’auteur de l’infraction a manifesté la volonté de convaincre la personne de se donner la mort, en la poussant au suicide. Ainsi, une personne qui, sans souhaiter le suicide d’autrui, adopterait un comportement qui serait de nature à l’entraîner, ne commettrait pas ce délit ([143]). En outre, l’intention ne doit pas être équivoque ([144]). Pour déduire cette intention, il est possible de se fonder sur la connaissance de la fragilité psychologique de la victime ou sur les méthodes de manipulation mises en œuvre.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

En adoptant un amendement de la rapporteure ([145]) et un amendement identique de M. Alain Houpert ([146]) lors de l’examen du texte par la commission des Lois, le Sénat a supprimé l’article 4 du projet de loi.

En s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État, le Sénat a considéré, en premier lieu, que la nécessité de ces nouveaux délits n’était pas établie, les infractions de droit commun et notamment les délits d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie permettant déjà de réprimer la promotion des dérives thérapeutiques à caractère sectaire. En second lieu, le Sénat a estimé que la proportionnalité de ces infractions, portant atteinte à la liberté d’expression, n’était pas garantie et mettait en péril la liberté de controverse scientifique et le rôle des lanceurs d’alerte.

Le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi ([147]) a en effet alerté sur l’atteinte portée par ces infractions à la liberté d’expression et a souhaité qu’une nouvelle rédaction soit travaillée pour mieux encadrer les éléments constitutifs de cette dernière ([148]).

Lors de l’examen du texte en séance publique, le Sénat n’a pas adopté l’amendement proposé par le Gouvernement ([149]) de réécriture de l’article 4 du projet de loi.

Cet amendement prévoyait de préciser que les délits créés ne sont pas constitués lorsque la provocation « s’accompagne d’une information claire et complète permettant de garantir la volonté libre et éclairée de la personne quant aux conséquences pour sa santé, susceptibles de survenir lorsqu’une telle provocation a été suivie d’effet ».

Le Sénat a en effet estimé que cette précision risquerait d’amoindrir l’effet utile de ces nouvelles infractions, dans la mesure où de simples précautions dans la formulation permettraient pour les promoteurs de ces méthodes thérapeutiques présentant un caractère sectaire de se prémunir de toute poursuite. Par ailleurs, les infractions seraient susceptibles d’être constituées dans un cadre privé ou familial, indépendamment du niveau de connaissance médicale de l'auteur des propos ([150]).

À cet égard, il peut être souligné que la caractérisation de toute infraction suppose de rapporter la preuve de l’élément moral ou intentionnel, à savoir l’intention délibérée pour l’auteur de commettre les faits. La caractérisation de l’élément moral des infractions de provocation créées par le projet de loi suppose de rapporter la preuve de la connaissance, par la personne poursuivie, du caractère dangereux des pratiques promues et donc de déterminer son état de connaissances médicales. Elle suppose également de caractériser la volonté délibérée pour l’auteur des propos d’entraîner la personne à commettre un acte qui lui est gravement préjudiciable au regard des conséquences pour sa santé. Cela implique donc nécessairement que les simples conseils émis dans un cadre familial et privé ne peuvent tomber sous le coup de ces incriminations, faute d’élément moral nécessaire à la caractérisation des faits.

Si le Conseil d’État a invité à retravailler la rédaction des nouvelles infractions, il n’a pas contesté la légitimité de l’objectif poursuivi. Pour parvenir à l’équilibre constitutionnel entre l’atteinte portée à la liberté d’expression et l’enjeu de santé publique que constitue la lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire, il invite à encadrer les éléments constitutifs de ces infractions qui ne doivent pas aboutir à « remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ».

  1.   La position de la commission

La commission des Lois a rétabli l’article 4 dans sa rédaction initiale en adoptant deux amendements identiques, dont l’un présenté par votre rapporteure ([151]).

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Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 crée un nouvel article 11-3, renuméroté par le Sénat ([152]), au sein du code de procédure pénale visant à rendre obligatoire, et non plus facultative, la transmission aux ordres professionnels nationaux de santé, par le procureur de la République, d’informations relatives à certaines décisions judiciaire prises à l’encontre d’un professionnel placé sous leur contrôle, lorsqu’elles concernent une procédure pour des infractions qui sont en lien avec les dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

Les décisions judiciaires entrant dans le champ de l’obligation d’information sont celles qui ordonnent le placement sous contrôle judiciaire assorti d’une interdiction pour la personne mise en examen concernée d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de laquelle les faits auraient été commis ainsi que les décisions de condamnation, même non définitives, prononcées pour certaines infractions limitativement énumérées.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs a prévu la possibilité pour le ministère public d’informer l’administration qui emploie une personne mise en cause pour un crime ou un délit puni d’emprisonnement, de certaines décisions prises par l’autorité judiciaire, en créant cette faculté au sein de l’article 11-2 du code de procédure pénale.

Cette même loi a introduit à l’article 706-47-4 du code de procédure pénale une obligation, pour le ministère public, d’informer par écrit l’administration qui emploie une personne qui exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs, de la décision de condamnation ou de contrôle judiciaire prise à son égard lorsqu’elle est mise en cause pour certaines infractions.

La loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a autorisé le procureur de la République, afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public, à rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure à condition que ceux-ci ne comportent aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.

La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a étendu cette faculté accordée au procureur de la République de déroger au secret de l’enquête ou de l’information, en modifiant l’article 11 du code de procédure pénal pour prévoir que ce magistrat peut rendre publics des éléments objectifs tirés d’une procédure en cours dès lors qu’un impératif d’intérêt public le justifie. Cette loi a également autorisé la communication de ces éléments par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec l’accord et sous le contrôle du procureur de la République.

       Modifications     apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article 5 sans modification.

       Modifications apportées par la commission

La commission des Lois a adopté l’article 5, moyennant des améliorations rédactionnelles adoptées à l’initiative de votre rapporteure ([153]).

  1.   L’état du droit
    1.   L’affirmation du principe du secret de l’enquête et de l’instruction

Le principe du secret de l’enquête et de l’instruction inscrit à l’article 11 du code de procédure pénale (CPP), hérité de la justice inquisitoriale, permet de garantir l’efficacité des investigations en empêchant tout risque de destruction ou de dissimulation des éléments de preuve et en évitant les pressions susceptibles d’être exercées sur les témoins. Il vise également à préserver les intérêts de l’institution judiciaire et la sérénité de l’enquête en empêchant l’exercice de l’influence médiatique.

Avec l’affirmation du principe de la présomption d’innocence et du droit au respect de la vie privée, le secret de l’enquête et de l’instruction est toutefois de plus en plus perçu comme le support de droits bénéficiant aux personnes mises en cause dans la procédure pénale.

Ainsi entendu, le principe du secret de l’enquête et de l’instruction est « susceptible de revêtir deux significations. – Il peut tout d’abord être conçu comme un secret interne, opposable aux parties et spécialement à la personne poursuivie qui ignore alors tout de la conduite des investigations. Ainsi conçu, le secret, édicté dans l’intérêt exclusif de la répression, se confond pratiquement avec la non contradiction des débats. – Le secret de l’instruction peut également être conçu comme un secret externe opposable uniquement aux tiers. Il signifie alors la non-publicité des investigations et peut trouver sa justification, non plus seulement dans des considérations d’intérêt public – sérénité, sécurité et efficacité de l’instruction – mais également dans l’intérêt de la personne mise en cause. » ([154])

Le principe du secret de l’enquête et de l’instruction ne s’impose qu’aux parties qui concourent à la procédure, à savoir les magistrats, les greffiers, les policiers et gendarmes ou toute autre personne requise par l’autorité judiciaire pour intervenir à la procédure.

Ce principe ne s’applique cependant que dans les cas où la loi n’en dispose pas autrement, une disposition spécifique pouvant y déroger, et sous réserve du respect des droits de la défense.

  1.   Les aménagements au principe du secret des investigations

Le principe du secret de l’enquête et de l’instruction connaît des aménagements, notamment pour garantir la protection de l’ordre public et assurer la bonne information du public. Le procureur de la République peut en effet rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure « afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public ou lorsque tout impératif d’intérêt public le justifie ».

En outre, plusieurs dispositions prévoient des tempéraments à ce principe pour réserver la possibilité, pour le magistrat du parquet ou le juge d’instruction, de communiquer certaines informations couvertes par le secret à des autorités administratives ou organismes habilités, et ce pour des motifs d’intérêts publics ([155]).

Par ailleurs, des dispositions du CPP permettent de garantir l’information d’une administration ou d’un ordre professionnel lorsqu’ils emploient une personne mise en cause ou condamnée pour certaines infractions. Cette information, qui déroge au principe du secret des investigations, est destinée à préserver l’exigence de moralité qui s’attache aux conditions d’exercice de certaines professions, à garantir le bon fonctionnement du service public, et à protéger la sécurité des personnes.

Ces dérogations font l’objet d’un encadrement strict prévu par le CPP, selon les modalités suivantes :

– Faculté d’information de l’administration ou de l’ordre professionnel :

L’article 11-2 du CPP prévoit la possibilité pour le ministère public d’informer par écrit toute administration, personne publique, personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou tout ordre professionnel concernés de certaines décisions judiciaires qui sont prises à l’encontre d’une personne qu’elle emploie ou dont l’activité professionnelle est placée sous son contrôle, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

Il est ainsi possible pour le procureur de la République, dans ce cadre, de transmettre à l’administration ou l’ordre concerné les décisions de condamnation même non définitive ([156]), de saisine d’une juridiction de jugement ou d’instruction, ainsi que de mise en examen.

Le ministère public conserve toute liberté pour apprécier l’opportunité de cette transmission d’information. En particulier, il n’y procède que s’il l’estime nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

Cette faculté de transmission de certaines décisions judiciaires, prévue à l’article 11-2 du CPP, est donc strictement encadrée. La communication des éléments de la procédure ne peut intervenir avant la mise en mouvement de l’action publique, et notamment pas au stade de la garde à vue ([157]). Elle ne peut concerner par ailleurs que les procédures ouvertes pour des faits graves, et non pour des contraventions ou des délits punis seulement d’une peine d’amende.

Les modalités de cette transmission d’information sont par ailleurs définies. En particulier, l’information transmise est confidentielle et la personne qui en est destinataire est tenue au secret ([158]). Le destinataire ne peut communiquer les éléments transmis qu’aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité professionnelle ou sociale de la personne concernée.

De plus, l’administration ou l’ordre professionnel concerné est informé par le ministère public de l’issue de la procédure. Cette information est destinée à garantir que lorsque le non-lieu a été ordonné ou qu’une décision de relaxe ou d’acquittement a été prise, le destinataire supprime l’information du dossier de la personne concernée. Toutefois, il n’y a pas lieu de procéder à cette suppression lorsque les informations communiquées par le ministère public constituent le fondement légal d’une décision de sanction prononcée par l’administration ou l’ordre professionnel.

L’article D 1er-13 du CPP complète ce cadre légal en précisant notamment la nature des informations transmises par le ministère public et détermine les modalités de suppression de l’information, le cas échéant.

– Obligation d’information de l’administration ou de l’ordre professionnel :

L’article 706-47-4 du CPP, introduit par la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016, a créé une obligation, pour le ministère public, d’informer par écrit l’administration concernée, de la décision de condamnation, même non définitive, prononcée à raison de certaines infractions ([159]) à l’encontre d’une personne qui exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé par l’administration.

Cette obligation d’information s’applique également aux décisions ordonnant le placement sous contrôle judiciaire de la personne en cause, lorsqu’elle est soumise, dans ce cadre, à une interdiction d’exercice de son activité lorsqu’elle implique un contact habituel avec des mineurs ([160]).

  1.   Le dispositif proposé par le projet de loi initial

L’article 5 du projet de loi introduit une obligation pour le ministère public de transmettre aux ordres des professionnels de santé les décisions de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire prises par l’autorité judiciaire à l’encontre d’un professionnel sur lequel ils ont autorité, lorsque la procédure concerne certaines infractions.

En introduisant un nouvel article 11-2-1 du CPP, il est ainsi proposé de rendre obligatoire la transmission de ces éléments de procédure judiciaire pour les ordres professionnels de santé. En effet, la transmission de ces informations est actuellement laissée à la libre appréciation du ministère public qui, en vertu de l’article 11-2 du CPP, a simplement la faculté de communiquer aux ordres professionnels ces éléments couverts par le secret de l’enquête ou de l’instruction.

Selon les éléments fournis dans l’étude d’impact, le passage de cette faculté d’information à une obligation devrait permettre de faciliter la prise de mesures conservatoires et le prononcé des sanctions disciplinaires par les ordres professionnels concernés ([161]).

L’objectif poursuivi est de garantir un traitement ordinal rapide et efficace des dérives thérapeutiques à caractère sectaire susceptibles d’être commises par les professionnels de santé concernés pour éviter toute réitération des faits et préserver la sécurité des personnes qu’ils côtoient dans le cadre de leur exercice professionnel.

Le dispositif prévu par le nouvel article 11-2-1 du CPP s’inspire de celui prévu à l’article 706-47-4 du CPP en encadrant ainsi les conditions et modalités de cette nouvelle obligation d’information dédiée aux ordres professionnels de santé :

– En premier lieu, les destinataires de l’information sont strictement limités : il s’agit des sept ordres professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique ([162]) ;

– En deuxième lieu, l’obligation de transmission ne s’impose au ministère public que pour les procédures qui concernent certaines infractions, limitativement énumérées par l’article 2-17 du CPP auquel il est renvoyé. Respectant ainsi l’avis du Conseil d’État qui préconisait de limiter le champ des infractions concernées à celles qui présentent un lien avec l’objectif légitime poursuivi de protection de la santé publique, le dispositif ne s’applique qu’aux infractions susceptibles d’être commises dans le cadre d’une dérive sectaire. Il s’agit des infractions contre l'espèce humaine, celles d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens ([163]), des infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie ([164]) ainsi que des infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications ([165]).

– En troisième lieu, l’obligation d’information ne concerne que certaines décisions prononcées par l’autorité judiciaire :

● Il s’agit des décisions de condamnation, même non définitive, prononcées pour l’une des infractions mentionnées supra,

● ou de placement sous contrôle judiciaire ordonné dans le cadre d’une instruction ouverte pour l’une de ces mêmes infractions lorsqu’elle est assortie d’une interdiction d’exercice d’une activité professionnelle ou sociale ([166]), ou d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs ([167]).

– En dernier lieu, cette obligation ne s’impose pas au ministère public lorsque l’information en cause est susceptible de porter atteinte au bon déroulement de la procédure judiciaire.

L’information est communiquée par le ministère public à l’ordre professionnel national de santé concerné sans délai et par écrit.

Il est renvoyé à l’application des dispositions des II à V de l’article 11-2 du CPP qui prévoient la confidentialité de l’information transmise ([168]), l’interdiction de transmettre une condamnation dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue par la juridiction de jugement ([169]), la suppression obligatoire pour l’ordre professionnel dentinaire des informations transmises lorsque la procédure s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement ([170]) et renvoient à l’application de l’article D 1er-13 du CPP qui détaille les modalités de transmission de cette information ([171]).

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, suggérait de ne pas retenir cette nouvelle disposition, estimant que les dispositions de l’article 11-2 du CPP aménageant la faculté pour le procureur de la République de communiquer aux ordres professionnels, y compris ceux de santé, certaines décisions prononcées par l’autorité judiciaire.

Cependant, la création de ce dispositif ne soulève aucun obstacle d’ordre juridique. Son opportunité apparaît manifeste, une telle obligation d’information permettant de répondre aux enjeux spécifiques qui s’attachent à la limitation de la propagation des dérives thérapeutiques de nature sectaire, tout en préservant le temps judiciaire et la sérénité des investigations.

Les nouvelles dispositions aménagent ainsi un équilibre entre, d’une part, la garantie du droit au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence des personnes concernées par les investigations judiciaires et, d’autre part, les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la santé publique.

  1.   Les modifications introduites par le Sénat

Aucune modification n’a été apportée à l’article 5 par le Sénat, hormis la renumérotation du nouvel article au 11-3 du code de procédure pénale.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission des Lois a adopté un amendement rédactionnel de votre rapporteure ([172]) qui, sur le modèle de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, ajuste la rédaction des dispositions du nouvel article 11-3 du même code.

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Chapitre IV
Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Adopté par la commission avec modifications

        Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 introduit en matière pénale une procédure d’« amicus curiae » applicable en cas de poursuites pour des infractions en matière de dérives sectaires, permettant au ministère public ou à la juridiction de solliciter par écrit tout service de l’État dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement.

       Dernières modifications législatives intervenues

En matière civile, la pratique de l’« amicus curiae » a été consacrée par l’article 39 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle au sein de l’article L. 431-3-1 du code de l’organisation judiciaire, prévoyant que la Cour de cassation, lors de l’examen du pourvoi, peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine.

       Modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen du projet de loi en commission, le Sénat a apporté les modifications suivantes à la nouvelle procédure de recours à l’« amicus curiae » en matière pénale :

D’une part, en cohérence avec la suppression des articles 1er et 2 du projet, le Sénat a modifié le champ d’application de cette procédure, pour la limiter aux cas dans lesquels les poursuites sont exercées pour des infractions d’abus frauduleux de l’état de faiblesse ou de vulnérabilité.

D’autre part, le Sénat a précisé que, en cas de recours à cette procédure, les informations transmises par le service de l’État sollicité doivent être soumises au contradictoire.

       Modifications apportées par la commission

En adoptant un amendement de votre rapporteure ([173]), la commission des Lois a rétabli le champ d’application initial de la nouvelle procédure d’« amicus curiae » pour cibler les procédures judiciaires en lien avec une infraction de dérives sectaires en faisant référence au nouveau délit de maintien ou de placement dans un état de sujétion et à la circonstance aggravante afférente.

  1.   L’état du droit

La pratique de l’« amicus curiae » consiste pour la juridiction à prendre l’initiative d’entendre comme « ami de la Cour » une personnalité faisant autorité dans un domaine d’activité « pour connaître son opinion sur le problème débattu devant elle, en vue de garantir, grâce à ses lumières, un procès équitable [..] » ([174]).

D’origine jurisprudentielle ([175]), cette pratique a été consacrée en matière civile par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. L’article 39 de cette loi a en effet introduit au sein du code de l’organisation judiciaire un article L. 431-3-1 prévoyant que la Cour de cassation peut, lors de l’examen du pourvoi, « inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l’éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d’ordre général sur les points qu’elle détermine ».

En matière administrative, l’article R. 625-3 du code de justice administrative prévoit que la formation chargée de l’instruction « peut inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ». La formation de jugement peut également convoquer toute personne pour l’inviter à présenter ses observations.

Cette pratique trouve également des applications particulières pour les autorités administratives indépendantes qui peuvent être amenées à être sollicitées devant les juridictions commerciales ([176]).

En procédure pénale, l’article 156 du code de procédure pénale, prévoit la possibilité pour la juridiction d’instruction ou de jugement d’ordonner une expertise. Toutefois, l’avis de l’expert ne peut être sollicité que dans le cas où se pose une question d’ordre technique.

Les contours de cette notion ont été définis par la jurisprudence ([177]) qui semble considérer que l’expertise portant sur une question technique implique non seulement une constatation mais également une réponse reposant sur une interprétation technique ([178]).

L’« amicus curiae » se distingue ainsi de l’expert, mais également du témoin ([179]). En effet, d’une part, l’ami de la Cour n’a en principe aucune connaissance des faits du litige, et d’autre part, il n’a pas vocation à apporter une expertise sur un point technique, sa participation consistant en réalité à fournir des éléments sur le contexte général de l’affaire.

Le recours à l’ « amicus curiae » n’est donc pas soumis au même régime, ce qui implique notamment qu’il n’est pas tenu, à l’instar du témoin ([180]) ou de l’expert ([181]), de prêter serment.

  1.   Le dispositif proposé par le projet de loi

L’article 6 du projet de loi insère un nouvel article 157-3 dans le code de procédure pénale permettant au ministère public ou à la juridiction de solliciter par écrit tout service de l’État figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre de la justice, du ministre de l’intérieur, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la cohésion sociale, dont la compétence serait de nature à l’éclairer utilement.

Cette possibilité est toutefois réservée à certaines procédures judiciaires, en cas de poursuites exercées sur le fondement de l’article 223-15-3 du code pénal ([182]) ou comportant une circonstance aggravante relative à l’état de sujétion psychologique ou physique du plaignant ([183]).             

De plus, les éléments apportés par les services de l’État concernés ne doivent pas comporter d’appréciation sur les faits reprochés à la personne poursuivie.

L’étude d’impact du projet de loi précise que l’introduction d’une telle faculté de solliciter l’avis de personnes qualifiées dans les procédures pénales en lien avec des dérives sectaires devrait permettre d’éclairer les services judiciaires compétents et de favoriser la manifestation de la vérité en leur apportant des informations utiles, et ce pour apporter une réponse judiciaire efficace permettant de mieux lutter contre ce phénomène ([184]).

Les informations communiquées dans ce cadre permettraient d’apporter aux débats un éclairage historique, scientifique et social, permettant de mieux situer le contexte des faits en le replaçant au cœur de la spécificité des dérives sectaires.

Par ailleurs, cette disposition devrait permettre à la MIVILUDES, appelée à être sollicitée en tant que sachant sur le fondement de ce nouvel article 157-3 du CPP, d’être mieux informée sur les décisions judiciaires rendues en la matière. Cette meilleure information devrait contribuer à améliorer l’action préventive de la MIVILUDES, dont l’une des missions est d’observer et d’analyser les dérives sectaires ([185]).

La rédaction retenue par le projet de loi tire les conséquences des réserves initialement émises par le Conseil d’État sur un dispositif qui permettrait à un service de l’État, non spécialement habilité en tant qu’expert devant les tribunaux, d’intervenir de sa propre initiative dans des procédures judiciaires. Une telle faculté d’intervention serait en effet de nature à porter atteinte au droit à un procès équitable garanti par les articles 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ([186]).

  1.   Le dispositif modifié par le Sénat

Lors de l’examen du projet de loi en commission, le Sénat a adopté un amendement de la rapporteure ([187]) tirant les conséquences de la suppression des articles 1er et 2 du projet pour modifier le champ d’application de la procédure de recours à un « amicus curiae » introduite par l’article 6.

Le dispositif est ainsi rendu applicable aux procédures judiciaires lorsque les poursuites ont été exercées sur le fondement de l’article 223-15-2 du code pénal qui réprime l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse.

Le Sénat a également adopté en commission un amendement de la rapporteure ([188]) visant à préciser que les éléments produits par un service de l’État, dans le cadre de la nouvelle procédure de recours à un « amicus curiae », devaient être soumis au débat contradictoire.

L’article 6 n’a pas fait l’objet de modification lors de l’examen du projet de loi en séance publique par le Sénat.

  1.   La position de la commission

Par cohérence avec le rétablissement des articles 1er et 2 du projet de loi créant un nouveau délit de maintien ou de placement dans un état de sujétion et une circonstance aggravante spécifique, la commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteure ([189]) ajustant le champ d'application de la nouvelle procédure d’ « amicus curiae ».

Cet ajustement permet de rétablir le champ d’application de cette procédure afin de cibler les procédures judiciaires en lien avec une infraction de dérives sectaires, en faisant référence au nouveau délit de maintien ou de placement dans un état de sujétion et à la circonstance aggravante afférente.

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Introduit par la commission

Introduit par la commission, cet article prévoit la levée la levée du secret médical pour permettre aux médecins et aux professionnels de santé de signaler à l’autorité judiciaire des faits de placement ou de maintien en état de sujétion psychologique ou physique.

  1.   L’état du droit

Le principe du secret médical auquel sont astreints les médecins et les professionnels de santé fait l’objet d’une protection pénale, l’article 226-13 du code pénal punissant d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la révélation d’une information couverte par le secret par la personne qui en est le dépositaire.

L’article 226-14 du code pénal prévoit cependant une dérogation à ce principe dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

Cet article aménage également des tempéraments à ce principe en prévoyant plusieurs situations dans lesquelles le délit de manquement au secret professionnel n’est pas applicable.

Ces dispositions autorisent ainsi le signalement de certaines informations, en prévoyant cinq cas dans lesquels la personne dépositaire du secret n’est pas responsable civilement, pénalement, ou disciplinairement :

– Lorsque la personne informe les autorités judiciaires, administratives ou médicales de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles dont elle a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique ;

– Lorsque le professionnel de santé porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou les privations qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences de toute nature ont été commises. L’accord de la victime est nécessaire, sauf si la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

– Lorsque le professionnel de santé porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple, dès lors qu'il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l'emprise exercée par l'auteur des violences. Dans ce cas, l’accord de la victime majeure doit être recherché et s’il est impossible de l’obtenir, elle doit être informée du signalement ;

– Lorsque le professionnel de la santé ou de l’action sociale informe le préfet du caractère dangereux des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent ou souhaitent détenir une arme ;

– Lorsque le vétérinaire porte à la connaissance du procureur de la République toute information relative à des sévices graves, à un acte de cruauté, à une atteinte sexuelle ou à des mauvais traitements sur un animal, constatés dans le cadre de son exercice professionnel.

  1.   Le dispositif introduit par la commission

En adoptant un amendement de M. Erwann Balanant (Dem) ([190]), la commission des Lois a ajouté une situation dans laquelle il est dérogé au secret médical en prévoyant l’irresponsabilité pénale, civile et disciplinaire du médecin ou professionnel de santé qui porte à la connaissance du procureur de la République une information relative à des faits de placement ou maintien d’une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, lorsqu’il estime en conscience que cette sujétion a pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale ou de conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

Le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure et, s’il est impossible d’obtenir cet accord, doit l’informer du signalement auquel il procède. L’accord de la victime n’est toutefois pas nécessaire lorsque celle-ci est mineure ou qu’elle n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

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Chapitre V
Dispositions diverses

Adopté par la commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 du projet de loi prévoit l’application aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie, des dispositions de droit pénal et de procédure pénale du projet de loi.

       Dernières modifications législatives intervenues

Sans objet.

       Modifications apportées par le Sénat

Après avoir supprimé l’article 7 lors de l’examen du projet de loi en commission, le Sénat a rétabli ces dispositions de coordinations en séance publique.

       Modifications apportées par la commission

À l’initiative de votre rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement de coordination ([191]), afin d’étendre l’application des dispositions prévues à l’article 4 A du présent projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

  1.   Les mesures de coordinations proposées

En vertu du principe d’identité législative, les lois s’appliquent de plein droit au sein des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Il s’agit des départements et régions d’outre-mer (DROM) ainsi que des collectivités territoriales uniques (CTU), qui comprennent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion.

En revanche, les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie sont soumises au principe de spécialité législative, selon lequel les lois ne s'y appliquent pas, sauf mention expresse ou extension par une loi postérieure.

Le Conseil d’État a jugé que lorsqu’un texte a été rendu applicable dans une collectivité régie par le principe de la spécialité législative, ses modifications ultérieures étaient inapplicables en l’absence de dispositions le prévoyant expressément ([192]). L’application de cette jurisprudence a conduit le Conseil d’État à préconiser le recours à la technique dite « du compteur » ([193]) qui permet d’identifier clairement la rédaction en vigueur à la date de la mention expresse d’applicabilité.

L’article 7 du projet de loi modifie les « compteurs Lifou » du code pénal ([194]) et du code de procédure pénale ([195]) de façon à prévoir l’application des dispositions de droit pénal et de procédure pénale du projet de loi dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Lors de l’examen du projet de loi par la commission des Lois, la Sénat a adopté un amendement de coordination ([196]) supprimant l’article 7 du projet, en raison de la suppression des articles 1er et 2 du texte.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ([197]) rétablissant l’article 7, ces mesures de coordination s’avérant nécessaires pour étendre l’application des dispositions de droit pénal et de procédure pénale prévues par le projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

  1.   La position de la commission

En adoptant, à l’initiative de votre rapporteure, un amendement de coordination ([198]), la commission des Lois a étendu l’application des dispositions de droit pénal prévues à l’article 4 A du projet de loi aux collectivités d’outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

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Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

Sans objet.

  1.   Le dispositif introduit par la commission

En adoptant un amendement de M. Éric Pouillat (Renaissance) ([199]), la commission des Lois a prévu la remise d’un rapport, dans un délai de douze mois après la promulgation de la loi, portant sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale.


   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 7 février 2024, la Commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (n° 2014) (Mme Brigitte Liso, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ICUNqB

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons ce matin le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Présenté en conseil des ministres le 15 novembre 2023, ce texte a été discuté le 19 décembre par le Sénat, qui l’a adopté dans une version très modifiée. Le projet de loi sera examiné en séance publique la semaine prochaine.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je suis particulièrement honorée d’être la rapporteure de ce texte, qui traite d’un sujet sur lequel je travaille depuis plus de six ans.

Si les sectes structurées comme l’Ordre du temple solaire ou Aum font aujourd’hui moins parler d’elles, les dérives sectaires n’ont hélas pas disparu, comme l’a montré la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Le nombre de signalements augmente fortement – il a presque doublé entre 2015 et 2021. Surtout, de nouvelles formes de dérives sont apparues, favorisées par la multiplication de petites structures et surtout l’émergence de « gourous 2.0 » qui, en exploitant les réseaux sociaux, propagent leur doctrine et placent des personnes sous leur emprise néfaste. Depuis la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard, les choses ont bien changé. Je précise que nous parlons désormais de « dérives sectaires », et non plus de « sectes ».

Je me réjouis que le Gouvernement ait organisé, dès mars 2023, sous l’impulsion de Sonia Backès, alors secrétaire d’État chargée de la citoyenneté, des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires associant tous les acteurs impliqués – institutions, associations, spécialistes, témoins – afin de dresser un constat et d’identifier des moyens d’action. Ces assises, fructueuses, ont abouti à l’ambitieuse stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 2024-2027, articulée autour de trois axes : l’amélioration de la prévention, l’accentuation de l’accompagnement des victimes, et le renforcement de l’arsenal juridique. Le présent projet de loi met essentiellement en œuvre le troisième de ces axes, mais il aura aussi des effets positifs et opportuns sur l’accompagnement des victimes.

L’article 1er, qui constitue avec l’article 4 le cœur du projet de loi, actualise utilement le délit d’abus de faiblesse introduit il a vingt-trois ans par la loi About-Picard. Il crée une nouvelle incrimination reposant sur l’état de sujétion de la victime, sans exiger d’abus frauduleux, ce qui permet de combler un vide juridique et, par conséquent, de mieux indemniser les victimes. Il renforce les circonstances aggravantes en alourdissant les peines si les victimes d’un abus de faiblesse sectaire sont mineures ou vulnérables et en étendant à l’abus de faiblesse classique la circonstance de bande organisée.

L’article 2, dans la continuité, prévoit une nouvelle circonstance aggravante liée à l’état de sujétion de la victime pour certaines infractions telles que le meurtre, les violences ou l’escroquerie.

L’article 3 permet d’accroître le nombre d’associations intervenant en matière de dérives sectaires qui pourront se constituer partie civile, alors qu’une seule peut le faire aujourd’hui. Les victimes doivent avoir un large choix d’associations susceptibles d’agir en justice.

L’article 4 est le second poumon du texte, avec l’article 1er. C’est une disposition innovante qui constitue, j’en suis convaincue, une avancée majeure dans la lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire. Il introduit deux nouveaux délits, la promotion de pratiques dangereuses et l’incitation à abandonner un traitement médical de sorte à mettre gravement en péril la santé de la personne. La création de ces infractions répond à la diffusion de techniques propres aux dérives sectaires dans le domaine de la santé, un phénomène qui prend une ampleur particulière sur les réseaux sociaux et qui nous préoccupe grandement. Encore une fois, je suis convaincue que ces dispositions vont dans le bon sens, même si nous devrons sans doute les améliorer afin d’en renforcer la sécurité juridique.

L’article 5 améliore la transmission d’informations par l’autorité judiciaire aux ordres professionnels nationaux de santé afin de renforcer l’efficacité des sanctions ordinales susceptibles d’être prononcées en cas de dérives thérapeutiques à caractère sectaire.

L’article 6 vise à garantir une meilleure information des acteurs judiciaires, principalement concernés par la lutte contre les dérives sectaires, qui pourront ainsi faire appel aux services de l’État compétents afin d’être éclairés sur ces phénomènes.

Enfin, l’article 7 comporte les dispositions de coordination permettant d’assurer l’application de ce projet de loi dans les collectivités d’outre-mer.

Le Sénat, qui a examiné ce texte à la fin de l’année dernière, l’a substantiellement modifié.

Il a d’abord supprimé les deux premiers articles, que je vous proposerai de rétablir. Toutes les auditions que j’ai conduites ont en effet mis en évidence le caractère essentiel de l’article 1er, dont le dispositif a été pleinement validé par le Conseil d’État.

Le Sénat a également supprimé l’article 4, pourtant central, qui vise à combler une véritable lacune de notre arsenal en nous dotant de moyens efficaces de lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire, un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur. Il est primordial que nous soyons à la hauteur de cet enjeu de protection de la santé publique.

Dans sa grande sagesse, le Sénat a enfin ajouté plusieurs dispositions dont l’opportunité est variable mais qui appellent en tout état de cause des ajustements et des précisions. Il a ainsi souhaité conférer à la Miviludes un statut législatif. Je n’y suis pas opposée, mais le dispositif devra être revu. Il a ensuite érigé en circonstance aggravante la commission d’un abus de faiblesse en ligne : si je suis d’accord sur le fond, je vous proposerai, par cohérence, d’inclure ce dispositif dans l’article 1er. Le Sénat a également modifié le délai de prescription de l’abus de faiblesse commis sur un mineur pour en reporter le point de départ à la majorité de la victime, une mesure qui me paraît tout à fait judicieuse.

S’inspirant d’un dispositif que l’Assemblée nationale a récemment approuvé en adoptant, en première lecture en octobre dernier, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (Sren), le Sénat a aussi prévu une peine complémentaire de suspension du compte d’accès au service en ligne utilisé pour commettre certaines infractions en lien avec les dérives sectaires. Si je suis favorable au principe, je veux aussi rappeler que nos débats doivent s’inscrire dans la continuité de nos votes précédents et qu’il n’est pas question ici de préempter les discussions sur le projet de loi Sren, qui devraient, je l’espère, aboutir prochainement. Restons prudents !

Ce projet de loi indispensable n’est qu’une pierre de l’édifice bien plus vaste constitué par la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires. Je souhaite que nos débats permettent d’en restaurer l’ambition initiale, de montrer aux gourous qu’ils ne pourront plus continuer à sévir et d’assurer les victimes qu’elles ne sont pas seules et que l’État, la société, sont là. Il est indispensable d’envoyer un tel message. Je me rappelle les témoignages glaçants et bouleversants que j’ai entendus au cours d’une table ronde. Une des victimes disait : « On est une forteresse contre le reste du monde. » À nous, collectivement, de montrer que le monde n’est pas hostile mais qu’il agit, au contraire, pour soutenir les victimes et surtout prévenir les dérives dans lesquelles trop de personnes risquent d’être enfermées.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Didier Paris (RE). Madame la rapporteure, je salue la qualité de votre travail sur ce sujet difficile que vous suivez depuis plusieurs années.

Le phénomène des sectes n’est évidemment pas nouveau : nous nous souvenons probablement tous des soixante-quatorze suicides collectifs de l’Ordre du temple solaire et des noms de Jo Di Mambro et de Michel Tabachnick. Sans atteindre forcément ce paroxysme, il est clair que les pratiques sectaires se sont développées, renforcées, et qu’elles sont devenues protéiformes. Elles touchent toutes les catégories sociales, tous les âges, tous les milieux. Elles ont sans aucun doute été accentuées par les crises sanitaires, qui nous ont amené leurs lots de complotistes et de gourous pseudo-scientifiques autoproclamés.

Si un certain nombre de ces dérives prospèrent encore sur des fondements religieux, ces derniers sont manifestement remplacés par des prétentions nouvelles touchant à la santé, à l’alimentation, au coaching ou à la formation – autant de thématiques qui constituent de véritables fonds de commerce. Il va de soi que le développement des réseaux sociaux et de la communication, par voie de presse ou en ligne – c’est l’un des éléments déterminants de ce texte – donne à ces manœuvres une audience bien plus large tout en fragilisant une partie de nos concitoyens qui, sur la toile, ne se voient que très rarement offrir des repères contradictoires ou des approches critiques.

Ce phénomène, qui ronge le lien social, est encore assez mal connu, souvent difficile à circonscrire et assez mal appréhendé par la loi. La loi About-Picard évoquée par notre rapporteure visait essentiellement à réprimer l’abus de faiblesse par la sujétion psychologique. Tout l’enjeu du présent projet de loi est d’actualiser et de durcir la lutte contre les dérives sectaires, sans pour autant méconnaître, comme nous y invite clairement le Conseil d’État, sous le contrôle du juge constitutionnel, la liberté d’expression et de conscience, qui inclut la liberté de contester des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et des lanceurs d’alerte, la liberté de recourir à des soins non conventionnels et même celle de refuser un traitement. Ce projet de loi doit améliorer notre cadre répressif, la prévention des risques, la formation des acteurs et l’information de nos concitoyens tout en facilitant la libération de la parole. Il s’appuie sur les récentes assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires.

Pour toutes ces raisons, notre groupe soutiendra pleinement la volonté politique du Gouvernement et le projet de loi qui la concrétise, même si le dernier remaniement nous prive d’interlocuteurs au sein de l’exécutif pour le moment. Un certain nombre de dispositions pourront sans doute faire l’objet d’un travail complémentaire d’ici à la séance. Cependant, nous sommes en désaccord avec le Sénat, qui a supprimé les articles visant à ériger la sujétion physique et psychologique en délit autonome, à créer un certain nombre de circonstances aggravantes, ainsi qu’à réprimer la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins et à l’adoption de pratiques qui exposent manifestement un individu à un risque sanitaire grave et immédiat. Nos collègues sénateurs ont estimé que le projet de loi comportait trop de mesures répressives, ce qui était source de confusion ; nous considérons à l’inverse que l’aggravation des pratiques et du contexte des dérives sectaires nécessite, comme l’ont indiqué tous nos interlocuteurs, une réponse pénale spécifique et renforcée. Nous voterons donc ce texte, sous réserve des évolutions que je viens d’évoquer.

M. Thomas Ménagé (RN). Alimentation, santé, coaching, formation, spiritualité : les dérives sectaires progressent en France et n’épargnent aucun de nos concitoyens, qui peuvent tous être, à un moment ou à un autre de leur vie, confrontés à ce danger. Les chiffres, en augmentation constante, parlent d’eux-mêmes : en 2021, selon l’exposé des motifs du projet de loi, 4 020 signalements ont été enregistrés, soit plus de dix par jour.

Le problème de société auquel nous faisons face appelle une réponse forte et consensuelle, mais pas à n’importe quel prix. Le Conseil d’État rappelle, dans son avis, qu’il faut légiférer d’une main tremblante car nous touchons ici à des libertés publiques essentielles comme la liberté d’expression, d’opinion ou de conscience. En ce sens, et contrairement au projet initial du Gouvernement, le texte que nous examinons aujourd’hui, modifié par le Sénat, nous apparaît satisfaisant, sous réserve de quelques ajustements techniques.

Certaines dispositions sont souhaitables, telles que la sanctuarisation au niveau législatif d’une administration chargée de la lutte contre les dérives sectaires. Pour rappel, la Miviludes a été menacée de disparition en 2019 et en 2022, quand elle n’apparaissait plus dans les attributions d’aucun ministère, et le budget qui lui est alloué n’a fait que baisser ces dernières années. Une meilleure association des élus locaux, en particulier des maires, qui sont souvent les premiers interlocuteurs, est aussi une idée de bon sens. De même, une meilleure appréhension de l’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie sur internet semble être un impératif face au développement du charlatanisme. Je citerai l’exemple tout récent d’un habitant de Nice qui utilisait sa page Facebook pour vanter les mérites de la biorésonance, qu’il présentait comme une thérapie de médecine quantique permettant de prévenir le cancer ou l’autisme. Il est évident, pour nous tous ici, qu’il faut sévir rapidement et efficacement face à de tels agissements.

Si nous soutenons ces dispositions louables, je tiens cependant à revenir sur le texte initialement déposé par le Gouvernement, qui contient des mesures dont les députés de la majorité ainsi que vous, madame la rapporteure, souhaitent la réintroduction par notre commission. Ce texte initial, la rapporteure de la commission des lois du Sénat l’a elle-même qualifié de « projet d’affichage au détriment de la qualité de la loi ».

L’article 1er relève plus du réagencement juridique que de la véritable réforme législative. Alors que la loi About-Picard de 2001 a montré son efficacité, il n’apparaît pas indispensable d’autonomiser l’infraction de mise sous sujétion d’une personne et d’abus frauduleux de cette sujétion – nous aurons l’occasion d’en débattre ce matin. Ce réaménagement pourrait même avoir des effets néfastes. Comme l’indique la rapporteure du Sénat, le doublement d’infractions déjà existantes « risque d’entraîner des confusions dommageables dans l’application du droit pénal, notamment s’agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales ». Il faut donc encore une fois légiférer d’une main tremblante et s’interroger sur l’efficacité et l’utilité des mesures que nous voterons ou non ce matin.

Cela est d’autant plus vrai que les députés du groupe Rassemblement national voient dans la réintroduction de l’infraction définie par l’article 4, supprimé par le Sénat, une ligne rouge qui ne saurait être franchie. Qui trop embrasse mal étreint. Dans son avis du 17 novembre 2023, le Conseil d’État avait déjà souligné que « ni la nécessité ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations [n’étaient] avérées ». Pire, elles sont sans aucun doute inconstitutionnelles alors même que le droit existant répond déjà à l’objectif poursuivi.

Prenons garde à ne pas vouloir légiférer pour légiférer, au risque de rater le but que nous partageons tous, celui de lutter contre les véritables dérives sectaires. Si ce texte avait été en vigueur, Irène Frachon n’aurait jamais pu révéler le scandale du Mediator car l’ensemble des éléments matériels de cette nouvelle infraction auraient été constitués. Des milliers de personnes auraient peut-être perdu la vie ou souffert d’effets secondaires supplémentaires. Tout le débat scientifique et médical risque d’être mis sous cloche, provoquant soit l’autocensure de certains médecins, soit la condamnation d’autres sur la base de données faussées. Ce n’est pas le groupe Rassemblement national qui le dit mais le Conseil d’État, qui exprime des craintes notamment pour les lanceurs d’alerte. Il n’existe aujourd’hui aucun vide juridique puisque d’autres infractions, confirmées par le juge constitutionnel et par la pratique, permettent déjà de punir les cas ciblés par l’article 4.

Nous suivrons une ligne raisonnable, préservant l’équilibre entre la lutte contre les dérives sectaires et la protection des libertés publiques.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Notre collègue rapporteure du Sénat a déclaré : « Certes, ce texte comporte des imperfections. Toutefois, la navette parlementaire pourrait porter ses fruits ; c’est en tout cas ce que nous espérons vivement. » Manifestement, ses espoirs sont douchés, ce qui est d’autant plus malheureux que la lutte contre les dérives sectaires est une politique d’intérêt public que nous approuvons tous, sur tous les bancs. Rien que dans ma circonscription, on trouve la Communauté des Béatitudes, qui soigne les gens en invoquant l’Esprit saint, tandis que la Communauté des douze tribus a échoué à s’installer à Toulouse. Nous ne pouvons donc que soutenir l’action résolue des associations, qui est vraiment nécessaire.

Dès lors, ce texte aide-t-il les associations à renforcer leur action ? En l’état, non. La copie initiale du Gouvernement le permet-elle ? Non plus. C’est pourquoi les propositions que nous allons vous soumettre dessinent une voie étroite, entre un texte d’utilité réduite, comme l’est celui que nous avons reçu, et le texte inapplicable que nous obtiendrons si l’ensemble des amendements gouvernementaux sont adoptés.

Le texte du Gouvernement, loin d’être l’ambitieux projet transpartisan nourri des réflexions des assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, est en effet devenu un texte assez fourre-tout qui, en quelques articles répressifs, entend régler le problème à la fois des dérives sectaires et des dérives thérapeutiques. Or on n’émancipe pas les gens par la seule poursuite des gourous dangereux, mais en leur permettant de faire des choix de vie éclairés, en adéquation avec les connaissances les plus avancées de la société.

Ici, aucune mesure préventive, éducative ou d’aide aux victimes – et pour cause : les budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’éducation nationale, des finances publiques, de la répression des fraudes et de la santé publique ont été largement sabrés ces dernières années.

Le cadre assez rigide qui nous est proposé pour lutter contre les dérives sectaires a rendu irrecevables plusieurs de nos amendements qui ambitionnaient, par exemple, de protéger le monde de la formation professionnelle. Ils ont été jugés hors sujet dès lors que le texte présenté était uniquement répressif.

Vous ne tenez compte ni des propositions du rapport Mézard, pourtant très riche, ni de celles issues des assises nationales de la lutte contre des dérives sectaires, alors même que l’étude d’impact souligne les difficultés liées à l’absence de service d’enquête dédié. À la page 35, il est ainsi précisé « qu’en dehors de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP), il n’existe pas de service enquêteur spécialisé dans les phénomènes sectaires ». Sur ce plan-là, que change le texte ? Rien. Cette surdité vous a contraints à faire circuler, depuis six mois, un brouillon retoqué à peu près partout et réécrit trois fois pour faire suite aux observations du Conseil d’État.

Ce même Conseil d’État, qui n’est pas connu pour être une officine gauchiste, vous reproche de mettre en danger plusieurs libertés fondamentales. Les sénateurs l’ont suivi, à raison, et ont continué à hacher menu le texte d’étape en étape. Ils proposent d’inscrire dans la loi l’acteur central de la lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes : c’est la moindre des choses puisque ses effectifs ont été sabrés, qu’elle a survécu deux ans sans présidence et qu’elle se trouve rattachée au ministère de l’intérieur plutôt qu’à Matignon. Ils proposent aussi que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) soient saisis des dérives sectaires : cela ne compensera pas les baisses de dotation mais, là encore, c’est toujours cela de pris. Les autres dispositions proposées se limitent malheureusement presque exclusivement à des peines. Une partie d’entre elles concernent le secteur du numérique mais sont déjà prévues par le projet de loi Sren. Le champ d’application des autres est beaucoup trop vague, ce qui risque de les rendre inopérantes. Bref, la loi deviendrait un simple outil de communication gouvernementale.

C’est ce que représentait, en l’état, l’article 4, balayé au Sénat, qui sanctionnait la provocation à adopter des pratiques exposant la victime à un risque immédiat pour sa santé. Nous sommes tout à fait d’accord pour protéger les personnes menacées par des discours pseudo-thérapeutiques ; mais il existe déjà une peine sanctionnant la mise en danger de la vie d’autrui. Cela montre bien que, sans moyens accordés à la prévention, à l’enquête et à la justice, l’ensemble du texte relèvera du verbiage.

Si l’on ne voit pas très bien ce qu’apportent ces nouvelles peines, on comprend encore moins pourquoi vous dessaisissez des associations d’utilité publique – qui peuvent, conformément aux dispositions du code de procédure pénale, se constituer partie civile – au profit d’associations que vous désignerez vous-mêmes. Je sais que tout le monde n’est pas Marlène Schiappa, mais si l’on pouvait avoir des règles un peu strictes s’agissant du recours aux associations et de leurs prérogatives, on ne s’en porterait que mieux. La constitution de partie civile nécessite une expertise du sujet concerné et une solidité juridique et financière – deux qualités tout aussi indispensables pour rédiger ce texte, en l’état défaillant.

M. Éric Pauget (LR). Ce texte permettra de sensibiliser davantage nos concitoyens à la lutte contre les dérives sectaires et de lancer un débat de société utile. Il est bienvenu face à l’augmentation de ces dérives et à l’élargissement du champ d’action des gourous. On constate en effet une forte hausse des signalements à la Miviludes, qui a enregistré 4 020 saisines en 2021, soit une augmentation de 86 % par rapport à 2015. Par ailleurs, de nouvelles formes de dérives sectaires sont apparues : aux groupes à prétention religieuse se sont ajoutés une multitude de groupes ou d’individus qui investissent le champ de la santé, de l’alimentation, du bien-être ou du développement personnel. Enfin, l’usage des réseaux sociaux par des « gourous 2.0 » s’est encore amplifié depuis l’épidémie de covid-19, pendant laquelle les discours contestant la vérité scientifique se sont multipliés.

Les députés du groupe Les Républicains partagent donc l’inquiétude du Gouvernement quant à l’explosion des dérives sectaires en matière de santé. Alors que le projet de loi initial était essentiellement focalisé sur la réponse pénale, au détriment des actions de prévention et du renforcement des moyens de la justice et des services enquêteurs spécialisés, nos collègues sénateurs ont supprimé les mesures inutiles ou portant atteinte aux libertés publiques. Le Sénat a notamment supprimé l’article 1er, qui doublait les infractions existantes et risquait d’entraîner des confusions dommageables dans l’application du droit pénal, s’agissant notamment de la lutte contre les violences faites aux femmes ou contre les violences intrafamiliales. Il a également supprimé l’article 4, dont le Conseil d’État avait fortement critiqué la rédaction et qui attentait aux libertés sans garantir une grande efficacité dans la lutte contre les discours en faveur des dérives sectaires en plein essor.

Le Sénat a enfin éliminé les angles morts du texte en introduisant des mesures importantes. Il a conféré un véritable statut législatif à la Miviludes, à l’article 1er A. Il a intensifié la lutte contre l’utilisation des moyens numériques favorisant les dérives sectaires – les infractions d’abus de faiblesse, d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie et de pratique commerciale trompeuse seront plus sévèrement punies lorsqu’elles sont commises en ligne. Il a enfin garanti une protection efficace des mineurs victimes de dérives sectaires en prévoyant que le délai de prescription ne court qu’à partir de leur majorité, et renforcé les sanctions applicables lorsqu’un enfant est placé dans une situation d’isolement social.

Face au fléau sectaire, nous demandons également, au-delà de la consolidation de son statut, le renforcement des moyens de la Miviludes, dont le budget actuel a été ramené à 500 000 euros. J’en profite pour saluer l’action de notre ancien collègue Georges Fenech, qui fit beaucoup pour le développement de cette mission qu’il dirigea entre 2008 et 2012.

En l’état et sous réserve qu’elle ne soit pas dénaturée par les amendements déposés par le Gouvernement et la majorité, les députés du groupe Les Républicains soutiendront la version du texte adoptée par le Sénat.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Le 2 novembre dernier, la Miviludes a publié un rapport alarmant faisant état d’un accroissement inédit des agissements à caractère sectaire en 2021 – elle a enregistré 4 020 saisines, soit une augmentation de 33,6 % par rapport à l’année précédente. Face à un tel constat, il convient de s’interroger sur le monde post-covid dans lequel nous avons basculé en 2021 et sur le lien de cause à effet entre la distanciation sociale et cette soudaine augmentation. Les mesures de distanciation sociale étaient bien sûr tout à fait nécessaires à ce moment, mais il convient de se remémorer ce qu’elles ont représenté pour notre société et de rester vigilants face à cet état de fait.

Il n’y a aujourd’hui aucune définition légale de la dérive sectaire, pas plus qu’il n’y en a de la religion, de la radicalisation ou du séparatisme. Néanmoins, la Miviludes a élaboré une définition qui découle de la loi About-Picard de 2001 sur l’abus frauduleux de l’état d’ignorance et des travaux parlementaires sur le phénomène sectaire. Ainsi, la dérive sectaire est « un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société. »

Depuis 2020, nous constatons donc un accroissement inédit de l’offre sectaire. La crise liée à la pandémie de covid-19 a instauré un climat anxiogène qui a contribué à déstabiliser les personnes vulnérables. Ce contexte a favorisé l’émergence de manipulateurs qui en ont profité pour propager leur doctrine, notamment sur les réseaux sociaux. Ce phénomène n’est pas nouveau – il a été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990 – mais les moyens modernes de communication ont rendu sa diffusion massive et difficilement contrôlable. Les scandales sanitaires et la remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques relatives aux caractéristiques des pathologies, à l’efficacité et aux risques des traitements, ont renforcé la crédibilité de ceux que l’on peut qualifier de charlatans.

Le présent projet de loi marque un regain d’intérêt nécessaire et attendu des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène qui se renforce un peu plus chaque jour et dont les impacts sur la santé physique et psychique ne sont plus à démontrer. Néanmoins, je tiens à rappeler que cette lutte contre les dérives sectaires ne doit en aucun cas stigmatiser les pratiques dites non conventionnelles et la recherche du bien-être. Elle doit encore moins entraver la liberté d’accepter ou de refuser un traitement médical spécifique ou de choisir un autre type de traitement, qui est essentielle à la maîtrise de son propre destin et à l’autonomie personnelle en l’absence de pressions inappropriées, comme l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 10 juin 2010. Il est donc nécessaire de protéger tant les victimes de ces dérives que les praticiens honnêtes, en sanctionnant davantage et plus efficacement les personnes malintentionnées. Je tiens à saluer le travail du Sénat s’agissant de la protection des mineurs, qui sont également concernés par ce phénomène.

Si ce projet de loi permet une avancée majeure, la lutte contre les dérives sectaires ne peut se résumer à un seul texte. Il nous incombe à tous, élus de la nation, de veiller à la protection de nos concitoyens et de continuer à travailler sur ce sujet.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera ce texte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le sujet dont nous parlons aujourd’hui est d’intérêt national. Le rapport 2023 de la Miviludes est édifiant, et fait état d’un certain nombre de tendances nouvelles. Il nous faut donc envisager une régulation, dans la continuité des textes déjà votés par notre assemblée, en particulier la loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont le but était notamment d’empêcher la promotion et l’incitation à l’abstention thérapeutique. Le présent projet de loi permet aussi d’appréhender les mutations liées au numérique.

« Là où la médecine dit “inguérissable”, ne vous le tenez jamais pour dit : il n’y a pas de maladies inguérissables… Il suffit de prier et le miracle se fait… Les métastases s’envoleront sous vos doigts. Vous n’avez pas à vous soucier comment. Ce que je veux vous dire, c’est qu’elles disparaîtront… » Ces propos sont ceux d’Yvonne Trubert, qui a fondé en 1984 Invitation à la vie intense, une association qui se revendiquait d’inspiration chrétienne et qui a longtemps fait croire à de nombreuses personnes qu’elles pouvaient guérir de cancers, de la maladie de Parkinson ou d’une sclérose en plaques. Le Sénat rapportait d’ailleurs en 2013 que plusieurs personnes étaient mortes en arrêtant leur traitement habituel à la suite d’un contact avec ces gourous – avant l’ère numérique donc.

Ces débats ne sont pas ceux d’un passé révolu. Dans une vidéo qui a fait polémique, Dylan Thiry, suivi par 1,5 million d’abonnés sur Instagram, a déclaré en 2022 : « Je vais vous dire un truc qui est une dinguerie, je vous promets que c’est la vérité, c’est hallucinant. C’est quelque chose qui guérit les cellules cancérigeuses. C’est-à-dire que si tu as des cellules cancérigeuses dans ton corps, ce produit-là les tue. » De tels propos ne sont pas isolés sur les réseaux sociaux : le gourou Thierry Casasnovas a heureusement été mis hors d’état de nuire, après avoir provoqué des décès. Oui, chers collègues, il y a des gens qui meurent, du fait notamment de l’insuffisance de notre droit. Les exemples que je viens de mentionner, qui illustrent les évolutions permises par le numérique, ne sont pas exhaustifs.

Dans la même veine que M. Clouet, je ferai remarquer que la régulation proposée par ce texte n’est que parcellaire et qu’elle ne permet pas d’appréhender la complexité ni l’ampleur du phénomène des dérives sectaires.

Lors des auditions, nous avons mis le doigt sur certains vides juridiques permettant le financement, par l’État, d’associations sectaires, lesquelles peuvent notamment bénéficier de déductions fiscales lorsqu’elles favorisent l’accès à la scolarité. Il faudra peut-être que le Parlement se saisisse du problème afin de faire cesser le financement public de ces pratiques dangereuses.

Nous nous satisfaisons cependant que la version initiale du projet de loi permette de cadrer un certain nombre de choses. Nous sommes plutôt favorables à un retour au texte du Gouvernement, bien que certaines avancées votées par le Sénat méritent d’être conservées, notamment en matière de prescription.

Nous veillerons en outre à ce que soit préservé l’équilibre entre le respect de la liberté d’expression et la nécessaire protection des individus, y compris parfois contre eux-mêmes, notamment lorsqu’ils sont dans un état de vulnérabilité extrême.

Je salue enfin la qualité des travaux menés par la Miviludes, dans un contexte compliqué : aujourd’hui, en dehors du ministre de l’intérieur, dont les attributions sont très larges, aucun membre du Gouvernement n’est chargé du suivi de ce texte – une situation qui a complexifié les échanges entre le législateur et l’exécutif. J’espère qu’il y aura rapidement une tête au-dessus de la Miviludes afin que l’administration ne soit pas livrée à elle-même.

M. Philippe Pradal (HOR). Je commence par saluer la qualité du travail de notre rapporteure. Les enjeux de la lutte contre les dérives sectaires touchent à la fois à l’ordre public, et à la santé publique et à la cohésion sociale : il est question d’exploitation de la vulnérabilité, par cynisme, avidité ou stupre, et de dévoiement de la liberté de penser, d’opinion et de croyance, portant atteinte aux droits fondamentaux, à la sécurité et à l’intégrité des personnes. Ce dévoiement peut être difficile à détecter ou à qualifier, car la liberté de pensée et la liberté de conscience sont au cœur de nos valeurs fondamentales. Mais avec les dérives sectaires, une frontière est à coup sûr franchie et elles ont pour les victimes des conséquences physiques ou psychologiques graves.

La loi About-Picard de 2001 a renforcé l’arsenal législatif en réprimant notamment l’abus de faiblesse par sujétion psychologique, dans le respect du pluralisme et de la liberté de conscience. Plus de vingt ans après, les dérives sectaires ont évolué. Aux groupes à prétention religieuse ou spirituelle sont venues s’ajouter une multitude d’entités qui investissent les champs de la santé, de l’alimentation, du bien-être, du développement personnel, du coaching ou de la formation. Des gourous 2.0 autoproclamés diffusent désormais leur doctrine en ligne et fédèrent autour d’eux de véritables communautés, réelles ou virtuelles.

La crise sanitaire, qui a parfois entraîné une crise de confiance envers la science et la parole médicale, a été un catalyseur de ce phénomène : nous assistons à des changements de nature, de modes opératoires et d’ampleur de ces dérives.

L’accroissement préoccupant des saisines de la Miviludes a conduit le Gouvernement à s’emparer de ce phénomène, dont personne n’est préservé. Les premières assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires ont été organisées en mars 2023 ; elles ont servi de socle à l’élaboration d’une stratégie nationale pluriannuelle ambitieuse, visant à prévenir plus activement les risques de dérives sectaires et à renforcer l’accompagnement des victimes. Outre la prévention, il semble indispensable de renforcer notre arsenal législatif afin d’intégrer les nouvelles techniques employées.

Le texte présenté par le Gouvernement contient des dispositions essentielles pour mieux lutter contre les nouvelles formes d’emprise, en particulier en matière de santé, d’accompagnement des victimes dans leurs démarches judiciaires et de répression des praticiens déviants et reconnus comme tels par la justice. Le groupe Horizons regrette que le Sénat en ait supprimé trois articles structurants. Nous soutiendrons le rétablissement des articles 1er et 2, qui visent à créer un nouveau délit de sujétion et à introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour plusieurs crimes ou délits, et ainsi à mieux tenir compte des particularités et des évolutions des dérives sectaires.

En l’état du droit, les dérives sectaires sont en effet sanctionnées comme des abus de faiblesse ; or cette infraction est caractérisée par l’état de vulnérabilité de la victime et la gravité des dommages causés. Il ressort de l’étude d’impact, confirmée par les auditions de notre rapporteure, qu’une certaine confusion entre l’abus de faiblesse « classique » et les abus commis dans un univers sectaire s’est établie chez les praticiens, et cela d’autant plus que les enquêteurs et magistrats ayant à connaître de tels faits n’ont pas toujours rencontré de manipulations de type sectaire auparavant. L’autonomisation de cette infraction apparaît donc nécessaire : il sera possible de réprimer des comportements qui engendrent, par eux-mêmes, des dommages graves pour les personnes, sans qu’il soit besoin d’attendre un abus frauduleux de l’état de la victime.

Le Sénat s’est aussi inquiété de la fragilisation des dispositifs applicables aux violences intrafamiliales que pourrait entraîner la création de cette infraction. Il ressort des auditions que cette nouvelle infraction touche bien les phénomènes sectaires. Ce risque est donc écarté.

L’article 4, ensuite, vise à répondre à un enjeu de santé publique en créant un nouveau délité réprimant la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ou encore à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne visée à un risque grave ou immédiat. Si la rédaction des amendements déposés sur cet article n’est pas encore satisfaisante, il nous faudra tout de même le parfaire d’ici à la séance publique. Nous devrions parvenir à être unanimes sur ce sujet grave.

En parallèle, le Sénat a enrichi le texte, notamment par l’allongement des délais de prescription en cas d’abus de faiblesse à l’encontre d’un mineur et par la création d’une peine complémentaire de bannissement numérique pour les auteurs des délits d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses au moyen de supports numériques.

Le groupe Horizons votera en faveur de ce projet, en souhaitant que ses amendements soient adoptés.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). La lutte contre les dérives sectaires est nécessaire et louable. La Miviludes a connu un regain d’activité ces dernières années, tout particulièrement après la période du covid : les signalements ont augmenté de 33 % entre 2020 et 2021, et de 86 % depuis 2015. Je salue son action et celle de toutes les personnes qui y travaillent et œuvrent ainsi quotidiennement contre les dérives sectaires, au service des Françaises et des Français. Compte tenu de la croissance rapide et continue des signalements, mais aussi des nouvelles formes de dérives observées depuis quelques années, il y a bien urgence à légiférer.

Toutefois, avec ce texte, le compte n’y est pas. Le projet de loi se contente d’aggraver les sanctions pénales alors que, seules, celles-ci n’endigueront jamais le phénomène. Aucun sujet ne peut se réduire à sa seule facette pénale ; c’est aborder le problème par le petit bout de la lorgnette ; c’est inefficace, vain et contre-productif.

Le Gouvernement n’a pas, je crois, bien lu le rapport d’activité 2021 de la Miviludes, notamment sa troisième partie, « Prévenir et combattre le phénomène sectaire : la coordination de l’action préventive et répressive des pouvoirs publics ». En effet, s’il faut combattre les dérives sectaires, il faut aussi les prévenir. Ces deux actions doivent aller de pair, mais vous les séparez. Il faut une vision globale du phénomène, comme il faut associer plusieurs partenaires, notamment les acteurs de la santé – domaine de plus en plus touché, selon la Miviludes. Or, dans ce texte, il n’y a rien ou presque rien qui aille dans cette direction.

L’augmentation des dérives sectaires liées à la santé et au bien-être nous montre que les Français s’inquiètent, qu’ils voient des manques en la matière. Répondre uniquement par la sanction pénale, c’est traiter les conséquences plutôt que la cause : ce serait un coup d’épée dans l’eau. Prévenir, c’est aussi accorder une part importante à la santé dans le parcours de vie des Françaises et des Français – ce que ne fait pas le Gouvernement, loin de là. Il faut renforcer l’accompagnement pour que les citoyennes et les citoyens ne tombent pas sous l’emprise d’individus non professionnels qui profitent de la perte de confiance dans la médecine conventionnelle et de l’insuffisance de l’offre de soins.

Nous regrettons aussi que ce texte ne traite pas de la formation des professionnels amenés à prendre en charge les victimes des dérives sectaires, notamment les magistrats et agents de police ou de gendarmerie.

À cette étape, ce texte n’est donc pas satisfaisant : c’est une timide première avancée.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous voulons tous lutter contre les dérives sectaires, les violences et les souffrances qu’elles engendrent. Mais comment y arriver ?

Il est indispensable d’informer et de sensibiliser à ces sujets en pleine évolution et de lutter efficacement contre ce fléau qui touche des milliers de victimes chaque année. Le phénomène n’est pas nouveau : la prise de conscience du danger des dérives sectaires remonte à plusieurs décennies – la loi About-Picard date de 2001, et la Miviludes, dont le rôle n’est pas de lutter contre les mouvements sectaires, mais contre leurs dérives, a été créée en 2002. On a pu craindre, il y a peu, sa disparition pure et simple ; son action est pourtant centrale, puisque la mission coordonne l’action préventive et répressive des pouvoirs publics, et informe le public des dangers auxquels il est exposé.

La Miviludes constate, cela a été dit, un accroissement important du phénomène sectaire, les réseaux sociaux constituant un terrain particulièrement fertile. Je note qu’en Seine-Saint-Denis, après plusieurs années de bataille judiciaire, l’Église de scientologie achève les travaux de son futur centre de formation, qui devrait ouvrir ses portes avant les Jeux olympiques, à quelques pas du Stade de France. C’est très préoccupant.

Nous partageons la volonté de sensibiliser davantage et de mieux appréhender ce phénomène polymorphe des dérives sectaires, mais aussi le scepticisme des associations face à ce regain d’intérêt du Gouvernement, après des années d’inaction. Elles demandent surtout des moyens pour la Miviludes. Comme la commission des lois du Sénat, nous estimons que le droit ne devrait être modifié qu’après avoir vérifié que les dispositions actuelles sont bien appliquées et avoir évalué l’arsenal pénal existant. Il est indispensable de dégager d’abord les moyens matériels et humains nécessaires pour s’en assurer.

Nous regrettons aussi que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions malgré l’avis négatif du Conseil d’État : il faut trouver un équilibre entre une lutte efficace contre les dérives sectaires et la protection des libertés individuelles et publiques.

Nous sommes donc favorables au maintien de la suppression des articles 1er, 2 et 4.

M. Paul Molac (LIOT). Dérives sectaires, multiplication des gourous, ces mouvements appellent une réponse de la puissance publique. Nous avançons sur une ligne de crête : nous devons protéger les gens sous emprise tout en respectant les libertés, à commencer par celle de se soigner comme on veut – c’est ce que l’on appelle le consentement du patient. L’équilibre est indispensable.

Le secteur associatif a montré sa capacité d’action et leur combat a mené à une prise de conscience dans notre société. Mais tout ne peut pas reposer sur les associations ! Indépendamment de ce texte, notre groupe lance l’alerte : les moyens engagés, notamment au profit de la Miviludes, qui a démontré son utilité, sont insuffisants. Nous saluons donc le choix des sénateurs d’inscrire dans la loi le statut et les missions de la Miviludes. Les rumeurs de dissolution de la mission puis son rattachement au ministère de l’intérieur ayant par le passé suscité de nombreuses inquiétudes, cette disposition a le mérite de la clarté.

Le texte renforce également le rôle des associations, qui pourront se constituer partie civile dès lors qu’elles sont agréées. Le groupe LIOT demande un assouplissement des critères.

J’en viens au volet le plus sensible, celui de la réponse pénale. La suppression par le Sénat de l’article 1er, qui créait un délit spécifique fondé sur la sujétion, a réduit la portée du texte. Sans tomber dans l’affichage, cet article doit être retravaillé. C’est une avancée attendue par les associations, mais notre groupe entend aussi le risque de confusion dans le code pénal.

Dans le même sens, notre groupe s’étonne du travail bâclé au sujet des dérives sectaires dans le domaine de la santé. L’article 4 proposait de créer une nouvelle infraction, réprimant la provocation à l’abstention ou à l’abandon d’un traitement exposant la victime à un risque pour sa santé. Face aux alertes du Conseil d’État, le Sénat n’a eu d’autre choix que de supprimer purement et simplement cette mesure. Pire, le Conseil d’État indique dans son avis que le Gouvernement ne lui a pas laissé le temps de proposer une rédaction plus solide. Ce n’est pas sérieux. On voit bien quelles conséquences pourrait avoir une telle mesure. Pensons à un médicament qui a des conséquences délétères pour la santé : Irène Frachon aurait-elle pu être accusée d’un tel délit en prévenant qu’il fallait cesser d’utiliser le Médiator ? Cet article créerait une difficulté supplémentaire pour les lanceurs d’alerte. Le texte doit être retravaillé.

En l’état, notre groupe réserve sa position.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). La loi du 12 juin 2001 a renforcé la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, en réprimant notamment l’abus de faiblesse par sujétion psychologique. Mais il faut reconnaître, comme le fait l’exposé des motifs du projet de loi, que les dérives sectaires ont évolué. Aux groupes à prétention religieuse viennent désormais s’ajouter une multitude de groupes ou d’individus qui investissent notamment les champs de la santé, de l’alimentation et du bien-être, mais aussi le développement personnel, le coaching, la formation, etc. Les dérives sectaires ont aussi fortement augmenté, cela a été rappelé – de 33 % sur un an et de 86 % depuis 2015. Cette adaptation de la législation est donc utile et bienvenue.

Il appartient néanmoins au législateur de concilier les libertés individuelles, notamment la liberté de conscience et la liberté d’opinion, la sauvegarde de la dignité humaine et l’ordre public. Il doit aussi respecter le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, en s’assurant que les atteintes portées à l’exercice individuel sont adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs visés.

Ce respect des libertés et des principes fondamentaux semble mis à mal par ce projet de loi, qui permettrait de sanctionner le fait de provoquer des malades à ne pas suivre un traitement médical prescrit par des professionnels de santé lorsque cela est manifestement susceptible d’entraîner des conséquences graves pour leur santé physique ou mentale. De même, le Gouvernement souhaite réprimer la provocation à adopter des pratiques de santé dont il est manifeste qu’elles exposent les personnes concernées à un risque immédiat de mort ou de blessures graves. Le Conseil d’État estime que ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées. Votre majorité souhaite apparemment passer outre, alors que le Sénat a supprimé cet article 4 : je suis impatiente d’entendre les arguments de Mme la rapporteure.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les assises de la lutte contre les dérives sectaires et la stratégie nationale ont bien dégagé trois axes : prévention, accompagnement des victimes, et renforcement de l’arsenal juridique. C’est de ce troisième axe que nous parlons aujourd’hui. Ce texte est un premier pas : il ne couvre pas tous les aspects du problème.

Nous proposerons de réinscrire dans le texte le nouveau délit de sujétion. Quant à l’article 4, je concède volontiers qu’il doit être discuté et retravaillé.

Il y a eu des rumeurs de dissolution de la Miviludes, mais ce n’était que des rumeurs : elle existe toujours, et dispose même de trois nouveaux collaborateurs depuis deux ans. On est bien loin d’une diminution des moyens. La Miviludes demeure un acteur essentiel de la lutte contre les dérives sectaires.

Nous attendons avec impatience la nomination de ministres supplémentaires – à Beauvau, mais pas seulement, puisque ce texte concerne de nombreux ministères, dont celui de la santé. Je ne doute pas que, lors de la séance publique, ces ministres seront là pour nous répondre.

Chapitre Ier A
Consacrer les pouvoirs et le rôle de la MIVILUDES dans la lutte contre les dérives sectaires
(Division nouvelle)

Avant l’article 1er A

Amendement CL102 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination qui tire les conséquences des modifications proposées à l’article 1er A pour éviter de mentionner explicitement la Miviludes dans l’article, ce qui pourrait se révéler contraignant à l’avenir. L’essentiel est que cette administration existe.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement. Le nom du Conseil national du sida a été inscrit dans la loi et il est très difficile de le changer, même si l’instance fait évoluer son champ de compétences.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er A (nouveau) : Statut législatif de la MIVILUDES

Amendements CL103 de Mme Brigitte Liso et CL88 de M. Philippe Schreck (discussion commune)

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit, comme je le disais, de ne pas mentionner directement dans la loi le nom de la Miviludes.

M. Philippe Schreck (RN). Mon amendement est similaire. Il ne s’agit pas de remettre en cause la Miviludes ni sa consécration législative, mais de rappeler que l’organisation de l’administration est une prérogative du Gouvernement, qu’il me paraît sage de ne pas lui retirer. C’est presque un amendement de sécurisation juridique.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je demande le retrait de l’amendement CL88, un peu moins bien rédigé que le mien.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Je ne suis pas très convaincu par cette sécurisation. Je comprends bien le problème de désigner nommément un organisme, mais en l’occurrence, vous voulez remplacer « une mission interministérielle » par « une administration ». On risque de perdre le caractère interministériel qui nous paraît indispensable.

La commission adopte l’amendement CL103.

En conséquence, l’amendement CL88 tombe, de même que les amendements CL22 et CL20 de Mme Emmanuelle Ménard et CL53 de Mme Béatrice Descamps.

Amendement CL54 de Mme Béatrice Descamps

M. Paul Molac (LIOT). Il s’agit de préciser que la Miviludes doit veiller à analyser les nouvelles formes que prennent les mouvements à caractère sectaire, qui ont beaucoup changé, tant dans leurs formes que dans les champs investis, et qui pourront encore évoluer – du fait, par exemple, du développement rapide des moyens de communication.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La vigilance est indispensable, en effet : ce monde est malheureusement en perpétuelle évolution. La rédaction proposée ne fige en rien l’action de la Miviludes. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CL29 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous souhaitons renforcer les interactions de la Miviludes avec les professionnels de santé, qui sont souvent en première ligne pour identifier, détecter, alerter sur des situations à risque. Ils doivent être bien formés et avoir les bons outils.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La Miviludes est une administration, son rôle n’est pas de former directement les professionnels de santé. Mais elle contribue à cette formation. L’amendement est satisfait : demande de retrait.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Ce n’est pas sa mission première, c’est vrai, mais elle est essentielle. Le projet de loi aggrave les sanctions pénales ; nous souhaitons mettre en avant la prévention. Les professionnels de santé sont incontournables, et il serait intéressant d’inscrire ce fait dans la loi.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La Miviludes est interministérielle et communique avec les ministères chargés de cette formation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL50 de M. Jean-François Coulomme ; sous-amendement CL99 de M. Pierre Cordier

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Dans la même logique, nous proposons que la Miviludes sensibilise, informe et forme les personnels des services de protection maternelle et infantile (PMI), qui doivent être une vigie dans le combat contre les dérives sectaires. Je regrette que vous refusiez d’élargir les compétences de la Miviludes, alors qu’elle est déjà en lien avec le ministère de la santé – en théorie : en réalité, elle est surtout en lien avec le ministère de l’intérieur. Nous voudrions donner une plus grande place au ministère de la santé.

M. Pierre Cordier (LR). Mon sous-amendement tend à ajouter, aux services de PMI, les services de santé scolaires. Les infirmières scolaires sont les interlocutrices privilégiées de nombreux jeunes. Il faut leur donner les moyens d’agir pour protéger les élèves, dès le plus jeune âge.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je comprends votre intention, mais on ne peut pas multiplier les missions de la Miviludes. De plus, en citant les services de PMI et de santé scolaire, nous pourrions laisser penser que les autres administrations n’ont pas besoin de formation.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). On peut imaginer un dispositif qui ne soit pas très coûteux : la Miviludes pourrait élaborer des outils, de la documentation qui donne les informations nécessaires. La plupart des associations n’ont pas de formation, ni une approche très technique. Même ici, nous avons du mal à définir ce qu’est une secte ou une dérive sectaire. On pourrait imaginer un dispositif similaire à ce qui existe dans l’éducation nationale pour la formation à la sexualité, par exemple.

M. Pierre Cordier (LR). Je rejoins notre collègue. Nous évoquions hier les réseaux sociaux et le droit à l’image : de la même façon, il faut donner les moyens aux infirmières scolaires de sensibiliser les jeunes à ces questions, dès le collège, voire avant. Nous ne cherchons pas à vous contredire, madame la rapporteure, nous essayons seulement d’être en phase avec ce qui se passe sur le terrain.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La PMI ne dépend pas de l’éducation nationale. La Miviludes dispose par ailleurs déjà de plaquettes de formation et d’information, et les associations s’en font le relais. Dans un monde idéal, nous aurions des crédits à foison… Ce n’est pas le cas.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

L’amendement CL23 de Mme Emmanuelle Ménard est retiré.

Amendement CL49 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous souhaitons élargir les compétences de la Miviludes à la sensibilisation et à l’information à destination des organismes de formation professionnelle. Lors des assises de la lutte contre les dérives sectaires, il y a presque un an déjà, l’un des constats récurrents était que les formations professionnelles douteuses, pour employer un euphémisme, sont nombreuses. On voit des formations de coach de vie, de réflexologie… qui conduisent parfois à des mises en danger, à des dérives sectaires au sens où le texte les envisage. Certaines sont pourtant reconnues et financées par le compte personnel de formation, plutôt que l’objet d’une lutte vigoureuse. Vous disiez que la prévention est un autre volet, madame la rapporteure : ramenons-la dans ce texte ! On a l’impression que les trois quarts de ce qui a été dit lors des assises a disparu. C’est dommage, et nous proposons d’inscrire dans ce texte une partie des engagements pris par l’ancienne secrétaire d’État Sonia Backès.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’amendement est satisfait, puisque l’article 1er A prévoit que la Miviludes développe l’échange des informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires, et contribue à l’information et à la formation des agents publics dans ce domaine.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il serait satisfait si nous étions au pouvoir, puisque la formation professionnelle serait uniquement confiée à des agents publics. Mais elle repose aujourd’hui largement sur des personnels de droit privé.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je suis défavorable à cet amendement parce qu’il ne faut pas, à mon sens, commencer une liste à la Prévert. Mais M. Clouet a raison sur le fond : la formation professionnelle est un lieu de diffusion important pour ces gourous. Ils y gagnent beaucoup d’argent. Cela relève de la prévention, pas forcément de la loi. On peut donc souhaiter que le lien avec les opérateurs de compétences soit fait – je crois que la Miviludes s’y emploie, avec beaucoup de diligence, mais peu de moyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL51 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). La sensibilisation à ce type de dérives doit être prévue par les programmes scolaires. On a vu récemment qu’il y avait des enseignements ou des interventions très douteux dans des établissements privés sous contrat. Cet amendement est pour nous une façon de défendre certains membres du Gouvernement contre les risques auxquels ils exposent leurs enfants inscrits dans ces établissements !

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La Miviludes a déjà pour mission l’information du public sur les risques et les dangers des dérives sectaires et l’échange d’informations avec les autres services en matière de dérives sectaires.

En revanche, je ne crois pas souhaitable que la Miviludes participe à l’élaboration des programmes scolaires.

Mais je vous rassure, le Gouvernement est très clair et la protection des enfants est une priorité de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL56 de Mme Béatrice Descamps

M. Paul Molac (LIOT). Il s’agit de mieux faire savoir au public quelles sont les associations agréées – c’est un statut qui peut changer.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Demande de retrait. L’amendement est satisfait : la Miviludes coordonne l’action des associations, et il existe sur son site une liste des associations auxquelles il est possible de recourir.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL104 de la rapporteure.

Amendement CL55 de Mme Béatrice Descamps

M. Paul Molac (LIOT). L’amendement vise à ajouter dans les missions de la Miviludes la promotion de l’action des associations impliquées dans la lutte contre les dérives sectaires et l’accompagnement des victimes. Une simple mention sur son site internet n’est pas suffisante.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La Miviludes publie chaque année un rapport complet. Et si les gens ne vont pas consulter son site, il sera difficile d’aller les chercher un par un. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL105 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendement CL57 de Mme Béatrice Descamps

M. Paul Molac (LIOT). La Miviludes a publié sur son site internet un commentaire juridique datant de 2004 portant sur la loi About-Picard du 12 juin 2001. De la même façon, il est proposé de publier régulièrement un bilan d’application du présent texte, en précisant qu’il porte aussi bien sur les dérives sectaires que sur la désinformation en matière de santé.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ce n’est pas tant cette loi qu’il faudrait évaluer que l’ensemble des dispositions relatives aux dérives sectaires, dont la loi About-Picard. Cela est déjà prévu dans notre règlement, qui prévoit la possibilité d’évaluer les lois trois ans après leur vote. Il est également possible de décider de la création de missions d’information et de commissions d’enquête. Le Parlement est donc suffisamment équipé pour mener cette évaluation, qui est effectivement indispensable. Enfin, le rapport de la Miviludes, qui est public, fait le point annuellement sur l’état du droit.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL106 de Mme Brigitte Liso et CL30 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit de supprimer l’immunité pénale du président de la Miviludes. Seul le Défenseur des droits en bénéficie, et il s’agit d’une autorité indépendante à statut constitutionnel – cette immunité est du reste très encadrée et le Conseil constitutionnel l’avait assortie d’importantes réserves. La Miviludes, lors des auditions, nous a elle-même dit qu’elle ne demandait pas l’inscription dans la loi de cette disposition.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous souhaitons élargir les conditions de transparence et de publicité du travail de la Miviludes. Le Parlement a toute compétence pour évaluer et contrôler l’action publique. La Miviludes en faisant partie, il est nécessaire que nous disposions d’un rapport nous permettant d’évaluer les tendances que prennent les dérives sectaires, les solutions qui sont apportées et les différentes actions publiques et judiciaires entreprises. Nous voulons que ce rapport soit rendu public et présenté au Parlement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ce rapport est publié annuellement et accessible à tous. De plus, seule la Cour des comptes présente chaque année son rapport au Parlement. La Miviludes est une administration qui relève du Gouvernement et non une juridiction de contrôle. Demande de retrait.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Les organisations responsables de dérives sectaires sont très procédurières. L’immunité que nous souhaitons accorder est donc nécessaire. Elle n’est pas générale : elle couvre seulement les propos exprimés dans un rapport.

Par ailleurs, il y a à peine plus d’un mois, vous votiez n’importe quoi dans la loi Darmanin en renvoyant au Conseil constitutionnel le soin de faire tomber les mesures dépourvues de sens. Alors soyez cohérents : votez cette disposition et nous verrons si le Conseil constitutionnel la censure !

La commission adopte l’amendement CL106.

En conséquence, l’amendement CL30 tombe.

Amendement CL107 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je vous propose de supprimer l’exigence de recueillir l’accord d’une personne pour que son témoignage figure dans le rapport annuel de la Miviludes. En effet, si cette personne change d’avis, retombe dans des dérives sectaires ou refuse finalement de témoigner, cela pourrait limiter la portée du rapport. Je rappelle que les témoignages sont anonymisés et que toutes les précautions sont prises pour que l’on ne puisse pas identifier, et donc mettre en danger, les personnes qui témoignent.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous sommes favorables à cet amendement car on ne peut pas exiger l’accord d’une victime qui se trouve dans un état de sujétion. La puissance publique doit se substituer à la victime, qui peut être mineure ou handicapée, pour sa défense.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL108 et CL109 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendement CL31 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Il s’agit de favoriser le lien entre la Miviludes et les agences régionales de santé (ARS), lesquelles disposent souvent d’informations très précieuses concernant certains types de dérives sectaires. C’est le cas en Occitanie, où l’ARS est régulièrement saisie de renoncements à des soins ou de pratiques thérapeutiques mettant en danger les personnes. Or cette information n’est pas toujours communiquée. Il me semble qu’elle doit être remontée et utilisée comme une donnée pertinente pour piloter la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le lien entre la Miviludes et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), que votre amendement supprimerait, s’inscrit dans le cadre de l’article 1er BA, qui accorde expressément aux groupes de travail des CLSPD la faculté d’intervenir en matière de phénomènes sectaires. Supprimer cette mention ne me semble donc pas opportun.

Par ailleurs, il existe déjà des contacts avec les ARS, la Miviludes ayant dans ses missions l’échange d’informations entre services et la formation des agents publics. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL64 de M. Philippe Dunoyer

M. Didier Paris (RE). Nous souhaitons étendre les compétences de la Miviludes à l’ensemble du territoire national, y compris l’outre-mer, en application du principe de spécialité législative.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le projet de loi ne modifie pas le champ d’action géographique de la Miviludes, qui est déjà compétente dans l’ensemble du territoire national. Apporter une telle précision dans la loi pourrait en outre présenter un risque : dès lors que cette mention ne serait pas inscrite, on pourrait penser que l’administration concernée n’a pas compétence sur tout le territoire. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. Didier Paris (RE). Je pense tout de même que le principe de spécialité législative impose de maintenir cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er A modifié.

Après l’article 1er A

Amendement CL34 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à valoriser le travail de prévention accompli par la Miviludes. Nous regrettons que le volet prévention soit absent de ce texte, alors qu’il constitue l’outil le plus pertinent dans la lutte contre les dérives sectaires – plus que la répression, qui n’intervient que lorsqu’il est déjà trop tard.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous proposez que, chaque année, le ministre de la santé et la Miviludes organisent conjointement une campagne de prévention. Outre que le ministère de la santé n’est pas le seul concerné – les ministères de l’intérieur, de l’éducation, du numérique agissent également dans ce domaine – la prévention et la sensibilisation du public font déjà partie des missions de la Miviludes, et se trouvent au cœur de la stratégie nationale que j’ai évoquée un peu plus tôt. Je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Vous avez raison, madame la rapporteure : d’autres ministères sont concernés. Nous serions donc enchantés si vous déposiez un sous-amendement en ce sens. Par ailleurs, il y a une vraie différence entre disposer d’une compétence en matière de prévention et l’exercer de façon effective, par exemple en organisant une campagne nationale de prévention. Nous maintenons donc cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er BA (nouveau) (art. L. 132‑5 du code de la sécurité intérieure) : Élargissement aux dérives sectaires des compétences des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

Amendement CL110 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le Sénat a souhaité inscrire dans la loi la possibilité pour les groupes de travail des CLSPD de traiter des questions relatives aux phénomènes sectaires. Cette mesure me semble intéressante car elle garantira un bien meilleur maillage territorial dans la lutte contre les dérives sectaires.

En revanche, le dispositif n’est pas complet : il laisse de côté la dimension intercommunale de ces organes, à savoir les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD), qui ont les mêmes fonctions dans les intercommunalités exerçant des compétences en matière de sécurité et de prévention. Je vous propose donc de compléter l’article sur ce point, et d’en améliorer la rédaction

La commission adopte l’amendement et l’article 1er BA est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL77 de M. Thomas Ménagé, CL35 de M. Hadrien Clouet et CL5 de M. Pierre Cordier tombent.


Chapitre Ier
Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Article 1er B (nouveau) (art. 223‑15‑2 du code pénal) : Circonstance aggravante en cas d’abus de faiblesse au moyen d’un support numérique ou électronique

Amendements de suppression CL111 de Mme Brigitte Liso et CL36 de M. Jean-François Coulomme

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je souhaite la suppression de l’article 1er B – M. Coulomme également, mais pour d’autres raisons. Cet article introduit par le Sénat propose de créer, pour l’abus de faiblesse, une circonstance aggravante lorsque l’infraction est commise en ligne, comme cela existe déjà dans notre droit par exemple pour le harcèlement.

Je suis favorable à cette disposition mais vous propose de la basculer dans l’article 1er, dont le rétablissement vous sera proposé dans un instant. En effet, il s’agit de modifier le même article du code pénal. En outre, cela permettra d’étendre cette circonstance aggravante à la nouvelle incrimination de délit d’assujettissement, c’est à dire le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion qui altère sa santé.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La surenchère pénale, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, n’a pas de sens. Nous avons pratiquement doublé les peines, qui atteignent désormais 750 000 euros d’amende et cinq ans d’emprisonnement. Si cette logique avait la moindre efficacité, nous fixerions des montants d’amende incommensurables ! Mais nous savons que cela n’aurait aucun effet dissuasif. Nous demandons donc la suppression de cet article car il ne vise qu’à donner bonne conscience à ceux qui veulent s’abstenir de toute prévention, laquelle est pourtant beaucoup plus efficace.

M. Erwan Balanant (Dem). Les différentes peines doivent être déterminées de façon cohérente, c’est l’ordonnancement pénal. Il est navrant de vous entendre parler de surenchère alors qu’il ne s’agit que de la bonne manière d’écrire le code pénal.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). C’est pourtant la réalité : une peine de 750 000 euros d’amende est totalement disproportionnée par rapport à ce que le code pénal prévoit pour d’autres infractions. L’explication est que ce délit serait commis au moyen d’outils numériques. Sanctionneriez-vous différemment un meurtre selon qu’il est commis avec un couteau ou un marteau ? Et pourtant, ici, vous doublez la peine lorsque le délit est commis à l’aide d’outils numériques. Comment l’expliquez-vous ?

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er B est supprimé.

Après l’article 1er B

Amendement CL78 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Le présent amendement vise à donner à l’usage frauduleux d’un titre attaché à une profession réglementée ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique le caractère de circonstance aggravante dans le cadre de la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’usurpation d’un titre est déjà passible d’un an d’emprisonnement. De plus, l’exercice illégal d’une profession réglementée, par exemple la médecine, constitue une infraction passible de deux ans d’emprisonnement, peine que l’article 4 A prévoit d’alourdir dans certaines circonstances.

Je peux comprendre votre proposition mais elle me semble mal calibrée et peu opportune. Pourquoi seulement l’abus de faiblesse et pas le délit de sujétion, que nous rétablissons ? Et pourquoi ne pas prévoir cela dans d’autres hypothèses, comme le harcèlement ou la provocation au suicide ?

En outre, votre amendement présente un risque constitutionnel. En effet, l’usurpation d’un titre peut s’inscrire dans les techniques et manipulations visant à abuser de la faiblesse de la personne : cette circonstance aggravante peut donc aussi être un élément constitutif de l’infraction, ce qui n’est pas possible en droit pénal.

M. Thomas Ménagé (RN). L’usurpation d’un titre est de nature à amplifier l’emprise exercée sur une personne. Vous ne pouvez pas prévoir des circonstances aggravantes dans certains cas mais pas dans d’autres au motif que l’infraction serait déjà réprimée. Si nous ne l’avons pas proposé pour le délit de sujétion, c’est parce que nous sommes défavorables au rétablissement de l’article 1er.

Par ailleurs, l’avis du Conseil d’État est très clair concernant les risques d’inconstitutionnalité : vous ne pouvez pas écarter cet avis quand cela vous arrange tout en l’utilisant contre les amendements de l’opposition.

Qu’il s’agisse d’un abus de faiblesse ou d’une emprise créant un état de sujétion, utiliser un titre de médecin, de pharmacien ou de dentiste peut avoir des conséquences dommageables et constituer une circonstance aggravante.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. J’ai répondu à vos arguments.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL96 de Mme Marie Pochon

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il s’agit de taper les gourous au portefeuille en supprimant la réduction fiscale sur les dons perçus par les organisations reconnues coupables de dérives sectaires. Cette mesure de bon sens permettrait d’éviter que l’État subventionne indirectement ces dernières.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Notre droit prévoit déjà une telle disposition à l’encontre des organismes condamnés pour certaines infractions telles que l’escroquerie ou l’abus de confiance. Sur le fond, je ne suis donc pas opposée à ce que nous ajoutions à la liste l’abus de faiblesse et le délit de sujétion.

Néanmoins, je me permets de vous signaler que votre amendement n’atteint pas son objectif. Si l’organisation visée perçoit le don, ce n’est pas elle qui bénéficie de la réduction d’impôt mais le donateur, autrement dit le particulier. Peut-être souhaitiez-vous viser les associations bénéficiant d’un avantage fiscal pour les dons qu’elles effectuent elles-mêmes ? Mais cela relève d’un autre mécanisme, à savoir le mécénat. Je comprends votre objectif mais votre amendement n’est pas opérant. Je vous invite donc à le retirer pour le retravailler d’ici à la séance.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Il existe un lien évident entre le don et la réduction fiscale, celle-ci ayant précisément pour objectif de susciter le don. Remettre en cause cet avantage fiscal permettrait de réduire les dons à nombre d’organisations.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er (supprimé) (art. 223‑15‑2, 223‑15‑3 [nouveau], 223‑15‑4 et 223‑15‑5 du code pénal, art. 704 et 706‑73 du code de procédure pénale, art. L. 444‑6 du code de l’éducation et art. 19 de la loi n° 2001‑504 du 12 juin 2001) : Singulariser le délit d’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse résultant d’un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état

Amendements identiques CL112 de Mme Brigitte Liso, CL72 de Mme Mathilde Desjonquères, CL89 de M. Didier Paris, CL91 de M. Arthur Delaporte et CL69 de M. Philippe Pradal, et amendement CL25 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je propose de rétablir l’article 1er supprimé par le Sénat. Cette disposition est essentielle parce que notre droit en matière d’emprise sectaire est lacunaire : pour parvenir à prononcer des condamnations, les juges sont obligés de bricoler et d’avoir recours à des qualifications tierces, comme l’escroquerie.

L’emprise sectaire dommageable, pour être sanctionnée, suppose un acte ou une omission gravement préjudiciable pour la victime, ainsi qu’un abus frauduleux de la part de l’auteur. Ces conditions ne permettent pas d’appréhender l’état de sujétion, psychologique ou physique, qui résulte des manipulations auxquelles recourent les sectes. Or le placement ou le maintien dans un état de sujétion, qui revient à priver la personne de liberté, peut en lui-même altérer la santé, mentale ou physique. C’est précisément ce que permet de sanctionner cette nouvelle incrimination, qui s’appuie sur des notions déjà connues en droit pénal.

Cet article permettra aussi de mieux accompagner les victimes de dérives sectaires et de mieux les indemniser. En outre, il distingue formellement l’abus de faiblesse simple sur un mineur ou une personne vulnérable de l’abus de faiblesse sectaire, qui repose sur une vulnérabilité induite par l’état de sujétion. Cette précision permettra d’éviter toute confusion.

En conclusion, il s’agit d’un article essentiel, dont la rédaction a été validée par le Conseil d’État. Il est absolument nécessaire de le rétablir, toutes les auditions l’ont souligné, pour envoyer un message tant aux victimes, dont la situation sera mieux prise en compte, qu’aux organisations sectaires, en leur montrant que notre arsenal s’étoffe et que leurs agissements seront plus efficacement sanctionnés. Je pense que cet article peut faire l’objet d’un consensus.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Nous proposons nous aussi de rétablir l’article 1er, afin de corriger les insuffisances de l’actuel délit d’abus de faiblesse. Le dispositif permettra une meilleure indemnisation des victimes. En outre, il étend à l’abus de faiblesse simple la circonstance aggravante de bande organisée, qui n’est aujourd’hui applicable qu’aux membres d’un mouvement sectaire. Enfin, ce dispositif a été validé par le Conseil d’État. Le groupe Démocrate fait le choix de lutter réellement contre les dérives sectaires.

M. Didier Paris (RE). La création d’un délit autonome correspond à l’évolution de la pratique des dérives sectaires, dont on sanctionnait plutôt jusque-là la prédation et l’atteinte aux intérêts patrimoniaux. De plus, les dérives sectaires constituent un préjudice en soi, certaines victimes subissant des chocs post-traumatiques, des états dépressifs et des pertes d’autonomie. Le groupe Renaissance souhaite donc vivement le rétablissement de l’article 1er.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Le groupe Socialistes souhaite lui aussi le rétablissement de l’article 1er, contre lequel le Conseil d’État n’a pas formulé d’objection. Partant d’un constat d’insuffisance du droit positif, il a pour objet de faire du placement ou du maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique une incrimination autonome, indépendamment des abus ainsi rendus possibles. La création de ce délit aidera le magistrat dans sa difficile mission.

M. Philippe Pradal (HOR). Mêmes arguments. Je précise qu’il ne s’agit pas stricto sensu du rétablissement de l’article 1er, puisque nous l’enrichissons des dispositions de l’article 1er B qui avait été introduit par les sénateurs. Nous prenons ainsi en considération les travaux du Sénat dans l’adoption de cet article structurant.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je retire notre amendement CL25 en discussion commune car les explications apportées par la rapporteure sur les amendements identiques sont satisfaisantes.

M. Thomas Ménagé (RN). Sans être farouchement opposés au rétablissement de l’article 1er – c’est l’article 4 qui nous paraît problématique – nous aimerions que vous répondiez aux inquiétudes légitimes exprimées par le Sénat concernant, d’une part, un risque de concurrence avec des infractions existantes et, d’autre part, un risque que tout type d’emprise, quelle que soit son origine – conjugale, familiale... – puisse être réprimé dans le cadre de cette nouvelle infraction.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il est tout à fait classique qu’un même comportement fasse l’objet de plusieurs qualifications pénales.

L’amendement CL25 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques et l’article 1er est ainsi rétabli.

Article 2 (supprimé) (art. 221‑4, 222‑3, 222‑4, 222‑8, 222‑10, 222‑12, 222‑13, 222‑14 et 313‑2 du code pénal) : Introduire une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre, les actes de torture et de barbarie, les violences
et les escroqueries

Amendements identiques CL113 de Mme Brigitte Liso, CL28 de M. Arthur Delaporte, CL71 de M. Philippe Pradal, CL73 de Mme Mathilde Desjonquères et CL90 de M. Didier Paris

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Par cohérence, je vous propose de rétablir également l’article 2, qui prévoit que l’état de sujétion de la victime de certaines infractions constitue une circonstance aggravante. Cette mesure s’inscrit dans la logique de l’actuelle circonstance aggravante de vulnérabilité de la victime, qui existe dans de nombreuses infractions. Rétablir cet article permettra en outre de mieux sanctionner les auteurs mais aussi de mieux réparer les préjudices subis par les victimes.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Il est nécessaire de rétablir l’article 2 car il s’inscrit pleinement dans l’objectif de mieux lutter contre les dérives sectaires et de les réprimer plus efficacement.

La commission adopte les amendements et l’article 2 est ainsi rétabli.

Après l’article 2

Amendement CL114 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement a pour objet de créer des circonstances aggravantes concernant les thérapies de conversion, qui sont pénalement réprimées depuis 2022 et la proposition de loi de notre ancienne collègue Laurence Vanceunebrock. Ces pratiques partagent avec les phénomènes sectaires de nombreux points communs et sont d’ailleurs souvent réalisées dans un cadre sectaire, comme le relève un rapport de la Miviludes de 2021.

Par cohérence avec les articles 1er et 2, je vous propose d’assortir l’infraction relative aux thérapies de conversion de circonstances aggravantes si la victime est en état de sujétion, si l’auteur est un gourou ou bien si l’infraction est commise en bande organisée par les membres d’un mouvement sectaire. Ces circonstances aggravantes étant déjà présentes dans notre droit ou prévues par le texte, il apparaît logique de les appliquer aux thérapies de conversion.

M. Andy Kerbrat (LFI-NUPES). Depuis la loi du 31 janvier 2022 interdisant les thérapies de conversion, les stratégies de contournement se développent. Ainsi, Le Canard enchaîné a révélé que l’ancien archevêque Michel Aupetit avait organisé à Nantes, il y a une semaine, une séance de prière pour guérir de l’homosexualité.

Cela prouve que le dispositif humain de la Miviludes est essentiel : il faut organiser la traque de ces groupuscules qui pensent qu’il y a quelque chose à guérir dans l’homosexualité. Il est toujours important de rappeler, dans cette assemblée, que non, il n’y a rien à guérir.

La commission adopte l’amendement.L’article 2 bis A est ainsi rédigé.

Chapitre Ier bis
Renforcer la protection des mineurs victimes de dérives sectaires
(Division nouvelle)

Article 2 bis (nouveau) (art. 8 du code de procédure pénale) : Allongement des délais de prescription applicables en cas d’abus de faiblesse d’un mineur

Amendements CL67 de M. Didier Paris et CL82 de M. Erwan Balanant (discussion commune)

M. Didier Paris (RE). Mon amendement vise à faire passer de six à dix ans le délai de prescription de l’action publique, à compter de la majorité de la victime, en cas de sujétion psychologique ou physique. De manière générale, le code de procédure pénale prévoit que l’action publique se prescrit six ans après la commission d’un délit. Toutefois, pour un certain nombre d’infractions, parmi lesquelles la corruption de mineur – qui présente des similitudes avec le cas qui nous intéresse – la prescription est prolongée de dix ans à compter de la majorité de la victime. L’application de l’article 2 bis serait le seul cas dans lequel la prescription interviendrait au terme d’un délai de six ans à compter de la majorité de la victime. Je propose donc de porter cette durée à dix ans, pour assurer la cohérence des procédures tout en renforçant la portée de la disposition.

M. Erwan Balanant (Dem). Le délai de dix ans semble préférable tant du point de vue de la cohérence que de l’efficacité. À 24 ans, on est encore jeune, on n’a pas toujours réussi à se défaire de l’emprise dont on fait l’objet.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je comprends votre objectif et le partage à certains égards mais nous devons veiller à la cohérence du régime de la prescription. Dans le droit actuel, le délai de dix ans concerne les infractions de nature sexuelle commises sur les mineurs. Si on l’étendait à l’abus de faiblesse, on changerait de logique. En outre, l’amendement de M. Paris conduirait à soumettre l’abus de faiblesse à une procédure spécialement calibrée pour les infractions de nature sexuelle, avec injonction de soins ou encore inscription au fichier des délinquants sexuels, entre autres mesures.

La disposition adoptée par le Sénat correspond exactement à la logique de ce que nous avons voté dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, dont M. Balanant était l’un des rapporteurs. Dans ce texte, nous avons en effet fixé le point de départ du délai de forclusion de la demande d’indemnité, pour les victimes mineures, à leur majorité, sans allonger le délai lui-même.

Enfin, les délais doivent être adaptés à la nature et à la gravité de l’infraction, comme l’exige le Conseil constitutionnel. Or les délits sexuels sont plus lourdement réprimés que l’abus de faiblesse.

Pour ces raisons, je ne suis pas favorable à l’alignement du délai sur celui des délits sexuels, et encore moins à l’application à l’abus de faiblesse de la procédure relative aux infractions sexuelles. Nous devons absolument veiller à la cohérence de la prescription. Demande de retrait.

M. Erwan Balanant (Dem). Vos arguments ne me convainquent pas car on ne parle ici que des délais de prescription et non des peines pouvant être prononcées. Un délai suffisamment long de prescription doit laisser le temps à la victime, une fois devenue adulte, de se protéger et d’intenter une action en justice après avoir subi une emprise pendant des années, parfois même depuis sa naissance. Je continue donc à plaider pour un délai de dix ans.

M. Fabien Di Filippo (LR). Un délai de prescription de dix ans ne serait pas exorbitant, surtout s’agissant de victimes mineures. Il n’affecterait aucunement la proportionnalité des peines : je peux comprendre que l’on considère que l’emprise psychologique est moins grave que l’atteinte sexuelle, mais il n’y a qu’à ajuster les peines en fonction. Ici, ce qui est en jeu, c’est le temps dont a besoin une personne qui a été sous emprise psychologique étant mineure pour trouver les ressources nécessaires d’abord pour comprendre ce qui lui est arrivé, puis faire valoir ses droits et ester en justice. Je ne vois pas pourquoi le délai de prescription serait calqué sur le quantum des peines : il devrait reposer sur la situation du mineur et la construction de sa personnalité.

M. Didier Paris (RE). Loin de concerner seulement les délits sexuels, le délai de prescription de dix ans s’applique aussi à la traite des êtres humains, à la corruption de mineur et à l’incitation à commettre un délit à l’encontre d’un mineur. Restons dans le cadre général fixé par le code pénal et le code de procédure pénale, sans établir un distinguo – inopérant, me semble-t-il – selon la gravité de telle ou telle infraction.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il existe une procédure spécifique pour les délits sexuels ; on ne se trouve pas dans ce cadre. Avis de sagesse sur l’amendement CL82. Il faudra retravailler sur le sujet et en rediscuter en séance.

La commission adopte l’amendement CL67 et l’article 2 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL82 et les autres amendements sur l’article tombent.

Article 2 ter (nouveau) (art. 227‑15 et 227‑17 du code pénal) : Circonstance aggravante des délits de privation d’aliments ou de soins et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur en cas de manquement à l’obligation de déclaration à l’état civil d’un enfant

Amendement de suppression CL37 de Mme Ségolène Amiot

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous sommes opposés à la surpénalisation. Le code pénal réprime d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende la non-présentation d’un enfant à l’état civil. Or, la disposition visant à faire de cette infraction une circonstance aggravante multiplie le montant de l’amende par 100 ! Il faudra nous expliquer le raisonnement qui préside à la fixation des peines. S’il s’agit de dissuader les auteurs éventuels, allez jusqu’au bout de la logique et établissez des peines encore plus lourdes. Mais peut-être souhaitez-vous seulement – à titre pédagogique, pour ainsi dire – déposséder les personnes et les associations se rendant coupables de dérives sectaires de leurs biens ? On peut, de cette manière, se donner bonne conscience à peu de frais et se prévaloir de sa fermeté auprès des médias et de nos concitoyens. Arrêtons cette surenchère ! La lutte contre les dérives sectaires passe par la prévention et la vigilance des pouvoirs publics et des associations. En conséquence, nous vous proposons de supprimer l’article.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’article 2 ter est certes perfectible, mais il améliore la réponse pénale à l’égard des parents qui abandonnent, isolent et désocialisent leurs enfants. Je suis donc défavorable à sa suppression pure et simple. Le volet préventif que vous appelez de vos vœux est déjà bien fourni, mais face aux parents délinquants, nous nous devons d’être fermes.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CL117 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

Amendement CL118 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit de ramener de quatre à trois ans la peine prévue dans le cadre de la circonstance aggravante définie à l’article 2 ter, par cohérence avec l’échelle des peines correctionnelles.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 ter modifié.

Après l’article 2 ter

Amendement CL81 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Cet amendement vise à ajouter, dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique, les références aux articles 223-15-2 et 223-15-3 du code pénal afin de soumettre les plateformes en ligne à une obligation de modération, régulation et protection concernant les contenus entrant dans le champ de ces dispositions.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je crains qu’il ne soit pas si aisé de caractériser un contenu en ligne de nature à placer quelqu’un dans un état de sujétion, à la différence des contenus pédopornographiques ou d’incitation à la haine, plus facilement identifiables. Par ailleurs, je me demande si une telle mesure ne devrait pas être notifiée à la Commission européenne. Enfin, la rédaction pourrait être précisée. Cela étant, l’idée me paraissant intéressante, j’émets un avis de sagesse.

M. Erwan Balanant (Dem). Le Conseil constitutionnel considère que, dès lors que la loi a créé un délit, les faits sont caractérisables. Les plateformes auraient l’obligation de modérer et réguler les contenus dès lors qu’on leur a signalé une difficulté. Cela renforcerait la protection de la population.

La commission adopte l’amendement.L’article 2 quater est ainsi rédigé.

Amendement CL80 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Il vise à étendre la protection assurée par la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse à celles qui tendent à placer un mineur en état de sujétion.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Votre objectif est globalement satisfait puisque l’article 2 de cette loi précise que les publications destinées aux mineurs ne peuvent comporter un contenu susceptible de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral. Étendre le pouvoir d’interdiction du ministre de l’intérieur aux publications qui ont pour objet ou pour effet de placer le mineur en état de sujétion est plus délicat. L’interdiction concerne actuellement les publications pornographiques ou qui incitent à la violence, à la haine, à la consommation de drogue ou de tabac, tous éléments parfaitement objectivables. Les publications que vous visez étant plus difficilement définissables, on risque de dériver vers une censure plus large susceptible d’affecter les libertés d’opinion, d’expression et de la presse. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Renforcer l’accompagnement des victimes

Article 3 (art. 2‑17 du code de procédure pénale) : Étendre les catégories d’associations pouvant se constituer partie civile en matière d’emprise sectaire

Amendements de suppression CL39 de M. Jean-François Coulomme et CL87 de M. Philippe Schreck

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’article 3 opère un basculement dangereux en prévoyant qu’une association devra recueillir un agrément pour se constituer partie civile dans le cadre de la lutte contre les dérives sectaires. Aujourd’hui, pour pouvoir être partie civile, une association doit être reconnue d’utilité publique, ce qui confère de fait un monopole à l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), qui existe depuis plus de quarante ans et est celle qui a le plus d’expérience dans le domaine. Demain, cette dernière pourrait être évincée au profit d’autres associations, de manière discrétionnaire. Je comprends que cela élargit le choix, mais cela diminuera aussi le niveau de compétences. De surcroît, une association issue d’organismes ayant été à l’origine de dérives sectaires pourrait un jour parvenir à obtenir l’agrément : en 2007, rappelons-le, une directrice de cabinet de la présidence de la République était proche de mouvements ayant été à l’origine de telles dérives. Il nous paraît plus juste et plus efficace de maintenir les prérogatives de l’Unadfi, en laquelle nous avons toute confiance. D’autres associations pourront peut-être remplir les conditions nécessaires à la reconnaissance de l’utilité publique.

M. Philippe Schreck (RN). Nous sommes opposés à l’assouplissement des règles en vigueur car l’utilité publique est un gage de sérieux ; elle garantit que l’association a une taille critique et une certaine représentativité. Il appartient aux associations bénéficiant d’un agrément de s’engager sur la voie de la reconnaissance d’utilité publique ou de travailler avec des associations ayant reçu cette reconnaissance. Ce texte risque aussi, à terme, de gommer la distinction entre l’utilité publique et l’agrément.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je m’étonne que vous proposiez de supprimer l’un des articles qui contribuent le plus à améliorer la situation des victimes de dérives sectaires. Cette disposition est très attendue par les associations. Elle résulte de la stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, issue des assises, qui ont réuni tous les acteurs concernés. Elle élargit le champ des associations qui peuvent se constituer partie civile dans des affaires de dérives sectaires. Que seule l’Unadfi, reconnue d’utilité publique, ait cette faculté laisse de côté des acteurs associatifs essentiels et reconnus nationalement, tels que le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) ou le Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection des individus (Gemppi), pour ne citer qu’eux.

En élargissant le champ des associations, on renforce l’accompagnement et le soutien des victimes de dérives sectaires et on accroît leurs chances de voir leur préjudice réparé. En outre, qu’une victime puisse s’adresser à toute association ayant reçu l’agrément favorisera l’égalité territoriale.

Des critères clairs seront établis. Nous travaillons beaucoup avec ces associations, mais certaines ont un nombre d’adhérents insuffisant pour bénéficier de la reconnaissance d’utilité publique. Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Pour élargir le périmètre des associations pouvant se constituer partie civile, on pourrait emprunter une autre voie, à savoir les accompagner vers la reconnaissance de l’utilité publique. Cela leur offrirait l’autonomie et l’indépendance, quelle que soit l’orientation politique du moment, alors que l’agrément les rendra dépendantes d’un choix ministériel reconductible d’une année sur l’autre – et l’on a déjà vu, à la présidence de la République donc, mais aussi dans des ministères, une certaine proximité avec les dérives sectaires. La mesure proposée par le texte réduit la confiance que l’on peut avoir dans les personnes pouvant se constituer partie civile et, partant, affaiblit la lutte contre les dérives sectaires. Si l’on instituait une campagne nationale annuelle de lutte contre ces dérives, comme nous le proposerons tout à l’heure, les associations compteraient beaucoup plus d’adhérentes et d’adhérents et accéderaient plus facilement à la reconnaissance d’utilité publique.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’agrément sera délivré après avis du parquet. Cette disposition mettra toutes les associations sur un pied d’égalité, y compris celles qui n’ont pas assez d’adhérents pour bénéficier de la reconnaissance d’utilité publique.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL119 de Mme Brigitte Liso et CL14 de M. Raphaël Gérard

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit de supprimer la condition tenant à l’accord de la victime pour que les associations puissent se constituer partie civile dans le cas d’une thérapie de conversion, si la victime est en état de sujétion. En présence de dérives sectaires, les associations peuvent se constituer partie civile sans l’accord de la victime, laquelle n’est pas toujours consciente d’être une victime. En revanche, les associations qui combattent les discriminations fondées sur le sexe, le genre et l’orientation sexuelle, et qui luttent contre les thérapies de conversion, doivent recueillir l’accord de la victime. Or les thérapies de conversion présentent des liens avec les dérives sectaires, comme le souligne régulièrement la Miviludes. Comme on nous l’a indiqué lors des auditions, la nécessité de recueillir l’accord de la victime conduit parfois à bloquer l’action de ces associations. Je propose donc, par parallélisme avec les dispositions applicables aux dérives sectaires, qu’une association puisse se constituer partie civile lorsque la victime d’une thérapie de conversion est en état de sujétion, sans qu’il soit nécessaire de recueillir son accord.

M. Jean-François Rousset (RE). En 2024, les prétendues thérapies de conversion continuent de sévir. Ce sont des pratiques dangereuses, souvent exercées dans le cadre des activités de groupes sectaires. Les victimes ne peuvent pas se défendre ; elles se trouvent parfois dans une situation psychologique et physique tellement délabrée qu’elles n’y pensent même pas. L’amendement vise à améliorer l’effectivité de la réponse pénale en prévoyant que, lorsque la victime d’une thérapie de conversion se trouve dans un état de sujétion psychologique ou physique, une association puisse, sans qu’il soit nécessaire de recueillir son accord, se constituer partie civile.

M. Didier Paris (RE). C’est un problème complexe, qui appelle une réflexion sur la préservation de la liberté individuelle et de l’autonomie de la personne. Il existe un corps de règles, issu essentiellement du droit du travail, qui permet à une association de se constituer partie civile sans l’accord préalable de la victime en matière de discrimination pour des raisons tenant notamment au sexe ou à l’identité sexuelle. En revanche, en droit pénal, des dispositions exigent l’accord préalable de la victime de harcèlement sexuel ou d’atteintes volontaires à la vie, pour ne citer que ces cas. Il nous faut donc trancher. L’accord préalable n’est pas requis en matière de dérives sectaires. Compte tenu de l’évolution de ces dernières, il est plus naturel de tendre vers la suppression de l’accord préalable. Notre groupe se prononcera donc en faveur des amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendements CL59 de Mme Béatrice Descamps et CL40 de Mme Ségolène Amiot (discussion commune)

M. Paul Molac (LIOT). L’amendement CL59 vise à faire coexister l’agrément et la reconnaissance de l’utilité publique des associations.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous proposons qu’une association d’utilité publique puisse continuer à se porter partie civile au-delà de la période transitoire d’un an. Nous avons en effet une confiance limitée dans l’agrément, qui pourrait être encore plus réduite, demain, avec un autre gouvernement. Nous aurons ainsi la garantie que l’Unadfi ne sera pas évincée. Cette solution ne peut faire que des heureux.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’agrément pour tous me paraît plus favorable que la coexistence des deux régimes. La condition tenant à la reconnaissance d’utilité publique est singulière : elle n’existe pas pour les autres catégories d’associations. La procédure d’agrément, quant à elle, est bien connue et robuste. Les conditions nécessaires pour l’obtenir offrent l’assurance qu’il n’y aura pas de difficultés – et je rappelle que la délivrance d’un agrément suppose la conclusion d’un contrat d’engagement républicain. En outre, qui peut le plus peut le moins : l’Unadfi, qui est reconnue d’utilité publique, aura amplement le temps de solliciter l’agrément et se le verra accorder sans peine.

Il me paraît indispensable que les citoyens soient accompagnés de manière égalitaire, sur l’ensemble du territoire, par les associations. Appliquer deux régimes parallèles serait source de complexité et, possiblement, de hiérarchie entre les associations, ce qui n’est pas souhaitable. Demande de retrait.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Je ne vois pas comment un double régime pourrait être moins favorable qu’un régime unique élargi. Nous souhaitons faire en sorte qu’il n’y ait pas de lacune. Vous avez pris des engagements sur l’agrément, mais on ne sait pas ce qui pourrait advenir lors des prochaines alternances. Le double régime rendrait possible la couverture territoriale que vous évoquez et ferait bénéficier les associations d’utilité publique de la même sécurité juridique. Quant à la hiérarchie, vous la créez bien, mais inversée, puisque vous ôtez tout intérêt à l’utilité publique. Dès lors, les associations ne seraient plus incitées à accroître le nombre de leurs adhérents et à remplir les critères de reconnaissance de l’utilité publique.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La reconnaissance d’utilité publique peut elle aussi être retirée à la suite d’un changement de gouvernement : elle ne donne aucune assurance supplémentaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL120 de Mme Brigitte Liso et CL15 de M. Raphaël Gérard

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les dérives sectaires et les thérapies de conversion présentent des liens évidents, j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler. Un rapport de la Miviludes de 2021 a montré que les techniques et les processus à l’œuvre dans les deux cas sont identiques, et l’on retrouve, dans les thérapies de conversion, le schéma d’emprise mentale des dérives sectaires. Dès lors, il me semble logique que, parmi les infractions qui permettent aux associations intervenant en matière de dérive sectaire de se constituer partie civile, figure la thérapie de conversion, au même titre que l’abus de faiblesse ou l’escroquerie.

M. Jean-François Rousset (RE). Cet amendement vise à permettre aux associations intervenant en matière d’emprise sectaire de mieux représenter et accompagner les victimes de thérapies de conversion. À cette fin, il leur ouvre la possibilité de se constituer partie civile pour les faits réprimés par l’article 225-4-13 du code pénal. Les liens avec les dérives sectaires ont été établis notamment par la Miviludes.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL121 de Mme Brigitte Liso, rapporteure.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Chapitre III
Protéger la santé

Avant l’article 4 A

Amendement CL41 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Privilégiant toujours la prévention, l’information et l’éducation plutôt que la répression et la pénalisation, nous demandons que, dans les principales administrations susceptibles d’être confrontées à des dérives sectaires, soient nommés, à effectifs constants, des référents formés à la prévention et à la détection de ces dérives.

De tels référents, profitant de la capacité de pénétration de la société qu’ont ces administrations, seraient autant d’interlocuteurs sur lesquels nous pourrions compter, comme la Miviludes, pour repérer les signes potentiels de dérives sectaires afin de réagir mieux et plus rapidement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je ne suis pas favorable à cet amendement. En effet, la Miviludes, chargée de coordonner à l'échelon interministériel l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives sectaires, forme et informe déjà les agents des administrations en question. Il est important que la Miviludes, qui jouit d’une vision d’ensemble des phénomènes sectaires, soit l'interlocuteur de référence de chaque administration. Ajouter un échelon supplémentaire risquerait de susciter une déperdition de l’information et de rigidifier sa transmission.

Du reste, la nomination d'un référent dans une administration ne me semble pas relever du domaine de la loi.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Toutes nos administrations souffrent d’une perte de compétences due au nomadisme croissant d’une partie de leur personnel, qu’elles emploient sans l’intégrer. C’est une forme de sous-traitance qui entraîne en leur sein un important turnover.

Il n’est donc pas absurde de doter les administrations de référents sur lesquels nous pourrions compter dans la durée et qui, forts de leurs compétences et de leurs connaissances, seraient précieux pour identifier des risques, lancer des alertes et échanger avec la Miviludes. Leur nomination, confortant une spécialisation d’utilité publique, aurait donc l’effet exactement inverse de celui que vous avancez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL48 de Mme Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Cet amendement reprend l’une des recommandations du rapport de 2013 de la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Il prévoit que l’État mette à disposition du grand public, notamment sur internet, un répertoire de notices descriptives des pratiques dites non conventionnelles, détaillant leurs conséquences sanitaires potentielles. Il en existe de toutes sortes : que l’on pense aux vendeurs d’extracteurs de jus supposés soigner des maladies chroniques ou à Thierry Casasnovas, qui prétend que manger de la viande crue soignerait l’hépatite C.

Ces pratiques doivent faire l’objet d’informations ciblées et précises, afin que les personnes qui entendraient les adopter bénéficient d’un effort minimal d’éducation populaire visant à les prévenir des conséquences de leur choix sur leur santé et sur celle de leurs proches. C’est véritablement une mission de santé publique.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Au cours des auditions que j’ai menées, le Gouvernement m’a confirmé son souhait de travailler à l'identification des pratiques non conventionnelles et à l'élaboration d'outils garantissant une information fiable et loyale du public. Ce travail est en cours et doit être mené en concertation avec les professionnels de santé et toutes les structures intéressées.

Je suis défavorable à votre amendement car il me semble essentiel de mener à son terme cette concertation, qui permettra de définir ce que l'on entend par pratique thérapeutique non conventionnelle. Toute la difficulté réside dans le fait que la liste que vous proposez d’établir ne sera jamais achevée, vous le savez mieux que moi.

En outre, votre amendement est imprécis sur la notion de pratique thérapeutique non conventionnelle et l’obligation qu’il introduit serait de ce fait impraticable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens cet amendement, dont l’adoption nous permettrait de retravailler le dispositif en séance publique. Nous avons remarqué, lors des auditions, que l’information du public constituait un véritable sujet de préoccupation. Les sites internet de l’État ne sont ni assez développés, ni assez détaillés. Lorsque les internautes cherchent des informations sur les dérives sectaires, ce sont les pages web des sectes elles-mêmes qu’ils finissent par consulter !

L’État doit se mobiliser pour que ses sites soient mieux référencés et fournissent une information de qualité. Le Parlement doit faire un geste fort en ce sens.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Il est très difficile de se faire une opinion sur les sujets relatifs à la santé lorsqu’on n’est pas médecin. En cas de difficultés de santé, il est devenu naturel d’aller chercher des réponses sur internet et l’on a vite fait de se perdre dans les méandres des sites et de devenir la proie d’individus malintentionnés.

Les sites de l’État étant considérés généralement comme des sources sérieuses, à l’exemple de ceux du ministère de la santé et d’Ameli, le site de l’assurance maladie, il serait particulièrement utile d’y trouver des indications précises sur la santé publique, mais aussi sur les fausses informations circulant sur internet. Votre logique se limite à punir ceux qui proposent des contenus susceptibles d’influencer à mauvais escient les citoyens s’agissant de leur santé. Cette interdiction de contenus peut être contre-productive, nourrissant des thèses complotistes et les rendant plus influentes.

Il est donc très important d’adopter cet amendement, que rien ne nous empêche de sous-amender ensuite, pour fixer par exemple une date au 1er janvier 2025.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous proposez d’établir une liste exhaustive de pratiques thérapeutiques non conventionnelles. Cela me paraît impossible : je fais toute confiance aux sectes pour en inventer d’autres, toujours mieux conçues et plus perfides.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 A (nouveau) (art. L. 4161-5, L. 4223-1, L. 6242-2 du code de la santé publique, art. L. 132-3 du code de la consommation) : Aggravation des sanctions pour les délits d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pratiques commerciales trompeuses commises au moyen de supports numériques et création d’une peine complémentaire de suspension de l’accès au service de plateforme en ligne utilisé pour commettre ces infractions

Amendement de suppression CL42 de M. Jean-François Coulomme

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La surpénalisation ne saurait dissuader qui que ce soit de se livrer, dans le cadre de ses activités professionnelles ou associatives, à des dérives sectaires. Vouloir bannir des réseaux sociaux les comptes servant à un gourou ou une association à recruter des adeptes ou à promouvoir des pratiques dangereuses, c’est se donner bonne conscience à peu de frais : il leur suffirait de faire renaître leurs comptes sous d’autres identités ou dans d’autres pays pour contourner la loi. Ce que vous proposez ne ferait donc que donner l’illusion à nos concitoyens qu’ils sont protégés.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’évolution proposée dans cet article est nécessaire pour adapter notre arsenal juridique à la multiplication des infractions commises en ligne et éviter que leurs auteurs n’éprouvent un sentiment d'impunité. Je souhaite donc conserver ces dispositions, sous réserve de certaines améliorations. Avis donc défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). Nous ne voterons pas cet amendement, car nous défendons une position mesurée. L’article 4 A va dans le bon sens : les sanctions pour les délits d’exercice illégal d’une profession médicale ou de pratiques commerciales trompeuses commis au moyen de supports numériques doivent être aggravées, car nous savons tous que ces pratiques se sont multipliées.

Néanmoins, nous attendons des ajustements techniques s’agissant de la fermeture de comptes et de l’interdiction d’en ouvrir de nouveaux. Suivant la position constante de notre groupe, nous ne souhaitons pas de levée de l’anonymat en ligne ni d’instauration d’une identité numérique. Nous espérons que l’article évolue afin de permettre, sans franchir cette ligne rouge, la fermeture des comptes et même le durcissement des peines.

M. Erwan Balanant (Dem). Je souhaiterais, en prévision de la séance, que M. Coulomme, qui dénonce avec constance une surenchère pénale, nous indique quelle échelle de peines il proposerait.

Par ailleurs, je ne comprends pas son opposition au bannissement des comptes. Faudrait-il laisser les individus condamnés poursuivre leur activité ?

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Je m’interroge sur l’application concrète de cet article. Comment pourrons-nous garantir aux citoyens le bannissement des personnes condamnées ? Nous en revenons aux discussions du projet de loi Sren, qui posait des questions de fond tout autant que des questions opérationnelles.

J’ajoute que la plateforme Pharos (plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) couvre toutes les situations de mise en danger des personnes, bien au-delà des dérives sectaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL100 de Mme Brigitte Liso et sous-amendement CL129 de M. Aurélien Lopez-Liguori

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit de la peine complémentaire de suspension du compte en ligne utilisé pour exercer illégalement la médecine : je propose de reprendre la rédaction de l'article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (dit SREN) adopté par notre Assemblée en octobre dernier.

En premier lieu, l’amendement limite l’application de cette peine aux seuls services de plateforme en ligne utilisés pour commettre les faits. En deuxième lieu, il supprime la référence aux services de réseaux sociaux en ligne et aux services de plateformes de partage de vidéo, puisque ces services sont compris dans la définition donnée par le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques du 19 octobre 2022. En troisième lieu, il précise les conséquences de cette peine complémentaire en prévoyant explicitement l’interdiction pour la personne condamnée d’utiliser les comptes d’accès ayant fait l’objet de la suspension ainsi que d’en créer de nouveaux. Enfin, il donne des précisions sur les modalités de la notification aux fournisseurs de services concernés de la condamnation et sur le blocage par ces derniers des comptes détenus par la personne condamnée.

Il est essentiel de coordonner la rédaction des dispositions introduisant cette peine complémentaire. En effet, pour pouvoir être bien appliqué par les juridictions et trouver sa pleine efficacité, ce mécanisme novateur doit être parfaitement lisible. Ses modalités d'application ne peuvent différer suivant les infractions concernées.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). L’amendement prévoit une peine complémentaire de bannissement numérique à laquelle nous sommes favorables. Pour autant, nous nous opposons à l’obligation faite aux fournisseurs d’accès d’empêcher les personnes condamnées de créer de nouveaux comptes.

Le sous-amendement tend donc à supprimer cette obligation, pour la bonne et simple raison qu’il est impossible d’y satisfaire sans lever l’anonymat des détenteurs de comptes. En effet, il faudrait soit instaurer une identité numérique étatique, qui n’existe pas à l’heure actuelle, soit autoriser les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) à recueillir les titres d’identité de leurs utilisateurs et leur conférer un pouvoir de police, le pouvoir de fliquer les Français, ce qui n’est pas possible.

Nous savons que la majorité veut s’attaquer à l’anonymat en ligne, comme l’a fait Paul Midy, rapporteur général du projet de loi Sren. Ce n’est pas notre vision des libertés en ligne. Nous sommes opposés à la surveillance de masse et au flicage et souhaitons qu’internet demeure libre.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je ne suis pas favorable à ce sous-amendement, et rappelle qu’il ne s’agit pas ici de réexaminer le projet de loi  « SREN ». L’obligation en question me paraît essentielle pour assurer l’efficacité d’une peine complémentaire de suspension des comptes d’accès.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Le délit d’exercice illégal de la médecine est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Dans tous les cas, la confiscation du matériel utilisé peut être prononcée. Avec l’article 4 A, lorsque cette infraction sera commise par l’intermédiaire d’un service de communication en ligne ou d’un support numérique ou électronique, la peine prononcée pourra aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

La réécriture de l’alinéa 6 que vous proposez instaurerait une peine complémentaire de suspension de l’utilisation du ou des comptes d’accès à un ou plusieurs services en ligne ayant servi à commettre l’infraction, pour six mois au maximum. Étant donné la gravité de la peine encourue, il faudrait plutôt que ce soit un minimum ! C’est l’objet de mon amendement CL21, qui tombera si celui de la rapporteure est adopté.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Comment envisagez-vous, madame la rapporteure, de concrétiser cette peine de bannissement, s’il n’y a pas d’identité numérique et si les Gafam ne sont pas obligés de recueillir les titres d’identité de leurs utilisateurs ?

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

En conséquence les amendements CL21 de Mme Emmanuelle Ménard et CL92 de M. Aurélien Lopez-Liguori tombent.

Amendement CL79 de M. Thomas Ménagé

M. Thomas Ménagé (RN). Il s’agit d’un ajustement technique visant à alourdir la peine encourue par un fournisseur d’accès qui ne procéderait pas au blocage des comptes concernés.

Nous ne souhaitons ni identité numérique, ni levée de l’anonymat en ligne. Nous ne comprenons donc pas comment les fournisseurs d’accès auraient la possibilité matérielle d’interdire la création de nouveaux comptes par les individus condamnés – qui savent détourner les moyens techniques qui leur permettent de le faire. Il faudrait nous expliquer, madame la rapporteure.

Nous proposons que les fournisseurs d’accès disposent d’un délai de trois jours pour bloquer les comptes, et qu’à défaut, le montant de l’amende qu’ils encourent soit fixé à 125 000 euros au lieu des 75 000 euros que prévoit l’article. En effet, nous craignons que certaines organisations sectaires n’aient les moyens de financer, par exemple, des campagnes publicitaires assurant à leurs fournisseurs d’accès un revenu annuel très supérieur à l’amende prévue, qui ne serait, de ce fait, pas dissuasive.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable. Fixer un délai pour que les opérateurs s’exécutent ne me paraît pas une bonne chose, puisque cela laisse entendre qu'ils seraient dans leur bon droit s'ils ne bloquaient pas le plus rapidement possible l'accès à leurs services. En outre, le quantum de la peine d'amende encourue par les fournisseurs d’accès qui ne respectent pas leur obligation ne doit pas varier en fonction de l'infraction concernée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL101 de Mme Brigitte Liso et sous-amendement CL130 de M. Aurélien Lopez-Liguori

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit, comme le CL100, d’un amendement de mise en cohérence avec le projet de loi « SREN » concernant cette fois l’exercice illégal de la pharmacie.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Le sous-amendement aussi est dans la même logique. Comment pouvez-vous demander à un réseau social d’empêcher la création d’un compte par un individu condamné sans forcer ce réseau social à recueillir les titres d’identité de ses utilisateurs ? J’imagine qu’il en a été question durant vos auditions : avez-vous une idée du mécanisme qu’il faudrait suivre ?

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, je suis défavorable au sous-amendement.

M. Thomas Ménagé (RN). Cette réunion s’achèvera-t-elle sans que nous ayons reçu de réponses ? Nous voudrions savoir, madame la rapporteure, comment, matériellement, sans identité numérique et sans levée de l’anonymat en ligne, il serait possible d’empêcher la création de comptes. Si vous ne pouvez pas nous l’expliquer, il y a de quoi s’inquiéter.

C’est un problème général : on crée des lois avant de se rendre compte qu’il est impossible de les appliquer compte tenu des outils techniques à notre disposition ou alors sans contrevenir à un certain nombre de libertés essentielles – auxquelles nous, membres du groupe Rassemblement national, croyons, comme la liberté d’expression et les libertés en ligne.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ce débat a déjà eu lieu lors de l’examen du projet de loi « SREN ». Ce n’est pas l’objet de ce texte.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL93 de M. Aurélien Lopez-Liguori tombe.

Amendement CL122 de Mme Brigitte Liso et sous-amendement CL131 de M. Aurélien Lopez-Liguori

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit encore d’un amendement de mise en cohérence avec la loi Sren, concernant l’exercice illégal de la biologie médicale.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Je poursuis sur ma lancée, puisque M. Jean-Noël Barrot, alors ministre délégué chargé du numérique, n’avait pas répondu à nos questions lors de la discussion du projet de loi Sren. Il faut dire que Thierry Breton, au nom de la Commission européenne, lui a écrit une lettre afin de lui expliquer que la loi Sren allait à l’encontre de toutes les règles européennes. Dans ces conditions, comment appliquerez-vous le dispositif prévu ?

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Même question, même réponse. Défavorable.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement CL94 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). J’imagine, madame la rapporteure, que votre avis sera le même.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. En effet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL123 de Mme Brigitte Liso et sous-amendement CL132 de M. Aurélien Lopez-Liguori

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Amendement de mise en cohérence avec le projet de loi « SREN » concernant les pratiques commerciales trompeuses. Je suis défavorable au sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL95 de M. Aurélien Lopez-Liguori tombe.

Amendement CL43 de Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist (RE). L’article 4 A renforce la lutte contre l’exercice illégal des professions réglementées de médecin, pharmacien, sage-femme, chirurgien-dentiste et biologiste médical. Cet amendement vise à ajouter celles de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue, qui sont aussi concernées par les dérives sectaires.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je comprends bien votre objectif, mais les infractions d'exercice illégal des professions de masseur-kinésithérapeute et de pédicure-podologue ne me semblent pas, dans la grande majorité des cas, pouvoir être commises en ligne. L’exercice même de ces deux professions consiste dans la réalisation d’actes manuels qui ne peuvent pas être accomplis en ligne. Cela réduit considérablement la portée de la circonstance aggravante que vous entendez ajouter : elle ne pourra pas, dans les faits, être constituée.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 A modifié.

Article 4 (supprimé) (art. 223-1-2 du code pénal) : Création d’infractions réprimant la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé

Amendements identiques CL128 de Mme Brigitte Liso et CL47 de Mme Stéphanie Rist, amendements identiques CL68 de M. Didier Paris, CL70 de M. Philippe Pradal et CL74 de Mme Mathilde Desjonquères, amendements CL26 et CL27 de M. Arthur Delaporte (discussion commune)

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’amendement tend à rétablir la rédaction initiale de l’article 4, l’un des plus importants de ce projet de loi. Il vise à lutter contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire. En effet, les discours à caractère sectaire investissent de plus en plus souvent le domaine de la santé, profitant de l’état de vulnérabilité des malades pour les inciter à abandonner leurs traitements ou pour promouvoir auprès d’eux des pratiques dangereuses, en usant de techniques de manipulation et d’assujettissement caractéristiques des dérives sectaires.

Il s’agit d’un problème de santé publique nécessitant une adaptation de notre cadre juridique, car le droit commun ne permet pas de sanctionner de tels discours. Je n’ignore pas que les nouvelles infractions que nous proposons de créer suscitent des inquiétudes. Pour autant, elles sont précisément définies et leurs éléments constitutifs sont minutieusement déterminés. Elles ne permettront pas de sanctionner les personnes qui, de bonne foi et avec bienveillance, entendraient par exemple conseiller un proche. Leur caractérisation, comme pour toutes les infractions pénales, nécessite de rapporter la preuve d’un élément intentionnel. Ici, cette preuve est exclusive de toute bonne foi : il faut une intention de tromper, de profiter de la vulnérabilité d’un malade pour le manipuler, le détourner des soins qui lui sont indispensables ou l’inciter à adopter – bien souvent à acheter – de prétendus remèdes mettant gravement sa santé en péril.

Deux exemples de dérives thérapeutiques à caractère sectaire : la promotion de la consommation exclusive de jus de légumes pour traiter le cancer, allant parfois jusqu’à une prise de contact avec les patients dans les services de cancérologie pour les inciter à abandonner la chimiothérapie ou la radiothérapie ; et la promotion du jeûne total – une nourriture faite d’air et de lumière – qui guérirait les maladies tandis que les médicaments tueraient l’organisme.

Je n’ignore pas les critiques formulées par le Conseil d’État sur cet article, mais je rappelle qu’elles ne portent pas sur le principe des infractions mais bien plutôt sur sa rédaction. C’est pourquoi je souhaite travailler d’ici à la séance publique, en concertation avec le Gouvernement et avec toutes les bonnes volontés, à une rédaction plus fine qui assurerait la sécurité juridique de ces dispositions tout en préservant l’intérêt des victimes. Pour ce faire, il est essentiel d’adopter cet amendement.

Mme Stéphanie Rist (RE). Il me semble indispensable de rétablir l’article 4 dans sa version initiale. Il est question ici de personnes souffrant de maladies graves, qui se sont vu demander d’interrompre leurs traitements et promettre qu’elles allaient guérir, et il en meurt chaque jour.

Il y a des personnes atteintes de la maladie de Parkinson qui se rendent dans une abbaye – elles ont été plus de 300 en 2019 ! – où on leur dit d’interrompre leurs traitements et où on leur pose des patches qui, en plus, ont des effets secondaires. Depuis dix ans, on sait qu’il y a des personnes atteintes de cancers qu’on pourrait soigner et qui sont incitées à remplacer leurs traitements par un jeûne ou par des produits dont on ne sait même pas ce qu’ils contiennent.

La situation est grave. Les acteurs de terrain y sont confrontés quotidiennement. C’est la raison de mon amendement.

M. Didier Paris (RE). Cet article est au cœur du texte. Il s’agit de créer un délit nouveau, la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé alors qu'il est manifeste que ce n’est pas le cas.

L’article contient de nombreuses dispositions claires et précises, avec des garanties. Toutefois, cette nouvelle incrimination a tendance à occulter le nécessaire respect des libertés individuelles, de la liberté de penser, de la liberté de conscience. C’est pourquoi je souhaiterais une rédaction un peu différente de celle du Gouvernement, qui n’est à l’évidence pas pleinement satisfaisante. Vous avez indiqué, madame la rapporteure, qu’elle serait retravaillée en vue de la séance. Adopter la rédaction que je propose, avec des collègues de deux autres groupes, permettrait de forcer ce travail, mais nous pouvons aussi le faire en nous en tenant au vôtre.

Vous avez évoqué une des difficultés à résoudre : le cas de la relation directe entre deux personnes, qui est toutefois largement couvert par les divers délits d’exercice illégal de professions de santé réglementées, de pratique commerciale trompeuse ou de mise en danger de la vie d’autrui. Le présent texte vise plutôt tout ce qui n’est pas de l’ordre de la relation bilatérale mais relève d’un discours général. Or la Convention européenne des droits de l’homme nous invite au respect vigilant des libertés individuelles, en particulier de la liberté de contester des pratiques thérapeutiques, de la liberté du débat scientifique et des lanceurs d’alerte ou encore de la liberté de pratiquer des soins non conventionnels.

J’accepte de me rendre à votre argument, madame la rapporteure, à la condition expresse que vous réitériez votre engagement en faveur d’une réécriture en vue de la séance publique.

M. Philippe Pradal (HOR). Il faut rétablir l’article 4, mais les deux rédactions qui nous ont été proposées ne sont pas pleinement satisfaisantes. Il nous faut pour la séance une rédaction qui concilie un dispositif contraignant et le respect impératif des libertés individuelles. L’amendement que nous sommes des collègues de trois groupes à présenter nous contraint davantage que celui de la rapporteure à y travailler ensemble – or nous sommes tous d’accord sur la nécessité de ce travail.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Il est essentiel, en vue de préserver la santé publique, de renforcer la répression de comportements susceptibles de porter gravement atteinte à la santé des personnes. Mon amendement, identique aux deux précédents, propose de rétablir l’article 4 qui a été supprimé par le Sénat. Face aux discours préoccupants qui prospèrent, notamment sur les réseaux sociaux, nous devons renforcer notre arsenal pénal pour pouvoir poursuivre les individus les plus dangereux.

Notre amendement ajoute un alinéa à la rédaction initiale, qui rappelle les notions d’information claire et complète et de volonté libre et éclairée, afin d’expliciter que l’incrimination ne s’applique pas aux cas dans lesquels la liberté de conscience des patients s’exerce pleinement. S’il est nécessaire de se doter d’une nouvelle incrimination pour condamner les discours d’un nouveau genre présentant un danger concret, il ne saurait être porté atteinte aux droits et aux libertés fondamentaux de façon disproportionnée au regard de l’objectif de santé publique poursuivi. La nécessité de retravailler le texte à cette aune en vue de la séance s’impose.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne comprends pas pourquoi mon sous-amendement n’a été ni affiché, ni examiné alors que je l’ai déposé sur Eloi.

M. le président Sacha Houlié. Je vous ai donné la parole pour défendre vos deux amendements en discussion commune. C’est à moi de juger de la recevabilité des amendements. Je ne veux pas qu’on utilise dans notre commission les sous-amendements de façon dérogatoire, en en rajoutant à la dernière minute, sinon il en sera déposé tous azimuts. Nous ne sommes ni en procédure de législation en commission, ni en procédure d’examen simplifié : vous pourrez donc déposer tous les amendements que vous souhaitez pour la séance.

M. Arthur Delaporte (SOC). Dans toutes les commissions, nous pouvons déposer des sous-amendements jusqu’au début de l’examen de l’article concerné. C’est ce que j’ai fait. Mon sous-amendement est donc recevable dans sa forme. Il l’est aussi dans son fond, puisqu’il vise à préciser l’article. Je l’ai peut-être déposé tardivement d’un point de vue subjectif, mais du point de vue juridique et objectif, il est recevable. C’est une question de principe.

Il ne s’agit nullement pour moi de faire de l’obstruction puisque, comme vous l’avez remarqué, monsieur le président, j’ai fait montre d’un esprit constructif et n’ai pas cherché à intervenir excessivement. Les amendements que je m’apprête à défendre montrent la nécessité de rétablir l’article 4. J’aurais simplement aimé, par un sous-amendement, préciser que les dispositions de cet article ne s’appliquent pas aux lanceurs d’alerte dénonçant des faits avérés. N’oubliez pas l’exemple du Mediator !

Néanmoins, nous devons lutter contre l’abstention thérapeutique. C’est un fléau qui s’observe parmi les influenceurs et un problème de santé publique. L’article 4 permettra une meilleure communication à destination du public.

La différence entre les amendements CL26 et CL27 réside en ce que le second prévoit une peine complémentaire de confiscation. En effet, plusieurs sanctions ne sont pas adaptées aux montants financiers qui sont en jeu.

Monsieur le président de la commission des lois, le délai existant n’est pas applicable aux sous-amendements. Nous devons respecter notre règlement.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Delaporte, cela suffit. Selon le règlement, c’est à moi d’assurer la police de cette réunion, pas à vous. Vous n’avez pas même le droit de vote dans cette commission puisque vous n’en êtes pas membre.

Votre sous-amendement est irrecevable parce que je l’ai jugé irrecevable. Je regrette que cela vous déplaise. Vous le présenterez et il sera examiné en séance publique.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Merci de soutenir la réintroduction de l’article 4. J’ai bien noté les nuances mises en exergue par les orateurs Renaissance, MODEM et Horizons. Je suis tout aussi attachée que vous à défendre les libertés publiques et je m’engage à travailler, en collaboration avec les groupes, à une meilleure rédaction de l’article. Je vous demande donc de voter mon amendement.

S’agissant de la protection des lanceurs d’alerte, la loi du 21 mars 2022 dispose que celui qui a signalé ou divulgué des informations couvertes par un secret bénéficie de l'irresponsabilité pénale prévue à l'article 122-9 du code pénal. Votre souhait, monsieur Delaporte, est donc satisfait.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il y a du flou. Le texte est sur une ligne de crête, tiraillé entre la protection des citoyens et la liberté d’expression. Il a été indiqué un peu plus tôt que pratiquer le jeûne n’était pas bon pour la santé ; or nombre de personnes, y compris des médecins, ne partagent pas cette conviction. Leur opinion pourrait tout à fait être exprimée sur des blogs ou des sites internet dénués de visée sectaire.

Pour ma part, je rejoins les collègues qui, sur vos bancs, se montrent dubitatifs quant à l’opportunité de rétablir l’article 4, durement critiqué par le Conseil d’État et supprimé par le Sénat. Le flou entretenu dans cet article nous éloigne du cœur du sujet, à savoir la lutte contre les dérives sectaires. On ne peut pas imaginer que ce texte cherche à affirmer une prétendue vérité médicale : qui serait l’autorité en mesure d’énoncer que telle pratique est bonne ou mauvaise pour la santé ? Certainement pas la Miviludes. Si un site fait la promotion de la consommation de baies de goji, personne ne pourra démontrer que cela nuit à la santé, à moins d’en consommer des quantités phénoménales. Nous ne souhaitons donc pas le rétablissement de l’article 4, ni dans sa version initiale, ni même dans son esprit.

Mme Stéphanie Rist (RE). Comment faire pour rédiger une loi efficace, qui évite que des malades arrêtent leur traitement à cause d’un embrigadement sectaire tout en préservant la liberté individuelle ? Peut-on avoir un consentement éclairé quand on est atteint d’une maladie grave, avec un pronostic qui n’est pas satisfaisant ? Je ne le pense pas. Nous devons avancer dans ce débat d’ici à la semaine prochaine.

M. Didier Paris (RE). L’adoption de l’amendement de Mme la rapporteure fera tomber les nôtres. Nous les aurions de toute façon retirés, en attendant la séance.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). J’aurais été déçue que vous retiriez vos amendements, car je les trouve plus adaptés. L’article 4 me pose un problème depuis le début. Si les sénateurs l’ont supprimé, c’est bien parce qu’il soulève des difficultés. En l’occurrence, ils n’ont fait que suivre les recommandations du Conseil d’État, qui dit clairement qu’il « convient de garantir un équilibre entre ces droits constitutionnels, afin, notamment, de ne pas remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte. Il estime qu’en tant qu’elles viseraient à empêcher la promotion de pratiques de soins dites "non conventionnelles" dans la presse, sur internet et les réseaux sociaux, de telles dispositions constituent une atteinte portée à l'exercice de la liberté d'expression […]. Or une telle atteinte doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi, y compris s’agissant de la libre communication des pensées et des opinions au moyen de services de communication au public en ligne ».

C’est donc limpide : l’article 4 ne satisfait pas à l’obligation d’équilibre entre les différentes libertés. Cela me pose un vrai problème. C’est pourquoi je trouvais l’amendement des députés Paris, Pradal et Desjonquères plus adapté, même s’il mérite d’être encore corrigé pour la séance. Le Conseil d’État dit bien que la légitimité de l’objectif est incontestable, mais qu’il faut être très attentif à la préservation de ces équilibres. Or ce n’est pas le cas. Nous allons donc devoir contester un article pourtant très important.

M. le président Sacha Houlié. Permettez-moi, madame Ménard, de ne pas partager votre confiance dans la commission des lois du Sénat : lors de plusieurs contentieux, il semble que le Conseil constitutionnel ait préféré, et de loin, l’appréciation de la commission des lois de l’Assemblée nationale.

M. Thomas Ménagé (RN). L’article 4, cœur nucléaire du projet de loi, constitue une ligne rouge pour le groupe Rassemblement national. Nous ne pourrons pas voter le texte s’il est rétabli, dans sa version initiale comme dans toutes les autres qui ont été proposées pour l’instant.

Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faille sanctionner plus durement ceux qui mènent volontairement à la mort des personnes qui abandonneraient des soins sans avoir une vision éclairée. C’est un enjeu de santé publique. Mais le Conseil d’État rappelle qu’il existe déjà d’autres dispositifs juridiques qui permettent de condamner de telles infractions : exercice illégal de la médecine et de la pharmacie ; pratiques commerciales trompeuses ; non-assistance à personne en danger ; mise en danger de la vie d’autrui ; délaissement d’une personne hors d’état de se protéger ; entrave aux mesures d’assistance ; omission de porter secours.

Il faut trouver un équilibre. Ainsi, M. Delaporte veut exclure du champ de l’article 4 les lanceurs d’alerte qui dénoncent des faits avérés. Mais quand on est lanceur d’alerte, les faits ne sont pas avérés ! Il est clair qu’Irène Frachon aurait pu être condamnée en application de l’article 4.

Nous voulons tous sanctionner les gourous et les tarés qui sévissent sur les réseaux sociaux et peuvent mener des personnes à la mort, mais pas au prix d’une insécurité juridique ni en étouffant le débat médical. Si vous parvenez à trouver cet équilibre, vous aurez notre soutien ; en l’état, je ne vois pas comment vous pourriez l’atteindre. Mais j’aimerais que nous nous entendions sur un point : si nous n’arrivons pas à dégager une atteinte nécessaire, adaptée et proportionnée aux libertés individuelles, notamment à la liberté d’expression, nous abandonnerons le texte et nous ne nous rattraperons pas aux branches dans le seul but de sauver le Gouvernement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Pour ma part, il ne s’agit pas de sauver le Gouvernement mais d’obtenir une réponse de la rapporteure sur la question de la confiscation, qui faisait l’objet du dernier alinéa de l’amendement CL27.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La peine complémentaire de confiscation que vous proposez est déjà encourue.

La commission adopte les amendements CL128 et CL47 et l’article 4 est ainsi rétabli.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Article 5 (art. 11-3 du code de procédure pénale) : Obligation pour le parquet d’informer l’ordre professionnel en cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire d’un professionnel de santé à raison de la commission de certaines infractions

Amendement de suppression CL44 de Mme Ségolène Amiot

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). L’article 5 prévoit de systématiser la transmission d’informations dès lors qu’il y a une condamnation, même non définitive, ou un contrôle judiciaire d’un professionnel exerçant une pratique dangereuse. Or le code de procédure pénale permet déjà au ministère public d’informer les ordres professionnels en pareil cas, ce qui suppose un pouvoir d’appréciation qui disparaîtrait avec l’adoption de cet article. Or ce pouvoir d’appréciation est très important, parce qu’il permet de fixer des limites proportionnées à la communication de l’information.

Avec cet article, vous créez en outre un précédent très dangereux en matière de secret de l’enquête et de l’instruction. Que l’on puisse, pour une raison justifiée, communiquer une information à l’ordre est une chose, mais que l’on rende cette transmission systématique, quelles que soient les circonstances, nous paraît dangereux.

Cela peut également être contre-productif. Le procureur peut avoir une bonne raison de ne pas informer l’ordre, par exemple s’il pense que la personne concernée n’est pas la seule impliquée. Il peut également ne pas vouloir discréditer une personne dans son ordre si la condamnation n’est pas encore définitive et qu’il n’est pas certain de l’aboutissement de la procédure. C’est une question de respect de la présomption d’innocence et d’efficacité des enquêtes. L’article 5 fait courir un péril inutile à l’état de droit.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable. D’une part, cet article est nécessaire pour assurer une meilleure transmission de l’information entre l’autorité judiciaire et les ordres professionnels de santé et leur permettre de prendre des mesures ordinales adaptées. Tous les ordres que j’ai pu auditionner nous ont fait cette demande.

D’autre part, l’article 5 ne se heurte à aucun obstacle juridique, ce que le Conseil d’État lui-même a relevé en rappelant que la délimitation stricte du champ de la mesure proposée respecte les exigences constitutionnelles.

Enfin, cette disposition est directement inspirée de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, qui instaure un mécanisme d’information obligatoire visant à informer l’administration employeur en cas de poursuites exercées pour des faits susceptibles d’être commis à l’encontre des mineurs. Nous ne créons donc pas de précédent avec cette disposition.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Merci d’être revenue en détail sur vos justifications. Premièrement, vous affirmez que cette disposition permet d’assurer une meilleure information. Or systématiser la transmission d’information n’est pas forcément un gage de qualité.

Deuxièmement, cette disposition serait demandée par les ordres. Ceux-ci demandent beaucoup de choses, et il appartient au législateur de décider s’il est d’accord ou non – en l’occurrence, je ne le suis pas.

Troisièmement, vous établissez un parallèle avec le régime salarié-employeur. C’est assez dangereux : c’est même la raison pour laquelle on a créé des professions libérales, pour éviter de rendre symétriques le rapport salarial et le rapport collégial.

Enfin, vous affirmez que cette disposition ne remet pas en cause nos principes constitutionnels. Le secret de l’instruction et le secret de l’enquête ne sont effectivement pas reconnus constitutionnellement, ce que nous souhaiterions pour notre part, mais ils me paraissent bel et bien remis en cause. C’est donc à titre politique, et non pas juridique, que nous sommes hostiles sur ce point à cet article.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL124 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement rédactionnel s’inspire de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale. Il précise l’application des dispositions des II à V de l’article 11-2 du même code, qui prévoient les modalités de transmission et de conservation des informations transmises par l’autorité judiciaire. Il permet ainsi d’éviter une répétition dans la loi et de rendre la rédaction plus lisible.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Chapitre IV
Assurer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires

Article 6 (art. 157-3 du code de procédure pénale) : Permettre la transmission à l’autorité judiciaire de toute information utile sur les phénomènes sectaires

Amendement CL125 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec le rétablissement des articles 1er et 2. Il permet de modifier le champ d’application de la nouvelle procédure, dite amicus curiae, introduite à l’article 6.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendement CL85 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Il est proposé de créer une nouvelle possibilité de dérogation au secret médical en cas de dérives sectaires, sur le modèle de ce qui a été fait concernant les violences conjugales, en permettant au professionnel de santé de signaler des faits au procureur de la République.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Votre amendement s’inspire de dispositions qui concernent des violences et des sévices objectivement constatables par les professionnels de santé, lesquels sont en première ligne pour en être alertés. Tel n’est pas exactement le cas en matière d’emprise sectaire, comme je l’ai constaté lors des auditions que j’ai menées : pour ce type de faits, le médecin n’est pas la première personne vers laquelle on se tourne. Je crains que cet amendement n’aboutisse à mettre à la charge des professionnels de santé une obligation de détection des phénomènes d’emprise sectaire qu’ils ne pourront pas véritablement assumer. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

M. Didier Paris (RE). Sur le plan légistique, l’amendement devrait plutôt viser l’article 223-15-3 du code pénal. Mais sur le fond, j’y suis plutôt favorable. Les atteintes sexuelles ou conjugales ne sont pas les seules concernées par cette dérogation : parmi les dispositions qui protègent les mineurs, certaines évoquent déjà les violences qui permettent au médecin de considérer, « en conscience », que l’enfant est en danger. La seule difficulté de la rédaction proposée est qu’elle subordonne la levée du secret médical à l’accord de la victime : ce point mériterait d’être retravaillé. Sous cette réserve, elle me paraît plutôt protectrice. Il y a d’ailleurs un nombre croissant de situations où un médecin peut décider, en conscience donc, de passer outre le secret professionnel pour protéger un mineur en danger. Notre groupe sera favorable à cet amendement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il est important que le médecin se voie offrir la possibilité de lever le secret médical, si cela lui paraît justifié.

La commission adopte l’amendement.L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Chapitre V
Dispositions diverses

Article 7 (art. 711-1 du code pénal, art. 804 du code de procédure pénale) : Coordinations outre-mer

Amendement de coordination CL126 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je vous propose par cet amendement d’étendre l’application des dispositions introduites par l’article 4 A aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendement CL32 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur l’opportunité, qui est discutée, de transformer la Miviludes en autorité administrative indépendante.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il n’est pas utile de demander ce rapport car le Parlement dispose des moyens nécessaires pour se faire une idée sur la question. Je vous renvoie en outre aux travaux de notre ancien collègue Georges Fenech, qui avait conclu que cette évolution n’était pas souhaitable. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL45 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous demandons ici un rapport sur les moyens dont bénéficie la Miviludes, qui est de plus en plus sollicitée, comme en témoigne la hausse du nombre de saisines de près de 90 % en six ans. Nous souhaitons savoir si elle a la capacité d’assurer la prise en charge des dossiers, ce qui requiert des professionnels ayant une capacité d’expertise dans les domaines judiciaire, psychiatrique, sociologique, etc. Quel que soit notre avis sur le texte, nous souhaitons tous renforcer cette institution.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Il est en effet important de connaître les besoins de la Miviludes et de les adapter à ses missions. Cela étant, la mission interministérielle a déjà vu ses effectifs s’étoffer et ses moyens augmenter. En outre, elle peut recourir à l’expertise de services tels que la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Par ailleurs, le Parlement dispose de moyens d’évaluation : il peut consacrer à ce sujet un avis budgétaire, par exemple, ou un rapport spécial dans le cadre du projet de loi de finances. Défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Le rapport que nous demandons pourrait exposer à chacun la progression des moyens dont vous faites état.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL38 de M. Hadrien Clouet

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet amendement demande un rapport sur le taux de recours des magistrats à la formation continue sur les questions relatives aux dérives sectaires. Il semble qu’au cours des dernières années, seuls 5 % des magistrats aient suivi une telle formation. Celle-ci doit être développée pour permettre une bonne application de la présente loi.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le Parlement peut consacrer une mission d’information au sujet ou l’aborder dans le cadre d’une mission portant sur l’application de la loi. Il vous est par ailleurs loisible de poser une question écrite, voire d’aborder le sujet lors des questions au Gouvernement. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL46 de M. Jean-François Coulomme

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport au Parlement sur les causes de l’accroissement des dérives sectaires et ses liens avec les difficultés sociales de nos concitoyens. Le projet de loi se situe en bout de chaîne, puisqu’il vise essentiellement à sanctionner les personnes responsables de dérives sectaires, mais il est important de comprendre pourquoi certains publics sont plus sensibles ou plus exposés à ce phénomène. Beaucoup d’associations et d’acteurs publics souhaitent mieux connaître les causes des dérives sectaires, ainsi que la répartition socioprofessionnelle et géographique des victimes. Ces informations accroîtraient l’efficacité des actions de prévention et de lutte que nous menons.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je ne vais pas m’étendre sur votre exposé sommaire, qui laissait entendre une responsabilité du Gouvernement dans la défiance qui s’est manifestée par exemple à l’égard des vaccins. Ce n’est pas le Gouvernement qui a fait la promotion des vaccins russes et cubains, dont l’efficacité scientifique n’était pas démontrée, au détriment des vaccins réellement efficaces.

Pour le reste, vous souhaitez un rapport sur les causes des dérives sectaires : c’est le rapport annuel de la Miviludes. Si vous souhaitez approfondir le sujet, n’hésitez pas à demander la constitution d’une mission d’information, voire d’une commission d’enquête. Défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Le terme de « vaccins » ne figure pas dans l’exposé sommaire. Personne d’autre que vous ne parle des vaccins cubains. Cela étant, je suis prêt à réécrire l’exposé sommaire en vue de la séance si le rapport que nous demandons vous inspire de l’intérêt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL97 de Mme Marie Pochon

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable, car l’objet du rapport demandé n’est pas suffisamment défini.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL76 de M. Éric Poulliat

M. Éric Poulliat (RE). Les dérives sectaires sont de plus en plus visibles dans le champ de la santé, en particulier de la santé mentale. Si l’article 5 du projet de loi traite de la santé somatique, il ne saurait répondre à lui seul à l’enjeu de la santé mentale. C’est pourtant un aspect majeur de la lutte contre la sujétion psychologique des personnes vulnérables. L’article 5 concerne les ordres dans le domaine de la santé – ce qui inclut les psychiatres –, des pharmaciens, des sages-femmes, des chirurgiens-dentistes, des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues. Or d’autres acteurs reconnus dans le domaine de la santé mentale, en particulier les psychologues, ne disposent pas d’un ordre. Afin d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la lutte contre les dérives sectaires, l’amendement demande un rapport sur la mise en œuvre des dispositions de la présente loi dans le domaine de la santé mentale.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je comprends votre objectif, mais la Miviludes est déjà chargée d’analyser et d’observer le phénomène des dérives sectaires. Par ailleurs, je crains que l’objet du rapport soit trop large et pèche par son imprécision. En particulier, je ne vois pas quelle disposition du projet de loi pourrait recevoir une application dans le domaine de la santé mentale. Pour ces raisons, je vous demande de retirer votre amendement.

La commission adopte l’amendement. L’article 8 est ainsi rédigé.


 

Titre

Amendement CL127 de Mme Brigitte Liso

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Je souhaite compléter le titre par les mots « et à améliorer l’accompagnement des victimes » afin de refléter plus fidèlement le contenu du projet de loi. En effet, certaines de ses dispositions permettront de mieux accueillir et accompagner les victimes et leur entourage, par exemple grâce à l’élargissement du champ des associations susceptibles de se constituer partie civile.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires (n° 2014) (Mme Brigitte Liso, rapporteure) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


   Personnes entendues

Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer

   M. Étienne Apaire, président

   M. Donatien Le Vaillant, chef

   Mme Audrey Keysers, adjointe au chef

   M. Vincent Ploquin, adjoint à la directrice

   M. Clément Rouchouse, sous-directeur des libertés publiques

   M. Pablo Rieu, chef du bureau des questions pénales

Ministère de la Justice

   Mme Élise Barbé, sous-directrice de la négociation et de la législation pénales

   Mme Mathilde Barrachat, ajointe au chef du bureau de la législation pénale spéciale

   Mme Julie SalenneBellet, rédactrice au sein du bureau de la législation pénale spéciale

Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités

   M. Laurent Butor, sous-directeur adjoint de la sous-direction de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins

   Mme Line Legrand, cheffe du bureau de la qualité des pratiques et recherches impliquant la personne humaine

   Mme Hélène Wulfman, sous directrice de la législation à la direction des affaires juridiques (DAJ)


Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique

   M. Philippe Guillermin, chef du bureau du droit de la consommation

   Mme Marianne Lefort, adjointe au chef du bureau duroit de la consommation

Ordres professionnels, associations et entreprises

Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM)

   Dr Claire Siret, présidente de la section santé publique

Conseil national de l’ordre des sages-femmes (CNOSF)

   Mme Marine Edelin, responsable juridique

   M. David Meyer, chef de cabinet

Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD)

   Dr Geneviève Wagner, vice-présidente

Conseil national de l’ordre des infirmiers (CNOI)

   M. Patrick Chamboredon, président

Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK)

   M. Jean-François Dumas, secrétaire général

   M. Pierre Degonde, conseil du CNOMK, directeur chez Euralia

Conseil national de l’ordre des pédicures-podologues (CNOPP)

   M. Éric Prou, président

   M. Guillaume Brouard, secrétaire général

   Mme Mélanie Lemeunier, directrice du département médico-légal

   Mme Camille Vaziaga, directrice des affaires publiques

   Mme Mathilde Daquin Le Corre, collaboratrice

   M. Ismail Mansouri, collaborateur

   M. Baptiste Garreau, coréférent de la commission soutien juridique

   M. David Malazoué, coréférent de la commission soutien juridique

Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (UNADFI)

   Mme Catherine Katz, présidente

Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection de l’individu (GEMPPI)

   M. Emmanuel Gautier Nguyen, juriste bénévole

Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (CAFFES)

   Mme Audrey Foulon, directrice

   Mme Florence Denis, chargée de projets

Centre contre les manipulations mentales (Centre Roger-Ikor) (CCMM)

   M. Francis Auzeville, président

   Mme Francine Caumel Dauphin, vice-présidente

   Mme Annie Guibert, trésorière

   M. Hugo Winkler, avocat

Collectif NoFakeMed

   Dr Pierre de Bremond d'Ars, président

Personnalités

   M. Rudy Reichstadt, directeur de l'Observatoire du conspirationnisme

   M. Tristan Mendès France, enseignant, chroniqueur, essayiste et réalisateur

   M. Julien Pain, journaliste et présentateur

   Mme Elena Vlad, ancienne adepte de la Nouvelle Acropole

   M. Grégoire Perra, ancien membre de la communauté anthroposophie

   Mme Rescourio et son fils Antoine

   Thérèse, Fraternité Saint Pie X

   Contribution écrite

 

 

 


([1]) Amendement CL102 de Mme Liso, rapporteure.

([2]) Décret n° 2002‑1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

([3]) Décret n° 98‑890 du 7 octobre 1998 instituant une mission interministérielle de lutte contre les sectes ; ce décret a été abrogé par l’article 7 du décret du 28 novembre 2002 précité créant la MIVILUDES.

([4]) Décret n° 2020‑867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002‑1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

([5]) Ministère de l’Intérieur et des outre-mer, Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, 9 et 10 mars 2023, page 5.

([6]) Assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires, document précité, pages 9 et 10.

([7]) Amendement n° COM13 de Mme Josende, rapporteure.

([8]) Amendement  9 rect. de M. Benarroche.

([9]) Amendement  13 rect. de M. Benarroche.

([10]) M. Georges Fenech, La justice face aux dérives sectaires, rapport de la mission confiée par le Premier ministre de réflexion et d’évaluation des dispositifs judiciaires de lutte contre les dérives sectaires, 11 juillet 2008. Il s’agissait de la préconisation n° 1.

([11]) M. Jacques Mézard, Rapport au nom de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, Sénat, session ordinaire de 2012‑2013,  480, 3 avril 2013, pages 172 à 174 et page 209. Il s’agissait de la proposition n° 4.

([12]) Amendement  30 du Gouvernement.

([13]) Loi n° 2001‑504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([14]) Amendements CL104, CL105, CL108 et CL109 de Mme Liso, rapporteure.

([15]) Amendement CL103 de Mme Liso, rapporteure.

([16]) Amendement CL106 de Mme Liso, rapporteure.

([17]) Conseil constitutionnel, décision  89262 DC du 7 novembre 1989, Loi relative à l’immunité parlementaire.

([18]) Amendement CL107 de Mme Liso, rapporteure.

([19]) Amendement CL64 de M. Dunoyer.

([20]) Ministère de l’Intérieur et des outre-mer, Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 20242027, novembre 2023, page 5.

([21]) Id., page 3.

([22]) Décret n° 2002‑999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance.

([23]) Loi n° 2007‑297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, article 1er – les dispositions relatives aux CLSPD figuraient alors dans le code général des collectivités territoriales.

([24]) Loi n° 2021‑646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, article 72.

([25]) Amendement  10 de M. Benarroche.

([26]) Ministère de l’Intérieur et des outre-mer, Stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires 20242027, novembre 2023, page 6.

([27]) Amendement CL110 de Mme Liso, rapporteure.

([28]) Défini par l’article 223‑15‑2 du code pénal comme un « groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ».

([29]) Loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, article 16.

([30]) Amendement n° COM14 de Mme Josende, rapporteure.

([31]) D’après les propos de Mme Delphine Guérard, psychologue et psychanalyste, experte près la cour d’appel de Paris, cité dans le rapport (Mme Lauriane Josende, Rapport sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, Sénat, session ordinaire de 2023-2024,  200, 13 décembre 2023, page 18).

([32]) Amendements CL111 de Mme Liso, rapporteure, et CL36 de M. Coulomme.

([33]) Loi n° 2001‑504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

([34]) M. Nicolas About, sénateur, et Mme Catherine Picard, députée.

([35]) Loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, article 16.

([36]) Étude d’impact, page 36.

([37]) Étude d’impact, page 41.

([38]) Étude d’impact, page 46.

([39]) Étude d’impact, pages 44 à 47.

([40]) Conseil d’État, 9 novembre 2023, Avis sur un projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et la répression des emprises mentales gravement dommageables,  407626, § 8, pages 2-3.

([41]) Conseil d’État, avis précité, § 8‑9, pages 2-3.

([42]) Amendement n° COM15 de Mme Josende, rapporteure.

([43]) Mme Lauriane Josende, Rapport sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, Sénat, session ordinaire de 2023-2024,  200, 13 décembre 2023, page 23.

([44]) Amendements CL112 de Mme Liso, rapporteure, CL69 de M. Pradal, CL72 de Mme Desjonquères, CL89 de M. Paris et CL91 de M. Delaporte.

([45]) Voir Conseil constitutionnel, décision  2014448 QPC du 6 février 2015, M. Claude A. [Agression sexuelle commise avec une contrainte morale], a contrario.

([46]) Étude d’impact, pages 71‑72.

([47]) Dans sa rédaction issue de l’article 1er du présent projet de loi.

([48]) Étude d’impact, page 75.

([49]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 11, page 3.

([50]) Amendement n° COM16 de Mme Josende, rapporteure.

([51]) Amendements CL113 de Mme Liso, rapporteure, CL28 de M. Delaporte, CL71 de M. Pradal, CL73 de Mme Desjonquères et CL90 de M. Paris.

([52]) Loi n° 2022‑92 du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, article 1er.

([53]) MIVILUDES, Rapport public sur les liens entre « thérapies de conversion » et dérives sectaires, 18 octobre 2021.

([54]) Id., page 11.

([55]) Id., page 9.

([56]) Amendement CL114 de Mme Liso, rapporteure.

([57]) Cette prolongation résulte d’article 10 de la loi n° 2021‑478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

([58]) Ce mécanisme a été introduit par le même article 10 de la loi du 21 avril 2021 précitée.

([59]) Loi n° 2023‑1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, article 25.

([60]) Amendement n°s COM18 de Mme Josende, rapporteure et COM5 rect. bis de Mme Delattre.

([61]) M. Georges Fenech, La justice face aux dérives sectaires, rapport de la mission confiée par le Premier ministre de réflexion et d’évaluation des dispositifs judiciaires de lutte contre les dérives sectaires, 11 juillet 2008. Il s’agissait de la préconisation n° 9.

([62]) Amendement CL67 de M. Paris.

([63]) Le second alinéa de l’article 227‑17 du code pénal assimile l’infraction qu’il prévoit à un abandon de famille pour priver, en application du 3° de l’article 373 du code civil, un parent de l’autorité parentale. Notons que cette hypothèse a été supprimée en 2002, la loi n° 2002‑305 du 4 mars 2002 ayant supprimé l’abandon de famille comme cause de privation de l’autorité parentale.

([64]) Loi n° 2007‑293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, article 36.

([65]) Rapport au nom de la commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs, Assemblée nationale, XIIe Législature,  3507, 12 décembre 2006, recommandation n° 33.

([66]) Amendement n° COM19 de Mme Josende, rapporteure.

([67]) Amendement CL118 de Mme Liso, rapporteure.

([68]) Amendement CL117 de Mme Liso, rapporteure.

([69]) Loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([70]) Amendement CL81 de M. Balanant.

([71]) Loi n° 2023‑1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, article 19.

([72]) Loi n° 2023‑23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat public électif victime d’une agression. Outre les associations d’élus, cette loi a également permis d’exercer les droits de la partie civile aux assemblées délibérantes et aux collectivités territoriales au titre de leurs membres.

([73]) Cf. exposé des motifs du projet de loi, page 5, et étude d’impact, page 25.

([74]) Conseil d’État, avis précité sur le projet de loi, § 12, page 4.

([75]) Amendement n° COM20 de Mme Josende, rapporteure.

([76]) Amendement CL121 de Mme Liso, rapporteure.

([77]) Amendements CL120 de Mme Liso, rapporteure, et CL15 de M. Gérard.

([78]) Amendements CL119 de Mme Liso, rapporteure, et CL14 de M. Gérard.

([79]) Amendement n° COM-21 de la rapporteure.

([80]) Amendements n° CL100, CL101, CL122, CL123 de Mme Liso, rapporteure..

([81]) Article L. 4161-1 du code de la santé publique (CSP).

([82]) Article L. 4161-2 du CSP.

([83]) Article L. 4161-3 du CSP.

([84]) Article L. 4223-1 du CSP.

([85]) Article L. 6242-2 du CSP.

([86])  Le diagnostic est défini comme l'acte par lequel un médecin, groupant les symptômes morbides que présente le malade, les rattache à une maladie ayant sa place dans le cadre nosologique (M. Garnier et J. Delamare, Dictionnaire illustré des termes médicaux, voir Diagnostic, 2017, cité dans Jean Penneau, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Médecine, médecins, juin 2022).

([87]) Le traitement peut être défini comme l'ensemble des moyens thérapeutiques et des prescriptions hygiéniques mis en œuvre dans le but de guérir une maladie (ibid., voir Traitement).

([88]) Il s’agit de l’arrêté du 6 janvier 1962 fixant liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins. Cet arrêté a été modifié à plusieurs reprises et en dernier lieu par un arrêté du 13 avril 2007.

([89]) Mentionné à l’article L. 4131-1 du CSP.

([90])   C’est ainsi qu’il a été jugé que le fait, après avoir obtenu par lettre des renseignements sur l'état de santé d'une personne, de lui formuler par le même moyen un diagnostic et d’établir, par direction suivie et à plusieurs reprises, des traitements constitue l’exercice illégal de la médecine (Cass. crim., 2 novembre 1971, n° 71-90.598).

([91]) Des ouvrages médicaux donnant des conseils d’ordre didactique ne sont pas susceptibles de constituer le délit d’exercice illégal de la médecine, à moins que l’ouvrage préconise une thérapeutique précise, pour certaines affections déterminées, nécessitant un appareil vendu par l'auteur, et dont l'application est contrôlée au cours de visites au moyen d'un «carnet de visite» (Cass. crim., 7 mars 1973, n° 72-92.468).

([92])  Il en est ainsi d’une personne prétendant traiter les «cas désespérés» ou les ondes négatives par ses pouvoirs divinatoires, magiques, des désenvoûtements ou exorcismes, et affirmant avoir soigné  un problème au mollet par magnétisme et électrothérapie ainsi que des problèmes de dos et de dépression en prescrivant des tisanes Fenioux ou en utilisant un tensiomètre et un "Dermopunctil" (Cass. crim., 28 janvier 2004, n° 03-80.930).

([93]) Par exemple, un «para-psychologue» prétendant guérir ses clients par des «passes magnétiques, appositions des mains, oscillations de pendules» ayant rédigé des ordonnances (Cass. crim., 25 avr. 1990,n° 87-81.583).

([94]) Il en est ainsi pour le «naturopathe» non médecin effectuant des actes médicaux, à savoir des injections, pratiquées dans des conditions d’hygiène insuffisantes (Cass. crim., 12 juin. 2019, n° 18-82.696).

([95]) Prévue par l’article 6313-1 du code du travail.

([96]) L’article L. 4211-1 du CSP détermine la liste des actes relevant du monopole pharmaceutique.

([97]) La vente d'une «cure de purification» s'inscrivant dans le cursus de la scientologie consistant notamment à alterner des séances de sauna et des prises de « vitamines » en quantité importante, constitue un exercice illégal de la pharmacie (Cass. crim., 16 octobre 2013, n° 03-83.910)

([98]) L’article L. 6211-7 du CSP confère au biologiste médical le monopole pour procéder à cet examen.

([99]) Ces peines complémentaires sont prévues à l’article L. 6242-4 du CSP.

([100]) Le second alinéa de l’article L. 132-2 du code de la consommation prévoit que le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires annuel ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Le taux peut être porté à 80 % pour certaines pratiques commerciales trompeuses lorsqu'elles reposent sur des allégations en matière environnementale.

([101]) Article L. 132-2-1 du code de la consommation.

([102]) Article L. 132-2-2 du code de la consommation.

([103]) Article L. 132-4 du code de la consommation.

([104]) Article L. 132-3 du code de la consommation.

([105]) Voir le commentaire de l’article 5 au sein du rapport n° 1674 de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (n°1514 rectifié).

([106]) Voir le tableau recensant les infractions concernées qui figure dans le commentaire de l’article 5, ibid.

([107]) Infraction prévue au II de l’article 4 de la loi n° 2023‑451 du 9 juin 2023 et punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende par le IX du même article.

([108])  Ce délai constitue une dérogation au troisième alinéa de l’article 702-1 du code de procédure pénale, qui prévoit qu’une telle demande ne peut être portée devant la juridiction compétente qu’à l’issue d’un délai de six mois après la décision initiale de condamnation.

([109]) Voir la page 14 de l’étude d’impact du projet de loi. L’étude d’impact souligne par ailleurs l’augmentation de la présence sur les réseaux sociaux des mineurs: en 2022, 28% des personnes âgées de 12 ans et plus ont passé au moins 8 heures par semaine à regarder des vidéos sur internet, ce pourcentage augmentant à 41,6 % pour la tranche d’âge des 12 à 39 ans (page 30).

([110]) Amendement n° COM-21.

([111]) Amendement n° 6.

([112]) Amendement n° 14.

([113]) Amendement n° COM-21.

([114]) Amendement n° 6.

([115]) Amendement n° 14.

([116]) Amendements CL100, CL101, CL122, CL123 de Mme Liso, rapporteure.

([117])  Amendements CL128 de Mme Liso, rapporteure, et CL47 de Mme Rist.

([118]) Rapport d’activité de la MIVILUDES pour l’année 2021, pages 21et 22.

([119]) Étude d’impact du projet de loi, page 19.

([120]) Rapport d’activité de la MIVILUDES pour l’année 2021, page 22.

([121]) Selon l’étude d’impact du projet de loi, 25 % de la MIVILUDES en 2021 concernent le domaine de la santé (soit 1011 saisines sur un total de 4020), pages 26 et 72.

([122]) Rapport d’activité de la MIVILDUES pour l’année 2021, pages 90 à 98.

([123]) Cette méthode a été promue par le Dr. Hamer qui a été condamné en Allemagne puis en France à trois ans d’emprisonnement par la Cour d’appel de Chambéry le 1er juillet 2004 pour escroquerie et complicité d’exercice illégal de la médecine (ibid. page 91).

([124]) Cette pratique est notamment promue par Thierry Casasnovas, aujourd’hui mis en examen pour des faits d’abus confiance et d’exercice illégal de la médecine (voir page 72 de l’étude d’impact du projet de loi et page 95 du rapport d’activité de la MIVILUDES pour l’année 2021).

([125]) Rapport du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) sur les pratiques de soins non-conventionnelles et leurs dérives, page 29.

([126]) L’infraction est constituée en cas d’abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

([127]) Ces faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 357 000 euros d’amende. Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 750 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à un million d’euros d’amende lorsque les faits sont commis en bande organisée par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités.

([128]) Voir la présentation de ces infractions dans le commentaire de l’article 4 A.

([129])  Dans le cadre d’un « colloque singulier », expression qui désigne en médecine la principale modalité de la relation directe qui existe entre le médecin et son patient.

([130]) Par exemple, des ouvrages médicaux donnant des conseils d’ordre didactique ne sont pas susceptibles de constituer le délit d’exercice illégal de la médecine, à moins que l’ouvrage préconise une thérapeutique, précise, pour certaines affections déterminées, nécessitant un appareil vendu par l'auteur, et dont l'application est contrôlée au cours de visites au moyen d'un «carnet de visite» (Cass. crim., 7 mars 1973, n° 72-92.468).

([131]) Étude d’impact du projet de loi, page 75.

([132]) Voir la présentation de cette infraction dans le commentaire de l’article 4 A.

([133]) L’infraction est constituée par le fait, pour quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne, de s’abstenir volontairement de le faire. L’infraction est également constituée par le fait, pour quiconque, de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. Les faits sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans.

([134]) Le délit est constitué par le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. L’infraction est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

([135]) Étude d’impact du projet de loi, page 76.

([136]) Les faits sont constitués par le délaissement, en un lieu quelconque, d'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique. Ils sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. La peine est portée à quinze ans de réclusion criminelle lorsque les faits ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. La peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle lorsque les faits ont provoqué la mort.

([137]) Cass. crim., 23 février 2000,n° 99-82.817.

([138]) Cass. crim., 23 mai 2018, n° 17-84.067.

([139])  Ces infractions peuvent être définies comme celles qui sanctionnent « un comportement dangereux susceptible de produire un résultat dommageable ou d'être suivi d'autres comportements pouvant produire un tel résultat » (F. Desportes, F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, septembre 2008).

([140]) Dans la majorité des cas, les infractions de provocation sont celles qui incitent autrui à commettre un acte en lui-même illicite. De manière moins fréquente, certaines infractions sanctionnent la provocation visant à inciter autrui à commettre un acte licite, mais qui apparaît contraire à ses intérêts. C’est par exemple le cas de la provocation à l’abandon d’un enfant né ou à naître (réprimé par l’article 227-12 du code pénal), de l’exploitation de la prostitution d’autrui, qui constitue une forme de proxénétisme (le 3° de l’article 225-5 du code pénal réprime le fait d’entraîner une personne en vue de la prostitution), ou encore de l’exploitation de la mendicité (le 4° de l’article 225-12-5 du code pénal réprime notamment le fait d’entraîner à des fins d’enrichissement personnel une personne en vue de la livrer à l’exercice d’un service moyennant un don sur la voie publique).

([141]) Cette infraction est issue de la loi n° 87-1133 du 31 décembre 1987 tendant à réprimer la provocation au suicide, adoptée à la suite de la publication, en 1982, de l’ouvrage « Suicide mode d’emploi » de Claude Guillon et Yves le Bonniec qui contenait des méthodes exposant les manières de se donner la mort. Un jeune homme avait mis en pratique ces méthodes pour se donner la mort, après avoir fait part de ses intentions par courrier à l’un des auteurs du livre. Yves le Bonniec a été condamné pour défaut d’assistance à personne en péril (Cass. crim., 26 avril 1988, n° 87-82.011).

([142]) Ainsi, la provocation est caractérisée lorsque l’auteur des faits laisse de nombreux messages vocaux incitant son ancienne compagne à mettre fin à ses jours (CA Paris, 9 avril 2009, n° 08/02756, JurisData n° 2009-000603 ). Le délit est également constitué lorsque l’auteur fournit des conseils précis sur les méthodes à mettre en œuvre pour se suicider lors de nombreux échanges par messagerie internet et SMS (CA Rennes, 22 juin 2010, n° 09/02394, JurisData n° 2010-013724).

([143]) Selon la réponse du ministre de la justice à la question écrite n° 42543 du 2 septembre 1996.

([144]) Ainsi, il a pu être considéré que la seule remise d'un couteau à une personne, en la défiant de s'en servir, ne comportait aucun caractère contraignant ou convaincant de nature à paralyser sa volonté, ce geste pouvant avoir un effet dissuasif chez une personne qui s’en était tenue jusque-là au stade des paroles (TGI Lille, 5 avril 1990).

([145]) Amendement COM-22.

([146]) Amendement COM-1.

([147]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi, parag. 16.

([148]) Le Conseil d’État rappelle ainsi dans son avis qu’«  […] il convient de garantir un équilibre entre ces droits constitutionnels, afin, notamment, de ne pas remettre en cause, par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte. [Le Conseil d’État] estime qu’en tant qu’elles viseraient à empêcher la promotion de pratiques de soins dites « non conventionnelles » dans la presse, sur internet et les réseaux sociaux, de telles dispositions constituent une atteinte portée à l'exercice de la liberté d'expression […]. Or une telle atteinte doit être nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi, y compris s’agissant de la libre communication des pensées et des opinions au moyen de services de communication au public en ligne […]. Alors même que la légitimité de l’objectif poursuivi par le projet de loi est incontestable, le Conseil d’État constate qu’il ne lui a pas été loisible, dans le délai imparti pour l’examen du texte, d’élaborer une rédaction tenant compte de ces critiques. Il propose donc de ne pas retenir les dispositions en cause. », ibid.

([149]) Amendement n° 23.

([150]) Voir le rapport n°200 de Mme. Lauriane Josende fait au nom de la commission des Lois du Sénat, page 39.

([151]) Amendements CL128 de Mme Liso, rapporteure, et CL47 de Mme Rist.

([152]) La numération initiale de cet article était 11-2-1 du code de procédure pénale.

([153]) Amendement CL124 de Mme Liso, rapporteure.

([154]) Frédéric Desportes, JurisClasseur Procédure pénale, « Secret de l’instruction », 1er janvier 1998, § 6 et 7. Voir également le commentaire aux cahiers de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-693 QPC du 2 mars 2018, pages 1 à 2.

([155]) À titre d’exemple, l’article L. 101 du livre des procédures fiscales impose à l’autorité judiciaire de communiquer à l’administration des finances toute indication qu'elle recueille, à l'occasion de toute procédure judiciaire, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manœuvre quelconque ayant eu pour objet ou pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt.

([156]) Conformément au III de l’article 11-2 du  CPP, lorsque le tribunal a exclu expressément la mention de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l’article 775-1 du CPP, le ministère public ne peut pas communiquer ces condamnations.

([157])              Cela a été rappelé par la circulaire du ministre de la justice du 4 août 2016 de présentation des dispositions de procédure pénale de la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs et de son décret d’application n° 2016-612 du 18 mai 2016 (page 2).

([158]) La violation de ce secret constitue le délit prévu à l’article 226-13 du code pénal et est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

([159]) La liste de ces infractions est prévue au II de l’article 706-47-4 du CPP : il s’agit de crimes et délits qui sont notamment susceptibles d’être commis sur des mineurs.

([160])  En application du 12° bis de l’article 138 du CPP, le juge d’instruction peut en effet assortir le contrôle judiciaire de l’obligation de ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise.

([161]) L’étude d’impact précise que les ordres des professionnels de santé sont « très régulièrement amenés à prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre de praticiens qui se sont livrés à des pratiques déviantes, dont certaines peuvent revêtir les caractéristiques d’une dérive sectaire » (page 21).

([162]) Ces ordres professionnels constituent des institutions de droit privé chargées d’une mission de service public. Il s’agit du conseil national de l’ordre des médecins (articles L. 4121-1 et suivants du CSP), de l’ordre national des pharmaciens (articles L. 4231-1 et suivants du CSP), du conseil national de l’ordre des sages-femmes (articles L. 4152-1 et suivants du CSP), de l’ordre national des chirurgiens-dentistes (articles L. 4142-1 et suivants du CSP), de l’ordre national des infirmiers (articles L. 4312-1 et suivants du CSP), de l’ordre national des masseurs-kinésithérapeutes (articles L. 4321-13 et suivants du CSP), et de l’ordre national des pédicures-podologues (articles L. 4322-6 et suivants du CSP) (selon la liste qui figure en page 94 de l’étude d’impact au projet de loi).

([163]) Ces infractions sont prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal.

([164])  Ces infractions sont prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique.

([165]) Ces infractions sont prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation.

([166])  En application du 12° de l’article 138 du CPP, le juge d’instruction peut en effet assortir le contrôle judiciaire de l’obligation de ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise.

([167]) En application du 12° bis de l’article 138 du CPP, le juge d’instruction peut en effet assortir le contrôle judiciaire de l’obligation de ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise.

([168]) Au II de l’article 11-2 du CPP.

([169]) Au III de l’article 11-2 du CPP.

([170]) Au IV de l’article 11-2 du CPP.

([171]) Au V de l’article 11-2 du CPP.

([172])  Amendement CL124 de Mme Liso, rapporteure.

([173]) Amendement CL125 de Mme Liso, rapporteure..

([174])  S. Guinchard, Lexique de termes juridiques 2021-2022, Dalloz 2021, V. Amicus curiae.

([175]) La Cour de cassation a notamment pu solliciter l’avis de sachants avant de se prononcer sur des questions de droit soulevant des enjeux importants. Cela a notamment été le cas dans une affaire dans laquelle l’Assemblée plénière de la Cour était amenée à se prononcer sur l’application de l’incrimination d’homicide involontaire prévue à l’article 221-6 du code pénal au cas de l’enfant à naître. Dans son rapport, M. Sargos, conseiller rapporteur, explique qu’en raison des « difficultés d’ordre non seulement juridique, mais également médical, sociologique, éthique et philosophique » que le litige soulevait, « il a été décidé […] de demander l’avis d'une part, de l'Académie nationale de médecine, d'autre part de personnalités, parmi lesquelles ont bien voulu répondre le doyen Carbonnier, Mme Delmas-Marty, Mme Danielle Mayer, M. Jean Michaud » (voir le point 9 du rapport de M. Sargos sur l’arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 29 juin 2001,  99-85.973).

([176]) L’article L. 462-3 du code de commerce prévoit ainsi la consultation de l’Autorité de la concurrence par les juridictions sur certaines pratiques anticoncurrentielles.

([177]) À titre d’exemple, le Cour de cassation a considéré que la recherche du taux d’alcoolémie n’était pas une expertise mais une simple constatation dans la mesure où aucune interprétation des résultats n’était demandée (Cass. crim., 2 septembre 1986, n° 86-03.266).

([178]) Sur ce point, la jurisprudence semble considérer que l’expertise « appelle non seulement une constatation mais une réponse reposant sur une interprétation » (L. Leturmy, « De l’enquête de police à la phase exécutoire du procès : quelques remarques générales sur l’expertise pénale », AJ pénal 2006, page 58).

([179]) Voir notamment C. Coslin et D. Lapillonne, « Quel futur pour l' amicus curiae en France ? », Gaz. Pal. 8 janvier 2013, n° 112r2.

([180]) Les témoins sont tenus de prêter serment avant d’être entendu par le tribunal (article 446 du CPP) ou le juge d’instruction (article 103 du CPP).

([181])  En application des articles 160 et 168 du code de procédure pénale.

([182]) L’article 1er du présent projet de loi introduit un nouvel article 223-15-3 au sein du code pénal pour réprimer de manière autonome le fait de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique.

([183]) Nouvelle circonstance aggravante générale créée par l’article 2 du projet de loi.

([184]) Voir les pages  110 à 111 de l’étude d’impact.

([185]) Cette mission est prévue par le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

([186]) Avis du Conseil d’État sur le projet de loi, parag. 20.

([187]) Amendement COM-23.

([188]) Amendement COM-24.

([189]) Amendement CL125 de Mme Liso, rapporteure.

([190]) Amendement CL85.

([191]) Amendement CL126 de Mme Liso, rapporteure..

([192])  Dans sa décision rendue en Assemblée le 9 février 1990, « Élections municipales de Lifou ».

([193])               Cette pratique consiste à insérer dans une législation une disposition la déclarant applicable « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du  » avec une référence au texte opérant cette extension. Cette référence servira de « compteur », par la référence au texte modificatif lors de chaque modification ultérieure de cette législation. De tels compteurs son parfois codifiés et mis à jour en fonction des modifications législatives intervenues. Cette technique de rédaction est désignée sous le nom de « compteur Lifou ».

([194]) Prévu à l’article 711-1 du code pénal.

([195]) Prévu à l’article 804 du code de procédure pénale.

([196]) Amendement de la rapporteure COM-25.

([197]) Amendement 22.

([198]) Amendement CL126, de Mme Liso, rapporteure.

([199]) Amendement CL76.