N° 2305

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LE PROJET DE LOI, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197).

PAR M. Jean-Luc FUGIT

Député

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AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,

PAR M. Antoine ARMAND

Député

 

 

Voir les numéros :

 Sénat : 229, 300, 301, 296 et T.A. 66 (2023-2024).

 Assemblée nationale : 2197.


SOMMAIRE

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Pages

avant-propos DU RAPPORTEUR

SYNTHèse

COMMENTAIREs des articles du projet de loi

titre iER L’autoritÉ de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection

Chapitre Ier Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1 Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 1er (supprimé) Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Article 2 Fonctionnement, déontologie, indépendance et transparence de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

Article 2 bis Règles de parité applicables à la composition du collège de l’ASNR

Article 2 ter (supprimé) Précisions sur l’activité de la commission des sanctions dans le rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Article 3 Activités pouvant être exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche

Article 4 Dispositions relatives à la transparence, l’information et l’association du public

Article 4 bis (supprimé) Rôle et composition de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs

Article 4 ter  Correction d’une erreur rédactionnelle

Article 4 quater Transmission à l’Opecst du rapport annuel d’activité de l’ASNR

Section 2 Dispositions transitoires

Article 5 Transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN et continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Chapitre II Ressources humaines

Section 1 Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 6 Statut des personnels de la future autorité, instances et règles du dialogue social et harmonisation des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature

Section 2 Dispositions transitoires

Article 7 Transfert des salariés de l’IRSN à l’ASNR et au CEA

Article 8 Dispositions transitoires en matière de conventions et d’accord collectifs

Article 9 Possibilité pour les agents contractuels et les salariés privés de la future autorité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à un corps de fonctionnaire

Article 10 Dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future autorité

Article 11 Augmentation des rémunérations versées au sein de l’IRSN et de l’ASN ; élaboration d’un rapport du Gouvernement et d’évaluations par l’ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité

Article 11 bis (nouveau) Consultation des comités sociaux de l’ASN et de l’IRSN sur des dispositions portant organisation et fonctionnement des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que le projet de règlement intérieur de cette dernière

Chapitre III Le haut-commissaire à l’énergie atomique

Article 12 Rattachement du haut-commissaire à l’énergie atomique au Premier ministre

Chapitre IV Dispositions de coordination et finales

Article 13 Soumission de la recherche de l’ASNR à l’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et coordination

Article 14 Conditions de nomination du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et actualisation de références législatives

Article 15 Entrée en vigueur

Article 15 bis (nouveau) Rapports de suivi de la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

TITRE II Adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires

Chapitre Ier Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les projets nucléaires

Article 16 Faculté de déroger à l’obligation d’allotissement des marchés publics pour certains projets dans le domaine nucléaire

Article 17 Faculté de déroger à la durée maximale des accords-cadres des marchés publics pour certains projets nucléaires

Article 17 bis Faculté de prendre en compte la crédibilité des offres dans les critères d’attribution d’un marché public pour certains projets nucléaires

Article 17 ter Faculté de recourir à des avenants pour modifier un marché public sans remise en concurrence pour certains projets nucléaires

Chapitre II Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire

Article 18 Dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence pour les marchés concernant les domaines nucléaires les plus sensibles

avis fait au nom de la commission des affaires économiques

comptes rendus des travaux de la commission Du développement durable et de l’aménagement du territoire

1. Réunion du mardi 5 mars 2024, après-midi

2. Réunion du mardi 5 mars 2024, soir

3. Réunion du mercredi 6 mars 2024, après-midi

4. Réunion du mercredi 6 mars 2024, soir

compte rendu des travaux de la commission des affaires économiques, saisie pour avis

liste des personnes auditionnées par M. jean-Luc fugit, rapporteur

liste des personnes auditionnées par M. Antoine armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


   avant-propos DU RAPPORTEUR

Le système français de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est un système robuste, à l’efficacité démontrée, mais qui va être confronté au cours des prochaines années à un nouveau contexte nucléaire lié notamment à la relance de la filière et aux nouveaux défis que cela pose. Ce système est actuellement fondé sur, d’une part, une Autorité de sureté nucléaire (ASN) créée en 2006 et chargée de la prise de décision et, d’autre part, un Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), créé en 2002. Il résulte de réorganisations successives intervenues depuis plus d’un demi‑siècle, qui ont eu pour objectif de prendre en compte les évolutions de la politique industrielle française, les normes internationales de sûreté et le retour d’expérience d’accidents survenus à l’étranger, afin de renforcer toujours plus le contrôle de la sûreté nucléaire, qui relève en premier lieu de l’exploitant.

En effet, dès 1945, sur le conseil du physicien Frédéric Joliot-Curie, le général de Gaulle décide de créer un organisme de recherche dédié aux applications civiles et militaires des sciences de l’atome : le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Au début des années 1960, un nouvel acteur apparaît dans le paysage français du nucléaire : Électricité de France (EDF) qui dispose d’un monopole sur l’étude, la réalisation et l’exploitation des moyens de production d’électricité. En l’absence de législation ou de réglementation spécifiques, aucune disposition ne définit précisément les modalités de contrôle des installations nucléaires. De ce fait, EDF se tourne naturellement vers la commission de sûreté des installations atomiques du CEA. Pour suivre l’accélération du plan nucléaire civil français, un nouvel organisme de contrôle, rattaché au ministère de l’industrie, est créé en 1973 : le service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN). Si l’autorité de décision en matière de sûreté est désormais le SCSIN, le rôle d’expertise technique du CEA est conforté, car le SCSIN n’est pas doté de moyens d’expertise propres et doit donc faire appel aux ressources du CEA, au sein duquel un département de sûreté nucléaire (DSN), regroupant l’ensemble des compétences en matière de sûreté, a été créé en 1970.

Cette organisation reste néanmoins imparfaite puisque le CEA assume un rôle d’expert pour la sûreté tout en étant lui-même exploitant d’installations nucléaires. Aussi, est-il rapidement envisagé la création d’un organisme d’expertise totalement indépendant du CEA. Les oppositions à ce projet sont vives : les organisations syndicales y voient un début de démantèlement du CEA. Un compromis est trouvé avec la création l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), en 1976, qui reste rattaché au CEA. L’idée de la nécessité d’un contrôle plus indépendant conduit, en 1991, à transformer le SCSIN, placé sous l’autorité du seul ministre chargé de l’énergie, en une direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN) placée sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’énergie et de l’environnement.

En 1998, M. Jean-Yves Le Déaut, à l’époque président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), rédige à la demande du Premier ministre M. Lionel Jospin, un rapport sur le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire. Ce rapport préconise la création d’une autorité administrative indépendante (AAI) chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que d’une agence indépendante du CEA, regroupant l’IPSN et l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI). Trois années plus tard, l’article 5 de la loi du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale prévoit la création de l’IRSN à partir de l’IPSN et de l’OPRI. Il est finalement institué en 2002 sous la forme d’un établissement public industriel et commercial (Epic) relevant de plusieurs tutelles ministérielles.

Puis, en 2006, la loi n° 2006-686 relative à la transparence et à la sûreté nucléaire crée l’ASN sous la forme d’une AAI qui exerce des missions de contrôle des activités et des exploitants nucléaires civils ainsi que des missions d’information du public. En situation d’urgence radiologique, elle est chargée de proposer aux pouvoirs publics les actions de protection à mettre en place pour protéger la population et l’environnement. Elle dispose d’expertises internes sur certains champs spécifiques, notamment sur la protection de l’environnement et les équipements nucléaires sous pression.

Ces deux entités, l’une chargée de la décision en matière de sûreté nucléaire et l’autre de l’expertise, travaillent ensemble, le plus souvent en mode projet, « au pied du réacteur », comme le rappelle l’Opecst dans son rapport sur la réforme du contrôle et de la recherche en sûreté nucléaire et radioprotection du 11 juillet 2023 ([1]). Loin de distinguer de manière rigide l’expertise et la décision, comme l’approche institutionnelle pourrait en induire l’idée, il existe un continuum étroit entre les deux activités. Le niveau de la sûreté nucléaire est donc fonction de la qualité des échanges entre la sphère de contrôle et l’exploitant, garant de la sûreté de ses installations. Cela suppose transparence et esprit de dialogue. Ainsi, les relations qu’entretiennent l’ASN et l’IRSN ne sont pas celles d’un « pouvoir » et d’un « contre-pouvoir ». Les deux organisations ont d’ailleurs trop pâti de cette présentation polémique qui ne correspond en rien à la réalité. Le décret n° 2016-283 du 10 mars 2016 dispose d’ailleurs que le président de l’ASN siège au conseil d’administration de l’IRSN, mais aussi que l’ASN rend un avis sur les programmes de recherche de l’IRSN.

Cette séparation entre une autorité de décision et un expert technique n’est cependant pas un modèle répandu partout. Comme l’Opecst l’a souligné dans son rapport de juillet 2023 : « à l’étranger, plusieurs pays ont opté pour des modèles dans lesquels les compétences d’expertise et de décision sont réunies et ont défini des processus en ce sens ». C’est notamment le cas aux États-Unis, au Canada ou au Japon, même si chaque pays a ses spécificités et son histoire propres. D’autres pays s’inspirent en revanche du « modèle français », tels que la Belgique. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne recommande pas de modèle spécifique mais indique que l’organisme de réglementation peut obtenir des avis ou des services à caractère technique ou spécialisé selon les besoins pour appuyer ses fonctions réglementaires, sans que cela l’exonère des responsabilités qui lui ont été confiées.

Néanmoins, le nouveau contexte nucléaire en cours d’émergence va susciter une charge de travail accrue pour les autorités de contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaires. L’annonce par le Président de la République, en février 2022, d’un plan de relance du nucléaire, la prolongation des réacteurs au-delà de cinquante ou soixante ans, les évolutions technologiques, les impacts du changement climatique, le cyberterrorisme, sont autant de défis auxquels peuvent s’ajouter des difficultés inattendues, comme les problèmes de corrosion sous contrainte récemment rencontrés sur le parc. Le déploiement d’une filière EPR 2 et l’apparition de nombreuses innovations autour des petits réacteurs comme les SMR (small modular reactor) représentent également un défi. Le tissu très dense des start-up se révèle particulièrement actif en ce domaine. Demain, la sphère de contrôle devrait donc se trouver confrontée à une multitude d’acteurs privés. Bien que l’organisation actuelle ait permis de gérer de façon satisfaisante les enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection depuis 2006, dans un contexte de calme relatif dans le domaine de l’industrie nucléaire, elle pourrait être moins adaptée à ce nouveau contexte.

L’objectif du présent projet de loi est ainsi d’adapter le système de sûreté à un contexte inédit dans l’histoire du nucléaire français. Il crée pour cela une nouvelle autorité, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui intégrerait, en sus des missions de l’ASN, l’essentiel des missions d’expertise et de recherche de l’IRSN. La nouvelle autorité serait ainsi chargée :

– d’une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;

– de contribuer au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’améliorer constamment les connaissances dans ces domaines ;

– d’assurer une veille permanente en matière de radioprotection ;

– de contribuer aux travaux et à l’information du Parlement en ces domaines ;

– de participer à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence.

Ce projet présente plusieurs avantages. Cela concerne d’abord la fixation d’un calendrier unique de priorités. Par le passé, la Cour des comptes avait en effet pu souligner des « relations difficiles » durant les premières années d’existence de l’ASN et l’IRSN, en raison de priorités divergentes et d’une absence de coordination quant à la communication des deux organisations ([2]). Si ces difficultés initiales de coordination paraissent aujourd’hui résorbées, de l’avis des principales parties prenantes, en raison d’une concertation permanente entre l’autorité et l’expert ([3]), il n’en demeure pas moins que subsiste un double niveau de pilotage (d’une part de l’ASN sur l’expertise de l’IRSN, d’autre part de l’IRSN sur ses expertises thématiques) qui limite l’efficience et la réactivité du processus. Ainsi, la relation ASN-IRSN doit être encadrée par une convention négociée entre les deux parties, qui est mise à jour tous les cinq ans, appuyée par neuf documents-cadres précisant les modalités de mise en œuvre de cette convention dans des domaines particuliers (expertise, inspection, relations internationales, information du public, etc.). En complément, et en plus des plans directeurs respectifs de l’ASN et de l’IRSN, un protocole entre l’ASN et l’IRSN est négocié tous les ans pour se mettre d’accord sur les priorités de l’année à venir. Pour veiller à la mise en œuvre de ce paquet conventionnel, des réunions régulières entre les deux directions générales sont nécessaires.

Cette organisation et ce niveau de formalisme résultent de l’existence même d’entités séparées, avec chacune des intérêts propres qui conduisent à complexifier le pilotage des priorités et l’allocation des moyens, au détriment du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Dans un contexte sans relance nucléaire, ces coûts d’interfaces avaient un effet limité. En revanche, dans le contexte de la relance du nucléaire, l’existence d’une direction générale unifiée et d’un comité de direction rassemblant les activités de l’ASN et de l’IRSN serait un moyen de renforcer le partage d’information et le pilotage des moyens de la future autorité.

Ce serait également le cas dans un contexte de situation de crise puisque, actuellement, l’IRSN et l’ASN disposent chacun d’un centre de crise, d’une organisation spécifique et de moyens propres pour assurer leurs missions en cas de crise. Ainsi, une organisation unique permettrait la mise en place d’un interlocuteur unique pour les autorités publiques ainsi que la fluidification des échanges entre les équipes en charge de l’expertise et celles chargées de proposer des actions de protection de la population aux autorités.

Du point de vue des ressources humaines, il existerait également des tensions sur certaines ressources rares qui sont actuellement dupliquées dans chacune des entités. La nouvelle organisation permettrait ainsi d’éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares, ce que des mesures budgétaires et salariales ne pourront pas faire à elles seules. En réunissant les compétences de personnels très bien formés et aguerris aux questions traitées et en facilitant leur travail collectif, la réforme améliorera encore la qualité de l’expertise, de l’instruction et de la décision sur les dossiers soumis à l’autorité de contrôle. Elle doit conduire à une amélioration globale de la sûreté des installations, par une meilleure intégration en amont puis à un contrôle techniquement approfondi des exigences de sûreté. Une organisation unique devrait également renforcer les opportunités de mobilité professionnelle, y compris géographique, au sein de l’autorité.

En matière de transparence, une des nouvelles obligations introduites par le projet de loi est la présentation à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui peut émettre un avis, d’un certain nombre de sujets importants justifiant la mise en place d’un processus d’association du public. C’est ce qui a déjà été fait, par exemple, dans le cadre de l’instruction du dossier de demande d’autorisation de création du centre de stockage en couche géologique profonde Cigéo. Par ailleurs, reprenant les dispositions du premier alinéa de l’article R. 592-47 du code de l’environnement, la future autorité communiquera la nature et les principaux résultats des programmes de recherches qu’elle mène dans ses domaines de compétences aux autorités concernées ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétences respectifs.

Le Gouvernement met également en avant le fait que les start-up françaises du nucléaire devront être accompagnées pour élaborer les référentiels de sûreté des petits réacteurs (SMR) : la création d’une nouvelle entité contribuera à la rationalisation des compétences critiques et simplifiera la relation avec ces nouveaux acteurs.

Enfin, une autorité unifiée disposera d’un plus grand pouvoir d’influence dans les instances internationales et pourra harmoniser sa communication pour défendre une vision française unique de la sûreté. En effet, tant l’ASN que l’IRSN ont actuellement un investissement actif à l’international, appuyé par des directions de l’action internationale tout à fait bien intégrées dans les réseaux généralistes et spécifiques au monde nucléaire, notamment auprès de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et de l’Agence de l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE. Ce positionnement sera maintenu et conforté par la jonction des équipes, tant au niveau des spécialistes techniques bien connus de leurs réseaux internationaux que des équipes « relations internationales ». Par sa taille, la future autorité sera la plus importante au niveau européen et parmi les plus importantes au niveau mondial. Cela est de nature à accroître encore l’influence française à l’international, au bénéfice de niveaux de sûreté ambitieux et pertinents.

Les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire seront bien évidemment préservés, qu’il s’agisse de la transparence de l’information en matière de sûreté nucléaire, notamment vis-à-vis du Parlement, de la publication des rapports d’expertise, en particulier ceux sur lesquels s’appuient actuellement les décisions de l’ASN, ou de l’appui de la recherche à la décision. Le rapporteur est particulièrement attaché à ce que les activités de recherche de l’IRSN, comme celles de l’ASN, soient maintenues au plus haut niveau d’expertise et appuyées par un conseil scientifique.

Dans le cadre de la nouvelle autorité, la séquence « expertise – recommandation de l’autorité indépendante – décision politique » continuerait d’être parfaitement respectée et serait toujours aussi lisible pour les observateurs avertis comme pour le grand public. La réorganisation n’aurait cependant pas de sens si elle revenait à ériger une nouvelle muraille de Chine, en faisant de ce cloisonnement quelque chose de trop rigide.

Puisqu’est projetée une évolution structurelle, il faut s’attendre à ce que son appropriation par les acteurs fasse l’objet d’une courbe d’apprentissage. Cette période transitoire, par nature délicate, ne saurait donc être concomitante avec la phase opérationnelle des nouveaux programmes attendus, ce qui ouvre, pour une éventuelle réorganisation, une fenêtre d’opportunité relativement étroite, qui justifie de mener cette réforme afin de parvenir à une mise en place de la nouvelle structure au 1er janvier 2025.

En améliorant l’efficacité des procédures en matière de contrôle de la sûreté nucléaire, en rapprochant experts et chercheurs au sein d’une structure unique et en remettant sur la table la question des moyens humains, financiers et techniques alloués au contrôle de la sûreté nucléaire, ce projet de loi permettra donc un renforcement de la sûreté nucléaire dans un moment de relance du nucléaire et d’émergence de nouveaux acteurs dans ce domaine.

 

 


   SYNTHèse

Le titre Ier du projet de loi est relatif à la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ANSR).

L’article 1er prévoyait la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, dotée du statut d’autorité administrative indépendante (AAI), et définissait ses missions fondamentales. Cet article a été supprimé par la commission, contre l’avis du rapporteur.

L’article 2 précise les règles de déontologie, d’indépendance et de transparence de la future ASNR. Alors que la rédaction initiale de cet article renvoyait la définition de ces règles au règlement intérieur de la nouvelle autorité, le Sénat a souhaité porter le principe de distinction entre expertise et décision au niveau législatif et élargir son champ. Tout en saluant cette évolution, qui permet notamment d’inclure des décisions importantes comme le redémarrage des centrales nucléaires, le rapporteur a tenu à clarifier, en commission, la portée de cette distinction. De même, le principe d’une publication des résultats des expertises et des avis des groupes permanents d’experts a été consacré au niveau législatif par le Sénat. Cette disposition nouvelle, qui tend à renforcer la transparence et l’information du public, gage de crédibilité et d’acceptabilité de la politique de sûreté nucléaire, s’inspire d’une recommandation du rapport précité de l’Opecst du 11 juillet 2023. Enfin, le Sénat a prévu la mise en place d’une commission d’éthique et de déontologie, renforçant ainsi encore davantage les garanties en termes d’indépendance et d’impartialité de la nouvelle autorité. Un amendement du rapporteur a permis de clarifier le champ des missions de cette commission, afin de ne pas limiter ses attributions.

L’article 2 bis, introduit par le Sénat, permet de maintenir une composition paritaire au sein de la nouvelle autorité en modifiant les règles de désignation qui doivent être respectées par le Président de la République. Il n’a pas été modifié par la commission.

L’article 2 ter, introduit par le Sénat et sur lequel l’avis de la commission des affaires économiques a été sollicité, précise que le rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire doit comporter un bilan de l’activité de sa commission des sanctions. Cet article a été supprimé par adoption d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, au double motif que ce bilan est déjà réalisé en pratique et que de telles précisions sur le contenu d’un rapport d’activité ne sont pas du domaine de la loi.

L’article 3 précise certaines activités exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche, de formation ou de traitement de données, issues de l’IRSN.

À l’initiative du rapporteur, la commission a complété cet article pour permettre à l’ASNR de se positionner comme un acteur majeur de la recherche, dans la continuité des travaux internationalement reconnus de l’IRSN. Il prévoit désormais que la nouvelle autorité présente chaque année les programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche devant l’Opecst. Surtout, le rapporteur a souhaité doter l’ASNR d’un conseil scientifique, sur le modèle de celui qui existe aujourd’hui au sein de l’IRSN. Ce conseil sera sollicité sur la stratégie scientifique de l’autorité ainsi que sur toute autre question relative à la recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il sera chargé d’évaluer la pertinence des programmes de recherche que définit l’autorité, d’en effectuer un suivi et d’évaluer leurs résultats. Il pourra en outre formuler toute recommandation sur l’orientation des activités de recherche de l’ASNR.

L’article 4, dans sa rédaction initiale, renforce l’information du Parlement et de la société civile en prévoyant que l’ASNR présente à l’Opecst et au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) les sujets sur lesquels une association du public est organisée. Le Sénat a complété cet article pour permettre à l’Opecst, au HCTISN et à l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) de formuler des observations sur les projets de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR. Cet ajout du Sénat, qui soulevait des difficultés d’ordre déontologique, a été supprimé par la commission.

L’article 4 bis, introduit par le Sénat et supprimé par la commission, apportait des précisions sur le rôle de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs.

L’article 4 ter est rédactionnel et n’a pas été modifié par la commission.

L’article 4 quater, introduit par le Sénat, précise que le rapport annuel d’activité établi par l’ASNR est transmis à l’Opecst avant sa publication. Il n’a pas été modifié par la commission.

L’article 5 prévoit le transfert à titre gratuit des biens, droits et obligations de l’IRSN à l’État et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Cet article permet en outre d’assurer la continuité des mandats des membres du collège de l’ASN au sein de la future ASNR. La commission y a apporté des modifications de nature rédactionnelles.

L’article 6 rassemble les dispositions concernant le statut des personnels de la future autorité, les instances représentatives du personnel et les règles du dialogue social. Il est ainsi prévu une cohabitation des statuts de droit public et de droit privé des personnels au sein de la nouvelle autorité, la mise en place d’une instance de dialogue social spécifique – le comité social d’administration – compétente pour l’ensemble des personnels, l’instauration de règles d’élections professionnelles et de négociations collectives tenant compte du caractère mixte de l’autorité, et l’harmonisation des indemnités accessoires et des remboursements de frais de toute nature. La commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels du rapporteur.

L’article 7 définit les modalités de transfert des salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à l’ASNR et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Il prévoit à cet égard le transfert au CEA des 140 salariés de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) et des 40 salariés en charge des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée. La commission a adopté cet article avec un amendement rédactionnel du rapporteur.

L’article 8 détermine les dispositions transitoires en matière de conventions et d’accords collectifs. Il prévoit ainsi que les salariés transférés à l’ASNR conserveront les effets des conventions et accords ainsi que des engagements unilatéraux applicables au sein de l’IRSN au 1er janvier 2025 jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux accords et conventions qui leur seront substitués, ou à défaut jusqu’au 30 juin 2027. La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 9 donne aux agents contractuels et aux salariés privés de la future ASNR l’opportunité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à des corps de fonctionnaires qui seront identifiés par décret comme pertinents pour les missions de l’autorité. La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 10 prévoit les dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future ASNR, qui devrait être créée le 1er janvier 2025. La constitution du comité social d’administration (CSA) de l’ASNR devrait intervenir au plus tard le 31 mars 2026 ; jusqu’à cette constitution, le CSA de l’ASN et le comité social et économique (CSE) de l’IRSN seraient maintenus en fonction et exerceraient les missions relatives respectivement aux agents publics et aux salariés. La commission a adopté cet article sans modification.

L’article 11 prévoit que l’IRSN et l’ASN consacrent respectivement 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024. L’article prévoit également que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juillet 2024, un rapport sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives pour exercer leurs missions en 2025. Il prévoit également que soient évaluées la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de la création de l’ASNR.

La commission a modifié cet article en introduisant la question des moyens techniques nécessaires à la future autorité dans le cadre du rapport d’évaluation des besoins en matière de sûreté nucléaire, en prévoyant que ce rapport prévoit un dispositif d’accompagnement à la conduite du changement et en renforçant la dimension d’analyse opérationnelle du rapport sur la mise en place d’un préfigurateur.

L’article 11 bis a été introduit en commission par l’adoption de deux amendements identiques du rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il prévoit la consultation anticipée des comités sociaux de l’ASN et de l’IRSN sur des dispositions portant organisation et fonctionnement des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que le projet de règlement intérieur de cette dernière.

L’article 12, sur lequel a été sollicité l’avis de la commission des affaires économiques, rattache le haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA) au Premier ministre, alors qu’il est aujourd’hui placé auprès de l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Alors que le projet de loi initial supprimait simplement la base légale fondant le rattachement du HCEA au CEA, le Sénat a créé une nouvelle base légale permettant son rattachement au Premier ministre et considérablement détaillé et enrichi ses fonctions. La commission des affaires économiques a donc adopté un amendement de rédaction globale présenté par son rapporteur pour avis, maintenant une base légale au HCEA mais définissant simplement les grandes orientations de ses missions, le détail de celles-ci relevant manifestement du pouvoir réglementaire. Cet amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

L’article 13 d’une part, vise à soumettre la recherche menée au sein de l’ASNR à l’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et, d’autre part, procède à des coordinations légistiques. Il ouvre également à tous les personnels qualifiés de l’ASNR, de droit public comme de droit privé, la possibilité de participer aux missions de contrôle de l’autorité. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

L’article 14, dans sa rédaction initiale, prévoyait que la nomination à la présidence de l’ASNR serait soumise, en application de l’article 13 de la Constitution, à un avis de la commission permanente compétente en matière d’énergie au sein de chaque assemblée. Le Sénat a souhaité, avec raison, que cette nomination soit contrôlée par la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques, à savoir, à l’Assemblée nationale, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. En effet, la raison d’être de la future autorité ne sera pas de garantir l’approvisionnement énergétique, mais bien d’assurer la sûreté nucléaire. La commission a apporté des modifications de nature rédactionnelle à cet article.

L’article 15 fixe l’entrée en vigueur des articles du titre Ier du projet de loi, relatif à l’ASNR, au 1er janvier 2025, en prévoyant quelques exceptions. La commission a adopté cet article en y apportant des modifications de nature rédactionnelle.

L’article 15 bis a été introduit par la commission pour prévoir la remise à l’Opecst de trois rapports de suivi de la mise en place de l’ASNR, dans un souci de bonne information du Parlement.

Au titre II du projet de loi, les articles 16 à 18, sur lesquels l’avis de la commission des affaires économiques était sollicité (« délégation au fond »), adaptent certaines dispositions du code de la commande publique aux projets structurants dans le secteur nucléaire, afin d’en sécuriser la passation.

L’article 16 permet de déroger à l’obligation d’allotissement des marchés publics pour ces projets. La commission des affaires économiques, dont les amendements ont été adoptés par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, a élargi la dérogation à l’allotissement des marchés à la réalisation d’installations destinées à assurer la fabrication ou la maintenance d’emballages de transport de substances radioactives issues d’installations nucléaires de base.

L’article 17 permet de déroger à la durée maximale des accords-cadres, la durée ainsi fixée devant tenir compte des aléas inhérents à la réalisation de tels projets. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article en y apportant les modifications de nature rédactionnelle proposées par la commission des affaires économiques.

L’article 17 bis, introduit par le Sénat, permet la prise en compte d’un critère de crédibilité des offres dans l’attribution d’un marché relatif à la réalisation d’un réacteur électronucléaire. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article en y apportant les modifications de nature rédactionnelle proposées par la commission des affaires économiques.

L’article 17 ter, également introduit par le Sénat, précise sous quelles conditions ce même type de marché peut faire faire l’objet d’un avenant sans nouvelle mise en concurrence, en tenant compte, notamment, de l’évolution de la conception du projet. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article en y apportant les modifications de nature rédactionnelle proposées par la commission des affaires économiques.

Enfin, l’article 18 permet de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation de certains marchés publics dans le domaine nucléaire, lorsque la protection des intérêts essentiels de l’État est en jeu.

Pour tous ces articles qui lui étaient « délégués au fond », la commission des affaires économiques a supprimé la codification au sein du code de la commande publique.

 

 


   COMMENTAIREs des articles du projet de loi

titre iER
L’autoritÉ de sÛretÉ nuclÉaire et de radioprotection

Chapitre Ier
Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 1er (supprimé)
Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Supprimé par la commission

 

Cet article vise à instituer une nouvelle autorité, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui rassemblera les deux organisations actuelles de la sûreté nucléaire que sont l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

I.   Le droit en vigueur

A.   le cadre actuel de la gouvernance de la sûreté et de la sécurité du nucléaire en France

L’article L. 591-1 du code de l’environnement définit la sûreté nucléaire comme « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets ». La radioprotection renvoie à « la protection contre les rayonnements ionisants », tandis que la sécurité des installations nucléaires désigne la prévention et la lutte contre les actes de malveillance. Enfin, le même article L. 591-1 définit la sécurité nucléaire comme englobant la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident.

En France, la sûreté nucléaire est assurée à titre principal par l’exploitant. Elle est contrôlée par deux acteurs distincts :

– l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), une autorité administrative indépendante (AAI) chargée de prendre les décisions individuelles et réglementaires ;

– l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui exerce des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sûreté, mais aussi de la sécurité des installations (prévention et lutte contre la malveillance) et de la radioprotection (prévention contre les effets néfastes que peuvent provoquer les rayonnements ionisants).

L’émergence de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France coïncide avec les débuts expérimentaux du nucléaire en France. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), initialement seul exploitant, dispose d’un service de protection contre les radiations (SPR) à partir de 1951, puis à partir de 1960, d’une commission de sûreté des installations atomiques (CSIA), chargée de prendre toutes les décisions relatives à la sûreté. Après plusieurs évolutions, l’organisation actuelle du contrôle, fondée sur une autorité indépendante et un expert distinct du CEA, émerge au début des années 2000.

Ce cadre général repose également sur des dispositions de droit international telles que la Convention sur la sûreté nucléaire adoptée le 17 juin 1994, ou de droit européen, notamment la directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires. L’article 5 de cette directive prévoit que les États membres de l’UE instituent et maintiennent une autorité de réglementation compétente dans le domaine de la sûreté nucléaire des installations et que cette autorité est séparée sur le plan fonctionnel de tout autre organisme ou organisation s’occupant de la promotion ou de l’utilisation de l’énergie nucléaire, y compris la production d’électricité, afin de garantir son indépendance effective de toute influence indue dans sa prise de décision réglementaire. Ce même article prévoit que l’autorité de réglementation doit posséder en interne les compétences juridiques ainsi que les ressources humaines et financières nécessaires pour remplir ses obligations.

1.   Rôle et statut de l’ASN

Créée en 2006 par la loi n° 2006-686 relative à la transparence et à la sûreté nucléaire, l’ASN est une autorité administrative indépendante qui exerce des missions de contrôle des activités et des exploitants nucléaires civils ainsi que des missions d’information du public. En situation d’urgence radiologique, elle est chargée de proposer aux pouvoirs publics les actions de protection à mettre en place pour protéger la population et l’environnement. Elle dispose d’expertises internes sur certains champs spécifiques, notamment sur la protection de l’environnement et les équipements nucléaires sous pression.

La politique générale de l’ASN et les décisions à enjeu sont prises par son collège, qui est constitué d’un président et de quatre commissaires, désignés pour six ans par le Président de la République et les présidents des deux assemblées (la nomination du Président relevant de l’article 13 de la Constitution). Ils sont irrévocables et astreints à un devoir d’impartialité. Le collège rend publiques ses décisions et prises de position, et rend compte au Parlement.

L’organisation et la direction des services de l’ASN relèvent de son directeur général. L’article L. 592-13 du code de l’environnement permet au président de déléguer sa signature à des agents des services de l’autorité. L’ASN rend annuellement 2 300 décisions. Parmi ces décisions, environ une trentaine seulement sont rendues directement par le collège de l’ASN. Les autres sont déléguées aux services. Les décisions les plus importantes de l’ASN s’appuient sur une expertise technique (environ 300 par an). L’article L. 592-46 du code de l’environnement permet à l’ASN d’avoir recours à l’appui technique de l’IRSN, sous la forme d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche. L’IRSN transmet alors à l’ASN un avis d’expertise qui est versé à l’instruction du dossier. La majorité des décisions prises par l’ASN ne donnent pas lieu à une demande d’appui technique de l’IRSN, en raison soit d’une absence de besoin d’expertise, pour les décisions à faibles enjeux, soit en raison du recours à une expertise interne.

L’effectif de l’ASN est de 470 ETPT (soit environ 530 agents), dont 329 inspecteurs, répartis au siège et au sein de ses divisions territoriales. Son budget annuel est de 74,9 millions d’euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

2.   Rôle et statut de l’IRSN

L’IRSN a été créé par la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale, laquelle a prévu la fusion, effective en 2002, de l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), créé en 1976, et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), expert technique distinct du CEA.

L’article L. 592-45 du code de l’environnement définit l’IRSN comme « un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial qui exerce, à l’exclusion de toute responsabilité d’exploitant nucléaire, des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire ». L’article R. 592-40 du même code prévoit une tutelle conjointe sur l’IRSN de cinq ministres : le ministre chargé de l’environnement, le ministre de la défense, les ministres chargés de l’énergie, de la recherche et de la santé.

L’institut est dirigé par un conseil d’administration composé de vingt-trois membres. Le directeur général de l’IRSN est nommé par décret par le président de la République, conformément à l’article 13 de la Constitution, pris sur rapport des ministres de tutelle, sur la proposition du président du conseil d’administration. À l’exception des activités de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND), qui sont sous l’autorité d’un directeur général adjoint de l’IRSN ad hoc, rattaché directement aux ministres chargés de la défense et de la sécurité nucléaire et nommé par décret du Président de la République sur le rapport des ministres des armées et de la sécurité nucléaire et du premier ministre, les services de l’IRSN sont placés sous l’autorité de son directeur général.

L’IRSN dispose de compétences d’expertise généralistes et spécialisées, et de capacités de recherche. Son budget annuel est de 285 millions d’euros (dont 182,6 millions d’euros proviennent de crédits budgétaires), dont plus de 90 % portent sur des missions de service public, de recherche et d’enseignement, avec ou sans partenariat avec d’autres établissements publics ou entreprises du secteur privé, pour un effectif total de 1 744 personnes en 2024.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte confie à l’IRSN des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire. Il est notamment chargé d’une mission d’appui technique aux autorités publiques compétentes en matière de sûreté, radioprotection et sécurité, aussi bien dans la sphère civile que dans celle de la défense, et assure également certaines missions de service public, notamment en matière de surveillance de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants. La surveillance de l’environnement se concrétise notamment par l’activité de dosimétrie, exercée sous deux formes complémentaires :

– la dosimétrie passive qui mesure l’exposition externe des personnes. L’IRSN fabrique des dosimètres (1,5 million par an), les distribue à 25 000 clients puis en lit les résultats dans des appareils spécialisés ;

– la dosimétrie interne (anthroporadiométrie, radiotoxicologie) qui mesure pour sa part l’exposition interne des personnes.

Ces activités sont nécessaires pour faire face à une éventuelle crise : elles permettent à la fois de disposer d’outils ou de matériels pour ces situations (un stock stratégique de dosimètres est maintenu) et de maintenir les compétences nécessaires à la mise en œuvre de ces outils et matériels. En effet, en cas d’accident nucléaire ou radiologique, les dosimétries passive et interne doivent être simultanément mises en œuvre sur un grand nombre de personnes.

L’appui technique à l’ASN par des activités d’expertise, qui conduit à la publication d’environ 300 avis rédigés chaque année, représente 30 % du budget et 25 % des activités de l’Institut. La mission de recherche de l’IRSN soutient l’activité d’expertise.

3.   La séparation fonctionnelle entre les deux entités

Il existe une séparation fonctionnelle claire entre les deux entités. L’ASN est chargée de la décision et rend environ 1 800 décisions par an. Pour les dossiers complexes nécessitant une expertise (environ 300 par an), elle s’appuie sur l’IRSN. En vertu de l’article L. 592-46 du code de l’environnement, l’IRSN fournit un « appui technique, sous la forme d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche » indispensable à l’exercice par l’ASN de ses missions. Cet appui technique se matérialise notamment par une convention revue annuellement et par le fait que le président de l’ASN est membre de droit du conseil d’administration de l’IRSN. Fruit d’une longue histoire, ce système est internationalement reconnu pour sa qualité technique, son indépendance et sa capacité à rendre compte au public de manière transparente.

Cette séparation entre une autorité de décision et un expert technique n’est pas un modèle répandu partout. Comme l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) l’a souligné dans son rapport sur la réforme du contrôle et de la recherche en sûreté nucléaire et radioprotection du 11 juillet 2023 : « à l’étranger, plusieurs pays ont opté pour des modèles dans lesquels les compétences d’expertise et de décision sont réunies et ont défini des processus en ce sens ». C’est notamment le cas aux États-Unis, au Canada ou au Japon, même si chaque pays a ses spécificités et son histoire propre. D’autres pays s’inspirent en revanche du « modèle français », tels que la Belgique. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne recommande pas de modèle spécifique mais indique que l’organisme de réglementation peut obtenir des avis ou des services à caractère technique ou spécialisé selon les besoins pour appuyer ses fonctions réglementaires, sans que cela l’exonère des responsabilités qui lui ont été confiées.

Les quatre piliers de la sûreté nucléaire

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4.   La sûreté des installations nucléaires de défense et la sécurité des installations nucléaires civiles

La sûreté et la sécurité des installations nucléaires de défense et la sécurité des installations nucléaires civiles font l’objet d’une organisation spécifique en raison d’enjeux sécuritaires particuliers, qui justifient un rattachement plus ou moins direct au ministère des armées. La loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire a réformé l’organisation relative au nucléaire militaire. L’expertise en matière de sûreté des installations nucléaires de défense a alors été rapprochée du nucléaire civil en étant intégrée à l’IRSN, afin de mettre fin à la spécificité du nucléaire militaire. Cette expertise est intégrée à la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) de l’IRSN, sous tutelle du ministre de la Défense, également compétente pour les questions de sécurité des installations civiles.

En revanche, le contrôle de la sûreté des installations militaires est effectué par l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND), dirigée par un délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection (DSND) placé auprès du ministre des armées, mais indépendant des organismes en charge de l’exploitation des installations et activités nucléaires intéressant la défense.

Enfin, le contrôle de la sécurité des installations militaires est assuré par la direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID) qui relève du ministère des armées. Le contrôle de la sécurité des installations civiles est exercé par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de la transition écologique.

Organisation de l’expertise et du contrôle de la sécurité
et de la sûreté nucléaires dans les domaines militaire et civil

 

Nucléaire militaire

Nucléaire civil

Sûreté

Expertise : direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) de l’IRSN

Expertise : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Contrôle : Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND)

Contrôle : Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

Sécurité

Direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID)

Expertise : direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) de l’IRSN

Contrôle : Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de la transition écologique

Source : IRSN

B.   le besoin d’une réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire

1.   Une situation « hors normes » du point de vue du contexte nucléaire

L’objectif de la réforme affiché par le Gouvernement est d’adapter le système de sûreté à un contexte « hors normes », inédit dans l’histoire du nucléaire français. En effet, notre système de sûreté fait face au chantier inédit du programme nucléaire gouvernemental et à des risques environnementaux comme internationaux qui posent plusieurs défis :

– poursuite de l’exploitation du parc nucléaire existant au-delà de 50 ans, voire de 60 ans ;

– lancement d’un programme de construction de trois paires de réacteurs EPR2 et mise à l’étude de huit réacteurs supplémentaires ;

– soutien à la recherche et à l’innovation dans les technologies nucléaires (notamment les petits réacteurs modulaires, dits « SMR ») ;

 projet Cigéo (stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde) et projet de piscine d’entreposage centralisée de combustibles usés d’EDF ;

– prévention des risques liés notamment au changement climatique ou aux cyberattaques.

En outre, l’IRSN comme l’ASN vont faire face, entre 2024 et 2027, à d’importants chantiers d’expertise et de décision retracés dans le tableau ci-après :

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À cet égard, quelle que soit l’organisation retenue, les effectifs, l’attractivité des métiers et les moyens des acteurs du contrôle et de l’expertise en matière de sûreté nucléaire devront être significativement renforcés au cours des prochaines années. Le Gouvernement estime que la constitution d’une autorité unique de décision et d’expertise offrirait plusieurs avantages par rapport à la situation actuelle.

2.   Les avantages potentiels d’un rapprochement ASN-IRSN

Ces avantages concernent d’abord la fixation d’un calendrier unique de priorités. Par le passé, la Cour des comptes avait en effet pu souligner des « relations difficiles » durant les premières années d’existence de l’ASN et l’IRSN, en raison de priorités divergentes et d’une absence de coordination quant à la communication entre les deux organisations ([4]). Ces difficultés initiales de coordination paraissent aujourd’hui résorbées, de l’avis des principales parties prenantes, en raison d’une concertation permanente entre l’autorité et l’expert ([5]).

Il n’en demeure pas moins un double niveau de pilotage (d’une part, de l’ASN sur l’expertise de l’IRSN, d’autre part, de l’IRSN sur ses expertises thématiques) qui limiterait l’efficience et la réactivité du processus. La relation ASN-IRSN doit être encadrée par une convention négociée entre les deux parties, qui est mise à jour tous les cinq ans, appuyée par neuf documents cadre précisant les modalités de mise en œuvre de cette convention dans des domaines particuliers (expertise, inspection, relations internationales, information du public, etc.). En complément, et en sus des plans directeurs respectifs de l’ASN et de l’IRSN, un protocole entre l’ASN et l’IRSN est négocié tous les ans pour se mettre d’accord sur les priorités de l’année à venir. Pour veiller à la mise en œuvre de ce « paquet conventionnel », des réunions régulières entre les deux directions générales sont nécessaires.

Cette organisation et ce niveau de formalisme résultent de l’existence même d’entités séparées, avec chacune des intérêts propres qui conduisent à complexifier le pilotage des priorités et l’allocation des moyens, au détriment du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Dans un contexte sans relance nucléaire, ces coûts d’interface ont un effet limité et c’est ce qui a pu être constaté sur la décennie précédente. En revanche, dans le contexte de la relance du nucléaire, l’existence d’une direction générale unifiée et d’un comité de direction rassemblant les activités de l’ASN et de l’IRSN serait un moyen de renforcer le partage d’informations et le pilotage des moyens de la future autorité.

Ce serait également le cas en cas de crise : à l’heure actuelle, pour assurer leurs missions dans une telle situation, l’IRSN et l’ASN disposent chacun d’un centre de crise, d’une organisation spécifique et de moyens propres. À cet égard, une organisation unique permettrait la mise en place d’un interlocuteur unique pour les autorités publiques ainsi que la fluidification des échanges entre les équipes en charge de l’expertise et celles chargées de proposer des actions de protection de la population aux autorités. Selon les syndicats de l’IRSN, auditionnés par le rapporteur, la mise en place d’un centre unique de crise était cependant déjà étudiée avant la perspective de réforme.

Du point de vue des ressources humaines, il existerait également des tensions pour certaines ressources rares qui sont actuellement dupliquées dans chacune des entités. La nouvelle organisation permettrait ainsi d’éviter la dispersion des compétences techniques et scientifiques rares, ce que des mesures budgétaires et salariales ne pourront pas assurer à elles seules. Une organisation unique devrait ainsi renforcer les opportunités de mobilité professionnelle, y compris géographique, au sein de l’Autorité.

Le Gouvernement met également en avant le fait que les start-up françaises du nucléaire devront être accompagnées pour élaborer les référentiels de sûreté des petits réacteurs (SMR) : la création d’une nouvelle entité contribuera à la rationalisation des compétences critiques et simplifiera la relation avec ces nouveaux acteurs.

Enfin, une Autorité unifiée disposera d’un plus grand pouvoir d’influence dans les instances internationales et pourra harmoniser sa communication pour défendre une vision française unique de la sûreté.

3.   Le choix entre AAI et API

Concernant le statut d’autorité administrative indépendante (AAI), le Gouvernement a fait le choix de son maintien plutôt que de mettre en place une autorité publique indépendante (API), dotée d’une personnalité morale et d’une responsabilité juridique autonome de celle de l’État. Au regard de l’ampleur des risques associés aux activités nucléaires, le statut d’AAI apparaît ainsi plus protecteur et davantage à même de garantir la capacité de décision et l’indépendance de l’autorité. Elle sera détachée de toute contingence financière liée à des contentieux. Pour cette raison, le statut d’AAI a été retenu car il limite les interférences entre le processus décisionnel de la future autorité et les conséquences financières de ses décisions.

C’est également la recommandation du rapport du 11 juillet 2023 de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur « Les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection ». Plus généralement, le maintien d’un statut d’autorité administrative indépendante (AAI), qui est déjà celui de l’ASN, a également été retenu afin de limiter les modifications administratives et juridiques concernant la structure, dans le cadre d’une rationalisation qui nécessite déjà la conduite d’un certain nombre de chantiers de transformation importants, notamment dans le domaine des ressources humaines et des systèmes d’information.

Enfin, les dispositions prises dans le cadre du présent projet de loi permettent à l’ASNR de fonctionner en tant qu’AAI, notamment en lui donnant la possibilité d’embaucher des agents sous les différents statuts existant actuellement au sein de l’ASN et de l’IRSN (fonctionnaires, contrats de droit privé…). En effet, les fonctionnaires de l’ASN actuelle sont en position normale d’activité et sont extrêmement attachés à ce positionnement, qui permet des parcours de carrière fluides avec le reste de l’administration, notamment dans le contrôle des risques conventionnels (inspection de l’environnement, spécialité ICPE) et les administrations centrales des ministères chargés de l’environnement, de l’énergie et des industries. Or, un fonctionnaire de l’État peut être en position normale d’activité auprès d’une AAI, mais pas auprès d’une API.

II.   Le texte initial du projet de loi

Le rapprochement entre l’ASN et l’IRSN avait initialement été proposé par le Gouvernement dans le cadre d’un amendement présenté lors de l’examen du projet de loi dit d’« accélération du nucléaire » à l’Assemblée nationale, début 2023. Cette proposition avait été rejetée par les députés. Le Parlement avait réagi le 25 avril 2023 par une saisine de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dont le rapport a été publié en juillet 2023.

Le projet de loi prévoit le démantèlement de l’IRSN, à compter du 1er janvier 2025 (date prévue formellement à l’article 15), et le transfert de l’essentiel de ses missions et salariés (1 600 environ) vers l’ASN (transfert formellement prévu à l’article 6 et 7 du présent projet de loi), qui deviendrait l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), gardant le statut d’AAI. L’ASNR emploierait des salariés de droit privé issus de l’IRSN et des fonctionnaires et contractuels issus de l’ASN.

Outre l’abrogation des dispositions législatives relatives à l’IRSN (formellement prévue à l’article 13), le projet de loi modifie et complète les dispositions du code de l’environnement applicables à l’ASN, de façon à fixer dans la loi « les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement » de la future ASNR, ainsi que l’impose l’article 1er de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes. Le projet de loi y apporte les seules adaptations rendues nécessaires par l’intégration de l’IRSN, sans les amoindrir.

Dans le présent article, le 1° complète la définition de la sûreté nucléaire figurant à l’article L. 591-1 du code de l’environnement, afin de préciser qu’elle a également pour objectif de protéger la santé humaine ainsi que l’environnement.

Les 2° à 4° créent l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), substituée à l’ASN. La nouvelle autorité aurait une mission générale qui intégrerait, en plus des missions de l’ASN, l’essentiel des missions d’expertise et de recherche de l’IRSN. La nouvelle autorité serait ainsi chargée :

– d’une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;

– de contribuer au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’améliorer constamment les connaissances dans ces domaines ;

– d’assurer une veille permanente en matière de radioprotection et de contribuer à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants ;

– de contribuer aux travaux et à l’information du Parlement en ces domaines ;

– de participer à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence.

Enfin, le 5° de l’article 1er renomme le collège de l’ASN en « collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ». À ce sujet, l’article 5 du projet de loi précise que les mandats des membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire ne sont pas interrompus du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire ainsi maintenus exercent jusqu’au terme de leur mandat les fonctions de membre du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, telles qu’elles résultent de la présente loi.

Il convient de souligner que deux activités spécifiques de l’IRSN ne seraient pas intégrées à la future ASNR, en raison de leurs spécificités (leur transfert est prévu à l’article 7 du présent projet de loi). D’une part, les activités de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) seraient transférées à l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND), sous l’autorité du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DSND). La DEND, dirigée par un militaire sous l’autorité du ministre des armées, est chargée à titre principal de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles et compte 140 ETP. En raison du caractère régalien de ces activités, liées à la Défense nationale, leur intégration à une autorité administrative indépendante, qui ne dépend pas du ministre des armées, n’a pas été privilégiée par le Gouvernement. De ce fait, les contrats du personnel de la DEND seraient transférés au CEA, qui mettra le personnel à disposition de l’ASND. Une convention entre l’ASNR et l’ASND apparaîtrait nécessaire, notamment concernant l’articulation entre contrôle au titre de la sûreté nucléaire et contrôle au titre de la sécurité des installations civiles.

D’autre part, les activités de fabrication et de commercialisation des appareils de dosimétrie passive seraient également transférées au CEA. En effet, la fourniture de dosimètres constitue une activité commerciale ouverte à la concurrence, qui nécessite de la part du producteur un démarchage, ce d’autant plus que l’IRSN fait face dans ce domaine à un acteur dominant le marché mondial qui détient, en France, une part de marché équivalente à la sienne. En cas d’intégration de la dosimétrie passive à l’ASNR, l’autorité administrative indépendante se retrouverait en conflit d’intérêts car elle devrait démarcher les exploitants également placés sous son contrôle. Une convention entre l’ASNR et le CEA apparaîtrait nécessaire, notamment concernant la fourniture massive de dosimètres en situation d’urgence radiologique.

Enfin, il convient de souligner que le transfert des activités de l’IRSN à la nouvelle autorité entraînera des conséquences financières non négligeables. D’une part, elle se traduira par la suppression de la subvention pour charges de service public de l’IRSN, imputée aujourd’hui sur le programme 190 (mission « Recherche et enseignement supérieur ») pour un montant de 170 millions d’euros. Ces crédits seront réorientés au sein du budget de l’État vers les crédits constituant le programme de la future autorité. En outre, l’IRSN bénéficiait d’une taxe affectée (61 millions d’euros par an environ) et il sera nécessaire d’organiser la réaffectation de celle-ci au sein du budget général de l’État, en l’orientant vers le programme dont relèvera la future autorité. Il faudra également, dans le budget de la future autorité, prévoir une prise en compte de l’impact financier lié à l’arrêt de certaines activités commerciales et tout particulièrement des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée. Puisque ces dernières seront transférées au CEA, les recettes (environ 12 millions d’euros) et dépenses associées (environ 9,5 millions d’euros) correspondantes seront transférées de l’IRSN au CEA. Ce manque à gagner d’environ 2,5 millions d’euros devra être compensé.

Enfin, la mise en place de la future autorité aura des impacts importants sur la gestion financière, afin d’assurer la continuité des activités pendant la période de transition puis de manière pérenne :

– paramétrage et déploiement au sein de l’autorité de l’outil comptable Chorus ;

– mise en place du circuit de la dépense ;

– reprise des engagements antérieurs ;

– prise en compte des impacts sur les marchés publics en cours (avenants, mutualisation, continuité).

À ce titre, les directions de l’ASN et l’IRSN ont souhaité que soit entrepris dès maintenant, dans l’optique de la promulgation du présent projet de loi, un travail de définition des principes d’organisation et de fonctionnement de la future entité, travail auquel sera associé le personnel des deux organismes. Ainsi, des groupes de travail thématiques ont été mis en place, dont un portant sur la gestion budgétaire et comptable. Ils associent également la Direction du budget, la Direction générale des finances publiques et l’Agence de l’information financière de l’État.

Le coût de la transition et de l’installation de la nouvelle autorité représente quelques millions d’euros.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

Outre trois amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement COM-63 de M. Chaize (LR), rapporteur pour avis, sous-amendé par le rapporteur (COM-93) pour élargir la définition de la sécurité nucléaire, en y intégrant la protection de la santé publique et de l’environnement.

Elle a en outre adopté un amendement COM-66 de M. Chaize visant à compléter la mission d’information du Parlement par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), en mentionnant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et les commissions parlementaires permanentes compétentes.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 91 de M. Chaize (LR), rapporteur pour avis, visant à renommer la nouvelle autorité en « Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection ». Cet intitulé avait été recommandé par l’Opecst, dans son rapport du 11 juillet 2023, qui demandait de « donner à la nouvelle autorité administrative un nom rappelant son caractère indépendant, par exemple : « Autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection » (AISNR) ». Toutefois, si dans le cadre de ce rapport, il était nécessaire de souligner le caractère d’indépendant de la nouvelle structure, son inscription dans la loi pourrait paradoxalement conduire à s’interroger sur l’effectivité de son indépendance juridique et fonctionnelle, alors que celle-ci est en réalité déjà garantie par son statut d’autorité administrative indépendante (AAI). En effet, aucune AAI ne mentionne son caractère d’indépendance dans son intitulé, puisque celui-ci est garanti par la loi. Par conséquent, cet ajout ne semble plus nécessaire.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté, contre l’avis défavorable du rapporteur, les amendements identiques de suppression de l’article CD10 de Mme Delphine Batho (Écologiste-NUPES), CD57 de Mme Julie Laernoes (Écologiste-NUPES), CD66 de M. Gérard Leseul (Socialistes et apparentés), CD80 de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine-NUPES), CD143 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise-NUPES) et CD293 de M. Benjamin Saint-Huile (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires).

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Article 2
Fonctionnement, déontologie, indépendance et transparence de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 du projet de loi précise les règles de déontologie, d’indépendance et de transparence de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

I.   Le droit en vigueur

A.   L’indépendance de l’ASN est garantie par son statut et des règles de déontologie

L’indépendance de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est garantie par son statut d’autorité administrative indépendante (AAI), prévu à l’article L. 592-1 du code de l’environnement.

L’article 1er de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, dispose que toute AAI est instituée par la loi. Les règles relatives à la composition, aux attributions et aux principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des AAI sont également fixées par la loi.

La loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes prévoit ainsi les règles de déontologie et de fonctionnement applicables aux AAI. Ces règles doivent être précisées dans un règlement intérieur, adopté par le collège de l’autorité sur proposition de son président et publié au Journal officiel, en application de l’article 14 de cette loi ([6]). Le règlement intérieur détermine les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas échéant, à ses collaborateurs ou experts, conformément à l’article 13 de la même loi. L’ASN s’est ainsi dotée d’une charte de déontologie des commissaires et des agents, annexée à son règlement intérieur et applicable à l’ensemble de ses agents, ainsi que d’un référent déontologue.

Par ailleurs, l’article 16 de la loi précitée prévoit que toute AAI dispose de services placés sous l’autorité de son président, sous réserve des exceptions prévues par la loi pour les services qui sont chargés de l’instruction ou du traitement des procédures de sanction et de règlement des différends.

Enfin, en cas de conflit d’intérêts, des règles de déport des membres d’une AAI sont prévues par l’article 12 de la même loi.

Le président de l’ASN est chargé, en application de l’article L. 592-9 du code de l’environnement, de prendre les mesures appropriées pour assurer le respect par les membres du collège de l’ASN de leurs obligations en matière de déontologie résultant de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 précitée. L’article L. 592-2 du même code précise que le collège de l’autorité est composé de cinq membres nommés par décret du Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable. Ils sont irrévocables et astreints à un devoir d’impartialité.

En application de l’article L. 592-13 du même code, le règlement intérieur de l’ASN prévoit les conditions dans lesquelles le collège de l’autorité peut donner délégation de pouvoirs à son président ou, en son absence, à un autre membre du collège, ainsi que celles dans lesquelles le président peut déléguer sa signature à des agents des services de l’autorité. Toutefois, ni les décisions à caractère règlementaire, ni les avis sur les projets de décret ou d’arrêté ministériel ne peuvent faire l’objet de délégation. Les décisions les plus importantes, comme la mise en service ou les prescriptions applicables aux principales installations nucléaires, relèvent de la seule compétence du collège de l’ASN. Comme indiqué dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « ce dispositif ne peut raisonnablement être mis en œuvre que pour un nombre restreint de dossiers, ceux à plus forts enjeux (une quarantaine par an par rapport aux 2 500 décisions annuelles prises par l’autorité) ». Les autres décisions sont déléguées aux services de l’ASN, placés sous la responsabilité de son directeur général.

B.   L’IRSN s’est doté de dispositifs destinés à éviter tout conflit d’intérêts

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial (Epic) placé sous la tutelle conjointe des ministères chargés de la transition écologique, de l’énergie, des armées, de la recherche et de la santé.

L’Institut s’appuie sur ses activités de recherche pour développer et consolider ses missions d’expertise, de surveillance et d’intervention en situation d’urgence. Il est amené pour cela à effectuer une grande partie de ses recherches dans le cadre de projets en partenariat avec le monde académique, mais également avec les industriels du secteur nucléaire. Des accords de collaboration ou des accords-cadres pluriannuels ont notamment été mis en place avec Électricité de France (EDF), Framatome ou Orano afin de mieux connaître les matériaux et équipements des installations nucléaires et de définir des programmes de recherche à la lumière des perspectives industrielles.

Afin de prévenir tout conflit d’intérêts avec les industriels opérant dans son domaine d’expertise, l’IRSN s’est doté d’une charte d’éthique et de déontologie, prévue à l’article R. 592-48 du code de l’environnement. L’édition initiale de la charte, datée de juin 2013, a été actualisée en 2022 pour couvrir « les différents enjeux déontologiques auxquels l’Institut est confronté dans le cadre de ses missions (la rigueur scientifique, l’indépendance, l’intégrité, l’impartialité et le conflit d’intérêts) » ([7]). Le chapitre « Indépendance » de la charte prévoit notamment que « l’IRSN réalise ses missions en étant guidé par des considérations scientifiques et techniques, indépendamment de tout intérêt politique, économique ou commercial particulier. Il s’assure de l’absence de tout conflit d’intérêts susceptible d’influencer son jugement et de remettre en cause son objectivité » (point 3) et que « l’indépendance de l’Institut se traduit dans les contrats d’études ou recherches, en particulier avec des industriels du secteur nucléaire ou radiologique, où l’IRSN stipule l’impératif de sa libre interprétation des résultats qu’il a produits » (point 8).

Une commission d’éthique et de déontologie, prévue à l’article R. 592‑56 du code de l’environnement, est chargée de conseiller le conseil d’administration de l’IRSN pour la rédaction de la charte et de suivre son application. La charte a ainsi fait l’objet d’un avis favorable de la commission d’éthique et de déontologie le 3 octobre 2022, avant d’être approuvée par le conseil d’administration de l’IRSN le 8 décembre 2022.

C.   l’information du public et la transparence sont essentielles à l’acceptabilité du nucléaire

1.   Les règles de transparence au sein de l’ASN

Les avis et décisions délibérés par le collège de l’ASN sont rendus publics dans le respect des règles de confidentialité prévues par la loi, conformément à l’article L. 592-27 du code de l’environnement. L’article 15 du règlement intérieur de l’autorité précise qu’ils sont publiés au Bulletin officiel et sur le site internet de l’ASN.

Le président de l’ASN doit également rendre compte des activités de l’autorité à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), en application des articles L. 592-30 et L. 592-31 du code de l’environnement.

La transparence au sein de l’ASN est également assurée par la publication des avis des groupes permanents d’experts, prévus à l’article 20 de son règlement intérieur. Ces groupes, constitués d’experts issus d’organismes de sûreté français et étrangers, d’industriels, d’universitaires et d’experts non institutionnels, permettent une confrontation des points de vue et apportent à l’autorité un éclairage indépendant en vue de sa prise de décision. Bien qu’elle ne constitue pas une obligation juridique, la publication des avis des groupes depuis 2009 contribue à renforcer la transparence des décisions de l’ASN.

2.   Les règles de transparence au sein de l’IRSN

L’article L. 592-47 du code de l’environnement dispose que l’IRSN contribue à l’information du public. Cette information se matérialise par des obligations de publication. Ainsi, lorsqu’ils ne relèvent pas de la défense nationale, l’Institut publie les avis rendus sur saisine d’une autorité publique ou de l’ASN, en concertation avec l’autorité concernée.

Chaque avis présente, pour le sujet ou le dossier expertisé, la position que l’IRSN adresse à cette autorité, au terme de son instruction scientifique et technique en matière d’évaluation et de maîtrise des risques, ainsi que ses éventuelles recommandations. Les avis émis sur saisine de l’ASN sont publiés bimensuellement sur le site internet de l’IRSN.

L’article R. 592-41 du code de l’environnement prévoit par ailleurs que l’IRSN organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont il a l’initiative. Cet article charge également l’Institut d’organiser, par voie électronique, la publicité des données scientifiques résultant de ces programmes de recherche. Il contribue enfin à la transparence et à l’information du public en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, notamment en élaborant et en rendant public un rapport annuel d’activité.

II.   Le texte initial du projet de loi

L’article 2 du projet de loi initial renvoie au règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) la définition de ses règles d’indépendance, de transparence et de déontologie.

A.   Dispositions relatives à l’indépendance de l’ASNR

Le  du présent article 2 crée un nouvel article L. 592-13-1 du code de l’environnement afin de préciser les règles nécessaires à l’indépendance de l’ASNR.

Cet article dispose tout d’abord que le règlement intérieur de l’ASNR définit les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des articles 12 à 14 de la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, y compris en ce qui concerne les activités d’expertise et de recherche, afin de prévenir les conflits d’intérêts. Il s’agit des règles relatives au déport des membres de l’ASNR en cas de conflit d’intérêts (article 12), des règles déontologiques applicables à ses agents, collaborateurs ou experts (article 13) et des règles d’organisation, de fonctionnement et de déontologie de l’autorité (article 14).

Ces règles, déjà applicables à l’ASN, sont donc étendues aux activités d’expertise et de recherche qui étaient exercées en partie par l’IRSN.

Le nouvel article L. 592-13-1 du code de l’environnement prévoit par ailleurs que le règlement intérieur de l’ASNR définit les modalités de fonctionnement et les règles propres à distinguer le processus d’expertise et d’instruction conduit par ses services, d’une part, du processus d’élaboration des avis et décisions délibérés par son collège, d’autre part. Seraient ainsi concernés les près de quarante avis ou décisions pris par le collège chaque année.

Comme cela a été indiqué au rapporteur lors de ses auditions, un groupe de travail, piloté par les comités de direction de l’ASN et de l’IRSN, a été spécifiquement mis en place afin de définir les modalités de cette distinction.

B.   Dispositions relatives à la transparence des décisions de l’ASNR

Le  du présent article 2 crée un nouvel article L. 592-14 du code de l’environnement afin de préciser les règles de transparence des décisions de la nouvelle autorité.

Cet article renvoie au règlement intérieur de l’ASNR la définition des modalités de publication des résultats de ses activités d’expertise et d’instruction dans l’ensemble de ses domaines de compétence.

Le règlement intérieur constitue en effet le support approprié pour identifier précisément, en fonction de la nature des dossiers et décisions traités par l’ASNR, la nature des documents rendus publics et le cadencement temporel de leur publication. Ainsi, comme précisé dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « pour les dossiers présentant le plus d’enjeu, ce règlement intérieur pourra prévoir la publication des conclusions de l’expertise et de l’instruction au moment de la consultation du public sur le projet de décision, afin de contribuer à l’éclairer dans le cadre de cette participation – ce qui contribuera à renforcer l’information du public tout au long du processus de décision. Pour des dossiers techniques de longue durée et à forts enjeux, comme les expertises en matière sismique ou le suivi des phénomènes de corrosion sous contrainte, des publications régulières sur l’avancée des connaissances pourront être prévues, sans nécessairement qu’elles ne soient liées à un acte juridique particulier. À l’autre extrémité du spectre en termes de durée d’instruction, pour les modifications ponctuelles de règles d’exploitation dans une installation donnée, ou pour les quelques centaines d’autorisations délivrées chaque année pour l’exercice d’activités nucléaires par le secteur médical ou les industries classiques, il pourra être retenu d’en rendre compte de manière synthétique dans le rapport annuel de la future autorité présenté à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) ».

Par ailleurs, le nouvel article L. 592-14 précité précise que les avis rendus à la demande du Gouvernement, des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ou de l’Opecst sont rendus publics dans des conditions définies par leur destinataire.

Enfin, ce nouvel article prévoit que l’ASNR organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative, sous réserve des secrets protégés par la loi. Le même devoir de transparence qu’aujourd’hui s’applique donc au champ plus large des compétences de la nouvelle autorité.

C.   Dispositions relatives à la déontologie au sein de l’ASNR

Le  du présent article 2 réécrit l’article L. 592-13 du code de l’environnement afin de clarifier la répartition des responsabilités entre le président de l’ASNR, le collège et la commission des sanctions. Ainsi, hormis celles expressément confiées à la commission des sanctions ou au président de l’ASNR, les attributions de l’autorité sont exercées par son collège, selon le premier alinéa de l’article.

Le deuxième alinéa de l’article L. 592-13 reprend en les précisant les dispositions relatives au contenu du règlement intérieur qui figuraient déjà à cet article. Ainsi, le règlement intérieur de l’ASNR prévoit les conditions dans lesquelles le collège de l’autorité peut donner délégation de pouvoirs à son président ou, en son absence, à un autre membre du collège, ou à un membre des services de l’autorité, ainsi que celles dans lesquelles le président peut déléguer sa signature à des agents des services de l’autorité. Toutefois, ni les décisions à caractère règlementaire, ni les avis sur les projets de décret ou d’arrêté ministériel ne peuvent faire l’objet de délégation.

III.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté quatorze amendements au présent article 2.

● La commission a tout d’abord souhaité renforcer la distinction entre expertise et décision par l’adoption de l’amendement COM-11 du rapporteur M. Pascal Martin (Union Centriste) modifiant le nouvel article L. 592-13-1 du code de l’environnement, créé par le .

Tout d’abord, cet amendement étend le champ de la distinction entre le processus d’expertise et d’instruction par les services, d’une part, et le processus d’élaboration des avis et des décisions, d’autre part, à l’ensemble des dossiers faisant l’objet d’une expertise, soit environ 300 dossiers par an. Dans la version initiale de l’article, une telle distinction était prévue uniquement pour les avis et décisions du collège, soit environ quarante décisions par an. Le rapporteur salue cette avancée du Sénat, qui permet notamment d’inclure des décisions importantes comme le redémarrage des centrales nucléaires.

De plus, cet amendement remplace la distinction de processus par une distinction de responsabilités. Il est ainsi précisé que la personne responsable de l’expertise devra être distincte de la personne ou des personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision.

Enfin, les modalités de distinction et d’interaction entre les personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés des activités d’élaboration de la décision et de prise de décision sont renvoyées au règlement intérieur.

● Une commission d’éthique et de déontologie est mise en place au sein de la nouvelle autorité par les amendements identiques COM-25 du rapporteur M. Pascal Martin, COM-78 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques M. Patrick Chaize (Les Républicains) et COM-32 rect. de M. Ronan Dantec (Écologiste, Solidarité et Territoires).

Le rôle de cette commission est défini dans un nouvel article L. 592-13-2 du code de l’environnement, ajouté au du présent article 2. Elle serait chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur et d’en suivre l’application. Elle veillerait en particulier au respect des principes de distinction entre expertise et décision et de publication des résultats des expertises et des avis prévus par la loi.

Le rapporteur tient à rappeler qu’une telle commission existe déjà au sein de l’IRSN, en application de l’article R. 592-56 du code de l’environnement.

● L’existence des groupes permanents d’experts est consacrée au niveau législatif par les amendements identiques COM-5 du rapporteur M. Pascal Martin et COM-85 du rapporteur pour avis M. Patrick Chaize. Le  du présent article 2 est ainsi complété par un nouvel article L. 592-13-3 du code de l’environnement qui précise que l’ASNR s’appuie en tant que de besoin sur des groupes permanents d’experts, nommés à raison de leurs compétences. Les modalités de nomination de ces experts et les règles propres à assurer la diversité de l’expertise et à prévenir les conflits d’intérêts sont renvoyées au règlement intérieur de l’autorité.

L’importance de ces groupes permanents d’experts est mise en avant par le rapport de l’Opecst de juillet 2023 sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN, rédigé par le rapporteur et M. le sénateur Stéphane Piednoir ([8]). Les auteurs du rapport suggèrent ainsi que le rôle de ces groupes « pourrait à l’avenir être renforcé et étendu à des sujets plus diversifiés. L’encouragement de la confrontation et de la diversité des expertises, ainsi que la publication ouverte de leurs résultats, pourrait significativement renforcer la confiance du public en favorisant une plus grande transparence dans le processus décisionnel ».

● L’amendement COM-4 du rapporteur M. Pascal Martin modifie l’article L. 592-14 du code de l’environnement, réécrit par le du présent article 2, afin de consacrer dans la loi le principe de publication des résultats des expertises réalisées par l’ARSN et des avis des groupes permanents d’experts. Il reviendra par la suite au règlement intérieur de définir les modalités de mise en œuvre de ces dispositions.

Là encore, cette disposition nouvelle s’inspire d’une recommandation du rapport précité de l’Opecst en faveur du maintien d’un « même niveau élevé d’information et de transparence » et d’« une publication distincte des rapports d’expertise ». Le rapport préconisait également une « publication ouverte » des résultats des groupes permanents d’experts.

● Afin de mieux prévenir tout conflit d’intérêts avec les industriels du secteur nucléaire, le  nouveau, qui résulte de l’adoption de l’amendement COM‑13 du rapporteur M. Pascal Martin, complète l’article L. 592‑16 du code de l’environnement afin de faciliter le déport du président de l’ASNR, membre du collège décisionnaire, sur les conventions signées avec les industriels. Les conditions dans lesquelles le président peut donner délégation de pouvoir à un membre des services de l’autorité en matière de passation de convention doivent être définies dans le règlement intérieur de l’autorité.

● Les amendements identiques COM-24 du rapporteur M. Pascal Martin, COM-45 rect. de M. Ronan Dantec (Écologiste, Solidarité et Territoires) et COM46 rect. de M. Daniel Fargeot (Union Centriste) modifient l’article L. 59213 du code de l’environnement, réécrit par le du présent article 2, afin d’étendre à l’ensemble des personnels de l’ASNR, et non à ses seuls agents, la possibilité d’être délégataires de la signature du président. Cette modification est justifiée par le fait le personnel de la future autorité sera à la fois composé d’agents publics (fonctionnaires et contractuels) et de salariés de droit privé.

 Enfin, les amendements identiques COM-12 du rapporteur M. Pascal Martin et COM-76 du rapporteur pour avis M. Patrick Chaize ainsi que l’amendement COM-10 du rapporteur M. Pascal Martin procèdent à des modifications rédactionnelles.

B.   L’examen en séance publique

Le Sénat n’a pas modifié l’article 2 en séance publique.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté treize amendements à l’article 2.

● L’amendement CD378 du rapporteur permet de clarifier la distinction entre expertise et décision. En effet, le groupe de travail ad hoc chargé de se pencher sur les modalités cette distinction, mis en place dans le cadre des travaux de préfiguration de la nouvelle autorité et réunissant des membres de l’IRSN et de l’ASN, est arrivé à un consensus permettant de garantir la qualité des résultats de l’expertise et de la prise de décision. Ce consensus correspond au principe selon lequel la personne validant l’expertise doit être distincte de la personne signant la décision ou proposant le projet de décision au collège de la nouvelle autorité. Les amendements identiques CD429 du rapporteur et CD332 de M. Emmanuel Maquet (Les Républicains) procèdent à une modification rédactionnelle de cohérence.

● Les amendements identiques CD380 du rapporteur et CD361 de M. Anthony Brosse (Renaissance) clarifient les missions de la commission d’éthique et de déontologie. Il convient en effet de ne pas limiter ses attributions à des points particuliers, afin de ne pas omettre d’autres éléments qui relèvent manifestement de ses attributions comme, par exemple, la gestion des éventuels conflits d’intérêts des personnels. Aussi, afin de permettre à la commission de jouer pleinement son rôle de mise en œuvre du cadre déontologique applicable aux autorités administratives indépendantes, ces amendements permettent une saisine de la commission sur l’ensemble des questions entrant dans le champ des articles 13 et 14 de la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, c’est-à-dire sur les règles déontologiques applicables aux agents et, le cas échéant, aux collaborateurs ou experts de l’autorité, ainsi que sur les règles d’organisation, de fonctionnement et de déontologie de l’autorité, définies dans le règlement intérieur.

● Tout en maintenant le principe de publication des résultats d’expertise et des avis des groupes permanents d’experts, consacré dans la loi par le Sénat, l’amendement de précision rédactionnelle CD383 du rapporteur renvoie les règles et modalités de publication au règlement intérieur de l’autorité.

● Enfin, la commission a adopté sept amendements rédactionnels CD375, CD376, CD377, CD382, CD384, CD385 et CD386 du rapporteur.

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Article 2 bis
Règles de parité applicables à la composition du collège de l’ASNR

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 2 bis du projet de loi, introduit par le Sénat en commission, clarifie les règles de parité au sein du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

I.   Le droit en vigueur

La composition du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est définie à l’article L. 592-2 du code de l’environnement.

Ce collège est composé de cinq membres nommés par décret du Président de la République en raison de leur compétence dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, pour une durée de six ans.

Parmi ces cinq membres, trois d’entre eux, dont le président, sont désignés par le Président de la République. Les deux autres membres sont désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat (alinéa 2 de l’article L. 592-2 précité).

Ces désignations doivent respecter les exigences de parité qui découlent de l’article 74 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et de l’ordonnance n° 2015-948 du 31 juillet 2015 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, prise sur son fondement. Ces exigences de parité trouvent donc à s’appliquer dans les autres autorités administratives indépendantes : il en est ainsi, par exemple, au sein du collège de la Commission de régulation de l’énergie (art. L. 132-2 du code de l’énergie).

Le troisième alinéa de l’article L. 592-2 précité dispose que, parmi les trois membres nommés par le Président de la République, l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes ne doit pas être supérieur à un. Pour les deux autres membres, le membre succédant à une femme doit être un homme et réciproquement.

Ces règles ne garantissent pas, en elles-mêmes, une parité effective au sein du collège de l’ASN. En effet, jusqu’en décembre 2023, le collège était composé de trois femmes et deux hommes. À cette date, le Président du Sénat devait désigner un homme et le Président de la République avait la faculté de désigner également un homme. Si tel avait été le cas, le collège aurait été composé de quatre hommes et une seule femme.

Composition du collège au 9 décembre 2023

Source : ASN

Le Président de la République a toutefois nommé une femme, de sorte que le collège est aujourd’hui composé de trois hommes et deux femmes, mais cette composition paritaire aurait pu ne pas être respectée.

Composition du collège au 30 janvier 2024

Source : ASN

II.   LEs dispositions adoptées par le Sénat

● L’article 2 bis résulte de l’adoption, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, d’un amendement portant article additionnel COM-90 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques M. Patrick Chaize (Les Républicains).

Il permet de maintenir une composition paritaire au sein de la nouvelle autorité en modifiant les règles de désignation qui doivent être respectées par le Président de la République. Désormais, celui-ci devra désigner les membres relevant de son pouvoir de nomination de telle sorte qu’au sein des membres du collège, hors président, il y ait le même nombre d’hommes que de femmes.

L’article 2 bis modifie le troisième alinéa de l’article L. 592-2 précité en ce sens.

● En séance publique, le Sénat a adopté l’article 2 bis sans modification.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté l’article 2 bis sans modification.

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Article 2 ter (supprimé)
Précisions sur l’activité de la commission des sanctions dans le rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Supprimé par la commission

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 2 ter dispose que le rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) doit rendre compte des activités de sa commission des sanctions. Cet article a été introduit sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de suppression de l’article 2 ter, proposé par le rapporteur. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet amendement de suppression.

  1.   LE DROIT EN VIGUEUR

A.   L’AUTORITÉ DE sûreté NUCLÉAIRE (ASN) ÉTABLIT UN RAPPORT ANNUEL d’ACTIVITÉ

L’article L. 592-31 du code de l’environnement, issu de dispositions de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (dite loi « TSN »), prévoit que l’ASN établisse un rapport annuel d’activité qu’elle transmet à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). À cette occasion, l’ASN exprime son avis sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Par ailleurs, à la demande de l’OPECST, le président de l’ASN rend compte des activités de celle-ci ([9]).

B.   L’EXISTENCE D’UNE COMMISSION DES SANCTIONS AU SEIN DE L’ASN

L’article L. 592-41 du code de l’environnement institue, au sein de l’ASN, une commission des sanctions.

Celle-ci existe depuis octobre 2021. Elle est constituée de huit membres dont quatre membres titulaires, issus du Conseil d’État et de la Cour de cassation, et quatre membres suppléants. Leur mandat est limité à six ans, renouvelable une fois ([10]).

La commission des sanctions se réunit sur saisine du collège de l’ASN : celui-ci peut décider d’ouvrir une procédure contre un exploitant d’installation nucléaire de base ou d’équipement sous pression nucléaire, un responsable de transport de substances radioactives ou un responsable d’activités nucléaires réglementées par le code de la santé publique ([11]) n’ayant pas pris les mesures satisfaisantes en réponse à une mise en demeure. La commission des sanctions peut alors prononcer des sanctions administratives, dont le montant est fonction de la gravité des manquements constatés.

C.   LA LOI « NUCLÉAIRE » AVAIT PRÉVU D’INTÉGRER L’ACTIVITÉ DE LA COMMISSION DES SANCTIONS DANS LE RAPPORT ANNUEL DE L’ASN

L’article 27 du projet de loi « Nucléaire » prévoyait que le rapport annuel de l’ASN rende compte des activités de la commission des sanctions. Le Conseil constitutionnel a toutefois invalidé cette disposition sur le fondement du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution, considérant qu’il s’agissait d’un cavalier législatif ([12]).

II.   leS dispositIons adoptÉes par le sénat

L’article 2 ter résulte de l’adoption de l’amendement COM-91 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques du Sénat, Patrick Chaize (LR). Cet amendement a été adopté en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (CATDD). Il reprend à l’identique les dispositions censurées de l’article 27 de la loi « Nucléaire », en prévoyant que le rapport annuel de l’ASN comporte un compte rendu de l’activité de la commission des sanctions de l’autorité.

Aucun amendement n’a été adopté par le Sénat en séance publique.

Il peut être relevé que le rapport annuel de l’ASN fait état du rôle et des activités de la commission des sanctions ([13]). Plus généralement :

– l’article L. 592-29 du code de l’environnement permet à l’OPECST, aux commissions permanentes compétentes du Parlement et au Gouvernement de saisir l’ASN pour qu’elle formule des avis ou réalise des études sur les questions relevant de sa compétence ;

– l’article L. 592-30 du code de l’environnement prévoit que le président de l’ASN rende compte des activités de celle-ci à la demande de l’OPECST ;

– l’article L. 592-31 du code de l’environnement prévoit la transmission du rapport annuel d’activité de l’ASN à l’OPECST. À cette occasion, l’ASN doit se prononcer sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;

– enfin, l’OPECST et les commissions de chaque assemblée parlementaire demeurent libres de la fixation de leur ordre du jour et peuvent auditionner l’ASN quand elles le souhaitent.

III.   LES TRAVAUX DE la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement de suppression CE97 du rapporteur pour avis et a en conséquence supprimé l’article 2 ter. En effet, l’ASN réalise déjà un bilan d’activité de la commission des sanctions dans son rapport annuel. De plus, il n’est pas du ressort de la loi de préciser le contenu de ce rapport. Enfin, comme cela a été rappelé supra, l’OPECST dispose déjà de tous les pouvoirs de contrôle nécessaires si elle souhaite obtenir des informations complémentaires sur l’activité de cette commission des sanctions.

Suivant l’avis de la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a supprimé l’article 2 ter.

 


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Article 3
Activités pouvant être exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 3 du projet de loi précise certaines activités exercées par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), notamment en matière de recherche, de formation ou de traitement de données, issues de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Cet article a été enrichi par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, en prévoyant notamment la mise en place d’un conseil scientifique au sein de la nouvelle autorité.

I.   Le droit en vigueur

A.   La mission de recherche de l’IRSN

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), exerce, à l’exclusion de toute responsabilité d’exploitant d’installation nucléaire de base, des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire, en application de l’article L. 592-45 du code de l’environnement. Ces missions sont détaillées à l’article R. 592-39 du même code.

Missions d’expertise et de recherche de l’IRSN
(article R. 592-39 du code de l’environnement)

Au titre de ses missions, l’IRSN :

– réalise des expertises, des recherches et des travaux, notamment d’analyses, de mesures ou de dosages, pour des organismes publics ou privés, français ou étrangers ;

– définit des programmes de recherches, menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche français ou étrangers, en vue de maintenir et développer les connaissances et compétences nécessaires à l’expertise dans ses domaines d’activité ;

– contribue à la formation en radioprotection des professionnels de santé et des personnes professionnellement exposées ;

– apporte un appui technique à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense et aux autorités et services de l’État qui en font la demande ;

– propose à l’ASN, au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, en cas d’incident ou d’accident impliquant des sources de rayonnements ionisants, des mesures d’ordre technique, sanitaire et médical propres à assurer la protection de la population, des travailleurs et de l’environnement et à rétablir la sécurité des installations. Dans de telles circonstances, l’Institut fournit également, en tant que de besoin, un appui technique aux autres autorités de l’État concernées ;

– participe à la veille permanente en matière de radioprotection, notamment en concourant à la surveillance radiologique de l’environnement et en assurant la gestion et l’exploitation des données dosimétriques concernant les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants ;

– assure la gestion de l’inventaire des sources de rayonnements ionisants ;

– assure la comptabilité centralisée des matières nucléaires pour les autorités de l’État chargées de la protection et du contrôle des matières nucléaires non affectées aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique de dissuasion et pour les autorités de l’État chargées des accords internationaux de coopération et de non-prolifération nucléaire ;

– apporte son concours technique aux autorités de l’État chargées de la protection et du contrôle des matières nucléaires, de leurs installations et de leur transport ainsi que de l’interdiction des armes chimiques.

L’existence d’un important secteur électronucléaire en France ainsi que le recours croissant aux rayonnements ionisants dans les domaines de la recherche, de l’industrie ou de la santé supposent pour l’IRSN de disposer d’experts de haut niveau, afin de contribuer au progrès des connaissances scientifiques et techniques dans le domaine des risques nucléaires et radiologiques. L’activité de recherche de l’Institut lui permet également de développer et de consolider ses facultés d’expertise, de surveillance et d’intervention en situation d’urgence.

Cette double activité d’expertise et de recherche, partagée par d’autres organismes d’évaluation des risques comme l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ou le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), garantit une expertise tenant compte des dernières avancées de la recherche, tout en contribuant à l’attractivité de l’Institut.

Par ailleurs, le statut d’Epic favorise les activités de recherche de l’IRSN. Doté de la personnalité morale, l’Institut peut conclure des partenariats avec d’autres établissements de recherche, des établissements de santé, mais également avec les industriels du secteur nucléaire. Ainsi, la plupart des programmes de recherche menés par l’IRSN sont conçus dans une approche partenariale avec des universités, des laboratoires ou des organismes techniques de sûreté nucléaire. Ils s’inscrivent également dans le cadre de dispositifs tels que le programme « Recherche en matière de sûreté nucléaire et radioprotection » de l’Agence nationale de la recherche ou le programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe » de la Commission européenne. Ces dispositifs de financement à l’échelle nationale ou européenne contribuent au développement d’une recherche de haut niveau et favorisent l’émergence de partenariats nationaux, européens et internationaux. Avec les industriels, des accords de collaboration ou des accords‑cadres pluriannuels ont notamment été mis en place avec Électricité de France (EDF), Framatome ou Orano afin de mieux connaître les matériaux et équipements des installations nucléaires et de définir des programmes de recherche à la lumière des perspectives industrielles.

Enfin, la politique de recherche de l’IRSN s’appuie sur un conseil scientifique, prévu à l’article R. 592-54 du code de l’environnement. Ce conseil examine, pour avis, les programmes d’activités de l’établissement. Il s’assure de la pertinence des programmes de recherche que définit l’établissement et de leur suivi. Il évalue leurs résultats et peut formuler toute recommandation sur l’orientation des activités de l’Institut. En outre, un comité d’orientation des recherches est chargé de conseiller le conseil d’administration en matière d’objectifs et de priorités pour les recherches menées par l’établissement dans les champs de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, à l’exclusion des domaines relevant de la défense, conformément à l’article L. 592-50 du même code.

B.   L’ASN s’appuie sur les travaux de recherche de l’IRSN

Aux termes de l’article L. 592-31-1 du code de l’environnement, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) suit les travaux de recherche et de développement menés aux plans national et international pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Elle formule toutes propositions ou recommandations sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ces propositions et recommandations sont communiquées aux ministres et aux organismes publics exerçant les missions de recherche concernés, afin qu’elles soient prises en compte dans les orientations et la définition des programmes de recherche et de développement d’intérêt pour la sûreté nucléaire ou la radioprotection.

L’article L. 592-46 du même code précise que, pour la réalisation de ses missions, l’ASN a recours à l’appui technique, sous la forme d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche, de l’IRSN. L’autorité oriente la programmation stratégique relative à cet appui technique.

Dans ce cadre, des dispositions encadrent l’accès et la divulgation de données relatives aux rayonnements ionisants. Ainsi, l’article L. 592-46-1 du code de l’environnement prévoit que lorsque l’IRSN est chargé, à la demande de l’ASN ou d’une autre autorité publique, d’une mission d’expertise d’une situation d’exposition potentielle ou avérée aux rayonnements ionisants, il accède, à sa demande et dans des conditions préservant la confidentialité des données à l’égard des tiers, aux informations qui lui sont strictement nécessaires, sans que puisse lui être opposé le secret médical ou le secret des affaires. Seuls les personnels de l’IRSN habilités à cet effet par le directeur général de l’Institut ont accès à ces données. L’article L. 592-48 du même code prévoit quant à lui que les personnels, collaborateurs occasionnels et membres des conseils et commissions de l’Institut sont tenus, sous peine de sanctions pénales, de ne pas divulguer les informations liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès.

Enfin, l’ASN s’appuie sur un comité scientifique composé de personnalités scientifiques reconnues dans leur domaine et nommées par le collège. Ce comité est chargé de lui apporter une vision des travaux de recherche et de développement menés aux plans national et international pour la sûreté nucléaire et la radioprotection, ainsi que la connaissance des axes stratégiques de recherche, en particulier ceux des ministères et des organismes publics impliqués dans la recherche (orientations stratégiques des organismes, appels à projets…) ([14]).

II.   Le texte initial du projet de loi

La future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) devant disposer du statut d’autorité administrative indépendante, les règles relatives à ses attributions doivent être fixées par la loi, comme le prévoit l’article 1er de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.

Le présent article 3 procède donc aux adaptations législatives nécessaires à la reprise, par la nouvelle autorité, d’un certain nombre d’activités de l’IRSN, en particulier en matière de recherche, mais également de formations ou de délivrance d’habilitations.

Le I crée trois nouveaux articles L. 592-14-1 à L. 592-14-3 du code de l’environnement afin de permettre à l’ASNR, comme c’est le cas aujourd’hui de l’IRSN :

– d’exercer des activités nucléaires, à l’exception de celles soumises au régime des installations nucléaires de base (nouvel article L. 592-14-1) ;

– de dispenser certaines activités commerciales telles que la formation, la délivrance d’attestations, d’agréments, d’habilitations, de qualifications ou de certifications professionnelles, de mettre en œuvre des procédures d’évaluation ou de contrôle de la conformité des équipements de travail et des équipements de protection individuelle, d’assurer la gestion de données d’intérêt public pouvant comprendre des données à caractère personnel et de santé.

Ces activités peuvent donner lieu à des rémunérations pour services rendus, selon des règles de déontologie définies par le règlement intérieur de la nouvelle autorité (nouvel article L. 592‑14‑2) ;

– de bénéficier, pour la réalisation de ses expertises, de l’appui technique des services de l’État et de ses établissements publics compétents (nouvel article L. 592-14-3).

Le II rétablit l’article L. 592-15 du code de l’environnement pour prévoir que l’ASNR est assimilée à un établissement public de recherche. La nouvelle autorité bénéficiera ainsi de toutes les prérogatives attachées à ce statut, notamment pour pouvoir employer différents profils de chercheurs (doctorants, chercheurs en mission, chercheurs étrangers…) ou pour conclure des partenariats de recherche et participer à des programmes de recherche, comme c’est actuellement le cas de l’IRSN.

Le  du III transfère à l’ASNR les missions de l’IRSN relatives aux rayonnements ionisants. Les nouveaux articles L. 592-24 à L. 592-24-3 du code de l’environnement prévoient ainsi :

– que la nouvelle autorité assure, en lien avec le ministère du travail, la gestion et l’exploitation des données des mesures de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants (nouvel article L. 592-24) ;

– que ses agents, collaborateurs occasionnels et cocontractants sont tenus, sous peine de sanctions pénales, de ne pas divulguer les informations nominatives liées aux données dosimétriques individuelles auxquelles ils ont accès (nouvel article L. 592-24-1) ;

– en cas d’expertise d’une situation d’exposition aux rayonnements ionisants, que ses agents accèdent aux informations qui leur sont strictement nécessaires, sans que puisse leur être opposé le secret médical ou le secret en matière industrielle ou commerciale (nouvel article L. 592-24-2) ;

– que la nouvelle autorité gère l’inventaire des sources de rayonnements ionisants et y assure l’accès aux agents de contrôle de l’inspection du travail et aux inspecteurs de la radioprotection (nouvel article L. 592-24-3).

Un nouvel article L. 592-24-4 du code de l’environnement, également créé par le du III, précise que l’ASNR apporte son appui technique au Gouvernement, aux autorités publiques, aux services de santé de prévention et de santé au travail ainsi qu’aux employeurs.

Le du III complète l’article L. 592-28 dudit code pour indiquer que l’ASNR participe, notamment par ses activités de recherche, aux échanges internationaux dans ses domaines de compétence.

Le du III crée une nouvelle sous-section intitulée : « Attributions en matière de recherche » au sein de la section 4 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement, relative aux attributions de l’ASNR, composée d’un unique article L. 592-28-2.

Aux termes de cet article, la nouvelle autorité suit les travaux de recherche et de développement menés, aux plans national et international, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Elle formule toutes propositions ou recommandations sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ces propositions et ces recommandations sont communiquées aux ministres et aux organismes publics exerçant les missions de recherche concernées, afin qu’elles soient prises en compte dans les orientations et la définition des programmes de recherche et de développement d’intérêt pour la sûreté nucléaire ou la radioprotection. Elle définit des programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche, français ou étrangers, en vue de maintenir et de développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions.

Les , et  du III procèdent à des modifications rédactionnelles de cohérence des intitulés des sous-sections 1, 2 et 3 de la section 4 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement, relative aux attributions de la nouvelle autorité.

III.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté cinq amendements au présent article 3.

Afin de permettre à l’ensemble des personnels d’accéder aux données dosimétriques individuelles et aux données nécessaires à l’expertise d’une situation d’exposition aux rayonnements ionisants, l’amendement COM-16 du rapporteur M. Pascal Martin (Union Centriste) remplace le terme d’« agents » par celui, plus large, de « personnels ». En effet, la nouvelle autorité sera à la fois composée d’agents publics (fonctionnaires et contractuels) et de salariés de droit privé.

La commission a également adopté quatre amendements rédactionnels COM-15 du rapporteur M. Pascal Martin, COM-81 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques M. Patrick Chaize (Les Républicains) et les amendements identiques COM-14 du rapporteur M. Pascal Martin et COM-79 du rapporteur pour avis M. Patrick Chaize.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’article 3 sans modification.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté onze amendements à l’article 3.

● L’amendement CD435, adopté par la commission des affaires économiques à l’initiative de Mme Marie-Noëlle Battistel (Socialistes et apparentés) et présenté par le rapporteur pour avis de cette commission, M. Antoine Armand (Renaissance), étend la liste des activités de l’ASNR pouvant donner lieu à des rémunérations pour services rendus. Il complète le I du nouvel article L. 592-14-2 du code de l’environnement afin de permettre à la nouvelle autorité de réaliser des travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que des activités d’expertise et de recherche en appui d’organismes publics ou privés français ou étrangers, sous réserve de ne pas se trouver en situation de conflit d’intérêts et de ne pas porter atteinte à la défense et à la sécurité nationale.

Le rapporteur partage la préoccupation des auteurs de l’amendement et considère que la liste des activités mentionnées au I du nouvel article L. 592-14-2 mériterait d’être précisée et complétée, notamment pour y intégrer les activités d’évaluation et d’analyse de certains matériels comme les filtres à charbon actifs, dont l’IRSN est le spécialiste en France, ou certains filtres à air présents dans les installations nucléaires. Pour autant, toutes les prestations réalisées aujourd’hui par l’IRSN ne pourront pas être pérennisées, principalement pour des raisons de déontologie. Dans ce contexte, la rédaction proposée par l’amendement CD435 parait a priori trop large, c’est pourquoi le rapporteur a demandé le retrait de cet amendement, au profit d’une rédaction plus précise inventoriant les activités commerciales non couvertes par la rédaction actuelle, qui pourrait faire l’objet d’un amendement en séance publique.

 La commission a en outre adopté deux amendements du rapporteur visant à permettre à l’ASNR de se positionner comme un acteur majeur de la recherche, dans la continuité des travaux internationalement reconnus de l’IRSN.

– L’amendement CD397 prévoit que la nouvelle autorité présente chaque année les programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Cet amendement améliorera l’information et le suivi de l’Opecst en matière de recherche dans le champ de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

– L’amendement CD396 dote l’ASNR d’un conseil scientifique, sur le modèle de celui qui existe aujourd’hui au sein de l’IRSN. La consécration législative de cette instance traduit la détermination de la nouvelle autorité à jouer un rôle important en matière d’activités de recherche. Ce conseil sera sollicité sur la stratégie scientifique de l’autorité ainsi que sur toute autre question relative à la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection. Il sera chargé d’évaluer la pertinence des programmes de recherche que définit l’autorité, d’en effectuer un suivi et d’évaluer leurs résultats. Il pourra en outre formuler toute recommandation sur l’orientation des activités de recherche de l’ASNR. 

● Enfin, la commission a adopté huit amendements rédactionnels CD389, CD390, CD391, CD392, CD393, CD394, CD395 et CD387 du rapporteur.

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Article 4
Dispositions relatives à la transparence, l’information et l’association du public

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 4 du projet de loi, dans sa rédaction initiale, renforce l’information du Parlement et de la société civile en prévoyant que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) présente à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) les sujets sur lesquels une association du public est organisée.

Le Sénat a complété cet article pour permettre à l’Opecst, au HCTISN et à l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) de formuler des observations sur les projets de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR. Cette disposition, qui soulève des difficultés d’ordre déontologique, a été supprimée par la commission.

I.   Le droit en vigueur

A.   L’information du public et de la société civile

Les textes internationaux, conventionnels et constitutionnels garantissent le droit à l’information et à la participation du public en matière environnementale.

La Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée le 25 juin 1998, établit le droit de toute personne d’obtenir des autorités publiques les informations qu’elles détiennent sur l’environnement.

Au niveau européen, le droit à l’information en matière nucléaire s’exerce dans le cadre défini par la directive 2014/87/Euratom du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires. Cette directive prévoit en particulier que « les États membres veillent à ce que le cadre national exige que l’autorité de réglementation compétente : […] f) fournisse des informations relatives à la sûreté nucléaire » (point 6 de la section I sur les obligations générales).

Au niveau national, l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle ([15]), prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

Le code de l’environnement comporte plusieurs dispositions relatives à l’information du public en matière nucléaire. Son article L. 592-1, qui définit la mission de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dispose que cette autorité participe à l’information du public et à la transparence dans ses domaines de compétence. À ce titre, elle rend publics les avis et décisions délibérés par son collège dans le respect des règles de confidentialité prévues par la loi, conformément à l’article L. 592-27 du même code.

Concernant l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’article R. 592-41 du code de l’environnement prévoit que la nature et les résultats des programmes de recherche menés par l’Institut font l’objet, en fonction des domaines de compétences concernés, d’une communication aux autorités chargées du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi qu’au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail.

Au-delà de ces dispositions législatives et règlementaires, l’ASN et l’IRSN mettent en œuvre, séparément ou conjointement, des concertations et des procédures de participation du public, au travers notamment de « dialogues techniques ». L’étude d’impact annexée au présent projet de loi rappelle que l’ASN est en contact étroit avec les commissions locales d’information (CLI) et souligne que la qualité des interactions est saluée par l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli). L’ASN et l’Anccli coprésident la conférence nationale des CLI qui se tient chaque année. De son côté, l’IRSN répond aux sollicitations des CLI et de l’Anccli.

Les commissions locales d’information (CLI)

Créées par une circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981, les commissions locales d’information (CLI) ont été mises en place dans les années 1980 autour de la plupart des installations nucléaires, à l’initiative des conseils départementaux. Depuis 2000, l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) représente les CLI au niveau national.

La loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire confère une base légale à ces commissions. Les CLI ont une mission générale de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire sur les personnes et sur l’environnement pour ce qui concerne les installations du site. Elles sont chargées d’assurer une large diffusion des résultats de leurs travaux, sous une forme accessible au plus grand nombre (article L. 125-17 du code de l’environnement).

Pour l’exercice de leurs missions, les CLI peuvent faire réaliser des expertises, y compris des études épidémiologiques, et faire procéder à toute mesure ou analyse dans l’environnement relative aux émissions ou rejets des installations du site. L’exploitant, l’ASN et les autres services de l’État leur communiquent tous les documents et toutes les informations nécessaires à l’accomplissement de leurs missions (article L. 125-24 du même code).

Les CLI sont financées par les collectivités territoriales et par l’ASN.

L’ASN et l’IRSN sont, en outre, associés aux travaux du HCTISN. Ils ont ainsi été largement impliqués dans la concertation réalisée de septembre 2018 à mars 2019 sous l’égide du Haut Comité dans le cadre du quatrième réexamen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts électriques (MWe) du parc nucléaire français ([16]).

Le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN)

Le HCTISN a été institué par la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.

Défini à l’article L. 125-34 du code de l’environnement, le Haut Comité est une instance d’information, de concertation et de débat sur les risques liés aux activités nucléaires et l’impact de ces activités sur la santé des personnes, sur l’environnement et sur la sécurité nucléaire. À ce titre, il peut émettre un avis sur toute question dans ces domaines ainsi que sur les contrôles et l’information qui s’y rapportent. Il peut également se saisir de toute question relative à l’accessibilité de l’information en matière de sécurité nucléaire et proposer toute mesure de nature à garantir ou à améliorer la transparence.

Le HCTISN peut être saisi par le ministre chargé de la sûreté nucléaire, par les présidents des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, par le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), par les présidents des commissions locales d’information (CLI) ou par les exploitants d’installations nucléaires de base de toute question relative à l’information concernant la sécurité nucléaire et son contrôle.

Ce Haut Comité représente l’ensemble des parties prenantes de la sécurité nucléaire. Il est composé de 40 membres listés à l’article L. 125-37 du code de l’environnement : des parlementaires, des représentants des CLI, d’associations, des exploitants, d’organisations syndicales de salariés, de personnalités qualifiées et de représentants de l’ASN, des autres services de l’État concernés et de l’IRSN.

B.   L’information du Parlement

Créé par la loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 ([17]), l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) est un organe d’information commun à l’Assemblée nationale et au Sénat composé de dix-huit députés et dix‑huit sénateurs. Il a pour mission, aux termes de la loi, « d’informer le Parlement des conséquences des choix de caractère scientifique et technologique afin, notamment, d’éclairer ses décisions ».

L’Opecst a adopté plusieurs rapports sur la sécurité nucléaire, portant notamment sur le contrôle des équipements sous pression nucléaires en 2015 ([18]), sur la sûreté de ces équipements en 2017 ([19]), ou encore sur les drones et la sécurité des installations nucléaires en 2015 ([20]).

Plus récemment, le rapporteur et le sénateur M. Stéphane Piednoir ont rédigé, au nom de l’Opecst, un rapport sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN, rendu public en juillet 2023 ([21]).

La compétence et l’expertise de l’Opecst en matière nucléaire sont reconnues par plusieurs dispositions législatives qui lui confèrent un rôle d’information et de contrôle. L’article L. 592-29 du code de l’environnement permet ainsi à l’Office parlementaire de demander à l’ASN de formuler des avis ou de réaliser des études sur des questions relevant de sa compétence. En application de l’article L. 592-30 du même code, le président de l’ASN rend compte à l’Opecst des activités de l’autorité. L’article L. 592-31 prévoit la transmission à l’Office du rapport annuel d’activité de l’ASN. L’Opecst est enfin chargé d’évaluer le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs, mis à jour tous les cinq ans, en application de l’article L. 542‑1‑2 du même code.

II.   Le texte initial du projet de loi

Le présent article 4 renforce l’association de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) et du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) à la sûreté nucléaire.

Le I crée, au sein de la section 4 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement, relative aux attributions de l’ASNR, une nouvelle sous-section intitulée « Attributions en matière d’information et de transparence », composée des articles L. 592-29 à L. 592-31.

Le II ajoute, au sein de cette nouvelle sous-section, un nouvel article L. 592‑29-1.

Le premier alinéa de cet article prévoit que l’ASNR présente à l’Opecst et au HCTISN, qui peut émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et leur en rend compte.

Le deuxième alinéa de cet article transfère à la nouvelle autorité les obligations d’information imposées à l’IRSN par l’article R. 592-41 du code de l’environnement, tout en y associant l’Opecst. Il prévoit ainsi que l’ASNR communique la nature et les principaux résultats de ses programmes de recherche aux autorités concernées, à l’Opecst, au HCTISN, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétence respectifs.

III.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté quatre amendements au présent article 4.

● L’amendement COM-82 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Patrick Chaize (Les Républicains), sous-amendé par le rapporteur M. Pascal Martin (Union Centriste), modifie le nouvel article L. 592‑29‑1 du code de l’environnement pour ajouter les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat aux bénéficiaires des obligations d’information qui s’appliquent à l’ASNR. Il prévoit, d’une part, que la transmission à l’Opecst des sujets sur lesquels une association du public est organisée se fait en lien avec ces commissions et, d’autre part, que la nature et les principaux résultats des programmes de recherche leur sont communiqués.

● Les amendements identiques COM-17 du rapporteur M. Pascal Martin et COM-83 du rapporteur pour avis M. Patrick Chaize complètent le nouvel article L. 592-29-1 précité afin de prévoir que la nouvelle autorité :

– présente son projet de décision d’adoption du règlement intérieur à l’Opecst qui peut formuler des observations ;

– transmet ce même projet au HCTISN et à l’Anccli qui peuvent également formuler des observations ;

– transmet son projet de décision de modification du règlement intérieur à l’Opecst, au HCTISN et à l’Anccli qui peuvent formuler des observations.

● Enfin, l’amendement COM-84 du rapporteur pour avis M. Patrick Chaize précise que les observations formulées par l’Opecst sur un projet de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR sont élaborées en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes des deux assemblées.

B.   L’examen en séance publique

Le Sénat n’a pas modifié l’article 4 en séance publique.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Outre trois amendements rédactionnels CD398, CD399 et CD400 du rapporteur, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté deux amendements identiques CD402 du rapporteur et CD194 de M. Antoine Armand (Renaissance), rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, afin de supprimer la disposition, introduite par le Sénat, prévoyant une transmission du projet d’adoption ou de modification du règlement intérieur de la nouvelle autorité à l’Opecst, au HCTISN et à l’Anccli, qui pouvaient formuler les observations.

Cet ajout soulevait plusieurs difficultés, en particulier sur le plan déontologique. En effet, de nombreux membres du HCTISN entretiennent des liens forts avec la future autorité : les exploitants, qui auraient été amenés à formuler un avis sur la manière dont fonctionne l’autorité chargée de les contrôler, les associations et les commissions locales d’information (CLI), dont certaines sont financées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le seront demain par la nouvelle autorité, ou encore des administrations de l’État, qui auraient été amenées à se prononcer sur le fonctionnement d’une autorité administrative indépendante. L’Anccli, quant à elle, est financée par l’ASN à hauteur de 1,2 million d’euros par an. La validation par cette association du règlement intérieur de l’autorité qui la finance pourrait être susceptible de créer des blocages pour des motivations qui ne seraient pas nécessairement liées à la sûreté. De plus, il est hétérodoxe de prévoir la consultation obligatoire d’une structure associative concernant le fonctionnement d’une autorité administrative. Enfin, de nombreuses dispositions du projet de loi permettent de mieux associer l’Opecst au suivi et au contrôle de la sûreté nucléaire, en particulier aux articles 3, 4 et 4 quater. La transmission à l’Opecst du projet de règlement intérieur ne parait donc pas indispensable, d’autant que ce règlement sera rendu public et pourra faire l’objet de recours.

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Article 4 bis (supprimé)
Rôle et composition de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs

Supprimé par la commission

 

L’article 4 bis, introduit par le Sénat en séance publique, confortait le rôle d’expert de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs auprès de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Il modifiait en outre sa composition. La commission a supprimé cet article.

I.   Le droit en vigueur

La Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2) a été instituée par la loi n° 2006‑739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. Elle a succédé à la première Commission nationale d’évaluation, créée par la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail.

Les missions et la composition de la CNE2 sont définies à l’article L. 542‑3 du code de l’environnement.

La Commission nationale est chargée d’évaluer annuellement l’état d’avancement des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs. Cette évaluation donne lieu à un rapport annuel qui fait également état des recherches effectuées à l’étranger. Il est transmis au Parlement, qui en saisit l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Le rapport est ensuite rendu public.

La CNE2 est composée de douze membres :

– six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts internationaux, désignées à parité par l’Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de l’Opecst ;

– deux personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement sur proposition de l’Académie des sciences morales et politiques ;

– quatre experts scientifiques, dont au moins un expert international, désignés par le Gouvernement sur proposition de l’Académie des sciences.

Le mandat des membres de la Commission, d’une durée de six ans, est renouvelable une fois. La Commission est renouvelée par moitié tous les trois ans.

II.   les dispositions adoptées par le sénat

L’article 4 bis résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement portant article additionnel n° 4 rect. bis de M. Stéphane Piednoir (Les Républicains), qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement.

Cet article additionnel modifie l’article L. 542-3 du code de l’environnement afin de conforter le rôle de la CNE2 et de modifier sa composition.

Le précise que l’Opecst peut demander à la Commission nationale de lui présenter une expertise sur un sujet relevant de son domaine de compétence, en dehors du seul cadre de la remise de son rapport annuel.

Le modifie la composition de la Commission pour porter de six à huit le nombre de personnalités qualifiées désignées à parité par l’Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de l’Opecst. La Commission comporterait ainsi quatorze membres, contre douze aujourd’hui.

Enfin, le prévoit que le Haut-Commissaire à l’énergie atomique soit membre de droit de la CNE2.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement CD436 de suppression de l’article 4 bis, présenté par M. Antoine Armand au nom de la commission des affaires économiques, avec un avis favorable du rapporteur.

Le de cet article, qui prévoyait que le Haut-Commissaire à l’énergie atomique soit membre de droit de la CNE2, était en effet problématique dans la mesure où ce dernier est appelé à exercer un rôle de conseil en matière de politique nucléaire auprès du Gouvernement. Il importe donc que son positionnement reste clair et qu’il n’engage pas le Gouvernement au titre des avis de la CNE2, qui est une commission indépendante. En outre, la CNE2 peut tout à fait réaliser une expertise pour l’Opecst, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi, comme le prévoyait le .

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Article 4 ter
Correction d’une erreur rédactionnelle

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 4 ter, introduit par le Sénat en séance publique, corrige une erreur rédactionnelle dans le code de l’environnement.

I.   Les dispositions adoptées par le Sénat

L’article 4 ter résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement portant article additionnel n° 5 rect. bis de M. Stéphane Piednoir (Les Républicains), qui a reçu un avis favorable du Gouvernement.

Cet amendement corrige une erreur rédactionnelle à l’article L. 592-30 du code de l’environnement, relatif à l’information de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur l’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

II.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Cet article a été adopté sans modification par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

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Article 4 quater
Transmission à l’Opecst du rapport annuel d’activité de l’ASNR

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 4 quater, introduit par le Sénat en séance publique, précise que le rapport annuel d’activité établi par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est transmis à l’Opecst avant sa publication.

I.   Le droit en vigueur

En application de l’article L. 592-31 du code de l’environnement, le rapport annuel d’activité établi par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est transmis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

À cette occasion, l’ASN se prononce sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

II.   les dispositions adoptées par le sénat

L’article 4 quater résulte de l’adoption par le Sénat, en séance publique, d’un amendement portant article additionnel n° 3 rect. bis de M. Stéphane Piednoir (Les Républicains). Le Gouvernement a donné un avis de sagesse à cet amendement.

Il complète l’article L. 592-31 du code de l’environnement afin de préciser que le rapport annuel d’activité établi par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est transmis à l’Opecst avant sa publication. Comme l’a indiqué l’auteur de l’amendement, il s’agit de mettre en accord le code de l’environnement avec la pratique existante et de garantir le maintien, à l’avenir, de cette pratique qui contribue à améliorer l’information du Parlement.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement durable a adopté l’article 4 quater sans modification.

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Section 2
Dispositions transitoires

Article 5
Transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN et continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 5 du projet de loi prévoit le transfert à titre gratuit des biens, droits et obligations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à l’État et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Cet article permet en outre d’assurer la continuité des mandats des membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au sein de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). 

I.   Le texte initial du projet de loi

Le I de l’article 5 prévoit que les biens, droits et obligations de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sont transférés à titre gratuit, en tenant compte de la réparation des attributions prévues par le présent projet de loi :

– à l’État, qui comprend l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et le ministère de la Défense, qui ne disposent pas de la personnalité morale ;

– au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Les modalités de ce transfert doivent être précisées par décret en Conseil d’État.

Il est précisé que le I ne concerne pas le transfert des salariés et des conventions et accords collectifs de l’IRSN, prévu par les articles 7 et 8 du présent projet de loi.

Afin d’assurer la continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, le II de l’article 5 prévoit de ne pas interrompre le mandat des membres du collège de l’ASN, qui deviendront, jusqu’au terme initial de leur mandat, membres du collège de la nouvelle autorité.

II.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM-67 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques M. Patrick Chaize (Les Républicains).

Cet amendement, relatif aux modalités de transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN à l’État et au CEA mentionnées au I, a trois objets :

– il prévoit que ce transfert « respecte » la répartition des attributions prévue par le présent projet de loi, et non plus qu’il en « tient compte » ;

– il précise que ce transfert ne donne lieu au versement d’aucun honoraire ;

– il prévoit la possibilité de recourir à une convention de transfert.

B.   L’examen en séance publique

Le Sénat n’a pas modifié l’article 5 en séance publique.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté trois amendements rédactionnels CD407, CD405 et CD408 du rapporteur.

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Chapitre II
Ressources humaines

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 6
Statut des personnels de la future autorité, instances et règles du dialogue social et harmonisation des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article rassemble les dispositions concernant le statut des personnels de la future autorité, les instances représentatives du personnel et les règles du dialogue social. Il est ainsi prévu une cohabitation des statuts de droit public et de droit privé des personnels au sein de la nouvelle autorité, la mise en place d’une instance de dialogue social spécifique – le comité social d’administration – compétente pour l’ensemble des personnels, l’instauration de règles d’élections professionnelles et de négociations collectives tenant compte du caractère mixte de l’autorité, et l’harmonisation des indemnités accessoires et des remboursements de frais de toute nature.

I.   Le droit en vigueur

A.   deux entités fonctionnant avec des règles différentes en matière de ressources humaines

L’Autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative indépendante (AAI) qui emploie, conformément au statut général des AAI et des autorités publiques indépendantes (API), des fonctionnaires (environ 400) et des contractuels de droit public (moins de 80 personnes). L’ASN peut, en outre, bénéficier de la mise à disposition, avec leur accord, d’agents d’établissements publics (article L. 592-12 du code de l’environnement). Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, ces agents représentent 11 % de l’effectif total de l’ASN ; ils proviennent majoritairement de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Un comité social d’administration (CSA) constitue l’instance de dialogue social de l’ASN, comme la loi le prévoit pour les administrations de l’État, y compris pour les AAI (article L. 251-2 du code général de la fonction publique). Ce CSA est chargé de l’examen des questions collectives de travail ainsi que des conditions de travail ; en son sein, une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail est mise en place. Le cadre général des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature est actuellement défini, pour l’ASN, par le code général de la fonction publique, ainsi que par des décrets d’application.

L’IRSN est, quant à lui, un établissement public industriel et commercial (EPIC), qui emploie des salariés de droit privé, pour un effectif total de 1 744 personnes en 2022. Comme dans les structures employant majoritairement des personnels de droit privé de plus de onze salariés, l’instance de dialogue social de l’IRSN est un comité social et économique (CSE). Ce CSE est compétent sur les questions individuelles et collectives de travail, ainsi qu’en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (articles L. 2312-8 à L. 2312-10 du code du travail). Sa composition et son fonctionnement sont fixés par le code du travail (articles L. 2314-1 à L. 2314-37). La fixation des conditions applicables au versement des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature est définie, au sein de l’IRSN, par un accord d’entreprise après négociation collective.

B.   les défis posés par le rapprochement des deux structures en matière de ressources humaines

L’étude d’impact annexée au projet de loi met en avant deux raisons principales pour justifier le choix d’une nouvelle autorité ouverte à plusieurs statuts de droit privé comme public, comme prévu par le présent article. La première tient à la volonté de contribuer à l’attractivité de la future autorité en conservant la diversité des viviers de recrutement. La seconde repose sur la garantie des droits des salariés et des agents publics.

Deux alternatives ont été écartées par le Gouvernement :

– le recrutement exclusif de fonctionnaires et de contractuels de droit public ne répondait pas à plusieurs besoins essentiels, notamment à la continuité des conditions d’emploi des salariés de l’IRSN et à l’attractivité de la future autorité, en particulier pour les activités de recherche ;

– le recrutement de fonctionnaires détachés sur contrat de droit privé, ainsi que de salariés de droit privé uniquement, car cette option aurait méconnu la nature publique d’une autorité administrative indépendante, tout en étant peu attractive pour les fonctionnaires de l’ASN.

Aux termes de l’article 1er de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, « la loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ». Ces dispositions donnent au législateur la compétence pour fixer les règles de recrutement du personnel des AAI. Le législateur peut donc, sans qu’aucune norme de valeur constitutionnelle ne s’y oppose, prévoir expressément la possibilité pour l’ASNR de recruter des salariés de droit privé. Cette option a notamment été retenue pour des autorités publiques indépendantes telles que l’Autorité des marchés financiers, la Haute Autorité de santé ou l’Agence française de lutte contre le dopage.

Les dispositions de la même loi organique permettent en outre au législateur d’instituer au sein de la future autorité une instance sociale sui generis (ici dénommée « comité social d’administration ») compétente pour l’ensemble des personnels, qu’ils soient de droit public ou de droit privé, et exerçant les attributions du comité social d’administration prévu par le code général de la fonction publique et celles du conseil social et économique telles que définies par le code du travail. Cette entité doit comprendre une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Cette formation est obligatoire pour les entités de plus de 200 agents (art. L. 251-3 du code général de la fonction publique, article 9 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020).

Enfin, une question se pose concernant les conditions applicables au versement des indemnités accessoires et remboursement de frais de toute nature. Faute de dispositions législatives spécifiques, l’emploi d’agents de statuts public et privé pourrait conduire à des disparités de traitement dans le fonctionnement quotidien, telles que des indemnités différentes versées pour la prise d’astreinte, des taux de remboursement différents pour les frais de déplacement des personnels en mission, etc. Il est ainsi nécessaire de prévoir une harmonisation sur tous ces sujets au sein de la future autorité.

Ce pouvoir relève en principe du pouvoir réglementaire, mais le Conseil constitutionnel a déjà indiqué, à propos de l’attribution à la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) d’un pouvoir réglementaire, que les dispositions de l’article 21 de la Constitution « ne font cependant pas obstacle à ce que le législateur confie à une autorité de l’État autre que le Premier ministre, le soin de fixer, dans un domaine déterminé et dans le cadre défini par les lois et règlements, des normes permettant de mettre en œuvre une loi » ([22]). Par conséquent, le législateur peut prévoir que le collège de la future autorité peut définir des indemnités accessoires et des modalités de remboursements de frais.

Cela nécessitera toutefois de mettre en place un modèle de support administratif et de gestion des ressources humaines intégrant la double compétence pour gérer à la fois des agents de droit public et des salariés de droit privé. Cela pourra se traduire par la constitution d’équipes spécialisées dans l’un ou l’autre des cadres de gestion, à l’instar des organisations qui possèdent cette particularité (comme la Caisse des dépôts et des consignations). La mise en place de deux commissions distinctes pour les agents de droit privé et de droit public induira en outre une charge administrative supplémentaire au titre de l’organisation et de l’animation du dialogue social pour deux commissions distinctes et des réunions plénières du CSA.

II.   le texte initial du projet de loi

La future autorité pourra recruter des personnels sous une grande diversité de statuts : salariés de droit privé, contractuels publics, fonctionnaires et statuts liés aux activités de recherche. Afin d’assurer la qualité du dialogue social, mais aussi la sécurité juridique des consultations obligatoires de l’instance prévues tant par le code général de la fonction publique que par le code du travail, il est nécessaire de légiférer pour instituer au sein du CSA deux commissions et une formation spécialisée en santé et sécurité au travail, qui ne sont pas définies dans la loi en l’état du droit actuel.

A.   Une structure faisant cohabiter fonctionnaires et salariés de droit privé

Le Gouvernement prévoit de faire cohabiter les différents statuts, publics et privés, au sein de la nouvelle autorité. Tel est l’objet de la nouvelle rédaction de l’article L. 592-12 du code de l’environnement, prévue aux alinéas 2 à 6 du présent article du projet de loi initial. Celui-ci dispose que le personnel de l’ASNR comprend des fonctionnaires, des agents contractuels de droit public, ainsi que des salariés de droit privé, dont les conditions d’emploi sont régies par le code du travail, sous réserve des dispositions de la section 3 du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement, consacrée au fonctionnement de l’ASNR, et des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.

Cette formulation est proche de celle retenue pour les agences régionales de santé (ARS) depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui a été reprise depuis pour divers autres établissements publics à caractère administratif.

B.   Le dialogue social au sein de la future autorité

Après l’article L. 592-12 du code de l’environnement revu par le présent article, il est inséré un article L. 592-12-1 qui concerne la mise en place d’un comité social d’administration (CSA) unique (alinéas 7 à 24 du présent article du projet de loi initial).

Au sein du CSA, deux commissions seraient instituées pour garantir la représentation de chaque catégorie de personnels. La commission des agents publics exercerait des attributions des comités sociaux d’administration mentionnées aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 253-1 du code général de la fonction publique. Cela concerne les orientations stratégiques sur les politiques de ressources humaines, les lignes directrices de gestion en matière de mobilité, de promotion et valorisation des parcours professionnels, les enjeux et les politiques d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations – lorsque ces attributions concernent, de manière exclusive, les fonctionnaires et agents contractuels de droit public. Les autres attributions prévues à l’article L. 253-1 du code général de la fonction publique seraient donc abordées par la formation plénière (fonctionnement et organisation des services, accessibilité et qualité des services rendus) ou par la formation spécifique chargée des questions de santé, de sécurité et de conditions de travail (questions relatives à la protection de la santé physique et mentale, à l’hygiène, à la sécurité des agents dans leur travail, à l’organisation du travail, au télétravail, aux enjeux liés à la déconnexion et aux dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques).

La commission des salariés exercerait toutes les attributions des comités sociaux économiques, mais seulement lorsqu’elles concernent, de manière exclusive, les personnels de droit privé. Les questions relatives aux domaines traités par la formation plénière, et par la formation spécifique chargée des questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, seront prises en charge au niveau du comité social d’administration lorsqu’elles concernent l’ensemble des personnels.

Les représentants du personnel siégeant au comité social d’administration seraient élus par les collèges des agents publics et des salariés, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. Les candidatures seraient présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions de droit commun prévues par le code général de la fonction publique (articles L. 211-12 et L. 211-21), pour le collège des agents publics, et par le code du travail (article L. 2314-52) pour le collège des salariés.

La composition de la représentation du personnel au sein du comité social d’administration doit être fixée par décret en Conseil d’État de façon à permettre la représentation de chaque collège, en tenant compte des effectifs, d’une part, des agents publics et, d’autre part, des salariés. L’ordre de grandeur serait de trois quarts de salariés et un quart d’agents publics au moment de la constitution de l’ASNR.

Par référence au premier alinéa de l’article L. 2315-23 du code du travail, il est précisé que le comité social d’administration serait doté de la personnalité civile et gèrerait son patrimoine (cette disposition est en principe applicable aux comités sociaux et économiques). Il gèrerait son budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles de l’ensemble du personnel. Le fonctionnement et les moyens du comité, ainsi que les ressources destinées à financer ces activités, doivent être fixés par décret en Conseil d’État.

C.   Les élections professionnelles et les délégués syndicaux

Le présent article institue en outre, aux alinéas 25 à 35 du présent article du projet de loi initial, un nouvel article L. 592-12-2 au sein du code de l’environnement pour fixer les règles des élections professionnelles et des négociations collectives en tenant compte du caractère mixte de l’Autorité. Le projet de loi prévoit, à cet égard, de transposer les règles de droit commun respectives s’attachant aux deux statuts, privé et public.

Il prévoit tout d’abord que le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail, relatif aux délégués syndicaux, est applicable aux salariés de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Il prévoit ensuite que les délégués syndicaux sont désignés par les organisations syndicales représentatives du collège des salariés qui y constituent une section syndicale (chaque syndicat disposant d’une section syndicale peut désigner un représentant de la section s’il n’est pas représentatif). Seraient représentatives au sein du collège des salariés les organisations syndicales qui satisfont aux critères mentionnés à l’article L. 2121-1 du code du travail et qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité social d’administration dans ce collège. La validité des accords collectifs serait subordonnée à leur signature par, d’une part, le président de l’ASNR ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives selon les conditions définies à l’article L. 2232-12 du code du travail. Les taux de 30 % et de 50 % des suffrages exprimés mentionnés à cet article seraient appréciés au sein du collège des salariés.

Pour les agents publics de l’ASNR, les organisations représentatives habilitées à négocier seraient celles qui disposent d’au moins un siège au sein du comité social d’administration, au titre du collège des agents publics. En application des dispositions de l’article L. 223-1 du code général de la fonction publique, un accord conclu sur le fondement des articles L. 221-2 ou L. 222-2 du même code serait valide, pour les agents publics, s’il est signé par une ou plusieurs des organisations habilitées à négocier pour le collège de ces personnels. Selon l’article L. 222-3, auxquels ces articles renvoient, ces accords peuvent porter sur les domaines relatifs :

1° Aux conditions et à l’organisation du travail, notamment aux actions de prévention dans les domaines de l’hygiène, de la sécurité et de la santé au travail ;

2° Au temps de travail, au télétravail, à la qualité de vie au travail, aux modalités des déplacements entre le domicile et le travail ainsi qu’aux impacts de la numérisation sur l’organisation et les conditions de travail ;

3° À l’accompagnement social des mesures de réorganisation des services ;

4° À la mise en œuvre des actions en faveur de la lutte contre le changement climatique, de la préservation des ressources et de l’environnement et de la responsabilité sociale des organisations ;

5° À l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

6° À la promotion de l’égalité des chances, à la reconnaissance de la diversité et la prévention des discriminations dans l’accès aux emplois et la gestion des carrières ;

7° À l’insertion professionnelle, au maintien dans l’emploi et à l’évolution professionnelle des personnes en situation de handicap ;

8° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ;

9° À l’apprentissage ;

10° À la formation professionnelle et à la formation tout au long de la vie ;

11° À l’intéressement collectif et aux modalités de mise en œuvre de politiques indemnitaires ;

12° À l’action sociale ;

13° À la protection sociale complémentaire ;

14° À l’évolution des métiers et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Dans tous ces domaines, le présent projet de loi prévoit que l’ASNR peut inviter les représentants des salariés et des agents publics à participer à des négociations conjointes. Ces négociations donneraient lieu, le cas échéant, à la conclusion d’accords distincts et applicables spécifiquement aux salariés de droit privé, selon les modalités précédemment évoquées.

D.   L’harmonisation des indemnités accessoires et des remboursements de toute nature

Enfin, dans son alinéa 36, le présent article du projet de loi initial rétablit et réécrit l’article L. 592-12-3 du code de l’environnement, abrogé par la loi n° 2017‑55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, pour donner la capacité à l’ASNR d’harmoniser les primes accessoires liées à certaines sujétions communes, dans le respect des dispositions légales applicables aux différentes catégories de personnels et en complément des dispositions réglementaires ainsi que des conventions, accords collectifs et engagements unilatéraux qui leur sont applicables. Seront par exemple concernés les montants maximums de remboursement des nuitées ou des repas en déplacement, les conditions de prise en charge des billets de train ou encore les indemnités du personnel d’astreinte.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

La commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle COM-1 du rapporteur.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement n° 92 de M. Chaize (LR), rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, visant à garantir que les personnels de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatrides ne peuvent être recrutés pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique (alinéa 6 du présent article). Dans sa décision n° 98‑399 DC du 5 mai 1998, le Conseil constitutionnel avait en effet rappelé que les personnels de nationalité étrangère ne peuvent exercer des fonctions inséparables de la souveraineté nationale.

Cet ajout ne présente pas de difficultés juridiques majeures, mais le rapporteur souligne que la réglementation prévoit déjà ce type d’exclusion. Ainsi, l’article 3-1 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 prévoit que « les agents contractuels de nationalité étrangère ou apatrides ne peuvent être recrutés pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique ».

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté deux amendements rédactionnels CD414 et CD415 du rapporteur.

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Section 2
Dispositions transitoires

Article 7
Transfert des salariés de l’IRSN à l’ASNR et au CEA

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article définit les modalités de transfert des salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Pour maintenir le statut des salariés de l’IRSN au sein de l’ASNR, le projet de loi prévoit une dérogation aux dispositions de droit commun du code du travail.

L’article prévoit en outre le transfert au CEA des 140 salariés de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) et des 40 salariés en charge des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée.

I.   Le droit en vigueur

L’IRSN est un établissement public industriel et commercial (EPIC), qui emploie des salariés de droit privé, pour un effectif total de 1 744 personnes en 2022. L’essentiel de ces salariés (1 600 environ) a vocation à intégrer la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

A.   L’expertise nucléaire de défense

L’IRSN comporte une direction spécifique chargée d’expertiser les dossiers dans des domaines relevant de prérogatives du Gouvernement, en matière notamment de sécurité des installations civiles et du transport de matières nucléaires, de sûreté et de radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, ainsi que de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses (chimiques, biologiques et nucléaires). Cette direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) de l’IRSN compte 140 personnes. Elle fournit, d’une part, un appui technique au haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) du ministère de la transition écologique, lequel définit et met en œuvre les politiques de sécurité des installations civiles. Elle fournit, d’autre part, un appui technique au délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection (DSND) placé auprès du ministre de la Défense et du ministre chargé de l’industrie, autorité de sûreté compétente concernant les installations et les activités intéressant la défense.

Faute de dispositions dérogatoires, ces personnels auraient vocation à être transférés dans l’autorité administrative indépendante, l’ANSR, que le projet de loi propose de créer. Le Gouvernement, par le présent article, prévoit de transférer leurs contrats de travail au sein du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), tout en les mettant à disposition de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

B.   la dosimétrie passive

Par ailleurs, environ 40 salariés de l’IRSN sont actuellement en charge des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée (ou dosimètres passifs).

L’IRSN détient environ la moitié du marché national de dosimètres passifs. L’activité de dosimétrie passive consiste en la fabrication de 1,5 million de dosimètres par an pour 25 000 clients, en leur commercialisation puis en la lecture de ces dosimètres dans des machines spécialisées. Les dosimètres sont en effet envoyés à leurs destinataires pour usage, puis retournés à l’IRSN pour être lus. La dosimétrie interne (anthroporadiométrie, radiotoxicologie) permet de mesurer l’exposition interne des personnes.

Faute de dispositions dérogatoires, ces personnels auraient vocation à être transférés au sein de l’ANSR, ce qui pourrait poser des difficultés potentielles au regard du droit de la concurrence. En effet, ces activités nécessitent un démarchage commercial actif de la part de l’entité qui les opère, auprès de clients qui seront soumis au contrôle de l’ASNR.

II.   Le texte initial du projet de loi

L’article 7 prévoit d’abord, dans son premier alinéa, le transfert de l’ensemble des salariés de l’IRSN vers l’ASNR, à l’exception des 140 salariés de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) et des 40 salariés en charge des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée, transférés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Ce transfert ne s’accompagne pas d’une obligation de requalification du contrat en contrat de droit public, par exception aux dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail (alinéa 2).

Il est ensuite précisé que le CEA, ou une de ses filiales désignées par décret, sera substitué à l’IRSN en qualité d’employeur des salariés de l’institut qui exercent des missions relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée. Les contrats de travail des intéressés lui seraient transférés sans autre modification (alinéa 3). Ce transfert permettrait de maintenir des activités nécessitant un démarchage commercial actif, sans poser de difficultés au regard du droit de la concurrence.

Puis il est précisé que le CEA sera substitué à l’IRSN en qualité d’employeur des salariés de l’Institut qui apportent un appui technique aux autorités de l’État dans les matières suivantes :

– sûreté nucléaire et radioprotection, pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, y compris en cas d’incident ou d’accident ;

– sécurité des installations et des transports des matières nucléaires ou des sources de rayonnements ionisants ;

– non-prolifération, contrôle et comptabilité centralisée des matières nucléaires ;

– interdiction des armes chimiques, au titre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.

Les contrats de travail de ces salariés seraient transférés au CEA sans autre modification (ces dispositions sont précisées aux alinéas 4 à 9 du présent article). Les intéressés seraient, d’office, mis à disposition du ministre de la Défense, et en pratique auprès du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection (DSND), pour y exercer leur mission pendant une durée de trois ans, renouvelable de plein droit à leur demande.

À l’issue de la durée minimale prévue par le projet de loi, les salariés ne demandant pas le renouvellement de leur mise à disposition auprès du DSND seront affectés au CEA, dans un poste correspondant à leur qualification et sans perte de rémunération (alinéa 12).

Les modalités des transferts et mises à disposition ainsi que de l’appui technique apporté aux autorités de l’État compétentes prévues par le présent article doivent être précisées par décret en Conseil d’État (alinéa 13). En particulier, il faudra organiser la coopération entre les 25 ETP de généralistes et les experts sur lesquels ils s’appuyaient qui seront au sein de l’ASNR, car ils seront désormais répartis au sein de deux structures différentes.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté un amendement rédactionnel CD416 du rapporteur.

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Article 8
Dispositions transitoires en matière de conventions et d’accord collectifs

Adopté par la commission sans modification

 

Cet article détermine les dispositions transitoires en matière de conventions et d’accords collectifs. Il prévoit ainsi que les salariés transférés à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) conserveront les effets des conventions et accords ainsi que des engagements unilatéraux applicables au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au 1er janvier 2025 jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux accords et conventions qui leur seront substitués, ou à défaut jusqu’au 30 juin 2027. Le projet de loi prévoit ainsi une durée transitoire maximale de trente mois pour les salariés transférés à l’ASNR.

Les salariés transférés au CEA se verraient, quant à eux, appliquer le régime de droit commun, caractérisé par un maintien de l’effet des conventions et accords collectifs pour une durée maximale de quinze mois.

I.   Le droit en vigueur

L’IRSN dispose actuellement d’un accord d’entreprise régissant de nombreux domaines comme la rémunération, la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), la formation, l’entretien annuel et la qualité de vie au travail.

L’article L. 2261-14 du code du travail prévoit en outre que lorsque l’application d’une convention ou d’un accord est mise en cause en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration d’un délai de préavis de trois mois (prévu à l’article L. 2261-9 du code du travail), sauf clause prévoyant une durée supérieure. Les salariés transférés peuvent donc, pendant cette durée, se prévaloir du dispositif le plus favorable entre celui de l’entité absorbante et celui de l’entité absorbée.

Lorsque la convention ou l’accord qui a été mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans ce délai, les salariés concernés bénéficient d’une garantie de rémunération. Le montant annuel de cette garantie de rémunération, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par le contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois. Une négociation postérieure au transfert des salariés doit s’engager, à la demande d’une des parties intéressées, dans les trois mois qui suivent la mise en cause des accords.

II.   Le texte initial du projet de loi

Selon les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 8, les salariés transférés à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) conserveraient les effets des conventions et accords, mais aussi des engagements unilatéraux, applicables au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au 1er janvier 2025 jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux accords et conventions qui leur seront substitués, ou à défaut jusqu’au 30 juin 2027 (soit une durée transitoire maximale de trente mois). Le contenu de l’article L. 2261-14 du code du travail est ici repris, avec cependant une limite de durée fixée à trente mois, tandis que cette durée est fixée à un an dans le code du travail. Ce délai se justifie par l’absence, au sein de l’ASN, d’accords et conventions applicables à des salariés. Le cadre dérogatoire prévu par le projet de loi vise donc à répondre à un cas spécifique et inédit – celui de l’intégration de salariés au sein d’une autorité administrative indépendante (AAI) – nécessitant un vaste travail de négociations.

Par ailleurs, à compter de la date d’entrée en vigueur du projet de loi – soit le 1er janvier 2025 – et jusqu’à la désignation des représentants du personnel de l’ASNR – au plus tard le 31 mars 2026 (telle que prévue par l’article 10), l’autorité et les délégués syndicaux de l’IRSN pourront engager, à la demande de l’une des parties intéressées, les négociations destinées soit à adapter les stipulations actuelles des conventions et accords, soit à élaborer de nouvelles stipulations. Ces négociations ont vocation à continuer avec les délégués syndicaux des salariés de la nouvelle autorité à compter de leur désignation (alinéa 2 du présent article).

À compter du 1er juillet 2027, en l’absence de conventions et d’accords de substitution, les salariés bénéficieront d’une garantie de rémunération selon les modalités fixées par l’article L. 2261-14 du code du travail (alinéa 3 du présent article).

L’article 8 prévoit, en revanche, dans son alinéa 4, une application des règles de droit commun, inscrites à la section 6 du chapitre Ier du titre VI du livre II de la deuxième partie du code du travail, pour les 140 salariés de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) et les 40 salariés en charge des activités relatives à la fourniture et à l’exploitation de dosimètres à lecture différée, qui seraient transférés au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en application de l’article 7 du projet de loi. Cette différence de traitement avec les salariés de l’IRSN transférés à l’ASNR s’explique par la différence de situation : s’agissant du CEA, il existe déjà un corpus d’accords dont l’étude d’impact du projet de loi estime qu’il est globalement assez proche de celui de l’IRSN. Les dispositions de droit commun semblent donc suffisantes pour engager la transition en matière de conventions et d’accords collectifs. Ainsi, les accords et conventions collectifs applicables à l’IRSN continueront de produire leurs effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou d’une nouvelle convention s’y substituant, ou à défaut, pendant une durée d’un an à compter de l’expiration du délai de préavis de trois mois prévu à l’article L. 2261-9 du code du travail (délai issu de l’article L. 2261-14 du code du travail).

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

La commission a adopté un amendement COM-42 de M. Dantec (Écologiste, Solidarité et Territoires) qui permettra à l’ensemble des salariés de droit privé, y compris ceux qui seront recrutés entre le 1er janvier 2025 et le 30 juin 2027, de bénéficier des conventions, accords et engagements unilatéraux qui étaient applicables au 31 décembre 2024 à l’IRSN jusqu’à l’entrée en vigueur des conventions, accords ou engagements qui leur sont substitués au sein de la nouvelle autorité.

Elle a également adopté un amendement rédactionnel COM-2 du rapporteur.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat n’a pas adopté d’amendements.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 9
Possibilité pour les agents contractuels et les salariés privés de la future autorité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à un corps de fonctionnaire

Adopté par la commission sans modification

 

Cet article donne aux agents contractuels et aux salariés privés de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) l’opportunité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à des corps de fonctionnaires qui seront identifiés par décret comme pertinents pour les missions de l’autorité.

I.   Le droit en vigueur

L’article L. 320-1 du code général de la fonction publique dispose que les fonctionnaires sont, en principe, recrutés par concours. L’article L. 325-1 du même code prévoit trois types de concours :

– le concours externe, ouvert à tous les candidats justifiant de certains diplômes ou de certaines études ;

– le concours interne, réservé aux agents ayant accompli une certaine durée de service ;

– le troisième concours, réservé à des candidats justifiant d’une expérience professionnelle dans le secteur privé ou associatif, ou de l’exercice d’un mandat électif local.

Le principe du recrutement par concours, ainsi que la nature des conditions exigées pour se présenter au concours, relèvent du domaine de la loi (l’article 34 de la Constitution réservant à la loi la fixation des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires). Les modalités du choix du jury de concours et le détail des conditions exigées pour se présenter au concours relèvent en revanche du domaine du règlement. Il s’ensuit que si le législateur l’autorise, l’autorité réglementaire peut organiser un mode de recrutement par concours réservé à certaines catégories de personnels et selon des modalités particulières, par dérogation à l’article L. 325-1 du code général de la fonction publique.

Le même type de dispositif a déjà été prévu par le passé. Ainsi, l’ordonnance n° 2018-359 du 16 mai 2018 fixant les modalités de transfert des personnels administratifs des juridictions mentionnées au 1° du I de l’article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles de leur accès aux corps des services judiciaires ou aux corps communs du ministère de la justice, a prévu, en son article 5, que l’accès aux corps de fonctionnaires du ministère de la justice, dont la liste était fixée par décret en Conseil d’État, pouvait être organisé par la voie de recrutements réservés exceptionnels valorisant les acquis de l’expérience professionnelle. Il s’agissait d’instituer des recrutements réservés exceptionnels au seul profit des salariés de droit privé et des agents contractuels de l’État exerçant leurs fonctions au sein des juridictions sociales pour leur permettre d’intégrer des corps de fonctionnaires du ministère de la justice.

II.   Le texte initial du projet de loi

Par dérogation à l’article L. 325-1 du code général de la fonction publique, l’article 9 du projet de loi donne aux agents contractuels de droit public et aux salariés de droit privé de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) l’opportunité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à des corps de fonctionnaire qui seront identifiés par décret comme pertinents pour les missions de l’autorité.

Le premier alinéa de l’article 9 prévoit que cette disposition est ouverte pour une durée de six ans à compter de l’entrée en vigueur de la réforme, soit au 1er janvier 2025. La liste des corps de fonctionnaires de l’État ouverts par ce moyen sera fixée par décret en Conseil d’État. Il s’agit donc d’un mode de recrutement exceptionnel visant à valoriser les acquis de l’expérience professionnelle pour les salariés de droit privé et les contractuels de l’IRSN qui rejoindront la nouvelle entité.

Selon les dispositions de l’alinéa 2, cet accès aux corps de fonctionnaires concernés serait réservé aux agents contractuels de droit public et aux salariés de droit privé de l’ASNR qui, à la date du 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle est ouvert le recrutement réservé exceptionnel, sont en fonction ou bénéficient d’un des congés assimilables à du travail effectif, et qui justifient à cette date d’une durée d’ancienneté de quatre années en équivalent temps plein au sein de l’Institut de radioprotection de sûreté nucléaire, de l’Autorité de sûreté nucléaire ou de l’ASNR.

Ce concours est présenté par le Gouvernement comme un facteur d’attractivité pour la nouvelle autorité, en ce qu’il offrirait la possibilité aux agents contractuels publics ou salariés privés rejoignant la future entité de s’inscrire dans une carrière publique étatique en rejoignant un corps de la fonction publique. La durée de six ans retenue par l’article 9 est estimée nécessaire pour que le recrutement exceptionnel puisse être organisé dans une situation où les candidats auront connaissance des avantages et inconvénients de leur intégration dans un corps de fonctionnaires par rapport à leur situation initiale.

L’article 8 du projet de loi prévoit en effet une période maximale de trente mois pendant laquelle les conditions des conventions et accords qui sont applicables aux salariés seront renégociées. La période de six ans permettrait un délai « utile » d’un peu plus de trois ans après la fin de cette situation transitoire.

Le dispositif proposé offre, de plus, une solution partielle aux craintes d’une érosion de l’effectif des personnels fonctionnaires d’État dans la future autorité, formulée par les représentants syndicaux de l’ASN lors de leur audition par le rapporteur. Toutefois, étant adapté à peu de salariés, son impact devrait être restreint car le passage au statut de fonctionnaire pour des salariés de droit privé ayant déjà une carrière avancée pourrait ne pas constituer une option intéressante, notamment en matière de droit à la retraite. Dans son étude d’impact, le Gouvernement prévoit une cible de 100 candidats d’ici 2030.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 10
Dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future autorité

Adopté par la commission sans modification

 

Cet article prévoit les dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui devrait être créée le 1er janvier 2025.

La constitution du comité social d’administration (CSA) de l’ASNR devrait intervenir au plus tard le 31 mars 2026 ; jusqu’à cette constitution, le CSA de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le comité social et économique (CSE) de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) seraient maintenus en fonction et exerceraient les missions relatives respectivement aux agents publics et aux salariés. Initialement fixé à douze mois, le délai imparti pour mettre en place le nouveau CSA a été étendu à quinze mois.

Le Sénat a adopté un amendement visant à préciser que la formation conjointe du CSA de l’ASN et du CSE de l’IRSN pourra siéger à la demande de ces comités et à la demande du président de la nouvelle autorité.

I.   Le droit en vigueur

Créés par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et mis en place à l’issue des élections professionnelles de décembre 2022, les comités sociaux d’administration (CSA) sont des instances de dialogue social issues de la fusion entre les comités techniques et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Un comité social d’administration de proximité est créé auprès de chaque autorité administrative indépendante, par décision de cette dernière (article L. 251‑2 du code général de la fonction publique, article 7 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 relatif aux comités sociaux d’administration dans les administrations et les établissements publics de l’État). Ces comités sont chargés de l’examen des questions collectives de travail ainsi que des conditions de travail (articles 48 à 52 du décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 précité). Par ailleurs, il est institué au sein de ces comités une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Cette formation est obligatoire pour les entités de plus de 200 agents (article L. 251-3 du code général de la fonction publique, article 9 du décret n° 2020- 1427 du 20 novembre 2020).

Au sein des entités de droit privé composées de plus de onze salariés pendant douze mois consécutifs, et notamment au sein des établissements publics industriels et commerciaux tels que l’IRSN, un comité social et économique (CSE) est mis en place (articles L. 2311-1 et L. 2312-1 du code du travail). Les attributions du comité social et économique sont définies en fonction de l’effectif de l’entité (article L. 2312-2 du code du travail). En 2022, l’IRSN comptait 1 744 salariés. En conséquence, le comité social et économique de l’IRSN est compétent sur les questions individuelles et collectives de travail, ainsi qu’en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail (articles L. 2312-8 à L. 2312-10 du code du travail). La composition et le fonctionnement du comité social et économique, instance compétente de l’IRSN, sont fixés par le code du travail (articles L. 2314-1 à L. 2314-37 du code du travail). Les membres du conseil social et économique sont élus pour quatre ans (article L. 2314-33 du même code).

Afin d’assurer la représentation de l’ensemble des personnels de tous statuts au sein des instances de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, l’article 6 du présent projet de loi prévoit la mise en place d’un comité social d’administration (CSA). Ce CSA serait doté de la personnalité civile et gérerait son patrimoine – comme l’actuel comité social et économique de l’IRSN. Au sein du CSA, deux commissions seraient instituées, la commission des agents publics et la commission des agents privés : elles seraient compétentes sur les problématiques qui concerneraient, de manière exclusive, les personnels de droit public et les personnels de droit privé, respectivement.

À ce titre, les directions de l’ASN et l’IRSN ont souhaité que soit entrepris dès maintenant, dans l’éventualité de la promulgation du présent projet de loi, un travail de définition des principes d’organisation et de fonctionnement de la future entité, travail auquel sera associé le personnel des deux organismes. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place, dont un portant sur le dialogue social. Les informations relatives aux travaux des groupes sont accessibles de manière coordonnée sur les sites intranet respectifs de l’ASN et de l’IRSN. Une plateforme d’accès commun au personnel de l’ASN et de l’IRSN doit être mise en place afin d’offrir un espace d’information unique sur les avancées des travaux de rapprochement des deux entités.

S’agissant du dialogue social, outre les instances existantes, un accord de concertation quadripartite regroupant les directions de l’ASN et de l’IRSN et les représentants élus des deux organismes a été signé le 14 décembre 2023, créant une commission de concertation relative au projet de rapprochement entre les deux entités (CCPF). La CCPF met à l’ordre du jour les thématiques comme l’état d’avancement et résultats des travaux des groupes de travail institués dans le cadre de la préparation de la mise en œuvre de l’ASNR ou bien encore, lorsque celui-ci sera prêt, le schéma organisationnel de la future structure ainsi que les impacts dans les organisations et sur les personnels des entités.

II.   Le texte initial du projet de loi

L’article 10 du projet de loi initial prévoit, dans son premier alinéa, que jusqu’à la constitution du comité social d’administration de l’ASNR, qui interviendrait au plus tard le 31 mars 2026, le CSA de l’ASN et le CSE de l’IRSN seraient maintenus en fonction et exerceraient les missions relatives respectivement aux agents publics et aux salariés, sous la présidence du représentant de l’ASNR. À la demande des syndicats de l’ASN et de l’IRSN, le délai imparti pour mettre en place le nouveau CSA a été étendu à quinze mois au lieu de douze mois selon le code du travail.

L’alinéa 2 prévoit que les membres des instances représentatives du personnel existantes au sein de l’ASN et de l’IRSN poursuivraient leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus des élections permettant la constitution du CSA de l’ASNR.

Toutefois, avant même la constitution du nouveau CSA, l’alinéa 3 précise que les comités pourraient siéger en formation conjointe, dans le respect de leurs attributions respectives, pour connaître des sujets communs à l’ensemble du personnel. Dans ce cas, les conditions de vote s’apprécieraient au regard de l’ensemble des membres présents de la formation conjointe. L’avis de la formation conjointe se substituerait aux avis de chacune des instances.

L’alinéa 4 prévoit ensuite que le patrimoine du CSE de l’IRSN sera dévolu au CSA de l’ASNR à la date de la désignation des membres de celui-ci.

L’alinéa 5 prévoit enfin que, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2143-10 du code du travail, les mandats des délégués syndicaux désignés au sein de l’IRSN subsisteraient au sein de l’ASNR. Leur mandat prendrait fin au plus tard à la date de la désignation des membres du CSA de l’ASNR.

Un décret en Conseil d’État doit préciser les modalités d’application de cet article 10.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

La commission a adopté deux amendements identiques de clarification COM-7 du rapporteur et COM-89 du rapporteur pour avis, visant à préciser que la formation conjointe du CSA de l’ASN et du CSE de l’IRSN pourra siéger à la demande de ces comités ou à la demande du président de la nouvelle autorité.

Un amendement COM-43, rédactionnel, a également été adopté.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat n’a pas modifié l’article.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté cet article sans modification.

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Article 11
Augmentation des rémunérations versées au sein de l’IRSN et de l’ASN ;
élaboration d’un rapport du Gouvernement et d’évaluations par l’ASNR
sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires
à la nouvelle autorité

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) consacrent respectivement 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024.

L’article prévoit également que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 1er juillet 2024, un rapport sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives pour exercer leurs missions en 2025 ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de ses personnels par rapport au marché du travail dans le domaine du nucléaire. Un amendement a également été adopté au Sénat pour que soient évaluées la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de la création de l’ASNR dans le cadre de ce rapport.

Enfin, l’ASNR devra également évaluer ses besoins en matière de ressources humaines et financières pour les cinq années suivant la promulgation de la présente loi et présenter ses propositions au Gouvernement et au Parlement.

I.   Le droit en vigueur

A.   un Écart de rémunération préjudiciable aux autorités de contrôle de la sûreté nucléaire

L’ASN et l’IRSN réalisent une évaluation prospective de leurs besoins humains et financiers dans le cadre de la préparation des projets de loi de finances. Chaque année, l’ASN rend un avis sur les moyens nécessaires au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Les rémunérations versées aujourd’hui à l’IRSN et à l’ASN se situent en deçà des pratiques salariales des grands acteurs du secteur, l’écart avec ceux-ci étant de 20 % à 30 %. Ceci pénalise ces deux institutions pour recruter et maintenir les talents nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ce sujet est d’ailleurs l’objet d’une des recommandations du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) du 11 juillet 2023 : « l’augmentation des effectifs doit aller de pair avec un renforcement de l’attractivité des métiers concernés, y compris sur le plan des rémunérations. Leur fixation doit tenir compte non seulement des conditions offertes dans d’autres établissements publics, tel le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), mais aussi de celles qui sont proposées dans les entreprises du secteur privé recrutant dans le même secteur ». En effet, dans le contexte de relance du nucléaire, une forte concurrence est à l’œuvre entre les acteurs de la filière pour le recrutement de compétences rares. La rémunération est l’un des facteurs d’attractivité que peut déployer une entité pour attirer à elle les ressources humaines disponibles.

B.   Les moyens budgétaires des deux institutions

Plusieurs programmes budgétaires contribuent au financement de l’ASN :

– l’action 9 « Contrôle de la sûreté nucléaire » du programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » finance les emplois et dépenses de personnel ainsi que les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention engagées au titre de la réalisation des cinq grandes missions de l’ASN ;

– les programmes supports du ministère de la transition écologique (programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables »), des ministères économiques et financiers (programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ») ainsi que du Secrétariat général du Gouvernement (programme 354 « Administration territoriale de l’État ») financent certaines charges de fonctionnement de l’ASN, notamment s’agissant de son siège et de ses divisions territoriales.

Au total, les moyens budgétaires de l’ASN, de 74,9 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en 2024, ont évolué à la hausse ces dernières années (+ 22 % depuis 2014).

Concernant les emplois, en 2024, le plafond d’emplois de l’ASN s’élève à 470 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ce qui représente une augmentation de 13 ETPT par rapport à la loi de finances pour 2023 (schéma d’emplois positif de +10 ETP valorisés pour 2024 à +5 ETPT, extension en année pleine du schéma d’emplois 2023 sur 2024 de +2 ETPT et transfert de 6 ETPT depuis l’IRSN et le CEA). L’autorité avait demandé, pour la période 2024‑2027, la création de 29 équivalents temps plein (ETP) (12 en 2024, 5 en 2025, 6 en 2026, 6 en 2027). La nouvelle autorité devra donc également bénéficier d’un renforcement de ses moyens humains et financiers pour faire face à la lourde charge de travail induite par le nouveau contexte nucléaire.

Concernant l’IRSN, la loi de finances pour 2024 a acté une augmentation de 3,4 millions d’euros de son budget qui atteint 182,6 millions d’euros en crédits de paiement. Ses crédits sont inscrits à l’action 11 « Recherche dans le domaine des risques » du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Sur ces crédits, l’IRSN bénéficie de 114,85 millions d’euros pour les missions de recherche relatives aux questions de sûreté nucléaire et de radioprotection, qu’il s’agisse d’études, de recherches finalisées ou de travaux plus fondamentaux. L’IRSN mène aussi des recherches dans le domaine des déchets radioactifs, notamment sur les enjeux d’expertise relatifs au projet Cigeo, dédié au stockage géologique de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Enfin, l’IRSN mène des recherches dans le domaine des effets sur l’homme des rayonnements ionisants. La recherche relative aux effets des rayonnements ionisants sur les personnes concerne aussi bien les expositions chroniques (ou répétées), les expositions associées à des actes médicaux spécifiques dans le cadre de la lutte contre le cancer, que les expositions pouvant résulter de situations accidentelles ou d’actes malveillants (menaces dites « NRBC »).

Les crédits restants permettent l’appui à l’Autorité de sûreté nucléaire (45,12 millions d’euros) ainsi que les activités de sûreté nucléaire et radioprotection des activités de défense, de contrôle des matières nucléaires et de protection contre la malveillance (18,21 millions d’euros).

Le plafond d’emplois de l’IRSN est de 1 653 ETPT en 2024, soit une augmentation de 5 ETPT depuis 2023, mais l’augmentation effective n’est que de 1 ETPT puisque la loi de finances pour 2024 prévoit le transfert de 4 ETPT vers l’ASN. L’IRSN devrait voir ses effectifs croître de 34 ETPT entre 2023 et 2027. Toutefois, le besoin exprimé par l’Institut est bien supérieur et s’élève à 65 ETPT supplémentaires.

II.   Le texte initial du projet de loi

Dans son alinéa 1, le présent article prévoit que l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et l’Autorité de sûreté nucléaire consacrent respectivement 15 millions d’euros et 0,7 million d’euros à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024. Ce montant permet d’assurer un traitement équitable entre les salariés de l’IRSN (près de 1 750 personnes) et les contractuels de droit public de l’ASN (moins de 80 personnes). Bien que cette disposition soit inhabituelle dans un texte de loi, ce que n’a pas manqué de relever le Conseil d’État dans son avis, le rapporteur estime nécessaire d’envoyer un signal positif aux équipes de la nouvelle entité.

L’objectif est en effet de renforcer l’attractivité de la future autorité en engageant, dès 2024, un rééquilibrage inédit des rémunérations des entités publiques œuvrant au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection à travers l’octroi d’une enveloppe spécifique destinée à réévaluer les salaires des contractuels de l’ASN et de l’IRSN à l’issue de la promulgation de la loi. Ces montants correspondent à une moyenne de 730 euros par mois par personne (cotisations sociales, salariales et patronales, incluses). Par ailleurs, la loi laisse latitude aux directions générales des deux institutions pour procéder à une répartition de ces montants de manière à tenir compte des métiers en tension. Une utilisation individualisée de cette enveloppe devrait donc permettre de traiter les situations où ce différentiel est le plus pénalisant.

Il convient de souligner qu’il sera nécessaire d’adresser un message similaire aux fonctionnaires de l’ASN, dont le projet de loi ne prévoit pas la revalorisation de la rémunération. Selon les syndicats de l’ASN interrogés par le rapporteur, cette revalorisation des seuls statuts privés ou contractuels pourrait en effet être préjudiciable à la cohésion sociale qui est nécessaire à la réussite de ce projet de réforme. Selon le ministère, des échanges sont en cours à ce sujet.

L’alinéa 2 du présent article prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport, avant le 1er juillet 2024, élaboré avec le concours de l’Autorité de sûreté nucléaire, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives en 2025, pour exercer leurs missions respectives prévues par la présente loi, dans le nouveau contexte de relance nucléaire marqué par des aléas climatiques extrêmes et des événements incertains, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de leurs personnels respectifs par rapport au marché du travail dans le domaine du nucléaire. Ce rapport sera nécessaire pour éclairer les enjeux budgétaires et financiers lors de l’adoption des crédits de la nouvelle autorité en projet de loi de finances pour 2025, car la nouvelle structure fera l’objet d’un programme budgétaire unique dans un esprit de rationalisation par rapport aux schémas de financement complexes existant aujourd’hui pour les deux entités.

Enfin, l’alinéa 3 de l’article prévoit que l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection devra évaluer les besoins prévisionnels humains et financiers qui lui seront nécessaires dans les cinq années suivant l’entrée en vigueur du texte pour exercer ses missions dans le nouveau contexte nucléaire, ainsi que les mesures indispensables pour assurer l’attractivité des conditions d’emploi de ses personnels par rapport au marché du travail dans le domaine du nucléaire. Cette évaluation et les propositions qui en résultent devront être présentées au Gouvernement et à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en lien avec les différentes commissions parlementaires compétentes.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

La commission a adopté trois amendements. L’amendement COM-68 de M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, vise à intégrer le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) dans le champ du rapport d’évaluation sur les moyens de la sûreté nucléaire. La commission a également adopté un amendement COM-69 du même auteur visant à évaluer, dans le rapport, la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur chargé de la mise en œuvre de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Enfin, elle a adopté un amendement COM-3 de M. Pascal Martin, rapporteur, portant une précision rédactionnelle.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement 64 de M. Gilbert-Luc Devinaz (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) portant une précision quant au nouveau « contexte nucléaire », en indiquant que le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement doit prendre en compte les aléas climatiques extrêmes et des événements incertains (cyberterrorisme).

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté six amendements à cet article. Elle a ainsi adopté deux amendements CD55 et CD56 de Mme Christelle Petex (Les Républicains) qui prévoient d’ajouter une évaluation des moyens techniques nécessaires à la nouvelle autorité dans le cadre du rapport d’évaluation des moyens financiers et humains nécessaires pour la future ASNR et le CEA, devant être rendu par le Gouvernement avant le 1er juillet 2024, ainsi que dans le cadre du rapport sur les moyens humains et financiers devant être mis à disposition de l’ASNR pour les cinq premières années suivant sa création.

Elle a également adopté un amendement CD424 du rapporteur qui prévoit d’inclure, dans le rapport d’évaluation des moyens humains et financiers nécessaires aux autorités de contrôle de la sûreté nucléaire, une analyse des dispositifs d’accompagnement à la conduite du changement à mettre en place.

Elle a enfin adopté trois amendements identiques CD418 du rapporteur, CD9 de Mme Danielle Brulebois et CD362 de M. Anthony Brosse (Renaissance), qui prévoient que le rapport mentionné au II analyse la faisabilité, et non l’opportunité, de nommer un préfigurateur.

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Article 11 bis (nouveau)
Consultation des comités sociaux de l’ASN et de l’IRSN sur
des dispositions portant organisation et fonctionnement des services
de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que
le projet de règlement intérieur de cette dernière

Créé par la commission

 

Cet article, créé par la commission, permet au collège de l’ASN de consulter le comité social de cette autorité et de saisir le directeur général de l’IRSN pour qu’il consulte le comité social et économique de l’institut sur les projets de règlement intérieur et de décision portant organisation et fonctionnement des services de la future ASNR.

Il convient d’assurer une continuité de fonctionnement entre, d’une part, l’Autorité de sureté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et, d’autre part, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Or deux décisions sont indispensables au fonctionnement de cette nouvelle autorité : l’adoption de son règlement intérieur et la décision d’organisation et de fonctionnement de ses services.

Il est donc indispensable de prendre les dispositions législatives nécessaires à l’élaboration anticipée de ces deux décisions sans attendre la constitution de la nouvelle Autorité, afin que celle-ci puisse être opérationnelle dès son instauration au 1er janvier 2025. Il convient donc que les actuelles instances représentatives puissent être consultées, avant même l’entrée en vigueur de la création de la future ASNR, sur un projet élaboré par l’actuel collège de l’ASN. En effet, l’actuel collège de l’ASN constituera celui de la nouvelle Autorité. En outre, les membres des actuelles instances représentatives des personnels sont appelés à poursuivre leur mandat jusqu’à la désignation des représentants du personnel issus d’élections qui permettront la constitution d’un nouveau comité social d’administration.

Le présent article, créé par l’adoption de deux amendements identiques CD428 du rapporteur et CD439 de la commission des affaires économiques (sur proposition du rapporteur pour avis M. Antoine Armand), prévoit ainsi de permettre au collège de l’Autorité de sûreté nucléaire de consulter le comité social d’administration de cette autorité et de saisir le directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire afin qu’il consulte le comité social et économique de cet institut sur un projet de décision portant organisation et fonctionnement des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, ainsi que sur un projet de règlement intérieur pour cette même autorité. Ces comités disposent d’un délai de deux mois pour donner leur avis sur les projets qui leur sont adressés.

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Chapitre III
Le haut-commissaire à l’énergie atomique

Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 12 rattache le haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA) au Premier ministre, alors qu’il est aujourd’hui rattaché au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le projet de loi initial supprimait toute référence législative au HCEA, mais le Sénat a rétabli une base légale à celui-ci et détaillé le contenu de ses missions.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de rédaction globale de son rapporteur, conservant l’assise législative du HCEA mais supprimant l’essentiel du détail de ses missions, son pouvoir d’avis sur certains textes programmatiques en matière d’énergie et de climat ainsi que l’avis des commissions permanentes compétentes du Parlement sur sa nomination. Cet amendement a ensuite été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

I.   LE DROIT en vigueur

A.   L’organisation du CEA

Le CEA a été créé en 1945. Dès son origine, l’ordonnance ([23]) l’instituant précise que les attributions d’ordre administratif et financier sont confiées à un administrateur général, tandis que l’impulsion scientifique et technique est attribuée à un haut-commissaire.

Les articles L. 332-1 et L. 332-2 du code de la recherche explicitent le statut et les missions du CEA, défini comme un « établissement à caractère scientifique, technique et industriel ». Le CEA a par ailleurs le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Acteur de la recherche, le CEA est aussi exploitant d’installations nucléaires à cette fin.

Le CEA est dirigé par un administrateur général. Il comporte également un conseil scientifique et un Comité de l’énergie atomique.

Le Comité de l’énergie atomique du CEA

L’article L. 332-2 du code de la recherche dispose que le Comité de l’énergie atomique « arrête le programme de recherche, de fabrication et de travaux » du CEA. L’article R. 332-9 du même code précise qu’outre les missions précitées, il examine toutes questions relatives au CEA à la demande du conseil d’administration, de l’administrateur général ou du haut-commissaire à l’énergie atomique.

Le conseil scientifique du CEA

Les attributions et la composition du conseil scientifique sont mentionnées à l’article R. 332-12 du code de la recherche. Il formule des recommandations sur les orientations et activités scientifiques du CEA et émet des avis sur la pertinence de ses activités scientifiques et de ses investissements. Il évalue les résultats des programmes de recherche du CEA.

B.   Le rattachement et les missions du HCEA

Le HCEA est nommé par décret en conseil des ministres pour une durée de 4 ans, renouvelables une fois. Il est placé auprès de l’administrateur général du CEA. L’article L. 332-4 du code de la recherche ancre les missions du HCEA au sein du CEA :

– il est conseiller scientifique et technique auprès de l’administrateur général du CEA ;

– il peut saisir le Comité de l’énergie atomique et l’autorité administrative compétente concernant l’orientation générale scientifique et technique qui lui paraît souhaitable ;

– il préside le conseil scientifique, ce dernier l’assistant dans ses fonctions.

Le décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 ([24]) apporte certaines précisions complémentaires sur ses missions :

– le HCEA peut être chargé, à la demande de l’administrateur général ou d’un ministre, de missions de conseil et d’expertise pour le CEA, ainsi que de missions intéressant la défense nationale et l’enseignement ;

– il peut saisir les ministres intéressés de propositions relatives à l’orientation générale scientifique et technique du CEA ;

– il participe au contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire et à la gestion patrimoniale des matières nucléaires nécessaires à la défense.

Le décret  2023-1383 du 30 décembre 2023 ([25]) modifie certaines attributions du HCEA et le rattache, pour sa gestion administrative et budgétaire, au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Principales modifications de compétences du Hcea apportées
par le décret n° 20231383 du 30 décembre 2023

 

Compétence concernée

Avant le décret du 30 décembre 2023

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 30 décembre 2023

Secrétariat du Conseil de politique nucléaire (CPN)

Exercé par le Secrétariat général de la Présidence de la République

Exercé par SGDSN, avec possibilité pour celui-ci de confier au HCEA la préparation des délibérations du CPN et le suivi de leur mise en œuvre

Missions de conseil et d’expertise

À la demande de l’administrateur général ou d’un ministre, le HCEA est chargé de missions dans les domaines intéressant le CEA, la défense nationale et l’enseignement

– à la demande du ministre chargé de la défense, de l’énergie ou du SGDSN, chargé de missions intéressant le domaine de la politique nucléaire, de la défense et la sécurité nationale

– à la demande du ministre chargé de l’énergie, de la recherche ou de l’enseignement supérieur, chargé de missions intéressant la recherche et l’enseignement supérieur dans le domaine de la politique nucléaire

Possibilité de saisine des membres du Gouvernement par le HCEA

Saisine par le HCEA des ministres intéressés sur des propositions relatives à l’orientation générale scientifique et technique du CEA

Saisine par le HCEA des membres du Gouvernement concernés de propositions, dans le domaine des activités nucléaires civiles et militaires, sur l’orientation générale scientifique et technique dans les domaines de la politique nucléaire, de la défense et de la sécurité nationale

Présidence du conseil scientifique

HCEA

HCEA ; mais celui-ci ne participe plus au conseil d’administration du CEA

Le conseil scientifique n’assiste plus formellement le HCEA

II.   LE TEXTE INITIAL DU PROJET DE LOI

Dans la continuité des modifications opérées par le décret n° 2023-1383 du 30 décembre précité, l’article 12 du projet de loi initial abroge l’article L. 332-4 du code de la recherche prévoyant le rattachement du HCEA au CEA, afin de permettre son rattachement auprès du Premier ministre par voie réglementaire. Ce rattachement lui permettrait notamment d’exercer, par délégation, le secrétariat du Conseil de politique nucléaire – cette disposition étant d’ailleurs déjà prévue par ce même décret du 30 décembre.

Le Gouvernement estime que le positionnement du HCEA auprès de l’administrateur général du CEA a progressivement conduit à « restreindre sa capacité d’impulsion scientifique », selon l’étude d’impact du projet de loi. Or, dans le contexte de relance de la filière nucléaire, il souhaite renforcer son rôle. En le rattachant au Premier ministre, il entend ainsi lui permettre d’exercer sa fonction de conseiller scientifique et technique directement auprès du Gouvernement sur les questions nucléaires, tout en lui confiant un rôle de préparation et de suivi des CPN.

S’agissant des moyens qui sont attribués au HCEA, celui-ci disposerait, selon la même étude d’impact, de cinq à six équivalents temps plein transférés du CEA et d’un agent de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) qui, en complément de ses attributions au sein de la DGEC, l’assistera pour l’exercice des missions relatives au secrétariat des Conseils de politique nucléaire.

Dans son avant-projet de loi transmis au Conseil d’État, le Gouvernement envisageait de conserver la base légale du HCEA en créant un nouvel article L. 141‑13 dans le code de l’énergie : cet article précisait que le HCEA était rattaché au Premier ministre et indiquait très brièvement quelles étaient ses missions, sur le modèle de la rédaction actuelle de l’article L. 332-4 du code de la recherche.

Cependant, dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État a estimé que si des dispositions législatives sont bien nécessaires pour abroger l’article L. 332-4 du code de la recherche, une base légale n’était pas nécessaire pour définir les nouvelles missions du HCEA, le Premier ministre étant « libre d’user du pouvoir réglementaire pour organiser, comme il l’entend, le travail du Gouvernement ».

III.   les dispositions adoptées par le sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté l’amendement COM-52 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR). Cet amendement rétablit la base légale du HCEA, tout en conservant la modification de son rattachement du CEA vers le Premier ministre. Le nouvel article ainsi créé est codifié non plus dans le code de la recherche, mais dans le code de l’énergie.

Le rapporteur Patrick Chaize justifie notamment le rétablissement de cette base légale par le fait qu’il serait incohérent de supprimer la base légale du conseil scientifique du CEA tout en maintenant, aux articles L. 332‑2 et L. 332-3 du même code, celles du Comité de l’énergie atomique et du conseil d’administration du CEA ([26]).

Surtout, la nouvelle rédaction de l’article 12 ainsi proposée détaille et enrichit les missions du haut-commissaire.

1.   Missions générales et mode de désignation du HCEA

Le I du nouvel article L. 141-13 du code de l’énergie précise les missions du HCEA. Ce dernier conseille le Gouvernement en matière scientifique et technique dans le domaine de l’énergie nucléaire. Il préside le conseil scientifique du CEA et peut saisir le Comité de l’énergie atomique et toute autre autorité compétente de ses propositions concernant, dans le domaine des activités nucléaires civiles et militaires, l’orientation générale scientifique et technique qui lui paraît souhaitable. Il peut assurer le secrétariat du CPN. Il s’agit donc, pour l’essentiel, de préciser au niveau législatif des dispositions existant déjà au niveau réglementaire.

Le II du même article L. 141-13 précise son rattachement, son mode de désignation et ses obligations déontologiques :

– le HCEA est placé auprès du Premier ministre ;

– sa nomination sera soumise à l’avis des commissions permanentes compétentes du Parlement en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution – en l’occurrence, celles chargées de l’énergie ;

– le HCEA devra soumettre une déclaration d’intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ;

– son mandat sera limité à une durée de 4 ans, renouvelable une fois, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

Le VII de l’article L. 141-13 du code de l’énergie renvoie à un décret la fixation des modalités d’organisation et de fonctionnement du HCEA.

Il peut être relevé qu’aucune nomination à un emploi ou fonction relevant directement de l’autorité hiérarchique du Gouvernement, pour l’exercice de missions qui sont clairement et historiquement identifiées comme étant des missions de conseil, n’est soumise à l’avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le risque d’inconstitutionnalité de cette disposition est dès lors majeur.

2.   Les possibilités de saisine du HCEA sur certains textes législatifs et réglementaires

Les III, IV et V de l’article L. 141-13 du code de l’énergie précisent les modalités de saisine du HCEA et définissent ses relations avec le Parlement.

Le III du nouvel article L. 141-13 précise que le HCEA pourra être saisi par l’administrateur général du CEA d’une demande de conseils scientifiques et techniques. De plus, le Gouvernement, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat pourront le saisir d’un avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire, un projet d’acte européen ou sur une question relatifs aux activités nucléaires civiles.

Le IV dispose de plus que la saisine pour avis du HCEA est :

– obligatoire sur la loi quinquennale sur l’énergie (LPEC) ([27]) et la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ;

– facultative sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et le plan national intégré énergie‑climat (PNIEC).

Le V précise que le HCEA doit publier un rapport annuel sur l’état des activités nucléaires civiles, sur les plans technique et scientifique. Ce rapport doit aussi évaluer l’atteinte des objectifs programmatiques en matière d’énergie nucléaire.

Le Haut Conseil pour le climat (HCC) remplit déjà largement de telles attributions, comme cela a d’ailleurs été relevé par le HCEA lui-même en audition. L’article L. 132-4 du code de l’environnement dispose ainsi :

– que le HCC rend chaque année un rapport portant notamment sur le respect de la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre (GES) au regard de la SNBC, l’efficacité des politiques publiques en matière de réduction des GES ;

– que le Gouvernement doit présenter au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental (CESE), les mesures déjà mises en œuvre et celles prévues pour répondre aux préconisations du rapport ;

– que le HCC rend un avis sur la SNBC et les budgets carbone.

L’article L. 132-5 du même code prévoit la possibilité pour le HCC de s’autosaisir ou d’être saisi par le Gouvernement, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le CESE sur toute question ou projet de texte législatif ou toute question relative à son domaine d’expertise.

De plus, le Conseil supérieur de l’énergie est consulté sur « l’ensemble des actes de nature réglementaire émanant du Gouvernement, intéressant le secteur de l’électricité ou du gaz, à l’exception de ceux qui relèvent du domaine de compétence de la Caisse nationale des industries électriques et gazières » ([28]).

Enfin, l’OPECST produit régulièrement des rapports en lien avec les enjeux de politique nucléaire et organise fréquemment des auditions à ce sujet.

3.   Reddition de comptes au Parlement

Le VI de l’article L. 141-13 du code de l’énergie prévoit que les commissions compétentes du Parlement en matière d’énergie nucléaire et l’OPECST doivent être destinataires des avis obligatoires du HCEA sur la LPEC et la PPE, tout comme de son rapport annuel. Ce rapport doit faire l’objet d’une présentation par le haut-commissaire.

4.   Maintien d’une référence au conseil scientifique du CEA dans le code de la recherche

Le III de l’article 12 conserve l’article L. 332-4 du code de la recherche, que le projet de loi initial abrogeait. Cet article permet de conserver une assise légale au conseil scientifique du CEA et d’en définir les grandes missions, ses modalités de composition et de fonctionnement demeurant précisées par voie réglementaire.

B.   l’EXAMEN EN Séance publique

En séance, seul un amendement rédactionnel n° 94 du rapporteur Patrick Chaize a été adopté, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement.

IV.   Les TRAVAUX DE la commission

La commission des affaires économiques a adopté l’amendement de rédaction globale CE66 du rapporteur pour avis.

Cet amendement conserve une assise législative au HCEA tout en renvoyant au niveau réglementaire le détail de ses missions. En effet, le rapporteur considère que les missions du HCEA ne doivent pas être détaillées dans la loi, celui-ci étant placé sous l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement. La nouvelle rédaction de l’article 12 précise de manière très générale le rôle de conseil de HCEA auprès du Gouvernement en matière scientifique et technique sur les sujets nucléaires, tant civils que militaires. Il est précisé que cette mission inclut les enjeux de production d’électricité et de cycle du combustible, compte tenu de l’importance majeure que revêtent ces deux questions pour la souveraineté énergétique de la France, ce qu’ont montré les travaux de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France ([29]). Le HCEA devra aussi évaluer l’état des activités nucléaires civiles et le degré d’atteinte des objectifs de la politique nucléaire civile.

Outre la suppression de plusieurs dispositions introduites par le Sénat et qui relèvent manifestement du domaine réglementaire, l’amendement de rédaction globale supprime également :

– l’avis des commissions permanentes compétentes en matière d’énergie, à l’Assemblée nationale et au Sénat, sur la nomination du HCEA. Une telle procédure d’avis, prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, concerne les emplois ou fonctions ne relevant pas de l’autorité hiérarchique directe du Gouvernement et qui impliquent des pouvoirs de décision et de direction (présidents d’autorités administratives ou publiques indépendantes, d’établissements ou d’entreprises publics) ([30]). Le HCEA étant sous l’autorité hiérarchique directe du Premier ministre, une telle disposition présente donc un risque manifeste d’inconstitutionnalité. Un amendement de coordination à l’article 13 du projet de loi (CE68) a également été adopté pour tirer les conséquences de cette suppression ;

– l’avis obligatoire du HCEA sur la LPEC et la PPE, d’une part, et facultatif sur la SNBC et le PNIEC, d’autre part. Le rapporteur pour avis considère que le HCEA n’a pas vocation à se substituer à d’autres organismes disposant d’une vision globale sur les enjeux d’énergie ou de transition énergétique, notamment le Haut Conseil pour le climat.

Enfin, l’amendement CE66 supprime l’article L. 332-4 du code de la recherche, comme cela était prévu dans le projet de loi initial, le maintien d’une base légale au conseil scientifique du HCEA n’étant pas nécessaire.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

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Chapitre IV
Dispositions de coordination et finales

Article 13
Soumission de la recherche de l’ASNR à l’évaluation du Haut Conseil
de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES)
et coordination

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article vise à soumettre la recherche menée au sein de l’ASNR à l’évaluation du HCERES et à effectuer des coordinations légistiques. Le Sénat a adopté un amendement permettant à l’ensemble des personnel de l’ASNR de participer aux missions de contrôle de l’autorité.

I.   Le droit en vigueur

En matière de recherche, l’IRSN dispose aujourd’hui d’une notoriété et d’une visibilité dans le monde de la recherche qui devront être préservées. Par suite du transfert des missions de recherche qui relèvent actuellement de l’IRSN, il y a lieu de faire entrer l’ASNR dans le champ d’application de certaines dispositions du code de la recherche.

En outre, l’ASNR devra poursuivre la collaboration engagée par l’IRSN avec les industriels du secteur nucléaire, indispensable à la recherche en sûreté nucléaire. L’Autorité aura cependant la charge de contrôler ces exploitants, ce qui peut soulever certaines questions de déontologie.

Enfin, il est essentiel de garantir des ressources humaines et financières suffisantes à l’ASNR, sachant que l’IRSN bénéficiait du support de ses activités commerciales, notamment en matière de dosimètres, pour financer certaines de ses activités de recherche. Le manque à gagner de ce point de vue, à la suite du transfert au CEA de cette activité, est estimé à environ 3 millions d’euros.

II.   Le texte initial du projet de loi

Cet article de coordination contient plusieurs suppressions ou modifications d’articles dans les codes de la consommation, de l’environnement, de la recherche et de la santé publique, afin de les adapter à la nouvelle autorité qui sera mise en place.

En premier lieu, l’article L. 512-20 du code de la consommation prévoit que les agents habilités et les officiers et agents de police judiciaire peuvent se communiquer spontanément les informations et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives, sans que les dispositions de l’article 11 du code de procédure pénale sur le secret de la procédure au cours de l’enquête et de l’instruction ou celles relatives au secret professionnel fassent obstacle à une telle communication. Il est prévu que ces informations et documents peuvent être communiqués, pour l’exécution de leurs missions respectives en matière de conformité ou de sécurité des produits, notamment à l’ASN et à l’IRSN. Les alinéas 1 et 2 du présent article modifient le code de la consommation pour faire référence à la dénomination de la future autorité.

Le code de l’environnement est ensuite modifié à plusieurs occurrences. D’abord, la constitution de l’ASNR conduit à une modification de la composition du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Il est donc nécessaire de modifier l’article L. 125-37 du code de l’environnement relatif à la composition de cette instance (alinéas 4 et 5). Ensuite, la référence à la mission de suivi de la recherche de l’ASN à l’article L. 592-31-1 du code de l’environnement, intégrée par l’article 3 du présent projet de loi à l’article L. 592-28-2 du même code, est supprimée.

L’article L. 592-34 du code de l’environnement, qui prévoit un décret en Conseil d’État précisant les conditions d’application du chapitre relatif à l’ASN et à l’IRSN est abrogé. Un article L. 592-45 est créé, qui reprend le renvoi à un décret en Conseil d’État d’application en l’adaptant à la création de l’ASNR, pour ce qui concerne les prestations pouvant être rémunérées et les procédures d’homologation des décisions.

Concernant le code de la recherche, la future autorité se verra confier les missions actuelles de l’IRSN en matière de recherche, qu’il s’agisse de recherche amont ou de recherche finalisée. Afin de pouvoir exercer pleinement ces nouvelles missions, la future autorité devra pouvoir être reconnue officiellement comme établissement réalisant de la recherche par le ministère chargé de la recherche. L’article L. 114-3-1 est modifié pour permettre au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) d’évaluer, à la demande de l’ASNR, les activités de recherche de l’autorité. En revanche, l’établissement ASNR ne sera pas évalué par le HCERES en tant qu’établissement de recherche.

Le code de la recherche est également modifié, pour rendre l’abrogation par l’article 12 du présent projet de loi de l’article L. 332-4 du même code relatif au haut-commissaire à l’énergie atomique applicable à l’outre-mer.

Enfin, la constitution de l’ASNR conduit également à plusieurs modifications du code de la santé publique par la suppression de la référence à l’IRSN à l’article L. 1411-5-1 ainsi qu’à l’article L. 1451-1.

III.   les dispositions adoptées par le SÉnat

A.   L’examen en commission

La commission a adopté un amendement du rapporteur COM-18 qui vise à permettre, par modification de l’article L. 596-2 du code de l’environnement (alinéa 16), à l’ensemble des personnels de l’ASNR d’être nommés inspecteurs de la sûreté nucléaire, de mener des enquêtes techniques et d’être nommés inspecteurs de la radioprotection en remplaçant le terme « agents » par le terme plus englobant de « personnels ». Le personnel de la future ASNR serait en effet à la fois composé d’agents publics (fonctionnaires et contractuels) et de salariés de droit privé. Le Conseil d’État avait relevé dans son avis que le Conseil constitutionnel a jugé qu’aucune exigence constitutionnelle n’impose que tous les emplois participant à l’exercice de « fonctions régaliennes » soient occupés par des fonctionnaires (décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019) et que des dispositions prévoyant qu’un organisme public peut employer des agents contractuels de droit privé accomplissant pour son compte des missions de police administrative n’ont ni pour objet ni pour effet de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale (décision n° 2023-1042 QPC du 31 mars 2023, à propos de l’Office national des forêts).

L’amendement adopté ne conduit toutefois pas à confier aux salariés de droit privé qui seraient inspecteurs de sûreté nucléaire l’exercice de prérogatives de police judiciaire, ce qui serait contraire à l’article 66 de la Constitution. Les articles L. 172-4 et L. 596-10 du code de l’environnement, qui ne sont pas modifiés, réservent l’exercice de ces prérogatives aux fonctionnaires et aux agents publics.

La commission a par ailleurs adopté un amendement de coordination COM‑70 du rapporteur pour avis (M. Chaize, LR), qui vise à assurer l’application outre-mer de l’article 12 du présent projet de loi (alinéas 20 à 25).

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement rédactionnel de M. Chaize.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté un amendement CD441 de M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques, tirant les conséquences, en termes de coordination juridique, de la suppression, à l’article 12, de la mention du haut-commissaire à l’énergie atomique dans le code de la recherche.

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Article 14
Conditions de nomination du président de l’Autorité de sûreté nucléaire
et de radioprotection et actualisation de références législatives

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 14 du projet de loi, dans sa rédaction initiale, prévoit que la nomination à la présidence de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) sera contrôlée par la commission permanente compétente en matière d’énergie au sein de chaque assemblée.

Le Sénat a souhaité que cette nomination soit contrôlée par la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques.

L’article 14 procède en outre à des modifications rédactionnelles de coordination.

I.   Le droit en vigueur

Le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose qu’« une loi organique détermine les emplois ou fonctions […] pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés ».

L’annexe de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dresse la liste des emplois et fonctions concernés. Les nominations du Président de la République à la présidence de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et à la direction générale de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sont ainsi contrôlées par le Parlement.

L’annexe de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution détermine les commissions permanentes compétentes au sein de chaque assemblée pour émettre un avis sur les nominations aux emplois et fonctions mentionnés dans l’annexe de la loi organique précitée. Il s’agit :

– pour la présidence de l’ASN, de la commission compétente en matière d’énergie, à savoir la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale comme au Sénat ;

– pour la direction générale de l’IRSN, de la commission compétente en matière d’environnement, c’est-à-dire la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat.

II.   Le texte initial du projet de loi

A.   Conditions de nomination du président de l’ASNR

Le III du présent article 14 modifie l’annexe de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution afin de tirer les conséquences de la création de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

En remplaçant la référence à l’ASN par une référence à l’ASNR, le du III prévoit un contrôle de la nomination à la présidence de la nouvelle autorité par la commission compétente en matière d’énergie, à savoir la commission des affaires économiques dans les deux assemblées. Le du III supprime la référence à la nomination à la direction générale de l’IRSN.

B.   Actualisation de références législatives

Les I et II du présent article 14 procèdent à de nombreuses coordinations rédactionnelles afin de tirer les conséquences de la création de l’ASNR.

Le I remplace les références à l’ASN par des références à l’ASNR dans :

– le code de la défense ( du I) ;

– le code de l’environnement ( du I) ;

– le code de la santé publique ( du I) ;

– le code du travail ( du I) ;

– la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ( du I) ;

– la loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ( du I).

Le II remplace, à l’article L. 221-6 du code de l’environnement, la référence à l’IRSN, chargé de publier les résultats d’études épidémiologiques et d’études sur l’environnement liées aux rayonnements ionisants, par une référence à l’ASNR.

III.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté six amendements à l’article 14.

● L’amendement COM-22 du rapporteur M. Pascal Martin (Union Centriste) modifie le III pour prévoir que la commission permanente compétente de chaque assemblée pour émettre un avis sur la nomination à la présidence de l’ASNR, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, est la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques. Il s’agit de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au Sénat.

Comme l’a rappelé avec justesse le rapporteur M. Pascal Martin, la raison d’être de la future ASNR ne sera pas de garantir l’approvisionnement énergétique, mais d’assurer la sûreté nucléaire. Le choix de la commission chargée de la prévention des risques technologiques traduit donc cette priorité accordée à la sûreté. À cet égard, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale assure déjà un suivi des questions de sûreté nucléaire à plusieurs titres. Elle est, pour mémoire, compétente pour émettre un avis au titre de l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution sur la nomination du directeur général de l’IRSN. En outre, cette commission examine chaque année, pour avis, les crédits relatifs à la prévention des risques du projet de loi de finances. Elle se prononce, dans ce cadre, sur les subventions accordées à l’ASN et à l’IRSN. Enfin, c’est bien cette commission qui a été chargée d’examiner au fond le présent projet de loi.

● Les amendements identiques COM-19 du rapporteur M. Pascal Martin et COM-71 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques M. Patrick Chaize (Les Républicains) et l’amendement COM-20 du rapporteur M. Pascal Martin procèdent à plusieurs corrections d’erreurs de référence. La commission a également adopté l’amendement de coordination légistique COM-21 du rapporteur et l’amendement COM-6 visant à supprimer une référence obsolète, également présenté par le rapporteur.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement de coordination légistique COM-96 du rapporteur M. Pascal Martin.

IV.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté trois amendements de coordination rédactionnelle CD409, CD410 et CD411 du rapporteur.

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Article 15
Entrée en vigueur

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 15 du projet de loi fixe l’entrée en vigueur des articles du titre Ier, relatif à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), au 1er janvier 2025, en prévoyant quelques exceptions.

I.   le texte INITIAL du PROJET DE LOI

L’article 15 fixe l’entrée en vigueur du titre Ier du présent projet de loi, relatif à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), au 1er janvier 2025.

Plusieurs exceptions sont néanmoins prévues :

– les I et II de l’article 11, relatifs respectivement à l’augmentation de la rémunération des salariés et des contractuels de droit public de l’ASN et de l’IRSN en 2024 et à la remise d’un rapport au Parlement sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’ASNR en 2025, entrent en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel ;

– l’article 12, qui vise à rattacher le haut-commissaire à l’énergie atomique auprès du Premier ministre, entre également en vigueur le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel ;

– le troisième alinéa du IV de l’article L. 592-12-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 6 du présent projet de loi, qui exclut les agents publics de l’ASNR du champ de l’action sociale interministérielle, entre en vigueur à compter de la date à laquelle ces agents publics bénéficient de plein droit du dispositif d’activités sociales et culturelles du comité social d’administration de la nouvelle autorité et au plus tard le 1er juillet 2027.

II.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’examen en commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM-23 du rapporteur M. Pascal Martin (Union Centriste).

Outre la suppression d’une référence obsolète, cet amendement prévoit une entrée en vigueur immédiate de la disposition prévoyant que la commission permanente compétente dans chaque assemblée pour émettre un avis sur la nomination du président de l’ASNR est la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques.

En effet, le mandat de l’actuel président expirant en novembre 2024, le Président de la République devrait nommer le nouveau président avant le 1er janvier 2025.

B.   L’examen en séance publique

En séance publique, le Sénat a adopté l’article 15 sans modification.

III.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté un amendement de coordination juridique CD443 du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Antoine Armand (Renaissance), et un amendement rédactionnel CD412 du rapporteur.

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Article 15 bis (nouveau)
Rapports de suivi de la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance
de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Créé par la commission

 

L’article 15 bis du projet de loi, créé par la commission, prévoit la remise à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) de trois rapports de suivi de la mise en place de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR).

L’article 15 bis résulte de l’adoption, par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de deux amendements identiques CD413 du rapporteur et CD363 de M. Anthony Brosse (Renaissance).

Afin d’améliorer le suivi de la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection par le Parlement, cet article prévoit la remise de plusieurs rapports à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) :

– un rapport du Gouvernement faisant état de l’avancée des travaux préparatoires de mise en œuvre de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), remis à l’Opecst au plus tard le 1er juillet 2024 ;

– un rapport de l’ASNR dressant un bilan de sa création et de la mise en œuvre de la réforme, remis à l’Opecst au plus tard le 1er juillet 2025 ;

– un second rapport de l’ASNR, dressant un nouveau bilan de sa création et de la mise en œuvre de la réforme, remis à l’Opecst au plus tard le 1er juillet 2026.

Ce suivi renforcé de la réforme par l’Opecst, pendant une durée de deux ans, doit permettre de garantir pleinement l’effectivité du contrôle et de l’évaluation exercés par les parlementaires. Conformément aux conclusions adoptées par l’Office lors de sa réunion du 28 février 2023 ([31]), l’Opecst veillera spécifiquement au maintien des compétences dans la structure unifiée, à la distinction entre expertise et contrôle et à la mise en œuvre des engagements relatifs à l’information, à la transparence et au dialogue technique avec la société.

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TITRE II
Adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires

Les articles 16 à 18 du projet de loi permettent aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices de déroger à certaines règles applicables en matière de commande publique pour des projets liés au nucléaire. Dans les faits, les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices concernés seraient :

– d’une part, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, (ANDRA), qui sont des personnes morales de droit public et donc des pouvoirs adjudicateurs ;

– d’autre part, EDF, qui est une entité adjudicatrice, du fait de son actionnariat et de son activité ([32]).

RTE, qui est une entité adjudicatrice, bénéficiera également des dispositions des articles 16, 17, 17 bis et 17 ter lorsqu’elles s’appliquent à la réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens de la loi « Nucléaire » ([33]), étant donné que celle-ci a inclus, dans la définition de cette réalisation, les ouvrages de raccordement du réacteur au réseau de transport d’électricité.

Les articles 16 et 17 complètent l’arsenal de mesures d’accélération prévues par cette loi « Nucléaire », adoptée par le Parlement en mai 2023. L’article 18 permet de sécuriser la préservation des intérêts essentiels de l’État pour certains marchés publics dans le domaine nucléaire.

Le Conseil constitutionnel a souligné, dans sa décision sur cette même loi « Nucléaire », que de telles mesures d’accélération relèvent de la mise en œuvre des « exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l’indépendance de la Nation ainsi que les éléments essentiels de son potentiel économique, et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ». Selon le Gouvernement, cela permet de fonder des dérogations complémentaires dès lors qu’elles contribuent à accélérer les projets nucléaires ([34]). De plus, le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, a relevé que les mesures relatives à la sécurisation des procédures de la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires, étaient circonscrites dans leur champ d’application matériel et qu’elles pouvaient être justifiées par les mêmes motifs que ceux retenus par le Conseil constitutionnel sur la loi « Nucléaire ».

Selon l’étude d’impact, l’ampleur et la longue durée des chantiers, la complexité des projets nucléaires ou encore la nécessité, pour la construction des futurs EPR2, d’opérer selon une logique sérielle, justifie de telles mesures. La relance du nucléaire constitue en effet un défi industriel inédit.

Enfin, sur des aspects plus formels, le Conseil d’État a admis le choix du Gouvernement de ne pas codifier les dispositions dérogatoires sur la commande publique du projet de loi, « en raison de la spécificité de leur champ d’application ».

Chapitre Ier
Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les projets nucléaires

Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 16 permet aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices de déroger à l’obligation d’allotissement des marchés publics pour certains projets dans le domaine nucléaire. Le Sénat a codifié cette disposition et modifié son champ d’application.

La commission des affaires économiques a supprimé cette codification et a élargi la dérogation à d’autres installations relatives au nucléaire. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté l’article ainsi modifié.

I.   Le DROIT en vigueur

A.   Le droit français impose l’allotissement des marchés publics, mais le droit européen en fait une faculté

L’article L. 2113-10 du code de la commande publique (CCP) impose qu’un marché public soit passé en lots séparés. Cette obligation d’allotir en droit français n’est toutefois qu’une faculté en droit de l’Union européenne :

– l’article 46 de la directive 2014/24/UE ([35]) dispose que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider d’attribuer un marché sous la forme de lots distincts », tout en prévoyant explicitement la faculté pour les États membres de rendre cet allotissement obligatoire ;

– l’article 65 de la directive 2014/25/UE ([36]), qui traite spécifiquement des marchés passés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux est rédigée dans des termes similaires pour les entités adjudicatrices concernées.

B.   Des exceptions à l’obligation d’allotissement sont prévues, sans toutefois répondre aux spécificités de certains marchés passés dans le secteur du nucléaire

1.   Des exceptions à l’obligation d’allotissement sont prévues par le code de la commande publique

L’article L. 2113-10 du CCP précité n’impose pas l’allotissement lorsque l’objet du marché ne permet pas d’identifier des prestations distinctes.

L’article L. 2113-11 du CCP permet également de déroger à l’obligation d’allotir un marché public dans 3 cas, rappelés ci-dessous. La possibilité offerte aux entités adjudicatrices de ne pas allotir en cas de risque de procédure infructueuse est issue d’une disposition de la loi « Industrie verte », récemment adoptée par le Parlement ([37]).

Art. L. 2113-11 du code de la commande publique

« L’acheteur peut décider de ne pas allotir un marché dans l’un des cas suivants :
« 1° Il n’est pas en mesure d’assurer par lui-même les missions d’organisation, de pilotage et de coordination ;

« 2° La dévolution en lots séparés est de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l’exécution des prestations ;

« 3° Pour les entités adjudicatrices, lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse.

« Lorsqu’un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. »

2.   Ces dérogations ne sont pas totalement adaptées aux projets nucléaires

Dans l’étude d’impact sur le présent projet de loi, le Gouvernement explique pourquoi les dérogations à l’obligation d’allotir permises par l’article L. 2113-11 du CCP ne sont pas totalement adaptées aux projets nucléaires :

– s’agissant de l’impossibilité pour l’acheteur d’assurer par lui-même l’organisation, le pilotage et la coordination nécessaires (1° de l’article), il souligne qu’EDF peut assurer ces missions mais que cela ne serait pas nécessairement optimal du fait des risques de dérives de calendrier ou « de refus des constructeurs d’endosser les résultats des études conduites par des tiers » ;

– s’agissant du risque de procédure infructueuse (3° de l’article), le Gouvernement souligne qu’un tel risque n’existe pas vraiment pour ce type de marchés.

La seule exception qui pourrait donc s’appliquer est celle concernant le risque de rendre techniquement difficile ou plus coûteuse l’exécution des prestations (2° de l’article). Cependant, là encore, le Gouvernement souligne que c’est surtout le fait de procéder à l’allotissement qui peut rendre le projet d’ensemble plus difficile ou plus coûteux, sans pour autant qu’il y ait une hausse du coût au niveau de chaque prestation concernée. De même, il souligne que le Conseil d’État a eu l’occasion d’appliquer de manière restrictive cette dérogation, en jugeant que l’absence d’allotissement d’un marché n’est pas admise au motif d’une économie de moins de 2 % sur la procédure ([38]). En définitive, le risque le plus important lié à l’allotissement des marchés pour des projets dans le domaine nucléaire serait « un risque d’interface (i.e., lié à la coordination entre intervenants ou à son absence) et de retard de nature à engendrer des surcoûts importants », selon l’étude d’impact du projet de loi.

II.   le Texte initial du projet de loi

Afin d’accélérer et de limiter les coûts de la réalisation de diverses installations nucléaires ou de leur démantèlement et de la remise en état des sites associés, l’article 16 du projet de loi permet de déroger à l’obligation d’allotissement pour certains projets nucléaires. Comme cela vient d’être expliqué, l’article L. 2113-11 du CCP s’avère en effet insuffisant pour répondre au besoin de tels projets. Une telle mesure permet aussi de prévenir d’éventuels contentieux.

L’étude d’impact du projet de loi souligne que les coûts du retard de la construction d’un réacteur, tels qu’estimés par la délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN), sont de 10 millions d’euros 2020 (M€2020) en phase d’étude, de 50 à 60 M€2020 en phase de travaux de génie civil et de 25 M€2020 en phase de montage.

Les marchés concernés par la dérogation sont les marchés de travaux, de fournitures ou de service nécessaires à la réalisation des installations, des travaux et des opérations de démantèlement et de réhabilitation de sites listés dans le tableau ci-dessous.

Catégories de marchés publics éligibles à la dérogation introduite par l’article 16 du projet de loi

 

Numérotation
à l’art. 16

Objet du marché

Réalisation d’un réacteur électronucléaire au sens de la loi « Nucléaire » de juin 2023, c’est-à-dire « l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création ou à sa mise en service ainsi que ses ouvrages de raccordement au réseau de transport d’électricité » et « les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation de celui-ci », pour les réacteurs situés à proximité immédiate d’une installation nucléaire de base (INB) existante, dont la demande d’autorisation de création est déposée d’ici juin 2043.

Réalisation d’une INB ([39]) ou d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) soumise à autorisation ou enregistrement à des fins de recherche relative aux utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire ou à la maîtrise de ses effets (cela concerne, par exemple, le réacteur Jules Horowitz du CEA)

Réalisation d’une INB ou d’une ICPE soumise à autorisation lorsqu’elle est destinée à assurer des activités de gestion de déchets radioactifs ou de combustibles usés issus d’INB

Réalisation de travaux souterrains relatifs à un laboratoire souterrain de recherche pour le stockage ou l’entreposage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (par exemple, le laboratoire de Bure) ou d’opérations de réhabilitation du site après arrêt définitif de ce type d’installation

Réalisation d’opérations de démantèlement :

– d’une INB, lorsqu’elle abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration ;

– d’installations nucléaires de base secrètes.

Réalisation d’opérations de réhabilitation de site après arrêt d’une ICPE lorsque celle‑ci abrite ou a abrité des matières nucléaires dont la détention est soumise à autorisation ou déclaration

III.   les dispositions adoptées par le sénat

A.   l’examen En commission

La commission de l’aménagement du territoire du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM-55 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques Patrick Chaize (LR). Cet amendement de rédaction globale procède à plusieurs séries de modifications par rapport à la rédaction initiale du présent article 16.

1.   L’extension du champ d’application de la dérogation à l’obligation d’allotissement

L’amendement COM-55 complète le 1° de l’article 16 afin d’y mentionner la réalisation d’installations d’entreposage de combustibles usés qui bénéficieraient, par arrêté, des mesures d’accélération de la loi « Nucléaire ». Ces installations pourront donc bien bénéficier de l’exception à l’obligation d’allotissement des marchés.

Au 2° de l’article 16, le champ de la dérogation à l’obligation d’allotissement est élargi à la réalisation d’installations directement nécessaires aux activités de recherche qui sont visées par ce même 2°. La rédaction initiale de l’article 16 n’incluait que les installations de recherche proprement dites. Selon le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat sur le projet de loi ([40]), cet ajout reflète la volonté du CEA d’inclure les installations « supports » pouvant se trouver « sur le chemin critique de la réalisation ou de l’exploitation de l’installation principale ».

Enfin, tant pour la réalisation d’installations de recherche que pour la réalisation d’installations d’entreposage de combustible usé ou de gestion des déchets radioactifs, l’amendement COM-55 précise que cette notion de réalisation « regroupe notamment l’ensemble des constructions, des aménagements, des équipements, des installations et des travaux liés à sa création, à sa mise en service ou à son extension, ainsi que les installations ou les aménagements directement liés à la préparation des travaux en vue de la réalisation de celle-ci ». Cette définition se fonde sur celle de la réalisation d’un réacteur électronucléaire utilisée dans la loi « Nucléaire », en y ajoutant les extensions d’installations et en permettant une interprétation plus large des aménagements, équipements, installations et travaux concernés (puisqu’il est indiqué que la réalisation regroupe « notamment » ceux-ci).

2.   La mention expresse des marchés mixtes

L’amendement COM-55 du rapporteur Patrick Chaize explicite le fait que les marchés dits « mixtes », définis à l’article L. 1111-5 du CCP ([41]), peuvent bien bénéficier des dérogations à l’obligation d’allotissement prévues au présent article 16.

3.   Des précisions rédactionnelles et une codification des dispositions dans le code de la commande publique

Outre diverses précisions rédactionnelles, l’amendement de M. Patrick Chaize substitue au terme de marchés « nécessaires » à la réalisation d’une installation, celui de marchés « relatifs » à une telle réalisation, en soulignant que ce dernier terme avait déjà été utilisé à l’article 16 de la loi « Nucléaire », qui concerne les pouvoirs de régularisation du juge administratif en matière de contentieux lié à la réalisation d’un réacteur électronucléaire.

De plus, l’amendement codifie les dispositions de l’article 16 dans un nouvel article L. 2173-1 du code de la commande publique. Le rapporteur Patrick Chaize justifie cette codification par le fait que les mesures concernées doivent être pérennes. On peut cependant relever que le code de la commande publique n’a jamais eu vocation à accueillir de dispositions sectorielles et que, par ailleurs, la réalisation d’un réacteur électronucléaire visée au 1° de l’article renvoie à la loi « Nucléaire », qui est d’application temporaire (20 ans).

B.   l’examen En séance publique

Aucun amendement n’a été adopté au Sénat en séance publique sur cet article.

IV.   Les travaux de la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE78 du rapporteur pour avis visant à supprimer la codification des dispositions de l’article 16, le code de la commande publique n’ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles.

Elle a ensuite adopté trois amendements relatifs au champ d’application de la dérogation à l’obligation d’allotissement des marchés publics, tous trois déposés par le rapporteur pour avis.

L’amendement CE77 supprime l’inclusion, par le Sénat, des installations directement nécessaires aux activités de recherche visées par le 2° de l’article 16, une telle précision n’étant pas nécessaire. En effet, le Sénat a précisé, à l’alinéa 12 du même article 16, ce que recouvre la notion de « réalisation » d’une installation. De plus, l’amendement CE102 du rapporteur pour avis ajoute à la liste des marchés publics pouvant déroger à l’obligation d’allotissement ceux relatifs à la réalisation d’installations de fabrication ou de maintenance d’emballages de transport de substances radioactives, de telles installations étant cruciales pour le bon avancement des autres chantiers mentionnés à l’article 16.

L’amendement CE101 permet, quant à lui, d’inclure dans le champ de la dérogation de ce même article 16 les travaux de surface pour les laboratoires de recherche souterrains sur le stockage ou l’entreposage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (4° de l’article), en complément des travaux souterrains déjà mentionnés.

La commission a également adopté un amendement rédactionnel CE79 du rapporteur au titre du chapitre Ier du titre II ainsi que deux amendements rédactionnels CE76 et CE75 du rapporteur à l’article 16.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté l’article 16 ainsi modifié.

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Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 17 permet, pour les mêmes installations que celles visés à l’article 16, de déroger à la durée maximale des accords-cadres prévue pour les marchés publics.

Le Sénat a codifié la mesure, a précisé qu’elle est applicable aux marchés mixtes et a indiqué que cette dérogation doit être dûment justifiée. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé cette codification et apporté des précisions rédactionnelles. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

I.   Le DROIT en vigueur

L’article L. 2125-1 du CCP permet à un acheteur public de recourir à diverses techniques d’achat pour présélectionner des opérateurs économiques susceptibles de répondre à son besoin.

Parmi ces techniques figure l’accord-cadre qui, aux termes de ce même article, « permet de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée ». L’accord-cadre est un outil de planification qui permet, selon un guide pratique sur le sujet édité par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, « d’ajuster la réponse aux besoins, à mesure de l’apparition de ceux-ci » ([42]).

L’accord-cadre peut être conclu avec un ou plusieurs opérateurs. Une fois conclu, il permet notamment à l’acheteur de passer des marchés à bons de commande ou des marchés subséquents dans le cadre de cet accord, sans nouvelles mesures de publicité, les titulaires de l’accord-cadre ayant déjà été désignés. La durée maximale des accords-cadres est fixée :

– à 8 ans pour les entités adjudicatrices ;

– à 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs.

La dérogation à ces durées n’est admise que dans des cas exceptionnels, qui doivent être justifiés, « notamment par leur objet ou par le fait que leur exécution nécessite des investissements amortissables sur une durée supérieure ou par un risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse dans le cadre de la procédure de passation d’un accord-cadre engagée par une entité adjudicatrice », selon le même article L. 2125-1 du CCP. Cette dernière précision relative à la dérogation autorisée pour les entités adjudicatrices résulte de l’article 27 de la loi « Industrie verte ».

En droit européen, le considérant 72 de la directive 2014/25/UE précitée (voir le commentaire de l’article 16) indique que le besoin d’une telle dérogation pourrait se présenter, par exemple, lorsque « les opérateurs économiques ont besoin de disposer d’équipements dont la durée d’amortissement est supérieure à huit ans et […] doivent être disponibles en tout temps pendant toute la durée de l’accordcadre ». Le considérant 62 de la directive 2014/24/UE précitée est rédigé en des termes similaires.

II.   Le texte initial du projet de loi

L’article 17 du projet de loi sécurise la possibilité de déroger à la durée maximale des accords-cadres prévue par le code de la commande publique. Ainsi, pour les projets mentionnés à l’article 16, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices pourront déroger à cette durée maximale, pour une durée qui peut égaler celle du projet concerné. Cette durée doit être fixée en fonction des aléas inhérents à la réalisation de ce dernier.

Comme celles de l’article 16, ces dispositions vont dans le sens d’une accélération des projets dans le domaine nucléaire, de la maîtrise de leurs coûts et d’une meilleure visibilité sur les investissements à réaliser. De plus, la dérogation de l’article 17 répond au besoin de standardisation des équipements utilisés dans la réalisation des différentes installations : l’étude d’impact souligne que ces équipements industriels complexes sont produits en petites séries dans l’industrie nucléaire. Par ailleurs, pour certains équipements, des dizaines ou des centaines de références différentes peuvent exister.

De plus, la construction d’un EPR s’étale sur une durée bien supérieure à 8 ans. Par exemple, la mise en service du premier EPR2 à Penly est aujourd’hui espérée pour 2035, le chantier devant débuter à l’été 2024. Les durées associées aux opérations préparatoires à un démantèlement sont également plus longues que celles permises par les accords-cadres : elles peuvent durer 5 à 10 ans selon l’étude d’impact, le démantèlement proprement dit étant « la phase la plus longue et la plus susceptible d’aléas, qui peut durer plusieurs décennies ».

Enfin, en favorisant le recours à des équipements standardisés, le bénéfice des dispositions de l’article 17 du projet de loi s’étendra même au-delà des phases de construction et de mise en service des réacteurs, puisque l’exploitation et la maintenance en seront aussi rendues plus aisées.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, n’a noté aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel à la mesure. Il a cependant relevé que l’article 17 introduit une limite qui ne figure aujourd’hui pas en droit, « de sorte qu’elle va audelà de ce qu’impose la transposition du droit de l’Union européenne, et qu’elle impose en outre aux acheteurs de prévoir dans les accords-cadres concernés par la mesure une durée plus longue, par la prise en compte des aléas, que celle annoncée par ailleurs pour la réalisation du projet ». Les services ministériels ont toutefois indiqué à votre rapporteur que cet article 17 limitera le risque que la dérogation à la durée maximale des accords-cadres déjà prévue en droit « puisse être interprétée de manière excessivement restrictive ».

III.   les dispositions adoptées par le Sénat

A.   l’examen En commission

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM‑56 du rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR).

Comme pour les autres amendements du rapporteur ayant trait à la commande publique, il codifie les dispositions de l’article 17 au sein du code de la commande publique.

Sur le fond, l’amendement COM-56 précise, comme à l’article 16, que les dispositions de l’article 17 sont également applicables aux marchés mixtes définis à l’article L. 1111-5 du CCP.

Il ajoute enfin que l’emploi de la dérogation prévue à l’article 17 doit être justifié, cette exigence de justification étant applicable en droit commun pour déroger à la durée maximale des accords-cadres. Cette précision est effectuée dans un souci de conformité au droit de l’Union européenne, selon l’exposé sommaire de l’amendement.

B.   l’examen En séance publique

Aucun amendement n’a été adopté au Sénat en séance publique sur cet article.

IV.   Les travaux de la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE74 du rapporteur pour avis visant à supprimer la codification des dispositions de l’article 17, le code de la commande publique n’ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles.

Elle a également adopté deux amendements CE73 et CE72, d’ordre rédactionnel.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

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Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 17 bis précise que pour les marchés publics relatifs à la réalisation d’un réacteur électronucléaire, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent inclure, parmi les critères d’attribution d’un marché public, la crédibilité des offres des soumissionnaires ou en tenir compte. Cet article est issu d’un amendement du rapporteur pour avis du Sénat Patrick Chaize.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé la codification des dispositions de l’article 17 bis au sein du code de la commande publique. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

I.   Le DROIT en vigueur

A.   La partie législative du code de la commande publique définit de manière générale la notion d’offre économique la plus avantageuse

L’article L. 2152-7 du code de la commande publique prévoit qu’un marché public est attribué au soumissionnaire qui présente l’offre économiquement la plus avantageuse. Cette notion peut être déterminée selon deux approches :

– soit sur la base du critère du prix ou du coût ;

– soit sur la base d’une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, incluant le prix ou le coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux.

Cette définition est en vigueur depuis la promulgation de la loi « Industrie verte », en octobre 2023. Auparavant, la notion d’offre économique la plus avantageuse devait être déterminée « sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». À compter du 22 août 2026, en application de l’article 35 de la loi « Climat et résilience » ([43]), cette définition sera une nouvelle fois modifiée afin d’inclure de manière obligatoire un critère prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre.

B.   La partie réglementaire du code de la commande publique et la jurisprudence permettent de préciser cette notion

L’article R. 2152-7 du CCP énumère, de manière non exhaustive, certains critères qui peuvent être pris en compte au titre de la notion d’offre économiquement la plus avantageuse. Y figurent, par exemple, la qualité, les délais d’exécution, la sécurité des approvisionnements, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ou encore l’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché, etc. Il est précisé que « d’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution ».

Si le critère de crédibilité des offres n’est pas expressément mentionné dans la partie réglementaire du CCP, la jurisprudence a déjà reconnu que ce critère pouvait être pris en compte pour fonder le choix de l’attributaire d’un marché ([44]).

En droit de l’Union européenne, l’article 67 de la directive 2014/24/UE et l’article 82 de la directive 2014/25/UE se réfèrent également à la notion d’offre économique la plus avantageuse pour attribuer le marché, en citant divers exemples de critères pouvant être pris en compte à ce titre. Le critère de crédibilité des offres n’est, là non plus, pas expressément mentionné.

II.   Les dispositions adoptées par le sénat

A.   l’examen En commission

L’article 17 bis résulte de l’adoption d’un amendement COM-57 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR), par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.

Il prévoit explicitement au niveau législatif que, pour les marchés relatifs à la réalisation d’un réacteur électronucléaire, c’est-à-dire pour ceux mentionnés au 1° de l’article 16 du projet de loi, les critères d’attribution du marché peuvent prendre en compte la crédibilité des offres des soumissionnaires ou en tenir compte. Il précise sur le fondement de quelles caractéristiques peut s’apprécier cette crédibilité (faisabilité et maturité des solutions techniques ou adéquation des délais, des moyens ou des méthodes).

Cette disposition est codifiée dans le code de la commande publique.

Le rapporteur Patrick Chaize a souhaité l’introduction de cette disposition dans le texte car elle permet, à son sens, de sélectionner les offres « selon leur faisabilité et leur maturité technologiques, mais aussi selon l’adéquation des délais, des moyens et des méthodes », selon l’exposé sommaire de l’amendement. La disposition s’appliquerait uniquement à la réalisation des réacteurs électronucléaires au sens de la loi « Nucléaire », ce qui permet de circonscrire la dérogation.

B.   l’examen En séance publique

L’article 17 bis n’a pas été modifié en séance publique au Sénat.

III.   Les travaux de la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE71 du rapporteur pour avis visant à supprimer la codification des dispositions de l’article 17 bis, le code de la commande publique n’ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

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Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 17 ter précise comment doit s’apprécier le caractère nécessaire de travaux, de fournitures ou de services supplémentaires fondant le recours à un avenant sans nouvelle procédure de mise en concurrence, dans le cadre des marchés relatifs à la réalisation d’un réacteur électronucléaire. Cet article est issu d’un amendement du rapporteur pour avis du Sénat, Patrick Chaize.

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé la codification des dispositions au sein du code de la commande publique et adopté des amendements d’ordre rédactionnel. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

I.   le droit en vigueur

L’article L. 2194-1 du CCP permet de recourir à un avenant dans le cadre d’un marché public, sans passer par une nouvelle procédure de mise en concurrence, sous réserve que cela ne change pas la nature globale du marché et dans un nombre de cas limitativement énumérés ci-dessous.

Art. L. 2194-1 du code de la commande publique

« Un marché peut être modifié sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions prévues par voie réglementaire, lorsque :

« 1° Les modifications ont été prévues dans les documents contractuels initiaux ;

« 2° Des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires ;

« 3° Les modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues ;

« 4° Un nouveau titulaire se substitue au titulaire initial du marché ;

« 5° Les modifications ne sont pas substantielles ;

« 6° Les modifications sont de faible montant.

« Qu’elles soient apportées par voie conventionnelle ou, lorsqu’il s’agit d’un contrat administratif, par l’acheteur unilatéralement, de telles modifications ne peuvent changer la nature globale du marché. »

Des précisions complémentaires sur ces conditions sont apportées par la partie réglementaire du CCP (articles R. 2194-1 et suivants). En particulier, l’article R. 2194-2 de ce même code précise comment s’apprécie la possibilité de conclure un avenant sans nouvelle procédure de mise en concurrence lorsque « des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires » (2° de l’article L. 2194-1 CCP) :

– ces travaux, fournitures ou services ne devaient pas figurer dans le marché initial ;

– et le changement de titulaire doit être impossible pour des raisons économiques ou techniques. Celles-ci peuvent notamment être liées « à des exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché initial ».

L’article R. 2194-3 dudit code précise que pour les pouvoirs adjudicateurs, le montant de la modification ainsi engendrée ne peut être supérieur à 50 % du montant du marché initial.

En droit de l’Union européenne, l’article 89 de la directive 2014/25/UE et l’article 72 de la directive 2014/24/UE précitées précisent, de la même manière, qu’une telle modification peut avoir lieu lorsqu’un changement de contractant est impossible pour des raisons économiques ou techniques et présenterait un inconvénient majeur ou entraînerait une augmentation substantielle des coûts.

II.   Les dispositions adoptées par le sénat

A.   l’examen En commission

L’article 17 ter résulte de l’adoption de l’amendement COM-58 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR), en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Il indique, pour les marchés publics relatifs à la réalisation d’un réacteur électronucléaire mentionnés au 1° de l’article 16 du projet de loi, comment doit s’apprécier la notion de travaux, fournitures ou services supplémentaires justifiant la conclusion d’un avenant sans remise en concurrence :

– sous réserve de l’absence de changement de la nature globale du marché, cette notion peut notamment s’apprécier en fonction de l’évolution de la conception du projet ;

– reprenant au niveau législatif les critères figurant à l’article R. 2194-2 du CCP, il précise aussi qu’un avenant sans remise en concurrence n’est alors permis que si le changement de titulaire est impossible pour des raisons économiques ou techniques, tenant notamment à des exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché initial.

Comme pour l’article 17 bis, le rapporteur Patrick Chaize relève que des dispositions similaires figuraient dans l’avant-projet de loi transmis par le Gouvernement au Conseil d’État. Il souhaite faciliter le recours à de tels avenants en réintroduisant une disposition à ce sujet dans le projet de loi, faisant observer que « la construction de réacteurs électronucléaires, compte tenu de sa durée longue et de sa complexité avérée, nécessite de reposer sur des contrats à même d’intégrer les évolutions techniques nécessaires ». La disposition permettrait ainsi de clarifier l’interprétation de la notion de travaux, services ou fournitures supplémentaires et de limiter le risque contentieux associé.

Tout comme pour les autres articles ayant trait à la commande publique, le Sénat a codifié cette disposition dans le code de la commande publique.

B.   l’examen En séance publique

Cet article n’a fait l’objet d’aucune modification en séance publique au Sénat.

III.   Les travaux de la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE70 du rapporteur pour avis visant à supprimer la codification des dispositions de l’article 17 ter, le code de la commande publique n’ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles. Elle a également adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur pour avis (CE100 et CE99).

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

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Chapitre II
Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux de la Nation en matière nucléaire

Adopté par la commission avec modifications

 

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

L’article 18 permet de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation de certains marchés publics dans le domaine nucléaire, lorsque la protection des intérêts essentiels de l’État est en jeu.

Le Sénat a codifié la disposition, a ajusté son périmètre et a créé des obligations de reddition des comptes devant l’État et le Parlement concernant l’emploi de cette dérogation. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a conservé les ajustements de périmètre opérés par le Sénat mais a supprimé les dispositions de rapportage, ainsi que la codification. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

I.   Le DROIT en vigueur

A.   Certains marchés dérogent aux règles de droit commun de la commande publique

Le titre II du livre V de la deuxième partie du code de la commande publique (articles L. 2500-1 et suivants), intitulé « Autres marchés publics », prévoit des règles spécifiques à certains marchés publics. Parmi ces dernières, l’article L. 2512‑3 dispose que sont soumis à ces règles spécifiques :

– les marchés qui exigent le secret ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité ;

– les marchés pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l’État l’exige.

Ces règles spécifiques s’appliquent à condition que les mesures de sécurité ou de protection concernées ne puissent être garanties par d’autres moyens. L’application de ces dispositions spécifiques permet notamment aux marchés publics concernés d’être conclus sans publicité ni mise en concurrence.

En droit de l’UE, ce sont les articles 24 de la directive 2014/25/UE et 15 de la directive 2014/24/UE qui prévoient de telles dispositions. Ainsi, la directive 2014/25/UE ne s’applique pas lorsque « la protection des intérêts essentiels de la sécurité d’un État membre ne peut être garantie par des mesures moins intrusives, par exemple en imposant des conditions en vue de protéger la confidentialité des informations que l’entité adjudicatrice met à disposition dans le cadre d’une procédure d’attribution de marché » mais encore lorsque l’application de celle-ci « obligerait un État membre à fournir des informations dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ». Ces dispositions sont reprises par la directive 2014/24/UE.

B.   La jurisprudence récente confirme la faculté de recourir à de telles dérogations

Le Conseil constitutionnel a admis la possibilité de déroger aux obligations de publicité et de mise en concurrence en matière de commande publique lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie ([45]).

En droit de l’Union européenne, plusieurs décisions ont confirmé la possibilité de déroger au droit de la commande publique pour certains marchés publics intervenant dans des domaines particulièrement sensibles :

– l’attribution sans mise en concurrence de la construction et de l’exploitation d’un terminal de gaz naturel liquéfié en Lituanie, jugée appropriée et proportionnée compte tenu des enjeux de sécurité énergétique s’y rattachant ([46]) ;

– la non-application des directives relatives aux marchés publics pour la construction de la centrale nucléaire de Dukovany, en République Tchèque, en raison des intérêts essentiels de l’État en jeu ([47]) ;

– la non-application des mêmes directives pour l’impression de documents particulièrement sensibles, en Pologne ([48]), sur le même fondement.

C.   Certaines activités dans le domaine nucléaire sont particulièrement sensibles

L’article L. 1333-2 code de la défense soumet à autorisation ou à déclaration, ainsi qu’à contrôle :

– l’importation et l’exportation de matières nucléaires, c’est-à-dire les matières nucléaires fusibles, fissibles ou fertiles ou toute matière, à l’exception des minerais, contenant des éléments de cette nature ;

– l’élaboration, la détention, l’utilisation et le transport de ces mêmes matières ;

– les activités nucléaires mettant en œuvre les sources de rayonnements ionisants, mais uniquement pour ce qui concerne la protection contre les actes de malveillance.

L’article R. 1333-8 du code de la défense précise les seuils applicables aux matières nucléaires soumises à autorisation.

Par ailleurs, l’article L. 591-1 du code de l’environnement précise que parmi les composantes de la sécurité nucléaire figurent non seulement la sûreté nucléaire ([49]) mais aussi la prévention et la lutte contre les actes de malveillance.

Les bâtiments d’installations nucléaires qui abritent des matières sensibles doivent donc être particulièrement protégés. Des enjeux de sécurité d’approvisionnement, de lutte contre la prolifération nucléaire ou de sûreté nucléaire y sont attachés.

II.   Le texte initial du projet de loi

À la lumière des récentes évolutions jurisprudentielles, l’article 18 du projet de loi clarifie, sécurise et précise l’application des dispositions du titre II du livre V de la deuxième partie du CCP aux marchés publics les plus sensibles du secteur nucléaire. Il prévoit donc que sont dispensés de l’application des règles du code de la commande publique, notamment des obligations de publicité et de mise en concurrence, les marchés relatifs aux installations ayant vocation à abriter des matières nucléaires et dont la détention est soumise à autorisation, dans deux cas :

– lorsque ces marchés concernent la conception, la construction, le fonctionnement ou le démantèlement des bâtiments, y compris leurs fondations et structures, destinés à recevoir de telles matières ;

– lorsqu’ils concernent la conception, la qualification, la fabrication, la modification, la maintenance ou le retrait de structures, équipements, systèmes, matériels, composants ou logiciels contribuant à la protection contre les actes de malveillance ou à la sûreté nucléaire.

Ces dispositions concernent donc l’ensemble du cycle de vie des installations, équipements ou autres composants visés.

Présentation générale d’un réacteur nucléaire

Source : IRSN

Il s’agit ainsi de préciser ce que recouvre la notion d’intérêts essentiels de l’État en ce qui concerne les ouvrages nucléaires afin de mieux contribuer à la lutte contre la prolifération nucléaire et à la prévention des risques d’ingérence étrangère. L’étude d’impact du projet de loi relève ainsi que « ce risque d’ingérence n’est pas limité aux États, et peut également être le fait d’entreprises qui y sont liées et qui pourraient, en particulier en cas de conflit, chercher à perturber le fonctionnement d’installations existantes, à ralentir la construction d’installations en cours de chantier ou encore à exploiter des informations qu’elles tiendraient de leurs interventions passées ».

Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, n’a pas identifié d’obstacle conventionnel à la mesure, dès lors que l’objet des marchés visés par le projet de loi est précisément défini et qu’ils « peuvent être considérés comme hors du champ de la directive au titre de la protection des intérêts essentiels de l’État, sans que des mesures moins intrusives ne puissent, en l’espèce, garantir la protection de ces intérêts ».

On peut enfin relever que le Conseil constitutionnel a souligné, à l’occasion de sa décision sur la loi « Nucléaire » de juin 2023, que les éléments essentiels du potentiel économique de la Nation font partie des exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ([50]).

III.   Les dispositions adoptées par le Sénat

A.   L’Examen en commission

La commission de l’aménagement et du développement durable du Sénat a adopté l’amendement COM‑59 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR).

Cet amendement codifie les dispositions de l’article 18 dans le CCP. Il précise aussi la notion de lutte contre les actes de malveillance par un renvoi à l’article L. 1333-3 du code de la défense.

Par analogie avec une rédaction employée à l’article 11 de la loi « Nucléaire » concernant les travaux d’un réacteur ne pouvant débuter qu’après la délivrance de l’autorisation de création ([51]), l’amendement précise au 1° de l’article 18 que sont inclus dans le champ de la dérogation, en complément des bâtiments destinés à recevoir des matériels nucléaires, ceux destinés à héberger des matériels de sauvegarde, fondations et structures incluses.

Au 2° de l’article 18, le même amendement COM-59 précise que les diverses installations et équipements concernés sont ceux qui contribuent directement ou indirectement à la protection contre les actes de malveillance ou à la sûreté nucléaire. Cette précision est ajoutée dans un souci d’exhaustivité, de sûreté et de sécurité, selon l’exposé sommaire de l’amendement.

Enfin, cet amendement ajoute des dispositions visant à améliorer le contrôle de l’emploi du dispositif par l’État et par le Parlement (nouvel article L. 2516-2 du CCP), en prévoyant :

– que les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices doivent informer l’État lorsqu’ils recourent aux dérogations ouvertes par l’article 18 du projet de loi ;

– qu’un rapport annuel est transmis par le Gouvernement au Parlement sur l’utilisation de celles-ci, sous réserve des secrets protégés par la loi.

B.   L’examen En séance publique

Aucun amendement n’a été adopté en séance publique au Sénat sur l’article 18.

IV.   Les travaux de la commission

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de rédaction globale CE69 du rapporteur pour avis. Cet amendement conserve l’essentiel des modifications apportées par le Sénat en apportant quelques clarifications et améliorations rédactionnelles. Comme pour les précédents articles relatifs à la commande publique, il supprime la codification des dispositions de l’article 18 au sein du code de la commande publique.

La seule disposition introduite par le Sénat et supprimée par la commission est celle obligeant les acheteurs publics qui mettent en œuvre la dérogation au code de la commande publique prévue par l’article 18 d’informer l’État du recours aux dispositions prévues à ce même article, ainsi que l’obligation pour le Gouvernement de remettre annuellement un rapport au Parlement sur un tel recours. De telles dispositions vont en effet à l’encontre des mesures d’accélération et de simplification du titre II du présent projet de loi.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cet article ainsi modifié.

 

 


   avis fait au nom de la commission des
affaires économiques

 

Conscient des enjeux colossaux de la transition écologique et énergétique, le Gouvernement s’est engagé dans une vigoureuse politique de relance du nucléaire, première source d’électricité décarbonée de notre pays. Ainsi, les dix prochaines années verront la prolongation des centrales REP (réacteur à eau pressurisée) existantes bien au-delà des 40 ans initialement envisagés et la construction de plusieurs EPR de deuxième génération, ainsi que le développement de petits réacteurs modulaires, dits SMR.

La réussite d’un tel programme nécessite des mesures d’accompagnement à la hauteur de ces chantiers.

Le titre Ier du présent projet de loi propose ainsi de réorganiser le système national de sûreté nucléaire et de radioprotection pour le renforcer face aux défis qui l’attendent.

Le titre II permet d’adapter certaines règles de la commande publique pour répondre au défi industriel que représente la relance du nucléaire, annoncée par le Président de la République lors du discours de Belfort, le 10 février 2022.

La commission des affaires économiques a reçu délégation, pour leur examen au fonds, des articles 2 ter, 12 et 16 à 18, qui font l’objet de commentaires intégrés au rapport de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mais eu égard à l’importance de ces sujets, la commission des affaires économiques s’est également saisie pour avis de l’ensemble du texte. Tel est l’objet de cet avant-propos.

  1.   La réunion de l’ASN et de l’IRSN pour une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection renforcée sur tous les plans

En France aujourd’hui, sûreté nucléaire et radioprotection ([52]) sont assurées par deux organismes distincts, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui assure les contrôles en matière de sûreté et prend les décisions individuelles et réglementaires, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui assure l’évaluation des risques en ces domaines par des expertises techniques, notamment à la demande de l’ASN, mais aussi par les recherches qu’il finance ou mène en propre.

Le titre Ier du présent projet de loi propose de créer un seul acteur, que l’on désignera comme « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR) dans le reste du rapport, en fusionnant ces deux organismes.

À la veille d’une relance historique de notre industrie électronucléaire et d’une mobilisation sans précédent de notre autorité de sûreté, il est en effet indispensable de réorganiser le système français de sûreté nucléaire et de radioprotection pour le renforcer sur tous les plans.

L’urgence de la transition ne permet pas d’attendre. Il lui faut être rapidement en capacité de répondre à la montée en puissance des dossiers nucléaires et à la diversification des technologies à expertiser – d’autant que les équipes auront également à statuer sur la fin du chantier de l’EPR de Flamanville et le projet Cigéo (stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde), sans parler de l’étude des nouveaux risques liés au changement climatique.

Cette réunion des deux entités permettra de dégager des ressources humaines avec le regroupement de certaines activités transverses et une coordination simplifiée des échanges entre les équipes. En outre, la nouvelle autorité bénéficiera d’une ouverture plus large à d’autres types de contrats ou de collaborations qui lui permettront de diversifier ses sources de connaissances. Et des moyens financiers supplémentaires ont été annoncés par le Gouvernement.

D’autres avantages fonctionnels sont également attendus :

– une plus grande fluidité dans les procédures, alors que des divergences de priorités généreraient aujourd’hui des retards dans les échanges entre l’ASN et l’IRSN ;

– un peu moins de procédures administratives pour les contrôlés, qui n’auront qu’un seul interlocuteur ;

– une parole unique qui aura plus d’influence devant les instances internationales pour peser sur la définition des normes nucléaires mondiales ;

– une organisation de la gestion de crise unifiée, donc plus lisible et opérationnelle ;

– enfin, la mutualisation de savoirfaire et de compétences techniques et scientifiques rares aujourd’hui. Il est notamment presque impossible d’avoir à l’ASN comme à l’IRSN un spécialiste de chaque technologie étudiée pour les petits réacteurs innovants (sels fondus, gaz, etc.) dans un contexte de tension sur le marché du travail.

La réforme proposée se veut ambitieuse aussi sur les plans de la déontologie et de la transparence. En particulier, l’indépendance du système de sûreté nucléaire et de radioprotection sera renforcée par l’intégration d’un établissement public sous tutelle dans une autorité administrative indépendante, dont les statuts garantissent la prévention des conflits d’intérêts et la protection contre les pressions diverses. Sont également confortés des principes généraux importants, comme la séparation de l’expertise et de la décision ou certaines obligations de publicité, qui sont mis en pratique mais sans être inscrits dans la loi.

A.   La fusion des deux entités

1.   Le choix de conserver le statut d’autorité administrative indépendante (article 1er)

 L’indépendance de la nouvelle entité est un incontournable de la réforme. L’ASN est une autorité administrative indépendante, l’IRSN un établissement public à caractère industriel et commercial soumis à la tutelle de cinq ministères. Il importe que le futur régulateur et gendarme du nucléaire et des installations émettant des rayonnements ionisants en France ne soit soumis aux pressions ni des exploitants de ces installations ou des appareils qu’elle contrôlera, ni de l’État, par ailleurs actionnaire unique du principal exploitant de centrales nucléaires civiles. Il s’agit en effet de garantir une action impartiale, tout en permettant la participation à ses travaux de personnes et professionnels aux profils divers.

Le droit français offre toutefois deux statuts possibles : celui d’autorité administrative indépendante (AAI) et celui d’autorité publique indépendante (API), statut attribué, par exemple, à l’Autorité des marchés financiers créée en 2003.

Depuis la loi organique du 20 janvier 2017 ([53]), la création d’une AAI ou d’une API passe nécessairement par l’adoption d’une loi, qui fixe « les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement » de ces autorités. La loi organique n° 2010‑837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit par ailleurs un contrôle parlementaire sur la désignation de leurs présidents. Enfin, la loi ordinaire du 20 janvier 2017 pose un certain nombre de règles déontologiques, d’organisation et de fonctionnement applicables aux deux statuts. La différence fondamentale est que l’AAI est une institution agissant au nom de l’État et que l’API est dotée de la personnalité morale.

Les raisons du choix du statut d’AAI sont de trois ordres :

– le réalisme et le souci de conserver un contrôle engagé : le maintien en activité des installations existantes comme la construction de nouvelles mobilisent ou engagent des montants financiers considérables, et on ne peut écarter le risque, théorique, qu’elles causent des dommages très importants. Même si la responsabilité de l’exploitant d’installations à risque reste la règle de base, la coresponsabilité des décisions qui les auront autorisées ou auront défini des prescriptions éventuellement inadaptées pourrait être soulevée. Or, la personnalité morale d’une API engagerait la responsabilité personnelle de ses décideurs. Le projet de réforme s’attache donc à préserver les membres du collège de la future autorité d’un poids disproportionné, intimidant voire paralysant pour des individus.

Pour autant, les avis et les décisions que prend une AAI peuvent toujours être contestés voire fonder des demandes indemnitaires ; mais les recours s’adressent directement à l’État ;

– le maintien d’un cadre attractif pour les fonctionnaires. L’enjeu n’est pas mineur car seuls des agents publics peuvent exercer les pouvoirs de police judiciaire des contrôleurs des installations nucléaires (voir la partie II de cet avant‑propos). Or le statut d’API imposerait aux fonctionnaires intéressés de passer sous un statut contractuel, perdant pendant leur activité au sein de l’autorité tous leurs droits statutaires et compliquant leur retour dans un poste administratif ;

– enfin, la cohérence avec l’urgence de la réforme : l’article 15 du projet de loi (voir le point 4) prévoit sa mise en œuvre dès le 1er janvier 2025. Opter pour un statut d’API ajouterait une complication importante : au lieu de modifier les règles du jeu pour les seuls personnels de l’IRSN, elles changeraient également pour les personnels de l’ASN.

Le choix du statut d’AAI permet ainsi de construire le régime de la future autorité en repartant des dispositions relatives à l’ASN (les sections I à VI du chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement), que les articles 1er et 3 du projet de loi viennent compléter afin d’intégrer les missions et attributions de l’actuel IRSN.

 L’article 1er introduit par ailleurs la nouvelle dénomination de la future autorité administrative indépendante : « Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ». Sur proposition de sénateurs de la commission des affaires économiques (91 rectifié), contre le Gouvernement, mais avec un avis de sagesse de la commission saisie au fond, le Sénat a ajouté, en séance, le qualificatif d’« indépendante » (aux 3° et 3° bis, alinéas 4 et 5) – sans toutefois opérer les coordinations nécessaires sur les intitulés mentionnés dans d’autres parties du projet de loi (par même dans les coordinations listées par l’article 14).

Le Gouvernement a pourtant souligné qu’aucune AAI ne porte cette mention.

La commission des affaires économiques a donc adopté l’amendement CE80 de son rapporteur supprimant ce qualificatif.

2.   L’intégration des missions, attributions et activités de l’IRSN (articles 1er, 3 et 13)

● Avant de recomposer le système de sûreté nucléaire et de radioprotection français, l’article 1er du projet de loi étend le périmètre de responsabilité de la sûreté nucléaire – ou plutôt explicite son étendue dans sa définition par l’article L. 591-1 du code de l’environnement – à la protection de la santé publique et de l’environnement.

Le projet de loi initial se référait à la santé humaine ; la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (COM-93) et la commission des affaires économiques (COM-63) du Sénat lui ont préféré la notion de santé publique. La santé publique traite de la santé humaine mais dans une approche tant individuelle que globale. Un de ses enjeux est de prévenir les risques sanitaires et protéger les populations en général.

● L’article 1er complète ensuite l’article L. 592-1 (section I du chapitre II), qui définit la mission générale de l’autorité. L’article 3 du projet de loi vient ultérieurement préciser les attributions de la future autorité en complétant les sections 3 « Fonctionnement » et 4 « Attributions ».

Un tableau (à la fin du 3 du présent A) récapitule l’ensemble des missions et attributions qui seront dévolues à l’ASNR, en montrant leurs évolutions.

Les missions de contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires visées par le code de la santé publique, assumées aujourd’hui par l’ASN, sont toutes maintenues.

Les autres dispositions des articles 1er et 3 intègrent les attributions actuelles de l’IRSN, à l’exception de deux ensembles d’activités (voir les II et III de l’article 7) :

– d’un côté, la production, la fourniture et l’exploitation de dosimètres à lecture différée, dits passifs, dans la mesure où il s’agit d’activités commerciales menées dans un secteur très concurrentiel. Leur exploitant ne doit pas pouvoir tirer avantage de sa position ;

– et de l’autre, l’appui technique aux services de l’État (et plus précisément de la Défense nationale) en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense, en matière de sécurité des installations et des transports de matières nucléaires ou de sources de rayonnements ionisants relevant du code de la défense, ainsi qu’en matière de non‑prolifération des matières nucléaires et d’interdiction des armes chimiques. De nature régalienne, ces activités ne peuvent en effet être reprises par une AAI. Elles seront donc rattachées à l’autorité de sûreté nucléaire défense (ASND), autorité administrative indépendante personnifiée par le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DSND), placé auprès du ministre des armées.

Les contrats des personnels concernés (environ 40 salariés pour le premier ensemble et environ 130 pour l’équipe de la direction de l’expertise nucléaire de défense – DEND) seront juridiquement repris par le Commissariat à l’énergie atomique (voir les mêmes II et III de l’article 7).

La future autorité conservera néanmoins la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants et le recueil et l’analyse de données dosimétriques concernant la population générale, les travailleurs et les patients (article L. 592-1, article 1er du projet de loi).

L’article 3 développe cette mission de surveillance radiologique des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants qu’assure aujourd’hui l’IRSN (article L. 592-24). Et pour ce faire, les articles suivants, L. 592-24-1 à L. 592-24‑3, reprennent l’essentiel des obligations et pouvoirs définis par les actuels articles L. 592-48 (obligation de confidentialité s’agissant des données dosimétriques individuelles nominatives) et L. 592-46-1 (droit de ses personnels habilités d’accéder aux informations nécessaires sans que puissent leur être opposé le secret médical ou le secret des affaires).

La mission générale de la future autorité (article 1er) englobera ainsi, à l’instar de l’IRSN aujourd’hui, l’expertise et la recherche, ainsi que la formation, dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Quant aux attributions précises, le projet de loi les énumère à l’article 3, à savoir, outre les activités relatives à la radioprotection (hors fourniture de dosimètres passifs) et à la recherche (voir le point suivant) :

– des « activités nucléaires », autres que l’exploitation des installations nucléaires de base (INB) évidemment exclue. L’IRSN utilise en effet, pour certains travaux de recherche ou d’analyse, des sources émettrices de rayonnements ionisants, comme des accélérateurs de particules (article L. 592-14-1) ;

– les activités et prestations de l’IRSN pouvant faire l’objet de facturation, qui seront reprises par la future autorité (articles L. 592-14-1 et L. 592-14-2, aux alinéas 3 à 9) : formations, délivrance d’attestations, d’agréments, d’habilitations ou de certifications divers, mise en œuvre de procédures d’évaluation de conformité ou réalisation d’opérations de conformité des équipements de travail et protections individuelles, etc.

Le II de l’article L. 592-14-2 précise que lesdites activités pourront encore donner lieu à rémunération.

Les ministères ont confirmé au rapporteur que ces dispositions reprennent la quasi-totalité de ces activités, qui n’étaient pas détaillées dans l’actuelle section VII du chapitre II consacrée à l’institut, mais dans son décret d’application.

Ne sont pas encore intégrées les prestations, à titre onéreux, d’analyse, de mesurage et de dosage, ainsi que les activités d’expertise et de recherche que l’IRSN peut réaliser pour le compte d’organismes publics ou privés, français ou étrangers. Par exemple, l’institut a été récemment certifié pour l’évaluation de la sûreté des futures installations nucléaires en Pologne. Il dispose par ailleurs de matériels uniques en France permettant de mesurer l’efficacité des systèmes de filtration et d’épuration des circuits de ventilation des installations industrielles.

La reprise de ces activités exige que soient bien identifiées leurs limites. L’ASN et l’IRSN y travaillent. Toutefois, convaincue de l’intérêt de poursuivre ce type d’activités, la commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE54 de Mme Battistel (SOC), qui acte leur inscription dans la liste des attributions reprises de l’IRSN, avec un sous-amendement CE105 de son rapporteur pour en rappeler les limites (la prévention des conflits d’intérêts et l’absence d’atteinte à la défense et la sécurité nationale).

● Enfin, bouclant la réunion des missions et attributions de l’ASN et de l’IRSN, l’article 13 du projet de loi substitue à la section VII traitant de l’IRSN une section VII « Dispositions d’application » avec un article unique (L. 592‑45) prévoyant qu’un décret en Conseil d’État viendra préciser les modalités d’application de l’ensemble du chapitre II.

Ce décret (et non le futur règlement intérieur) devra notamment préciser les conditions dans lesquelles les salariés de l’ASNR pourront exercer les activités et prestations susceptibles d’être payantes, ainsi que les procédures d’homologation des décisions à caractère réglementaire technique (cf. l’article L. 592‑20).

Amendé directement par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, ou sur proposition de la commission des affaires économiques, le même article 13 (alinéas 10, 16 et 27) ouvre à l’ensemble des personnels de la future autorité la possibilité de mener des enquêtes publiques, de participer au contrôle des installations nucléaires de base (INB) et autres installations relevant de son périmètre de compétences (se reporter au tableau) ou devenir inspecteurs de la radioprotection (voir la partie II de cet avant-propos).

● Par rapport au projet de loi initial, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a ajouté à l’article L. 592-1 relatif aux missions générales de l’ASNR (à l’article 1er) :

– le fait pour la future autorité de pouvoir travailler avec des organismes extérieurs, publics ou privés, français ou nationaux (COM-8) ;

– avec la commission des affaires économiques, la précision que l’ASNR participera à l’information du public et à la transparence « dans ses domaines de compétences » (COM-9 et COM-72).

Enfin, la commission des affaires économiques du Sénat a inscrit dans la mission générale de l’ASNR le fait que la future autorité contribuera aux travaux et à l’information de l’OPECST et des commissions parlementaires compétentes (COM-66).

En revanche, le Sénat a peu modifié l’article 3, essentiellement pour opérer des coordinations – on parle de personnels et non plus d’agents afin de tenir compte de la future diversité des statuts (COM-16) – ou apporter des précisions juridiques. Il a, en particulier, sur proposition de sa commission des affaires économiques (COM-81), corrigé la notion de « secret en matière industrielle et commerciale » à l’article L. 592-24-2 pour celle plus adaptée de « secret des affaires », déjà utilisée par le code de l’environnement ou le code des relations entre le public et l’administration.

3.   Une double responsabilité : maintenir un haut niveau de compétences et contribuer à l’amélioration constante des connaissances scientifiques et techniques en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection (articles 1er et 3)

Le nouvel article L. 592-1 pose un principe fort, et crucial pour l’avenir de la recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection : « l’ASNR contribue, par ses travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que par ses activités d’expertise, de recherche et de formation, au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et concourt à l’amélioration constante des connaissances, scientifiques et techniques, dans ces domaines » (alinéa 8 de l’article 1er).

Non seulement l’ASNR conservera des activités de recherche en son sein, mais elle devra contribuer activement à l’amélioration constante des connaissances, tout en entretenant un haut niveau de compétences en interne et en externe en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

L’affirmation de ces deux objectifs parmi les premières responsabilités de la future autorité est la reconnaissance des synergies entre expertise et recherche. Les expertises alimentent la recherche ; la recherche consolide et approfondit les expertises.

Elle répond aussi, de manière claire, à la crainte, exprimée par certains acteurs, de voir s’affaiblir la recherche dans ses domaines de compétences. Plusieurs raisons sont invoquées :

– ces recherches auraient un moindre intérêt pour une autorité qui exerce avant tout une mission de contrôle ; certains observeraient même une évolution des inspections de l’ASN vers un contrôle plus de conformité aux normes (à l’instar du positionnement de l’autorité de sûreté américaine, la NRC) que de sûreté proprement dit. Autant les recherches prospectives sur les risques potentiels ou à venir présentent une utilité évidente pour le contrôle de sûreté ; autant elles pourraient sembler moins prioritaires dans un contrôle de conformité ;

– des auditionnés s’inquiètent par ailleurs de la perte des compétences, entre les départs d’employés de l’IRSN, qui préfèrent quitter l’institut avant la fusion et le transfert des équipes affectées à la dosimétrie passive et à la sûreté nucléaire et la radioprotection des activités intéressant la défense nationale. Même si l’ASNR ne sera plus chargée de ces missions, ces acteurs déplorent la rupture du dialogue technique entre les équipes « civiles » et « militaires ».

Sur ce dernier point, les auditions par le rapporteur des responsables de l’ASN et du CEA et la contribution de l’autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) ont montré que les transferts ne devraient pas bouleverser l’équilibre du système de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Concernant les dosimètres passifs, seules sont transférées les activités d’assemblage et d’exploitation. L’enjeu sera avant tout de s’assurer, par convention par exemple, de l’engagement à fournir un stock d’appareils en cas de crise.

S’agissant des activités intéressant la défense, le transport des matières radioactives ou la non-prolifération, le fonctionnement des équipes de la direction de l’expertise nucléaire de défense (DEND) ([54]) restera proche de l’existant : elles conserveront leur autonomie et, restant dans les mêmes locaux, pourront continuer à échanger avec leurs interlocuteurs habituels au sein de la nouvelle autorité. En tout état de cause, l’ASND s’assurera que les ressources nécessaires au bon accomplissement de leurs missions et de celles de l’ASNR resteront accessibles.

Sur l’attractivité des emplois dans la future autorité, des mesures (en termes de rémunération, d’accès à des concours réservés et d’élargissement des métiers accessibles aux personnels issus de l’IRSN) sont prévues par les articles 9, 11 et 13 du projet de loi (voir la partie II de cet avant-propos) pour fidéliser et attirer les compétences.

En outre, la nouvelle dimension de recherche de l’ASNR lui vaut d’être assimilée, par le nouvel article L. 592-15 (article 3), à un « établissement public dont les statuts prévoient une mission de recherche ». Cela lui facilitera la conclusion de partenariats de recherche, la participation à des programmes de recherche, ainsi que la contribution et la participation à des brevets.

Cela l’autorise par ailleurs à recourir aux différents types de contrats de recrutement de chercheurs et doctorants ([55]).

Au demeurant, les nouveaux articles L. 592-1 et L. 592-28-2 (articles 1er et 3) permettront de faire réaliser ces recherches par des organismes externes, publics ou privés, français ou étrangers. Sans parler des groupes permanents d’experts (GPE), déjà mis en place par l’ASN et consultés en amont de ses décisions les plus importantes, que des amendements de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (COM-5) et de la commission des affaires économiques du Sénat (COM-85) pérennisent en leur donnant une base légale (article 2). Ces spécialistes extérieurs sont nommés à raison de leurs compétences, selon des modalités définies par le règlement intérieur de l’ASN. Ils sont issus de la société civile, des laboratoires de recherche universitaires, des bureaux de contrôle, des organismes d’expertise, des exploitants concernés par les sujets traités ainsi que des autorités de sûreté étrangères. Ce croisement d’expertises permet d’accéder aux meilleures pratiques et aux connaissances les plus récentes.

En tout état de cause, la nouvelle sous-section 4 « Attributions de recherche » et son article unique L. 592-28-2, introduits par l’article 3, confirment la place que la recherche prendra dans l’organisation de l’ASNR. Sans épuiser le champ des missions données à l’ASNR en matière de recherche et de maintien des compétences par l’article L. 592-1, ces dispositions précisent certaines des responsabilités qu’elles induisent :

– suivre les travaux de recherche et développement menés aux plans national et international ;

– formuler toutes propositions sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection à l’intention des ministères et organismes publics de recherche concernés qui doivent les prendre en compte ;

– et définir les programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche, français ou étrangers « en vue de maintenir et de développer les connaissances et compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions ».

On relève enfin que le 1° du III de l’article 13 du projet de loi prévoit que l’ASNR pourra demander au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) d’évaluer ses activités de recherche (article L. 114-3 du code de la recherche).

 


Missions, attributions, activités et responsabilités des organismes (Modifications apportées par les articles 1, 2 ter, 3, 4 et 4 quater)

ASNR

ASN

IRSN

Section 1 – L. 592-1

Ajoute une mission générale d’expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Et précise que :

– en relation avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers, l’ASNR contribue, par ses travaux d’analyse, de mesurage et de dosage ainsi que par ses activités d’expertise, de recherche et de formation, au maintien d’un haut niveau de compétences en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et concourt à l’amélioration constante des connaissances, scientifiques et techniques, dans ces domaines ;

– elle assure une veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national. [reprise de l’actuel L. 592-24] ;

– elle contribue à la surveillance radiologique de l’environnement et des personnes exposées aux rayonnements ionisants, au recueil et à l’analyse de données dosimétriques concernant la population générale, les travailleurs et les patients, y compris en cas d’accident nucléaire.

Section 1 Mission générale

(L.592-1 complété) L’ASN participe au contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires mentionnées à l’article L.1333-1 du code de la santé publique

[à savoir les activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants ou les actions nécessaires pour prévenir ou réduire les risques liés à une exposition à une source naturelle de rayonnements ionisants].

 

Section 4 Attributions :

(L.592-19 inchangé) Champs d’action :

– les installations nucléaires de base (INB) ;

– le transport des substances radioactives ;

– les équipements sous pression nucléaire ;

– et les activités nucléaires mentionnées au code de la santé publique.

 

Section 3 Fonctionnement

L. 592-14-1. (nouveau) Dans le cadre de ses attributions, l’ASNR est autorisée à exercer des activités nucléaires, à l’exclusion de celles soumises au régime des INB.

Art. L. 592-14-2. (nouveau) Elle peut :

1° Dispenser des formations, délivrer des attestations, des habilitations, des qualifications ou des certifications professionnelles et exercer les missions dévolues aux organismes certificateurs mentionnés à l’article L. 6113-2 du code du travail ;

2° Délivrer des agréments, attestations, habilitations ou certificats justifiant la capacité de leurs titulaires à exercer des activités dans un domaine d’intervention spécialisé relevant de ses domaines de compétence ;

3° Exercer, dans ses domaines de compétence, des missions confiées à des organismes certifiés ou accrédités ou à des organismes notifiés chargés de mettre en œuvre des procédures d’évaluation de la conformité ou de réaliser les opérations de contrôle de conformité des équipements de travail et des équipements de protection individuelle ;

4° Assurer la gestion, dans le cadre de l’exercice de ses missions, de traitements de données d’intérêt public pouvant comprendre des données à caractère personnel et de santé. (…)

 

Section 7 IRSN

(L.592-45 remplacé) A l’exclusion de toute responsabilité d’exploitant nucléaire, l’IRSN exerce des missions d’expertise et de recherche dans le domaine de la sécurité nucléaire.

Section 3

Art. L. 592-14-3. (nouveau) L’ASNR peut bénéficier, pour la réalisation de ses expertises, de l’appui technique des services de l’État et de ses établissements publics compétents.

 

(L.592-46 remplacé) Appui technique à l’ASN pour la réalisation de ses missions, sous la forme d’activités d’expertise soutenues par des activités de recherche (…)

Section 1 – L.592-1 (suite)

– L’ASNR participe, dans ses domaines de compétence, à l’information du public et à la mise en œuvre de la transparence.

 

Section 3 - L.592-14

L’ASNR publie les résultats des expertises réalisées dans le cadre de ses instructions, ainsi que les avis des groupes permanents d’experts […] Le règlement intérieur définit les modalités de publication de ces résultats et des résultats de ses activités d’instruction.

Les avis rendus dans le cadre prévu à l’article L. 592-29 [à savoir les avis ou études réalisés à la demande du Gouvernement, de l’OPECST, etc.] sont rendus publics dans des conditions définies par l’autorité de saisine.

Elle organise la publicité, sous réserve des secrets protégés par la loi, des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative. [voir également l’article L. 592-29-1]

 

(L. 592-27 sans changement)

Section 1

(L. 592-1 complété) Participe à l’information du public et à la transparence dans ses domaines de compétences.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(L.592-27 inchangé) L’ASN rend publics les avis et décisions délibérés par son collège.

 

(L.592-47 remplacé) Contribue à l’information du public.

 

 

 

Lorsqu’ils ne relèvent pas de la défense nationale, publie les avis rendus sur saisine d’une autorité publique ou de l’ASN…

 

 

 

 

 

Organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont il a l’initiative.

 

(L. 592-20 et L. 592-25 sans changement)

Section 4

(L.592-20 inchangé) Peut prendre des décisions réglementaires pour compléter les modalités d’application des décrets et arrêtés pris dans ses domaines de compétences…

(L.592-25 inchangé) Est aussi consultée sur ces projets de décrets et arrêtés

 

(L. 592-21 et L. 592-23 sans changement)

(L.592-21 inchangé) Prend les décisions individuelles qui lui sont attribuées par les lois et règlements (reçoit les déclarations, procède aux enregistrements, accorde les autorisations, édicte les prescriptions – dont des analyses, expertises, etc. par un prestataire extérieur (L.592-23 inchangé) – et délivre les agréments)

 

(L. 592-22 sans changement)

(L592-22 inchangé) Assure le contrôle du respect des règles générales et des prescriptions particulières dans ses domaines de compétences.

Sous réserve des compétences de la commission des sanctions, dispose des pouvoirs de contrôle et de sanction prévus par les codes de l’environnement et de la santé publique

 

Section 4

Art. L. 592-24. L’ASNR assure, en lien avec le ministère du travail, la gestion et l’exploitation des données des mesures de l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants. (…)

Art. L. 592-24-3. (nouveau) L’ASNR gère l’inventaire des sources de rayonnements ionisants et y assure l’accès aux agents de contrôle de l’inspection du travail ainsi qu’aux inspecteurs de la radioprotection.

Art. L. 592-24-4. (nouveau) L’ASNR apporte son appui technique au Gouvernement et aux autorités publiques dans ses domaines de compétence.

Elle apporte son appui technique aux services de santé de prévention et de santé au travail et aux employeurs concernés

 

(L.592-24 remonté au L.592-1) Veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national

 

(L.592-46-1 remplacé) Peut être chargé par l’ASN d’une mission d’expertise d’une situation d’exposition potentielle ou avérée aux rayonnements ionisants (...)

(L.592-28) Ajoute :

Elle participe, notamment par ses activités de recherche, aux échanges internationaux dans ses domaines de compétence.

(L.592-28 complété) Adresse au Gouvernement ses propositions pour la définition de la position française dans les négociations internationales et participe, à la demande de celui-ci, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes

 

(L. 592-28-1 sans changement)

(L.592-28-1 inchangé) Coopère avec les autorités compétentes des autres États. Peut leur fournir des prestations de conseil ou mener des missions d’appui

 

Section 1 – L.592-1 (suite)

– L’ASNR contribue aux travaux et à l’information du Parlement, dont l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et les différentes commissions parlementaires compétentes, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

(L.592-29 sans changement)

Section 4 – L.592-29-1 (nouveau) L’ASNR présente à l’OPECST, en lien avec les différentes commissions permanentes compétentes, ainsi qu’au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui peut émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et leur en rend compte.

Elle communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétence aux autorités concernées ainsi qu’à l’OPECST, aux différentes commissions permanentes compétentes, au HCTISN, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétence respectifs. (…)

(L.592-31 précisé) Son rapport annuel d’activité est remis à l’OPECST avant sa publication

 

 

 

(L.592-29 inchangé) Formule des avis ou réalise des études à la demande du Gouvernement, des commissions parlementaires compétentes ou de l’OPECST (…)

 

 

 

 

(L.592-30 corrigé) Rend compte de ses activités à la demande de l’OPECST.

 

(L592-31 complété) Et transmet son rapport annuel d’activité à l’OPECST. À cette occasion l’autorité se prononce sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

 

Abrogé par le 2° du II (l’alinéa 6) de l’article 13 ; remplacé par : Section 4  Soussection 4 Attributions en matière de recherche

Art. L. 592-28-2. (nouveau) L’ASNR suit les travaux de recherche et de développement menés, aux plans national et international, en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Elle formule toutes propositions ou recommandations sur les besoins de recherche pour la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ces propositions et ces recommandations sont communiquées aux ministres et aux organismes publics exerçant les missions de recherche concernées, afin qu’elles soient prises en compte dans les orientations et la définition des programmes de recherche et de développement d’intérêt pour la sûreté nucléaire ou la radioprotection.

Elle définit des programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche, français ou étrangers, en vue de maintenir et de développer les connaissances et les compétences nécessaires à l’accomplissement de ses missions dans ses domaines de compétence.

(L592-31-1 abrogé-remplacé)

 

Suit les travaux de recherche et développement menés au plan national et international pour la sûreté nucléaire et la radioprotection.

Formule des propositions ou recommandations sur les besoins de recherche en la matière.

 

((L. 592-32 et L. 592-33 sans changement))

(L.592-32 inchangé) Associée à la gestion des situations d’urgence radiologique résultant d’évènements pouvant porter atteinte à la santé des personnes et à l’environnement par exposition aux rayonnements ionisants…

(L.592-33 inchangé) Partage les alertes et l’information des États tiers (européens ou extérieurs)

 

(maintenue)

Section 5 Enquêtes techniques

 

(maintenue)

Section 6 Commission des sanctions

 

 


4.   La mise en œuvre pratique de la fusion (hors ressources humaines)

a.   Le transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN (article 5)

Le I de l’article 5 organise le transfert, à titre gratuit, des biens, droits et obligations de l’IRSN à l’État et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il ne concerne pas en revanche les contrats d’emplois et conventions de prestations de service qui sont traités par les articles 7 et 8 du projet de loi (voir la partie II).

L’article 5 prévoyait initialement que ces transferts « tiennent compte » de la répartition des attributions prévue par le projet de loi. Sur proposition de sa commission des affaires économiques, le Sénat a durci le dispositif en précisant que les transferts « doivent respecter » cette répartition.

Sur proposition de la commission des affaires économiques (COM-67), le Sénat a introduit par ailleurs la possibilité de recourir à une convention de transfert, bien qu’il soit prévu qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de ces transferts.

En séance, le Gouvernement a tenté de faire supprimer ces modifications en faisant valoir la nécessité de garder de la souplesse dans la mise en œuvre des transferts et en indiquant qu’un inventaire de ces biens, droits et obligations étant nécessaire, le décret est le cadre juridique le plus sécurisé pour en arrêter les détails.

b.   Le maintien des mandats des membres du collège de l’ASN (articles 5 et 2 bis)

Pour garantir la continuité des missions de sûreté nucléaire et de radioprotection, le II de l’article 5 maintient le mandat des membres du collège de l’ASN au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi. Ils exerceront jusqu’au terme de leur mandat les fonctions de membre du collège de l’ASNR telles qu’elles résulteront de la loi.

L’actuel article L. 592-2 du code de l’environnement dispose que le collège de l’ASN est composé de cinq membres, nommés en raison de leur compétence pour six ans non renouvelables. Trois sont choisis par le Président de la République ; les deux autres sont respectivement désignés par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat (avec l’obligation de nommer une femme si le membre sortant était un homme et réciproquement).

Les règles de désignation de ses membres, de déontologie et de fonctionnement du collège de l’ASN s’appliqueront de la même façon au collège de la future autorité. Le projet de loi apporte toutefois deux évolutions :

– en matière de délégation de pouvoir (voir le B) ;

– et s’agissant de la parité au sein du collège.

Adopté sur proposition de la commission des affaires économiques du Sénat (COM-90), l’article 2 bis réécrit le troisième alinéa de l’article L. 592-2 pour substituer à l’exigence selon laquelle, parmi les trois membres du collège nommés par le Président de la République, l’écart entre femmes et hommes doit être au maximum d’une personne la nouvelle exigence que ces nominations assurent le même nombre de femmes et d’hommes au sein de l’ensemble du collège, hormis le président.

Ainsi, alors que, par le jeu des renouvellements par moitié du collège tous les trois ans, le rapport hommes/femmes pouvait être de 3+1, il devra être nécessairement de 2 + 2 à la date d’une nomination par le Président de la République.

Un amendement identique avait été adopté par les deux assemblées lors des premières discussions sur la fusion de l’ASN et de l’IRSN à l’occasion de l’examen de la loi dite « Nucléaire ».

c.   Un calendrier ambitieux et nécessaire (article 15)

En vertu de l’article 15, la fusion sera juridiquement opérée et la nouvelle autorité mise en place le 1er janvier 2025 ([56]).

Tous les acteurs auditionnés par le rapporteur ont souligné, ou admis, le caractère exigeant de cette échéance.

Douze groupes de travail ont été mis en place depuis près d’un an pour discuter entre représentants de l’IRSN et de l’ASN des conditions pratiques de la fusion et des futures modalités de travail au sein de l’ASNR. Ces discussions progressent à des rythmes variables : certaines sont bien avancées comme celles portant sur l’installation d’une cellule de crise unique ; d’autres s’avèrent plus complexes comme le choix des cadres de gestion (systèmes informatiques, comptabilité, etc.), alors que ces outils font partie des dossiers « incontournables » à résoudre pour la mise en œuvre opérationnelle de la réforme dès le 2 janvier 2025.

Le Gouvernement comme les responsables de l’ASN affirment néanmoins que la première étape de la réforme peut parfaitement aboutir à la date prévue. Les articles 8, 9 et 10 du projet de loi prévoient en outre des mesures transitoires ou des entrées en vigueur différées pour certains volets de la réforme (voir la partie II).

Reporter la date d’entrée en vigueur de la fusion n’apparaît donc pas nécessaire. Et retarder la réforme reviendrait à l’opérer à un moment encore plus chargé pour les équipes des deux organismes – ou à l’enterrer s’il s’agit d’attendre un moment « plus adapté ».

La charge de travail s’alourdit déjà, mais l’IRSN, dont l’expertise intervient dans les premiers temps du processus d’instruction, a montré au rapporteur que son personnel est en capacité d’y faire face sur les trois prochaines années ([57]). Indépendamment de la perturbation causée par la réforme, le maintien des emplois et fonctions concernés évitera de rebattre les cartes. En revanche, si l’ASN commence déjà se préparer à l’arrivée des nouveaux chantiers, ses capacités de réponse seraient insuffisantes. Mais ses prises de décision intervenant plus tard, la date du 1er janvier 2025 apparaît finalement comme la moins perturbante, tout en répondant à l’urgence de doter l’ASN des moyens supplémentaires dont elle aura besoin à partir de la mi-2025.

Au reste, il est primordial de ne pas faire durer davantage les incertitudes. Chaque entité et ses personnels ont besoin de pouvoir se projeter sur des arbitrages précis.

B.   Des règles de fonctionnement, de déontologie et de transparence consolidées voire renforcées

1.   Une répartition des responsabilités explicitée (article 2)

L’article 2 du projet de loi (alinéas 4 et 5) précise la répartition des responsabilités : en dehors des compétences expressément confiées à la commission des sanctions et au président de l’autorité, les attributions de l’autorité seront exercées par son collège. C’est lui qui prendra les décisions et formulera les avis.

Toutefois, comme c’est déjà le cas (à l’article L. 592-13 du code de l’environnement), il restera possible au collège de déléguer des pouvoirs (à l’exception de ses avis sur des textes réglementaires et de ses décisions réglementaires) au président, et au président de déléguer sa signature à des membres du personnel.

L’article 2 ajoute la possibilité pour le collège de déléguer ses pouvoirs à un membre des services de l’autorité en l’absence du président. Des amendements de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (COM‑24) et des sénateurs Daniel Fargeot (UC, COM-46 rectifié) et Ronan Dantec (Écologistes, COM-45 rectifié) ont par ailleurs explicité le fait que la délégation de signature peut être faite avec d’autres personnels que les agents publics. Enfin, la même commission a ajouté la faculté pour le président de donner délégation de pouvoir à un membre des services afin de passer les conventions nécessaires à l’accomplissement des missions de l’autorité (COM‑13, alinéas 16 et 17).

Le projet de loi renvoie au règlement intérieur le soin de définir les conditions de ces délégations.

2.   Des règles déontologiques réaffirmées (articles 2 et 4)

a.   Des principes fondamentaux posés par la loi

L’article 2 du projet de loi vient compléter les quelques dispositions législatives prévues par le chapitre II du titre IX du livre V du code de l’environnement en matière de déontologie des travaux et des personnels de l’autorité de sûreté nucléaire (alinéas 7 à 11).

● Le texte initial du nouvel article L. 592-13-1 se référait pour l’essentiel aux articles 12 à 14 ([58]) de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, renvoyant au règlement intérieur de l’autorité la définition des règles nécessaires à leur mise en œuvre, « y compris s’agissant des activités d’expertise et de recherche ». Le Sénat est toutefois venu préciser une des règles fondamentales en la matière (voir le point b suivant).

La prévention des risques de conflits d’intérêts est la première préoccupation. Elle est la base de l’impartialité des travaux, avis et décisions de la future autorité. Elle est donc inscrite comme l’objectif central des exigences posées par l’article L. 592‑13‑1, mais aussi du nouvel article L. 592-13-3 qui prévoit que le règlement intérieur définisse les modalités de la nomination des membres des groupes permanents d’experts (voir supra) mais aussi les règles propres à assurer la diversité de l’expertise et à prévenir les conflits d’intérêts en général.

Parmi les implications de la prévention des conflits d’intérêts, il est une règle qui inquiète les personnels de l’IRSN : l’interdiction pour les personnels des AAI – comme des API – de se faire recruter par les acteurs qu’ils auront contrôlés dans les trois ans de ce contrôle. Elle s’applique aussi aux personnels des établissements publics ; mais l’IRSN a considéré que les appuis techniques apportés par ses experts aux contrôles réalisés par l’ASN ne constituent pas un contrôle à proprement parler. Bien que la Cour des comptes ait jugé cette interprétation un peu trop permissive, indiquent les ministères, la plupart de ses personnels peuvent ainsi passer de l’institut à un exploitant avec lequel ils auront dialogué. Les représentants des personnels de l’IRSN affirment que cette possibilité représente une perspective de carrière importante s’ils souhaitent changer de fonctions sans quitter le secteur nucléaire, et donc un élément d’attractivité des emplois à l’institut.

De fait, leur intégration dans la future autorité les soumettra à une lecture plus rigoureuse de la règle dès lors qu’ils participeront à des contrôles. La distinction entre expertise et décision, évoquée au point b, ne permettra pas de contourner cette règle, quelles que soient sa portée et l’organisation des travaux retenue, car même si l’expert « de terrain » ne porte pas la responsabilité de l’expertise finale, ni a fortiori la responsabilité de la décision prise ensuite, son travail d’évaluation l’aura mis en contact avec le contrôlé.

En conséquence, le renforcement du cadre déontologique de leurs emplois pourrait effectivement présenter un impact négatif sur l’attractivité de certains métiers, selon la perception des représentants des personnels de l’IRSN. Ce renforcement apparaît pourtant souhaité par l’ensemble des acteurs du secteur, tant la confiance dans l’indépendance et la liberté des acteurs de la sûreté nucléaire est centrale.

● Voulant s’assurer que les règles déontologiques posées par la loi ou le futur règlement intérieur soient bien prises en compte, les commissions de l’aménagement du territoire et du développement durable (COM-25) et des affaires économiques (COM-78) du Sénat, ainsi que le sénateur écologiste Ronan Dantec et plusieurs de ses collègues (COM-32 rectifié) ont introduit un nouvel article L. 592‑13-2 prévoyant l’installation d’une commission d’éthique et de déontologie « chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, de suivre son application et, dans les conditions définies par le règlement intérieur, de garantir le respect des règles » de déontologie, notamment s’agissant des conflits d’intérêts (alinéa 10 de l’article 2). Une telle commission existe déjà au sein de l’IRSN.

Invoquant une délimitation trop restrictive de ses missions, le Gouvernement a proposé, en séance publique, d’indiquer seulement qu’elle est chargée de conseiller le collège « dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 » (relative au statut général des AAI et API).

Pour sa part, la commission des affaires économiques a décidé de supprimer cette disposition, par l’adoption de l’amendement CE83 de son rapporteur, considérant qu’il serait regrettable de limiter les attributions de l’instance de déontologie de la future autorité, et préférant lui laisser le choix de la forme de cette instance. Le cadre général applicable aux organismes publics impose, en tout état de cause, de mettre en place une telle instance, mais l’ASNR pourra choisir entre une commission ou un référent.

b.   Une distinction entre expertise et décision préservée

La qualité actuelle de l’organisation de la sûreté nucléaire sera préservée, notamment la distinction entre les personnes en charge de l’expertise technique lors de l’instruction d’un dossier et celles (notamment les membres du collège de l’ASN) en charge de la décision relative à ce même dossier.

La distinction entre expertise et décision est une garantie essentielle de la qualité du processus comme de la crédibilité de chaque étape. L’expertise a vocation à éclairer la décision sur les enjeux techniques du sujet mais ne l’engage pas. Il importe que le décideur reste libre d’avoir une interprétation différente et de resituer la question technique dans son contexte global. Réciproquement l’expert ne doit pas se censurer parce qu’il a un lien hiérarchique avec l’autorité qui prendra la décision.

Cette distinction découle aujourd’hui de l’organisation duale du système de sûreté nucléaire. Pour autant, l’unification de l’instance ne remet pas en cause ce principe. Il impose seulement d’adapter l’organisation interne de l’autorité.

Le nouvel article L. 592-13-1 vise explicitement ce principe. Dans sa version initiale, il se contentait de prévoir la définition par le règlement intérieur des modalités de fonctionnement et des règles propres à distinguer le processus d’expertise et d’instruction conduit par ses services et le processus d’élaboration des avis et décisions délibérés par son collège. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a réécrit cette disposition pour préciser et élargir la portée du principe (COM‑11).

L’alinéa 8 de l’article 2 dispose ainsi que : « lorsque l’instruction recourt à une expertise réalisée par ses services », on doit distinguer, d’une part, la personne responsable de l’expertise et, d’autre part, la personne ou les personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision.

Alors que la règle initiale ne devait s’appliquer qu’aux décisions prises par le collège, soit une cinquantaine de décisions par an, le Sénat l’a étendue à toutes les décisions s’appuyant sur une expertise (tel que le redémarrage d’une centrale nucléaire), soit environ 350 décisions par an.

Le Sénat explique par ailleurs avoir voulu remplacer la distinction des processus par une distinction des responsabilités (ou plus précisément des personnes responsables). Toutefois, l’interprétation du principe est brouillée par l’alinéa 9 suivant, également introduit par le Sénat, dans la mesure où il n’évoque plus des personnes responsables mais des « personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés des activités d’élaboration de la décision et de prise de décision ». Cela amènerait à considérer l’ensemble des personnels contribuant à ces actions, voire à imaginer des équipes dédiées. De fait, le rapporteur de la commission dit s’inspirer du fonctionnement de l’IRSN dont la recherche et l’expertise sont organisées en pôles thématiques où coexistent un pôle recherche et un pôle expertise distincts.

Le Gouvernement a donc proposé, en séance, la suppression de l’alinéa 9 en invoquant son incohérence avec la règle plus opérationnelle définie à l’alinéa 8.

Mais au-delà de ce problème, les services ministériels et l’ASN ont alerté le rapporteur sur la nécessité de ne pas trop rigidifier l’organisation. Plusieurs modes doivent pouvoir s’envisager selon la nature et les enjeux des dossiers. Il serait excessif d’imposer une telle distinction aux expertises de conformité des installations aux normes existantes. Rappelons, par exemple, que ce sont les experts de l’ASN, seuls, qui ont demandé le changement du couvercle de la cuve de Flamanville. On doit également pouvoir envisager de confier à une même personne l’instruction, l’expertise et l’élaboration de la décision relatives à de petits dossiers, la distinction se faisant alors au niveau des responsables qui valident et signent les résultats de chaque étape (expertise et décision). Une même personne pourrait aussi être alternativement expert ou décideur selon les dossiers, notamment quand les personnels des services centraux apportent un appui aux personnels des divisions territoriales de l’autorité.

En tout état de cause, le point précis où la distinction sera faite doit être précisé par le règlement intérieur (comme c’est prévu par l’article L. 592‑13‑1). En effet, le processus d’expertise se fait souvent en deux étapes pour les dossiers les plus complexes : l’évaluation proprement dire et sa validation technique. De même, l’instruction connaît plusieurs étapes avant la prise de décision.

La commission des affaires économiques a, pour sa part, considéré que, bien que plus adaptée, la définition du principe issue du Sénat est encore trop floue (parle-t-on de la ou des personnes responsables ?), et trop rigide pour préserver les bénéfices attendus de la mutualisation des compétences. Constatant la difficulté à énoncer en termes simples et non ambigus la règle d’une distinction entre expertise et décision, elle a donc adopté l’amendement CE104 de son rapporteur qui supprime les alinéas 8 et 9.

La crédibilité des avis et décisions de la future autorité lui impose nécessairement de prendre en compte cette exigence dans l’organisation de ses travaux. Mais le règlement intérieur est le mieux à même d’en définir les modalités.

c.   L’autonomie du règlement intérieur en débat (article 4)

Plusieurs dispositifs introduits par le projet de loi définissent une règle générale relative au fonctionnement de la future autorité avant de renvoyer à son règlement intérieur le soin de préciser leurs modalités.

Cette structuration des normes est parfaitement cohérente avec les règles constitutionnelles distinguant les domaines de la loi et du règlement et avec le principe posé par la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 qui prévoit expressément que seuls les principes fondamentaux d’organisation et de fonctionnement d’une AAI (ou d’une API) relèvent du niveau de la loi.

Pour autant, nombre d’acteurs ont dit au rapporteur leur regret que la loi ne soit pas plus précise dans ses attendus, en particulier s’agissant de déontologie, de transparence et d’information du public. Ils déplorent en particulier que les nouvelles dispositions n’assurent plus une publication des avis rendus par l’IRSN sur saisine de l’ASN avant la décision de l’autorité, contrairement à ce que permet aujourd’hui l’article L. 592-47 ([59]). Le nouvel article L. 592-14 (à l’alinéa 13 de l’article 2 du projet de loi) prévoit toujours la publication des expertises fondant les décisions de l’autorité, mais sans préciser la temporalité de cette publication. De fait, les services ministériels et responsables de l’ASN ont expliqué qu’elles seront le plus souvent publiées en même temps que les avis. Il importe en effet que les décisions puissent être prises sans pressions, ni internes ni exernes.

De leur côté, tout en reconnaissant que le renvoi au règlement intérieur offre une plus grande souplesse, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (COM-17) et la commission des affaires économiques (COM-83) du Sénat ont voulu s’assurer que le règlement intérieur respecte les intentions du législateur. Pour ce faire, elles ont introduit le principe d’une présentation à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire (HCTISN) et à la fédération nationale des commissions locales d’information auprès des installations nucléaires de base – l’Association nationale des comités et commissions locales d’information ou ANCCLI – des projets de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR, sur lesquels ces entités peuvent formuler des observations (article L. 592-29-1, alinéas 6 à 7 de l’article 4). Sur proposition de la commission des affaires économiques (COM-84), il est également prévu que les observations de l’OPECST soient élaborées en lien avec les commissions compétentes (alinéa 8).

Or, cette procédure soulève d’importantes difficultés :

– Le HCTISN rassemble l’ensemble des parties prenantes du nucléaire. Il apparaît donc paradoxal qu’on soumette les règles internes qui régiront le fonctionnement de la future autorité de contrôle à une instance comptant les exploitants qu’elle contrôlera ainsi que l’État dont elle doit être indépendante ;

– quant à l’ANCCLI, elle est financée par l’ASN et devrait continuer à l’être par l’ASNR. Il ne faudrait pas qu’elle utilise son pouvoir d’observation pour obtenir davantage.

Par ailleurs, une telle procédure est lourde car il faudra attendre les retours des différents organismes sur un projet qui ne pourra être finalisé qu’à partir du 2 janvier 2025. Cela retardera d’autant la mise en œuvre pratique de la réforme, et perturbera la continuité des activités de l’autorité.

Le Gouvernement avait donc proposé, en séance, de revenir à une présentation au seul OPECST et dans les deux mois suivant sa publication.

La commission des affaires économiques a décidé de supprimer cette procédure (alinéas 6 à 8 de l’article 4) en raison des difficultés relevées, mais plus globalement parce que soumettre la loi interne de la future autorité à différents acteurs extérieurs (y compris parlementaires) lui paraît contradictoire avec l’exigence d’indépendance de cette autorité. À cet effet, elle a adopté l’amendement CE87 de son rapporteur, qui supprime l’ensemble de l’article (voir le point suivant).

3.   Le renforcement de la transparence et de l’information du public (articles 2, 2 ter, 4, 4 bis et 4 quater)

a.   Une mission essentielle renforcée par le projet de loi

La transparence et l’information du public sont des conditions essentielles de la confiance des Français envers le système de sûreté nucléaire national et le ou les organismes chargés de leur protection. Or, la crédibilité du système est indispensable pour l’acceptation de la relance du nucléaire en France.

Le projet de loi s’attache à les renforcer en inscrivant dans la loi différentes obligations de publication à l’article 2 du projet de loi :

– non seulement le principe de la publication des avis et décisions délibérés par le collège de l’autorité est évidemment préservé (article L. 592-27), mais on a vu que les résultats des expertises réalisées dans le cadre des instructions de la future autorité devront être systématiquement publiés.

La version initiale du premier alinéa de l’article L. 592-14 renvoyait au règlement intérieur de la future autorité la définition des modalités de publication des résultats de l’ensemble de ses activités d’expertise et d’instruction. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (COM-4) a précisé cette obligation en ciblant spécifiquement les expertises réalisées à l’appui d’une instruction (alinéa 13 de l’article 2).

La commission des affaires économiques a toutefois préféré revenir à la version initiale de cet alinéa (à l’exception du cas des activités d’instruction, qui est déjà traité par l’article L. 592 27 du code de l’environnement) et a adopté en ce sens l’amendement CE84 de son rapporteur, considérant qu’une règle absolue de publication pour des documents pouvant contenir des secrets protégés par la loi irait un peu trop loin. Renvoyer au règlement intérieur le soin de préciser les différents cas de figure lui paraît une approche plus souple – mais aussi plus conforme au statut d’une autorité administrative indépendante ;

– le même article L. 592-14 liste d’autres actes auxquels cette obligation devra également s’appliquer : les avis des groupes permanents d’experts et ceux qui sont rendus à la demande du Gouvernement, des commissions parlementaires compétentes ou de l’OPECST (cf. l’article L. 592-29).

On relève qu’a contrario, les études sans avis réalisées à la demande des mêmes acteurs (et mentionnées par l’article L. 592-29 précité) ne sont pas soumises à une obligation de publication.

L’amendement CE84 précité ne reprend pas explicitement l’objectif d’une publication systématique des avis des groupes permanents d’experts, laissant à nouveau le soin au futur règlement intérieur d’en définir le cadre ;

– enfin, ledit article L. 592-14 prévoit que l’ASNR devra publier les données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative (sous réserve des secrets protégés par la loi).

b.   … Mais parfois sans nécessité

● L’article 4 du projet de loi propose également de compléter les dispositifs de transparence et d’information sur la sûreté nucléaire et la radioprotection par un nouvel article L. 592-29-1, qui prévoit, notamment, une information privilégiée de différents organismes intéressés. Ainsi :

– l’ASNR devra présenter à l’OPECST (avec les commissions parlementaires compétentes, cf. les amendements COM-82 et COM-92 du Sénat), ainsi qu’au HCTISN, qui pourra émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée ainsi que les modalités de sa mise en œuvre et leur en rendre compte.

Les services ministériels précisent qu’il s’agit de pérenniser des formes d’association des publics novatrices expérimentées avec succès. Elles interviennent sur des sujets en cours d’instruction, et non au moment où la décision est prise. Cela a été fait, par exemple, dans le cadre de l’instruction du dossier de demande d’autorisation de création du centre Cigéo ;

– l’ASNR devra également communiquer la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène aux autorités concernées ainsi qu’à l’OPECST, aux commissions parlementaires compétentes (cf. les mêmes amendements COM-82 et COM-92 du Sénat), au HCTISN, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail – selon leurs domaines de compétence respectifs.

Toutefois, le rapporteur de la commission des affaires économiques relève que ces dispositions complètent, sans véritable valeur ajoutée, des dispositifs existants, qui permettent déjà de répondre aux demandes d’information de l’OPECST et du Parlement :

– l’article L. 592-29 prévoit ainsi que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) formule des avis ou réalise des études à la demande du Gouvernement, des commissions parlementaires compétentes ou de l’OPECST ;

– l’article L. 592-30 dispose que l’ASN rend compte de ses activités à la demande de l’OPECST ;

– et l’article L. 592-31 prévoit que l’ASN transmet son rapport annuel d’activité à l’OPECST.

Sans compter que le projet de loi prévoit par ailleurs (article L. 592 14 à l’article 2) la publication des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle aura l’initiative.

En outre, rien ne s’oppose à ce que la future autorité échange avec l’OPECST sur les procédures d’association du public envisagées.

Pour ces différentes raisons, le rapporteur a proposé la suppression de l’ensemble de l’article 4 (au-delà des seuls alinéas 6 à 8, voir supra) par un amendement CE87 adopté par la commission des affaires économiques.

● Au cours de son examen, d’autres mesures visant à renforcer la transparence et l’information ont été créées par le Sénat :

– l’article 2 ter exige ainsi que le rapport d’activité annuel de l’autorité de sûreté transmis à l’OPECST contienne désormais un compte rendu de l’activité de sa commission des sanctions (se reporter au commentaire de cet article) ;

– l’article 4 bis, adopté en séance, contre l’avis du Gouvernement, sur proposition de sénateurs de la commission des affaires économiques (4 rectifié bis), dispose que la commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CN2E), chargée d’évaluer chaque année l’état d’avancement de ces études et recherches, pourra être sollicitée par l’OPECST pour une expertise en dehors du seul cadre de son évaluation annuelle (article L. 542-3 du code de l’environnement).

Pour représenter l’ensemble des disciplines scientifiques et compétences concernées par sa mission, elle passera de six à huit membres. Et le haut‑commissaire à l’énergie atomique en sera membre de droit.

– enfin, le 4 quater impose que le rapport annuel de l’ASNR soit remis à l’OPECST avant sa publication (cf. l’amendement de plusieurs sénateurs de la commission des affaires économiques du Sénat n° 3 rectifié bis).

Or, il apparaît que ces trois cas correspondent déjà des dispositions déjà prévues par la loi ou pratiquées sans aucune difficulté. Il n’apparaît donc pas utile de modifier la loi pour le même résultat.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires économiques a ainsi supprimé ces articles (amendements CE97, CE89 et CE90).

II.   Dispositions relatives aux ressources humaines

A.   Les modalités de transfert des contrats de travail

La création de l’ASNR nécessite d’organiser les transferts de personnel de l’IRSN vers cette nouvelle autorité, d’une part, et vers le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), d’autre part.

L’article 7 du projet de loi précise les modalités de transfert des contrats de travail des salariés de l’IRSN :

– le I prévoit que l’ASNR se substitue à l’IRSN en qualité d’employeur pour ceux-ci, à l’exception des salariés mentionnés aux II et III de l’article 7 (voir infra). Les contrats de travail des salariés de l’IRSN sont, en conséquence, transférés à l’ASNR. Il est par ailleurs précisé que les dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail ne sont pas applicables à ces transferts. Cela signifie que l’ASNR ne sera pas obligée de proposer aux salariés de l’IRSN un contrat de droit public, et qu’il ne sera pas mis fin de plein droit au contrat d’un salarié qui refuserait ce nouveau contrat de droit public. Les salariés de l’IRSN pourront donc conserver leur statut de salarié de droit privé ;

– le II et le III prévoient que le CEA se substitue à l’IRSN en tant qu’employeur pour :

Les modalités de ces transferts et mises à disposition doivent être précisées par décret en Conseil d’État. Les salariés dont le contrat de travail est transféré au CEA, seront soumis au régime de droit commun en matière de conventions et d’accords collectifs applicables en période de transition ([60]) (article 8), le Gouvernement soulignant dans l’étude d’impact que « la comparaison des dispositifs conventionnels du CEA et de l’IRSN conduit (…) au constat qu’ils présentent pour les intéressés des similitudes importantes et des niveaux de protection et d’avantages très comparables ». Pour les conventions et accords applicables aux salariés rejoignant l’ASNR, les modalités de maintien des conventions et accords collectifs seront décrits infra.

Cet article 7 n’a fait l’objet d’aucune modification par le Sénat et constitue la traduction opérationnelle, en matière de transfert des contrats de travail, de la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire.

B.   Le Statut du personnel de la nouvelle autorité et les modalités du dialogue social en son sein

L’article 6 du projet de loi précise la nature des contrats de travail des différentes catégories de personnel de l’ASNR et les modalités d’organisation du dialogue social au sein de l’entité.

1.   La nature des contrats de travail

Le nouvel article L. 592-12 du code de l’environnement prévoit que le personnel de l’ASNR comporte à la fois des fonctionnaires, des agents contractuels de droit public et des salariés de droit privé. Aujourd’hui, le personnel de l’ASN est majoritairement composé de fonctionnaires et de contractuels de droit public et celui de l’IRSN de salariés de droit privé ([61]). Cette diversité de catégories de personnel envisagée répond essentiellement à deux besoins :

– permettre de maintenir les droits liés au statut du personnel de l’ASN, d’une part, et de celui de l’IRSN, d’autre part, chacun conservant son contrat ;

– permettre un recrutement diversifié afin de garantir l’attractivité de la future autorité.

2.   L’organisation du dialogue social au sein de la future ASNR

Pour assurer l’organisation du dialogue social au sein de chaque entité, l’IRSN dispose aujourd’hui d’un comité social et économique (CSE) et l’ASN d’un comité social d’administration (CSA).

a.   Un comité social d’administration unique, composé de deux commissions

La création de l’ASNR nécessite la création d’une structure de dialogue social particulière, permettant la représentation de l’ensemble des catégories de personnel : fonctionnaires, contractuels de droit public, salariés de droit privé. L’article 6 du projet de loi crée ainsi un comité social d’administration unique, qui exercera les compétences du CSA et du CSE pour l’ensemble du personnel de la future ASNR. Ce CSA unique serait présidé par le président de l’ASNR et composé de représentants du personnel et de l’administration. En son sein, 2 commissions seraient instituées :

– la commission des agents publics, qui exercerait les compétences d’un CSA en matière d’organisation stratégique des politiques de ressources humaines, de parcours professionnels, d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations, lorsque ces questions concernent de manière exclusive les fonctionnaires et contractuels de droit public ;

– la commission des salariés, qui exercerait les compétences d’un CSE lorsque les problématiques associées concernent de manière exclusive les salariés de droit privé. Ce CSE n’exercerait pas les attributions, prévues par le code du travail, qui concernent l’exercice du droit d’alerte et les réclamations dans une entreprise disposant du statut de société anonyme.

Tous les autres sujets auront donc vocation à être traitées par le CSA unique, en formation plénière.

Par ailleurs, il est créé, au sein de ce même CSA, une formation spécialisée chargée des questions de santé, de sécurité et des conditions de travail pour l’ensemble du personnel. Des formations locales sur les mêmes sujets peuvent être créées lorsque des risques professionnels particuliers le justifient.

Le futur CSA sera doté de la personnalité civile, ce qui lui permettra de gérer son patrimoine ainsi que le budget des activités sociales et culturelles de l’ensemble du personnel ; en conséquence, les fonctionnaires de l’ASN n’auront plus accès à l’action sociale interministérielle. L’article 15 du projet de loi précise que ce dispositif demeure applicable tant que les mêmes agents ne bénéficient de plein droit du nouveau dispositif d’activités sociales et culturelles qui est prévu, l’entrée en vigueur de ce dernier devant intervenir au plus tard le 1er juillet 2027. Par ailleurs, l’article 10 indique que le patrimoine du CSE de l’IRSN est dévolu au CSA de l’ASNR.

b.   La désignation des instances représentatives du personnel et les modalités du dialogue social

L’article 6 du projet de loi précise aussi les modalités d’élection des représentants du personnel siégeant au sein du CSA. Sont également détaillées les modalités des négociations collectives et les règles applicables à la représentativité des organisations syndicales au sein des collèges. En particulier, est prévue la possibilité de négociations conjointes entre représentants du personnel de droit public et de droit privé, à l’initiative de l’ASNR.

Des dispositions transitoires ad hoc sont instituées concernant la validité des conventions, accords collectifs et engagements unilatéraux en cours, ainsi que pour les instances de dialogue social déjà existantes au sein des deux entités :

– les conventions, accords et engagements actuellement applicables aux salariés de l’IRSN restent applicables jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux engagements ou, à défaut, jusqu’au 30 juin 2027 (art. 8), soit 30 mois après l’entrée en vigueur de la création de l’ASNR (1er janvier 2025). Au 1er juillet 2027, à défaut de nouveaux accords, les salariés de l’IRSN bénéficieront d’une garantie de rémunération ;

– le CSA actuel de l’ASN et le CSE de l’IRSN restent en fonction jusqu’à la constitution du futur CSA unique, qui doit intervenir au plus tard le 31 mars 2026. Il est prévu que ces comités puissent siéger en formation conjointe, le Sénat ayant précisé que cela doit se faire à la demande de ces comités ou du président de l’ASNR ([62]) (art. 10).

Au total, sur l’ensemble de ces dispositions (CSA unique et modalités du dialogue social), le Conseil d’État a pu relever, dans son avis sur le projet de loi, la « grande complexité du dispositif » ainsi créé mais note également qu’il n’est contraire à aucun principe constitutionnel, en particulier celui de participation mentionné par le Préambule de la Constitution de 1946 ([63]). Il recommande une attention particulière aux modalités d’application de la loi. L’étude d’impact souligne par ailleurs que la structuration des instances de dialogue social telle que proposée s’appuie sur des dispositifs appliqués dans des établissements publics disposant de différentes catégories de personnel, tels que Voies navigables de France ou l’Agence nationale du contrôle du logement social.

La commission des affaires économiques a adopté un amendement CE91 du rapporteur portant article additionnel après l’article 11. Il permet la consultation du comité social d’administration de l’ASN et du CSE de l’IRSN, avant le 31 décembre 2024, sur le projet de règlement intérieur de la future ASNR. Cet amendement précise également que le règlement intérieur de l’ASN demeure applicable jusqu’à l’adoption du règlement intérieur de la future ASNR. Ces dispositions permettent d’assurer la continuité de fonctionnement entre les différents organismes concernés et l’adoption du règlement intérieur dans les meilleurs délais une fois l’ASNR créée. La commission des affaires économiques a également adopté, à l’article 15, un amendement CE96 permettant l’entrée en vigueur immédiate de telles dispositions.

c.   La possibilité d’harmoniser les montants des indemnités et frais accessoires entre les différentes catégories de personnel

Enfin, l’article L. 592-12-3 du code de l’environnement nouvellement créé prévoit que le collège de l’ASNR puisse harmoniser, entre les différentes catégories de personnel, les montants des indemnités accessoires liées à des sujétions communes et les modalités de remboursement des frais de toute nature.

3.   La position du Sénat sur ces dispositions

Lors de l’examen de ces dispositions au Sénat, le rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Pascal Martin (UC), n’a pas souhaité modifier l’équilibre de l’article, « fruit d’un travail de dialogue entre l’ensemble des parties prenantes » : des précisions rédactionnelles et de clarification ont simplement été apportées sur différents points.

À l’article 13, un amendement COM-18 du rapporteur Pascal Martin a cependant précisé que les inspecteurs de la sûreté nucléaire et les inspecteurs de la radioprotection pourront être nommés parmi l’ensemble du personnel de la future ASNR, tous statuts confondus. De même, les enquêtes techniques pourront être menées par toute catégorie de personnel. Selon l’exposé sommaire de l’amendement, cela permettra « de renforcer les effectifs consacrés à l’inspection de la nouvelle autorité ». Les missions de police judiciaire demeureront exercées par des fonctionnaires ou des agents publics.

En séance publique, un amendement n° 92 du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Patrick Chaize (LR), a été adopté avec double avis favorable de la commission et du Gouvernement. Reprenant la jurisprudence du Conseil constitutionnel en la matière ([64]), il précise, à l’article 6 du projet de loi, que le personnel de la future ASNR « de nationalité étrangère ou apatride ne peut être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique ».

C.   Les dispositions visant à garantir l’attractivité de la nouvelle autorité

Les auditions menées par votre rapporteur ont fait ressortir les enjeux majeurs d’attractivité relatifs aux emplois dans le domaine de la sûreté nucléaire.

Comme cela a été souligné, la possibilité pour la future ASNR de recruter à la fois des salariés de droit privé, des fonctionnaires et des contractuels de droit public participe de cette attractivité (article 6).

Autre mesure d’attractivité, l’article 9 organise pendant 6 ans une voie d’accès réservé, sous la forme d’un concours, aux corps de fonctionnaires de l’État, pour les contractuels de droit public et des salariés de droit privé de la future ASNR. Ce recrutement spécifique doit valoriser les acquis de l’expérience professionnelle, ce qui passe notamment par la justification de 4 années d’ancienneté au sein de l’ASN, de l’IRSN ou de l’ASNR. Les corps de fonctionnaires concernés doivent être précisés par décret en Conseil d’État : à ce sujet, les services ministériels ont précisé à votre rapporteur qu’à ce stade, les corps concernés ne sont pas fixés, mais que « pour ce qui concerne la filière technique, on peut penser notamment au corps des ingénieurs de l’industrie et des mines (IIM) au regard du volume de la population technique et cadre dans les deux entités. L’ouverture de concours pour chaque corps sera décidée en concertation avec les gestionnaires de corps (…) et la direction générale de l’administration et de la fonction publique ». On peut relever que des dispositions semblables ont déjà existé au sein du ministère de la justice, afin que les salariés et les contractuels des juridictions sociales puissent intégrer des corps de fonctionnaires du ministère de la justice ([65]).

L’article 11 du projet de loi comporte aussi des mesures liées à l’attractivité de la nouvelle ASNR. Le I de cet article prévoit en effet que l’IRSN et l’ASN doivent respectivement consacrer 15 millions d’euros (M€) et 0,70 M€ à l’augmentation des salariés et des contractuels de droit public en 2024. Cela représente, selon le ministère, une augmentation moyenne d’environ 10 %. À noter que le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, a estimé qu’une telle disposition ne relevait pas du domaine de la loi tel que défini par l’article 34 de la Constitution et l’article 1er de la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017. Elle contribue cependant à répondre au besoin d’attractivité de cette nouvelle autorité.

Cette disposition de l’article 11 entre en vigueur de manière immédiate (article 15).

Le projet de loi ne comporte pas de dispositions relatives à la revalorisation de la rémunération des fonctionnaires de l’ASN. Le ministre Christophe Béchu, lors de l’examen du projet de loi en séance au Sénat le 7 février 2024, a expliqué qu’un « décret est nécessaire, fruit des négociations qui doivent avoir lieu entre les agents publics de l’ASN (…) pour les agents publics, un décret sera pris au terme du processus de négociations ».

D.   évaluation des besoins nécessaires à la future ASNR

En complément des dispositions précitées sur l’augmentation de la rémunération des salariés de l’IRSN et des contractuels de l’ASN, l’article 11 du projet de loi prévoit 2 dispositions complémentaires :

– au II de l’article, la remise d’un rapport au Parlement avant le 1er juillet 2024 sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’ASNR et au CEA en 2025. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM-69 du rapporteur pour avis Patrick Chaize, prévoyant que ce rapport évalue également la faisabilité et l’opportunité d’instituer un préfigurateur à la réforme de l’ASNR. Les dispositions de ce II sont d’entrée en vigueur immédiate (article 15) ;

– au III de l’article, une évaluation par l’ASNR des moyens humains et financiers qui lui sont nécessaires dans les 5 ans suivant l’entrée en vigueur de la réforme, ainsi que des mesures propres à garantir l’attractivité des conditions d’emploi de celle-ci. Ce travail fera l’objet d’une présentation au Gouvernement et à l’OPECST, en lien avec les commissions permanentes compétentes.

Sur ces deux dispositions, le Conseil d’État a relevé qu’elles ne pouvaient être regardées, « compte tenu de leur objet, comme destinées à assurer l’information du Parlement afin de lui permettre de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques et ne relèvent, par suite, pas non plus du domaine de la loi » ([66]). Comme pour celle relative aux rémunérations, elles constituent néanmoins un signal important sur la nécessité de prévoir des moyens et des mesures d’attractivité en adéquation avec les besoins de la future autorité.

III.   La nomination du futur président de l’ASNR par les commissions permanentes compétentes du parlement

Le III de l’article 14 du projet de loi prévoit quelles commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat seront compétentes pour émettre un avis sur la nomination du président de la future ASNR, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Aujourd’hui, la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit :

– que la nomination du président de l’ASN relève de la commission compétente en matière d’énergie ;

– que la nomination du président de l’IRSN relève de la commission compétente en matière d’environnement.

L’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que la commission des affaires économiques est compétente en matière d’énergie et la commission du développement durable en matière d’environnement.

Le projet de loi initial du Gouvernement prévoyait que la nomination du président de la future ASNR soit soumise à l’avis de la commission compétente en matière d’énergie. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté un amendement COM-22 de son rapporteur, Pascal Martin (UC), prévoyant que cet avis relèverait de la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques ([67]), afin de permettre à cet avis de revenir à cette même commission.

L’amendement COM-23 du même auteur prévoit une entrée en vigueur immédiate de ce changement de compétence de commission, sans attendre l’échéance du 1er janvier 2025, au motif que le mandat du président actuel prend fin en novembre 2024 et qu’il est logique que la commission qui sera compétente sur la nomination du futur président de l’ASNR se prononce sur le mandat du président de l’ASN dont la continuité sera assurée à compter du 1er janvier 2025 (cf. article 5 du projet de loi).

Par ailleurs, le Sénat a également supprimé la présidence du Haut Conseil des biotechnologies de la liste des nominations soumises à l’avis des commissions permanentes compétentes du Parlement, cet organisme ayant été supprimé en 2022 (amendement COM-6 du rapporteur Pascal Martin).

La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté l’amendement CE98 du rapporteur à l’article 14, qui rétablit la version initiale du projet de loi, prévoyant que c’est la commission compétente de chaque assemblée en matière d’énergie qui se prononcera sur la nomination du président de la future ASNR, c’est-à-dire la commission des affaires économiques. Une telle attribution est cohérente avec les compétences de cette commission, qui est non seulement compétente sur les enjeux d’énergie mais aussi sur ceux relatifs à l’industrie, à l’innovation ou encore à la recherche appliquée. Ces enjeux s’inscrivent pleinement dans la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire qui doit permettre, conformément au titre du projet de loi, de répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

La commission des affaires économiques a également adopté l’amendement de coordination juridique CE92 à l’article 15, qui tire les conséquences du rétablissement de la compétence de cette commission pour l’avis sur la nomination du président de la future ASNR.

 


  1  

   comptes rendus des travaux de la commission
Du développement durable et de l’aménagement
du territoire

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, au cours de ses réunions du mardi 5 mars 2024, après-midi et soir et du mercredi 6 mars 2024, après-midi et soir, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197) (M. Jean-Luc Fugit, rapporteur).

1.   Réunion du mardi 5 mars 2024, après-midi

M. le président Jean-Marc Zulesi. Mes chers collègues, nous entamons l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

Je rappelle que nous avons délégué au fond l’examen des articles 2 ter, 12, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18 à la commission des affaires économiques. Comme il est d’usage, nous nous en remettrons aux décisions qu’elle a prises, en mettant aux voix sans débat les amendements qu’elle a adoptés et les articles afférents. Ils seront examinés ce soir, lors de la réunion de vingt et une heures trente, pour permettre une présentation groupée des positions de la commission des affaires économiques.

Par ailleurs, le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie, M. Roland Lescure, ne peut être présent aujourd’hui car il accompagne le Président de la République dans un déplacement. Il assistera néanmoins à nos réunions demain après-midi et soir. L’examen de l’article 2 est donc réservé jusqu’à demain, afin d’assurer un débat aussi approfondi que possible sur cet article qui constitue le cœur de la réforme.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. En février 2022, lors du discours de Belfort, le Président de la République a tracé les orientations du destin énergétique de la France : sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, garantir notre souveraineté et accélérer la transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Depuis lors, la politique énergétique française a été précisée. Elle repose sur quatre piliers : sobriété, efficacité énergétique, énergies renouvelables et nucléaire. Ces quatre piliers, complémentaires, sont indispensables. Ensemble, ils forment un tout : la prédominance de l’un ou de plusieurs d’entre eux au détriment des autres, comme certains acteurs politiques le souhaitent, ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés.

Une fois cette trajectoire arrêtée, le Parlement a travaillé à sa mise en œuvre en adoptant, au début de l’année 2023, un projet de loi pour accélérer le développement des énergies renouvelables et un autre pour faciliter la relance du nucléaire.

Le choix qu’a fait la France de favoriser une production d’énergie décarbonée s’appuie sur la science et n’oppose pas les énergies renouvelables entre elles, ni ces dernières au nucléaire. Nous pouvons nous féliciter de cette trajectoire, qui porte aujourd’hui ses fruits, comme le montre la diminution des émissions de CO2 observée en France alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a indiqué, la semaine dernière, que les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie ont progressé de 1,1 % en 2023.

Il y a un an, lors du débat sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, nous avons évoqué la question de la sûreté nucléaire. Pour chacune et chacun d’entre nous, il est essentiel et évident que la réussite de la filière nucléaire repose sur la garantie d’une exploitation sûre et sur un cadre clair du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Rappelons d’ailleurs que ce cadre est d’abord fondé sur la responsabilité des exploitants nucléaires.

Depuis un an, toutefois, la question se pose de savoir si l’organisation actuelle de notre système de sûreté nucléaire est suffisamment efficace et robuste pour garantir les meilleurs standards de sûreté à l’aune des immenses défis à venir. Bien qu’elle ait permis de répondre de façon satisfaisante aux enjeux de sûreté nucléaire et de radioprotection depuis 2006, à un moment où l’industrie nucléaire connaissait un calme relatif, cette organisation semble moins adaptée aujourd’hui.

Le contexte a, en effet, radicalement changé. Nous nous trouvons au seuil d’un bouleversement d’ampleur du paysage industriel nucléaire français, puisque, après de longues années de simple gestion du parc existant, de nouveaux et nombreux défis se dressent devant nous : la prolongation des réacteurs actuels au-delà de cinquante ou soixante ans, les évolutions technologiques, les impacts du changement climatique et le cyberterrorisme – auxquels peuvent s’ajouter des difficultés inattendues, comme les problèmes de corrosion sous contrainte qui ont récemment affecté le parc de réacteurs nucléaires.

Le déploiement d’une filière pour le réacteur pressurisé européen (EPR) 2 et l’apparition de nombreuses innovations en matière de petits réacteurs, comme les petits réacteurs modulaires (SMR), représentent également un défi : compte tenu de la constitution d’un écosystème très dense de start-up, la sphère du contrôle devrait se trouver confrontée à une multitude d’acteurs privés.

Les projets associés à ces évolutions vont accroître significativement et durablement le volume et la complexité des dossiers de sûreté et de radioprotection à étudier. C’est pourquoi nous sommes réunis pour examiner ce projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

À cet égard, je voudrais rappeler que notre système de contrôle actuel, qui repose, d’une part, sur l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), chargée de la prise de décision, et, d’autre part, sur l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), résulte de réorganisations successives intervenues depuis plus d’un demi-siècle.

Sans en retracer toutes les étapes, je rappelle que l’IRSN est né, en 2002, de la fusion entre l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), créé en 1976, et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (Opri). Déjà, quand il avait fallu séparer l’IPSN du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), nombreux étaient ceux qui craignaient que ce ne soit le début du démantèlement du CEA. Cette crainte n’a pas été confirmée par la suite.

L’ASN elle-même a d’abord été le service central de sûreté des installations nucléaires (SCSIN), rattaché au ministère de l’industrie, puis la direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN), placée sous l’autorité conjointe des ministres chargés de l’industrie et de l’environnement en 1991, avant de devenir indépendante en 2006.

Aujourd’hui, les deux entités travaillent ensemble, le plus souvent en mode projet, « au pied du réacteur », comme le rappelle l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) dans son rapport sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection du 11 juillet 2023, dont j’ai été l’un des rapporteurs.

Si une approche institutionnelle pourrait laisser penser qu’il existe une distinction rigide entre l’expertise et la décision, on observe en fait un continuum étroit entre les deux activités. Certes chargée de prendre les décisions, l’ASN s’appuie aussi bien sur ses propres équipes d’expertise que sur les services de l’IRSN – lequel y consacre une partie de ses ressources.

Le projet de loi garantit l’indépendance de l’entité chargée du contrôle de la sûreté nucléaire civile et de la radioprotection, vis-à-vis du Gouvernement comme des exploitants, grâce au statut d’autorité administrative indépendante, le plus protecteur en droit français.

Une évolution du système actuel vers une approche plus intégrée présenterait de nombreux avantages, sans compromettre les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire. En créant une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), qui réunirait, en plus des missions de l’ASN, l’essentiel des missions d’expertise et de recherche de l’IRSN, le projet de loi permettra la fixation d’un calendrier unique de priorités.

En effet, à l’heure actuelle, le double niveau de pilotage limite l’efficience et la réactivité du processus. La relation entre l’ASN et l’IRSN s’inscrit dans le cadre d’une convention, négociée par les deux parties tous les cinq ans, qui s’appuie sur neuf documents‑cadres. Un protocole est en outre conclu tous les ans pour convenir des priorités à venir. Cette organisation et ce niveau de formalisme résultent de l’existence même d’entités séparées, laquelle complexifie le pilotage des priorités et l’allocation des moyens. Dans un contexte de relance du nucléaire, une direction générale unifiée et un comité de direction rassemblant les activités de l’ASN et de l’IRSN seraient un moyen de renforcer le partage d’informations et le pilotage des moyens de la future autorité.

Tel serait également le cas en situation de crise, puisque l’ASN et l’IRSN disposent chacun d’un centre de crise, d’une organisation spécifique et de moyens propres de gestion de crise. Leur intégration permettrait de mettre en place un interlocuteur unique pour les autorités publiques et de fluidifier les échanges entre les équipes chargées de l’expertise et celles chargées de proposer des actions de protection de la population.

S’agissant des ressources humaines, il existe des tensions sur certaines compétences rares, actuellement dupliquées dans les deux entités. En réunissant des personnels très bien formés et expérimentés, et en facilitant leur travail collectif, la réforme améliorera la qualité de l’expertise, de l’instruction des dossiers et de la décision. Elle renforcera également les opportunités de mobilité professionnelle, y compris géographique, au sein de l’autorité.

Enfin, une autorité unifiée disposera d’un plus grand pouvoir d’influence dans les instances internationales et sera en mesure d’harmoniser sa communication pour défendre une vision française unique de la sûreté. Par sa taille, la future autorité sera d’ailleurs la plus importante au niveau européen et parmi les plus importantes au niveau mondial. Cela devrait accroître encore l’influence française à l’international, au bénéfice de niveaux de sûreté ambitieux et pertinents.

Bien sûr, les principes fondamentaux de la sûreté nucléaire seront préservés, qu’il s’agisse de la distinction entre expertise et décision, de la transparence de l’information en matière de sûreté nucléaire, notamment vis-à-vis du Parlement, ou encore de la publication des rapports d’expertise, en particulier de ceux sur lesquels s’appuient les décisions de l’ASN. Ces principes sont inscrits à l’article 2 du projet de loi et se déclinent dans d’autres articles. Les exigences d’indépendance, de déontologie et de transparence ont en outre été renforcées par le Sénat, dont il convient de saluer la qualité des travaux.

Je suis particulièrement attaché à ce que les activités de recherche conduites à l’IRSN soient maintenues au plus haut niveau d’expertise et appuyées par un conseil scientifique, car la relance du nucléaire implique celle de la recherche et de l’innovation. Je présenterai un amendement en ce sens.

Concernant le dialogue social, le projet de loi prévoit non seulement, à l’article 6, de préserver les statuts privé et public des personnels, mais également de conserver les instances actuelles jusqu’à la mise en place d’une instance spécifique – le comité social d’administration – qui sera dotée de deux formations spécialisées pour les salariés et les fonctionnaires.

Les salaires des contractuels et des agents de droit privé seront revalorisés mais il faudra également tenir compte, dans le rapport prévu à l’article 11 sur les besoins prévisionnels humains et financiers de la nouvelle autorité, des rémunérations des fonctionnaires.

L’évolution structurelle envisagée ne doit pas interférer avec l’augmentation de la charge de travail en matière de sûreté nucléaire prévue en 2026 et 2027, ce qui suppose de parvenir à mettre en place l’ASNR au 1er janvier 2025.

J’insiste sur la nécessité d’un véritable suivi par le Parlement de la mise en œuvre de la réforme. Je vous proposerai en ce sens un amendement qui permet à l’Opecst de suivre l’état d’avancement des travaux préparatoires de création de l’ASNR, puis de solliciter des bilans réguliers de la création de cette nouvelle autorité. Ce suivi renforcé de la réforme par l’Opecst, pendant une durée de deux ans, garantira pleinement l’effectivité du contrôle et de l’évaluation exercés par les parlementaires.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Anthony Brosse (RE). Le projet de loi soumis à notre examen, qui fait notamment suite au plan de relance de la filière du nucléaire civil impulsé par le Président de la République lors du discours de Belfort il y a un peu plus de deux ans, se veut structurant pour le contrôle de nos installations.

Nous aurons à définir les modalités d’organisation et de gouvernance, le statut des personnels et les missions de la future autorité au regard des enjeux de fluidité, de cohérence, d’expertise et d’attractivité, qui ont été relevés dans le rapport de l’Opecst, rédigé par le sénateur Stéphane Piednoir et le rapporteur du présent projet de loi, Jean-Luc Fugit.

Les nombreuses auditions menées par le rapporteur, particulièrement suivies, ont permis de faire émerger des demandes de toutes parts, tant de l’ASN que de l’IRSN. Notre groupe tâchera d’y répondre, notamment en ce qui concerne le suivi accru de la réforme, la préservation de la qualité de la recherche et de l’indépendance, ou encore la transparence et la déontologie de la future autorité. Nous veillerons à assurer une continuité sur ces quatre points, à mon sens essentiels et pour lesquels nous proposerons des améliorations.

Cette fusion est une étape importante, mais ce n’est pas la première du genre. L’IRSN n’est-il pas lui-même né d’une fusion de deux entités ? Il ne s’agit donc pas d’effacer l’ASN ou l’IRSN, mais bien d’unifier leurs savoir-faire au profit d’une relance rapide et nécessaire du nucléaire civil français.

Le 1er janvier 2025 peut sembler proche – cette crainte a été exprimée – mais cette fusion a été préparée par de nombreux groupes de travail. La nomination d’un préfigurateur, demandée par le Sénat dans le rapport prévu à l’article 11, constitue un ajout important que notre groupe soutiendra et renforcera, afin de mieux accompagner les conditions de transfert des activités de l’IRSN et de l’ASN vers la nouvelle ASNR.

Les avis de notre rapporteur permettront d’éclairer nos débats sur la restructuration de notre gouvernance de la sûreté nucléaire, à l’aube de la relance de la filière.

M. Nicolas Dragon (RN). La relance du nucléaire est cruciale pour garantir à la France une souveraineté énergétique ainsi qu’une croissance respectueuse de l’environnement. Le groupe Rassemblement national se félicite donc que, après sept ans d’égarement, le Gouvernement adhère enfin à la position que nous défendons depuis des années en la matière. Mais, malheureusement, nous n’avons encore rien vu.

Ce projet de loi, que nous attendons depuis un moment, suscite des interrogations. L’article 11 est le parfait exemple de l’impréparation de ce gouvernement. En effet, pourquoi n’a-t-on pas revu le budget de l’IRSN et de l’ASN dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 afin d’augmenter les salaires du personnel de ces deux entités ? Pourquoi attendre ce projet de loi pour demander un rapport sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité ?

Je rappelle que le groupe Rassemblement national avait réclamé, lors du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité des sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, une évaluation des moyens matériels et humains dédiés à notre système de contrôle des rayonnements ionisants et à la sûreté des installations nucléaires, mais que cette demande avait été rejetée.

Pourquoi ne nous sommes-nous toujours pas prononcés sur la programmation pluriannuelle de l’énergie ? Après la fermeture de la centrale de Fessenheim, en parfait état de fonctionnement, la construction de six EPR – peut-être même quatorze – a été annoncée, mais l’on ne sait pas encore où ils seront construits et les budgets ne sont pas sécurisés.

Nous aimerions obtenir des réponses aux questions soulevées lors des auditions. Quel est le coût de ce projet de fusion ? D’où vient précisément cette idée de réforme ? Pourquoi est-elle jugée essentielle à la relance du nucléaire ? Comment peut-elle concrètement fluidifier notre sûreté nucléaire ?

Enfin, cette fusion pose d’autant plus de difficultés que les modifications apportées par le Sénat rendent la loi bavarde, ne laissant que peu de flexibilité à la future entité pour s’ajuster aux évolutions d’un secteur qui s’apprête à connaître une révolution dans les années à venir.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’an dernier, nous avions réussi collectivement à empêcher Emmanuel Macron d’imposer, par un amendement, l’intégration de l’IRSN dans l’ASN. Son projet nous revient par ce projet de loi, sans que nous ayons eu ne serait-ce que le début d’une explication quant à sa nécessité, ni même son simple intérêt.

Or ce projet est refusé par l’immense majorité des professionnels du nucléaire. Nous étions, à midi, aux côtés des salariés de l’IRSN, qui sont vent debout contre cette réforme. Pourquoi ? Parce que le seul et unique objectif du Gouvernement est l’accélération du nucléaire, avec le moins de contraintes possible, quoi qu’il en coûte.

Le prix à payer est la sécurité et la sûreté nucléaires. L’intégration de l’IRSN dans l’ASN place l’expertise scientifique sous la coupe du décideur – autrement dit, on prend sciemment le risque de faire primer des considérations économiques et industrielles sur la sécurité, d’autant plus que le texte s’attache à réduire au maximum la transparence des décisions et remet la question d’éventuels garde-fous entre les mains du petit nombre qui rédigeront le règlement intérieur de la nouvelle instance.

En prime, on nous presse de démanteler une organisation qui fonctionne, et reconnue à l’international, au pire moment pour cela : dans le contexte d’une relance à tout crin, qui repose sur des techniques que nous ne maîtrisons pas encore. Les futurs EPR 2 devraient, selon Les Échos, accuser un surcoût de 30 % minimum et l’EPR de Flamanville n’arrive toujours pas à démarrer, ce qui devrait à tout le moins nous pousser à l’humilité. De même, la question de la prolongation des réacteurs devrait, comme les conséquences du changement climatique, nous inciter tous à la prudence.

Selon Benoît Journé, professeur des universités spécialisé dans la sûreté nucléaire, 80 % des projets de fusion sont des échecs au regard des objectifs fixés au départ. Est-ce vraiment le moment de faire un tel pari ?

Comme l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli), je crains « qu’accélération et réorganisation du nucléaire se conjuguent avec une baisse de vigilance et de performance de la sûreté qui sont les prémices d’un éventuel accident nucléaire ».

Ce lundi, lorsque nous examinerons ce texte en séance, nous commémorerons aussi le funeste anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Avons-nous déjà oublié ? Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, faire rimer sûreté avec légèreté n’est pas une option.

M. Emmanuel Maquet (LR). La relance du nucléaire couronne des années d’effort du groupe Les Républicains pour vous convaincre. Nous en sommes heureux, même si nous regrettons que le temps perdu nous ait coûté Fessenheim, ait fragilisé notre production en 2022 face à l’inflation et aggravé la perte de compétences dans le secteur.

Le projet de loi prétend s’inscrire dans cette dynamique de relance, puisqu’il la cite dans son titre. Nous aborderons donc ce texte avec une seule idée en tête : facilitera-t-il oui ou non la relance, sans rien retrancher au niveau d’exigence en matière de sécurité que les Français sont en droit d’attendre ?

Premier élément de réponse : les adversaires éternels de l’énergie nucléaire, nos collègues de la NUPES, sont vent debout contre le texte ; c’est certainement le signe qu’il s’agit d’une bonne réforme.

Deuxièmement, au-delà de la fusion, l’enjeu principal est l’augmentation des moyens, notamment de ceux attribués à la rémunération des agents. C’est un sujet primordial pour l’attractivité des carrières dans ce secteur stratégique où les talents sont courtisés de toutes parts.

Troisièmement, notre système dual de sûreté et de sécurité nucléaires est l’un des meilleurs au monde, si ce n’est le meilleur. Les vingt prochaines années ne ressembleront cependant pas aux vingt dernières : nous allons au-devant de défis logistiques, financiers et sécuritaires inédits ; il nous faut donc encore accélérer.

Dans cet esprit, la fusion de l’ASN et de l’IRSN présentera des avantages indéniables : elle optimisera l’organisation administrative de l’ensemble ; elle éliminera les délais de transmission entre les deux établissements ; elle permettra une gestion plus attractive des carrières. Surtout, au moyen d’un amendement que nous défendrons demain, elle sera l’occasion de mettre fin à la publication des rapports d’expertise en amont des décisions, qui sème le désordre dans la communication institutionnelle sur des questions sensibles.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains ne peut que rejoindre l’analyse du Sénat, selon laquelle ce projet de loi contribuera à fluidifier et à accélérer la relance du nucléaire dans notre pays. C’était déjà notre position l’année dernière, lorsque cette réforme n’était encore qu’un amendement du Gouvernement adopté en commission des affaires économiques : nous avions alors voté contre les amendements de suppression de cette réforme, déposés en séance publique. Nous nous prononcerons de nouveau en faveur de la fusion, tout en présentant nos réserves au moyen de plusieurs amendements.

M. Bruno Millienne (Dem). Nous discutons à nouveau de la fusion de l’ASN et de l’IRSN en une nouvelle entité, l’ASNR, laquelle deviendra par conséquent l’interlocuteur unique chargé du contrôle, de l’instruction des dossiers de sûreté et de la radioprotection dans la majorité de ses composantes.

Lorsque nous avons décidé, en mars dernier, de rejeter la proposition initiale du Gouvernement, notre groupe ne s’était pas opposé à l’idée même de cette fusion, mais nous souhaitions plus de temps, plus de recul et des études de faisabilité pour nous prononcer. C’est aujourd’hui chose faite.

Nous partageons les raisons qui poussent le Gouvernement à demander à notre assemblée la fusion de ces deux organismes. La multiplication des instances telles que l’ASN, l’IRSN ou la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2), a pour triple effet une confusion du paysage, une déresponsabilisation de l’exploitant et une multiplication des rapports administratifs. L’organisation actuelle limite donc la capacité à faire face aux flux de demandes.

En matière de ressources humaines, cela évitera une dispersion des compétences techniques et scientifiques. Quant à l’adaptation de la filière aux nouveaux enjeux, la fusion simplifiera la relation avec les start-up qui doivent être accompagnées. Enfin, un interlocuteur unique sera plus efficace en temps de crise.

Comme à son habitude, notre groupe sera vigilant ; plusieurs sujets mériteront d’être abordés et éclaircis au cours de ce débat. Le premier est celui de la charge de travail des instances de sûreté, qui doit rester contenue. Le second concerne le règlement intérieur de l’ASNR : il est censé définir une séparation propre entre le processus d’instruction, d’expertise et de recherche, d’une part, et la prise de décision par le collège de l’Autorité, d’autre part. Il demeure important de veiller à la transparence des analyses de l’Autorité ainsi qu’à la bonne différenciation des activités d’expertise et de prise de décision, qui sont garanties dans le texte.

Force est de constater que ce nouveau projet de loi répond aux craintes légitimes que nous avions soulevées l’année dernière et reprend la grande majorité des propositions du rapport de l’Opecst. Sans surprise, mon groupe et moi-même voterons en sa faveur. Néanmoins, soyons clairs, ce débat n’est pas celui du nucléaire : restons concentrés sur l’objet du texte pour rendre plus efficiente la sûreté nucléaire dans notre pays.

M. Gérard Leseul (SOC). La fusion de l’ASN et de l’IRSN, ou plutôt l’absorption de l’IRSN par l’ASN au sein d’une ASNR, a des fondements qui ne sont toujours pas exposés clairement. Où est le rapport sur les manquements et les insuffisances du dispositif actuel ? Où est le rapport qui justifierait un changement de doctrine et un bouleversement des modalités d’expertise et de décision ? Cette fusion-confusion pose de très nombreux défis à l’entendement et à la confiance citoyenne.

Les conditions d’émergence de ce projet, il y a un an, dans le cadre de deux amendements et de débats tronqués, et son retour sous la forme d’un texte qui réussit à rassembler contre lui l’ensemble des organisations syndicales de l’IRSN et de l’ASN, n’ont pas diminué nos inquiétudes.

Les maigres améliorations introduites par nos collègues sénateurs n’auront pas tenu longtemps. Ainsi, la réunion tenue hier soir par la commission des affaires économiques a attesté la volonté de la majorité et du Gouvernement d’imposer son texte initial. Cela interroge : où est donc le dialogue avec le Parlement ? Où est donc cette volonté feinte de consensus, jamais traduite dans les faits ?

Un premier défi consiste dans le maintien d’un haut niveau de sécurité et de sûreté nucléaires, alors que vous bousculez une organisation qui a fait ses preuves, sans le moindre accord des acteurs chargés de la mettre en œuvre, à savoir les salariés. Rappelons que les intersyndicales de l’IRSN, de l’ASN et du CEA y sont opposées.

Un second défi porte sur le niveau d’information et de transparence attendu par l’ensemble des acteurs – l’Anccli, les collectivités locales et tous nos concitoyens. La confiance, qui est le socle de notre pacte social énergétique, exige de la transparence : transparence des avis, de l’organisation générale, du règlement intérieur, etc.

Un troisième défi tient à la nécessité de garantir la continuité de l’instruction des dossiers pour les exploitants nucléaires, qu’il s’agisse des grands donneurs d’ordre ou des start-up portant des projets innovants. Pourquoi bousculer un système qui fonctionne ?

Le quatrième défi est de maintenir un niveau élevé de compétences tout en évitant les départs de personnels et les pertes d’expertise que nous connaissons.

Votre relance de la filière du nucléaire, qui n’a toujours pas été discutée et votée par le Parlement, nécessite l’augmentation des personnels en charge de l’instruction et du contrôle plutôt qu’une fusion-confusion de l’ASN et de l’IRSN.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Ce projet de loi visant à fusionner l’ASN et l’IRSN doit permettre d’accompagner la mise en place de notre programme nucléaire d’une exigence de sûreté renforcée, qui réponde aux meilleurs standards internationaux. Dans cet esprit, l’ASN doit bénéficier de moyens renforcés et intégrer en son sein les compétences techniques de l’IRSN afin de fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination.

Cette réorganisation qui n’emporte aucune modification du cadre de sûreté nucléaire existant, lequel repose en premier lieu sur la responsabilité des exploitants, répond à quatre exigences : l’amélioration de l’efficience des procédures de sûreté nucléaire et de radioprotection ; l’indépendance de l’autorité vis-à-vis des exploitants nucléaires et du Gouvernement ; la transparence renforcée vis-à-vis du public ; l’attractivité des métiers pour garantir à l’Autorité de bénéficier de compétences et d’expertise d’excellence.

Concrètement, la nouvelle ASNR assurera la continuité de la quasi-totalité des missions dévolues à l’ASN et à l’IRSN et permettra une meilleure efficacité et des délais de réponse raccourcis, dans un contexte de relance du parc nucléaire et de prolongation des réacteurs existants.

Cette nouvelle organisation sera comparable à celle qui existe dans les plus grands pays nucléaires occidentaux – États-Unis, Canada, Grande-Bretagne – et offrira les plus grandes garanties d’impartialité grâce au statut d’autorité administrative indépendante. Nous veillerons à ce que soient dûment séparées les fonctions d’expertise et de décision.

Afin de renforcer l’attractivité des métiers, le projet de loi prévoit d’augmenter le niveau de rémunération des travailleurs et leur ouvre des perspectives d’évolution, notamment vers un statut de fonctionnaire. La portabilité des droits des travailleurs transférés sera évidemment garantie. La nouvelle entité devra appliquer, dans les recrutements à venir, un standard protecteur de même niveau et adapté aux différents statuts.

Tout en offrant de fortes garanties, ce projet de loi renforcera l’attractivité et l’efficacité du dispositif français de réglementation, de contrôle, d’expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. C’est pourquoi, face à la nécessité de relever les défis énergétiques et industriels, le groupe Horizons et apparentés se prononcera en faveur de ce texte.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Chers collègues de la majorité, vous nous proposez d’examiner une réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire alors même que le Parlement a déjà dit non à un tel projet et confirmé les principes régissant notre modèle. Vous continuez à vouloir faire exploser un système qui marche, sans aucune justification, avec une légèreté et une irresponsabilité sans pareilles. Cette méthode cavalière tranche avec tous les bons principes en matière de sûreté nucléaire, rappelés par les instances internationales : transparence, stabilité, sécurité.

Votre réforme est une folie inutile et dangereuse. Tel est le constat que partagent, de façon quasi unanime, les personnes chargées de la sûreté nucléaire. Vous déboulonnez le cadre de notre sûreté nucléaire, qui est le fruit d’une longue histoire, reconnu pour sa qualité technique, son indépendance et sa capacité à rendre compte de façon transparente.

Notre modèle repose sur quatre piliers : EDF, notre exploitant public et unique, est le premier responsable de la sûreté de ses installations ; l’ASN contrôle l’exploitant ; l’IRSN offre à l’ASN un appui technique transversal dans toutes les composantes de la sécurité nucléaire ; tout cela se déroule sous le regard de la société civile, qui est informée et consultée. Avec ce projet de réforme, vous pilonnez trois de ces quatre piliers : vous arrachez à EDF son statut d’exploitant exclusif, en libéralisant et en privatisant le marché de l’énergie nucléaire ; vous diluez l’expert qu’est l’IRSN et lui faites perdre son autonomie, son intégrité et l’approche transversale de ses compétences ; vous réduisez la place de la société civile en rétablissant la simple information du public d’il y a trente ans.

Cette réforme fait froid dans le dos. Je vous invite tous, que vous soyez pour ou contre le nucléaire, à réfléchir sérieusement à sa portée. Nous ne pouvons pas sérieusement accepter de tels reculs s’agissant d’une question aussi sérieuse que la sûreté nucléaire.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). En préambule, permettez-moi de rappeler le caractère trompeur de l’intitulé du projet de loi qui, en définitive, se mêle marginalement de sûreté nucléaire. C’est un projet de loi gestionnaire, qui tend à réorganiser les structures plutôt qu’à proposer de nouvelles dispositions en matière de sûreté nucléaire. C’est le retour d’une réforme d’ores et déjà rejetée par le Parlement et par les organisations syndicales.

La distinction spécifiquement française entre organe de contrôle et organe de sécurité, entre AAI et établissement public industriel et commercial (Epic), est un modèle éprouvé et efficace de démonstration de la sûreté par la confrontation des doutes. Il fonctionne très bien. Leur fusion aura pour conséquence inéluctable la fuite de compétences.

Que disent les institutions reconnues à ce sujet ? L’Anccli suit l’avis du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), dont voici un extrait : « Le HCTISN se demande toutefois si, au-delà de l’exposé des motifs, les dispositions du projet de loi sont à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement. Certains points risquent en effet d’être en retrait par rapport au droit en vigueur. » Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) a rappelé que « certains membres s’interrogent sur l’opportunité et la temporalité de la réforme » et s’inquiète unanimement du « risque d’instabilité » introduit par la réforme. Il a également relevé, parmi les points faibles du texte, les multiples renvois au règlement intérieur de la future autorité.

Le groupe GDR s’opposera à l’absorption de l’IRSN par l’ASN pour trois raisons. Premièrement, cette fusion est injustifiée du point de vue de l’efficacité. Elle bouscule une organisation qui fonctionne bien. Deuxièmement, elle induit un risque réel de fissuration de notre système de sûreté nucléaire, en imposant à ses agents une charge de travail inédite. Troisièmement, nous ne sommes pas dupes : l’un des principaux objectifs de la réforme – le rapport du Sénat l’affirme clairement – est de favoriser le business nucléaire et l’arrivée de nouveaux acteurs du nucléaire, notamment ceux qui construisent des SMR. Certaines de ces start-up – les auditions l’ont confirmé – ont l’intention d’obtenir un droit de regard et de suite sur l’inspection des installations.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Quiconque se range parmi les pro-nucléaires ne peut voter cette réforme. Je le dis clairement. Nous faire croire qu’être pour le nucléaire, c’est être pour la fusion de l’ASN et de l’IRSN, et inversement, est de niveau CE1. Je suis pro‑nucléaire. Comme n’importe qui ici, je suis très attentif à la sûreté nucléaire dans notre pays. Nous sommes une majorité, au Parlement, à nous être exprimés en faveur de l’accélération du nucléaire.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de s’interroger sur la sûreté, on essaie de nous faire croire, sur la base d’un rapport qui n’existe pas, à tout le moins dont il paraît qu’il est classifié et que je n’ai pas eu sous les yeux, et sur la base d’un rapport de l’Opecst, qu’il faut fusionner l’ASN et l’IRSN, en indiquant comment faire. Je ne vois rien qui disqualifie le système actuel, dont tout le monde dit qu’il fonctionne. On nous dit qu’il n’est pas en mesure de faire face aux difficultés de charge qui nous attendent. Sur quel élément factuel se fonde-t-on pour le démontrer ?

Monsieur le rapporteur, vous déplorez, à raison, que les carrières des agents soient morcelées. Elles le sont parce que, à l’IRSN comme ailleurs, les gens s’en vont. Vous parlez, de façon générale, d’optimisation des délais, de simplification et d’unification. Halte-là ! Il ne s’agit pas de réunir l’ASN et l’IRSN en une seule entité, mais de transférer à l’ASN un quart de l’activité de l’IRSN et d’éparpiller le reste. Il est faux de dire qu’il s’agit de rendre le tout plus lisible, plus sain et plus fluide.

J’alerte nos collègues pro-nucléaires, tous bords confondus, de la majorité comme de l’opposition, souhaitant que la relance du nucléaire réussisse : le présent projet de loi ne relance pas le système et risque de le bloquer.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ailleurs dans le monde, il existe des systèmes intégrés de gestion pour la sûreté et la sécurité nucléaires. Rien ne prouve qu’ils sont moins sûrs que les systèmes duaux. Au demeurant, le nôtre n’est pas véritablement dual. Il ne faut pas faire croire que la sûreté nucléaire dépend du choix d’un système. Par ailleurs, il n’est pas question d’abaisser notre niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire.

Monsieur Saint-Huile, je ne sais pas si le rapport de l’Opecst, rédigé par le sénateur Stéphane Piednoir et moi-même, est de niveau CE1, mais je vous demanderai de respecter le travail des parlementaires.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il n’y a pas d’arguments !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre façon de présenter les choses témoigne d’une méconnaissance du fonctionnement de l’Opecst, voire d’une forme de mépris du travail parlementaire.

M. Dragon considère que le projet de loi est bavard – les sénateurs apprécieront. Je considère pour ma part que le travail mené au Sénat a apporté des améliorations au texte initial.

J’indique dès à présent à M. Leseul que je souhaite rééquilibrer le texte en tenant compte de sa rédaction initiale, des travaux du Sénat et de ceux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée, dont j’ai suivi les débats. Je présenterai plusieurs amendements à cet effet, s’agissant notamment des modalités de publication des résultats des activités d’expertise.

Je confirme à M. Dragon qu’il s’agit de fluidifier et d’améliorer la sûreté nucléaire. S’agissant de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie sera plus à même que moi de répondre.

Monsieur Brosse, je pense comme vous que la vigilance s’impose. Il va de soi qu’il ne faut pas faire n’importe quoi.

Madame Stambach-Terrenoir, vous considérez que nous faisons rimer sûreté avec légèreté. Vous vous trompez. Nous n’abaissons en rien le niveau de sûreté. Nous voulons organiser autrement le fonctionnement de la sûreté, en mettant un terme au système faussement dual en vigueur. Nous réunissons des équipes qui travaillent d’ores et déjà ensemble « au pied du réacteur ».

L’ASN compte plus de 200 experts. Seulement une quarantaine de ses décisions – elle en prend plus de 2 000 par an – sont examinées par son collège ; de 300 à 350 d’entre elles font l’objet d’un rapport d’expertise de l’IRSN. L’une et l’autre travaillent d’ores et déjà ensemble à la préparation et à l’instruction des expertises. Par ailleurs, le contrôle n’est pas l’unique mission de l’ASN, dont l’effectif est composé à 70 % de scientifiques de haut niveau. Ce contexte mérite d’être rappelé.

Comment pouvez-vous considérer d’entrée de jeu que réorganiser la sûreté nucléaire induit d’en relâcher les contraintes ? Où, dans le projet de loi, lisez-vous que le niveau d’exigence en matière de sûreté sera abaissé ?

Monsieur Maquet, je pense comme vous qu’il ne faut renoncer à aucune exigence. Nous sommes tous des responsables, et non des élèves de CE1.

Monsieur Millienne, je vous remercie du soutien que vous apportez au texte. Nous essaierons de l’améliorer.

Monsieur Leseul, vous indiquez que l’intersyndicale s’est prononcée contre le texte. Tel n’est pas le cas du côté de l’ASN. S’agissant des départs de personnels, les auditions ont montré que cinquante-cinq personnes sur 1 750 ont quitté l’IRSN en 2023, soit un peu plus de 3 % de l’effectif. C’est regrettable, mais il ne s’agit pas d’une hémorragie.

Certes, certains services sont plus en difficulté que d’autres. Le suivi des réacteurs à eau pressurisée (EPR) est assuré par huit personnes au lieu de dix-huit. Un service de suivi de la sécurité en compte deux au lieu de sept.

Par ailleurs, l’honnêteté oblige à dire que certains départs sont motivés par des opportunités professionnelles dont la relance du nucléaire et l’attractivité accrue des métiers industriels augmentent le nombre. Il n’y a aucune raison de jeter la pierre aux personnels de l’IRSN qui quittent l’institut pour travailler dans l’industrie.

Madame Laernoes, je renonce à vous réconcilier avec le projet de loi, dès lors que vous considérez que ses soutiens font preuve d’« irresponsabilité » et de « folie dangereuse », ce qui est assez violent. Vous avez rappelé que l’IRSN offre à l’ASN un appui technique indispensable. C’est pourquoi il faut intégrer l’expertise et la recherche au sein de la future ASNR.

Monsieur Bénard nous accuse de ne rien faire pour la sûreté, et vous, de tout démonter. La vérité est peut-être entre les deux. Il s’agit plus simplement d’admettre qu’une organisation différente de la sûreté est possible.

S’agissant du rapport dont nous n’avons pas eu connaissance, il n’empêche pas de lire celui de l’Opecst, qui présente des informations et des constats. Au fur et à mesure des auditions que Stéphane Piednoir et moi-même avons menées, nous avons acquis la conviction qu’une organisation intégrée de la sûreté est nécessaire. L’autorité qui en aura la responsabilité sera plus attractive que les deux qu’elle remplacera, ainsi que plus indépendante et plus protectrice pour ses agents, rassemblés au sein d’une AAI.

Elle aura de surcroît davantage de moyens, qui ne sont pas oubliés par le projet de loi, s’agissant notamment du financement d’une augmentation des salaires. Celle-ci devra faire l’objet, dans les années à venir, d’un travail collectif pour recruter plus de personnes et offrir de meilleures rémunérations.

Il faut combler l’écart avec le monde industriel, qui se creuse. Les départs de personnels pour l’industrie sont une réalité. C’est à ce prix que nous ferons de l’ASNR une autorité attractive.

L’objet du projet de loi est de rassembler. Il n’est dirigé contre personne. Nous souhaitons accompagner au mieux la montée en puissance du nucléaire.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, j’ai trois questions factuelles.

Premièrement, où et quand, dans quel débat démocratique a-t-il été décidé qu’il y aurait désormais en France d’autres exploitants de réacteurs nucléaires qu’EDF chargés de produire de l’électricité ? Il s’agit du principal argument que vous avez avancé, à la suite du président de l’ASN, pour justifier la réforme.

Deuxièmement, qu’adviendra-t-il de l’approche conjointe des enjeux civils et militaires de sûreté et de sécurité nucléaires, actuellement assurée par l’IRSN, qui est notamment chargé de questions de sécurité intérieure telles que la prévention des actes de malveillance et la lutte contre le terrorisme ?

Troisièmement, si vous disposez d’un unique expert de tel ou tel sujet, par exemple de la corrosion sous contrainte, son départ pose problème. On ne réforme pas la sûreté nucléaire en France contre l’avis du corps social et des experts qui en ont la responsabilité.

M. Charles de Courson (LIOT). En matière de sûreté nucléaire, la question n’est pas de savoir s’il faut distinguer l’organisme chargé de l’expertise et l’organisme chargé du contrôle. Les deux systèmes existent dans le monde. Ils fonctionnent l’un et l’autre. La question est de savoir pourquoi il faut renoncer au système qui les distingue au profit de celui qui les intègre, et quels sont les avantages et les inconvénients de ce choix.

J’y vois deux dangers. Le premier est de dévitaliser l’organisation actuelle, et pas uniquement en matière de perte de compétences. Qu’ils refusent cette évolution à tort ou à raison, ceux qui s’y opposent sont libres de partir. Or ceux qui partent sont les plus qualifiés, ce qui va à l’encontre de l’accélération promise par les défenseurs du projet de loi. Le second, qui est plus grave, est de dégrader la perception de la sûreté du nucléaire au sein de l’opinion publique.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous dire pourquoi il faut renoncer au système distinguant expertise et contrôle au profit de celui qui les intègre ?

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Monsieur le rapporteur, ce que je considère comme étant de niveau CE1, c’est l’association automatique des pro-nucléaires au soutien au projet de loi. Mon respect pour votre travail, et pour le travail parlementaire en général, est sans faille.

Hier soir, la commission des affaires économiques, saisie pour avis, a commencé à détricoter le travail du Sénat, ce qui devrait dissiper toute forme de doute. La fragilité de la justification de la réforme par ceux qui la soutiennent est telle qu’ils ont insidieusement introduit dans le texte des amendements, que notre commission n’examinera pas dès lors qu’ils portent sur des articles dont l’examen au fond a été délégué, visant à supprimer les dispositions relatives à la commande publique et à modifier le périmètre de la dérogation à l’obligation d’allotissement pour certains projets nucléaires. Ces dispositions, qui n’ont rien à voir avec l’accélération de la relance du nucléaire que les pro-nucléaire appellent de leurs vœux, relèvent d’une stratégie visant à s’assurer de leur soutien.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, je me demande si nous avons assisté aux mêmes auditions. J’y ai entendu dire que les organisations syndicales sont toutes opposées au texte. Vrai ou faux ? La réponse à cette question figure dans leur compte rendu.

En parlant de faute politique et d’irresponsabilité, je ne vous vise pas en particulier. Je reprends les mots des anciens présidents de l’Opecst Jean-Yves Le Déaut et Claude Birraux, qui redoutent que le texte fasse courir à la sûreté nucléaire un risque majeur, ainsi que ceux d’André-Claude Lacoste et de Jacques Repussard. Tous ont dénoncé la dangerosité de la réforme. Nous les avons entendus le dire lors des auditions, que je me suis contentée de rapporter.

J’aimerais que nous ayons un débat de fond apaisé, exempt de postures et de faux-semblants. Seules la sûreté et la sécurité du nucléaire doivent nous préoccuper. Renoncez aux postures et ne prenez pas ce que nous avons entendu dire lors des auditions pour des attaques personnelles ! La sûreté et la sécurité du nucléaire ne sauraient être traitées sur la seule base de la loyauté politique au Président de la République. Nous avons été élus pour veiller à l’intérêt général.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Si des parlementaires sont en colère, c’est parce que les dispositions proposées, que le Gouvernement a essayé d’introduire dans un précédent texte par voie d’amendement, ont été rejetées par le Parlement et nous reviennent quasiment à l’identique, à peine diluées par le Sénat. On nous dit que nous n’avions pas compris la proposition initiale, mais nous l’avons très bien comprise. L’intersyndicale est unanimement contre, et les auditions vont dans le même sens.

En réalité, il s’agit d’adapter la sûreté nucléaire au projet de relance de la filière, qui repose notamment sur des start-up, ce qui nous inquiète énormément. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a démontré que la plupart des incidents ont pour origine des changements organisationnels. Nos inquiétudes sont légitimes et ne peuvent être prises à la légère. Il s’agit d’un enjeu majeur pour le pays.

M. Nicolas Dragon (RN). Comme d’autres, je suis pro-nucléaire. Les questions posées par les uns et les autres, pro-nucléaires ou anti-nucléaires, sont pertinentes. Je n’en déplore pas moins le détricotage du travail du Sénat auquel s’est livrée la commission des affaires économiques hier soir.

Le retour en force du nucléaire, qui est une énergie décarbonée, doit jouir de la confiance absolue de nos compatriotes. Il s’agit d’un gage de réussite et de sécurité. Est-il pertinent, au moment de la relance tant attendue de la filière, de bouleverser un système qui fonctionne ?

Quant au coût de la fusion de l’ASN et de l’IRSN, j’attends une réponse. Depuis sa création en 1975, la commission de réglementation nucléaire (NRC) américaine n’a inauguré qu’un seul réacteur – si je prends cet exemple, c’est parce que le présent projet de loi est calqué sur la législation américaine. Ce texte doit faire l’objet d’une coconstruction.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nos collègues de la majorité et ceux du groupe Les Républicains font confiance, et c’est bien normal, respectivement au rapporteur Fugit et au sénateur Piednoir, qui ont rédigé ensemble le fameux rapport de l’Opecst.

Lors des auditions que nous avons eu la chance de mener dans le cadre de l’examen du présent texte, trois anciens présidents de l’Opecst, de trois bords politiques différents, ont tenu des propos identiques sur deux points : aucun ne voterait le projet de loi s’il était encore parlementaire ; aucun ne voit en quoi le rapport, qui est excellent, justifie la première préconisation qui en est issue, selon laquelle il faut fusionner l’ASN et l’IRSN.

Il ne faut pas se laisser abuser par les indications du rapporteur et prêter l’oreille à nos arguments.

M. Gérard Leseul (SOC). Pour compléter les propos de Maxime Laisney, j’aimerais lire les déclarations des trois anciens présidents de l’Opecst auxquels il a fait allusion.

Jean-Yves Le Déaut : « Si j’étais parlementaire aujourd’hui, je ne voterais pas le texte. Il n’est pas raisonnable au moment de la relance historique du nucléaire. Pourquoi changer un système qui marche ? Ce texte est une faute politique. » Claude Birraux : « Je n’ai pas trouvé dans le rapport de l’Opecst le début d’une preuve que le système actuel ne fonctionne pas, ni de preuve que la fusion serait meilleure. » Cédric Villani : « La réforme est dangereuse pour une question de bon sens, dans le contexte de relance du nucléaire. La fusion, c’est toujours plus compliqué que la scission, en matière de nucléaire comme ailleurs. C’est à ceux qui souhaitent modifier le système de prouver qu’il le faut. On ne renverse pas la charge de la preuve sur ceux qui souhaitent que le système ne change pas. »

M. Bruno Millienne (Dem). Pour que nos débats soient exempts de toute démagogie, je rappelle que la gauche, qui se demande comment opérer la fusion de l’ASN et de l’IRSN contre l’avis des experts et des syndicats, a décidé de fermer une centrale nucléaire contre l’avis des experts et des syndicats.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je voudrais donner quelques chiffres pour répondre à M. Nicolas Dragon. Les crédits de l’ASN ont augmenté de 22 % depuis 2014 et le projet de loi de finances pour 2024 prévoit treize équivalents temps plein (ETP) supplémentaires : c’est un geste significatif. Pour l’IRSN, ce sont 3 millions d’euros supplémentaires qui ont été votés dans la loi de finances. Dans le présent projet de loi, il est également proposé un rattrapage salarial de 15 millions d’euros pour l’IRSN. Cette revalorisation indispensable permettra de limiter les départs vers le secteur industriel : la sûreté nucléaire impose que nous puissions garder nos compétences de haut niveau, et que nous les consolidions par des activités de recherche.

Vous avez été ministre, madame Batho : vous savez à ce titre mieux que moi qu’aucune loi n’empêche un opérateur autre qu’EDF de produire de l’électricité.

Il n’y a pas eu, madame Laernoes, de compte rendu des auditions des organisations syndicales, mais les chiffres que j’ai donnés sur les personnels sont ceux de l’intersyndicale, pour laquelle j’ai le plus grand respect.

J’ai échangé avec les anciens présidents de l’Opecst. Certains s’opposent à ce projet de loi mais d’autres, comme MM. Gérard Longuet et Pierre Henriet, lui sont favorables, à l’instar du président en exercice, M. Stéphane Piednoir. Leurs conclusions sont consignées dans le rapport de l’Opecst en date 11 juillet 2023, dont je rappelle qu’il a fait l’objet d’un vote. Quant à M. Jean-Yves Le Déaut, il a été, du temps qu’il était président de l’Opecst, et à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, l’artisan de la fusion de l’IPSN et de l’Opri, qui a donné naissance à l’IRSN. Il lui avait fallu la défendre devant cette assemblée qui s’était inquiétée de ce qu’on retire au CEA ses activités de radioprotection et de sûreté nucléaire. Tout s’est pourtant bien passé : à nous de faire en sorte que les choses se passent bien également en nous emparant, après le Sénat, de ce projet de loi.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). J’aimerais savoir quelles seront les conséquences du démantèlement de l’IRSN en matière de sécurité intérieure et de défense nationale. Ce sont aujourd’hui les mêmes experts y qui travaillent à la sécurité et à la sûreté du nucléaire civil et du nucléaire militaire. Le rapporteur de la commission des affaires économiques, à qui j’ai posé hier cette question, ne m’a pas répondu. Faute de réponse, je refuse que le débat sur ce projet de loi puisse s’engager.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La réponse à votre question se trouve dans l’exposé des motifs du projet de loi.

La DEND – direction de l’expertise nucléaire de défense et de sécurité – représente 130 emplois équivalents temps plein. Bien qu’elle soit intégrée à l’IRSN, son directeur, l’amiral Guillaume, n’est pas placé sous l’autorité du directeur général de l’IRSN : il jouit d’une forme d’indépendance. La DEND doit répondre au DSND, le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activés et installations intéressant la défense, M. François Bugaut, qui dirige l’ASND – Autorité de sûreté nucléaire de défense.

La DEND a la charge de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles. Le projet de loi n’y change rien, ces questions de défense ne pouvant relever de l’AAI que sera l’ASNR. Le personnel de la DEND sera déplacé vers le CEA et restera au service du ministère de la défense. Ses missions seront inchangées.

TITRE IER
L’AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE RADIOPROTECTION

Chapitre Ier
Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Avant l’article 1er

Amendement CD19 de Mme Mireille Clapot

Mme Mireille Clapot (RE). Le rapport de l’Opecst que vous avez rédigé, monsieur le rapporteur, m’a laissée perplexe. À l’aube d’une relance des EPR, du déploiement des SMR, d’une prolongation des centrales existantes, et dans le contexte d’une guerre menée sur le sol européen par un agresseur disposant de l’arme atomique, nous avons besoin d’un nucléaire sûr, souverain, accepté par nos concitoyens. Si, afin de clarifier la structure de la filière et d’en fluidifier les opérations, une réforme peut être utile, il faut cependant veiller au maintien du principe d’indépendance de l’expertise et de la décision. Pour susciter la confiance des citoyens, il convient de montrer que nous écoutons les alertes des salariés du secteur et des acteurs de la sûreté.

Cet amendement, en ajoutant les mots : « publique indépendante » après le mot : « autorité », octroierait à la nouvelle entité un statut plus en accord avec le champ élargi des missions qui lui sont confiées. Son insertion dans le domaine de la recherche en serait facilitée et son positionnement en tant qu’expert technique en serait plus apparent.

Je précise, par souci de transparence, que cet amendement a été travaillé avec des salariés de l’IRSN.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si le projet de loi prévoit la création d’une autorité administrative indépendante (AAI) plutôt que d’une autorité publique indépendante (API), c’est parce qu’une API est une personne morale distincte de l’État, ce qui ne paraît pas souhaitable quand il s’agit de sûreté nucléaire. L’AAI – statut choisi par le législateur en 2006 pour l’actuelle ASN – offre ainsi le statut le plus protecteur. Une API pourrait se voir suspectée de poursuivre ses propres intérêts, avec un risque de contentieux d’autant plus grand que les enjeux financiers du nucléaire sont considérables. Les décisions de l’ASN relatives aux réparations des soudures de l’EPR de Flamanville coûtent 1,5 milliard d’euros à EDF ; un jour d’arrêt d’un réacteur, décidé par l’ASN, coûte 1 million d’euros. Le statut d’AAI offre donc, en matière de préservation d’indépendance, des garanties plus solides que celui d’API.

De plus, l’IRSN, dont une partie du personnel formerait l’ASNR avec l’ASN, est un Epic – établissement public industriel et commercial –, tandis que l’ASN est une AAI. Ajouter à cela un troisième statut viendrait complexifier plus encore la mise en œuvre de la réforme. Les personnels de l’ASN, par exemple, sont à 77,7 % des fonctionnaires : si la nouvelle entité devait être une API, ils devraient faire l’objet d’un détachement.

Le statut d’AAI est donc à la fois plus protecteur et plus simple. L’essentiel, c’est que nous puissions avoir une autorité compétente en matière de recherche, d’expertise, d’instruction des décisions et de prise de décision. Avis défavorable.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous restons opposés au principe même de cette fusion et voterons ultérieurement les amendements de suppression de l’article 1er. Nous voterons cependant pour cet amendement, que nous considérons de repli.

Votre volonté de dissoudre l’IRSN dans l’ASN revient à vouloir faire rentrer un grand carré – l’IRSN, composé de salariés de droit privé et de quelques contractuels – dans un petit rond – l’ASN, composée d’agents publics. La solution de facilité consistant à maintenir le statut d’AAI crée un puzzle mal ajusté puisque la DEND ainsi que le service de dosimétrie externe, appartenant tous les deux à l’IRSN, ne pourront pas en ce cas intégrer la nouvelle autorité. Vous avez argumenté qu’une telle solution apporterait une sécurité juridique : mais le premier responsable de la sûreté nucléaire étant l’exploitant, il s’agit d’un faux problème.

La mutualisation des fonctions supports dans une AAI regroupant trois statuts différents poserait en revanche un véritable problème. Nous doutons que les agents puissent être payés au 1er janvier 2025.

Le statut d’API aurait plusieurs avantages en matière de gestion, de contrats, de collaborations de recherche, d’activités économiques et permettrait de conserver le service de dosimétrie externe.

M. Gérard Leseul (SOC). L’AMF – Autorité des marchés financiers –, qui garantit et protège l’épargne des Français à une hauteur de 3 600 milliards d’euros, est une API. Vous ne nous avez pas du tout convaincus, monsieur le rapporteur, que l’ASNR ne pourrait pas également en être une. Si le statut d’AAI est plus protecteur, pourquoi ne pas transformer l’AMF en AAI ? L’existence de ces deux statuts est un legs de l’histoire : mais nous pensons, avec les intersyndicales, qu’il serait préférable de passer en API.

M. Bruno Millienne (Dem). Adopter le statut d’API – ce qui serait plus simple pour l’IRSN – poserait plusieurs problèmes.

Tout d’abord, les personnels de l’ASN perdraient leur statut de fonctionnaire, ce que la plupart d’entre eux ne souhaitent probablement pas.

Ensuite et surtout, la responsabilité des décisions en matière de sûreté nucléaire, et en cas de survenue d’incident, relèverait alors d’une autorité indépendante, juridiquement responsable devant les Français, et non plus de l’État lui-même : il y a là un problème dont je m’étonne qu’il ne vous saute pas aux yeux !

Quant aux activités de dosimétrie externe, elles seront, avec leur personnel, transférées à une filiale du CEA et pourront se poursuivre dans les mêmes conditions qu’à l’IRSN.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous soutenons cet amendement et en proposerons un autre, de repli, pour demander au Gouvernement de remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur l’opportunité de doter la nouvelle entité du statut d’AAI. Nous ne prétendons pas être des juristes : quand un doute existe sur un montage juridique, il faut mener une étude sérieuse. Les salariés de l’IRSN s’inquiètent de ce qui semble être une absorption par l’ASN décidée dans la précipitation et sans qu’on ait exploré d’autres formules juridiques.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Est-il vraiment plus simple d’adopter le statut d’AAI ? Le statut d’API permettrait de conserver les services de dosimétrie, et d’éviter ainsi le démantèlement des activités de l’IRSN. La continuité de la recherche en matière de sûreté nucléaire s’en trouverait également préservée.

Le statut d’AAI garantirait-il réellement l’indépendance de la nouvelle entité ? Une API dispose d’une personnalité morale et de ressources financières qui lui sont propres, ce qui rendrait possible, à nouveau, la poursuite des activités de dosimétrie.

Nous avons besoin d’un débat éclairé sur la forme d’organisation qui serait la meilleure. La supériorité du statut d’AAI, privilégié par le Gouvernement, n’a pas été démontrée, en matière de simplification comme d’indépendance.

Mme Danielle Brulebois (RE). Ma position a évolué à la suite de la lecture du rapport de l’Opecst. Je fais confiance aux scientifiques. Le président de l’ASN ainsi que M. Jean-Christophe Niel, directeur général de l’IRSN, ne se disaient pas opposés par principe à cette fusion, pour peu qu’elle se fasse sous certaines conditions. Or ces conditions me semblent remplies avec la séparation, au sein de la nouvelle ASNR, des activités d’expertise et de décision, avec l’obligation de publier les résultats d’expertise, et avec le maintien des partenariats de recherche. L’IRSN est un Epic et dépend à ce titre de plusieurs ministères : la nouvelle structure aura au contraire une véritable indépendance statutaire vis-à-vis de l’État.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Une AAI ne pouvant avoir d’activité commerciale, la dosimétrie va se trouver séparée en deux : dosimétrie externe d’un côté, dosimétrie interne de l’autre. Il serait pourtant opportun de conserver la dosimétrie externe, non pour se livrer à du commerce mais afin de garder une compétence vivante, afin de pouvoir fournir à la population, en cas d’incident nucléaire, la quantité de dosimètres nécessaire. Rappelez-vous la catastrophe des masques lors du Covid : ne commettons pas la même erreur, qui nous mettrait dans la dépendance d’un pays étranger pour nos besoins en dosimètres.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Monsieur Leseul, quand vous évoquez l’AMF, vous oubliez de préciser qu’elle doit, en tant qu’API, contracter une assurance très onéreuse. Si l’ASNR devait être une API, le coût de l’assurance serait extrêmement élevé, à la hauteur des risques et des enjeux du nucléaire. C’est donc bien le statut d’AAI qui est le plus protecteur. Il est aussi le plus simple et le plus efficace dans la mesure où l’ASN est une AAI et que c’est elle qui a vocation à accueillir les experts et les chercheurs de l’IRSN. Tâchons de ne pas tout compliquer, notamment pas la question du parcours professionnel des 400 fonctionnaires de l’ASN.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD291 de M. Benjamin Saint-Huile et CD65 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il s’agit de réaffirmer le principe de l’organisation duale de la sûreté nucléaire. Nous en sommes d’accord, monsieur le rapporteur : il est nécessaire, face à l’accélération du développement du nucléaire, d’en renforcer les moyens financiers et humains. Mais réorganiser la sûreté nucléaire à ce moment‑là, c’est prendre le risque de gripper une machine qui, jusqu’à présent, fonctionne parfaitement. La Cour des comptes, dans son rapport sur la relation entre l’ASN et l’IRSN, a conclu qu’une fusion de deux entités soulèverait trop de difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles.

M. Gérard Leseul (SOC). Notre argumentation est la même. En dépit de la première lecture au Sénat et de l’audition de nombreux acteurs impliqués dans ce processus de fusion ou d’absorption voulu par le Gouvernement, nous ne percevons toujours pas l’intérêt d’une réunion au sein d’une même entité des activités d’expertise et de décision. Vous avez qualifié le système actuel, monsieur le rapporteur, de « faux système dual », mais il a le mérite de fonctionner, et nous le préférons au système concentré et opaque que vous défendez.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le système actuel, qui n’existe que depuis une vingtaine d’années, a fonctionné par temps calme. Or de grands défis se présentent maintenant à nous. Une autorité sous le statut d’AAI sera véritablement indépendante du Gouvernement, tandis que l’IRSN actuelle dépend de cinq ministères. Elle rassemblera tous ceux qui travaillent sur cet enjeu majeur pour la défossilisation de notre économie qu’est la sûreté nucléaire, au côté des énergies renouvelables.

Plus indépendante, cette entité sera aussi plus efficace, sans être moins exigeante. Elle rendra les métiers de la sûreté nucléaire plus attractifs vis-à-vis des jeunes étudiants en sciences désireux de s’engager pour la transition écologique et la souveraineté énergétique. C’est au moyen des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire que l’on pourra atteindre l’objectif de neutralité carbone pour 2050. Nous devons accompagner la montée en puissance du nucléaire par la sûreté et la recherche en matière de sûreté. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, je ne peux pas vous laisser dire que, depuis vingt ans, il ne s’est pas passé grand-chose dans le domaine de la sûreté nucléaire. Il s’est produit, dans le cadre de ce que l’on appelle le post-Fukushima, une réévaluation totale des standards de sûreté, et la France a été à l’avant-garde de ce mouvement.

Je crois qu’il y a une confusion, dans nos débats, entre ce qui relève de la politique énergétique et de la construction de nouveaux réacteurs, d’une part, et la question de la sûreté nucléaire, d’autre part. Cette dernière faisait l’objet, jusqu’à présent, d’un relatif consensus national, parce que nos concitoyennes et nos concitoyens avaient confiance dans l’Autorité de sûreté nucléaire et son expertise, au travers de l’IRSN.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, que la fusion mettrait fin aux conventions-cadres entre l’IRSN et l’ASN. Ma collègue Anne Stambach-Terrenoir a expliqué qu’en plaçant les activités de dosimétrie externe en dehors de la nouvelle autorité, vous allez séparer cette expertise de celle qui concerne la dosimétrie interne. Or j’imagine qu’en cas de crise radiologique, les deux unités devront travailler ensemble et qu’il faudra bien passer une convention entre elles.

De même, en plaçant en dehors de la nouvelle autorité la DEND, qui veille à la sûreté des installations militaires et à la sécurité des installations civiles, vous allez scinder, pour ces dernières, l’expertise en matière de sûreté et de sécurité, ce qui est, pardonnez-moi, une connerie majeure. J’imagine, là aussi, qu’il faudra bien rassembler les deux expertises pour construire vos EPR 2 et vos SMR, donc conclure de nouvelles conventions-cadres.

Votre argumentation ne tient pas et c’est pourquoi il faut maintenir le système dual – qui inclut en réalité un troisième acteur, l’opérateur.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur, vous dites qu’il n’y a pas eu de problème grave. Avez-vous oublié ce qui est arrivé à Superphénix en 1986 et 1987 ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je parlais des vingt dernières années.

M. Charles de Courson (LIOT). Il y a eu une fuite de sodium sur la cuve, que l’on a cachée au ministre de l’industrie – j’étais son directeur adjoint de cabinet. Il a fallu convoquer les responsables et leur demander pourquoi ils n’avaient pas prévu un système de récupération et de réparation : l’automate envisagé n’existait pas. Le ministre a pris la décision qu’il fallait en arrêtant Superphénix. Le gouvernement suivant l’a relancé, mais il y a eu de nouveaux incidents et on l’a fermé.

Si, à l’époque, nous avions eu l’IRSN et l’ASN, nous aurions été avertis aussitôt. Du reste, le système actuel est né de cette affaire. Vous ne devriez pas y toucher, car vous risquez de déstabiliser l’opinion publique, qui va se demander pourquoi vous faites cela : la sûreté nucléaire n’était-elle pas correctement garantie jusqu’ici ? Et c’est plutôt un pro-nucléaire qui vous parle : je n’ai jamais communié dans l’idée qu’il fallait mettre fin au nucléaire et je me suis réjoui quand le Président Macron a changé à 180 degrés sur cette question – pour une fois, dans la bonne direction. Il faut voter l’amendement de Benjamin Saint-Huile.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’idée n’est évidemment pas d’affaiblir la sûreté nucléaire. Ce que vous décrivez comme l’une des forces de notre dispositif, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire, une autorité indépendante du pouvoir politique, dont la création est l’aboutissement des débats des années 1980. Ce que propose ce texte, c’est de faire de deux établissements, dont l’un, l’IRSN, n’est pas indépendant, une seule autorité indépendante.

Il y a une dualité des structures, mais pas de la doctrine de sûreté. Il n’existe pas de séparation entre l’expertise, qui serait du côté de l’IRSN, et la décision, du côté de l’ASN. Il y a de l’expertise au sein de l’ASN comme de l’IRSN. Instaurer, ainsi que le proposent ces amendements, une séparation stricte entre l’expertise et la décision ne correspond pas à la pratique de la sûreté nucléaire et serait contre-productif pour notre dispositif de sûreté.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD292 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile. Je propose d’écrire dans la loi que « la sûreté nucléaire fait l’objet d’un dialogue technique constant entre les exploitants d’installation nucléaire de base, les personnes responsables de l’expertise en matière de sûreté nucléaire et les personnes chargées des activités d’élaboration de la décision et de prise de décision ».

On peut considérer que ce dialogue est la base du système opérationnel actuel. Si vous pensez que c’est une évidence et que cela fonctionne, écrivons-le, pour être certains que la règle sera toujours respectée et que l’on ne se contentera pas, à l’avenir, d’un simple contrôle de conformité.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le dialogue technique entre l’exploitant, les experts et les décisionnaires n’est absolument pas remis en cause par la réforme. Je suis même convaincu qu’il sera renforcé, fluidifié grâce au redéploiement du personnel et à une meilleure gestion des ressources humaines. L’arrivée des nouveaux types de réacteurs nécessitera, en effet, de recruter des profils rares et de mener un dialogue technique plus poussé. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). J’irai dans le même sens que le rapporteur. Lorsque des problèmes de corrosion se sont produits à Civaux, les relations compliquées entre les deux autorités, de l’aveu même de l’exploitant, ont conduit à ce que la remise en route de la centrale prenne quelques mois de plus, alors que nous avions vraiment besoin de produire de l’électricité d’origine nucléaire. La fusion entre les deux entités permettra notamment de raccourcir les délais, ce dont on peut avoir besoin dans certaines situations.

Je ne suis pas favorable à cet amendement qui décrit ce qui existe déjà. La réforme va simplement contribuer à simplifier et à fluidifier les rapports entre les deux entités.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je ne suis pas convaincue par l’utilisation, à tort et à travers, de la notion de fluidification.

Pour que ses décisions soient prises en toute indépendance, l’ASN ne prend pas part aux réunions des groupes d’experts. Si l’on crée une entité unique, comment vont fonctionner ces groupes ? Comment garantira-t-on l’indépendance de la prise de décision ? C’est un sérieux problème.

Je rappelle aussi, parce que j’entends beaucoup de contrevérités à ce sujet, que seuls 25 % de l’activité de l’IRSN sont faits pour le compte de l’ASN. On nous dit qu’on va fluidifier le fonctionnement en supprimant des doublons mais, en réalité, on va faire exploser les 75 % qui ne sont pas directement liés à l’ASN. Or nous avons besoin d’une recherche complète et intégrée.

À propos de Civaux, M. Millienne a dit des énormités : il serait temps de parler du fond plutôt que de prendre des exemples qui ne correspondent pas à la réalité.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je vous remercie, monsieur Millienne, pour l’aveu que vous venez de faire. Vous avez dit clairement que cette réforme doit nous permettre de faire tourner des centrales, quoi qu’il arrive, au mépris de la sûreté nucléaire. Quand on a besoin de jus, il faut qu’on en ait ! Voilà l’enjeu du texte, et c’est assez inquiétant.

Vous nous dites, monsieur Armand, qu’il y a aussi des experts à l’ASN. Il se trouve que Mediapart a révélé en 2016 que des experts de l’ASN avaient alerté leur direction et EDF sur le fait que l’EPR de Flamanville présentait des risques majeurs pour les salariés. Or la direction de l’ASN est passée outre l’avis de ses propres agents. Personne ne conteste l’existence d’experts à l’ASN, mais si l’on pense que la sûreté nucléaire est une priorité, on ne peut que rejeter ce que vous proposez.

M. Gérard Leseul (SOC). Vos propos, monsieur Millienne, m’ont également paru assez effrayants. En privilégiant la production au détriment de la sûreté, vous ne pouvez qu’inquiéter nos concitoyens. L’exemple que vous avez pris ne peut être un argument pour rejeter cet amendement de bon sens.

M. Bruno Millienne (Dem). Vous interprétez et déformez mes propos. J’ai simplement dit que des bagarres survenues entre les deux structures – que l’une et l’autre reconnaissent – ont retardé la remise en route de la centrale de Civaux. Il est évident que s’il y avait eu le moindre doute en matière de sûreté, on aurait pris le temps nécessaire avant de relancer la centrale. Ce sont des problèmes de coordination qui ont retardé la prise de décision et je pense que cela se produira beaucoup moins dans le cadre d’une entité fusionnée.

M. Charles de Courson (LIOT). Lorsqu’on a constaté, sur l’EPR de Flamanville, que plusieurs soudures posaient de graves problèmes et devaient être refaites, EDF a demandé à l’ASN l’autorisation de ne réparer ces soudures que dix ans après le couplage au réseau. L’ASN a refusé et elle a eu raison. Les nécessités de la production d’électricité doivent rester subordonnées à un impératif de sûreté nucléaire. Vos propos sont très dangereux et c’est ce qui fait que votre réforme inquiète beaucoup de gens. Heureusement que l’ASN a tenu bon face à EDF ! Vu qu’il y avait déjà onze ans de retard, on n’en était plus à quelques mois près.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). J’aimerais avoir des détails au sujet des affirmations de M. Millienne. Quand on cherche des informations sur internet, on trouve un avis d’experts du 22 septembre, une décision du 13 octobre, un nouvel avis d’experts datant du même jour, puis une décision finale de l’ASN du 21 octobre. S’agissant d’une question telle que la corrosion sous contrainte, il me paraît normal qu’un dialogue ait lieu entre l’instance décisionnaire et celle chargée de l’expertise. Ce qui est bien dans le système actuel, c’est que tous les avis sont publics et consultables en ligne, ce qui ne sera pas le cas avec votre projet.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Essayons de rester factuels. La création de la nouvelle autorité ne changera strictement rien en ce qui concerne le dialogue technique. Actuellement, douze groupes de travail réunissant des membres de l’IRSN et de l’ASN réfléchissent aux modalités d’une nouvelle organisation.

Vous avez dit, madame Laernoes, que seuls 25 % des activités de l’IRSN consistent à éclairer les décisions de l’ASN. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que 26 % des effectifs de l’IRSN, soit 445 équivalents temps plein, se consacrent à la recherche. Elle est indispensable, car elle fait monter en connaissance et en compétences les experts de l’IRSN et de l’ASN – je proposerai d’ailleurs de créer un conseil scientifique. Il faut que tout le monde travaille ensemble, c’est une évidence.

L’idée, je le rappelle, est de créer une AAI, indépendante à la fois du Gouvernement et de l’exploitant. Il n’y aura pas de régression en matière de dialogue technique dans le nouveau système. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er : Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Amendements de suppression CD10 de Mme Delphine Batho, CD57 de Mme Julie Laernoes, CD66 de M. Gérard Leseul, CD80 de M. Sébastien Jumel, CD143 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CD293 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Dans la mesure où l’IRSN ne travaille qu’à 25 % pour l’ASN, ce que vous qualifiez de fusion n’est en réalité que le démantèlement d’un institut dont la grande majorité des effectifs se consacre à des activités de recherche et d’expertise dans d’autres domaines. Nous nous opposons à ce démantèlement.

Par ailleurs, nous ne disposons toujours pas des éléments sur la base desquels le Gouvernement a prévu cette réforme. On ne nous a encore pas expliqué ce qui, dans le système actuel, ne serait pas satisfaisant. La sûreté nucléaire repose sur un principe d’humilité : il est normal de chercher à améliorer la situation, dans une logique d’élévation continue des normes et de renforcement de l’organisation, pour garantir la sûreté nucléaire en France. Or ce n’est pas ce que fait le projet de loi.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous demandons la suppression de cet article qui a pour objet de démanteler notre gouvernance en matière de sécurité et de sûreté nucléaires. Nous ne connaissons toujours pas les raisons pour lesquelles le Gouvernement a déposé le projet de loi. Vous dites que la réforme va simplifier et fluidifier le système, mais nous pensons au contraire qu’elle va créer de la complexité, notamment au niveau du personnel.

À celles et ceux qui veulent accélérer le développement du nucléaire, je rappelle qu’il faudra du temps pour fusionner des organisations comptant d’un côté des salariés de droit privé et de l’autre des fonctionnaires qui n’ont pas la même culture de travail. Les réunions des douze groupes de travail se sont d’abord bien passées, puis de plus en plus mal, dans la mesure où personne n’était là pour trancher. Par ailleurs, la date à laquelle la réforme doit prendre effet étant extrêmement proche, elle ne sera certainement pas tenable.

Nous allons désorganiser notre modèle de sûreté au moment où nous en avons le plus besoin, puisqu’il faut à la fois prolonger nos anciennes centrales et valider les nouveaux EPR. Si vous voulez accélérer le développement du nucléaire, il est impératif que le personnel dédié à la gouvernance et à la validation des processus de sûreté puisse se consacrer entièrement à sa tâche, au lieu d’avoir à négocier des accords concernant les droits du personnel.

M. Gérard Leseul (SOC). Cela fait quatorze mois que ce projet est sorti du chapeau présidentiel. Comment se fait-il que, depuis tout ce temps, vous ne soyez parvenus à convaincre ni les salariés de l’IRSN, ni ceux de l’ASN, ni ceux du CEA, ni même les « start‑upeurs », promoteurs des SMR, qui nous ont dit qu’ils n’étaient pas demandeurs de cette réforme ?

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Pour ma part, je ne parlerai pas de démantèlement, mais d’absorption de l’IRSN par l’ASN. On nous dit que l’intégration de l’IRSN – qui est un Epic – au sein d’une AAI garantira davantage l’indépendance de l’expertise et de la recherche vis-à-vis du pouvoir politique. Toutefois, une AAI n’est vraiment indépendante, sur le plan économique, que si elle bénéficie de financements publics suffisants. Or les dix dernières années ont été marquées par une dégradation des moyens alloués à la recherche sur la sûreté nucléaire. Le manque de garanties au sujet des modalités de fonctionnement de la future institution nous pousse, par ailleurs, à refuser une fusion qui aurait lieu au mépris de la transparence et de l’impérieuse nécessité de maintenir un système de sûreté efficace.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’expertise est focalisée sur la sûreté et s’appuie sur la recherche, mais le projet de loi va mettre à mal cette dernière. La décision, quant à elle, prend en compte d’autres paramètres, d’ordre industriel, économique ou politique ; or vous allez placer l’expertise sous l’empire de la décision.

Des grands accidents industriels de l’histoire, on peut tirer plusieurs leçons. D’abord, il importe de maintenir séparées l’expertise et la décision ; ensuite, il faut conserver une diversité de points de vue ; enfin, l’expertise doit pouvoir se développer sans pression économique et politique.

Avec ce projet de loi, on ira vers une conformité de papier : l’opérateur n’aura bientôt plus qu’à cocher des cases sur un formulaire pour dire qu’il a bien connecté le fil vert avec le bouton vert et le fil rouge avec le bouton rouge. Une grande majorité du personnel chargé de l’expertise, dans les entités concernées, ne veut pas de votre réforme. Vous n’allez quand même pas leur tordre le bras ! Faire un travail d’expertise en matière de sûreté nucléaire, ce n’est pas cocher des cases mais faire preuve d’intelligence, ce qui suppose de la motivation. Or elle ne sera pas au rendez-vous et c’est la sûreté nucléaire qui va en pâtir. Je m’adresse aux pro-nucléaires : ne cassez pas ce qui fonctionne, et ne cassez pas la confiance du public.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je ne reviens pas sur le fait que nous n’avons toujours pas d’explications sur le point de départ de cette fusion. J’aimerais savoir combien de temps elle est censée nous faire gagner. Vous dites qu’elle va permettre une redistribution des postes à grande échelle entre les deux structures : à l’heure actuelle, quelle est l’ampleur des redondances ?

Par ailleurs, ne craignez-vous pas de mettre à mal la confiance des Français dans le nucléaire ? Elle a eu tendance à évoluer en fonction des événements qui se produisaient dans le monde et si elle est plutôt élevée aujourd’hui, c’est parce que les Français estiment que nous avons un système de sûreté satisfaisant, à la hauteur. J’ai déposé, comme d’autres, un amendement de suppression de l’article 1er, parce que les réponses aux questions simples que je vous pose me laissent dubitatif.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il n’y a pas l’expertise d’un côté et la prise de décision de l’autre : le système actuel ne fonctionne pas de cette façon. Il existe des experts au sein de l’ASN comme de l’IRSN.

L’objectif est de construire une autorité intégrée dont l’indépendance sera consacrée et renforcée grâce au statut d’AAI, sous lequel travaillera désormais l’ensemble du personnel. Nous souhaitons aussi octroyer à cette autorité des moyens supplémentaires. La loi de finances pour 2024 a commencé à le faire – c’était un début. Le différentiel avec le monde industriel est, en effet, trop important en matière salariale.

Là où certaines activités liées à la sûreté nucléaire font aujourd’hui l’objet d’un double pilotage, nous voulons passer à un pilotage unifié, garant d’une plus grande efficacité. Des équipes travaillent déjà ensemble « au pied du réacteur ». Je sais que ce terme ne plaît pas, mais il s’agit de fluidifier le fonctionnement grâce à une meilleure organisation. Dans leur rapport d’information publié l’an dernier, nos collègues Sébastien Rome et Alma Dufour ont ainsi soulevé la question de l’existence de deux centres de crise. D’autres questions du même type se posent lorsque l’on se penche sur le fonctionnement du système, ce que nous faisons dans le but de l’améliorer, de l’adapter à la montée en puissance du nucléaire et d’attirer de jeunes talents.

Vous êtes nombreux à évoquer les risques de la montée en charge, dont nous parlons depuis un an et qui sera terrible dans les années 2026 et 2027. Je suis convaincu que c’est maintenant que nous devons améliorer le système, raison pour laquelle nous devons mettre en œuvre la réforme le plus tôt possible. Si les douze groupes de travail n’avancent pas aussi vite que prévu, c’est parce qu’ils attendent que le Parlement se prononce sur le projet de loi. Certains disent « stop » ; je dis « encore » et j’émettrai donc un avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Vous évoquez une plus grande efficacité, mais qu’est-ce qui est inefficace aujourd’hui ? Peut-être avez-vous lu, contrairement à nous, le rapport secret qui semble exister. Le seul gain d’efficacité possible dont j’ai entendu parler au cours des auditions concerne la salle de crise. Mais lorsque des départements mettent en place des salles de crise conjointes pour gérer les appels d’urgence, fusionnent-ils pour autant le Sdis (service départemental d’incendie et de secours) et le 15 ? Non. Vous dites qu’il faut une salle de crise unique en matière de sûreté nucléaire. Cela relève effectivement du bon sens, mais n’oblige nullement à démanteler l’IRSN. Par ailleurs, lorsqu’on est chargé de la sûreté nucléaire du pays et qu’on est confronté à une crise, on est très heureux, je peux vous le dire, d’avoir deux sons de cloche, de pouvoir confronter les points de vue des experts d’un établissement public de l’État, d’une part, et de ceux de l’ASN, d’autre part, afin de prendre les bonnes décisions.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je suis très partagé. D’abord, le fait que ceux qui s’opposent au développement de l’énergie nucléaire depuis des décennies jugent cette réforme mauvaise si on veut atteindre cet objectif me rend assez sceptique et méfiant. Ensuite, je ne crois pas que la question de la sûreté doive faire l’objet d’une guerre de tranchées entre expertise et décision. La réalité du terrain est bien plus subtile. Je m’interroge également sur la façon dont cette réforme a été préparée et engagée, ainsi que sur l’impasse qui est faite sur certains débats – je pense, par exemple, à la nécessité de revenir sur certaines exigences de sûreté devenues déraisonnables et financièrement inacceptables d’un point de vue industriel, à l’heure où il faut reconstruire. Nous ne débattons pas de ce qui a grippé le système, notamment la loi de 2015, qui a déséquilibré la situation et introduit de la transparence au mauvais moment, sans permettre au public d’avoir accès à toute l’information. Voilà les sujets dont nous devons parler avant de discuter de la fusion. Je suis néanmoins très mal à l’aise au sujet de ces amendements de suppression.

M. Gérard Leseul (SOC). La question de la gouvernance de notre système de sûreté est légitime. Ce qui pose un problème, c’est que le texte qui nous est présenté découle d’une décision du Président de la République dont nous ne connaissons pas les fondements : nous ne pouvons donc partager ni l’analyse ni les conclusions.

Le système actuel peut être amélioré dans un avenir très proche. C’est l’objet des douze groupes de travail, qui visent à réaliser un rapprochement fonctionnel. De nombreuses propositions, intéressantes, avaient vu le jour avant le durcissement des relations qui s’est produit, et le Gouvernement aurait dû commencer par demander à l’IRSN et à l’ASN de les mettre en œuvre. Appuyons-nous sur cette base pour avancer.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’ai une question simple, monsieur le rapporteur. On dit que c’est un rapport, classifié, de M. Verwaerde qui a fait changer d’avis le locataire de l’Élysée. Ce rapport existe-t-il ? L’avez-vous lu ? Pourriez-vous nous le transmettre ou, au moins, nous en faire parvenir une synthèse, afin que nous puissions comprendre la logique suivie ? On fait de la transparence une condition sine qua non de la réussite dans le domaine du nucléaire, mais pas pour nous en tant que législateurs.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Je ne comprends pas du tout ce projet de loi. J’ai évolué : j’ai d’abord été confronté à un vrai dilemme en ce qui concerne le nucléaire, car il contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre et permet de se passer des énergies fossiles, mais il suscite des inquiétudes en matière de sécurité ; si j’y suis devenu favorable, c’est parce que j’ai été rassuré par le système dual qui faisait la fierté de la France. Ce texte ravive maintenant mes inquiétudes, comme celles de beaucoup de personnes qui s’étaient laissé convaincre par les vertus du nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je n’ai pas eu connaissance du rapport qui a été évoqué. Je ne l’ai jamais vu et je ne sais pas s’il existe – je vous le dis en toute honnêteté. Peut-être devriez-vous vous adresser, chers collègues, à celles et ceux dont vous pensez qu’ils pourraient l’avoir.

Monsieur Bricout, je ne parviens pas à comprendre ce qui vous inquiète tant dans le projet de loi.

M. Charles de Courson (LIOT). Avez-vous demandé à avoir communication de ce rapport ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne sais pas s’il existe et je n’ai pas demandé à le consulter.

Je rappelle, en revanche, que l’Opecst a été saisi par la commission des affaires économiques du Sénat. La publication, le 11 juillet 2023, du rapport sur lequel j’ai travaillé avec le sénateur Stéphane Piednoir a donné lieu à un débat. Le conseil de politique nucléaire, réuni le 19 juillet, a demandé au Gouvernement de préparer un projet de loi reprenant les orientations de ce rapport. Un texte a été déposé au Sénat le 20 décembre, et il est maintenant soumis à l’Assemblée nationale.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). De nombreuses personnes auditionnées ont fait référence au rapport Verwaerde. Je remercie le rapporteur pour son honnêteté, mais il n’en demeure pas moins que la représentation nationale a besoin de consulter ce rapport pour éclairer ses débats. Monsieur le président, pourriez-vous demander officiellement que ce document nous soit transmis avant l’examen du projet de loi en séance ?

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Le rapport de l’Opecst s’intitule « Les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection ». Je ne remets pas en cause ce rapport – tout le monde reconnaît qu’il est riche en informations –, mais il ne répond pas à la question de départ. Existe-t-il un diagnostic établissant clairement la nécessité d’un rapprochement de l’IRSN et de l’ASN ?

La commission rejette les amendements.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux amendements CD152 de M. Maxime Laisney, CD67 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD159 de Mme Julie Laernoes.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Monsieur le président, nous sommes nombreux à douter du résultat du vote, crucial, qui vient d’avoir lieu. Nous ne pouvons pas poursuivre nos débats sereinement dans ces conditions : il faudrait revoter.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Il n’y a pas de doute sur ce vote. Je vous propose de poursuivre nos travaux. (Plusieurs députés protestent.) Le vote a été très clair. Vingt députés se sont prononcés pour les amendements, et vingt contre. Il n’y a pas lieu de recompter.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous demandons une suspension de séance.

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante-cinq à dix-neuf heures cinq.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Sans mettre en cause la présidence de la commission, nous souhaitons lever les doutes qui pèsent sur le vote précédent. En vertu de l’article 44, alinéa 2, du règlement, nous demandons un vote par scrutin.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Dans la mesure où cette demande émane d’au moins un dixième des membres de la commission, nous allons procéder à un vote par scrutin.

La commission adopte les amendements, mis aux voix par scrutin.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.

Article 2 bis : Règles de parité applicables à la composition du collège de l’ASNR

Amendement CD304 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous proposons de modifier la composition du collège de la nouvelle autorité indépendante, dans le but d’éviter qu’une majorité de ses membres ne soient nommés par le Président de la République.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La réécriture que vous proposez supprimerait la clarification, adoptée par le Sénat, des règles relatives à la parité au sein du collège. Par conséquent, demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD181 de M. Maxime Laisney.

Elle adopte l’article 2 bis non modifié.

Après l’article 2 bis

Amendement CD132 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement reprend une recommandation formulée par M. Jacques Repussard pour renforcer l’ASN, qui, pour être indépendante, n’est pas isolée de son environnement. Dans notre modèle dual de sûreté, l’IRSN joue souvent un rôle de fusible ; s’il n’y a plus qu’une seule instance, le fusible disparaît. Pour assurer l’information des Français et la transparence – ce terme est, de manière suspecte, largement absent du projet de loi –, il semble intéressant de s’inspirer jusqu’au bout du système américain de sûreté et de sécurité nucléaires que vous chérissez tant en filmant l’intégralité des délibérations du collège de l’ASN.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous proposez que les réunions de ce collège au sein duquel siègent notamment des scientifiques, dont certains ont travaillé à l’IRSN ou à l’ASN, soient désormais filmées, diffusées et mises à disposition pendant douze mois. Ce n’est pas le cas actuellement, mais je n’ai pas entendu une telle revendication au cours de nos nombreuses auditions.

L’article L. 592-27 du code de l’environnement prévoit, en revanche, que les avis et les décisions délibérés par le collège sont rendus publics – ils sont ainsi publiés au Journal officiel et au Bulletin officiel de l’ASN. Le principe de transparence est déjà inscrit dans la loi.

Filmer les réunions du collège de l’ASN relève du règlement intérieur de cette autorité : le législateur n’a pas à s’immiscer dans le fonctionnement interne d’une AAI. Nous devons respecter le « I » de ce sigle, l’indépendance, et nous montrer moins suspicieux. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous avons entendu tout à l’heure M. de Courson et précédemment, lors des travaux de la commission d’enquête présidée par M. Schellenberger, d’anciens ministres qui étaient chargés de la sécurité et de la sûreté nucléaires nous dire qu’ils n’étaient pas forcément informés.

La transparence et l’information du public sont vitales pour la confiance des Français dans notre système nucléaire. Il nous semble essentiel, alors que vous voulez vous calquer sur le modèle américain, qui n’est pas dual, de reprendre les garde-fous prévus dans ce système pour garantir la transparence.

Vous dites que filmer les délibérations relève du règlement intérieur de l’ASN, mais nous devons être, en tant que représentants de la nation, les garants de la transparence et de l’information du public.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement qui conduirait à un résultat contraire à celui que nous recherchons tous. Nous souhaitons que les décisions soient aussi intelligentes que possible et qu’elles garantissent le plus haut niveau de sûreté. Pour ce faire, aucune pression, interne ou externe, ne doit s’exercer. Si les délibérations n’étaient pas confidentielles, des membres du collège se sentiraient moins libres d’exprimer leur avis, par peur d’être livrés à la vindicte des réseaux sociaux. En rendant les membres d’une AAI individuellement responsables des décisions adoptées par cette instance, nous affaiblirions le dispositif de sûreté. Les prises de position seraient extrêmement réduites, alors que vous plaidez, comme nous, pour la publication des avis d’expertise et des décisions. Ne confondons pas la transparence et l’intérêt fondamental de la sûreté nucléaire.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je me retrouve totalement dans l’argumentation de mon collègue Antoine Armand. La question de la transparence dans le processus d’autorisation des installations nucléaires est primordiale, de même que celle de l’information du public – ce n’est pas en tant que président d’une commission locale d’information (CLI) que je dirai le contraire. Cependant, l’amendement ne porte pas sur le principe de la transparence mais sur ses modalités. L’enregistrement, filmé, des délibérations d’un collège d’experts ne relève pas de la transparence mais de l’organisation de la pression. Si le public doit avoir accès aux informations – et pas uniquement aux avis –, Twitter n’est pas à même de juger de l’équité et de l’équilibre d’une décision technique en matière de sûreté nucléaire. Nous devons écarter un tel voyeurisme.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je souhaite aborder une question plus générale. L’article 3, qui vient ensuite, est relatif à l’ASNR, dont nous venons de refuser la création en supprimant l’article 1er. Quelles sont les conséquences pour la suite de l’examen du texte ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La suppression de l’article 1er n’a pas fait tomber l’article 3. Nous allons donc poursuivre l’examen du texte, qui sera examiné en séance publique la semaine prochaine.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je ne comprends pas votre position, car l’article 3 se réfère constamment à la nouvelle autorité que l’article 1er visait à créer.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Comme M. le rapporteur l’a dit, la suppression de l’article 1er n’a pas fait tomber l’article 3.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Activités pouvant être exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche

Amendements de suppression CD70 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD103 de M. Sébastien Jumel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre groupe souhaite réaffirmer son opposition au projet de fusion de l’IRSN et de l’ASN. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons examiner l’article 3, qui traite des modalités de rattachement des missions de recherche à l’ASNR, alors que la création de cette nouvelle autorité vient d’être rejetée à l’article 1er.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Nous souhaitons supprimer l’article 3 pour les mêmes raisons.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet article tend à préciser le périmètre de certaines activités exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche, de formation et de traitement de données issues de l’IRSN. Je vous propose d’en débattre – j’ai déposé des amendements qui concernent, en particulier, la recherche – et vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). L’article 3 portant sur une instance qui n’a pas été créée, je ne comprends pas que nous l’examinions. Pourriez-vous préciser ce qu’il en est sur le plan légistique ?

M. le président Jean-Marc Zulesi. Comme je l’ai dit tout à l’heure, notre commission reste saisie de l’article 3, que la suppression de l’article 1er n’a pas fait tomber. Nous continuons donc l’examen du texte.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD255 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit d’un amendement symbolique, tendant à renommer l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection « Autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire », ARSN, afin de limiter le message qui serait envoyé par une absorption pure et simple de l’IRSN par l’ASN. C’est un amendement de bon sens et de respect des salariés de l’IRSN.

Monsieur le président, vous n’avez pas répondu à la question portant sur le rapport dont nous aimerions avoir connaissance. Allez-vous solliciter sa transmission ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. J’ai déjà exposé les raisons qui justifient la création de l’ASNR. Ce n’est pas le nom qui importe, mais le périmètre, les missions, l’organisation, la structure et les moyens. J’émettrai donc un avis défavorable à cet amendement, comme à tous ceux du même type.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Monsieur Leseul, vous pourrez questionner demain le ministre. Nous verrons ensuite s’il faut adresser un énième courrier au Gouvernement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement vise à renommer une instance dont nous venons de refuser la création : la commission n’a plus à en débattre.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je pense avoir répondu à cette remarque.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD435 de la commission des affaires économiques, CD93 de M. Sébastien Jumel, amendements identiques CD21 de Mme Mireille Clapot, CD141 de Mme Julie Laernoes et CD246 de M. Gérard Leseul, et amendement CD155 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques a adopté l’amendement CD435 que notre collègue Marie-Noëlle Battistel avait déposé et que j’ai sous-amendé. Il répond à une préoccupation évoquée hier dans notre commission, qui est le maintien de la possibilité, pour la nouvelle autorité, de réaliser des prestations afin de conserver une expertise intégrée, en évitant, bien sûr, toute atteinte aux intérêts nationaux et tout conflit d’intérêts.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). L’amendement CD93 vise à maintenir la possibilité de réaliser des expertises pour venir en appui à des organismes français ou étrangers.

Mme Mireille Clapot (RE). On le sait assez peu, alors qu’il s’agit d’un motif de fierté : l’IRSN effectue diverses prestations qu’il importe de faire figurer à l’article 3. En temps de crise, il sera utile de pouvoir compter sur un large savoir-faire, qu’il convient donc de conserver. Je rappelle aussi que des autorités de sûreté nucléaire étrangères, par exemple polonaise et néerlandaise, ont certifié l’IRSN pour la réalisation de prestations qui permettent non seulement de garder le savoir-faire mais aussi de faire un peu de chiffre d’affaires.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous sommes tous attachés au maintien des compétences en matière de sûreté et de sécurité nucléaires. Dans cette optique, la préservation des partenariats que l’IRSN a noués, notamment avec l’Autorité de sûreté nucléaire polonaise (PAA) et avec Bureau Veritas et Bel V, pour les Pays-Bas, est essentielle. Il serait opportun, par ailleurs, de privilégier le statut d’API pour fournir des prestations.

M. Gérard Leseul (SOC). La réalisation de prestations sous forme d’interventions est indispensable au maintien des compétences et de l’expertise des salariés. La pratique, la recherche, les échanges, les appuis techniques tournés vers l’extérieur et la confrontation avec d’autres systèmes sont essentiels.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le Gouvernement, assisté de l’ASN et de l’IRSN, a procédé à un examen attentif des prestations qui sont réalisées : elles ne pourront pas toutes être pérennisées, notamment pour des raisons de déontologie ; en revanche, celles qui ont des caractéristiques de quasi-service public seront transformées en ce sens.

Quelques points restent à éclaircir, par exemple s’agissant des activités d’évaluation et d’analyse de certains matériels, comme les filtres à charbon actif, dont l’IRSN est le spécialiste en France, et certains filtres à air nécessaires dans les installations nucléaires. Se pose également la question de certaines prestations d’expertise, notamment à l’international.

La rédaction adoptée par la commission des affaires économiques, qui m’a également été soumise par l’IRSN, me semble trop large. Le Gouvernement et la DGPR (direction générale de la prévention des risques) ont demandé à l’ASN et à l’IRSN, sur mon impulsion, de dresser rapidement la liste des activités commerciales qui seraient mal couvertes par la rédaction actuelle du texte, en vue du dépôt d’un amendement plus ciblé que nous pourrions coconstruire avant la séance publique. En attendant, je demande le retrait de ces amendements.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). J’imagine que nous sommes tous d’accord pour reconnaître l’importance capitale des missions assurées par l’IRSN à l’international pour le rayonnement de la France et sa crédibilité dans le domaine de la sûreté nucléaire. L’IRSN doit continuer à effectuer ces prestations, et il serait donc opportun de voter les amendements, quitte à ce que nous y revenions en séance publique si le rapporteur l’estimait nécessaire.

M. Gérard Leseul (SOC). Je formule la même proposition que notre collègue Delphine Batho : il est préférable d’adopter ces dispositions, dont nous pourrons éventuellement restreindre le champ en séance publique après avoir échangé avec le Gouvernement et les différents groupes de l’Assemblée.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Loin de moi l’idée d’attiser une compétition entre deux commissions permanentes de notre assemblée, d’autant que je n’appartiens ni à l’une ni à l’autre, mais allez-vous émettre, monsieur le rapporteur, un avis défavorable à l’ensemble des amendements adoptés par la commission des affaires économiques, notamment celui portant sur le rôle des commissions dans la nomination du président de l’autorité ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous travaillons comme d’habitude, amendement par amendement, sans porter un avis global sur les dispositions adoptées par la commission des affaires économiques.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). On ne peut pas balayer d’un revers de main le travail effectué en commission des affaires économiques. Si notre collègue Antoine Armand retirait l’amendement CD435, nous le reprendrions.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je précise simplement qu’il ne s’agit en aucun cas de créer une tension, quelle qu’elle soit, entre les deux commissions.

La commission adopte l’amendement CD435.

En conséquence, les amendements CD93, CD21, CD141, CD246 et CD155 tombent.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD71 de M. Pierre Meurin.

Amendement CD306 de M. Benjamin Saint-Huile et amendements identiques CD20 de Mme Mireille Clapot et CD243 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Notre amendement vise à permettre de compléter par décret en Conseil d’État, après avis de la commission d’éthique et de déontologie de l’ASNR, la liste des activités pouvant donner lieu à rémunération. Cela dispensera le législateur d’intervenir pour toute modification.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Tout d’abord, un décret ne peut pas modifier une disposition législative. Ensuite, l’article 1er de la loi organique du 20 janvier 2017 dispose que « la loi fixe les règles relatives [...] aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes », ce qui inclut les prestations que peut assurer l’ASNR. C’est donc au législateur et non au pouvoir réglementaire d’en dresser la liste. Il serait logique que ces amendements soient retirés ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Les amendements CD306 et CD20 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CD243.

Amendement CD357 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). Cet amendement vise à préciser que l’autorité de sûreté peut percevoir une rémunération pour d’autres prestations que celles citées au I du futur article L. 592‑14‑2 du code de l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. C’est la loi, je l’ai dit, qui fixe les règles relatives aux attributions des AAI et API ainsi que les principes fondamentaux de leur organisation. Il ne revient pas à un décret, ni à un règlement intérieur, de le faire. Par ailleurs, l’article L. 592‑28-1 du code de l’environnement demeure inchangé : il permettra à la future autorité de se faire rembourser les frais engagés pour les besoins de ses activités d’appui à l’international, comme c’est le cas aujourd’hui pour l’IRSN. Je vous demande donc de retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD389 et CD390 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD75 de M. Pierre Meurin.

Amendement CD391 du rapporteur

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit, là aussi, d’un amendement rédactionnel.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je reviens sur l’amendement CD390 que nous venons d’adopter. Il visait à substituer au mot « Elle » l’expression « L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ». L’article 1er ayant été supprimé, il aurait été préférable de ne pas faire référence à cette autorité qui, de fait, n’est pas créée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD350 de M. Matthieu Marchio

M. Matthieu Marchio (RN). Cet amendement vise à faire un pas en avant significatif en matière de justice sociale et de protection des travailleurs dans l’industrie nucléaire. L’expression « les travailleurs » étant trop vague pour rendre compte de la réalité du terrain, nous proposons d’insérer des termes plus clairs et précis dans la loi : nous ferons référence aux « fournisseurs, prestataires ou sous-traitants des exploitants, même lorsqu’ils exercent hors des installations nucléaires de base ».

Cette clarification est plus qu’une formalité : ce sera le fondement d’une protection renforcée pour des personnes qui se trouvent en première ligne mais, trop souvent, ne bénéficient pas d’une reconnaissance suffisante de leur situation. Bien que les salariés des sous-traitants soient également exposés aux risques liés aux radiations – ils supportent plus de 80 % de la dose collectivement reçue chaque année dans le parc nucléaire –, ils rencontrent des difficultés considérables pour faire valoir leurs droits, particulièrement en cas d’atteinte à leur santé.

L’adoption de cet amendement est un impératif moral. En inscrivant explicitement la protection des travailleurs extérieurs dans la loi, nous leur offrirons une reconnaissance et une sécurité juridique renforcées.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les mesures relatives à la prévention des risques d’exposition aux rayonnements ionisants sont prévues par le code du travail. Son article R. 4451-1 précise que ces mesures s’appliquent « dès lors que les travailleurs, y compris les travailleurs indépendants, sont susceptibles d’être exposés à un risque dû aux rayonnements ionisants d’origine naturelle ou artificielle ». C’est le terme de travailleur qui est retenu, car il est plus large que celui d’agent public ou de salarié : il couvre toutes les catégories que vous avez mentionnées. Je vous invite donc à retirer l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Cet amendement est complètement inopérant d’un point de vue technique. L’expression « travailleur du nucléaire » qualifie une activité et non un statut salarial. Ce n’est pas le fait d’être un salarié d’EDF, d’un sous-traitant ou d’un prestataire qui détermine si on est un travailleur du nucléaire – ce n’est d’ailleurs même pas le fait de travailler dans une installation nucléaire de base. Je comprends la volonté de rouvrir le débat sur la question de la sous-traitance dans le nucléaire. Toutefois, la notion de travailleur du nucléaire est clairement définie, et elle n’a rien à voir avec le cadre d’emploi.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement du Rassemblement national est l’arbre qui cache la forêt de son incohérence sur le nucléaire. Alors que ce groupe a appelé à de multiples reprises à examiner la question de la sûreté, il a choisi, lorsque nous avons ouvert la discussion, de refuser le débat. La position du Rassemblement national continue donc à être au mieux obscure et au pire contradictoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD140 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à maintenir l’activité de dosimétrie qui est absolument essentielle, comme nous l’ont expliqué toutes les personnes travaillant « au pied des réacteurs », pour reprendre une expression chère au rapporteur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable. Le projet de loi, s’il est adopté, prévoit non pas de supprimer l’activité de dosimétrie mais de la transférer : on ne peut pas la confier à la nouvelle autorité, qui sera une AAI. Cette activité commerciale, qui rapporte 12 millions d’euros, pour un coût de 9 à 9,5 millions, nécessite un démarchage. Il en résultera un problème de déontologie et de droit de la concurrence, car certains clients seront contrôlés par l’ASNR. Il faut donc réaliser un transfert, et une convention devra être conclue, notamment pour traiter les questions budgétaires.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). M. le rapporteur s’exprime comme si une nouvelle autorité allait être créée, alors que ce n’est pas le cas. Les arguments avancés ne correspondent pas à la réalité du texte issu de nos débats.

Par ailleurs, le transfert de la dosimétrie démontre bien qu’il s’agit de réaliser un démantèlement de l’IRSN et un éclatement des compétences nécessaires « au pied du réacteur ».

Il serait judicieux de prendre acte de la suppression de l’article 1er et de reconnaître les faiblesses de la structuration juridique que vous proposez. L’activité de dosimétrie procure des ressources propres à l’IRSN et contribue donc à son indépendance.

M. Bruno Millienne (Dem). Madame Laernoes, vous auriez dû, en toute logique, retirer votre amendement, puisqu’il porte sur une autorité que la commission n’a pas souhaité créer : je ne vois plus l’intérêt d’en discuter.

La dosimétrie sera transférée à une filiale, avec l’ensemble des personnels concernés : aucun problème ne se posera.

Nous parlons effectivement de façon théorique. Cependant, si la nouvelle autorité voyait le jour, l’activité de dosimétrie devrait être transférée, pour des raisons juridiques et déontologiques. Elle ne disparaîtrait pas, mais serait simplement confiée au CEA.

M. Gérard Leseul (SOC). Cette discussion est un peu surréaliste. Il aurait sans doute fallu que le président et le rapporteur décident de retirer cet article mais, dès lors qu’il est maintenu, nous discutons fort logiquement des amendements qui ont été déposés.

La suppression de l’activité de dosimétrie au sein de la nouvelle entité est uniquement liée au statut d’AAI que vous entendez lui donner. Si vous aviez accepté le premier amendement de notre collègue Mireille Clapot, l’entité que vous voulez créer aurait été une API et aurait pu conserver une activité commerciale.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je précise qu’un président de commission n’a pas compétence, et c’est heureux, pour retirer un article d’un projet de loi.

M. Bruno Millienne (Dem). Si nous avions adopté l’amendement de Mme Clapot, l’ASN aurait été démantelée, puisqu’il n’est pas possible de transférer des fonctionnaires dans une API. Je vous l’ai signalé tout à l’heure, mais vous ne voulez pas l’entendre. Renseignez-vous et vous verrez que, dans un cas comme dans l’autre, nous sommes coincés. Le plus simple est de créer une AAI.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Si la future autorité ne peut plus commercer, elle perdra les contrats qui contribuent à sa reconnaissance à l’international, chère à toute la filière nucléaire française, et devra arrêter la vente de licences de codes de calcul.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Madame Laernoes, lorsque j’évoque l’ASNR, je le fais au conditionnel. Je sais bien que c’est potentiel.

M. Millienne a évoqué les fonctionnaires qui travaillent à l’ASN : il faut penser à eux et à leur parcours professionnel. Par ailleurs, le statut d’API ne permettrait pas de régler le problème déontologique, car la nouvelle entité aurait toujours pour mission de contrôler les clients potentiels en matière de dosimétrie.

Cette activité ne disparaîtra pas. Elle représente actuellement 50 % du marché national et on peut même envisager que, grâce à la nouvelle organisation, les parts de marché augmentent à l’avenir.

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du mardi 5 mars 2024, soir

M. le président Jean-Marc Zulesi. Chers collègues, je vous propose de terminer la discussion, commencée cet après-midi, des amendements à l’article 3. Nous examinerons ensuite, par priorité, les amendements que la commission des affaires économiques a adoptés aux articles 2 ter, 12, 16 et 18, dont l’examen au fond lui a été délégué. Comme le veut l’usage, ces articles et amendements seront soumis à notre vote sans débat, une fois que le rapporteur pour avis M. Antoine Armand aura présenté les travaux de la commission des affaires économiques.

Article 3 (suite) : Activités pouvant être exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD392, CD393, CD394, CD395 et CD387 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

Amendement CD91 de M. Sébastien Jumel

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Si l’article 1er avait été adopté, le présent amendement viserait à s’assurer de la publicité des programmes de recherche menés par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), sur le modèle des programmes de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’alinéa 15 de l’article 2 qui prévoit que la future autorité « organise la publicité, sous réserve des secrets protégés par la loi, des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont elle prend l’initiative ».

Je demande donc le retrait de votre amendement. À défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CD397 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par cet amendement, il est proposé que la future autorité, pourvu qu’elle existe, présente chaque année les programmes de recherche menés en son sein ou confiés à d’autres organismes de recherche devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Il s’agit d’améliorer l’information et le suivi de l’Opecst en matière de recherche dans le champ de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. L’Office pourra ainsi veiller au maintien, au sein de la nouvelle autorité, d’une recherche de qualité, ambitieuse et reconnue internationalement, comme c’est aujourd’hui le cas des activités de recherche de l’IRSN, que je souhaite voir poursuivre, voire amplifier. La relance du nucléaire, c’est aussi celle de la recherche et de l’innovation.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Disposez-vous d’un inventaire des programmes de recherche de l’IRSN qui impliquent la participation, y compris financière, d’opérateurs ou d’exploitants d’installations nucléaires, ou sont menés conjointement avec eux ? Que deviendront ces programmes de recherche au regard des questions déontologiques que vous avez évoquées s’agissant de la dosimétrie ? Une autorité de sûreté indépendante ayant des compétences en matière de recherche pourra-t-elle continuer de les conduire ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne dispose pas de cet inventaire précis. Néanmoins, les recherches de l’IRSN et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sont régulièrement évoquées par l’Opecst, qui poursuivra ce travail.

Je ne vois pas en quoi il serait impossible à cette future autorité – si nous lui donnons naissance – de piloter les projets que vous évoquez, en s’appuyant sur un conseil scientifique susceptible de contribuer à définir ses orientations et d’évaluer ses programmes, sur des organes de direction, et sur des collaborations avec les industriels qui sont nécessaires, puisque l’avenir de ces derniers est lié aux objets de recherche dont il est question. Le travail parlementaire bicaméral permettra le suivi de ces recherches par l’Opecst, qu’il conviendra sans doute d’intensifier, afin que nous ayons connaissance des difficultés qu’elles pourraient susciter.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD396 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je souhaite rassurer les personnels de l’IRSN que ce projet inquiéterait : je ne ferai rien contre la recherche et je pense même que, en ce domaine, nous devons la soutenir plus que jamais.

Je souhaite que la future ASNR puisse s’affirmer comme un acteur majeur de la recherche, dans la continuité des travaux reconnus internationalement de l’IRSN. Dans cette optique, il apparaît essentiel de la doter d’un conseil scientifique, sur le modèle de celui de l’IRSN. C’est l’objet de cet amendement que de consacrer l’existence d’un tel conseil scientifique au niveau législatif.

Ce conseil scientifique aurait pour missions de rendre des avis sur les orientations scientifiques de l’ASNR, d’évaluer les résultats de ses programmes et de formuler toute recommandation sur l’orientation de ses activités de recherche, rendues plus que jamais nécessaires par la relance du nucléaire et les nombreuses évolutions qu’elle entraîne.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Qui dit recherche dit certes conseil scientifique.

Je ne m’inquiétais pas, dans la discussion précédente, des interactions avec les opérateurs s’inscrivant dans le cadre de programmes de recherche, mais bien du financement de certains programmes de l’IRSN par ces opérateurs.

Vous vous êtes opposé à l’inclusion des activités de l’IRSN relatives à la dosimétrie dans la nouvelle autorité pour des raisons déontologiques. Ces mêmes raisons déontologiques devraient conduire tout un chacun à considérer qu’une autorité indépendante ne peut pas mener des programmes de recherche financés par les opérateurs qu’elle contrôle. Les programmes en question seront donc nécessairement abandonnés, à moins que l’État ne soit devenu suffisamment riche pour se substituer à leurs financeurs.

Nous aurons donc besoin, en vue de la séance publique, de la liste des programmes de l’IRSN qui seront interrompus parce qu’il sera interdit à la nouvelle autorité indépendante de les conduire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. D’autres organismes publics – CNRS, universités, Institut français du pétrole Énergies nouvelles (Ifpen) – pilotent de tels programmes. Le conseil scientifique pourrait discuter des questions que vous abordez dans le cadre de sa réflexion sur les orientations de la nouvelle autorité.

Il conviendra d’étudier le problème que vous posez et de fournir des éléments complémentaires à cet égard pour l’examen en séance. Le plus important est, à ce stade, d’acter la création du conseil scientifique, ainsi que le suivi par l’Opecst des travaux de recherche de la future autorité.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je soutiens cet amendement. Nous en proposions un qui était presque identique, mais a été jugé irrecevable – de même, d’ailleurs qu’un autre qui proposait la création d’un conseil d’orientation des recherches.

Nous voudrions savoir si les dispositions que nous examinons s’appliqueront à l’ASN si la nouvelle autorité ne voit pas le jour.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Le président de la commission des finances a jugé votre amendement irrecevable car il ne prévoyait pas que les membres du conseil scientifique ne soient pas rémunérés à ce titre.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ce serait une grande première de faire d’une autorité indépendante un centre de recherche. À travers nos amendements relatifs au maintien des contrats avec certains pays étrangers, aux financements européens ou à la dosimétrie, nous posons la question du maintien de notre expertise scientifique en cas de fusion de l’IRSN avec l’ASN. S’agissant de l’énergie nucléaire, notre pays a absolument besoin d’une recherche et d’une expertise indépendantes, qui requièrent un institut de recherches fort, donc la conservation de l’IRSN dans son état actuel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Au sein de la NRC (Nuclear regulatory commission), aux États-Unis, travaillent 2 900 personnes : 200 le font dans des laboratoires en interne, le reste se fait sous forme de coopérations nationales et internationales. Il est indispensable de travailler de cette manière.

Il est impératif de développer les connaissances et les compétences nécessaires aux experts, afin de guider les prises de décision et de contrôler la sûreté des installations. Ce développement, qui ne peut avoir lieu que par la recherche, suppose des coopérations scientifiques avec les industriels.

L’ASN suit les travaux de recherche et de développement nationaux et internationaux et formule des propositions et des recommandations. La nouvelle autorité devra faire de même.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Voilà un an que le projet de démantèlement de l’IRSN est sur la table. Certains industriels refusent de s’engager dans des projets européens parce qu’une autorité publique telle qu’une autorité administrative indépendante (AAI) n’est pas un institut où l’excellence de la recherche est susceptible de s’épanouir, faute de financement.

Sans expertise indépendante, l’État perd son bras armé et ne peut que s’en remettre aux exploitants. L’État japonais s’était, par exemple, privé d’une recherche indépendante et publique, ce qui a conduit à l’accident de Fukushima. C’est ce qui nous inquiète au plus haut point.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD203 de Mme Mathilde Panot

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement vise à limiter à un seul niveau de sous-traitance les activités de surveillance des installations et à confier à l’ASN le contrôle de ces activités.

Dans le secteur nucléaire, on parle assez peu des travailleurs sous-traitants, et des travailleurs tout court : on a l’impression que l’énergie nucléaire est produite d’un claquement de doigts, alors que la fission de l’atome suppose infrastructures et personnel. Les sous‑traitants assument 80 % des tâches de maintenance et reçoivent 80 % des doses de radioactivité.

Lors de l’examen du projet de loi dit d’accélération du nucléaire, nous entendions dire que l’activité économique dans le secteur nucléaire était d’une ampleur insuffisante pour que des entreprises s’y consacrent entièrement, et qu’il était bon qu’existent des sous-traitants travaillant dans toutes sortes de domaines industriels, nucléaire compris. Mais vous avez voté un grand programme de relance, qui prépare la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, ou EPR 2. Le travail ne manque donc pas, ce qui permet d’employer des effectifs dotés d’un statut et de suivre quotidiennement leur exposition aux doses de radioactivité.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il arrive qu’un exploitant ait besoin de recourir à des entreprises spécialisées, notamment pour la maintenance de ses installations.

L’article L. 593-6-1 du code de l’environnement prévoit déjà la faculté d’encadrer le recours à la sous-traitance pour certaines opérations. Le décret du 28 juin 2016 limite la sous‑traitance à deux niveaux, lorsque le recours à un intervenant extérieur est autorisé. Ces dispositions sont importantes pour la sûreté et la sécurité des installations concernées.

Cette réglementation me paraît équilibrée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Article 2 ter (précédemment réservé, examen délégué) (supprimé) : Compte rendu de l’activité de la commission des sanctions

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux articles sur lesquels l’avis de la commission des affaires économiques a été sollicité, avec délégation au fond.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous étions saisis de sept articles et avons adopté dix-sept amendements, pour la plupart rédactionnels, de clarification juridique ou de simplification. Notre commission a ainsi fait le choix d’une loi efficace, claire et concise. Notre objectif est l’entrée en fonction aussi rapide que possible de la future autorité, sans remettre en question notre niveau d’exigence en matière de sûreté, dont tous reconnaissent l’excellence.

Nous avons supprimé l’article 2 ter introduit par le Sénat, qui prévoyait que le rapport annuel de l’ASN comporte un bilan d’activité de la commission des sanctions. Outre qu’il n’appartient pas à la loi de préciser le contenu d’un tel rapport, l’ASN établit déjà ce bilan.

Nous avons adopté un amendement de rédaction globale de l’article 12, qui vise à rattacher le haut-commissaire à l’énergie atomique, non plus au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), mais au Premier ministre, afin qu’il conseille quotidiennement le Gouvernement et éclaire de son expertise l’ensemble de sa politique en matière nucléaire. Le Sénat avait considérablement détaillé les missions de ce haut-commissaire et avait introduit la possibilité de le saisir pour avis s’agissant de certains textes programmatiques, alors même que ce rôle est déjà dévolu au Haut Conseil pour le climat (HCC). Nous avons adopté une rédaction plus sobre, ne rappelant que les principales missions d’expertise et d’évaluation du haut-commissaire.

L’essentiel de notre délégation au fond concernait le titre II du projet, relatif à la commande publique. Si je comprends et partage parfois les interrogations de certains sur la place de telles dispositions dans ce texte, j’en appelle au pragmatisme de ceux qui soutiennent la relance nucléaire. Ces dispositions permettront aux principaux exploitants, notamment EDF, le CEA et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), d’accélérer la réalisation de leurs ouvrages et de sécuriser leurs marchés publics, dans le contexte très particulier des chantiers nucléaires. Alors que la France est résolument engagée dans cette relance et que nous avons voté un texte prévoyant son accélération l’année dernière, ces mesures constituent une garantie indispensable du bon avancement des chantiers. Nous avons supprimé leur codification dans le code de la commande publique introduite par le Sénat, puisque ce code n’a pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles.

Sur le fond, à l’article 16, visant à déroger à l’obligation d’allotir les marchés publics pour certains projets nucléaires, nous avons conservé les apports du Sénat, qui ajoutent des précisions bienvenues, en particulier s’agissant du périmètre des installations nucléaires concernées.

À l’article 17, qui permet de déroger à la durée maximale des accords-cadres, nous n’avons adopté que des amendements rédactionnels.

Nous avons conservé les articles 17 bis et 17 ter, ajoutés au texte à l’initiative de Patrick Chaize, rapporteur du texte au Sénat, le premier sécurisant notamment la possibilité de recourir à un critère de crédibilité des offres concernant les marchés relatifs à la réalisation d’un réacteur électronucléaire, le second précisant dans quels cas il est possible de conclure un nouvel avenant, sans remise en concurrence, lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires, par exemple du fait de l’évolution de la conception du projet ou pour des motifs techniques, tenant à l’interopérabilité des équipements.

Enfin, à l’article 18, capital puisqu’il permet de déroger au code de la commande publique pour les marchés nucléaires les plus sensibles, tels que ceux qui concernent l’îlot nucléaire et mettent en jeu les intérêts essentiels de l’État, nous avons adopté un amendement de rédaction globale qui conserve l’esprit des apports du Sénat tout en précisant leur rédaction et en supprimant certaines mesures de rapportage allant à rebours de notre objectif d’accélération et de simplification.

Ainsi, vis-à-vis des articles qui nous ont été délégués au fond, nous avons adopté des mesures de bon sens visant à clarifier le droit et à sécuriser leur application.

Pour ce qui est des autres articles du projet dont la commission des affaires économiques était saisie pour avis, nous avons adopté plusieurs amendements tendant à simplifier et à préserver la clarté de la loi. Nous proposons notamment de supprimer les dispositions, introduites par le Sénat ou par le Gouvernement, visant à inscrire dans la loi des règles et des dispositifs qui existent déjà, dont l’objectif est atteint par d’autres dispositions ou qui sont déjà mis en pratique. L’ambiguïté de certaines des dispositions directement intégrées à la loi pouvait donner lieu à des incohérences et démontre la difficulté d’énoncer, en matière de sécurité et de sûreté nucléaires, une règle simple et applicable par les experts du domaine. Ce n’est, en outre, pas à la loi de définir les différents cas de figure qui peuvent se présenter. L’alinéa 13 de l’article 2, que nous avons considérablement modifié, est particulièrement en butte à cette difficulté.

D’une manière générale, la commission des affaires économiques souligne qu’il ne faudrait pas que les bonnes intentions du législateur se retournent contre l’efficacité du dispositif, qui est avant tout au service de la qualité de notre sûreté nucléaire.

La commission adopte l’amendement de suppression CD434 de la commission des affaires économiques.

En conséquence, l’article 2 ter est supprimé.

Article 12 (examen délégué) : Modification du positionnement du haut-commissaire à l’énergie atomique

La commission adopte l’amendement CD440 de la commission des affaires économique.

L’article 12 est ainsi rédigé.

TITRE II
ADAPTATION DES RÈGLES DE LA COMMANDE PUBLIQUE
AUX PROJETS NUCLÉAIRES

Chapitre Ier
Sécurisation des procédures relatives à la commande publique
pour les projets nucléaires

Avant l’article 16 (examen délégué)

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD445 de la commission des affaires économique.

Article 16 (examen délégué) : Autorisation des acheteurs publics de déroger à l’obligation d’allotir pour certains projets dans le domaine nucléaire

La commission adopte successivement les amendements CD446, CD447, CD448, CD449, CD450 et CD451 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Article 17 (examen délégué) : Possibilité de recourir à la dérogation relative à la durée des accords-cadres pour certains projets dans le domaine nucléaire

La commission adopte successivement les amendements CD452, CD453 et CD454 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 17 bis (examen délégué) : Ajout d’un critère de crédibilité des offres pour les projets liés à la relance du nucléaire

La commission adopte l’amendement CD455 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 17 bis modifié.

Article 17 ter (examen délégué) : Ajout d’une possibilité d’avenants pour les projets liés à la relance du nucléaire

La commission adopte successivement les amendements CD456, CD457 et CD458 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 17 ter modifié.

Chapitre II
Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux
de la Nation en matière nucléaire

Article 18 (examen délégué) : Exclusion du champ d’application du droit de la commande publique des contrats portant sur certaines parties des installations nucléaires

La commission adopte l’amendement CD459 de la commission des affaires économiques.

L’article 18 est ainsi rédigé.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous reprenons le cours normal de l’examen des articles.

Article 4 : Dispositions relatives à la transparence, l’information et l’association du public

Amendement de suppression CD438 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’article 4 contient de nouvelles mesures visant à renforcer l’information du public ainsi que les échanges de la future autorité avec l’Opecst. Il prévoit également un dispositif organisant la présentation des projets d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR à plusieurs entités. On ne peut que soutenir le principe de la transparence et de l’information du public, mais les dispositions de l’article sont déjà largement satisfaites, que ce soit par la loi ou par la pratique. En outre, il serait paradoxal de faire juger le règlement intérieur par une entité qui soit est financée directement par la future autorité, soit compte parmi ses membres des exploitants que l’autorité serait amenée à contrôler.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je suis d’accord pour supprimer la transmission au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), à l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) et à l’Opecst des projets d’adoption ou de modification du règlement intérieur. Cette disposition, qui a été ajoutée par le Sénat, pose des difficultés d’ordre déontologique. J’ai moi-même déposé un amendement CD402 de suppression de cette disposition qui figure aux alinéas 6 à 8.

En revanche, je ne suis pas favorable à la suppression de l’article dans son ensemble, dans la mesure où celui-ci permettra d’améliorer la transparence des travaux de la potentielle ASNR, à la fois en matière d’association du public, prévue à l’alinéa 4, et sur ses programmes de recherche, à l’alinéa 5. Je demande donc le retrait de cet amendement au profit du CD402. Dans le cas contraire, je donnerai un avis défavorable.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Puisque nous avons en partage la recherche du consensus et la volonté de promouvoir l’information, et ayant moi aussi déposé, à titre personnel, un amendement qui va dans le sens de vos propos, je retire l’amendement.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Sur le plan procédural, le rapporteur pour avis peut-il retirer l’amendement voté par sa commission ?

M. le président Jean-Marc Zulesi. Oui, car s’il est mandaté par sa commission pour porter le message de cette dernière, il est aussi juge de l’opportunité de retirer un amendement. C’est une règle d’usage constant.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD398 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

Amendement CD214 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons que l’ASNR, si elle était créée, ne se contente pas de présenter à l’Opecst et au HCTISN les sujets sur lesquels une association du public est organisée, mais qu’elle définisse ces sujets en lien avec ces institutions. Cela accroîtrait la transparence et favoriserait, du moins peut-on l’espérer, la participation du public.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La potentielle ASNR sera une autorité administrative indépendante et, à ce titre, disposera de moyens pour exercer ses attributions et définir son programme de travail. Cela ne signifie pas qu’elle travaillera seule : l’alinéa 4 prévoit qu’elle présentera à l’Opecst et au HCTISN les sujets sur lesquels une association du public est organisée. Ces deux instances pourront émettre un avis. Cela étant, la future autorité doit pouvoir définir la manière dont elle travaille. Pour cette raison, je suis défavorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD268 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à remplacer le nom d’« Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » par celui d’« Autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire ». Quand, par l’ajout d’un R à ASN, le projet de loi entend marquer l’absorption de l’IRSN, nous proposons, pour notre part, de rendre hommage à l’IRSN et d’en faire une autorité. Cette disposition aurait une portée symbolique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable pour les raisons que j’avais précédemment exposées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD216 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement vise à ce que l’ASNR présente également à l’Anccli les sujets sur lesquels une association du public est organisée.

À proximité de chaque installation nucléaire se trouve une commission locale d’information (CLI) qui regroupe notamment des élus, des syndicalistes travaillant dans la filière nucléaire, des représentants d’associations et des personnalités qualifiées. Ces CLI sont régulièrement associées à ce qui se passe dans les installations nucléaires et sont regroupées au niveau national dans une fédération, dont nous avons auditionné le président. Elles paraissent les mieux placées pour définir ces sujets et l’association de l’Anccli permettrait de maintenir la confiance dans le système nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’article 4 prévoit la présentation de ces sujets au HCTISN, qui compte parmi ses membres douze représentants des CLI. L’Anccli sera donc parfaitement informée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD219 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous souhaitons que la nouvelle autorité, si elle devait voir le jour, présente au Conseil d’orientation des conditions de travail les sujets sur lesquels une association du public est organisée. La radioprotection concerne tous les travailleurs du nucléaire. La part des activités de l’IRSN ayant un lien avec l’ASN est de l’ordre de 40 %. L’institut traite de la radioprotection dans tous les domaines où la radioactivité est présente, y compris dans le secteur médical.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le champ des consultations du Conseil d’orientation des conditions de travail est défini à l’article R. 4641-1 du code du travail. Il ne concerne que la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de la santé et de la sécurité au travail, et de l’amélioration des conditions de travail. Une consultation systématique de ce conseil sur tous les sujets sur lesquels une association du public est organisée me paraîtrait éloignée du champ de ses missions. Par ailleurs, cette instance est déjà associée aux travaux de la nouvelle autorité potentielle, puisque l’article 4 prévoit, en son alinéa 5, que l’ASNR lui communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD218 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous proposons que l’ASNR, si elle était créée, présente au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) les sujets sur lesquels une association du public est organisée. Le domaine d’expertise du HCSP inclut la gestion des risques sanitaires et la conception et l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire. Or l’activité nucléaire a des conséquences sur la santé des travailleurs et des personnes se trouvant à proximité des installations, mais aussi sur l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les missions du HCSP, définies à l’article L. 1411-4 du code de la santé publique, sont assez éloignées du sujet de la participation du public aux décisions prises en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Cette instance sera associée aux travaux de la nouvelle autorité potentielle, puisque l’alinéa 5 de l’article 4 prévoit que l’ASNR lui communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD51 de Mme Mireille Clapot et CD309 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Mireille Clapot (RE). S’agissant du public, il nous paraît que le terme idoine est « participation » plutôt qu’« association ». Il est consacré par la charte de la participation du public du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Cette charte énonce les valeurs et les principes qui constituent le socle d’un processus participatif vertueux. Elle « proclame que toute personne doit pouvoir participer à l’élaboration d’un projet qui la concerne ». Le terme « participation » laissera à la future autorité potentielle la faculté de fixer, selon les cas, le degré d’implication du public : soit une simple information, soit la production d’une expertise collective.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le remplacement de la notion d’association du public par celle de participation conduirait à restreindre le champ des sujets qui devront être présentés à l’Opecst et au HCTISN. La participation du public est une notion précise, définie dans le code de l’environnement. Elle concerne en particulier des sujets pour lesquels est organisé un débat public ou une concertation préalable. Le terme d’association est plus large et peut recouvrir des formes plus souples de consultation du public. Votre amendement va donc à l’encontre de l’objectif qu’il vise. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD13 de Mme Mireille Clapot et CD310 de M. Benjamin Saint-Huile, amendement CD223 de M. Maxime Laisney (discussion commune)

Mme Mireille Clapot (RE). La Commission nationale du débat public (CNDP) est l’autorité indépendante garante du droit à l’information et à la participation du public concernant l’élaboration des projets et des politiques publics ayant un impact sur l’environnement. S’agissant de cette participation aux décisions prises dans le domaine de la sûreté et de la radioprotection, il nous semblerait intéressant, en nous appuyant sur la charte d’engagement de la France sur la participation, de prévoir qu’elle rende un avis annuel. C’est l’objet de l’amendement CD13.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’un des dangers de la réforme est qu’elle pourrait porter atteinte à la transparence. Le public doit être en mesure de comprendre l’organisation du système nucléaire et les choix qui sont faits. C’est une condition nécessaire à l’adhésion d’une part toujours plus importante de la population à notre activité en ce domaine. Confisquer le débat ou le rendre plus difficile enverrait un signal négatif. Prévoir l’avis annuel de la CNDP répondrait pour partie à la question posée.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement CD223 vise à ce que la CNDP, qui est un organisme précieux bien que manquant de moyens, établisse chaque année un bilan de la participation des citoyens aux décisions relatives au nucléaire. Nous vous avons alertés sur la perte de confiance que pourrait entraîner la fusion entre ASN et IRSN, d’autant que celle-ci n’est toujours pas justifiée sur le plan organisationnel – nous n’avons pas reçu de réponse satisfaisante à nos questions. Dans un avis rendu en 2021, la Commission nationale du débat public constatait « qu’une relance de l’énergie nucléaire en France représente un choix démocratique majeur, engageant les générations futures. Toute personne vivant en France doit pouvoir être pleinement informée de ces enjeux et participer à l’élaboration des décisions concernant cette politique. […] La Commission souligne que le public n’a jamais pu être pleinement associé à ces choix énergétiques majeurs concernant l’énergie nucléaire. » Pour y remédier, nous proposons qu’à tout le moins, il puisse y avoir un suivi des mécanismes de participation mentionnés à cet article.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’article L. 121-1 du code de l’environnement dispose déjà que la CNDP a notamment pour mission d’« émettre tous avis et recommandations à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser et développer la participation du public ». Elle s’est particulièrement attachée, au cours des dernières années, à garantir cette participation dans le domaine du nucléaire. Il ne me paraît pas nécessaire d’ajouter une saisine obligatoire annuelle de cette commission. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 4, que la commission des affaires économiques souhaitait supprimer, est l’unique disposition ayant trait à la transparence, à l’information et à l’association du public, ce qui est bien maigre lorsqu’on réforme à la hussarde la gouvernance en matière de sûreté et de sécurité du nucléaire. L’association du public présente toutefois des contours très flous, alors qu’elle est essentielle à un double titre. D’une part, elle est nécessaire pour assurer la confiance du public. D’autre part, il faut mener un véritable débat sur ces questions dans le pays le plus nucléarisé au monde. Les conventions internationales signées par la France, notamment la convention d’Aarhus, prévoient ce principe d’association. Son inscription ne nous dispense toutefois pas de l’expliciter en matière de nucléaire : si on ne le fait pas, il ne sera pas appliqué. Il convient donc de préciser la rédaction de l’article 4.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Les dispositions en vigueur permettent à chaque acteur de se saisir des possibilités offertes en matière de participation.

Ces amendements nourrissent, à mon sens, une illusion dangereuse et pourraient – même si je pense que ce n’est absolument pas l’intention de leurs auteurs – confiner à une forme de démagogie, car ils laissent à penser que le public participerait aux décisions prises dans le domaine de la sûreté et de la radioprotection. En tant que citoyen, je ne souhaite pas participer à ces décisions : je considère qu’elles doivent être prises par des experts, qui doivent pouvoir le justifier auprès d’autres experts et de spécialistes. Je suis favorable à l’information et à l’association des citoyens, et au fait que des scientifiques puissent contester certains choix, mais je ne voudrais pas qu’on laisse croire que le grand public pourrait participer directement à ce type de décisions.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous sommes un certain nombre à considérer que le projet de loi, dans son ensemble, revient sur les efforts de transparence qui ont été menés à partir de la création de l’IRSN, en 2002, et de l’ASN, en 2006. Jean-Claude Delalonde, président de l’Anccli, que nous avons auditionné, a expliqué à quel point le développement du dialogue entre la société civile et l’IRSN, d’un côté, et l’ASN, de l’autre, avait permis de restaurer une forme de confiance du public dans le nucléaire, ses opérateurs et le système de régulation. Il a évoqué la possibilité de maintenir les dialogues techniques entre la société civile, souvent représentée par les CLI, et les instances d’expertise et de contrôle – tel est, d’ailleurs, l’objet de l’un de nos amendements.

Il ne s’agit pas de dire qu’un citoyen lambda ou un député, qui n’ont aucune expertise en matière de sûreté nucléaire, sont en mesure de déterminer s’il faut arrêter un réacteur ou changer des soupapes. L’idée est d’associer le public pour lui permettre de comprendre la décision, ce qui, comme l’a indiqué M. Delalonde, accroît la robustesse des avis d’expertise publiés.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je m’étonne des propos du rapporteur pour avis. J’ai un peu l’impression que l’on retourne à l’âge de pierre, patriarcal, où l’on opposait les sachants aux citoyennes et aux citoyens, qui étaient infantilisés. Je rappelle que le droit à l’information et à la participation des citoyennes et des citoyens aux décisions ayant un impact sur l’environnement est inscrit dans la Constitution. Par ailleurs, à l’échelle internationale, la transparence, l’information et la participation des citoyennes et des citoyens en matière de sûreté nucléaire sont un des piliers de la sûreté – ces principes font d’ailleurs partie des standards de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) – parce qu’ils obligent les acteurs à s’améliorer. Il ne s’agit pas de faire de M. ou Mme Tout-le-monde un expert de la sûreté nucléaire, mais de permettre à chacun de comprendre les tenants et les aboutissants de la question et d’assurer la transparence des informations. L’argumentation livrée en réponse aux amendements me paraît très préoccupante.

Mme Mireille Clapot (RE). Je ne suis pas du tout d’accord avec ce qu’a dit le rapporteur pour avis. Nous vivons une période dans laquelle le citoyen a beaucoup de mal à s’approprier la chose publique. En notre qualité de parlementaires, nous avons une responsabilité en la matière. Le principe de l’information et de la transparence est inscrit dans la loi et les conventions internationales. On ne peut pas balayer d’un revers de main cette obligation en disant que les citoyens, M. ou Mme Michu, ne seront jamais des experts du nucléaire. Le succès de la réforme dépendra de l’information apportée à la population, qui devra évidemment s’accompagner d’un effort de pédagogie. Je ne voudrais pas que l’on donne l’impression que l’on veut cacher quelque chose aux citoyens.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il n’est pas très sérieux de laisser penser que l’intention est de laisser prendre les décisions en matière de sûreté nucléaire par des inconnus n’y connaissant rien. Nous considérons que la disparition programmée de l’IRSN et de sa pratique de la transparence remettrait en cause un des fondements de la sûreté, qui est la confiance. Ce que nous demandons ne coûte pas grand-chose : nous voudrions que la CNDP, une fois par an, puisse qualifier la manière dont le public est associé et participe, de près ou de loin, aux décisions concernant la sûreté nucléaire. Les Français attentifs à ces questions n’en deviendront pas pour autant des experts. J’aimerais que l’on s’éloigne un peu de la caricature et que l’on s’attache à l’esprit de ces amendements : cela permettrait de prendre conscience qu’ils peuvent participer à la réussite de la relance.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Madame Batho, puisque vous m’avez mis en cause personnellement, je souhaite vous répondre. Au sein de votre groupe, des gens font le lien entre féminisme et lutte antinucléaire. Je n’établis pas une telle relation, pas plus que je n’en fais entre le soutien au nucléaire et quelque forme de patriarcat que ce soit. Je ne sais pas si, en mentionnant ce lien, vous essayez de me traiter de sexiste, mais je récuse évidemment toutes ces accusations. Je propose que l’on s’en tienne au fond des choses.

M. Gérard Leseul (SOC). Ce qui est en question, à travers ce texte, c’est la confiance que le citoyen peut avoir dans le processus, l’industrie et les autorités de sûreté nucléaire. Ces amendements proposent de rendre compte régulièrement de la manière dont la consultation des citoyens, de M. et Mme Michu, peut être réalisée. Cela me semble relever du bon sens, afin d’éviter tout complotisme ou inquiétude majeure à l’égard d’un texte dont on ne sait finalement pas qui en a été le premier initiateur. Ces trois amendements vont dans le sens d’une transparence souhaitable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD221 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Il s’agit de modifier l’alinéa 5 selon lequel la nouvelle autorité, si elle était créée, devrait communiquer « la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétence […] ». Nous souhaitons enlever le terme « principaux ». Alors qu’il est question de transparence, de participation du public et de confiance, ce terme peut induire l’idée d’une transparence sélective : on ignore quels seront les critères retenus pour juger qu’un résultat est principal ou ne l’est pas.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’alinéa 5 ne fait que transférer à la potentielle nouvelle autorité une obligation d’information qui s’imposait déjà à l’IRSN, mais qui figurait dans la partie réglementaire du code de l’environnement. Le projet de loi va toutefois plus loin puisqu’il prévoit que la nature et les principaux résultats des programmes de recherche seront également transmis à l’Opecst, ce qui est une bonne chose. En outre, mon amendement CD397 à l’article 3, que nous avons adopté, prévoit que la nouvelle autorité présente chaque année ses programmes de recherche devant l’Opecst. Nous avons donc encore élargi le champ de l’information. Vous noterez que mon amendement mentionne bien tous les programmes de recherche, à présenter devant les dix-huit sénateurs et les dix-huit députés de l’Opecst. Nous avons donc déjà renforcé les dispositions relatives à la recherche, et en particulier en matière de transparence de ces travaux. La rédaction actuelle me paraît équilibrée. À défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Qu’en est-il de la présentation des résultats aux autres institutions ? Si vous êtes satisfait d’aller plus loin que les dispositions existantes, pourquoi vous arrêter en si bon chemin ?

M. Bruno Millienne (Dem). Que faites-vous des programmes de recherche qui relèvent du secret-défense si vous enlevez l’adjectif « principaux » ? Même les programmes de recherche relevant du secret-défense devraient alors être publiés si nous créions l’ASNR. D’un seul point de vue d’exposition à la concurrence, votre proposition n’a pas de sens : alors que vous n’arrêtez pas de vanter l’excellence de notre appareil d’expertise nucléaire, vous proposez que tout soit publié en données ouvertes. Je veux bien la transparence quand c’est possible, mais la transparence totale conduirait à empêcher toute prise de décision de peur d’être attaqué sur un point ou un autre.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La réflexion de notre collègue Bruno Millienne montre qu’un point de la réforme voulue par le Gouvernement n’est pas compris : on met fin à une approche conjointe des nucléaires civil et militaire, ce qui signifie que les programmes de recherche de l’ASN ne pourront pas avoir une dimension militaire ou relever du secret de la défense nationale.

M. Bruno Millienne (Dem). Et la concurrence, vous en faites quoi ?

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Eh bien, je suis contre cette réforme, cher collègue. Vous devriez être contre aussi pour les mêmes raisons.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). La concurrence en matière de sûreté, on aura tout entendu… Autre argument allant dans le sens de la publication des résultats de recherche, que nous avons déjà soulevé : pour qu’une expertise soit à la pointe – en matière de sûreté nucléaire ou dans un autre domaine –, il faut qu’elle s’appuie sur la recherche. Comme disait le général de Gaulle : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! » Vous devez la connaître par cœur cette citation, monsieur Millienne. Ce projet de loi va plutôt inciter les chercheurs à chercher du travail ailleurs : un thésard, qui a envie que ses travaux soient publiés, n’ira pas dans un organisme où ses résultats de recherche resteront secrets. Pour qu’elle soit de qualité, l’expertise doit s’appuyer sur des travaux conduits par des chercheurs qui auront envie de rester parce que leurs résultats seront publiés.

Mme Huguette Tiegna (RE). Je vais essayer de remettre l’église au milieu du village ou, si vous préférez, le réacteur au milieu de la salle de la commission. La publication des résultats de recherche obéit à des règles. Les travaux d’un thésard sont publiables s’il travaille dans une université sur des sujets qui ne sont pas secrets. En revanche, les résultats sont publiés dans un cadre bien précis lorsque le projet de recherche est, par exemple, sous-traité par une entité désirant en garder la confidentialité. Madame Batho, lorsqu’une entité militaire sous-traite un projet à une entreprise ou une université très pointue dans un domaine, la confidentialité est toujours gardée. C’est toute la question de la dualité. Pour avoir fait un rapport sur l’innovation dans le cadre de la loi de programmation militaire, je peux vous dire que de tels cas existent. Vous ne pouvez pas exiger de tout publier alors que certains sujets sont confidentiels. D’ailleurs, combien de personnes ici présentes peuvent comprendre les formules d’une recherche publiée ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Revenons de manière pragmatique à la rédaction de l’alinéa 5 de cet article : l’ASNR « communique la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétence aux autorités concernées ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, aux différentes commissions permanentes compétentes, au Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, au Haut Conseil de la santé publique et au Conseil d’orientation des conditions de travail, selon leurs domaines de compétence respectifs. » Partant de là, j’adhère aux propos tenus par des personnes qui ont fait de la recherche, telles que Mme Tiegna.

Nous allons modifier le passage où il est fait référence « aux différentes commissions permanentes compétentes », cette mention ajoutée au Sénat nécessitant une modification rédactionnelle. La communication concernera donc l’Opecst et les membres des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat – à savoir, à l’Assemblée, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et la commission des affaires économiques –, mais aussi le HCTISN, le HCSP et le COCT (Conseil d’orientation sur les conditions de travail). Il me semble tout de même que nous allons ainsi relativement loin en termes de transparence. Si le projet aboutit, j’espère que vous serez aussi nombreux à assister à ces présentations que lorsqu’il s’est agi de voter pour la suppression de l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD399 du rapporteur.

Amendement CD400 du rapporteur

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’alinéa 5 fait référence aux commissions parlementaires compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Si vous voulez que les travaux de recherche de la future autorité soient présentés devant vos commissions respectives, c’est maintenant qu’il faut le dire en votant pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD4 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (RE). Cet amendement vise à supprimer la consultation du HCTISN, car cet organisme comprend des membres de la future ASNR qui deviendrait ainsi juge et partie. L’adoption de l’amendement permettrait d’éviter tout conflit d’intérêts.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Contrairement aux suivants, l’alinéa 5 prévoit une simple communication au HCTISN : il ne s’agit pas de demander au Haut Conseil de donner son avis ou de formuler des recommandations. Dans ce cadre, il ne me semble pas que cette instance se retrouve juge et partie. Il s’agit seulement d’améliorer la transparence et l’information du public. À défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CD247 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement vise à s’assurer que la future ASNR communique également à l’Anccli la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétences.

Nous considérons que ce projet de loi, qui vise à repenser en profondeur l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire, doit aussi permettre d’inscrire dans la loi les acquis et progrès de ces vingt dernières années en termes de transparence et de participation du public.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Une telle communication est prévue au HCTISN, qui compte parmi ses membres douze représentants des CLI. L’Anccli sera donc bien informée grâce aux membres des CLI qui siègent au HCTISN. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD402 du rapporteur et CD194 de M. Antoine Armand

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le Sénat a complété l’article 4 pour prévoir que les projets d’adoption ou de modification du règlement intérieur de l’ASNR seront transmis à l’Opecst, au HCTISN et à l’Anccli, qui pourront formuler des observations. Je vous propose de supprimer cette disposition qui soulève des difficultés, en particulier sur le plan déontologique.

En effet, le HCTISN comporte plusieurs collèges ayant des liens forts avec la future autorité, et même l’actuelle. En particulier, celui des exploitants serait amené à formuler un avis sur la manière dont fonctionnera son contrôleur. La quasi-totalité des membres du HCTISN pourrait se trouver en difficulté ou en conflit d’intérêts pour examiner le règlement d’une AAI.

Quant à l’Anccli, elle est actuellement financée par l’ASN à hauteur de 1,2 million d’euros par an. La validation par l’Anccli du règlement intérieur de l’autorité, qui la finance, est susceptible de créer des blocages.

S’agissant de l’Opecst, de nombreuses dispositions du projet de loi permettent de mieux l’associer au suivi et au contrôle de la sûreté nucléaire. J’ai d’ailleurs proposé des amendements en ce sens. La transmission à l’Opecst du projet de règlement intérieur me paraît d’autant moins indispensable que ce règlement sera rendu public et pourra faire l’objet de recours. La future autorité pourra d’ailleurs, si elle le souhaite, échanger avec les membres de l’Anccli, du HCTISN ou de l’Opecst pour élaborer son règlement intérieur.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je ne saurai pas être plus clair et plus complet que le rapporteur.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ces dispositions, arrivées par le biais d’amendements sénatoriaux, démontrent toute l’ineptie de cette réforme. Le Sénat a estimé, à juste titre, que le règlement intérieur n’offrait pas de garantie puisqu’il pouvait être modifié, contrairement à la loi. Il a donc ajouté de nombreux garde-fous concernant la validation et la modification du règlement intérieur. Nous le comprenons puisque, comme nous l’avons répété, les éléments fondamentaux nécessaires à une bonne sécurité et sûreté nucléaires dans notre pays ne sont pas garantis dans le reste du texte.

À cet égard, nous avons grandement amélioré le texte en supprimant son article 1er. Pour tenir compte du vote démocratique de cette commission, nous devrions donc parler d’hypothétique future autorité plutôt que de future autorité. Pendant toute la soirée, vous n’avez eu que deux verbes à la bouche : fluidifier et simplifier. Or nous constatons que l’on complexifie les choses et que le doute s’est immiscé parmi nos collègues sénateurs comme ici : le règlement intérieur d’une hypothétique future autorité ne peut absolument pas garantir dans le temps la stabilité et la transparence nécessaires, piliers de notre système de gouvernance de sûreté.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Les rapporteurs veulent supprimer les alinéas 6 à 8, en invoquant des conflits d’intérêts qui n’existent pas. Ces alinéas prévoient que le projet de règlement sera présenté à l’Opecst et au HCTISN, qui pourront formuler des observations. Avouez que nous avons vu pire en termes de conflit d’intérêts ! Nous pourrions penser, par exemple, à la commission d’enquête sur l’A69. Nous ne sommes pas du tout dans ce genre de cas de figure.

Le Gouvernement et les rapporteurs font comme si la dissolution de l’IRSN dans l’ASN était à prendre ou à laisser. En tout cas, c’est ce qui va apparaître lors des débats en séance puisque, pour notre part, nous avons repoussé cette perspective en rejetant l’article 1er. En séance, ce seront les termes du débat : soit vous êtes pour dissoudre l’IRSN dans l’ASN et donner les pleins pouvoirs au président de la nouvelle autorité pour faire ce qu’il veut en termes de mission et de fonctionnement ; soit vous êtes contre. En tant que législateurs, vous vous dessaisissez de la capacité de faire des observations sur le règlement intérieur par le biais de l’Opecst et du HCTISN. Nous voterons contre ces amendements.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Pour la clarté des débats, j’indique que l’adoption de ces amendements ferait tomber les autres amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les autres amendements à l’article tombent.

La commission adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement CD275 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous proposons de revoir la composition des CLI, constituées de quatre collèges : des élus – des parlementaires jusqu’aux conseillers municipaux ; des organisations syndicales ; des associations de protection de l’environnement ; des personnalités qualifiées et représentant les professions médicales. Actuellement, les élus locaux doivent représenter au moins 40 %, mais leur part se situe plutôt aux alentours de 60 %. Aux dires du président de l’Anccli, certains élus participent assez peu alors qu’ils pèsent pourtant lourd. Quand des élus locaux sont amenés à se prononcer sur des projets nucléaires dans leur coin, ils n’oublient pas les emplois à la clé et les retombées fiscales. Ils ne voient pas les choses tout à fait de la même façon que ceux qui appartiennent à une organisation syndicale, une association de protection dans l’environnement ou au collège des personnalités qualifiées.

Nous proposons un rééquilibrage : faire en sorte que les quatre collèges soient représentés à parts égales, chacun à hauteur de 25 % de représentants. C’est ainsi que fonctionne la direction de l’Anccli au niveau national. M. Jean-Claude Delalonde, son président, insistait sur le fait que toutes les décisions de l’Anccli – qui regroupe des pro‑-nucléaires et des anti-nucléaires – sont prises à l’unanimité. Qu’ils soient pour ou contre le nucléaire, ses membres sont tous habités par l’obsession de la sûreté nucléaire. Il nous semble que ce modèle pourrait être décliné au niveau local.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Sur le fond, il ne me semble pas souhaitable de modifier l’équilibre actuel de la composition de la CLI. Quoi qu’il en soit, votre amendement pose un problème de forme. Il tend à supprimer l’article L. 125-10 du code de l’environnement ; or cet article est important, car il prévoit le droit pour toute personne d’obtenir des informations détenues par l’exploitant d’une installation nucléaire de base sur les risques en termes de sécurité et de santé, et sur les mesures qu’il a prises pour prévenir ou réduire ces risques. En fait, vous auriez dû viser l’article L. 125-20 du code de l’environnement, relatif à la composition des CLI.

Je vous invite donc à retirer cet amendement car la suppression demandée n’aurait aucun sens. Si pour une fois, vous étiez d’accord avec moi…

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Une fois n’est pas coutume, je vais vous faire confiance, et je vous remercie pour le tuyau, qui va nous permettre de réécrire l’amendement de manière correcte en vue des débats en séance. D’ici là, j’espère vous convaincre qu’il serait plus sain de faire en sorte que les quatre collèges soient représentés à parts égales plutôt que de donner un poids surdimensionné aux élus.

L’amendement est retiré.

Amendement CD226 de M. Maxime Laisney

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Dans son avis n° 17 sur ce projet de loi, le HCTISN avait écrit : « Face aux enjeux multiples auxquels la filière nucléaire civile est confrontée (changement climatique, vieillissement des installations, projets de SMR/AMR4 qui pourraient essaimer sur le territoire, etc.), de même que la filière nucléaire militaire (démantèlement des sous-marins nucléaires, par exemple), la transparence et l’implication du public constituent plus que jamais un impératif. »

Comme nous l’avons dit, l’article 4 est insuffisant en matière de transparence, car la plupart des modalités et des discussions sont prévues dans le cadre d’un règlement intérieur sur lequel on n’a pas de prise. Il nous semble néanmoins que le HCTISN pourrait juger des efforts engagés par la nouvelle autorité, si elle était créée, afin de répondre aux objectifs de transparence et de participation du public. Il pourrait aussi émettre des avis et proposer des mesures qui pourraient améliorer ou garantir la transparence, et faire en sorte que les questions de sécurité nucléaire puissent être discutées au-delà des cercles d’experts.

C’est pourquoi nous proposons que le HCTISN publie un rapport annuel portant sur l’état de la transparence et de la participation du public en matière de sécurité et sûreté nucléaires, présenté à l’Opecst.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement est satisfait par le droit existant. D’une part, l’article L. 125-36 du code de l’environnement prévoit que le HCTISN établit un rapport annuel d’activité qui est également rendu public. D’autre part, l’article L. 125-34 permet d’émettre des avis sur toute question liée à la transparence et à la participation du public en matière nucléaire. Ces avis sont rendus publics. Enfin, ce même article prévoit que le HCTISN peut être saisi par l’Opecst de toute question relative à l’information concernant la sécurité nucléaire et son contrôle. À défaut d’un retrait, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD225 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous proposons d’élargir la capacité de saisine de l’ASNR – l’éventuelle future autorité qui fusionnerait l’IRSN dans l’ASN – pour avis ou étude à soixante parlementaires, à l’Anccli ou au HCTISN, dans un souci d’approfondissement de ce que nous pourrions appeler la démocratie technique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Concernant la saisine par des parlementaires, l’article L. 592-29 du code de l’environnement prévoit que l’ASN – et hypothétiquement l’ASNR – peut être saisie par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ou par l’Opecst.

S’agissant du HCTISN, l’article 4 permet de mieux associer ce Haut Conseil aux travaux de la potentielle nouvelle autorité. Cette dernière devra lui transmettre tous les sujets sur lesquels une association du public est organisée, et rendre compte de la mise en œuvre de cette association du public. Le HCTISN pourra émettre un avis. Il est également prévu qu’il soit destinataire des principaux programmes de recherche menés par l’Autorité. Enfin, je rappelle que les CLI sont représentées au sein du HCTISN par douze membres. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD340 de M. Emmanuel Maquet

M. Emmanuel Maquet (LR). L’ASN et l’IRSN disposent de leur propre cellule d’urgence en cas de crise. Tant le rapport de l’Opecst que le rapport d’information sur l’évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire plaident pour la création d’un centre de crise unique. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’existence d’un centre de crise unique est, en effet, l’une des justifications de la réforme. Néanmoins, cette précision, qui concerne le fonctionnement de l’hypothétique future autorité unique, n’a pas sa place dans la loi. Je demande le retrait de l’amendement, sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CD273 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les moyens du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, notamment sur la possibilité de les augmenter afin de faire face au surcroît d’activité qu’implique la relance du programme nucléaire décidée par le Gouvernement.

La hausse des moyens du HCTISN permettrait également de lutter contre les conflits d’intérêts. Faute d’administration propre, les rapports sont rédigés par les membres eux-mêmes, qui peuvent être tentés de défendre des intérêts. Enfin, le HCTISN joue un rôle important puisqu’il émet des avis sur les activités nucléaires, la santé des personnes et l’environnement. Il peut aussi proposer des mesures de nature à garantir ou améliorer la transparence.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La relance du nucléaire devrait en effet se traduire par un regain d’activité en matière de sûreté nucléaire et une hausse des coûts. L’enveloppe de 150 000 euros par an allouée au HCTISN n’est jamais intégralement dépensée – elle l’est à peine à moitié. Le budget du Haut Conseil fait l’objet d’un contrôle du Parlement dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF). Les prochains PLF seront l’occasion de nous intéresser de plus près aux moyens dont il dispose. Je vous invite donc à retirer l’amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 bis (supprimé) : Rôle et composition de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs

Amendement de suppression CD436 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’Opecst peut solliciter l’expertise de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et déchets radioactifs (CNE2), sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi. Cela ne dépend que de la bonne volonté des membres de l’Office. Il appartient aux parlementaires d’utiliser les outils mis à leur disposition.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet article pose problème en ce qu’il prévoit que le haut-commissaire à l’énergie atomique, chargé de conseiller le Gouvernement en matière de politique nucléaire, est membre de droit de la CNE2, qui est censée être une autorité indépendante. Il conviendrait donc de modifier cette disposition.

Vous allez plus loin en proposant la suppression pure et simple de l’article, qui, il est vrai, n’apporte pas grand-chose au droit existant. J’émets donc un avis de sagesse bienveillante.

J’ajoute que le président de l’Opecst, que j’ai interrogé, n’a rien trouvé à redire à cette idée.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 bis est supprimé et les amendements CD249 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD406 du rapporteur tombent.

Article 4 ter : Correction d’une erreur rédactionnelle

La commission adopte l’article 4 ter non modifié.

Article 4 quater : Transmission à l’Opecst du rapport annuel d’activité de l’ASNR

Amendement de suppression CD437 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’article prévoit la remise à l’Opecst du rapport annuel d’activité de la future autorité avant sa publication. C’est la pratique actuelle et c’est aussi déjà prévu par d’autres dispositions.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. En effet, l’ASN a l’habitude de transmettre son rapport avant sa publication, mais la précision me paraît utile afin de s’assurer que la nouvelle autorité conserve cette bonne pratique. Demande de retrait.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Nonobstant l’argumentation et l’expérience du rapporteur, je maintiens l’amendement.

M. Gérard Leseul (SOC). La commission des affaires économiques a systématiquement écarté les précisions apportées par le Sénat, que ce soit sur le fonctionnement de l’autorité ou en matière de transparence. Il est regrettable que le rapporteur pour avis ne fasse pas droit à la demande de retrait.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Mon avis, à titre personnel, sera iconoclaste. Depuis quand une autorité indépendante peut-elle soumettre son rapport annuel avant publication à une commission parlementaire ?

Tous ces articles tournent autour du pot pour essayer de masquer le recul de la transparence en matière de sûreté nucléaire que marque la réforme. Le seul sujet qui doit nous préoccuper est la publication des expertises en amont de la décision. Si elle est garantie, il deviendra inutile de charger la barque de l’Opecst et d’inventer des règles qui ne sont pas conformes à nos institutions – l’autorité ne doit soumettre son rapport ni à l’Assemblée nationale, ni au Gouvernement, ni à qui que ce soit, sinon elle n’est plus indépendante.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 4 quater non modifié.

Section 2
Dispositions transitoires

Article 5 : Transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN et continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Amendements de suppression CD68 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD105 de M. Sébastien Jumel

Mme Chantal Jourdan (SOC). Il s’agit, dans le droit-fil de la suppression de l’article 1er, de réaffirmer la nécessité de préserver notre système dual de sûreté nucléaire.

M. Édouard Bénard (GDR). En cohérence avec les amendements de suppression des articles 1er, 2 et 3, il est proposé de supprimer cet article.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne peux évidemment pas être favorable à ces amendements qui marquent une opposition de fond à la réforme. L’article 5 comporte des dispositions techniques et transitoires indispensables au bon déroulement de celle-ci.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’ai l’impression d’être dans un mauvais film de science-fiction.

L’article 5 comprend les dispositions transitoires pour la continuité du service. Il prévoit le transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN. Or la commission a rejeté la création de la nouvelle autorité au profit de laquelle ledit transfert devait s’effectuer. Nous faisons comme si la commission ne s’était pas prononcée en faveur de la suppression de la nouvelle autorité hypothétique.

Chers collègues, lorsqu’un projet est si contesté qu’il ne passe pas l’étape de la commission, ne faut-il pas revenir à un peu de bon sens en décidant de suspendre une réforme qui ne rime à rien ?

Ce que nous faisons n’a aucun sens. Il est trop tard pour figurer demain dans Le Canard enchaîné mais nul doute que nos travaux y feraient un bon article.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je plaide pour la cohérence. Deux clans s’opposent : l’un qui fait comme s’il ne s’était rien passé ; l’autre qui prend acte du vote d’une majorité pour supprimer l’article 1er. Nous voterons donc en faveur des amendements de suppression de l’article 5.

M. Bruno Millienne (Dem). Je reconnais le caractère ubuesque de notre travail ce soir. Néanmoins, c’est ainsi que les choses se passent dans toutes les commissions : l’adoption d’amendements de suppression n’empêche pas de poursuivre l’examen du texte – vous en avez l’expérience pour vos propres textes dans le cadre des niches parlementaires.

Pourquoi procédons-nous ainsi ? L’article 1er sera débattu en séance publique et le travail préparatoire aura ainsi été mené à son terme sur les autres articles dans l’hypothèse de son adoption. Il n’y a là rien d’étonnant, c’est le travail parlementaire, ne faites pas mine de l’ignorer.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La situation est ubuesque en effet, non seulement parce que l’article 1er a été rejeté, mais aussi parce que la réforme a déjà été repoussée par notre assemblée il y a quelques mois.

Vous avez été battus lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, vous revenez avec un nouveau texte et vous êtes de nouveau battus, mais vous continuez.

L’absence de réponses à toutes les questions que nous vous posons est très inquiétante – je pense en particulier au financement de la recherche. Depuis des mois, vous préparez une réforme sur un sujet aussi important que la sûreté nucléaire pour finalement nous proposer un projet de bric et de broc dont se dégage une forte impression d’impréparation.

Nous travaillons sur un projet dont personne ne veut, à part vous. Il faut parfois savoir se remettre en question. Vous n’écoutez personne : ni les syndicats, ni les élus, ni les scientifiques. Mais sachez que vous ne détenez pas seuls la vérité. Vous avez par deux fois été mis en échec sur cette réforme. Nous aurions pu lever la séance pour nous épargner le ridicule de nos débats.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD407, CD405 et CD408 du rapporteur.

La commission adopte l’article 5 modifié.

Chapitre II
Ressources humaines

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 6 : Statut des personnels de la future autorité, instances et règles du dialogue social et harmonisation des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature

Amendements de suppression CD69 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CD108 de M. Sébastien Jumel

M. Gérard Leseul (SOC). Nous nous opposons au projet de fusion des deux organismes, raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 6.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je me suis déjà longuement exprimé. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 6 concerne les personnels de l’hypothétique nouvelle autorité. Il nourrit l’impression de bric et de broc puisque l’entité réunira des salariés de droit public et de droit privé. Il confirme également l’impréparation totale de la réforme tant le flou demeure sur de nombreux points : comment réunir au sein d’une autorité administrative indépendante des fonctionnaires, qui sont en minorité, et des contractuels de droit privé ? Monsieur Millienne, il me semble que vous avez pris des engagements auprès de l’intersyndicale. Il s’agirait de tenir parole.

L’article cherche à mêler des éléments inconciliables. Faute de clarifier leur devenir, il suscite de très vives inquiétudes chez les salariés de part et d’autre. Il leur sera difficile de travailler ensemble. L’adhésion des employés est pourtant indispensable au succès d’une telle réorganisation.

L’article 6 témoigne une fois encore de votre bricolage sur un sujet aussi important que la sûreté nucléaire.

M. Bruno Millienne (Dem). Madame Laernoes, vous me mettez en cause alors que vous n’étiez pas présente lors de mes échanges avec l’intersyndicale. Vous ne pouvez donc pas présumer de ce que j’ai dit, reconnaissez-le.

À l’origine, ma préférence allait au modèle d’autorité publique indépendante (API) plutôt que d’AAI. Mais, après avoir étudié les statuts de l’une et de l’autre, je suis gêné par l’impossibilité pour les personnels de l’ASN d’être intégrés dans une API alors que dans toutes les AAI, coexistent des contrats de droit public et de droit privé.

Autre argument, la responsabilité directe de l’API n’est pas une bonne chose à mes yeux. Dans ce domaine, le statut de l’AAI est plus protecteur pour les citoyens et leur sécurité.

Voilà les raisons pour lesquelles j’ai changé d’avis. Je n’ai pas dit non par principe à l’IRSN. J’ai essayé d’analyser les statuts sans œillères pour me prononcer.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet article illustre l’une des nombreuses difficultés posées par votre volonté de dissoudre l’IRSN dans l’ASN pour faire disparaître l’expertise. Je rappelle que l’IRSN compte 1 700 salariés et l’ASN, 500. Lorsqu’on dissout du sel dans l’eau, le sel disparaît mais la solution devient imbuvable.

Les rapporteurs peuvent-ils prendre l’engagement que l’ensemble des salariés de la nouvelle autorité seront payés au 1er janvier 2025 ?

Mme Huguette Tiegna (RE). Quand on met du sel dans de l’eau, il ne disparaît pas, il se dissout.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. C’est le principe de Lavoisier.

Le projet de loi a été précédé de consultations tous azimuts. J’ai, par exemple, participé à une réunion organisée par Gérard Leseul avec le président de l’Anccli. Le Gouvernement a consulté les organisations syndicales. Des groupes de travail ont été mis en place, qui attendent sans doute de savoir s’ils poursuivent leur réflexion.

S’agissant des rémunérations, il est prévu de consacrer à leur amélioration 15 millions d’euros supplémentaires pour l’IRSN et 700 000 euros pour les contractuels de l’ASN. Une des priorités sera évidemment de garantir aux salariés de la nouvelle entité, si elle voit le jour, qu’ils seront bien payés. C’est du bon sens.

Nous ne pouvons pas débattre du texte uniquement à partir de questions, qui, nonobstant leur importance, sont de nature technique.

Il est certain que tout ne fonctionnera pas parfaitement au 1er janvier – c’est le lot des réorganisations d’ampleur. Cela prendra du temps.

La loi a vocation à acter les principes qui gouverneront la nouvelle autorité au sein de laquelle le continuum entre recherche, expertise et décision sera préservé et renforcé grâce à des moyens financiers et humains supplémentaires.

M. Stéphane Delautrette (SOC). La loi a vocation à acter les principes, dites-vous. Mais avant de légiférer, il faut se demander pourquoi on le fait.

Nous sommes bien dans un débat de science-fiction. Nous avons demandé à de nombreuses reprises à avoir communication du fameux rapport de Daniel Verwaerde pour comprendre le bien-fondé du projet de loi. Je ne conteste pas l’existence de consultations mais elles ont abouti à la rédaction d’un rapport que vous refusez de nous transmettre. Personne, ce soir, n’a été capable de nous expliquer ce qui justifie la réforme. Quand aurons-nous connaissance de ce rapport pour éclairer nos discussions et décider de ce que nous voulons acter ?

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD269 de M. Gérard Leseul.

Amendement CD344 de M. Maxime Laisney et amendements identiques CD23 de Mme Mireille Clapot et CD119 de M. Sébastien Jumel (discussion commune)

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Si d’aventure l’obstination des dissolveurs devait aller à son terme – je parle bien de dissolution, car la fusion n’est pas la bonne description, d’autant que c’est vraiment une dissolution façon puzzle, et qui ne concerne qu’à peine 40 % des activités de l’IRSN –, nous proposons, en accord avec l’intersyndicale, que l’éventuelle nouvelle autorité ne soit pas dotée d’un comité social d’administration (CSA) comme le prévoit cet article, mais d’un comité social et économique (CSE), qui concernerait l’ensemble des personnels, et qui permettrait une meilleure représentation des salariés et un meilleur dialogue social. Ce serait une façon d’attirer des gens, ou en tout cas d’arrêter de les faire fuir.

Mme Mireille Clapot (RE). Nous touchons ici à un point sensible. Le personnel s’inquiète ; or il est toute la richesse de notre système de sécurité nucléaire, que le monde entier nous envie. J’entends leurs inquiétudes. Je ne suis pas contre le changement, mais pour l’accompagnement du changement. Le statut d’autorité publique indépendante permet la création d’un comité social et économique plutôt que d’un CSA.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable. L’article 6 prévoit en effet de créer un comité social d’administration qui sera une structure de dialogue social spécifique, reposant sur deux commissions instituées pour garantir la représentation de chaque catégorie de personnels. La commission des agents publics exercerait des attributions des comités sociaux d’administration et la commission des salariés exercerait toutes les attributions des comités sociaux et économiques, mais seulement lorsqu’elles concernent, de manière exclusive, les personnels de droit privé. Une formation plénière sera compétente pour les questions relatives aux domaines transversaux et une formation spécifique sera chargée, pour l’ensemble des personnels, des questions de santé, de sécurité et des conditions de travail.

Vos amendements tendent à remplacer ce CSA par un comité social et économique tel qu’il existe au sein de l’IRSN, tout en appelant à la constitution d’une API plutôt que d’une AAI. Sur ce dernier point, j’ai déjà répondu : le statut d’AAI est davantage protecteur pour les personnels, en particulier les fonctionnaires – 400 personnes tout de même – auxquels l’API ne conviendrait pas.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je me permets d’insister : si vous voulez que cette histoire de fusion fonctionne, vous ne pouvez pas la faire contre les gens qui vont faire le travail ! Vous avez rappelé qu’il y a eu 55 démissions à l’IRSN, sur 1 700 salariés : cela peut paraître dérisoire, mais lorsque nous avons auditionné le président de l’IRSN il y a quelques mois, il nous disait que cela représentait déjà une augmentation de moitié par rapport à l’année précédente. Dans leur très grande majorité, les salariés de l’IRSN, de l’ASN et du CEA ne veulent pas de cette réforme. Essayez au moins d’entendre leurs revendications qui sont, en l’occurrence, proprement syndicales – jusque-là, nous parlions du fond et l’intersyndicale nous conseillait sur des questions qui ont trait à la sûreté et à la sécurité nucléaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements identiques CD24 de Mme Mireille Clapot et CD94 de M. Sébastien Jumel, les amendements identiques CD26 de Mme Mireille Clapot et CD121 de M. Sébastien Jumel et les amendements identiques CD27 de Mme Mireille Clapot et CD122 de M. Sébastien Jumel.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD414 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CD123 de M. Sébastien Jumel, CD341 de M. Emmanuel Maquet et CD124 de M. Sébastien Jumel.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD415 du rapporteur.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CD125, CD126 et CD127 de M. Sébastien Jumel.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Section 2
Dispositions transitoires

Article 7 : Transfert des salariés de l’IRSN à l’ASNR et au CEA

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 7, qui traite du transfert des salariés, porte encore un peu plus atteinte à la sécurité nucléaire. Il soulève des questions nombreuses, que nous pourrons poser demain au ministre. Commencer son examen à cette heure tardive et dans le contexte que vous connaissez n’est pas opportun.

Malgré votre défaite sur l’article 1er, vous voulez passer en force. Vous pouvez protester bruyamment, mais cet article pose vraiment problème : oui, c’est un passage en force.

Je suis désolée mais, hier, nous sommes revenus à vingt heures quarante-cinq du Congrès à Versailles et nous avons siégé en commission des affaires économiques de vingt et une heures à minuit et demi. Voilà les conditions de l’examen de ce texte. Vous voulez accélérer parce que vous n’êtes pas à l’aise, et que dès qu’il y a un débat, vous perdez des votes, ce qui fragilise votre réforme.

Cet article 7 est important et il n’est pas responsable d’aborder son examen à vingt-trois heures cinquante. Sa discussion ne doit pas être hachée. Je vous demande, monsieur le président, de mettre fin à cette réunion pour que nous reprenions nos travaux demain.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Vous pouvez me reprocher tout ce que vous voulez, mais nous avons vraiment pris le temps du débat. Vous ne pouvez pas dire que nous passons en force, et surtout pas avec cette agressivité. Nous tentons d’avoir des débats apaisés.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous prenons en effet davantage de temps pour débattre dans cette commission que dans celle des affaires économiques, où le texte a été malheureusement expédié. Mais cet article 7, qui porte sur le transfert des salariés de l’IRSN à l’hypothétique nouvelle entité, d’une part, et d’une partie des activités au CEA, d’autre part, est très imprécis, notamment sur le nombre de personnes concernées. L’étude d’impact ne donne aucun élément sur ce point, comme elle ne se prononce pas sur une éventuelle perte d’efficacité globale liée au transfert des individus. Nous avons besoin d’un échange avec le ministre – nous débattons depuis deux jours hors de sa présence, je le rappelle, et donc sans réponses de sa part tant sur l’application globale de la réforme que sur ses conséquences pratiques.

Il n’est pas raisonnable de poursuivre l’examen de l’article 7, ne serait-ce que par égard pour les 1 800 personnels de l’IRSN et les 500 de l’ASN concernés. Attendons sereinement de débattre, demain, avec le ministre avant de reprendre nos travaux.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je demande une suspension de séance de dix minutes.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Puisqu’elle nous mènerait jusqu’à minuit, je lève la séance.

3.   Réunion du mercredi 6 mars 2024, après-midi

Article 2 (précédemment réservé) : Fonctionnement, déontologie, indépendance et transparence de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

M. le président Jean-Marc Zulesi. Je remercie M. le ministre délégué Roland Lescure pour sa présence parmi nous et propose de lui céder la parole pour un propos introductif, avant que nous ne poursuivions nos travaux.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie. Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole pour remettre en perspective ce débat. Je n’ai malheureusement pas pu assister à vos travaux hier car j’étais avec le Président de la République en Tchéquie – un pays membre, comme vous le savez, de l’Alliance européenne du nucléaire, créée par ma prédécesseure Mme Agnès Pannier‑Runacher. Outre la promotion du nucléaire en Europe, j’ai eu l’occasion d’y évoquer la possible exportation de nos réacteurs pressurisés européens (EPR) ainsi que la coopération dans le domaine de la sûreté, un sujet qui nous intéresse au premier plan.

Derrière la suppression hier de l’article 1er du texte, qui pose le principe même de la fusion, il y a selon moi deux types d’opposition. Certains sont contre le nucléaire ; ils étaient contre la création de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et s’opposeraient de la même façon à une réforme de la gouvernance que nous proposerions dans quinze ans. D’autres se posent des questions légitimes sur les conditions de mise en œuvre de la réforme. J’espère pouvoir répondre à l’ensemble de leurs questions. Le Gouvernement proposera de réintroduire l’article 1er en séance publique dès la semaine prochaine mais, à ce stade, il nous paraît indispensable de poursuivre la discussion sur l’ensemble des autres articles.

Une première proposition de réforme n’avait pas été adoptée par l’Assemblée nationale l’année dernière. Depuis, nous avons pris le temps de travailler avec vous pour, je l’espère, trouver un terrain d’entente sur l’ensemble des sujets. Je souhaite en premier lieu saluer les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Je remercie en particulier MM. Jean-Luc Fugit et Stéphane Piednoir qui ont étudié en détail l’opportunité et les modalités du rapprochement, livrant un rapport complet et pédagogique. Je profite de l’occasion pour saluer les travaux du Sénat, notamment des rapporteurs MM. Patrick Chaize et Pascal Martin. Je remercie enfin les membres de la commission des affaires économiques, qui ont examiné certains articles au fond et d’autres pour avis il y a deux jours, ainsi que l’ensemble des commissaires présents aujourd’hui.

Pourquoi faut-il une nouvelle organisation ? Vous le savez, nous entrons dans une nouvelle ère. Nous avons devant nous vingt ans de relance du nucléaire, comme l’exposait le Président de la République à Belfort il y a presque deux ans jour pour jour. Grand carénage, EPR 2, petits réacteurs modulaires (SMR), réacteurs innovants, recherche et développement, cycle du combustible : nous nous inscrivons dans une démarche de relance complète. Nous sommes convaincus que celle-ci est un élément essentiel de la réindustrialisation de la France et pour la souveraineté européenne. Elle nous permettra de faire de notre pays la première puissance décarbonée au monde et de placer l’Europe au premier rang.

Nous sommes face à des défis gigantesques : il nous faut continuer de nous assurer de la sûreté des centrales nucléaires existantes, prolonger leur durée de vie de façon sûre et développer le nouveau nucléaire avec cette même exigence. Ce projet de loi permet selon nous de relever ces défis et d’améliorer l’efficacité des moyens que l’État engage dans la relance du nucléaire. C’est pourquoi il me semble que si l’on défend une politique nucléaire souveraine aujourd’hui, on doit être favorable à cette réforme – dont les détails peuvent néanmoins être discutés.

Pourquoi voulons-nous cette réforme ? Nous souhaitons accélérer les procédures et les simplifier, afin que l’entité soit dimensionnée pour gérer l’inflation probable du nombre de dossiers et l’intensification des contrôles. Nous souhaitons également concentrer nos talents : nos experts de la sûreté nucléaire et de la radioprotection sont rares et travaillent dans des métiers en tension. Nous devons leur donner envie de rester en leur permettant de passer, au cours de leur carrière, du contrôle à l’expertise et inversement. Ces passages entre les deux entités existent déjà aujourd’hui, mais ils seront clairement facilités au sein d’une même institution. Enfin, nous souhaitons qu’une organisation optimale permette à l’entité nouvellement créée de se concentrer sur la sûreté plutôt que de se disperser dans des tâches administratives ou de coordination entre structures.

Ce texte s’inscrit aussi dans la logique de simplification que nous déployons depuis deux ans dans le cadre notamment de la loi relative à l’industrie verte, que j’ai eu l’honneur de défendre, et du projet de loi de simplification à venir.

Nous souhaitons évidemment mettre en œuvre ce rapprochement en conservant le niveau de sûreté exigeant qui est déjà le nôtre. Nous recherchons l’excellence dans toutes les activités importantes pour la sûreté nucléaire du parc. Je pense parler en votre nom à tous et à toutes : personne n’est contre la sûreté, évidemment. Imaginer que l’on veuille cette nouvelle autorité pour baisser la garde ou pour mettre sous cloche l’indépendance n’a aucun sens.

Nous souhaitons donc garder l’essentiel de l’existant – notamment la transparence, la rigueur et les compétences –, qui n’a pas démérité Mais nous souhaitons aussi une institution plus puissante, plus efficace, plus indépendante et plus transparente. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) quittera la tutelle du Gouvernement pour s’intégrer à une autorité indépendante. L’indépendance vis-à-vis des exploitants sera renforcée grâce à des règles de déontologie strictes et rigoureusement appliquées.

La transparence vis-à-vis du public sera améliorée grâce aux informations mises à sa disposition. Elle ne sera en rien diminuée par le regroupement des activités de l’ASN et de l’IRSN, qui permettra au contraire une communication plus lisible et une information plus structurée. Je vais dire tout haut ce que les gens pensent tout bas : la publication d’avis dans les jours qui suivent leur transmission à l’autorité n’est pas un gain pour la transparence ; elle peut au contraire, sauf exception, introduire de la confusion.

Pour renforcer l’attractivité des métiers, un article du projet de loi prévoit une augmentation de la rémunération des contractuels de droit public en 2024 et la bonification des parcours de carrière. Nous souhaitons enfin assurer une culture de l’excellence, reposant sur des compétences fortes et sur un socle de recherche ambitieux et partenarial : les activités de recherche actuellement conduites par l’IRSN se poursuivront évidemment au sein de la future entité.

Je voudrais, pour conclure, insister sur un point qui me semble essentiel. Comme vous sans doute, j’ai vécu au cours de ma carrière des fusions – certaines réussies, d’autres moins. Je respecte profondément le travail parlementaire mais je suis aussi convaincu qu’une fois que ce projet de loi sera adopté, s’il l’est, le travail ne fera que commencer. Le suivi que nous ferons du travail de coordination, de préparation et de préfiguration de la fusion, dont le projet de loi prévoit la mise en œuvre dès le début de l’année 2025, sera tout aussi important que ce qui nous occupe aujourd’hui. Je m’engage devant vous à m’y impliquer de très près afin que cette fusion, une fois votée, je l’espère, par votre assemblée et par le Sénat en lecture définitive, soit mise en œuvre de manière efficace au bénéfice de tous et de toutes.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Jamais deux sans trois : cela fait deux fois que le Parlement repousse cette réforme de la sûreté nucléaire. Il n’y a pas de majorité favorable au démantèlement de l’IRSN à l’Assemblée nationale, et nous n’imaginons pas que le Gouvernement fasse adopter ce texte la semaine prochaine au moyen du 49.3.

Ce que vous appelez une fusion, monsieur le ministre délégué, est en réalité un démantèlement de l’approche intégrée de l’expertise en matière de sûreté nucléaire. Je le redis : l’IRSN ne travaille qu’à hauteur de 25 % pour l’ASN. Il possède des compétences en matière d’expertise et de recherche dans les domaines du nucléaire civil, du nucléaire militaire et de la sécurité intérieure. Trois anciens présidents de l’Opecst, qui ne sont pas des antinucléaires, contestent fondamentalement cette réforme, tout comme l’ensemble des syndicats de l’IRSN. C’est la raison pour laquelle nous y sommes également opposés.

Ce que vous avez dit au sujet de la publication des avis est particulièrement préoccupant. Nous souhaitons quant à nous que soient respectées les décisions du Parlement. Par deux fois, nous avons repoussé ce projet qui ne permettra de gagner ni en efficacité ni en agilité face à la charge de travail croissante en matière de sûreté nucléaire.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lorsque nous nous sommes rencontrés la semaine dernière, monsieur le ministre délégué, vous m’avez dit que vous refusiez de caricaturer le débat et qu’il n’y avait pas d’un côté ceux qui seraient attachés à la sûreté nucléaire, et de l’autre ceux qui ne le seraient pas. Pourtant, vous avez vous-même commencé par caricaturer le débat. Il n’y a pas deux oppositions ici mais une seule, qui est attachée à l’indépendance de notre expertise, à la transparence et à notre modèle de sûreté – tout particulièrement au moment d’une relance inédite du nucléaire.

Je crois, contrairement à ce que vous semblez dire, que l’on peut être favorable au nucléaire sans soutenir ce projet de loi. Certains collègues pro-nucléaires ont voté pour la suppression de l’article 1er hier, considérant que cette réforme va surcharger notre système de sûreté et de sécurité et qu’elle soulève de graves dangers.

Nous aurions aimé avoir un débat sur la politique énergétique, mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui : il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre le nucléaire mais de déterminer la façon dont le pays le plus nucléarisé du monde peut prévenir à tout prix la survenance d’un accident nucléaire. Un tel drame, je vous le rappelle, provoquerait l’effondrement de la filière.

Vous dites, monsieur le ministre délégué, vouloir renforcer l’indépendance vis-à-vis de l’exploitant. Permettez-moi de rappeler ce qui s’est passé à Fukushima : les experts indépendants ayant été écartés, le Gouvernement japonais n’a pu s’appuyer que sur l’expertise de l’exploitant, ce qui a conduit à une minimisation des risques.

Enfin, les propos que vous avez tenus sur le renforcement de la transparence et sur la publication des avis sont très inquiétants et présagent d’un retour trente ans en arrière. Compte tenu des revers que vous avez subis à deux reprises à l’Assemblée nationale, il serait de bon ton que, comme l’a fait la Belgique, vous retiriez cette réforme.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’ai posé hier une question à laquelle le rapporteur n’a pas pu apporter de réponse : y a-t-il un rapport classifié, monsieur le ministre délégué, qui aurait conduit le Gouvernement à vouloir réformer la sûreté nucléaire ? Si oui, en avez-vous eu connaissance et pouvez-vous partager les informations avec nous ? J’ai lu le rapport de l’Opecst et j’ai entendu l’hypothèse selon laquelle le système actuel ne pourrait pas faire face à l’accélération souhaitée par le Parlement à l’initiative du Gouvernement. Mais au‑delà, je ne comprends pas votre volonté de réforme.

Par ailleurs, le Gouvernement a introduit dans le texte des dispositions concernant la commande publique qui n’ont rien à y faire. J’ai d’abord cru que c’était pour compenser un oubli de la loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Mais je finis par penser que ces dispositions sont en quelque sorte la carotte avec laquelle vous souhaitez donner envie aux pro-nucléaires hésitants de voter ce projet de loi. Pour ma part, je suis tout à fait prêt à voter un texte qui se concentrerait sur la question de la commande publique, laquelle est essentielle à l’accélération du nucléaire. Êtes-vous disposé, monsieur le ministre délégué, à extraire du texte la question de la fusion des entités chargées de la sûreté nucléaire, qui brouille les cartes ?

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Vous avez commencé votre propos en vous efforçant de casser l’opposition à l’article 1er qui s’est exprimée hier en la divisant entre pro- et antinucléaires, dont vous dressez un portrait caricatural.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération du nucléaire, notre groupe avait résumé ainsi son opposition : il était urgent, selon nous, de planifier la sortie du nucléaire. Nous sommes en effet conscients que l’on ne peut pas arrêter du jour au lendemain les réacteurs qui tournent, d’autant plus que vous faites prendre du retard à notre pays en matière de développement des énergies renouvelables. Nous sommes aussi conscients que le nucléaire produit des déchets dont on ne sait toujours pas quoi faire, de telle sorte que l’on n’est pas capable aujourd’hui de démanteler les centrales fermées. Enfin, nous sommes particulièrement inquiets de la relance votée l’an dernier. Les EPR 2 coûteront beaucoup plus cher que prévu et ne sont pas prêts, tandis que les SMR doivent être exploités par des start-up dans des sites Seveso. Nous avons même compris hier que si certains sont favorables à la fusion de l’IRSN et de l’ASN, c’est parce qu’ils veulent pouvoir produire du courant à tout prix, quel qu’en soit le prix en matière de sûreté nucléaire.

Il est fondamental de maintenir l’expertise séparée de la décision, et le meilleur moyen de le faire est de conserver deux entités distinctes. Le Gouvernement a été battu deux fois dans l’hémicycle l’an dernier, puis hier en commission avec la suppression de l’article 1er. Abandonnez et retirez ce projet de loi.

M. Gérard Leseul (SOC). C’est une bonne chose que soit posée la question de la gouvernance de la sûreté et de la sécurité nucléaires en France, et il convient qu’elle le soit régulièrement. Ce qui me surprend, c’est que la réponse présidentielle à cette question légitime ait visiblement été décidée à huis clos, sur la base d’un rapport dont personne n’a connaissance – pas même le rapporteur de la commission. Depuis un peu plus d’un an, nous avons assisté à l’échec d’une manœuvre politicienne peu honorable, consistant à faire passer une réforme par voie d’amendement. Nous avons ensuite pu lire un rapport de l’Opecst qui portait non pas sur l’opportunité mais sur les modalités et les éventuels écueils d’un rapprochement entre l’ASN et l’IRSN. Les auditions menées ensuite par la commission des affaires économiques et par celle du développement durable n’ont pas démontré que cette réforme aurait un intérêt réel. Je constate qu’en un an, le Gouvernement n’a pas réussi à convaincre les principaux acteurs de la réforme que vous souhaitez mettre en œuvre. Celle-ci nous inspire une inquiétude très vive sur le fond, sur la forme et en matière de délais.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Espérons collectivement que nos débats se recentrent sur le fond plutôt que sur des diversions et manœuvres provoquées par ceux-là mêmes qui nous en accusent. Ce qui est essentiel aujourd’hui, c’est de faire la différence entre l’ambition de la réforme et ses modalités. Même les collègues opposés à l’esprit de cette réforme conviennent qu’il n’y a pas de tabou et que l’on peut discuter de l’organisation de la sûreté nucléaire. C’est dans ce texte que nous allons poser les grands principes de cette réforme : d’abord, la mise en place d’une autorité indépendante unique qui, de fait, sera plus indépendante qu’un établissement public soumis à la tutelle de cinq ministères différents !

Nous ne sommes pas d’accord sur tout, chers collègues. La question de la publication des avis et celle de la séparation entre expertise et décision méritent d’être discutées. Sans doute l’éclairage du ministre délégué à ce sujet nous permettra-t-il de savoir ce qui relève de la loi et ce qui relève des partenaires sociaux : ce sont eux qui auront à se prononcer sur l’organigramme et sur la direction de chaque service d’une autorité de sûreté de nucléaire. Je n’ai ni l’ambition ni l’envie que nous le fassions à leur place. Je souhaite que nous ayons un débat sur les principes qui relèvent de la loi et que nous laissions travailler les experts de la sûreté nucléaire.

M. Bruno Millienne (Dem). Nous sommes tous conscients que la sûreté nucléaire est un sujet capital, notamment au regard du programme de relance : il n’est aucunement question, ni pour la majorité, ni pour les oppositions, de la brader. Si nous plaidons pour la mise en place d’une structure unique, c’est pour faire en sorte que la sûreté atteigne au moins son niveau actuel, et non pour l’affaiblir.

Nous pensons qu’une accélération des procédures est nécessaire : il arrive parfois, sur certains sujets, que les allers-retours et les contradictions entre l’IRSN et l’ASN nuisent à l’efficacité des décisions et conduisent à retarder, pour des questions administratives, le redémarrage de certaines centrales.

J’entends parler de démantèlement, mais il n’en est pas question. Sans casser l’une ou l’autre des autorités, il faut que celles-ci arrivent à travailler conjointement au sein d’une même autorité, pour plus d’efficacité. Nous pouvons y arriver, grâce au préfigurateur et grâce à la vigilance des deux assemblées parlementaires. Certains collègues affirment être prêts à discuter, mais leur opposition frontale depuis hier et leur vote pour la suppression de l’article 1er démontrent plutôt l’inverse. Nous sommes prêts à faire des pas dans leur direction, mais il faut qu’ils fassent de même !

M. Nicolas Dragon (RN). Nous sommes très heureux que vous soyez enfin parmi nous, monsieur le ministre délégué, pour répondre à nos questions. J’ai en mémoire les propos du Premier ministre évoquant la coconstruction dans le cadre d’une majorité relative. Par principe, le groupe Rassemblement national n’est pas opposé au rapprochement d’administrations – notamment aux fins de faire des économies, compte tenu de notre déficit abyssal. Lors de l’examen de la loi relative à l’accélération du nucléaire, nous avions considéré que l’amendement du Gouvernement sur ce sujet manquait de clarté et nous nous étions donc abstenus. Aujourd’hui la situation est différente, nous avons un texte devant nous. Nous avons commencé à en débattre hier, sans vous malheureusement – nos discussions auraient pu avoir une autre issue si vous aviez été présent. Notre collègue Millienne vient de déclarer que nous pouvions travailler ensemble ; j’espère donc que nous serons entendus.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je vais m’efforcer de répondre aux questions factuelles qui m’ont été posées, en espérant que nos débats vous apporteront aussi des réponses et qu’ils vous convaincront de l’opportunité de cette réforme. Je compte continuer de débattre avec vous ici en commission et dans l’hémicycle la semaine prochaine, considérant – c’est ma vision du travail parlementaire – que le rejet d’un article ne doit en aucun cas interrompre l’examen d’un texte.

Il n’y a ni rapport caché, ni complot. Une réflexion a été engagée il y a plus d’un an dans le cadre du conseil de politique nucléaire, dont les travaux sont effectivement classifiés, et s’est poursuivie en totale transparence depuis. Certains députés, y compris de la majorité, ont considéré, lors du premier examen de ce projet de réforme, que le travail n’était pas assez abouti pour convaincre l’Assemblée nationale de son bien-fondé – ce que je suis prêt à reconnaître. Depuis un an, vous n’avez pas chômé. L’Opecst, saisi par la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat Sophie Primas, a remis – et sans doute adopté largement – un rapport complet et approfondi qui a été rendu public. Les auditions menées dans ce cadre ainsi que dans le cadre des commissions parlementaires ont permis que le travail se fasse en toute transparence. C’est à mon sens un travail parlementaire de référence, qui mérite nos félicitations collectives.

Mme Batho a indiqué que l’IRSN ne consacrerait que 25 % de ses travaux à l’ASN. En réalité, elle lui consacre 35 % de son activité d’expertise directe, auxquels il faut ajouter les travaux de recherche qui nourrissent cette expertise et qui sont directement intégrés aux décisions. Au total, l’IRSN consacre 80 % à 90 % de son travail au service de l’ASN. Les activités que nous souhaitons rapprocher sont donc déjà fortement intégrées.

Il ne s’agit en aucun cas de démanteler quoi que ce soit, contrairement à ce que j’ai entendu, mais de rapprocher des activités – moins pour économiser de l’argent, monsieur Dragon, que pour les rendre plus efficaces et plus puissantes. Ce rapprochement respecte évidemment, vous le savez, les préconisations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Il a été soumis à la Commission européenne, qui a confirmé que le schéma était compatible en tout point avec le traité Euratom. Le rapprochement des deux entités permettra, je n’en doute pas, une plus grande efficacité, mais il ne conduira en aucun cas à un démantèlement.

Amendements de suppression CD58 de Mme Julie Laernoes, CD82 de M. Sébastien Jumel, CD162 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CD297 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je suis frappée de constater qu’il n’y a pas d’argumentation sur le fond et que les faits sont allègrement tordus. Depuis un an, les présidents de l’ASN et de l’IRSN ont été auditionnés, mais aucun ministre n’est venu nous expliquer le bien-fondé de la réforme en commission des affaires économiques ou en commission du développement durable. C’est Christophe Béchu qui a défendu le projet de loi au Sénat, et c’est vous qui récupérez ce qui ressemble à une patate chaude, monsieur le ministre délégué ! Il est donc un peu fort de café de nous expliquer que le Gouvernement a une politique claire et argumentée concernant le nucléaire !

L’article 2 révèle l’ineptie et l’impréparation de cette réforme de bric et de broc. Nous devons nous prononcer sur le règlement intérieur d’une instance qui n’existe plus, sa création ayant été refusée par cette commission hier. Il est dangereux de renvoyer à un règlement la question de la séparation des compétences entre expertise et décision, de même que les règles concernant la publication des avis. Il est donc fondamental de supprimer cet article. Après deux échecs, le bon sens impose de réfléchir au bien-fondé d’une réforme. Je vous rappelle qu’au moment de la mise en œuvre du plan Messmer, la gouvernance de la sûreté nucléaire reposait déjà sur une dualité entre expertise et décision.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Au-delà de mon opposition de fond à ce texte, je souhaite plus particulièrement, moi aussi, la suppression de cet article qui remet en cause la distinction entre expertise et contrôle.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). S’il vous plaît, monsieur le ministre délégué, ne refaites pas l’histoire : si nous avons voté contre la réforme hier en supprimant l’article 1er, c’est parce que nous ne sommes absolument pas convaincus par la pseudo-nécessité que vous invoquez de détruire notre système dual de sûreté nucléaire. Celui-ci fonctionne très bien et permet une séparation effective de la décision et de l’expertise scientifique. Il bénéficie de la confiance des Français et il est reconnu à l’international. Nous ne comprenons pas pourquoi vous voulez prendre le risque de le remettre en cause au moment où vous vous lancez dans une relance nucléaire dont les contingences techniques ne sont pas toutes maîtrisées.

On nous demande de nous prononcer sur l’article 2, au titre duquel un collège de cinq personnes, dont trois nommées par le Président, devrait fixer lui-même dans un règlement intérieur les modalités de la séparation entre expertise et décision, ainsi que les conditions de publication des expertises. Ce n’est pas acceptable ! D’après le baromètre 2022 de l’IRSN, 74 % des Français jugent prioritaire que les organismes rendent publiques leurs études, ce qui témoigne d’une attente de la société. Nous avons rejeté votre réforme, monsieur le ministre délégué. Il faut que vous l’acceptiez et que vous retiriez ce texte.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je suis catastrophé. Je m’attendais à ce que vous arriviez avec un argument massue : l’existence d’un rapport démontrant, sur des bases scientifiques, que notre système de sûreté français ne pourrait pas faire face à l’accélération du développement du nucléaire. Mais ce rapport n’existe pas ! Vous évoquez les travaux de l’Opecst. Ils sont certes de qualité mais ils portent sur les conditions du mariage, pas sur son opportunité ! Si le texte vise à accélérer le développement du nucléaire, je vous suis – mais dans ce cas, il ne devra porter que sur la commande publique ! Pour quelle raison scientifique notre système actuel, qui est l’un de meilleurs du monde, ne pourrait-il pas faire face au défi de l’accélération ? Donnez-nous au moins un argument ! Il est faux de dire que les pro‑nucléaires seraient favorables à la fusion : ils sont pour l’excellence de la sûreté et ne veulent pas de désordre au moment de l’accélération !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne peux vous laisser dire, même si je ne vous ai pas convaincus, que je ne vous ai pas fourni d’arguments hier. Nous avons évoqué les fondements de la réforme et les différents rapports, notamment celui de l’Opecst – dont les membres ici présents ne se sont pas opposés à la publication, et sur lequel nous pouvons nous appuyer.

L’article 2 fixe les règles de déontologie, d’indépendance et de transparence de la nouvelle autorité qui pourrait être créée. Vous les trouvez insuffisantes. Pourtant, je ne pense pas que vous souhaitiez les supprimer : il serait incroyable qu’une telle autorité ne soit pas soumise à de telles règles ! Ce n’est pas l’article 2 que vous souhaitez supprimer en réalité, mais le projet de réforme.

Permettez-moi de rappeler, pour répondre aux craintes que vous exprimez, que l’indépendance de la nouvelle autorité est garantie par son statut d’autorité administrative indépendante (AAI), dont nous avons débattu hier. Ces arguments, que vous semblez ne pas vouloir entendre, vous ont été exposés à plusieurs reprises.

L’article 2 prévoit une distinction entre le responsable de l’expertise et le responsable de la décision. Il est vrai que dans la version initiale du texte, ces dispositions étaient renvoyées au règlement intérieur. Soucieux de renforcer la crédibilité de cette future autorité, le Sénat a cependant largement modifié l’article. J’ai souligné hier la qualité de ses travaux, et je souhaite que certaines avancées ne soient pas remises en cause. D’abord, le principe de la distinction entre activités d’expertise et décisions – dont le nombre passera de 40 à près de 350 par an – est désormais inscrit dans le projet de loi. La nouvelle version du texte prévoit également la création d’une commission d’éthique et de déontologie, sur le modèle de celle de l’IRSN. Elle consacre enfin l’existence des groupes permanents d’experts, ainsi que le principe de publication des résultats des expertises et des avis de ces groupes.

En supprimant l’article 2, vous priveriez la future autorité de toutes ces dispositions, ce qui me semble aller à l’encontre de ce que vous défendez.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je veux rassurer M. Saint-Huile : il ne s’agit pas de choisir entre le projet de loi ou le chaos.

Nous examinons une fusion entre deux entités qui n’ont en aucun cas démérité. Le système de sûreté français est réputé dans le monde entier. Pour autant, il peut devenir plus transparent, plus indépendant et plus efficace une fois que ces deux entités exceptionnelles auront été réunies. Certains décrivent un monde dans lequel le système risque de s’effondrer, qu’on le conserve ou qu’on le réforme en rapprochant les entités. Mais pour accompagner une relance du nucléaire civil telle qu’il n’y en a pas eu depuis cinquante ans, nous avons besoin d’une entité plus forte, plus indépendante, plus transparente et plus efficace.

Je le reconnais, monsieur Saint-Huile, la mise en œuvre est un défi que nous aurons à relever une fois le projet de loi adopté, je l’espère. Pour rassurer la représentation nationale, le Gouvernement présente l’article 2, complété par le Sénat, qui énonce des principes importants auxquels vous êtes certainement attachés, au premier rang desquels la distinction entre l’expertise et la décision – c’était l’une des principales critiques adressées au projet de fusion. Il fixe des règles pour les délégations de signature et de pouvoir ainsi qu’en matière de déontologie, sujet sur lequel Christophe Béchu et moi-même avons été régulièrement interrogés. Il est donc un peu exagéré d’affirmer que les ministres ne répondent pas aux questions. J’ai été auditionné vendredi dernier par le rapporteur, j’espère avoir répondu à toutes les questions qui m’ont été posées.

Le texte apporte des garanties sur la publication des expertises et des données scientifiques ; la création d’une commission d’éthique et de déontologie a été ajoutée par le Sénat ; des groupes d’experts permanents seront mis en place conformément aux recommandations de l’AIEA. L’article 2 définit les conditions pour s’assurer que la nouvelle autorité répond aux préoccupations légitimes que vous avez exprimées depuis des mois. Je peine donc à imaginer que l’on puisse seulement envisager de le supprimer.

Mon avis est évidemment défavorable aux amendements de suppression. J’invite la représentation nationale à adopter l’excellent article 2.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Le projet de loi a pour objet de renforcer l’ASN en lui adjoignant une expertise complémentaire reconnue sur le plan national et international – celle de l’IRSN –, à laquelle des moyens supplémentaires doivent être octroyés. La nouvelle autorité doit être encore plus performante que le sont aujourd’hui les deux entités, et dotée de tous les moyens nécessaires.

En outre, à nouvelle autorité, nouvelle gouvernance. C’est la raison pour laquelle le débat doit avoir lieu sur l’article 2 qui fixe les règles en la matière. Nous avons évoqué les apports du Sénat sur le règlement intérieur ainsi que sur la distinction entre expertise et décision mais il me semble que des améliorations sont encore souhaitables. Je serai ainsi très vigilante sur le pilotage stratégique de la recherche ainsi que sur l’indépendance de la commission d’éthique et de déontologie chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur. Ne nous privons pas du débat sur l’article 2.

M. Gérard Leseul (SOC). Je souhaite poser au vice-président de l’Opecst M. Fugit plusieurs questions sur le rapport de l’office auquel vous faites constamment référence : quel délai a été laissé aux membres de l’office entre la transmission du rapport et son approbation ? Quelles ont été les conditions de vote ? Quelle était la commande initiale : se prononcer pour ou contre la réforme, ou sur ses éventuelles modalités si elle devait voir le jour ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il y a un problème d’écoute et de crédibilité. Pour qu’un débat de fond ait lieu, il faut s’appuyer sur des faits incontestables.

Monsieur le ministre délégué, lorsque vous affirmez que l’IRSN travaille à 85 % pour le compte de l’ASN, vous contredisez M. Niel, directeur général de l’IRSN, selon lequel cette proportion est de 35 % ainsi que le rapport d’information d’Alma Dufour dans lequel l’appui à l’IRSN est estimé à 430 équivalents temps plein (ETP), soit environ 25 % des effectifs.

Je suis favorable au débat, à condition de s’en tenir aux faits et de cesser de tordre les chiffres pour justifier ses choix.

Nous refusons que la dualité soit inscrite dans un règlement intérieur qui peut être modifié du jour au lendemain. Elle doit l’être dans la loi, c’est notre rôle de parlementaire d’y veiller tant la sûreté est une exigence importante. C’est la raison pour laquelle nous défendions la suppression de l’article 1er hier et celle de l’article 2 aujourd’hui.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le choix des sénateurs d’adopter une disposition prescrivant une séparation physique entre l’expertise et la décision – certaines personnes seront chargées de la première, d’autres de la seconde –, est un aveu de l’importance d’une telle séparation. Ils reconnaissent implicitement qu’il n’est pas de meilleur moyen d’assurer l’étanchéité nécessaire qu’en constituant deux entités. Dès lors que vous cherchez à réaliser la fusion, vous êtes obligés d’inventer d’innombrables stratagèmes pour faire entrer un grand carré dans un petit rond.

Le texte n’apporte pas de réponse aux problèmes que posent le lien hiérarchique ou encore l’acculturation à d’autres enjeux. Lorsqu’un expert est véritablement indépendant, il peut se focaliser sur les questions de sûreté, à charge pour le décideur de se prononcer en fonction d’autres enjeux– industriels, économiques, énergétiques.

C’est la grande leçon qu’il faut retenir de tous les accidents industriels du siècle dernier, qu’ils soient nucléaires ou pas : ils surviennent lorsque les experts rendent leurs avis en se fondant sur d’autres critères que la seule sûreté.

Le rapporteur pour avis, M. Armand, a fait valoir que l’expert ne devait pas être soumis à certaines pressions, notamment de la part de la société civile. Je préfère qu’il subisse la pression de la société civile plutôt que celle des exploitants – nous reparlerons des start-up qui veulent installer des réacteurs nucléaires dans des sites Seveso.

Je finis par une citation entendue lors des auditions du rapporteur la semaine dernière : « les risques d’accident nucléaire sont très peu probables mais incommensurables ». Son auteur est le ministre délégué.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je partage vos propos, monsieur le ministre délégué. Vous voulez davantage de moyens, d’efficacité et d’attractivité, moi aussi, mais je vais vous faire une confidence : c’est faisable sans fusion et sans déstabilisation de la filière.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Pas forcément !

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cela signifie que c’est possible malgré tout.

Une fusion mal justifiée et au calendrier mal maîtrisé produira l’effet inverse de ce que vous souhaitez. Seuls l’allotissement et la commande publique peuvent garantir l’accélération des procédures en matière nucléaire. Privilégions le travail sur la commande publique, ce qui n’empêche pas de chercher à améliorer l’efficacité de notre organisation. Pourquoi faire de la fusion un préalable alors qu’aucun diagnostic ne vient étayer sa nécessité ?

Mme Huguette Tiegna (RE). Nous sommes nombreux, ici, à être membres de l’Opecst. Jamais l’organisation des travaux de l’office n’a été remise en cause au sein d’une commission permanente. Cette instance a vocation à apporter son expertise aux commissions lorsqu’elles en ont besoin.

Je comprends que le nucléaire fasse débat et que les parlementaires aient besoin de réponses. Une commission permanente n’est pas le lieu pour discuter de la manière dont l’Opecst fonctionne. Si vous avez des critiques à formuler, monsieur Leseul, vous pouvez les adresser au président lors des réunions de l’office. Essayons d’avancer sur ce texte qui pose des questions scientifiques mais aussi politiques sur le nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Même si ce n’est pas le lieu approprié, je répondrai rapidement aux questions sur l’Opecst puisque j’ai été interrogé.

Le rapport compte quarante-cinq pages auxquelles s’ajoutent trente pages de compte rendu de la réunion au cours de laquelle il a été adopté. Le sous-entendu selon lequel les parlementaires n’auraient pas eu suffisamment de temps pour prendre connaissance du rapport et le discuter avant sa publication est un peu malvenu, cher collègue. Par ailleurs, c’est en réunion de bureau qu’il vous appartient de faire part de votre mécontentement à l’égard du fonctionnement de l’office.

Le rapport a été remis à une date qui n’était pas évidente parce que, l’office étant un organisme bicaméral, il a fallu tenir compte du calendrier sénatorial et des élections. Avant cela, nous avions de très nombreuses auditions à organiser – elles sont consignées dans le rapport.

Lors du débat qui s’est tenu le 11 juillet dernier, personne ne s’est plaint du délai de publication du rapport. Trente pages retranscrivent les propos des députés et sénateurs présents. À l’issue des discussions, nous avons autorisé la publication du rapport. Les règles ont été respectées. J’imagine que la question s’est posée pour d’autres rapports, il est toujours difficile de s’entendre sur des délais qui conviennent à tout le monde. Mais nous sommes habitués à supporter de grosses charges de travail et à nous adapter.

Je n’en dirai pas plus car ce n’est pas l’objet de nos travaux ici. Je vous invite à lire le rapport. Vous y trouverez un ancien président de l’Opecst qui s’exprime en faveur du projet de rapprochement de l’ASN et de l’IRSN, ce qui contredit la prétendue opposition unanime des anciens présidents – dont un qui a réalisé la fusion ayant donné naissance à l’IRSN.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Laernoes, ce n’est pas 25 % comme vous l’avez dit, mais 35 % des travaux d’expertise de l’IRSN qui sont effectués au profit de l’ASN. Je ne peux pas croire que, pour vous, les chercheurs de l’IRSN, qui représentent plus de 40 % des activités de l’institut, ne travaillent pas au service de l’expertise, qui elle-même vient nourrir la décision. C’est la raison pour laquelle j’ai indiqué que 80 à 90 % des activités actuelles de l’IRSN profitent à l’ASN.

Aujourd’hui, les deux institutions ont deux directions des ressources humaines, deux organisations de fonction support, deux cellules de crise, deux structures qui échangent avec la société civile, et deux autres dédiées à la coopération internationale ou aux négociations dans les instances internationales. Demain, il n’y en aura plus qu’une. L’organisation rassemblée pourra ainsi se concentrer sur ses tâches essentielles : la recherche, l’expertise et la décision au service de la sûreté française.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD254 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). J’ai déjà présenté des amendements similaires à celui-ci à deux reprises hier. Le projet consiste bien en une absorption de l’IRSN par l’ASN – une collègue a évoqué l’adjonction de l’expertise et des moyens du premier à la seconde.

Cet amendement, qui n’est pas seulement cosmétique, vise à renommer l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection « Autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire », dont l’acronyme est plus proche de celui de l’IRSN : cela a son importance du point de vue psychologique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD375, CD376 et CD377 du rapporteur.

Amendement CD331 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). Les exigences déontologiques imposées aux actuels agents de l’ASN constituent l’un des freins à l’attractivité de la future autorité – je pense au délai de trois ans avant de pouvoir travailler pour un exploitant nucléaire après avoir occupé un emploi au sein de l’autorité.

De nombreux salariés de l’IRSN quittent ou envisagent de quitter la structure de peur d’être bloqués dans leur évolution professionnelle une fois que la fusion sera actée.

Cet amendement vise donc à reconnaître la spécificité des exigences déontologiques qui s’appliquent respectivement aux agents chargés de valider la conformité des réacteurs et aux experts simplement chargés d’éclairer la décision.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous souhaitez imposer des règles de déontologie spécifiques aux activités d’expertise et de recherche. Or celles-ci relèvent du règlement intérieur. Si elles peuvent faire l’objet d’adaptations, elles ne pourront pas être très différentes selon que la personne est experte ou chargée de prendre la décision.

Le scandale du Mediator nous rappelle qu’il faut rester très exigeant en matière de prévention des conflits d’intérêts chez les experts qui préparent les décisions. Je demande le retrait de cet amendement, sinon avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Les règles valables actuellement dans les deux institutions sont appliquées de manière nuancée selon la fonction réellement exercée et non le métier. Je suggère le retrait de l’amendement, qui est trop contraignant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD298 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Dans la même logique que l’amendement précédent, il s’agit de compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « Les personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés des activités d’élaboration de la décision et de prise de décision ne sont pas soumis aux mêmes règles relatives aux conflits d’intérêts. »

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Même avis. Aux termes de l’article 13 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, « l’autorité administrative indépendante ou l’autorité publique indépendante détermine dans son règlement intérieur les règles déontologiques applicables à ses agents et, le cas échéant, à ses collaborateurs ou experts ». Je vous invite à retirer l’amendement ; sinon l’avis sera défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre amendement a pour conséquence un affaiblissement des règles actuelles qui n’est pas souhaitable. Celles-ci doivent être conservées et s’appliqueront différemment selon la nature des fonctions exercées. Demande de retrait.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Les membres du groupe LIOT savent perdre avec panache, donc je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD431 de la commission des affaires économiques et CD72 de M. Pierre Meurin

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission des affaires économiques, qui porte sur l’alinéa 8, est à lier à l’amendement CD460 sur l’alinéa 9. Ces deux alinéas ont trait à la question légitime de la séparation entre l’expertise et la décision. Tels qu’ils sont écrits, il nous semble poser plusieurs problèmes, soit parce qu’ils sont trop précis, soit parce qu’ils ne le sont pas suffisamment.

Une distinction nette, disons-le, une séparation, une dualité entre l’expertise et la décision est nécessaire – c’est le cas aujourd’hui. Mais contrairement à ce que soutiennent mordicus certaines oppositions, cette séparation ne doit pas intervenir entre l’IRSN et l’ASN. Pourtant, c’est au nom de cette contrevérité qu’elles refusent le principe même de la fusion, sans vouloir en examiner les modalités.

Ensuite, les amendements adoptés par le Sénat, qui sont encore insuffisamment précis, établissent une séparation entre des personnes, voire entre des personnels. Mais ce n’est pas au législateur de déterminer la manière dont un service s’organise. Une fois que le législateur a posé les distinctions entre les personnels, comment le service qui accueillera des personnes chargées de l’expertise pendant un temps et des personnes chargées de l’instruction de la décision s’organisera-t-il ? Quant à la séparation entre les personnes elles-mêmes, comment doit-elle se comprendre ? Peut-il s’agir d’une même personne qui occupera différentes fonctions ?

La loi doit poser le principe. En l’état, les alinéas 8 et 9 sont davantage une source de troubles qu’une garantie. Nous devons nous préoccuper de la manière dont l’ASN et l’IRSN vont pouvoir fonctionner au sein de la future autorité. Pour ce faire, j’appelle à une définition stricte dans le règlement intérieur, qui, contrairement à ce qu’ont dit certains de mes collègues, n’est pas une chose obscure, une sorte de boîte noire. Il est discuté et adopté par les parties prenantes de la future autorité, parmi lesquelles les organisations représentatives du personnel au nom desquelles, si j’ai globalement compris, vous défendez l’absence de fusion.

Vous ne pouvez pas opposer la loi et le règlement intérieur, ni considérer qu’un principe général résoudrait tous les problèmes, au contraire.

M. Nicolas Dragon (RN). Le groupe Rassemblement national est favorable à la simplification. L’amendement vise à laisser à la nouvelle autorité la liberté de définir les règles de séparation entre l’expertise et la décision.

Il est probable que les agents de la nouvelle autorité pourront travailler un jour, sur l’expertise et un autre, sur l’élaboration et la prise de décision de projets différents. Le fait d’inscrire dans la loi une stricte séparation pourrait compliquer les mouvements de personnels entre l’expertise et la décision.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. J’admets que le processus est complexe et qu’il varie selon les dossiers.

Dans certains cas simples, une même personne assure l’instruction du dossier et l’expertise technique en même temps qu’elle élabore le projet de décision, tout en laissant la responsabilité de ces différentes étapes à des personnes distinctes qui valideront, par leur signature, l’avis technique puis la décision.

Néanmoins, je suis opposé aux amendements de suppression. La mention dans la loi du principe de distinction entre l’expertise et la décision renforce la crédibilité du système de sûreté. Je partage la préoccupation des sénateurs à cet égard.

J’ai déposé un amendement CD378 qui impose la distinction aux seules personnes responsables de l’expertise et de la décision, non pas à l’ensemble des personnels qui interviennent dans ces deux domaines. Je vous invite donc à retirer les amendements, sinon mon avis sera défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je me serais presque laissé tenter par ces amendements qui ont le mérite de la simplicité. J’en profite pour remercier M. Armand et l’ensemble de la commission des affaires économiques, que j’ai eu l’honneur de présider pendant cinq ans, pour le travail exceptionnel qu’elle a fait.

Des demandes se sont exprimées au Sénat pour graver certains principes dans la loi, ce que fait l’amendement proposé par le rapporteur. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du CD378 qu’il a déposé.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je note que M. Armand parvient aux mêmes conclusions que nous : la nécessité de supprimer l’inscription de la dualité de l’expertise et de la décision dans le règlement intérieur. C’était l’objet de notre amendement de suppression de l’article.

Nous ne considérons pas que le règlement intérieur est une chose obscure. En revanche, nous contestons l’idée consistant à garantir des principes par leur inscription dans un document qui peut être modifié à tout instant. C’est une garantie bien trop fragile.

Nous rejoignons M. Armand sur le caractère flou et imprécis des dispositions. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à les clarifier. Ces amendements ont été travaillés avec les personnels, l’intersyndicale de l’IRSN mais aussi la CFDT de l’ASN.

Je ne sais pas si l’amendement du rapporteur résout tous les problèmes, mais il ne faut pas supprimer les alinéas qui sont utiles dans la mesure où le principe de dualité n’est pas, à ce stade, consacré dans la loi. Les propos du ministre délégué ne permettent pas de le garantir. Nous devons nous contenter du règlement intérieur, en dépit de la très faible protection qu’il offre, puisque telle est l’ineptie dans laquelle nous sommes.

M. Bruno Millienne (Dem). Arrêtez les insultes !

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Monsieur Millienne, je dis simplement que le fait de légiférer sur le règlement intérieur d’une autorité indépendante me paraît un peu bizarre. Il me semble qu’il appartient au législateur d’inscrire dans la loi les principes fondamentaux et de laisser le règlement intérieur jouer son rôle.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je rejoins Mme Laernoes. Nous voici obligés d’inventer des dispositifs pour rétablir une séparation que la fusion façon puzzle – deux des activités de l’IRSN en sont tout de même exclues car elles ne pourraient pas relever d’une autorité administrative indépendante – fait disparaître.

On note une différence entre les positions des rapporteurs et du ministre, d’une part, et les dispositions adoptées par le Sénat, d’autre part. Je ne crois pas que la majorité des sénateurs soient antinucléaires. La question n’est pas là. On peut vouloir à la fois la relance du nucléaire et le maintien de la séparation.

S’agissant des groupes permanents d’experts, aujourd’hui des experts de l’IRSN siègent au sein des groupes de l’ASN. Demain, les experts de la nouvelle autorité siégeraient pour conseiller le décideur – autrement dit, le décideur conseillerait le décideur. Ce ne sera probablement pas le cas, il faudra donc les écarter. Dès lors, qui restera dans les groupes permanents d’experts ? Uniquement les exploitants. On marche sur la tête !

Je ne voterai pas les amendements mais je vous invite à prendre conscience que tout ceci ne tient pas la route.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je partage l’avis du rapporteur sur les amendements de suppression. Il en ira différemment sur la rédaction des alinéas.

Vous vous réjouissez du texte voté par le Sénat. Mais une fois qu’il arrive à l’Assemblée, vous expliquez aux sénateurs Les Républicains, qui forment la majorité, que le texte est trop bavard, qu’il faut être plus efficace. Si j’étais député LR, je m’interrogerais sur votre méthode, mais chacun est dans son rôle. Nous savons pourquoi la commande publique figure dans le projet de loi, nous ne sommes pas complètement dupes. Nous considérons que le texte demande à être précisé.

Enfin, je le dis sans être agressif à M. Dragon, je suis un peu surpris que vous discutiez des contours de la nouvelle autorité alors qu’hier vous avez voté en faveur de sa suppression.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Me rendant aux arguments du rapporteur, je vais retirer l’amendement. Je m’interroge néanmoins sur l’articulation entre l’amendement CD378 et l’amendement CD429 qui pose un principe et renvoie au règlement intérieur les modalités de son application, ce qui me paraît de très bon aloi.

M. Nicolas Dragon (RN). Après avoir entendu le rapporteur et pris connaissance de son amendement CD378, qui clarifie utilement la rédaction actuelle de l’alinéa 8, je retire mon amendement.

Monsieur Saint-Huile, nous avons en effet rejeté l’article 1er car nous étions, comme d’autres membres de la commission, agacés par l’absence de réponses à plusieurs questions. Je l’ai dit lors des auditions du directeur général de l’ASN et de l’IRSN et je le répète, le groupe Rassemblement national est favorable à la fusion des deux entités.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CD15 de Mme Mireille Clapot, CD130 de Mme Julie Laernoes et CD339 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Mireille Clapot (RE). Je suis perplexe sur le projet, néanmoins, étant une réformiste et pas une conservatrice, j’accepte bien volontiers de discuter de la fusion. J’ai déposé plusieurs amendements sur l’alinéa 8 qui n’a heureusement pas été supprimé. Cet amendement-ci n’étant pas le plus pertinent, je le retire et je m’exprimerai sur les autres.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous n’avons sans doute pas le monopole du travail avec les syndicats. Nous avons déposé un amendement pour préciser les dispositions de l’alinéa 8, mais il a été découpé en quatre par les services, ce qui ne favorise pas sa lisibilité. Je vous propose donc une présentation globale de cette réécriture.

Nous proposons ici de préciser, à l’alinéa 8, que l’Autorité est « indépendante », afin de garantir l’indépendance des personnes responsables de l’expertise.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’ai rencontré le même problème de rédaction que Julie Laernoes, ce qui me permet de rappeler que ce qualificatif d’« indépendante » a été voté par les sénateurs. Le rapporteur de notre commission des affaires économiques a souhaité sa disparition. C’est un mauvais signal, à mon avis.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Version sénatoriale ou non, le statut donné à cette nouvelle autorité est une garantie suffisante d’indépendance. Parmi les dix-sept AAI, aucune n’est qualifiée d’indépendante dans sa dénomination, qu’il s’agisse de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) ou de l’actuelle ASN. Dès ma prise de parole liminaire, j’ai dit que si certains ajouts du Sénat étaient intéressants, d’autres me semblaient inutiles voire inopportuns. Ce n’est pas manquer de respect au Sénat que d’apporter notre part à l’élaboration du texte. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. En apportant une telle précision, le risque, paradoxalement, est de dévaloriser le caractère indépendant de toutes les autres autorités. La HATVP est indépendante, comme le sont la CRE, l’Arcom – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique –, l’Arcep – Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse – et l’ASN. Cette nouvelle autorité le sera également, du fait de son statut même. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je soutiens ces amendements. Selon le ministre, le rapport Verwaerde n’existe pas – ce qu’il est obligé de dire s’il a été classé secret‑défense. Or, d’après une dépêche d’AEF du 2 février dernier, « l’ancien administrateur du CEA (2015-2018) a été chargé d’une mission sur “la gouvernance de la filière nucléaire” indique l’Élysée le 2 février, à la veille de la réunion du Conseil de politique nucléaire. » Un article des Échos révèle que le Président de la République aurait fait corriger ce rapport en ce qui concerne la gouvernance de la sûreté nucléaire. Une loi réformant la sûreté nucléaire ne peut pas être débattue et votée sur la base d’un rapport classé secret-défense. Cela pose un problème démocratique majeur. Nous demandons, une fois de plus, que le chapitre traitant de la gouvernance de la sûreté nous soit transmis.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Comme votre intervention n’a pas de rapport immédiat avec les amendements, je vous propose de les mettre aux voix, avant que le ministre vous réponde.

L’amendement CD15 est retiré.

La commission rejette les amendements CD130 et CD339.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Des travaux classifiés au sein du Conseil de politique nucléaire ont évoqué l’idée de la fusion des organismes. Nous avons ensuite mené un travail tout à fait transparent pendant un an pour étudier sa proposition : je pense notamment à l’excellent rapport auquel j’ai déjà fait référence et dont les auditions ont été publiques, tout comme l’est notre débat d’ailleurs.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Ce rapport classifié est, d’après nous, le seul document qui justifie le projet de loi. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à appuyer la demande de déclassification faite lundi par le président de la commission des finances, Éric Coquerel ?

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons besoin de connaître les fondements de la réforme. Ne nous renvoyez pas indéfiniment au rapport de l’Opecst, si pertinent qu’il soit, puisqu’il ne répond pas à notre question. Nous n’avons même pas d’étude d’impact qui présenterait les inconvénients du système actuel afin de comprendre qu’il faille en changer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il n’est pas juste de donner l’impression que ce projet de loi tombe du ciel comme la décision autoritaire d’un deus ex machina, dans je ne sais quel complot, alors qu’il y a un exposé des motifs, une étude d’impact de 200 pages et un rapport de l’Opecst – je crois à la vertu du travail parlementaire et j’ai eu l’occasion d’examiner des tonnes de rapports de l’Opecst qui sont d’excellente qualité, comme l’est celui-ci. Des travaux préliminaires classifiés ont donné lieu à une réflexion, qui a conduit à un projet de loi extrêmement détaillé. Vous avez le droit de ne pas être convaincus, mais pas de laisser croire qu’il y a autre chose derrière.

Amendements identiques CD83 de M. Sébastien Jumel, CD145 de Mme Mireille Clapot, CD156 de Mme Julie Laernoes, CD231 de M. Gérard Leseul et CD300 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Au-delà de la distinction essentielle entre les personnes en charge de l’expertise et celles en charge de la décision, il convient de garantir l’indépendance des personnes responsables de l’expertise.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Si l’on tient à établir une distinction entre les deux fonctions de décision et d’expertise, c’est aussi pour éviter que l’expertise ne vienne a posteriori, à la seule fin de justifier une décision déjà prise. Nous souhaitons préserver le bon fonctionnement actuel, à l’aube d’un grand bousculement de notre gouvernance en matière de sécurité et de sûreté nucléaires.

M. Gérard Leseul (SOC). Je remercie le rapporteur d’avoir maintenu l’alinéa 8, lequel nous permet de réaffirmer la nécessité d’une indépendance. Contrairement à ce qu’a dit le ministre, il n’y est pas question de l’ASN et de l’IRSN mais de la séparation fondamentale qu’il doit y avoir entre l’expertise et la décision.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Ce ne serait donc pas un deus ex machina, monsieur le ministre délégué ? Cela ne vient peut-être pas d’un amendement apparu après la lecture au Sénat du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cela fait un an qu’on en débat !

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il y a un an, c’est arrivé comme un cheveu sur la soupe ! Depuis, si nous avons travaillé, bizarrement, nous arrivons à la conclusion du Gouvernement il y a un an…

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne vais pas revenir sur ce qui se passe depuis un an, je l’ai déjà expliqué. La « distinction » entre expertise et décision me paraît préférable à l’« indépendance ». Plus de 200 experts travaillent au sein de l’ASN, sans que cela ne remette en cause l’indépendance de la décision. Quand la direction de l’ASN est auditionnée au CAE – Conseil d’analyse économique – ou dans les commissions compétentes du Parlement, personne ne remet en cause son fonctionnement. En outre, les personnels de la potentielle future autorité seront soumis à des règles déontologiques de prévention des conflits d’intérêts, comme dans toutes les AAI. Une commission d’éthique et de déontologie, créée par le Sénat, veillera à leur respect. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Sur cette question de la distinction, je serai favorable à l’amendement CD378 du rapporteur. Selon l’avis du Conseil d’État, préciser l’indépendance risque de créer une étanchéité plus forte encore entre les experts de l’IRSN et ceux qui décident à l’ASN. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Comment garantissez-vous, dans l’état actuel de votre projet de loi, que l’expertise ne servira pas uniquement de justification à une décision mais bien de point d’appui ? M. Doroszczuk, que nous avons auditionné dans le cadre de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, craignait de devoir trancher entre la sécurité de l’approvisionnement électrique et la sûreté des installations. En pleine canicule, choisissez-vous de ne plus alimenter les climatiseurs d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou de faire fonctionner une installation qui ne le devrait pas ? Sans l’assurance de la transparence des positions et des avis des experts, la charge de la preuve est renversée. En maintenant une illusion de dualité, dans un règlement intérieur qui peut être modifié à tout instant, vous bousculez très sérieusement la gouvernance et placez les personnels des futures organisations dans une position très embarrassante, que le président actuel de l’ASN souhaiterait éviter à tout prix. Pourriez-vous nous exposer votre conception des choses, puisque rien n’est explicité dans la loi ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai cru voir – même si je ne parlerai pas en son nom – que le président de l’ASN avait démenti les propos que vous lui prêtez.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ils ont été filmés !

M. Roland Lescure, ministre délégué. On vérifiera. L’IRSN et l’ASN échangent au quotidien sur les dossiers. Si vous inscrivez dans la loi l’indépendance des uns et des autres, vous risquez d’empêcher les échanges existant entre experts et décideurs. Le président de l’ASN siège avec une voix délibérative au conseil d’administration de l’IRSN.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Tous les présidents de l’ASN ont toujours dit ce que dit le président actuel. On pourrait faire une longue collection de leurs déclarations : ils ne veulent pas se retrouver face à la nécessité de faire un choix cornélien sur la sûreté nucléaire. Notons d’ailleurs qu’ils ont à chaque fois montré leur capacité à faire les bons choix.

La question de l’indépendance est capitale. J’appelle les collègues à faire leur ce principe, élémentaire, selon lequel l’expertise est indépendante de la décision.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD14 de Mme Mireille Clapot, CD154 de Mme Julie Laernoes, CD287 de M. Gérard Leseul, CD299 de M. Benjamin Saint-Huile, amendement CD151 de M. Sébastien Jumel (discussion commune)

Mme Mireille Clapot (RE). Mon amendement vise à substituer aux mots « la personne responsable » les mots « les personnes responsables », dans la mesure où il s’agit d’une intelligence collective. L’expertise est multiple.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je ressens une pointe d’agacement dans la salle. Comprenez, mes chers collègues, que nous sommes vraiment inquiets. Nous posons des questions à un ministre que nous n’avons pas eu l’occasion d’auditionner, afin de connaître les raisons d’une réforme qui nous paraît dangereuse. Nos amendements sur la nécessité de l’indépendance entre la décision et l’expertise ont reçu un avis défavorable et n’ont pas été adoptés ; soit. Mais partagez-vous au moins notre inquiétude, monsieur le ministre délégué, ou pensez-vous que l’indépendance de la prise de décision vis-à-vis de l’expertise n’est pas importante et qu’il faut la confier à un règlement intérieur modifiable à souhait ? Les auditions de la commission d’enquête ont été filmées : vous pourrez donc retrouver facilement les propos du président de l’ASN. Jeter le doute sur des propos filmés et écrits plutôt que de répondre sur le fond des questions ne permet pas un vrai débat.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). L’amendement vise à substituer au mot « responsable » les mots « ou les personnes responsables » afin d’harmoniser la rédaction entre les personnes responsables de l’expertise et celles responsables de la prise de décision.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vos amendements ne correspondent pas à la réalité du travail mené actuellement à l’IRSN et à l’ASN. Hier, j’ai dit que c’était un faux système dual, parce qu’il n’y a pas, d’un côté, ceux qui procèdent à l’expertise, et, de l’autre, ceux qui prennent la décision. Le principe, c’est que le responsable de l’expertise préalable, c’est-à-dire la personne qui la signe, soit distinct de la personne qui endosse la responsabilité de la décision. Nous nous retrouvons sur ce point, qui est également ressorti des travaux menés par l’un des douze groupes de travail qui réfléchissent à l’organisation de la future potentielle autorité depuis un an. Un exemple concret : les expertises techniques de 74 % des quarante réexamens en cours sur les installations gérant les déchets sont entièrement réalisées au sein même des services de l’ASN. Depuis le début de nos débats, j’entends dire qu’il y a une frontière stricte entre les deux autorités, ce qui n’est pas vrai. Il faut tenir compte de la réalité. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il est évidemment souhaitable de distinguer, pour un dossier donné, la personne qui valide l’expertise de celle qui décide, ce qui fera l’objet de l’amendement CD378 du rapporteur. En revanche, aller jusqu’à séparer organiquement toutes les personnes chargées de l’expertise et toutes celles chargées de la décision nous semble beaucoup trop rigide et ne permettrait pas de garder une nécessaire flexibilité. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Sur le fond, nos débats montrent toute la difficulté de spécifier dans la loi des choses qui relèvent du cheminement pratique de l’expertise et de la décision en matière de sûreté nucléaire. Sur la forme, je voudrais saluer la transparence dont font preuve les groupes de la France insoumise et des écologistes, qui sont les seuls à noter dans l’exposé des motifs de leurs amendements qu’ils ont été travaillés avec l’intersyndicale, ce qui est une manière polie de dire qu’ils leur ont été transmis – ils me l’ont été également. C’est important de le préciser, non pas pour critiquer ceux qui ont émis ces demandes mais pour comprendre qu’il s’agit de leur point de vue, certes infiniment respectable. La coconstruction devrait se faire, en réalité, dans le règlement intérieur plutôt que dans la loi.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Premièrement, quand on touche à la sûreté nucléaire, on le fait avec les personnels qui l’assurent et avec celles et ceux qui, jusqu’à preuve du contraire, ont, pour l’instant, mis la France à l’abri d’un accident nucléaire majeur. On ne touche pas à la sûreté nucléaire comme on entre dans un jeu de quilles, sans prendre en considération l’avis des experts, des scientifiques et des organisations syndicales du secteur. Cela me paraît élémentaire, car il ne s’agit pas de n’importe quel domaine. Ce qui est incroyable, c’est que si nous réformions la direction générale de la sécurité intérieure ou je ne sais quelle direction de la défense nationale sans écouter les généraux, les commissaires de police ou les officiers de police judiciaire, vous nous diriez que nous sommes irresponsables. J’assume pleinement de travailler avec l’intersyndicale de l’IRSN.

Deuxièmement, monsieur le rapporteur, il existe une confusion entre les expertises de conformité et les expertises techniques. Mais il y a une manière très simple de régler le débat picrocholin que nous avons sur la distinction : inscrire, à l’alinéa 9, que les avis sont publiés en amont des décisions, ce qui offrira la garantie d’indépendance que nous recherchons.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Le fait d’indiquer que nous avons élaboré ces amendements avec l’intersyndicale de l’IRSN relève d’une question de transparence mais c’est surtout un gage de sérieux. Nous avons travaillé sur le texte avec les professionnels du sujet, qui sont majoritairement opposés à votre projet de fusion et de désorganisation d’un système qui marche et dans lequel ils sont heureux de produire un travail internationalement reconnu. Ce qui me sidère, c’est que vous n’écoutiez pas ceux qui nous préservent depuis des années d’incidents voire d’accidents nucléaires. Comment pouvez-vous balayer leurs inquiétudes ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il me semble que vous faites preuve d’une certaine confusion dans les expertises. Il y a deux métiers distincts : celui que font les salariés de l’ASN, d’une part, et celui que font les salariés de l’IRSN, d’autre part. À entendre le ministre, on a presque l’impression qu’ils font le même métier, qu’il y aurait des doublons et que tout irait plus vite en fusionnant les deux instances. Vous avez, monsieur le rapporteur, suivi comme moi avec assiduité les auditions. À l’ASN, ce sont des experts spécialisés dans la conformité, qui vérifient que la réglementation a été respectée dans le process ou que le design est conforme aux règles. Les experts scientifiques de la sûreté font de la sûreté, ce qui n’est pas du tout le même métier. Il faut être précis quand on parle d’expertise. M. Repussard, lors de son audition, a très clairement précisé la distinction absolue existant entre les deux expertises.

La commission rejette les amendements identiques, ainsi que l’amendement CD151.

Amendements identiques CD150 de M. Sébastien Jumel, CD153 de Mme Julie Laernoes, CD163 de M. Maxime Laisney, CD286 de M. Gérard Leseul et CD336 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). L’amendement CD150 vise, une nouvelle fois, à assurer le minimum de garanties nécessaires quant à l’indépendance fonctionnelle entre responsables de l’expertise et responsables de l’élaboration et de la prise de décision.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement CD153 est un amendement d’appel. Je vais reprendre un mot que vous aimez bien, monsieur Millienne, pour dénoncer l’ineptie de cette réforme. Des groupes d’experts, qui fonctionnent, placés auprès du président de l’ASN, contribuent au processus d’expertise en apportant un regard critique et des compétences spécialisées. Les personnels de l’ASN ne peuvent pas être membres des groupes permanents existants, la décision étant distincte de l’expertise. Mais comment préserver cette indépendance, une fois les instances fusionnées ? Comment ces groupes d’experts pourront-ils continuer le travail qui leur est réclamé par les industriels et les exploitants ?

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’indépendance doit concerner l’expertise mais aussi sa validation. Le risque que fait courir la réforme, c’est que les experts ne puissent rendre que des résultats, sans pouvoir formuler leurs préconisations.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La rédaction actuelle est claire quant à la distinction entre les personnes chargées de valider l’expertise et celles qui sont responsables de la décision. On comprend bien que c’est celui qui signe l’expertise qui la valide.

Madame Laernoes, à l’ASN, il n’y a pas que des experts ès conformité. Je vous invite à aller les rencontrer. Plus de 70 % des personnels de l’ASN sont des ingénieurs de très haut niveau, qui ne sont pas là pour cocher des cases de conformité. Veuillez respecter les personnels de l’IRSN et de l’ASN dans notre débat !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dès que j’ai été nommé, j’ai souhaité rencontrer le directeur général de l’IRSN, le président de l’ASN et les représentants des deux intersyndicales. Nous avons tous à cœur d’écouter l’ensemble des parties prenantes sur ce sujet, avant de nous faire notre opinion. Personne ici n’a le monopole du dialogue avec les parties prenantes. Les auditions l’ont d’ailleurs montré.

L’ASN, ce sont 2 000 décisions par an, dont environ 350 sont issues de l’expertise de l’IRSN. Ces 1 650 décisions ne sont pas prises au doigt mouillé, en regardant la direction du vent. Il y a une véritable expertise derrière ces décisions importantes, qui concernent la sûreté de nos installations nucléaires. J’aimerais donc que l’on évite de diviser le monde entre des ronds-de-cuir qui cocheraient des cases et des intellos qui feraient de la recherche. En réalité, les collaborateurs de l’IRSN sont sensibles aux enjeux de sûreté, qu’ils intègrent lorsqu’ils préparent leurs décisions. Ils ne travaillent pas dans des laboratoires pour envoyer des équations auxquelles répondraient les décisions de ronds-de-cuir. On a des gens extrêmement intelligents, qualifiés et bien formés des deux côtés, et ce sera encore le cas demain. Il faut s’assurer que le processus de décision soit clair. C’est, je pense, ce que propose l’amendement CD378 du rapporteur, pour éviter toute confusion des genres. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je comprends que la nouvelle stratégie soit d’attaquer mes propos personnellement. Je parle du fond. Je n’ai jamais remis en cause le travail fondamental du personnel de l’ASN ni de celui de l’IRSN – nous travaillons avec toutes les organisations intersyndicales. Ce que je dis, qui nous a été répété, c’est qu’ils ne font pas le même métier. Je ne dis pas qu’il faut être moins intelligent à l’ASN qu’à l’IRSN ! Le travail de conformité est extrêmement complexe. Je ne dis pas non plus qu’un métier est plus dévalorisant que l’autre, seulement que ce ne sont pas les mêmes. Monsieur le ministre, vos propos prêtent à confusion : vous faites comme si ces expertises étaient des doublons, ce qui ne me semble pas juste. Par respect pour les métiers extrêmement précieux qui s’exercent aussi bien à l’ASN qu’à l’IRSN, il me semble important de marquer cette distinction.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD378 du rapporteur

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’alinéa 8 issu des travaux du Sénat élargit le champ de la distinction entre l’expertise et la décision par rapport au projet de loi initial. Je souhaite conserver cette avancée qui permet d’inclure des décisions importantes comme le redémarrage des centrales nucléaires. Il convient toutefois de clarifier la rédaction de cette disposition en tenant compte des remarques formulées par les personnes concernées, comme Mme Batho nous y invitait à raison tout à l’heure.

Ainsi, un groupe de travail ad hoc mis en place dans le cadre des travaux de préfiguration de la future autorité est arrivé à un consensus permettant de garantir la qualité des résultats de l’expertise et de la prise de décision. Il s’agit de s’assurer que la personne qui valide l’expertise est distincte de la personne qui signe la décision ou propose le projet de décision au collège de la nouvelle autorité. Nous pouvons tous nous retrouver sur ce principe et cet amendement, qui a été travaillé avec les intéressés des deux rives ; j’en défendrai un autre, CD429, visant à assurer la cohérence rédactionnelle entre les alinéas 8 et 9.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable. J’invite celles et ceux dont les amendements précédents n’ont pas été adoptés à voter cet amendement très équilibré du rapporteur. Il permettra d’engranger les gains de la fusion, qui va fluidifier le passage des personnels de l’expertise à la décision, tout en garantissant la séparation des responsables de ces deux fonctions.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD164 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Monsieur le ministre délégué, je vous serais reconnaissante de ne pas caricaturer nos propos. Personne ici n’a dit qu’il n’y avait pas d’expertise à l’ASN. Nous disons simplement que l’expertise présente à l’IRSN est indépendante du décideur, à savoir l’ASN, et que la fusion de ces deux autorités nous fera perdre cette séparation. Le principe dual actuel permet de protéger la production experte et technique des influences politiques, économiques et industrielles.

Nous ne sommes pas les seuls à le dire : lors de son audition devant notre commission, le directeur général de l’IRSN lui-même avait souligné le risque de voir l’expert intégrer la volonté du décideur par le biais d’une forme d’autocensure, voire de pressions exercées sur lui. Ces pressions seront d’autant plus importantes qu’il existera un lien hiérarchique « entre la personne responsable de l’expertise et la personne ou les personnes responsables de l’élaboration de la décision et de la prise de décision ». C’est ce lien que notre amendement vise à interdire.

Vous avez manifesté votre agacement à nous entendre défendre la mise en place de nombreux garde-fous qui, selon vous, ne feraient que scléroser le fonctionnement de la future autorité. C’est pourtant vous qui nous y contraignez en vous acharnant à chambouler un système dual qui fonctionne très bien et garantit de fait l’indépendance de l’expertise. Nous faisons ce que nous pouvons pour maintenir cette dernière dans la situation que vous provoquez.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous souhaitez qu’il n’y ait pas de lien hiérarchique entre la personne responsable de l’expertise et celle responsable de la décision. Comme je vous l’ai expliqué lors de l’examen des amendements précédents, le Sénat a trouvé un équilibre que nous venons de préciser en adoptant mon amendement CD378, travaillé avec les représentants de l’ASN et de l’IRSN. Il ne me semble pas souhaitable d’aller au-delà.

Dans les faits, l’ensemble du personnel est placé sous l’autorité d’un directeur général ou du collège : votre proposition ne me paraît donc pas opérationnelle. En réalité, votre amendement rigidifierait et pourrait même paralyser le fonctionnement de la nouvelle autorité. En tout cas, il ne le fluidifiera pas ! Je déplore que vous n’ayez pas voté l’amendement précédent, qui a réglé tous les problèmes. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. En 2018, l’ASN a demandé que le couvercle de la cuve du réacteur de Flamanville 3 soit changé en 2026. Cette décision très lourde, très forte, a été instruite par les experts de l’ASN, sans que son caractère indépendant n’ait été remis en cause par qui que ce soit. Les équipes de l’ASN spécialisées dans les équipements sous pression nucléaires, basées à Dijon, exercent un travail d’expertise tout à fait similaire à celui que réalise l’IRSN. L’amendement CD378, que vous venez d’adopter, vise à renforcer la distinction entre expertise et décision en nous faisant bénéficier au maximum des gains d’efficacité liés au rapprochement entre les deux autorités – une mesure qui permettra, à mon sens, aux personnels de mener des carrières plus intéressantes.

Comme je l’ai dit vendredi dernier, les mêmes interrogations ont été soulevées lors de la fusion de l’Unedic et de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), ce que je comprends dans un contexte d’incertitude. Je le répète, le travail essentiel va commencer dès le lendemain de la promulgation de cette loi. Le défi majeur concerne l’organisation de la nouvelle autorité, la convergence des systèmes d’information et la mise en œuvre d’un certain nombre de synergies qui seront essentielles pour convaincre les salariés que cette fusion a du sens. Ce sont les mesures d’exécution qui permettront d’entraîner dans cette démarche l’ensemble des collaborateurs. Je ne lâcherai pas l’affaire : je viendrai très souvent m’assurer du bon déroulement de la fusion.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La décision de l’ASN relative au couvercle du réacteur de Flamanville repose sur une note d’expertise de l’IRSN publiée en juin 2017 et sur une instruction conjointe de l’ASN et de l’IRSN. Connaissant la technicité de ces sujets, j’ai beaucoup d’indulgence pour M. le ministre délégué, mais nos propositions sont tout à fait fondées.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ces instructions conjointes de l’ASN et de l’IRSN, qui seront évidemment facilitées lorsque ces deux institutions auront fusionné, se fondent sur l’expertise de l’ASN. Je ne retire donc rien de ce que j’ai dit tout à l’heure.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Une note d’expertise de l’IRSN a été rendue publique en juin 2017. Tel est le point capital.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD429 de M. Jean-Luc Fugit et CD332 de M. Emmanuel Maquet

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. J’ai déjà évoqué ces amendements de cohérence rédactionnelle.

M. Pierre Vatin (LR). Nous sommes hésitants s’agissant de l’opportunité de la fusion, mais nous demandons à tout le moins le maintien, par cohérence, d’une distinction entre les fonctions d’expertise et de décision. Il convient d’exprimer clairement le principe selon lequel ces deux missions doivent être assurées par des personnes différentes.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cette précision est tout à fait bienvenue. Avis favorable.

M. le président Jean-Marc Zulesi. L’adoption de ces amendements identiques ferait tomber les amendements CD73 à CD43, qui portent sur l’alinéa 9.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Elle ferait effectivement tomber mon amendement CD318 visant à supprimer, à l’alinéa 9, les mots « et d’interaction », qui sont sources de confusion et n’apportent rien du point de vue juridique. Définir « les modalités de distinction » entre deux personnes revient en effet à dire comment peut se passer leur interaction.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CD73 de M. Pierre Meurin, CD236 de M. Gérard Leseul, CD85 de M. Sébastien Jumel, CD16 de Mme Mireille Clapot, CD235 de M. Gérard Leseul, CD318 de Mme Delphine Batho, CD84 de M. Sébastien Jumel et CD43 de Mme Mireille Clapot tombent.

Amendement CD301 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). Nous souhaitons compléter l’alinéa 8 par la phrase suivante : « Les personnels chargés des activités d’expertise peuvent s’autosaisir de l’évaluation de la sûreté nucléaire d’une installation nucléaire de base. »

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Comme cela a été rappelé lors des auditions, la pratique de l’autosaisine existe déjà à l’IRSN, même si elle ne figure pas actuellement dans la loi. Cette dernière n’a pas à s’immiscer dans le fonctionnement quotidien de la future autorité administrative indépendante. Par ailleurs, la réforme va améliorer la communication entre les experts et les décideurs : aussi l’autosaisine d’une autorité unique me paraît-elle moins justifiée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD40 de Mme Mireille Clapot

Mme Mireille Clapot (RE). Nous nous sommes demandé hier s’il existait, en matière nucléaire, un degré d’expertise suprême qui exclurait le recours à d’autres intervenants. Selon les salariés de l’IRSN – j’ai moi aussi sourcé mes amendements –, des dialogues techniques sont possibles avec la société civile. Cela s’est fait pour la révision des réacteurs de 900 mégawatts électriques, de même que cela se fait actuellement dans le cadre du quatrième réexamen périodique de sûreté des réacteurs de 1 300 mégawatts. Les participants à ce dialogue sont des représentants de commissions locales d’information (CLI), d’associations et des experts non institutionnels. L’objectif est de tenir compte des préoccupations de chacun, d’ouvrir l’accès à l’expertise et de permettre une participation de la société civile. Aussi serait-il judicieux de compléter l’alinéa 8 par la phrase : « Les travaux d’expertise de l’Agence de sûreté nucléaire et de radioprotection peuvent recourir à des dialogues techniques avec la société civile. »

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ce dialogue technique existe déjà : il s’agit d’un processus d’interaction avec la société civile. Si cette pratique est effectivement essentielle, elle ne relève pas de la loi, ni même du domaine réglementaire. Elle pourrait être mentionnée, au mieux, dans le règlement intérieur de la nouvelle autorité, mais il ne nous appartient pas de nous immiscer dans le fonctionnement quotidien de cette dernière.

Hier soir, lors de l’examen de l’article 4, nous avons abordé la question de la participation de la société civile. Nous avons prévu des interactions, entre autres, avec le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Ces mesures me semblent suffisantes.

Je vous demande donc de retirer votre amendement. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le rapporteur et le rapporteur pour avis ont souligné le risque de fixer trop de choses dans la loi et, ce faisant, de compromettre la capacité de l’autorité indépendante à bien organiser son travail de manière à assurer la sûreté dont les Français ont besoin et à laquelle ils ont droit. Ces dialogues sont déjà possibles aujourd’hui sans qu’ils ne figurent dans la loi ; ils le resteront évidemment demain. Laissons l’autorité s’organiser en ce sens, dans le cadre de son règlement intérieur.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il est très intéressant d’entendre que ces dialogues sont déjà possibles aujourd’hui, mais nous sommes justement en train de changer les choses : nous avons donc besoin d’inscrire des garanties dans la loi.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que cette pratique relevait au mieux du règlement intérieur. Il se trouve que l’article 2 vise à fixer ce document : l’amendement de Mme Clapot me semble donc particulièrement pertinent.

Aux dires de toutes les personnes auditionnées, le dialogue technique, y compris avec la société civile, améliore la sûreté ; or il me semble fondamental d’inscrire dans la loi les principes permettant d’atteindre cet objectif.

La commission des affaires économiques, saisie pour avis, a voté la suppression de l’article 4, qui était le seul à traiter de la transparence. Même si nous remercions M. Fugit d’avoir plaidé pour le maintien d’un certain nombre de dispositions, nous avons donc des raisons d’être particulièrement inquiets en matière de transparence. Les auditions que nous avons menées en témoignent également. Nous débattrons prochainement de la publication des avis en amont de la décision.

En toute transparence, nous précisons dans l’exposé sommaire de nos amendements la manière dont nous les avons travaillés. Nous ne faisons pas de copier-coller. Je constate que la réciproque n’est pas vraie : lorsque vous travaillez des amendements avec des lobbys comme Les Voix du nucléaire, il serait intéressant de le mentionner.

M. Bruno Millienne (Dem). Nous nous devons aussi d’écouter les salariés de l’ASN et de l’IRSN qui participent aux douze groupes de travail réfléchissant à la préfiguration de la future institution. Or j’ai l’impression que leur avis et leur travail sont totalement occultés dans cette commission, où l’on ne parle que des desiderata de l’intersyndicale – vous avez au moins le mérite d’indiquer la provenance de tous vos amendements, et je vous en remercie.

Vous ne dites jamais un mot des autres salariés, qui sont tout aussi respectables que les représentants syndicaux. J’ose croire qu’ils ne sont pas des moutons suivant aveuglément la direction et qu’ils travaillent eux aussi à la rédaction du règlement intérieur de la future entité, duquel dépendront leurs travaux. Ils n’ont aucun intérêt à se saborder ! L’amendement de Mme Clapot me paraît donc participer d’une forme d’ineptie.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Les syndicats des salariés de l’ASN, de l’IRSN et du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont indiqué que, dans le cadre des douze groupes de travail que vous évoquez à juste titre, le dialogue avait d’abord été possible. Les choses se sont ensuite corsées entre les personnels des différentes institutions, dont les métiers et la culture professionnelle ne sont pas les mêmes, d’autant qu’il n’y avait pas d’arbitre. Aucun des douze groupes de travail n’a pu aboutir à un consensus. Je déplore donc que vous vous appuyiez sur ces instances plutôt que sur l’avis des responsables syndicaux, à moins que vous ne vouliez remettre en cause les conditions du dialogue social et le rôle des syndicats dans notre pays. Je vous invite à relire le compte rendu des réunions de ces groupes de travail ainsi que leurs conclusions.

M. Gérard Leseul (SOC). Les intersyndicales de l’IRSN, de l’ASN et du CEA se sont effectivement prononcées contre la réforme. Elles comptent en leur sein des salariés – cadres ou non – ayant participé aux groupes de travail que vous avez évoqués. Je vous invite à ne pas opposer les représentants syndicaux à ces groupes de travail, qui ont fonctionné et même formulé des propositions d’amélioration de leur fonctionnement quotidien, et à respecter le travail que nous avons réalisé en toute transparence.

M. Bruno Millienne (Dem). Vous êtes incroyable ! Je n’ai pas opposé les uns aux autres : j’ai simplement fait remarquer que vous aviez cité l’intersyndicale mais jamais, à aucun moment, les groupes de travail. C’est un fait, dont tous les membres de la commission sont témoins. Heureusement qu’il y a des discussions, des dissensions et des désaccords – sinon, ces groupes ne serviraient à rien ! S’il y a une discussion, il y a forcément des désaccords : notre commission en est la preuve. Il serait étonnant que les participants soient tout de suite d’accord sur tout : ils mènent une mission de préfiguration dont l’objectif est d’aboutir à un accord. Arrêtez de dire que les discussions sont finies parce que les uns et les autres ne sont pas d’accord : ils vont continuer de discuter et finiront par y arriver.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD239 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à maintenir l’exigence de présentation des résultats d’expertise sous une forme qui contribue à protéger le « dire d’expert », lequel fait aujourd’hui la richesse d’une grande partie des travaux de l’IRSN. Cette forme est appelée « position scientifique et technique » pour la distinguer des avis de l’ASNR.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous avons déjà longuement débattu de la distinction entre expertise et décision. Je rappelle que le règlement intérieur définira les règles de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts auxquelles seront soumis l’ensemble des personnels de la future autorité, en application de l’article 13 de la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Par ailleurs, le Sénat a prévu la création d’une commission d’éthique et de déontologie chargée de veiller au respect de ces règles ; il a également ajouté, aux alinéas 16 et 17, une disposition permettant de faciliter le déport du président de la future ASNR lors de l’examen des conventions conclues avec les industriels. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD169 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Tout à l’heure, M. le ministre délégué a pris l’exemple de l’avis rendu par l’ASN sur le couvercle de Flamanville. Mme Batho a déjà tout dit. Quant à moi, je dis juste : chiche ! Si vous faites cette fusion, si vous dissolvez l’IRSN dans l’ASN, si les décisions deviennent davantage fondées sur des enjeux économiques que sur des enjeux de sûreté, je ne suis pas du tout sûr que l’on change le couvercle de Flamanville d’ici à 2026.

Mon amendement CD169 ressemble à celui de M. Leseul que vous venez de rejeter. Il a également été travaillé avec l’intersyndicale de l’IRSN – comme quoi deux amendements peuvent se ressembler en ayant la même source : ce ne sont pas des copier-coller. La nouvelle autorité, si elle voit le jour, doit publier des « positions scientifiques et techniques » et non de simples résultats d’expertise ne comportant pas forcément un avis. Nous n’avons pas repris ce terme pour éviter toute confusion avec les avis du collège, mais nous entendons bien demander aux experts de donner leur avis, fondé sur leurs calculs, sur l’opportunité de maintenir un réacteur en fonctionnement ou de changer une soupape, par exemple.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous débattrons de cette question à l’alinéa 13, qui introduit le principe de la publication des résultats d’expertise. Il ne me semble pas souhaitable de déterminer la forme que devront prendre ces résultats : cela rigidifierait un peu trop le cadre normatif. L’équilibre trouvé par le Sénat me paraît satisfaisant. Il n’est pas utile d’inscrire dans la loi des règles déjà satisfaites dans la pratique. Je n’ose plus vous demander de retirer votre amendement : je lui donne d’emblée un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La notion de « position scientifique et technique » n’existe pas aujourd’hui dans la loi : vous souhaitez donc introduire une nouvelle notion législative, qu’il faudra évidemment définir et qui rigidifiera là encore le fonctionnement de la future autorité. Je crains que l’ajout d’une nouvelle brique vienne scléroser tout l’édifice. Un benchmarking des études existantes à l’échelle internationale pourra-t-il être considéré comme une position scientifique et technique ? Le rapport devra-t-il être rendu en anglais, en français, en italien ou en japonais ? Tenons-nous-en aux concepts figurant déjà dans ce projet de loi, notamment à celui de résultat d’expertise : je reste convaincu qu’ils permettront d’assurer l’indépendance et la distinction entre l’expertise et la décision. Comme l’a annoncé M. le rapporteur, nous débattrons ensuite de ce qui doit être publié ou non. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD41 de Mme Mireille Clapot

Mme Mireille Clapot (RE). Monsieur le ministre délégué, vous avez dit tout à l’heure qu’après la réforme, l’autorité serait plus puissante, plus efficace, plus indépendante et plus transparente – c’est du moins votre souhait. Je propose que le règlement intérieur de la future ASNR prévoie explicitement que l’autorité est « officiellement investie d’une mission d’ouverture à la société et de processus de participation à la décision publique ». Vous allez peut-être me répondre que c’est déjà prévu ou que cela va de soi, mais un principe aussi important que le dialogue avec la société civile mérite de figurer clairement dans la loi. Cela rassurerait nos concitoyens.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement est, effectivement, pleinement satisfait. L’information du public est assurée dans le cadre des dialogues techniques. En outre, l’article 4 que nous avons adopté hier soir – sur lequel vous aviez des amendements – prévoit que la nouvelle autorité présente à l’Opecst ainsi qu’au HCTISN, qui peut émettre un avis, les sujets sur lesquels une association du public est organisée. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Mireille Clapot (RE). Je maintiens mon amendement car il me semble important d’inscrire ces dispositions en dur dans la loi, et plutôt deux fois qu’une. Les citoyens qui suivent nos débats, en particulier ceux qui ont des doutes en matière de sûreté nucléaire, en seront d’autant mieux convaincus.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous aurions gagné du temps et mieux respecté la volonté du Gouvernement de créer une autorité indépendante en adoptant un article unique ainsi rédigé : « Le Parlement décide de créer une nouvelle autorité et confie à son président le soin de rédiger entièrement son règlement intérieur. » Le travail serait déjà terminé et nous vous aurions épargné la peine de répéter sans cesse les mêmes réponses – que nous pourrions écrire à l’avance.

M. Gérard Leseul (SOC). J’irai dans le même sens que M. Laisney. Mme Clapot pose une question de bon sens. Peut-être sa précision est-elle un peu redondante avec l’esprit du texte, mais puisque vous renvoyez tout au règlement intérieur et que nous ne savons pas ce qu’il comportera, il n’est pas anormal de vouloir en préciser les contours, s’agissant notamment de cette question essentielle. La vocation première de ce projet de loi doit être de rassurer la population quant à la sûreté des dispositifs mis en œuvre : il nous semble donc important d’inscrire dans le règlement intérieur le principe d’une ouverture à la société, étant entendu que les modalités d’application seront définies par le conseil d’administration de la future autorité.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes dispose que « la loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ». Le reste relève évidemment du règlement intérieur, lequel n’est pas le fait d’un deus ex machina mais bien d’un collège chargé d’une responsabilité très claire, celle d’assurer la sûreté des installations nucléaires.

La longueur du texte actuel montre qu’il est un peu plus complexe et complet que M. Laisney ne semble le penser. Nous allons continuer de l’améliorer, en faisant preuve d’ouverture et avec la conviction très forte que nous devons profiter pleinement de ce rapprochement entre les deux institutions pour les rendre plus puissantes, plus efficaces, plus indépendantes et plus transparentes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD432 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer l’alinéa 10, une disposition qui, comme beaucoup d’autres, n’a pas sa place dans ce projet de loi. Il doit revenir à la future autorité, dans son règlement intérieur, de fixer la forme et surtout les missions confiées à sa commission ou à son référent chargé de la déontologie. L’alinéa 10 risque de limiter les missions confiées à la commission d’éthique et de déontologie, alors même que l’intention du législateur est de donner à cette instance un large champ de compétences. Certains diront que ces dispositions superfétatoires sont faites pour rassurer, mais à part vous, chers collègues de la NUPES, je n’ai pas entendu grand monde s’inquiéter de la sûreté nucléaire dans notre pays. J’ai un peu l’impression que certains font état de craintes en la matière pour justifier leurs propres amendements plutôt que pour renforcer cette sûreté.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous proposez de supprimer la référence à une commission d’éthique et de déontologie ajoutée par le Sénat. Une telle commission existe aujourd’hui au sein de l’IRSN et je suis, pour ma part, plutôt favorable à son maintien dans la future autorité. Les auditions que nous avons menées ont d’ailleurs laissé apparaître une convergence, et même une unanimité sur ce point. En revanche, je conviens que les missions de la commission sont mal définies. C’est pourquoi je défendrai un amendement CD380, identique à un amendement de M. Brosse, au profit desquels je vous demande de bien vouloir retirer le vôtre. Cela nous ferait gagner du temps.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Vous avez rappelé, monsieur le ministre délégué, que la loi devait fixer les principes fondamentaux de la sûreté et de la sécurité nucléaires dans notre pays. Nos collègues sénateurs ont ajouté un certain nombre de dispositifs à l’unique endroit où ils pouvaient le faire, à savoir dans le règlement intérieur de la future autorité. Or un énorme doute subsiste : j’ai déjà dit que la commission des affaires économiques, saisie pour avis, avait proposé la suppression du seul article évoquant le principe de transparence ! Tout un symbole ! Je vous invite donc à faire preuve de mansuétude, d’ouverture ou d’esprit de dialogue en maintenant les dispositifs visant à répondre à cette inquiétude – je pense notamment à ceux relatifs au dialogue avec le public ou à la création d’une commission d’éthique et de déontologie –, par respect pour le travail de nos collègues sénateurs et afin de pallier l’absence d’inscription claire de ces principes dans la loi.

L’amendement CD380 auquel vous nous renvoyez, monsieur le rapporteur, vise à restreindre le champ de compétences de la commission d’éthique et de déontologie aux seules questions relevant des articles 13 et 14 de la loi du 20 janvier 2017. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Je suis très attachée à la mise en place d’une commission d’éthique et déontologie chargée notamment de conseiller le collège dans la rédaction du règlement intérieur. Il faut savoir que la commission d’éthique et de déontologie de l’IRSN est placée auprès du conseil d’administration, au sein duquel je siège. Ne diminuons pas les prérogatives de cette instance, qu’il convient au contraire de renforcer et de préciser. J’avais moi-même déposé un amendement, déclaré irrecevable, prévoyant que les membres de la commission soient nommés par des entités extérieures au collège.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nos deux rapporteurs défendent deux positions différentes : les députés de la majorité ayant le choix entre deux options, nous allons essayer de les aider et de les orienter vers l’amendement de M. Fugit. La création de cette commission de déontologie nous paraît en effet importante ; nous avons même déposé des amendements prévoyant qu’elle puisse s’appuyer sur une charte et que l’ensemble des personnels de la nouvelle autorité soient formés à la déontologie.

Il y a plein de dispositions que nous voudrions graver dans le marbre : on nous répond qu’elles existent déjà, qu’elles seront maintenues et qu’il ne faut pas s’inquiéter. Mais il y a des raisons d’être inquiet quand on vous entend plaider pour la suppression d’instances telles que la commission de déontologie de l’IRSN !

M. Raphaël Schellenberger (LR). Il est vrai que je ne suis pas membre de la commission du développement durable.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Cela peut se corriger…

M. Raphaël Schellenberger (LR). Non, et je vais vous expliquer pourquoi ce n’est pas plus mal. Il m’est arrivé, au cours de la présente législature ou de la précédente, de participer à certains de vos travaux et, en tant que membre de la commission des lois, je suis toujours surpris par certains éléments d’ordre légistique ou procédural.

Permettez-moi de lire l’alinéa 10, que M. le rapporteur pour avis propose de supprimer : « L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection met en place une commission d’éthique et de déontologie chargée de conseiller le collège pour la rédaction du règlement intérieur, de suivre son application et, dans les conditions définies par le règlement intérieur, de garantir le respect des règles fixées aux articles L. 592-13-1 et L. 592-14. » Je veux bien que l’on tergiverse sur les modalités du contrôle, mais franchement, cette disposition est incompréhensible ! Si l’on écrit la loi, on écrit des choses sensées. Je vous invite donc à adopter l’amendement de la commission des affaires économiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD380 du rapporteur et CD361 de M. Anthony Brosse, et amendement CD2 de Mme Danielle Brulebois (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Mon amendement CD380 pourra rassurer M. Schellenberger puisqu’il réécrit la fin de l’alinéa 10.

Mme Pascale Boyer (RE). L’amendement CD361 vise à élargir les missions de la commission d’éthique et de déontologie qu’a prévue le Sénat pour l’ASNR, et qui existe déjà au sein de l’IRSN.

Mme Danielle Brulebois (RE). L’amendement CD2 vise à coordonner le détail des missions de la commission d’éthique et de déontologie, conformément aux dispositions de la loi organique du 20 janvier 2017 qui prévoit que seuls les principes fondamentaux d’organisation et de fonctionnement d’une autorité administrative indépendante relèvent de la loi. L’amendement permet par ailleurs de ne pas limiter les missions de la commission à celles, trop restrictives, que mentionne l’alinéa 10.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je suis évidemment favorable à l’amendement CD361 et propose à Mme Brulebois de retirer le sien, dont le champ est un peu plus restreint.

L’amendement CD2 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement rédactionnel CD381 du rapporteur tombe.

Amendements CD238 de M. Gérard Leseul et CD171 de M. Maxime Laisney (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Avec l’amendement CD238, nous proposons que la commission d’éthique et de déontologie créée soit également chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d’une part, l’expertise et, d’autre part, l’élaboration de la décision et la prise de décision. Il s’agit de garantir la transparence de la gouvernance de la sûreté nucléaire.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement CD171 vise à ce que la commission veille notamment à la publication des avis d’expertise en amont des délibérations du collège. Cela constituerait un outil majeur pour permettre la participation du public à la décision. Principe constitutionnel selon l’article 7 de la Charte de l’environnement, la participation du public à la décision figure également dans la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Enfin, dans son avis de novembre 2023 sur le projet de loi, le Conseil national de la transition écologique a estimé que le respect de ce principe supposait que la publicité des éléments techniques qui supportent toute décision du collège se situe « suffisamment en amont de la décision ».

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ces amendements vont au-delà des missions classiques d’une commission d’éthique et de déontologie, qui consistent à veiller aux règles déontologiques applicables aux personnels. Le règlement intérieur définira les règles et modalités de publication des expertises et les modalités de distinction entre expertise et décision. Il pourra faire l’objet d’un recours si ces dispositions sont contraires aux principes de publication et de distinction consacrés dans la loi.

S’agissant des missions de la commission, il convient d’en rester aux principales règles déontologiques, ce qui répond peut-être aux inquiétudes qu’exprimait Mme Laernoes. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Une loi fixe déjà le cadre déontologique des autorités administratives indépendantes et concentre les missions de la commission de déontologie sur l’éthique et la déontologie des personnes et des process. Si on adoptait ces amendements, on « tordrait » les dispositions qui s’appliquent à toutes les AAI, en introduisant des missions qui ne sont pas en ligne avec celles conférées par la loi. Cela fixerait dans la loi des éléments qui ne devraient pas y figurer et qui préjugent du débat sur la publication des avis que nous aurons à alinéa 13.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CD172 et CD170 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Les exceptions et les entorses à ce qui existe déjà dans le cadre de la loi ne vous étouffent pas toujours : par exemple, vous vous débrouillez pour rassembler des personnels de trois statuts différents dans une même autorité administrative indépendante, laquelle mènera des activités de recherche, ce qui n’existait pas, car vous vous rendez compte qu’il faut de la recherche pour qu’il y ait de l’expertise.

L’amendement CD170 vise à assurer une formation de tous les personnels à la déontologie. Cette recommandation émane de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement.

L’amendement CD172 insiste sur la nécessité que la commission d’éthique et de déontologie s’appuie sur une charte. C’est le cas pour la commission de déontologie de l’IRSN : la charte indique que l’IRSN « réalise ses missions en étant guidé par des considérations scientifiques et techniques, indépendamment de tout intérêt politique, économique ou commercial particulier ». C’est bien le moins pour une autorité de sûreté nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Certains voulaient supprimer la commission d’éthique et de déontologie ; d’autres entendent y mettre tout et n’importe quoi. J’ai suggéré de la conserver, en gardant un certain équilibre. Il faut certes inscrire dans la loi le principe de cette commission, mais les formations relèvent de l’organisation interne de l’autorité. De même, la charte ne relève pas de la loi. Il faut respecter le fonctionnement des AAI, sans ajouter de la complexité. Il ne s’agit pas de cacher quoi que ce soit, mais de donner de la souplesse et de laisser les personnels s’organiser. Les salariés de l’autorité pourront d’ailleurs saisir la commission d’éthique et de déontologie s’ils constatent des problèmes relevant de la formation ou de la déontologie. Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Le risque, en écrivant beaucoup de choses dans la loi, est paradoxalement de déresponsabiliser une organisation que l’on souhaite responsable. On crée une autorité indépendante avec un collège qui aura la charge de la sûreté des installations nucléaires, et on voudrait lui dire de former ses agents à la déontologie ? Cela va un peu loin ! Je suggère de faire en sorte que cette autorité qui aura des responsabilités importantes les assume efficacement. C’est pourquoi je vous propose de retirer les deux amendements.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je suis surpris du manque de hauteur de nos débats. Ce n’est pas la forme juridique de la structure et les règles relatives aux AAI qui doivent fonder nos arguments : il est question de la sûreté nucléaire, il importe d’apporter des précisions dans la loi ! Le sujet le mérite et je ne comprends pas que nous ne puissions pas nous retrouver sur cette question, compte tenu des enjeux.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD74 de M. Pierre Meurin

M. Nicolas Dragon (RN). Il s’agit de préciser les conditions dans lesquelles un expert est reconnu comme tel. Actuellement, l’ASN est composée de fonctionnaires dont une partie ne reste que trois ans en son sein avant de partir servir l’État dans d’autres institutions ou ministères. Quelle que soit la compétence d’un fonctionnaire, une expérience de trois ans n’est pas suffisamment solide.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Que le talent dépende du nombre des années est discutable. Surtout, il est déjà prévu que les membres des groupes permanents d’experts soient nommés en raison de leurs compétences. En outre, votre exposé sommaire fait référence aux seuls fonctionnaires alors que les experts viennent d’horizons variés – société civile, industrie, organismes d’expertise, laboratoires de recherche, universités, autorités de sûreté étrangères… – et ont des statuts divers. L’amendement paraît donc inopérant. Il ne s’agit pas d’années d’expérience mais de compétences. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends que l’on cherche à s’assurer que les experts le soient véritablement. Les membres des groupes permanents d’experts ont bien plus que trois années d’expérience. L’amendement étant satisfait, je vous suggère de le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendements CD131 de Mme Julie Laernoes et amendements identiques CD86 de M. Sébastien Jumel et CD302 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je pose à nouveau ma question sur le fonctionnement des groupes permanents d’experts. Pour être compétents, ces derniers doivent connaître les thématiques des dossiers qu’ils examinent. Afin d’éviter tout conflit d’intérêts, leurs membres doivent déclarer leurs intérêts pour chaque dossier examiné et se déporter si nécessaire. Le personnel de l’ASN ne peut pas participer aux groupes d’experts existants, ce qui vise à assurer l’indépendance entre l’expertise et la décision. Je n’ai pas compris la façon dont vous prévoyez de préserver cette indépendance. La jugez-vous importante ? Si oui, il importe de l’inscrire sinon dans la loi, du moins dans le règlement intérieur par le biais de la loi, et donc, à l’alinéa 11, de remplacer les mots « de l’expertise » par les mots « et l’indépendance de leur expertise vis-à-vis de la décision ».

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). L’amendement CD86 résulte de l’impérieuse nécessité de disposer de groupes permanents d’experts divers et surtout indépendants. Sans distinction et sans indépendance claire entre les personnes chargées de l’expertise et celles chargées de la décision, tous les experts de l’hypothétique nouvelle entité devront quitter les groupes permanents d’experts. Cela réduira significativement la compétence globale de ces instances et conduira à donner une place majeure aux exploitants nucléaires.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’idée est que le règlement intérieur définisse des règles aptes à assurer l’indépendance des membres des groupes permanents d’experts. L’existence de ces groupes est préconisée par l’AIEA afin que l’autorité de contrôle bénéficie d’un éclairage indépendant, notamment en vue de sa prise de décision, qui permette de confronter les points de vue, lesquels sont de fait indépendants.

Par ailleurs, l’alinéa 11 prévoit déjà que le règlement intérieur définisse les règles propres à prévenir les conflits d’intérêts des experts : ces règles déontologiques sont précisées à l’annexe 2 au règlement intérieur de l’ASN. Il est inutile d’aller plus loin. C’est pourquoi je vous propose de retirer les amendements. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Ces experts sont nommés par le directeur général de l’ASN, sur le fondement d’un avis et de propositions d’une commission rassemblant les représentants de plusieurs administrations. Il est possible que l’on recueille l’avis d’un exploitant ou d’un exploitant retraité : bien que cela semble représenter un conflit d’intérêts, ce dernier peut apporter une expertise pertinente au groupe d’experts dans son ensemble. Ce point, difficile à expliquer dans la loi, constituera un des axes du travail de préfiguration, afin de s’assurer que les groupes d’experts sont véritablement indépendants, capables de produire un consensus indépendant des décideurs, tout en s’appuyant sur les expertises les plus larges possible. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problème, mais celui-ci ne doit pas être traité dans la loi.

Aujourd’hui, des membres de l’IRSN appartiennent à ces groupes de travail. Adopter vos amendements tels quels poserait un vrai problème de transition, ce que personne ne souhaite. C’est pourquoi je suggère le retrait de ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Effectivement, il y a un problème dans le fonctionnement des groupes d’experts puisque, pour maintenir l’indépendance et la distinction entre expertise et décision, les salariés de l’ASN ne pouvaient pas y siéger. Par ces amendements, nous essayons d’y remédier, de manière certes bancale, par l’intermédiaire du règlement intérieur.

Mais, je le répète, comment garantissez-vous, dans le projet de loi, l’indépendance entre l’expertise et la prise de décision ? C’est une vraie question, y compris pour la pérennité du fonctionnement des groupes d’experts. Si l’on fusionne les instances, les décideurs et les experts auront le même label. On peut se demander comment l’on distinguera ceux qui peuvent participer aux groupes d’experts et ceux qui décident. Nous ne trouvons aucune réponse dans le texte, et c’est pour cela que nous insistons tellement.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Le débat révèle une tentative de complexifier le processus qui m’inspire des réserves. L’intérêt d’accélérer et de fluidifier les instructions me semble acquis. Dans cette réforme, mal montée au départ, si on rigidifie la séparation entre expertise et décision, on crée un problème. On voit que les amendements que nous examinons n’ont pas vocation à séparer ceux qui rendent l’expertise de ceux qui rendent la décision sur un dossier, mais bien à établir, au sein de la structure, des statuts différents. Cela n’aurait aucun sens. On doit certes s’assurer que, dans l’instruction d’un dossier, l’expertise et la décision sont deux choses distinctes, menées par des personnes différentes. Mais l’intérêt de la réforme est tout de même que les personnes se rencontrent et montent en compétences ensemble.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il y a deux débats. D’une part, en votant l’amendement CD378 du rapporteur, la commission a inscrit dans la loi que le signataire de la décision est distinct de celui qui valide l’expertise. L’amendement n’est peut-être pas parfait, mais il permet d’assurer cette distinction en évitant de tout scléroser, pour répondre aux arguments pertinents de M. Schellenberger. Personne n’a voté contre.

D’autre part, s’agissant des groupes permanents d’experts, nous devons maintenir notre capacité à recruter les personnes pertinentes, même si elles travaillent chez un exploitant, pour former un groupe d’experts, à condition que celui-ci soit indépendant.

Le règlement intérieur de l’ASN prévoit que « La procédure de création ou de renouvellement d’un groupe permanent d’experts comprend l’élaboration d’une cartographie des compétences attendues, la mise en place d’un appel public à candidatures sur le site internet de l’ASN, la constitution d’une commission de sélection, l’évaluation des candidatures par cette commission et la publication de la décision de désignation des membres de ce groupe permanent d’experts au Bulletin officiel de l’ASN. Le remplacement d’un membre d’un groupe permanent d’experts intervenant en cours de mandat fait l’objet d’une procédure allégée. » Les procédures sont rigoureuses et il n’y a aucune raison que cela change. Personne ici ne fait un procès d’intention à la future autorité, pour ce qu’elle écrira dans son règlement intérieur.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CD175 de M. Maxime Laisney et CD174 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’amendement CD174 vise à faire en sorte que, dans le processus d’expertise, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection s’appuie sur des dialogues techniques avec la société civile. Nous avons déjà eu le débat lors de l’examen de l’amendement de Mme Clapot.

M. Delalonde, le président de l’Agence nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli), a souligné l’importance de ces dialogues développés avec l’ASN et l’IRSN. Ils ont permis de sortir de l’opacité des décisions, de renforcer la compréhension des avis d’expertise et des décisions, et donc la confiance du public et la robustesse des avis, puisque les experts tiennent compte des questions qui leur sont posées par la société civile pour rédiger leurs avis et les rendre compréhensibles.

Avec l’amendement CD175, de repli, l’amendement CD174 est véritablement profitable aux pro-nucléaires : si vous voulez relancer le nucléaire et construire des EPR 2 et des SMR dans tous les coins du globe, vous devrez obtenir la confiance des gens. Sans cela, vous risquez d’entretenir des relations houleuses avec M. Delalonde qui, quoique partisan de la relance du nucléaire, soutient fermement la nécessité de la confiance et de la compréhension.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous connaissons bien M. Delalonde, avec lequel nous poursuivrons les discussions. Nous avons déjà eu ce débat. Je le redis, cet élément ne relève pas de la loi. En outre, nous avons déjà prévu des dispositions permettant d’améliorer l’information du public à l’article 4. Retrait ou avis défavorable.

Par ailleurs, je regrette que Mme Batho n’ait pas été présente pour défendre son amendement CD222 car je comptais lui donner un avis favorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le scoop de ces deux amendements est que M. Laisney est un pro-nucléaire ! Plus sérieusement, l’amendement CD175 donne l’impression que l’ASNR n’aurait pas naturellement l’autorité d’intégrer dans le processus d’expertise les dialogues techniques avec la société civile. Or c’est évidemment le cas.

Quant au CD174, il systématise les dialogues techniques pour toutes les décisions de l’autorité. Or cela n’est évidemment pas nécessaire pour des dossiers très simples. L’ASN prend des centaines de décisions, par exemple sur la création d’une installation de radiologie ou de traitement du cancer. S’il était adopté, l’amendement entraînerait un fort allongement des délais. Je suggère de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD356 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). Par cet amendement, nous ajoutons, après l’alinéa 11, que l’ASNR définit dans son règlement intérieur les niveaux d’exigence attendus en fonction des différents types d’installation soumis à son examen. Il s’agit, dans la continuité des objectifs du présent projet de loi, d’optimiser le temps d’instruction des dossiers en fonction de leur degré de sensibilité et de dangerosité réelle.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il revient aux experts de décider des modalités de contrôle des installations. Nous ne voulons surtout pas diminuer les exigences en matière de sûreté nucléaire : il faut un contrôle proportionné au risque, comme c’est déjà pratiqué. Laissons les experts s’en occuper. La disposition n’a rien à faire dans la loi. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le principe selon lequel le niveau d’exigence est fonction du type d’installation est déjà prévu dans la loi : les textes prévoient un contrôle proportionné eu égard au risque, en fonction du type d’installation. L’amendement étant satisfait, je suggère de le retirer.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je ne partage pas les propos du rapporteur. En tant que législateur, nous avons à nous exprimer sur ce que doit être notre niveau d’exigence en matière de sûreté. Certes, les réponses pourront être différentes selon différents groupes, mais la sûreté est la préoccupation du peuple, non des experts, auxquels il revient seulement de s’assurer que nos exigences sont respectées. Nous devrons rediscuter de certaines exigences qui, dans les dernières années, sont devenues plus théoriques que pratiques. De cette discussion dépend notre capacité à réussir un plan de réindustrialisation nucléaire.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). M. Schellenberger n’a pas donné d’exemples de ce qu’il avance mais je voudrais mettre en garde les collègues qui pensent que le nucléaire peut sauver le climat et décarboner les énergies. Si vous assouplissez les règles de la sûreté et qu’un accident nucléaire survient, vous en serez responsables. Dans ce cas, vous aurez condamné le nucléaire pour les décennies futures : si une centrale nous explose à la figure, les Français n’en voudront plus ! C’est vous qui condamnez le nucléaire !

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Laisser croire au public qu’il est question d’amoindrir les exigences en sûreté est dangereux : c’est toujours la sûreté maximale qui est recherchée. Je ne comprends pas ces allégations qui laissent entendre que tout ne sera pas mis en œuvre. Tout doit être prévu, anticipé, traité. Quelles que soient les conditions, la sûreté doit être assurée. C’est le rôle de l’autorité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD433 de la commission des affaires économiques

Mme Anne-Laurence Petel (RE). Par cet amendement, nous proposons que l’ASNR définisse dans son règlement intérieur les modalités de publication des résultats de ses activités d’expertise dans l’ensemble de ses domaines de compétences. Si, pour la transparence des travaux, la publication des résultats des expertises est importante, certains d’entre eux peuvent relever du secret médical, du secret des affaires ou du secret industriel. Il est donc excessif de poser un principe de publication systématique. Il convient plutôt de le renvoyer à une définition dans le règlement intérieur, par l’AAI elle-même.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous proposez de renvoyer les modalités de publication des résultats des expertises au règlement intérieur. Je souhaite maintenir la rédaction du Sénat, qui inscrit dans la loi le principe de la publication des résultats et des avis. C’est une garantie importante en matière de transparence, qui vise à rassurer, à améliorer la crédibilité et l’acceptabilité du nucléaire. Au-delà, le règlement intérieur pourra définir les règles et modalités de la publication.

Demande de retrait : après les heures de discussion que nous avons eues, il serait bienvenu de garder certaines avancées du Sénat qui attestent de la convergence des points de vue de différents groupes.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis : l’amendement va trop loin et trop fort. On peut toutefois progresser encore, et je suis prêt à travailler avec les députés qui le souhaitent pour avancer sur la question d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendements CD87 de M. Sébastien Jumel et CD355 et CD277 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Il s’agit d’insérer les mots « en amont de la prise de décision » à l’alinéa 13. Une publication en amont garantit que la position de l’expert n’est pas modifiée a posteriori pour satisfaire les contraintes du décideur, l’expert et le décideur étant du fait de la loi dans la même structure. Elle est également une condition sine qua non pour assurer l’indépendance de l’expertise et sa transparence, et permettre l’adhésion de la population, notamment dans le contexte de relance historique du nucléaire.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Les amendements CD355 et CD277 de ma collègue Delphine Batho, ainsi que le CD281 qui viendra un peu plus loin, ont le même objectif. Le premier vise à s’assurer que la totalité des positions de l’expertise scientifique et technique sont publiées en amont de la décision. Le CD277 se contente de préciser que la publication se fait sans délai, et le CD281 que la totalité des positions de l’expertise scientifique et technique sont publiées. L’objectif est de s’assurer du respect de la transparence et du droit à l’information du public, un des piliers de la sûreté nucléaire.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’amendement CD87 ne me semble pas pertinent : dans le rapport de l’Opecst, le sénateur Stéphane Piednoir et moi-même recommandions une publication concomitante. Je reconnais qu’une certaine souplesse sera nécessaire, par exemple pour les dossiers instruits pendant plusieurs années, qui peuvent mériter une publication anticipée à certaines étapes du processus. Ce sera le cas de l’autorisation de création du centre industriel de stockage géologique (Cigéo). À l’inverse, pour certains dossiers instruits dans des délais très courts, comme des modifications d’autorisation pour faire face à des aléas industriels, les expertises et la décision sont publiées naturellement de manière concomitante. Je suis donc plutôt défavorable au principe d’une publication systématique des avis en amont.

Quant aux amendements CD355 et CD277, il n’est pas souhaitable de déterminer la forme que prendra la publication. Le Sénat a renforcé le principe de publication en l’inscrivant dans la loi, ce qui constitue une avancée importante, qui doit être préservée. Il faudra approfondir ce point en vue de la séance publique, et préciser ce principe. À ce stade, je suis défavorable aux amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Nous sommes évidemment favorables à la publication des résultats d’expertise et des avis des groupes permanents d’experts. La transparence est une variable-clé de l’acceptabilité du nucléaire, que nous souhaitons développer. Cela ne fait nullement débat.

La règle générale est de publier l’ensemble des éléments permettant au public d’évaluer la qualité de la décision : ordinairement, on publie donc ensemble les décisions et les éléments qui les fondent – c’est même un principe de politique publique. En l’occurrence, cependant, un peu de souplesse liée aux spécificités du nucléaire s’impose. On sait bien, en effet, que certaines décisions doivent être prises d’urgence, auquel cas les expertises seront peut-être publiées un peu plus tard. À l’inverse, comme dans le cas de Cigéo ou des examens décennaux, qui s’étalent sur plusieurs années, il peut arriver qu’on souhaite publier ces expertises au fur et à mesure, avant que les décisions soient prises.

C’est là un point que nous devrons travailler en vue de l’examen du texte en séance publique. Cependant, tels qu’ils sont formulés, les amendements proposés sont beaucoup trop contraignants. J’en suggère donc le retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je remercie le rapporteur Fugit d’avoir maintenu l’examen de ces dispositions contre l’avis de la commission des affaires économiques. Peut-être comprenez-vous mieux, monsieur le ministre délégué, l’émoi qui nous a saisis lorsque, lundi soir, après la réunion du Congrès à Versailles, nous avons vu la commission des affaires économiques attaquer à la tronçonneuse toutes les garanties et tous les principes fondamentaux que contenait le texte du Sénat. Nous récupérons un peu et je me réjouis que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire se soit battue pour examiner comme il se doit ce projet de loi, qui relève de son champ de compétences.

Le nucléaire a souvent été un peu fâché avec la transparence. Au fil des années et de l’expérience, on y a remédié.

Monsieur le ministre délégué, vous venez de déclarer que vous étiez favorable à la publication, mais que vous ne vouliez pas l’inscrire dans la loi. Je m’interroge. C’est la porte ouverte à l’affaiblissement des principes fondamentaux de la sûreté du nucléaire, qui repose sur la publication des rapports sur lesquels se fondent les décisions. Vous faites l’inverse de ce que vous dites.

M. Gérard Leseul (SOC). Comme Mme Laernoes, je me félicite que nous soyons en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour parler sérieusement de la sûreté nucléaire, et non pas en commission des affaires économiques, qui nous a fait vivre la tragédie de lundi soir.

Monsieur le ministre délégué, vous avez dit tout à l’heure qu’il était possible que certaines décisions urgentes soient prises sans qu’on ait le temps de publier l’expertise. Mais une décision urgente ne se fonde-t-elle pas, elle aussi, sur un rapport d’expertise ? Sans cela, on ne peut pas prendre de décision ! Si donc on dispose de rapports d’expertise, pourquoi ne pas les publier ? Pourriez-vous nous citer quelques exemples très précis qui permettraient d’éclairer votre position ?

M. Raphaël Schellenberger (LR). Nous sommes tous ici très attachés à l’indépendance de l’expertise comme à celle de la décision. Je suis gêné par le fait qu’avec ces amendements, sous couvert d’indépendance de l’expertise, on cherche en réalité à s’asseoir sur l’indépendance de la décision, alors que le texte doit précisément préserver l’équilibre entre les deux, toutes deux nécessaires. Fixer dans la loi le moment de la publicité des avis techniques revient, d’une certaine façon, à s’asseoir sur l’indépendance de la décision. Pour Les Républicains, ce sera une ligne rouge.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Tel qu’il est rédigé, l’article, qui prévoit que le règlement intérieur définisse les modalités de publication des résultats, laisse une marge de manœuvre quant à la décision de publication des avis d’expertise. En effet, différents cas se présentent. On imagine bien que, pour la décision de fermer une centrale, la publication de l’avis d’expertise doive être simultanée. En revanche, des avis d’expertise portant sur des sujets divers pourront sans doute, au vu du règlement intérieur et sur la base d’un accord entre les différentes parties, faire l’objet de publications intermédiaires visant à éclairer le public. La rédaction de l’alinéa 13 me semble donc suffisante, et adaptable à la diversité des cas qui peuvent se présenter.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Comme l’a relevé M. Schellenberger, il est difficile de quantifier dans la loi l’équilibre à trouver entre la capacité à décider en toute indépendance, sans pression et compte tenu de toutes les informations disponibles, et la capacité à expertiser et à chercher, également en toute indépendance et sans subir de pressions. Dire que la règle générale est de tout publier en même temps et qu’il y a des exceptions pouvant conduire à aller tantôt plus vite, tantôt moins vite, me semble de bon aloi. Il faut trouver la rédaction qui convient pour cela.

Monsieur Leseul, je ne voudrais pas que vous puissiez dire « on nous cache tout, on ne nous dit rien », mais il arrive parfois, parce que nous sommes dans le vrai monde, que l’on doive prendre vite des décisions qui engagent la sûreté de nos concitoyens – évidemment sur la base d’une expertise. Par exemple, si l’on doit faire évoluer rapidement le fonctionnement d’un réacteur, on fait tourner un modèle et les experts nous disent, sur deux filtres en fonction, s’il est possible que l’un soit réparé mais que l’autre continue à fonctionner. De tels événements se produisent dans le fonctionnement quotidien d’énormes installations industrielles, et c’est le métier des experts et des décideurs. Il faut donc que toutes les décisions prises soient transparentes – c’est le prix de la crédibilité ; en revanche, imposer la publication de la simulation du modèle avant même d’avoir décidé de débrancher temporairement le premier ou le deuxième filtre introduit une contrainte très rigide.

Nous avons tous le même objectif : la transparence, la qualité, la sûreté et, au fond, la confiance de tous nos concitoyens dans notre capacité à gérer des installations nucléaires d’une manière efficace et sûre. Gardons-nous donc de surréglementer. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CD18 de Mme Mireille Clapot, CD88 de M. Sébastien Jumel, CD213 de Mme Julie Laernoes, CD241 de M. Gérard Leseul et CD281 de Mme Delphine Batho, et amendement CD183 de M. Maxime Laisney (discussion commune)

Mme Mireille Clapot (RE). Nicolas Boileau, 1636-1711, écrivait : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ». Il devait être partisan d’un nucléaire sûr. Mon amendement CD18 tend donc à remplacer, à l’alinéa 13, les mots « publie les résultats des expertises » par « publie les positions scientifiques et techniques qui formalisent », afin d’éviter les confusions entre les avis émis par le collège et les éléments émis par les services, que nous proposons d’appeler « positions scientifiques et techniques ».

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Mon argumentaire est le même. En réalité, tout ce projet de loi n’a-t-il pas pour véritable fonction de museler l’avis des experts de la sûreté du nucléaire et d’empêcher l’IRSN de publier ses avis ? C’est ce qu’indique l’exposé de M. Schellenberger et il semble qu’il y ait là une ligne rouge pour Les Républicains. Nous sommes, nous aussi, très clairs sur ce point. Nous sommes en train, par le biais d’un règlement intérieur, de rompre avec la pratique de la publication des avis sur lesquels le décideur peut s’appuyer. Comment ce dernier pourra-t-il, quand il doit prendre une décision difficile, la justifier auprès du grand public et de l’État s’il ne peut pas s’appuyer sur la publication d’un avis d’expertise ?

M. le ministre délégué invoque la rapidité, mais la publication est très rapide : c’est un ping-pong quotidien entre l’IRSN et l’ASN, puisque, de toute manière, les rapports doivent être élaborés pour appuyer la décision.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous avons globalement les mêmes inquiétudes et les mêmes arguments. Cet amendement ne fixe pas de délai, et vous ne vous pouvez pas vous opposer au maintien de l’obligation légale de publication des avis de l’IRSN prévue par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous voulons avoir des assurances que l’ensemble des avis puissent être publiés.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement CD183 et le CD179, qui viendra juste après, visent à remplacer les termes « résultats d’expertise » par ceux de « positions scientifiques et techniques » ou, à défaut, d’« avis d’expertise ».

En effet, il ne faut pas nous limiter à la publication de résultats : nous devons disposer d’un document plus complet sur lequel le public puisse s’appuyer et qu’il puisse comprendre, afin de susciter sa confiance. Certains d’entre vous se sont demandé hier, avec un certain mépris, qui donc allait lire tous les documents. Justement, nous vous proposons de produire des documents plus facilement compréhensibles et qui éclairent la décision. Ce sont des amendements de bon sens qui améliorent l’information du public.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il ne me semble pas souhaitable de déterminer la forme que doivent prendre les résultats d’expertise. Nous devons éviter de trop rigidifier le cadre normatif. Il faut laisser la future autorité décider de la forme la plus pertinente pour ses publications, laquelle peut, en outre, varier selon les enjeux de chaque décision.

Le plus important, même si l’écriture peut être améliorée, est d’avoir inscrit dans la loi le principe de publication, comme l’a fait le Sénat à l’alinéa 13. Un équilibre satisfaisant a été trouvé et je ne pense pas qu’il soit de notre ressort d’inscrire dans la loi des règles qui sont déjà, en quelque manière, satisfaites depuis longtemps dans la pratique.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je tiens à rassurer les députés qui s’inquiètent : selon l’alinéa 13, « L’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection publie les résultats des expertises réalisées dans le cadre de ses instructions, ainsi que les avis des groupes permanents d’experts prévus à l’article L. 592‑13‑3. Le règlement intérieur définit les modalités de publication de ces résultats et des résultats de ses activités d’instruction. » Les avis des groupes d’experts et les rapports d’expertise seront donc évidemment publiés.

La règle générale de droit est que ces documents soient publiés en même temps que la décision, mais il arrivera aussi qu’ils soient publiés avant ou après. Les avis des groupes d’experts ne sont pas laconiques, ils sont motivés et argumentés. Tout cela sera publié, et nous avons bien expliqué les raisons pour lesquelles la temporalité proposée n’était pas la bonne.

En outre, les amendements introduisent la nouvelle notion de « positions scientifiques et techniques ». On voit à peu près ce que cela veut dire en français – et encore ! – mais en droit, c’est une notion qui n’existe pas. Seraient donc obligatoirement publiés les avis, mais aussi d’autres documents non définis ? Ce n’est pas une bonne idée.

Je suggère donc vivement le retrait de ces amendements. Nous pourrons peut-être améliorer encore l’alinéa 13 d’ici à la séance publique.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Il ne faut pas confondre publication et disponibilité. Ce n’est pas parce qu’un avis n’est pas public qu’il n’est pas disponible pour le décideur.

Par ailleurs, la notion de « positions scientifiques » me gêne : l’expert exprime un avis, mais la science, elle, énonce des faits, pas une « position ». Il faut utiliser les bons mots aux bons endroits, et non pas introduire des notions confuses qui sèment le doute.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CD179 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Amendement CD224 de Mme Julie Laernoes, amendements identiques CD17 de Mme Mireille Clapot, CD240 de M. Gérard Leseul et CD303 de M. Benjamin Saint-Huile, amendements identiques CD177 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CD178 de M. Maxime Laisney (discussion commune)

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous sommes nombreux à penser que la question du moment de la publication est cruciale.

Je réitère ma question : tout ce projet de loi n’a-t-il pas été inventé pour censurer la publication des avis en amont des décisions ? M. Millienne a évoqué un cas où cela pouvait poser problème, et M. Schellenberger a expliqué que l’obligation de publication d’une expertise technique faisant apparaître un problème privait le décideur de l’indépendance de sa prise de décision. Ces propos sont très graves, car tous nos modèles de confiance du public dans la sûreté du nucléaire reposent sur la publication en amont d’une expertise publique indépendante et fiable telle que celle de l’IRSN.

Si vous ne votez pas ces amendements demandant la publication en amont, vous rompez avec le principe qui régit la gouvernance de la sûreté nucléaire et l’information du public et vous affaiblissez le poids du décideur, qui ne pourra plus s’appuyer sur les expertises techniques publiques pour expliquer sa décision.

Mme Mireille Clapot (RE). Je suis moi aussi convaincue que la publication des avis en amont répond par avance à toutes les inquiétudes des citoyens et des associations. Aujourd’hui, les réseaux sociaux et l’opinion publique s’empareraient facilement des avis publiés, ce qui donne une garantie.

M. Gérard Leseul (SOC). La philosophie même de la sûreté est bien de rassurer nos concitoyens. Si vous voulez éviter les inquiétudes et considérez qu’elles sont injustifiées, il faut de transparence : publions les avis en amont de la décision, et toutes les parties prenantes du nucléaire – citoyens, ONG et experts – seront rassurées.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je serai moins péremptoire. J’ai déposé mon amendement CD303 car je pense que la fusion suscite dans le public une inquiétude légitime que vous ne lèverez pas si vous ne précisez pas le timing de la publication des expertises. Si vous considérez que la fusion est la condition sine qua non de l’accélération, imposer la publication en amont serait un signal rassurant pour ceux qui s’interrogent.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). M. Schellenberger nous dit que l’expertise doit être indépendante de la décision, et réciproquement. Si tel est le cas, qu’il essaie de convaincre ses collègues de ne pas voter l’ensemble du projet de loi : la meilleure façon d’assurer l’indépendance de ces deux volets est de ne pas fusionner l’IRSN et l’ASN !

Vous avez refusé jusqu’à présent toutes les garanties que nous avons demandées pour assurer l’indépendance de l’expertise et de la décision. Nous avons multiplié les amendements pour tenter d’améliorer ce texte pour le cas où, par malheur, la nouvelle autorité serait créée. La possibilité de publier les avis d’expertise – qui ne porteront du reste pas ce nom, puisque vous n’avez pas voulu le leur laisser – en amont de la décision et de leur soumission au collège est la condition sine qua non de l’indépendance et de la confiance.

Si l’avis est transmis directement pour décision à l’instance concernée au sein de la nouvelle autorité sans que le public en ait eu connaissance, et si l’on propose à ce dernier, après coup, non pas des avis, mais des résultats d’expertise dont l’analyse exige une formation qu’il n’a pas, sachant en outre que vous n’avez pas voulu non plus de dialogue technique, vous allez briser à coup sûr la confiance du public et mettre des gens dans la rue – ce que je ne savais pas être l’objectif de la majorité.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous en avons déjà parlé. Un équilibre a été trouvé avec l’alinéa 13, ajouté au Sénat, qui prévoit une publication des résultats des expertises ainsi que des avis des groupes permanents d’experts. Reste à discuter des modalités selon les cas : certains dossiers doivent être instruits dans des délais très courts, d’autres sur plusieurs années, avec des rapports intermédiaires. Si nous rigidifions les modalités pratiques et la forme que prendra cette publication, peut-être serons-nous convaincus d’avoir envisagé tous les cas possibles, mais dans la réalité, le dispositif ne sera pas opérant. Restons-en donc à une écriture assez proche de la version actuelle de l’alinéa 13, moyennant peut-être quelques petites modifications, mais n’allons pas plus loin.

Monsieur Laisney, en demandant une séparation complète de l’expertise et de la décision, vous demandez une fission de l’ASN, au sein de laquelle certains experts sont chargés de rapports d’expertise tandis que leurs collèges prennent les décisions. En démontant l’ASN, c’est son personnel que vous mettriez dans la rue ! Ce n’est pas sérieux. Avis défavorable, donc, à l’ensemble de ces amendements.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Personne ici ne remet en cause la qualité des publications de l’IRSN. Le code de l’environnement précise que l’IRSN « contribue à l'information du public. Lorsqu'ils ne relèvent pas de la défense nationale, l'institut publie les avis rendus sur saisine d'une autorité publique ou de l'Autorité de sûreté nucléaire, en concertation avec l'autorité concernée, et organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont il a l'initiative. » La loi prévoit donc déjà la publication. Les avis seront publiés et, en fonction des circonstances et en concertation avec l’ASN – ce qui sera encore plus simple, puisque les deux entités seront au sein de la même organisation – on décidera si l’on doit les publier en amont, en aval ou en même temps, pour des raisons uniques d’efficacité du processus, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

Je vous engage donc à retirer ces amendements, d’autant que certains d’entre eux introduisent des concepts juridiques aux contours très flous : qu’est-ce donc que publier l’expertise « en amont du processus d’élaboration et de la prise de décision » ? Pour moi, c’est le moment où l’on saisit l’expert, ce qui revient à dire qu’il faudrait publier les expertises avant même qu’elles aient été effectuées !

La formulation proposée par le projet de loi s’inspire de la loi actuelle. Nous pouvons sans doute l’améliorer, mais veillons à ne pas tout scléroser, sous peine de détériorer le processus de décision. Nous convenons tous que l’expertise et la décision doivent être deux processus forts et indépendants. Tout sera sur la table, tout sera connu – c’est déjà prévu par la loi telle qu’elle a été votée par le Sénat et ce sera donc le cas, à moins que vous ne décidiez de supprimer l’alinéa 13 en séance publique, ce que je ne crois pas.

Je suggère donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD288 de Mme Delphine Batho

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ma collègue Delphine Batho et, par sa voix, l’ensemble du groupe Écologiste-NUPES proposent une voie de sortie à ce débat. Cette proposition, qui peut paraître un peu insuffisante aux parlementaires que nous sommes, consiste à renvoyer au règlement intérieur la responsabilité de la définition des modalités permettant de garantir le respect du principe de transparence et d’indépendance de l’expertise en amont de la prise de décision. Il s’agit donc de préciser la chronologie de l’information et de la décision.

Selon l’amendement donc, le règlement intérieur définirait ces modalités. Ne serait inscrit dans la loi que le fait que l’information et la publication de l’expertise doivent intervenir en amont de la décision. Du reste, puisqu’elle repose sur une expertise, aucune décision, même prise d’urgence, ne devrait être entravée par cette proposition.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, ce dispositif pourrait être pertinent dans certains cas, mais beaucoup moins dans d’autres, en particulier lorsque les délais sont très courts. Pour faire face à des aléas industriels par exemple, les délais sont si brefs que l’expertise et la décision sont publiées en même temps.

Il est inutile de rigidifier le dispositif, M. le ministre délégué a été très clair à ce propos. Tout est sur la table. Le principe est inscrit dans la loi, charge au règlement intérieur de préciser les choses. Certains ne voulaient rien inscrire dans la loi, tandis que d’autres voulaient tout y mettre : nous nous sommes donc efforcés de trouver une position d’équilibre. Essayons maintenant d’avancer. Retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD383 et CD382 du rapporteur.

Amendement CD358 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit encore de transparence. L’amendement vise à ajouter à l’alinéa 13 les mots : « y compris auprès du public ».

Monsieur le ministre délégué, vous dites être pour la transparence mais vous ne soutenez pas les amendements que nous proposons en ce sens. Vous dites qu’il faut faire confiance, que tout est sous contrôle – propos que nous entendons souvent de la part de la filière du nucléaire. Dans les débats portant sur la sûreté et la sécurité du nucléaire, la question de la transparence est essentielle. Il est insatisfaisant de devoir passer par un règlement intérieur, mais c’est le seul endroit où nous pouvons graver dans le marbre cette obligation de transparence.

Les dispositifs actuels ne nous satisfont pas. Vous rompez avec un principe fondamental sur lequel la sûreté et la sécurité nucléaires se sont construites. Je vous demande donc de réfléchir, d’ici à la séance publique, à des modifications pour rassurer le public et montrer que vous tenez réellement à la sûreté du nucléaire, dans la transparence et avec la société civile.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne comprends pas ce que signifierait « y compris auprès du public ». Le principe de la publication des résultats d’expertise et des avis des groupes permanents d’experts est inscrit à l’alinéa 13 – c’est une avancée nécessaire en matière de transparence – et le règlement intérieur en fixera les modalités. Cependant, la publication consiste précisément à rendre ces éléments accessibles au public. Votre amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je n’ai pas dit que tout était sous contrôle, mais que tout sera sur la table, que tout sera public. Comme l’a très bien dit le rapporteur, la publication sous-entend évidemment que ces informations seront publiques. La seule chose qui manque, parce que vous l’avez supprimée avec l’article 1er, figurait déjà dans la loi régissant l’IRSN : « l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire contribue à l’information du public ». Si, comme je l’espère, nous rétablissons l’article 1er, l’ASNR contribuera alors à l’information du public et les modalités de publication seront fixées en tenant compte des contraintes raisonnables que je vous ai exposées. Tout sera sur la table. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD384 et CD385 du rapporteur.

Amendement CD272 de M. Gérard Leseul

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous convenons tous que la transparence est une condition indispensable pour rassurer le citoyen. Cet amendement a donc pour objet de nous assurer de la participation de la société civile aux projets de recherche dans le domaine du nucléaire.

Le contexte de ce débat est la prolongation de l’exploitation des réacteurs existants jusqu’à soixante ans, voire au-delà, avec l’annonce de plusieurs développements, comme les SMR, les AMR (réacteurs modulaires avancés), de nouvelles installations de recherche et le maintien et le renforcement d’une filière souveraine pour l’ensemble du cycle de combustible. Or nous sommes tous convaincus que ces objectifs nationaux ne pourront être atteints sans transparence ni adhésion du public. Nous souhaiterions donc voir associée la société civile aux programmes de recherche.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le projet de loi prévoit déjà une association de la société civile, notamment pour les projets de recherche. Nous l’avons évoqué lors de l’examen de l’article 4, qui améliore l’information et la transparence nécessaires en la matière. Je pense objectivement que nous avons fait le travail et je vous demande donc le retrait de cet amendement, même si je crains que ce soit en vain.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis et même espoir.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je suis, une fois encore, très surpris de voir mettre ensemble des mots sans réfléchir au sens de chacun d’eux. L’autorité organiserait la participation de la société civile aux projets de recherche dans un double objectif de débat et de transparence ? Pardon, mais participer à de la recherche pour débattre, ce n’est pas de la recherche. Quant à la transparence, je ne souhaite pas qu’elle soit organisée avec la société civile, mais avec le public – ce sont, en droit, des notions très différentes. La transparence ne concerne pas quelques personnes s’intéressant au sujet, elle a vocation à s’adresser à tous, c’est-à-dire au public. Voilà des mots mis ensemble pour le plaisir d’une digression, mais certainement pas pour réfléchir.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Merci, monsieur Schellenberger, pour cette petite leçon de légistique, mais c’est un peu fort de café ! Je comprends que Les Républicains ne se situent pas dans une optique d’amélioration de la sûreté nucléaire par la participation de la société civile, mais les acteurs de ce secteur disent tous, que cela vous plaise ou non, que les débats sur le nucléaire et la transparence sont nécessaires, et que la participation de la société civile fait réellement progresser la sûreté.

Si vous tenez vraiment à la sûreté du nucléaire, au lieu de dénigrer les amendements de vos collègues lorsqu’ils ne vous plaisent pas et d’édicter de pseudo-règles de légistique parce que vous êtes membre de la commission des lois, respectez les membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, même si les notions de développement durable et de débat démocratique vous sont quelque peu étrangères.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD386 du rapporteur.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Section 2
Dispositions transitoires

Article 7 : Transfert des salariés de l’IRSN à l’ASNR et au CEA

Amendements de suppression CD97 de M. Sébastien Jumel, CD138 de Mme Julie Laernoes et CD258 de Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Nous sommes opposés au texte et donc au présent article, qui organise le transfert des contrats de travail des salariés actuels de l’IRSN vers la nouvelle entité.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet article, qui organise les transferts des compétences, doit être supprimé. Vous parlez de simplification, je vois de la complexification, et rien n’est réglé pour le personnel. Vous justifiez votre projet d’absorption de l’IRSN par l’ASN en vous référant aux autorités de sûreté et de sécurité intégrées, comme aux États-Unis, mais dans cet article, vous dispersez les compétences de sûreté et de sécurité. Il y a une contradiction majeure de l’exécutif à vouloir rassembler l’IRSN et l’ASN pour fluidifier les processus tout en séparant l’expertise de défense, l’expertise civile et l’évaluation des risques radiologiques. Les SMR pourront être installés n’importe où sur notre territoire. Pour assurer leur surveillance, les expertises de sûreté et de sécurité seront nécessaires. Les séparer est une ineptie, pour ne pas dire une dangereuse folie.

M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur Schellenberger, il est difficile d’être sémantiquement plus limpide que cet amendement qui propose de supprimer l’article.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Lors de la discussion générale, qui a été relativement animée, j’ai tenté un petit exercice de pédagogie pour expliquer comment la direction de l'expertise nucléaire de défense (DEND), dont les contrats des personnels seraient transférés au CEA, est structurée au sein de l’IRSN. Je rappelle que ce transfert ne s’accompagne d’aucun changement hiérarchique : la tutelle du ministère des armées demeure et l’entité continuera à être dirigée par un militaire hiérarchiquement indépendant de la direction du CEA, comme il l’est aujourd’hui du directeur général de l’IRSN. Cette direction remplissant des missions liées à la défense nationale, il est bien compréhensible qu’elle ne puisse être rattachée à l’autorité administrative indépendante, qui ne dépend pas du ministre des armées.

Les activités liées à la dosimétrie passive, qui sont des activités de fabrication et de commercialisation, ne peuvent être intégrées à l’autorité administrative indépendante : si elles l’étaient, l’ASNR se retrouverait à démarcher les exploitants qu’elle doit contrôler, ce qui occasionnerait un conflit d’intérêts.

Je suis bien sûr défavorable à ces amendements de suppression qui nous empêcheraient de construire une autorité intégrée dont les compétences s’étendraient de la recherche à la prise de décision et qui serait donc plus attractive, notamment, même si c’est un argument que peu veulent entendre, pour les jeunes motivés par les sciences et par la grande aventure de la transition énergétique. Ils veulent défossiliser l’énergie : pour atteindre cet objectif, nous n’avons pas le temps d’opposer énergie nucléaire et énergies renouvelables, il faut les additionner.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ceux qui sont favorables à la réforme doivent rejeter ces amendements qui, sinon, laisseraient les salariés dans un vide juridique. Avis défavorable.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous avez été très clair hier en décrivant le bazar que ce texte risque de créer. Vous voulez une fusion, mais vous en sortez la dosimétrie externe et la DEND. Vous voulez rassembler les compétences, mais vous les faites éclater en transférant les contrats de travail de la DEND vers le CEA alors que son directeur nous a dit lors de son audition n’avoir rien demandé. La séparation des expertises de sûreté et de sécurité est dangereuse et entraînera des retards et des surcoûts, et à la fin nous n’aurons ni décarbonation, ni électricité.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le nucléaire civil et le nucléaire militaire ont les mêmes besoins en termes de sûreté et de sécurité et les compétences sont les mêmes. Ils sont confrontés aux mêmes problématiques : vieillissement des installations, dérèglement climatique, démantèlement, gestion des déchets, sites mixtes et cybersécurité. Pourtant, vous allez les séparer. C’est une hérésie. En tout, 31 ETP sont transférés vers la DSND (délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense) et 23 vers l’ASNR – des experts des risques spécifiques, tels que les incendies ou la mécanique. On sera moins efficient, on disperse les compétences. C’est extrêmement préjudiciable pour notre sûreté et notre sécurité, au moment d’une relance.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CD416 du rapporteur.

Amendement CD99 de M. Sébastien Jumel

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Nous proposons la suppression des alinéas relatifs à la substitution du CEA à l’IRSN en tant qu'employeur, afin de limiter la casse et d’éviter la dispersion de compétences techniques rares. Qui plus est, une grande imprécision sur les effectifs concernés demeure.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L'article doit rester entier pour avoir tout son sens. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. La DEND a déjà un statut à part au sein de l’IRSN : son directeur est nommé par le ministère des armées, qui fixe ses objectifs et procède à son évaluation. Les contrats de travail seront transférés au CEA avec détachement auprès du ministère des armées et le portage salarial permettra de garder le statut privé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD256 de Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement de repli propose de supprimer les alinéas 3 et 4 afin d’éviter la dispersion des compétences rares actuellement présentes au sein de l’IRSN.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Supprimer ces alinéas, c’est supprimer le cœur de l’article. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, ainsi que pour tous les amendements qui suivent, dont la rédaction est un peu différente mais qui ont le même objet. La dosimétrie est transférée au CEA car c’est une activité concurrentielle. L’IRSN détient aujourd’hui la moitié du marché, l’autre moitié étant détenue par l’Américain Landauer. Si la dosimétrie était transférée à l’ASNR, celle-ci serait sur-le-champ poursuivie pour concurrence déloyale car ses clients seraient également soumis à son contrôle, et le marché se retrouverait entièrement détenu par les Américains. Je vous engage vivement à rejeter ces amendements – nous réglerons toutes les questions budgétaires posées par le transfert au CEA.

M. Gérard Leseul (SOC). Vos arguments sont cohérents avec votre volonté de faire de l’ASNR une autorité administrative indépendante. Le statut d’autorité publique indépendante vous aurait permis de maintenir les activités commerciales. Je rappelle que le CEA n’est pas demandeur de ce transfert et que le maintien de l’activité, certes commerciale, de dosimétrie aurait permis de conserver des compétences fortes au sein de l’ASNR.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le statut importe peu : c’est le droit de la concurrence qui s’impose. Quelle que soit sa forme, une autorité ne peut pas vendre des produits aux organisations qu’elle a pour mission de contrôler – et encore moins lorsqu’elle a un concurrent qui en profiterait pour s’approprier tout le marché.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD28 de Mme Mireille Clapot, CD96 de M. Sébastien Jumel, CD137 de Mme Julie Laernoes, CD284 de M. Maxime Laisney et CD314 de M. Benjamin Saint-Huile

Mme Mireille Clapot (RE). La dispersion des activités de dosimétrie externe et interne n’est pas souhaitable, je n’y reviens pas. Dans quelle partie de l’étude d’impact les conséquences de cette dispersion ont-elles été étudiées ?

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Les responsables qui devront reprendre l’activité de dosimétrie nous ont dit qu’il faudra un certain temps avant qu’elle ne redevienne opérationnelle après son transfert. Nous risquons donc non seulement de perdre des parts de marché, mais surtout de perdre en efficience sur des activités qui sont au cœur de la protection des populations. Cet article montre de façon particulièrement visible que la réforme que vous proposez ne fonctionne pas. Que ferons-nous en cas d’accident nucléaire si nous ne sommes pas opérationnels en matière de dosimétrie ? Par ailleurs, pourquoi tout est-il transféré au ministère des armées alors que la sécurité des installations civiles relève des compétences du ministère de l’intérieur ?

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Le texte propose de transférer les activités de dosimétrie externe – qui mesure la radioactivité à l’extérieur – au CEA, car elles ont une composante commerciale, et de maintenir les activités de dosimétrie interne – qui mesure la radioactivité à l’intérieur du corps – au sein de l’ASNR. Le statut d’API aurait dû être envisagé pour éviter cette séparation qui pose de nombreux problèmes. D’abord, certains salariés travaillent dans les deux domaines : comment cela se passera-t-il pratiquement après la séparation ? Surtout, il est capital de maintenir les compétences pratiques que l’activité commerciale entretient – car l’objectif reste de garantir l’existence de stocks pour toute la population en cas d’incident. Enfin, en cas d’incident justement, il faut pouvoir mesurer la dosimétrie de façon externe comme interne. La séparation risque de retarder les opérations de dosimétrie et d’empêcher l’État d’agir rapidement. Vous parlez de fluidifier, mais votre projet crée de la désorganisation.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je suis opposé au projet de fusion. J’ai déjà dit pourquoi et je n’y reviendrai pas, mais l’article 7 souligne combien vous compliquez les choses, en prétendant les simplifier, et combien les difficultés à mettre en œuvre la fusion sont nombreuses. Nous y perdrons en efficacité, et nous nous imposons une complexification inutile. J’ai déposé d’autres amendements sur cette question, qui sont défendus.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Monsieur Saint-Huile, ces dispositions apportent plutôt de la clarification. Le rattachement de la DEND au ministère des armées est incontestable. Quant à la séparation des activités de dosimétrie, elle est imposée par le droit de la concurrence, qui s’applique à une AAI comme à une API. Ne faites pas semblant de ne pas l’avoir compris. Avis défavorable à ces amendements, comme à tous ceux proposant de supprimer d’autres alinéas.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Madame Clapot, la séparation des activités de dosimétrie est étudiée à partir de la page 126 de l’étude d’impact.

En cas de crise, les salariés dédiés aux activités commerciales seront évidemment réquisitionnés pour renforcer les stocks stratégiques qui auront déjà été constitués en amont, comme c’est le cas aujourd’hui. Rien ne change.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD29 de Mme Mireille Clapot et CD98 de M. Sébastien Jumel

Mme Mireille Clapot (RE). Merci, monsieur le ministre délégué, je consulterai l’étude d’impact aux pages indiquées.

Cet amendement vise à supprimer la possibilité de transférer des salariés du domaine de la dosimétrie à une filiale du CEA. Cet élargissement me semble dangereux pour les stocks de dosimètres. Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure, mais je me souviens des stocks de masques pendant la crise du covid.

Je ne défendrai pas les autres amendements similaires que j’ai déposés : leur logique est la même, tout comme le seront vos arguments.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD285 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CD315 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Il s’agit, là aussi, d’empêcher le transfert des salariés de la dosimétrie à une filiale du CEA. Nous savons que le CEA lance régulièrement des petites boîtes privées et nous ne souhaitons pas que cette activité soit privatisée.

La séparation des activités de dosimétrie interne et externe entraînerait non seulement une perte de flexibilité, puisqu’actuellement certains professionnels sont capables de faire les deux, mais également une perte de capacité à travailler ensemble. Dans le monde de Bisounours du ministre délégué, il suffit d’appuyer sur un bouton pour que les gens travaillent ensemble en cas de crise, mais en réalité cela ne s’improvise pas. Vous justifiez la fusion notamment par le fait qu’aujourd’hui l’IRSN et l’ASN doivent passer des conventions-cadres pour travailler ensemble. Votre texte a-t-il prévu de telles conventions pour faciliter le travail des experts de la dosimétrie interne et de la dosimétrie externe, qui se retrouveront à travailler dans des « bidules » différents ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable. Je rappelle que la Cour des comptes avait critiqué l’absence de filiale de l’IRSN. Nous répondons donc avec ce texte à sa recommandation.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD260 de M. Gérard Leseul

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à garantir aux salariés transférés l'ensemble des droits et avantages sociaux dont ils bénéficient dans le cadre de leur contrat de travail actuel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’article 8 prévoit l’application des règles du droit commun en matière de droits sociaux pour les salariés transférés au CEA. Les accords et conventions collectifs applicables au sein de l’IRSN continueront donc à produire leurs effets jusqu’à l’entrée en vigueur d’un nouvel accord ou, à défaut, jusqu’au 30 juin 2027, dans les conditions prévues par l’article L. 2261‑14 du code du travail.

L'étude d'impact montre que le corpus d'accords du CEA est assez proche de celui de l’IRSN. Les dispositions de droit commun semblent suffisantes pour engager la transition en matière de conventions et d'accords collectifs. Il faudra laisser les partenaires sociaux décider de comment faire les choses et à quel moment.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CD316 de M. Benjamin Saint-Huile.

Amendements identiques CD142 de Mme Julie Laernoes, CD176 de Mme Delphine Batho et CD280 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La séparation de la sûreté et de la sécurité dans deux instances distinctes compromet fortement notre sécurité nucléaire. Les enjeux de sûreté et de sécurité sont les mêmes pour les installations nucléaires de base militaires ou civiles. Disperser le personnel entre la DEND pour l’un et l’ASNR pour l’autre n’a aucun sens. Ces enjeux de sécurité seront d’autant plus importants pour les SMR qui pourront être installés partout. Nous sommes le seul pays à complexifier notre modèle et à disjoindre sécurité et sûreté. C’est une folie dangereuse.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La prescription 12 de l’AIEA prévoit que « Le gouvernement s'assure que le cadre gouvernemental et législatif prévoit des arrangements infrastructurels appropriés pour les interfaces entre la sûreté d'une part et les dispositions prévues pour la sécurité nucléaire et le système national de comptabilité et de contrôle des matières nucléaires d'autre part. » Même au niveau international, une gestion intégrée de ces sujets est préconisée.

Lors de son audition. André-Claude Lacoste, ancien président de l’ASN, a souligné qu’en l’état, le projet aurait pour effet d’éloigner sécurité et sûreté, ce qui pourrait, selon lui, être considéré comme une faute majeure.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). J'ai bien compris que nous ne réussirons pas à vous convaincre sur la sûreté et la sécurité nucléaires, qui semblent être le cadet de vos soucis. Mais comprenez juste que la séparation de l'expertise de sûreté de celle de sécurité provoquera des retards et des surcoûts. Au final, nous n’aurons ni décarbonation, ni électricité. Déjà que les EPR 2 ont pris du retard, avec cette réforme, ils seront prêts pour la Saint-Glinglin !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La DEND s'occupe de sûreté pour le nucléaire militaire et de sécurité pour le nucléaire civil. Cela ne changera pas, sauf qu’au lieu d’être rattachée à l’IRSN, elle le sera au CEA. Les liens hiérarchiques avec le ministère des armées et les relations avec le DSND et l’Autorité de sûreté nucléaire de la défense (ASND) qu’il dirige ne changeront pas non plus. Il y a donc une certaine stabilité.

Madame Laernoes, vous nous accusez de vouloir disperser les compétences, mais au contraire nous les concentrons en rassemblant les experts de l’IRSN et de l’ASN au sein d’une même entité. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Aujourd’hui, la DEND est une direction à part, avec un directeur à part, installée dans un immeuble à part – qui se trouve, soit dit en passant, sur un site du CEA. Le projet de loi ne propose aucune révolution ni dans le fonctionnement, ni dans le respect des prescriptions de l’AIEA, ni dans les conventions conclues entre l’ASN et l’ASND et le DSND, qui seront adaptées à la situation.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD259 de Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Gérard Leseul (SOC). Le projet prévoit un transfert vers le CEA des 140 salariés de la DEND et le basculement de la tutelle des 40 salariés en charge de la dosimétrie du ministère de la transition écologique vers le ministère des armées. Dans ces conditions, comment la transparence de l’information et la publicité des rapports pourront-elles être assurées au même niveau que ce qui existe aujourd’hui au sein de l’IRSN ?

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements CD282 de M. Maxime Laisney et CD283 de Mme Anne Stambach-Terrenoir.

Amendement CD263 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Par cet amendement, nous voulons nous assurer que les salariés transférés à une autre entité n’en subissent aucune conséquence, notamment en termes de rémunération.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’article 7 prévoit que les contrats de travail sont transférés « sans autre modification », et donc, implicitement, sans perte de rémunération. Votre amendement étant satisfait, je demande son retrait. À défaut, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement dégraderait vraiment la situation des salariés. Je vous engage donc également à le retirer.

M. Gérard Leseul (SOC). Je retire l’amendement, mais je proposerai pour la séance publique d’écrire « sans autre modification et sans perte de rémunération » pour être le plus explicite possible.

L’amendement est retiré.

Amendement CD261 de M. Gérard Leseul

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à offrir aux salariés transférés la possibilité de choisir la mission à laquelle ils seront affectés, en lien avec leurs compétences et leur parcours professionnel. Dans le cadre de changements importants, les choses ne doivent pas être imposées.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CD289 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur le rapporteur, cet amendement vous offre l’opportunité d’expliquer votre avis défavorable. Cet amendement vise, comme le précédent, à offrir aux salariés transférés la possibilité de choisir la mission à laquelle ils seront affectés, à la condition que celle-ci corresponde à leurs compétences et à leur expérience. Sa rédaction est moins lapidaire que celle de l’amendement précédent, mais l’objectif reste le même.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Dans le cadre d'une telle réorganisation, il convient de transférer tout le service, sans créer de flottement pouvant conduire à le déstabiliser ou à le scinder, comme vous le proposez en organisant un droit au départ. Celui-ci se justifie d'autant moins que les contrats et les méthodes de travail des agents de la DEND ne seront aucunement modifiés.

Votre amendement m’étonne : vous nous reprochez de déstabiliser l’IRSN avec ce projet de fusion, mais votre proposition ne peut que perturber la DEND, que la réforme se contente de transférer en bloc dans la nouvelle autorité. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je reprends les exigences énoncées par le rapporteur, à savoir les intérêts de la défense nationale, la continuité du service public et la permanence des conditions de travail des salariés. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La question n’est pas celle de la DEND, mais celle de la séparation entre la sûreté et la sécurité. Cette division est contraire aux préconisations internationales ; la France serait le seul pays à emprunter cette voie. Cela vous dérange de parler du fond de cette rupture et de l’organisation du travail des salariés, mais il est clair que l’article 7 complexifie la situation en scindant des entités jusqu’à présent rassemblées.

J’ai avancé des exemples concrets, j’ai évoqué le nombre d’ETP qui seront placés sous la tutelle du DSND et ceux qui iront dans la nouvelle autorité, j’ai énuméré les compétences nécessaires pour le civil et pour le militaire que vous allez scinder. Alors que notre système de sûreté et de sécurité nucléaires était loué à l’étranger, nous allons redevenir, comme en 1986 au moment de la catastrophe de Tchernobyl, les derniers de la classe.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous ne souhaitons pas cette réforme : nos amendements ne visent pas à affaiblir le dispositif, c’est votre projet qui mine le système !

Vous avez remplacé l’indépendance que souhaitaient les sénateurs par de l’intégration : sauf qu’en disant intégrer, vous séparez les compétences comme les activités ! Nous voulons laisser le choix aux salariés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD345 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). La dispersion des compétences entre le CEA et l’IRSN semble aller à l’encontre de l’objectif d’amélioration de la fluidité des procédures recherché par le Gouvernement et risque de dégrader la capacité d’expertise dans les domaines de la sûreté et de la sécurité.

L’amendement définit les relations entre l’expertise en matière de défense nucléaire et de sécurité des installations, dont les salariés sont transférés au CEA, et l’expertise en matière de sûreté civile, dont les agents sont transférés à la future autorité.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous avez raison sur le fond. Il va de soi que les activités transférées au CEA ou à une de ses filiales devront faire l’objet d’une convention avec l’ASNR pour organiser la continuité et la fluidité des relations de travail, notamment en matière de dosimétrie. L'étude d’impact du projet de loi mentionne explicitement ce point.

Nous pouvons faire confiance aux acteurs pour s’organiser, il n’est pas besoin de l’écrire dans la loi. Le CEA et l’IRSN sont déjà liés par de multiples conventions-cadres ; demain, une autre convention-cadre sera signée entre la nouvelle autorité, si celle-ci est créée, et le CEA. Il sera peut-être même nécessaire d’élaborer une convention-cadre tripartite entre l’ASND, l’ASNR et le CEA pour les matières touchant à la défense. Demande de retrait, ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Nous pouvons retravailler cet amendement d’ici à la séance publique pour bien préciser le dispositif, mais il est formellement satisfait. Une convention est inutile car les personnels sont détachés au ministère des armées.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Dispositions transitoires en matière de conventions et d’accords collectifs

Amendement CD264 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli global visant à garantir aux salariés transférés au CEA les mêmes dispositions transitoires en matière de conventions et d’accords collectifs. Vous avez déjà apporté des garanties, mais plus vous en donnerez, mieux ce sera.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Nous en avons déjà parlé. Les salariés transférés à l’ASNR seront couverts par de nouvelles conventions, mais celles applicables actuellement au sein de l’IRSN et de l’ASN continueront de s’appliquer jusqu’à la signature de ces nouveaux accords ou, à défaut, pendant trente mois. En revanche, pour les salariés transférés au CEA, les accords resteront valides jusqu’à la conclusion de nouveaux accords ou, à défaut, pendant douze mois comme le prévoit le code du travail, car le corpus d’accords au sein de l’IRSN est globalement proche de ceux en vigueur au sein du CEA. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 8 non modifié.

Article 9 : Possibilité pour les agents contractuels et les salariés privés de la future autorité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à un corps de fonctionnaire

La commission adopte l’article 9 non modifié.

Article 10 : Dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future autorité

Amendement CD266 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à réserver aux comités le choix de siéger en formation conjointe. Cette réforme de notre modèle de sûreté nucléaire n’a été précédée d’aucun travail en amont avec l’IRSN. Dès lors, seuls les comités sociaux d’administration doivent pouvoir demander de siéger de manière conjointe, afin d’éviter tout processus de fusion brutal qui négligerait les impératifs de respect et de qualité du dialogue social.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’adoption de l’amendement serait contre-productive : il faut que le président de la future autorité puisse demander aux comités sociaux de siéger conjointement pour se pencher sur toute question relative à l'ensemble des personnels, quels que soient leurs statuts. L’amendement supprime cette possibilité, proposition qui me paraît étrange quand on croit au dialogue social.

Il y a en outre une coquille dans votre amendement, qui évoque le « présent » de l’autorité au lieu du président. Compte tenu de cette erreur, demande de retrait, ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 10 non modifié.

Article 11 : Augmentation des rémunérations versées au sein de l’IRSN et de l’ASN ; élaboration d’un rapport du Gouvernement et d’évaluations par l’ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité

L’amendement de suppression CD202 de M. Nicolas Dragon est retiré.

Amendement CD346 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). Cet amendement vise à préciser que le Gouvernement accorde les crédits nécessaires à l’IRSN et à l’ASN pour faire face à la relance du nucléaire dans notre pays.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il me semble que cela va de soi. Les moyens de l'IRSN et de l'ASN ont crû depuis 2014. La loi de finances pour 2024 a, par exemple, augmenté le budget de l’IRSN de 3,4 millions d’euros. Il faut poursuivre cette politique, surtout dans le contexte de relance du nucléaire qui exigera la réalisation de travaux qui solliciteront les effectifs s’occupant de la sûreté. La création de la nouvelle autorité entraînera l’élaboration d’un programme budgétaire unique qui offrira davantage de lisibilité et qui facilitera donc l’examen de la trajectoire des crédits. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. La loi prévoit la remise d’un rapport au 1er juillet 2024 sur les besoins de la future autorité, puis un autre rapport sur les besoins à cinq ans. Ces travaux éclaireront le Parlement pour l’examen des futurs projets de loi de finances. Je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CD347 de Mme Delphine Batho

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 2 de l’article 11, lequel dispose que le Gouvernement remet au Parlement un rapport avant le 1er juillet 2024 sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à l’ASNR et au CEA pour exercer leurs missions. Soit le Gouvernement connaît déjà ces besoins et doit dès à présent les porter à la connaissance des parlementaires pour que ceux-ci se prononcent de manière éclairée sur le projet de loi, soit il les ignore et demande à la représentation nationale de légiférer à l’aveugle.

Cette disposition démontre toute l’impréparation du Gouvernement. Monsieur le ministre délégué, disposez-vous des informations relatives aux besoins de l’ASNR et du CEA ? Si la réponse est positive, pouvez-vous nous les transmettre ? Des rapports de la commission des finances ont souligné la nécessité d’augmenter les moyens de l’IRSN, qui sont pourtant en constante diminution. Ne pas connaître les conséquences d’une telle réforme en termes humains et financiers paraît extrêmement léger.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Tout d’abord, la loi de finances pour 2024 a augmenté les moyens humains et financiers de l’ASN et de l’IRSN. On peut toujours considérer que ces hausses sont insuffisantes, mais on ne peut pas les nier.

Ensuite, supprimer cet alinéa, c’est supprimer le rapport évaluant les besoins nécessaires à l’ASNR et au CEA dans les années à venir pour faire face aux programmes qui vont être lancés : pourquoi nous priver d’un tel travail, de nature à insuffler un nouvel élan ?

Le projet de loi prévoit des augmentations salariales dès cette année, et il faudra continuer d’augmenter les moyens en 2025. Je vous demande de retirer l’amendement, qui vise paradoxalement à empêcher le travail de prospective ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis. Nous ne vous cachons rien. Réforme ou pas réforme, les rapports permettront d’adapter, à court terme et à un horizon de cinq ans, les besoins du dispositif de sûreté dans le nouveau contexte nucléaire. La France a décidé de relancer le nucléaire, mais les emplois de la filière souffrent d’un manque d’attractivité : ce projet de loi prévoit d’augmenter les rémunérations des salariés de l’IRSN, qui sont actuellement trop faibles, notamment dans les métiers en tension. En outre, il demande au Gouvernement de remettre un rapport sur l’impact de la relance du nucléaire, afin que les moyens nécessaires à l’accomplissement de ce tournant soient débloqués – réforme de la gouvernance ou non.

Nous pensons que la relance du nucléaire rend opportun le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN ; il convient d’effectuer un premier effort à court terme et de rédiger un rapport évaluant les efforts supplémentaires qu’il faudra consentir dans les cinq prochaines années. Vous avez le droit de ne pas en vouloir, mais je suggère à la commission de repousser votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

4.   Réunion du mercredi 6 mars 2024, soir

Article 11 (suite) : Augmentation des rémunérations versées au sein de l’IRSN et de l’ASN ; élaboration d’un rapport du Gouvernement et d’évaluations par l’ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité

Amendement CD55 de Mme Christelle Petex

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Nous proposons, à la première phrase de l’alinéa 2, après le mot « humains », d’insérer le mot « techniques ».

Le rapport prévu par l’article 11 portera notamment sur la manière d’assurer l’attractivité des conditions d’emploi dans le domaine du nucléaire, c’est-à-dire d’attirer et de retenir les talents dans ce secteur, en tenant compte des évolutions du marché du travail et des exigences accrues en matière de compétences.

Il est crucial d’évaluer les besoins techniques que nécessitera la relance du nucléaire en France : c’est la condition du maintien de notre leadership dans ce domaine et de notre adaptation aux défis contemporains de sûreté et de sécurité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CD424 du rapporteur

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet amendement répond à une demande des syndicats que je trouve pertinente : il s’agit de préciser que « le rapport propose un dispositif d’accompagnement à la conduite du changement à mettre en place ». Je signale, parce qu’il n’arrive pas si souvent que nous soyons d’accord, que M. Benjamin Saint-Huile avait déposé un amendement identique au mien.

M. Roland Lescure, ministre délégué, chargé de l’industrie et de l’énergie. Avis favorable. J’ai dit que je suivrai la mise en œuvre de cette réforme de très près et cet amendement va dans ce sens.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous voterons cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CD418 du rapporteur, CD9 de Mme Danielle Brulebois et CD362 de M. Anthony Brosse

Mme Danielle Brulebois (RE). Il est nécessaire de nommer un préfigurateur dans les plus brefs délais après la promulgation du présent projet de loi afin de prévoir au mieux les conditions du transfert des activités de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vers la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ARSN) et de tenir le délai de constitution de la nouvelle autorité au 1er janvier 2025.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je l’ai dit, nous prendrons nos responsabilités pour favoriser l’application de cette loi, une fois votée. Je suis très favorable à votre proposition de nommer rapidement un préfigurateur.

La commission adopte les amendements.

Amendement CD290 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous proposons que la nouvelle autorité évalue chaque année les moyens qui lui sont nécessaires. Je note au passage que le Conseil d’État a considéré que cet article ne relevait pas du domaine de la loi – ce qui tend à prouver que celui-ci est à géométrie variable.

Il va de soi que la sûreté nucléaire nécessitera davantage de moyens, surtout avec la relance que vous avez votée l’année dernière, mais cet article pourrait donner l’impression que vous cherchez principalement à acheter les salariés des trois organisations qui ne veulent pas de cette réforme.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ce travail d’évaluation annuelle se fera naturellement, comme pour toutes les administrations, lors de la préparation de la loi de finances, en lien avec le Parlement et le Gouvernement. Cette précision est donc inutile.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CD56 de Mme Christelle Petex.

Amendement CD136 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons que l’évaluation par la nouvelle autorité des moyens humains et financiers dont elle aura besoin soit renouvelée tous les cinq ans.

Dans son rapport d’information sur l’IRSN, Jean-François Rapin a observé que son budget avait baissé de 10 % en dix ans, passant de 301 millions d’euros en 2012 à 271 millions en 2022. Une hausse de 8,7 millions d’euros a certes été décidée en 2023, mais elle a été absorbée par l’inflation.

Je trouve incroyable que l’on se soit lancé dans une réforme de cette ampleur sans évaluer au préalable les besoins humains et financiers qu’elle nécessitera. Prévoir la remise d’un rapport après l’entrée en vigueur de la loi n’a aucun sens. Nous ne pouvons pas délibérer de manière éclairée si nous n’avons pas tous les éléments.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je l’ai dit, un travail d’évaluation est fait chaque année, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances. Pourquoi demander une évaluation tous les cinq ans, alors qu’il y en a déjà une tous les ans ? Nous venons d’inscrire dans la loi un dispositif d’accompagnement de la réforme et nous veillerons à ce que la nouvelle autorité ait, chaque année, des moyens suffisants. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je ne parlais pas seulement de moyens financiers, mais aussi de moyens humains.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce que prévoit l’article, c’est un rapport évaluant les besoins techniques et humains de la nouvelle autorité à cinq ans, en tenant compte du développement du nouveau nucléaire. Cette disposition me paraît excellente. Faut-il produire un tel rapport tous les cinq ans, comme vous le proposez ? Il sera peut-être préférable d’en refaire un tous les trois ou quatre ans, en fonction de l’évolution de la programmation : nous verrons. Pour l’heure, je pense qu’une projection à un an et cinq ans garantira une bonne gestion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD349 de M. Emmanuel Maquet

M. Pierre Vatin (LR). Le décret du 7 novembre 2022 a institué une délégation au nouveau nucléaire afin d’assurer le suivi de l’avancement de la construction de nouveaux réacteurs de troisième génération, EPR 2.

Parce qu’il est un relais privilégié du Gouvernement, il semble pertinent de tenir cet organe informé des besoins humains et financiers à cinq ans de l’autorité, afin qu’il puisse faire état d’un éventuel écart entre les ambitions affichées et les moyens en présence.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le délégué interministériel au nouveau nucléaire étant placé auprès du Premier ministre, cette mesure est inutile. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD77 de M. Pierre Meurin

M. Nicolas Dragon (RN). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le coût de la fusion de l’ASN et de l’IRSN. Au cours de l’examen du projet de loi d’accélération du nucléaire, le groupe Rassemblement national avait déjà déposé un amendement demandant une évaluation des moyens matériels et humains dédiés à notre système de contrôle des rayonnements ionisants et à la sûreté des installations nucléaires, qui avait été rejeté. Je retirerai mon amendement si vous pouvez, monsieur le ministre délégué, me donner ce soir une évaluation du coût de cette fusion.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je suis plutôt défavorable à votre amendement, dans la mesure où l’ASN et l’IRSN sont en train de travailler à la maquette budgétaire de la future autorité. Mais peut-être M. le ministre délégué pourra-t-il vous apporter la réponse que vous attendez !

M. Roland Lescure, ministre délégué. Des chiffres éclairants figurent dans l’étude d’impact, mais il est peut-être difficile de les y trouver, car elle est volumineuse.

Il y a d’abord les coûts directs de la fusion, qui sont notamment liés à la convergence des systèmes informatiques, au changement de logo et à l’accompagnement du personnel : ils représenteront 4 à 6 millions d’euros, payés une fois pour toutes.

Il y a ensuite des coûts indirects liés au fait que l’IRSN a des activités commerciales, qui seront préservées au sein de la nouvelle entité, mais qui deviendront des services publics. Ils seront donc financés sur des crédits publics, à hauteur de 3 millions d’euros, et ces coûts seront récurrents.

Il y a encore ce que j’appellerai des « faux coûts », qui résultent en réalité de transferts entre comptes publics. Le fait que la nouvelle entité soit assujettie au régime de TVA va entraîner un transfert vers le budget public, qu’il faudra évidemment compenser. Il faudra aussi prendre en compte la taxe sur les installations nucléaires de base, qui était affectée à l’IRSN, ainsi que le transfert des activités de dosimétrie au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), qui se traduira mécaniquement par un transfert de revenus de l’IRSN vers le CEA – lequel sera compensé, à due concurrence, par un transfert des subventions de l’État.

Le texte prévoit par ailleurs que 15,7 millions d’euros soient consacrés à l’augmentation des salaires et des effectifs dès 2024, à structure constante.

J’espère avoir répondu à votre question et, si tel est le cas, je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Nicolas Dragon (RN). Je vous remercie de votre réponse et je retire mon amendement.

L’amendement CD77 est retiré.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

Amendement CD204 de M. Nicolas Dragon

M. Nicolas Dragon (RN). Il s’agit d’autoriser les parlementaires français à effectuer des visites sur les chantiers des installations nucléaires civiles. Dans un souci de transparence et afin de renforcer la confiance du public envers une source d’énergie qui fait l’objet de nombreux fantasmes, il est important que les parlementaires puissent informer les citoyens des réalités du chantier d’une installation nucléaire civile.

Lorsque le site est localisé dans la circonscription d’un parlementaire, ce dernier peut faciliter le dialogue entre les responsables du chantier et les habitants et informer ces derniers sur la sécurité, l’impact sur l’environnement, ou encore les retombées économiques potentielles de ce projet.

La visite permet aussi au parlementaire d’avoir un contact direct avec les responsables du chantier, de prendre conscience des réalités techniques de celui-ci et d’éclairer sa prise de décision par une meilleure compréhension des enjeux du secteur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les parlementaires peuvent déjà se rendre sur les chantiers des installations nucléaires civiles et il n’est pas nécessaire de l’écrire dans la loi. M. Armand a organisé il y a quelques mois une visite de la centrale du Bugey ; j’ai fait de même à la centrale du Tricastin en janvier ; l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) organise aussi ce genre de visite.

Je suis tout à fait d’accord avec vous quant à l’importance de ce genre d’initiative mais, votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ajoute que les mots « à tout moment » rendent votre amendement problématique. Les seules personnes qui peuvent visiter une centrale nucléaire à tout moment sont les inspecteurs de l’ASN. Lorsque je me suis rendu à la centrale du Bugey il y a dix jours, j’ai dû annoncer ma visite, et les parlementaires doivent faire de même. Je vous invite, moi aussi, à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Article 11 bis (nouveau) : Consultation des comités sociaux de l’ASN et de l’IRSN sur des dispositions portant organisation et fonctionnement des services de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que le projet de règlement intérieur de cette dernière

Amendements identiques CD428 du rapporteur et CD439 de la commission des affaires économiques

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il convient d’assurer une continuité de fonctionnement entre l’ASN et l’IRSN, d’une part, et la nouvelle autorité, d’autre part. Or deux décisions sont indispensables au fonctionnement de cette nouvelle autorité : son règlement intérieur et la décision d’organisation et de fonctionnement de ses services. Il convient donc que les actuelles instances représentatives puissent être consultées, avant même l’entrée en vigueur de la loi, sur un projet élaboré par l’actuel collège de l’ASN.

La commission adopte les amendements.

Chapitre IV
Dispositions de coordination et finales

Article 13 : Soumission de la recherche de l’ASNR à l’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et coordination

Amendement CD441 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit d’un amendement de coordination lié à l’adoption, hier, d’amendements relatifs à la nomination du haut-commissaire à l’énergie atomique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement. En conséquence, les amendements CD419, CD420 et CD421 du rapporteur tombent.

La commission adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Conditions de nomination du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et actualisation de références législatives

Successivement, la commission rejette l’amendement CD270 de M. Gérard Leseul et adopte les amendements de coordination rédactionnelle CD409, CD410 et CD411 du rapporteur.

Amendement CD442 de la commission des affaires économiques

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Avant de présenter cet excellent amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires économiques, je tiens à rappeler que j’entretiens d’excellentes relations avec la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. (Sourires.)

Il s’agit tout simplement de respecter l’esprit et la lettre du règlement de l’Assemblée nationale : dans la mesure où son article 36 précise que la commission des affaires économiques est pleinement compétente en matière d’énergie et d’industrie, mais aussi de recherche appliquée et d’innovation, il paraît tout naturel que le contrôle de la nomination du président de la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection lui revienne, et non à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, comme l’a proposé le Sénat.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le Sénat a souhaité que la commission permanente compétente pour émettre un avis sur la nomination à la présidence de l’ASNR, en application de l’article 13 de la Constitution, soit la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques. Il s’agit, à l’Assemblée nationale, de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Ce choix me paraît judicieux, à plusieurs titres.

Tout d’abord, la raison d’être de la future autorité ne sera pas de garantir l’approvisionnement énergétique, mais d’assurer la sûreté nucléaire. Le choix de la commission chargée de la prévention des risques technologiques traduit cette priorité accordée à la sûreté.

Ensuite, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale assure déjà un suivi des questions de sûreté nucléaire, puisqu’elle est compétente pour émettre un avis, au titre de l’article 13 de la Constitution, sur la nomination du directeur général de l’IRSN et qu’elle examine chaque année, pour avis, les crédits relatifs à la prévention des risques du projet de loi de finance. Elle se prononce, dans ce cadre, sur les subventions accordées à l’ASN et à l’IRSN.

Enfin, c’est bien la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, et non celle des affaires économiques, qui a été saisie au fond de ce projet de loi.

Pour toutes ces raisons, et malgré tout le respect que j’ai pour le rapporteur pour avis, j’émettrai un avis très défavorable sur son amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’ancien président de la commission des affaires économiques que je suis, qui avait eu l’honneur et le plaisir d’auditionner l’actuel président de l’ASN, se gardera bien de s’immiscer dans une discussion relative à l’interprétation du règlement de l’Assemblée nationale. Sagesse.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Dans un esprit de concorde avec le rapporteur, j’estime qu’il n’y a aucune raison que la nomination à la présidence de l’ASN revienne à la commission des affaires économiques – dont je suis pourtant habituellement membre. La sûreté nucléaire relève du développement durable. À cet égard, je suis assez étonnée que ce soit le ministre en charge de la production énergétique, et non le ministre de la transition écologique, M. Christophe Béchu, qui ait pris part à nos débats : cela m’aurait paru plus cohérent.

Historiquement, la question de la sûreté nucléaire a toujours plutôt été confiée au ministre chargé de l’environnement. Je crois qu’il faut rester dans cette logique et laisser la nomination à la présidence de la nouvelle autorité à la commission du développement durable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Je suis du même avis. Pour moi, la question va au-delà du règlement de l’Assemblée nationale ; c’est une vraie question politique. Si ce texte porte bien sur la sûreté nucléaire, alors il ne fait aucun doute que la nomination du président de la nouvelle autorité doit revenir à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Si elle est confiée à la commission des affaires économiques, cela donnera à penser que ce texte vise surtout à favoriser la production électrique à bas prix, et le plus rapidement possible.

M. Nicolas Dragon (RN). Je vais prêcher pour notre paroisse, c’est-à-dire pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’énergie nucléaire étant décarbonée, nous émettons beaucoup moins de CO2 que nos voisins allemands qui ont relancé des centrales à charbon. Il s’agit d’une énergie durable : il est donc normal que la nomination à la présidence de la nouvelle autorité revienne à notre commission.

M. Bruno Millienne (Dem). La commission est unanime. J’en suis désolé pour Antoine Armand, mais cet amendement est une ineptie.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je remarque que des convergences émergent au sein de la commission ! (Sourires.)

J’ai une pensée pour la commission des affaires économiques, dont une immense majorité a adopté l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 14 modifié.

Article 15 : Entrée en vigueur

Amendement CD233 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Nous n’avons pas de base pour décider de notre vote final. Cet amendement vise donc à subordonner l’entrée en vigueur du projet de loi à la remise au Parlement d’un rapport démontrant enfin la nécessité de réformer notre système dual de sûreté nucléaire. Nous demandions déjà ce rapport en février 2023 à Mme Pannier-Runacher.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le rapport de l’Opecst sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifique et technologique ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection a fait l’objet de nombreux commentaires. Il y a eu de larges concertations. Ne rouvrons pas ce débat.

Je trouve baroque l’idée de subordonner l’entrée en vigueur d’un texte de loi à la remise d’un rapport ! Cela créerait une insécurité juridique – mais c’est peut-être le but de l’amendement.

Avis particulièrement défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je voudrais essayer de revenir à la concorde de l’amendement précédent.

La remise du rapport de l’Opecst que vous mentionnez n’était-elle pas la condition de la présentation d’un nouveau projet de loi, à la suite de l’adoption de l’amendement de M. Saint-Huile ? Ce rapport ne comporte pas d’analyse des forces et des carences du système dual de sûreté nucléaire, alors que cela devrait être au fondement du projet. Il paraîtrait normal que la représentation nationale soit éclairée par une telle analyse, et nous la demandons avant le démantèlement du système, à défaut d’en avoir disposé avant l’examen du texte.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je l’ai dit et je le répète : nous ne souhaitons rien démanteler, et l’adoption du projet n’entraînerait aucun démantèlement.

L’adoption de votre amendement aurait un effet paradoxal. Vous voteriez une loi qu’un de ses propres articles pourrait remettre en cause, seulement parce qu’un rapport – qui ne vous aurait de toute façon pas convaincus – n’aurait pas été publié. Je comprends votre intention, mais ce que vous proposez ne semble pas solide du point de vue légistique.

Je demande le retrait. À défaut, je suis défavorable, ne serait-ce que par incompréhension.

M. Gérard Leseul (SOC). Ce que nous demandons, c’est un rapport qui justifierait la fusion que vous proposez – le rapport de l’Opecst susmentionné, en dépit de ses qualités, ne traite que de ses modalités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD322 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement propose que le projet de loi, et le démantèlement qu’il prévoit, ne puissent entrer en vigueur qu’après la promulgation de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC).

Le texte prétend tout chambouler pour répondre aux défis de la relance de la filière nucléaire. Encore faudrait-il mener cette relance ! L’année dernière, c’est une loi d’accélération des procédures administratives du nucléaire qui a été votée, et la ministre de la transition énergétique d’alors, Mme Agnès Pannier-Runacher, nous l’avait vendue de cette manière : pour les objectifs et les prises des décisions de construction, disait-elle, il faudra attendre la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie). Or, nous attendons depuis le 1er juillet 2023.

Nous proposons que le projet, s’il était adopté, n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2025, laissant au Gouvernement dix-huit mois – même si je sais qu’il est difficile, au fil des remaniements qui se produisent tous les six mois, de se concentrer pour faire avancer les dossiers – pour présenter enfin devant les parlementaires une loi de programmation énergie‑climat prévue dans un texte voté par la majorité lors de la précédente législature. Ce serait le minimum.

M. Millienne n’a rien écouté, mais ce n’est pas grave : s’il avait écouté, il n’aurait pas davantage compris. (M. Bruno Millienne proteste.)

M. le président Jean-Marc Zulesi. Ce propos n’est pas au niveau de notre commission ! On ne remet pas en cause nos collègues de la sorte. Je sais que votre groupe pratique des méthodes qui peuvent poser problème, mais elles n’ont pas cours ici.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous avez évoqué un délai de dix-huit mois à partir d’aujourd’hui, qui ne semble pas tout à fait cohérent avec la date du 1er janvier 2025 que vous mentionnez par ailleurs.

La stratégie française pour l’énergie et le climat a été présentée en fin d’année et nous pouvons la considérer comme un point de départ sur le chemin qui nous mène à la présentation de la LPEC.

Mon avis est très défavorable. L’amendement n’a aucun lien avec l’objet du texte.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis défavorable. Nous aurons l’occasion d’en débattre plus avant.

Conditionner l’entrée en vigueur d’une loi à la promulgation d’une autre serait inédit et probablement inconstitutionnel. Nous vérifierons ce qu’il en est.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lors de l’examen du projet de loi d’accélération du nucléaire, nous n’avions aucune visibilité ; pourtant, une loi de programmation énergie-climat aurait dû être adoptée avant le 1er juillet 2023.

Dans un esprit de construction, je vous indique que j’ai déposé une proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l’urgence climatique, car, s’il existe une stratégie nationale, le Parlement ne peut s’en saisir ni disposer d’un rapport sur son état d’avancement. Cela empêche un débat démocratique important. Je vous propose, dans un esprit d’ouverture, de vous joindre à nous le 4 avril prochain pour discuter et adopter une vraie stratégie pour l’énergie et le climat.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je profite de votre présence, monsieur le ministre délégué, pour poser une question sincère : quand la LPEC sera-t-elle examinée ? Vos prédécesseurs ont pris des engagements qu’ils n’ont pas pu tenir, pour des raisons que j’imagine indépendantes de leur volonté. Le Parlement respectera-t-il un jour la loi qu’il a lui‑même votée ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’imagine que ce débat aura lieu au sein de cette commission dans les semaines qui viennent, à l’occasion de la discussion de la proposition de loi déposée par Mme Laernoes. C’est la commission des affaires économiques qui est saisie au fond, mais vous pourrez toujours vous en saisir pour avis ! (Rires.)

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD323 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). L’amendement propose que le texte ne puisse entrer en vigueur que si la France atteint ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables. Je rappelle que la France est le seul pays de l’Union européenne qui n’ait pas atteint le but qu’elle s’était fixé en la matière. Le Gouvernement s’est encore fait taper sur les doigts par la Commission européenne parce qu’il n’a pas inscrit le moindre objectif de production dans son plan énergie-climat. Et la France refuse de payer l’amende : puisqu’on fait plein de nucléaire, tout va bien – sauf qu’au mieux, les premiers EPR sortiront de terre en 2037, selon le directeur d’EDF lui-même, et que Les Échos ont déjà annoncé un surcoût d’au moins 30 %. J’ajoute que, vu le bazar que vous êtes en train de mettre dans l’organisation, je doute fort que le calendrier soit respecté !

Pendant ce temps, nous ne faisons pas diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Un rapport de Greenpeace a justement mis en évidence le fait que, si nous investissions dans les énergies renouvelables les sommes que nous consacrons au programme de relance de la filière nucléaire, nous pourrions éviter quatre fois plus d’émissions de dioxyde de carbone d’ici à 2050, tout en produisant trois fois plus d’électricité.

Vous dites qu’il ne faut pas opposer nucléaire et énergies renouvelables, mais j’ai l’impression que c’est exactement ce que vous faites !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La condition que vous posez à l’entrée en vigueur du texte n’entretient pas de lien avec son objet : la sûreté nucléaire. L’adoption de votre amendement créerait une insécurité juridique.

Dans quatre jours, ce sera le premier anniversaire de la promulgation de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Vous ne pourrez pas le fêter, madame Stambach-Terrenoir, puisque vous ne nous avez pas aidés à adopter cette loi. Vous demandez que le texte que nous examinons n’entre en vigueur qu’une fois atteints nos objectifs de développement des énergies renouvelables, tout en n’ayant pas voté une loi visant à accélérer ce développement… Si vous ne nous aidez pas s’agissant du nucléaire et des énergies renouvelables, cela veut dire que vous défendez les énergies fossiles ! Nous voulons, nous, additionner les solutions pour défossiliser notre production énergétique, en n’opposant ni les énergies renouvelables à l’énergie nucléaire, ni les énergies renouvelables entre elles, ni même les molécules aux électrons.

Avis très défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je n’ai rien à ajouter à cette démonstration très convaincante. Avis défavorable.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je fais partie des quatre rapporteurs de la mission d’application de la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Nous avons montré, dans le rapport rendu il y a quinze jours, que 70 % de ses décrets d’application n’étaient toujours pas parus, un an après sa promulgation. Nous avions compris que cette loi n’accélérerait en aucune manière le développement des énergies renouvelables. Vous dites que vous n’opposez pas renouvelables et nucléaire, mais la réalité est qu’avec vous, c’est le deux poids, deux mesures permanent.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD333 de M. Maxime Laisney, CD133, CD135 et CD134 de Mme Julie Laernoes, CD234 de M. Gérard Leseul et CD307 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La très grande majorité des personnes que nous avons auditionnées – les représentants du personnel de l’ASN, les dirigeants de l’Anccli (Association nationale des comités et commissions locales d’information), Michaël Mangeon, chercheur en sûreté nucléaire, ou encore André-Claude Lacoste, ancien président de l’ASN – jugent précipitée une constitution de la future autorité de sûreté nucléaire au 1er janvier 2025. Acter une fusion est une chose ; se saisir d’un sujet et entendre les inquiétudes qui s’expriment partout en est une autre.

Si vous décidez de passer en force, la date d’entrée en vigueur que vous avez choisie perturbera encore plus le processus de réorganisation de ce système, car tous ses acteurs affirment qu’ils ne seront pas prêts : le CEA considère qu’il ne sera pas au point s’agissant de la dosimétrie, les fusions ne pourront être effectives, une grande partie de la période de relance de la filière nucléaire que vous opérez sera consacrée à des questions d’organisation, il faudra choisir les logiciels sur lesquels travailler… Ces problèmes, et d’autres, ne pourront se régler d’ici au 1er janvier 2025.

Je vous propose donc trois amendements repoussant respectivement l’entrée en vigueur de la réforme de quatre, cinq et six ans, afin de laisser le temps aux groupes de travail auxquels M. Millienne faisait allusion de faire aboutir leur réflexion.

Mettre sous pression le personnel chargé de la sûreté et de la sécurité nucléaires, comme c’est le cas aujourd’hui, met en péril le maintien d’un bon niveau de sûreté et de sécurité dans notre pays.

M. Gérard Leseul (SOC). Cette inquiétude est si partagée que le rapport de notre excellent rapporteur indique, page 37, qu’il « n’est pas exclu que l’organisation ait d’abord tendance à piétiner, voire à légèrement régresser, avant de s’engager sur la voie d’un progrès global ». Si vous estimez qu’un progrès global est possible – nous en doutons encore et ne sommes pas favorables à la réforme proposée –, donnez-vous du moins, ainsi qu’à vos partenaires, le temps et la possibilité de réaliser vos ambitions.

Monsieur le ministre délégué, vous avez rencontré les parties prenantes. Douze groupes de travail ont été créés, mais tous ceux que nous avons auditionnés nous ont affirmé que ces groupes piétinaient, après avoir entamé un bon travail. Vous allez mettre en danger la sûreté et la sécurité de notre filière nucléaire, puisque vous vous apprêtez à créer un dispositif pour lequel aucun des acteurs principaux n’est prêt, et qu’aucun n’approuve.

Nous vous proposons, plus modestement que nos collègues, de repousser cette réforme de deux années.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je suis opposé à la fusion de l’ASN et de l’IRSN. Néanmoins, si elle a lieu, je souhaite que la nouvelle autorité soit efficace et conforte la capacité de l’excellence française à créer une organisation de sûreté implacable. Pour ce faire, il faut réussir à mener à bien les importants travaux nécessaires, mais sans précipitation, sans quoi nous irions aux devants de quelques déconvenues.

Les personnels de l’IRSN, mais aussi de l’ASN et du CEA, ne peuvent pas se projeter dans le futur système, auquel ils sont opposés. Si demain la loi est votée, ils intégreront que la réforme aura lieu, mais ils ne seront pas prêts. Si vous maintenez la date prévue, vous risquez d’échouer.

Je propose de décaler la constitution de la nouvelle autorité au 1er janvier 2026 ; j’ai entendu le rapporteur affirmer que le gros du travail d’accélération de la relance de la filière serait mené en 2026 et en 2027.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable.

Nous sommes dans une situation de transition, porteuse d’incertitude, notamment celle du personnel concerné. Si les groupes de travail piétinent après des efforts fructueux, c’est aussi parce qu’ils sont suspendus au vote du Parlement. Ils ont besoin d’une clarification, qui doit survenir aussi tôt que possible.

Certaines dispositions sociales permettent de décaler les dispositifs d’accompagnement de la transition. Indubitablement, cette période de transition ne sera pas simple, mais, si elle était repoussée, elle serait d’autant plus difficile que la montée en charge des besoins en matière de sûreté nucléaire induits par la relance de la production d’énergie nucléaire ira s’accélérant.

Je maintiens donc que l’entrée en vigueur du texte doit être fixée à une date aussi proche que possible de son adoption. Il y aura une période de transition, naturelle en cas de réorganisation. Dans de nombreux domaines, de tels rapprochements ont réussi, mais ils prennent évidemment du temps.

Les industriels aussi attendent de savoir vers quel modèle nous nous dirigeons. Une fois connue la date d’entrée en vigueur de la loi, ils pourront s’organiser.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les travaux lancés piétinent parce que les acteurs du secteur essayent de comprendre dans quel sens le Parlement va aller. Une fois que le projet de loi aura été voté, j’espère que ces travaux, que je me suis engagé à organiser pour qu’ils soient efficaces, reprendront de manière accélérée, afin que nous puissions converger vers une fusion effective au 1er janvier 2025. Tout ne sera pas prêt à cette date, et l’échéancier d’application de certaines dispositions du texte nous conduit jusqu’en 2026.

Avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je suis étonnée de vos avis défavorables s’agissant d’amendements de bon sens. La fusion de l’ASN et l’IRSN apparaît obscure pour beaucoup, je prendrai donc un exemple plus concret : France Travail. Sa mise en place très rapide a abouti à une catastrophe : les professionnels sont sous l’eau et ne savent pas comment gérer leurs dossiers. En tout cas, c’est comme cela dans mon territoire.

Les changements structurels prennent du temps. Nous ne sommes pas favorables au démantèlement, mais, si vous décidez de le faire, prenez le temps de le faire bien, concrètement. En voulant aller vite, on met les gens en grande difficulté et on suscite de la désorganisation. Je ne comprends pas votre opposition dogmatique.

La commission rejette successivement les amendements.

Successivement, suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement CD443 de la commission des affaires économiques et l’amendement rédactionnel CD412 du rapporteur, et rejette les amendements CD45 de Mme Mireille Clapot et CD324 de M. Maxime Laisney.

Elle adopte l’article 15 modifié.

Article 15 bis (nouveau) : Rapports de suivi de la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Amendements identiques CD413 du rapporteur et CD363 de M. Anthony Brosse

M. Anthony Brosse (RE). Cet amendement prévoit la remise de trois rapports à l’Opecst. Le premier, émanant du Gouvernement, fera état de l’avancement des travaux préparatoires à la création de la future autorité, au 1er juillet 2024. Le deuxième et le troisième, émanant de l’ASNR, dresseront un bilan de la réforme, respectivement le 1er juillet 2025 et le 1er juillet 2026.

M. Roland Lescure, ministre. Avis favorable, même si un rapport sur les moyens techniques et financiers est déjà prévu pour le 1er juillet 2024.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Des rapports préalables aux transformations envisagées, plutôt que postérieurs, nous auraient paru plus appropriés. Et que fera le Gouvernement dans l’hypothèse où l’un de ces rapports – portant tout de même sur la réorganisation de la sûreté nucléaire – dresse un bilan négatif ?

M. Gérard Leseul (SOC). C’est une question tout à fait pertinente. Ces rapports remis à l’Opecst, auxquels je suis favorable, seront-ils par ailleurs rendus publics ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je proposerai pour ma part au bureau de l’Opecst que les rapports qui lui seront rendus, compte tenu de l’importance du sujet, soient mis à la disposition de l’ensemble des parlementaires.

M. Roland Lescure, ministre. Il serait tout de même curieux qu’on ne vote pas un amendement prévoyant la remise de rapports de bilan au prétexte qu’on ne saurait pas quoi en faire au cas où ils seraient négatifs ! Nous ne sommes pas en train de bâtir des pyramides, mais simplement d’œuvrer pour rapprocher deux organisations qui se connaissent et qui travaillent déjà ensemble. Il y aura certainement des choses à améliorer, mais j’ai du mal à imaginer que ces rapports dresseront un bilan catastrophique.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 


  1  

   compte rendu des travaux de la commission
des affaires économiques, saisie pour avis

Au cours de sa réunion du lundi 4 mars 2024, la commission a examiné, pour avis, le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197) (M. Antoine Armand, rapporteur pour avis).

M. le président Stéphane Travert. Notre commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, sur le rapport pour avis de M. Antoine Armand. Si nous sommes contraints de nous réunir un lundi, en soirée, c’est bien sûr en raison de l’organisation d’un Congrès à Versailles cet après-midi, mais c’est surtout parce que notre commission n’est saisie que pour avis : le projet de loi a en effet été renvoyé à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (CDDAT), qui débutera son examen demain à seize heures trente.

Le renvoi du texte à cette commission se situe dans la lignée du choix opéré par le Sénat, où le texte a été déposé. Nos collègues de la commission des affaires économiques du Sénat ont revendiqué avec force leur compétence au fond mais n’ont pas été entendus. Je regrette également que le texte n’ait pas été renvoyé à notre commission : la sûreté nucléaire ayant un rôle déterminant sur nos capacités de production de l’électricité, elle participe pleinement de notre compétence exclusive et intégrale en matière d’énergie. Nous avons pu le constater avec l’arrêt d’un grand nombre de nos réacteurs nucléaires du fait de problèmes de corrosion sous contrainte.

Sur le plan juridique, notre compétence dans ce domaine a été consacrée par la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui attribue à la commission compétente en matière d’énergie le pouvoir d’émettre un avis sur la nomination du président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je reviens sur la question du renvoi du projet de loi essentiellement car notre compétence pour donner un avis sur la personnalité pressentie pour la présidence de l’ASN est remise en cause par le texte. Je compte sur votre soutien pour maintenir le cadre juridique actuel en la matière.

Notre commission s’est saisie pour avis de l’ensemble du projet de loi, lequel, après son adoption par le Sénat, comporte vingt-cinq articles. Cependant, par un courrier du 4 février, M. Jean-Marc Zulesi, président de la CDDAT, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur sept de ces articles – les articles 2 ter, 12, 16, 17, 17 bis, 17 ter et 18. Cette procédure prévue à l’article 87, alinéa 2 du règlement équivaut à nous attribuer une délégation au fond sur ces articles, ainsi que sur les articles additionnels qui auraient un lien avec lesdits articles.

Nous avons ainsi pleinement compétence sur les cinq articles constituant le titre II relatif à l’adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires. Il nous revient aussi de donner notre avis sur le titre Ier, qui constitue la question politique majeure de ce texte, à savoir la création d’une Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, résultant de l’intégration de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire.

Cette proposition de réforme avait surgi dans le débat public en mars 2023 à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dites « loi sur le nouveau nucléaire ». Le Gouvernement avait alors fait adopter en commission deux amendements portant articles additionnels : l’un élargissant les compétences de l’ASN à l’expertise et à la recherche dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; l’autre prévoyant le transfert des contrats de travail des salariés de l’IRSN. En séance, le premier avait été totalement réécrit et le second, supprimé. La commission mixte paritaire ne les avait pas retenus.

Depuis lors, le Gouvernement s’est efforcé de convaincre les parlementaires et les personnels de l’ASN et de l’IRSN de l’importance de cette réforme de notre sûreté nucléaire dans une période où de nouveaux réacteurs vont être mis en chantier et où la prolongation du fonctionnement de centrales plus anciennes sera étudiée et mise en œuvre. Une majorité de sénateurs ont été convaincus, puisque le texte a été adopté assez largement au Sénat, par 228 voix pour et 98 contre.

Nous aurons 94 amendements à examiner. Un amendement, le CE61 de M. Gérard Leseul, a été jugé irrecevable en vertu de l’article 40 de la Constitution. J’ai également considéré deux amendements comme des cavaliers législatifs. Je rappelle à cet égard que l’appréciation du lien direct ou indirect d’un amendement ne peut être effectuée eu égard au titre du projet de loi, mais uniquement en s’appuyant sur le contenu des articles. En l’occurrence, ceux-ci ne portaient nullement sur les modes d’exploitation des installations nucléaires de base produisant de l’électricité. Je n’ai donc pu retenir ni l’amendement CE8 de Mme Delphine Batho concernant la nature de l’exploitant, ni le CE56 de Mme Marie-Noëlle Battistel prévoyant une loi quinquennale sur les objectifs et les priorités d’action de la politique d’approvisionnement et de gestion des matières et déchets radioactifs. Ils ne se rattachaient manifestement ni aux articles du titre Ier du projet de loi concernant l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, ni à ceux du titre II sur la commande publique.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Nous sommes réunis afin d’examiner, pour avis et, en partie, au fond, un projet de loi qui a déjà fait parler de lui. Quelles que soient nos convictions écologiques et énergétiques, nous partageons l’idée de l’urgence écologique, donc énergétique. Le mur énergétique devant lequel nous nous trouvons nous oblige d’ici à 2050 et, plus encore, à 2030, à produire beaucoup plus d’énergie en émettant beaucoup moins de gaz à effet de serre. Pour cela, la France possède un atout majeur : son parc nucléaire. Pour un kilowattheure produit, une centrale nucléaire émet 57 fois moins de gaz à effet de serre qu’une centrale à gaz et 157 fois moins qu’une centrale à charbon – c’est même deux à trois fois moins que pour produire certaines énergies renouvelables.

Nous avons donc besoin du nucléaire pour la transition énergétique. En conséquence, il nous faut préserver notre parc en préparant, facilitant et accélérant son développement, tout en maintenant les exigences de sûreté les plus élevées, une des grandes forces de la filière française. Ces exigences ont toujours été, et seront toujours, une priorité collective et consensuelle. Le dispositif de sûreté français a permis de prévenir les risques spécifiques et potentiellement immenses d’un incident ou d’un accident nucléaire. Toujours doté des moyens adaptés, il a toujours fait l’objet d’une grande rigueur – dans la doctrine de sûreté et de sécurité appliquée, comme dans son organisation. En soixante-neuf ans d’existence, soit en milliers d’années cumulées d’exploitation de notre parc, ce que nous appelons les « années réacteurs », aucun accident grave n’a eu lieu en France. Les deux incidents de niveau 4 selon l’échelle internationale des événements nucléaires n’ont pas eu de conséquences radiologiques sur les populations environnantes ; ils ont de plus concerné des réacteurs qui ne sont plus en activité et dont le modèle n’existe plus.

C’est précisément cette exigence d’excellence et d’adaptation qui a conduit aux évolutions permanentes et progressives que nous avons connues : de l’adaptation aux évolutions technologiques aux leçons tirées des incidents et accidents internationaux comme Fukushima.

Ces évolutions ont aussi été organisationnelles, par la fusion en 2001 dans l’IRSN de l’IPSN, l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, créé en 1976 et de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), établissement public créé en 1994 à partir d’un service de l’État, au nom d’une plus grande indépendance. Ce n’est qu’ensuite, par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, alors que la totalité du parc nucléaire issu du plan Messmer était construite et en fonctionnement que fut créée, également à partir d’un service sous tutelle de l’État, notre Autorité de sûreté nucléaire, érigée en autorité administrative indépendante.

Notre dispositif de sûreté fait face à une nouvelle étape : dans les prochains mois et années, la maintenance courante et la prolongation de la durée de vie des réacteurs constitueront le quotidien des services en charge, de l’exploitant à l’autorité de sûreté, et exigeront un volume de travail et une quantité d’heures considérables.

Dans le même temps, la relance nucléaire inédite, annoncée par le Président de la République dans son discours de Belfort, qui devait se traduire par une loi de programmation énergétique, implique, elle aussi, par les expertises, les instructions et les décisions techniques à prendre, une importante charge supplémentaire et une efficacité maximale de ces étapes.

Enfin, la multiplication d’innovations majeures dans le secteur, apportées par de petites entreprises qui conçoivent de petits réacteurs de troisième ou quatrième génération, avec un cycle partiellement ou totalement fermé et une variété de combustibles, appelle les responsables de l’expertise, de la recherche et de la sûreté nucléaires à une grande adaptabilité, pour ne pas freiner la France dans la course mondiale à l’innovation technologique et écologique.

Pour toutes ces raisons et dans la continuité de son histoire, la sûreté nucléaire est donc amenée à poursuivre son évolution organisationnelle. C’est tout le sens de la réforme que propose le Gouvernement dans ce projet de loi : constituer rapidement un nouveau cadre, pour un dispositif plus fort et plus indépendant. Il s’agit bien d’un cadre car le texte ne vise pas à définir précisément l’ensemble de l’organisation des activités, des pratiques, et encore moins, du référentiel de sûreté nucléaire. : il reviendra aux spécialistes, aux techniciens, aux partenaires sociaux, aux dirigeants de l’ASN et de l’IRSN qui fusionneront dans un nouvel institut de déterminer celui-ci.

L’humilité commande de faire la différence entre ce qui relève de la loi et de l’organisation de structures spécialistes d’un domaine très sensible. Ce nouveau cadre est celui d’une autorité indépendante, qui regrouperait la quasi-totalité des activités de l’ASN et de l’IRSN et qui devrait permettre une réduction des procédures administratives au profit de la qualité de l’analyse, de l’expertise et de la décision ; une unification de la gestion de crise et une mutualisation des compétences et des savoir-faire dans un contexte où ils sont rares et convoités. Le fait que les missions de l’IRSN, aujourd’hui établissement public industriel et commercial, sous tutelle de plusieurs ministères, soient demain exercées dans le cadre d’une autorité administrative indépendante n’est pas neutre. Cela marque un nouveau temps dans notre dispositif de sûreté nucléaire, qui poursuit son chemin vers davantage d’autonomie vis-à-vis des ministères.

Par le biais du règlement intérieur de cette future autorité, le texte consacre dans la loi plusieurs principes d’ordre budgétaires, organisationnels, structurels, déontologiques : cette disposition, rare pour une autorité administrative indépendante, montre l’importance que nous y accordons collectivement et les garanties associées à la future structure. Le fait que la réforme préserve experts comme décideurs de toutes pressions, même internes au système, et qu’elle réaffirme l’obligation de veiller à prévenir tout conflit d’intérêts, à tous les niveaux, est aussi une garantie essentielle pour la qualité de l’avis final, qui importe pour l’exploitant, pour la sûreté du système nucléaire et pour nos concitoyens.

Le projet de loi prévoit en complément de la loi relative à l’accélération des procédures nucléaires, que nous avons votée l’an dernier, plusieurs dispositions de sécurisation juridique de la commande publique, pour permettre le plein déploiement des chantiers de la relance nucléaire. Je note le lien faible entre ces dispositions et le texte, le besoin qu’elles s’intègrent bientôt dans un texte stratégique et programmatique, dont notre Assemblée doit être saisie, ainsi que l’urgence et le besoin de donner de la visibilité aux industriels. Je ne vois pas qui, ici, pourrait soutenir l’urgence de la relance nucléaire tout en ne voulant pas sécuriser le chantier de Penly, par exemple.

Après avoir dit ce qu’est la réforme, permettez-moi, avant que nous n’examinions plusieurs amendements et exposés des motifs au mieux imprécis, d’insister sur ce qu’elle n’est pas.

La réforme n’impliquera en rien un affaiblissement de notre doctrine de sûreté : le référentiel de sûreté comme les critères de la décision prise par le collège de l’ASN ne seront pas modifiés d’un mot.

La réforme n’est pas non plus une absorption d’un organisme par l’autre. Certes, l’IRSN n’était pas une autorité indépendante jusqu’ici, et le sera dans la nouvelle structure ; certes, les règles de déontologie pourront être revues et renforcées, mais n’est-ce pas souhaitable pour quiconque prétend défendre et renforcer notre dispositif de sûreté nucléaire ?

Enfin, j’appelle l’attention sur deux points de vigilance majeurs. Le premier est la qualité de la transition pour les personnels de l’ASN et de l’IRSN. Leur travail ne doit en rien être remis en cause : cette réforme n’est pas la résultante d’un travail qui serait insatisfaisant de la part de personnels ou de structures. Ces personnels doivent être, non les objets, mais les acteurs de la réforme. En particulier, l’attractivité de la future autorité sera une problématique de premier plan car la concurrence est rude. La faculté donnée à la future autorité de recruter sous trois statuts différents – fonctionnaire, agent de droit public, salarié de droit privé – va dans ce sens. Les enjeux de rémunération sont naturellement importants : au-delà des dispositions de l’article 11, ces discussions pourront se faire dans le cadre du prochain projet de loi de finances. Mais la fusion doit également se faire sans obliger les fonctionnaires, en poste ou intéressés, à renoncer à leurs droits statutaires – c’est une des raisons principales du choix du statut d’autorité administrative indépendante.

Le second point de vigilance réside dans la clarté et le bon niveau de précision de la loi. Il ne faudrait pas que les bonnes intentions du législateur se retournent contre l’efficacité souhaitée du dispositif. Comment installer une autorité vraiment indépendante, tout en inscrivant dans la loi, avec une précision toute relative, des principes et des critères, parfois organisationnels, parfois même techniques, que seuls des responsables de la sûreté nucléaire peuvent maîtriser ? Qui peut vouloir une loi plus simple et plus intelligible, comme nous le répétons régulièrement, et y ajouter des dispositions superfétatoires, déjà prévues par la loi, d’ailleurs souvent plusieurs fois, mais non appliquées ? Il est de notre responsabilité de parlementaires de faire une loi économe en mots, qui ne se répète pas, mais utilise l’entière responsabilité et liberté des parlementaires pour renforcer un dispositif de sûreté nucléaire que nous voulons plus fort et plus indépendant. Tel est le sens de ce texte et des amendements que je défendrai.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

M. Anthony Brosse (RE). Merci de m’accueillir dans votre commission afin de débattre avec vous de ce texte structurant pour le contrôle de notre filière nucléaire civile. Le plan de relance de la filière, lancé il y a deux ans par le Président de la République lors du discours de Belfort, a mis en avant des enjeux de fluidité, de cohérence, d’expertise et d’attractivité. Bien que la commission des affaires économiques ne soit saisie au fond que pour sept articles et pour avis sur le reste du projet de loi, ces premiers échanges permettront de débattre du cœur du texte c’est-à-dire de l’organisation de la gouvernance, des personnels et des missions de la future autorité. Celle-ci devra préserver l’indépendance, la transparence et la qualité de la recherche, qui sont reconnues à l’IRSN et à l’ASN. Notre groupe ainsi que notre rapporteur pour avis veilleront à ces trois points essentiels, dont nous débattrons demain en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, notamment lors de l’examen des articles 2, 3 et 4.

Dans les articles dont nous sommes saisis au fond, je m’attarderai d’abord sur les dispositions relatives au rôle du haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA), qui constituent une des pierres angulaires de ce texte tant celui-ci sera essentiel dans un contexte d’accélération du déploiement du nucléaire. Le haut-commissaire sera en effet chargé de suivre non seulement le développement des réacteurs à eau pressurisée EPR 2 – réacteurs pressurisés européens de deuxième génération – et des SMR (petits réacteurs modulaires) mais aussi la fin de vie des centrales qui fonctionnent actuellement. Nos collègues sénateurs ont utilement précisé les missions du HCEA, notamment ses attributions scientifiques et techniques. Notre rapporteur pour avis et notre groupe s’attacheront à conserver la définition de ses missions et son placement auprès du Premier ministre, tout en supprimant certains ajouts d’ordre réglementaire déjà satisfaits par le droit ou présentant des risques d’inconstitutionnalité.

Pour ce qui est de la commande publique, les simplifications opérées aux articles 16 à 18 doivent permettre aux acteurs de la filière nucléaire de déroger à certaines règles applicables aux marchés publics, de manière circonscrite et circonstanciée. Ces dérogations ne sont pas un blanc-seing accordé à EDF, au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La sensibilité de ces opérations et nos besoins urgents compte tenu du vieillissement de notre parc nucléaire plaident en faveur de ces dérogations, somme toute mesurées, eu égard à la protection des intérêts essentiels de la Nation. Nous pouvons entendre que certains groupes aient déposé des amendements à leur encontre, mais à l’heure où EDF a été entièrement repris en main par l’État, nous pouvons faire confiance à notre fleuron national pour les utiliser au mieux. Le rapporteur pour avis s’est beaucoup impliqué sur ce texte : son avis permettra d’éclairer nos débats sur la restructuration de notre gouvernance de la sûreté nucléaire à l’aube de la relance de la filière.

M. Nicolas Dragon (RN). La relance du nucléaire est cruciale pour garantir à la France une souveraineté énergétique ainsi qu’une croissance respectueuse de l’environnement. Le groupe Rassemblement national se félicite donc qu’après sept ans d’égarement, le Gouvernement adhère enfin à la position que nous défendons depuis des années, celle d’une relance massive du nucléaire. Toutefois, malgré l’adoption de la loi d’accélération de la construction de nouvelles centrales nucléaires, cette majorité n’a fait qu’une chose : fermer Fessenheim. Notre commission est chargée d’étudier au fond les articles relatifs au rôle du
haut-commissaire à l’énergie atomique et à la commande publique. Nous pouvons nous féliciter qu’ils aillent dans le bon sens. L’article 16 permet de limiter les risques dans les appels d’offres, notamment en évitant l’allotissement dans les secteurs tendus. Nous sommes en revanche réservés sur l’article 17 bis, qui introduit une notion de crédibilité de l’offre autre que la crédibilité financière. Cela pourrait entraîner un risque pour les entreprises, et une perte de temps dans le processus d’attribution des marchés. Nous avons donc déposé un amendement visant à supprimer l’article.

Pour ce qui est du HCEA, nous proposons d’ajouter à ses fonctions les énergies alternatives.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Votre groupe a en effet prêté une attention importante à la sûreté nucléaire : il y a quelques années, Marine Le Pen qualifiait l’énergie nucléaire d’« énormément dangereuse » et appelait à en sortir. Je salue votre évolution car l’ensemble du pays a besoin de l’énergie nucléaire, qui renforce la souveraineté industrielle et permet d’accélérer la transition écologique. S’agissant du haut-commissaire, nous pourrons débattre du titre, bien que la question ne soit pas centrale. Le risque juridique que vous pointez en matière de commande publique est également à discuter. Les éléments du Sénat ont pour but de sécuriser le dispositif, non d’ajouter des dispositions supplémentaires à la jurisprudence ou aux pratiques des acteurs des marchés.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le titre du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire sonne comme un aveu et fait écho aux amendements du rapporteur pour avis. Le texte ne repose sur aucun état des lieux, attestant que le système actuel ne fonctionne pas. Souvent cité, le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) établi par notre collègue Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir, n’est qu’un « alibi » pour les trois anciens présidents que nous avons auditionnés. Et vous vous obstinez, malgré l’opposition de la grande majorité des personnels des trois organismes concernés – l’ASN, l’IRSN et le CEA –, malgré les manifestations et les démissions.

Le Gouvernement avance l’argument qu’il faudra faire face au volume vertigineux de la relance du nucléaire. C’est précisément pour cette raison qu’il ne faut pas désorganiser la gouvernance de la sûreté nucléaire car vous ajouterez une tâche complexe aux tâches complexes qui figurent déjà sur les paillasses de l’IRSN et de l’ASN, notamment les dossiers d’options de sûreté pour la prolongation des réacteurs existants, les EPR 2, les SMR. Les anciens présidents de l’Opecst nous l’ont dit, il faudrait choisir entre l’énorme chantier de la rénovation de la gouvernance et celui de la relance du nucléaire. Vous avez choisi la relance l’année dernière, renoncez à la gouvernance.

Il s’agit aussi selon vous de « rassembler les compétences rares ». On a plutôt affaire à une fusion façon puzzle, puisque deux des principales activités de l’IRSN seront éclatées dans d’autres services. Faire partir la dosimétrie externe au CEA est une catastrophe : vous éclatez les compétences alors qu’aujourd’hui, le fait que les personnels travaillent également sur la dosimétrie interne permet une certaine flexibilité. De plus, vous renvoyez au ministère des armées la direction d’expertise nucléaire de défense, qui s’occupe de la sûreté des installations militaires et de la sécurité des installations civiles : une autre catastrophe.

On nous parle de « doublons », en mettant en avant le centre commun de crise. Un des groupes de travail a pourtant montré qu’il était possible de faire mieux sans avoir besoin de fusionner les deux organismes. L’exposé des motifs le dit, le projet de loi a pour véritable objectif d’aligner les priorités. Selon les opérateurs auditionnés, notamment Framatome, l’important est que les choses puissent se faire. Là, on tremble, on se dit que la vraie intention est de dissoudre l’IRSN dans l’ASN c’est-à-dire de faire disparaître les expertises car, souvent, elles ne plaisent pas aux opérateurs. On sait pourtant qu’il est important de maintenir le dialogue.

Pour conclure, je veux m’adresser à ceux qui sont sincèrement pro-nucléaires : ne dégradez pas l’expertise et le contrôle ; ne revenez pas en arrière ; ne cassez pas ce qui fonctionne. Entendez Roland Lescure, selon lequel les risques liés à l’activité nucléaire sont peu probables mais incommensurables.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Plutôt que de faire référence aux anciens présidents de l’Opecst, je préfère me référer au rapport approuvé par ses membres actuels. Il démonte un poncif souvent véhiculé selon lequel l’expertise serait à l’IRSN et le contrôle et la décision, à l’ASN. Or le président de l’ASN m’a fourni un document qui explicite bien la manière dont les instructions sont données et les décisions prises. Vous verrez, comme les salariés et les représentants l’ont attesté, que l’expertise est aussi à l’ASN. La logique de séparation entre l’expertise et la décision existe mais elle prévaut entre le collège de l’ASN d’une part et les experts d’autre part, de l’ASN comme de l’IRSN.

M. Jérôme Nury (LR). Notre groupe partage l’objectif de ce texte amélioré par la majorité sénatoriale. En effet, contrairement à d’autres, notre groupe n’a jamais cessé de défendre l’énergie nucléaire y compris dans la législature précédente et celle d’avant, lorsqu’il était de bon ton de promouvoir la position inverse. Cette prise de conscience tardive a porté un vrai coup à la souveraineté énergétique de notre pays, un constat souligné dans le rapport de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, dont Les Républicains ont pris l’initiative.

Ces errements idéologiques nous conduisent aujourd’hui à tout faire pour accélérer la relance de l’atome et soutenir la filière nucléaire. Encore faut-il que les objectifs affichés puissent être atteints. La fusion entre l’ASN et l’IRSN afin de créer une nouvelle autorité indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection au 1er janvier 2025 ne doit pas conduire à un énième mastodonte manquant d’agilité. La France doit retrouver de l’efficacité publique dans la fourniture d’énergie aux Français et aux entreprises nationales. L’immobilisme énergétique peut devenir mortifère tant les besoins en électricité vont s’accroître dans les prochaines années.

Les apports du Sénat sont essentiels, notamment au titre II sur la simplification des règles de la commande publique et concernant la distinction entre expertise et décision ou la transparence vis-à-vis du public. Notre groupe n’ignore pas les préoccupations soulevées par le texte : la solidité, l’efficacité et la crédibilité de notre système de contrôle sont des piliers non négociables pour l’utilisation responsable de l’énergie nucléaire. La crédibilité doit par ailleurs rester un critère d’attribution des marchés publics. Oui, l’énergie nucléaire ne doit pas être à la portée de tout le monde. Le rapporteur pour avis du Sénat, Patrick Chaize, a défendu cette vision, qui permet de sélectionner les offres selon leur faisabilité et leur maturité technologique ainsi que selon l’adéquation des délais, des moyens et des méthodes. Pour toutes ces raisons, notre groupe appelle tous les acteurs à rester vigilants, afin de mener une réforme des autorités nucléaires efficace. Ce travail de mutualisation est crucial pour garantir notre souveraineté, notre sécurité et l’avenir du secteur nucléaire. Nous soutiendrons donc la version votée par nos collègues de la majorité sénatoriale.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Ayant eu l’honneur d’être le rapporteur de la commission d’enquête que présidait votre collègue Raphaël Schellenberger, je ne peux que vous rejoindre sur les errements collectifs et la responsabilité que chacun doit prendre dans la question nucléaire. Je partage votre vision de la solidité du dispositif de sûreté : nos débats et nos désaccords ne doivent pas conduire à miner la confiance dans le système nucléaire, qui est de longue date la force du système français et qui doit être maintenu, quoi qu’il arrive. Nous reviendrons sur la question de la commande publique, notamment sur celle de la crédibilité. Je vous rejoins sur le besoin d’accélérer et de sécuriser juridiquement les choses. On peut cependant se demander si un exploitant souhaiterait passer un marché public qu’il jugerait non crédible. Ce point méritera d’être discuté lors de l’examen des amendements.

M. Philippe Bolo (Dem). Je me réjouis que nous puissions nous retrouver ce soir car cela signifie que l’Assemblée nationale a accompli son travail lorsqu’elle a rejeté la réforme bancale qui lui était présentée par voie d’amendements – non soumis au Sénat. La densité des sujets abordés dans ces amendements, qui contenaient possiblement vingt-cinq articles, a justifié que nous les rejetions. Cela a conduit à confier une mission à l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), qui a défini clairement quelles étaient les conditions de réussite de cette fusion, et nous permet aujourd’hui d’en débattre.

Le groupe Démocrate est particulièrement attentif à plusieurs sujets principaux. Le premier est celui de l’indépendance de l’expertise et de la décision, les deux jambes sur lesquelles doit s’appuyer notre doctrine de sûreté nucléaire ; il est absolument indispensable de les préserver toutes les deux. Cette indépendance se joue autant en interne qu’en externe, avec les pouvoirs politiques que sont le Gouvernement et le Parlement.

Le deuxième sujet concerne les activités commerciales de l’IRSN, qui ne doivent absolument pas être perdues dans ce transfert. Il convient d’être particulièrement vigilant parce que la reprise d’une activité commerciale ne se décrète pas : elle se construit au travers des relations entre les clients et les fournisseurs, les contrats en cours, la fidélisation des clients, et surtout les savoir-faire et le lien avec les salariés de l’IRSN actuel, qui pourraient ne pas suivre le mouvement vers le CEA. C’est un point très important.

Face à tous ces enjeux clairement identifiés – durée de vie du parc actuel à prolonger, nouveaux EPR, nouveaux acteurs avec les SMR, gestion des déchets –, il convient sans doute de créer une nouvelle structure mais il faut absolument qu’elle soit agile et que notre doctrine de sûreté nucléaire soit conservée.

Le groupe Démocrate se montrera vigilant concernant toutes ces évolutions avant de donner sa position finale sur le vote du projet de loi.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Risque-t-on de perdre des compétences ou des capacités d’expertise pointue si certaines d’entre elles sont transférées au CEA, qui est l’un des meilleurs organismes de recherche au monde ? Pas nécessairement mais c’est un point que nous devons en effet examiner.

Deuxième point, soulevé également par l’intersyndicale de l’IRSN, qui dépasse la seule question de la rémunération des prestations de l’institut : dissocier certaines prestations de l’expertise peut-il amener à perdre au quotidien le contact avec ces prestations ? Certains d’entre nous ont déposé des amendements visant précisément à faire le distinguo entre ce qui relève de prestations méritant d’être poursuivies dans un des meilleurs organismes de recherche du monde et ce qui nécessite de rester accolé à l’expertise, notamment en matière de radioprotection.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Vous nous proposez d’examiner le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre aux défis de la relance de la filière nucléaire : ce titre trompeur cache la réalité de l’objectif poursuivi depuis maintenant plusieurs mois par le Gouvernement, sur demande expresse du Président de la République, de fusionner l’IRSN et l’ASN dans le cadre d’une absorption.

Il y a près d’un an, le Gouvernement cherchait à imposer ce projet de fusion par le biais de deux amendements introduits dans le cadre du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants. Vous conviendrez que la méthode était brutale sur la forme et nous considérons que la réforme était injustifiée sur le fond. La représentation nationale a confirmé le maintien du principe d’une sûreté nucléaire reposant sur deux organismes distincts, l’ASN et l’IRSN.

Quels paramètres ont donc changé depuis le rejet du processus de fusion ? Le rapport de l’Opecst sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifique et technologique ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection propose, dès les premières recommandations, de fusionner ces deux organismes alors même que la lettre de mission de la commission des affaires économiques du Sénat visait strictement à évaluer les conséquences d’une possible fusion. C’est ce que nous avions demandé dans les débats du précédent projet de loi. Le rapport n’apporte pas d’élément de réponse sur la question principale des forces et des faiblesses du système dual actuel qui serait de nature à éclairer un projet de rapprochement ou du moins à apporter des réponses aux multiples questions que nous nous posons.

Le Gouvernement souhaite faire de cette fusion en une autorité unique la pierre angulaire du démarrage de son programme de nouveaux réacteurs nucléaires. Pourtant, il ne parvient pas à justifier cette réforme, expliquant même que l’organisation duale actuelle a été globalement au rendez-vous ces vingt dernières années. Pourquoi donc en sommes-nous là ?

Pourtant, la Cour des comptes, dans son rapport du 25 juin 2021 concernant l’IRSN et portant sur les exercices 2013 à 2019, est assez claire : elle constate que la gouvernance et l’organisation de l’institut, bien que complexes, ont trouvé un équilibre, que l’IRSN remplit les missions qui lui sont confiées par le code de l’environnement et qu’il a atteint les objectifs de son contrat d’objectifs et de performance. Le constat est le même dans le rapport précédent datant de 2014.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous justifier cette réforme autrement que par le champ lexical de la simplification puisque, à ce jour, nous n’avons pas eu de réponse à nos différentes questions sur ce sujet ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Votre intervention me donne l’occasion de souligner un point très important : cette réforme ne se fait pas parce que l’IRSN et l’ASN auraient mal travaillé – personne ne l’a prétendu, en tout cas sûrement pas moi : j’assume avec force de dire que l’IRSN et l’ASN, ensemble et séparément, ont très bien travaillé.

Toutefois, les missions et le contexte changent. Lorsque la Cour des comptes rend son travail en 2014, les réacteurs ont en moyenne moins d’une trentaine d’années ; il n’y a pas de petits réacteurs, ni de réacteurs de quatrième génération, ni de diversité de combustibles, et il n’y a pas l’ensemble des réexamens décennaux à mener. À mission nouvelle, organisation nouvelle : ce n’est pas strictement lié à la sûreté nucléaire.

M. Xavier Albertini (HOR). Le dispositif français de réglementation, de contrôle, d’expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est structuré autour de l’IRSN, qui relève du statut d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sous la tutelle de pas moins de cinq ministères, et de l’ASN, autorité administrative indépendante du Gouvernement. Le statut de l’ASN garantit le meilleur niveau d’indépendance ; il exclut toute interrogation sur l’interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’autres objectifs que le Gouvernement doit aussi assumer, comme veiller à l’approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d’actionnaire principal de grands opérateurs du secteur nucléaire. Les mises à l’arrêt de précaution des réacteurs nucléaires, dans un contexte où la France traversait l’une des pires crises énergétiques de son histoire, en sont la démonstration.

Le projet de fusion vise à accompagner la mise en place du programme nucléaire que nous appelons de nos vœux et le renforcement d’une exigence de sûreté répondant aux meilleurs standards internationaux. C’est dans cet esprit que l’ASN doit voir ses moyens renforcés et intégrer en son sein les compétences techniques de l’IRSN, afin de fluidifier le processus de décision et de gagner en coordination. L’ASNR concentrera les talents de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui sont des métiers rares et en tension, et facilitera leur travail collectif. C’est pourquoi les députés du groupe Horizons et apparentés voteront ce texte.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je vous remercie pour votre soutien.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Un an après votre tentative de passage en force par voie d’amendement dans un texte qui avait déjà entamé sa navette, et alors même que l’Assemblée s’y est démocratiquement opposée, vous continuez de vous acharner pour tenter de bouleverser tout notre système de sûreté nucléaire sans apporter une once de preuve crédible de la pertinence d’un tel projet.

Vous répétez qu’une entité unique sera plus efficace pour accélérer le processus mais sans nous expliquer comment et en balayant de manière désinvolte toutes les recherches en management des organisations qui montrent qu’une telle réforme serait un échec technique et humain. Est-ce que ce texte accélérera la relance du nucléaire ? Rien n’est moins sûr. Est-ce qu’il dégradera la robustesse de nos modèles de sûreté et de sécurité ? On peut avoir quelques certitudes.

Vous vous appuyez sur le rapport de l’Opecst, qui certes pose de bonnes questions mais ne donne pas le début d’une démonstration que le système dual actuel dysfonctionne, ni de preuve qu’une réforme aboutirait à une organisation plus efficace. Ce choix de tout bousculer, décidé en petit comité à l’Élysée sur la base d’un rapport tenu secret, est irresponsable. Nous parlons ici de sûreté nucléaire. Nous ne pouvons pas faire des paris précipités sur un tel sujet, qui engage la sécurité de la population. Si le Parlement fonctionnait de manière déterministe et pas probabiliste, vous devriez supporter la charge de la preuve et non délivrer des incantations à une prétendue amélioration continue.

Notre modèle fonctionne et est reconnu partout à l’international et, de l’avis majoritaire des acteurs de la sûreté, votre réforme est inutile et dangereuse. Vouloir remettre en cause notre système alors même que vous vous apprêtez à relancer la filière du nucléaire, alors même que l’ASN et l’IRSN travaillent à la pénible ouverture de Flamanville et au moment où les effectifs sont mobilisés pour la prolongation du parc existant, c’est tout simplement une folie.

Cette réforme n’accélérera rien et n’améliorera rien. Au contraire, elle dégradera fortement l’autonomie, l’impartialité, la qualité d’expertise et la recherche transverse, mais aussi la fluidité du dialogue et des processus de décision et surtout la transparence et l’interaction avec la société civile, pourtant indispensables dans une période de relance de l’industrie du nucléaire. Au moment du plan Messmer, il existait déjà une dualité entre l’expertise de l’IPSN (Institut de protection et de sûreté des installations nucléaires) et le décideur, le SCSIN (Service central de sûreté des installations nucléaires). Un tel recul en matière d’expertise et de transparence du système de gouvernance des risques nucléaires et radiologiques serait tout simplement une catastrophe. Les démissions en cascade des salariés de l’expertise nucléaire depuis l’annonce de cette réforme devraient vous amener à réfléchir.

Nous sommes le seul pays où l’on va séparer la sécurité et la sûreté. Au lieu de simplifier, on complexifie. Comme le dit si bien Jean-Claude Delalonde, président de l’Anccli (Association nationale des comités et commissions locales d’information), ce qui doit nous animer collectivement, pro comme antinucléaires, c’est bien le maintien d’un haut niveau de sûreté et du lien de confiance avec les citoyens. Je vous enjoins donc à faire collectivement bloc contre cette réforme et à limiter ses effets absolument dévastateurs.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Votre but politique avoué est de sortir du nucléaire et, de manière assez compréhensible, vous tentez de miner le dispositif de confiance existant. Vous le faites en disant des choses fausses. Je vais vous en donner deux exemples. Premier exemple, vous vous référez au modèle des années 1970 pour vanter la dualité et l’indépendance. Or le SCSIN était un service de l’État : expliquez-moi donc comment un service de l’État peut être plus indépendant qu’une autorité indépendante.

Deuxième exemple, vous dites que la sécurité, c’est-à-dire la sécurité des bâtiments, sera disjointe de la sûreté. C’est déjà le cas : l’ASN ne s’occupe pas de sécurité. Je pointe ces deux exemples parmi les nombreuses contre-vérités que vous avez assénées pour établir que votre projet est bien antinucléaire.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Notre modèle dual de sûreté nucléaire est le fruit d’un compromis construit depuis le lancement du plan Messmer ; il a fait ses preuves. Il repose sur la séparation des activités de contrôle de la sûreté nucléaire et des missions d’expertise et de recherche, séparation qui permet la conjugaison des compétences, un dialogue, une capacité de diagnostic particulièrement efficace pour assurer la sûreté des sites existants, ainsi que la protection des populations. Il en résulte un haut niveau de confiance de nos concitoyens puisque plus d’un Français sur deux – 56 % – jugent le contrôle de la sûreté des centrales nucléaires efficace, niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2014.

Pourquoi venir bousculer une organisation qui fonctionne et que ses acteurs souhaitent préserver ? Pourquoi prendre le risque d’entamer la confiance de nos concitoyens dans la sûreté nucléaire à l’heure de la relance de la filière ? Avec la fusion, nous portons le risque de voir se réduire le champ de l’expertise, dans un contexte de réduction continue des moyens de l’IRSN depuis dix ans, ainsi que le risque de faire fuir de nombreux salariés de l’IRSN dont les conditions et les perspectives d’emploi seront dégradées. Les organisations syndicales sont unanimes : elles pointent toutes le risque de désorganisation. Elles estiment en effet que si la relance de la filière nucléaire est une impérieuse nécessité, elle doit être assortie du maintien de la séparation entre les activités de contrôle et d’expertise.

Chacun conviendra que nous ne pourrons réussir la relance du nucléaire sans des moyens financiers et humains renouvelés. Or les moyens humains présents à ce jour ne sont pas adaptés à cette perspective, qu’il s’agisse de formation, de spécialité, d’école des métiers, dans la formation initiale au sein d’éducation nationale, dans le domaine de la recherche au CEA, au CNRS, dans les universités. Ils manquent également à l’ASN et à l’IRSN, ainsi que chez les exploitants. En matière de sûreté, ces moyens sont aussi ceux de l’indépendance. Quelle réponse, dans cette réforme ? Quels moyens nouveaux ? Quel est au contraire son coût au regard des pertes d’activité et de partenariat ?

Compte tenu des orientations budgétaires récentes et des lourdes incertitudes sur le devenir de la nouvelle entité que vous appelez de vos vœux, nous sommes plus que circonspects sur l’adéquation entre votre projet et les attentes des salariés comme de nos concitoyens. Vous l’aurez compris : nous continuerons à nous opposer fermement à cette fusion.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je souligne à nouveau que la séparation entre l’expertise et la décision existe entre les experts membres du collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui prennent des décisions, et ceux qui rendent de l’expertise, qu’ils travaillent à ASN, à l’IRSN ou parfois même en dehors des deux. Considérer que séparer l’expertise et la décision implique forcément d’avoir une ASN et un IRSN n’est pas conforme à la réalité technique et au quotidien que nous connaissons en matière de séquences d’expertise et de décision.

Je vous rejoins sur un point : cette réforme ne peut pas se faire à moyens constants. Comme dans toute réorganisation, il y aura des coûts induits par la transformation. On ne peut pas imaginer que cette réforme se fasse sur le dos des personnels, de l’attractivité, de la formation et des compétences. Je serai donc extrêmement vigilant à ce que les moyens de la sûreté nucléaire soient constants ou augmentés dans le projet de loi de finances à venir.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Nous examinons à nouveau le projet de fusion après la tentative, l’année dernière, de faire adopter au forceps un amendement présenté après la première lecture de la « loi sur le nouveau nucléaire » au Sénat. Je me dis donc que cela signifie que des faits nouveaux vous ont amenés à considérer qu’il fallait revenir sur cette question. De quels faits nouveaux s’agit-il ? Le rapport de l’Opecst ! Il faut vraiment arrêter de justifier cette réorganisation par le rapport de l’Opecst. Celui-ci s’intitule : « Les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN […] », posant ainsi le préalable qu’il y aura peut-être un rapprochement et qu’il faut donc réfléchir à ses conséquences.

Or il y a une question simple : faut-il changer le modèle actuel, et pourquoi ? Je n’ai pas de réponse. Il paraît qu’un rapport classifié serait l’élément déclencheur de l’hystérie gouvernementale. Je suis très embêté parce qu’étant pronucléaire, je suis d’accord avec l’accélération du nucléaire. Mais comment allez-vous procéder pour remettre en cause l’ensemble de la gouvernance de la sûreté nucléaire, alors que les personnels – ceux qui sont au front : les exécutants et les experts, les ingénieurs qui travaillent au quotidien pour l’IRSN, l’ASN et le CEA – n’en veulent pas ? Leur position n’a rien de dogmatique : ils disent simplement que si vous changez maintenant la gouvernance, vous n’arriverez pas à mettre en œuvre l’accélération. Que des positions politiques différentes s’expriment dans cette commission, ce n’est pas nouveau, mais que je me retrouve à dire la même chose que des collègues qui, par leur engagement philosophique, sont plutôt opposés à l’énergie nucléaire, cela devrait à tout le moins interpeller. Il y a un problème de méthode, qui nécessite une clarification.

Je ne comprends pas la justification initiale qui vous engage dans ce processus mal maîtrisé, qui n’a pas fait l’objet d’une vraie concertation ni même d’un diagnostic simple sur ce qui ne fonctionne pas et qu’il faudrait changer. Les rapports publiés sur le sujet, même s’ils commencent à dater, concluent sur le fait que la fusion ne marchera pas. En tant que législateur, j’ai besoin que l’on m’éclaire.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Les missions d’hier ne sont pas celles de demain et un changement d’organisation ne signifie pas une condamnation du précédent système. Dans toute organisation de contrôle, d’expertise et de décision, il y a des évolutions, surtout quand les missions changent. La concomitance de la prolongation du parc et de l’instruction des nouveaux dossiers dans le cadre de l’accélération du nucléaire soulève la question de la réorganisation.

Vous avez raison sur un point : le diagnostic et les solutions ne sont pas intégralement définis dans ce projet de loi parce que ni vous ni moi ne sommes compétents pour définir l’organigramme des services de la future autorité. Nous posons un cadre et des principes.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le principe d’humilité en matière de sûreté nucléaire implique que l’on doit en permanence réinterroger notre organisation en ce domaine. Il est donc possible de discuter de tout schéma.

En revanche, on n’a pas le droit de casser le système avec une légèreté et une irresponsabilité aussi incroyables. L’exposé des motifs du projet de loi indique en effet que cette réorganisation « n’emporte aucune modification sur le cadre de sûreté nucléaire existant ». C’est faux, pour trois raisons. Premièrement, le principal pilier de la sûreté nucléaire, c’est la responsabilité de l’exploitant. Désormais, en France, il n’y aura plus un exploitant, EDF, mais des exploitants de réacteurs nucléaires. Où, quand et comment la Nation française a-t-elle décidé qu’il y aurait sur notre sol des réacteurs nucléaires exploités par d’autres entités qu’EDF ? C’était l’objet de mon amendement CE8, qui a été déclaré irrecevable et ce n’est pas un petit sujet.

Deuxième point, le pilier de la sûreté nucléaire en France, dans le monde et dans les normes de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), c’est le traitement conjoint de la sûreté nucléaire civile et militaire – cela concerne aussi la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Le démantèlement de l’IRSN y met fin ; là encore, ce n’est pas un petit sujet.

Enfin, troisième point, le facteur humain : vous faites croire que l’IRSN et l’ASN seront fusionnés. Or l’ASN n’intégrera que 25 % de l’activité de l’IRSN, le reste étant explosé « façon puzzle ». C’est totalement irresponsable.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. La responsabilité de l’exploitant n’est absolument pas remise en cause par le nouveau cadre de sûreté. Il n’est pas question, à l’heure actuelle, d’avoir un autre exploitant nucléaire en France parce que, entre le moment où on fait de la recherche nucléaire et celui où on exploite un réacteur, il se passe en général un certain temps.

Concernant le traitement conjoint de la sûreté nucléaire civile et militaire, c’est notamment le travail du haut-commissaire à l’énergie atomique, conseil du Gouvernement. Il est assez logique que cette question demeure confidentielle, pour des raisons évidentes.

Enfin, je ne sais pas ce que vous entendez par le facteur humain : l’envisagez-vous sous l’angle de la combinaison d’approches déterministe et probabiliste, ou bien cela signifie-t-il qu’il faut compter avec l’erreur humaine ? Je ne vois pas à quoi vous faites référence, qui changerait avec le nouveau cadre de sûreté. L’idée que demain, avec cette réorganisation, nos experts décideront autrement et utiliseront d’autres critères pour la sûreté nucléaire est très inexacte.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Les problèmes d’ « insécurité » et d’ « insûreté » nucléaires viennent d’erreurs humaines. Par conséquent, l’adhésion des ressources humaines à leur organisation est une question capitale. La démotivation des personnels, le fait qu’ils partent dans d’autres métiers, qu’ils n’aient plus envie de travailler dans la sûreté nucléaire, n’est pas une question secondaire. Quand un projet de réforme est dénoncé unanimement par les organisations syndicales de l’IRSN, c’est qu’il y a un problème : il faut le remettre sur le tapis.

Titre IER
L’autoritÉ de sûretÉ nuclÉaire et de radioprotection

Chapitre Ier
Missions et fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Avant l’article 1er

Amendement CE14 de M. Benjamin Saint-Huile

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Mon amendement vise à figer le principe d’un dispositif dual de notre modèle de sûreté, afin que le poids de la décision ne pèse pas sur l’institut en charge de l’expertise et de la recherche. Ne me faites pas la réponse habituelle consistant à dire que ce n’est pas aussi simple que cela – on a compris ! Mon objectif est d’assurer le maintien d’une organisation duale ; c’est une manière de dire que la fusion proposée ne nous convient pas.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour but de mettre à mal le projet de loi du Gouvernement. En outre, il commence par la sécurité nucléaire et non par la sûreté nucléaire : il ne concerne donc que le dispositif de sécurité des bâtiments à l’extérieur, et pas le dispositif de sûreté nucléaire. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Nous soutiendrons cet amendement puisqu’il correspond à ce que nous avions voté dans l’hémicycle, lors de l’examen de la « loi sur le nouveau nucléaire ».

Nous ne prétendons pas qu’il n’y a pas d’expertise au sein de l’ASN mais nous affirmons que l’expertise de l’IRSN est indépendante du décideur. Or, avec votre réforme, toute l’expertise se retrouvera sous la coupe du décideur, le risque étant que les experts intègrent la volonté de ce dernier, autrement dit fassent passer des intérêts industriels et économiques avant ceux de la sûreté. Le président de l’IRSN, en audition, nous avait d’ailleurs fait part de cette crainte. Une erreur en matière de sécurité et de sûreté nucléaires – la sûreté est en effet incluse dans la sécurité – peut avoir des conséquences absolument dévastatrices et je ne comprends pas que l’on traite cela avec tant de légèreté.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Selon le code de l’environnement, « la sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident. » Cet amendement est donc particulièrement pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er : Création de la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) qui rassemblera les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

Amendements de suppression CE7 de Mme Delphine Batho, CE15 de M. Benjamin Saint-Huile, CE36 de Mme Julie Laernoes et CE46 de M. Gérard Leseul.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Comme l’ont souligné trois anciens présidents de l’Opecst, cette réforme aura pour effet de paralyser la sûreté. Beaucoup de collègues ont vécu des fusions de services en entreprise ou dans des communautés de communes : ils savent quelles incertitudes il en résulte pendant un certain temps. Peut-on se permettre, en matière de sûreté nucléaire, de ne pas savoir s’il faut choisir tel ou tel logiciel, si le service machin fusionne avec le service bidule, qui sera le chef de service, etc. ?

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que le principe de la responsabilité première de l’exploitant n’était pas remis en cause. Ce que vous remettez en cause, c’est le fait qu’en France, il n’y ait qu’un seul exploitant de production d’électricité par des réacteurs nucléaires, EDF. Ce qui justifie la réforme, c’est que l’on va ouvrir au secteur privé les réacteurs nucléaires et qu’il y aura désormais une multitude d’opérateurs développant des SMR. Nous sommes totalement opposés à cette logique. Telle est la raison d’être de cet amendement de suppression, parmi les très nombreuses autres raisons qui renvoient, notamment, aux principes de transparence et d’indépendance de l’expertise par rapport à la décision.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Si l’on veut réussir la relance du nucléaire, il ne faut pas altérer la confiance. Celles et ceux qui portent la volonté de réarmer la France sur le plan du nucléaire savent que la condition sine qua non, c’est la confiance de l’opinion publique. Celle-ci a pu varier en fonction des situations qu’ont eu à connaître le pays et parfois le monde sur les questions énergétiques mais la confiance des Français dans la sûreté nucléaire est aujourd’hui plutôt au rendez-vous. Je crains sincèrement qu’avec cette réorganisation, vous l’altériez, alors même que l’accélération est déjà là. Discutez avec les personnels, notamment de l’IRSN : ils sont déjà en train de travailler sur les EPR 2.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous nous opposons à la fin du modèle de sûreté dual français, dont chacun loue les principes, le fonctionnement et les mérites, y compris l’opinion publique. Rappelons la perte de confiance dans notre système de sûreté qui avait résulté de la catastrophe de Tchernobyl.

La grande majorité des organismes et des personnalités consultés ont exprimé de fortes inquiétudes, pour ne pas dire plus, quant à ce projet. Celui-ci dégradera la qualité de l’expertise, la recherche transverse, la sécurité civile comme militaire ainsi que le soutien technique de l’IRSN dans le domaine des risques radiologiques. Rien ne dit que la réforme accélérera la fluidité des processus et la prise de décision, le dialogue technique entre les trois acteurs – l’exploitant, l’IRSN et l’ASN – ou encore la transparence, la régulation et le dialogue avec la société civile. Rien ne justifie de réformer le système. Il n’est pas évident de savoir ce qui ne fonctionne pas, ont d’ailleurs affirmé les personnels de l’ASN lors de leur audition.

Le Gouvernement utilise des comparaisons internationales. Certes, il existe des modèles de sûreté intégrés. Mais le système américain n’a aucunement démontré qu’il était plus efficace et, au Japon, le facteur humain a joué un rôle majeur dans la survenance de l’accident de Fukushima. Bien d’autres pays dotés d’un système dual, comme la Belgique, ont renoncé à le simplifier, considérant que ce serait une très grosse erreur pour leur sûreté et leur sécurité.

M. Gérard Leseul (SOC). Jusqu’à présent, l’organisation n’a pas fait défaut. Après une première lecture du texte au Sénat et après l’audition de l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de fusion voulu par le Gouvernement, nous ne percevons toujours pas l’intérêt d’une telle réforme, faute d’éléments tangibles qui nous permettraient de la comprendre. Quelles sont les missions nouvelles que vous évoquez, monsieur le rapporteur pour avis, qui ne seraient pas déjà assurées depuis plus de dix ans par l’une des deux entités ? Qu’est-ce qui dysfonctionnerait dans ce système dual ? En quoi celui-ci ne serait-il pas pertinent dans un processus de relance du nucléaire – que, d’ailleurs, nous n’avons ni discuté ni voté au Parlement ? Il est légitime et sain de s’interroger régulièrement sur la gouvernance d’un système de sûreté et de sécurité nucléaire, mais sur quel rapport scientifique le Gouvernement se fonde-t-il pour affirmer depuis plus d’un an qu’une fusion est nécessaire ? La publication du rapport de l’Opecst, que vous avez évoqué à plusieurs reprises, est postérieure à la décision de l’Élysée.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable à ces quatre amendements de suppression. L’article 1er se contente de poser un cadre dont les caractéristiques sont précisées dans les articles suivants. Il semblerait, chers collègues, que vous disposiez, contrairement à moi, de déterminants scientifiques vous permettant de savoir lequel des systèmes est le meilleur !

La future autorité sera bien confrontée à de nouvelles missions. Certaines seront liées à la prolongation du parc : le grand carénage décidé en 2008 n’a été lancé par EDF qu’en 2014, Madame Batho, et c’est l’ensemble du parc qui va être soumis à des réexamens décennaux. D’autres sont liées à la construction de nouveaux EPR et à la relance du nucléaire, que notre majorité soutient. L’apparition de ces nouvelles missions nécessite que nous engagions une réflexion sur le cadre du système de sûreté. Pourtant, vous refusez de discuter des missions et de l’organisation de la nouvelle structure, et vous lui déniez même la possibilité d’exister.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Lundi prochain, le 11 mars, nous commémorerons le funeste anniversaire du début de la catastrophe de Fukushima – je dis bien le début car, depuis treize ans, elle n’est toujours pas terminée. Certes, elle résulte d’un tsunami mais les experts ayant travaillé sur l’analyse de l’accident expliquent que la responsabilité réside principalement dans trois facteurs : la négligence de l’opérateur, l’absence d’indépendance de l’organe de réglementation et sa complaisance à l’égard de l’opérateur. Or les personnels des trois instances françaises concernées par la réforme sont, dans leur grande majorité, opposés à la fusion. La direction du CEA, quant à elle, nous a dit qu’elle n’avait pas demandé à récupérer les deux services qu’elle va intégrer. Le directeur de l’IRSN, enfin, est évidemment opposé à la dissolution de son Institut. Le seul à être satisfait est M. Doroszczuk, le président de l’ASN !

Vous nous répondrez que l’AISNR sera une autorité administrative indépendante. Nous sommes pourtant particulièrement inquiets car, à plusieurs reprises, la direction de l’ASN a contredit les avis de ses propres experts au sujet de problèmes touchant l’EPR de Flamanville. Je vous renvoie, sur ce sujet, à un article de Mediapart paru en 2016.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La fusion de l’ASN et de l’IRSN peut sembler une bonne idée mais elle ne l’est pas. N’oublions pas que l’IRSN ne travaille qu’à hauteur de 25 % environ pour l’ASN. En outre, son expertise et sa compétence sont liées au caractère intégré de la recherche sur le nucléaire civil, sur le nucléaire militaire et sur la dosimétrie. Or la réforme va remettre en cause cette intégration et casser les fondements qui permettent de prendre de bonnes décisions.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Quel rapport avons-nous à notre disposition démontrant que le système actuel ne permettrait pas d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la loi d’accélération du nucléaire ? Je veux bien discuter avec vous, monsieur le rapporteur pour avis, mais je ne dispose d’aucun élément objectif !

M. Gérard Leseul (SOC). Le système permettait jusqu’à maintenant à l’ensemble de nos concitoyens d’avoir confiance en la sûreté de nos installations et en l’opérateur EDF. On nous annonce maintenant six, huit voire dix nouveaux réacteurs dont on nous a dit au départ qu’ils seront conçus par des start-up, et désormais qu’ils seront exploités par elles. Voulons-nous vraiment que notre nucléaire soit privatisé et confié à des opérateurs que nous ne connaissons pas réellement ? Qui détiendra le capital de ces start-up, une fois qu’elles l’auront cédé ? En quoi l’organisation que vous mettez en place va-t-elle renforcer la confiance de nos concitoyens ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. La plupart des activités de recherche de l’IRSN sont transférées dans la nouvelle autorité, madame Batho ; toutes n’iront pas au CEA. Je rappelle par ailleurs que les différents rapports, y compris celui de Opcest que vous aimez citer, ont montré qu’une fusion rendrait l’organisation plus fluide, qu’elle permettrait une mutualisation des moyens et des centres de crise, et qu’elle rendrait possible une meilleure appréhension des nouvelles technologies.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE47 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). La démonstration de la sûreté des réacteurs nucléaires français repose pour l’essentiel sur une approche déterministe : les dispositions de conception retenues par l’exploitant sont justifiées par l’étude d’une série d’accidents de dimensionnement et par l’application de règles et critères incluant des marges et des conservatismes. Si la France se distingue en la matière des autres puissances internationales, le Gouvernement semble avoir l’intention de se rapprocher du modèle probabiliste américain et anglo-saxon. L’étude d’impact souligne ainsi la « mise en place d’une autorité indépendante de sûreté nucléaire civile et de radioprotection, comparable à celle qui existe dans les grands pays nucléaires occidentaux (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne) ». Le présent amendement vise à garantir le maintien de l’approche déterministe en matière de sûreté nucléaire, qui est reconnue à l’international et qui témoigne de l’excellence française.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Il n’est question, dans la réforme, que de structure et d’organisation et en aucune manière d’approche scientifique et méthodologique : ce n’est pas au législateur de définir les critères de sûreté d’un réacteur nucléaire. J’ajoute que le présent amendement serait dangereux : il conduirait à nous priver de l’approche probabiliste qui, combinée à l’approche déterministe, permet de compléter l’analyse. À défaut du retrait de l’amendement, avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). En dehors de celui de l’Opecst, à quel rapport faites-vous allusion lorsque vous évoquez plusieurs rapports qui seraient au fondement de la réforme, monsieur le rapporteur pour avis ? Faites-vous référence au rapport de M. Verwaerde, qui est classé secret défense et dont nous n’avons pas pu prendre connaissance ?

Lorsque nous avons auditionné les représentants des start-up du nucléaire, ils n’ont absolument pas évoqué la nécessité de réformer la gouvernance. Ils souhaitent en revanche pouvoir attaquer l’autorité en justice si elle n’allait pas assez vite, et veulent mettre à mal l’ensemble des règles de sécurité et de sûreté. Dans la mesure où vous faites référence aux modèles de sûreté américain et japonais, dans lesquels les autorités n’ont pas les mêmes prérogatives qu’en France, nous nous demandons si vous ne cherchez pas à modifier la gouvernance pour affaiblir ensuite les règles de sûreté et de sécurité.

M. le président Stéphane Travert. Votre propos concerne les amendements précédents, madame Laernoes.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai bien indiqué que l’analyse de la sûreté des réacteurs nucléaires repose essentiellement – et non totalement – sur l’approche déterministe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE80 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Nos collègues sénateurs ont souhaité ajouter l’adjectif « indépendante » dans le nom de la nouvelle autorité. Or cet adjectif ne figure dans aucun des noms des vingt-quatre autorités administratives indépendantes ou autorités publiques indépendantes. Il paraît donc plus sage de le supprimer pour corriger cette anomalie.

M. Gérard Leseul (SOC). L’ajout de ce qualificatif par le Sénat peut sembler superfétatoire, mais le souhait du Gouvernement de le supprimer serait révélateur d’une mauvaise volonté de sa part ! L’indépendance, c’est justement une caractéristique que nous souhaitons tous conserver à cette autorité. De nouveau, monsieur le rapporteur pour avis, vous envoyez un très mauvais signal.

M. Jérôme Nury (LR). Je ne comprends pas cet amendement moi non plus. Le qualificatif « indépendante » contribuerait à rassurer nos compatriotes et à leur donner confiance en cette autorité. Pourquoi devrions-nous remettre en cause cet ajout du Sénat ?

M. Frédéric Descrozaille (RE). Notre débat est passionnant, et nous l’aurons à l’avenir sur d’autres sujets. Pour ma part, je ne crois pas qu’une gestion dans l’intérêt de la nation puisse être intégralement décidée par un organisme rigoureusement indépendant qui ne rende compte de son action à personne. La question de la politique énergétique publique, qui est au cœur de nos débats, relève du Parlement et du Gouvernement responsable devant lui.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Justement, la sûreté nucléaire ne doit pas être assujettie à des choix de politique énergétique. Si un réacteur n’est pas sûr, l’autorité ne doit pas l’autoriser à fonctionner, quand bien même il serait absolument nécessaire. C’est la raison pour laquelle s’opposent à cette réforme des personnes qui militent pour les EPR2 et d’autres qui n’en veulent pas : ce n’est pas de politique énergétique qu’il est question ici mais de sûreté nucléaire – laquelle faisait l’objet, jusqu’à présent en France, d’un relatif consensus.

Mme Maud Bregeon (RE). Quoi qu’il arrive, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection restera indépendante. L’ASN actuelle a d’ailleurs déjà démontré à l’occasion de plusieurs décisions, concernant par exemple la digue de Tricastin, qu’elle savait prendre des décisions contraignant l’exploitant – parfois très fermement –, indépendamment des enjeux de production.

À Frédéric Descrozaille, qui estime que les décisions de sûreté ne devraient pas être prises exclusivement par l’autorité responsable, je voudrais par ailleurs rappeler que l’Inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection (IGSNR), au niveau international, et les ingénieurs sûreté gérés par EDF site par site ont largement démontré leurs capacités.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE16 et CE17 de M. Benjamin Saint-Huile tombent, ainsi que les amendements CE48 et CE49 de M. Gérard Leseul.

Amendement CE50 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés souhaite que la future autorité s’appuie sur l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) pour garantir l’information du public et la mise en œuvre de la transparence en matière de sûreté nucléaire. La France dispose en effet du seul dispositif au monde d’organisation, de représentation et d’expression de la société civile sur les questions nucléaires. L’Anccli constitue l’un des maillons essentiels de ce dispositif garantissant la transparence de notre système de sûreté et la participation du public, indispensable à la confiance des populations – laquelle risque d’être affaiblie par la fusion des deux instances. Elle contribue depuis plusieurs décennies à la démocratisation des enjeux nucléaires et à un dialogue paisible et constructif autour des enjeux de sûreté, de radioprotection et environnementaux. Pour toutes ces raisons, nous proposons que la future autorité communique à l’Anccli la nature et les principaux résultats des programmes de recherche qu’elle mène dans ses domaines de compétence.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis très attaché aux commissions locales d’information (CLI), dont chacun connaît l’intérêt démocratique dans les territoires. Mais votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 125-24 du code de l’environnement, qui prévoit que l’ASN leur transmette tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Article 2 : Fonctionnement, déontologie, indépendance et transparence de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR)

Amendements de suppression CE18 de M. Benjamin Saint-Huile et CE37 de Mme Julie Laernoes

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Dans la mesure où vous n’avez apporté aucun nouvel élément justifiant la fusion des deux instances, monsieur le rapporteur pour avis, nous considérons qu’il n’y a aucun intérêt à fixer des règles de fonctionnement de la future autorité.

M. le président Stéphane Travert. Vous aurez aussi loisir de poser vos questions au ministre compétent en séance ou en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 2, dont mon groupe propose également la suppression, révèle l’impréparation de cette réforme bancale. Il n’est pas sérieux de renvoyer les grands principes déontologiques de l’organisme de sûreté et de sécurité nucléaire à un règlement intérieur, y compris l’obligation de publicité des avis d’expertise de l’ASNR prescrite par la loi : cela menace gravement la confiance et la transparence dans le domaine de la sûreté nucléaire. L’article 2 démontre l’enfumage derrière ce projet de loi. Le Parlement ne maîtrisera désormais plus rien : nous pinaillons sur les détails du règlement intérieur, alors que ce n’est pas notre rôle. Il faut impérativement inscrire dans la loi la dualité et la séparation entre expertise et décision, sans quoi l’on prend une pente dangeureuse.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Les amendements de suppression des différents articles ont pour but d’effacer progressivement l’ensemble du projet de loi. Je souhaite au contraire que nous puissions discuter des missions nouvelles du dispositif de sûreté nucléaire et de l’évolution du cadre.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Notre groupe soutiendra ces amendements. D’abord, nous ne sommes pas rassurés par les nombreux amendements du rapporteur pour avis visant à supprimer la moitié des modestes avancées votées par le Sénat : ils témoignent de sa volonté de déposséder le Parlement de son rôle dans la définition de la nouvelle gouvernance de la sûreté nucléaire en France. Ce qui nous inquiète également, ce sont les propos tenus par les principaux défenseurs de cette réforme lors des auditions : selon eux, il ne s’agit pas de reproduire à l’intérieur de la nouvelle autorité la séparation actuelle entre expertise et décision. Nous ne sommes pas d’accord pour que le choix en la matière soit renvoyé au règlement intérieur, lequel sera à la main du nouveau président de l’autorité.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). On peut dire que la charge de travail de l’Autorité de sûreté nucléaire s’accroît, mais pas que ses missions changent. Celles-ci sont définies par les standards de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

La commission rejette les amendements.

Amendements CE104, CE82 et CE81 de M. Antoine Armand, et amendement CE51 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis plutôt d’accord avec notre collègue Julie Laernoes : le règlement intérieur d’une autorité de sûreté n’a rien à faire dans la loi. Il me semble préférable que ce soit les dirigeants de l’ASN et de l’IRSN, dont je mesure les compétences organisationnelles et scientifiques, qui décident de leur fonctionnement quotidien, plutôt que nous. Ce que vous voudriez inscrire dans la loi, chère collègue, ne l’a jamais été. Pourtant, la France n’a jamais subi d’accident nucléaire.

C’est pourquoi je fais plusieurs propositions. L’amendement CE104 vise à laisser la nouvelle autorité définir l’organisation de ses travaux, comme le prévoit la loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, plutôt que de fixer dans la loi une séparation fictive entre personnes, personnels, services ou activités d’expertise, de contrôle et décision.

Les autres amendements sont des amendements de repli qui seraient moins opérants mais qui permettraient au moins d’éviter que le texte n’aboutisse à un fonctionnement trop rigide et ne soit en décalage avec la pratique.

M. Gérard Leseul (SOC). Vous dites vouloir discuter, monsieur le rapporteur pour avis, et nous accusez de ne pas vouloir le faire. Je rappelle que vous ne nous avez toujours pas présenté les fondements de la réforme. Par ailleurs, je ne comprends pas que vous proposiez systématiquement de renvoyer au règlement intérieur ce que nous voulons au contraire fixer dans la loi : ce faisant, vous dépossédez le Parlement de son rôle dans la définition du fonctionnement de l’autorité de demain. Contrairement à ce que l’on nous a dit en audition, nous souhaitons quant à nous qu’une distinction très claire soit faite entre l’expertise et la décision – une muraille de Chine étanche, en quelque sorte !

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Selon vous, cette muraille de Chine devrait-elle s’élever entre les différents services d’expertise ou entre le collège de décideurs de l’ASNR et les experts de la future autorité issue de l’IRSN et de l’ASN ? Devrait-elle traverser une même personne affectée successivement au service des expertises puis dans un service de contrôle ou de décision ? Devrait-elle être une séparation dans le temps ? Nous ne résoudrons pas ces questions, si légitimes soient-elles, en les inscrivant dans la loi avec un principe aussi général, qui risquerait de rigidifier le règlement intérieur de l’autorité et de l’empêcher de déterminer ce qui est le plus efficace pour ses missions. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). On voit ici l’ineptie et l’impréparation de cette réforme, dont de nombreux aspects ne sont pas réglés et qui renvoie, pour rassurer, à un règlement intérieur sur lequel il ne serait pas besoin de délibérer. Les raisons mêmes de cette réforme devraient être expliquées dans la loi.

Monsieur le rapporteur, vous devriez savoir que les personnes que nous avons auditionnées ont très bien expliqué que les personnels de l’ASN et de l’IRSN ne font pas le même métier, car l’ASN fait de la conformité et l’IRSN de la sûreté. En rapprochant ces deux activités dans une autorité unique, nous risquons ne plus avoir d’experts en sûreté et de ne plus faire que de la conformité.

La commission adopte l’amendement CE104.

En conséquence, les amendements CE82, CE81 et CE51 tombent.

Amendement CE83 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Madame Laernoes, vous avez raison de dire qu’il ne faut pas que la loi édicte un règlement intérieur ou veuille tout renvoyer à ce dernier. Laisser au législateur, comme l’a fait le Sénat, le soin de fixer les manières, les modalités, la forme et la structure de la commission d’éthique et de déontologie de la nouvelle autorité, tout en mettant l’accent sur certaines missions, empiète sur la capacité de cette autorité future à déterminer la bonne méthode et les bonnes instances, y compris avec les partenaires sociaux, a fortiori à propos de l’équilibrage des règles déontologiques applicables respectivement à l’ASN et à l’IRSN, une question dont les auditions ont montré l’importance. En l’état, l’alinéa 10 est donc plutôt dangereux, car il rigidifie le dispositif alors que celui-ci pourrait être remplacé, le cas échéant, par un référent déontologue ou une commission investie de missions supplémentaires.

M. Gérard Leseul (SOC). Il serait sage de cesser de supprimer les ajouts que le Sénat a patiemment introduits pour offrir à nos concitoyens des gages susceptibles de leur donner confiance dans l’autorité que vous proposez de créer, en précisant le fonctionnement et la répartition des compétences internes entre la sûreté, l’expertise et la décision. Si vous continuez le détricotage, bon courage pour la commission mixte paritaire (CMP) !

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La question centrale est celle de l’indépendance et de la publicité de l’expertise en amont de la décision. Nous voulons que le schéma actuel, qui sépare l’expertise et la décision, soit inscrit dans la loi, et non pas seulement dans un règlement intérieur : l’IRSN procède à une expertise, qui est publiée, puis l’ASN prend une décision. C’est précisément ce que le Sénat a voulu réintroduire dans votre texte, mais en s’arrêtant à mi-chemin, avec un règlement intérieur qui figure déjà dans la loi relative au statut général des autorités administratives indépendantes, de telle sorte que l’alinéa 7 était inutile et aurait pu être supprimé.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CE84 et CE85 de M. Antoine Armand et CE63 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Il porte sur la publicité et la publication des expertises, faisant en cela écho aux propos de Mme Batho. Dans la pratique actuelle, certains avis d’expertise – mais pas tous – sont publiés, après quoi l’ASN rend ses décisions. Certaines difficultés ont toutefois été relevées. Le haut-commissaire à l’énergie atomique, auditionné par la commission d’enquête dont j’étais rapporteur, a ainsi fait état, sur la base de sa riche expérience, de pressions internes que cette situation pouvait causer. En effet, dans une matière aussi délicate et complexe, lorsqu’un rapport d’expertise a été publié avant même que l’autorité indépendante ait pu rendre son avis, cette autorité peut se trouver soumise à des pressions de la part de l’exploitant ou de l’État.

Plusieurs options sont possibles. L’une consiste à graver dans le marbre l’obligation de publier les décisions, en précisant à quel moment elles doivent l’être. Mais toutes les décisions et tous les avis d’expertise doivent-ils être publiés, et selon quel schéma et quel dispositif ? Mon amendement vise, à l’inverse, à ce que le choix des modalités de publication de ces décisions revienne à l’autorité, car cette dernière est indépendante. Contrairement à ce que disent certains orateurs opposés à ce projet, recourant à un argument assez fallacieux, votre opposition à son existence ne rendra pas la future autorité moins indépendante. Demain, ses agents seront issus de l’IRSN et de l’ASN. Proposer d’inscrire dans la loi des principes qui n’y figuraient pas revient à exprimer une certaine défiance envers ce que seront demain les instances représentatives du personnel, les dirigeants et les préfigurateurs de la réforme.

Mon amendement CE84, de portée générale, renvoie donc l’ensemble de la question au règlement intérieur et l’amendement CE85 fait de même, mais en conservant le cas des groupes permanents d’experts.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lors de son audition par la commission d’enquête à laquelle nous avons tous participé, M. Doroszczuk, président de l’ASN, nous disait craindre de devoir choisir un jour entre la sécurité d’approvisionnement électrique et la sécurité et la sûreté des installations. Or, si nous n’inscrivons pas dans la loi que l’expertise doit être publiée d’une manière transparente et en amont, l’autorité, aussi indépendante soit-elle, n’aura pas le choix. Son indépendance exige une expertise publiée en amont et lisible pour expliquer sa décision. Je vous laisse imaginer quelle serait la pression exercée par l’opinion publique et le Gouvernement si nous venions à manquer d’électricité pour les climatiseurs d’un Ehpad pendant une canicule. Voilà la situation dans laquelle vous allez placer cette autorité indépendante car, aussi indépendante soit-elle, nous sommes en France.

Mon amendement vise donc à ce que ce soit la loi, et non pas un règlement intérieur susceptible de changer, qui exige la publication des résultats d’expertise en amont. Il propose aussi de viser les positions scientifiques et techniques qui formalisent les résultats d’expertise sur lesquels l’autorité indépendante aura le choix de s’appuyer ou non. C’est crucial, notamment pour conserver la confiance de nos concitoyens.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). La transparence et la publicité des résultats d’expertise ne sont pas une contrainte, mais un pilier de la sûreté nucléaire. En effet, le fait que l’analyse de l’expert soit rendue publique induit un débat démocratique. L’autorité n’en prend pas moins souverainement sa décision en tant qu’autorité indépendante et le fait que des parties prenantes, des citoyens, des élus, l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) ou la représentation nationale prennent connaissance d’un risque ou d’une analyse de risque la conforte dans son indépendance. Or vos amendements et votre projet de loi lui-même ne parlent jamais de transparence. Avec cet amendement, vous renvoyez au collège, dans une sorte de conflits d’intérêts, le choix des modalités de la transparence. Ce n’est pas possible !

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’amendement ne renvoie pas au collège la décision de publier ou non les avis, mais au règlement intérieur, lequel est défini par l’ensemble des parties prenantes.

Par ailleurs, la question n’est pas de savoir qui décide quand et comment les avis sont publiés. Selon moi, ce sont les futures parties prenantes qui écriront le règlement intérieur de l’ASN et de l’IRSN fusionnés, car elles sont les plus à même de prendre les bonnes dispositions pratiques, avec un principe de publication qui figure déjà dans la loi et que je ne remettrai jamais en cause. C’est une question de pertinence légistique et de bonne administration, et il ne s’agit pas de nous prendre collectivement pour les auteurs du séquencement de la publication des expertises de sûreté nucléaire.

La commission adopte l’amendement CE84.

En conséquence, les amendements CE85 et CE63 tombent, ainsi que les amendements CE86 de M. Antoine Armand et CE19 de M. Benjamin Saint-Huile

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 2 bis : Règles de parité applicables à la composition du collège de l’ASNR

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 bis non modifié.

Article 2 ter (article L. 592-31 du code de l’environnement) : Précisions sur l’activité de la commission des sanctions dans le rapport d’activité de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection

Amendement de suppression CE97 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Dans une perspective de clarté, le projet de loi prévoit que l’autorité fasse, dans son rapport annuel d’activité, le bilan de l’activité de sa commission des sanctions. Or, l’ASN le fait depuis sa création, et c’est heureux. En outre, il est évident que cette action relève d’une disposition du règlement intérieur de l’autorité indépendante, comme c’est le cas pour toutes les autres autorités administratives indépendantes. Qui pourrait croire, sans facticité démagogique, que le fait d’écrire ce que doit contenir le rapport d’activité de l’ASN renforcerait si peu que ce soit le dispositif de sûreté nucléaire ?

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement CE52, qui risque de tomber si l’amendement de suppression du rapporteur est adopté, tend à préciser que le rapport annuel d’activité de l’autorité précise clairement son plan de charge et ses moyens humains et financiers.

Monsieur le rapporteur, vous bousculez le modèle sur lequel a été construite la confiance entre l’industrie nucléaire et les Français. Alors que nous avions un opérateur principal et un système dual, vous introduisez le report des calendriers initiaux d’arrêt des centrales existantes, l’idée de faire intervenir des start-up au niveau de la conception et de nouveaux opérateurs, dans des lieux encore inconnus, et vous renvoyez tout ce qui fonctionne dans le système actuel d’expertise et de décision à un règlement intérieur auquel vous nous interdisez d’apporter la moindre précision par la loi. C’est très peu responsable et, au bout du compte, la confiance en sera dégradée.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 ter est supprimé et l’amendement CE52 de M. Gérard Leseul tombe.

Article 3 : Activités pouvant être exercées par l’ASNR, notamment en matière de recherche

Amendement de suppression CE53 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il faut conserver notre système dual de sûreté nucléaire reconnu dans le monde entier. Vous souhaitez faire évoluer ce système vers un système à l’anglo-saxonne, reposant davantage sur la conformité que sur la sécurité ou la sûreté. L’article 3 mérite donc d’être supprimé.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Évidemment défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE54 de Mme Marie-Noëlle Battistel, faisant l’objet d’un
sous-amendement CE105 de M. Antoine Armand

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement vise à maintenir la possibilité de réaliser des prestations sous forme d’interventions afin de maintenir les compétences des personnels dans l’éventualité de leurs mises en application en situation de crise.

Il vise également à maintenir la possibilité de réaliser des expertises et des recherches pour des organismes français ou étrangers.

Il est également à noter que l’IRSN dispose de matériels uniques en France à ce jour, permettant de réaliser certaines mesures ou caractérisations techniques de matériels, comme des mesures d’efficacité des systèmes de filtration et d’épuration des circuits de ventilation des installations industrielles ou nucléaires. L’interruption de cette activité pourrait être préjudiciable non seulement en termes de sûreté, mais aussi pour le tissu industriel national.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Le fait que la nouvelle autorité puisse réaliser certaines prestations qui continueront à intégrer son expertise lui permettra de conserver son savoir-faire. Afin d’éviter de mauvaises surprises, et sachant que Mme Battistel, dont je soutiens l’amendement, est attachée à la fois à la prévention des conflits d’intérêts et à la souveraineté nationale, je propose de préciser avec ce sous-amendement que ces prestations ne peuvent se faire qu’en cohérence avec la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui vise à éviter les conflits d’intérêts, et, bien sûr, dans le respect des intérêts nationaux.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous soutiendrons le sous-amendement du rapporteur.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je souhaiterais être éclairée sur les implications du sous-amendement du rapporteur en termes de défense nationale.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une précaution. Si l’autorité indépendante choisissait d’exercer auprès de certains pays des prestations qui risqueraient de mettre en danger les intérêts de la défense nationale, il est utile que la loi prévienne directement de telles situations. Puisque certains n’ont pas de pudeur pour inscrire dans la loi certaines dispositions, je me permets de le faire moi aussi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement
sous-amendé.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

Article 4 : Dispositions relatives à la transparence, l’information et l’association du public

Amendement de suppression CE87 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’article 4 du projet de loi prévoit de nouvelles mesures visant à renforcer l’information du public, ainsi que les échanges de la future autorité avec l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst). Le Sénat a, en outre, introduit un dispositif organisant la présentation des projets de décision d’adoption ou de modification du règlement intérieur à différentes entités : l’Opecst, mais aussi le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) et l’Association nationale des commissions locales d’information auprès des installations nucléaires de base, ou Anccli, qui peuvent formuler des observations.

Ces dispositions posent plusieurs problèmes de fond.

En premier lieu, il serait paradoxal de faire juger le règlement intérieur d’une structure par des entités financées par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ou comptant parmi ses membres des exploitants qu’elle sera amenée à contrôler. Deuxièmement, soumettre à différents acteurs extérieurs le règlement intérieur, loi interne de la future autorité, paraît contradictoire avec l’exigence d’indépendance de cette autorité. Enfin, certaines des dispositions de l’article sont déjà satisfaites par plusieurs articles du code de l’environnement, dont l’article L. 592‑29, qui prévoit que l’ASN formule des avis ou réalise des études à la demande du Gouvernement, des commissions parlementaires compétentes ou de l’Opecst.

La loi nous donne donc déjà tous les moyens de nous saisir de l’ensemble des informations et documents de l’ASN qui seraient utiles à notre travail parlementaire et il n’est nullement utile d’y ajouter de telles dispositions.

M. Gérard Leseul (SOC). Mon amendement CE55, qui risque de tomber si celui-ci est adopté, vise, à l’inverse, à ce que l’Association nationale des comités et commissions locales d’information soit également informée et saisie du règlement intérieur, au même titre que l’Opecst et le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire. Un mot très important qui figure dans le cahier des charges de ce comité est celui de « transparence ». Or, jusqu’à présent, monsieur le rapporteur, toutes les mesures que vous faites adopter par cette commission visent à réduire toute transparence.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 4 et les amendements CE55 de M. Gérard Leseul et CE88 de M. Antoine Armand tombent.

Article 4 bis : Missions et composition de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs

Amendement de suppression CE89 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Le Sénat prévoit que l’Opecst pourra solliciter l’expertise de la commission nationale d’évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CN2E) en dehors du cadre de son évaluation annuelle. C’est déjà possible sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi.

Par ailleurs, je suis étonné que certains de nos collègues évoquent une perte de transparence. Monsieur Leseul, puisque vous siégez à l’Opecst, il ne tient qu’à vous de solliciter ses avis. Il serait superfétatoire d’ajouter dans la loi une mesure qui y figure déjà. Il serait plus utile de convoquer ces structures et d’étudier ensemble ces documents.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). En matière de transparence, plusieurs collègues ont demandé à plusieurs reprises quels étaient les fondements de la réforme proposée et nous n’avons toujours pas de réponse. Un rapport secret est évoqué, et nous souhaiterions en avoir connaissance. Quant aux dispositions adoptées par le Sénat, elles sont superfétatoires par rapport à ce que l’Opecst peut faire aujourd’hui. Il suffirait d’introduire un alinéa prescrivant la transparence des avis d’expertise, qui doivent être rendus publics avant la décision. Ensuite, savoir à quel moment précis est un point qui relève du règlement intérieur – du reste, l’ASN en a déjà un et il est donc inutile d’introduire de nouvelles dispositions législatives à cette fin. Ce que nous demandons est très simple et très clair.

M. le président Stéphane Travert. Si tant est qu’il existe un rapport secret, il faudra demander au ministre Lescure de lever le secret.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Il semblerait que cela a déjà été demandé.

La commission adopte l’amendement CE89.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 4 bis et l’amendement CL 57 de M. Gérard Leseul tombe.

Article 4 ter : Correction d’une erreur rédactionnelle

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 ter non modifié.

Article 4 quater : Transmission à l’Opecst du rapport annuel d’activité de l’ASNR

Amendement de suppression CE90 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet article introduit une disposition selon laquelle le rapport annuel d’activité de la future autorité est systématiquement remis à l’Opecst avant sa publication officielle. C’est, d’une part, déjà possible, dans la pratique et, d’autre part, qui le fera ? Nous pouvons certes voter des dispositions visant à introduire une forme de diversité dans la loi, mais qui s’engagera à le faire chaque année au cours des prochaines décennies avec son groupe ? Puisque c’est déjà possible, saisissons-nous de cette possibilité. Nous passons notre temps à expliquer à nos concitoyens que la loi est trop riche et trop bavarde : nous avons ici une occasion d’y remédier.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je suis heureux d’apprendre, monsieur le président, que vous allez appuyer auprès du ministre Lescure notre demande de faire sauter le secret confidentiel défense qui entoure ce rapport, certes un peu fantôme, que personne n’a lu et auquel personne n’a participé, mais à propos duquel nous savons deux ou trois choses grâce à un article du Canard enchaîné indiquant qu’il a été demandé par le Président de la République, lequel y aurait lui-même ajouté ce projet de fusion. C’est ce rapport à la main du président qui aurait permis la décision prise dans le cadre du Conseil de politique nucléaire, le 3 février dernier.

Nous ne sommes donc pas très rassurés pour ce qui concerne la transparence et, pour ce qui est de l’indépendance, vous êtes en train de tout concentrer dans les mains de l’exécutif, notamment en rattachant le haut-commissaire à l’énergie atomiques au Premier ministre. Qu’il s’agisse, donc, de transparence ou d’indépendance, c’est jusqu’à présent du pipeau complet.

M. Gérard Leseul (SOC). Nous faisons assurément des lois trop riches et trop bavardes, mais celle-ci est une loi muette, car vous refusez systématiquement la transparence de l’organisation. Ce n’est pas possible ! Acceptez de laisser, même si c’est parfois un peu superfétatoire, des clauses et des conditions de transparence qui permettent d’avoir confiance. Vous concentrez tout au sein d’un tout petit comité qui décidera du règlement intérieur. Ce n’est pas raisonnable.

L’amendement CE90 est adopté.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 4 quater.

Section 2
Dispositions transitoires

Article 5 : Transfert des biens, droits et obligations de l’IRSN et continuité du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection

Amendement de suppression CE58 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il vise à supprimer l’article 5 et à réaffirmer la nécessité de préserver un système dual de sûreté nucléaire qui a fait ses preuves et qui est reconnu à l’échelle internationale, certains pays faisant précisément appel à l’expertise française en raison de sa dualité et de sa qualité. Nous avons, à de nombreuses reprises, présenté nos arguments et demandé sur quoi se fondait la décision présidentielle, mais nous n’avons toujours pas de réponse.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Avis défavorable à cette suppression, comme à celle des autres articles structurants de ce projet de loi.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Pourquoi parlez-vous d’une loi trop bavarde, alors que vous êtes en train de supprimer tous les ajouts apportés par le Sénat ? Refuseriez-vous que nous débattions et fassions notre travail de parlementaires, qui est d’écrire la loi ?

Nous sommes inquiets de voir que, sur des questions aussi fondamentales que la transparence et la dualité entre l’expertise et la prise de décision, les dispositifs sont bricolés, comme le renvoi au règlement intérieur. Il est de fait que je suis antinucléaire, mais je vis en France, qui est un pays très nucléarisé, et je suis donc attachée, comme chacun ici devrait l’être, à la sûreté et la sécurité. Bousculer le système, sans explication valide, au moment où nous nous trouvons est irresponsable. Il faut inscrire de vrais articles, avec de vrais principes qui sauvegardent notre sûreté et notre sécurité.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Chapitre II
Ressources humaines

Section 1
Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 6 : Statut des personnels de la future autorité, instances et règles du dialogue social et harmonisation des indemnités accessoires et remboursements de frais de toute nature

Amendement de suppression CE59 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Nous avons été nombreux à expliquer quelles étaient nos craintes sur cette fusion et, surtout, nous n’avons pas reçu de réponse à nos différentes questions portant sur la raison d’une telle opération. Qu’apportera-t-elle ? Le système actuel fonctionne très bien. Mais qu’en sera-t-il lorsque vous l’aurez dévasté ?

Cet amendement de suppression vise donc à conserver notre système dual de sûreté nucléaire, qui est reconnu dans le monde entier.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement participe d’une opposition globale au texte. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 6 concerne le personnel de la future autorité et son comité social d’administration.

Les représentants du personnel se sont opposés fermement et unanimement à cette réforme. Les salariés de l’IRSN et le personnel de l’ASN n’ont pas les mêmes statuts ni la même culture du travail. Nombreux sont ceux qui nous ont alertés sur l’ineptie qui consiste à rapprocher ces deux entités, lesquelles travaillent de manière complémentaire depuis des décennies.

On essaie de trouver des subterfuges pour fusionner ces organisations –  ce qui revient à en démanteler une – sans prendre garde aux statuts des différentes catégories de personnel. Cela témoigne du bricolage opéré par ce projet de loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 non modifié.

Section 2
Dispositions transitoires

Article 7 : Transfert des salariés de l’IRSN à l’ASNR et au CEA

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 non modifié.

Article 8 : Dispositions transitoires en matière de conventions et d’accord collectifs

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 non modifié.

Article 9 : Possibilité pour les agents contractuels et les salariés privés de la future autorité de passer un concours réservé, afin de leur permettre d’accéder à un corps de fonctionnaire

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 non modifié.

Article 10 : Dispositions transitoires tendant à garantir la continuité de la représentation sociale au sein de la future autorité

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je confesse ne pas avoir compris à qui seront transférées les compétences de l’IRSN en matière de sécurité intérieure et de lutte contre les actes de malveillance. Le rapporteur pour avis peut-il nous éclairer sur ce point ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. En la matière, l’IRSN travaille déjà avec le haut fonctionnaire de défense et de sécurité. Le texte ne prévoit pas de changement. Les salariés mis à la disposition du ministère des armées continueront à travailler directement avec ce haut fonctionnaire.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je ne parle pas de la défense nationale mais de sécurité intérieure.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cela relève également de la compétence de ce haut fonctionnaire.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Notre pays fait face à des risques d’attentats terroristes et d’actes de malveillance contre les centrales nucléaires, sur lesquels je ne m’étendrai pas. Une partie des activités de l’IRSN relèvent de la sécurité intérieure et n’ont rien à voir avec la surveillance des installations nucléaires militaires, qui dépend du ministère de la défense. Lors de son audition, le directeur de la direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué que ce point devrait être éclairci dans le cadre du débat parlementaire. Personne n’a compris comment aller fonctionner le nouveau système, d’où ma question.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Actuellement, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité a la main, avec l’expertise de l’IRSN, y compris en matière de sécurité intérieure. Cette situation n’a pas vocation à changer. Ce haut fonctionnaire de défense et de sécurité s’appuiera désormais sur l’expertise des personnels de la nouvelle autorité.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Non, c’est impossible !

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Et si, le cas échéant, d’autres personnels était nécessaires pour remplir cette mission d’expertise, ceux du ministère des armées ou du CEA pourraient être mis à contribution. Je ne vois pas où est le problème.

M. le président Stéphane Travert. Vous aurez l’occasion de poser cette question au ministre lors de l’examen du texte au fond par la commission du développement durable, madame Batho.

Article 11 : Augmentation des rémunérations versées au sein de l’IRSN et de l’ASN ; élaboration d’un rapport du Gouvernement et d’évaluations par l’ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 non modifié.

Après l’article 11

Amendement CE91 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Deux décisions sont indispensables au bon fonctionnement de la nouvelle autorité : son règlement intérieur et la décision d’organisation et de fonctionnement de ses services.

Cet amendement vise à prévenir une difficulté en permettant de consulter de manière anticipée les instances représentatives actuelles du personnel de l’IRSN et de l’ASN sur ces deux documents. Cela permettra de travailler dans les meilleurs délais une fois la loi adoptée.

Afin d’éviter un risque de vide juridique, l’amendement prévoit aussi que le règlement intérieur de l’ASN s’applique jusqu’à l’adoption du règlement intérieur de la future ASNR.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). L’alinéa 4 de cet amendement est totalement contraire aux principes généraux du droit du travail, puisqu’il prévoit que « Les consultations mentionnées au premier alinéa dispensent de toute autre obligation de consultation d’organisations au sein desquelles s’exerce la participation des personnels […] ». Il existe certes un problème de tuilage, mais vous dérogez à toutes les règles d’ordre public social pour les salariés de l’IRSN.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet alinéa indique que les instances représentatives ne devront pas être de nouveau consultées une fois la nouvelle organisation mise en place. Il s’agit d’éviter une redondance mais pas de dispenser des obligations en matière de consultation.

La commission adopte l’amendement.

Chapitre III
Le haut-commissaire à l’énergie atomique

Article 12 (articles L. 141-13 [nouveau] du code de l’énergie et L. 332-4 du code de la recherche) : Rattachement du haut-commissaire à l’énergie atomique au Premier ministre

Amendements CE66 et CE93 de M. Antoine Armand (discussion commune)

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Le haut-commissaire à l’énergie atomique (HCEA) est en pratique le conseiller scientifique du Gouvernement, notamment en matière d’énergie nucléaire. Il est en partie rattaché au CEA, ce qui crée une forme de dualité dénoncée tant par ce haut-commissaire que par les administrateurs généraux du CEA lors des auditions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France.

L’amendement CE66 conserve la définition législative du rôle du HCEA, placé sous l’autorité directe du Premier ministre. Il précise ses principales missions – comme par exemple celle d’évaluer chaque année l’état des activités nucléaires civiles –, sans pour autant les détailler autant que l’avait fait le Sénat.

L’amendement CE93 est un amendement de repli, qui mentionne en outre que le HCEA peut saisir le comité de l’énergie atomique et toute autorité administrative compétente de ses propositions dans ses domaines de compétence, mais aussi que le Gouvernement peut lui demander un avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire. L’amendement prévoit également que le HCEA peut être entendu par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d’énergie ainsi que par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Toutes ces choses prévues par le Sénat sont cependant déjà possibles en pratique et ne nécessitent pas une disposition législative.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). À travers les dispositions qui concernent le HCEA, on voit encore une fois que la main de l’exécutif se resserre sur tout ce qui concerne le nucléaire.

On ne voit pas bien en quoi le HCEA a quelque chose à voir avec la gouvernance de la sûreté. En revanche, il est certain qu’il va contribuer à la relance du nucléaire.

Mon amendement CE13, qui vient plus loin et qui risque de tomber, prévoit de mentionner que sa saisine pour avis sur la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) et sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne lui demanderait pas beaucoup de travail. Nous n’en avons nous-même pour l’instant aucun sur ce projet de loi, qui aurait dû être discuté en juillet de l’année dernière et ne figure toujours pas à l’agenda de notre assemblée.

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement CE66 du rapporteur pour avis risque de faire tomber mon amendement CE62, qui vise à permettre à l’Opecst de demander un avis au HCEA. Je voterai donc contre cet amendement du rapporteur pour avis qui va à l’encontre d’une bonne idée.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je me demande si de Gaulle ne se retourne pas dans sa tombe.

En quoi l’existence du CEA avec en son sein un HCEA a-t-elle empêché la France de construire un parc nucléaire ? Je ne comprends vraiment pas quel est le problème que vous essayez de régler en précisant que le HCEA dépend désormais du Premier ministre.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Je souligne que, lors de son audition, le HCEA a conseillé de supprimer un certain nombre d’alinéas de l’article 12, afin d’éviter tout chevauchement avec les missions du Haut Conseil pour le climat, qui fait très bien son travail.

Le HCEA a par ailleurs précisé qu’il disposait de seulement quatre équivalents temps plein (ETP), qui n’ont pas l’ensemble des compétences nécessaires pour faire face aux missions supplémentaires qui lui seront confiées.

La commission adopte l’amendement CE66 et l’article 12 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article tombent.

Chapitre IV
Dispositions de coordination et finales

Article 13 : Soumission de la recherche de l’ASNR à l’évaluation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et coordination

La commission adopte l’amendement de coordination CE68 de M. Antoine Armand.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Article 14 : Conditions de nomination du président de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et actualisation de références législatives

Amendement CE98 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement rétablit la compétence de la commission des affaires économiques pour rendre un avis sur la nomination du président de la future ASNR. Cette compétence était initialement prévue dans le projet de loi du Gouvernement. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat l’a attribuée à la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques.

Jusqu’à présent, la commission des affaires économiques était compétente pour l’avis sur la nomination du président de l’ASN et celle du développement durable pour l’avis sur celle du directeur général de l’IRSN.

Aux termes de l’article 36 du règlement de l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques est pleinement compétente en matière d’énergie, mais aussi sur les industries, la recherche appliquée et l’innovation. Il est donc légitime de lui confier de nouveau le soin de donner un avis sur la nomination du président de la future ASNR.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement du rapporteur pour avis contribue au glissement opéré par le Gouvernement, la compétence relative à l’énergie étant transférée exclusivement à Bercy. On s’éloigne du rêve d’une planification écologique faisant une place égale aux questions énergétiques et à celles relatives à la protection de la biodiversité et aux transitions écologiques. C’est donc un recul, avec le risque évident de soumettre les choix en matière d’énergie à des logiques économiques de court terme, liées à l’industrie et au pouvoir d’achat des ménages. Ce sont certes de nobles causes, mais elles ne doivent pas faire abandonner le temps long, c’est-à-dire la planification écologique.

Votre amendement s’inscrit dans la même logique : en confiant une compétence exclusive à la commission des affaires économiques, vous empêchez celle du développement durable d’apporter son expertise extrêmement précieuse.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je répète qu’il s’agit bien de préciser la compétence d’une commission permanente – et en l’occurrence de rendre à la nôtre le pouvoir de confirmer la nomination du président de la future autorité de sûreté.

Cher collègue Potier, vous ne me donnez pas l’impression d’être l’incarnation d’une logique de marché abominable qui s’en prend au pouvoir d’achat des Français. Je suis certain que vous, comme les futurs membres de cette commission, saurez prendre en compte tous les éléments nécessaires lors de l’examen de la candidature du futur président de l’autorité.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le débat n’est pas là, monsieur le rapporteur pour avis.

Auparavant, deux commissions intervenaient. L’une donnait un avis sur la nomination du président de l’ASN et l’autre sur celle du directeur général de l’IRSN.

Et par ailleurs, jusqu’à une période très récente, la sûreté nucléaire a toujours dépendu du ministère de l’écologie, précisément pour s’assurer que les tâches effectuées par la DGPR soient distinctes de celles de la direction générale de l’énergie.

Je ne remets pas en cause les prérogatives de la commission des affaires économiques, ni celles de la commission du développement durable. Mais, comme Dominique Potier, je constate que les évolutions proposées traduisent un glissement.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 modifié.

Article 15 : Entrée en vigueur

Amendements CE64 et CE22 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Il s’agit d’amendements de repli, car nous ne sommes toujours pas favorables à la réforme – malgré l’argumentaire solide qui nous a été présenté ce soir…

L’amendement CE64 propose donc de décaler d’une année la mise en œuvre de la réforme, tandis que l’amendement CE22 propose un report de six mois.

Tout d’abord, nous considérons qu’un travail difficile devra être mené avec les personnels et qu’il faut prendre le temps de le faire.

Ensuite, si la réécriture proposée par le rapporteur pour avis a évacué les aspects relatifs à la structure juridique de la future autorité, il reste que ce que vous proposez correspond à une autorité administrative indépendante (AAI), alors que certains collègues envisageaient une autorité publique indépendante (API). Avec l’amendement CE16, qui est tombé, nous souhaitions que le Gouvernement remette au préalable et dans un délai de six mois un rapport sur l’opportunité de donner à la future autorité un statut d’AAI. Cela semblait indispensable pour être éclairés sur la méthode choisie.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. La question du délai d’application de la réforme est évidemment légitime, mais il faut prendre en considération deux contraintes.

Il faut bien entendu éviter de bousculer les systèmes, les organisations et les personnels.

Mais, que l’on soit pour ou contre la relance du nucléaire, il faut aussi agir vite, car les plans de charge de l’ASN et de l’IRSN ainsi que celui de la future autorité vont continuer à s’alourdir. Au vu de ces plans, on constate que le 1er janvier 2025 correspond à un moment opportun pour mettre en œuvre la réforme. D’où le choix qui a été effectué.

Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lors des auditions, aucune des organisations représentatives du personnel n’a estimé qu’il serait possible de disposer d’un organisme fonctionnel début janvier 2025.

Beaucoup de choses restent à éclaircir, qu’il s’agisse des contrats de travail des personnels ou des logiciels qu’ils vont utiliser. Or tout cela met en danger notre système de sûreté et de sécurité. On le sait, le programme de travail de l’année 2024 est extrêmement chargé, avec la prolongation des centrales existantes, la mise en service de celle de Flamanville, la question des déchets et la relance du nucléaire, sans parler des petits réacteurs modulaires.

Les délais prévus inquiètent au plus haut point. Pourquoi une telle précipitation, alors que tout le monde dit que la date du 1er janvier 2025 n’est pas tenable ?

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Plus vous précipitez la mise en œuvre, plus vous prenez le risque d’un dysfonctionnement, et donc d’un échec collectif.

Je veux bien qu’on nous dise qu’en vertu d’un principe fixé au sommet, il faut que la réforme soit effectuée le 1er janvier 2025 ; mais personne n’y croit. Ce n’est pas parce que la structure juridique sera prête à cette date que l’organisme sera en état de fonctionner. Le plan de charge pour 2024 est déjà très copieux. Si vous vous obstinez à retenir cette date, vous allez au-devant de grandes déconvenues tant en ce qui concerne le respect du calendrier que la capacité de la nouvelle autorité à faire face à son plan de charge.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte les amendements de coordination CE96 et CE92 de M. Antoine Armand.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Titre II
Adaptation des rÈgles de la commande publique aux projets nuclÉaires

Chapitre Ier
Sécurisation des procédures relatives à la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires

Avant l’article 16

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE79 de M. Antoine Armand, portant sur l’intitulé du chapitre.

Article 16 (article L. 2173-1 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de déroger à l’obligation d’allotissement des marchés publics pour certains projets dans le domaine nucléaire

Amendements de suppression CE23 de M. Benjamin Saint-Huile et CE39 de Mme Julie Laernoes

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). L’amendement propose de supprimer l’article parce que nous regrettons que les éléments concernant la commande publique figurent dans ce texte.

J’ai entendu le Gouvernement évoquer un nouveau projet de loi « industrie verte 2 – le retour ». Les dispositions de cet article auraient pu y prendre place, mais il est difficile de trouver une justification à leur présence dans le texte que nous examinons.

C’est la raison pour laquelle nous proposerons de supprimer l’ensemble des articles de ce titre consacré à la commande publique.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’article 16 n’a pas sa place dans un projet qui vise à déterminer la gouvernance du système de sécurité et de sûreté nucléaire. C’est sans doute une sorte de rattrapage après l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

De deux choses l’une : soit on estime que mettre à mal la sûreté et la sécurité nucléaire permettra d’accélérer le processus, et dans ce cas-là de telles dispositions ont toute leur place dans ce texte ; soit on prend au sérieux la sûreté et la sécurité, et dans ce cas-là, on présente un vrai projet de gouvernance qui s’appuie sur des principes fondamentaux et s’abstient de proposer des mesures de rattrapage.

M. Dominique Potier (SOC). La loi « Climat et résilience » de 2021 prévoyait, dans des secteurs où la France dispose d’une certaine compétitivité, d’adopter des critères de sélection plus exigeants en matière sociale ou environnementale. Cinq années étaient prévues pour les mettre en œuvre. Pas un seul secteur n’en a bénéficié. Il a fallu insister lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables pour ouvrir de nouveau quelques perspectives d’achats publics orientés vers la production locale grâce à des critères environnementaux et sociaux – ce qui ne constitue pas du protectionnisme.

Alors que le Gouvernement et la majorité n’ont rempli les promesses de la loi « Climat et résilience » – dont la mise en œuvre était renvoyée à des décrets – dans aucun secteur de l’économie française, vous nous proposez aujourd’hui de manière étonnante ces dispositions qui concernent le nucléaire.

Je partage totalement l’avis de nos collègues : il faut traiter cette question de manière cohérente dans un projet de loi relatif à l’industrie verte et ne pas faire une exception pour le nucléaire qui nuirait à notre objectif commun.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Monsieur Saint-Huile, je partage votre préoccupation légistique et votre position de principe, mais je souhaite aussi faire preuve de pragmatisme.

Quand on est attaché à la relance du nucléaire et quand on connaît ce secteur –  et tel est votre cas –, on sait que les gains de temps associés à la dérogation à l’obligation d’allotir se comptent en mois et en années. Cela représente aussi des gains financiers, qui pourront être investis plus utilement et plus rapidement dans l’ensemble de la transition écologique.

En l’occurrence, cette possibilité de dérogation est un réel progrès pour les marchés publics. Je fais donc appel à votre pragmatisme et à votre soutien à la relance du nucléaire, qui ne peut pas attendre.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE78 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de supprimer la codification des dispositions de l’article 16 dans le code de la commande publique, ce dernier n’ayant pas vocation à accueillir des dispositions sectorielles. Ce principe bien établi assure la lisibilité et la cohérence juridique de ce code.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE77 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Pour l’exception à l’obligation d’allotir un marché concernant la réalisation d’installations permettant d’assurer des activités de recherche en matière nucléaire, le Sénat a précisé que sont également concernées les installations « directement nécessaires » à ces activités. Or cette précision n’est pas utile, notamment compte tenu d’une autre précision apportée par le Sénat à l’alinéa 12.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE102 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement permet d’étendre la dérogation à l’obligation d’allotissement des marchés publics aux installations de fabrication ou de maintenance d’emballages de transport de substances radioactives, qui constituent un maillon important de la chaîne et jouent un rôle en matière de sûreté nucléaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE101 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Il s’agit d’étendre la dérogation d’allotissement aux marchés relatifs à la réalisation de travaux de surface pour les laboratoires souterrains de recherche sur le stockage ou l’entreposage de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Je n’arrive pas à comprendre pourquoi a été déclaré irrecevable un amendement contre l’allotissement des opérateurs eux-mêmes alors que ce texte comprend des dispositions dérogatoires à l’allotissement des marchés publics passés par les opérateurs.

M. le président Stéphane Travert. C’est lié à la manière dont le périmètre du projet de loi a été défini par le Gouvernement.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Il y a pourtant un lien indirect.

M. le président Stéphane Travert. Non.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements rédactionnels CE76 et CE75 de M. Antoine Armand.

Amendement CE9 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Tout d’abord, je suis d’accord avec les collègues qui considèrent que cet article n’a pas sa place dans ce projet de loi. Mais, comme d’habitude, le Gouvernement fait tout dans le désordre en matière d’énergie. Il s’est rendu compte qu’il manquait des choses dans ce qu’il avait bricolé l’année dernière et essaie à présent de les introduire dans ce texte– en étant cette fois plus malin pour éviter les cavaliers législatifs.

En tout état de cause, l’article 16 sonne comme un aveu d’échec de l’EPR en général, de celui de Flamanville en particulier et de l’EPR 2 – dont on vient d’apprendre que l’achèvement des plans de conception a encore été repoussé de neuf mois. Quitte à relancer le nucléaire, autant que la centrale fonctionne – et si possible pas avec treize ans de retard et un couvercle de cuve dont on sait déjà qu’il faudra le changer au bout de dix-huit mois… Si j’étais pronucléaire, je serais sans doute favorable aux dérogations à l’obligation d’allotissement.

Cet amendement propose de conditionner les dispositions dérogatoires au code de la commande publique à des engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Un amendement similaire avait déjà été déposé lors de l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte. Peut-être qu’un réacteur, enfin en état de fonctionner, permet de produire de l’électricité décarbonnée, mais pour l’instant le chantier de Flamanville a émis beaucoup de gaz à effet de serre sans alimenter le réseau électrique avec le moindre électron.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Vous proposez de conditionner le bénéfice des dispositions de l’article 16 à la publication, pour les entreprises soumises à la déclaration de performance extrafinancière, d’engagements annuels en matière de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Votre amendement ne concerne en réalité que le cas d’EDF, puisque l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont le statut d’établissement public industriel et commercial (EPIC) et ne sont donc pas soumis à une telle déclaration. EDF publie déjà un bilan carbone au scope 3 et un bilan de ses émissions de GES. Enfin, et loin de moi l’idée de défendre ici EDF car tel n’est pas le propos, mais l’entreprise peut mettre à son actif des centaines de milliers de tonnes de CO₂ économisées grâce aux milliers d’années réacteur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE10 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cet amendement de repli propose de conditionner les dispositions dérogatoires au code de la commande publique prévues au chapitre Ier du présent titre à la mise en place d’une stratégie ambitieuse de réduction de l’impact sur la biodiversité. Le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité sont en effet liés, ainsi que l’atteste le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).

Or le nucléaire a un impact sur la biodiversité et celui-ci sera de plus en plus préoccupant. Je rappelle que, durant l’été 2022, vingt-quatre jours de dérogation ont été accordés aux centrales nucléaires pour leur permettre de rejeter dans les cours d’eau de l’eau plus chaude que la température autorisée. Il existe encore peu d’études sur le sujet, mais l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) et l’ASN attestent l’impact de telles dérogations sur la biodiversité aquatique alors que ce type de situation risque malheureusement de se multiplier. Elles provoquent un phénomène d’eutrophisation des milieux, c’est-à-dire une prolifération de végétaux et d’algues entraînant une baisse de l’oxygénation et une mortalité plus élevée de certains invertébrés.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Article 17 (article L. 2173-2 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de déroger à la durée maximale des accords-cadres des marchés publics pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE24 de M. Benjamin Saint-Huile et CE40 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Vous voulez une loi moins bavarde : par cet amendement, je vous propose d’y contribuer en supprimant cet article, qui n’a rien à faire dans ce projet de loi. Il vise en effet à étendre la durée maximale des accords-cadres pour certains projets –  ce que l’on peut comprendre au vu des retards pris par différents chantiers. Mais ce texte porte sur la gouvernance et non sur le fonctionnement de la filière nucléaire.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Amendement CE74 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Comme pour l’article 16 et pour les articles suivants, cet amendement propose de décodifier l’article 17 afin de ne pas inscrire de dispositions sectorielles dans le code de la commande publique.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je ne suis pas sûr de bien comprendre les implications de cet article s’il devait être adopté et la loi promulguée : les dérapages incontrôlés sur les chantiers de l’EPR et du nucléaire en général, à la fois en temps et en coût, ne risquent-ils pas de peser sur l’opérateur – EDF, Orano pour les piscines ou l’Andra pour les centres industriels de stockage géologique (Cigéo) –, ce qui reviendrait à faire payer le contribuable ou le client pour ces dérapages budgétaires ? Une association nous a posé la question, mais je n’ai pas su y répondre.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. La possibilité de prolonger les accords-cadres jusqu’à la fin du projet est un facteur d’économie, car, jusqu’à présent, la nécessité de devoir passer un nouvel accord-cadre crée une latence et aggrave les coûts.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Lors de l’audition de M. Proglio sur le chantier de Flamanville dans le cadre de la commission d’enquête, celui-ci nous avait expliqué, dans des termes familiers, qu’il avait pris une marge de sécurité par rapport à la date fixée et que, après le seizième ou le dix-septième avenant, il était allé voir son « copain Martin » qui lui avait répondu que s’il n’allongeait pas, il arrêtait le chantier. Les nombreux avenants ne semblaient pas être à l’origine des retards. Dans ces conditions, qu’est-ce que cet article changerait ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je vous propose de discuter plus en détail sur la question des avenants à l’occasion de l’examen de l’article 17 ter, dont c’est l’objet.

Si l’exploitant ou le constructeur ne tient pas ses délais, un rapport de force difficile s’instaure, mais ce n’est pas l’objet du dispositif de cet article, qui prévoit la possibilité de prolonger la durée de l’accord-cadre pour éviter des factures supplémentaires.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Nos tentatives de modifier les règles de la commande publique se sont heurtées aux réponses du Gouvernement sur la conformité au droit européen. Qu’en est-il de ce texte ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Le droit européen permet déjà de déroger à la durée maximale d’un accord-cadre lorsque l’objet du marché le justifie.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE73 et CE72 de M. Antoine Armand.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 17 bis (article L. 2173-3 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de prendre en compte la crédibilité des offres dans les critères d’attribution d’un marché public pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE26 de M. Benjamin Saint-Huile et CE41 de Mme Julie Laernoes

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le critère de crédibilité des offres est déjà pris en considération dans un appel d’offres. Quel est donc l’intérêt de l’article 17 bis ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cette disposition, qui n’existe pas dans la loi, permettra de sécuriser une pratique courante.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Amendement CE71 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de décodifier les dispositions de l’article, car le code de la commande publique ne peut comprendre de dispositions sectorielles.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Si vous voulez une loi moins bavarde, pourquoi ne pas avoir voté pour les amendements de suppression, puisque le critère de crédibilité est déjà pris en considération ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Les exploitants que j’ai auditionnés m’ont assuré que, selon leurs services juridiques, cette disposition apporterait une sécurité supplémentaire. Il y a une divergence d’opinions, mais, dans le doute, je préfère sécuriser les marchés publics au service de la relance du nucléaire et de la transition écologique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE31 de M. Gérard Leseul

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement vise à faire de la prise en compte de la crédibilité des offres des soumissionnaires un critère obligatoire et non facultatif des marchés publics relatifs aux installations nucléaires visées par l’article 16.

Le rapport remis par Jean-Martin Folz en 2019 sur la conduite du projet de Flamanville 3 a mis en lumière l’insuffisance des compétences à tous les niveaux d’organisation du projet. Le rapport évoquait même parfois une perte de conscience professionnelle chez certains acteurs de la filière, notamment chez Framatome. Antinucléaire ou pronucléaire, on ne peut être que favorable à cette exigence de sécurité du choix des soumissionnaires.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis extrêmement favorable à cette exigence de crédibilité, mais je suis défavorable à cet amendement.

L’article R. 2152-7 du code de la commande publique, qui transpose le droit européen, dispose que, parmi les critères utilisés par l’acheteur public – quels qu’ils soient : faisabilité technique, crédibilité, mieux-disant –, aucun ne peut être obligatoire. Nous pouvons être en revanche assurés que l’acheteur, qui engage ses fonds, tient effectivement compte de la crédibilité comme critère d’attribution du marché public.

M. Dominique Potier (SOC). Vous faites des exceptions sur tous les principes, sauf pour les marchés publics. Le principe du caractère facultatif des critères d’attribution devient alors un principe sacré du droit européen auquel on ne peut pas toucher, même pour le nucléaire où les engagements se font sur un demi-siècle, voire sur un siècle. Je vous invite à trouver une formulation qui respecte le droit européen tout en étant plus musclée que ce qui existe.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). Le droit européen permet de rendre un critère spécifique obligatoire. Les expressions « peuvent comprendre » et « la crédibilité peut notamment », que l’on trouve dans la rédaction actuelle de l’article, ne sont pas contraignantes et font craindre une disposition juridiquement inutile. Ce point pourrait à nouveau être examiné avant la séance.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Certes. Mais qu’apporterait cette modification ? Si les acheteurs ne tiennent pas déjà compte de la crédibilité du fournisseur, c’est inquiétant. En outre, ce n’est pas parce que la loi dispose que ce critère doit être pris en compte que l’appréciation de la crédibilité des opérateurs avec lesquels EDF engage des milliards d’euros changera.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE32 de M. Gérard Leseul

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise, en complément à l’amendement CE31, à ce que la crédibilité des offres des soumissionnaires s’apprécie en fonction de leur expérience en matière de marchés publics de même nature.

Comme l’a souligné le rapport Folz de 2019, les déboires du projet de Flamanville 3 étaient notamment liés à une perte de compétences sur l’ensemble de la chaîne d’acteurs de la filière, avec des intensités variables. Il est donc essentiel de tenir compte de l’expérience des acteurs dans l’évaluation de la crédibilité des offres. De plus, alors que le Gouvernement laisse planer un doute inquiétant sur la possibilité de confier la réalisation, voire l’exploitation, de certains réacteurs futurs, notamment les SMR, à des sociétés sans expérience en la matière, il est essentiel d’introduire une prise en compte obligatoire de cette expérience au sein de la procédure.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis favorable au principe de cette exigence, mais je ne vois pas en quoi l’adoption de cet amendement changerait concrètement la pratique.

Dans le cadre d’un marché public de construction d’un réacteur nucléaire, le critère de la crédibilité est un critère de choix et l’expérience y joue un rôle très important, mais cette décision économique et financière a sa propre rationalité. Je ne vois pas comment l’amendement permettrait d’atteindre une meilleure rentabilité socio-économique.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 17 bis modifié.

Article 17 ter (article L. 2173-4 [nouveau] du code de la commande publique) : Faculté de recourir à des avenants pour modifier un marché public sans remise en concurrence pour certains projets nucléaires

Amendements de suppression CE27 de M. Benjamin Saint-Huile et CE42 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur, j’aimerais entendre votre réponse à ma question précédente sur les explications de M. Proglio concernant les avenants au contrat de Flamanville.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’article 17 ter permet d’expliciter les cas dans lesquels il est possible de conclure un avenant au marché public sans passer par une nouvelle procédure de mise en concurrence, lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires. Cette nécessité peut alors s’apprécier en fonction de l’évolution de la conception du projet à condition que le changement de titulaire soit impossible pour des raisons économiques ou techniques, qui peuvent notamment tenir à des raisons d’interchangeabilité ou d’interopérabilité des équipements.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). J’ignore combien d’avenants ont été passés par M. Proglio avec son « copain Martin » –autrement dit Martin Bouygues –, mais je sais qu’ils ont été nombreux. Qu’est-ce que cet article aurait changé dans le cas de Flamanville ?

Je suis opposée aux premiers articles de ce projet de loi car ils ne concernent pas la gouvernance, mais, s’agissant des articles dont nous discutons désormais, j’aimerais comprendre leur utilité.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet article, introduit par le Sénat, prévoit que « le caractère nécessaire des travaux, fournitures ou services supplémentaires, […] peut notamment s’apprécier en fonction de l’évolution de la conception du projet ». Cette possibilité est déjà prévue dans le règlement ; son inscription dans la loi permet de la sécuriser.

Votre question ne porte toutefois pas seulement sur le cadre juridique, mais également sur les rapports de force économiques. Si celui-ci tourne en faveur de « Martin » en raison des importants retards et du dérapage des coûts, une règle de la commande publique ne permettra malheureusement pas de changer les choses.

Mme Delphine Batho (Écolo-NUPES). C’est préoccupant car cet article consacre le droit d’engager la construction d’un réacteur dont le modèle n’est pas complètement abouti et qui peut évoluer en cours de route. Cet article ne concerne donc pas seulement de simples aspects opérationnels de la commande publique.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je n’ai pas construit beaucoup de réacteurs nucléaires, mais je pense ne pas me tromper en disant que, avant tout marché de construction d’un réacteur nucléaire, le basic design et le design détaillé sont arrêtés et l’architecture du réacteur n’est pas remise en cause au stade de l’exécution du marché. Le chantier de Flamanville a connu des changements, mais ils n’ont pas concerné le design détaillé de l’EPR.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE70 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement propose de décodifier les dispositions de l’article.

M. Gérard Leseul (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, vous affirmez que, dans l’ensemble, les marchés publics sont passés avec des prestataires reconnus et que le design n’évoluant pas beaucoup, les éventuelles dérives ne sont pas énormes. Pouvez-vous affirmer la même chose pour des technologies innovantes comme celle des petits réacteurs modulaires (SMR), dont on ne connaît pas encore précisément le design ?

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. L’article ne s’applique qu’aux opérateurs publics, pas aux exploitants.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je partage la crainte de mes collègues. J’ai eu la chance d’assister à plusieurs auditions de l’excellente commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France, dont M. Armand était précisément le rapporteur. Au cours de l’une de ces auditions, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a expliqué que la construction de l’EPR avait été décidée pour profiter d’une fenêtre dans l’opinion publique pour relancer le nucléaire et pour entretenir les compétences des salariés du nucléaire alors que le réacteur n’était encore qu’un prototype. C’est exactement la même chose avec l’EPR 2 puisque EDF a annoncé que le design détaillé de l’EPR 2 allait être livré avec neuf mois de retard. C’est préoccupant.

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous, mais je ne vois pas le rapport avec l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte les amendements rédactionnels CE100 et CE99 de M. Antoine Armand.

La commission adopte l’article 17 ter modifié.

Chapitre II

Mesures destinées à renforcer la protection des intérêts fondamentaux
de la nation en matière nucléaire

Article 18 (articles L. 2516-1 et L. 2516-2 [nouveaux] du code de la commande publique) : Dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence pour les marchés concernant les domaines nucléaires les plus sensibles

Amendements de suppression CE28 de M. Benjamin Saint-Huile et CE43 de Mme Julie Laernoes

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Vous avez mélangé dans un même texte des dispositions nécessaires sur la commande publique avec d’autres sur la fusion de l’ASN et de l’IRSN, sur laquelle vous êtes très fragile. Il s’agit sans doute d’une stratégie – très moyenne – pour inciter les pronucléaires réservés sur votre projet de fusion à voter le texte. Je le regrette amèrement, car, pour réussir l’accélération, il faut éviter de brouiller le message.

Suivant le rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements de suppression.

Amendement CE69 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand, rapporteur pour avis. Cet amendement de rédaction globale conserve les principaux apports du Sénat à l’article 18, permettant ainsi d’en préciser et d’en sécuriser l’application. Il apporte également certaines améliorations rédactionnelles.

Il supprime cependant la codification de l’article au sein du code de la commande publique, l’obligation faite aux acheteurs concernés d’informer l’État de l’emploi des dispositions prévues par cet article, ainsi que l’obligation pour le Gouvernement de remettre annuellement un rapport au Parlement sur un tel emploi. Ces dispositions sont à rebours de la volonté de simplification des articles du projet de loi ayant trait à la commande publique.

La commission adopte l’amendement et l’article 18 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CE33 de M. Gérard Leseul tombe.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.

 


  1  

   liste des personnes auditionnées
par M. jean-Luc fugit, rapporteur

(par ordre chronologique)

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

M. Bernard Doroszczuk, président

M. Olivier Gupta, directeur général

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) *

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

Mme Karine Herviou, directrice générale adjointe en charge de la sûreté nucléaire

M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

Table ronde avec les représentants du personnel de
l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) UNSP-FO et membres du Comité social d’administration de proximité (CSAP)

Mme Charlotte Guenault, inspectrice à la direction des centrales nucléaires (ASN Montrouge)

M. Thomas Lomenede, inspecteur à la division ASN d’Orléans

M. Romain Veillot, inspecteur à la division ASN de Lyon

M. Jonathan Ruille, inspecteur à la direction des déchets, des installations de recherche et du cycle (ASN Montrouge)

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires – Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques

Mme Anne-Cécile Rigail, cheffe du service des risques technologiques

Table ronde avec les représentants du personnel de
l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)

M. François Jeffroy, délégué syndical central (CFDT)

M. Philippe Bourachot, délégué syndical central (CGT)

Mme Névéna Latil Querrec, déléguée syndicale (CGT Fontenay)

M. Luc Codron, délégué syndical central (CFE-CGC)

M. Pascal Cuendet, délégué syndical (CFE-CGC Le Vésinet)

Mme Tatiana Taurines, déléguée syndicale centrale (CFDT)

Table ronde « Information du public et transparence »

 Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli)

M. Jean-Claude Delalonde, président

M. Yves Lheureux, directeur

Mme Coralie Pineau, directrice technique

 Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN)

Mme Christine Noiville, directrice de recherche au CNRS

M. Cédric Vilette, adjoint au chef de la mission « Sûreté nucléaire et radioprotection » (MSNR)

Mme Elsa Demangeon, chargée de mission à la MSNR

Autorité à la sûreté nucléaire de défense (ASND)

M. François Bugaut, délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DSND)

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) *

M. François Jacq, administrateur général

M. Thibault Taillandier, chargé d’affaires publiques et institutionnelles

M. Stéphane Piednoir, sénateur, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst)

Table ronde avec les industriels

 Framatome

M. Thierry Gillot, directeur « Santé, sécurité, sûreté, environnement et protection »

Mme Françoise de Bois, directrice « Autorité réglementaire »

 Société française d’énergie nucléaire (Sfen) *

Mme Valérie Faudon, déléguée générale

M. Bertrand de l’Epinois, président de la section « Sûreté »

M. Thomas Jaquemet, responsable des affaires publiques

 Orano *

Mme Laurence Gazagnes, membre du comité exécutif et directrice « Sûreté, Santé, Sécurité et Environnement & Industrialisation » des projets du groupe

Table ronde d’associations

 Nuclear Transparency Watch (NTW)

M. Julien Dewoghélaëre, chargé de projet

M. Malcolm de Butler, coordinateur

 France Nature Environnement (FNE) *

M. Guillaume Blavette, membre du réseau énergie

 Réseau « Sortir du nucléaire » (RSN) *

Mme Marion Rivet, chargée de plaidoyer

Table ronde des acteurs SMR (Small Modular Reactor)

 Hexana

M. Paul Gauthé, cofondateur et directeur technique

 Jimmy *

M. Antoine Guyot, président-directeur général et cofondateur

 Stellaria

M. Guillaume Campioni, directeur technique

M. Jacques Repussard, ancien directeur général de l’IRSN

M. Mickaël Mangeon, chercheur associé au laboratoire « Environnement, Ville, Société » (EVS unité mixte de recherche 5600 du Centre national de la recherche scientifique)

M. André-Claude Lacoste, ancien président de l’ASN

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

Audition conjointe d’anciens membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst)

M. Jean-Yves Le Déaut, ancien député, ancien président

M. Claude Birraux, ancien député, ancien premier vice-président

M. Cédric Villani, ancien député, ancien président

Électricité de France (EDF) *

M. Bernard Salha, directeur de la recherche et développement

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) *

M. Louis-Michel Guillaume, directeur général adjoint délégué pour les missions relevant de la défense et de la sécurité nationale

M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


  1  

   liste des personnes auditionnées
par M. Antoine armand, rapporteur pour avis
de la commission des affaires économiques

M. Vincent Berger, haut-commissaire à l’énergie atomique

Table ronde représentants des personnels de l’Institut de radioprotection et de sûreté (IRSN)

M. Philippe Bourachot, délégué syndical central CGT

M. Luc Codron, délégué syndical central CFE-CGC

M. Pascal Cuendet, délégué syndical CFE-CGC

M. François Jeffroy, délégué syndical central CFDT

Mme Névéna Latil Querrec, déléguée syndicale CGT

Mme Tatiana Taurines, déléguée syndicale centrale CFDT

Table ronde des représentants du personnel au comité social d’administration de proximité (CSAP) de l’Autorité de sûreté
nucléaire (ASN)

Mme Amélie Gagnaire, inspectrice à la direction des déchets, des installations de recherche et du cycle (ASN Montrouge)

Mme Charlotte Guenault, inspectrice à la direction des centrales nucléaires (ASN Montrouge)

M. Jonathan Ruille, inspecteur à la direction des déchets, des installations de recherche et du cycle (ASN Montrouge)

M. Kalilou Thiam, inspecteur à la division ASN de Bordeaux

M. Sébastien Cizaire, représentant du personnel UNSP-FO et membre du CSAP

Table ronde « commande publique »

 Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) *

M. Pierre-Marie Abadie, directeur général

Mme Gaëlle Saquet, secrétaire générale

 Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) *

M. François Jacq, administrateur général

 Électricité de France (EDF) *

M. Michaël Varescon, chef du pôle nucléaire de la direction juridique énergies

Mme Karine Hamon, directrice juridique achats

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

Autorité de sûreté nucléaire (ASN)

M. Bernard Doroszczuk, président

M. Olivier Gupta, directeur général

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) *

M. Jean-Christophe Niel, directeur général

Mme Karine Herviou, directrice générale adjointe en charge de la sûreté nucléaire

M. Patrice Bueso, directeur de la stratégie

Mme Emmanuelle Mur, responsable des relations institutionnelles

Table ronde « services ministériels »

 Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – Direction des affaires juridiques (DAJ)

M. Raphaël Arnoux, sous-directeur du droit de la commande publique

 Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Guillaume Bouyt, sous-directeur de l’industrie nucléaire

 Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

Mme Anne Cécile Rigail, cheffe du service des risques technologiques

 Délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN)

M. Joël Barre, délégué interministériel

M. Pierre Guillot, responsable juridique et régulation

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique..


  1  

   LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Par ordre alphabétique

M. François Bugaut, Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense

Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN) *

Orano *

Réseau Sortir du nucléaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/ots/l16b1519_rapport-information.pdf

([2]) Rapport particulier de la Cour des comptes sur l’IRSN (exercices 2007 à 2012), juin 2014. 

([3]) Rapport particulier de la Cour des comptes sur l’IRSN (exercices 2007 à 2012), juin 2014.

([4]) Rapport particulier de la Cour des comptes sur l’IRSN (exercices 2007 à 2012), juin 2014.

([5]) Rapport au nom de l’Opecst sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, M. Jean‑Luc Fugit, député, et M. Stéphane Piednoir, sénateur, 11 juillet 2023.

([6]) Décision n° 2018-DC-0644 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 9 octobre 2018 portant adoption du règlement intérieur de l’Autorité de sûreté nucléaire

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038057353

([7]) https://www.irsn.fr/sites/default/files/2023-02/IRSN_Charte-ethique-deontologie_122022.pdf  

([8]) Rapport de l’Opecst sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, MM. Jean‑Luc Fugit, député, et Stéphane Piednoir, sénateur, 11 juillet 2023.

([9]) Article L. 592-30 du code de l’environnement.

([10]) Article L. 592-41 du code de l’environnement.

([11]) https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/commission-des-sanctions

([12]) Décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023.

([13]) Voir pp. 130 et 131 du rapport annuel 2021 et p. 132 du rapport annuel 2022.

([14]) Article 2 de la décision n° 2018-DC-0650 de l’Autorité de sûreté nucléaire du 6 novembre 2018 relative au comité scientifique auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire.

([15]) Conseil constitutionnel, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008.

([16]) http://www.hctisn.fr/IMG/pdf/6-_avis_hctisn_vf_suite_pleniere_19_09_cle844811.pdf  

([17]) Loi n° 83-609 du 8 juillet 1983 portant création d’une délégation parlementaire dénommée Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

([18]) Rapport de l’Opecst sur le contrôle des équipements sous pression nucléaires : le cas de la cuve du réacteur EPR, MM. Jean-Yves Le Déaut, député, et Bruno Sido, sénateur, 9 juillet 2015.

([19]) Rapport de l’Opecst sur la sûreté des équipements sous pression nucléaires, MM. Jean-Yves Le Déaut, député, et Bruno Sido, sénateur, 9 mars 2017.

([20]) Rapport de l’Opecst sur les drones et la sécurité des installations nucléaires, MM. Jean-Yves Le Déaut, député, et Bruno Sido, sénateur, 29 janvier 2015.

([21]) Rapport de l’Opecst sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN sur les plans scientifiques et technologiques ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, MM. Jean‑Luc Fugit, député, et Stéphane Piednoir, sénateur, 11 juillet 2023.

([22]) Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986

([23]) Ordonnance n° 45-2563 du 18 octobre 1945 instituant un Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

([24]) Décret n° 2016-311 du 17 mars 2016 relatif à l’organisation et au fonctionnement du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives.

([25]) Décret n° 2023-1383 du 30 décembre 2023 relatif au conseil de politique nucléaire et au haut-commissaire à l’énergie atomique.

([26]) Avis n° 296 (2023-2024) de M. Patrick Chaize, déposé le 30 janvier 2024.

([27]) Article L. 100-1 A du code de l’énergie.

([28]) Article D. 142-21 du code de l’énergie.

([29]) Rapport d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, n° 1028, déposé le 30 mars 2023.

([30]) Voir la liste des emplois et fonctions en annexe de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

([31]https://www.senat.fr/fileadmin/Office_et_delegations/OPECST/Actualites/OPECST_2023_Conclusion_CSN_VF1-1.pdf  

([32]) Voir articles L. 1211-1 et L. 1212-1 du code de la commande publique pour la définition des pouvoirs adjudicateurs et des entités adjudicatrices.

([33]) Loi n° 2023-491 du 22 juin 2023 relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

([34]) Étude d’impact du présent projet de loi, p. 179.

([35]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

([36]) Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

([37]) Article 26 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, dite loi « industrie verte ».

([38]) Conseil d’État, 11 août 2009, Communauté urbaine Nantes métropole, n° 319949.

([39]) L’article L. 593-2 du code de l’environnement liste 5 grands types d’INB : les réacteurs nucléaires, les installations de préparation, d’enrichissement, de fabrication, de traitement ou d’entreposage de combustibles nucléaires ou de traitement, d’entreposage ou de stockage de déchets radioactifs, les installations contenant des substances radioactives ou fissiles, les accélérateurs de particules et les centres de stockage en couche géologique profonde.

([40]) Avis n° 296 précité.

([41]) Marché portant sur des travaux et sur des fournitures ou des services ; marché ayant pour objet des services et des fournitures.

([42]) Les accords-cadres, avril 2019.

([43]) Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([44]) Conseil d’État, 24 juin 2011, Ministre de l’écologie, n° 347720.

([45]) Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020.

([46]) Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), 29 avril 2021, aff. C-847/19 P.

([47]) Décision de la Commission SA.58207.

([48]) CJUE, 7 septembre 2023, aff. C-601/21.

([49]) Le même article L. 591-1 définit la sûreté nucléaire comme « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets ».

([50]) CC, décision n° 2023-851 DC du 21 juin 2023, § 28

([51]) « Parmi les opérations liées à la réalisation d’un réacteur électronucléaire, la construction des bâtiments, y compris leurs fondations, destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde ne peut être entreprise qu’après la délivrance de l’autorisation de création ».

([52]) Pour rappel l’article L. 591-1 du code de l’environnement définit ainsi la sécurité nucléaire et deux de ses deux principaux piliers, la sûreté nucléaire et la radioprotection :

« La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la radioprotection, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance ainsi que les actions de sécurité civile en cas d’accident.

« La sûreté nucléaire est l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêté et au démantèlement et des installations nucléaires de base ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets.

« La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillances visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement. »

([53]) Loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

([54]) Au sein de la  DEND, une équipe est chargée spécifiquement de la défense et de la sécurité, apportant un appui technique aux services du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (HFDS MTECT), autorité en charge de la prévention contre les actes de malveillance des installations nucléaires civiles, ou intervenant auprès du comité technique Euratom et du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’industrie. Elle sera également transférée au CEA et rattachée à l’ASND et son chef deviendra l’un des adjoints du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les installations et activités intéressant la défense (DSND).

([55]) À savoir des contrats doctoraux de droit privé (article L. 412-3 du code de la recherche), des contrats post doctoraux (L. 412-4), des contrats liés à un projet ou une opération de recherche (L. 431-4), des contrats de chercheurs docteurs « à objet défini de recherche » (L. 431-5) et des contrats de droit public permettant de recruter un agent public (L. 431-6).

([56]) L’article 15 dispose toutefois que l’article L. 592-12-1 relatif au comité social d’administration de la future autorité (voir l’article 6 du projet de loi) n’entrera en vigueur qu’à compter de la date à laquelle les agents publics bénéficieront de plein droit du dispositif d’activités sociales et culturelles géré par ce comité, et au plus tard le 1er juillet 2027.

Quant aux nouveaux rôles et statut du haut-commissaire à l’énergie atomique (voir le commentaire de l’article 12), ils seront d’application immédiate.

([57]) Voir le planning des prochaines échéances d’expertise et de décision pour l’ASN et l’IRSN publié dans la note L’essentiel résumant le rapport de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur le présent projet de loi : https://www.senat.fr/rap/l23-300/l23-300-syn.pdf

([58]) Art.12. Interdit de siéger et participer à une délibération, une vérification ou un contrôle en cas de conflit d’intérêts, ou d’existence d’un tel intérêt dans les 3 années précédentes ; en cas d’exercice de fonctions ou d’un mandat présent ou dans les 3 dernières années au sein d’une personne morale concernée ; ou dans le cas où il représente ou a représenté sur la même période une des parties intéressées.

Art.13. Le règlement intérieur de l’autorité détermine les règles déontologiques applicables à ses personnels, et le cas échéant à ses collaborateurs ou experts.

Art.14. Le règlement intérieur de l’autorité précise les règles d’organisation, de fonctionnement et de déontologie en son sein. Il est publié au JO.

([59]) « Art. L. 592-47. – L’IRSN contribue à l’information du public. Lorsqu’ils ne relèvent pas de la défense nationale, l’institut publie les avis rendus sur saisine d’une autorité publique ou de l’Autorité de sûreté nucléaire, en concertation avec l’autorité concernée, et organise la publicité des données scientifiques résultant des programmes de recherche dont il a l’initiative. »

([60]) Article L. 2261-14 du code du travail.

([61]) Selon l’étude d’impact : 1 744 salariés de l’IRSN et, à l’ASN, 381 fonctionnaires, 77 agents contractuels de droit public et 278 agents mis à disposition de l’ASN.

([62]) Amendements identiques COM-89 de M. Chaize et COM-7 de M. Martin.

([63]) « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

([64]) Décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998.

([65]) Ordonnance n° 2018-359 du 16 mai 2018 fixant les modalités de transfert des personnels administratifs des juridictions mentionnées au 1° du I de l’article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles de leur accès aux corps des services judiciaires ou aux corps communs du ministère de la justice

([66]) Conseil constitutionnel, décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020.

([67])  Cette compétence ne figure cependant pas formellement parmi celles de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire mentionnées à l’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale.