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N° 2307

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (n° 2129).

 

PAR Mme Anne-Cécile VIOLLAND

Députée

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Voir le numéro : 2129.


SOMMAIRE

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Pages

IntroDUCTION

SYNTHèse

COMMENTAIREs des articles de la proposition de loi

Article 1er Définition d’une nouvelle pratique commerciale dans le secteur des textiles, linges et chaussures

Article 1er bis (nouveau) Critères de l’affichage environnemental

Article 2 Renforcement des critères d’éco-modulation dans la filière à responsabilité élargie des producteurs de textiles, linge de maison et chaussures

Article 2 bis (nouveau) Critères de l’éco-modulation des contributions financières

Article 3 Interdiction de la publicité pour les produits et les enseignes de la mode express

Article 4 (nouveau) Amendes applicables

Examen en commission

1. Réunion du jeudi 7 mars 2024, matin

2. Réunion du jeudi 7 mars 2024, après-midi

liste des personnes auditionnées

Contributions écrites

 


IntroDUCTION

En l’espace de deux décennies, le prix moyen des vêtements a diminué de 30 %. En parallèle, les quantités achetées ont doublé. On constate aujourd’hui que 3,3 milliards de vêtements sont mis sur le marché en France chaque année, soit un milliard de plus qu’il y a dix ans. Ces chiffres représentent une consommation moyenne de 48 nouveaux produits par habitant chaque année.

Cet emballement, décorrélé de toute dynamique démographique, conduit les vêtements à être moins portés, plus rapidement relégués, et à être plus vite jetés. Les chiffres sont frappants : on estime qu’un tiers seulement des vêtements en fin de vie le sont compte tenu de leur usure ou de leur détérioration. On parle aussi d’obsolescence émotionnelle pour qualifier cette faible durabilité des vêtements.

Cette surconsommation est intimement liée à la montée en puissance de nombreuses marques ou enseignes dites de fast fashion, ou d’ultra fast fashion, que l’on peut qualifier en français de « mode express » ou de « mode éphémère ». Ces marques renouvellent de manière quasi‐permanente leurs collections, pour une durée de commercialisation très courte et avec des promotions continues, afin de créer des effets de mode et provoquer un réflexe d’achat régulier chez les consommateurs.

Écrasant toute concurrence, et en particulier les acteurs du textile traditionnel français et européens, le modèle de la mode jetable et de ses prix chocs tend à s’imposer. Mais ces prix bas ne sont rendus possibles qu’au détriment du respect d’exigences sociales, sanitaires et environnementales élémentaires.

Les dégâts causés par ces modes de production sont néanmoins pris en charge financièrement par la collectivité : services de collecte et de gestion des déchets, de dépollution, sans parler des ressources publiques mobilisées pour faire face à la multiplication des aléas climatiques et évènements extrêmes.

La présente proposition de loi s’appuie sur trois piliers pour limiter le phénomène de la mode express et contrer l’augmentation des volumes mis en marché et les externalités négatives de ces modes de production et de consommation.

Le premier pilier, objet de l’article 1er, repose sur la définition d’une nouvelle pratique commerciale et sur l’information du consommateur. L’article 1er vise donc à définir la pratique commerciale de la mode express, et à imposer qu’un message d’information et de sensibilisation du consommateur sur l’impact environnemental de cette industrie soit présent sur leur site internet, accompagné d’un message incitant au réemploi et à la réparation des vêtements et accessoires.

En ce qui concerne l’information, cela reste peu connu, mais l’industrie du textile représente aujourd’hui environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, et pourrait même atteindre 26 % de celles-ci en 2050 si les tendances actuelles de consommation se poursuivent. Au stade de la fabrication des vêtements, la teinture de ces derniers requiert la mobilisation de substances toxiques, qui finissent dans les milieux aquatiques. 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait ainsi imputable à la teinture et au traitement des textiles. En Chine, cela représente 70 % des rivières et des lacs. Enfin, au fil de la durée de vie des vêtements, lors de chaque lavage, ceux qui comportent des matières synthétiques relâchent des microfibres plastiques dans l’environnement, qui représentent au total, chaque année, l’équivalent de plus de 24 milliards de bouteilles en plastique. L’Agence européenne de l’environnement estime que près 35% des mircoplastiques primaires émis dans les océans proviennent du secteur textile.

Le deuxième pilier, objet de l’article 2, est celui de la responsabilité élargie des producteurs. L’article 2 vise à responsabiliser les entreprises du secteur des produits textiles. Son objectif est de faire évoluer les pratiques des producteurs, tout comme les comportements d’achat des consommateurs.

Concrètement, les entreprises de la filière textile seront soumises à un système de primes et de pénalités renforcé sur les articles qu’ils mettent en vente. Le montant de cette pénalité sera probablement répercuté par une hausse de prix pour le consommateur, envoyant ainsi un signal-prix. Autrement dit, le prix du produit reflétera davantage la réalité de son impact environnemental, donnant une opportunité aux Français de s’interroger sur le modèle que leur consommation peut soutenir et éventuellement de se tourner vers des habits de meilleure qualité et plus durables.

Au-delà de l’impact écologique de la mesure, celle-ci permettra d’assurer une concurrence plus équitable pour le secteur textile français et européen, et de relocaliser de nombreuses industries et des emplois sur notre continent.

C’est un enjeu crucial après des décennies de délocalisations de la production et une division par trois du nombre d’emplois dans l’industrie textile depuis 1990, sans parler de la multiplication plus récente des entreprises placées en redressement judiciaire.

Enfin, le troisième pilier, objet de l’article 3, concerne la publicité, qui est utilisée de manière très efficace par les entreprises de la mode express. Le texte porte ainsi une ambition forte : celle d’une interdiction de toute forme de publicité, directe ou indirecte, traditionnelle ou sur les réseaux sociaux, pour ce qui relève de la mode express. En réalité, il ne s’agit pas d’une mesure radicale mais simplement d’une mesure de bon sens afin de respecter les engagements de la France en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, et de poursuivre le travail de mise en cohérence du secteur de la publicité avec ces derniers, que le législateur a entamé avec la loi « climat et résilience ».


   SYNTHèse

La présente proposition de loi vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, notamment ceux de la fast fashion.

À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi vise à ajouter un nouvel article au code de l’environnement afin de définir une pratique commerciale propre au secteur du textile et de l’habillement qui consiste à renouveler très rapidement les collections en proposant un grand nombre de nouvelles références de vêtements ou d’accessoires sur une période de temps déterminée. L’article 1er prévoit également que les personnes qui mettent en œuvre cette pratique commerciale, lorsqu’elles pratiquent la vente en ligne, sont tenues d’afficher des messages encourageant au réemploi et à la réparation et sensibilisant à l’impact environnemental des produits. Un amendement adopté en commission modifie la nature des messages devant être affichés sur les pages des sites internet, ces derniers devant sensibiliser à l’impact économique, social, sanitaire et environnemental de la pratique commerciale.

L’article 1er bis, introduit en commission, modifie l’article L. 941‑9‑11 du code de l’environnement relatif à l’affichage environnemental pour y intégrer le critère de la durabilité des produits ou des services proposés.

L’article 2 modifie l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement afin de renforcer le dispositif d’éco-modulation des contributions versées par les producteurs soumis au principe de responsabilité élargie des producteurs. Il introduit deux nouveaux critères pouvant servir de fondement à l’éco-modulation, celui de l’impact environnemental et celui de l’empreinte carbone.

En modifiant l’article L. 541‑10‑27 du code de l’environnement, l’article 2 introduit en outre la possibilité de moduler les contributions financières pesant sur les produits textiles lorsque la mise à disposition ou la distribution desdits produits s’inscrit dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article 1er. Il prévoit, de plus, que le pouvoir réglementaire détermine au plus tard le 1er janvier 2025 le montant des pénalités pour les produits textiles selon une trajectoire progressive pour aboutir à un montant total, en 2030, qui ne pourra dépasser la somme de 10 euros par produit. Un amendement adopté par la commission a modifié le principe de la modulation des contributions pour les produits de la filière textile. Les primes et pénalités devront être déterminées en fonction notamment des résultats obtenus en application de la méthodologie définie par décret pour l’affichage environnemental.

L’article 2 introduit également l’obligation pour les entreprises qui commercialisent des produits en France, mais qui n’y sont pas établies, de désigner un mandataire qui devra s’assurer du respect des obligations découlant de la responsabilité élargie des producteurs

L’article 2 bis, introduit en commission, modifie l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement en ajoutant un nouveau critère de modulation des contributions financières s’appliquant à l’ensemble des produits des filières à responsabilité élargie du producteur. Ce critère repose sur la teneur en polyester des produits

L’article 3 vise à interdire, à partir du 1er janvier 2025, la publicité relative à la commercialisation de produits textiles lorsque ces derniers relèvent de la pratique commerciale de la mode express définie à l’article 1er, ainsi que la promotion des entreprises, enseignes ou marques ayant recours à cette pratique commerciale. Un amendement adopté en commission précise que les activités des influenceurs en ligne sont concernées par cette interdiction de publicité.

L’article 4, introduit en commission, ajoute à la liste des manquements au code de l’environnement entraînant le prononcé d’une amende, le manquement constitué par la méconnaissance des obligations d’affichage des messages prévues à l’article 1er de la proposition de loi et le non‑respect de l’interdiction, pour les personnes ayant recours à la pratique commerciale définie au même article 1er, de faire de la publicité.


   COMMENTAIREs des articles de la proposition de loi

Adopté avec modifications

 

L’article 1er de la proposition de loi vise à ajouter un nouvel article au code de l’environnement afin de définir une pratique commerciale propre au secteur du textile et de l’habillement qui consiste à renouveler très rapidement les collections en proposant un grand nombre de nouveaux modèles de vêtements ou d’accessoires sur une période de temps déterminée. L’article 1er prévoit également que les personnes qui mettent en œuvre cette pratique commerciale, lorsqu’elles pratiquent la vente en ligne, sont tenues d’afficher des messages encourageant au réemploi et à la réparation et sensibilisant à l’impact environnemental des produits. La commission a modifié l’article et a changé la nature des messages de sensibilisation qui devront être relatifs à l’impact économique, social, sanitaire et environnemental de la pratique commerciale.

  1.   Le droit en vigueur
    1.   UNE ABSENCE DE DÉFINITION DE LA MODE EXPRESS DANS LE DROIT EXISTANT

Au cours des trois dernières décennies, la consommation de vêtements, en Europe et aux États-Unis notamment, a nettement augmenté. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), la production a doublé entre 2000 et 2014 pour atteindre 100 milliards de vêtements vendus chaque année dans le monde. Le marché s’est considérablement transformé en raison de l’apparition de marques qui ont commercialisé des vêtements et des chaussures à des prix plus abordables que par le passé, tout en délocalisant la fabrication de ces produits. L’Agence européenne de l’environnement qui a publié en 2019 une étude sur l’industrie textile dans l’Union européenne et l’économie circulaire a estimé que le prix moyen des vêtements avait diminué de 30 % entre 1996 et 2018 ([1]).

La France est elle-même touchée par ce phénomène de baisse notable des prix et d’augmentation des quantités de produits textiles mis sur le marché. En 2018, l’éco-organisme Refashion, agréé pour la filière à responsabilité élargie des producteurs de textiles, linges de maison et chaussures, a réalisé une étude sur les mises en marché, concluant qu’environ 2,6 milliards de pièces de textiles d’habillement, de linge de maison et de chaussures étaient mis sur le marché en moyenne tous les ans en France. Cette quantité représente un volume évalué à 624 000 tonnes, soit environ 9,5 kg par an et par habitant ([2]). L’éco-organisme, auditionné par la rapporteure, a communiqué des chiffres plus récents : les mises en marché se sont établies en France à 3,3 milliards de pièces en 2022 (vêtements, linge de maison et chaussures), soit 827 000 tonnes (en incluant le linge de maison). Dans le même temps, la consommation en valeur de produits textiles a légèrement diminué au cours des cinq dernières années. Ainsi, selon l’Institut français de la mode, les dépenses de consommation des ménages qui s’établissaient à 28,4 milliards d’euros en 2019 se sont élevées à 26,7 milliards d’euros en 2023 (soit - 5,6 %) ([3]). Cette diminution en valeur, qui se traduit par des difficultés économiques importantes pour certaines enseignes, ne s’accompagne pas d’une diminution proportionnelle des volumes vendus, illustrant la tendance à la baisse des prix.

Ces évolutions entraînent un phénomène que l’on peut qualifier de surproduction. Cette surproduction de vêtements est à la source d’externalités négatives pour l’environnement conséquentes et conduit à terme à une augmentation de la quantité de déchets textiles à traiter. L’Agence européenne pour l’environnement a calculé qu’en moyenne, en 2018, chaque Européen jetait 11 kg de vêtements ([4]). En termes d’impact sur l’environnement et sur le réchauffement climatique, l’agence européenne estime que l’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions mondiales de CO2. Toujours selon l’agence, en 2017, l’ensemble des émissions de CO2 générées par la fabrication et la consommation de textiles, linge de maison et chaussures dans les vingt-huit États membres, ramené au nombre d’habitants, s’élevait à 654 kg de CO2 par personne ([5]).

Il est communément admis que cet essor de la fabrication de vêtements et de la consommation a été favorisé au niveau mondial par l’essor de ce qu’il est convenu de dénommer la « fast fashion », ou mode express. Or, il n’existe pas actuellement en droit français ou européen de définition légale ou réglementaire de la fast fashion, alors même qu’on constate depuis de nombreuses années une augmentation de la vente de produits textiles qui relèvent de ce type de mode ou de pratique commerciale.

Le phénomène de la fast fashion, selon le terme anglais que l’on peut traduire par mode éphémère ou mode express, ne constitue pas en 2024 un phénomène nouveau. Dès les années 1990, de nouveaux acteurs qui étaient déjà présents sur le marché du prêt à porter, comme le groupe espagnol Inditex et sa marque Zara, le groupe suédois H&M ou encore le groupe japonais Uniqlo, connaissent une croissance importante et sont suivis par d’autres marques, comme par exemple Primark ou Topshop qui se sont d’abord implantées en Irlande et au Royaume-Uni. Ces enseignes poursuivent des objectifs similaires, à savoir offrir à un large public des collections de mode qui ne relèvent pas du secteur du luxe à des prix peu élevés par rapport aux prix en vigueur. Pour accompagner cet objectif, de nombreuses marques ont développé des stratégies de multiplication des collections au cours d’une même année, et donc de nouveaux modèles disponibles, avec des références parfois rapidement retirées de la vente.

Depuis une dizaine d’années, ces enseignes devenues traditionnelles sont concurrencées par de nouvelles entreprises qui, pour certaines d’entre elles, ne proposent quasiment que des produits vendus en ligne et non plus en magasin. Des plateformes comme Amazon ou ASOS sont également devenues des distributeurs pour le compte de vendeurs de vêtements et de chaussures. L’entreprise Shein, précédemment chinoise et qui a désormais son siège à Singapour, a développé un nouveau modèle de production qui consiste à ne fabriquer quasiment que la quantité de vêtements et d’accessoires réellement demandée par les clients dans des délais resserrés, et non plus à produire au préalable des quantités importantes de produits pour les commercialiser. Ce nouveau sous‑secteur de la mode se caractérise par des prix très bas et une qualité des produits qui a tendance à se dégrader, ces derniers n’étant pas conçus pour être nécessairement utilisés de nombreuses fois, pour résister aux lavages ou pour être réparés. Le succès d’un tel modèle repose en amont sur une largeur de gamme très importante qui laisse un grand choix au consommateur et peut l’inciter à la consommation.

Dans le même temps, le secteur de l’habillement est devenu de plus en plus sensible aux prix et la part du budget des ménages consacrée à l’achat de vêtements, linge de maison et chaussures diminue. En France, selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiée en 2017 ([6]), la part allouée à l’habillement dans le budget des ménages a diminué d’un tiers depuis cinquante-cinq ans. Selon cette même étude, les vêtements et chaussures représentaient 3,9 % du budget des ménages en 2015. Plus récemment, cette proportion a encore diminué pour atteindre 3,3 % selon les chiffres de la consommation effective des ménages de 2021 ([7]). Selon la Confédération européenne de l’habillement et du textile (Euratex), la dépense moyenne par ménage pour l’habillement en France en 2020 était de 430 euros, contre 490 euros pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.

De plus, depuis plusieurs années, et particulièrement depuis l’épidémie de la covid‑19, la mode express est favorisée par l’essor des achats en ligne. L’Institut français de la mode estime que le chiffre d’affaires généré par les ventes en ligne représentait en 2023 8 % du chiffre d’affaires global des enseignes spécialisées. Ce chiffre s’établissait à 5,9 % en 2019. Si l’on prend en compte l’ensemble des ventes réalisées à distance, c’est-à-dire via les sites des enseignes spécialisées et via les places de marché, elles représentent 17 % des ventes totales.

La part sur le marché français des ventes des groupes Shein et Temu et des ventes réalisées sur des plateformes comme Amazon ont augmenté ([8]). La capacité des entreprises à proposer de nouveaux modèles et à distribuer des produits s’est accrue. Selon l’étude précitée de l’Institut français de la mode, les ventes réunies de ces trois groupes (Shein, Temu et Amazon) en France représentent 4 % des ventes de textiles d’habillement en 2023 et elles sont en forte croissance.

Le succès récent de ces nouvelles marques ne doit pas masquer que les vendeurs et distributeurs les plus importants en France demeurent pour l’instant des entreprises françaises, européennes ou nord-américaines ainsi que les réseaux de la grande distribution. D’après l’Institut français de la mode, les cinq enseignes les plus fréquentées par les Français en 2023 sont Décathlon, Kiabi, H&M, Nike et Intersport.

  1.   Les obligations existantes en termes d’information du consommateur et d’affichage environnemental

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « AGEC ») et la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « climat et résilience ») ont renforcé les obligations de transparence et d’information des consommateurs sur les produits, et donc notamment sur les produits textiles. Deux dispositifs différents ont été introduits.

L’article L. 541‑9‑1 du code de l’environnement prévoit une information sur les caractéristiques environnementales du produit. Cette information ne doit pas être affichée physiquement sur chaque produit (contrairement à des informations moins détaillées qui doivent obligatoirement figurer sur les étiquettes) mais elle doit être accessible. De nombreuses marques ont traduit cette obligation par la création de fiches-produits que le consommateur peut consulter sous différents formats (en rayon, sur les pages internet des sites de vente proposant les produits à la vente, sur des pages spécifiques, dans des tableaux consultables en ligne également, etc.). Ces fiches-produits contiennent les informations relatives à la qualité des produits et à leurs caractéristiques environnementales, notamment l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la compostabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité et la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares. Pour les produits textiles, doivent être communiquées des données sur les lieux des trois dernières étapes de fabrication ([9]).

La loi « AGEC » et la loi « climat et résilience » précitées ont également défini le cadre d’une expérimentation de l’affichage environnemental destiné à apporter au consommateur une information relative notamment aux impacts environnementaux d’un bien, d’un service ou d’une catégorie de biens ou de services. Le secteur du textile et de l’habillement a été particulièrement concerné par cette expérimentation. Le II de l’article 2 de la loi « climat et résilience » a inscrit cette expérimentation dans le code de l’environnement aux articles L. 540‑9‑11 et L. 540‑9‑12, en prévoyant qu’elle devait être conduite pour une durée maximale de cinq ans. Ce n’est qu’à l’issue de cette expérimentation que l’affichage peut être rendu obligatoire par décret. Cette expérimentation dans le secteur du textile, menée par l’Ademe avec le ministère de la transition écologique, s’est terminée fin septembre 2022. Huit critères relatifs au cycle de vie et à la qualité des produits ont pour l’instant été retenus pour être évalués et synthétisés au travers d’un indicateur unique ([10]) . En 2024, sous réserve de la publication du décret déterminant la méthodologie définitivement retenue, le secteur du textile pourra déployer de manière volontaire l’indicateur retenu et celui‑ci sera obligatoire à partir de 2025.

S’il n’existe pas de définition légale de la mode express, des réflexions sont déjà conduites en France et au niveau européen par les pouvoirs publics. Le travail que l’Ademe mène avec des entreprises engagées dans les expérimentations et des associations travaillant sur la durabilité dans la mode pour déterminer une nouvelle méthodologie pour l’affichage environnemental a créé un cadre de réflexion sur les critères de la mode express. Des critères quantitatifs mais aussi qualitatifs ont été proposés. Parmi eux, on peut citer les critères relatifs à la quantité de modèles nouvellement commercialisés par période de temps et à la durée de commercialisation de chaque modèle (correspondant à un renouvellement des collections plus ou moins rapide), la durabilité physique des produits, le prix, le coût de la réparation par rapport au prix du vêtement ou encore l’importance des promotions. Certains critères liés au lieu de fabrication des produits, au mode de transport pour l’acheminement et aux matières utilisées pourraient aussi être considérés, certaines matières par exemple étant plus souvent utilisées par les marques de la mode express, comme le polyester. Cependant, de tels indicateurs pourraient élargir considérablement le périmètre de la mode express, dès lors que plus de 60 % des fibres utilisées dans le monde pour produire des vêtements sont désormais des fibres synthétiques ([11]).

D’autres critères plus difficiles à objectiver mais néanmoins importants sont également proposés, comme celui de la durabilité extrinsèque des vêtements et chaussures qui prend en compte la dimension sociale de la mode. Cette forme de durabilité est entendue comme un ensemble caractéristique lié aux marques et à la consommation de produits textiles qui poussent les consommateurs à renouveler plus fréquemment leur garde-robe au-delà et indépendamment de la qualité intrinsèque des produits.

Des expérimentations sont également conduites au niveau européen pour mettre en œuvre un affichage environnemental dans le secteur des textiles. Les réflexions pour déterminer la méthodologie adaptée sont menées, au sein de la Commission européenne, par le secrétariat technique du Product Environmental Footprint Category Rules (PEFCR) dans la catégorie « Vêtements et chaussures » (Apparel & Footwear), secrétariat auquel sont associés des acteurs français, comme l’Ademe, l’éco‑organisme Refashion et des fabricants et marques français. Le secrétariat est notamment chargé de définir les règles de calcul communes de l’empreinte environnementale des vêtements et chaussures au niveau européen. Comme l’indique le Commissariat général au développement durable, des travaux doivent se poursuivre auprès de cette instance pour proposer des indicateurs qui pourront contribuer à caractériser la mode express.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 1er du projet de loi introduit un nouvel article L. 541911 au sein du code de l’environnement pour y définir la pratique commerciale dite de « renouvellement très rapide » des collections de vêtements et d’accessoires, consistant à proposer à l’achat une grande quantité de nouveaux modèles sur une période de temps déterminée. La pratique est caractérisée lorsque les quantités de nouveaux modèles mis à disposition ou distribués dépassent des seuils qui seront déterminés par décret. La pratique commerciale ainsi définie s’applique à l’activité de mise à disposition et de distribution de produits visés au 11° de l’article L. 541101 du code de l’environnement, c’est-à-dire les produits neufs textiles d’habillement, les chaussures, le linge de maison et les produits textiles neufs pour la maison.

Cette pratique est définie au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V de la partie législative du code de l’environnement, relative à la conception, la production et la distribution de produits générateurs de déchets (articles L. 541-9 à L. 541-10-28).

L’alinéa 3 de l’article 1er fournit des précisions sur les seuils mentionnés à l’alinéa 2 qui seront fixés par décret. Les seuils de nature quantitative pourront notamment porter sur le nombre de nouveaux modèles mis sur le marché sur une période de temps déterminée (par jour ou par an par exemple) ou sur la durée de commercialisation de ces modèles. Il reviendra au pouvoir réglementaire de déterminer plus précisément la nature des seuils et leurs valeurs.

Il est important de préciser que la pratique commerciale ainsi définie se fonde sur la mise sur le marché de nouveaux modèles de produits neufs. Elle ne concerne donc pas l’activité de vente de produits de seconde main.

Elle nécessiterait, pour être constatée, la mise en place d’un système de déclaration des nouveaux modèles mis sur le marché par les personnes mettant à disposition ou distribuant ces produits. Les activités de mise à disposition et de distribution des modèles visées à l’alinéa 2 peuvent s’entendre comme étant réalisées par des producteurs au sens de l’article L. 54110 du code de l’environnement ([12]), c’est-à-dire par des metteurs sur le marché au sens de la responsabilité élargie des producteurs. Ces activités de mise à disposition et de distribution de produits textiles recoupent néanmoins différentes situations de mise sur le marché. Il peut s’agir de la distribution par une marque elle-même de ses produits dans ses magasins ou sur son site internet ou bien de la distribution de différentes marques dans un réseau de magasins (de type de grande distribution ou magasins dits multimarques) ou dans le commerce de détail. Le champ proposé inclurait donc la vente en ligne de vêtements, linge de maison et chaussures par les marques elles-mêmes mais également la vente en ligne sur des sites qui proposent différentes marques, comme le proposent des plateformes qui ont au préalable acheté les produits aux marques et qui sont alors considérées comme des metteurs sur le marché (c’est le cas de l’entreprise Zalando pour une partie de son activité).

Dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs, d’autres acteurs sont considérés comme metteurs sur le marché alors qu’ils ne sont ni fabricants ni donneurs d’ordre dans la chaîne de production de vêtements et de chaussures mais revendent en ligne des vêtements invendus et temporairement stockés par les marques. C’est le cas d’entreprises comme Showroomprivé ou Veepee qui réalisent du déstockage de vêtements neufs mais non écoulés par les fabricants et les revendent à des prix plus bas. Étant les entités qui vendent effectivement les vêtements, elles déclarent leurs ventes comme des mises sur le marché et s’acquittent d’une éco-contribution auprès de l’éco-organisme. Leur activité pourrait être assimilée à la mise à disposition ou à la distribution de produits textiles.

Les places de marché, c’est-à-dire les plateformes en ligne, qui ne sont pas elles-mêmes metteuses sur le marché de produits textiles ne sont pas incluses dans le champ de l’article L. 541911 nouvellement créé. En effet, ces entités ne sont pas considérées comme des distributeurs de produits, mais comme de simples intermédiaires entre des vendeurs et des clients. Comme l’a rappelé la Direction générale de la prévention des risques à la rapporteure, ces places de marché contrôlent en général que les vendeurs s’acquittent eux-mêmes de l’éco-contribution dans le cadre de la REP ou les obligent à adhérer à l’écoorganisme. De plus, les règles qui s’appliquent à ces plateformes ont été harmonisées au sein de l’Union européenne par le règlement européen sur les services numériques entré récemment en vigueur ([13]).

L’ensemble des auditions menées par la rapporteure ont montré qu’il n’était pas facile de déterminer des critères univoques et facilement objectivables pour définir la pratique de la mode express ou de l’ultra mode express. Le critère quantitatif de nombre de nouveaux modèles mis sur le marché est celui qui paraît le plus facilement mesurable et qui peut être déclaré par les entreprises qui déclarent déjà leurs mises sur le marché (à la pièce de vêtement vendue). La durée de commercialisation d’un modèle est également assez aisément mesurable, même si parfois des modèles ne sont plus disponibles dans le réseau du fabricant mais le sont dans d’autres circuits de distribution. Les marques, pour leur part, ont différents indicateurs pertinents qui permettent d’évaluer la profondeur de leurs collections. Elles distinguent souvent le nouveau modèle de la nouvelle référence couleur (un même modèle pouvant avoir plusieurs références couleur).

Il n’est pas aisé d’obtenir des données chiffrées et comparables sur le nombre de nouveaux modèles ou références couleur mis sur le marché par jour, par semaine ou encore par an. Selon les entreprises, et d’après des estimations réalisées notamment par l’association « En mode climat », le nombre de nouveaux modèles ou de nouvelles références couleur mis sur le marché peut varier de quelques-uns à plusieurs milliers par jour. L’organisation non gouvernementale (ONG) Les Amis de la Terre a publié en juin 2023 les résultats d’une étude sur la marque Shein estimant, d’après ses calculs, que 470 000 modèles étaient disponibles chaque jour à l’achat sur le site internet de la marque. L’entreprise Décathlon indique, dans son rapport de performance extra-financière pour l’année 2022, qu’elle a vendu 1,6 milliard de produits cette même année. Ce chiffre inclut tous les produits commercialisés, dont les équipements sportifs et pas seulement les vêtements et chaussures.

Les estimations réalisées par des acteurs non gouvernementaux laissent néanmoins percevoir des différences importantes selon les marques.

L’alinéa 4 de l’article 1er introduit une obligation d’affichage de messages incitant au réemploi et à la réutilisation et sensibilisant à l’impact environnemental des produits. L’affichage serait obligatoire sur les plateformes de vente en ligne des producteurs, distributeurs et importateurs qui répondent aux critères de la pratique commerciale définie au I du nouvel article L. 541911 du code de l’environnement. Les messages devraient être présents sur toutes les pages internet des sites des plateformes qui proposent des produits textiles à l’achat. Cette disposition s’ajouterait aux obligations existantes en matière d’information des consommateurs, définies à l’article L. 54191 du même code, et à la généralisation de l’affichage environnemental dans le secteur du textile et de l’habillement. Il s’agirait de diffuser des messages comme il en existe dans d’autres secteurs tels l’alimentation ou l’énergie, incitant les consommateurs à prolonger la durée de vie de leurs vêtements et les sensibilisant aux conséquences de leur geste d’achat. De nombreuses personnes auditionnées ont indiqué être favorables à une telle mesure. Certaines ont certes rappelé que la multiplication des messages de sensibilisation avait parfois un effet contre-productif, mais dans l’ensemble, l’introduction de cette nouvelle obligation n’est pas apparue comme contradictoire ou incompatible avec les obligations déjà existantes.

Le Commissariat général au développement durable rappelle que devra être précisé par décret un certain nombre d’éléments relatifs à cette obligation. S’agissant spécifiquement de la vente en ligne, les obligations pourraient différer selon que le vendeur est responsable ou non de la mise sur le marché du produit et selon qu’il agit directement en tant que vendeur ou en tant que plateforme pour un vendeur tiers. Si le vendeur agit en tant que plateforme pour un vendeur tiers, il aurait a minima l’obligation de prévoir la possibilité technique pour le vendeur de respecter son obligation.

S’agissant du format du message, des précisions supplémentaires pourront également être précisées par voie règlementaire (libellé du message, format, etc.). Une telle obligation existe déjà pour l’indice de réparabilité mis en place en janvier 2021 ([14]) qui doit figurer sur toutes les pages internet permettant l’achat d’un produit devant posséder un tel indice, à proximité de l’indication de son prix, à l’exclusion des pages récapitulatives de commande et de paiement. Il est également précisé que l’information doit être de taille équivalente à celle du prix.

  1.   Les travaux de la commission

Plusieurs amendements adoptés en commission ont modifié l’article 1er.

L’amendement CD185 de la rapporteure apporte un élément de précision relatif à la pratique commerciale définie au I de l’article L. 451‑9‑1‑1 nouveau du code de l’environnement. Le nombre de modèles mis à disposition ou distribués doit être élevé pour que la pratique commerciale soit caractérisée. Les seuils restent néanmoins définis par décret. L’amendement CD105 de la rapporteure précise également que devra être pris en compte le nombre de nouveaux modèles mis à disposition ou distribués pour savoir si les seuils sont dépassés.

L’amendement CD55 de M. Antoine Vermorel-Marques (Les Républicains) modifie le terme choisi en remplaçant la notion de modèle par la notion de référence. Ce terme, à l’inverse de celui de « modèle », a une acception dans le secteur de la mode et du textile qui facilitera les déclarations des entreprises qui mettent à disposition ou distribuent des produits et rendra plus facile les contrôles.

Les amendements CD187 et CD193 de la rapporteure précisent que les seuils définis par décret devront prendre en compte la faible durée de commercialisation des produits textiles, linges de maison et chaussures.

Le texte de la proposition de loi disposait que les seuils mentionnés au I devront être fixés par décret. L’amendement CD194 de la rapporteure modifie la nature du décret qui devra fixer les seuils. Il s’agira d’un décret en Conseil d’État, ce qui permettra un contrôle renforcé de l’acte réglementaire avant sa publication.

L’amendement CD176 de la rapporteure est de nature rédactionnelle. Il reformule l’appellation de la pratique commerciale pour indiquer qu’il s’agit d’une pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires.

À l’alinéa 4, il est précisé que les seuils mentionnés au I de l’article tiendront compte de la faible durée de commercialisation des modèles (amendement CD187 de la rapporteure). Par cohérence, les mentions de « modèles » ont été remplacées par les termes « nouvelles références » et « références » (amendements CD59 et CD188 de M. Vermorel-Marques).

Le II de l’article L. 541‑9‑1‑1 du code de l’environnement prévoyait l’obligation d’afficher sur les sites de vente en ligne des messages d’encouragement au réemploi et à la réparation et de sensibilisation à l’impact environnemental des produits textiles. Le dispositif a été modifié par l’amendement CD199 de la rapporteure et l’amendement CD65 de M. Antoine Vermorel-Marques (Les Républicains).

L’obligation d’afficher des messages sur les sites de vente en ligne ne concerne pas l’ensemble des personnes commercialisant des produits textiles, linges de maison et chaussures mais uniquement les personnes qui ont recours à la pratique commerciale définie au I de l’article L. 941‑9‑1‑1. À travers l’amendement CD199, la volonté a été de concentrer ces messages sur les activités les plus dommageables en termes de production et de consommation.

La nature des messages a été modifiée par l’adoption de l’amendement CD65, adopté contre l’avis de la rapporteure. Les messages devront sensibiliser à l’impact économique, social, sanitaire et environnemental des produits textiles, et non plus constituer un message d’encouragement au réemploi et à la réparation. L’amendement CD177 est un amendement de précision.

L’amendement CD198 de la rapporteure précise que le contenu des messages de sensibilisation qui seront visibles sur les pages des sites internet sera déterminé par décret.

Enfin, le III de l’article est supprimé suite à l’adoption de l’amendement CD189 de la rapporteure. L’article L. 541-50 du code de l’environnement dispose déjà que l’ensemble des articles du chapitre Ier du titre IV du livre V de la partie législative du code de l’environnement peuvent être précisés par décret en Conseil d’État.

 

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Créé par la commission

 

L’article 1er bis¸ introduit par la commission, modifie l’article L. 941‑9‑11 du code de l’environnement relatif à l’affichage environnemental pour y intégrer le critère de la durabilité du bien ou du service proposé.

  1.   Le droit en vigueur

Le principe d’un affichage environnemental devant être associé à chaque produit au sein de certaines filières ou de certains secteurs a été introduit par la loi Agec, et a ensuite été inscrit dans le code de l’environnement par la loi « climat et résilience ». L’article L. 541‑9‑11 du code de l’environnement indiquait, sans être limitatif, les éléments pouvant être pris en compte afin d’évaluer les impacts environnementaux d’un produit, parmi lesquels les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d’eau ou encore la consommation d’autres ressources naturelles. C’est sur la base de cet article et de l’article L. 541‑9‑12 que des expérimentations ont été menées, notamment dans le secteur textile, entre 2020 et 2022 pour développer une méthodologie adéquate.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 1er bis, introduit par adoption de l’amendement CD135 du président de la commission M. Jean-Marc Zulesi (Renaissance) ajoute à l’énumération des critères de l’affichage environnemental, au troisième alinéa de l’article L. 541‑9‑11 du code de l’environnement, le critère de la durabilité du bien ou du service proposé.

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Adopté avec modifications

 

L’article 2 modifie l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement afin de renforcer le dispositif d’éco-modulation des contributions versées par les producteurs soumis au principe de responsabilité élargie des producteurs. Il introduit deux nouveaux critères pouvant servir de fondement à l’éco-modulation, celui de l’impact environnemental et celui de l’empreinte carbone. Il crée également une disposition spécifique pour les producteurs de la filière des textiles, du linge de maison et des chaussures qui pourront s’opposer à l’application d’une prime ou d’une pénalité sur leur éco-contribution si celle-ci dépasse en valeur 50 % du prix de vente hors taxe du produit, et non plus 20 %.

L’article 2 introduit également l’obligation pour les entreprises qui commercialisent des produits en France mais qui n’y sont pas établies de désigner un mandataire qui devra s’assurer du respect des obligations découlant de la responsabilité élargie des producteurs

En modifiant l’article L. 541‑10‑27 du code de l’environnement, l’article 2 introduit en outre la possibilité de moduler les contributions financières pesant sur les produits textiles lorsque la mise à disposition ou la distribution desdits produits s’inscrit dans le cadre de la pratique commerciale définie à l’article 1er. Il prévoit, de plus, que le pouvoir réglementaire détermine au plus tard le 1er janvier 2025 le montant des pénalités pour les produits textiles selon une trajectoire progressive pour aboutir à un montant total, en 2030, qui ne pourra dépasser la somme de 10 euros par produit.

La principale modification apportée par la commission concerne le principe de la modulation des contributions pour les produits de la filière textile. Les primes et pénalités devront être déterminées en fonction notamment des résultats obtenus en application de la méthodologie définie par décret pour l’affichage environnemental.

  1.   Le droit en vigueur
    1.   La Filière à responsabilité élargie des producteurs, dite « TLC », des textiles, linges et chaussures

Les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) désignent une organisation de la prise en charge opérationnelle et financière par ces producteurs des déchets issus de leurs produits afin de favoriser l’économie circulaire. Il existe en France actuellement vingt-cinq filières dont certaines sont déjà anciennes et d’autres en cours de création.

Cette responsabilité repose sur le principe du pollueur-payeur dans la mesure où ce sont les metteurs sur le marché, c’est-à-dire les producteurs, distributeurs et importateurs de produits, qui doivent assumer la collecte, le tri, le réemploi, le recyclage ou l’élimination des déchets issus de ces produits. Dans de nombreux secteurs, les metteurs sur le marché s’appuient sur une structure appelée éco-organisme. L’éco-organisme est chargé de collecter une contribution financière de la part de ces metteurs sur le marché, appelée éco-contribution, et ensuite d’utiliser le produit de cette éco-contribution pour financer la collecte, le tri et le recyclage des biens usagés ou bien de verser ce produit à une personne tierce qui assumera la charge de la gestion des déchets. Les producteurs adhèrent à l’éco-organisme par contrat.

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « AGEC ») a renforcé l’encadrement législatif des filières à responsabilité élargie des producteurs en modifiant la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement. Ainsi, les metteurs sur le marché des types de produits explicitement mentionnés dans la loi sont soumis aux obligations de la responsabilité élargie des producteurs.

Avant l’entrée en vigueur de la loi « AGEC », la modification en 2018 de la directive européenne cadre « déchets » de 2008 a également renforcé les obligations des producteurs réunis dans ces filières REP ([15]).

Les apports de la modification en 2018 de la directive-cadre 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets

L’article 8 bis de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets modifiée a établi des exigences minimales applicables aux régimes de REP, qu’ils soient mis en place en application de textes européens ou nationaux. Les rôles et responsabilités des acteurs concernés (producteurs, organismes de gestion et autorités locales, organismes de réemploi et de préparation en vue du réemploi, etc.) ont été définis et des objectifs quantitatifs et qualitatifs de gestion des déchets ont été établis conformément à la hiérarchie des modes de gestion des déchets. Une égalité de traitement et d’information a été garantie entre les producteurs.

La directive modifiée a exigé également des organismes gérant les déchets qu’ils disposent de moyens financiers et organisationnels adaptés. Ils doivent mettre en place un dispositif d’autocontrôle, respecter la publicité des informations relatives à l’atteinte des objectifs de gestion des déchets ou encore avoir suffisamment de points de collecte gérés directement ou indirectement par un éco-organisme sur un champ géographique défini afin de ne pas se limiter aux lieux les plus rentables.

Par ailleurs, la directive a énuméré les coûts devant être couverts pour que les contributions financières versées par les producteurs soient suffisantes et que ces derniers répondent aux obligations de la responsabilité élargie. Les éco-contributions peuvent être modulées selon certains critères, comme la durabilité, la réparabilité ou encore les possibilités de réemploi et la recyclabilité du produit.

Au sein du code de l’environnement, l’article L. 541‑10‑1 énumère les grandes catégories de produits relevant d’une filière REP.

La filière des textiles, du linge de maison et des chaussures a été créée en 2007 et a été effective à partir de 2009. Le 11° de l’article L. 541‑10-1 vise cette filière en mentionnant les « produits textiles d’habillement, les chaussures ou le linge de maison neufs destinés aux particuliers et, à compter du 1er janvier 2020, les produits textiles neufs pour la maison, à l’exclusion de ceux qui sont des éléments d’ameublement ou destinés à protéger ou à décorer des éléments d’ameublement », filière communément appelée « TLC » pour textiles, linges et chaussures.

Depuis le début, un seul éco-organisme a été agréé pour cette filière. Il s’agit de l’éco-organisme Eco-TLC, appelé aujourd’hui Refashion. À sa création, il avait pour objectif de soutenir des acteurs historiques et associatifs du tri de vêtements usagés, comme par exemple l’association Emmaüs (avec son réseau dit Le Relais). Ces associations, afin de pouvoir maintenir leurs activités de revente de vêtements dans leur réseau, avaient besoin d’un soutien pour financer l’activité de tri elle-même.

Les missions de l’éco-organisme ont été élargies avec le temps. L’éco‑organisme a acquis un rôle plus important pour soutenir non seulement le tri, mais également la collecte de vêtements en amont, et en aval le recyclage des textiles et chaussures qui ne peuvent être réutilisés. Cette évolution a été permise par le vote de la loi « AGEC » qui a introduit un nouvel article au sein du code de l’environnement pour renforcer le principe de responsabilité élargie des producteurs de la filière TLC ([16]). Ce nouvel article L. 541‑10‑27 a transformé une filière REP dite « financière », c’est-à-dire de soutien financier aux opérateurs de tri, en une filière REP dite « opérationnelle » qui soutient à la fois la collecte, le tri et le traitement des vêtements collectés, notamment l’activité de recyclage. Les contributions qui sont versées à l’éco‑organisme doivent en conséquence couvrir tous les coûts de collecte et de tri des opérateurs de gestion de déchets, avec lesquels il établit une convention, ainsi que la totalité des coûts liés à la réutilisation sur le territoire national des déchets collectés conformément au premier alinéa de l’article L. 541‑10‑27. D’autres évolutions sont intervenues, comme l’interdiction, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, faite aux producteurs de détruire leurs produits textiles invendus ([17]).

Ainsi, progressivement, les flux de vêtements dont les particuliers se débarrassent ont été canalisés dans un réseau composé de points de collecte, dits points d’apport volontaire. Les points d’apport volontaire sont de différentes natures : il peut s’agir de points de collecte sur l’espace public, de dépôts auprès d’associations, de dépôts gérés par les magasins eux-mêmes, etc. Le réseau Emmaüs gère à lui seul la collecte et le tri de 4 000 à 8 000 tonnes de vêtements dans chacun de ses vingt centres de tri.

Le devenir des vêtements collectés par Emmaüs

Selon des données communiquées à la rapporteure, sur 100 vêtements collectés par l’association à travers son réseau, en moyenne :

– 5 sont réemployés en France ;

– 50 sont réemployés après avoir été triés dans des centres au Sénégal, au Burkina Faso et à Madagascar ;

– 35 font l’objet d’un recyclage pour être valorisés à nouveau sous forme de tissu ;

– 10 deviennent des déchets valorisés énergétiquement.

De manière résiduelle, certains vêtements sont enfouis ou incinérés sans aucune plus value (notamment s’ils contiennent des éléments perturbateurs du recyclage).

L’infographie ci-dessous offre un point de vue d’ensemble sur le devenir des tonnes de vêtements, linge de maison et chaussures mises sur le marché en 2023.

Source : données transmises par Refashion à la rapporteure en audition

Parallèlement, le nombre de metteurs sur le marché de vêtements et de chaussures adhérents à l’éco-organisme a considérablement augmenté entre 2009 et 2023, passant de 350 adhérents à plus de 1 100 aujourd’hui.

Chaque filière REP est organisée en fonction d’un cahier des charges défini par arrêté. Le cahier des charges détermine le cadre d’action des éco‑organisme agréés pour la filière et donc autorisés à percevoir l’éco-contribution auprès des producteurs adhérents et à fixer les tarifs de cette éco-contribution. Il détermine ainsi, d’une part, les tarifs de soutien aux opérateurs de collecte et de tri en fonction des quantités prises en charge, et d’autre part, les objectifs en termes de collecte, de tri et de devenir des produits usagés. Ainsi, d’ici à 2028, pour la filière TLC, l’objectif est de collecter 60 % du gisement de vêtements et chaussures et d’assurer le recyclage de 80 % des produits qui ne seraient pas réutilisables. D’autres objectifs plus précis sont fixés par le cahier des charges, comme celui d’atteindre 15 % de textiles et chaussures usagés réemployés ou réutilisés à moins de 1 500 kilomètres du lieu de collecte, objectif qui peut contribuer à limiter l’envoi de vêtements usagés dans des pays hors de l’Union européenne.

Trois cahiers des charges ont été arrêtés pour l’éco-organisme Refashion ; un premier couvrait la période 2009-2013 et un deuxième, la période 2013-2019. Le troisième cahier des charges est entré en vigueur, après une période de transition, au 1er janvier 2023 et couvre une période allant jusqu’en 2028. Parallèlement, l’éco‑organisme fixe, en fonction de ses besoins pour le financement de ses activités, le barème de l’éco-contribution dont le montant est déterminé en fonction de la quantité de vêtements, linge de maison et chaussures mise sur le marché (à la pièce) ([18]). Les ressources de l’éco-organisme s’élevaient en 2023 à 92,9 millions d’euros. Avec l’entrée en vigueur du nouveau cahier des charges et du nouveau barème, les recettes pourraient s’élever à 1,2 milliard d’euros sur l’ensemble de la période 2024‑2028.

Le graphique ci-dessus illustre l’utilisation de 100 euros d’éco‑contribution perçue par Refashion.

Utilisation de 100 euros d’éco-contribution perçue

Source : données transmises par Refashion à la rapporteure en audition

Pour atteindre les objectifs fixés par le cahier des charges et plus généralement améliorer la gestion et la prévention des déchets issus de la filière TLC, l’éco-organisme fait face aujourd’hui à de nombreux défis, notamment à celui de développer les capacités de recyclage des produits en France. Des investissements sont soutenus dans des solutions pour optimiser les opérations de tri par exemple, mais aussi dans des entreprises qui procèdent au recyclage chimique ou mécanique des textiles.

  1.   Le principe de l’éco-modulation

Depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les contributions financières versées par tous les producteurs sont soumises à un régime de primes et de pénalités. La modulation prend la forme d’une prime accordée par l’éco-organisme au producteur lorsque le produit remplit des critères de performance, et celle d’une pénalité lorsque le produit s’en s’éloigne (en application de l’article L. 541-10-3 du code de l’environnement, les primes et les pénalités sont déterminées selon « la quantité de matière utilisée, l’incorporation de matière recyclée, l’emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, la visée publicitaire ou promotionnelle du produit, l’absence d’écotoxicité et la présence de substances dangereuses »). La modulation vise tout autant à favoriser l’éco-conception des produits qu’à améliorer leur réemploi ou leur recyclabilité. Les critères ainsi que les niveaux de modulation sont identiques et non discriminants entre tous les produits d’une même filière REP. L’éco-organisme fait des propositions pour fixer les critères, les seuils et les montants des primes et pénalités au ministre chargé de l’environnement, qui les accepte et les publie par arrêté. Faute d’accord au sein de l’éco-organisme, le ministère chargé de l’environnement fixe lui-même les critères des éco‑modulations, les seuils et les montants par arrêté.

Au sein de la filière TLC, conformément au nouveau cahier des charges d’agrément de l’éco-organisme applicable depuis le 1er janvier 2023, trois éco‑modulations coexistent. Toutes trois correspondent à des primes dont peuvent bénéficier les producteurs, aucune pénalité n’étant actuellement mise en place par Refashion.

 

Les éco-modulations dans la filière TLC

La première de ces éco-modulations repose sur la notion de durabilité « physique » du produit, c’est-à-dire sa capacité à résister à l’usure et au vieillissement, mesurée par des tests en laboratoire après un certain nombre de lavages. Elle concerne dix catégories de produits limitativement énumérées, comprenant les hauts, les bas, les produits « intimes », les chaussures ou encore le linge de lit. Le montant de la prime est calculé par pièce en prenant en compte, d’une part, la catégorie du produit, d’autre part, la quantité de pièces mises sur le marché. Plus précisément, le montant de référence est de 0,70 euro pour un nombre de pièces inférieur à 100 000, contre 0,07 euro pour un nombre de pièces supérieur à ce seuil.

La seconde éco-modulation est relative à la certification des produits finis par différents labels environnementaux. La liste exhaustive des huit labels concernés est la suivante : Ecocert® ERTS, Oeko-tex® Made in Green, Bluesign®, Fairtrade® Textile, Ecolabel Européen, Demeter®, GOTS et Bioré®. Comme pour l’éco-modulation précédente, le montant de la prime accordée au producteur varie en fonction du seuil de 100 000 pièces mises sur le marché : en deçà de ce seuil, le montant de la prime est fixé à 0,30 euro, en delà, il est fixé à 0,03 euro. Toutes les catégories de produits de la filière TLC sont éligibles à cette prime. En revanche, en cas de labellisations multiples pour un seul et même produit, les bonus ne sont pas cumulables.

La troisième et dernière éco-modulation est fondée sur l’incorporation de matières premières issues du recyclage au sein des produits finis. Le montant de la prime est calculé sur la base du nombre de tonnes de matière recyclée entrant dans la composition des produits. Dès lors que ladite matière recyclée est issue de déchets de la filière TLC, le montant de la prime s’élève à 1 000 euros par tonne. Par ailleurs, si la matière est issue de déchets collectés ou soutenus par un autre éco-organisme agréé, le montant de la prime s’élève à 500 euros la tonne. Le cahier des charges impose également un critère géographique pour bénéficier de la prime : toutes les étapes de tri, de préparation au recyclage et de recyclage des déchets doivent s’effectuer dans un rayon de 1 500 kilomètres autour du point de collecte des déchets.

Les trois primes susmentionnées sont cumulables, ce qui présente un intérêt notamment pour les deux éco-modulations relatives à la durabilité des produits et aux labels environnementaux, aisément compatibles.

Les éco-modulations constituent le deuxième poste de dépenses de Refashion (derrière le financement des opérations de tri), pour un total de 237 millions d’euros sur la période de 2023 à 2028. Pour 100 euros d’éco‑contribution collectés, 20 euros sont ainsi redistribués par le biais de ces primes (cf. schéma ci-dessus).

À compter de 2025, l’éco-organisme prévoit de mettre en place trois nouvelles éco-modulations relatives respectivement à la recyclabilité des produits, à la stratégie industrielle et commerciale des producteurs et à l’affichage environnemental. Cette évolution à venir indique que l’affichage environnemental, lorsqu’il sera déployé, constituera une base d’évaluation synthétique de l’impact environnemental des produits, qui pourrait lui-même servir de fondement à la modulation des éco-contribution.

Les auditions menées font apparaître un bilan contrasté de la mise en application des éco-modulations au sein de la filière TLC.

Premièrement, la complexité des démarches à accomplir pour bénéficier des primes a été soulevée par plusieurs acteurs, les petites entreprises rencontrant plus de difficultés pour les mettre en œuvre. En pratique, pour obtenir le versement d’une prime en année n sur les quantités mises sur le marché l’année n‑1, le producteur est tenu de procéder dès l’année n-2 à une première phase de tests et ensuite de transmettre, au cours de l’année n‑1, tous les trimestres, des justificatifs de ces tests à l’éco-organisme.

Deuxièmement, le coût élevé des tests en laboratoire, notamment pour bénéficier de l’éco‑modulation relative à la durabilité des produits, a également été mentionné et peut apparaître désincitatif. L’éco‑organisme Refashion affirme toutefois que les tests les plus coûteux en France approchent 600 euros, soit bien moins que les sommes parfois évoquées. En outre, l’initiative « Durhabi » de l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH), dont l’objectif est de normaliser l’évaluation de la durabilité physique des produits textiles au niveau mondial, pourrait permettre de rationnaliser la conduite de ces tests.

Enfin, la troisième éco-modulation, relative à l’incorporation de matières recyclées au sein des produits finis, ne semble pas suffisamment fonctionnelle eu égard au critère géographique qui lui est adossé. Les producteurs et représentants de producteurs auditionnés soulignent le caractère restrictif des 1 500 kilomètres de rayon pour toutes les étapes du tri, qui ne leur permet pas de prétendre à la prime.

Il convient de préciser que le recul est encore faible pour analyser précisément la mise en application des éco-modulations de la filière TLC, le nouveau cahier des charges n’étant applicable que depuis le 1er janvier 2023. À ce titre, certains producteurs précisent qu’ils n’ont commencé à percevoir leurs premières primes qu’au cours du dernier exercice, c’est-à-dire pour l’année 2023.

  1.   la faculté de désigner un mandataire pour les producteurs qui ne sont pas établis en France

Tous les producteurs qui mettent sur le marché en France des produits textiles, du linge de maison et des chaussures sont tenus de respecter les obligations découlant du principe de responsabilité élargie des producteurs, quand bien même ils n’ont pas de représentation juridique en France.

Le paragraphe 5 de l’article 8 bis de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets ([19]) prévoit que : « Chaque État membre autorise les producteurs de produits établis dans un autre État membre qui commercialisent des produits sur son territoire à désigner une personne physique ou morale établie sur son territoire en tant que mandataire chargé d’assurer le respect des obligations qui incombent à un producteur sur son territoire en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs. (…) Afin de suivre et de vérifier le respect des obligations qui incombent au producteur de produits en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs, les États membres peuvent définir des exigences, comme l’enregistrement, l’information et la communication des données, qui doivent être remplies par une personne physique ou morale désignée comme mandataire sur son territoire. »

La directive prévoit ainsi une faculté de désignation d’un mandataire pour les producteurs soumis à la responsabilité élargie des producteurs lorsque ces producteurs sont implantés juridiquement dans un autre État membre. En droit français, l’article 2 du décret du 27 novembre 2020 ([20]) prévoyait que : « Tout producteur de produits, qu’il soit établi en France, dans un autre État membre de l’Union européenne ou un pays tiers, peut désigner une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d’assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs. Cette personne est subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur dont elle accepte le mandat » (article codifié à l’article R. 541‑174 du code de l’environnement).

Cette disposition du décret a été annulée par le Conseil d’État dans une décision du 10 novembre 2023 ([21]) au motif que le pouvoir réglementaire avait excédé sa compétence, dès lors que « ni l’article L. 54110 du code de l’environnement, ni aucune autre disposition législative ne prévoit la possibilité d’une telle subrogation ».

En effet, dans les visas du décret du 27 novembre 2020 ayant créé ledit article R. 541‑174, sont uniquement mentionnés la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008, notamment son article 8 bis, et le code de l’environnement, notamment ses articles L. 541‑10 à L. 541‑10‑16 et L. 541‑50. Or, ces articles du code de l’environnement sont relatifs, d’une part, au fonctionnement général de la REP et, d’autre part, au renvoi des conditions d’application du chapitre concerné du code à un décret en Conseil d’État. Aucun d’entre eux n’évoque la question du recours à un mandataire sur le sol français, non plus qu’une éventuelle subrogation dudit mandataire dans toutes les obligations découlant de la REP du mandant. La directive-cadre de 2008 sur les déchets est donc actuellement le seul texte applicable.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   L’introduction de nouveaux critères d’éco-modulation dans le cadre du principe de responsabilité élargie des producteurs

Les alinéas 1 à 3 de l’article 2 modifient le premier alinéa de l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement afin d’introduire de nouveaux critères d’éco-modulation pesant sur l’ensemble des produits concernés par la responsabilité élargie des producteurs. Ces deux nouveaux critères sont celui de l’impact environnemental et celui de l’empreinte carbone. Ces deux nouveaux critères permettront de ne pas seulement moduler les éco‑contributions en fonction de la qualité des produits et de leur capacité à être réutilisés ou recyclés après un premier usage, mais également de prendre en compte les conséquences du processus de production lui-même sur l’environnement et spécifiquement l’empreinte carbone.

Comme l’a indiqué la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) à la rapporteure, des démarches ont déjà été entreprises afin que le droit européen intègre dans la législation sur les déchets la possibilité de moduler les éco‑contributions en fonction de l’empreinte carbone. Pour l’instant, ce critère ne fait pas partie de ceux mentionnés dans la directive-cadre sur les déchets précitée. L’impact environnemental est une notion plus large qui reposerait sur les évaluations des conséquences pour l’environnement de la fabrication des matières premières et des vêtements (usage de ressources naturelles ou fossiles, d’eau, usage de produits chimiques et pollution éventuelle).

L’alinéa 4 de l’article 2 modifie quant à lui le troisième alinéa de l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement en introduisant une exception pour la filière des produits textiles, du linge de maison et des chaussures quant au plafonnement des primes et pénalités pouvant être appliquées par les éco‑organismes. Les producteurs de cette filière pourront s’opposer au montant de la prime ou de la pénalité qui leur est appliquée si celui-ci excède 50 % du prix de vente hors taxe du produit et non plus 20 %. Cette exception pour la filière des produits textiles, du linge de maison et des chaussures permet d’envisager la fixation de pénalités plus élevées qu’elles ne pourraient l’être actuellement, sans qu’un producteur puisse s’y opposer.

Les alinéas 9 à 13 modifient l’article L. 541‑10‑27 du code de l’environnement qui est propre à la filière à responsabilité élargie des producteurs de la filière TLC. Le nouveau II créé au sein de l’article L. 541‑10‑27 introduit la possibilité de moduler les éco-contributions appliquées aux producteurs adhérents à l’éco-organisme de la filière TLC selon que ces derniers ont recours ou non à la pratique commerciale définie à l’article L. 541‑9‑1‑1, à savoir le renouvellement très rapide des collections. Cette inscription dans la loi est indispensable afin qu’à l’avenir, l’éco-organisme ou les éco-organismes puissent prévoir cette modulation dans leur cahier des charges et l’appliquer aux producteurs.

L’alinéa 13 inscrit dans la loi le principe de la fixation par arrêté, au plus tard le 1er janvier 2025, du montant des différentes pénalités pouvant peser sur les produits de la filière TLC en prévoyant l’instauration d’un barème pour chaque pénalité qui évoluera entre 2025 et 2030. En effet, il est proposé que les barèmes suivent une trajectoire progressive d’ici à 2030 et qu’à cette date, le montant maximal pour l’ensemble des pénalités atteigne 10 euros par produit. Il revient déjà au pouvoir réglementaire de fixer le barème des éco-modulations à l’éco‑contribution payée par les producteurs un arrêté qui soit approuve la proposition faite par l’éco-organisme, soit, en cas de désaccord au sein de l’éco-organisme, détermine lui-même le barème des primes et pénalités. En vertu de la nouvelle disposition introduite au III de l’article L. 541‑10‑27, le pouvoir réglementaire pourra non seulement fixer le montant des pénalités par arrêté, mais également établir leur trajectoire sur cinq ans. Une disposition similaire a déjà été inscrite par la loi « AGEC » à l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement pour les emballages plastiques qui ne peuvent intégrer une filière de recyclage en fin de vie ([22]).

La somme globale de 10 euros est volontairement élevée, notamment par rapport à des vêtements dont le prix de vente est parfois inférieur. L’objectif d’une telle mesure est de créer des incitations au changement à la fois de la part des producteurs s’ils internalisent la hausse de l’éco-contribution et pâtissent d’une augmentation de leurs coûts et de la part des consommateurs s’ils voient les prix de vente augmenter. Des pénalités élevées par produit seraient ainsi le reflet de l’impact environnemental important des produits textiles à raison des matériaux utilisés et du processus de surproduction dont ils sont issus, d’une part, et à raison, d’autre part, des difficultés à assurer leur tri, leur réutilisation, leur réparation ou leur recyclage. Elles devraient constituer une incitation à une réorientation de la production et de la consommation.

  1.   L’obligation faite aux entreprises installées à l’étranger et soumises au principe de la REP pour les produits mis sur le marché en France de désigner un mandataire en France

Les alinéas 5 à 8 de l’article 2 complètent l’article L. 541‑10‑9 du code de l’environnement en le complétant par un II. Ils ne modifient pas les deux alinéas existants, regroupés sous un I, qui concernent l’obligation pour les personnes qui permettraient la mise sur le marché des produits de la filière TLC via des plateformes de vente en ligne de répondre aux obligations qui leur incombent en vertu de la responsabilité élargie des producteurs ou bien de vérifier que les vendeurs qui utilisent ces plateformes ont eux‑mêmes respecté leurs obligations. L’ajout consiste en l’inscription dans la loi de l’obligation, pour les personnes non établies en France et soumises au principe de responsabilité élargie du producteur, de désigner un mandataire auquel incomberaient les obligations découlant de cette REP. Pour rappel, l’acte réglementaire prévoyant la faculté pour les entreprises sises à l’étranger de désigner un mandataire en France avait été annulé en novembre 2023 pour défaut de base légale ; cette difficulté est ainsi levée. La rédaction proposée transforme par ailleurs une faculté en une obligation de désigner un mandataire.

Comme le précise cette nouvelle disposition (et précédemment, l’article R. 541-174 du code de l’environnement récemment annulé), le mandataire est subrogé dans les droits du mandant. Cette subrogation le rend responsable des obligations découlant de la REP comme le serait un producteur. Les mesures de contrôle et de sanction applicables aux producteurs s’appliquent alors au mandataire.

Comme l’a précisé la DGPR auditionnée par la rapporteure, un certain nombre d’entreprises installées à l’étranger respectent leurs obligations en matière de REP en France, mais si ce n’est pas le cas, il est impossible pour les autorités françaises de les poursuivre. Or, le non‑respect de la REP par une entreprise étrangère n’interdit pas la mise sur le marché des produits en France. Une telle interdiction nécessiterait une disposition juridique au niveau européen.

  1.   Les travaux de la commission

L’article 2 modifie, dans un premier temps, l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement qui a trait aux modulations des contributions financières versées par les producteurs. Les amendements identiques CD162 de Mme Huguette Tiegna (Renaissance) et CD164 de M. Jimmy Pahun (Modem), adoptés par la commission, ajoutent une précision concernant le critère de modulation selon l’impact environnemental, qui devra tenir compte des atteintes portées à la biodiversité. En effet, il s’agit d’un aspect important et encore peu pris en compte, les dommages causés à la biodiversité terrestre ou marine résultant de la production des vêtements et de la dégradation de ces produits pouvant être nombreux.

La commission a par ailleurs adopté plusieurs autres amendements.

L’amendement CD178 de la rapporteure est un amendement de coordination.

L’amendement CD192 de la rapporteure modifie le II de l’article L. 541‑10‑9 du code de l’environnement introduit par l’article 2 de la proposition de la loi. Il est apparu nécessaire que l’obligation de désigner un mandataire, introduite au II, s’articule avec le I du même article. En effet, le I permet de soumettre aux obligations découlant du principe de responsabilité élargie du producteur les interfaces électroniques (appelées plateformes, intermédiaires ou places de marché) qui agissent comme des tiers entre des vendeurs et des acheteurs, si les vendeurs ne remplissent pas eux-mêmes les obligations découlant de la REP. L’amendement CD192 permet de préciser que l’obligation de désigner un mandataire s’applique non seulement aux producteurs non établis en France qui sont soumis à la REP, mais aussi aux interfaces électroniques qui assument la REP pour les vendeurs tiers qui mettent à disposition des produits par leur intermédiaire.

Les amendements CD179 et CD180 de la rapporteure sont des amendements rédactionnels et de coordination.

Plusieurs amendements ont également modifié les dispositions nouvellement introduites à l’article L. 541‑10‑27 du code de l’environnement. L’amendement CD195 de la rapporteure transforme le critère de modulation des contributions introduit par la proposition de loi en ce qui concerne la filière des produits textiles, linges de maison et chaussures. Le II de l’article L. 541‑10‑27 est modifié pour introduire un critère de modulation des contributions financières fondé, non plus sur la pratique commerciale définie à l’article L. 541‑9‑1‑1 du même code, mais sur les résultats de l’affichage environnemental qui devrait être mis en place pour les produits du secteur textile d’ici la fin de l’année 2024. En effet, il est ressorti de plusieurs auditions que la méthodologie de l’affichage environnemental est aujourd’hui la méthodologie plus aboutie. Cela permettra d’inclure des critères liés à la durabilité des produits qui mettront en exergue les problématiques liées à la mode express et a fortiori de l’ultra mode express. Cela permettra plus facilement d’attribuer une pénalité ou une prime en fonction du résultat synthétique obtenu suite à l’application de la méthodologie de l’affichage environnemental (qu’il s’exprime sous forme de points, de couleurs ou de lettres).

L’amendement CD191 de la rapporteure modifie le III de l’article L. 541‑10‑27 pour indiquer que la trajectoire progressive des pénalités qui devra être déterminée par arrêté le sera à compter du 1er juillet 2025 et non plus à compter du 1er janvier de la même année. L’amendement CD190, de la rapporteure également, permet de préciser que les producteurs qui se verront appliquer le barème des pénalités prévues au II de l’article L. 541‑10‑27 pourront s’opposer au montant de la pénalité si celle-ci excède la limite de montant mentionné au troisième alinéa de l’article L. 541‑10‑3.

Les amendements CD182 et CD186 de la rapporteure sont des rédactionnels.

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Créé par la commission

 

L’article 2 bis introduit, parmi les critères de modulation des éco‑contributions, celui de la teneur en polyester des produits.

  1.   Le droit en vigueur

L’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement détermine le principe de modulation des contributions financières pouvant être appliquées par les éco-organismes et encadre le recours à ce dispositif de primes et pénalités. Comme le précise le premier alinéa de l’article L. 541‑10‑3, les contributions sont modulées « en fonction de critères de performance environnementale ». Sont énumérés un certain nombre de critères pouvant servir de fondement à la modulation (à la hausse ou à la baisse) des contributions, quelles que soient les filières à responsabilité élargie des producteurs. L’application de primes permet de réduire la contribution financière pesant sur les producteurs qui mettent sur le marché des produits économes en ressources, qui incorporent des matières recyclées ou bien encore qui se recyclent facilement.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 2 bis, introduit par l’amendement CD163 de M. Jimmy Pahun (Démocrate), complète le premier alinéa de l’article L. 541‑10‑3 pour ajouter un nouveau critère de performance environnementale, à savoir la teneur en polyester des produits. Une part importante de polyester, notamment dans les produits textiles, n’est pas sans conséquence sur l’environnement et sur le cycle de vie des produits. Les fibres de polyester ne se recyclent pas indéfiniment et le polyester est à l’origine d’une source importante de pollution, notamment de l’eau, en particules de microplastiques (souvent libérés lors du lavage des vêtements).

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Article 3
Interdiction de la publicité pour les produits et les enseignes de la mode express

Adopté avec modifications

 

L’article 3 vise à interdire, à partir du 1er janvier 2025, la publicité relative à la commercialisation de produits textiles lorsque ces derniers relèvent de la pratique commerciale de la mode express ainsi que la promotion des entreprises, enseignes ou marques ayant recours à cette pratique commerciale.

  1.   Le droit en vigueur

Le droit français prévoit déjà des interdictions en matière de publicité sur certains produits, justifiées par des motifs d’intérêt général. La loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin », interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et encadre fortement celle en faveur des boissons alcoolisées. Ces dispositions sont codifiées dans le code de la santé publique (articles L. 3511‑3 et L. 3511-4 pour le tabac, articles L. 3323‑1 à L. 3323‑6 pour les boissons alcoolisées). L’article L. 6323-1-9 du code de la santé publique interdit pour sa part « toute forme de publicité en faveur des centres de santé » (interdiction introduite par l’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018).

La loi « climat et résilience » précitée a introduit une interdiction de la publicité sur les énergies fossiles (article 7), dans l’objectif de réduire la promotion de produits contribuant au réchauffement climatique, que la loi qualifie de produits ayant un impact excessif sur le climat.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans une décision du 8 janvier 1991 relative à la loi « Évin », que « la liberté d’entreprendre n’est ni générale ni absolue ; […] il est loisible au législateur d’y apporter des limitations exigées par l’intérêt général à la condition que celles-ci n’aient pas pour conséquence d’en dénaturer la portée ». Dans une décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a consacré la protection de l’environnement comme objectif de valeur constitutionnelle, au même titre que la protection de la santé ([23]). Désormais, le raisonnement soutenu en matière de protection de la santé s’applique aussi à la protection de l’environnement. Celle-ci constitue donc un motif d’intérêt général suffisant pour justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre et les interdictions de publicité sur certains produits nocifs pour l’environnement ont pu être prononcées sans compromettre la constitutionnalité de la loi.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 3 introduit un nouvel article L. 229‑61‑1 dans le code de l’environnement pour disposer que la publicité portant sur des produits dont la commercialisation s’inscrit dans le cadre d’une pratique commerciale de mode express, telle que définie à l’article 1er de la proposition de loi, est interdite, quel que soit le support de publicité (télévision, radio, papier, en ligne). Ce même article L. 229-61-1 interdit également la publicité faisant la promotion des entreprises, marques et enseignes ayant recours à cette pratique. Cette restriction à la liberté d’entreprendre est justifiée par la nécessité de limiter la surproduction de produits textiles afin d’en limiter les conséquences pour l’environnement. Cette interdiction ne pèserait que sur les entités pratiquant des activités de mise à disposition et de distribution qualifiées de pratique commerciale de renouvellement très rapide des collections, telles que définies à l’article L. 541-9-1-1 du code de l’environnement. S’il est difficile d’en évaluer les conséquences potentielles sur les recettes publicitaires des annonceurs, l’interdiction ne viserait pas l’ensemble des marques du secteur des produits textiles, du linge de maison et des chaussures. De plus, les stratégies publicitaires des entreprises les plus importantes du secteur sont hétérogènes. Beaucoup de marques investissent désormais dans la publicité en ligne, et peu dans la publicité imprimée ou audiovisuelle. D’après des données communiquées à la rapporteure, les dépenses publicitaires des annonceurs dans les médias traditionnels (presse, télévision et radio, cinéma et affichage extérieur) dans le secteur de l’habillement, des accessoires et des textiles représenteraient un peu moins d’un quart des dépenses publicitaires totales de ce secteur, estimées à environ deux milliards d’euros. La publicité digitale représente plus de la moitié de ces dépenses publicitaires.

L’interdiction prévue à l’article L. 229‑61‑1 doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025.

L’interdiction de la publicité telle que prévue par la proposition de loi vise également à limiter l’effet incitatif de la publicité sur l’acte d’achat, la mode express reposant à la fois sur des prix bas mais également sur l’exposition des consommateurs à la promotion de produits qui se fait de plus en plus sur internet et sur les réseaux sociaux.

En application de la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, l’interdiction de la publicité promouvant des produits dont la commercialisation participe de la mode express s’étend de la promotion réalisée en ligne par des personnes ayant une activité d’influence commerciale. Ainsi, comme le précise l’article 3 de la loi précitée : « Les dispositions législatives, réglementaires et prévues par des règlements européens relatives à la diffusion par voie de services de communication au public en ligne de la publicité et de la promotion des biens et des services sont applicables à l’activité d’influence commerciale définie à l’article 1er ».

  1.   Les travaux de la commission

Des précisions sur l’interdiction de publicité introduite par l’article 3 de la proposition de loi ont été apportées par l’adoption de plusieurs amendements.

L’amendement CD183 de la rapporteure, adopté par la commission, est un amendement rédactionnel.

L’amendement CD197 de la rapporteure précise que la promotion d’entreprises, marques ou enseignes qui ont recours à la pratique commerciale consistant à renouveler très rapidement les collections vestimentaires et d’accessoires est comprise comme la promotion directe ou indirecte.

L’amendement CD202 de la rapporteure complète l’article L. 229‑61 du code de l’environnement et lie l’interdiction de faire la promotion des produits commercialisés par des personnes qui ont recours à la pratique commerciale définie à l’article L. 451‑9‑1‑1 ou la promotion des entreprises, enseignes et marques qui y ont recours, aux conséquences d’une telle pratique. L’objectif est de réduire l’usage de la publicité et donc la promotion de pratiques et de produits qui portent atteinte à l’environnement dans leurs différents stades de production et d’usage.

L’adoption de l’amendement CD201 de la rapporteure entraîne la suppression du recours à un décret en Conseil d’État pour préciser les conditions d’application de l’interdiction définie à l’article L. 229‑61‑1. Le renvoi à un décret en Conseil d’État risquait de doter le pouvoir réglementaire d’un pouvoir excessif dans la définition de l’interdiction, en l’absence de précision dans la loi.

L’amendement CD200 de la rapporteure permet de préciser que l’interdiction de publicité s’étend également à l’activité des influenceurs qui feraient la promotion de produits relevant de la pratique commerciale définie à l’article L. 451‑9‑1‑1 ou d’entreprises qui ont recours à cette pratique. En effet, les personnes qui utilisent leur image pour promouvoir des produits et des marques sur internet constituent un vecteur de plus en plus important de publicité dans le secteur de l’habillement. Il est apparu important de préciser que l’interdiction de publicité s’étendait aux activités commerciales des influenceurs, assimilées à de la publicité.

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Créé par la commission

 

L’article 4 ajoute à la liste des manquements au code de l’environnement entraînant le prononcé d’une amende, le manquement constitué par la méconnaissance des obligations d’affichage des messages prévues à l’article 1er de la proposition de loi et le non‑respect de l’interdiction de faire de la publicité, par les personnes ayant recours à la pratique commerciale définie au même article 1er.

  1.   Le droit en vigueur

L’article L. 541‑9‑4‑1 du code de l’environnement prévoit une amende administrative en cas de méconnaissance des obligations d’information mentionnées à l’article L 541‑9‑1 du même code (obligation d’informer les consommateurs sur les qualités d’un produit). L’amende est de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

L’article L. 229‑63 du code de l’environnement prévoit d’ores et déjà qu’une amende peut être prononcée en cas de méconnaissance de l’interdiction de publicité relative à la commercialisation ou faisant la promotion des énergies fossiles. Le montant de l’amende administrative s’élève à 20 000 euros pour une personne physique et 100 000 euros pour une personne morale, ces montants pouvant être portés jusqu'à la totalité du montant des dépenses consacrées à l'opération illégale.

  1.   Le dispositif proposÉ

Les amendements identiques CD169 de M. Jimmy Pahun (Modem) et CD173 de M. Vincent Thiébaut (Horizons) ont introduit un nouvel article 4 dans la proposition de loi, permettant de compléter les articles L. 541‑9‑4‑1 et L. 229‑63 du code de l’environnement. Ainsi, la méconnaissance de l’affichage obligatoire prévu au II de l’article L. 541‑9‑1‑1 sera sanctionné par une amende de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

Le non-respect de l’interdiction de faire de la publicité définie à l’article L. 229‑61‑1 du code de l’environnement sera sanctionné de la même manière que la méconnaissance des dispositions de l’article L. 229‑61 interdisant la publicité sur les énergies fossiles, à savoir par une amende de 20 000 euros pour les personnes physiques et 100 000 euros pour les personnes morales.

 


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Examen en commission

Lors de ses réunions du jeudi 7 mars 2024, matin et après-midi, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de Mme Anne-Cécile Violland, la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile (n° 2129).

1.   Réunion du jeudi 7 mars 2024, matin

M. le président Jean-Marc Zulesi. La proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile sera discutée en séance publique le 14 mars, dans le cadre de la journée de niche du groupe Horizons.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’urgence est là. Les activités humaines bouleversent l’environnement à un rythme et avec une ampleur sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années, entraînant des impacts toujours plus ravageurs, généralisés et désormais souvent pour partie irréversibles.

Alors que les vies de milliards de personnes sont déjà affectées par le changement climatique, l’augmentation annoncée des températures de 4 degrés Celsius accroîtra les menaces sur la production alimentaire, les vagues de chaleur intenses, les tensions sur l’approvisionnement en eau. Quand des régions entières ne pourront plus compter sur la fonte estivale des neiges de glaciers disparus, d’autres connaîtront, selon les climatologues, des variations de précipitations de 40 %, en positif ou en négatif, avec pour incidences des inondations ou des sécheresses. D’ici à la fin du siècle, près de la moitié de l’humanité pourrait être confrontée à un stress climatique dramatique et au lot de tensions géopolitiques qui en résulterait.

Ce scénario du pire a beau devenir de plus en plus probable, notre modèle économique, en rupture avec le constat scientifique, nous y rend collectivement aveugles, trop souvent obéissants à la hiérarchie des prix au détriment de l’environnement : l’avion moins cher que le train pour rejoindre une capitale européenne ; la malbouffe plus accessible que l’alimentation de qualité, locale et durable ; les produits importés de l’autre bout du monde, sans normes et produits au charbon, plus compétitifs que nos industries décarbonées.

Cela est particulièrement frappant dans le secteur de l’habillement, qui nous submerge d’injonctions permanentes et quotidiennes à la surconsommation : marketing publicitaire agressif, nouvelles collections hebdomadaires voire quotidiennes, ventes flash et surtout prix cassés. En l’espace de deux décennies, le prix moyen des vêtements a diminué de 30 % tandis que, parallèlement, les quantités achetées ont doublé ; 3,3 milliards de vêtements sont mis sur le marché chaque année, soit 1 milliard de plus qu’il y a dix ans, ce qui représente plus de quarante-huit nouveaux produits par habitant chaque année.

Décorrélé de toute dynamique démographique ou de tout réel besoin, cet emballement conduit simplement les vêtements à être moins portés, plus rapidement relégués au fond de nos placards, pour être jetés quelques années plus tard. Un tiers seulement des vêtements arriveraient en fin de vie par usure ou détérioration. Cette faible durabilité extrinsèque des vêtements est qualifiée d’« obsolescence émotionnelle ».

Cette surconsommation est intimement liée à la montée en puissance de nombreuses enseignes dites de fast fashion ou d’ultra fast fashion – en français, de mode express, mode éphémère ou encore mode jetable. Ces marques inondent les marchés de quantité de nouveaux modèles à des prix défiant toute concurrence. Elles renouvellent leurs collections de manière quasi permanente, pour une durée de commercialisation très courte et avec des promotions continues, afin de créer des effets de mode et provoquer un réflexe d’achat régulier chez les consommateurs. Écrasant toute concurrence, en particulier celle des acteurs du textile traditionnel français, le modèle de la mode jetable et de ses prix chocs tend à s’imposer.

En réalité, ces prix bas ne sont possibles qu’au mépris d’exigences sociales et environnementales élémentaires. In fine, c’est le citoyen qui contribue financièrement pour remédier aux dégâts causés par ce mode de production, à travers les services de collecte, de gestion des déchets et de dépollution, sans parler des ressources publiques mobilisées pour faire face à la multiplication des aléas climatiques et des événements extrêmes – inondations, tempêtes, sécheresses. En vendant les produits à ce prix, les entreprises de la mode éphémère font des profits et écrasent la concurrence, mais laissent à la collectivité une facture considérable.

C’est pour corriger cette « prime au vice » que je vous présente cette proposition de loi, qui s’appuie sur trois piliers.

Le premier est l’information du consommateur. Il est peu connu que l’industrie du textile représente environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre – bien plus que les secteurs aérien et maritime réunis ; ce niveau pourrait même atteindre 26 % en 2050 si les tendances actuelles de consommation se poursuivent. Le polyester, qui est la matière première la plus produite, nécessite pour sa fabrication 70 millions de barils de pétrole par an, tandis que le coton, première alternative végétale aux fibres synthétiques, est la première culture consommatrice de pesticides au monde, mobilisant plus de 10 % des volumes épandus. Au stade de la fabrication, la teinture des vêtements requiert la mobilisation de substances toxiques qui finissent dans les milieux aquatiques : 20 % de la pollution des eaux dans le monde serait ainsi imputable à la teinture et au traitement des textiles. En Chine, 70 % des rivières et lacs seraient touchés. Au cours de leur durée de vie, à chaque lavage, les vêtements comportant des matières synthétiques relâchent dans l’environnement des microfibres plastiques équivalant à plus de 24 milliards de bouteilles plastiques par an. Une étude a ainsi constaté que plus de 90 % des microplastiques trouvés sur les rivages de la Suède étaient constitués de fibres textiles synthétiques.

Compte tenu de la responsabilité de la mode éphémère dans l’augmentation des volumes mis en marché et dans ses effets, l’article 1er de la présente proposition de loi définit la pratique commerciale de la mode éphémère et prévoit l’insertion obligatoire sur les sites internet d’un message d’information et de sensibilisation du consommateur sur l’impact environnemental de cette industrie, accompagné d’une communication incitant au réemploi, au recyclage et à la réparation des vêtements et accessoires.

L’article 2 vise à responsabiliser les entreprises du secteur, pour faire évoluer à la fois les pratiques des producteurs et les comportements d’achat des consommateurs. Concrètement, les entreprises de la filière textile seront soumises à un système de primes et de pénalités renforcées sur les articles mis en vente. Le paiement de pénalités sera probablement répercuté sur le prix acquitté par le consommateur. Le signal-prix ainsi envoyé reflétera davantage la réalité de l’impact environnemental du produit, donnant aux Français une opportunité de s’interroger sur le modèle que leur consommation peut soutenir et, éventuellement, de se tourner vers des habits de meilleure qualité et plus durables. Alors que la France vient de traverser une crise du monde agricole, le sujet fait écho aux revendications de nos agriculteurs du paiement au juste prix de nos produits de consommation.

J’entends parfois dire qu’il s’agit d’une taxe supplémentaire, mais cela n’a rien à voir. L’État ne percevra aucun centime de ces contributions ; elles seront directement gérées par la filière de l’habillement et redistribuées immédiatement, dans leur intégralité, pour faire baisser significativement le prix des vêtements durables, encourager la seconde main ou encore financer la prise en charge de la réparation des vêtements et des chaussures pour tous.

Outre son intérêt écologique, cette mesure permettra d’assurer une concurrence plus équitable pour le secteur textile, français comme européen, et de relocaliser de nombreuses industries et des emplois sur notre continent. L’enjeu est crucial, après des décennies de délocalisations de la production et une division par trois du nombre d’emplois dans l’industrie textile depuis 1990, sans parler de la multiplication plus récente des entreprises placées en redressement judiciaire. C’est d’ailleurs un autre fait méconnu du grand public que l’industrie du textile et de l’habillement pèse de plus en plus fortement sur le déficit commercial français – avec plus de 12 milliards d’euros, soit plus de 20 % du déficit global hors énergie, elle est la troisième industrie la plus déficitaire.

L’article 3 s’attaque à la publicité, particulièrement intrusive, agressive et ciblée, des entreprises de la mode éphémère. Le texte porte à cet égard une ambition forte : interdire, pour tout ce qui en relève, toute forme de publicité, directe ou indirecte, traditionnelle ou sur les réseaux sociaux, des marques comme des influenceurs. Il s’agit non pas d’une mesure radicale, mais bien plutôt de bon sens si nous voulons tenir avec sérieux nos objectifs climatiques et poursuivre le travail de mise en cohérence avec ceux-ci du secteur de la publicité, que le législateur a entamé avec la loi « climat et résilience ».

Ce sont là les principales mesures de ce texte, auxquelles je proposerai d’apporter quelques ajustements, nourris par les très nombreuses auditions que j’ai eu la chance de conduire sur ce texte en tant que rapporteure.

Comme vous tous, je sais l’impact social de la production textile à bas prix, souvent lointaine et délocalisée, au regard notamment de la violation des droits humains, du travail forcé ou du travail des enfants. Malheureusement, présentant ce texte dans le cadre d’une niche parlementaire, nous ne pouvons pas traiter l’ensemble des problématiques du secteur – sans compter les contraintes juridiques qui s’imposent à nous –, et n’en avons retenu que l’aspect environnemental. Je mesure la frustration que cela peut susciter ; elle m’affecte au premier chef.

Je conclus en remerciant les nombreux collègues qui se sont investis sur ce sujet, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger : Jean-Marc Zulesi, président de notre commission, Jimmy Pahun du groupe Démocrate, Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Écologiste-NUPES, Stéphane Delautrette et Dominique Potier du groupe Socialistes et apparentés, Alma Dufour du groupe La France insoumise-NUPES, Antoine Vermorel-Marques du groupe Les Républicains, et bien d’autres encore.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Huguette Tiegna (RE). Depuis le XIXe siècle, nos vêtements sont de plus en plus considérés comme jetables. L’industrie s’est fortement mondialisée, modifiant la répartition géographique de la production dans les secteurs du textile, de l’habillement et de la chaussure. Cette tendance s’est encore accentuée au cours des dernières années, avec l’émergence des phénomènes de fast fashion et d’ultra fast fashion.

Cette mode express est un segment de l’industrie vestimentaire qui se caractérise par le renouvellement très rapide des vêtements proposés à la vente. Le nombre des collections est passé de deux à vingt-quatre par an dans certains magasins, et parfois à de nouveaux modèles chaque jour sur des plateformes d’e-commerce. Plus de 100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde et également exportés dans les pays en développement, au détriment de l’industrie et des savoir-faire locaux, parfois à l’encontre des législations européennes en vigueur.

Ces chiffres sont d’autant plus aberrants que l’industrie textile compte parmi les plus polluantes du monde : son empreinte carbone est estimée à 1,2 milliard de tonnes de CO2, soit environ 10 % des gaz à effet de serre mondial. Si nous n’agissons pas, ces chiffres ne cesseront de croître, contrariant nos ambitions écologiques. Bien sûr, des mesures ont déjà été prises dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) et avec l’adoption, la même année, de la stratégie de l’Union européenne pour les textiles durables et circulaires.

Le groupe Renaissance soutient la présente proposition de loi, qui entend réguler la fast fashion. Il s’agit d’un pas vers des mœurs plus durables, comme la slow fashion. « La mode passe, le style reste », disait Yves Saint Laurent. Les impacts s’inscrivent toutefois dans le temps et il nous revient de réguler ce secteur.

M. Antoine Villedieu (RN). Nous soutiendrons toute initiative qui pourrait inciter – et non contraindre – nos concitoyens à une meilleure consommation. Le vice de la mode ultra éphémère est celui du consumérisme exacerbé, qui rend fou au point d’oublier ce qu’est un objet, son rôle, sa durée de vie et les conditions humaines dans lesquelles il doit être produit, et d’occulter la distance ahurissante qu’il parcourt par rapport à sa valeur et l’empreinte écologique désastreuse qu’il laisse.

Les entreprises d’ultra fast fashion répondent au même schéma. Situées à l’autre bout du monde – surtout en Asie –, elles emploient une main-d’œuvre dans des conditions s’apparentant trop souvent à un esclavage moderne. Elles rejettent une pollution colossale, autour d’elles et dans les eaux, et proposent une mode très bas de gamme, composée essentiellement de polyester, donc de pétrole.

La position de notre groupe est connue de tous et demeure la même : nous soutenons toute initiative susceptible d’encourager une industrie textile plus locale, plus vertueuse, et par conséquent plus écologique, à l’opposé de celle de la mode éphémère. Nous apprécions tout particulièrement la question de société soulevée par ce texte : la valeur donnée à l’objet et la possibilité de son réemploi. Inciter à réparer plutôt que d’acheter du neuf, tel est le principe qui doit s’appliquer à l’ensemble de notre consommation. Cette proposition de loi est l’occasion de repenser notre façon de consommer et, à notre échelle, de reconsidérer notre responsabilité d’Occidentaux important des produits bon marché pour les réexporter en Afrique sous forme de déchets, pour ne pas faire face à l’urgente nécessité de réindustrialiser notre pays.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Une proposition de loi encadrant la fast fashion comme elle ne l’a jamais été en France, de la part de la droite, nous ne l’avions pas vu venir ! Pour une fois, le groupe Horizons porte bien son nom.

L’industrie textile est ce que la mondialisation a fait de pire. Avec 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui en font la troisième industrie la plus polluante au monde ; plus de 2 milliards de vêtements importés chaque année en France, soit 50 par habitant ; des centaines de millions d’invendus venant s’échouer sur les rivages de pays africains, comme le Ghana ; des salaires de misère à 2 dollars par jour au Bangladesh ou en Éthiopie ; du travail forcé dans les camps en Chine et en Ouzbékistan, elle est le symbole parfait des liens entre la crise écologique et l’exploitation des êtres humains. Il n’y a pas de surconsommation sans surproduction, pas de surproduction sans exploitation des travailleurs, jusqu’à l’esclavage.

Au stade où nous en sommes de notre histoire économique, chaque année, en France, nous consommons toujours plus de vêtements et nous perdons toujours plus d’emplois liés à la filière textile, à la fois dans l’industrie, où 375 000 emplois ont été supprimés en cinquante ans dans la fabrication de vêtements, et dans le commerce, avec un solde net des emplois perdus dans la vente de vêtements au cours des dix dernières années de 65 000.

La présente proposition de loi est donc plus que bienvenue. Nous invitons le Gouvernement à accepter les amendements visant à encadrer l’ensemble de la fast fashion, avec des mesures plus drastiques pour la mode ultra éphémère et des pénalités écologiques progressives sur la fast fashion en général, car les problèmes existaient avant l’arrivée de certaines marques ciblées par le texte.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Je viens du territoire de Roanne, dans le bassin lyonnais. Dans les années 1970-1980, nous étions les rois du textile. Puis la vague de délocalisations en Chine a déferlé : pas une seule famille de ma circonscription n’a été épargnée par un licenciement lié à une délocalisation en Asie. À cette époque, seule la production du textile était délocalisée ; la commercialisation ne l’était pas.

Aujourd’hui, des entrepreneurs qui investissent dans le made in France et made in Europe font revivre l’industrie du territoire. Ils sont cependant concurrencés par deux grands changements dans le secteur du textile. Le premier, vertueux, est celui de la seconde main ; le deuxième, beaucoup plus polluant et moins vertueux, est celui de l’ultra fast fashion, qui a conduit à la destruction de 10 000 emplois de proximité en moins d’un an, car c’est désormais la commercialisation qui est délocalisée.

Ce texte dépasse les sensibilités politiques, mais rendons à César ce qui lui appartient et saluons l’engagement de la gauche, notamment européenne : avant les autres, elle a su alerter sur cette question. Puisque nous sommes, dans cette commission, davantage attachés à l’étiquette du vêtement qu’à l’étiquette partisane, j’espère que nous saurons faire aboutir cette proposition de loi. L’ultra fast fashion concurrence de plus en plus notre économie : les industriels français n’y survivront pas si nous n’y mettons pas un terme très rapidement.

Comment le faire ? C’est la question qui pose à travers ce texte. Car selon que nous souhaitons réguler le marché ou l’interdire, nous aurons à choisir entre le bonus-malus – principe que défend le groupe Les Républicains – et l’interdiction de la publicité. Pour paraphraser une influenceuse très connue sur TikTok, le but est de rendre ce texte « trop canon, trop classe » pour le made in France et made in Europe, pas contre la Chine et l’Asie.

M. Jimmy Pahun (Dem). Nous ne devons avoir qu’une seule boussole : l’accord de Paris sur le climat. S’il y a une phrase à retenir de l’exposé des motifs, c’est celle que nous ne pourrons pas « tenir nos engagements en matière de lutte contre le changement climatique, en l’absence d’un retour à des volumes de production soutenables ». Le groupe Démocrate partage cette ambition et soutiendra cette proposition de loi.

La fast fashion, ou mode éphémère ou mode à renouvellement rapide, a des conséquences désastreuses sur l’environnement, la biodiversité et le climat, sans réellement bénéficier aux consommateurs, même modestes. Elle nous entraîne dans une spirale destructrice, dans laquelle les entreprises françaises ne peuvent plus suivre la cadence et perdent des parts de marché et les consommateurs achètent sans besoin et sans compter.

Sans doute est-il ringard d’avoir la nostalgie du temps pas si lointain où l’on proposait deux à quatre collections par an, et penser y revenir serait utopique. Mais l’accord de Paris nous oblige à réguler le marché par des décisions ambitieuses et contraignantes, afin de revenir à des volumes de production soutenables.

Nous vous remercions, madame la rapporteure, d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour de nos travaux. Par ailleurs, la loi Agec est en cours d’évaluation : allons au bout de ses dispositions et tenons nos promesses.

M. Stéphane Delautrette (SOC). À mon tour, je vous remercie, madame la rapporteure, pour cette proposition de loi. Elle permet de mettre sur le devant de la scène l’aberration sociale et écologique que représentent les modèles de la fast fashion et de l’ultra fast fashion. Alors que, traditionnellement, la grande majorité des marques renouvelaient leurs collections de manière semestrielle et saisonnière, les marques de mode express proposent de nouvelles collections chaque semaine, à des prix défiant toute concurrence, poussant ainsi les consommateurs à acheter toujours plus de vêtements de faible, voire de très faible qualité.

Cette stratégie, mise en œuvre le plus souvent au mépris des normes environnementales et sociales qui prévalent en France et en Europe, n’est malheureusement pas sans conséquences : l’industrie textile mondiale est responsable de plus de 10 % des émissions de gaz à effet de serre – un chiffre qui pourrait s’élever à 26 % en 2050 – et utilise plus de 4 % de l’eau potable disponible dans le monde. De plus, elle est une source de pollution majeure de l’eau et de la biodiversité, notamment en raison des produits chimiques et des pesticides utilisés tout au long du processus de fabrication.

L’impact social du secteur est également désastreux. Si l’effondrement, en 2013, du Rana Plaza, au Bangladesh, a provoqué une vaste onde de choc dans notre pays, force est de constater que la production de textile continue à être largement localisée dans des pays ne respectant aucune norme européenne en termes de salaires, de conditions de travail ou d’utilisation de produits chimiques. Aucune industrie ne peut résister à une telle concurrence déloyale. Si l’on constate une division par trois du nombre d’emplois dans l’industrie textile depuis 1990, c’est en grande partie du fait de l’essor de la fast fashion.

Cette proposition de loi entend, à juste titre, s’attaquer à cette surproduction de vêtements, en utilisant notamment les leviers des écomodulations mises en place au sein de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) du textile. Les membres du groupe Socialistes et apparentés défendront des amendements afin d’aller encore plus loin.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je félicite et remercie Mme la rapporteure et l’ensemble des membres du groupe Horizons et apparentés pour ce texte majeur. Il s’inscrit dans la continuité des travaux que nous menons depuis plusieurs années au sein de cette commission, avec notamment la loi Agec.

L’industrie textile s’est considérablement transformée ces dernières années. Du fait de la fast fashion ou mode éphémère, le nombre de vêtements proposés annuellement à la vente a progressé de 1 milliard en dix ans, atteignant 3,3 milliards de produits, soit plus de 48 par habitant. Plusieurs enseignes de mode jetable se partagent une partie du secteur de l’habillement en raison du succès économique de ce modèle – le chiffre d’affaires de certaines marques, comme Shein, a progressé de 900 % en seulement trois ans.

Ces bouleversements ne sont pas sans conséquences, et d’abord sur l’environnement : outre la pollution des sols et des eaux, l’industrie du textile est responsable d’environ 10 % des émissions de gaz à effet de serre, soit plus que l’ensemble des vols et des transports maritimes internationaux. Sur le plan social, la production textile, souvent lointaine, se caractérise par des pratiques de volumes importants et de prix bas, qui rend leur concurrence difficile à soutenir pour les acteurs français.

Vous sachant, madame la rapporteure, particulièrement engagée sur le sujet, je ne doute pas qu’avec votre proposition de loi, nous irons plus loin dans la protection de notre filière textile française, grâce notamment au principe de bonus-malus inscrit à l’article 2, et dans celle de l’environnement, à travers la sensibilisation des consommateurs et l’interdiction de la publicité pour les entreprises de fast fashion. Bien entendu, nous soutiendrons ce texte et nous appelons l’ensemble des groupes parlementaires à faire de même.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La fast fashion est le symbole de ce que notre société produit de pire en matière de fléau. Surexploitation des ressources naturelles, pollution sans compter, exploitation des ouvriers et des ouvrières, manipulation des consciences pour encourager à surconsommer, le seul objectif est de toujours tirer vers le bas – les prix, les salaires, les normes et les droits. Les conséquences sont funestes ; chaque jour apporte son lot de faillites et de scandales en matière de pollution ou de conditions de travail pour les femmes et pour les enfants, notamment dans des pays d’Asie.

Comme l’ensemble des intervenants, je me réjouis de la volonté parlementaire de dire clairement stop à ce modèle. De fait, les enseignes ne s’arrêteront pas d’elles-mêmes et il est de notre rôle de législateur de donner un coup d’arrêt à ces pratiques. Le groupe Écologiste-NUPES est historiquement mobilisé contre ce fléau, et je remercie la rapporteure et le groupe Horizons et apparentés d’avoir inscrit cette proposition de loi à notre ordre du jour, et de travailler dans un esprit d’ouverture pour construire le texte le plus efficace possible.

Notre groupe n’aura qu’une priorité : l’adoption de solutions concrètes et efficaces. Nous voulons éviter de laisser des possibilités d’échappatoire aux entreprises, ou de faire porter le poids uniquement sur les consommateurs. Nous présenterons plusieurs propositions : des quotas pour réduire les importations ; la pénalisation de la surproduction ; la définition des différentes sortes de fast fashion ; la fixation de pénalités minimales.

J’espère que nous adopterons un texte ambitieux qui gênera sans doute les intérêts des quelques multinationales enfermées dans un modèle destructeur, mais ouvrira des perspectives positives. Il s’agit de ne plus voir des boutiques fermer, de mettre un terme à la concurrence déloyale et de faire en sorte que les consommateurs puissent acheter des vêtements dans lesquels ils se sentent bien et qui ne mettent pas leur santé en danger.

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Il est bien rare que le neuvième orateur soit d’accord avec tous les orateurs qui l’ont précédé ! À mon tour, je tiens à remercier la rapporteure et le groupe Horizons et apparentés de nous proposer de légiférer sur ce sujet de première importance.

La mode jetable doit son essor à un modèle de production combinant volumes et prix bas. Outre qu’il a mis en grande difficulté le secteur de l’habillement, contraignant de nombreuses enseignes à mettre la clé sous la porte, ce modèle se traduit surtout par des atteintes insupportables aux droits humains dans les pays producteurs : travail forcé, travail des enfants, mise en danger de la vie des travailleurs et parfois des riverains des sites de production, conditions de travail et de rémunération inacceptables. Nous regrettons que le texte n’en fasse pas suffisamment mention pour se concentrer sur l’impact environnemental, aussi massif soit-il – j’y reviendrai avec un amendement. Dans ce modèle économique, en effet, l’exploitation des hommes et des ressources va de pair ; on ne peut dissocier les enjeux. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’outre la régulation du secteur, il nous faut envisager l’interdiction pure et simple de la mise sur le marché des produits concernés. Ces produits ne répondent pas aux normes sociales, environnementales et sanitaires minimales que nos concitoyens sont en droit d’exiger. Le minimum que nous puissions faire est d’instaurer un système de quotas d’importation tel que celui qui existait avant 2005. Les pouvoirs publics doivent prendre l’initiative, en coopération avec les ONG, de lancer des campagnes nationales d’information sur les dégâts sociaux et environnementaux occasionnés par la fast fashion et sur les alternatives plus durables à la disposition des consommateurs.

Alors que la directive européenne sur le devoir de vigilance, destinée à mieux protéger les millions de personnes qui souffrent des atteintes aux droits humains et environnementaux, menace d’être définitivement enterrée avec la complicité de la France, nous nous devons de réagir et de ne pas cautionner des pratiques inqualifiables. Votre texte fait un premier pas dans ce sens, sans doute utile mais encore un peu trop timide.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’histoire industrielle de notre pays est largement liée à celle du textile. Cette industrie a longtemps contribué à la richesse et au dynamisme de nos territoires avant que les entreprises fassent le choix des pays à bas coûts. En vingt ans, le secteur économique a perdu quasiment les deux tiers de ses effectifs et plus de la moitié de sa production. C’est un drame pour les territoires concernés et une catastrophe sociale et environnementale pour les pays où la production a été relocalisée – nous avons tous en tête le drame du Rana Plaza ou les révélations sur le travail forcé des Ouïgours. De même, les dégâts écologiques engendrés par l’industrie de la mode devraient tous nous alarmer, d’autant plus que les tendances à l’achat sont en pleine croissance. Les responsables, nommons-les afin de lutter contre eux, sont les marques de la fast fashion.

Cette proposition de loi met en place des outils utiles pour lutter contre les achats compulsifs. En préambule, la rapporteure nous propose de définir la fast fashion : en relèveront les marques distribuant un nombre de produits neufs dépassant un seuil. Alors que tout l’enjeu réside dans la fixation de ce seuil, le choix de le renvoyer à un décret nous semble hasardeux. Trop haut, le seuil fixé par le Gouvernement ne concernerait qu’une minorité de marques ; trop bas, il risquerait de toucher des fleurons nationaux. Nous devrons être vigilants.

Il nous est également proposé d’interdire aux entreprises de faire la promotion de leurs produits et de leur imposer la publication sur leurs sites internet de messages de sensibilisation. Ces dispositions vont dans le bon sens. De même, nous sommes favorables à l’instauration d’un véritable malus sur les produits issus de la fast fashion. Il est urgent de renchérir leur prix, pour qu’enfin celui-ci en reflète les externalités négatives. Il nous faudra également être vigilants quant à la mise en œuvre de ce malus.

Nul ne peut ignorer qu’un vêtement vendu quelques euros est fait d’économies salariales et de conditions de travail déplorables. C’est pourquoi le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra cette proposition de loi, moyennant quelques ajustements.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé à cette proposition de loi. Le devenir de notre planète et l’environnement dépassent les clivages politiques, la manière dont nous avons travaillé l’a bien montré. Je remercie les personnes auditionnées – fédérations, ONG, associations et personnes qualifiées – qui ont éclairé notre réflexion et m’ont amenée à déposer de nouveaux amendements afin de préciser la rédaction de cette proposition de loi.

Article 1er : Définition d’une nouvelle pratique commerciale dans le secteur des textiles, linges et chaussures

Amendements CD165 de M. Édouard Bénard, CD132 de M. Jean-Marc Zulesi et CD146 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). L’amendement CD165 reprend une proposition de la Fédération de la mode circulaire afin de préciser la définition des pratiques commerciales visées par le texte. Outre le critère du volume de modèles commercialisés, il s’agirait de prendre en compte le nombre de modèles mis à la disposition des consommateurs sur les plateformes, la fréquence et l’intensité des promotions ainsi que la réparabilité des produits.

L’amendement multiplie les critères dans le but non pas de restreindre le champ d’application de la loi, mais de mieux identifier les pratiques qu’il s’agit d’encadrer, voire de réprimer.

M. le président Jean-Marc Zulesi. L’amendement CD132 a été travaillé avec les commerçants de Salon-de-Provence. Il vise à compléter la définition de la fast fashion en y incluant deux critères : le prix de vente moyen et le nombre d’emplois directs créés sur le territoire français.

M. Antoine Villedieu (RN). La proposition de loi retient comme critère exclusif de définition de la mode express le nombre de nouveaux modèles mis à disposition ou distribués quotidiennement. Si cet indicateur est fondamental, il ne suffit pas à identifier ce type de mode, pour deux raisons. Premièrement, il ouvre trop de possibilités de contournement. La multiplication des sous-traitants permettrait de rester sous le seuil fixé par décret et de renouveler plus fréquemment les gammes pour inciter les clients à continuer à se connecter quotidiennement. Deuxièmement, le seuil est susceptible de s’appliquer à des plateformes de vente de produits neufs, qui, à l’instar des places de marché, ne sont pas des producteurs ; ces dernières mettent en valeur des produits de différentes marques qui ne sont pas des acteurs de la mode express. L’amendement CD146 vise donc à compléter le critère du nombre de modèles par ceux de la fréquence du renouvellement, d’une part, et de la régularité et de l’intensité des promotions, d’autre part. Cela rendrait la définition plus complète et plus juste.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Monsieur Bénard, certains des critères que vous proposez paraissent difficiles à mesurer – le respect des droits humains, par exemple. En outre, la quantité globale d’unités produites sur le marché n’est pas nécessairement révélatrice. Ce critère pénaliserait les entreprises qui disposent du réseau de magasins le plus étendu ou qui proposent des collections de vêtements larges, destinées à tous les âges et aux deux sexes. Avis défavorable.

Monsieur le président, le prix de vente moyen ne me paraît pas être le critère le plus pertinent. Beaucoup d’enseignes achètent en grande quantité des produits qu’elles vendent à un très faible prix, ce qui rend difficile le calcul du prix de vente moyen. Je préfère maintenir la rédaction de la proposition de loi, qui se fonde sur des seuils quantitatifs relatifs au nombre de nouveaux modèles et à la durée de commercialisation. Ces critères ont été évoqués systématiquement tout au long des auditions.

Monsieur Villedieu, la mode express ou ultra éphémère peut en effet se caractériser par des pratiques promotionnelles intensives. Néanmoins, votre rédaction ne me paraît pas adaptée. D’une part, la réactivité sera facilitée par l’inscription des seuils dans le décret. D’autre part, nous souhaitons absolument mettre en cause la commercialisation de nouveaux modèles. Avis défavorable.

L’amendement CD132 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements CD50 de M. Antoine Vermorel-Marques et CD86 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). L’amendement CD50 vise à inscrire à l’article 1er la notion de « metteur en marché », qui correspond à la terminologie officielle des filières REP. Cette rédaction serait cohérente avec les dispositions de l’article 2.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). La question de savoir si les notions de mode éphémère, de références ou de mise en marché doivent être appréciées au niveau du site web ou de la marque fait débat. Shein, qui est la principale entreprise visée par le texte, est, depuis décembre 2023, une place de marché. Si on exclut les sites web et les places de marché, il sera très facile pour une entreprise comme celle-là de contourner la législation : il lui suffira de demander à ses ateliers en Chine de créer une entité juridique société écran, comme il en existe depuis une dizaine d’années pour AliExpress, Wish ou Amazon ; elle peut même en créer une pour elle-même. Ces structures juridiques séparées sont présentes sur le même site web ; cela ne change rien pour le consommateur, qui ne voit que la marque Shein – le nom du petit vendeur tiers est écrit en caractères minuscules. Le nombre de références est considérablement divisé et la place de marché passe sous les seuils légaux. Ces structures ont précisément été inventées dans le but de contourner les règles : il faut donc absolument les inclure dans la définition et, plus généralement, se pencher sur la question du e-commerce.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements.

Monsieur Vermorel-Marques, la mise en marché est en effet le terme utilisé dans le cadre des filières à responsabilité élargie des producteurs, mais nous définissons ici une nouvelle pratique commerciale qui n’est pas liée stricto sensu aux principes de la REP en matière de paiement des écocontributions. Or la notion de mise sur le marché pourrait partiellement inclure les places de marché, puisque, assumant le paiement de l’écocontribution pour des vendeurs tiers, elles sont, à ce titre, des metteurs sur le marché, même si elles n’opèrent pas une activité de distribution et ne sont pas considérées comme des opérateurs économiques au sens du droit de l’Union européenne. Nous ne souhaitons pas inclure les places de marché dans la définition de la mode express, dans la mesure où elles jouent un rôle d’intermédiaire. Je préfère maintenir les termes de « mise à disposition » et de « distribution ».

Madame Dufour, nous ne souhaitons pas, comme je viens de le dire, inclure les places de marché dans la définition, pour deux raisons. D’abord, à moins de commercialiser leurs propres produits sous leur marque, les places de marché ne sont pas des producteurs et donc des donneurs d’ordre entrant dans la problématique de la surproduction de vêtements. Je ne nie pas qu’elles facilitent les achats en ligne, mais comment déterminer qui, de la place de marché qui permet l’achat de produits de vendeurs tiers ou du vendeur tiers lui-même, est l’auteur de la pratique commerciale de la mode express ?

Ensuite, on ne peut pas, juridiquement, inclure les places de marché dans la catégorie des personnes qui mettent à disposition ou distribuent des produits. Ces entités ne sont que des intermédiaires entre des clients et des vendeurs. Au sens du droit de l’Union européenne, elles ne constituent pas des opérateurs acteurs économiques. Il faudrait donc les distinguer des personnes effectuant des opérations de mise à disposition et de distribution.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD185 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Cet amendement vise à compléter la définition de la pratique commerciale par l’ajout du mot « élevé » après le mot « nombre » à l’alinéa 2. Le décret devra prendre en compte cette précision pour la fixation des seuils.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD105 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je vous propose de préciser que pour définir la pratique commerciale, il faut prendre en compte non les produits effectivement commercialisés, mais les nouveaux modèles proposés à la vente.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD55 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Il s’agit de substituer au terme « modèles » celui de « références » pour se prémunir d’une interprétation extensive du juge.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. J’y suis favorable, car la notion de référence est davantage utilisée dans le secteur de la mode et du textile que celle de modèle, qui n’a pas de véritable définition juridique. La référence renvoie plus précisément à la couleur ; un modèle se décline ainsi en plusieurs références. C’est une unité qui, pour l’entreprise, est plus facile à connaître et à comptabiliser.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CD9 de M. Stéphane Delautrette et CD8 de M. Dominique Potier (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons de considérer que la mise à disposition ou la distribution d’une quantité supérieure ou égale à 100 000 produits par catégorie et par an caractérise la surproduction et la surconsommation qui en découle.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Vous souhaitez définir une nouvelle pratique commerciale, dite de surproduction et de surconsommation incompatibles avec les limites planétaires, qui serait caractérisée à partir de certains seuils. Il ne me paraît ni nécessaire ni souhaitable de multiplier les caractérisations des pratiques commerciales, compte tenu des impératifs de lisibilité, de simplicité et d’efficacité. N’oublions pas que le texte prévoit des mesures contraignantes particulièrement ambitieuses en matière d’information du consommateur et d’interdiction de la publicité. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD52 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Le texte devrait cibler les entreprises et non les produits, puisque la REP s’applique aux producteurs. L’enjeu est que les entreprises changent de mode de production.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Cette précision n’apporte rien puisque les producteurs sont soumis à la REP en fonction des produits qu’ils mettent sur le marché. La REP ne vise pas l’entreprise en tant qu’entité juridique. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD7 et CD6 de M. Stéphane Delautrette, CD5 de M. Dominique Potier, CD49, CD48, CD47 et CD46 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Par ces amendements, nous souhaitons préciser dans la proposition de loi, au lieu de nous en remettre au décret, le seuil à partir duquel s’appliquera un malus sur les productions textiles. L’amendement CD7 a pour objet de fixer ce seuil à 30 000 nouvelles références commercialisées chaque année et les amendements CD6 et CD5 proposent de l’établir, respectivement, à 20 000 et 10 000 références annuelles.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Nous sommes tous animés par la ferme volonté de réguler le marché, mais on peut craindre que des pressions diplomatiques sur le pouvoir exécutif ou des menaces de rétorsion commerciale n’influent sur la rédaction du décret et, partant, sur l’application de la loi. C’est la raison pour laquelle nous défendons des amendements visant à définir dans la loi un seuil minimal caractérisant la fast fashion.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Notre objectif est d’être aussi réactifs et agiles que l’industrie de la mode. Il sera bien plus facile de modifier le décret que la loi. J’ai toute confiance dans la détermination du Gouvernement à s’attaquer à la question de la mode express et à fixer des seuils pertinents. M. Béchu a fait des annonces très volontaristes lundi. Je souhaite que nous en restions à la rédaction actuelle.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Dans la loi Agec, était prévue l’application d’un malus pouvant atteindre 20 % du prix du produit dans les filières REP – y compris, donc, dans la filière textile. Ce dispositif devait être précisé par décret ; le Gouvernement ne l’a jamais pris. L’écocontribution s’élève à quelques centimes pour un vêtement, ce qui n’incite en rien les producteurs à adopter les bons comportements. On a perdu quatre ans parce qu’on a laissé au Gouvernement la possibilité de fixer les choses par décret.

Je comprends que M. Vermorel-Marques s’inquiète des conséquences que pourrait avoir la proposition de loi sur nos relations commerciales avec la Chine. Certaines entreprises qui exportent vers ce pays n’ont certes pas intérêt à voir installer des barrières douanières – celles du luxe n’ont pas dû se réjouir de l’arrivée de ce texte. Mais il y a tout un secteur du pays à protéger et à réindustrialiser, qui a besoin de barrières protectionnistes. Voilà pourquoi nous nous devons d’être ambitieux dans la rédaction de l’article 1er – raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements de nos collègues socialistes – ainsi que dans celle de l’article 2, concernant le malus progressif.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Nous visons le même objectif. Les législateurs que nous sommes doivent aider l’exécutif à faire preuve d’ambition dans la définition de la fast fashion. Il s’agit d’éviter qu’une fois la loi adoptée, les pressions diplomatiques n’affaiblissent la volonté exprimée par la souveraineté nationale que nous incarnons.

M. Damien Adam (RE). Je comprends la logique qui conduit à recourir au décret, mais il nous faut être très clairs sur les entreprises visées. Au-delà du cas extrême de Shein, il faut s’assurer que le texte s’applique à Primark, à Asos et à l’ensemble des acteurs de la fast fashion. J’aimerais être certain que ce sera le cas, et je voudrais savoir comment on y arrivera – peut-être en fixant des seuils dans la loi. Sans partager complètement les propos de Mme Dufour, je constate également que l’ambition très forte que nous avions exprimée dans la loi Agec n’a pas forcément trouvé de concrétisation. À côté du malus, il faut aussi promouvoir, de manière complémentaire, un bonus – il avantagerait la production française puisque nos entreprises sont les plus vertueuses sur le plan social et environnemental. Compte tenu du montant de nos cotisations sociales et des conditions de fabrication des produits français, le prix de ces derniers est nécessairement plus élevé que celui des articles importés de pays qui n’appliquent aucune règle ou si peu.

M. Bruno Millienne (Dem). Je partage les points de vue qui ont été exprimés. Cela étant, les chiffres qui sont avancés vont un peu dans tous les sens, ce qui justifierait sans doute une étude plus approfondie. Par ailleurs, le dispositif proposé se heurte à des effets de seuil. Il faudrait trouver une définition plus solide pour englober tous ceux que l’on considère comme des acteurs de la fast fashion.

L’amendement CD49 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD194 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Cet amendement vise à ce que le décret mentionné à l’alinéa 2 soit un décret en Conseil d’État, compte tenu de l’importance du sujet et des conséquences du recours à cette pratique commerciale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD4 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous vous invitons à suivre les recommandations du Parlement européen, qui appelle les États membres à adopter des mesures destinées à mettre fin à la mode éphémère. Nous nous appuyons sur une résolution qu’il a adoptée concernant la stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires. Il s’agit, par cet amendement, de cibler la mise à disposition ou la distribution d’un nombre de modèles de produits neufs « fondée sur des volumes importants de vêtements de moindre qualité, à bas prix ».

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je comprends votre démarche, mais une telle formulation me paraît discutable juridiquement. Qu’est-ce qu’un « bas prix » ? Dans quelle mesure peut-on dire qu’un vêtement est « de moindre qualité », alors que certains articles de la mode éphémère composés de polyester peuvent être résistants ? Nous estimons plus prudent de nous en tenir au nombre de nouvelles références et à leur durée de commercialisation, qui sont deux caractéristiques facilement objectivables et déterminantes de la mode éphémère. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD176 de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CD126 de M. Emmanuel Blairy tombe.

Amendement CD54 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Il pourrait être utile de fixer dans la loi un seuil que le Gouvernement ne pourrait pas relever, ce qui serait, en quelque sorte, une manière de l’aider.

L’objet de l’amendement CD54 est de prévoir l’inscription du seuil dans la loi.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je souhaite que la définition des seuils et leurs montants soit fixée par décret et non dans la loi. Comme je l’ai dit, les inscrire dans la loi obligerait à légiférer de nouveau pour les modifier – une procédure bien trop lourde. Il est néanmoins indispensable que la loi précise les critères devant être retenus pour la fixation des seuils. Les deux critères indispensables nous paraissent être celui du nombre de nouveaux modèles ou de nouvelles références par unité de temps et la durée de commercialisation. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). Il faut travailler avec le Gouvernement pour clarifier cette définition. Je suggère la création d’un groupe de travail transpartisan sur ce sujet. Il faut veiller à ce que des entreprises qui recourent aux pratiques de la mode éphémère ne puissent pas échapper à la loi et, a contrario, s’assurer que des entreprises françaises qui ne se livrent pas à ces pratiques ne soient pas assimilées à des acteurs de la mode express.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Une telle définition doit être inscrite dans la loi dès la semaine prochaine. Madame la rapporteure, je suggère que vous nous soumettiez une proposition, que vous pourriez élaborer en lien avec le Gouvernement. Le texte doit permettre de lutter efficacement contre la fast fashion et inciter à la production en France et en Europe. Si, malgré sa volonté, on laisse une marge de manœuvre trop importante au Gouvernement, il est à craindre que des menaces de rétorsion ou des pressions diplomatiques ne réduisent la loi à rien.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Nous devons en effet accompagner le Gouvernement dans la définition des seuils. Voilà plusieurs semaines que nous travaillons sur le sujet ; il nous en reste une pour finaliser les choses. Nous sommes à la disposition du Gouvernement pour constituer ce groupe de travail dès maintenant, l’objectif étant d’adopter à l’unanimité un amendement commun définissant des seuils.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je comptais justement proposer au ministre la création d’un groupe transpartisan pour l’accompagner dans la rédaction des décrets. Je suis confiante dans la volonté manifeste du Gouvernement et du ministre de parvenir à une écriture juste et proportionnée.

Monsieur Millienne, la loi vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Les entreprises les plus polluantes sont ces mastodontes asiatiques, mais les autres sociétés ne sont pas pour autant exclues du champ de la loi. Les dispositions de l’article 2 permettront de jouer sur l’écomodulation des pénalités.

Mon avis demeure défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement rédactionnel CD56 de M. Antoine Vermorel-Marques

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Défavorable. Le mot « notamment » est important parce qu’il permettra d’ajouter aux deux critères retenus pour la définition d’autres éléments qui pourraient paraître pertinents au ministère.

La commission rejette l’amendement.

Amendement de coordination CD59 de M. Antoine Vermorel-Marques

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Favorable. Par cohérence avec l’alinéa 1er, il est en effet préférable d’employer le mot « références ».

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD60 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Cet amendement a trait à une question que je ne suis pas parvenu à trancher et qui pourrait constituer la seule objection légitimement opposable à la régulation proposée par le texte. Réagissant à une vidéo que j’ai publiée sur les réseaux sociaux, des personnes qui éprouvent des difficultés à s’habiller m’ont indiqué qu’elles ne trouvaient d’articles à leur taille que dans la fast fashion. Je pensais, comme certains viennent de le dire en aparté, que ce n’était pas vrai. Mais les industriels du textile français que j’ai rencontrés m’ont fait part de leurs difficultés à produire une gamme de produits suffisamment large.

Nous devons trouver les moyens de réguler le secteur tout en préservant la dignité humaine et la possibilité pour chacun de s’habiller. C’est l’objet de mon amendement d’appel.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Si vous aviez assisté aux auditions, vous sauriez que la réponse est bien plus nuancée. L’offre existe – des jeunes créateurs sont ainsi capables de produire des grandes tailles et des marques de grande distribution en proposent –, même si le marché est encore limité. Avis défavorable.

Mme Danielle Brulebois (RE). Il est difficile de trouver des grandes tailles. Seules les marques à bas prix proposent une large gamme. Dans nombre de boutiques, il n’est pas possible de vous habiller si vous êtes au-delà de la taille 40.

Il faut encourager les metteurs sur le marché à s’intéresser aux grandes tailles et à habiller la population dans toute sa diversité morphologique. N’oublions pas que le désir de s’habiller en XS ou en 36 incite certaines jeunes filles à adopter des comportements alimentaires qui peuvent conduire à l’anorexie.

M. Bruno Millienne (Dem). Le problème est sans doute lié au genre. Les hommes n’ont aucun mal à s’habiller en grande taille, je peux en témoigner. En revanche, c’est plus compliqué pour les femmes, je l’ai noté en accompagnant mon épouse et ses amies dans les magasins.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). La fin du délai de dépôt des amendements coïncidait avec la journée mondiale contre l’obésité. Il importe de n’écarter personne et d’assurer la dignité vestimentaire aux personnes en surpoids.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD57 et CD58 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). L’amendement CD57 vise à substituer, dans la définition de la fast fashion, les critères de l’intensité des promotions et du mode de distribution, à celui de la durée de commercialisation.

L’amendement CD58 met en avant les critères de l’empreinte carbone et de la durabilité des matières utilisées.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Parce que nous avons conservé l’adverbe « notamment », il sera possible de prendre en considération d’autres critères

S’agissant des promotions, il sera difficile de définir un seuil pertinent.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CD188 et CD61 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Les amendements CD188 et CD61 concernent respectivement une coordination et une correction orthographique.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement CD188.

En conséquence, l’amendement CD61 tombe.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD62 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD187 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’amendement vise à préciser les seuils qui permettront de discriminer les pratiques commerciales en s’appuyant sur la faible durée de la commercialisation.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CD193 de la rapporteure.

Amendement CD171 de M. Vincent Thiébaut

M. Vincent Thiébaut (HOR). Il s’agit de préciser que les pratiques de déstockage de produits textiles invendus ne relèvent pas de la pratique commerciale de collections à renouvellement très rapide.

La définition du déstockage nécessite sans doute d’être revue, car certaines enseignes stockent des produits avant de les vendre en tant qu’invendus lors des périodes de soldes ou de promotions.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement.

L’objectif est de ne pas assimiler la mise à disposition ou la distribution de produits textiles aux activités des plateformes, au risque de les inclure dans la pratique commerciale de la mode express, quand bien même elle serait le fait de metteurs sur le marché au sens de la REP : il s’agit des plateformes, maintenant essentiellement en ligne, qui font des ventes d’invendus de marques, et donc font du déstockage de produits qui ont déjà été mis sur le marché. Ces ventes dites privées ou de déstockage se font souvent à prix réduit.

On ne peut pas nier l’utilité de telles pratiques au titre de la prévention des déchets puisque, dans un premier temps, ces acteurs évitent aux marques d’avoir trop d’invendus.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Attention aux fausses bonnes idées ! La définition inscrite dans la proposition de loi ouvre la porte à tous les contournements possibles et imaginables.

Il n’est pas question de s’en prendre à Vestiaire collective ou Vinted. Toutefois, si la définition n’est pas plus précise, une marque peut s’abriter derrière le déstockage sur de la surproduction. Vous aurez alors raté la cible. Quant à Internet, comment pourra-t-on vérifier ?

Il faut travailler sur la notion d’acteurs tiers qui font du déstockage par rapport à la marque initiale ainsi que sur la notion d’invendus. Nous sommes défavorables à l’amendement, car les avantages seront moins importants que les inconvénients.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD1 de M. Stéphane Delautrette et CD118 de M. Jorys Bovet (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CD1 vise à mettre l’accent sur la transparence à l’égard des consommateurs en renforçant les obligations d’affichage et d’information des producteurs, distributeurs et importateurs de produits textiles, conformément aux principes édictés dans la loi Agec.

M. Antoine Villedieu (RN). Afin de rendre plus efficaces l’information et la sensibilisation du consommateur, il est proposé de substituer au message affiché à côté du prix de chaque article l’ouverture d’une fenêtre dès l’arrivée sur la plateforme de vente de mode express. Ce dispositif est à la fois plus simple à mettre en place sur le plan technique et plus visible pour le consommateur.

La plupart des achats sur ces sites étant effectués par le biais de smartphones, l’indication supplémentaire risque d’être noyée au milieu de nombreuses autres. La confirmation de lecture du message de sensibilisation serait obligatoire pour faire disparaître la fenêtre et ainsi pouvoir naviguer sur le site.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. S’agissant du premier amendement, toutes ces informations sont pertinentes mais elles mêlent impact social et environnemental. Or nous sommes convaincus que, pour être entendus, les messages sur le réemploi et le recyclage doivent être ciblés.

Quant au second, il est contraire au droit européen. On ne peut pas imposer une telle obligation à des acteurs qui opèrent en dehors du territoire français, ce qui est le cas de la plupart des plateformes. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CD199 de la rapporteure, CD53 et CD51 de M. Antoine Vermorel-Marques et CD87 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit de préciser que l’obligation d’afficher sur leur site de vente en ligne des messages de sensibilisation concerne les personnes qui, par leur activité, ont recours à la pratique commerciale nouvellement définie, et non tous les metteurs sur le marché de produits textiles, linges de maison et chaussures (TLC).

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). L’amendement CD53 est défendu et le CD51, retiré.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Il convient de veiller à ce que les places de marché soient bien comptables du respect de la loi, y compris par des vendeurs tiers, des sociétés écrans que l’on ne pourra jamais poursuivre jusqu’en Chine pour qu’elles se plient à leurs obligations.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CD199 et défavorable aux autres.

L’amendement CD51 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD199.

En conséquence, les autres amendements tombent ainsi que l’amendement CD64 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD10 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement vise à ajouter que les informations affichées doivent être fiables sur l’incidence des produits sur l’environnement.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Les données que vous souhaitez voir affichées le sont déjà au titre des obligations d’information des consommateurs imposées par l’article L. 541-9-1 du code de l’environnement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD65 et CD66 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). L’amendement CD65 vise à élargir le message de sensibilisation à l’impact social, sanitaire et économique de la fast fashion.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Du fait de l’adoption de l’amendement CD199, l’obligation d’affichage des messages de sensibilisation ne concerne que les sites de vente de mode express. Votre amendement est donc satisfait.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Il ne l’est pas, car son objet est d’élargir le message. Le consommateur doit être informé des conséquences sanitaires, sociales et économiques de son acte d’achat. L’impact de la fast fashion n’est pas seulement environnemental, il est aussi sanitaire – les études de Greenpeace l’ont montré –, social sous l’aspect des conditions de travail, et économique en menaçant les emplois en France.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre amendement est satisfait en ce qui concerne la cible visée. S’agissant du message, il doit s’en tenir aux conséquences environnementales pour une meilleure lisibilité et efficacité.

La commission adopte l’amendement CD65.

En conséquence, l’amendement CD66 tombe ainsi que les amendements CD127 de M. Emmanuel Blairy, CD24 de M. Stéphane Delautrette et CD68 de M. Édouard Bénard.

Amendement CD67 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Il s’agit de compléter l’affichage obligatoire des informations sur les qualités et les caractéristiques environnementales du produit par un message encourageant le réemploi et la réparation.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Les informations que vous mentionnez, parfois appelées fiche-produit, peuvent être consultables en ligne ou en rayon. Les modalités d’affichage sont déjà définies : souvent l’information est accessible sur une page internet distincte de celle de l’achat. Il semble donc difficile d’articuler cette obligation avec notre dispositif, qui de surcroît ne concerne que la vente en ligne. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD177 de la rapporteure.

Amendements CD63 de M. Antoine Vermorel-Marques et CD123 de M. Daniel Grenon (discussion commune)

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Il s’agit d’un débat de fond. De mon point de vue, le message doit être affiché sous forme de bandeau en haut ou en bas de chaque page de la plateforme afin d’être très visible par le consommateur, et pas simplement à côté du prix en petits caractères comme les plateformes pourraient être tentées de le faire. On n’imagine pas un message de prévention sur le tabac qui ne serait pas affiché sur le paquet.

M. Daniel Grenon (RN). Cet amendement vise à s’assurer que les messages sont bien visibles des consommateurs et pas perdus quelque part sur le site. Il tend donc à préciser que le message doit figurer non pas à proximité mais à côté du prix pour éviter que la plateforme le dissimule.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Les modalités d’affichage envisagées garantissent la visibilité. Par ailleurs, il n’appartient pas à la loi d’entrer dans un tel niveau de précision.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD198 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit d’indiquer que le contenu des messages de sensibilisation sera défini par décret.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD147 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). L’objectif de l’article est d’aider les clients à prendre conscience de l’impact environnemental des produits qu’ils achètent.

L’effet de l’affichage du montant de l’écocontribution reste, à ce stade, très limité. Il est proposé de lui substituer, pour les produits textiles, l’affichage du malus ou du bonus appliqué à l’écocontribution. Les modalités seront précisées par décret, mais on peut imaginer de mettre en valeur le bonus et le malus sous la forme de pastilles rouges ou vertes. Ce serait bien plus compréhensible pour le consommateur et plus efficace pour le sensibiliser à l’impact environnemental négatif ou positif d’un produit.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’obligation d’affichage n’a pas vocation à informer sur la responsabilité élargie des producteurs. En outre, à force de multiplier les informations, on risque de brouiller le message et de perdre en efficacité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD3 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement a pour objet d’imposer aux producteurs de textiles contenant des fibres plastiques des objectifs de performance en matière de recyclage.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’amendement ne précise pas d’objectifs autres que ceux de la loi Agec. La filière REP des TLC peut déterminer de tels objectifs dans son cahier des charges. Une telle disposition législative n’a pas de portée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD189 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit de supprimer une précision inutile.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CD72 de M. Antoine Vermorel-Marques tombe.

Amendement CD88 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Je remercie le groupe Horizons et Mme la rapporteure de nous proposer un texte qui vise à réduire l’impact environnemental de l’industrie du textile.

J’y suis particulièrement sensible parce que les directives-cadres n’encadrent pas suffisamment la présence de certaines molécules, appelées polluants éternels ou « PFAS », qui contaminent l’eau, l’air et les sols et que contiennent certains textiles. Les PFAS représentent un risque majeur pour la santé, car ils peuvent entraîner des taux élevés de cholestérol, une diminution de poids à la naissance, des perturbations du fonctionnement du foie et une moins bonne réponse aux vaccins pour les enfants.

Dans votre présentation, vous avez évoqué la dimension consumériste de la fast fashion ainsi que son impact écologique. L’amendement vise à informer les consommateurs, par un affichage ou tout procédé approprié, de la présence de PFAS dans les produits qu’ils achètent.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je partage évidemment votre préoccupation, mais elle me semble satisfaite par l’article L. 541-9 du code de l’environnement qui concerne toutes les substances dangereuses. Aux termes de l’alinéa 4, « l’autorité administrative peut demander la communication aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent III ainsi qu’à leur éco-organisme de tout élément justifiant le taux d’incorporation de matière recyclée de leurs produits et de toutes informations relatives à la présence éventuelle dans leurs produits de substances dangereuses, aux modes de gestion des déchets qui en sont issus et aux conséquences de leur mise en œuvre. »

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je soutiens l’amendement, car nous sommes confrontés à une pollution généralisée aux PFAS.

Leur caractère polluant et leur dangerosité pour la santé sont établis mais ne sont pas reconnus par notre réglementation. Il faut donc aller plus loin. Dans le cadre de notre niche parlementaire, nous présenterons une proposition de loi visant à interdire les PFAS immédiatement dans tous les emballages alimentaires et les vêtements.

C’est un sujet majeur. Il faut que dès à présent, l’étiquetage fasse état de la présence de PFAS.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendements CD37 de Mme Cyrielle Chatelain et CD85 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). La fast fashion représente plus de sept vêtements sur dix vendus en France. Pour endiguer ce véritable raz-de-marée, il faut limiter les importations.

Les impacts environnementaux sont colossaux et croissants. Si on ne fait rien, 26 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial seront liées à l’industrie du textile en 2050.

L’amendement vise donc à limiter les volumes des importations.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). L’industrie textile est l’une des plus polluantes du monde à cause des volumes de production. Environ cinquante vêtements par habitant sont importés en France chaque année, et les importations ne cessent de croître année après année – c’est mécanique. Ce n’est pas la demande qui fait l’offre, mais l’offre qui crée la demande et qui trouvera toujours des débouchés. Un vêtement sur deux est aujourd’hui vendu en promotion à cause de la surproduction.

Il y a deux manières de traiter le sujet : la taxation environnementale par le biais du bonus-malus, que vous avez choisie, ou la limitation directe des volumes, notamment des importations.

Nous sommes persuadés que la limitation des importations est socialement plus juste que la taxation environnementale, qui de surcroît ne suffira sans doute pas à faire baisser la consommation.

Nous savons qu’une telle solution n’aura jamais les faveurs des macronistes. C’est bien dommage parce que la Chine fait de même pour protéger ses propres industries quand elle veut les développer. La fin des accords multifibres en 2005 a définitivement signé l’arrêt de mort de l’industrie textile en France.

Pour protéger l’industrie textile que nous voulons recréer en France, il est indispensable d’adopter des quotas d’importation.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. La réflexion est intéressante mais l’instauration de quotas d’importation est contraire au droit européen.

Mme Danielle Brulebois (RE). Je déplore le mépris avec lequel nous sommes qualifiés de macronistes. Nous vous appelons les députés de la NUPES, jamais les mélenchonistes – pourtant, vous l’êtes.

En ce qui concerne les PFAS, que chacun fasse son examen de conscience. Il y en a partout autour de nous, dans les vêtements, les chaussures, etc. Depuis les années 1940, ils ont montré leur utilité pour l’imperméabilité des vêtements, pour les mousses anti-incendie ou pour le revêtement antiadhésif des poêles Tefal.

Mme Bérangère Couillard (RE). Une telle mesure aurait du sens au niveau européen. Il est vrai que les importations provenant de pays lointains devraient être taxées.

L’amendement n’est pas pertinent pour la France, dont la production, qui n’est même pas exclusivement française, en particulier au regard de la matière, ne permet d’habiller qu’une infime partie de la population. C’est peanuts.

Il faut considérer le problème à l’échelon européen. Sachez que Zara, qui fait de la fast fashion, fabrique principalement au Portugal et au Maroc.

L’amendement n’a pas lieu d’être, mais la question se posera, en effet, au niveau européen si nous continuons à importer des produits qui ne respectent aucune norme – outre les conditions de travail qui ne sont pas le sujet de la proposition de loi, je pense en particulier à la pollution des sols. Je suis défavorable à l’amendement.

M. Bruno Millienne (Dem). Cet amendement n’a en effet de sens qu’au niveau européen. Tous les pays n’imposeront pas de barrière douanière. Si nous agissons seuls, nous risquerons notamment de créer une concurrence déloyale.

Quant à la petite polémique, j’appelle bien les LFIstes-NUPES « la famille contre tout », avec beaucoup d’affection.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Bien sûr que cette barrière douanière serait plus efficace au niveau européen ! Mais nous ne voyons rien venir du côté de la Commission européenne. Vous nous dites, chers collègues Renaissance – et non « macronistes » ! –, que l’on verra cela plus tard au niveau européen, en passant sous silence les rapports de force à l’œuvre et les décisions qui y sont véritablement prises. Si l’Europe veut conserver son retard de vingt ans, la France, elle, doit avancer et être suivie par les pays européens. À toujours s’en remettre à l’Europe, il ne se passe rien.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Nous sommes au cœur du débat. Nous proposons en réalité une application pratique de la loi relative à l’industrie verte. Il faut faire progressivement diminuer les importations de vêtements et réindustrialiser la France afin de renforcer notre industrie textile. Certes, il existe des réponses au niveau européen, mais il en faut aussi au niveau français.

Par ailleurs, le Gouvernement est en train de reculer sur les règles en matière de devoir de vigilance. C’est bien beau d’en appeler au niveau européen pour ensuite reculer, alors même que c’est la France, grâce à Dominique Potier, qui est à l’origine de ces avancées ! Ma question est simple : voulez-vous vraiment imposer des normes drastiques à ces industries qui saccagent notre environnement et font travailler des gens dans des conditions inacceptables ? Il y a deux manières d’agir : adopter cet amendement ; être proactifs sur le devoir de vigilance.

Enfin, vous avez raison, il y a des PFAS partout : dans nos sols, dans nos os, dans nos cheveux : 99 % des personnes ont des PFAS dans leur corps. Ils nous font courir de vrais risques en matière de fertilité, de cancers et nuisent à notre santé. Toute une partie d’entre eux peuvent être remplacés par d’autres substances, ce qui n’est pas encore le cas pour les dispositifs médicaux. En revanche, on n’a absolument pas besoin d’en mettre dans les vêtements de sport pour les rendre un peu plus imperméables ! Nous sommes très clairement du côté de la santé et de la protection des personnes. Nous devons aux habitants d’aujourd’hui et aux enfants de demain d’en réduire la présence dans nos vêtements.

Mme Huguette Tiegna (RE). Les macronistes sont pro-européens. Le 4 mars dernier, dans le Pacte vert, l’Union européenne s’est accordée sur plusieurs points, parmi lesquels l’interdiction, à partir de 2026, de l’ajout intentionnel de PFAS dans les emballages alimentaires. L’Europe nous a devancés sur la question alimentaire, et elle va poursuivre son travail pour interdire les PFAS. Nous venons de traverser une crise agricole, où il a été beaucoup question de la surtransposition des normes européennes. Macronistes, fiers de l’être, pro-européens, nous continuons à défendre des sujets essentiels pour la France au niveau européen.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CD22 de M. Stéphane Delautrette et CD45 de Mme Danielle Brulebois

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous avons longuement abordé la plus-value de la relocalisation de la production en France et toutes ses externalités positives environnementales et sociales. Nous proposons de flécher des fonds de soutien vers la production française et européenne. En pénalisant la fast fashion et en accompagnant l’émergence de cette filière et sa production, nous répondrons plus facilement aux besoins de ceux qui achètent des grandes tailles.

Mme Danielle Brulebois (RE). L’amendement vise à définir une production locale et inclusive, la production de textile en France émettant deux fois moins de CO2 qu’une production localisée en Chine.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je comprends votre intention – et j’en profite pour adresser un petit clin d’œil à toutes les associations et ONG que nous avons reçues. Mais la définition de cette nouvelle pratique locale et vertueuse crée de la confusion. La proposition de loi vise à réglementer la pratique commerciale de la mise à disposition ou de la distribution d’un nombre important de modèles de produits neufs, sans tenir compte de leur origine géographique, même si, bien sûr, on peut prendre en compte leur livraison. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CD91 de Mme Alma Dufour et CD28 de Mme Danielle Brulebois.

Amendement CD170 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement vise à compléter l’information des consommateurs sur les pratiques commerciales incitant à surconsommer, telles que le nombre de modèles proposés et les écarts avec les prix moyens de réparation.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il ne m’apparaît ni nécessaire ni souhaitable de multiplier les définitions en sus de celle concernant la mode éphémère. Avis défavorable.

M. Bruno Millienne (Dem). Je voterai contre cet amendement, mais j’espère que nos amis socialistes nous suivront lors du prochain projet de loi de finances (PLF), lorsque nous introduirons une TVA circulaire sur les filières de la réparation.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Monsieur Millienne, nous ne demandons qu’à vous suivre sur le PLF ! Mais je ne voudrais pas vous rappeler dans quelles conditions il a été discuté…

La commission rejette l’amendement.

Article 1er bis (nouveau) : Critères de l’affichage environnemental

Amendement CD135 de M. Jean-Marc Zulesi

M. le président Jean-Marc Zulesi. L’amendement a été élaboré en collaboration avec les excellents commerçants de Salon-de-Provence, qui doivent d’ailleurs nous regarder. Il vise à adapter notre modèle d’écoscore en lui ajoutant un critère de durabilité, particulièrement approprié dans le cadre de la fast fashion.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre réflexion est évidemment pertinente. Néanmoins, l’affichage environnemental a fait l’objet de négociations au niveau européen et l’ajout du critère de durabilité irait plus loin que ce qui a été acté. Il introduirait une instabilité réglementaire qui rendrait le dispositif difficilement applicable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je soutiens cet excellent amendement. Il est très important que l’affichage environnemental inclue les notions de durabilité et de sobriété.

M. Bruno Millienne (Dem). Je vais venir faire mes courses chez vous, à Salon-de-Provence, monsieur le président, et je vais voter pour votre amendement ! Cela peut vous paraître contradictoire avec ce que j’ai dit sur les droits de douane européens, mais il me semble que cet ajout aurait un impact moindre sur nos commerçants, tout en étant utile au consommateur.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Ce n’est pas la pertinence du critère que je remets en cause : il s’avère qu’il n’a pas été retenu dans l’expérimentation européenne. En revanche, il est déjà pris en compte dans la REP. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 1er

Amendements CD36 de Mme Cyrielle Chatelain et CD84 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’amendement CD36 a pour objectif de définir des objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage pour l’industrie textile française, compatibles avec nos engagements climatiques internationaux. L’industrie textile représente 5 % de l’empreinte carbone française, soit environ 30 millions de tonnes équivalent CO2. Son empreinte croissante s’explique par l’essor de la mise en marché de produits ces dernières années. En France, le nombre de vêtements proposés annuellement à la vente a progressé de 1 milliard en dix ans et atteint désormais 3,3 milliards de produits, soit plus de quarante-huit par habitant.

Pour aligner le secteur textile français avec l’objectif de l’accord de Paris, il nous faut réduire d’un facteur 6 à 10 ses émissions de gaz à effet de serre et passer de quarante-huit pièces par habitant par an à cinq. La comparaison de l’évolution, entre 2013 et 2021, des mises en marché, de 552 000 à 715 000 tonnes, et des capacités de valorisation, de 131 000 à 171 000 tonnes, montre que la quantité mise en marché augmente plus vite que la capacité de valorisation, qui reste structurellement trop faible.

L’amendement reprend le dispositif existant dans la loi sur les emballages plastiques pour l’appliquer au secteur des TLC.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). L’empreinte carbone de la France stagne depuis une dizaine d’années. L’augmentation des émissions importées ces quinze dernières années a absorbé le volume des réductions opérées sur notre territoire. Le secteur international du textile n’est pas du tout sur les rails de l’accord de Paris, comme en témoignent les projets pour 2030 déposés par les différentes grandes marques. Même si la décarbonation progresse dans les usines des pays du Sud, elle n’ira pas assez vite dans les dix prochaines années pour respecter la trajectoire de l’accord de Paris, dans un secteur qui part de très loin. Pourquoi le Bangladesh est-il le deuxième producteur de textile mondial ? C’est parce que, d’une part, le coût du salariat y est très bas et que, d’autre part, le coût énergétique y est également très bas, dans la mesure où son mix est composé de charbon et de gaz. Qui dit bas coût de production dit bas coût énergétique et, partant, énergies fossiles.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Si je vous rejoins sur le fond, la forme interroge. Ces objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage relèvent plutôt du cahier des charges des filières REP. Une telle stratégie n’est pas adaptée à la manière dont on traite les filières TLC et dépend plutôt du réglementaire.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Pour travailler depuis sept ou huit ans sur les filières REP, je sais que leur cahier des charges ne contient pas d’objectif de réduction des mises en marché, et ce n’est certainement pas le Gouvernement qui va définir une telle obligation par décret. On utilise les filières REP pour régler quelque chose qui ne peut pas l’être par le biais de la taxation environnementale : l’écocontribution est une sorte de taxe environnementale, qui exploite au maximum les possibilités offertes par le droit national. Nous proposons donc d’emprunter la même voie pour ce qui concerne la mise en marché des volumes.

Mme Bérangère Couillard (RE). Il n’y a pas d’objectif de baisse de production, étant donné que l’on ne produit quasiment rien en France. En revanche, deux choses ont été mises en place grâce à la loi Agec : une aide à la réparation des produits textiles, qui a été raillée par les partis de droite, et une aide sous forme de bonus destinée aux producteurs français pour récupérer les fibres recyclables, afin de soutenir la production à partir de fibre recyclée, plus coûteuse que celle à partir de fibre neuve.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Ce qui est mis en marché, ce n’est pas ce qui est produit en France, c’est ce qui est vendu. Pourquoi ne pas avoir la même ambition que pour le plastique ? Il y a un consensus sur l’accord de Paris, mais pas sur les solutions pour atteindre ses objectifs.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. On peut entendre vos parallèles. Mais les objectifs ne sont pas les mêmes : dans un cas, il s’agit d’exterminer les déchets ; dans l’autre, d’accompagner le verdissement d’une industrie. La question est : comment spécifier dans la stratégie bas-carbone des objectifs relatifs à la filière textile ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD20 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement vise à pénaliser financièrement les pratiques associées à la fast fashion définies précédemment. Il propose également d’augmenter la pénalité maximale – 100 % du produit hors taxe ou 20 euros maximum – de façon à rendre réellement dissuasif l’achat de certains produits aux prix tellement bas que le seuil maximal de 50 % hors taxe ne saurait suffire.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre amendement s’inscrivait à la suite de la définition d’une nouvelle pratique par l’amendement CD170. Dans la mesure où ce dernier n’a pas été adopté, celui-ci est sans objet. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD2 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement vise à lutter contre le fléau des décharges textiles à ciel ouvert dans les pays émergents, en interdisant l’exportation de vêtements considérés comme des déchets et en renforçant les obligations pesant sur les producteurs de vêtements contenant des fibres plastiques.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Un transfert illicite de déchets doit répondre à certaines conditions définies à l’alinéa 35 de l’article 2 du règlement 1013/2006 concernant les transferts de déchets, lesquelles ne concernent pas uniquement la nature du déchet. Aussi, il n’est pas possible d’assimiler le transfert de produits textiles contenant des fibres de plastique à un transfert illicite. Les critères de performance en matière de recyclage sont déjà prévus par la loi Agec ; il n’est pas souhaitable de les dédoubler. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD69 de M. Édouard Bénard

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). C’est un amendement auquel pourraient souscrire les commerçants de Salon-de-Provence ! Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’organiser une campagne nationale d’information sur les impacts sociaux et environnementaux de la fast fashion. Nous estimons que les obligations d’information sur les plateformes de vente des entreprises concernées, voire sur les places de marché, ne sont pas suffisantes. Les messages sont trop succincts pour alerter nos concitoyens sur l’ampleur des désastres sociaux et environnementaux de la mode jetable. Il serait sans doute plus pertinent de conduire, avec l’appui des ONG, une campagne gouvernementale officielle dans les grands médias, invitant à réduire la consommation de produits textiles et à se détourner des plateformes concernées.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Le ministère de la transition écologique s’est déjà engagé sur ce sujet. Il va lancer une très grande campagne, que j’espère aussi percutante que celle de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Par ailleurs, l’éco-organisme Refashion dispose d’un budget destiné à la communication, afin d’agir dans le sens que vous souhaitez. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Renforcement des critères d’écomodulation dans la filière à responsabilité élargie des producteurs de textiles, linges et chaussures

Amendements identiques CD21 de M. Stéphane Delautrette et CD32 de Mme Danielle Brulebois

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement CD21 vise à proposer une modulation des écocontributions des entreprises textiles en fonction de leurs actions pour réduire leurs impacts sur les droits humains des travailleurs de leurs chaînes d’approvisionnement.

Mme Danielle Brulebois (RE). C’est le même amendement.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Vous savez à quel point je suis sensible à ces conditions de travail – j’ai bien mentionné l’impact social dans mon propos liminaire. Mais l’objet de la proposition de loi, c’est l’impact environnemental. Les filières REP concernent la gestion des déchets ; on ne peut pas introduire de critères sociaux dans leur fonctionnement. Avis défavorable, dans la mesure où ces critères sont pertinents sur le plan humain, mais pas sur le plan législatif.

Mme Danielle Brulebois (RE). Ils sont également pertinents sur le plan environnemental. C’est parce que les salaires sont très bas que la production est encouragée, ce qui a un impact environnemental. Tout est lié.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD184 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Je voudrais que l’on cesse d’opposer l’environnement et la condition humaine. La délocalisation des industries textiles de France vers les pays en voie de développement a favorisé un dumping social à la limite de l’esclavage moderne. Lors des auditions, madame la rapporteure, vous avez interpellé les représentants des marques sur les conditions de travail. Leurs réponses ne nous ont pas particulièrement convaincus, notamment leurs justifications douteuses sur les bas niveaux de salaire dans les pays d’Asie du Sud-Est. Nous ne devons plus accepter l’opposition entre environnement et conditions sociales : leurs enjeux sont liés. On ne peut pas ajouter des normes environnementales sans jamais prendre en compte les normes sociales des travailleurs. C’est pourquoi cet amendement fait de l’impact social un facteur essentiel pour juger de la durabilité d’un produit.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Encore une fois, bien sûr que ces questions sont essentielles. Mais comment introduire une telle modulation dans un système de gestion des déchets ? Cela ne veut pas dire que l’on ignore le sujet, mais qu’il faudra aller plus loin, aussi bien sur les questions sociales que celles de santé environnementale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD70 de M. Édouard Bénard

M. Édouard Bénard (GDR-NUPES). Nous souhaitons élargir la notion d’impact environnemental aux impacts socio-environnementaux.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il n’est pas possible d’étendre ce critère à toutes les industries : nous ne parlons que de l’industrie textile.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). La modulation des écocontributions dans l’industrie textile va plus loin que la simple recyclabilité des déchets. Elle va plus loin que l’objectif initial de la filière REP, dont on se sert pour contourner l’inertie européenne, calamiteuse sur ce sujet, depuis au moins dix ans. Si l’on accepte de moduler l’écocontribution selon un écoscore basé sur le CO2, qui n’a a priori rien à voir le recyclage des produits, on peut assumer d’y intégrer un critère social. Plusieurs collègues, dont M. Potier, s’étaient battus pour que l’affichage environnemental prévu par la loi Agec soit un affichage environnemental et social. Je peux entendre que l’on n’ait pas de critères objectivables permettant de mettre des notes sociales, mais il va falloir se pencher très sérieusement sur cette question. L’exploitation salariale et l’énergie à bas coût sont au fondement même de la surproduction. Sans elles, il ne serait pas possible de produire de tels volumes de textile et d’impacter à ce point le climat.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de onze heures vingt à onze heures trente.

Amendements identiques CD162 de Mme Huguette Tiegna et CD164 de M. Jimmy Pahun, amendements CD113 de M. Daniel Grenon et CD148 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

Mme Huguette Tiegna (RE). Le troisième alinéa de l’article précise que les contributions financières versées par les producteurs dans le cadre des filières REP sont modulées en fonction de l’impact environnemental et de l’empreinte carbone des produits. L’amendement CD162 vise à permettre une modulation de ces contributions également selon l’impact sur la biodiversité.

M. Daniel Grenon (RN). L’amendement CD113 vise à introduire l’impact sur la biodiversité parmi les critères de performance environnementale. Durant les auditions, des experts ont souligné le fait que certains produits, bien qu’ayant une empreinte carbone faible, dégradaient fortement la biodiversité au cours de leur processus de fabrication et de leur utilisation.

C’est notamment le cas du textile contenant du polyester. Un rapport du Parlement européen de 2020 indique que les vêtements synthétiques sont responsables de la présence de 35 % des microplastiques primaires rejetés dans l’environnement et qu’une seule lessive de vêtements en polyester peut libérer 700 000 fibres microplastiques, qui peuvent ensuite se retrouver dans la chaîne alimentaire. Cette même étude indique que le lavage des produits synthétiques a provoqué l’accumulation de plus de 14 millions de tonnes de microplastiques au fond des océans.

Outre ce problème mondial, la pollution générée par la production de vêtements a un impact conséquent sur la santé des populations locales, des animaux et des écosystèmes où se trouvent les usines.

M. Antoine Villedieu (RN). En plus de la quantité de matière utilisée ou de la présence de matière recyclée, l’impact environnemental, l’empreinte carbone mais aussi l’atteinte à la biodiversité doivent être intégrés dans le calcul des écocontributions versées par les producteurs. Particulièrement dans l’industrie textile, il est important de différencier les produits en fonction de leur atteinte à la biodiversité. L’industrie textile, quand elle est de mauvaise qualité, est néfaste à l’environnement. C’est le cas lorsque le coton est cultivé de manière non raisonnée, que les teintures et traitements textiles polluent les rivières et les océans ou que les microfibres et microplastiques sont relâchés dans les eaux par les lavages domestiques. Le faible développement des industries de recyclage textile en France participe aussi à cette destruction de la biodiversité, par la pollution des sols et des eaux, ici ou à l’étranger.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il est en effet important d’introduire la notion d’atteinte à la biodiversité.

Avis favorable sur les amendements identiques, et demande de retrait des deux autres, à défaut de quoi, avis défavorable.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements CD113 et CD148 tombent.

Amendement CD73 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Cet amendement visant à prendre en compte la distance entre le lieu de confection et le lieu de consommation favoriserait les circuits courts. Cette disposition est demandée par les industriels du textile européen.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre proposition est déjà en partie satisfaite par la prise en compte de l’empreinte carbone. En détacher la distance pour en faire un critère en elle-même ne me paraît pas adapté à toutes les filières REP – on pourrait imaginer des modes de transport propres. Par ailleurs, la politique commerciale de l’Union européenne repose sur le principe constant qu’il est injuste de discriminer un produit selon le seul critère du pays de production ou de la distance entre le lieu de fabrication et le lieu de commercialisation.

Les critiques que nous adressons aux productions délocalisées ne se fondent pas sur ces éléments, mais sur des raisons sociales et environnementales. Aussi l’Union européenne autorise-t-elle les États membres à introduire des critères notamment environnementaux pour pénaliser certains produits, mais pas des critères strictement protectionnistes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD74 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Cet amendement cible le mode de transport utilisé par la fast fashion : l’avion, vingt fois plus polluant que le bateau, est en effet inhérent à un modèle de mode éphémère, rapide et à usage unique.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Tous les acteurs de la fast fashion n’utilisent pas l’avion ; on observe vraiment une volonté de ne plus y recourir. Votre proposition est, de toute façon, satisfaite par l’ajout du critère lié à l’empreinte carbone.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Cette volonté existe peut-être sur le papier, mais la réalité est malheureusement tout autre. Le fret aérien lié au e-commerce a explosé ces dernières années, au point qu’aujourd’hui les vêtements prennent plus l’avion que les Français. Au-delà du seul textile, 367 millions de produits vendus par e-commerce arrivent par avion sur le marché français. Le phénomène prend donc de l’ampleur, contrairement aux déclarations des entreprises.

Nous devons d’autant plus nous attaquer à ce sujet que le fret aérien permet de faire du dumping. Si vous pouvez envoyer vos produits par avion, vous n’avez plus besoin d’avoir des entrepôts en France. C’est une vraie préoccupation si l’on veut conserver des entrepôts d’e-commerce en France et éviter qu’ils soient déplacés à l’autre bout de l’Europe, voire en Chine – AliExpress ne possède pas d’entrepôt en France mais peut pourtant livrer les consommateurs en quelques jours grâce à l’avion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD75 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Cet amendement vise à ajouter comme nouveau critère de modulation la provenance des matières utilisées. Il a été inspiré par le Fashion Act que l’État de New York a pris pour lutter contre la fast fashion, avec deux objectifs : renforcer la traçabilité du produit en précisant la provenance des matières utilisées, et faire sauter les droits de douane en dessous de 850 dollars. Nous ne pouvons pas jouer sur les droits de douane, mais nous pouvons, en revanche, agir sur la provenance des matières.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. La provenance des matières utilisées est déjà indiquée sur la fiche d’informations du produit. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD76 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD89 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Il s’agit également d’ajouter un nouveau critère de modulation des primes et pénalités délivrées par les éco-organismes : la présence de substances per- et polyfluoroalkylées, autrement appelés polluants éternels ou PFAS. Cela permettrait d’en limiter le recours puisqu’il existe, dans le domaine du textile, des substituts naturels. L’idéal serait bien sûr de les interdire, mais cet amendement constituerait déjà une avancée.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Si je suis d’accord sur le fond, je ne peux pas l’être sur la forme. Les notions d’écotoxicité et de substances dangereuses recouvrent déjà tous ces cas. S’il fallait dresser la liste exhaustive de toutes les substances, on prendrait le risque d’en rater une. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD149 de M. Antoine Villedieu.

Amendement CD77 de M. Antoine Vermorel-Marques.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Dans l’opinion publique, le malus peut être perçu comme une taxe. Pour garantir son acceptabilité sociale, nous proposons d’inscrire noir sur blanc que l’intégralité des recettes du malus servira à financer le bonus, ce qui empêchera Refashion ou les autres intermédiaires de les utiliser pour mener d’autres actions. Les Français sont prêts à contribuer en fonction de leur mode de consommation, selon le principe pollueur-payeur. Le principe intrinsèque d’un système de bonus-malus est bien que le bonus bénéficie du malus.

D’après les échanges que j’ai eus avec des industriels, le malus pourrait rapporter beaucoup d’argent. Il en résulterait donc une très forte incitation à mettre en place des bonus sur le made in France et le made in Europe.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. On peut comprendre le sens, peut-être même le bon sens, de cette proposition, mais elle se heurte au droit.

Vous avez évoqué, comme Mme Dufour avant vous, l’idée d’une taxation. Il ne s’agit cependant pas de taxes, mais de pénalités : pas un seul centime ne va dans les caisses de l’État ; l’argent est directement attribué à l’éco-organisme qui coordonne les actions d’économie circulaire.

Ce que vous proposez est fiscalement impossible, car on ne peut pas affecter ce genre de pénalités. Elles viendront donc abonder le budget de l’éco-organisme, qui les redistribuera ensuite aux différents acteurs.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je soutiens cet amendement, qui est frappé au coin du bon sens. J’ai connu une époque où les taxes environnementales étaient affectées. En toute transparence, elles permettaient aux citoyens de comprendre le bien-fondé de leur perception pour accompagner la transition écologique. S’il y a bien un amendement à même de garantir l’acceptabilité de l’évolution des prix de la fast fashion, c’est celui-ci.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). C’est essentiel, car les Français ne supporteront pas de payer un surcoût financier – puisqu’en effet, il ne s’agit pas d’une taxe – s’il n’est pas réattribué à la filière pour permettre d’offrir des alternatives vertueuses à bas coût. Si l’on fait augmenter le prix des textiles non vertueux, il faut que l’on parvienne à faire baisser celui des textiles vertueux, et notamment du made in France.

Les écarts de coûts de production entre le made in France ou made in Europe, et le made in China ou made in Bangladesh sont vraiment importants. Toute proposition de réduction de TVA indexée sur la performance environnementale étant systématiquement rejetée en loi de finances, une autre solution serait de redistribuer le malus en chargeant l’éco‑organisme de soutenir les investissements que les entreprises désireuses d’obtenir le bonus consentiraient pour décarboner les chaînes de production. L’argent resterait bien dans les caisses de l’éco-organisme – s’il abondait le budget de l’État, cela deviendrait une taxe, ce qui n’est en effet pas légal du point de vue du droit européen –, mais les missions de l’éco‑organisme seraient étendues au soutien à la production vertueuse locale.

M. Jimmy Pahun (Dem). Je soutiens également cet amendement : il ne peut qu’être favorable aux entreprises françaises.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je comprends l’objectif de cet amendement, mais nous sommes encore en train d’évaluer la loi Agec. Avant d’aller plus loin, il faudrait que l’on évalue le dispositif de bonus-malus tel qu’il existe ainsi que la capacité de contrôle de l’État.

Je reste dubitatif sur les dispositifs de bonus-malus, car ils reposent sur les déclarations du producteur – il y a en ce moment sur Canal+ une très bonne série qui aborde ces sujets. Il pourrait être tentant de s’octroyer, sur simple déclaration, un super bonus, payé par l’État avec les malus récoltés sur les producteurs. Il y aurait moyen d’organiser tout un système de détournement, très loin des objectifs recherchés.

J’attendrais les résultats de la mission d’évaluation de la loi Agec avant d’ajouter de nouvelles couches à ces dispositifs en cours de mise en place. Il faut savoir raison garder.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Une première question est de savoir s’il s’agit d’une proposition de loi uniquement contre l’ultra fast fashion, ou contre celle-ci et en faveur de la production française. La taxe vise-t-elle uniquement à pénaliser la fast fashion ou constitue-t-elle une incitation financière au profit du made in France et du made in Europe ? Il y va de la philosophie du texte.

Une deuxième question soulève un enjeu d’acceptabilité. Si l’on n’écrit pas noir sur blanc dans la loi que l’éco-organisme sera obligé d’investir les recettes du malus dans des bonus pour le made in France, alors, pour l’opinion française, le législateur aura imposé une taxe supplémentaire. Ce sera d’autant plus le cas si l’on n’est pas plus ambitieux quant au montant du malus, comme je le souhaite.

Je ne dis pas qu’il faut offrir des possibilités de dérogation ; ce problème sera traité par des amendements sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et sur le contrôle en général. Je dis simplement que c’est le malus qui doit financer le bonus.

Mme Danielle Brulebois (RE). Il se pose une question de gouvernance des éco‑organismes. Les pouvoirs publics y sont-ils suffisamment représentés ? Y a-t-il des améliorations possibles ?

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Nous sommes d’accord sur ce point : il faut définir une boucle vertueuse en matière d’impact environnemental, qui aurait des retombées économiques incontestables sur notre territoire. Nous partageons tous ce postulat.

Flécher l’intégralité des pénalités vers l’encouragement aux entreprises, c’est bien ce que l’on vise au bout de la boucle. Et c’est bien ce qui existe : l’éco-organisme Refashion perçoit toutes les écocontributions – et il en percevra encore davantage si vous êtes d’accord avec les écomodulations que je propose –, et distribue des primes aux entreprises vertueuses, dont les produits répondent aux critères prévus par la loi Agec. Des entreprises nous ont confirmé, lors des auditions, percevoir le bonus, même si le dispositif pourrait encore être amélioré.

Le mastodonte dont on parle beaucoup et qui est notamment visé paye l’écocontribution à Refashion. Même si elles échappent à d’autres contrôles, les entreprises financent quand même à un niveau important les éco-organismes. Cette boucle vertueuse existe donc déjà, selon le principe qui a été défini dans la loi Agec.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD116 de M. Jorys Bovet, CD151 de M. Antoine Villedieu et CD78 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). Dans sa rédaction actuelle, la majoration du taux inclut tous les textiles d’habillement, les chaussures et les linges de maison neufs, qu’ils soient issus de la mode express ou non. La majoration du taux à 50 % ne devrait s’appliquer qu’aux articles de la mode express qui ont été définis à l’article 1er, afin que le texte se concentre sur son objet.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Avis défavorable. Comme les pénalités répondent à des critères identiques pour tous les producteurs, appliquer un plafond différencié à certains à raison de leur recours à une pratique commerciale particulière n’apparaît pas le plus pertinent sur le plan juridique.

La meilleure manière de faire contribuer plus fortement les acteurs les moins vertueux, notamment ceux qui répondent à la définition d’ultra mode éphémère, est de se concentrer sur les critères d’écomodulation, comme le fait la présente proposition de loi. Il s’agit de moduler les contributions en fonction de la toxicité des activités de l’entreprise.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD80 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). On est au cœur du débat. Cette proposition de loi vise à modifier le taux plafond de la prime ou de la pénalité, fixé à 20 % par la loi Agec. Le problème de ce taux vient surtout du prix du produit : une pénalité de 20 % sur une voiture ou un téléphone portable est évidemment dissuasive ; elle ne l’est pas sur un t‑shirt à 4 euros et ne le sera pas davantage à 50 %. Cet amendement vise donc à supprimer le taux plafond pour que le montant du malus ne soit pas limité par le prix du produit.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Si je comprends l’intention de cette proposition, nous nous devons, en tant que législateurs, d’être justes et proportionnés, notamment à l’égard du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Des pénalités correspondant à 100 % du prix d’achat seraient rédhibitoires pour les consommateurs. Étant donné que nous avons l’ambition de définir une trajectoire qui soit suffisamment significative pour les producteurs sans trop affecter les consommateurs, il faut être raisonnable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD31 de Mme Danielle Brulebois et CD90 de Mme Alma Dufour, et amendements CD14 et CD15 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

Mme Danielle Brulebois (RE). Cet amendement vise à pénaliser financièrement au maximum les pratiques que nous dénonçons, afin d’être réellement dissuasif. Quelques centimes sur un vêtement à 2 ou 3 euros n’ont pas une grosse incidence sur le pouvoir d’achat.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). La question du pouvoir d’achat est réglée par le plafonnement du malus à 10 euros ou 20 euros. Si l’on taxe à 20 % un t-shirt à 2 euros, on ne parviendra pas à faire augmenter suffisamment le prix pour avoir une influence sur la consommation des Français.

Il y a un tel écart de prix entre Shein et la moyenne ou haute gamme que raisonner en pourcentages ne permet pas d’atteindre des valeurs cibles en termes de coût raisonnable d’un vêtement pour la transition écologique et sociale. C’est pourquoi nous ne devrions pas nous limiter, d’autant plus que nous avons déjà mis en place un garde-fou pour ne pas exploser les compteurs et ne pas ponctionner les Français plus qu’il ne le faut.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je partage pleinement les arguments qui ont été avancés en faveur des amendements précédents. Les amendements CD14 et CD15 sont des solutions de repli, qui visent à augmenter le taux du malus, pour le premier, de 50 % à 70 % et, pour le second, de 50 % à 60 %.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Au-delà de la question du pouvoir d’achat, qui peut être relative, ces amendements soulèvent un problème de proportionnalité. Une augmentation du montant des pénalités à 100 % ferait peser un risque juridique sur le dispositif : la mesure pourrait être disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi et constitutive d’un obstacle au marché intérieur.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD128 de M. Emmanuel Blairy

M. Daniel Grenon (RN). Cet amendement tend à préciser que la majoration du taux des pénalités à 50 % ne s’applique qu’aux entreprises visées par le décret prévu à l’article 1er et non à toutes les activités visées par le onzième alinéa de l’article L. 541-10-1.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Encore une fois, nous voulons être justes envers tous les producteurs. Nous limiter seulement à ceux visés par le décret ne serait pas à la hauteur de l’ambition de ce texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD150 de M. Antoine Villedieu et CD122 de M. Daniel Grenon (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). Cet amendement fait écho à une proposition émise par la commission interfilières de responsabilité élargie des producteurs lors des auditions. Comme les alinéas 4 et 13 portent tous deux sur la modulation de la pénalité liée à la REP, on rendrait la proposition de loi plus simple et lisible si on les fusionnait en une seule et même disposition.

M. Daniel Grenon (RN). Durant les auditions, certains experts ont regretté que l’articulation des différentes pénalités pécuniaires manque de lisibilité. C’est pourquoi, cet amendement vise à regrouper les dispositions financières de cette proposition.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’alinéa 4 concerne l’ensemble de la filière REP des textiles, alors que l’alinéa 13 vise la fast fashion. Pour une question de cohérence, on ne peut pas les fusionner. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD35 de Mme Cyrielle Chatelain

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à pénaliser et décourager l’utilisation de polyester par l’application de pénalités plus fortes. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), il faudrait environ 1,5 kilo de pétrole pour fabriquer 1 kilo de polyester ; l’enjeu est donc très important.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je continue à ne pas vouloir définir de nouveaux critères. Ces éléments de composition interviendront de toute façon dans la modulation pour définir le montant des pénalités. J’y suis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD42 de Mme Cyrielle Chatelain

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il s’agit de nouveau de pénaliser le transport par avion pour décourager ces activités commerciales d’y recourir.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Peut-être n’ai-je pas été comprise tout à l’heure. Je n’ai pas dit que le transport aérien n’était pas un sujet, puisque je l’ai moi-même évoqué dans mon propos liminaire. Simplement, les entreprises mastodontes envisagent déjà de limiter l’avion.

Ce n’est certes pas encore le cas, et c’est pourquoi nous avons autant d’émissions de gaz à effet de serre. Il faut néanmoins que nous soyons réactifs en fonction de leur adaptation aux dispositifs que nous pourrions mettre en place. Bientôt, l’avion ne sera plus un sujet, car ces entreprises sont en train de développer des plateformes européennes. Nous devons l’anticiper.

Sinon, la réponse est la même que pour l’amendement précédent : je suis défavorable à l’ajout de nouveaux critères.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CD178 de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD81 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD192 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit d’une précision de coordination permettant de soumettre aux obligations de REP les interfaces électroniques, appelées plateformes, intermédiaires ou places de marché, qui agissent comme des tiers entre des vendeurs et des acheteurs.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD179 de la rapporteure.

Amendement CD117 de M. Jorys Bovet

M. Antoine Villedieu (RN). Cet amendement vise à éviter le contournement du dispositif. Si l’on ne précise pas que chaque entreprise doit désigner un mandataire unique, on risque de voir apparaître un phénomène de filialisation, c’est-à-dire de création de plusieurs sous-entreprises. Cela pourrait diluer les responsabilités des entreprises et en complexifier la lecture, notamment dans l’acquittement des écocontributions.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre interrogation est légitime, mais je ne suis pas sûre qu’on puisse y répondre avec une telle rédaction. Une société qui voudrait développer plusieurs entités pourrait prendre un mandataire unique et le problème serait contourné. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CD23 de M. Stéphane Delautrette, CD92 de Mme Alma Dufour et CD143 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous souhaitons responsabiliser les places de marché dès lors que les vendeurs qu’elles hébergent ne sont pas représentés par une entité légale au sein de l’Union européenne.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nous allons en effet rencontrer un véritable problème si l’on n’ajuste pas les dispositions légales à la question de l’existence des places de marché – l’acteur que l’on souhaite cibler par cette proposition de loi est une place de marché depuis le mois de décembre.

Les places de marché ont organisé un système de fraude à très grande échelle sur les écocontributions et la TVA. Selon l’Inspection générale des finances (IGF), en 2019, 98 % des vendeurs opérant sur des places de marché telles qu’Amazon et Cdiscount fraudaient la TVA. Des mécanismes correcteurs ont été adoptés pour la TVA, mais cela reste plus compliqué pour l’écocontribution. Selon les éco-organismes, la part des écocontributions payées par les sociétés d’e-commerce est bien inférieure à la proportion des ventes qu’elles représentent dans la société. Il y a donc un phénomène d’évasion massif en la matière – c’est un euphémisme.

Avant même d’aller plus loin sur le bonus-malus, il importe de corriger cette faille immense dans le régime actuel, sans quoi l’on risquerait de créer une distorsion de concurrence qui favoriserait encore davantage l’e-commerce. Nous ne pouvons plus reculer.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Encore une fois, je partage votre préoccupation, mais je ne crois pas qu’on puisse y répondre ainsi, notamment en ce qui concerne les évasions d’écocontributions. Cet amendement n’est pas cohérent dans la mesure où tous les producteurs non établis en France ne passent pas par une place de marché.

Vous visez peut-être des situations très précises, mais les plateformes en ligne devront elles-mêmes désigner un mandataire en France. C’est en effet un problème lorsque le producteur à l’étranger ou le vendeur tiers ne respecte pas ses obligations et qu’il n’y a aucun moyen de le prouver, mais l’amendement ne va pas régler cette situation. Avis défavorable.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous voulons nous assurer que les producteurs qui passent par une plateforme n’échapperont pas à l’écocontribution. Votre réponse ne peut pas nous satisfaire.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’alinéa que vous visez ne concerne pas spécifiquement les plateformes.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD25 de M. Stéphane Delautrette et CD93 de Mme Alma Dufour

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous estimons que la plateforme doit être considérée comme producteur pour l’ensemble des produits ayant fait l’objet d’une transaction sur celle-ci. Cela éviterait le risque d’un contournement du versement de l’écocontribution.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Ces amendements entendent cibler les vendeurs qui passent par des places de marché.

Vous évoquiez, monsieur le président, les petits commerçants de Salon‑de‑Provence. Vous savez ce qu’ils pensent de la fraude massive à la TVA qui sévit dans le secteur textile, mais aussi dans celui de la librairie et de l’électronique depuis des années et qui menace leur survie.

Si l’on veut défendre le petit commerce, il faut être cohérent et soumettre les places de marché au paiement de l’écocontribution et du malus. La France a perdu 65 000 emplois dans la vente d’habillement en dix ans. Que vous faut-il de plus pour comprendre que la survie du commerce physique, en particulier du petit commerce, est en danger ? Il ne se passe pas une semaine sans qu’on nous annonce une faillite ou des fermetures de magasins, chez Camaïeu, Naf Naf ou Comptoir des cotonniers. C’est parce que ces entreprises évoluent dans un environnement concurrentiel où elles ne peuvent plus survivre. La question du e-commerce n’est pas un détail ; elle est majeure.

Je vous en supplie, travaillons, d’ici à la séance publique, à une nouvelle rédaction, si celle-ci ne vous convainc pas. Il faut absolument que les places de marché soient prises en compte dans ce texte. On ne peut pas se permettre de laisser un tel trou dans la raquette.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Encore une fois, je ne peux que partager votre constat, mais je crois en effet que cette rédaction ne réglera pas le problème. Les places de marché sont déjà soumises à la REP.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Non !

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Bien sûr que si ! Elles s’acquittent de la contribution REP lorsque le vendeur tiers ne le fait pas. Cela étant, je suis évidemment prête à travailler avec vous sur cette question. Je vous invite donc à retirer vos amendements et vous propose que nous organisions un groupe de travail sur cette disposition d’ici à la semaine prochaine.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous sommes prêts à travailler avec vous, madame la rapporteure, mais je préférerais que nous adoptions d’abord nos amendements.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD82 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Elle adopte l’amendement de coordination CD180 de la rapporteure.

Amendements CD195 de la rapporteure, CD39 de Mme Cyrielle Chatelain, CD94, CD99 et CD140 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. On est là au cœur du dispositif.

Je propose d’adosser la trajectoire d’augmentation progressive de la pénalité prévue à l’article 2 à la notation qui sera accordée aux produits de la filière en application de la méthodologie de l’affichage environnemental. Il ressort des auditions que c’est la méthodologie la plus aboutie à ce jour pour prendre en compte la durabilité extrinsèque des produits, qui est au cœur de la problématique de la mode express. Le ministre de la transition écologique a annoncé lundi que l’affichage environnemental devrait entrer en vigueur dès la fin du mois d’avril.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Dans le même esprit, il s’agit de garantir l’application de pénalités minimales en cas de poursuite de pratiques relevant de la fast fashion. Nous proposons l’introduction d’une pénalité minimale de 50 centimes par produit en maintenant la définition, par arrêté, d’une trajectoire progressive permettant d’atteindre une pénalité maximale de 10 euros par produit en 2030.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Une fois n’est pas coutume, je soutiens totalement la démarche de Mme la rapporteure. Il est très important que nous ayons un système de bonus-malus indexé sur l’affichage environnemental. J’avais déposé plusieurs amendements tendant à préciser les critères sur la base desquels le malus pourrait être calculé, en attendant l’entrée en vigueur de l’affichage environnemental. Puisque celui-ci s’appliquera très prochainement, je retire mes amendements au profit de celui de la rapporteure.

Je souhaite toutefois vous mettre en garde : vous avez dit que la version européenne de l’affichage environnemental s’appliquera au droit français lorsqu’elle sera finalisée. Il ne faudrait pas que l’Europe détricote notre indice et en rabaisse les ambitions, alors que l’expérimentation qui est en cours donne de bons résultats.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je vous remercie. J’émets un avis défavorable sur l’amendement CD39.

Les amendements CD94, CD99 et DC140 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CD195.

En conséquence, l’amendement CD39 tombe, ainsi que les amendements CD79 de M. Antoine Vermorel-Marques, CD181 de la rapporteure et CD34 de Mme Danielle Brulebois.

Amendement CD26 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à renforcer le principe de modulation des primes et des pénalités en fonction des quantités de produits mises sur le marché. Nous proposons qu’une enseigne ne puisse pas bénéficier d’un bonus, dès lors qu’elle contribue à la surproduction et à la surconsommation.

Nous proposons également de pénaliser progressivement les seuils de mise en marché. L’arrêté du 23 novembre 2022 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des textiles, chaussures et linge de maison avait déjà introduit une logique de seuils de mise en marché. Mais il se limitait à réduire la prime au-delà d’un seuil. Pour notre part, nous voulons supprimer toute prime et pénaliser ces pratiques.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je comprends votre intention, puisque j’ai moi-même réfléchi à cette question, mais cette disposition est contraire au principe des écomodulations. On ne peut pas empêcher que certains produits, à condition qu’ils remplissent les conditions pour l’obtenir, bénéficient d’une prime si d’autres produits de la même enseigne font, quant à eux, l’objet d’une pénalité.

L’idée, je l’ai déjà dit, c’est aussi d’accompagner les entreprises très toxiques et polluantes vers des pratiques plus vertueuses.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CD95 de Mme Alma Dufour est retiré.

Amendement CD191 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Dans la mesure où nous venons de décider que l’écomodulation se fonderait sur l’affichage environnemental, je propose de donner six mois de plus aux entreprises pour s’adapter. C’est une manière de sécuriser le dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD152 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Dans le même esprit que dans mon amendement CD151 relatif à la pénalité de 50 %, je propose de préciser que la pénalité pouvant aller jusqu’à 10 euros ne ciblera que les pratiques de mode express.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. On ne peut pas articuler comme vous le faites la notion de produits soumis au principe de la REP et celle de pratique commerciale. Par ailleurs, nous avons décidé d’un commun accord que les critères seraient ceux de l’affichage environnemental. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD27 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Toujours dans le but de renforcer le principe de modulation des primes et des pénalités en fonction des quantités de produits mises sur le marché, nous proposons que le montant des pénalités suive une trajectoire progressive de 5 euros par produit et par palier de 100 000 pièces par catégories de produits ou de 500 000 pièces pour toutes les catégories confondues.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Vous voulez inscrire dans la loi un barème de pénalités qui augmenterait de 5 euros par palier mais, à la lecture du dispositif, je ne comprends pas comment serait déterminé ce barème. Par ailleurs, vous ne mettez pas de limite à cette pénalité. Avis défavorable.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Vous pourriez sous-amender cet amendement si je le redépose en séance publique. Je suis à votre disposition pour travailler à une meilleure rédaction, qui cadrerait davantage le dispositif.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Avec grand plaisir.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD182 et CD186 de la rapporteure.

En conséquence, l’amendement CD96 de Mme Alma Dufour tombe.

Amendement CD17 de M. Dominique Potier, amendements identiques CD18 de M. Stéphane Delautrette et CD33 de Mme Danielle Brulebois, amendement CD83 de M. Antoine Vermorel-Marques (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons, avec l’amendement CD17, de porter à 30 euros, à l’horizon 2030, le montant de la pénalité maximale par produit soumis au principe de REP. L’amendement de repli CD18 propose de le porter à 20 euros.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). L’article prévoit qu’une trajectoire progressive aboutisse à une pénalité maximale de 10 euros par produit en 2030. Je propose de préciser les choses en prévoyant une augmentation de 1 euro par an. La pénalité serait ainsi de 5 euros par produit en 2025, 6 euros en 2026, 7 euros en 2027, 8 euros en 2028, 9 euros en 2029 et 10 euros en 2030.

En inscrivant cette progressivité dans la loi, on écarte le risque que le Gouvernement décide un jour, pour des raisons diplomatiques ou commerciales, de diminuer ce montant par voie réglementaire.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je suis défavorable aux amendements qui tendent à augmenter le montant de la pénalité maximale. Sa fixation à 10 euros a suscité des réactions opposées, certains la trouvant insuffisante, d’autres, excessive. En réalité, il s’agit d’une somme très importante et je ne pense pas que l’on puisse aller au-delà. Faire passer la pénalité de quelques centimes à quelques euros aura des effets significatifs sur le consommateur, mais aussi sur le producteur, compte tenu des volumes en jeu.

Je ne suis pas davantage favorable à l’amendement qui vise à rigidifier la trajectoire : je crois préférable d’avoir la liberté de la faire évoluer différemment, en fonction des produits. La perspective d’une pénalité de 10 euros à l’horizon 2030 me paraît à la fois raisonnable et ambitieuse.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Je ne doute pas de votre sincérité et de votre volonté que cette proposition de loi ait des effets réels d’ici à quelques années. Mais si on laisse le Gouvernement fixer lui-même le montant des pénalités, il risque de reculer devant l’obstacle année et après année et de devoir, en 2030, instaurer d’un seul coup une pénalité de 10 euros. Parce que cette mesure sera inacceptable socialement et que les entreprises s’y opposeront, on nous fera modifier la loi en urgence et supprimer cet article.

Il s’est passé la même chose avec les zones à faibles émissions (ZFE) et avec d’autres politiques environnementales qui auraient dû être progressives, mais qui, parce qu’elles ont été conduites brutalement, sont devenues inapplicables. Et c’est ce qui risque de se passer si l’on ne définit pas une trajectoire progressive. Si, dans quelques années, il faut instaurer du jour au lendemain une pénalité de 10 euros, la pression des producteurs et des consommateurs sera telle qu’on l’abandonnera.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). J’ajoute que si l’on attend 2030 pour appliquer cette pénalité, il sera trop tard pour l’industrie textile française.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. J’entends vos inquiétudes, mais les pénalités qui seront calculées en fonction de l’affichage environnemental pourraient très bien atteindre 10 euros dès la première année. L’inconvénient de vos amendements, c’est qu’ils nous feraient perdre de la souplesse.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD190 de la rapporteure.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Cet amendement vise à appliquer le bénéfice du plafonnement à 50 % dans la trajectoire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD40 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Nous proposons d’intégrer dans le périmètre des entreprises soumises à la responsabilité élargie du producteur toutes celles qui facilitent les ventes à distance ou la livraison de produits textiles par l’utilisation d’une interface électronique. C’est une manière de revenir à la question des places de marché : il n’est pas normal que les plateformes numériques contournent l’obligation de payer une écocontribution, ce qui instaure une concurrence déloyale.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je répète que les places de marché sont déjà soumises à la REP.

Par ailleurs, votre proposition est en contradiction totale avec l’article L. 541‑10‑9 du code de l’environnement, que vous ne modifiez pas.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CD97 de Mme Alma Dufour.

Amendement CD138 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Il ne suffit pas de pénaliser la fast fashion, il faut aussi encourager la production locale et inclusive : c’est pourquoi nous proposons d’instaurer une prime en faveur de celle-ci. Il s’agit de ne pas pénaliser les consommateurs et de garantir que des produits continueront d’être mis en marché.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. J’ai déjà indiqué que je suis opposée à l’introduction d’une nouvelle pratique commerciale dite de production locale. J’insiste sur le fait que le dispositif de bonus-malus va permettre de soutenir les filières vertueuses, donc les filières françaises. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement CD142 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD38 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement est notre dernière chance de fixer dans la loi une pénalité dissuasive sur la fast fashion. Tous les groupes ont indiqué, depuis le début de l’examen de ce texte, qu’ils souhaitaient fixer des seuils. Nous avons fait de multiples propositions en ce sens, à l’article 1er comme à l’article 2. Il importe que la loi soit très claire si nous voulons éviter que des entreprises la contournent.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Encore une fois, je comprends votre intention, mais il me semble que votre amendement aurait pour effet de rigidifier le système. Je répète que, dès que la loi sera votée, on pourra potentiellement appliquer des pénalités allant jusqu’à 10 euros.

Par ailleurs, votre rédaction ne me paraît pas très claire : on ne sait pas si vous visez des entreprises du secteur textile qui commercialiseraient plus de 10 millions de produits ou un produit qui serait vendu à plus de 10 millions d’exemplaires. Dans tous les cas, je ne souhaite pas introduire une pénalité forfaitaire.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Ce qui importe, pour nous, c’est de passer de la possibilité à l’obligation. Par ailleurs, la seule manière de faire changer des entreprises qui sont animées par la logique du vice et qui ne pensent qu’à faire de l’argent, c’est de les pénaliser financièrement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD104 de M. Antoine Vermorel-Marques.

Amendement CD11 de M. Dominique Potier

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons qu’un dispositif d’affichage intégrant non seulement des critères environnementaux, mais aussi des critères sociaux, soit obligatoire pour les industriels de l’habillement mettant sur le marché plus de 100 000 unités de produits textiles d’habillement par an.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il n’est plus possible de modifier les dispositions de l’affichage environnemental, qui est en cours d’expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD13 de M. Dominique Potier et CD101 de Mme Alma Dufour (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons d’introduire un affichage social obligatoire dans le secteur textile pour donner au consommateur une information relative au respect de critères sociaux et de droits humains dans la production des vêtements.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il semble difficile, à terme, d’avoir plusieurs affichages sur les produits textiles. Ce n’est d’ailleurs pas l’objet du texte, qui concerne les déchets. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CD12 de M. Dominique Potier et CD136 de M. Charles Fournier (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous proposons de moduler l’écocontribution des entreprises en fonction de leurs actions pour réduire leur impact sur les droits humains.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). L’industrie textile a des conséquences sur l’environnement et sur l’emploi en France, mais elle est aussi responsable de nombreuses violations des droits humains partout dans le monde. Afin de responsabiliser les entreprises, qui font appel à de nombreux sous-traitants, nous proposons que la responsabilité élargie des producteurs intègre les questions relatives aux droits humains et aux droits sociaux.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je ne peux que partager votre intention et ce sera peut-être l’objet d’un prochain texte, mais je répète que la REP, à l’heure actuelle, ne prend pas en compte ces critères relatifs aux droits sociaux.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 2 bis (nouveau) : Critères de l’écomodulation des contributions financières

Amendement CD163 de M. Jimmy Pahun

M. Jimmy Pahun (Dem). Vous nous avez dit, madame la rapporteure, que la fabrication annuelle de polyester nécessite 70 millions de barils de pétrole. La mode est très dépendante des énergies combustibles fossiles. Nous avons appris lundi, au ministère, que l’on produit six fois plus de polyester que de coton et que sept pièces en polyester sur dix viennent de la fast fashion. C’est pourquoi nous proposons de proportionner le malus à la quantité de polyester présente dans le vêtement.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. J’entends votre préoccupation, mais il paraît difficile d’aller jusqu’à ce niveau de détail dans la loi. Je signale en outre que le polyester, si l’on prend le critère de la durabilité, pourrait obtenir une assez bonne note.

M. Jimmy Pahun (Dem). Cela fait plusieurs années que je lis, sur les étiquettes des vêtements, « 40 % de polyester » ou « 70 % de polyester ». Il est donc assez facile de faire varier le malus en fonction du pourcentage de polyester.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Retenir ce critère de modulation contraint à les énumérer tous. Nous ne pouvons pas nous contenter d’ajouter un unique critère.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

Amendement CD41 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Cet amendement devrait être largement soutenu, car il est identique à un amendement déposé par les membres du groupe Démocrate et adopté par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’industrie verte. Il s’agit de lutter contre l’exportation de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques devenant des déchets qui s’empilent dans certains pays d’Asie et d’Afrique. Loin des yeux, loin de nos préoccupations !

Cette délocalisation des retombées de nos modes de vie et de production n’est plus tolérable. L’amendement des membres du groupe Démocrate nous avait semblé très convaincant. Comme je l’ai indiqué précédemment, la présente proposition de loi se présente comme une mise en application de la loi relative à l’industrie verte.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Comme je l’ai indiqué à M. Stéphane Delautrette, un transfert de déchets, pour être considéré comme illicite, doit remplir plusieurs conditions. La nature des déchets n’y suffit pas. Il n’est pas possible d’assimiler le transfert de produits textiles d’habillement contenant des fibres plastiques à un transfert illicite de déchets.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Interdiction de la publicité pour les produits et les enseignes de la mode express

Amendement de suppression CD106 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Un débat de fond, en matière environnementale, est de savoir s’il faut réguler ou interdire. Le système de bonus-malus permet d’internaliser les externalités, qu’elles soient positives ou négatives. L’interdiction de la publicité, telle qu’elle est prévue à l’article 3 pour le secteur de la mode, équivaut à interdire le marché.

On peut plaider en faveur de l’un ou de l’autre, mais pas des deux en même temps. Interdire la publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère empêche de leur appliquer un malus, faute de marché. Interdire le marché est un choix politique, qui n’est pas le nôtre. Ce qui est sûr, c’est qu’appliquer un système de bonus-malus et interdire le marché sont deux possibilités incompatibles entre elles. Entre régulation et interdiction, il faut faire un choix économique.

Par ailleurs, l’article 3 affaiblit beaucoup la portée de la proposition de loi, compte tenu de la frilosité du Conseil d’État s’agissant de l’interdiction de la publicité, comme l’a montré l’exemple des hydrocarbures. Je crains qu’il ne soit censuré au nom de la liberté d’entreprendre. Au demeurant, ce risque d’anticonstitutionnalité et d’anticonventionnalité est l’argument majeur des opposants au texte.

Au groupe Les Républicains, nous défendons un engagement plus fort sur le système de bonus-malus, pour être plus efficace, d’où la proposition de suppression de l’article 3.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Sans écarter vos arguments, je doute que les mastodontes que sont les enseignes concernées puissent péricliter du jour au lendemain. Il est possible, mais pas certain, que la question du recouvrement des pénalités se pose à plus ou moins court terme.

Au demeurant, si ces enseignes disparaissent, tant mieux ! L’objectif est de les mettre dans le pli de la trajectoire environnementale sous peine de disparaître. Il s’agit d’une mesure ambitieuse. Il importe de maintenir l’interdiction de la publicité pour les entreprises et les produits relevant de la mode éphémère. J’émets un avis très défavorable.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Les écologistes souhaitent limiter, voire interdire la publicité pour les produits climaticides. La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience », a ouvert la voie. Nous attendons avec impatience la publication de ses décrets d’application.

La loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite « loi Évin », a interdit la publicité pour l’alcool et les cigarettes, et le marché n’a pas pour autant disparu. Les industries concernées s’en sortent très bien, ce qui au demeurant n’est pas une bonne chose. L’interdiction de la publicité ne les a pas fait péricliter mais a permis de limiter la surconsommation de leurs produits, qui sont dangereux pour la santé.

Nous sommes favorables à l’adoption de dispositions similaires pour les produits dangereux pour l’environnement – la fast fashion l’est au premier chef.

M. Antoine Vermorel-Marques (LR). Contrairement aux produits visés par la loi Évin, le textile ne suscite aucune addiction, sinon à la consommation. Surtout, le secteur de la mode dépend étroitement de la publicité. Interdire la publicité, c’est interdire l’industrie.

Quoi qu’il en soit, interdire la publicité et adopter un système de bonus-malus sont deux possibilités incompatibles entre elles, sauf si l’objectif n’est pas de lutter contre la fast fashion pour soutenir les produits fabriqués en France et en Europe, mais est de s’en prendre aux entreprises asiatiques. Le malus finance les industriels français et européens. Interdire la publicité, c’est diminuer les recettes qui en sont issues : certes, nos concurrents asiatiques en seront affaiblis, mais nos industriels ne s’en trouveront pas renforcés.

Pour le bord politique opposé au nôtre, l’interdiction de la publicité est peut-être le vecteur le plus efficace pour lutter contre l’ultra fast fashion, puisqu’il interdit le marché. De notre côté, nous préférons l’instauration d’un système de bonus-malus, pour le réguler.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Nous voterons contre l’amendement. La régulation de la publicité est un complément des autres dispositions du texte.

Nous avons deux impératifs : produire en France les habits dont nous avons besoin, dans le cadre de la réindustrialisation, et en consommer moins, à rebours de la hausse exponentielle de la consommation. Il n’est plus possible de se vêtir avec des habits jetables ; ils doivent durer plus longtemps.

S’agissant de l’addiction, les habits n’en provoquent certes aucune qui soit comparable à celle que suscitent la nicotine et l’alcool. Toutefois, nous sommes confrontés à des entreprises utilisant des outils de marketing basés sur les neurosciences, dont l’objectif est de déclencher une logique d’achat, par exemple en créant un sentiment d’urgence par le biais de promotions exceptionnelles à saisir absolument. Quant à la logique de l’obsolescence émotionnelle, elle induit l’idée qu’il faut avoir plusieurs versions d’un même produit. Ces entreprises travaillent sur nos réflexes pour créer un sentiment d’urgence et une addiction qui nous incitent à consommer.

La régulation de la publicité est l’un des éléments complémentaires et essentiels de la proposition de loi.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Il est déjà arrivé que l’on nous dise que des mesures prises par le Gouvernement étaient contraires à la liberté d’entreprendre et seraient contestées à l’échelon européen. S’agissant du moratoire sur les zones commerciales en périphérie des villes, destiné à lutter contre l’artificialisation des sols, nous avons entendu dire pendant un an qu’il serait censuré en raison de son anticonventionnalité, et que l’Union européenne y verrait une atteinte à la liberté d’entreprendre. Le droit européen est sujet à interprétation, et la France n’a pas été condamnée. Il ne faut pas craindre d’avance le jugement de l’Union européenne.

Par ailleurs, la transition écologique ne doit pas frustrer les gens. Elle doit être bien vécue. Il faut, tout en assurant la progressivité du pouvoir d’achat, assécher l’envie effrénée de consommer. Il est difficile d’encadrer la consommation si les prix augmentent et si la publicité répète à l’envi « C’est génial d’acheter ! » pour faire de nous des consommateurs.

Les classes populaires sont frustrées de ne pas pouvoir consommer ce qu’elles souhaiteraient, d’autant que la publicité en rajoute des couches en permanence. Nous sommes exposés à plus de 1 500 publicités par jour sans même en avoir conscience.

L’article 3 présente un intérêt. Il faut tenter le coup.

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du jeudi 7 mars 2024, après-midi

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Nous reprenons nos débats à l’article 3.

Article 3 (suite) : Interdiction de la publicité pour les produits et les enseignes de la mode express

Amendement CD153 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Cet amendement, à moitié rédactionnel, doit permettre au futur décret de traiter de l’ensemble des procédés publicitaires sans laisser de possibilité de contournement aux acteurs ciblés.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Nous comprenons l’intention, mais l’amendement est déjà satisfait à l’alinéa 2. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CD129 de M. Emmanuel Blairy

M. Daniel Grenon (RN). La publicité peut s’exprimer de manière directe mais aussi de manière plus subtile et moins transparente. On l’appelle alors publicité indirecte. On a utilisé cette notion pour décrire la manière dont les producteurs de tabac ont continué de communiquer au sujet de leurs produits après qu’il leur avait été interdit d’en faire la promotion. Qu’elle soit directe ou indirecte, la publicité consiste à faire connaître le produit aux consommateurs ciblés, à créer le besoin pour générer des ventes.

La publicité indirecte se déploie en particulier sur les réseaux sociaux, médias privilégiés des influenceurs et difficiles à contrôler. Films et séries en comportent également, sous forme de placements de produits. Les consommateurs se voient ainsi matraqués par des marques contre lesquelles cette proposition de loi entend lutter en raison de l’impact environnemental de leurs produits.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. La notion à préciser est celle de promotion, directe et indirecte, non celle de publicité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD183 de la rapporteure.

Amendement CD197 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Cet amendement précise qu’il s’agit de viser la promotion directe ou indirecte des produits concernés. Nous suivons un arrêt du 3 novembre 2004 de la Cour de cassation concernant l’application de la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite loi Évin. S’y voit considéré comme une promotion indirecte « tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique ».

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD103 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous sommes favorables à la limitation de la publicité pour une certaine catégorie de mode. Nous voudrions étendre cette interdiction au sponsoring. Prenons l’exemple d’Uniqlo. Cette marque fait appel à Roger Federer pour promouvoir ses produits. Kiabi, de son côté, s’associe à l’Olympique de Marseille (OM) – très bon club au demeurant. Nous proposons d’étendre la notion de publicité indirecte aux pratiques de sponsoring.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. La remarque nous semble pertinente. Toute la question est de savoir si le sponsoring est une espèce de publicité, auquel cas l’amendement serait satisfait. Dans le doute, nous avons examiné la notion, utile en droit, de parrainage avant d’aller plus loin. Son introduction dans le texte risquerait-elle d’étendre excessivement l’interdiction ? La question mérite d’être soulevée : avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD202 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit d’assortir l’interdiction de la condition suivante : « dans la mesure où la production excessive de vêtements, linges de maison et chaussures compromet l’objectif de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique. »

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD201 de la rapporteure

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. La loi doit être suffisamment précise pour permettre son application, en particulier lorsqu’il s’agit de limiter la liberté d’entreprendre. L’amendement vise donc à supprimer la phrase suivante de l’article 3 : « Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CD154 tombe.

Amendement CD124 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Je propose à nouveau d’étendre le périmètre de l’interdiction pour y inclure les produits contenant de la fourrure. Une telle disposition serait cohérente avec le texte interdisant les élevages d’animaux sauvages pour produire de la fourrure en France, qui avait été adopté par notre assemblée en 2021 avec le soutien de votre majorité – ce dont je vous remercie. Nous proposons d’interdire également la publicité pour les produits contenant de la fourrure, qui existent aussi dans la fast fashion.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Un tel amendement, dont je comprends l’intention, étendrait trop le périmètre de la proposition de loi. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (RE). Madame Belluco, votre amendement tendrait-il également à interdire à certaines marques de luxe de faire de la publicité pour un manteau de fourrure ? Non que je ne partage pas votre objectif, mais j’aimerais comprendre la portée réelle de l’amendement. Je ne sais pas qui produit des manteaux de fourrure, j’en achète peu ; mais je vois mal une marque de fast fashion proposer un manteau en renard. L’amendement ne nous fait-il pas quitter le sujet du jour ?

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous restons dans le sujet. La proposition de loi a pour titre « réduire l’impact environnemental de l’industrie textile ». L’amendement serait dans la droite ligne de l’interdiction que vous avez votée en 2021. Mais je reconnais qu’il étendrait le périmètre du texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD200 de la rapporteure et CD134 de M. Jean-Marc Zulesi (discussion commune)

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit d’inclure explicitement les pratiques des influenceurs parmi les publicités.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Cet amendement vise également à élargir le périmètre du texte, de façon à pouvoir inclure les réseaux sociaux.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’amendement CD134 me semble extrêmement pertinent. Mais, comme la loi du 9 juin 2023 loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dite loi « influenceurs », fait actuellement l’objet d’une démarche de notification auprès de la Commission européenne, nous avons préféré nous prémunir, et pour ainsi dire « assurer le coup », en visant explicitement les influenceurs. Je demande donc à M. le président de retirer son amendement au profit du CD200.

M. Pierre Cazeneuve (RE). J’ai une question à l’attention de Mme la rapporteure et de M. le président, qui présentent des amendements différents – ne pas voter pour l’un de vos amendements me ferait très peur, Monsieur le président ! Avez-vous eu l’occasion de vous entretenir avec M. Stéphane Vojetta et M. Arthur Delaporte, qui ont élaboré et défendu la loi « influenceurs » ? Ce dernier texte, récemment entré en vigueur, suscitait beaucoup d’interrogations de ma part. Nous n’en connaissons pas encore les effets. Ne risquons-nous pas de surlégiférer ?

M. Jimmy Pahun (Dem). Je souhaitais féliciter Mme la rapporteure. Mais comment faire pour atteindre nos objectifs ?

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Pour répondre à M. Cazeneuve, la loi « influenceurs » du 9 juin 2023 est bien sûr explicite, qui affirme : « [l]es dispositions législatives, réglementaires et prévues par des règlements européens relatives à la diffusion par voie de services de communication au public en ligne de la publicité et de la promotion des biens et des services sont applicables à l’activité d’influence commerciale. »

Mais, comme je vous le disais, ce texte fait en ce moment même l’objet d’une notification à la Commission européenne. Dans l’éventualité où la procédure ne connaîtrait pas une issue favorable, nous avons souhaité nous prémunir, assurer le coup pour ainsi dire, en introduisant explicitement les pratiques des influenceurs parmi les publicités interdites par notre propre texte. Il ne s’agit donc en aucun cas d’étendre le périmètre du texte.

La commission adopte l’amendement CD200.

En conséquence, l’amendement CD134 tombe.

Amendement CD100 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Cet amendement vient de notre impression que le texte ne prévoyait pas de sanction en cas d’infraction à l’interdiction des publicités concernées. Mais, et ma question fait ici écho à celle de M. Pahun, peut-être pourrez-vous nous préciser les modalités de sanction pour les types de publicité visés ?

Il y a deux grands moyens de faire respecter la loi par les acteurs économiques : la peur des sanctions et les contrôles. Sur ce point, je suis d’accord avec M. Pahun. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a besoin de moyens pour faire respecter les normes, tout comme celle des finances publiques (DGFIP) pour lutter contre l’évasion fiscale. Une telle discussion renvoie à un enjeu très général : l’État a besoin de moyens supplémentaires pour faire respecter la loi aux acteurs du commerce en ligne, secteur dont les évolutions rapides rendent la surveillance très difficile.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Vous avez bien lu, mais les amendements identiques CD169 de M. Pahun et CD173 de M. Thiébaut apporteront les précisions requises.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CD43 de M. Charles Fournier

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Comme l’amendement CD40 de mon collègue Fournier, cet amendement vise à combattre une forme de concurrence déloyale faite aux commerces de proximité. Il vise à suspendre la délivrance de permis de construire pour les entrepôts d’une surface supérieure à 3 000 mètres carrés destinés à alimenter la vente en ligne.

Le moratoire actuel sur la construction et l’extension de magasins de plus de 10 000 mètres carrés ne concerne pas ce qu’on appelle les dark stores. N’abritant pas de caissier, ces entrepôts ne sont pas considérés comme des points de vente. En résulte une situation de concurrence déloyale puisque ces locaux participent bel et bien au développement du commerce en ligne et en constituent même la principale implantation physique. Si vous voulez lutter contre la fast fashion et rééquilibrer un peu la concurrence au profit des commerces physiques, petits et grands, je vous invite à voter cet amendement. Limitons l’extension de ces entrepôts qui occupent nos paysages sans contribuer à la vie économique locale.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. L’initiative est intéressante. On peut cependant constater que les mastodontes de la vente en ligne n’ont pas nécessairement d’entrepôts sur le sol français. Mais, surtout, une telle mesure, qui modifierait le code de commerce, excéderait vraiment le champ de notre texte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD133 de M. Jean-Marc Zulesi

M. le président Jean-Marc Zulesi. Cet amendement s’inspire de mécanismes, notamment financiers, que nous avions introduits dans la loi du 22 août 2021, dite « climat et résilience », afin de lutter contre certaines dérives en matière de compensation. Les marques de la mode éphémère risquant de contourner certaines dispositions par des opérations de remises, je propose de leur interdire de pratiquer le moindre rabais hors période officielle de soldes.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Une fois encore, l’amendement est intéressant mais il est difficile de déterminer quelles promotions servent en réalité à réduire ou à annuler l’effet de l’écocontribution pour le consommateur final. Pour l’immense majorité des produits, cette contribution n’excède pas quelques centimes, de sorte que toute réduction serait de nature à l’annuler. L’amendement risquerait donc d’interdire la moindre remise dans le secteur textile, ce qui n’apparaît pas souhaitable dans un contexte tendu pour le pouvoir d’achat des Français.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Vous m’avez peu convaincu, madame la rapporteure : le contournement de l’écocontribution pose un vrai problème. Je vais faire preuve de sagesse et retirer mon amendement, mais nous aurons encore à travailler sur cette question en vue du débat en séance.

L’amendement est retiré.

Article 4 (nouveau) : Amendes applicables

Amendements CD109 et CD112 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques CD169 de M. Jimmy Pahun et CD173 de M. Vincent Thiébaut, amendement CD115 de M. Jorys Bovet (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Ces amendements visent à durcir les sanctions pour les acteurs économiques qui continueraient de faire de la publicité en faveur de la fast fashion. D’autres amendements tendent à infliger des amendes ne pouvant dépasser 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Nous proposons plutôt d’indexer le montant de l’amende sur le chiffre d’affaires des entreprises sanctionnées, de façon à les rendre réellement dissuasives. Voici une donnée chiffrée qui montre le peu d’impact d’une amende de 15 000 euros sur le modèle économique de certains groupes : la banque JPMorgan estime que Temu dépensera cette année 3 milliards de dollars en marketing.

L’amendement CD109 prévoit également de punir la récidive d’une interdiction de vendre, assortie de l’enlèvement et de la confiscation de la publicité concernée. Il s’agit d’une proposition délibérément maximaliste, d’ailleurs inspirée de mon excellente proposition de loi pour limiter les publicités climaticides – j’en fais la promotion ! L’amendement CD112 se limite quant à lui à l’indexation des amendes sur le chiffre d’affaires.

M. Jimmy Pahun (Dem). L’amendement CD169 prévoit de punir d’une amende administrative d’un montant ne pouvant excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale tout manquement à l’obligation d’information ou à l’interdiction de publicité prévues aux articles 1er et 3 de la proposition de loi.

M. Vincent Thiébaut (HOR). L’amendement CD173 vise à préciser le montant des amendes applicables en cas de manquement aux dispositions prévues aux articles 1er et 3 de la proposition de loi.

M. Antoine Villedieu (RN). L’amendement CD115 vise à inscrire dans la loi une sanction en cas de non-respect des dispositions de l’article 3 de la proposition de loi. Le montant des amendes reprend les dispositions prévues à l’article L. 541-9-14 du code de l’environnement concernant le défaut d’affichage de l’impact environnemental des biens et services.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Tous ces amendements visent à fixer des sanctions. J’émets un avis favorable aux amendements de M. Pahun et de M. Thiébaut, qui me semblent les plus pertinents, et suggère le retrait de celui de Mme Belluco dont les amendements, certes mieux-disants quant au montant des amendes, portent toutefois sur les dispositions déjà existantes plutôt que sur celles de l’article.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Peut-être cela vaudrait-il la peine de retravailler ces questions en vue de l’examen en séance. Une somme de 15 000 euros pour une personne morale peut être dissuasive, dès lors qu’elle frapperait chaque produit dont l’impact environnemental ne serait pas dûment affiché. Au regard des montants investis, une telle somme semble en revanche bien faible pour une campagne publicitaire interdite, qui n’aura lieu et ne sera donc sanctionnée qu’une seule fois.

Il vaudrait peut-être mieux distinguer deux régimes de sanctions. Le premier s’appliquerait à l’étiquetage des produits, le second aux messages publicitaires, qu’ils soient diffusés à la télévision, sur les réseaux sociaux ou par voie d’affichage public, auxquels cas l’indexation sur le chiffre d’affaires de l’entreprise en infraction semble pertinente. Le code de commerce et celui de l’environnement prévoient déjà de telles sanctions. Dans certaines affaires épiques de pratiques commerciales trompeuses, une marque de téléphonie que je ne citerai pas avait effectivement été condamnée à payer une amende ainsi indexée. Il y a donc un précédent et, dans le cas de la publicité, nous pourrions aller jusque-là.

La commission rejette successivement les amendements CD109 et CD112 et adopte les amendements identiques CD169 et CD173.

En conséquence, l’amendement CD115 tombe.

Après l’article 3

Amendement CD168 de M. Christophe Barthès

M. Daniel Grenon (RN). L’article 3 permet d’inscrire la promotion de la fast fashion parmi les publicités pour des produits et services ayant un impact excessif sur le climat, inscrits à l’article L. 229-61 du code de l’environnement. Par souci de cohérence, notre amendement vise à modifier également l’article L. 229-64 de ce code.

Inscrire les vêtements issus de collections à renouvellement rapide parmi les produits visés par cet article aurait en effet trois conséquences vertueuses : fournir une information sur l’impact environnemental desdits produits, considérés sur l’ensemble de leur cycle de vie, deviendrait obligatoire ; tout manquement à cette obligation serait sanctionné selon les dispositions de l’article L. 229-65 ; les contrôles seraient assurés selon les dispositions de l’article L. 229-66.

Cet amendement prévoit donc, à lui seul, l’information, la sanction et les moyens de contrôler la bonne exécution des obligations formulées.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Votre amendement est intéressant, mais d’une portée excessivement limitée : vous proposez de rendre obligatoire l’affichage de certaines informations, mais cela risque en fait de favoriser le contournement de l’interdiction de faire de la publicité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD155 et CD156 de M. Antoine Villedieu (discussion commune)

M. Antoine Villedieu (RN). Les producteurs et plateformes qui pratiquent la livraison directe depuis un pays extérieur à l’Union européenne (UE) sont incontrôlables. Comment contrôler un produit fabriqué en Chine, en Inde, au Bangladesh ou en Turquie, puis envoyé par avion vers la France et livré à domicile ? Ce n’est pas possible !

Alors que les entreprises disposant d’entrepôts en France subissent des contrôles regardant la qualité environnementale et sanitaire, ou encore le volume de leurs produits, celles qui se contentent de faire acheminer leurs marchandises chez nous n’en connaissent presque aucun. Nous pouvons bien multiplier les lois et les règlements… à quoi bon ? Ceux qui ne respectent rien aujourd’hui ne respecteront rien de plus demain : nous ne pouvons jamais les contrôler.

L’amendement CD155 vise donc à obliger les entreprises qui vendent sur le marché français à disposer sur notre territoire d’un lieu de stockage où faire transiter leurs marchandises avant de les livrer. Nous pourrions ainsi procéder à des contrôles et nous assurer du respect de nos règles. L’amendement CD156 prévoit des dispositions identiques, mais à l’intérieur des frontières de l’Union européenne (UE).

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Nous comprenons l’intérêt d’un tel amendement. Il déborde cependant du cadre de la présente proposition de loi et prévoit des obligations qu’en l’état actuel des choses, l’UE nous interdit d’instaurer. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD102 de Mme Alma Dufour

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Cet amendement résulte du travail que je consacre au secteur du textile depuis des années. Il est très difficile de connaître le volume mis sur le marché par chaque enseigne : chacune publie un chiffre d’affaires, mais il s’agit souvent d’un montant agrégé à l’échelon européen, voire mondial pour certaines plateformes. Nous n’avons donc que des estimations à partir du chiffre d’affaires rendu public, sans jamais disposer de la traduction de ce chiffre en volume de vêtements vendus. Nous recourons aux baromètres Kantar, c’est-à-dire à des sondages. Il n’y a pas de transparence à propos du nombre d’unités vendues.

Nous souhaitons donc que les éco-organismes, qui en ont connaissance, rendent publics les volumes de mise sur le marché, entreprise par entreprise. Nous serions ainsi à même de faire respecter la loi et le grand public saurait quelles entreprises font les plus gros volumes.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Le constat que vous faites est juste, mais je ne suis pas convaincue qu’une telle publication, qui alourdirait considérablement le travail de l’éco-organisme, nous donnerait une vision plus juste de tout ce qui nous échappe. Elle poserait tout de même un problème de respect du secret des affaires et risquerait d’inciter les entreprises à sous-déclarer leurs volumes. Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES).  Cette publication ne compliquerait pas vraiment le travail des éco-organismes, qui ont déjà ces données : les écocontributions, au‑delà du bonus ou du malus, sont assises sur les volumes mis sur le marché. Bien sûr, les entreprises ne déclarent pas forcément tout ; les vendeurs tiers sur les plateformes de commerce en ligne ne déclarent même rien à l’éco-organisme. Ces données, parcellaires, peuvent toujours donner lieu à une fraude, qui existe déjà – je vous en ai parlé toute la matinée.

Bien des raisons poussent les grandes entreprises à minimiser leur chiffre d’affaires, notamment pour échapper à l’impôt – on vient de le voir à propos d’Airbnb, qui a tronqué non pas ses bénéfices, mais son chiffre d’affaires en France. Toutes les multinationales pratiquent peu ou prou la sous-déclaration. Ma demande ne porte d’ailleurs pas sur le chiffre d’affaires mais sur le nombre d’unités. Ces chiffres nous permettraient de savoir si les bonus-malus sont appliqués conformément à la loi. Cela faciliterait notre travail à tous, honnêtement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD119 de M. Jorys Bovet

M. Antoine Villedieu (RN). Pour réduire au minimum l’impact de l’industrie textile sur l’environnement, il faut réindustrialiser le pays et disposer sur le territoire national de la matière première qu’utilise cette filière.

La surface de lin fibre en France a augmenté de plus de 130 % entre 2010 et 2020, pour atteindre 61 % de la surface européenne. L’Hexagone produit 5 300 tonnes de laine, dont 80 % sont exportés vers des pays d’Asie à bas coûts. La culture du chanvre est en plein essor, mais l’industrie textile n’absorbe que 1 % de la production.

La France a des ressources pour produire de la fibre naturelle, avec un impact environnemental limité. Encore faut-il nous donner les moyens d’exploiter ce potentiel. À cette fin, nous proposons qu’un rapport dresse l’état des lieux des trois filières, de leurs atouts et des freins à leur développement.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Je comprends l’intention et partage le souhait de soutenir l’industrie française. Toutefois, multiplier les rapports ne me semble pas judicieux. Du reste, l’amendement est déjà satisfait par notre texte, au travers du mécanisme de bonus-malus, qui pénalise les entreprises les plus polluantes et favorise les plus vertueuses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD130 de M. Emmanuel Blairy

M. Daniel Grenon (RN). Le Gouvernement affiche sa volonté de réindustrialiser le pays. Pour cela, nous demandons qu’un rapport fasse le point sur l’état des savoir-faire français : ceux qui sont menacés, ceux qui ont disparu, ceux qui ont été conservés. Le travail de la dentelle, du lin, le tannage du cuir et de la peau de poisson font partie de notre patrimoine. Ces filières contribuent à faire rayonner notre pays sur la scène internationale, notamment en matière d’artisanat de luxe. Il faut les soutenir.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Nous sommes bien convaincus de la nécessité de réindustrialiser la France : tel est notamment l’enjeu des discussions touchant l’industrie verte. Pour autant, je ne suis pas certaine qu’un rapport nous aide beaucoup à le faire. Les dispositions de cette proposition de loi permettront en revanche de valoriser et de favoriser les filières vertueuses et donc les filières françaises. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD145 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Comme nous en avons longuement parlé durant nos échanges, la condition sociale, de la production à la livraison, doit devenir un enjeu majeur pour définir si une pratique commerciale est durable ou non. Durant les auditions, les acteurs nous ont tous répondu plus ou moins la même chose : ils collectionnent les labels environnementaux et sociaux et font des audits internes des usines de leurs partenaires et sous-traitants, sans garantie, sans contrainte ni contrôle possible par les autorités françaises ou européennes. Quant aux salaires, personne ne peut les augmenter parce que les employés des usines travaillent pour plusieurs entreprises et qu’il faut l’accord de tous pour toucher aux rémunérations. Chacun rejette la faute sur le voisin et personne ne veut rien changer. Cet amendement vise à lever le flou maintenu sur les conditions sociales dans le secteur du textile, ainsi que sur l’utilité et la portée des labels.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Pour importante et juste qu’elle soit, la question des conditions sociales des salariés des sous-traitants des entreprises textiles dépasse le cadre du présent texte. Elle pourrait évidemment faire l’objet d’une autre proposition de loi.

M. Antoine Villedieu (RN). Tout en comprenant vos arguments et votre position, madame la rapporteure, je voudrais insister sur le fait qu’il faut bien que nous accrochions cette question sociale à un texte, sinon elle ne sera jamais traitée. Si l’environnement est une préoccupation majeure dans nos sociétés, on ne peut pas mettre de côté la condition humaine. Chaque fois que j’ai abordé ce sujet dans le cadre de l’examen d’un texte, on m’a répondu la même chose. Quand dois-je évoquer la condition humaine ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD157 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Malgré sa bonne volonté évidente, cette proposition de loi ne fait qu’effleurer la dernière dérive issue de l’immense échec de la politique industrielle et textile de la France. Ce texte ne permettra aucune relocalisation. Dans leur quasi-totalité, les grandes entreprises produisent dans les mêmes usines des mêmes pays : Chine, Inde, Bangladesh, Turquie. Cette réalité, qui varie d’une entreprise à l’autre, pose des problèmes environnementaux liés aux importations massives, des problèmes sociaux dus aux conditions de travail dans les pays concernés et au chômage induit en France, et des problèmes économiques en raison de sa lourde contribution au déficit commercial du pays.

Cette proposition de loi est issue des rangs de la majorité. Si la volonté de cette même majorité est réellement de relocaliser et de réduire drastiquement l’impact environnemental de l’industrie textile dans le monde, pourquoi cette proposition n’est-elle pas accompagnée d’un véritable projet de réindustrialisation de la filière textile, présenté par le Gouvernement ? Pour ma part, c’est ce que je demande par le biais de cet amendement.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Tout en n’étant pas dénuée d’ambition, cette proposition de loi ne tend pas à réindustrialiser la France – objectif louable et nécessaire qui est traité au niveau de la politique générale de notre pays. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD158 de M. Antoine Villedieu

M. Antoine Villedieu (RN). Refashion a publié les données suivantes pour 2022 : 827 000 tonnes de textiles en circulation ; 260 000 tonnes collectées ; 188 000 tonnes triées, dont 60 % réutilisées pour de la production, du recyclage ou comme combustible. Malgré une évolution notable en dix ans, il y a encore beaucoup de pertes, notamment au niveau des collectes qui ne sont pas assez incitatives pour être efficaces. Au vu des décharges à ciel ouvert qui grandissent sur le continent africain, force est de constater que notre capacité de recyclage n’avance pas assez vite. C’est pourquoi, par le biais de cet amendement, nous demandons au Gouvernement de faire un rapport sur l’état réel du recyclage textile en France, sur ses perspectives d’évolution et sur les moyens d’améliorer son fonctionnement à toutes les étapes.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Le système de pénalités et de bonus répond à votre légitime préoccupation. Les bonus collectés seront en effet réinjectés par l’éco‑organisme agréé dans tous les aspects de recyclage, de réemploi et de réutilisation. La proposition de loi contient des mesures permettant de rendre le secteur beaucoup plus vertueux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD166 de M. Christophe Barthès

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Il s’agit d’une demande de rapport sur les conséquences de la crise sanitaire sur la filière textile française. Le sujet ne manque pas d’intérêt, mais il sort aussi du champ de cette proposition de loi. N’hésitez pas à faire des propositions de loi – je peux comprendre qu’il soit frustrant de ne pas voir aborder certains thèmes, qui vous paraissent importants, dans les textes présentés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CD167 de M. Christophe Barthès.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole aux orateurs de groupe qui souhaitent s’exprimer.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Comme nous l’avons indiqué d’emblée, nous sommes convaincus que le texte doit garantir que la fast fashion soit réellement pénalisée si nous ne voulons pas en rester au stade du vœu pieux. À notre grande satisfaction, d’autres groupes ont aussi proposé les pénalités minimales et les seuils que nous avons réclamés, mais nous n’avons malheureusement pas réussi à nous mettre d’accord. Pour nous, c’est un point de blocage. Au nom du groupe Écologiste, je vais donc m’abstenir alors que j’ai vraiment envie de voter pour ce texte qui va tout de même dans le bon sens. Sachez, madame la rapporteure, que nous sommes à votre disposition pour travailler et trouver une proposition satisfaisante sur ces seuils et pénalités avant l’examen du texte en séance. Nous pouvons trouver une solution car il me semble que pratiquement toutes les personnes ici présentes ont la volonté d’avancer.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Madame la rapporteure, je suis convaincue que votre texte peut faire une très grande différence s’il est appliqué conformément à vos souhaits, ce qui ne me semble pas évident compte tenu des précédents que sont la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec) et la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. J’ai des doutes sur le niveau réel des pénalités, notamment jusqu’au couperet fatidique de 2027, sachant que les malus de la filière textile atteignent en moyenne 30 centimes d’euro alors que la loi Agec permettrait de les fixer à 20 % du prix du produit. Nous constatons un énorme écart entre ce que la loi prévoit, ce que le Gouvernement décide par décret et ce que l’éco-organisme décide à la fin, quand on laisse trop de latitude à tout le monde.

Comme je crois vraiment à votre proposition de loi, comme j’attendais un tel texte depuis longtemps, comme je trouve que c’est un excellent signal qu’il émane du groupe Horizons et que nous ne soyons plus les seuls à défendre ce type de proposition, je vais m’abstenir. Il faut absolument garantir des seuils ou une progressivité pour ces pénalités – sur ce point, je suis d’accord avec Antoine Vermorel-Marques. Nous sommes prêts à travailler avec le Gouvernement à une rédaction permettant de s’assurer que les pénalités seront bien appliquées par les places de marché. Il faut aussi faire sauter le seuil de 50 % du prix pour le malus, afin d’être sûr que la mesure produise ses effets de relocalisation industrielle en 2027. Enfin, toujours dans la même optique de relocalisation, il faut se pencher sur les conditions de reversement du bonus aux entreprises qui produisent en France ou en Europe. À mon avis, la baisse du coût de production du made in France va être fondamentale dans l’acceptation de ce système par les Français : il faut créer un équilibre entre le coût et le bénéfice.

Nous allons donc nous abstenir en commission, tout en espérant parvenir à un accord sur ces différents points avant l’examen du texte en séance, car nous avons une profonde envie de l’approuver.

Mme Laëtitia Saint-Paul (RE). Si j’approuve la finalité de cette proposition de loi, je m’inquiète des mesures de rétorsion qui pourraient être prises par les pays concernés. J’ai encore le traumatisme de la taxe « Trump » de 2019 et de ses répercussions sur nos producteurs de vins ou de produits laitiers. Avez-vous anticipé de telles mesures de rétorsion ?

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je voulais remercier la rapporteure pour son travail et tous les groupes pour avoir salué l’initiative et exprimé leur soutien. Les membres du groupe Horizons sont impatients de voir arriver cette proposition de loi en séance publique pour l’adopter.

M. Antoine Villedieu (RN). Je voulais aussi remercier la rapporteure pour son travail. Même si nous ne sommes pas totalement satisfaits de son contenu, nous devons reconnaître qu’il est rare qu’un texte proposé par la majorité recueille un tel consensus. Nous pourrons en retravailler certains points en vue de l’examen dans l’hémicycle, mais, quoi qu’il en soit, nous voterons pour cette proposition de loi en commission et en séance publique.

Mme Anne-Cécile Violland, rapporteure. Quitte à être redondante, je voulais vous remercier tous pour votre travail et l’accueil réservé à ce texte. Quant aux potentielles mesures de rétorsion, madame Saint-Paul, nous les avons évoquées et nous y reviendrons. J’ai d’ailleurs pris grand soin d’indiquer que ce texte n’était pas contre des marques spéciales, une entreprise ou un continent en particulier, mais qu’il visait l’ultra fast fashion et, dans une moindre mesure, la fast fashion.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


  1  

   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Fédération française du prêt-à-porter féminin *

M. Yann Rivoallan, président

M. François-Marie Grau, délégué général

Institut français de la mode

M. Xavier Romatet, directeur général

Mme Andrée Anne Lemieux, professeure chercheuse, titulaire de la Chaire IFM, Kering Fashion sustainability

Union des industries textiles (UIT) *

M. Éric Boel, président de la commission « Développement durable »

Agence de la transition écologique (Ademe)

M. Jean-Charles Caudron, directeur de la supervision des filières REP

Mme Manon Léger, chargée de la supervision de la REP « Textiles, linges et chaussures »

Refashion

Mme Margarita Verboud, responsable des affaires juridiques et institutionnelles

Mme Hélène Daret, directrice « Pôle marques et relation adhérents »

Fashion Green Hub

Mme Annick Jehanne, cofondatrice et présidente

Mme Majdouline Sbai, sociologue de l’environnement, cofondatrice

Fédération de la mode circulaire *

M. Maxime Delavallée, président

Mme Ellie Dahan-Lamort, responsable « Plaidoyer et communauté »

Emmaüs

Mme Camille Rognant, responsable du service « Filières REP et développement économique »

Mme Louana Lamer, responsable de mission « Filière textile »

Fédération de la haute couture et de la mode (FHCM)

M. Pascal Morand, président exécutif

Table ronde « Entreprises »

 Décathlon

Mme Émilie Notot, directrice du développement durable « Textile »

Mme Isabelle Guyader, directrice développement durable « Sports & Produits »

Mme Clara Bermann, responsable « Affaires publiques et développement durable »

 Zara (groupe Inditex)

Mme Virginie Reiss, directrice générale d’Inditex France

M. Chad Jeudy, directeur adjoint « Affaires publiques monde »

 H&M

Mme Anna Byhovskaya, responsable « Affaires publiques, Europe du Sud », H&M Group

Mme Emin Mohamed Sassi, responsable « Communication France, Belgique, Luxembourg »

Mme Clothilde Mbock Mbock, responsable « Communication corporate »

Shein

M. Fabrice Layer, directeur des affaires gouvernementales de Shein « France »

Mme Gail Orton, directrice « Europe » des relations gouvernementales

Mme Marion Bouchut, directrice « France » de la communication

Commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs (Cifrep)

M. Jacques Vernier, président

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

 Direction générale de la prévention des risques, service des risques sanitaires liés à l’environnement, des déchets et des pollutions diffuses, sousdirection déchets et économie circulaire

M. Léonard Brudieu, adjoint au sous-directeur

Mme Pauline Caussade, chargée d’étude, bureau de la prévention et des filières à responsabilité élargie du producteur

– Commissariat général au développement durable (CGDD)

Mme Audrey Coreau, cheffe du service de l’économie verte et solidaire

Mme Julie Hanot, sous-directrice des entreprises

Mme Juliette Moizo, cheffe du bureau des produits et de la consommation durables

Kiabi

M. Patrick Stassi, directeur général

Mme Camille Caron, Responsable du développement durable

Mme Marianne Mathon, Responsable de la communication « Corporate et externe »

Mme Caroline Bottin, chargée du pôle technique des collections « Textile »

Table ronde « Associations environnementales »

 Les amis de la Terre

M. Pierre Condamine, chargé de campagne « Surproduction »

 Zero Waste France

Mme Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer

 France Nature Environnement (FNE)

M. Jean-Luc Jugant, membre du réseau « Prévention et gestion des déchets »

Alliance du commerce *

M. Yohann Petiot, directeur général

Mme Pascale Barthomeuf-Lassire, directrice des affaires juridiques et économiques

En mode climat

Mme Julia Faure, cofondatrice de Loom, présidente

Ministère de l’économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique

 Direction générale des entreprises

M. Michel Rao, sous-directeur des industries de santé, des biens de consommation et de l’agroalimentaire

Mme Astrid Even, directrice de projets « Mode et luxe, biens de consommation »

 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

M. Ambroise Pascal, délégué à la transition écologique

M. Serge Piccolo, adjoint à la cheffe du bureau des produits industriels

Défi mode – Comité de développement - Institut français du textile et de l’habillement

Mme Clarisse Reille, directrice générale

Table ronde

 Veepee

M. Xavier Court, associé fondateur

M. Arthur Cassanet, directeur des affaires publiques

 Zalando

Mme Claudia Martinuzzi, responsable des affaires publiques France

M. Pascal Brun, vice-président, chargé du développement durable

 Showroomprivé

Mme Olivia Moatty, directrice juridique

Mme Anne-Charlotte Neau-Juillard, directrice des relations extérieures

Audition commune

 Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad) *

M. Marc Lolivier, directeur général

Mme Pauline Fiquémont, responsable « Responsabilité sociale et environnementale des entreprises, paiement et logistique »

M. Moncef Lameche, responsable des affaires publiques

 Fédération du commerce et de la distribution *

M. Philippe Joguet, directeur « Développement durable, responsabilité sociale et environnementale des entreprises, questions financières »

Mme Sophie Amoros, responsable des affaires publiques et de la communication

 Alliance française des places de marché *

M. Benjamin Moutte, président, directeur des affaires juridiques et gouvernementales de Rakuten

M. Luca Bresch, membre de l’Alliance française des places de marché, responsable des affaires publiques de Vinted

M. Pierre Sellin, conseil de l’Alliance française des places de marché, consultant senior chez Grayling

Primark

Mme Lisa Shannon, directrice des opérations du groupe Primark

Mme Lynne Walker, directrice du programme Primark Cares pour le groupe Primark

Mme Christine Loizy, directrice générale de Primark France SAS

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

   Contributions écrites

 

Public eye

Union sport et cycle *

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Agence européenne de l’environnement, « Textiles in Europe’s circular economy », novembre 2019.

([2]) Refashion, Chiffres clefs, septembre 2018.

([3]) « Le marché de la mode en 2023 : quel bilan, quelle perspective pour 2024 ? », février 2024. L’étude réalisée porte sur un panel de distributeurs et une enquête auprès de 1 200 consommateurs et consommatrices.

([4]) Agence européenne de l’environnement, « Textiles in Europe’s circular economy », novembre 2019.

([5]) idem.

([6]) Les dépenses des Français pour leur apparence physique, Insee Première, n° 1628, 10 janvier 2017.

([7]) Consommation effective des ménages par fonction, Chiffres-clé, Insee, 31 mai 2023.

([8]) Les plateformes Amazon et Temu ne proposent pas que des produits textiles mais sont des plateformes et des places de marché généralistes.

([9]) Cf. R. 541-221 du code de l’environnement.

([10])  Ces critères sont : la consommation d'eau utilisée pour la fabrication des matières ; la durabilité physique des textiles ; la valorisation de conditions de production en France ou en Europe ; les enjeux liés à l'utilisation de pesticides et de produits chimiques lors de la fabrication des textiles ; les enjeux liés aux rejets de microplastiques ; les conditions de valorisation des matières recyclées ; les conditions de valorisation des textiles reconditionnés ; ainsi que la possibilité de prendre en compte l'impact de la fast fashion au travers des incitations à racheter ou à réparer les vêtements.

([11]) Cf. Agence européenne de l’environnement, « Textiles in Europe’s circular economy », novembre 2019.

([12]) Un producteur au sens de l’article L. 541‑10 du code de l’environnement est toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication.

([13]) Règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE.

([14]) Cf. Article 16 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([15]) Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets.

([16]) Article 72 de la loi  « AGEC ».

([17]) Article L. 541‑11‑18 du code de l’environnement.

([18]) Le barème de l’éco-contribution n’est pas un acte réglementaire, contrairement au cahier des charges, mais constitue un document annexé au contrat d’adhésion de chaque producteur adhérent à l’éco‑organisme.  

([19]) Directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives.

([20]) Décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs.

([21]) Conseil d’État, 6e ‑ 5e chambres réunies, 10 nov. 2023, n° 449213.

([22]) Quatrième alinéa de l’article L. 541‑10‑3 du code de l’environnement : « Au plus tard le 1er janvier 2022, le montant de la pénalité applicable aux emballages plastiques qui ne peuvent intégrer une filière de recyclage en fin de vie est fixé par arrêté, selon une trajectoire progressive. »

([23]) Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020.