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N° 2217

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 février 2024.

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles,

 

 

Par M. Bertrand PETIT,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 2065.


 


  1  —

 

 

SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Création d’un droit opposable à un aménagement du temps de travail pour le salarié exerçant des missions de bénévolat

Article 2 Création d’un droit opposable à un aménagement du temps de travail pour l’agent public exerçant des missions de bénévolat

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

ANNEXE N° 2 : Liste des contributions Écrites adressÉes AU rapporteur

Annexe n° 3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi


  1  —

   avant-propos

 

Alors que la France a traversé la crise du covid‑19 et continue d’en subir les conséquences dans un contexte international troublé, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur la signification donnée à leur travail et à la place que celui‑ci occupe dans leur vie.

En quête de sens et avec la volonté d’apporter leur contribution à la collectivité, 13 millions de Français ([1]) privilégient en 2023 l’engagement associatif pour apporter leur soutien à une cause, à une activité culturelle, artistique ou sportive ou encore à des actions humanitaires et sociales. Cette richesse de la vie sociale et citoyenne dans notre pays doit être soutenue afin de favoriser le lien social et le vivre‑ensemble qui semblent parfois se déliter.

Après plusieurs années de participation en recul, les Français se tournent à nouveau vers les associations, ce qui se traduit par un nombre d’adhésions avoisinant les 20,5 millions ([2]) et un taux de bénévolat en hausse, particulièrement chez les plus jeunes.

Ce dynamisme du bénévolat chez les 15-34 ans, qui sont 25 % à s’engager contre 16 % en 2010, est néanmoins à mettre en regard de la diminution très importante de l’engagement des plus de 65 ans, en baisse de 13 points, et de celle des 50-64 ans, en recul de 7 points ([3]).

Ainsi, malgré un taux de bénévolat en hausse après la crise, comparable au niveau constaté en 2019, la baisse du niveau d’engagement des retraités apparaît comme une préoccupation au regard du temps que cette catégorie consacre en général aux associations. Plus que le nombre de bénévoles c’est le nombre d’heures consacrées à l’engagement associatif qui doit être regardé.

Dans un contexte où les actifs sont davantage en quête de sens et où l’âge de départ à la retraite a été repoussé de deux années, il serait opportun de permettre à nos concitoyens de s’engager durant leur vie active dans des associations et de poursuivre ou d’intensifier ces missions au moment de la retraite.

Alors que les modes d’organisation du travail ont été fortement questionnés ces dernières années, la semaine de quatre jours apparaît, sous ses différentes formes, comme un moyen de libérer du temps pour des salariés qui veulent s’engager ou poursuivre des missions bénévoles régulières. La réflexion autour de sa mise en place figure tant parmi les recommandations des assises du travail ([4]), en ce qui concerne les salariés, que dans les annonces du Premier ministre ([5]), en ce qui concerne les agents publics.

S’il apparaît que des expérimentations ont déjà lieu dans des entreprises, des structures associatives ou des collectivités publiques, il n’existe pas de cadre juridique uniforme au niveau national pour inciter les employeurs à libérer du temps pour leurs salariés. Pourtant, là où la semaine de quatre jours est mise en place, ceux qui en bénéficient utilisent le temps libéré notamment pour s’engager bénévolement.

Au regard de ce constat encourageant, la présente proposition de loi vise à faire le lien entre engagement associatif et aménagement du travail. Son ambition n’est pas de s’engager dans une réforme d’ampleur des règles applicables à l’organisation et aux horaires du travail. L’opportunité de leur évolution devra être posée ultérieurement.

En revanche, il est urgent d’agir en faveur de l’engagement associatif et de renforcer les dispositifs spécifiques aux salariés bénévoles. Le droit existant en la matière, en particulier le congé d’engagement associatif, apparaît pour le moins limité et ne concerne qu’une faible part des actifs. Un dispositif plus large est, par conséquent, nécessaire.

La proposition de loi ouvre ainsi, pour les salariés, à l’article 1er, et les agents publics, à l’article 2, qui décident de consacrer de leur temps à des missions bénévoles, le droit à un aménagement du temps de travail. L’ambition derrière ce texte est d’offrir à tous les actifs qui s’investissent en faveur du lien social un aménagement adapté de leur temps de travail.

La création d’un droit opposable permettra de susciter un dialogue entre salariés et employeurs quant à la meilleure formule pour cet aménagement qui pourra aller jusqu’à une semaine de quatre jours à temps complet. Il ne s’agit pas de créer des difficultés dans les entreprises mais bien d’affirmer, pour chaque salarié ou agent public, le droit de négocier, avec son employeur, la formule adéquate à la poursuite de son engagement.

Il est temps de mettre en œuvre une politique volontariste en faveur du développement associatif. Je forme le vœu que l’ensemble des députés sauront se rassembler autour de cet objectif que chacun partage.

 


  1  —

   Commentaire des articles

Rejeté par la commission

L’article 1er institue un droit opposable à l’aménagement du temps de travail pour les salariés exerçant des missions de bénévolat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique.

  1.   Le droit en vigueur : une difficile conciliation entre vie professionnelle et engagement associatif
    1.   Le congé d’engagement associatif : un dispositif limité favorisant le seul engagement dans des fonctions de responsable associatif

● Parmi les dispositifs favorisant la conciliation entre vie professionnelle et bénévolat figure le congé d’engagement associatif dont la portée semble, à ce jour ([6]), trop limitée.

Inspiré des recommandations du Haut Conseil à la vie associative ([7]) et issu de la loi du 26 janvier 2017 ([8]), le congé pour l’exercice de responsabilités associatives bénévoles vise plus particulièrement à favoriser le renouvellement des dirigeants bénévoles associatifs.

● Le salarié peut ainsi bénéficier de six jours de congé non rémunérés, sauf convention ou accord collectif d’entreprise ou de branche plus favorable ([9]).

Les agents publics bénéficient d’un régime de congé conditionné aux mêmes critères ([10]). Celui-ci, limité à six jours ouvrables par an, n’est pas rémunéré et peut être pris en une ou deux fois.

Le congé pour exercer la fonction de responsable

bénévole d’une association

● Inscrit à l’article L. 3 142-54-1 du code du travail, ce congé bénéficie aux responsables associatifs bénévoles d’associations répondant à trois critères cumulatifs :

1° L’association est régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, inscrite au registre des associations en application du code civil local ;

2° L’association est déclarée depuis trois ans au moins ;

3° L’ensemble des activités de l’association sont mentionnées au titre des activités d’intérêt général ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu (1).

● Ce congé bénéficie aux salariés :

– pour siéger à titre bénévole dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ;

– ou exerçant à titre bénévole des fonctions de direction ou d’encadrement au sein de l’association.

● Le congé peut être fractionné en demi-journées. À défaut d’accord d’entreprise ou de branche :

– le nombre maximal de jours de congé est fixé à six jours ;

– le congé n’est pas rémunéré ;

– la demande de recours au congé doit être adressée dans un délai fixé par décret, actuellement de trente jours.

● L’employeur peut différer ce congé en raison des nécessités propres de l’entreprise dans des conditions fixées par décret.

Source : articles L. 3 142-54-1, L. 3 142-56 et L. 3 142-58 à L. 3 142-59 du code du travail.

(1) Ces activités sont mentionnées au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts.

● Le congé pâtit d’un manque de notoriété et le champ des salariés éligibles apparaît insuffisant. L’absence de rémunération et le nombre limité de jours constituent également un frein important.

Étendre ce congé aux bénévoles, tout aussi indispensables au fonctionnement des associations que leurs dirigeants, ne semble pas pertinent au regard de ses caractéristiques.

En revanche, les critères de mise en œuvre du congé peuvent inspirer un dispositif plus large d’aménagement du temps de travail des salariés bénévoles.

  1.   L’absence de règles communes à toutes les entreprises de mise en œuvre de la semaine de quatre jours freine son développement

La mise en place de la semaine de quatre jours constitue une modalité particulière de définition des jours et des horaires de travail et s’inscrit dans un cadre juridique qui dépend du secteur dont relève chaque entreprise.

  1.   La définition des jours et des horaires de travail

● Les horaires du salarié peuvent résulter d’horaires collectifs ou individualisés de travail.

Les horaires collectifs de travail sont déterminés par branche d’activité et professions par le pouvoir réglementaire qui fixe, notamment, la répartition et l’aménagement des horaires de travail ([11]).

Il peut cependant être dérogé aux dispositions réglementaires relatives notamment à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine par convention ou accord collectif étendu ([12]) ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ([13]).

À l’échelon d’une entreprise, il peut exister plusieurs horaires collectifs correspondant aux différentes catégories de salariés au sein de chaque service ([14]).

● Les horaires individualisés peuvent être mis en place par l’employeur, à la demande de certains salariés, pour permettre un report d’heures d’une semaine à une autre ([15]). Ces heures ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires dès lors qu’elles résultent d’un libre choix du salarié.

L’avis conforme du comité social et économique (CSE) ou, dans les entreprises qui sont dépourvues de représentants du personnel, l’autorisation de l’inspecteur du travail est requise pour la mise en place d’horaires individualisés.

Les conditions de mise en œuvre des horaires individualisés sont déterminées par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, de branche ([16]). À défaut d’accord, le report d’heures d’une semaine à une autre ne peut excéder trois heures et le cumul des reports ne peut avoir pour effet de porter le total des heures reportées à plus de dix ([17]).

  1.   La mise en place de la semaine de quatre jours

● L’organisation du temps de travail relève de régimes juridiques distincts selon qu’il existe, ou non, des stipulations conventionnelles ou des dispositions réglementaires applicables à l’entreprise considérée.

La semaine de quatre jours peut, en effet, trouver son fondement juridique dans trois types de normes :

1° Un décret en Conseil d’État instituant, pour l’ensemble des branches d’activités et des professions ou pour une branche ou une profession particulière, des règles de répartition des horaires de travail ([18]) ;

2° Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement comprenant des stipulations relatives à la répartition des horaires de travail, même en cas de dispositions réglementaires contraires ([19]) ;

3° Une décision unilatérale de l’employeur prévoyant la mise en place une telle répartition du travail ([20]). Le comité social et économique (CSE) est alors compétent pour se prononcer sur ce changement ([21]). L’employeur doit cependant se conformer aux éventuelles dispositions réglementaires et stipulations conventionnelles encadrant sa décision.

● D’après la direction générale du travail (DGT), il n’existe cependant pas de convention ou d’accord de branche relatif à la semaine de quatre jours.

De même, seuls quelques décrets permettent au chef d’entreprise d’un secteur de faire le choix de la semaine de quatre jours. C’est le cas notamment des secteurs des entreprises de transports routiers de marchandises ([22]) et de personnes ([23]) et des établissements financiers ([24]). Dans ce cas, un accord du CSE est nécessaire ou, s’agissant des entreprises de transports routiers de marchandises et de personnes, en l’absence de représentation du personnel, l’inspecteur du travail peut l’autoriser après enquête auprès des salariés ([25]).

● En l’absence de dispositions réglementaires ou de stipulations conventionnelles, l’ancien article L. 212-2-1 du code du travail prévoyait que, sous réserve du respect des règles relatives aux durées de travail et de repos et sauf stipulation contraire résultant d’une convention collective, « lorsque la durée hebdomadaire du travail n’excède pas quarante heures ([26]), les employeurs peuvent, sur avis conforme du comité d’entreprise ([27]) ou, à défaut, des délégués du personnel, et après en avoir informé l’inspecteur du travail [...], déroger aux dispositions des décrets [...] répartissant la durée hebdomadaire, soit sur quatre jours ouvrables, la répartition journalière devant alors être égale, soit sur quatre jours et demi ».

En vertu de cet article, maintenu en vigueur par l’ordonnance du 16 janvier 1982 ([28]) jusqu’à l’intervention de mesures réglementaires qui n’ont jamais été prises, l’employeur peut toujours déroger aux décrets pris pour l’application de la semaine de quarante heures, soit avant 1982.

L’accord du CSE étant requis, les entreprises qui n’en disposent pas, notamment celles comportant moins de onze salariés, sont, par conséquent, exclues de l’application de ces dispositions.

● Les différents régimes juridiques encadrant la mise en œuvre de la semaine de quatre jours sont synthétisés dans le tableau ci‑après.

Modalités de mise en œuvre de la semaine de quatre jours en l’absence de dispositions réglementaires

Dispositions réglementaires applicables à la branche

Convention ou accord de branche prévoyant la semaine de quatre jours

Modalités de mise en œuvre de la semaine de quatre jours dans l’entreprise

Décision unilatérale de l’employeur

Convention ou accord d’entreprise

Décret prévoyant la semaine de quatre jours

Oui (1)

Oui, selon les modalités prévues par les stipulations conventionnelles et les dispositions réglementaires.

Oui (1)

Non

Oui, selon les modalités prévues par les dispositions réglementaires.

Décret d’application de la loi relative à la semaine de 40 heures ne prévoyant pas la semaine de quatre jours

Oui (1)

Oui, selon les modalités prévues par les stipulations conventionnelles.

Non

Oui, à condition (2) :

– d’obtenir un avis favorable du CSE ;

– et d’informer l’inspection du travail.

Décret d’application des lois relatives à la semaine de 39 heures ou à la semaine de 35 heures ne prévoyant pas la semaine de quatre jours

Oui (1)

Oui, selon les modalités prévues par les stipulations conventionnelles.

Non

Non

Absence de dispositions réglementaires

Oui

Oui, selon les modalités prévues par les stipulations conventionnelles.

Non

Oui, après consultation simple du CSE (3).

Source : commission des affaires sociales.

(1) L’article L. 3121-68 du code du travail permet à une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut, à une convention ou un accord de branche étendu de déroger aux dispositions réglementaires en matière d’organisation du travail.

(2) Article L. 212-2-1 du code du travail (ancien). En l’absence de CSE, il ne peut être fait application de cet article.

(3) Article L. 2312-8 du code du travail.

● Il apparaît qu’en l’absence de convention ou d’accord de branche mentionnant la semaine de quatre jours et au regard des rares dispositions réglementaires, l’accord d’entreprise est la solution à privilégier pour la quasi-totalité des entreprises souhaitant mettre en œuvre cette organisation du travail. La décision unilatérale pourra également prévaloir dans les secteurs régis par des textes anciens, avec l’accord du CSE.

Néanmoins, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et en particulier dans celles de moins de onze salariés, la possibilité de négocier un accord d’entreprise apparaît pour le moins limitée et l’absence de CSE fait obstacle à une décision unilatérale de l’employeur dans ce champ.

Si la semaine de quatre jours peut apparaître comme un dispositif de soutien à l’engagement associatif, il est nécessaire de prévoir une législation spécifique aux salariés exerçant une mission bénévole.

  1.   Les dispositions relatives à la durée et à l’horaire de travail encadrent l’aménagement du temps de travail des salariés

L’aménagement du temps de travail en vue du développement de l’engagement associatif suppose de respecter certaines dispositions relatives à la durée, à l’organisation et à l’horaire de travail.

  1.   Durée maximale et durée légale du travail

● L’organisation de la semaine en quatre jours suppose de prendre en considération la durée maximale du travail, qui ne fait l’objet que d’exceptions circonscrites.

Celle-ci résulte de lois anciennes qui fondent la législation actuelle sur la durée maximale de travail.

● La notion de durée maximale du travail a été inscrite dans la loi pour la première fois par la loi du 23 avril 1919 ([29]) avant que la loi du 21 juin 1936 ([30]) ne poursuive cette législation en limitant à quarante heures la durée hebdomadaire de travail, sans aucune exception.

Des décrets d’application de la loi sont alors pris pour chaque profession, industrie ou catégorie professionnelle et demeurent, pour certains, encore en vigueur aujourd’hui ([31]). Ils précisent l’organisation du travail dans la semaine.

● Suspendues par le régime de Vichy, les dispositions de la loi du 21 juin 1936 sont partiellement rétablies par la loi du 25 février 1946 ([32]). Celle‑ci introduit cependant une nouvelle distinction entre, d’une part, la durée légale du travail, fixée à quarante heures hebdomadaires et dont le dépassement constitue des « heures supplémentaires », et, d’autre part, la durée maximale du travail.

Évolution des durÉes légale et maximale du travail
depuis 1946

Durée légale

Durée moyenne maximale sur une période de douze semaines

Durée hebdomadaire maximale

Année d’entrée en vigueur

Fondement juridique

40 heures

60 heures

1946

Loi du 25 février 1946 relative à la rémunération des heures supplémentaires de travail

54 heures

60 heures

1967

Loi n° 66-401 du 18 juin 1966 relative à la durée du travail et modifiant l’article 3 de la loi n° 46-283 du 25 février 1946

50 heures

57 heures

1972

Loi n° 71-1049 du 24 décembre 1971 relative à la durée maximale du travail

48 heures

52 heures

1975

Loi n° 75-1253 du 27 décembre 1975 relative à la réduction de la durée maximale du travail

48 heures

50 heures

1979

Loi n° 79-3 du 2 janvier 1979 relative à la durée du travail et au travail de nuit des femmes

39 heures

46 heures

48 heures

1982

Ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés

39 puis 35 heures

44 heures

48 heures

2000

Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail

Source : commission des affaires sociales.

  1.   Durée de travail effectif maximale et temps de pause et de repos

● La durée du travail effectif est limitée à dix heures ([33]). Celle‑ci est constituée des périodes effectivement travaillées, soit « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » ([34]).

Des dérogations peuvent être accordées par l’inspecteur du travail pour certains motifs liés à un surcroît temporaire d’activité de l’entreprise ([35]) ou lorsqu’une convention ou un accord collectif prévoit le dépassement de cette durée « en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures » ([36]).

● Le salarié bénéficie, en outre, de temps de pause et de repos constitués :

– d’une part, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, d’un temps de pause minimal de vingt minutes consécutives ([37]) ;

– d’autre part, d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives ([38]), sauf stipulation conventionnelle contraire dans des conditions déterminées par décret ([39]) et dans la limite de neuf heures ([40]).

  1.   Le dispositif proposé : la nécessité d’aménager le temps de travail pour favoriser l’engagement associatif bénévole des actifs
    1.   Le droit à un aménagement du temps de travail pour les salariés engagés dans une mission bénévole

● L’engagement de nos concitoyens regagne en dynamisme après une période de crise, ce dont les associations entendues par le rapporteur se réjouissent. Libérer du temps aux actifs apparaît comme une priorité pour apporter aux associations les ressources nécessaires à leur fonctionnement et favoriser un engagement durable des futurs retraités tout au long de la vie, en pérennisant l’engagement des jeunes qui s’intègrent dans la vie active et en facilitant l’engagement des futurs retraités.

La mise en place de la semaine de quatre jours est déjà possible et permet l’engagement associatif des salariés ou des agents qui en bénéficient, comme en témoigne l’expérimentation engagée à la métropole de Lyon ([41]). Cependant, le manque de lisibilité du cadre juridique et la méconnaissance de ces dispositions par nombre d’employeurs limitent le recours à la faculté d’adapter la semaine de travail de leurs salariés.

● Aussi, l’ambition du présent article est de s’inscrire dans le cadre juridique existant concernant la durée et les horaires de travail et de proposer un aménagement en faveur des salariés exerçant des missions de bénévolat.

Certaines personnes auditionnées par le rapporteur ont pu émettre des craintes quant à la stabilité des organisations concernées par ce nouveau droit. Il ne s’agit pas nécessairement de bouleverser le fonctionnement de toutes les entreprises mais de garantir, dans un cadre négocié avec l’employeur, un droit opposable à l’aménagement du temps de travail.

L’esprit de la proposition de loi est de permettre une plus grande souplesse dans l’aménagement du temps de travail, du report de quelques heures d’un jour à l’autre jusqu’à la mise en place de la semaine de quatre jours, en fonction de l’activité bénévole concernée. Les amendements proposés par le rapporteur clarifient cette intention.

● Il n’en demeure pas moins que, pour garantir le succès du dispositif, la notion de droit opposable est essentielle et permettra d’assurer une continuité dans l’engagement. C’est un signal essentiel adressé aux employeurs pour prendre en compte l’engagement de leurs salariés.

En revanche, les acteurs auditionnés par le rapporteur, et en particulier les organisations syndicales, ont pu souligner les risques psychosociaux et physiques que peut entraîner une augmentation de la durée quotidienne de travail consécutive à la mise en place de la semaine de quatre jours. Il semble par conséquent nécessaire d’accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de ce dispositif et d’en évaluer les effets sur les salariés.

  1.   Le dispositif proposé

Le présent article introduit, après la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail, une section 4 bis intitulée : « Aménagement du temps de travail pour les salariés exerçant des activités bénévoles ou de volontariat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique ». Celle‑ci comprend trois articles L. 3121-52-1 à L. 3121-52-3 répartis en trois sous-sections.

Au regard des auditions qu’il a menées, le rapporteur préconise la suppression de la mention des volontaires qui bénéficient d’un contrat avec une association et donc d’une rémunération. L’objectif de la proposition de loi n’est pas d’inciter à cumuler un emploi avec un contrat associatif, il convient donc de limiter son champ d’application aux seuls bénévoles.

● La première sous-section, qui comprend l’article L. 3121-52-1, définit l’ordre public en matière d’aménagement du temps de travail pour le salarié exerçant des activités bénévoles dans une association ou dans une fondation reconnue d’utilité publique.

Le I du nouvel article L. 3121-52-1 institue un droit à l’aménagement du temps de travail pour les salariés exerçant des activités bénévoles ou de volontariat au sein :

– d’une association déclarée depuis au moins un an en application de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ([42]) ;

– d’une association déclarée depuis au moins un an en vue de son inscription au registre des associations en application de l’article 59 du code civil local maintenu en vigueur par la loi du 1er juin 1924 ([43]) dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

– d’une fondation reconnue d’utilité publique en application de l’article 18 de la loi du 23 juillet 1987 ([44]) depuis au moins un an.

La question de la justification de l’engagement bénévole a été soulevée à de nombreuses reprises lors des auditions. Si la signature d’une convention tripartite semble constituer une charge trop importante, tant pour les associations que pour les entreprises, la présentation par le salarié d’un certificat attestant de ses missions de bénévolat à son employeur est de nature à prévenir les abus. Elle devrait permettre également une adaptation du temps de travail proportionnée à la nature des missions.

Le II du nouvel article L. 3121-52-1 du code du travail définit les modalités de l’aménagement du temps de travail, qui consiste :

1° Pour le salarié à temps complet ([45]) dont la semaine de travail est usuellement répartie sur cinq jours, en une répartition de son temps de travail sur quatre jours ;

2° Pour le salarié à temps partiel ([46]), en une réduction de 20 % du nombre de jours usuellement travaillés par semaine.

L’objectif de la proposition de loi étant de libérer du temps pour les salariés au regard de leur engagement bénévole, le rapporteur a proposé de préciser dans le texte qu’il ne s’agit pas nécessairement de mettre en place la semaine de quatre jours mais de permettre un aménagement du temps de travail pouvant aller jusqu’à l’instauration de celle‑ci.

Le III du même article permet au salarié de choisir les jours durant lesquels il travaille conformément à l’aménagement de son temps de travail, en accord avec son employeur. Cette garantie permet de prévenir une désorganisation trop importante de l’entreprise.

Le nouvel aménagement du temps de travail est mis en œuvre dans un délai d’un mois à compter de la demande du salarié.

● La deuxième sous-section, qui comprend l’article L. 3121-52-2, définit le champ de la négociation collective.

L’article L. 3121-52-2 dispose qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir :

1° Les modalités d’aménagement du temps de travail sur un nombre de jours inférieur à quatre par semaine ;

2° Un délai de mise en œuvre de l’aménagement du temps de travail inférieur à un mois.

● La troisième sous-section, formée de l’article L. 3121-52-3, comprend des dispositions supplétives en l’absence de négociation collective.

L’article L. 3121‑52‑3 reprend les dispositions de l’article L. 3121‑35 qui prévoit, en l’absence de stipulations conventionnelles contraires ([47]), que la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

*

*     *


Rejeté par la commission

L’article 2 institue un droit opposable à l’aménagement du temps de travail pour les agents publics exerçant des missions de bénévolat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique. L’aménagement peut être refusé au regard de la nécessaire continuité du service public.

  1.   Le droit en vigueur

Les dispositions relatives à la durée et l’organisation du travail des agents publics reprennent les principes applicables aux salariés tout en prévoyant des règles spécifiques aux contraintes du service public.

En outre, comme les salariés, les agents publics responsables associatifs bénéficient d’un congé d’une durée de six jours par an.

  1.   La durée du travail des agents publics

● La durée du travail des agents publics est régie par le titre Ier du livre VI du code général de la fonction publique, qui prévoit des règles spécifiques à chacune des trois fonctions publiques.

La durée du travail effectif des agents de l’État est fixée par référence à la durée du travail prévue pour les salariés à l’article L. 3121‑27 du code du travail, soit 35 heures hebdomadaires ([48]). Des dispositions statutaires spécifiques s’appliquent aux personnels enseignants et de la recherche en matière de temps de travail.

L’article L. 611‑1 du code général de la fonction publique dispose que le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de 1 607 heures dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’État précisant notamment les mesures d’adaptation tenant compte des sujétions auxquelles sont soumis certains agents.

DURÉE du TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Nombre de jours dans l’année

365 jours

Nombre de jours de repos hebdomadaires

104 jours (52 x 2)

Nombre de jours fériés (moyenne forfaitaire)

8 jours

Nombre de jours de congés annuels

25 jours

Nombre de jours de travail

228 jours

Nombre d’heures travaillées annuellement

1 596 heures (228 x 7)

Nombre d’heures travaillées annuellement en moyenne avec prise en compte de la journée de solidarité (1)

1 607 heures (1 600 (2) + 7)

Source : commission des affaires sociales.

(1) Instituée par la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la journée de solidarité est applicable aux agents publics aux termes des articles L. 62111 et L. 62112 du code général de la fonction publique et prend la forme du travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai, d’un jour de réduction du temps de travail ou de sept heures précédemment non travaillées.

(2) Nombre d’heures travaillées annuellement arrondi.

Le décret du 25 août 2000 ([49]) précise les conditions d’application de la durée du travail aux agents publics de l’État et aux magistrats. Outre une définition de la durée effective du travail qui reprend presque à l’identique celle inscrite à l’article L. 3121‑1 du code du travail ([50]), celui‑ci reprend le principe d’une durée légale du travail de 35 heures par semaine auxquelles peuvent s’ajouter des heures supplémentaires.

Le décret du 25 août 2000 reprend également les différentes durées maximales de travail et minimales de pause prévues par le code du travail pour les appliquer aux agents publics ([51]). Ainsi :

– la durée hebdomadaire maximale de travail effectif ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d’une même semaine ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives ;

– le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures ;

– la durée quotidienne du travail effectif ne peut excéder dix heures ;

– la durée minimale du repos quotidien est fixée à onze heures ;

– l’amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures ;

– aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.

Les dérogations à ces règles concernent les cas de circonstances exceptionnelles, pour une durée limitée, ou à la nécessité d’assurer une permanence dans certains services publics.

● Les mêmes règles s’appliquent aux agents publics relevant de la fonction publique hospitalière ([52]) et de la fonction publique territoriale ([53]).

  1.   L’organisation et les horaires de travail des agents publics

● Le travail des agents publics de l’État est organisé en cycles au sein desquels sont définis les horaires de travail de sorte que la durée annuelle du travail soit égale à 1 607 heures ([54]).

Un arrêté ministériel, pris après avis du comité social d’administration ministériel compétent, définit les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services concernés et détermine notamment la durée des cycles, les bornes quotidiennes et hebdomadaires, les modalités de repos et de pause. Ces cycles peuvent être définis par service ou par nature de fonction.

Dans la fonction publique hospitalière, c’est le chef d’établissement, après avis du comité social d’établissement ou du comité social, qui aménage la répartition des horaires de travail et définit les cycles ([55]).

Dans la fonction publique territoriale, c’est l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement qui détermine ces éléments après avis du comité social territorial compétent ([56]).

● Les agents publics de l’État peuvent également bénéficier d’un mécanisme d’horaires individualisés sur le modèle de ce qui prévaut pour les salariés ([57]) et sous réserve des nécessités du service, après consultation du comité social d’administration ([58]).

Cette organisation se fonde sur une période de référence de décompte de la durée du travail, en principe une quinzaine ou un mois. Une partie des heures correspondant à la durée réglementaire de la période afférente peut être reportée grâce à un système de crédit et de débit dans une limite fixée au maximum à six heures pour une organisation en quinzaine et à douze heures pour une organisation mensuelle.

  1.   Le dispositif proposé

● Le dispositif du présent article est similaire au dispositif prévu à l’article 1er à l’exception d’une faculté ouverte à l’employeur de refuser l’aménagement du temps de travail au regard du principe de continuité du service public.

Par symétrie avec les précisions apportées à l’article 1er, le rapporteur est favorable à limiter l’application du dispositif aux seuls bénévoles, à mieux définir l’étendue de l’aménagement du temps de travail possible et à prévoir un certificat à l’appui de la demande de l’agent.

● Le présent article complète le titre Ier du livre VI du code général de la fonction publique par un chapitre intitulé « Aménagement du temps de travail pour les agents publics exerçant des activités bénévoles ou de volontariat dans une association ou dans une fondation d’utilité publique ».

Celui‑ci comprend un unique article L. 613-12 qui ouvre le droit, sur le modèle de l’article 1er, à un aménagement du temps de travail pour les agents publics exerçant une activité de bénévolat.

● Le I de l’article L. 613-12 institue un droit à l’aménagement du temps de travail pour les agents publics exerçant des activités bénévoles ou de volontariat au sein :

– d’une association déclarée en application de l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 ([59]) ;

– d’une association inscrite au registre des associations en application de l’article 59 du code civil local maintenu en vigueur par la loi du 1er juin 1924 ([60]) dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

– d’une fondation reconnue d’utilité publique en application de l’article 18 de la loi du 23 juillet 1987 ([61]).

Par dérogation à l’article L. 6 du code général de la fonction publique, l’article L. 613-12 est applicable aux agents publics relevant des catégories qui n’entrent pas dans le champ du code général de la fonction publique. Il s’agit notamment des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats judiciaires, des militaires ou encore des praticiens hospitaliers.

● Le II de l’article L. 613-12 du code général de la fonction publique définit les modalités de l’aménagement du temps de travail, qui consiste :

1° Pour l’agent à temps complet ([62]) dont la semaine de travail est usuellement répartie sur cinq jours, en une répartition de son temps de travail sur quatre jours ;

2° Pour l’agent à temps partiel ([63]), en une réduction de 20 % du nombre de jours usuellement travaillés par semaine.

Le III du même article permet à l’agent de choisir les jours durant lesquels il travaille conformément à l’aménagement de son temps de travail, en accord avec son employeur.

Le nouvel aménagement du temps de travail est mis en œuvre dans un délai d’un mois à compter de la demande de l’agent.

Enfin, le IV prévoit que la demande de l’agent peut être refusée par l’employeur afin d’assurer la continuité du service public. Ce paragraphe constitue une différence essentielle avec les dispositions applicables aux salariés, prévues à l’article 1er. Il vise, d’une part, à garantir la qualité du service public pour l’ensemble de nos concitoyens et, d’autre part, à assurer la conformité de la proposition de loi au principe de continuité du service public à valeur constitutionnelle ([64]).

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa seconde réunion du mercredi 14 février 2024 ([65]), la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles (n° 2065) (M. Bertrand Petit, rapporteur).

 

M. Bertrand Petit, rapporteur. Alors que notre pays a fait face à de multiples crises au cours des dernières années, les associations ont joué un rôle essentiel dans la préservation du lien social et l’aide aux personnes en difficulté, en complément de l’action publique. Avec près de 1 300 000 associations actives, la France a besoin de bénévoles pour faire vivre un tissu riche et essentiel à la vie de tous nos territoires. Aujourd’hui, ce sont plus de 13 millions de Français qui s’engagent. Malgré un net recul de ce chiffre pendant la crise sanitaire, le nombre de bénévoles est revenu à son niveau de 2019 et ne constitue pas une source d’inquiétude pour le mouvement associatif, notamment grâce à une hausse de l’engagement des jeunes. En revanche, on observe un net recul de la participation bénévole des plus de 65 ans, en baisse de 13 points depuis 2010, et de celle des personnes âgées de 50 à 64 ans, en recul de 7 points. C’est d’autant plus dommageable que les retraités fournissent bien plus d’heures que les actifs. Cela pourrait conduire, à terme, à la disparition de certaines associations.

Dans le même temps, il apparaît – et cela a été largement confirmé lors des Assises du travail – que nos concitoyens cherchent à donner du sens à leur vie, dans le cadre du travail et à côté. Tout le monde s’accorde ainsi sur la nécessité de repenser nos organisations de travail, ce qui peut se traduire, pour certains, par la mise en place d’une semaine de quatre jours. D’après un récent sondage, 77 % des actifs se disent d’ailleurs favorables à une organisation de travail à temps plein sur quatre jours.

Si des expérimentations ont déjà lieu dans des entreprises, des structures associatives ou des collectivités publiques, il n’existe pas de cadre juridique uniforme au niveau national pour inciter les employeurs à libérer du temps pour leurs salariés. Pourtant, là où la semaine de quatre jours a été introduite, ceux qui en bénéficient utilisent le temps libéré notamment pour s’engager bénévolement. Ce constat très clair nous a été fourni par la métropole de Lyon, qui a adopté une telle organisation pour ses salariés.

Notre rôle de législateur est d’accompagner cette volonté forte d’adapter le travail et de permettre sa conciliation avec un engagement en faveur du lien social ou d’une cause. L’objectif de la proposition de loi que je vous présente n’est pas de remettre à plat les règles concernant la durée et l’organisation du travail. Ces principes découlent de lois anciennes, au fondement de notre droit du travail, et leur modification mérite une réflexion approfondie. Mais je crois que nous pouvons nous accorder sur l’urgence qu’il y a à soutenir le monde associatif, aux côtés de l’action de la puissance publique.

L’exercice de missions bénévoles ne bénéficie que d’une reconnaissance limitée dans le code du travail. Le congé d’engagement associatif constitue le principal dispositif pour libérer du temps aux salariés qui participent à la vie d’une association. Il apparaît cependant trop restreint : il s’adresse uniquement aux responsables associatifs – qui plus est, pour les seules associations d’intérêt général – et n’octroie aux salariés qu’un congé de six jours par an, éventuellement fractionnable en demi-journées. Au demeurant, sauf accord collectif plus favorable, ce congé n’est pas rémunéré. Il en va de même pour les agents publics.

La proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et simplifier la vie associative, rapportée par Quentin Bataillon au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, apporte quelques avancées, mais sa portée demeure trop limitée. Il est temps de prendre une mesure forte en faveur de nos associations qui ont avant tout besoin de s’assurer de l’engagement de leurs bénévoles, pour des missions qui répondent à leur quête de sens au quotidien.

La présente proposition de loi ne bouleverse ni les règles actuelles en matière d’organisation du travail, ni la relation entre l’employeur et le salarié.

Il est aujourd’hui possible, à l’image d’entreprises comme LDLC ou de collectivités comme la métropole de Lyon, d’introduire par accord d’entreprise, pour tous les salariés qui le souhaitent, la semaine de quatre jours, avec ou sans réduction du temps de travail. Il est également possible pour les branches de négocier sur ce sujet, mais force est de constater qu’aucune d’entre elles, selon la direction générale du travail, ne l’a fait.

En dehors de la négociation collective, réservée essentiellement aux entreprises de plus de cinquante salariés, le droit actuel peut apparaître très complexe pour des très petites, petites et moyennes entreprises qui n’ont pas la capacité de négocier un accord collectif relatif à la semaine de quatre jours. Il est en effet impossible pour l’employeur, à l’exception de rares secteurs où des dispositions réglementaires le prévoient, de mettre en place unilatéralement, même à la demande des salariés, la semaine de quatre jours.

Par ailleurs, la proposition de loi ne cherche pas à déstabiliser des organisations. La meilleure des solutions reste toujours la recherche d’un compromis entre nécessités liées à l’entreprise et volonté du salarié de libérer du temps. Néanmoins, la création d’un droit nouveau pour le salarié permettra de mettre à l’ordre du jour des négociations une nouvelle organisation du travail.

L’article 1er ouvre en effet un droit opposable à la semaine de quatre jours pour les salariés exerçant des missions de bénévolat. Sont concernés les salariés bénévoles et volontaires dans des associations et des fondations d’utilité publique déclarées depuis au moins un an. Je vous proposerai dans la discussion de limiter aux seuls bénévoles le bénéfice de ce dispositif, dès lors qu’il n’est pas dans l’intention du texte de favoriser le cumul d’un emploi salarié et d’un contrat de bénévolat.

En application de ce nouveau droit, le salarié éligible peut demander un aménagement de son temps de travail jusqu’à une organisation en quatre jours, qui constitue une borne maximale. La définition de cette organisation résultera d’une discussion avec l’employeur. Pour de nombreux salariés, une simple flexibilité de quelques heures d’un jour à l’autre suffira à mieux concilier vie professionnelle et engagement bénévole. Un amendement précisera ce point, tout comme la nécessité pour le salarié de présenter un justificatif à son employeur. Au cours de nos auditions, notamment avec les représentants de l’administration, il est en effet apparu qu’un formalisme, même limité, serait à même de sécuriser davantage le dispositif.

J’entends cependant les craintes des organisations syndicales quant aux risques pour la santé des salariés et il me semble important de préciser dans la loi que les services de prévention seront associés à la bonne mise en œuvre de la semaine de quatre jours.

L’article 2 reprend pour l’essentiel ces dispositions pour les agents publics en les adaptant au droit régissant l’organisation de leur travail, à une exception notable : la demande du salarié pourra être refusée pour assurer la continuité du service. C’est à la fois par nécessité de préserver le service public et par souci de se conformer au principe constitutionnel de sa continuité que cette précision me semble essentielle. En outre, je me félicite qu’un travail plus large sur la semaine en quatre jours puisse être entrepris dans la fonction publique : c’est la preuve que le dispositif que je défends est adapté à la situation actuelle.

Alors que nous nous retrouvons tous sur la nécessité de faire vivre notre tissu associatif, l’heure est venue d’engager une politique volontariste en faveur de son développement. J’espère que nous pourrons nous rejoindre sur cette proposition de loi, qui marque une étape importante dans la recherche d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et engagement associatif. Elle nous donne l’occasion d’envoyer un signal fort à ceux dont nous reconnaissons tous qu’ils sont indispensables à la vie et à l’attractivité de nos communes, petites ou grandes. Ne tremblons pas, soyons au rendez-vous pour eux.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Christine Le Nabour (RE). Votre proposition d’instaurer la semaine de quatre jours pour les bénévoles part d’un bon sentiment. Vous voulez soutenir l’engagement des personnes actives en leur permettant de concilier vie professionnelle et action bénévole. Nous sommes tous convaincus du rôle essentiel que joue le secteur associatif dans notre pays et des bienfaits de l’engagement associatif pour nos concitoyens. Le monde associatif irrigue l’ensemble de notre territoire, favorise la participation citoyenne et l’action collective.

Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont pris des mesures significatives en faveur du monde associatif, telles que la protection juridique des dirigeants et la forte augmentation des moyens dédiés au fonds pour le développement de la vie associative. La proposition de loi Quentin Bataillon, adoptée récemment en première lecture, propose d’élargir le compte d’engagement citoyen, qui offre aux salariés la possibilité de prendre des jours de congé pour exercer leur fonction bénévole quand ils exercent une fonction de direction, et demande au Gouvernement de rendre un rapport analysant, entre autres, la possibilité d’instaurer une semaine sur quatre jours pour les salariés bénévoles.

Au-delà de la question du bénévolat, c’est une réflexion beaucoup plus globale sur la réorganisation du travail qui fait son chemin en France, entre bien-être des salariés et attractivité des entreprises. En février 2023, Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, a introduit la semaine sur quatre jours dans son ministère. Il a remis ce sujet sur la table lors de sa déclaration de politique générale et demandé à l’ensemble des ministres de faire le test dans leur administration centrale et déconcentrée. Des collectivités territoriales et des institutions publiques mènent une expérimentation de leur côté, dont la métropole de Lyon, que vous avez auditionnée. La directrice générale des services a d’ailleurs recommandé de prendre du temps pour l’évaluation : elle envisage un premier bilan fin 2024. Une mission d’information vient par ailleurs d’être confiée par l’Assemblée nationale à Stéphane Viry et Paul Christophe sur ce thème.

Attendons le résultat des évaluations des différentes expérimentations et le rapport de la mission. Parce que nous manquons de données et que votre proposition paraît un peu prématurée, le groupe Renaissance votera contre ce texte.

M. Victor Catteau (RN). Dans chaque ville, les associations et les bénévoles œuvrent dans l’ombre pour apporter soutien, réconfort et assistance à ceux qui en ont le plus besoin. Ces personnes, poussées par un sentiment profond de solidarité, forment le socle de la vitalité de nos territoires et incarnent les principes les plus nobles de la République. Je pense que nous sommes d’accord sur ce constat, tout comme sur le besoin de leur venir en aide, notamment en leur permettant de concilier au mieux leur engagement associatif et leur vie professionnelle.

Toutefois, je suis convaincu que les solutions que vous avancez ne constituent pas le meilleur moyen d’atteindre cet objectif. Ma réserve se fonde principalement sur deux motifs.

D’abord, votre texte impose des contraintes excessives aux employeurs. L’instauration d’un droit opposable pour le salarié de réduire sa semaine de travail à quatre jours, sans possibilité de refus par l’employeur et en ne laissant à celui-ci qu’un mois pour adapter l’organisation du travail, est irréaliste. Remplacer un employé ou réorganiser un service demande plus de temps – une réalité qui semble être méconnue dans ce texte. Ces mesures sont encore plus contraignantes pour les très petites entreprises (TPE) et illustrent parfaitement la déconnexion de la proposition de loi d’avec le fonctionnement réel de ce type d’entreprises. Comment expliquerez-vous à un artisan ou à un commerçant qui emploie une poignée de salariés qu’il sera désormais contraint de se passer d’une partie d’entre eux un jour par semaine ?

Ensuite, outre créer des contraintes, vos mesures ouvrent la porte à des abus en tous genres. Demain, tout salarié pourrait rejoindre une association et imposer à son employeur la semaine de quatre jours sans que ce dernier puisse refuser ni même contrôler la légitimité de sa demande. Ce n’est ni acceptable, ni souhaitable. De surcroît, cela risquerait d’inciter à une discrimination à l’embauche à l’encontre des personnes engagées dans le bénévolat, aggravant un peu plus le clivage entre l’engagement associatif et la vie professionnelle.

En l’état, ce texte crée trop de risques et de contraintes pour être sérieusement envisagé. Il devra profondément évoluer lors de ces débats pour obtenir les voix du groupe Rassemblement national.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). À première vue, on ne peut que soutenir un texte proposant la semaine de quatre jours : travailler moins, c’est le sens de l’histoire. Mais en se penchant sur le détail, on comprend qu’il s’agit surtout de comprimer la semaine en quatre jours, avec des journées de neuf heures, afin de promouvoir le bénévolat. C’est bien différent !

En clair, cette proposition ne vise pas à réduire le temps de travail des salariés. Elle implique de lourdes conséquences pour les travailleurs : intensification des rythmes, hyperconnexion, risques psychosociaux, autant de menaces pour la santé et la sécurité des salariés. Elle impose aussi une organisation du travail difficilement compatible avec une vie familiale, en particulier pour les femmes puisque, hélas, une grande part du travail domestique leur incombe. L’expérimentation de la semaine en quatre jours proposée aux agents de l’Urssaf de Picardie n’a convaincu qu’une poignée de salariés, et pour cause : elle supposait des journées de neuf heures. Ce fut un flop, seuls trois agents sur deux cents ayant accepté.

Plutôt que la semaine de quatre jours sans réduction de travail, nous défendons les 32 heures sans perte de salaire, grâce à l’augmentation du taux horaire. Alors que les gouvernements ne cessent de s’attaquer au temps libéré, autorisant le travail le dimanche ou repoussant l’âge de la retraite à 64 ans, il est temps de réduire véritablement le temps passé au travail. Pour cette raison, nous défendons la retraite à 60 ans, la fin du détournement de la durée légale par la braderie des heures supplémentaires et la sixième semaine de congés payés.

La réduction du temps de travail est une mesure émancipatrice, gage d’une meilleure répartition de l’emploi, et une mesure écologique. Tel n’est pas le cas de la proposition de loi qui nous est soumise. Celle-ci nous donne toutefois l’occasion d’ouvrir un débat dont nous nous réjouissons.

Mme Anne Bergantz (Dem). L’engagement associatif change : en baisse chez les seniors, il est plus vivace chez les jeunes, bien que plus ponctuel – en somme, il évolue avec la société. Vous semblez penser qu’un meilleur engagement des bénévoles passerait nécessairement par un aménagement du temps de travail. Je m’interroge donc sur l’activité à laquelle vous donnez la priorité : travail, ou bénévolat ? Sur ce plan, je trouve que votre idée est discutable car elle concourt au délitement progressif du rapport au travail que l’on observe. Un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle est important, mais cela doit‑il conduire à déposséder l’employeur de son rôle de chef d’entreprise par la création d’un droit opposable aux entreprises ?

La semaine « en » quatre jours, expression qui correspond mieux à ce dont vous parlez que la semaine « de » quatre jours, nécessite, comme tout autre aménagement du temps de travail, des changements d’organisation qui peuvent être difficiles à déployer selon les équipes et les secteurs d’activité. Les diverses expérimentations de la semaine en quatre jours n’étant pas toujours concluantes, l’automaticité ne peut pas être la règle. De plus, comment s’adapteraient les entreprises dont l’activité s’appuie sur une forte interdépendance entre les salariés, ou qui comptent très peu de salariés ?

Un autre aspect de votre texte me dérange : on ne peut décemment mettre sur le même plan le président d’une association de dix membres sans aucun salarié et celui d’une association de 500 membres avec plusieurs sections. Ce n’est clairement pas la même charge.

Plus que d’une question de temps, le désengagement ou l’absence d’engagement peut provenir d’un manque de connaissance des réseaux, des compétences à mobiliser, de ce qu’implique un engagement et même parfois de confiance en soi. Avant d’adopter vos mesures, nous devons améliorer l’existant en faisant connaître le congé d’engagement associatif et en donnant plus de consistance au compte d’engagement citoyen, que seules 340 000 personnes utilisent, soit 2,13 % des bénévoles en France.

Le groupe Démocrate ne peut pas soutenir votre proposition de loi.

M. Elie Califer (SOC). Depuis 2017, le nombre de bénévoles associatifs est en chute libre. La suppression des contrats aidés ainsi que les différentes réformes menées par les gouvernements successifs ont plongé le monde associatif dans l’abîme. La dernière en date, la réforme des retraites, risque de fragiliser encore les associations, alors qu’elles sont un pilier essentiel de notre société.

Afin de répondre aux besoins croissants des associations, Bertrand Petit propose de créer un droit opposable à un aménagement du temps de travail pour les bénévoles. Ces derniers représentent 90 % des effectifs des associations et près de 600 000 équivalents temps plein. Une telle mesure permettrait de libérer jusqu’à une journée par semaine pour les salariés souhaitant s’engager dans une association. Ce dispositif devra garantir l’accompagnement des salariés et des entreprises, afin que ces dernières puissent conserver leur activité habituelle et se réorganiser en tenant compte de ce nouveau facteur.

L’objectif de ce texte est de favoriser l’engagement associatif. Nous sommes persuadés que notre pays a besoin de libérer du temps pour le bénévolat de ses citoyens, afin d’assurer une plus grande cohésion sociale. Nos associations en bénéficieront et les citoyens y sont favorables.

Plus largement, les associations, sur le terrain, doivent faire toujours plus avec des moyens humains et financiers en baisse constante. Donnons-leur l’oxygène dont elles ont tant besoin en leur permettant d’attirer plus de bénévoles : notre société en sortira gagnante.

M. Paul Christophe (HOR). Je ne peux vous cacher mes réflexions sur les enjeux liés à la semaine de quatre jours, étant moi-même missionné par la commission des affaires sociales, avec Stéphane Viry, pour en étudier les mythes et les réalités, les avantages et les inconvénients.

Le monde du travail a été bouleversé par l’évolution numérique et le sera davantage encore par l’intelligence artificielle. Au-delà des outils que nous utilisons, c’est notre rapport au travail qui a changé, nos concitoyens souhaitant que leur vie professionnelle et leur vie privée s’équilibrent mieux.

Avec la généralisation du télétravail, un fossé s’est creusé entre ceux qui peuvent le pratiquer, le plus souvent les cadres, et ceux qui ne le peuvent pas. La semaine de quatre jours est l’une des options possibles afin de permettre aux salariés de réaménager leur temps de travail. En France, plusieurs entreprises fonctionnent ainsi. Les expérimentations se multiplient, dans le public comme dans le privé, et sont même encouragées par le Premier ministre.

Votre proposition de loi aurait pour conséquence de créer un droit opposable à l’aménagement de son temps de travail pour le salarié exerçant des fonctions bénévoles. Si je comprends l’objectif de soutenir et valoriser l’engagement associatif, je m’interroge sur le moyen choisi. En effet, rien ne s’oppose aujourd’hui à ce qu’un salarié demande à son employeur un changement d’organisation de la sorte. Par ailleurs, je considère que la voie de la négociation collective est toujours la plus adaptée, pour les salariés comme pour les employeurs. Je ne voudrais pas que votre proposition réfrène certaines entreprises proches de passer le cap de l’expérimentation discutée et planifiée avec leurs salariés, d’autant que chacun reconnaît un besoin d’encourager et d’accompagner sur ce sujet, et donc de ne pas contraindre par la loi.

Aussi, monsieur le rapporteur, si je partage votre volonté de soutenir le mouvement associatif, je m’interroge sur le mode opératoire que vous proposez et les fragilités induites, que vous avez d’ailleurs partiellement identifiées à en juger par les amendements que vous avez déposés. À ce stade, j’émets donc un avis réservé sur ce texte.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le groupe socialiste nous propose d’ouvrir la possibilité aux salariés du secteur privé d’aménager leur temps de travail afin de consacrer du temps à l’association dans laquelle ils sont bénévoles. Un salarié à temps plein pourrait ainsi concentrer ses 35 heures par semaine sur quatre jours.

Les associations sont un élément essentiel de notre tissu social ; 15 millions de bénévoles y travaillent. Je ne peux que rejoindre l’objectif du rapporteur de leur faciliter la vie, même si cela passe avant tout par des financements pérennes. En effet, comme l’a souligné notre collègue Jean-Claude Raux dans un rapport budgétaire sur la vie associative, « les souffrances des Français sont également les maux des associations » : crise sanitaire, inflation, prix de l’énergie, c’est sur cela qu’il nous faut agir prioritairement.

Le bénévolat a constitué l’angle mort de la réforme repoussant l’âge de départ à la retraite, car les seniors contribuent par bataillons entiers au mouvement associatif. Retarder de deux années le bénévolat des seniors a causé une grande perte pour les associations et pour notre société. Il faut libérer du temps pour aider, pour s’investir dans les associations mais aussi pour s’occuper de ses enfants, de ses parents, de ses proches, et de soi-même.

Or cette proposition de loi ne libère pas de temps : elle ne fait que concentrer le travail sur quatre jours au lieu de cinq. Les risques psychosociaux ont été dénoncés à plusieurs reprises par les syndicats. Pour ma part, je défendrai dans un amendement une véritable baisse du temps de travail, car c’est le sens de l’histoire : après la fin du travail des enfants, le dimanche chômé, les congés payés et la retraite, l’augmentation de la valeur produite grâce à quarante années de développement informatique et technique aurait dû aboutir à une libération du temps ou a minima à une augmentation des salaires.

La baisse du temps de travail est également une nécessité climatique : il nous faut réduire les temps de transports et développer des activités non productives. Nous refusons donc cette proposition de loi qui, en surchargeant les journées, risque d’aggraver la qualité des conditions de travail, déjà bien mal en point.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous partageons le constat : le bénévolat est en déclin. Une raison en est la difficulté de plus en plus prégnante de concilier, pour les travailleurs, vie privée et vie professionnelle. L’intensification du travail, soulignée par de nombreuses études depuis une trentaine d’années, en est une des causes principales.

Il est indéniable que les rythmes et les contraintes imposés par le travail s’intensifient. Les 35 heures sont loin d’être effectives : en 2022, l’ensemble des actifs à temps plein ont travaillé en moyenne 37 heures par semaine. Cette durée était encore de 39 heures en 2018 pour les seuls salariés. Et que dire des cadres, dont près de la moitié sont au forfait jour, avec plus de 46 heures de travail par semaine en moyenne ? Que dire des heures supplémentaires, que des salariés pourtant déjà épuisés acceptent uniquement parce que les salaires sont trop bas ? En 2023, 1,3 milliard d’heures supplémentaires ont été effectuées, soit l’équivalent de 800 000 équivalents temps plein.

La conclusion que nous pouvons donner à ces données n’est certainement pas d’intensifier encore le travail, alors que les effets dévastateurs sur la santé des travailleurs en sont bien connus – augmentation des risques psychosociaux, d’épuisement professionnel, de dépression et d’anxiété, de maladies cardiovasculaires et même de suicide. Votre proposition s’inscrit à contresens de la dénonciation de l’intensification du travail et de la revendication de sa juste reconnaissance, notamment à travers une véritable prise en considération de la pénibilité. Votre texte met à la charge exclusive du travailleur la question cruciale de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, quand il nous semble que cette responsabilité incombe aussi à l’employeur.

M. Laurent Panifous (LIOT). Le tissu associatif, que ce soit en milieu urbain ou dans nos campagnes, pour la culture, le sport ou les loisirs, est souvent décrit comme étant en perdition. Il est pourtant essentiel dans une société qui glisse doucement vers un individualisme généralisé. Cet engagement libre et généreux, qui pallie souvent l’absence et les carences des pouvoirs publics, ne relève finalement que du plaisir de vivre ensemble et de partager, qui n’appelle pas forcément de contrepartie. Pourtant, aussi importante soit-elle, cette forme d’engagement est peu reconnue alors qu’elle est complémentaire du travail et de la famille – il n’est pas question de les opposer.

Notre groupe défend la possibilité pour les bénévoles de demander à leur employeur un aménagement horaire. Nous soutenons cette proposition de loi dans son esprit, avec toutefois quelques interrogations sur les contraintes qu’elle pourrait faire peser sur les employeurs. Car, si l’engagement bénévole doit être soutenu et même renforcé, et si ce texte n’entraîne pas de réduction de temps de travail effectif ni de surcoût, la question de sa compatibilité avec le fonctionnement d’un service ou d’une entreprise demeure. Nous serons donc attentifs à maintenir un équilibre. L’exemple du secteur médico-social, où la quasi-totalité des salariés demandent à réaliser leur semaine en trois jours et demi, dix heures par jour, soutenus en cela par les syndicats, tend cependant à me rassurer, même si ce n’est qu’un secteur parmi beaucoup d’autres.

Une autre de nos interrogations concerne la façon dont les salariés peuvent justifier de leur engagement auprès de leur employeur pour bénéficier de ce droit nouveau. Nous proposerons qu’ils puissent remettre une attestation formelle, délivrée par l’association.

Pour conclure, si la valeur travail doit être remise au cœur de tous nos choix politiques, le bénévolat, l’engagement associatif qui fait vivre nos territoires et relie les plus isolés d’entre nous, doit l’être aussi.

M. le rapporteur. Merci pour toutes ces contributions. Je comprends parfaitement certaines de vos observations, notamment sur la semaine « en quatre jours » plutôt que « de quatre jours » – je crois toutefois que l’on joue sur les mots.

J’aimerais resituer cette proposition de loi dans son contexte. Les multiples auditions que nous avons menées nous ont confirmé qu’elle était très attendue par le mouvement associatif. Il s’agit bien d’un aménagement, et non d’une réduction du temps de travail. Cette mesure sera plutôt facile à appliquer dans les entreprises de plus de cinquante salariés, qui peuvent, après négociations et dans le cadre d’accords de branches, autoriser des aménagements du temps de travail pour permettre à un salarié de se libérer.

Il sera en revanche plus compliqué, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de définir les conditions dans lesquelles l’employeur peut l’appliquer. La loi permettra de libérer entre une heure et une journée par semaine. Je suis persuadé que la majorité des salariés qui feront valoir ce droit auprès de leur employeur ne demanderont que quelques heures, et non une journée entière.

Dans la mesure où il n’existe pas de cadre juridique uniforme pour inciter les employeurs à libérer du temps pour les employés, la meilleure solution reste la recherche d’un compromis. L’aménagement de la semaine de travail sur quatre jours, qui est le maximum permis pas ce texte, semble être le meilleur moyen de favoriser l’engagement associatif du salarié.

Certains textes, comme celui qui a été défendu par Quentin Bataillon, ont déjà fait progresser les choses. Toutefois, le congé d’engagement associatif reste peu connu, peu sollicité et ses effets sont très limités puisqu’il ne concerne que les personnes exerçant des fonctions de responsables dans des associations d’intérêt général. En outre, il ne permet de libérer que six jours ouvrables par an, fractionnables. Le temps est donc véritablement venu de pousser le curseur un peu plus loin. Le présent texte le permet, et même si cela ne ressort pas manifestement de ses dispositions, cela se fera de manière concertée avec l’employeur, notamment dans les plus petites entreprises.

 

Article 1er : Création d’un droit opposable à un aménagement du temps de travail pour le salarié exerçant des missions de bénévolat

Amendement de suppression AS13 de M. Pierre Dharréville

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Un vrai débat est nécessaire sur ce sujet. En effet, les désaccords exprimés ne portent pas sur les mêmes points : c’est sans doute que nous n’avons pas tout à fait le même rapport au travail, ni la même conception du marché du travail et de l’emploi.

Monsieur le rapporteur, évoquer une semaine « en quatre jours » plutôt que « de quatre jours », ce n’est pas qu’une question de sémantique. Réduire la semaine à quatre jours, c’est libérer du temps pour les associations ; compresser la semaine en quatre jours, cela ne libère rien. Je considère, comme vous, que c’est dans les petites entreprises que cela sera le plus compliqué à appliquer. Toutefois, c’est également là que le dialogue social fonctionne le plus : elles n’ont donc pas forcément besoin d’une loi pour permettre à l’employeur et au salarié de s’organiser. À l’inverse, dans les grandes entreprises, cette mesure peut générer une certaine flexibilité du travail qui, étant donné l’inégalité des rapports de force, joue rarement en faveur des salariés. Le débat est donc bienvenu.

Nous avons déposé un amendement de suppression parce que votre proposition de loi nous a un peu désarçonnés. Néanmoins, nous voulons saisir cette occasion pour ouvrir un véritable débat sur le marché du travail et les raisons réelles de la baisse de l’engagement bénévole – je pense qu’elles sont à regarder de près. Nous retirons donc cet amendement, même si nous ne sommes pas encore prêts à soutenir le texte.

M. le rapporteur. Que vous ayez déposé des amendements de suppression m’avait surpris, car nous nous retrouvons sur la nécessité d’encourager l’engagement associatif, ce que réalise cette proposition de loi ciblée sur les actifs.

Concernant les petites entreprises, il n’existe actuellement aucun dispositif juridique incitant l’employeur à libérer du temps pour son salarié. Le présent texte crée un droit au bénéfice du salarié, qui trouvera sa concrétisation dans le cadre de la négociation avec l’employeur. Celle-ci aura pour objet de déterminer si l’entreprise a la possibilité de répondre à la demande du salarié en le libérant quelques heures par semaine, voire une journée entière.

L’objectif de cette proposition de loi n’est donc pas d’instaurer la semaine en quatre jours – je défendrai un amendement pour préciser ce point. Elle repose sur une démarche volontaire du salarié, qui pourra aménager son temps de travail pour une durée d’une journée maximum. Elle ouvre un droit aux salariés des petites structures, des services et des commerces, là où aucun accord de branche n’est possible. Je vous remercie d’avoir retiré votre amendement de suppression.

L’amendement est retiré.

Amendement AS18 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). Alors que 15 millions de personnes sont engagées dans le milieu associatif, imaginez les répercussions de votre dispositif sur l’organisation des entreprises et des services publics ! Tous les membres d’une association ne peuvent en bénéficier. Beaucoup ne sont que de simples adhérents. Il faut aussi différencier les associations selon leur organisation. Ainsi, une association sportive peut compter cinq ou dix dirigeants pour 400 ou 500 membres : nous ne pouvons évidemment pas permettre à ces 400 ou 500 adhérents de recourir à ce dispositif. Nous proposons donc de le limiter aux seuls dirigeants et membres du comité de direction des associations.

M. le rapporteur. Vous souhaitez en fait limiter le bénéfice de la proposition de loi aux actuels bénéficiaires du congé d’engagement associatif, ce qui dénaturerait complètement l’objectif poursuivi.

D’une part, le congé d’engagement associatif rencontre un faible succès, parce qu’il est trop restreint. Il me semble d’ailleurs que vous avez soutenu, en adoptant la proposition de loi de Quentin Bataillon, son élargissement. D’autre part, les associations ne vivent pas qu’au travers de leurs dirigeants, elles fédèrent toute une équipe de bénévoles. Les dirigeants ne sont pas les seuls à devoir mobiliser du temps : les fonctions plus discrètes sont tout aussi utiles à l’association.

L’objectif du texte étant d’encourager les salariés à s’engager, il serait dommage de restreindre le droit opposable à un nombre restreint de personnes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS35 de M. Bertrand Petit

M. le rapporteur. Il s’agit de limiter le dispositif aux seuls bénévoles. Les volontaires associatifs bénéficient en effet, dans le cadre de leur mission, d’un contrat et d’une rémunération. L’objet de la proposition de loi ne doit pas s’étendre aux salariés qui relèvent d’autres dispositifs de soutien public.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS19 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). Cet amendement vise à allonger la durée d’existence de l’association requise pour pouvoir bénéficier de ce dispositif. En effet, si je crée demain une association, quelle que soit son activité, je pourrai passer à la semaine de quatre jours au bout d’un an. Étendre la durée d’existence à trois ans permettrait de dissuader ceux qui envisageraient d’abuser de ce dispositif.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas d’un abus, mais de la possibilité offerte à des salariés qui sont déjà engagés de tout leur cœur de continuer à s’investir dans de meilleures conditions.

Il est étonnant de vouloir allonger à trois ans la durée requise alors que vous avez adopté la proposition de loi de Quentin Bataillon qui visait justement à réduire cette durée à un an pour le congé d’engagement associatif. Par ailleurs, pourquoi une association créée depuis un an et rassemblant de nombreux bénévoles serait-elle moins légitime qu’une autre ? Je pense au contraire qu’il faut toucher le public le plus large possible.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS39 de M. Bertrand Petit

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à préciser l’aménagement prévu. En fonction de l’intensité et de la nature de l’engagement bénévole du salarié, il ne sera pas toujours nécessaire de mettre en place la semaine en quatre jours : il pourra s’agir d’une réorganisation limitée des horaires quotidiens. Certains salariés n’ont besoin que de quelques heures. L’idée est de renvoyer à la négociation entre l’employeur et le salarié.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS14 de Mme Marie-Charlotte Garin

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous défendons la nécessité d’une réduction du temps de travail. Mais il faut rappeler que les 35 heures ont été créées dans un modèle de société différent, avec un homme qui va au travail et une femme qui s’occupe du foyer. Aujourd’hui, on demande à tout le monde d’aller travailler, sauf que ce sont encore bien souvent les femmes qui s’occupent du foyer et en assument la charge mentale – des femmes qui forment le gros des situations de temps partiel en entreprise.

Que tout le monde diminue un peu son temps de travail et passe à la semaine de quatre jours serait bon pour l’égalité femme-homme. Chacun et chacune pourrait prendre sa juste part. Ce serait aussi un moyen d’augmenter le bien-être au travail, comme le montrent toutes les expérimentations. Et ce serait bénéfique pour le climat, puisque cela permettrait de réduire les activités polluantes.

La productivité ayant augmenté ces dernières années dans notre pays, il semblerait logique que l’on puisse avoir plus de temps à consacrer à des associations, à ses proches ou juste pour soi. Il est grand temps de libérer du temps pour des activités non productives et non marchandes, mais qui sont essentielles pour la société.

M. le rapporteur. Votre amendement vise à aménager le temps de travail des salariés en 32 heures sur quatre jours. Cette formule a déjà été instaurée avec succès par des sociétés comme LDLC. Les entreprises qui le souhaitent peuvent le faire dans le cadre d’accords de branche.

En revanche, même si je n’y suis pas défavorable dans son principe, la semaine de 32 heures est une question qui dépasse très largement le cadre de cette proposition de loi. Une véritable réflexion doit être menée, notamment pour savoir comment accompagner les entreprises et les administrations dans cette transformation. Je serai d’ailleurs favorable au rapport proposé par un de nos collègues à ce sujet.

S’agissant des risques pour la santé des salariés, j’y suis tout à fait sensible et je proposerai d’adopter un amendement en ce sens.

Avis défavorable.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Je soutiens cet amendement. D’abord, il est important que nous ayons un débat sur la question du temps de travail. Gabriel Attal a annoncé la semaine en quatre jours dans les ministères, mais sans préciser si nous en discuterons.

La réduction du temps de travail va dans le sens de l’histoire, parce que le progrès technique et l’amélioration de la formation augmentent la productivité. Et puis, le pays connaît tout de même une vague de chômage ! Certes, on compte entre 350 000 et 600 000 emplois vacants, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, mais aussi près de 6 millions de personnes qui sont au chômage. Vous n’allez pas créer 6 millions d’emplois en un claquement de doigts, ni augmenter encore la productivité alors que la planète se réchauffe et que nous devons nous interroger sur notre rapport à la consommation.

Beaucoup de personnes se demandent si elles travaillent pour vivre ou si elles vivent pour travailler. (Exclamations.) J’aimerais bien vous y voir, si vous deviez vivre avec un Smic en élevant trois enfants et en prenant les transports tous les matins ! En général, les gens font beaucoup plus que 35 heures, et mal rémunérées.

Diminuer le temps de travail améliore la qualité de vie, fait baisser le chômage et va dans le sens de l’histoire. Je sais que ça vous fait mal aux oreilles, mais l’avenir s’écrira sans vous – comptez sur nous pour réduire le temps de travail et bâtir une société plus juste et plus écologique !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS21 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). L’alinéa 10 prévoit que « les jours travaillés sont choisis par le salarié, en accord avec l’employeur ». Cette rédaction laisse penser que la décision appartient au salarié alors qu’il faut privilégier la concertation pour aboutir à un arrangement qui convienne aux deux parties. Le présent amendement vise à écrire que les jours travaillés sont choisis « d’un commun accord entre le salarié et l’employeur ».

M. le rapporteur. La précision rédactionnelle ne me paraît pas utile – il faut deux parties pour trouver un accord. L’intention est de créer un droit pour que le salarié puisse négocier une adaptation avec son employeur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS17 de M. Laurent Panifous et sous-amendement AS41 de M. Bertrand Petit

M. Laurent Panifous (LIOT). Je suis un peu surpris de ce que j’entends contre la semaine en quatre jours. Je viens du secteur médico-social et j’ai travaillé dans le privé, le public et l’associatif. On y est presque unanime : quasiment toutes les employées – le secteur est essentiellement féminin – demandent à travailler en trois jours et demi, en alternant les semaines de quatre et de trois jours de dix heures. Elles sont fermement soutenues par les syndicats. Certes, ce n’est qu’un secteur et qu’une expérience personnelle, mais les arguments qui ont été développés ici ne s’y appliquent pas du tout.

Je suis favorable au texte car je crois profondément qu’il faut soutenir le secteur associatif, en particulier le bénévolat. Je ne pense pas que cette mesure provoquerait de troubles, puisqu’elle est appliquée dans mon secteur et très demandée.

Quant à l’amendement, il vise à prévoir une attestation de l’association.

M. le rapporteur. Je suis d’accord, les employeurs ont besoin d’un document justifiant l’engagement du salarié. Toutefois, les auditions ont montré qu’il ne fallait pas alourdir le processus. Le sous-amendement vise donc à alléger le dispositif et à le rendre plus conforme à l’esprit du texte.

Avis favorable, en particulier si le sous-amendement est adopté.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Monsieur Panifous, vous avez développé un exemple intéressant, mais prenons celui d’un employé de rayon : la pénibilité du métier est telle qu’il ne peut l’exercer neuf heures par jour. C’est aussi le cas de beaucoup d’autres.

Vous voulez que l’employé fournisse une attestation. Mais certains demanderont ensuite de justifier de la validité de l’attestation ! Nous avons de plus en plus de mal à trouver des solutions, d’abord parce que le texte ne pourra profiter aux employés de tous les métiers, ce qui est injuste, maintenant parce qu’il est difficile de prouver la réalité d’un engagement bénévole. Mais nous sommes tous d’accord sur le constat : il faut libérer du temps. Il faut donc poser la question de la semaine de 32 heures.

Mme Annie Vidal (RE). C’est ça, travaillons 32 heures !

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Oui, si vous voulez. Vous pouvez même prendre la parole en commission, ça nous changera !

On ne peut pas regarder de haut le débat sur la réduction du temps de travail, elle a trop d’implications. Ne vous embêtez pas à faire des attestations, ni des propositions de loi qui ne concernent pas tout le monde, faites les 32 heures !

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Amendements AS22 et AS23 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. Victor Catteau (RN). Il s’agit d’allonger le délai dans lequel l’employeur doit concrétiser l’aménagement du temps de travail, en le portant respectivement à trois mois et à deux mois. Un mois, c’est un peu court pour qu’une petite entreprise s’organise, par exemple pour remplacer l’absence du salarié. En laissant un peu plus de souplesse, il sera possible d’aider des personnes à s’investir dans le domaine associatif sans affecter les entreprises.

M. le rapporteur. Tous les responsables d’associations et d’entreprises que nous avons auditionnés ont estimé que le délai était suffisant. Je le répète, le planning du salarié peut faire l’objet d’une négociation avec l’employeur. Par ailleurs, il ne s’agira pas forcément d’une journée entière, mais souvent d’une ou deux heures seulement.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS24 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). L’amendement vise à porter le délai à six mois pour les cadres, qui peuvent avoir des missions ou des responsabilités spécifiques.

M. le rapporteur. Même avis, pour les mêmes raisons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS20 de M. Victor Catteau

M. Victor Catteau (RN). L’employeur d’une entreprise de moins de vingt salariés doit pouvoir refuser la demande d’aménagement. Les TPE – entre un et dix-neuf salariés – ne peuvent pas toutes assumer l’absence d’un salarié : imaginez un maçon qui travaille avec un seul employé !

M. le rapporteur. Tout l’intérêt du texte consiste à permettre aux employés des TPE et PME, pour qui c’est difficile, de concilier leur vie privée et leur engagement associatif. Le dialogue s’établira nécessairement entre le salarié et l’employeur.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à permettre au salarié de revenir en arrière. Pour moi, le recul de l’engagement bénévole n’est pas lié à l’organisation du travail. Le rapport au travail a changé à cause d’une incertitude générale. La crise du covid a modifié les projets de vie ; la réforme des retraites y a également contribué : plus les événements sont incertains, moins on se projette dans l’avenir et plus on aspire à profiter du présent.

La possibilité ici offerte pourrait se révéler un leurre. Il faut donc que le salarié puisse rapidement revenir à cinq jours de travail.

M. le rapporteur. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS34 de M. Bertrand Petit et AS12 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)

M. le rapporteur. Ces amendements visent tous les deux à associer les services de prévention et de santé au travail en cas d’application du texte afin d’assurer un accompagnement des salariés, comme cela nous a souvent été demandé lors des auditions. Je suggère aux auteurs de l’amendement AS12 de le retirer au profit du mien, dont la rédaction est plus complète.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). C’était un amendement de repli. Nous devons nous préoccuper des secteurs en tension. Certes, il y a huit fois plus de demandeurs d’emploi que d’emplois disponibles, mais certains métiers souffrent d’un manque de personnel. C’est parfois la conséquence d’une maltraitance, mais c’est aussi le résultat d’une évolution du rapport au travail.

Puisque le texte ne sera pas voté, je retire mon amendement – cela ne changera pas grand-chose.

L’amendement AS12 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS34.

Puis elle rejette l’article 1er.

 

Après l’article 1er

Amendement AS7 de Mme Pascale Martin

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Attention aux âmes sensibles : je vais parler du partage du temps de travail et de l’instauration des 32 heures. Depuis 1980, la productivité en France a été multipliée par trois. Allons-nous produire toujours plus, alors que le dérèglement climatique, enjeu du siècle, nous oblige à nous interroger sur la consommation, ou allons-nous réfléchir à l’organisation du travail ? Le présent amendement vise à demander un rapport sur le sujet, pour ouvrir un débat. Il est malheureux de ne pas en discuter, puisque du temps de travail dépend l’organisation de toute la vie de nombreuses personnes. Or depuis six ans, la politique du Gouvernement ignore cette dimension.

M. le rapporteur. J’ai plusieurs fois répété que j’entendais la question. De nombreuses réflexions ont été engagées sur le sujet. Par exemple, Paul Christophe et Stéphane Viry corapporteront les travaux de la mission d’information sur la semaine de quatre jours.

Avis favorable.

Mme Christine Le Nabour (RE). Ne nous trompons pas de débat. Celui sur le rapport au travail et son organisation viendra en son temps. J’attends le rapport de Paul Christophe et de Stéphane Viry, qui s’intéresseront notamment aux expérimentations menées en Belgique, au Portugal et en Nouvelle-Zélande, en plus de la France. Je voterai donc contre le texte, même si je ne suis pas défavorable à l’engagement associatif – bien au contraire. D’après ce que j’ai lu, les gens choisissent moins la semaine de quatre jours pour s’engager bénévolement que pour profiter de leur famille, en particulier quand ils s’occupent de leurs enfants ou qu’ils sont aidants de leurs parents. Attendons d’avoir davantage d’informations pour organiser d’autres débats.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Création d’un droit à un aménagement du temps de travail pour l’agent public exerçant des missions de bénévolat

Amendement de suppression AS10 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Par sympathie pour mes partenaires de gauche, je le retire.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS25 de M. Victor Catteau.

Amendement AS36 de M. Bertrand Petit

M. le rapporteur. L’amendement vise à limiter le dispositif du texte aux bénévoles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS26 de M. Victor Catteau et amendements identiques AS37 de M. Bertrand Petit et AS27 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel. Avis défavorable à l’amendement AS26.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS40 de M. Bertrand Petit

M. le rapporteur. L’amendement vise à préciser quel aménagement du temps de travail le texte autorise.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS28 de M. Victor Catteau et amendements identiques AS38 de M. Bertrand Petit et AS29 de M. Victor Catteau (discussion commune)

M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel. Avis défavorable à l’amendement AS28.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS16 de M. Laurent Panifous et sous-amendement AS42 de M. Bertrand Petit

M. le rapporteur. Avis favorable sur l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements en discussion commune AS30 et AS31, ainsi que l’amendement AS32, de M. Victor Catteau.

Elle rejette ensuite l’article 2.

 

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’amendement AS9 de M. Pierre Dharréville au titre de la proposition de loi tombe et l’ensemble de celle-ci est rejeté.

 

 

 

 

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


  1  —

   ANNEXE 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

  Fédération nationale des comités et organisateurs de festivités (FNCOF) – MM. Arnaud Thenoz, président délégué, et Roland Simon, vice-président

   France Bénévolat  M. François Bouchon, président

   Le Mouvement associatif * – M. David Ratinaud, responsable plaidoyer

  Table ronde avec les organisations syndicales :

 Force ouvrière (FO)  MM. Pascal Lagrue, secrétaire confédéral, et Régis Duhamel, assistant confédéral

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)  M. Jean François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels, et Mme Aurélie Cea, chargée d’études en charge des relations individuelles de travail

  Ministère de la transformation et de la fonction publiques – Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) – M. Guillaume Tinlot, chef du service des politiques sociales, salariales et des carrières

  Ministère du travail, de la santé et des solidarités – Direction générale du travail (DGT) – Mme Aurore Vitou, sous-directrice des relations du travail, et MM. Bruno Campagne, chef du bureau de la durée et des revenus du travail, et Alexandre Laurent, chargé de mission au bureau de la durée et des revenus du travail

  Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Cnajep) * – M. Yannick Hervé, membre du bureau

  Métropole de Lyon – Mmes Anne Jestin, directrice générale des services, et Charlotte Pauron, conseillère parlementaire en charge des relations institutionnelles et politiques sportives au cabinet du président

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  —

ANNEXE N° 2 :
Liste des contributions Écrites adressÉes
AU rapporteur

            Organisations professionnelles d’employeurs

– Mouvement des entreprises de France (Medef)

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

– Union des entreprises de proximité (U2P)

 


  1  —

Annexe n° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code du travail

L. 3121‑52‑1, L. 3121‑52‑2 et L. 3121‑52‑3 [nouveaux]

2

Code général de la fonction publique

L. 613‑12 [nouveau]

 


([1]) Institution nationale de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), Les chiffres de la vie associative, 2023, p. 24.

([2])  Ibid., p. 28.

([3]) Ibid., p. 26.

([4]) Sophie Thiéry et Jean-Dominique Senard, Re-considérer le travail, rapport des garants des assises du travail au ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion, 18 avril 2023, Recommandation n° 6.

([5]) Déclaration du Gouvernement en application de l’article 50‑1 de la Constitution devant l’Assemblée nationale du 30 janvier 2024.

([6]) Malgré une portée trop réduite, la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative, adoptée à l’unanimité le 31 janvier 2024 par l’Assemblée nationale, apportera quelques avancées en faveur de l’engagement associatif.

([7]) Haut Conseil à la vie associative, Avis sur le congé d’engagement, 15 novembre 2012, p. 8.

([8]) Loi n° 2017-86 du 26 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([9]) Articles L. 3 142-58 et L. 3 142-58-1 du code du travail.

([10]) Articles L. 641-1 et L. 641-3 du code général de la fonction publique.

([11]) Article L. 3121-67 du code du travail.

([12]) L’article L. 2261-15 du code du travail prévoit la faculté d’extension d’une convention ou d’un accord par arrêté du ministre chargé du travail, après avis de la Commission nationale de la négociation collective. Cette procédure vise à rendre la convention ou l’accord applicable à toutes les entreprises et tous les salariés compris dans son champ d’application. Pour ce faire, la convention ou l’accord doit remplir un certain nombre d’exigences.

([13]) Article L. 3121-68 du code du travail.

([14]) Article L. 171-2 du code du travail.

([15]) Article L. 3121-48 du code du travail.

([16]) Article L. 3121-51 du code du travail.

([17]) Articles L. 3121-52 et R. 3121-30 du code du travail.

([18]) Article L. 3121-67 du code du travail.

([19]) Article L. 3121-68 du code du travail.

([20]) Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 2000.

([21]) Article L. 2 312-8 du code du travail.

([22]) Article R. 3312-5 du code des transports.

([23]) Article R. 3312-38 du code des transports.

([24]) Décret n° 97-326 du 10 avril 1997 relatif à la durée du travail dans les établissements de banque, de finance, de crédit, d’épargne et de change.

([25]) Articles R. 3312-5 et R. 3312-38 du code des transports.

([26]) Avant 1982, la durée légale du travail étant fixée à quarante heures, il faut donc ici lire trente‑cinq heures conformément à l’article 3 de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés.

([27]) À présent le comité social et économique.

([28]) L’article 3 de l’ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés abroge les articles L. 212-2-1 et L. 212-3 du code du travail mais précise que, sous réserve du respect de la durée légale du travail, alors fixée à 39 heures, « leurs dispositions demeurent en vigueur jusqu’à l’intervention des mesures réglementaires précisant les conditions dans lesquelles la durée hebdomadaire du travail est répartie sur la semaine ».

([29]) Loi du 23 avril 1919 sur la journée de huit heures.

([30]) Loi du 21 juin 1936 instituant la semaine de quarante heures dans les établissements industriels et commerciaux et fixant la durée du travail dans les mines souterraines.

([31]) Article 7 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 21 juin 1936 précitée.

([32]) Loi du 25 février 1946 relative à la rémunération des heures supplémentaires de travail.

([33]) Article L. 3121-18 du code du travail.

([34]) Article L. 3121-1 du code du travail.

([35]) Article D. 3121-4 du code du travail.

([36]) Article L. 3121-19 du code du travail.

([37]) Article L. 3121-16 du code du travail.

([38]) Article L. 3131-1 du code du travail.

([39]) Article D. 3131-4 du code du travail.

([40]) Article D. 3131-6 du code du travail.

([41]) Auditions du rapporteur.

([42]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([43]) Loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle.

([44]) Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

([45]) L’article L. 3121-27 du code du travail fixe la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet à trente‑cinq heures par semaine.

([46]) L’article L. 3123-1 du code du travail qualifie de salarié à temps partiel un salarié dont la durée de travail est inférieure soit à la durée légale, soit à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise, soit à la durée du travail applicable dans l’établissement sur la période considérée.

([47]) L’article L. 3121‑32 du code du travail renvoie à la négociation collective le soin de fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine.

([48]) Article L. 611-1 du code général de la fonction publique.

([49]) Décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État et dans la magistrature.

([50]) Article 2 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 précité.

([51]) Article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 précité.

([52]) Décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

([53]) Décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l’application de l’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale.

([54]) Article 4 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 précité.

([55]) Articles 8 et 9 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 précité.

([56]) Article 4 du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 précité.

([57]) Article L. 3121-48 du code du travail.

([58]) Article 6 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 précité.

([59]) Loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

([60]) Loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

([61]) Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat.

([62]) L’article L. 611-1 du code général de la fonction publique fixe la durée du travail effectif des agents par référence à l’article L. 3121-27 du code du travail, soit trente‑cinq heures par semaine, et précise que, sous réserves de mesures d’adaptation, « le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures ».

([63]) L’article L. 612-1 du code général de la fonction publique autorise le fonctionnaire, sur sa demande, à accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps.

([64]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-105 DC, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, 25 juillet 1979.

([65]) https://assnat.fr/zLlvVR