N°2202

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
pour louer en toute confiance (n° 2057)

PAR M. Stéphane Delautrette

Député

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 Voir le numéro : 2057.


 SOMMAIRE 

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Pages

avant-propos

commentaire DES ARTICLES

Article 1er (article 24-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation) Rétablissement de la garantie universelle des loyers

Article 2 Gage

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

 


 

   avant-propos

Comme l’indique le 29ème rapport sur L’état du mal-logement en France publié par la Fondation Abbé Pierre en janvier 2024, la bombe sociale du logement a explosé : saturation du parc d’hébergement, croissance exponentielle du nombre de demandeurs d’un logement social, pénurie sur le marché locatif, chute de la production neuve, etc.

En l’absence d’une réponse structurelle apportée par le Gouvernement à cette crise plurifactorielle, le Parlement s’est emparé de la question du logement pour tenter d’apporter des réponses concrètes : l’adoption, en première lecture à l’Assemblée nationale, de la proposition de loi n° 1176, visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, doit permettre de lutter contre l’attrition des logements destinés à la résidence principale, dont un nombre important a été transformé en locations saisonnières de courte durée pour des raisons fiscales, mais aussi par peur des locations de longue durée.

Quoiqu’obéissant à une problématique distincte, la présente proposition de loi poursuit un objectif similaire à la précédente : détendre le marché locatif en visant cette fois à sécuriser la relation contractuelle qui lie le bailleur au locataire. Permettre de consolider le lien de confiance entre le bailleur et le locataire pour le paiement du loyer est essentiel.

Subir un impayé de loyer peut être extrêmement pénalisant pour un propriétaire bailleur, notamment les plus fragiles qui sont souvent les moins armés pour engager des procédures permettant de recouvrer les loyers impayés. La réalité montre que les impayés de loyer sont un phénomène très marginal. Le nombre de locataires en situation d’impayés est faible, voire très faible – il oscille entre 1 % et 3 % du total des locataires selon les estimations.

Le taux d’impayés de loyer : une évaluation complexe pour la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP)

Il n’existe aucune série statistique relative aux impayés de loyers en France, faute d’outil permettant de collecter ces données auprès de l’ensemble des bailleurs.

L’observatoire national des impayés locatifs et de charges créé en 2020 à la faveur de la crise sanitaire recense, auprès de l’ensemble des partenaires concernés, des tendances trimestrielles basées sur des enquêtes qualitatives réalisées au sein de chaque fédération d’acteurs avec leurs propres indicateurs (bailleurs sociaux, agences immobilières, propriétaires individuels, collectivités, associations d’aide aux locataires).

L’administration centrale dispose d’une série statistique relative au nombre de procédures judiciaires d’expulsion locative engagées par les bailleurs sur le motif de l’impayé locatif, mais celles-ci ne correspondent qu’à une fraction du nombre d’impayés locatifs annuel en France.

À titre d’ordre de grandeur, le nombre d’impayés locatifs est estimé chaque année par la DHUP à 1 % du parc locatif français, parmi lesquels 500 000 font l’objet d’un commandement de payer délivré par un commissaire de justice et 145 000 d’une assignation en justice aux fins de résiliation du bail sur ce motif.

Par ailleurs, les données de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) sur les foyers bénéficiaires d’une aide au logement en situation d’impayés de loyers permettent de donner une tendance de l’évolution des locataires en situation d’impayé.

Source : Caisse nationale des allocations familiales.

Mais si le phénomène est marginal, ses conséquences peuvent ne pas être négligeables : la crainte de l’impayé constitue ainsi un obstacle psychologique important à la mise en location d’un logement par un propriétaire individuel. Une telle crainte peut conduire à aggraver la vacance structurelle.

Une enquête destinée à comprendre les freins et motivations à la remise sur le marché d’un logement vacant réalisée auprès de propriétaires de 1 765 logements en septembre 2022 indique que 9 % des propriétaires de biens refuseraient de mettre leur bien en location en raison d’une mauvaise expérience locative, d’une crainte d’impayés ou de difficultés à expulser le locataire en cas de dégradation du bien. Par ailleurs, 11 % des propriétaires maintiendraient leur logement vacant par préférence ou par spéculation, ce taux pouvant correspondre à des propriétaires pour qui la location est trop risquée. Remettre sur le marché 10 % de logements vacants du fait des craintes du propriétaire bailleur concernant la relation locative, doit être une priorité : c’est remettre plus de 300 000 logements sur le marché.

Mais au-delà de la question des logements vacants, les craintes d’impayés de loyer font peser une charge de plus en plus lourde sur les locataires, qui subissent un durcissement des exigences des propriétaires : cautions multiples, garantie privée de loyers impayés (GLI), dépôt de garantie, niveau élevé de revenu exigé. Et ce, alors même que la solidité juridique de ces protections est parfois incertaine : il n’existe aujourd’hui ainsi pas de limites au nombre de baux pouvant être cautionnés par une même personne. La « sursélectivité » des bailleurs conduit les locataires à tout faire pour obtenir un logement, y compris parfois en falsifiant des documents au cœur de la relation contractuelle (fiche d’imposition, fiches de paie). Plus encore, elle exclut du marché du logement les publics les plus fragiles, qui auraient le plus besoin d’être soutenus (étudiants, intérimaires, personnes aux revenus faibles et dépourvues de garant), et renforce les phénomènes de discrimination ([1]).

La garantie universelle des loyers constitue précisément une réponse opposée à celle proposée par la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, qui traite la question des loyers impayés uniquement sous le prisme répressif. Créée par l’article 23 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur » ([2]), la garantie universelle des loyers (GUL) remplace alors la garantie des risques locatifs (GRL) ([3]) qui ne donne pas satisfaction, ne parvenant pas à assurer aux propriétaires leur sécurisation ni à compenser les difficultés d’accès au parc locatif des ménages les plus fragiles : seuls 223 000 lots sont en cours de garantie à la fin de l’année 2012, distribués par cinq assureurs de taille modeste : l’échec des dispositifs de GRL est alors clairement lié, selon les acteurs de l’époque, à leur absence d’universalité et à l’incapacité du marché à gérer un tel dispositif de solidarité.

Alors que la garantie universelle était supposée entrer en vigueur le 1er janvier 2016, aucun décret d’application permettant sa mise en œuvre n’a été publié. La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan », acte la suppression du dispositif ([4]) : la GUL est remplacée par la garantie « Visa pour le logement et l’emploi » (Visale), opérée par l’Association pour l’accès aux garanties locatives du groupe Action Logement à partir de janvier 2016.

Visale est un dispositif prometteur qui monte en puissance. Il permet de compléter utilement l’offre des assureurs privés, dont les garanties des loyers impayés sont réputées coûteuses et excluant du logement les publics les plus fragiles. Mais le caractère ciblé du dispositif n’est pas satisfaisant :

– le public cible de Visale est trop restreint, la garantie n’étant pas ouverte aux retraités, aux personnes en recherche d’emploi – qui sont, par nature, celles qui doivent être le plus aidées – ou aux fonctionnaires. L’ouverture aux indépendants et aux saisonniers, promise en 2023, n’est toujours pas actée ;

– Action Logement, qui opère la garantie via l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL), n’est pas incitée à développer ce dispositif, du fait de son coût mais aussi parce que les salariés constituent normalement le public prioritaire devant bénéficier du produit de la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec) ;

– l’accompagnement social visant au relogement du locataire en situation d’impayé, au cœur du projet initialement envisagé par l’article 23 de la loi Alur, est absent des missions de l’APAGL, alors qu’il doit constituer une priorité politique, pour des motifs à la fois d’efficacité (une prise en charge en amont des locataires en difficulté est moins coûteuse que de gérer a posteriori des situations de détresse sociale : hébergement d’urgence, nuits hôtelières) et d’humanité ;

– l’absence d’universalité de la garantie Visale constitue plus souvent un stigmate qu’un outil de « discrimination positive » pour les locataires les moins favorisés qui en bénéficient. Pour de nombreux bailleurs, la garantie Visale est synonyme de locataire en difficulté et il sera toujours préférable de louer à une personne bénéficiant d’un ou plusieurs garants. Les professionnels de l’immobilier (en cas de location intermédiée) auront, quant à eux, toujours intérêt à privilégier les assurances privées (GLI) dont les critères sont renforcés. Pour preuve, si 2,7 millions de visas ont été certifiés (78,7 % des demandes) depuis janvier 2016, seul 1,2 million a donné lieu à l’émission d’un contrat Visale : en d’autres termes, moins de la moitié des visas (45,7 %) ont donné lieu à la délivrance de la garantie. On peut en déduire que, dans une majorité des cas, le propriétaire bailleur n’a pas souhaité louer son bien à une personne ayant fait de la garantie Visale un atout pour son dossier de locataire.

L’instauration d’une véritable garantie universelle des loyers, automatique et ouverte à tous, mise en œuvre par un établissement public doté de larges prérogatives de puissance publique pour contraindre les locataires de mauvaise foi à payer leur loyer et accompagner ceux qui sont en difficulté, est donc plus que jamais un débat d’actualité.


   commentaire DES ARTICLES

Article supprimé par la commission

 

Le présent article propose de rétablir le dispositif de la garantie universelle des loyers, dans une version simplifiée du dispositif tel qu’adopté à l’article 23 de la loi Alur.

  1.   La Garantie universelle des loyers : un dispositif déjà voté mais jamais appliqué
    1.   Le dispositif de la loi ALUR

L’article 23 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », a instauré la garantie universelle des loyers (GUL) en remplacement de la garantie universelle des risques locatifs (GRL), pour les contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2016.

La volonté de Mme Cécile Duflot, ministre en charge du logement à cette époque, est alors de créer une véritable « sécurité sociale de la location ». Il s’agit non seulement de garantir le propriétaire contre le risque d’impayé, mais aussi de mettre en œuvre un nouvel accompagnement social visant à prendre en charge le plus en amont possible les cas d’impayés : un impayé menace un ménage d’expulsion, mais prive aussi un bailleur de ressources financières, qui peuvent être essentielles pour les plus petits propriétaires. La GUL ne doit s’appliquer qu’au parc locatif privé, les logements conventionnés appartenant à des bailleurs sociaux ou gérés par ceux-ci étant exclus de son régime.

  1.   La création d’un établissement public doté de prérogatives de puissance publique et secondé par des centres de gestion agréés

Le dispositif de la loi Alur prévoit la création d’une Agence de la garantie universelle des loyers sous forme d’un établissement public administratif, chargé de préfigurer et mettre en place la GUL ainsi que d’agréer les centres de gestion chargés de la mise en œuvre de la garantie. Cet établissement, doté de prérogatives de puissance publique élargies, a notamment vocation à :

– assurer l’indemnisation d’un propriétaire subissant un impayé de loyer ;

– définir et mettre en œuvre des mesures d’accompagnement social pour les locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la GUL ;

– se retourner vers le locataire en situation d’impayé pour récupérer l’aide versée au propriétaire. En effet, l’aide reçue au titre de la garantie ouvre droit à un recours subrogatoire contre le locataire défaillant. L’agence dispose de la faculté de ne pas exercer une « partie ou la totalité de ses droits si elle juge que la situation d’impayés est principalement due aux graves difficultés économiques et sociales du locataire ». Le recouvrement des créances au profit de l’agence est effectué par l’État ;

– prononcer des sanctions à l’égard des propriétaires bailleurs ayant bénéficié d’une aide par voie de fraude ;

– mettre en place, à titre complémentaire, un dispositif d’aide pour les frais contentieux, au bénéfice des bailleurs, et pour les dégradations locatives des logements, au bénéfice des organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale ;

– agréer et assurer le financement des organismes (« centres de gestion agréés ») chargés de la mise en œuvre de la GUL et gérer, pour leur compte, les aides aux bailleurs, que différents acteurs du logement pourraient financer sur leur budget propre. Ces centres de gestion ont pour missions d’assister les bailleurs dans leurs demandes de garantie, d’instruire les dossiers d’impayés de loyer et les demandes d’aides, de proposer un plan d’apurement au locataire, ainsi que d’identifier et d’orienter les locataires en situation d’impayés vers un accompagnement social.

L’article 23 de la loi Alur prévoit également la gouvernance et la composition du conseil d’administration de l’Agence, ainsi que les différentes ressources pouvant être mises à sa disposition :

– les contributions et subventions de l’État, de ses établissements publics, de l’Union européenne, des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics, de la participation des employeurs à l’effort de construction ainsi que de toute autre personne morale publique ou privée ;

– les recettes fiscales affectées par la loi ;

– les emprunts et le produit des placements financiers que l’Agence est autorisée à faire ;

– le produit des dons et legs ;

– les recettes accessoires, et notamment la rémunération des services rendus aux tiers, dans des conditions fixées par le conseil d’administration.

  1.   L’indemnisation du propriétaire bailleur prend la forme d’une « aide » dont les critères doivent être fixés par décret

L’indemnisation du propriétaire, qui subit un impayé de loyer, prend la forme d’une « aide », versée dans la limite d’un plafond modulé en fonction de la localisation du logement, de sa catégorie et de sa surface et des caractéristiques du locataire (aide majorée lorsque le locataire est un étudiant, un apprenti ou un salarié qui ne dispose pas d’un contrat à durée indéterminée) et sous condition d’un montant minimal d’impayés. L’ensemble de ces paramètres sont définis par décret. Les charges locatives sont également compensées. L’aide est versée après application d’une franchise et un délai de carence qui doit être fixé par voie réglementaire. Une durée limite d’indemnisation doit également être prévue.

En cas de négligence du propriétaire ou de déclaration tardive des impayés de loyers, l’aide peut également être minorée ou supprimée.

  1.   Une garantie universelle, facultative et soumise à condition

Le bénéfice de la garantie universelle des loyers est encadré :

 le loyer ne peut pas représenter plus de la moitié des ressources du locataire à la date de conclusion du contrat de location ;

– le bénéfice de la garantie est conditionné à l’absence de cautionnement prévu par l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 et d’une garantie locative pour impayés octroyée par un assureur privé, en particulier pour faciliter l’accès au logement des étudiants, des jeunes et des personnes aux revenus modestes ou précaires.

D’autres conditions sont prévues comme l’impossibilité, pour les propriétaires de logements insalubres ou pour les locataires ayant contracté une dette créée ou augmentée depuis moins de deux ans vis-à-vis de l’Agence de garantie universelle de loyers, de bénéficier du dispositif.

Même s’il nécessite une inscription administrative, le bénéfice de la garantie universelle est de droit : le contrat de bail doit mentionner explicitement le renoncement au bénéfice de cette garantie pour ne pas y être soumis.

  1.   Un coût envisagé modeste

La mission confiée conjointement à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable évaluait, dans son rapport de mars 2013, à 700 millions d’euros le besoin de financement d’une garantie universelle des loyers étendue à 91 % du parc privé.

Pour cette estimation, la mission a retenu comme hypothèse principale un taux de sinistralité sur l’ensemble du parc locatif privé de 2,5 %. Elle se base sur un loyer moyen à 650 euros (charges quittancées), une durée des sinistres de huit mois en moyenne, des coûts de gestion de 862 euros par dossier et un taux de recouvrement de 7,5 %. Dans cette hypothèse, il s’agirait de traiter chaque année environ 125 000 dossiers. Ces taux d’impayés et de recouvrement paraissent raisonnables et reposent sur un objectif de maintien dans les lieux des locataires en situation d’impayés.

Le même rapport proposait d’autres hypothèses, dans lesquelles le coût de la garantie était moindre du fait d’une action proactive de l’Agence pour récupérer les loyers impayés et d’un accompagnement social et juridique limité des bailleurs et des locataires.

In fine, le coût de la garantie universelle des loyers selon les différents paramètres (niveau maximum de taux d’effort, traitement social et relogement des locataires, financement des frais judiciaires) était estimé entre 245 millions d’euros et 773 millions d’euros.

  1.   Le remplacement de la garantie universelle par le dispositif VISALE

La garantie universelle des loyers n’a jamais été mise en œuvre. Ce n’est pas tant la faisabilité technique et juridique du dispositif ainsi que son opportunité qui ont été remises en cause, que le financement dédié et prévu pour l’indemnisation des propriétaires et l’accompagnement des locataires, à savoir une nouvelle taxe sur les loyers dont le taux devait avoisiner 1,5 %.

En lieu et place de la garantie universelle a été créée la garantie Visale, caution gratuite apportée, gérée et financée par Action Logement. Elle permet de prendre en charge les impayés de loyer et charges, les détériorations locatives et les démarches de recouvrement par un réseau de professionnels, du traitement amiable à l’expulsion. Action Logement réalise l’ensemble des démarches de recouvrement, amiables ou contentieuses, et le service est entièrement dématérialisé.

Visale est ouvert dans l’ensemble du territoire métropolitain ainsi que dans les départements et régions d’Outre-mer (Réunion, Guyane, Martinique, Guadeloupe et Mayotte).

 

Le dispositif Visale en pratique

Pour le locataire

Via un compte personnel sur le site Visale.fr, le candidat locataire demande un visa. Si le visa est accordé, ce document est à joindre à son dossier de candidature afin de le présenter au bailleur. Ce visa permet de justifier auprès du bailleur l’éligibilité au dispositif Visale. Après signature d’un bail et en cas d’impayé de loyer ou de détérioration locative, toutes les actions de recouvrement engagées par Action Logement sont réalisées auprès du locataire par ce compte personnel.

Pour le bailleur

Via un compte personnel sur le site Visale.fr, le bailleur peut obtenir un contrat de cautionnement afin de signer le bail avec le (les) locataire(s) ayant fourni un visa. Après signature du bail et entrée du locataire dans le logement, le bailleur doit déclarer les impayés de loyer ou les détériorations locatives subis au moyen de ce compte, afin d’obtenir rapidement une indemnisation.

  1.   Un public cible plus restreint

La convention État-Action Logement du 24 décembre 2015 prévoit la mise en place d’un dispositif permettant de « sécuriser les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail, y compris mission d’intérim, ou par promesse d’embauche, hors contrat à durée indéterminée confirmé, d’une entreprise du secteur assujetti (secteur privé hors agricole) et entrant dans un logement du parc locatif privé ». La convention prévoit également que ce dispositif bénéficie, par extension, à l’ensemble des jeunes salariés de moins de 30 ans du secteur assujetti, ainsi qu’aux ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative (logement en mandat de gestion ou dans un dispositif de location – sous-location) via un organisme agréé dans les conditions prévues à l’article L. 365-4 du code de la construction et de l’habitation.

Le public éligible à la garantie Visale a été élargi à plusieurs reprises pour toucher aujourd’hui :

– la totalité des jeunes de 18 ans à 30 ans ;

– les locataires titulaires d’un bail mobilité (ouvert aux personnes en formation professionnelle, en études supérieures, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique, en mutation professionnelle ou en mission temporaire) ;

– les ménages s’installant dans un logement via un organisme agréé ;

– les salariés ayant un revenu inférieur à 1 500 euros nets, ce plafond n’ayant pas été modifié depuis 2016 ;

 les salariés de plus de 30 ans, venant du secteur privé ou du secteur agricole, entrant dans l’emploi avec un contrat précaire (CDD, intérim, promesse d’embauche ou CDI en période d’essai) dans un logement locatif privé, jusqu’à six mois après la prise de fonction.

Parmi les personnes de plus de 30 ans, le dispositif n’est donc pas ouvert aux agents publics, aux indépendants et aux saisonniers (une ouverture du dispositif est aujourd’hui à l’étude pour ces deux publics), aux salariés touchant plus de 1 500 euros par mois, aux personnes sans emploi et aux retraités. Les baux intergénérationnels et les baux glissants (dans le cadre d’une intermédiation locative) ne sont pas encore concernés même si une extension est à l’étude.

Comparativement aux locataires du parc privé, les bénéficiaires Visale sont en proportion plus jeunes (92 % ont 30 ans, contre 28 % dans le parc privé au niveau national). Ils ont un loyer, charges comprises, plus faible (484 euros et 612 euros hors étudiants, contre 670 euros au niveau national). Le taux d’effort des bénéficiaires Visale hors étudiants est identique à celui observé au niveau national (34 %).

Au regard des critères de solvabilité des publics privilégiés par le marché, à savoir la stabilité professionnelle (CDI confirmé) et un taux d’effort inférieur à 33 %, les bénéficiaires de la garantie Visale sont en quasi-intégralité hors marché (81 % sont sans stabilité professionnelle et 78 % ont un taux d’effort supérieur à 33 %).

  1.   Une garantie sous condition

Le dispositif Visale prend la forme d’un contrat de cautionnement dans lequel Action Logement s’engage à payer au bailleur les loyers et charges récupérables non payées par son locataire, dans la limite d’un plafond fixé à 1 500 euros en Île-de-France et 1 300 euros pour le reste du territoire. Ces plafonds n’ont pas été modifiés depuis la création du dispositif en 2016. Pour les étudiants et alternants sans justification de ressources, le loyer maximum est fixé à 800 euros en Île-de-France et 600 euros dans le reste du territoire.

La couverture comprend 36 mois de loyers maximum dans le parc privé et 9 mois dans le parc social. Visale couvre, par ailleurs, les dégradations locatives pour les logements relevant du parc locatif privé. Les frais de remise en état, en cas de dégradations imputables au locataire, sont couverts jusqu’à deux mois de loyer et charges inscrits au bail, après déduction du dépôt de garantie (sauf pour le bail mobilité, qui n’autorise pas de dépôt de garantie).

La demande de garantie auprès d’Action Logement doit être déposée avant la signature du bail.

  1.   Une notoriété encore largement insuffisante et des professionnels qui ont peu recours au dispositif

En 2022, près de 281 000 contrats Visale avaient été émis, soit un nombre encore insuffisant au regard du nombre de locataires éligibles. En 2023, plus de 890 000 visas ont été demandés et près de 319 000 contrats ont été émis, soit une hausse de 15,7 % des demandes et de 13,5 % des contrats émis par rapport à 2022.

Néanmoins et selon les informations transmises à votre rapporteur par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, 74 % des bailleurs particuliers ayant utilisé Visale n’y ont recours qu’une seule fois, en raison notamment d’un manque de compréhension des conditions de la garantie. Les professionnels de l’immobilier, qui gèrent la majorité des logements du parc privé (environ 55 % des baux), ne représentent que 18 % des contrats Visale, le dispositif étant concurrencé par les assurances privées.

  1.   Un coût maîtrisé, mais substantiel, pour Action Logement

Le dispositif Visale est peu coûteux, en raison à la fois de la modeste distribution du dispositif, du faible niveau d’impayés (estimé autour de 10 % selon les informations transmises par Action Logement) et d’un taux de recouvrement relativement élevé (autour de 50 %). Le plan d’investissement volontaire 2018-2022 contractualisé entre Action Logement et l’État le 25 avril 2019 prévoyait le niveau de financement suivant : 25 millions d’euros en 2018, 34 millions d’euros en 2019, 108 millions d’euros en 2020, 121 millions d’euros en 2021 et 122 millions d’euros en 2022. Mais les coûts estimés ont, à chaque fois, été sensiblement inférieurs à ces enveloppes annuelles.

La convention quinquennale 2023-2027 prévoit des enveloppes annuelles comprises entre 100 et 110 millions d’euros. L’objectif est d’émettre 2,1 millions de garanties sur la période couverte par la nouvelle convention quinquennale.

  1.   LE dispositif de garantie universelle proposé dans la présente proposition de loi

La présente proposition de loi prend acte à la fois des avancées de la garantie Visale et de ses insuffisances :

– le public cible de Visale est trop restreint, la garantie n’étant pas ouverte aux retraités, aux personnes en recherche d’emploi et aux fonctionnaires. L’ouverture aux indépendants et aux saisonniers, promise en 2023, n’est toujours pas actée ;

– le coût pour Action Logement, qui opère la garantie – via l’Association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) – au détriment d’autres dispositifs plus ciblés sur les salariés, qui constituent pourtant le public devant prioritairement bénéficier du produit de la participation des employeurs à l’effort de construction, n’incite pas, par définition, à souhaiter un élargissement des bénéficiaires ;

– l’accompagnement social visant au relogement du locataire en situation d’impayé, au cœur du projet initialement envisagé par l’article 23 de la loi Alur, est absent des missions de l’APAGL, alors qu’il doit constituer une priorité politique, pour des motifs à la fois d’efficacité (les dépenses d’hébergement d’urgence ou de nuitées hôtelières sont coûteuses) et d’humanité ;

– l’absence d’universalité de la garantie Visale constitue plus souvent un stigmate qu’un outil de « discrimination positive » pour les locataires qui en bénéficient. Pour de nombreux bailleurs, la garantie Visale est synonyme de locataire en difficulté potentielle et il sera toujours préférable de louer à une personne bénéficiant d’un ou plusieurs garants. Pour preuve, si 2,7 millions de visas ont été certifiés (78,7 % des demandes) depuis janvier 2016, seul 1,2 million a donné lieu à l’émission d’un contrat Visale : moins de la moitié des visas (45,7 %) a donné lieu à la délivrance de la garantie. On peut en déduire que, dans une majorité des cas, le propriétaire bailleur n’a pas souhaité louer son bien à la personne éligible à Visale.

  Le déploiement de Visale n’empêche pas le maintien de garanties privées, privilégiées par les professionnels, et le recours au cautionnement, alors même que la caution Visale est gratuite. Les professionnels de l’immobilier, qui gèrent 35 % du parc locatif privé (55 % des baux sont loués par leur intermédiaire), ne représentent que 18,0 % de contrats Visale (31 % hors étudiants) : ils lui préfèrent souvent la caution personne physique ou les garanties assurantielles, dont ils peuvent négocier les conditions avec les assureurs privés.

L’article 1er de la proposition de loi propose ainsi de reprendre, de façon simplifiée, le dispositif final adopté dans la loi Alur, tout en laissant ouverte à la discussion la détermination d’un certain nombre de paramètres.

  1.   La reprise des éléments de la loi ALUR

L’article 1er de la présente proposition de loi propose la mise en œuvre d’une garantie universelle des loyers.

Comme pour la loi Alur, les impayés de loyer sont ici entendus au sens des loyers et des charges. Le bénéfice de la garantie universelle est exclusif de tout cautionnement et de toute assurance couvrant les risques d’impayés de loyer. Le bénéfice de l’aide est conditionné à la déclaration du bail par le bailleur auprès de l’Agence.

Il renvoie, comme la loi Alur, à un décret d’application pour la détermination de plusieurs paramètres importants : le montant minimal d’impayés ouvrant droit à la garantie, le montant maximal de la garantie, la durée des versements, les mesures d’accompagnement social et les modalités de recouvrement des impayés.

Cet article prévoit, à compter du 1er juillet 2024, la création d’une Agence de garantie universelle des loyers dont la mission sera double : mettre en place et opérer, directement ou indirectement, la garantie universelle, mais aussi prévenir les expulsions et mettre en place les actions d’accompagnement social des locataires.

L’article 1er prévoit la composition du conseil d’administration de l’Agence et fixe le cadre général de sa gouvernance. Il définit un champ des ressources possibles identique à celui de la loi Alur.

Il fixe également le régime de sanctions pouvant être prononcées par l’Agence contre les bailleurs et les locataires ayant obtenu une aide de manière frauduleuse.

  1.   Les éléments à préciser

Plusieurs points de la proposition de loi demeurent en suspens :

– en l’état, il n’est pas précisé si la garantie universelle est obligatoire et automatique, ou non. Par voie de conséquence, le dispositif actuel ne supprime pas la possibilité, pour le propriétaire, de recourir à une garantie privée de loyers impayés ou de demander au locataire un cautionnement, mentionné à l’article 22-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ;

– contrairement au dispositif initial, l’aide versée ne permet pas à l’Agence de se substituer au bailleur bénéficiaire pour se retourner contre le locataire (recours subrogatoire) ;

– le logement social n’est pas clairement exclu du dispositif, ce qui peut être interrogé : contrairement au marché privé, la garantie locative ne constitue pas un critère de sélection des candidats par les bailleurs sociaux, qui ont développé depuis de nombreuses années des processus internes de lutte contre les impayés et d’accompagnement social ;

– le dispositif ne prévoit pas un taux d’effort maximum pouvant ouvrir droit à la garantie universelle des loyers, ce qui pose la question du risque inflationniste de la garantie, comme l’a évoqué l’association « Droit au logement » ;

– le financement du dispositif n’est pas précisé. Au-delà d’une prise en charge par le budget de l’État, plusieurs acteurs auditionnés ont évoqué la possibilité de financer l’Agence par une centralisation des dépôts de garantie – à l’instar du dispositif proposé par la proposition de loi visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires, déposée en février 2020 par notre ancien collègue Mickaël Nogal. ([5])

  1.   Les DISPOSITIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a rejeté l’article 1er.

 

*

*     *

Article supprimé par la commission

L’article 2 vise à gager les pertes de recettes et les dépenses supplémentaires induites par les dispositions de l’article 1er par la création d’une taxe additionnelle.

L’article 2 crée un gage formel permettant de garantir la recevabilité de la proposition de loi, condition nécessaire à son dépôt.

Cet article crée donc une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La commission a rejeté l’article 2.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires économiques a procédé à l’examen de la proposition de loi pour louer en toute confiance (n° 2057) (M. Stéphane Delautrette, rapporteur).

M. le président Stéphane Travert. Cette proposition de loi porte sur la question importante d’une meilleure garantie des loyers, destinée à sécuriser les relations entre bailleurs et locataires. Cette question a fait dans le passé l’objet de débats devant notre assemblée mais, comme le souligne notre rapporteur dans son rapport, elle a prospéré depuis au prix de certaines évolutions.

Un amendement a été déclaré irrecevable par le président de la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution et, à la demande du président Kasbarian et pour les deux propositions de loi à notre ordre du jour, la recevabilité au titre de l’article 45 a été examinée par notre vice-présidente Anne-Laurence Petel. Un amendement a ainsi été déclaré irrecevable sur ce fondement pour ce qui concerne la proposition de loi pour louer en toute confiance.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Monsieur le président, je vous félicite pour votre élection et me réjouis de vous avoir entendu souhaiter que le débat puisse vivre dans cette commission : nous allons nous y employer dès ce matin !

Interrogé lundi matin sur RTL quant aux réponses à apporter face à l’augmentation continue du nombre de logements vacants – qui représentent près de 3,1 millions de logements selon le dernier décompte de l’Insee –, le nouveau ministre chargé du logement, Guillaume Kasbarian, notait que la crainte des impayés locatifs pouvait souvent être l’une des causes de cette vacance. De fait, selon une étude dont les résultats nous ont été communiqués par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), près de 10 % de logements sont laissés vacants par les propriétaires par crainte de ces impayés. Redonner confiance aux propriétaires dans ce domaine permettrait donc de remettre potentiellement près de 300 000 logements sur le marché, ce qui est loin d’être négligeable.

Le manque de logements disponibles est une bombe sociale à retardement. Quand plus de 10 % des Français renoncent à un emploi faute de logement disponible et que 12 % des étudiants renoncent à poursuivre leurs études pour cette même raison, c’est toute la promesse républicaine qui en est fragilisée – nous pouvons tous nous accorder sur ce constat.

Deux options s’ouvrent ainsi à nous. La première est de continuer sur la voie de la criminalisation permanente des locataires en situation d’impayés de loyer, alors que, selon tous les représentants des propriétaires, ils sont très peu nombreux – moins de 2 % – et moins nombreux encore sont, parmi eux, ceux de mauvaise foi. À ce titre, la loi « Kasbarian » visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, dite loi « anti-squat », n’aura pour effet que d’accroître la précarité des ménages en grande difficulté, d’augmenter le nombre d’expulsions sèches et de peser, in fine, sur le budget de l’hébergement d’urgence.

L’autre option, offerte par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, concilie le droit du propriétaire à percevoir un loyer et celui du locataire à être, en cas de besoin, accompagné pour sortir d’une situation difficile.

Cette proposition de loi permettra également d’éviter que des milliers de personnes ne puissent accéder à un logement faute de pouvoir justifier de revenus suffisants, d’un garant, ou même de la possibilité de souscrire à une garantie des loyers impayés privée, réservée aujourd’hui aux ménages les plus aisés. Elle évitera aussi à des milliers de personnes de falsifier leur fiche de paie ou leur déclaration de revenus, ce qui est bien souvent pour elles la dernière solution pour obtenir un logement. Je vous invite tous à lire l’article publié à ce propos par Le Monde en date du 28 décembre 2023.

Si j’étais taquin, chers collègues de la majorité, je dirais que c’est une proposition de loi de l’authentique « en même temps » que je vous présente aujourd’hui, car elle est en même temps gagnante pour les propriétaires et gagnante pour les locataires. Elle a d’ailleurs su naguère réunir des personnalités aussi différentes que Jean-Louis Borloo et Cécile Duflot.

Venons-en au dispositif. L’article 1er reprend, dans leurs grandes lignes, les dispositions inscrites à l’article 23 de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », adoptée en 2014.

Premièrement, il crée une garantie universelle des loyers (GUL) publique et gratuite, ouverte à l’ensemble des locataires et des propriétaires, dans des conditions à préciser par décret.

Deuxièmement, il crée une agence nouvelle épaulée, le cas échéant, par des centres agréés, et qui serait dotée de larges prérogatives de puissance publique, non seulement pour indemniser les propriétaires en cas de sinistre et pour se retourner contre les locataires de mauvaise foi, mais aussi et surtout pour proposer des aides et un accompagnement sur mesure aux locataires en difficulté. Les amendements présentés par certains collègues précisent utilement ce point. La GUL n’est pas un droit à l’impayé de loyer ni une simple indemnisation du propriétaire, c’est une véritable « sécurité sociale du logement », qui protège et accompagne propriétaire et locataire lorsque la situation sociale de ce dernier ne lui permet plus de payer son loyer.

Pourquoi cette GUL, adoptée en 2014 et dont la mise en œuvre était prévue à partir du 1er janvier 2016, n’a-t-elle jamais vu le jour ? Sans qu’aucune difficulté juridique ou technique y ait, à ma connaissance, fait obstacle, la seule raison à la disparition de ce dispositif tient à son coût, estimé dans l’étude d’impact du projet de loi Alur à 700 millions d’euros et dont il était prévu d’assurer le financement par une nouvelle taxe locative. Le déploiement du visa pour le logement et l’emploi (Visale), dont le coût avoisine les 100 millions d’euros par an, destiné à des publics vulnérables et accusant un taux de recouvrement d’environ 50 % – très supérieur, donc, à celui pris en compte pour les estimations de la loi Alur, qui se situe autour de 10 % –, montre que l’estimation de 700 millions d’euros en 2014 était très vraisemblablement surévaluée.

Pourquoi revenir à la GUL si le dispositif Visale existe ? Aussi remarquable que soit le travail d’Action logement en la matière, la GUL permettra d’aller beaucoup plus loin que le dispositif Visale, dont l’insuffisance n’est pas à imputer à Action logement, mais à sa conception même.

Premièrement, le public cible de Visale est trop restreint, la garantie n’étant pas ouverte aux retraités et aux personnes en recherche d’emploi, qui doivent être les plus aidées, ni même aux fonctionnaires. Quant à l’ouverture aux indépendants et aux saisonniers, promise en 2023, elle n’est toujours pas actée.

Un tel élargissement n’est pas naturel pour Action logement. Les salariés étant normalement le public prioritaire qui doit bénéficier du produit de la participation des employeurs à l’effort de construction (Peec), je ne peux que comprendre la réticence des partenaires sociaux à utiliser celle-ci pour une autre finalité.

Deuxièmement, le niveau des engagements hors bilan devient problématique, malgré la maîtrise du coût du dispositif. Au bout du compte, c’est bien l’État qui sera garant de la garantie Visale accordée.

Troisièmement, l’accompagnement social visant au relogement du locataire en situation d’impayés ne figure pas parmi les missions d’Action logement, alors qu’il doit être une priorité politique pour des raisons d’efficacité et d’humanité.

Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, le caractère non universel de la garantie Visale était justifié, en théorie, en ce qu’elle représentait un atout pour les locataires les moins favorisés sur le modèle de la discrimination positive. La réalité est bien différente : Visale fonctionne plutôt comme un stigmate que comme un avantage comparatif. Soyons clairs, pour la majorité des bailleurs, la garantie Visale est et restera synonyme de locataire en difficulté. Ces bailleurs préféreront toujours louer à une personne ayant des revenus confortables et bénéficiant d’un ou de plusieurs garants. Ainsi, depuis janvier 2016 et le lancement de la garantie Visale, 2,7 millions de visas ont été certifiés –  le visa est, pour le futur locataire, la preuve vis-à-vis du futur propriétaire qu’il bénéficie de la couverture Visale. Or, moins de la moitié de ces visas a donné lieu à l’émission d’un contrat Visale. Dans plus d’un cas sur deux, le propriétaire n’a donc pas souhaité louer son bien à une personne ayant fait de la garantie Visale un atout de son dossier de candidature à la location.

Quant aux professionnels de l’immobilier, ils auront, en cas de location intermédiée, toujours intérêt à privilégier la garantie des loyers impayés (GLI) des assurances privées, dont ils dégagent un intérêt négocié. J’en veux pour preuve que, si nous ne faisons pas la GUL, ce sont eux qui la feront à notre place. Comme elle l’a clairement dit lorsque nous l’avons auditionnée, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) milite pour le déploiement d’un système d’assurance privée universelle en cas de location intermédiée. Un tel système sera évidemment payant et seuls les dossiers les plus solides pourront y être éligibles.

Pour toutes ces raisons, je pense que la GUL s’imposera comme la sécurité sociale s’est un jour imposée face aux différents systèmes privés d’assurance maladie. Il faut même aller plus loin et les amendements qui proposent de la rendre obligatoire me semblent aller dans le bon sens, même si nous ne pourrons pas les examiner. Rendre obligatoire la GUL et supprimer toute possibilité de cautionnement ou toute garantie de loyers impayés privée, c’est s’assurer que tous les locataires seront traités sur un pied d’égalité. Je proposerai également des amendements dans cette perspective.

Chers collègues, vous avez l’occasion de prendre au mot notre nouveau ministre en restaurant la confiance entre les locataires et les propriétaires : saisissez cette chance !

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Daniel Labaronne (RE). D’abord, Monsieur le président, je vous présente mes félicitations pour votre élection.

Comme l’a rappelé le rapporteur, la garantie universelle des loyers avait été envisagée dans la loi Alur de 2014 et devait s’appliquer aux contrats de location conclus à partir du 1er janvier 2016, mais le décret d’application n’a jamais été publié. Son abandon tenait à son financement, qui reposait sur une taxe sur les loyers, à son coût, estimé à l’époque à 700 millions d’euros, à son caractère obligatoire et à la déresponsabilisation des bailleurs et des locataires qu’elle entraînait. Pourquoi, alors, adopter aujourd’hui cette proposition de loi qui présente les mêmes défauts qu’il y a dix ans ?

En pleine crise du logement, vous inventez une taxe sur les loyers, que devront payer les propriétaires et qui sera évidemment répercutée sur le montant des loyers, dont elle alimentera l’inflation. Ce risque a été souligné, durant les auditions auxquelles vous avez procédé, par un représentant de l’association Droit au logement (DAL), pour qui cette mesure reviendrait à « ouvrir la boîte de Pandore ».

En pleine crise du logement, vous voulez gaspiller 1,4 milliard d’euros pour financer une garantie de loyer qui existe déjà, qui est gratuite pour les propriétaires, qui ne coûte pas un euro de dépense publique et qui est efficace : la garantie Visale, gérée par Action logement.

En pleine crise du logement, vous voulez déresponsabiliser les bailleurs et les locataires : les propriétaires se déchargeront sur l’État pour encaisser les loyers et les locataires seront incités à ne pas les payer. Un propriétaire qui ne veut pas mettre dehors un locataire sympathique n’ayant plus les moyens de payer pourra faire appel à la GUL : vous inventez le loyer gratuit.

Ces loyers devront toutefois être payés par la communauté nationale – par ceux qui travaillent et paient des impôts, et à qui on va demander, une fois de plus, de mettre la main au portefeuille. Cette étatisation de la garantie des loyers, avec obligation de la souscrire, reviendra à évincer des organismes privés ou parapublics, comme Action logement, et donc à instaurer un monopole de fait, pouvant être considéré comme contraire à la liberté d’entreprendre garantie par la Constitution et le droit communautaire.

Le groupe Renaissance ne votera pas ce texte. Si nous sommes favorables à l’amélioration des dispositifs existants, dont nous pourrons parler lors de l’examen des amendements, nous sommes opposés à l’adoption d’un dispositif vieux de dix ans, que vos amis eux-mêmes n’ont pas mis en œuvre lorsqu’ils étaient aux responsabilités, compte tenu de son coût, de son financement et de son inefficacité.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ma proposition ne prévoit aucunement la création d’une taxe pour assurer le financement de ce dispositif. Quant au coût annuel de 1,4 milliard d’euros, quels sont les éléments qui vous permettent d’annoncer un tel montant ?

La GUL qui vous est proposée dispose de prérogatives de puissance publique permettant de recouvrer les loyers impayés. Ce n’est pas un droit à l’impayé de loyer : en cas d’impayé, si le locataire est solvable, l’agence créée pour en assurer la gestion recouvrera les loyers.

Quant à la question constitutionnelle, un avis favorable à ce dispositif avait été émis.

M. Frédéric Falcon (RN). Cette proposition de loi a le mérite de soulever une véritable difficulté, à laquelle sont confrontés des millions de Français locataires : les exigences toujours plus fortes des bailleurs lorsqu’ils donnent un logement à bail. La crise du logement que nous traversons et dont Emmanuel Macron porte la lourde responsabilité après sept années d’inaction et de politique de rabot budgétaire, a considérablement raréfié l’offre de logements disponibles dans les marchés locatifs les plus tendus. Désormais, trouver une location devient un véritable défi pour des millions de Français, voire une mission impossible pour ceux qui n’ont pas la chance de présenter un CDI, une situation confortable ou un garant solvable – cette dernière exigence étant même imposée aux fonctionnaires, ce qui est une aberration complète.

La rareté de l’offre permet aux bailleurs de choisir leurs locataires parmi les meilleurs dossiers, excluant les plus précaires, les petits indépendants toujours plus nombreux avec l’ubérisation de l’économie, les étudiants et les publics les plus fragiles. Il est temps de réagir. Cette compétition pour se loger devient inacceptable.

Rappelons tout de même que la longueur des procédures d’expulsion engagées contre un locataire mauvais payeur après avoir actionné la clause résolutoire du bail – il n’est pas rare qu’elle atteigne vingt-quatre mois – pousse les bailleurs à réduire le risque de défaillance locative à son minimum. Dans ce contexte, nous pouvons comprendre les craintes des petits bailleurs qui cherchent à sécuriser leurs revenus fonciers. Or si la garantie Visale ou les garanties privées des loyers impayés existent, de nombreux Français restent non éligibles à ces dispositifs assurantiels.

Chers collègues socialistes, nous accueillons favorablement le principe d’une garantie universelle des loyers, mais permettez-nous d’émettre quelques réserves quant à ses conditions d’application. Avec la création d’une agence dédiée, par l’intermédiaire d’un nouvel établissement public, nous craignons les dérives d’une forme d’étatisation de la garantie des loyers, alors que la France souffre d’une suradministration.

Vous refusez le principe d’un système assurantiel, mais pourquoi ne pas associer les réseaux bancaires, les assurances ou La Poste pour la souscription à ce nouveau dispositif ?

La question de la responsabilisation du locataire se pose également. La garantie universelle des loyers a-t-elle vocation à couvrir indéfiniment les défaillances d’un locataire mauvais payeur ? Quels garde-fous avez-vous imaginés pour prévenir les abus potentiels de ce nouveau droit social ?

En outre, la question du financement est pour nous une difficulté. Estimé à 1,4 milliard d’euros, le coût de ce dispositif est financé par de nouveaux prélèvements ou impôts, alors que la pression fiscale a atteint son paroxysme sous Emmanuel Macron. Nous aurions préféré que vous imaginiez des ressources alternatives.

Enfin, un tel dispositif de protection doit s’accompagner de contreparties du côté du locataire : si celui-ci est mieux protégé, il est absolument nécessaire d’envisager parallèlement une réduction drastique des délais des procédures d’expulsion.

Pour toutes ces raisons et malgré une intention que nous estimons louable, le groupe Rassemblement national s’abstiendra sur cette proposition de loi, que nous jugeons incomplète, malheureusement financée par de nouveaux impôts et ruineuse pour les finances publiques.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je le redis, il ne s’agit pas d’ouvrir un droit à l’impayé sans condition. La rédaction proposée vous permettait à tous de formuler par amendement des propositions de garde-fous. Il est regrettable que vous ne l’ayez pas fait.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Cette proposition de loi tombe à pic, car elle permet de débattre du logement au moment où nous traversons une grave crise. Nous étions nombreux à mettre en garde contre la bombe sociale que représente la difficulté d’accès à un logement décent. Aujourd’hui, comme l’a dit la Fondation Abbé Pierre en remettant son rapport annuel sur le mal-logement, cette bombe sociale a explosé : 12 millions de familles sont en situation de fragilité par rapport au logement, 3,5 millions de ménages souffrent du froid dans leur logement parce qu’il est mal isolé ou que le prix du chauffage est trop élevé et le nombre de demandeurs de logement social atteint le chiffre record de 2,6 millions, certaines familles attendant des années une proposition. On compte aussi, ne l’oublions pas, 300 000 personnes sans domicile fixe, chiffre qui a doublé en dix ans.

Dans ce moment d’une singulière gravité, le choix du Gouvernement a été celui de la provocation, en nommant ministre du logement un député, Guillaume Kasbarian, qui s’est fait connaître en réclamant une peine de prison pour les locataires pauvres qui ne parviennent pas à payer leur loyer. Provocation encore en annonçant la remise en cause de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose à chaque commune dans les zones urbaines un minimum de 25 % de logements sociaux. Depuis des années, une poignée de communes qu’on peut qualifier de « ghettos de riches » refusent d’appliquer cette loi ? Qu’à cela ne tienne ! La Macronie va changer la loi pour leur permettre de revenir dans les clous. On voit bien là que votre vision de l’ordre républicain est en réalité celle d’un ordre au service des riches.

Nous combattrons donc cette politique et nous proposerons, nous aussi, nos solutions, parmi lesquelles la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui, visant à instaurer une garantie universelle des loyers. Nous savons que l’alliance de la Macronie et du Rassemblement national en empêchera l’adoption, mais elle aura au moins le mérite de montrer que nous pourrions changer la vie des gens si une politique au service du droit au logement était menée.

La garantie universelle des loyers est une mutualisation des risques, une forme de sécurité sociale présentant un triple avantage : pour les petits propriétaires, qui ont l’assurance que leur loyer sera payé quelles que soient les difficultés que connaissent les locataires ; pour les locataires en difficulté, qui ne sont pas exonérés de leur responsabilité de payer le loyer, mais qui bénéficient d’un accompagnement social pour sortir par le haut de leurs difficultés ; pour les futurs locataires, enfin, face à l’inégalité que représente, dans un marché très tendu, l’exigence de caution de la part des bailleurs. Disons-le clairement, quand plusieurs locataires sont en concurrence, en particulier parmi les jeunes, c’est celui qui a les parents les plus riches qui décroche le logement. Une garantie universelle des loyers permettra de supprimer ce système de caution privée et de faire disparaître cette inégalité insupportable.

Du côté de la Macronie, où plus de la moitié des membres du Gouvernement sont millionnaires, les problèmes de caution ne sont certes pas la priorité, mais pour nous, les Insoumis, c’est un combat important. Notre devise républicaine comporte le mot « égalité ». Cela doit s’appliquer tout le temps, y compris dans la recherche d’un logement.

M. le président Stéphane Travert. Restons-en à des débats de fond !

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Monsieur Martinet, nous partageons la lutte contre les inégalités. Cette injustice dans l’accès au logement est intolérable et la proposition de loi permettra de lever tous ces freins. Je vous remercie donc pour votre soutien et je salue vos propositions d’amendements.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Toutes mes félicitations pour votre belle élection, Monsieur le président !

Cette proposition de loi tend à réinstaurer un dispositif voté par la majorité socialiste en 2014, mais qui n’a jamais été appliqué – preuve, s’il en fallait, que la majorité des acteurs du secteur ne croyaient pas à cette solution. De plus, les défauts de cette mesure, que la droite dénonçait déjà en 2014, sont toujours d’actualité.

Son premier défaut est son coût pour les finances publiques, estimé à 1,4 milliard d’euros par les auteurs de la proposition de loi. Alors que la dette atteint un niveau record, le moment n’est pas aux dépenses inutiles qui seront, à terme, remboursées par l’augmentation des impôts des Français, mais à la mise en œuvre de solutions efficaces et pragmatiques, loin de ce qui figure dans cette proposition de loi.

Le deuxième est la déresponsabilisation des locataires. La mise en œuvre de cette mesure pourrait en effet conduire à l’apparition d’un permis de ne pas payer, accroissant nécessairement les risques d’impayés et pesant à nouveau sur les finances publiques.

Le troisième est la concurrence déloyale créée avec le secteur des assurances car, en instaurant une garantie universelle des loyers, l’État pourrait entrer en compétition directe avec le secteur privé, compromettant ainsi la libre concurrence, avec potentiellement des conséquences néfastes sur les entreprises privées déjà présentes sur le marché.

Le quatrième est la surcharge administrative qui s’ensuivrait. Alors que la garantie Visale pour les locataires fonctionne, la GUL pourrait entraîner des complexités administratives supplémentaires tant pour les propriétaires que pour les locataires et pour l’État, ce qui pourrait décourager l’investissement privé dans le secteur immobilier.

Finalement, cette proposition de loi est loin d’être suffisante pour répondre à la crise du logement. La disposition proposée n’est qu’un écran de fumée, qui pèserait lourdement sur nos finances publiques. Les députés Les Républicains voteront donc contre.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Depuis l’adoption de la loi Alur de mars 2014, de l’eau a coulé sous les ponts et nous disposons de retours d’expérience. Le dispositif Visale coûte 100 millions d’euros par an, alors qu’il concerne des publics très fragiles, plus susceptibles de connaître des difficultés de paiement, avec un taux de recouvrement de 50 %. Le chiffrage du projet de loi Alur en 2014 – 700 millions d’euros pour un taux de recouvrement de seulement 10 % – est donc surévalué. En outre et en conséquence de la loi « anti-squat » qui va accélérer les processus d’expulsion, l’État aura à assumer des dépenses supplémentaires de relogement dans des logements d’urgence. La question est donc de savoir s’il souhaite consacrer des financements au traitement de situations sociales dramatiques plutôt qu’à la prévention.

Quant à la déresponsabilisation, je rappelle que l’agence sera dotée de prérogatives de puissance publique. Il ne s’agit donc pas d’un droit à l’impayé de loyer : toute personne solvable sera poursuivie pour recouvrer les loyers impayés.

Le dispositif dont nous parlons est balisé, mais rien n’empêche de réfléchir sur le recours au privé pour apporter des compléments aux propriétaires qui le souhaitent.

M. Romain Daubié (Dem). L’objectif affiché de cette proposition de loi – j’insiste sur le mot « affiché » – est d’apporter une solution à la crise du logement locatif, caractérisée notamment par la tension entre offre et demande. Pour simplifier, c’est la résurrection de la garantie universelle des loyers prévue par la loi Alur. Louer en toute confiance est un objectif louable, mais cette proposition de loi donne une prime au locataire qui n’est pas responsable et représente un coût pour le contribuable. L’inspection des finances estime celui-ci à près de 1 milliard d’euros. Même si les inspecteurs des finances ne connaissent pas forcément bien la vie des Français dans les territoires, ils savent compter. Comment allez-vous financer une telle mesure ? En coupant dans les budgets des politiques du logement ? Si oui, lesquels ? En instaurant une nouvelle taxe sur les loyers ? Dans ce cas, une inflation des loyers est à craindre – crainte partagée par l’association Droit au logement.

Il nous semble préférable de travailler sur la garantie Visale, qui fonctionne très bien, et de réfléchir à son élargissement, notamment vers les retraités qui ont travaillé toute leur vie. Cela pourrait être fait par voie d’amendement.

Je voudrais enfin soulever le risque de fraudes massives, à l’instar de celles concernant l’allocation chômage, en raison d’une possible collusion entre propriétaires et locataires.

La philosophie du groupe Démocrate est celle de la liberté de vote, mais la majorité des députés de notre groupe voteront contre ce texte.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne reviens pas sur le détail de l’estimation du coût du dispositif, qui mériterait d’être revue, mais je rappelle que l’inspection des finances avait évalué le coût de la loi Alur entre 250 millions et 1 milliard d’euros en fonction du dispositif retenu. Tout dépend donc du dispositif qui sera retenu ; j’ignore d’où sort le chiffre de 1,4 milliard d’euros, qui est systématiquement avancé, mais c’est un montant maximal.

J’insiste sur le fait que l’agence en charge de la gestion du dispositif disposera de prérogatives de puissance publique pour recouvrer les loyers auprès des locataires solvables. Il ne s’agit donc pas d’un droit à l’impayé.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je vous remercie pour cette proposition de loi, qui permet de parler d’un sujet de préoccupation majeur pour les Français, mais encore trop peu abordé au sein de notre assemblée. La crise du logement exceptionnelle que nous traversons a un coût social et économique très lourd. Cette crise empêche l’accès à la location comme à la propriété : le nombre de biens loués a été divisé par deux en quatre ans, les ménages ne peuvent plus accéder à la propriété à cause de la hausse des taux et des coûts de construction, et les réservations de logements neufs ont chuté de 22 %. Elle entrave l’insertion professionnelle et sociale puisqu’elle empêche les Français d’accéder à un emploi et 12 % des étudiants de poursuivre leurs études. Elle favorise les pratiques abusives et les exigences irréalistes des bailleurs.

Face à l’inaction du Gouvernement pour apporter des réponses concrètes au manque de logements, la garantie universelle des loyers est une solution pertinente et rapidement mobilisable. Elle aurait pour effets de rétablir la confiance entre bailleurs et locataires, de mettre sur le marché davantage de logements en location longue durée et de constituer un filet de sécurité pour les personnes en difficulté. Le texte permettrait notamment d’augmenter le nombre de logements loués dans l’ancien et d’inciter à l’investissement locatif dans le neuf. En raison d’une mauvaise expérience locative, 9 % des propriétaires refuseraient de mettre leurs biens en location. Il est donc indispensable de redonner confiance, sachant toutefois que les situations d’impayés de loyers sont souvent sujettes à des idées reçues : bien loin de certains fantasmes, elles ne concernent que 2 % des loyers dus.

Ce dispositif sécuriserait bailleurs comme locataires face aux imprévus. Il permettrait davantage d’éviter les expulsions, qui ont un coût social et économique pour les ménages, pour notre système de solidarité et pour les finances de l’État. Nous parlons ici d’un système préventif plutôt que curatif.

Enfin, la garantie universelle des loyers répond à un principe d’égalité des chances, car elle donne à tous la possibilité d’avoir un logement, même à ceux qui n’ont pas de garant et qui ne peuvent satisfaire aux exigences exorbitantes de certains loueurs. Certes, la garantie Visale existe, mais elle est insuffisante.

Pour toutes ces raisons, et dans la droite ligne des travaux que nous avons menés sur la régulation des meublés de tourisme, le groupe Socialistes et apparentés soutient cette proposition, qui apporte une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les Français pour accéder au logement. Je suis persuadé que nous nous demanderons bientôt pourquoi ne pas l’avoir fait avant.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous soulignez l’impérieuse nécessité de garantir l’accès au logement, qui est la première des conditions pour trouver un travail ou pour poursuivre ses études. Cette condition n’est pas remplie aujourd’hui et c’est bien l’objet de la proposition de loi d’y remédier.

Je voudrais rappeler, notamment à l’attention de ceux qui jugent le coût de 1,4 milliard d’euros trop élevé, que les aides personnelles au logement (APL) ont été diminuées de 1,3 milliard d’euros.

Je souhaite également répondre à ceux qui prônent l’élargissement de la garantie Visale, auquel nous pouvons effectivement réfléchir : je rappelle que la vocation première de ce dispositif est de soutenir les salariés du secteur privé et que certains publics en sont, de fait, écartés.

M. Luc Lamirault (HOR). Cette proposition de loi tend à rétablir la garantie universelle des loyers, créée par la loi Alur. Gratuite et destinée à tous les bailleurs potentiels, elle devrait protéger à hauteur du montant du loyer médian local pour une durée de dix-huit mois.

En raison de la complexité du dispositif, de son coût annuel et de la concurrence déloyale qu’elle implique pour les assureurs privés, cette garantie universelle des loyers a été abandonnée par le gouvernement de Manuel Valls. Elle a été remplacée par la garantie Visale, qui remplit une fonction similaire, mais qui est ciblée sur les locataires précaires, les salariés dont les revenus sont inférieurs à 1 500 euros, les moins de 31 ans et les personnes en possession d’une promesse d’embauche, à l’exception des CDI confirmés et des personnes en mobilité professionnelle. La garantie Visale est un dispositif efficace et efficient : depuis son lancement en 2016, plus d’un million de contrats de bail en ont bénéficié. Le droit existant permet donc de traiter assez efficacement les retards et impayés locatifs sans qu’il soit nécessaire d’instaurer une garantie universelle des loyers, dont le coût estimé reste conséquent. Vous vous demandiez où nous avions trouvé le chiffre de 1,4 milliard d’euros : il se trouve dans l’exposé des motifs. Il s’agit certes d’un coût théorique maximal, qui ne serait sans doute pas atteint compte tenu du nombre indéterminé de sinistres effectifs, mais il reste conséquent et pose la question du financement du dispositif.

Face à la crise du logement, le Gouvernement et la majorité sont pleinement mobilisés pour trouver des solutions efficaces, notamment en simplifiant certains dispositifs de rénovation jugés trop complexes. Vos mesures, très coûteuses, vont à l’encontre de cette stratégie. Le groupe Horizons et apparentés ne soutiendra donc pas votre proposition de loi.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous avez parlé de concurrence déloyale vis-à-vis des assurances privées ; mais si elles apportaient déjà ce service, nous ne serions pas réunis ce matin pour en parler. Les assureurs proposent des services relativement balisés et le taux d’effort exigé est plafonné à 33 %, alors qu’il est de 50 % dans le dispositif que nous proposons. Ce plafonnement à 33 % écarte une partie importante des locataires qui méritent d’être soutenus. Je rappelle également que la plupart des propriétaires n’ont pas recours aux assurances privées, mais à la caution solidaire. Or ce dispositif ne sécurise pas, puisque n’importe qui peut se porter caution d’un nombre illimité de personnes et rien ne garantit que la personne garante pourra réellement payer le loyer en cas de défaillance du locataire. Nous cherchons, par le dispositif, à nous prémunir de tous ces inconvénients.

Vous vous référez à l’exposé des motifs pour citer le chiffre de 1,4 milliard d’euros, mais c’est le rapport qui fait foi et il précise les chiffres, qui ne correspondent pas forcément au montant que vous avez cité.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cette proposition de loi permet enfin de réinscrire dans la loi le dispositif de garantie universelle des loyers, défendu par Cécile Duflot dans le cadre de la loi Alur lorsqu’elle était ministre du logement. C’est un combat de longue date des écologistes et c’est donc avec enthousiasme que nous soutenons ce texte, d’autant plus que la situation s’est fortement dégradée depuis 2014. Elle est aujourd’hui intenable : baisse de l’offre de logement et difficulté pour de nombreux ménages à se maintenir dans leur logement.

Une agence immobilière sur dix n’a pas de bien immobilier à louer et, d’après la Fnaim, le nombre de logements mis en location est en baisse de 34 % par rapport à la même période en 2023. La palme revient à Paris, avec une baisse allant jusqu’à 50 % des biens mis en location et de 74 % sur trois ans.

Dans le même temps, les expulsions locatives atteignent des records, avec trente mille personnes expulsées de leur logement pour impayés l’année dernière, alors que, dans la majorité des cas, les impayés ont pour cause des ressources insuffisantes après un problème de la vie – perte d’emploi, problème de santé, séparation.

Le système actuel dysfonctionne donc profondément et brise des vies. Il n’est pas protecteur pour les locataires ni pour les propriétaires, et il est fortement discriminant, parce que les conditions d’accès au logement, notamment la caution de personnes physiques, sont toujours plus exigeantes. La garantie Visale ne couvrait que 2,5 % des logements loués dans toute la France en 2020. L’obligation de présenter un garant est à l’origine de fraudes – triche sur les fiches de paie ou vente de cautions – qui mettent les locataires en difficulté et ne protègent pas les propriétaires. La garantie universelle des loyers permet de rétablir la confiance entre locataires et propriétaires. Elle est une véritable sécurité sociale du logement, puisqu’elle constitue une protection collective face aux aléas de la vie : le logement, comme la santé, est un bien vital. Elle permet également à chacun d’être traité sur un pied d’égalité dans sa recherche de logement.

Cette proposition contrevient effectivement, en tout point, à la politique du logement du Gouvernement, qui veut fragiliser les Français durant cette période. Cette volonté est illustrée par la loi « Kasbarian », qui fragilise les locataires en situation d’impayés alors que la bombe sociale du logement explose, ou encore par le reniement de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU).

Vous voulez continuer à augmenter les difficultés d’accès au logement et fragiliser les gens ; nous, les écologistes, la gauche, choisissons de les protéger et de leur donner les moyens d’exercer leur droit à un logement décent.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je salue votre enthousiasme et, surtout, votre réalisme quant à l’urgence absolue de réagir face à la situation que nous connaissons. Je partage votre constat.

Le dispositif proposé vise : à lutter contre la discrimination dans l’accès au logement ; à protéger en cas de coup dur – car personne n’est épargné – en garantissant la sécurité du maintien dans le logement ; à accompagner et à prévenir. J’insiste sur cette dimension de prévention, car je n’entends parler ce matin que de coût pour l’État. C’est le sens de la politique du logement que nous souhaitons.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). La société française a besoin de sécurité, d’ordre et de confiance. La sécurité, ce n’est pas seulement la sécurité publique, c’est aussi la sécurité sociale, surtout dans un pays où la précarisation de l’emploi, l’ubérisation de la société et les difficultés sociales en tous genres créent beaucoup d’incertitude et de précarité, donc de désordre et d’insécurité. Cette proposition contribue à apporter un peu plus de sécurité, d’ordre et de confiance dans la société. Le texte est équilibré entre les droits et devoirs du locataire et ceux du propriétaire : en aucune manière, la garantie universelle des loyers n’est un dispositif de déresponsabilisation.

La crise du logement que nous vivons est sans précédent : depuis 1992, le nombre de demandeurs de logement social n’a jamais été aussi élevé quand la production de logements, tous logements confondus, n’a jamais été aussi basse. Ces chiffres viennent de sortir. Pour y répondre, il faut fois agir sur le levier de la production de logements – mais ce n’est pas l’objet de ce texte – et « déstocker » les logements vacants pour les mettre à la location. Pour cela, il faut rassurer les propriétaires en créant un cadre de confiance.

Je ne reviens pas sur ce qui a déjà été dit sur les effets pervers de la course aux garanties, qui est très compliquée pour une grande partie de nos concitoyens. Depuis longtemps, les gouvernements successifs essayent de trouver l’équilibre des droits et des devoirs. On a parlé de la garantie universelle des loyers de la loi Alur, défendue par Cécile Duflot. Je voudrais aussi parler des « protocoles Borloo », créés par ce ministre en 2005. J’exerçais à l’époque des responsabilités dans une collectivité locale et je me souviens que nous nous rendions tous les mois en sous-préfecture avec des locataires en difficulté afin de signer des protocoles avec le propriétaire et l’État, qui donnaient un peu de sécurité aux parties. C’est donc un long combat. Nous soutenons cette loi de sécurisation de la société.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous avez bien résumé les choses : cette proposition de loi est un texte d’équilibre de droits et de devoirs, qui protège nos concitoyens.

Vous avez insisté sur la nécessité de travailler à la remise sur le marché locatif de logements captifs. Je rappelle qu’une enquête de la DHUP chiffre à 9 % la proportion de propriétaires qui ne mettent pas leur logement en location par crainte d’impayés de loyer. Cela représente 300 000 logements, qu’il est indispensable de remettre sur le marché dans le contexte actuel.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Pardonnez-moi, je risque d’être un peu désagréable.

« Face à la crise du logement, le Gouvernement et la majorité sont pleinement mobilisés. », a déclaré notre collègue Luc Lamirault. Avec beaucoup de respect, je le dis, ces formules creuses sont fatigantes. Il faut arrêter de se payer de mots ! Plusieurs collègues ont répété que la garantie universelle des loyers était trop compliquée et coûtait trop cher, mais la crise du logement s’est dramatiquement aggravée en dix ans et vous ne pouvez pas nier que vous y avez une certaine forme de responsabilité. Il y a certes une question conjoncturelle, mais la réduction du loyer de solidarité (RLS) a freiné de manière drastique la construction de logements sociaux. Les acteurs du logement social le disent et les bailleurs de proximité regrettent qu’il n’y ait plus d’argent pour construire. De l’autre côté, de plus en plus de gens, surtout les plus fragiles, peinent à trouver un logement.

Ce texte ne déresponsabilise pas. Arrêtez de nous assommer avec cet argument ! Je le dis avec respect, mais je le dis clairement : les impayés concernent 2 % des locataires et vous voulez nous empêcher de légiférer pour l’intérêt général ? Le dispositif ne revient pas à dire aux locataires de ne plus payer leur loyer ni à enjoindre aux propriétaires de louer à de braves gens qui n’ont pas les moyens puisque l’État couvrira le loyer. Soyons sérieux ! Notre collègue Peu vient de rappeler qu’il procède d’une construction lente, des protocoles Borloo à la loi Alur. Un responsable politique doit être mesuré dans son approche – surtout pour les responsables locaux, qui sont au plus proche de la population – et ne donner de prime ni aux locataires ni aux propriétaires.

La situation du logement en France est dramatique, mais nous sommes restés un mois sans ministre du logement. La nomination d’un ministre envoie toujours un signal. J’ai du respect pour le président de la commission qu’il fut, mais quel signal envoie la nomination de M. Guillaume Kasbarian, qui a défendu une loi facilitant l’expulsion des plus fragiles ? Si vous voulez régler le problème, ce sont les plus fragiles qui doivent être accompagnés. Cela me rend fou de voir, sur cette question, le retour au vieux monde. La droite se drape dans la protection des propriétaires et la gauche dit qu’il faut accompagner les locataires. Quand on se réclame du bon sens et du « en même temps », on protège les propriétaires et on encourage les locataires.

Cette proposition de loi n’est sans doute pas parfaite, mais elle pourra être amendée. Je tiens à saluer le travail du rapporteur, car il y a des choses à faire et nous ne pouvons rester les deux pieds dans le même sabot. Les dernières décisions du Gouvernement sont catastrophiques.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il fallait bien que quelqu’un remette les points sur les « i » et les barres sur les « t » ! Je vous remercie de remettre les choses en perspective. Cette proposition de loi, comme vous le rappelez, est un texte du « en même temps », du gagnant-gagnant pour les propriétaires et pour les locataires. Je ne comprends pas l’obstination de certains de nos collègues à s’opposer, dans le contexte actuel, à toute avancée en la matière.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Monsieur le président, à mon tour, je vous félicite pour votre élection à la tête de la commission des affaires économiques.

Monsieur le rapporteur, vous êtes-vous concerté avec les acteurs du secteur ? Que pensent-ils de votre proposition ? Je les ai écoutés et ils me disent qu’un des écueils principaux du texte est l’absence de conditions. En vous écoutant, il semble que le dispositif en comporte. Pouvez-vous préciser ce point ?

La profession réfléchit actuellement à la mise en place d’une solution mutualisée sur l’ensemble des professionnels. Que savez-vous de cette réflexion ? Ne faudrait-il pas retirer votre texte dans l’attente de cette solution ? Remédier à la crise du logement demande en effet de construire avec les acteurs du secteur.

M. Richard Ramos (Dem). Ce qui fonde une civilisation, c’est l’alimentation et le logement. L’homme, en inventant le feu, s’est organisé pour garder le logement quand il allait chasser. Vous pourriez verser des droits d’auteur à François Bayrou, car ce que vous proposez est une mesure de ses trois programmes présidentiels. C’est une mesure libérale puisque, en rassurant les propriétaires, elle favoriserait l’achat par les classes moyennes d’un petit logement pour la location en vue de la retraite. Il faut sécuriser le paiement des loyers pour flécher un important montant d’épargne vers le logement. Je vous adresse donc mes félicitations et je me réjouis d’être sur le même axe que vous, notamment avec les écologistes.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous avons auditionné l’ensemble des acteurs du secteur et tous ne partagent pas le même point de vue. La Fnaim n’est pas favorable à une garantie universelle des loyers obligatoire. Elle réfléchit à son propre dispositif, mais celui-ci ne concernerait que la location intermédiée. Elle prêche donc pour sa propre paroisse. Leur dispositif concerne une cible donnée alors que nous cherchons à mettre en place une garantie universelle, notamment pour soutenir les plus précaires. Je ne suis pas convaincu que leur dispositif permettrait de couvrir ces situations.

À ce stade, les conditions n’ont pas été clairement définies et sont renvoyées à des décrets. La proposition de loi pourrait fixer un taux d’effort maximum de 50 % tel qu’il était envisagé à l’origine du dispositif. Et, j’insiste, elle prévoit la nécessité, en cas d’impayé, d’un plan d’apurement. L’idée n’est vraiment pas d’ouvrir un droit à l’impayé sans condition aucune.

La réunion est suspendue pendant quelques minutes.

 

Article 1er : Rétablissement de la garantie universelle des loyers

 

Amendement CE17 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la possibilité pour les propriétaires privés de recourir à une assurance privée pour loyers impayés. Complété par l’amendement CE10 de Mme Chatelain, qui porte sur l’interdiction du cautionnement et sur lequel je me prononcerai favorablement, il permettra d’instaurer un dispositif universel.

De fait, nous proposons d’interdire les garanties de loyers impayés, qui sont des assurances privées coûteuses et qui exigent souvent un taux d’effort plafonné à 33 % des revenus, ce qui en exclut les ménages les plus modestes, là où nous pourrions proposer un taux de 50 %. En outre, pour bénéficier d’une GLI, les propriétaires se voient parfois obligés de choisir des locataires présentant une situation stable et des revenus élevés.

En l’absence de GUL, l’intérêt d’une GLI pour les propriétaires se conçoit mais, dès lors que serait instauré notre dispositif protecteur, toute autre assurance privée deviendrait inutile.

M. Daniel Labaronne (RE). Votre texte ne traite que des loyers impayés. Quid des dégradations locatives ? La GUL serait-elle assortie des mêmes protections juridiques que les GLI ? Les garanties dont jouiraient les propriétaires dans le système universel que vous entendez leur imposer seraient moindres que celles qu’offrent les organismes privés ou parapublics auxquels vous voudriez leur interdire de recourir.

La proposition s’intitule « pour louer en toute confiance ». Mais comment votre dispositif pourrait-il mettre en confiance les propriétaires ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le dépôt de garantie pour se prémunir des dégradations locatives n’est nullement interdit. Le texte n’a pour objet que de couvrir les loyers impayés. Si vous souhaitez que des dispositions ayant trait à ces dégradations y soient intégrées, je vous invite à déposer des amendements en ce sens en vue de la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE10 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La garantie Visale assure peu de logements en raison, entre autres, de son caractère ciblé. Dans la concurrence qui les oppose aux candidats assurés par Visale, ceux qui jouissent d’une caution physique l’emportent en général, puisque cette caution sécurise les propriétaires. Ainsi, 2,5 % des logements loués en France sont garantis par Visale, 15 % à 20 % par des GLI et 41 % par le cautionnement d’un proche.

L’amendement vise à mettre tous les locataires potentiels, quels que soient les revenus de leurs proches, sur un pied d’égalité en interdisant le cautionnement individuel.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Nous soutenons cet amendement. Ce qui fait la force de la GUL est précisément son caractère universel et obligatoire, ainsi que sa capacité à se substituer aux systèmes d’assurance privés. L’universalité évite la stigmatisation que suscite Visale, puisque le public bénéficiant de ce dispositif rencontre par définition les plus grandes difficultés financières. En outre, la GUL est d’autant plus efficace qu’elle est obligatoire et remplace les assurances privées. Elle coûte en effet moins cher aux bailleurs que ces dernières, qui proposent généralement des couvertures médiocres.

C’est le principe même de la sécurité sociale : un système universel et obligatoire protège mieux et à moindre coût qu’un dispositif dépendant du marché des assurances privées, inégalitaire et très coûteux.

M. Daniel Labaronne (RE). D’après l’exposé des motifs, « le succès du dispositif Visale d’Action logement a montré l’intérêt d’un tel dispositif. ». Vous nous dites à présent que Visale ne donne pas satisfaction. Peut-être faut-il l’améliorer et augmenter le nombre de ses bénéficiaires, mais il existe, a démontré son efficacité et ne coûte pas un sou d’argent public – une donnée importante à l’heure où notre dette publique dépasse les 3 000 milliards d’euros et où il nous est difficile de réduire notre déficit public.

Je rappelle que la GUL n’offre pas aux propriétaires toutes les protections juridiques garanties par Visale et par les GLI. Si vous entendez les introduire dans le dispositif, ce n’est pas 1,4 milliard d’euros que vous devrez mettre sur la table, mais bien 2 ou 2,5 milliards d’euros.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je n’ai entendu aucune proposition de la majorité consistant à élargir le champ d’application du dispositif Visale. Vous auriez pu aussi déposer des amendements pour ouvrir le débat. En tout état de cause, cet élargissement aurait un coût pour l’État, puisqu’il est le garant en dernier ressort des garanties délivrées par Action Logement.

Pour en revenir à l’amendement, avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE7 de Mme Cyrielle Chatelain et CE1 de M. Stéphane Peu (discussion commune)

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). L’alinéa 2 de l’article 1er de la proposition définit la garantie universelle des loyers comme prémunissant les bailleurs contre les impayés de loyer. Cette protection est un élément constitutif de la relation de confiance entre propriétaires et locataires.

Mais la GUL protège aussi les locataires, en leur permettant de se maintenir dans leur logement et en garantissant aux candidats à la location des chances égales d’y accéder. Il est donc important de compléter cet alinéa en précisant que la GUL « contribue à l’égalité d’accès aux logements pour les locataires ».

M. Stéphane Peu (SOC). L’amendement souligne l’équilibre des garanties que le texte prévoit d’accorder aux propriétaires et aux locataires. Il contribue également à la prévention des expulsions, dont l’accroissement ne saurait nous satisfaire.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je suis favorable aux deux amendements.

M. Daniel Labaronne (RE). Cette proposition de loi et ces amendements procèdent d’une volonté de culpabiliser les propriétaires. Selon l’exposé des motifs, il faudrait rééquilibrer en faveur des locataires le dispositif de la loi du 6 juillet 1989, car les propriétaires exigeraient des « garanties financières irréalistes et le plus souvent illégales » ou « abusives ». Il serait donc nécessaire de les sanctionner. Cette approche me paraît très éloignée de la réalité et j’appelle à voter contre ces amendements.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Pour ma part, je suis favorable aux deux amendements.

Selon M. Labaronne, il suffirait d’augmenter le nombre des bénéficiaires du dispositif Visale, supposé ne rien coûter à l’État. Mais chacun sait qu’il n’y a pas d’argent magique dans notre pays. Visale est financé par le groupe Action logement, dont les ressources sont issues de la participation des employeurs à l’effort de construction, à hauteur de 0,45 % de la masse salariale. C’est l’argent des salariés et des employeurs qui alimente Visale et son élargissement impliquerait de transférer cet argent des programmes de construction de logements sociaux d’Action logement, par exemple, vers le développement du cautionnement.

Il n’est donc pas acceptable de balayer d’un revers de main la question des ressources financières nécessaires à la garantie contre les impayés en prétendant que Visale s’en chargera : il faudra bien trouver l’argent quelque part.

Du reste, au vu du niveau des impayés, le coût des mesures prévues par la proposition ne sera pas aussi élevé que vous le suggérez.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE18 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement tend à exclure le logement social du champ d’application de la GUL, considérant que les bailleurs sociaux ne demandent aucune garantie à leurs locataires et qu’ils s’appuient sur des mécanismes internes efficaces de prévention et de lutte contre les impayés, auxquels il convient de ne pas toucher.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE16 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Par cet amendement de réécriture, nous rappelons, à la demande même des professionnels de l’immobilier, que les propriétaires doivent respecter les règles de décence et d’encadrement des loyers pour pouvoir bénéficier de la GUL. Cela va sans dire, mais cela va toujours mieux en le disant.

Nous supprimons également toute référence aux assurances privées et au cautionnement, étant entendu que la GUL doit être l’unique outil de sécurisation des propriétaires.

Nous précisons enfin qu’un locataire endetté auprès de l’agence de la GUL doit signer un plan d’apurement avec elle pour en bénéficier une nouvelle fois : la GUL n’est pas un droit à l’impayé de loyer.

M. Daniel Labaronne (RE). Nous pourrions nous abstenir, car cet amendement, comme l’amendement CE18, est de bon sens.

Je saisis l’occasion de rappeler que la proposition comporte quarante-cinq paragraphes et renvoie à une multitude de décrets, et les amendements que nous examinons tendent à raffiner encore son dispositif. Une des critiques émises à l’encontre de la loi Alur était son aspect d’ « usine à gaz » et c’est cette même usine que nous retrouvons aujourd’hui. Le texte, qui prétend susciter la confiance des propriétaires, instaure en fait une administration compliquée qui ne favorisera pas cette confiance.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. À entendre votre exposé, je crains que vous ne votiez guère de textes dans les semaines à venir.

Je crois que vous n’avez pas saisi le sens de la proposition, dont la rédaction permettait à chacun de déposer des amendements de sorte que s’engage une discussion de laquelle sortirait un dispositif convenant à tout le monde et apaisant les inquiétudes dont vous nous faites part. Je regrette que vous n’ayez pas saisi cette occasion.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE9 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Dans la suite des précédents amendements déposés par mon groupe, celui-ci tend à rendre la GUL obligatoire, condition indispensable à son bon fonctionnement. Toute dérogation amoindrirait la protection que nous entendons garantir. C’est en effet dans la mesure où la GUL permet la mutualisation des risques qu’elle est au fondement d’une sécurité sociale du logement. L’État doit être l’unique garant du risque d’impayé de loyer, à l’exclusion de tout dispositif alternatif ou cumulatif.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je regrette que nos amendements précédents aient été rejetés. Dans la mesure où les GLI privées, du fait de ces rejets, n’ont pas été interdites, l’adoption de l’amendement reviendrait à autoriser les propriétaires à combiner la GUL avec le recours à une assurance privée, ce qui ne me paraît pas nécessairement souhaitable. Puisque je partage votre objectif, je suis néanmoins favorable.

M. Daniel Labaronne (RE). Une telle obligation n’est pas inscrite dans la loi Alur. Elle est inconstitutionnelle et contraire au droit européen. Elle rencontrerait des obstacles juridiques, du fait même de l’existence de garanties privées et de la garantie d’Action logement.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La sécurité sociale est obligatoire sans pour autant s’opposer à la Constitution.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE5 de M. William Martinet

M. William Martinet (LFI-NUPES). Cet amendement tend à affirmer l’universalité de la GUL en supprimant l’alinéa 14, qui crée une situation d’exception pour les étudiants et les apprentis. Il autorise en effet les bailleurs à leur demander un cautionnement qui s’ajoute à la GUL, alors qu’ils subissent de la manière la plus dure les inégalités et la reproduction sociale, puisqu’ils sont discriminés en fonction du revenu de leurs parents et de leur capacité à bénéficier d’un cautionnement élevé, généralement familial.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’y suis favorable, puisque je l’étais à l’amendement CE10 visant à interdire toute forme de cautionnement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE2 de M. Stéphane Peu

M. Stéphane Peu (SOC). La loi Alur prévoyait la possibilité de majorer le montant maximal de l’aide versée au titre de la GUL pour les étudiants, les apprentis, les salariés en CDD, les demandeurs d’emploi, en somme tous ceux qui se trouvent dans une situation sociale difficile. L’amendement tend à introduire cette possibilité.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette majoration peut se justifier, dans la mesure où elle rassurerait les propriétaires et les inciterait à louer leurs biens aux publics réputés fragiles. Je m’interroge cependant sur les discriminations que ces publics pourraient subir, dans la mesure où le simple fait de se voir appliquer cette majoration les désignerait comme tels. C’est le cas des bénéficiaires du dispositif Visale. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement est retiré.

 

La commission rejette l’amendement rédactionnel CE13 de M. Stéphane Delautrette, rapporteur.

 

Amendement CE6 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). L’agence de la GUL que le texte prévoit de créer aurait la capacité de financer des actions d’accompagnement social des locataires en situation d’impayé, mais elle constituerait aussi un outil de prévention des impayés et du surendettement engendrés par l’augmentation du prix de l’énergie et des loyers qu’entraîne l’inflation. À cette fin, il conviendrait que cette agence identifie les locataires qui courent un risque de défaut de paiement et d’accumulation de dettes, donc, à terme, d’expulsion.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre amendement permet de revenir sur l’un des volets importants de la proposition de loi, l’accompagnement des publics, au lieu de focaliser notre discussion sur les impayés. Mieux vaut prévenir qu’agir, en effet. Avis favorable.

M. Daniel Labaronne (RE). Action logement mène déjà cette action de prévention et d’accompagnement social. Vous souhaitez créer une agence étatique pour appliquer un dispositif existant, qui n’a d’ailleurs cessé de s’élargir, avec l’avance Loca-Pass – un prêt sans intérêt dont le montant peut atteindre 1 200 euros pour financer le dépôt de garantie – et la garantie Visale, qui offre un garant à 100 % gratuit.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Votre intervention conforte le bien-fondé de mon amendement, qui vise à étendre à tous les locataires ce qui existe et fonctionne pour quelques-uns. Les problèmes de santé graves, les séparations peuvent arriver à chacun d’entre nous. L’objectif n’est pas de complexifier le système mais de proposer une garantie à tous. Si vous êtes convaincu qu’Action logement aide des ménages et protège des propriétaires, adoptez mon amendement !

La commission rejette l’amendement.

 

Elle rejette l’amendement rédactionnel CE14 de M. Stéphane Delautrette, rapporteur.

 

Amendements CE15 de M. Stéphane Delautrette et CE4 de M. William Martinet (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. À la suite des auditions avec les organisations représentatives des bailleurs privés et des locataires, nous avons souhaité compléter la composition du conseil d’administration de l’agence en charge de la GUL, en y intégrant des représentants des bailleurs privés et des locataires.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Mon amendement va également dans le sens d’une gestion paritaire par les premiers concernés. Je le retire au profit de celui du rapporteur.

L’amendement CE4 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE15.

 

Elle rejette successivement les amendements rédactionnels CE12 et CE11 de M. Stéphane Delautrette, rapporteur.

 

La commission rejette l’article 1er.

 

 

Article 2 : Gage

 

La commission rejette l’article 2.

 

En conséquence, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

 

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous avons tout intérêt à prolonger nos discussions sur la garantie des loyers. Les échanges de ce matin ont démontré que la question n’était pas réglée. Ce sont 300 000 logements qui pourraient être remis sur le marché. Notre nouveau ministre n’est pas insensible au sujet et nous pourrons faire évoluer les choses, en travaillant ensemble.


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

Oxfam *

Mme Cécile Duflot, directrice générale

Droit au Logement (DAL)

M. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole

Agence nationale d’information sur le logement (ANIL)

Mme Roselyne Conan, directrice générale

Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) *

M. Loïc Cantin, président

Table ronde réunissant des associations représentatives des propriétaires bailleurs et des associations représentatives des locataires :

Union Nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) *

M. Sylvain Grataloup, président

UNLI *

M. Michel Veneau, président national

M. Alexandre Guillemaud, chargé de mission

CLCV *

M. David Rodrigues

CGL *

M. Michel Fréchet, président

Action Logement *

M. Philippe Lengrand, vice-président

Mme Nadia Bouyer, directrice générale

DHUP

M. Mathieu Przybylski, adjoint au sous-directeur du financement et de l’économie du logement et de l’aménagement

 

 

Fondation Abbé Pierre *

Manuel Domergue, directeur général

Mme Noria Derdek, chargée d’études

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Cf. Insee, « Les discriminations dans l’accès au logement en France : un testing sur les aires urbaines métropolitaines », Économie et statistique n° 513 – 2019.

([2]) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([3]) De 2008 à 2016, la GRL a pris la forme d’un dispositif d’assurance : les propriétaires bailleurs s’acquittaient d’une prime d’assurance pour se couvrir contre les risques d’impayés et de dégradations locatives et les éventuels frais de contentieux, que perçoivent les compagnies d’assurances comme pour une garantie des loyers impayés traditionnelle. La GRL se distinguait des autres GLI par la compensation, par le Fonds de garantie universelle des risques locatifs, de la sur-sinistralité observée pour certaines catégories de locataires.

([4]) Article 154 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([5]) Proposition de loi n° 2645 visant à sécuriser les propriétaires-bailleurs et à faciliter l’accès au logement des locataires, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 4 février 2020.