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N° 2205

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 février 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à geler les tarifs des transports publics franciliens pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n° 2063).

 

PAR M. Olivier FAURE

Député

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Voir le numéro : 2063.


SOMMAIRE

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Pages

IntroDUCTION

I. Une barrière aux mobilités quotidiennes des franciliens les plus défavorisés

A. Les utilisateurs de tickets ou billEts à l’unité sont aussi les plus Éloignés de l’emploi

B. un facteur d’aggravation des inégalités sociales durant l’ÉtÉ en Île-de-france

C. Des dispositifs de tarification préférentielle insuffisAMment préparés par Île-de-France mobilités

II. un appel à réformer le système de financement d’idfm

A. les surcoûts liés aux jeux sont estimés à 200 millions d’euros

B. « les jeux doivent financer les jeux » à l’image des autres villes olympiques

C. La nécessité d’une recette supplémentaire exceptionnelle juste et équitable

COMMENTAIREs des articles de la proposition de loi

Article 1er Gel des tarifs des transports publics pour l’année 2024 et hausse de la taxe de séjour additionnelle en Île-de-France

Article 2 Rapport sur l’adéquation entre les hausses de tarifs des transports publics franciliens depuis 2016 et l’évolution du service rendu aux usagers

Article 3 Compensation financière

EXAMEN EN COMMISSION

liste des personnes auditionnées

 


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   IntroDUCTION

Dans son dossier de candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 remis au Comité international olympique (CIO) en février 2017, la Ville de Paris s’était engagée à garantir un « accès gratuit à l’ensemble du réseau de transports en commun pour les populations accréditées et les détenteurs de billets » ([1]) pendant toute la période des Jeux. La mesure poursuivait l’ambition de favoriser l’utilisation des transports en commun et réduire la congestion routière ainsi que les émissions de gaz à effet de serre liées à l’usage de la voiture.

À rebours de ces engagements, en novembre 2023, la présidente de la région Île-de-France, Mme Valérie Pécresse, a annoncé un doublement des tarifs des transports publics franciliens, hors abonnement, durant la période des Jeux, y compris pendant la période interstitielle entre les Jeux Olympiques et les Jeux Paralympiques. Ainsi, du 20 juillet au 8 septembre 2024, le tarif du ticket de métro augmentera de 2,10 euros à 4 euros ; le carnet de dix tickets, de 16,90 euros à 32 euros, et le ticket de RER (réseau express métropolitain), de 3,20 euros ou 5 euros (selon les destinations) à 6 euros. Seront également instaurés un forfait « Paris 2024 » au prix de 16 euros par jour (au lieu de forfaits compris entre 8,65 euros et 20,60 euros par jour selon le nombre de zones accessibles) ainsi qu’un forfait hebdomadaire au prix de 70 euros (au lieu de forfaits habituellement compris entre 26,80 euros et 30,75 euros par semaine).

D’après Île-de-France Mobilités (IDFM), cette hausse tarifaire, qui impactera de façon indifférenciée tous les usagers – spectateurs des Jeux mais aussi résidents franciliens non détenteurs d’un abonnement – vise à couvrir l’offre supplémentaire de transports en commun pendant la période des Jeux Olympiques et Paralympiques (+ 15 % par rapport à un été habituel) dont le coût est à ce jour estimé à environ 200 millions d’euros.

Alors que les Jeux bénéficieront aux franges les plus aisées de la population mondiale au regard des coûts d’accès aux événements sportifs (billets) mais aussi de l’ensemble des dépenses associées au déplacement (transports vers Paris, logement, etc.), rien ne justifie que le surcoût associé à l’offre de transport supplémentaire mise en place pour les Jeux soit ainsi supporté par les personnes résidentes en Île-de-France durant l’été, et a fortiori, les franges les moins aisées utilisatrices de tickets à l’unité et qui ne disposent pas d’abonnement pour leurs mobilités quotidiennes. L’injustice de la mesure est de nature à dégrader l’image de Jeux en alimentant l’idée qu’ils sont destinés à des populations non résidentes et très favorisées au détriment des populations locales qui n’auront pas d’accès aux compétitions et qui devront payer l’augmentation de l’offre de transport. Elle constitue également un mauvais signal pour inciter au recours aux transports en commun et au report modal, à l’heure de l’urgence de la transition écologique dans le secteur des transports.

Pour comprendre cette décision socialement injuste et inéquitable et en mesurer tout l’impact, votre rapporteur a auditionné l’ensemble des parties prenantes, dont Île-de-France Mobilités (IDFM), le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojo), la Ville de Paris, le conseil départemental de Seine-Saint-Denis, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et l’association d’usagers « Plus de trains » ainsi qu’un sociologue et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH).

En rupture avec la politique de gratuité historiquement mise en place dans la plupart des villes olympiques, la décision de doubler les tarifs des transports franciliens, prise sans concertation par l’autorité organisatrice IDFM, constitue un rendez-vous manqué pour répondre aux défis sociaux et environnementaux majeurs posés par les Jeux Olympiques et Paralympiques, alors même qu’elle n’est pas la seule solution aux besoins de financement.

I.   Une barrière aux mobilités quotidiennes des franciliens les plus défavorisés

A.   Les utilisateurs de tickets ou billEts à l’unité sont aussi les plus Éloignés de l’emploi

La hausse de la tarification annoncée durant l’été 2024 pénalisera les mobilités quotidiennes des usagers des transports en commun d’Île-de-France, en particulier ceux qui ne disposent pas d’un abonnement dont le coût, par ailleurs récemment augmenté ([2]), peut être prohibitif, d’autant plus lorsqu’il n’est pas partiellement pris en charge par un employeur.

Or, le nombre de personnes résidentes en Île-de-France qui utilisent des tickets pour se déplacer à défaut d’un abonnement est loin d’être négligeable : en 2017, seule la moitié des ménages de l’aire urbaine de Paris disposait d’au moins un abonnement pour les transports en commun locaux ([3]). D’après les estimations communiquées par IDFM lors de son audition, environ 6 millions d’usagers se déplacent par mois au moyen de tickets ou billets vendus à l’unité sur le réseau francilien ; tandis que le nombre d’usagers ayant recours à un abonnement est d’environ 3,5 millions. L’établissement public estime que près de la moitié des tickets est achetée par des voyageurs très réguliers.

En outre, le non-recours à un abonnement ne concerne pas les mêmes catégories de la population. La plus forte probabilité de recourir à un Navigo se rencontre ainsi chez les cadres supérieurs (43,5 %), les employés (41 %) et les professions intermédiaires (38 %) ([4]). Lorsqu’elles sont salariées, ces personnes en emploi bénéficient en effet du remboursement partiel obligatoire par leur employeur du prix de leur abonnement prévu à l’article L. 3261-2 du code du travail.

À l’inverse, les tickets à l’unité sont plus souvent utilisés par les inactifs ou les retraités (33 %) et les chômeurs (30 %) dont la mobilité peut être plus irrégulière et qui ne bénéficient pas du dispositif de remboursement partiel. De même, les billets « Origine-destination » correspondant aux trajets en RER hors de Paris sont davantage mobilisés par ces mêmes catégories de la population (21 % des chômeurs et 18 % des retraités ou inactifs dans le mois).

La hausse du prix des tickets et billets vendus à l’unité impactera ainsi en premier lieu les mobilités des personnes éloignées d’une situation d’emploi stable (les demandeurs d’emploi, les travailleurs précaires en intérim ou contrats courts) et aura pour effet de majorer les fractures sociales et territoriales existantes en Île-de-France. Les jeunes Franciliens (en dehors des Parisiens qui bénéficient de la gratuité des transports publics) seront eux aussi pénalisés, alors même qu’ils seront en période de vacances scolaires et qu’ils seront invités à rejoindre les fan zones et autres festivités.

B.   un facteur d’aggravation des inégalités sociales durant l’ÉtÉ en Île-de-france

De fortes inégalités vis-à-vis de la mobilité caractérisent le territoire francilien selon les revenus, la localisation plus ou moins périphérique des lieux d’habitation par rapport aux lieux de vie et aux services, ou encore l’accès à l’emploi et à des transports en commun performants. Le sociologue, M. Nicolas Oppenchaim, rappelle ainsi que « certains passent des heures à se déplacer, parfois en jonglant entre différents modes de transport ou en comptant sur la solidarité amicale ou familiale, parce qu’ils ne trouvent ni emploi ni services à proximité de chez eux. » ([5]). La hausse de la tarification est de nature à majorer ces inégalités de déplacement à plusieurs égards.

La mobilité représente d’abord un coût économique non négligeable, en particulier en Île-de-France et pour les ménages les plus précaires. D’après l’enquête « Budget de famille » de l’Insee, les ménages habitant l’aire urbaine de Paris consacraient en moyenne 630 euros aux transports en commun locaux en 2017, soit plus de deux fois plus que dans les autres aires de plus de 700 000 habitants ([6]). Dans le contexte inflationniste actuel, les ménages les plus modestes sont d’autant plus vulnérables à une hausse des coûts de leurs mobilités. Le surcoût du ticket ou du billet pendant les Jeux pourra ainsi constituer un motif de renonciation à des déplacements.

Les personnes résidant en Île-de-France susceptibles d’utiliser les transports en commun durant la période des Jeux sont également celles et ceux qui ne partiront pas en vacances. Or, d’après des données de 2022 du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), l’Observatoire des inégalités rappelle que les départs en vacances dépendent largement des revenus et des situations socioprofessionnelles : seulement 37 % des personnes aux revenus inférieurs à 1 285 euros mensuels déclarent avoir quitté leur domicile au cours de l’année, contre 72 % de celles qui disposent de plus de 2 755 euros par mois. Les raisons financières constituent le premier motif évoqué du non-départ en vacances ([7]). De ce point de vue, la hausse de la tarification des transports publics franciliens constitue une mesure particulièrement injuste et inéquitable : elle pénalise, entre autres, les mobilités des personnes résidentes franciliennes qui ne partiront pas en congés pour des raisons le plus fréquemment financières.

C.   Des dispositifs de tarification préférentielle insuffisAMment préparés par Île-de-France mobilités

Enfin, si Île-de-France Mobilités invite les usagers à anticiper l’achat de leurs tickets et billets avant l’augmentation des tarifs le 20 juillet 2024, il convient de rappeler que cette solution s’adresse avant tout à des personnes informées, en capacité d’avancer leurs frais de déplacement et d’anticiper l’ensemble de leurs trajets jusqu’à septembre. Elle tend ainsi à exclure les populations les plus défavorisées qui utilisent de façon significative davantage de tickets à l’unité (la contrainte budgétaire pouvant expliquer l’achat à l’unité et non par carnet). Île‑de‑France Mobilités observe également que les billets permettant de se déplacer en banlieue sont majoritairement achetés à l’unité ([8]).

Il est important de rappeler que les Jeux Paralympiques se dérouleront en pleine période de rentrée scolaire et que la période interstitielle entre les Jeux Olympiques et Paralympiques est couverte par le doublement des tarifs. L’étendue et la nature des périodes concernées rend particulièrement difficile l’achat de billets par anticipation. L’effort de trésorerie pour une famille modeste est significatif.

Lors de son audition, IDFM a pu présenter l’abonnement « Navigo Liberté + » comme une solution pour les Franciliens qui n’auraient pas payé en avance leurs trajets au prix usuel. Cet abonnement permet de bénéficier de tickets de métro à 1,73 euro (au lieu de 2,15 euros). Le montant des trajets réalisés au titre de l’abonnement durant le mois est prélevé le mois suivant sur le compte bancaire de l’usager.

Toutefois, cet abonnement est aujourd’hui méconnu et peu répandu ; il concerne moins de 500 000 usagers. Il nécessite une démarche active de la part des usagers (la souscription nécessitant notamment la transmission d’un relevé d’identité bancaire et par conséquent, la possession d’un compte bancaire) et surtout l’engagement de moyens de communication et d’information de la part d’IDFM pour faire connaître le dispositif. En outre, « Liberté + » ne couvre pas les trajets réalisés en RER ou en train hors de Paris !

Lors de leurs auditions, le président de l’association « Plus de trains », représentée au conseil d’administration d’IDFM, M. Arnaud Bertrand, ainsi que le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, M. Stéphane Troussel, ont relevé la faiblesse des actions entreprises par l’autorité organisatrice à ce sujet. IDFM a ainsi renoncé à étendre l’abonnement « Liberté + » aux billets « Origine‑destination » hors de Paris pour les Jeux et n’a pas, à ce jour, engagé de campagne de communication d’ampleur pour promouvoir le dispositif.

II.   un appel à réformer le système de financement d’idfm

A.   les surcoûts liés aux jeux sont estimés à 200 millions d’euros

IDFM estime à ce jour à plus de 200 millions d’euros les surcoûts engendrés par les Jeux pour le système de transports publics franciliens. Ces coûts correspondent essentiellement à des renforts d’offre de transport et de personnels sur le réseau par les opérateurs (RATP, SNCF) et à la mise en place de navettes de bus et de services de transport pour les personnes accréditées. Ces dépenses de fonctionnement n’engendreront ainsi aucun héritage durable après les Jeux au bénéfice des usagers quotidiens du réseau. Elles relèvent même pour partie du transport privé de personnes (et non public).

L’autorité organisatrice a fait le choix de doubler les prix des tickets et billets à l’unité pour l’ensemble des usagers à compter du 20 juillet 2024 jusqu’au 8 septembre 2024 dans le but de financer ce surcoût. D’après son audition, ces augmentations visent essentiellement à rendre attractif le forfait « Paris 2024 » au prix de 16 euros par jour et ainsi inciter les 10 millions de touristes et spectateurs attendus pour les Jeux à faire le choix du forfait journalier plutôt que de titres de transport à l’unité. L’objectif recherché d’IDFM est également présenté comme un moyen de fluidifier les flux aux bornes d’achat des titres de transport. Les recettes issues de ce nouveau forfait mis en place spécifiquement pour les Jeux suffiraient, d’après l’autorité organisatrice, à couvrir la somme escomptée de plus de 200 millions d’euros.

Votre rapporteur s’étonne néanmoins de ce raisonnement qui ignore très largement l’impact de la mesure sur les mobilités des populations franciliennes, en particulier ses franges les plus défavorisées, ainsi que la mise à contribution directe des usagers franciliens au financement des surcoûts liés aux Jeux. Cette mise à contribution apparaît d’autant plus évidente qu’IDFM a fait le choix d’étendre les hausses de tarification sur sept semaines, bien au-delà de la période stricte des Jeux qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août pour les Jeux Olympiques et du 28 août au 8 septembre pour les Jeux Paralympiques. Il est donc loisible d’imaginer que les victimes de cette hausse des tarifs ne seront pas les spectateurs des Jeux.

Il est enfin utile de rappeler qu’à l’époque où il était encore prévu que Paris 2024 prenne en charge le coût des transports des spectateurs munis de billets, l’estimation réalisée n’atteignait pas 50 millions d’euros…

D’autres voies de financement, plus justes et équitables, sont pourtant possibles et n’ont vraisemblablement pas été suffisamment réfléchies et débattues de façon claire et transparente.

B.   « les jeux doivent financer les jeux » à l’image des autres villes olympiques

Votre rapporteur souhaite tout d’abord attirer l’attention sur le rôle et la responsabilité du comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojo). Selon le principe rappelé par le directeur des transports au sein du Cojo lui‑même, M. Pierre Cunéo, selon lequel « les Jeux doivent financer les Jeux », il est légitime que les recettes des Jeux couvrent les surcoûts associés pour le système de transports en commun. Dans l’objectif de promouvoir des jeux socialement et écologiquement « durables et inclusifs », il est également attendu que le comité participe à encourager l’utilisation des transports en commun par les personnes accréditées et les spectateurs.

Il doit être ainsi rappelé que, conformément au dossier de candidature de la Ville de Paris, le comité d’organisation s’était engagé en premier lieu à prendre en charge le coût des transports des personnes accréditées et des spectateurs détenteurs de billet de façon à assurer à ces publics un accès gratuit aux transports en commun. M. Tony Estanguet, président du comité d’organisation des Jeux, réaffirmait encore cet engagement en 2021 devant la commission de la culture, de la communication et du sport du Sénat : « Nous offrons la gratuité des transports sur notre budget pour les détenteurs de billets – les spectateurs – afin qu’ils puissent utiliser les transports en commun pour avoir un impact carbone limité et éviter les déplacements en voiture » ([9]).

La plupart des villes ayant accueilli les Jeux Olympiques, à l’exception de Rio en 2016, ont fait ce choix. Dans le contexte des Jeux, la gratuité est en effet un levier puissant pour améliorer la régulation des flux de personnes engendrés par les évènements sportifs en rendant les transports en commun plus accessibles et en réduisant le recours aux véhicules motorisés sources de nuisances multiples (émissions de particules polluantes et de gaz à fait de serre, congestion routière).

En 2000, Sydney, ville pionnière dans ce domaine, a instauré la gratuité des transports en commun pour les détenteurs de billets et interdit le stationnement à proximité des sites de compétition de façon à inciter l’ensemble des spectateurs à utiliser les transports en commun et fluidifier la circulation routière ([10]). Quatre ans plus tard, pour les Jeux de 2004, la ville d’Athènes a également fait des choix similaires en distribuant des tickets gratuits aux spectateurs lors de l’achat de leurs places pour inciter au recours aux transports en commun.

En 2008, Pékin a ouvert de nouvelles lignes de métro et appliqué la gratuité des transports en commun pour les personnes accréditées (journalistes, personnels et volontaires olympiques, sponsors, etc.) ainsi que les spectateurs munis de tickets. Les véhicules ont été autorisés à circuler certains jours uniquement selon leur plaque d’immatriculation de façon à réduire la circulation routière. La ville a également réduit durablement le prix des tickets de métro à 2 yuans (soit moins de trente centimes) ([11]). À Londres, en 2012, alors que l’amélioration du réseau de transport aurait coûté plus de 7 milliards d’euros, le comité d’organisation des jeux a fourni pour chaque billet olympique, une carte de transport gratuite valable le jour de la compétition.

La prise en charge gratuite des transports en commun pour les spectateurs détenteurs de billets s’inscrit ainsi dans la lignée historique des politiques tarifaires mises en œuvre par les différentes villes hôtes. Elle répond aux exigences environnementales mais aussi organisationnelles de tels événements sportifs. Lors de son audition, l’autorité organisatrice a significativement partagé de fortes inquiétudes au sujet de la gestion des flux de personnes aux bornes de paiement des tickets et billets en gare.

Le renoncement du comité d’organisation à prendre en charge des coûts qu’il estimait à environ 50 millions d’euros, pour des raisons financières et techniques, d’après les auditions, n’est pas satisfaisant. Votre rapporteur estime que face à des problématiques d’équilibre budgétaire, le comité d’organisation aurait pu faire le choix de dégager des sources de financement supplémentaires, via de nouveaux partenariats.

Par ailleurs, à l’issue de la décision du comité d’organisation, l’ensemble des parties prenantes auditionnées a souligné le défaut d’association, de consultation et d’esprit de compromis autour de la mesure prise de manière unilatérale par IDFM. Aucun dialogue constructif ne semble avoir pu émerger entre les différents acteurs des Jeux Olympiques et Paralympiques pour identifier des solutions alternatives au doublement des tarifs des transports publics. De façon significative, l’augmentation des tarifs pour les usagers à l’été a été annoncée dans la presse avant d’être formellement votée au sein du conseil d’administration de l’établissement public.

C.   La nécessité d’une recette supplémentaire exceptionnelle juste et équitable

La hausse des tarifs à l’été soulève également plus largement la problématique du financement du système de transports franciliens qui repose déjà dans des proportions importantes sur les usagers ; la vente des titres de transport représentant plus du tiers des recettes réelles de fonctionnement de l’autorité organisatrice (contre un ordre de grandeur de 20 % dans les autres grands réseaux dotés de métro). La décision d’IDFM pour les Jeux témoigne en effet d’impasses budgétaires pour l’année 2024 que les négociations récentes ayant donné lieu à deux missions d’inspection sur le sujet en 2021 et 2023 ([12]) et un protocole d’accord signé le 26 septembre 2023 entre l’État et IDFM n’ont manifestement permis ni d’anticiper, ni de résoudre.

Votre rapporteur estime que de nouvelles recettes doivent être dégagées au bénéfice d’IDFM dans le respect du principe d’un partage juste et équitable de l’effort financer et de façon à assurer la pérennité du système de transport francilien sans pénaliser ses usagers.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi prévoit un doublement des montants de la taxe additionnelle à la taxe de séjour créée par la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 au profit d’IDFM. Elle porte le taux de cette taxe à 400 % de la taxe de séjour (au lieu de 200 % actuellement) pour les nuitées comprises entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2024 afin de financer le surcoût lié aux Jeux estimés à 200 millions d’euros à ce jour. Ce doublement de taux porterait temporairement les montants de la taxe de séjour par nuitée et par personne à Paris à 24,15 euros dans les palaces, 17,33 euros dans les hôtels 5 étoiles, 13,13 euros dans les hôtels 4 étoiles, 8,40 euros dans les hôtels 3 étoiles, 5,25 euros dans les hôtels 2 étoiles, 4,20 euros dans les hôtels 1 étoile, 3,15 euros dans les campings de plus de 3 étoiles et 1,05 euro dans les campings 1 et 2 étoiles.

L’impact de cette taxe additionnelle a été examiné par l’Inspection générale des finances dans son rapport précité de 2023. Ce rapport concluait à une « recette dynamique [qui] permettrait de faire contribuer davantage les touristes et les visiteurs d’affaires au financement des transports collectifs en Île-de-France » tout en représentant un « faible surcoût » pour les voyageurs proportionnellement au coût des hébergements.

 

 


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   COMMENTAIREs des articles de la proposition de loi

Article 1er
Gel des tarifs des transports publics pour l’année 2024 et
hausse de la taxe de séjour additionnelle en Île-de-France

Supprimé par la commission

 

L’article 1er de la proposition de loi vise à geler toute augmentation des tarifs des transports publics franciliens au cours de l’année 2024 et à doubler le taux de la taxe additionnelle à la taxe de séjour applicable à compter du 1er juillet 2024 jusqu’à la fin de l’année. Le produit de cette taxe est affecté au bénéfice d’Île-de-France Mobilités pour les besoins de financement liés aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

I.   Le droit en vigueur

A.   l’organisation des transports publics de personnes en Île-de-France

L’organisation des transports publics de personnes en Île-de-France fait l’objet d’un chapitre dédié au sein du code des transports (articles L. 1241-1 à L. 1241-20). Elle a pour particularité d’être à la charge d’une autorité organisatrice unique dénommée « Île-de-France Mobilités » (IDFM) depuis 2017 et anciennement désignée sous le nom de « Syndicat des transports d’Île‑de‑France » (STIF).

Issu de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, modifiée par plusieurs lois, cet établissement public « a notamment pour mission de fixer les relations à desservir, de désigner les exploitants, de définir les modalités techniques d’exécution ainsi que les conditions générales d’exploitation et de financement des services [de transports réguliers de personnes] ». Au même titre que l’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité (article L. 1221-5 du code des transports), IDFM dispose également de la compétence de « définir la politique tarifaire de manière à obtenir l’utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant » (5° du I de l’article L. 1241-2 du même code).

L’établissement public IDFM est constitué entre la région Île-de-France, la Ville de Paris et l’ensemble des départements franciliens (Hauts-de-Seine, Seine‑Saint-Denis, Val-de-Marne, Essonne, Yvelines, Val-d’Oise, Seine-et-Marne) (article L. 1241-8). Actuellement présidé par la présidente du conseil régional d’Île‑de-France, Mme Valérie Pécresse, son conseil d’administration est composé de seize élus de la région, cinq élus de la Ville de Paris, un élu par département (sept au total), un représentant de la chambre régionale de commerce et d’industrie d’Île‑de‑France, un représentant des présidents des établissements publics de coopération intercommunale et un représentant des associations des usagers des transports.

Les délibérations à caractère budgétaire ou ayant une incidence budgétaire doivent être adoptées par le conseil d’administration à la majorité absolue de ses membres (article L. 1241-10).

B.   le financement du système de transport francilien

1.   Le respect de la règle d’or à laquelle est soumis IDFM est menacé à moyen terme

En tant qu’établissement public à caractère administratif, IDFM est soumis à l’ensemble des règles budgétaires et comptables s’appliquant aux collectivités, en particulier la « règle d’or des finances publiques locales ». Défini à l’article L. 1612-4 du code général des collectivités territoriales, ce principe d’équilibre réel implique notamment que les sections de fonctionnement et d’investissement de son budget soient votées à l’équilibre.

Les recettes de fonctionnement d’IDFM sont principalement constituées de trois ressources :

– le versement mobilité, codifié aux articles L. 2531-2 et suivants du code général des collectivités territoriales en ce qui concerne l’Île-de-France. Il est prélevé par l’union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) auprès des employeurs publics et privés de plus de onze salariés dont l’établissement est situé dans un périmètre de transport urbain en Île-de-France. Ses taux sont fixés par IDFM dans les limites des plafonds prévus par la loi. En 2022, son produit s’élevait à 5 311,3 millions d’euros, soit 50 % des recettes réelles de fonctionnement de l’autorité organisatrice ([13]) ;

– les recettes tarifaires, qui correspondent au produit de la vente des titres de transport payés par les usagers et dont les prix sont fixés chaque année par le conseil d’administration d’IDFM. Elles représentent un produit de 3 273,2 millions d’euros en 2022, soit 31 % des recettes réelles de fonctionnement ;

– les contributions des collectivités territoriales membres d’IDFM (région, départements, Ville de Paris), conformément au 1° de l’article L. 1241-14 du code des transports. Elles représentent un produit de 1 332,8 millions d’euros en 2022, soit 13 % des recettes réelles de fonctionnement.

Au total, en 2022, les recettes réelles de fonctionnement d’IDFM s’élevaient à près de 10,6 milliards d’euros. Ses dépenses réelles de fonctionnement s’élevaient à 10 milliards d’euros en 2022. Celles-ci correspondent à plus de 90 % à des dépenses d’exploitation régulière dans le cadre des contrats avec les opérateurs de réseau, en premier lieu la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et la SNCF.

Si IDFM respecte ainsi aujourd’hui les obligations légales relatives à la « règle d’or » budgétaire, deux missions d’inspection en 2020 et 2023 ont alerté sur la non-soutenabilité de sa trajectoire financière à l’horizon 2030 au regard notamment de l’évolution du contexte macroéconomique depuis la crise sanitaire et de la mise en service de nouvelles lignes de transport dans le cadre du Grand Paris Express.

2.   Le protocole signé avec l’État en septembre 2023 prévoit des recettes supplémentaires sans anticiper les Jeux

Dans ce contexte, IDFM a signé le 26 septembre 2023 avec l’État un protocole sur le financement de l’exploitation du système de transport francilien entre 2024 et 2031 visant à « établir un financement pérenne d’IDFM sur la période 2024-2031 » ([14]). Celui-ci envisageait en particulier :

– l’augmentation des taux plafonds du versement mobilité de +0,25 point en zone centrale (à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ;

– la création au 1er janvier 2024 d’une taxe additionnelle à la taxe de séjour ou à la taxe de séjour forfaitaire perçue dans la région Île-de-France et affectée à Île-de-France Mobilités, avec un taux plafond de 200 %.

Ces deux mesures ont été adoptées par amendements dans la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 :

– l’article 139 de la loi de finances a relevé le plafond du taux du versement mobilité de 2,95 % à 3,20 % à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. L’augmentation de la contribution des entreprises de plus de onze salariés assujetties au versement mobilité a été effectivement actée par délibération du conseil d’administration d’IDFM lors de sa séance du 30 décembre 2023 et a pris effet à compter du 1er février 2024 ;

– l’article 140 de la loi de finances a instauré, à compter du 1er janvier 2024, une nouvelle taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit d’Île-de-France Mobilités codifiée à l’article L. 2531-18 du code général des collectivités territoriales.

Parallèlement, lors de son conseil d’administration du 7 décembre 2023, IDFM a également décidé de l’augmentation du passe Navigo à hauteur de 86,40 euros à partir du 1er janvier 2024 (contre 84,10 euros en 2023, soit une hausse de + 2,6 %) et du relèvement des contributions des collectivités territoriales franciliennes à hauteur de l’inflation +2 % jusqu’en 2028, puis à hauteur de l’inflation jusqu’en 2031.

Centré sur des enjeux de rééquilibrage à moyen terme, le protocole d’accord signé avec l’État ne prévoit pas de recette supplémentaire pour couvrir les surcoûts liés aux Jeux Olympiques et laisse de facto à IDFM la charge de les financer via les recettes dont elle a la maîtrise (tarifs et contributions des collectivités franciliennes). Estimant à ce titre un besoin de financement de 200 millions d’euros liés à l’organisation des Jeux, l’autorité organisatrice a voté l’augmentation du prix de l’ensemble de ses tickets et billets à l’unité et en carnet du 20 juillet au 8 septembre 2024 lors de son conseil d’administration du 7 décembre 2023.

C.   La taxe de séjour, un levier de financement dynamique

1.   La taxe de séjour est plafonnée à 14,95 euros par personne et par nuitée en Île-de-France

Une taxe de séjour ou taxe de séjour forfaitaire peut être instituée par délibération du conseil municipal, notamment dans les communes touristiques (article L. 2333-26 du code général des collectivités territoriales). Elle est à la charge des visiteurs, touristes ou toute « personne non domiciliée dans la commune » (article L. 2333-29). Son tarif est fixé par délibération du conseil municipal chaque année, par personne et par nuitée, pour chaque catégorie d’hébergement (camping, résidences, chambres d’hôtes, auberges, hôtels de 1 à 5 étoiles, palaces) et dans la limite des tarifs plancher et plafond définis à l’article L. 2333-30. Les personnes mineures et les travailleurs saisonniers en sont exemptés (article L. 2333-31).

En Île-de-France, le tarif de la taxe de séjour (par personne et par nuitée) est fixé par catégorie d’hébergement ou égal à 5 % du coût par personne de la nuitée. Dans la limite d’un plafond de 14,95 euros, s’y ajoutent des parts départementale et régionale :

– une taxe additionnelle départementale de 10 % (article L. 3333-1) au bénéfice de la Ville de Paris ;

– créée par la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 et codifiée à l’article L. 2531-17, la taxe additionnelle régionale de 15 % est destinée à contribuer au financement de la Société du Grand Paris (SGP). Son rendement est faible (8,4 millions d’euros en 2021).

2.   L’instauration d’une nouvelle taxe additionnelle à la taxe de séjour au profit d’IDFM à compter du 1er janvier 2024

Conformément au protocole d’accord signé entre l’État et IDFM le 26 septembre 2023, l’article 140 de la loi de finances pour 2024 a instauré, à compter du 1er janvier 2024, une nouvelle taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour au profit d’Île-de-France Mobilités. Codifiée à l’article L. 2531-18 du code général des collectivités territoriales, cette nouvelle taxe s’élève à 200 % de la taxe de séjour et concerne Paris ainsi que les communes et communautés de communes de la région Île-de-France. Elle est recouvrée selon les mêmes modalités que la taxe de séjour à laquelle elle s’ajoute et qui est d’ores et déjà composée d’autres taxes additionnelles bénéficiant à la Ville de Paris et la SGP selon la grille tarifaire suivante.

Source : Ville de Paris.

Le montant de la part affectée à IDFM varie selon la catégorie d’hébergement au même titre que la taxe de séjour : au 1er janvier 2024, il varie entre 0,40 euro (campings 1 et 2 étoiles), 1,60 euro (hôtel une étoile, villages de vacances, chambres d’hôtes, auberges collectives), 2 euros (hôtel deux étoiles), 3,20 euros (hôtel trois étoiles) et 6,60 euros (hôtel quatre étoiles) jusqu’à 9,20 euros (palace) par personne majeure et par nuitée.

II.   Le dispositif proposÉ

Le I de l’article 1er prévoit pour l’année 2024 le gel des tarifs applicables aux transports publics réguliers de personnes au niveau de ceux applicables au 1er janvier 2024.

Le dispositif est codifié à l’article L. 1241-2 du code des transports qui concerne les missions d’Île-de-France Mobilités. Il est également précisé qu’il s’applique par dérogation aux dispositions du code des transports qui attribuent la compétence de la politique tarifaire des transports publics de personnes aux autorités organisatrices de mobilité (article L. 1221-5 et 5° du I de l’article L. 12412).

Le II de l’article 1er prévoit un doublement des montants de la taxe additionnelle à la taxe de séjour créée par la loi de finances pour 2024 au profit d’Île-de-France-Mobilités. Le taux de la taxe additionnelle est ainsi porté à 400 % de la taxe de séjour pour les nuitées comprises entre le 1er juillet 2024 et le 31 décembre 2024.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a supprimé l’article 1er de la proposition de loi par l’adoption de l’amendement CD1 de M. Philippe Juvin (Les Républicains).

Article 2
Rapport sur l’adéquation entre les hausses de tarifs des transports publics franciliens depuis 2016 et l’évolution du service rendu aux usagers

Rejeté par la commission

 

L’article 2 de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement mettant en perspective les hausses des tarifs des transports publics franciliens depuis 2016 avec la qualité du service rendu aux usagers.

  1.   Le droit en vigueur

A.   des tarifs des transports publics franciliens en forte hausse depuis quinze ans

Sur ces quinze dernières années, l’intégralité des tarifs applicables sur le réseau de transports publics franciliens a connu une forte augmentation. Cette tendance globale masque, en outre, des disparités fortes selon les différents titres et abonnements disponibles :

– proposé au prix de 56,60 euros par mois en 2009, l’abonnement mensuel « Navigo » a été augmenté à 73 euros en 2016 après la mise en place du dézonage. En 2022, son tarif a été relevé à 84,10 euros, puis à 86,40 euros au 1er janvier 2024 ;

– jusqu’alors proposé à un tarif de 22,80 euros, l’abonnement « Navigo semaine » a été relevé à 30 euros en 2022 (+31 %) ([15]) ;

– les prix des tickets individuels ont également augmenté de façon continue sur la période : le tarif du carnet de dix tickets est ainsi passé de 11,60 euros en 2009 à 14,50 euros en 2016 et 17,35 euros aujourd’hui ; celui du ticket unique, de 1,60 euro en 2009 à 2,15 euros au 1er janvier 2024.

Il est par ailleurs attendu que ces hausses tarifaires s’accentuent dans les prochaines années. Le protocole d’accord signé le 26 septembre 2023 entre IDFM et l’État portant sur le financement de l’exploitation du système de transport francilien prévoit en effet une augmentation des tarifs des tickets et titres de transport d’un montant égal à l’« inflation +1 % » sur la période concernée entre 2024 et 2031.

Votre rapporteur souhaite alerter sur le risque que l’augmentation exceptionnelle des tarifs votée par le conseil d’administration d’IDFM du 7 décembre 2023 pour la période des Jeux Olympiques et Paralympiques, du 20 juillet au 8 septembre 2024, contribue à motiver des hausses tarifaires futures.

B.   Des données lacunaires sur la qualité du service rendu aux usagers

Depuis 2009, IDFM a intégré à ses contrats avec la SNCF et la RATP l’obligation de procéder annuellement à des enquêtes de satisfaction des usagers dénommées « Enquêtes de perception ». Celles-ci ont pour objectif « d’évaluer la satisfaction des voyageurs à l’égard de la qualité de service des réseaux de transport RATP et SNCF » ([16]). Pour ce faire, IDFM interroge chaque année un échantillon représentatif des voyageurs du réseau et agrège les résultats sous la forme d’un « indice de perception voyageurs » donnant lieu à des bonus-malus ([17]).

Toutefois, un rapport thématique récent de la Cour des comptes souligne les insuffisances des enquêtes menées par IDFM. La juridiction financière note que ses propres travaux révèlent « une image assez différente de celle donnée par l’enquête de perception officielle » ([18]). La Cour des comptes constate notamment l’incohérence des choix de pondération des critères qui permettent d’établir l’indice de perception voyageurs : en particulier, la ponctualité et l’information des voyageurs en situation perturbée sont des critères sous-pondérés tandis que les critères de l’accueil, de la vente et de la validation sont sur-valorisés.

À travers ses propres enquêtes quantitatives et qualitatives portant sur le réseau express régional (RER), la Cour des comptes a obtenu des résultats de satisfaction bien en deçà de ceux publiés par IDFM. Ainsi, lorsqu’il est demandé aux usagers de noter sur dix chacune des lignes de RER, les moyennes oscillent entre 3,4 sur dix pour la ligne D et 6,5 sur dix pour la ligne A ([19]). Lorsque les usagers sont interrogés sur les principaux problèmes rencontrés dans le cadre de leur utilisation des transports, le prix des tickets et des abonnements est évoqué par 14 % d’entre eux (17 % pour les habitants de la petite couronne, 22 % pour les étudiants et 30 % pour les personnes sans emploi). Dans le même temps, 88 % des usagers déclarent qu’une meilleure qualité de service pourrait les encourager à prendre davantage le RER.

Ainsi, la Cour des comptes recommande en priorité de « publier un rapport annuel sur la qualité de service dans les RER comportant l’analyse des résultats obtenus au regard des principaux indicateurs figurant dans les contrats avec les opérateurs » ([20]).

Dès lors, la nécessité d’obtenir des données claires et objectives relatives à la qualité du service rendu aux usagers du réseau de transports franciliens est manifeste. Ces données doivent être mises au service d’une analyse sincère de l’adéquation dudit service aux augmentations tarifaires susmentionnées.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 2 de la proposition de loi prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement mettant en perspective les hausses tarifaires des transports publics franciliens depuis 2016 avec la qualité du service rendu aux usagers.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a rejeté l’article 2 de la proposition de loi.

Article 3
Compensation financière

Rejeté par la commission

 

L’article 3 de la proposition de loi vise à gager la perte de recettes induite par le gel des tarifs des transports publics franciliens prévu à l’article 1er par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

  1.   Le droit en vigueur

L’article 40 de la Constitution de 1958 encadre la recevabilité des propositions de loi en matière financière. Il dispose que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

En application de l’article 89, alinéa 1, du règlement de l’Assemblée nationale, la recevabilité d’une proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution est appréciée au moment de son dépôt au Bureau de l’Assemblée. Conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, la diminution d’une ressource publique est autorisée dans la mesure où celle-ci est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.

II.   Le dispositif proposé

L’article 3 de la proposition de loi vise à compenser la perte de recettes induite pour l’établissement public IDFM par le gel de ses tarifs publics applicables au cours de l’année 2024 prévu à l’article 1er. Il prévoit la majoration de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales et la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs. Il est attendu que le gouvernement lève ce gage en cas d’adoption de la proposition de loi.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a rejeté l’article 3 de la proposition de loi.

 

 


  1  

   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 13 février2024, la commission a examiné, sur le rapport de M. Olivier Faure, la proposition de loi visant à geler les tarifs des transports publics franciliens pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (n° 2063).

M. le président Jean-Marc Zulesi. La proposition de loi que nous allons examiner sera discutée en séance publique le 29 février dans le cadre de la journée de niche du groupe Socialistes et apparentés.

M. Olivier Faure, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission.

Le principe a été exposé par le Cojop (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) : les Jeux doivent payer les Jeux. L’accroissement de l’offre de transport va engendrer un surcoût estimé à 200 millions d’euros. Qui doit payer ? La proposition de loi offre une autre voie que le doublement des tarifs des transports publics franciliens pendant la période des Jeux, annoncé par la présidente de la région en novembre dernier. Les Jeux olympiques et paralympiques doivent rester une fête populaire à laquelle tous soient associés, y compris ceux qui n’auront pas la chance d’assister directement aux compétitions. Il s’agit également d’éviter à la région – je m’adresse à ceux qui appartiennent à la majorité régionale – de subir la colère d’usagers qui seront pénalisés alors même que les Jeux se déroulent chez eux et qu’ils n’y ont pas accès.

Cette augmentation tarifaire d’ampleur – le doublement du prix des billets à l’unité ou hebdomadaires – touchera de façon indifférenciée tous les usagers, qu’ils soient spectateurs ou franciliens. La mesure est profondément injuste et inéquitable, en ce qu’elle revient à faire contribuer les résidents franciliens, tout particulièrement les populations les moins aisées, qui utilisent des tickets à l’unité parce qu’elles ne disposent pas d’un abonnement, payé pour partie par l’employeur, et qui ne participeront pas aux Jeux olympiques. Les titres à l’unité sont en effet plus fréquemment utilisés par les personnes les plus éloignées d’une situation d’emploi classique – les chômeurs, les travailleurs précaires, les retraités et les inactifs. Les personnes résidant en Île-de-France susceptibles d’utiliser les transports en commun durant les Jeux sont également celles qui ne partiront pas en vacances pour des raisons financières. Je pense notamment aux plus jeunes, qui devront passer l’été en regardant les Jeux à la télévision sans pouvoir se déplacer.

Alors que les Jeux devraient être l’occasion de festivités populaires, l’injustice de la mesure est de nature à dégrader leur image, en alimentant l’idée qu’ils sont destinés à des populations non résidentes et très favorisées, au détriment des populations locales, qui n’auront pas accès aux compétitions mais devront contribuer, à leur insu, à l’augmentation de l’offre de transport. C’est également un très mauvais signal écologique : la tarification très élevée n’incitera pas à recourir aux transports en commun et contribuera à accroître la pollution, les nuisances sonores et la congestion routière. Depuis Sydney en 2000, toutes les villes olympiques, à l’exception de Rio, ont significativement fait le choix de la gratuité, au moins pour les spectateurs munis d’un billet, afin d’améliorer la gestion des flux de personnes et de réduire au minimum la circulation routière. Paris 2024 fait ainsi un choix à contre-courant.

Les auditions que j’ai conduites auprès d’Île-de-France Mobilités (IDFM), du Cojop, des services du ministère des transports mais aussi de la Ville de Paris, du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et de l’association d’usagers Plus de trains m’ont permis d’aboutir à la conclusion suivante : cette décision n’a malheureusement pas fait l’objet d’une concertation au sein de l’écosystème des Jeux et des acteurs publics et rien n’a été fait pour en atténuer les conséquences sociales, environnementales et organisationnelles. D’après son audition, IDFM en sous-estime largement l’impact pour les Franciliennes et les Franciliens.

Si l’autorité organisatrice invite les usagers à anticiper l’achat de leurs tickets et billets avant le 20 juillet 2024, cette solution s’adresse à des personnes informées, en mesure d’avancer des frais et d’anticiper l’ensemble de leurs déplacements pendant les sept semaines. Rappelons que les Jeux paralympiques se dérouleront en pleine rentrée scolaire et que la période qui sépare les Jeux olympiques des Jeux paralympiques est également touchée par le doublement de la tarification. L’étendue et la nature des périodes concernées rendent particulièrement difficile l’achat de billets par anticipation, d’autant que celui-ci représente un effort de trésorerie significatif pour une famille modeste.

Lors de son audition, IDFM a présenté l’abonnement Navigo Liberté + comme une solution permettant de bénéficier de tickets de métro à 1,73 euro pendant les Jeux. Ce service, méconnu et peu répandu, nécessite un prélèvement mensuel sur un compte bancaire, excluant de fait ceux qui n’en disposent pas. Mais surtout, il ne couvre pas les trajets réalisés en RER ou en train hors de Paris. Les usagers de la grande couronne, dont je suis l’élu, ne peuvent qu’y voir une forme de mépris social auquel je vous appelle à renoncer. IDFM a renoncé à étendre la couverture de ce dispositif pour les Jeux et n’a pas engagé de véritable campagne de communication pour le faire connaître.

Ce matin, les parlementaires ont reçu des mails les informant des deux solutions très insuffisantes que je viens de vous présenter, pour essayer d’allumer un contre-feu.

Ce que je propose, c’est d’aller chercher des sources de financement plus justes et équitables, qui n’ont pas été suffisamment étudiées. La responsabilité du Cojop est patente. Selon le principe rappelé en audition par Pierre Cunéo, responsable des transports au sein du Comité, les Jeux auraient dû financer les Jeux. Il aurait été légitime que les recettes qui en seront tirées couvrent les surcoûts associés pour le système de transport public, comme le Comité s’y engageait jusqu’à une date récente, conformément au dossier de candidature déposé par la Ville de Paris en 2017. La décision d’augmenter les tarifs, prise unilatéralement par IDFM, a eu lieu après que le Cojop a renoncé à prendre en charge la gratuité des transports en commun pour les spectateurs munis de billets, pour laquelle il avait prévu une enveloppe de 50 millions d’euros. Le surcoût est estimé à 200 millions. C’est dire aussi l’écart entre ce qui était prévisible, et que le Cojop s’engageait à financer, et ce qui restera à la charge des Franciliens : 150 millions.

Cette décision doit plus largement nous conduire à nous interroger sur notre système de financement des transports franciliens. Elle témoigne en effet d’une impasse budgétaire pour l’année 2024 que les négociations récentes avec l’État, qui ont donné lieu à deux missions d’inspection, un protocole d’accord et plusieurs mesures adoptées dans la dernière loi de finances, n’ont permis ni d’anticiper, ni de résoudre. Le protocole d’accord que vous connaissez, signé le 26 septembre 2023 entre l’État et IDFM, ne prévoit pas de mesures spécifiques pour éviter aux Franciliens de supporter le surcoût des Jeux olympiques. Tout l’objet de notre proposition de loi est de ramener la transparence dans ces débats, en actant un gel des tarifs des transports publics pour 2024 et en affectant à IDFM une recette supplémentaire exceptionnelle pour la période des Jeux.

À cette fin, la proposition de loi prévoit de doubler le montant de la taxe additionnelle à la taxe de séjour affectée à IDFM pour les nuitées comprises entre le 1er juillet et le 31 décembre 2024, de façon à atteindre avec certitude le montant estimé de 200 millions d’euros. La taxe de séjour est un bon choix : elle permet de cibler les touristes et les visiteurs qui bénéficient largement des transports franciliens sans y contribuer fiscalement ; elle représente un faible surcoût proportionnellement au coût de la nuit et n’a pas d’effet désincitatif sur la fréquentation touristique, ou très peu ; elle est indolore, y compris au niveau microéconomique.

L’augmentation proposée porterait temporairement le montant de la taxe de séjour par nuitée et par personne à Paris à 5,25 euros dans un hôtel deux étoiles, contre 3,25 actuellement. Si le taux de 400 % a pu en effrayer certains, en réalité, les augmentations sont très raisonnables, particulièrement dans un contexte de flambée des coûts de l’hébergement pour les Jeux. Je reprends l’exemple de l’hôtel Paris Vaugirard, cité par Le Parisien : à la même époque en 2023, le coût de la chambre dans ce trois-étoiles était de 90 euros ; au moment des JO, il passe à 1 363 euros. L’augmentation est de 1 414 % ! Toutefois, à la suite de mon audition du secteur hôtelier et en écho à certains amendements, j’ai cherché un compromis acceptable par tous et déposé un amendement visant à rendre plus progressive l’augmentation de la taxe de séjour selon la catégorie d’hébergement, ce qui permettrait d’éviter un surcoût pour les catégories les plus populaires – encore que, un trois‑étoiles, c’est 1 300 euros…

Aux termes de cet amendement, le montant de la taxe de séjour resterait inchangé pour les hôtels classés deux étoiles et moins. Le taux de la taxe additionnelle régionale irait de 400 % pour un trois-étoiles, ce qui ferait revenir la taxe de séjour à 8,40 euros, à 1 000 % pour un palace, soit 51,75 euros par personne et par nuitée, pour des nuits coûtant plusieurs milliers d’euros. Je serai également favorable à l’amendement déposé par Clémence Guetté, issu du rapport de l’Inspection générale des finances de 2023, visant à instaurer une contribution de 1 à 3 euros pour les passagers embarquant ou débarquant dans les trois grands aéroports – Charles de Gaulle, Orly et Le Bourget. L’adoption de cet amendement me permettrait d’en redéposer un autre en séance publique, afin d’éviter de mettre les trois-étoiles à contribution.

J’attends beaucoup de nos débats en commission pour parvenir à une proposition qui répartira de façon plus juste et équitable l’effort attendu pour financer les transports franciliens pendant les Jeux. J’appelle les groupes à réagir à une mesure qui va à l’encontre du principe même de Jeux festifs et populaires. Enfin, cette proposition est aussi une façon de poser la question du financement des transports franciliens. Je ne voudrais pas que nous nous habituions à l’idée que la variable d’ajustement est les usagers eux-mêmes. Tout surcoût généré par un accroissement des transports ou par la tenue d’événements extraordinaires doit être pris en charge par d’autres moyens qu’une augmentation du prix des transports, qui pèse d’abord sur les plus modestes.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. David Valence (RE). Cette proposition de loi est d’abord démagogique. On voit bien que son horizon est celui de la gratuité, comme s’il n’y avait pas, à la fin, quelqu’un qui paye, que ce soit l’usager ou le contribuable. Tous les systèmes de transport solides sont bien financés par l’usager.

Elle est également imprécise. Vous affirmez dans votre projet de rapport que jamais, dans l’organisation des Jeux olympiques les plus récents, une augmentation de tarif n’a été pratiquée et que le surcoût était à chaque fois financé par le comité d’organisation : il suffit de revenir en 2016 à Rio, notamment, pour constater que c’est inexact. C’est toujours une mauvaise idée d’affirmer que quelque chose n’est jamais arrivé, car, souvent, l’exemple montre le contraire.

Vous êtes par ailleurs incapable de chiffrer ce que rapporterait le taux de 400 % de la taxe additionnelle et de nous assurer qu’elle permettrait de couvrir les surcoûts liés à l’augmentation de 15 % de l’offre.

Enfin, votre proposition de loi est dangereuse. Elle est attentatoire à un principe fondamental de notre droit : le respect de la libre administration des collectivités territoriales, défini au troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution. Imagineriez-vous, monsieur le rapporteur, faire la même proposition pour la région Centre-Val de Loire qui accueille des épreuves de tir à Châteauroux ?

Elle est aussi dangereuse parce qu’elle brouille le message invitant les usagers occasionnels, qui achètent des titres individuels, à les acquérir avant le 20 juillet.

Votre texte est en réalité très politique et s’adresse avant tout à la présidente de la région Île-de-France. Notre groupe votera contre.

M. Philippe Ballard (RN). Monsieur le rapporteur, je salue votre volonté de plafonner le tarif des transports franciliens. Mon groupe s’oppose fermement à la hausse prévue. Il n’est pas envisageable que les usagers, qui subissent depuis des années une hausse notable de leur abonnement ou du prix des titres de transport, soient confrontés à une nouvelle augmentation, alors même que le réseau francilien, de l’aveu de très nombreux observateurs, n’est plus capable d’accomplir ses missions et devient un calvaire pour ses millions de voyageurs quotidiens. Une hausse subite et disproportionnée des tarifs constitue un véritable affront pour ces millions de nos compatriotes qui utilisent les transports.

Cela fait de nombreux mois que le Rassemblement national lance des alertes sur l’impasse financière du Stif (syndicat des transports d’Île-de-France) devenu IDFM, compte tenu des trajectoires engagées au fil des années : l’ère socialiste, des années 1998 à 2015, aura brillé par son sous-investissement chronique, obligeant l’établissement public à entreprendre enfin des projets de taille en 2015, autrement dit à mettre sur la table des sommes conséquentes qui n’ont pour effet que de creuser une dette déjà explosive.

Cependant, il est inconcevable pour nous de faire peser le coût de votre proposition sur une hausse de la taxe de séjour. Cette solution est fortement critiquée par les professionnels du secteur, comme le Groupement des hôtelleries et restaurations : une nouvelle hausse viendrait, selon eux, mettre à mal la compétitivité de l’hôtellerie parisienne et francilienne, en faisant de Paris l’une des villes au monde où la taxe de séjour est la plus élevée. En plus d’un message désastreux envoyé aux touristes, une telle mesure affecterait directement le pouvoir d’achat des Français, au vu de l’estimation faite par l’office de tourisme de Paris, qui prévoit uniquement 8 % de touristes étrangers aux JO.

Par conséquent, il est impossible pour mon groupe de voter votre proposition de loi.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Les transports en commun franciliens, aujourd’hui, c’est un enfer : du stress permanent, des retards réguliers, des journées de travail ou de cours perturbées, des rendez-vous médicaux manqués et des familles qui doivent tout réorganiser. Dans ma circonscription, la ligne 8 comme les RER C et D sont une galère quotidienne. Si le service s’est dégradé au fil du temps, le prix, lui, a augmenté : le passe Navigo était à 70 euros en 2016 ; il est à 86,40 euros. Et comme si la situation n’était pas déjà intenable, la Macronie prévoit un cruel cadeau pour cet été : après l’augmentation des prix de l’alimentation et de l’énergie, ce sera 4 euros le ticket pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Quelle honte et quel dommage !

Les Jeux auraient dû être l’occasion de promouvoir le sport populaire et de garantir un droit à la mobilité pour toutes et tous. Mais c’est l’inverse qui va se produire. Le préfet de région affirme qu’il ne serait possible d’acheminer les spectateurs des JO « que si tous les autres voyageurs ou presque étaient dissuadés de prendre les transports ». Mme Pécresse décide donc de nous assommer d’une taxe sur les billets, à ajouter aux autres conséquences désastreuses des Jeux, aux jardins ouvriers détruits, aux étudiants chassés de leur logement, aux ouvriers qui meurent sur les chantiers du Grand Paris Express.

Cette proposition de loi se contente d’annuler une énième hausse de prix ; on prend ! Mais c’est surtout pour nous une nouvelle occasion de parler des transports en Île-de-France, indispensables à une vie digne, et qui doivent être au service d’une bifurcation écologique planifiée. Ils sont progressivement ouverts à la concurrence alors que seules 3 % des stations sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, et les horaires de travail des conducteurs sont allongés en vertu de la pseudo-compétitivité.

Il y a tant de chantiers à entreprendre ! La gratuité, en particulier, est un horizon possible pour celles et ceux qui en ont besoin : les jeunes, les précaires, les familles monoparentales. Bref, les Franciliens n’en peuvent plus de tant de négligence et d’abandon. Il est temps d’agir. C’est le sens de nos amendements.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Le Comité d’organisation a renoncé à la fin de l’année 2022 à prendre en charge la gratuité des transports, pourtant inscrite dans l’acte de candidature. Les 200 millions d’euros nécessaires au renfort de l’offre seront donc payés par Île-de-France Mobilités. Sa présidente, Valérie Pécresse, a été claire : ce n’est pas aux usagers habituels de payer, mais plutôt aux 500 000 spectateurs qui viendront chaque jour assister aux compétitions.

Le vrai sujet, c’est le manque de soutien de l’État aux transports publics. Le non‑respect du planning des chantiers et le déficit de matériel roulant expliquent en partie la demande adressée aux Franciliens de rester chez eux. La dégradation de la qualité de service est réelle, mais largement imputable à la RATP et à la SNCF ; la présidente d’Île-de-France Mobilités rappelle régulièrement ces entreprises à leurs devoirs. L’ouverture à la concurrence pourrait permettre de remédier à cette situation.

Reste la question du financement des transports publics en Île-de-France. L’augmentation de la taxe de séjour pour cibler les touristes est déjà appliquée depuis le 1er janvier ; aller plus loin pénaliserait le secteur hôtelier. L’avenir dira si le doublement du linéaire est compatible avec le gel du prix du passe Navigo dézoné, et ne couvrant que le tiers du prix du service, que vous avez mis en place avec Jean-Paul Huchon : cela a entraîné 300 millions d’euros de déficit par an et rendu nécessaire de trouver de nouvelles recettes, ce que vous reprochez aujourd’hui à la présidente en place. D’autres pistes, comme un prélèvement sur la plus-value immobilière, pourraient être explorées, mais c’est avant tout une fréquentation accrue, grâce à une meilleure qualité de service, qui fournirait les recettes supplémentaires attendues.

On notera que les tarifs en province et dans de grandes villes étrangères sont souvent largement supérieurs : 280 euros pour un abonnement mensuel à Londres, 186 euros à Berlin. La gratuité, mise en place par les socialistes à Montpellier notamment, et par le nouveau ministre des transports Patrice Vergriete à Dunkerque, fait entièrement peser le financement sur les contribuables et les entreprises.

Le groupe LR ne votera pas cette proposition de loi.

M. Bruno Millienne (Dem). Taxons, taxons et retaxons ! Voici le nouveau guide de la pensée fainéante de votre parti socialiste, monsieur Faure – je dis bien de votre parti socialiste, car je sais bien qu’un grand nombre de ses membres, peut-être même dans cette salle, ne s’y retrouvent pas. Après avoir livré pour quelques sièges ce grand parti à la Mélenchonie, vous la singez dans cette proposition de loi en reprenant ses réflexes pavloviens, son manque de rigueur et sa démagogie.

Cette proposition de loi s’appuie sur un constat faux. Vous le savez très bien, l’immense majorité des Franciliens ne sont pas concernés par cette tarification exceptionnelle, puisque le prix des abonnements reste inchangé, tout comme celui des trajets de l’abonnement Liberté +. Pour les autres, il existe une solution assez simple : acheter à l’avance, c’est-à-dire avant le 20 juillet, quelques tickets au tarif normal qui pourront bien sûr être utilisés pendant et après les Jeux.

Cette proposition de loi n’est pas non plus chiffrée correctement. Après avoir compris qu’on ne double pas une recette en doublant un pourcentage, vous déposez à la dernière minute un amendement lunaire, proposant une taxe additionnelle sur la taxe de séjour allant jusqu’à 1 000 %. Et les riches ne sont pas les seuls concernés, puisqu’une famille de la classe moyenne qui viendrait passer trois jours à Paris dans un trois-étoiles ou un Airbnb au mois de novembre serait surtaxée de 400 % pour payer le transport des touristes pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Où est la justice ? Pourriez-vous d’ailleurs fournir à notre commission le détail du calcul qui vous permet d’arriver à 200 millions d’euros de recettes avec votre supertaxe ? C’est loin d’être clair.

Cette proposition de loi piétine enfin le principe de décentralisation. Non, ce n’est pas l’État qui fixe le tarif des transports en commun en Île-de-France. Ce n’était pas le cas à l’époque de M. Huchon – et Dieu sait pourtant si nous payons les conséquences de son sous‑investissement chronique et de son passe Navigo à tarif unique non financé ; ce n’est pas le cas à l’époque de Mme Pécresse, quels que soient les reproches que l’on peut lui faire.

Le groupe Démocrate votera contre cette proposition de loi.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis heureux d’avoir contribué, avec Olivier Faure et l’ensemble des députés socialistes, à la rédaction de ce texte qui, contrairement à ce que j’ai entendu, est une proposition non pas tant de bon sens – le mot est galvaudé – que de justice.

Le choix est simple : vous voulez faire supporter le surcoût de 200 millions d’euros par les 15 millions de visiteurs qui viendront en Île-de-France pendant les Jeux olympiques, et qui seront à 90 % des Français. Ceux-là n’auront pas la possibilité d’acheter leur carnet de tickets quelques jours à l’avance et pour se déplacer, ils devront payer 4 euros par ticket ou acheter un passe journalier à 16 euros. Vous voulez faire payer ces Bretons, ces Normands, ces gens du Sud-Ouest ou d’Alsace qui viendront passer un, deux ou trois jours à Paris pendant les Jeux olympiques ; vous voulez aussi faire payer les plus précaires des Franciliens – qui sont, c’est documenté, ceux qui utilisent souvent les tickets de métro au jour le jour.

Nous vous proposons une solution alternative juste. Nous vous détaillerons tout à l’heure notre chiffrage, qui est tout à fait précis, contrairement à ce que j’ai entendu.

Une augmentation de 1 000 % peut paraître effrayante. Mais, le 23 juillet, à l’hôtel Bristol, avant même le début des Jeux olympiques, la chambre est à 2 620 euros ; nous proposons de porter la taxe de séjour correspondante de 15 à 51 euros. Cette hausse, appliquée pour les palaces, les cinq-étoiles et les quatre-étoiles, suffirait à financer les 200 millions, nous vous le démontrerons tout à l’heure. Soyez cohérents, au service de la justice sociale !

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Vous souhaitez empêcher la hausse des tarifs d’Île-de-France Mobilités pendant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024, prévue pour financer l’offre supplémentaire de transports en commun – le ticket à l’unité passera ainsi à 4 euros. Vous proposez plutôt d’augmenter fortement la taxe de séjour additionnelle.

Vous omettez de préciser que l’augmentation n’affectera qu’à la marge les voyageurs franciliens : le prix sera toujours le même pour les titulaires d’abonnements mensuels et annuels, mais aussi pour les bénéficiaires de la tarification sociale ou de forfaits préférentiels, comme les seniors ou les adultes handicapés. Cela concerne la moitié des 10 millions d’usagers quotidiens des transports en commun. Quant aux 4 millions d’usagers occasionnels du métro, des bus, des RER et des trains de banlieue, il leur est tout à fait possible d’anticiper leurs achats de tickets à l’unité ou en carnet, au tarif habituel, avant le 20 juillet 2024, ou de souscrire à l’abonnement gratuit Liberté + qui permet, sous réserve de présenter un justificatif de domicile en Île-de-France, de payer leurs trajets de métro et de bus 1,73 euro seulement.

L’évolution des tarifs touchera donc principalement les visiteurs et touristes présents pour les JO, qui seront aussi les bénéficiaires de l’augmentation de 15 % de l’offre de transport prévue. Il ne paraît donc pas injuste qu’ils contribuent à son financement.

De plus, nous sommes réticents à inverser une décision prise par l’établissement public Île-de-France Mobilités, autorité organisatrice des mobilités compétente.

Le groupe Horizons et apparentés ne soutiendra pas la proposition de loi.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Ces Jeux olympiques sont un boulet chaque jour plus lourd, car ils se font contre les habitants. Chacun soutient leur aspect humaniste et internationaliste, mais les profits seront défiscalisés et captés par quelques-uns, quand les nuisances seront subies par le plus grand nombre. On nous promettait une fête ; mais c’est une gueule de bois qui risque de la suivre, entre l’absence de l’héritage promis et la dette à rembourser.

Pendant ce temps, les transports en commun franciliens traversent une crise sans précédent, qui se répercute sur les familles, sur les étudiants, sur les vies professionnelles. Ce stress serait pourtant évitable : il est dû à l’incurie de la présidente de région Valérie Pécresse, qui depuis dix ans promet beaucoup mais ne fait rien. Les moyens comme les recrutements sont insuffisants. Quant à la privatisation, à la mise en concurrence, c’est une folie qui va déstabiliser encore davantage le réseau de transports et qu’il faut abandonner au plus vite.

L’augmentation des tarifs pendant les Jeux olympiques ne s’appliquera qu’à des gens qui n’ont pas d’autre choix. Le groupe Écologiste soutient naturellement la proposition de loi d’Olivier Faure, qui se soucie des millions de Franciliens qui n’en peuvent plus. Le gel des tarifs comme la majoration de la taxe de séjour additionnelle – qui serait parfaitement indolore – vont dans le bon sens : cette proposition de financement est juste. La hausse des tarifs touche tout le monde, touristes comme Franciliens sans abonnement. La proposition de la présidente de région risque, elle, de dissuader certains usagers d’emprunter les transports en commun, alors qu’en incitant au contraire à les utiliser, on réduirait la congestion routière ainsi que les émissions de gaz à effet de serre.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Les Jeux devaient financer les Jeux : les recettes devraient couvrir les surcoûts liés aux transports en commun. Mais, s’agissant des transports, il y a de quoi s’inquiéter. Île-de-France Mobilités a en effet préféré faire payer plus cher les Franciliens qui ne disposent pas d’un abonnement : le ticket va passer de 2,10 euros à 4 euros ; les autres forfaits augmenteront de 100 %.

Les élus communistes ont toujours soutenu l’idée que les Jeux devaient être une célébration populaire, accessible à tous les habitants de la région. Ce sont les usagers occasionnels, franciliens mais pas uniquement, qui seront les premiers affectés par cette augmentation ; or les billets à l’unité sont majoritairement achetés en banlieue, par des gens qui sont souvent issus des couches sociales les moins favorisées. Environ 6 millions d’usagers se déplacent au moins une fois par mois grâce à des tickets à l’unité. Cette hausse touchera donc des milliers de Franciliens qui travailleront, qui ne partiront pas en vacances et qui ne pourront pas toujours acheter leurs billets à l’avance pour un mois et demi. De plus, la promotion des transports en commun au détriment de la voiture individuelle, promotion initialement liée à la gratuité, pourrait être compromise.

La proposition de loi d’Olivier Faure se veut un texte juste. Le groupe GDR la soutiendra.

M. Guy Bricout (LIOT). Encore une promesse non tenue, ce qui ne peut qu’indigner le groupe LIOT comme les auteurs de cette proposition de loi. Le dossier de candidature de Paris aux Jeux olympiques 2024 indiquait que les transports en commun seraient gratuits pour tous les détenteurs de billets ; on nous annonce maintenant une envolée des tarifs pour cet été. Un grand nombre d’usagers pâtiront de cette flambée, à commencer par les Franciliens, nombreux, qui n’ont pas d’abonnement et pas forcément, dans un contexte d’inflation, les moyens d’acheter à l’avance leurs titres de transport pour un mois et demi. Quant aux touristes, français ou étrangers, ils dépenseront déjà beaucoup pour venir à Paris et s’y loger. L’image de notre pays sera ternie par ce revirement, d’autant que le tarif des transports sera ainsi bien plus élevé que dans les autres capitales européennes.

Seuls les usagers franciliens semblent lucides sur ce qui les attend cet été : ils ne voient pas comment, avec un flux de 800 000 voyageurs quotidiens, les conditions de transport pourraient s’améliorer. Au-delà des cohues et retards excessifs, le niveau de sécurité les inquiète. Les campagnes incitant à télétravailler, à se déplacer en trottinette ou à partir en vacances se veulent pleines d’optimisme ; elles sont, je crois, à côté de la plaque. Imaginer que la majorité des Franciliens pourront changer leurs habitudes cet été est illusoire.

La proposition de loi part d’une bonne intention. Elle permet d’éviter le problème majeur que pose l’augmentation prévue des titres de transport tout en évitant de faire payer aux Franciliens la facture des Jeux olympiques, seuls les touristes en ayant la charge. C’est loin d’être la panacée, puisque ce n’est pas ce qui avait été promis aux spectateurs des Jeux olympiques et paralympiques ; mais c’est un moindre mal.

Notre groupe votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi.

M. Olivier Faure, rapporteur. Merci pour ce débat de qualité.

Je suis d’accord avec vous, monsieur Valence : il n’y a pas d’argent magique – c’est le Président qui l’a dit, cet adage est donc quasiment parole d’Évangile. C’est vrai, la gratuité n’existe pas ; il y a toujours quelqu’un qui paye. Pour vous, c’est soit l’usager, soit le contribuable, et souvent les deux. Notre proposition, c’est que ce ne soit ni l’un, ni l’autre, mais le touriste qui descend dans les plus grands hôtels. Un taux allant jusqu’à 1 000 % de la taxe additionnelle sur la taxe de séjour vous indigne, mais je rappelle que les tarifs des nuitées vont y augmenter de plusieurs centaines de pour-cent ! Je le répète, le prix d’une chambre à l’hôtel trois étoiles Paris Vaugirard passera de 90 à 1 363 euros, soit une hausse de 1 414 %. Le dispositif de la proposition de loi initiale augmenterait de 3,20 euros – 3,20 ! – le montant de la taxe additionnelle applicable depuis le 1er janvier 2024.

L’adoption de l’amendement CD18 de Clémence Guetté visant à prélever 1 à 3 euros supplémentaires sur les billets des avions arrivant au Bourget, à Orly ou à Roissy, comme le propose l’Inspection générale des finances (IGF), permettrait d’exonérer les hôtels trois étoiles de cette taxation additionnelle, qui aurait rapporté 88 millions d’euros. Le dispositif s’appliquerait alors à partir des hôtels quatre étoiles, à hauteur de 7,50 euros pour un hôtel de cette catégorie, de 13,20 euros pour un hôtel cinq étoiles et de 36,80 euros pour un palace. Depuis quand les gens des classes populaires peuvent-ils accéder à des établissements d’un tel standing ? Qui voulez-vous protéger ? Qui voulez-vous faire bénéficier de ce grand mercato financier ? Il faudra bien que quelqu’un finance les 200 millions d’euros nécessaires : nous proposons de mettre à contribution ceux qui en ont les moyens, conformément au principe de justice rappelé par Jérôme Guedj.

Monsieur Millienne, vous accusez les socialistes, les communistes, les écologistes et les insoumis d’être obsédés par la taxation. J’apprécie votre sens de la nuance, de la modération, mais permettez-moi de vous prendre au mot, ou plutôt de prendre au mot celui qui est encore votre leader, même si je comprends qu’il est contesté. Il dit craindre une rupture entre Paris et les territoires, mais quelle sera la conséquence de la hausse du prix des transports pour les Français modestes qui viendront à Paris non pour assister aux Jeux olympiques, mais pour rendre visite à leur famille, et qui ne logeront pas à l’hôtel ? Pourquoi les frapper, eux, au portefeuille alors que vous pouvez faire en sorte que les choses se passent très bien ?

M. Bruno Millienne (Dem). Mais pourquoi majorer la taxe de séjour additionnelle au-delà des Jeux ?

M. Olivier Faure, rapporteur. En séance, vous pourrez proposer, comme nous y invitent certains usagers, de limiter le doublement des tarifs des transports à la période des Jeux, alors qu’il est prévu que cette mesure s’applique même pendant la période séparant les Jeux olympiques des Jeux paralympiques.

M. Valence a dit que ma proposition était floue. Les chiffres que j’avance sont pourtant très précis, puisqu’ils proviennent du rapport de l’IGF de 2023 et des données communiquées par l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih). Je m’interroge en revanche sur la précision du chiffre de 200 millions d’euros de recettes permis par le doublement des tarifs des transports. Qui peut me dire quelle part de ce montant sera payée par les usagers occasionnels venus pour les Jeux et quelle part sera financée par les Franciliens et les Français issus de nos régions ?

M. Jean-Pierre Taite (LR). Ceux-là paient un abonnement à l’année !

M. Olivier Faure, rapporteur. Qui paie un abonnement à l’année ?

M. Jean-Pierre Taite (LR). Tous ceux qui travaillent.

M. Olivier Faure, rapporteur. Mais tout le monde ne travaille pas. Pensez aussi aux étudiants ! Ma fille, qui est intermittente du spectacle, n’a pas droit au passe Navigo et achète ses billets à l’unité. Les précaires, les intérimaires, les auxiliaires de vie, ceux qui soignent vos parents, font votre ménage ou assurent des services à la personne n’ont pas forcément accès au passe Navigo et devront anticiper l’achat de leurs titres de transport pendant une période de cinquante et un jours couvrant notamment la rentrée scolaire. Réfléchissez un instant ! Vous vivez avec les Françaises et les Français : vous savez que certaines personnes sont à l’euro près ! Ne me dites pas que vous n’avez jamais vu, à la caisse du supermarché, des clients qui constatent que l’addition dépasse le montant qu’ils avaient prévu et renoncent à acheter une partie des articles qu’ils avaient sélectionnés. Vont-ils vraiment acheter à l’avance des carnets de tickets en prévision de leurs déplacements pendant cinquante et un jours, qu’ils ne sont même pas en mesure d’anticiper ?

Monsieur Ballard, je me réjouis que vous soyez opposé à la hausse des tarifs mais je déplore que vous repreniez à votre compte les arguments des hôteliers, qui craignent que ma proposition mette à mal leur compétitivité. Nous parlons d’un marché parfaitement captif : toutes les personnes séjournant à Paris à l’occasion des Jeux olympiques seront soumises à la même fiscalité et à la même taxe de séjour. Les hôteliers de Paris ne seront pas en compétition avec ceux de Rome, Londres ou Barcelone.

Monsieur Taite, en tant que membre du groupe Les Républicains, vous défendez la position de la présidente de la région Île-de-France. J’ai entendu dire que nous nous immiscions dans les comptes d’IDFM mais, si j’étais président de région, je vous inciterais à approuver cette proposition. Nous ne sommes pas là pour vous nuire mais pour vous éviter de subir la colère des Franciliens quand ils verront doubler les tarifs de leurs transports. Vous devriez vous féliciter de cette occasion incroyable : les socialistes viennent au secours de Valérie Pécresse et lui permettront de dire, lorsqu’elle dressera son bilan en 2028, que les Franciliens n’auront pas payé le surcoût des Jeux olympiques et qu’ils n’auront jamais été surtaxés.

J’approuve les arguments, et même parfois les amendements, de mes collègues des groupes Socialistes et apparentés, Écologiste-NUPES, LFI-NUPES, GDR-NUPES et LIOT. Je souhaite donc que nous puissions débattre de ce texte en détail.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je pressens un beau consensus pour adopter un amendement de suppression de l’article 1er, ce qui videra le texte de sa substance. C’est dommage. Je vous invite à voter contre cet amendement afin que nous débattions et que nous examinions les nombreux autres amendements déposés.

J’ai l’impression que l’on comprend mal ce qui sera possible ou applicable pendant les Jeux olympiques. La seule solution proposée par Mme Pécresse est que les Franciliens achètent leurs tickets à l’avance, à l’unité. En réalité, ils ne pourront pas le faire car ils sont confrontés à une inflation terrible : la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie étrangle les gens, qui n’auront pas les moyens d’acheter en avance cinquante tickets, et même le double puisqu’ils font généralement deux trajets par jour. Vous êtes complètement à côté de la plaque : il faut donc que nous ayons ce débat afin de vous éclairer. La proposition de Mme Pécresse n’est d’ailleurs pas applicable au RER et n’est donc pas valable pour les habitants des banlieues et des quartiers populaires ; or 40 % de ces quartiers n’ont pas de crèche alors qu’ils comptent deux fois plus de familles monoparentales.

En réalité, vous allez toujours pénaliser les mêmes personnes, celles qui le sont déjà. Je déjeunais récemment aux côtés d’un papa qui m’expliquait que son gamin allait être viré de son logement attribué par le Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) en échange de 100 euros et de deux places pour les Jeux olympiques.

Je regrette donc que vous vous apprêtiez à rayer d’un trait de plume cette proposition de loi, qui mérite d’être discutée et amendée.

 

Article 1er : Gel des tarifs des transports publics pour l’année 2024 et hausse de la taxe de séjour additionnelle en Île-de-France

Amendement de suppression CD1 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (LR). L’augmentation de 15 % de l’offre de transport rendue nécessaire par les Jeux olympiques va donc coûter 200 millions d’euros. Chacun convient qu’il n’y a pas d’argent magique ; dès lors, qui va payer ? Ce ne sera ni le Cojop, ni la Ville de Paris, ni l’État. Nous ne souhaitons pas non plus que l’usager régulier des transports en commun franciliens, protégé par ses titres de transport habituels tels que le passe Navigo, ait à payer la facture – pas plus que le contribuable francilien. Vous proposez que cette mesure soit financée par les hôtels, par l’intermédiaire d’une augmentation de la taxe de séjour, mais nous ne voulons pas non plus porter préjudice à l’activité économique. Il paraît assez logique de demander aux utilisateurs occasionnels des transports publics, qui assisteront aux Jeux olympiques, de prendre en charge cette augmentation du service, dont ils bénéficieront directement.

Les uns et les autres ont également soulevé une question de principe, celle de la libre administration des collectivités territoriales. La loi ne peut imposer à une collectivité son mode de tarification. Accepteriez-vous que la loi décide du prix des transports dans chacune de vos circonscriptions ? Nous ne le souhaitons pas.

L’adoption de cet amendement de suppression permettra de revenir à la sagesse et de faire supporter aux utilisateurs occasionnels des transports publics, à ceux qui viendront à Paris pour les Jeux, le coût de 200 millions d’euros.

M. Olivier Faure, rapporteur. Je citerai quelques chiffres qui vous feront peut-être réfléchir avant de voter la suppression de l’article 1er, qui détricoterait cette proposition de loi et lui ôterait tout son intérêt.

Aujourd’hui, 50 % des usagers réguliers ne paient pas d’abonnement et sont donc potentiellement visés par le doublement des tarifs des transports. M. Taite a évoqué tout à l’heure la formule Liberté +, mais celle-ci ne couvre pas les trajets effectués au-delà du périphérique. Un habitant de ma circonscription de la grande couronne, proche de Melun, qui viendrait à Paris pendant cette période devrait payer 12 euros l’aller-retour.

M. Jean-Pierre Taite (LR). Que viendrait-il y faire ?

M. Olivier Faure, rapporteur. Ne savez-vous pas qu’il y aura des Jeux olympiques, avec des fan zones et des endroits pour faire la fête ? Ne pensez-vous pas que ces jeunes, qui ne peuvent pas partir en vacances parce qu’ils n’en ont pas les moyens, méritent d’y participer aussi ? Voulez-vous une fête populaire ou un événement réservé à quelques happy few sélectionnés en fonction de leur portefeuille ? Quant à moi, je veux une fête populaire, à laquelle tout le monde pourra participer en s’enthousiasmant pour les médaillés olympiques. Ce n’est quand même pas le bout du monde ! Chacun ici s’est félicité que Paris ait obtenu les Jeux. Si vous voulez que cette fête s’adresse à tout le monde, vous devez faire en sorte que les plus jeunes qui sont issus des quartiers populaires et qui n’ont pas d’abonnement puissent y participer et ne se sentent pas réduits à regarder à la télévision des Jeux olympiques qui se déroulent chez eux. Dès lors, ne votez pas cet amendement de suppression ! Qui pense sérieusement que des gens au chômage ou des ouvriers au Smic pourront payer à chacun de leurs deux ou trois enfants des allers-retours à 12 euros ? C’est aussi une question d’exemple : si vous ne voulez pas que la première expérience d’un jeune dans les transports publics franciliens soit marquée par la fraude, vous avez tout intérêt à faire en sorte que les tarifs ne soient pas portés à 12 euros l’aller-retour, mais qu’ils soient gelés.

« L’argent, il faut le prendre là où il est », aurait dit Georges Marchais. C’est aussi simple que cela. Il ne s’agit pas de taxer, monsieur Millienne. Il y a dans votre discours quelque chose qui ne colle pas. Vous ne voulez pas prélever 13,20 euros à un individu qui dort dans un hôtel cinq étoiles, mais vous acceptez de prendre 12 euros à un jeune qui vient de banlieue. Où est la logique ? Qui défendez-vous ? Nous devons avoir le débat jusqu’au bout, mais l’adoption de cet amendement de suppression ne le permettra pas.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Monsieur Juvin, votre amendement est d’une très grande tartuferie. Vous dites aujourd’hui que l’usager ne doit pas payer davantage, mais vous étiez, il y a encore quelques mois, au conseil régional d’Île-de-France, membre de la majorité de Valérie Pécresse. Or, depuis son arrivée à la tête de la région, en 2016, cette dernière a augmenté de 23 % le prix du passe Navigo et je ne crois pas vous avoir entendu, à l’époque, dénoncer la mise à contribution des usagers. Dans le même temps, Mme Pécresse épargnait les entreprises, qui peuvent pourtant contribuer elles aussi au financement des transports franciliens, puisque la hausse du versement mobilité a été trois fois moindre durant la même période.

Dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous qualifiez de « temporaire » l’augmentation prévue des tarifs. Avec votre appui lorsque vous étiez conseiller régional, Mme Pécresse a pourtant fait voter quatre hausses du prix du passe Navigo. Les Franciliens ne sont donc pas confrontés à une hausse temporaire, mais à une succession de hausses ininterrompue depuis 2016. Le prix du passe Navigo, qui s’établit aujourd’hui à plus de 84 euros par mois, atteindra bientôt 100 euros puisque le modèle de financement des transports publics franciliens n’est pas remis en question. Outre la mise à contribution des touristes et des entreprises, d’autres pistes pourraient être explorées, ce qu’empêchera votre amendement de suppression, qui viendra ainsi clore un débat indispensable. Si nous ne modifions pas le modèle de financement des transports franciliens, ces derniers s’effondreront.

Vous proposez aux usagers non seulement de payer plus, mais également de subir dès cet été la dégradation des conditions de transport puisque ce qui est prévu par IDFM et par l’État n’est absolument pas à la hauteur. En maintenant le statu quo pour soutenir la position tout à fait politicienne de la présidente de région, vous condamnez les Franciliens à une double peine.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Je partage l’indignation du rapporteur et perçois une gêne chez nos collègues de droite. La région Île-de-France s’est fourvoyée, elle n’avait que la hausse des tarifs à la bouche et, à présent, celle-ci touche tout le monde : c’est la taxe Pécresse sur les Jeux olympiques. Vous voulez supprimer cet article pour éviter de débattre et de chercher une meilleure solution. Au contraire, trouvons-en une !

Oui, des gens, travaillant ou non à Paris, n’ont pas d’abonnement et devront y payer plus cher leurs déplacements. « Que viennent-ils faire ? », dites-vous, comme s’il y avait une citoyenneté de seconde zone – c’est dingue d’entendre ça ! Il y aurait ceux qui ont accès à la métropole et ceux qui, s’ils veulent y venir, doivent payer plus cher, qu’ils aillent aux Jeux olympiques ou pas.

Au contraire, les propositions de taxes additionnelles sur les palaces ou les jets privés sont indolores. Je le dis d’ailleurs avec une pointe de regret car j’aimerais qu’elles soient dissuasives : moins de jets privés, c’est moins de nuisances pour le climat et pour les habitants autour du Bourget. Puisque cela n’affectera pas l’activité économique, souffrez que nous débattions de solutions alternatives à la taxe Pécresse sur les Jeux olympiques.

M. Jérôme Guedj (SOC). C’est une erreur d’analyse de considérer que l’on peut taxer les utilisateurs occasionnels. Selon IDFM, 3,5 millions d’usagers disposent d’un abonnement et 6 millions se déplacent chaque mois en Île-de-France avec des tickets vendus à l’unité, et très régulièrement pour la moitié d’entre eux. Ils ne s’abonnent pas pour des raisons de trésorerie. Il ne s’agit donc pas d’utilisateurs occasionnels.

J’insiste sur l’aspect de la justice sociale, d’autant plus qu’il existe une autre solution. On peut aller chercher les 200 millions d’euros de manière indolore en augmentant de façon modérée la taxe de séjour sur les 65 000 chambres de quatre et cinq étoiles, qui représentent 2 millions de nuitées par mois, soit une dizaine sur cinq mois. Croyez-vous que majorer de 13 euros le prix d’une nuit dans un cinq-étoiles, qui avoisine 800 euros, ou d’une trentaine d’euros celui d’une nuit dans un palace à plus de 3 000 euros aura un effet d’éviction ? Je vous sens, moi aussi, gêné aux entournures, mais vous ne le serez plus grâce à cette solution.

Les habitants de vos circonscriptions vous remercieront. Vous éviterez à un habitant de Normandie passant la journée à Paris de payer son ticket 4 euros au lieu de 2,10 euros, car il n’aura pas pu l’acheter à l’avance. En effet, la mesure vaudra aussi entre le 11 août et le 28 août, en dehors des Jeux olympiques. Ceux qui viennent en vacances visiter le Louvre ou Eurodisney ne doivent pas être pénalisés.

M. David Valence (RE). Je maintiens que la mesure est imprécise. D’abord, la taxe de séjour est perçue au début de l’année suivante quand la recette lors de l’acquisition d’un titre de transport est immédiate. Il y a un vrai risque à remplacer l’une par l’autre : pour la trésorerie d’IDFM, ce n’est pas du tout la même chose.

Proposeriez-vous le même attentat contre le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution s’il s’agissait de la région Occitanie, Centre-Val de Loire ou Bretagne ? Cette proposition de loi est un texte politicien, par lequel vous voulez vous en prendre à la présidente de la région Île-de-France. Nous ne lisons pas la Constitution différemment selon la personne qui préside une région. C’est la raison pour laquelle nous voterons cet amendement de suppression.

M. Philippe Juvin (LR). Je veux rectifier certaines inexactitudes. Il y a 5 millions d’usagers réguliers dans les transports d’Île-de-France ; ceux-ci ne connaîtront aucun changement. Il en ira de même pour les 3 millions d’usagers potentiels occasionnels du métro et du bus ou pour les habitants de vos circonscriptions qui veulent visiter Paris, s’ils achètent leur ticket à l’unité ou au carnet sur leur smartphone avant le 20 juillet. Un usager ponctuel des transports en commun – métro ou trains et RER de banlieue – peut acheter ses titres sans augmentation du tarif. Il est faux de dire qu’une catégorie d’habitants de la région Île-de-France sera touchée par l’augmentation.

Les prix des billets des Jeux olympiques sont ahurissants – plus de 600 euros pour une épreuve de gymnastique artistique et près de 1 000 euros pour la natation. Et vous expliquez qu’un ticket de métro majoré serait trop cher ? Je ne veux pas que le contribuable francilien paie, ni non plus l’usager francilien.

M. Bruno Millienne (Dem). Les transports en Île-de-France traînent un déficit de 500 millions d’euros depuis la présidence de M. Huchon et le prix du passe Navigo plafonné, à tarif unique, non financé. Mme Pécresse a choisi d’augmenter le passe Navigo par palier, pour financer les transports en Île-de-France. On ne peut pas lui attribuer tous les problèmes car ils viennent d’avant ses présidences.

J’entends votre idée d’une taxe additionnelle ; ce qui me gêne c’est qu’une fois les Jeux olympiques terminés, elle perdure. Nos Béarnais qui viendront faire du tourisme à Paris au mois de novembre devront la payer : où est la justice pour eux ?

Enfin, nous tenons à la libre administration des collectivités, sur laquelle vous empiétez. À ce moment-là, appliquons votre proposition partout où les Jeux sont présents et où les tarifs des transports publics subiront une augmentation – à Marseille, dans le Centre‑Val de Loire où elle atteindra 6,6 %. Or le texte ne vise que l’Île-de-France. L’augmentation des billets n’aura pas d’incidence sur les utilisateurs réguliers et l’usager ponctuel pourra acheter des billets au tarif non majoré avant le 20 juillet. Les gens en sont informés et ils seront nombreux à le faire.

M. Philippe Ballard (RN). Le débat ne doit pas évoluer en une bataille entre le conseil régional d’Île-de-France et la mairie de Paris. Je ne comprends pas l’amendement : on ne veut pas faire payer les Franciliens, soit, mais nos concitoyens habitant en province ont aussi un problème de pouvoir d’achat. Seuls 8 % des touristes qui viendront à Paris pour les Jeux sont étrangers.

Quant aux taxes sur les hôtels, nous sommes contre. Il est en revanche acceptable que les clients des palaces paient quelques dizaines d’euros supplémentaires.

M. Olivier Faure, rapporteur. Oui, nous appliquerions la mesure à d’autres régions si elles accueillaient les Jeux olympiques. En accueillant les Jeux olympiques, ce qui n’était pas arrivé depuis un siècle pour les Jeux d’été, la région Île-de-France supportera des charges de centralité qui ne sont pas liées à son activité habituelle. Ces charges étant liées à une décision nationale, il n’est pas illogique que les parlementaires, qui représentent la nation, puissent agir pour soulager une région dont les transports publics se trouvent dans une situation très difficile, et par-là se mettre au service de Mme Pécresse.

En l’espèce, il ne s’agit pas de l’agonir d’injures. Si, demain, les tarifs n’étaient pas augmentés, personne n’irait remercier les socialistes de ce gel. En revanche, tout le monde aura certainement le souvenir impérissable du doublement des tarifs durant la période des Jeux olympiques. Nous sommes là pour vous aider à trouver une solution, non pour entrer en conflit avec le conseil régional. Avec l’accroissement des offres, par le Grand Paris Express notamment, il faudra trouver de nouveaux moyens de financement.

Pour ce qui est du prix des billets des JO, M. Juvin a tellement raison : ceux qui les achètent peuvent bien payer plus cher leurs tickets de transport, mais pas les Franciliens ou les provinciaux qui n’assistent pas aux Jeux. Si vous êtes prêts à ce qu’ils donnent quelques euros de plus pour les transports, pourquoi ne pas accepter qu’ils le fassent pour leur hôtel ? L’avantage de la taxe de séjour, c’est qu’elle vise précisément les spectateurs des Jeux. Les transports publics concernent principalement les Français qui travaillent dans les services à la personne – femmes de ménage, auxiliaires de vie. Tous ces gens qui n’ont pas de pass Navigo devront payer leur ticket deux fois plus cher qu’habituellement.

Je comprends bien qu’il est difficile de vous faire évoluer sur cette question et que vous voterez l’amendement de suppression. Nous verrons quelles seront les réactions entre juillet et septembre. Faire de la politique, c’est faire des choix, et vous aurez à payer le prix du vôtre. Puisque l’argent n’est pas magique et qu’il faut trouver 200 millions d’euros, vous avez choisi de les faire payer par le tout-venant. Nous saurons rappeler au tout-venant que cette surtaxe ne touchait pas les usagers des palaces ou des hôtels quatre étoiles – ceux qui en avaient les moyens –, mais que vous avez choisi de la faire supporter par les usagers ordinaires, les familles les plus modestes de ce pays.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.

 

Article 2 : Rapport sur l’adéquation entre les hausses de tarifs des transports publics franciliens depuis 2016 et l’évolution du service rendu aux usagers

Amendement CD47 de M. Pierre Vatin

M. Olivier Faure, rapporteur. Avis défavorable. L’amendement vise à demander un rapport sur l’évolution des tarifs des transports publics franciliens depuis 2007 et leur adéquation avec les recettes nécessaires au financement du service. Le dézonage, que je soutenais à l’époque, était une mesure forte de lutte contre les inégalités sociales et territoriales, qui a permis d’alléger le budget de ménages précaires – 500 euros de moins par an, dans ma circonscription – et de désenclaver certains territoires de moyenne et grande couronne. Le coût de la mesure avait fait l’objet d’un chiffrage précis : il a été intégralement compensé, notamment grâce à une harmonisation du versement transport. C’est entre 2016 et 2024 que les tarifs du réseau francilien ont fortement augmenté, tandis que la qualité du service reçu aux usagers n’a cessé de se dégrader. Le rapport demandé au Gouvernement doit se concentrer sur cette période.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 2.

 

Après l’article 2

Amendement CD35 de Mme Clémence Guetté

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre résultant de l’absence de gratuité des transports publics lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Tony Estanguet, président du Cojop, avait lui-même promis d’offrir la gratuité des transports aux spectateurs afin de limiter l’empreinte carbone des Jeux. La promesse ne sera pas honorée et le bilan carbone des Jeux est contesté. La communauté scientifique estime qu’elle ne dispose pas des données nécessaires pour évaluer le coût des infrastructures.

Sachant que les transports constituent un des principaux leviers de réduction de notre empreinte carbone, il serait intéressant d’en chiffrer les effets. Nous avions déposé des amendements sur la gratuité mais, comme vous venez de torpiller cette proposition de loi, ils n’ont pas pu être débattus.

M. Olivier Faure, rapporteur. Je partage vos inquiétudes mais l’absence de gratuité n’entraînera pas de report modal : les personnes qui ne pourront pas se déplacer seront assignées à résidence. Elles resteront chez elles, n’ayant pas les moyens d’un transport de substitution, comme la voiture. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD28 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement vise à demander un rapport portant sur les conséquences de l’évolution des statuts et de la rémunération des personnels des services de transport franciliens sur la qualité des transports, dans le contexte d’ouverture à la concurrence qu’une majorité macron-lepéniste a confirmée il y a quelques semaines. Déjà en cours dans la grande couronne, l’ouverture à la concurrence dégrade considérablement les conditions de travail des salariés, conduit à une pénurie de main-d’œuvre – évaluée à 1 000 machinistes pour la RATP –, et nuit aux usagers. Un rapport permettrait d’objectiver les éléments de ce débat récurrent.

M. Olivier Faure, rapporteur. Bien que cette demande de rapport aille bien au-delà de ce que vise la proposition de loi, je comprends les interrogations de M. Vannier. Avis de sagesse.

M. Bruno Millienne (Dem). La loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP, qui en reporte la date, a été adoptée par l’Assemblée nationale. Elle nous donnera tout loisir de réaliser une évaluation dans laquelle ce rapport pourra s’inscrire. Je suis donc défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD29 de Mme Clémence Guetté

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Il s’agit à nouveau d’une demande de rapport – certains de nos collègues s’en étonnent mais il ne nous a malheureusement pas été permis de défendre nos amendements de proposition ou de modification.

Nous souhaitons donc obtenir un rapport sur les conséquences pour les usagers des surcoûts et des retards du Grand Paris Express. Ces infrastructures ont été mises en avant dans le dossier de candidature de Paris 2024, notamment les lignes de métro 15, 16 et 17. Le budget initial, évalué en 2010 à 19 milliards d’euros, aurait déjà plus que doublé. La presse fait état de présentations trompeuses, visant à présenter artificiellement les lignes comme étant rentables. Cela rejoint des critiques que nous faisons sur l’opacité de la gouvernance de la structure chargée de conduire ces travaux.

Comme toutes ces sommes auraient pu être mobilisées pour améliorer immédiatement les transports en commun franciliens, il nous semble que le Parlement doit être informé sur ce sujet.

M. Olivier Faure, rapporteur. Sagesse.

M. Pierre Cazeneuve (RE). L’argumentaire de Mme Guetté m’interpelle : les lignes 15, 16 et 17, sauf erreur de ma part, ont vocation à relier des départements qui ne sont pas dans la petite couronne et à améliorer le trafic et la desserte de banlieues périphériques. Si je comprends bien, votre proposition vise à améliorer le réseau de métro des quatorze lignes à l’intérieur de Paris mais de ne pas investir dans le désenclavement des départements périphériques, qui vont bien au-delà de Paris-centre. Je ne comprends pas tout à fait la cohérence.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). La ligne 17, qui est la seule à traverser le département du Val-d’Oise, ne prévoit qu’une gare dans le département, dans le triangle de Gonesse. Ce dernier est l’une des dernières réserves de terres agricoles de notre région et comprend des sols parmi les plus fertiles d’Europe. À cet endroit, il n’y a rien d’autre que de la culture. Le projet de ligne 17 consiste donc à construire une gare en plein champ, absolument inutile, projet qui est contesté depuis des années. La demande de rapport de Mme Guetté est donc tout à fait appropriée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CD31 de Mme Clémence Guetté

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Il s’agit d’une demande de rapport portant, cette fois, sur l’état des lieux et le coût de la mise en accessibilité des transports franciliens. Seuls 3 % du métro parisien sont entièrement accessibles aux personnes à mobilité réduite, contre 18 % à Londres, 82 % à Barcelone et 88 % à Tokyo.

En 2018, l’un des secrétaires d’État d’Emmanuel Macron citait en exemple nos voisins anglais, qui avaient engagé un plan d’investissement de 200 millions de livres pour rendre le métro accessible dans la perspective des Jeux olympiques de Londres. Rien ou presque n’a été fait chez nous : la situation demeure inacceptable pour les personnes à mobilité réduite, alors que 350 000 personnes en situation de handicap devraient assister aux Jeux olympiques et paralympiques.

M. Olivier Faure, rapporteur. Cela excède, une fois encore, le cadre de la proposition de loi. J’émets toutefois un avis favorable, car nous nous posons en permanence la question des coûts et de ceux qui doivent les supporter. Il me semble qu’un sujet comme celui-là pourrait faire l’unanimité de cette commission.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Compensation financière

La commission rejette l’article 3.

 

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

M. Olivier Faure, rapporteur. Je regrette que vous n’ayez pas entendu les arguments développés par la gauche et que vous nous laissiez le monopole de la défense de celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. Ce clivage redevient très apparent ; tant mieux pour la démocratie, finalement.

 

 

 


  1  

   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Ville de Paris

M. David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge des transports

Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 (Cojo)*

M. Pierre Cunéo, directeur senior des transports

Mme Anaïs Walter, cheffe de projet chargée des relations extérieures

Mme Marion François, conseillère chargée des relations extérieures

Île-de-France Mobilités

M. Laurent Probst, directeur général d’Île-de-France Mobilités

M. Nicolas Oppenchaim, maître de conférences en sociologie à l’université de Tours

Audition conjointe

 Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) - Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

M. Rodolphe Gintz, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités

Mme Floriane Torchin, directrice des transports ferroviaires, fluviaux et des ports

– M. Florent Bardon, coordinateur national des mobilités pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Association Plus de trains

M. Arnaud Bertrand, président

Conseil départemental de Seine-Saint-Denis

M. Stéphane Troussel, président

Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH)*

Mme Véronique Siegel, présidente de l’UMIH branche hôtellerie

M. Vincent Dollé, directeur des affaires économiques et fiscales

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) https://international.franceolympique.com/international/fichiers/File/Paris2024/Candidature/p2024_p3.pdf

([2]) Le passe Navigo a été augmenté à 86,40 euros à partir du 1er janvier 2024 (contre 84,10 euros en 2023).

([3]) Chantal Brutel, Jeanne Pages, « La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances », INSEE Première, janvier 2021.

([4]) Île-de-France Mobilités, « Usages et usagers des titres de transport », publié sur site internet le 7 février 2020, d’après des données d’enquêtes de mobilité menées entre 2002 et 2016.

([5]) Nicolas Oppenchaim, « Comment rendre la mobilité à la fois plus durable et plus juste ? », site de l’Observatoire des inégalités, 4 juillet 2023.

([6]) Thierry Mainaud, « En 2017, les ménages consacrent 11 % de leur revenu disponible à la voiture », INSEE Première, n° 1855, avril 2021.

([7]) Observatoire des inégalités, « Près de la moitié des Français ne partent pas en vacances », 6 août 2023.

([8]) Ibidem. Île-de-France Mobilités, « Usages et usagers des titres de transport », publié sur site internet le 7 février 2020, d’après des données d’enquêtes de mobilité menées entre 2002 et 2016.

([9]) Audition commune de M. Tony Estanguet, président du Cojo Paris 2024, et M. Nicolas Ferrand (Solideo) devant la commission de la culture, de l’éducation et du sport du Sénat, 31 mars 2021.

([10]) Les Échos, « Sydney joue la carte des transports en commun », 19 septembre 2000.

([11]) Le Quotidien du Peuple, 27 novembre 2014.

([12]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd), « Perspectives financières d’Île-de-France Mobilités », mai 2023.

([13]) Rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), « Perspectives financières d’Île-de-France Mobilités », mai 2023.

([14]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/23198_protocole%20Etat-IDFM_V2_web.pdf

([15]) Le Monde « Tarif du passe Navigo : une hausse de prix exceptionnelle, surtout pour l’abonnement à la semaine », 30 décembre 2022.

([16]) STIF en ligne - La lettre aux associations d’usagers, numéro 3 « L’enquête de perception de la qualité de service dans les transports en commun d’Île-de-France », juillet 2014.

([17]) Contrat entre IDFM, SNCF Voyageurs et SNCF Gares & Connexions 2020-2023, Annexe II-D-10 https://www.iledefrance-mobilites.fr/medias/portail-idfm/da6142b2-d07c-474a-8aff-18c3cb9e0291_Contrat+IDFM_SNCF_Annexes_VDef_HorsConfidentielles.pdf.

([18]) Cour des comptes, « La qualité du service du réseau express régional (RER) en ÎledeFrance », octobre 2023.

([19]) Ibidem.

([20]) Ibidem.