N° 2403

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole (n° 2231)

PAR Mme Marie POCHON

Députée

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 Voir le numéro : 2231.


   SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

Commentaires d’articles

Article 1er  (art. L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime) Améliorer le fonctionnement des conférences publiques de filière en vue de garantir un meilleur revenu aux agriculteurs

Article 1er bis (nouveau) Demande d’un rapport au Gouvernement sur la prise en considération des coûts de production dans la formation des prix d’achat aux agriculteurs

Article 2  Créer un fonds consacré à la transition agroécologique  des exploitations agricoles

Article 3  Modalités de financement du fonds consacré à la transition agroécologique  des exploitations agricoles

examen en commission

Liste des personnes auditionnées

 


 

  avant-propos

« Ayons donc confiance dans l’intelligence, le bon sens et l’honnêteté de ceux qu’il faut appeler avec honneur les paysans, c’est-à-dire par excellence les hommes du pays, les cultivateurs de la terre du sol natal » exhortait au milieu du XIXe siècle Dupin, ancien président de l’Assemblée nationale, dans la préface de son opuscule De l’agriculture, des comices agricoles et de leur influence sur les campagnes ([1]).

Les propos d’André Dupin (1783-1865), alors procureur général près la Cour de cassation, exaltaient déjà, voilà plus de 170 ans, les agriculteurs qui, histoire et tradition obligent, ont toujours été l’un des principaux acteurs de nos sociétés occidentales et dont aujourd’hui on peine pourtant à reconnaître l’importance et les mérites. Au-delà de ce manque de considération, la soumission aux règles d’un marché ultra-libéralisé dans lequel les biens agricoles s’échangent contre des voitures ou des métaux rares, la course aux volumes pour faire face à la baisse de valeur des productions, l’effondrement du nombre d’actifs (un immense plan social à bas bruit, avec cent mille exploitations agricoles qui ont disparu ces dix dernières années dans notre pays), les aléas climatiques devenus la norme sans un accompagnement suffisant pour y faire face… ont été autant d’éléments déclencheurs d’une crise historique des mondes agricoles ces derniers mois.

La récente mobilisation des agriculteurs dans notre pays a mis en exergue les difficultés et le mal-être subis depuis des années par les professions agricoles. Partout en France, pendant plusieurs semaines, le monde agricole a exprimé son ras-le-bol à l’encontre d’un modèle à bout de souffle. Au cœur des revendications, celle principalement de voir son travail enfin rémunéré à sa juste valeur alors que, selon l’Insee, 18 % des agriculteurs vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

On peut noter quatre principales causes à cet embrasement aussi soudain qu’attendu, un des plus forts que la France ait connu dans ce secteur depuis plus de trente ans.

D’abord, un ras-le-bol lié à l’incapacité pour beaucoup d’agriculteurs de vivre dignement de leur métier. Les agriculteurs contestent les fortes inégalités dans la répartition de la valeur sur la chaîne agroalimentaire avec des profits records pour l’aval pendant que les producteurs n’ont pas de quoi vivre. En effet, entre les premiers trimestres 2022 et 2023, les profits bruts de l’industrie agroalimentaire ont plus que doublé, passant de 3,1 milliards d’euros (Md€) à 7 Md€. Entre 2021 et 2022, la marge brute de la grande distribution a, quant à elle, augmenté en moyenne de 57 % sur les pâtes alimentaires, 13 % sur les légumes et 28 % sur le lait demi‑écrémé. Une étude de la Fondation pour la nature et l’homme sur l’évolution du montant de la marge brute réalisée par chaque acteur sur un litre de lait demi-écrémé, entre 2001 et 2022, montre à quel point la valeur ajoutée a été captée par les entreprises de la distribution et de l’agroalimentaire au détriment des éleveurs puisque, sur cette période, les distributeurs ont vu leur marge augmenter de 188 %, les entreprises agroalimentaires de 64 % tandis que les éleveurs ont réduit la leur de 4 %.

Les agriculteurs dénoncent également les inégalités dans la distribution des aides publiques, au regard notamment des règles de la politique agricole commune (PAC) qui, avec le paiement à l’hectare, conduit à donner plus d’argent à ceux qui ont les plus grandes exploitations. Ainsi, 20 % des agriculteurs français captent la majorité des aides de la PAC.

Ensuite, le monde agricole a manifesté de vives inquiétudes à l’égard de la potentielle signature de plusieurs accords commerciaux mondiaux qui l’auraient mis en situation de concurrence défavorable avec la Nouvelle-Zélande, le Kenya, le Chili ou encore le Mercosur (organisation créée en mars 1991 entre l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay, auxquels des États sont associés comme le Chili, la Bolivie, la Colombie…). Cet accord, devenu emblématique de la lutte contre les accords de libre-échange, a certes été signé en juin 2018, mais il n’a pas été ratifié par certaines parties prenantes (citons notamment l’opposition de l’Autriche, de la France, de l’Allemagne, de l’Irlande…). Un rapport demandé sur ce sujet par Édouard Philippe, alors Premier ministre, avait souligné que les gains économiques attendus de l’accord (dit « cars versus cows », les pays de l’Union espérant notamment accroître l’exportation de voitures européennes en Amérique du Sud contre l’importation de produits agricoles, notamment de viande) ne pouvaient pas compenser ses coûts environnementaux. Il alertait notamment sur les risques d’accroître « de manière non ambiguë » les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi la déforestation due à la hausse des exportations sud-américaines de viande bovine. Surtout, alors qu’il est avéré que les modes de production dans les pays du Mercosur ne respectent pas les normes définies par l’Union européenne, l’accord en cause était de nature à permettre les échanges de produits agricoles traités avec des pesticides interdits d’usage sur le territoire européen et réciproquement. C’est ce décalage qui est insupportable pour les agriculteurs qui réclament des mesures miroirs, c’est-à-dire que les standards européens s’appliquent à l’ensemble des produits importés venant de pays tiers.

Enfin, les agriculteurs ont protesté contre les injonctions contradictoires entre la nécessité de produire mieux pour la transition et celle de produire plus et moins cher pour être compétitif. Ils expliquent, à raison, ne pas pouvoir à la fois réduire au maximum les coûts de production et, en même temps, investir dans les transitions sociale et environnementale pour répondre aux attentes de la population française en matière d’alimentation et de santé.

Cette mobilisation sans précédent intervient par ailleurs dans un contexte d’aléas climatiques croissants qui affectent les récoltes et apportent à un monde agricole qui peine déjà à se projeter beaucoup d’incertitude (que l’assurance récolte ne parvient pas à compenser, notamment pour les petits agriculteurs qui n’ont souvent pas les moyens de souscrire à une assurance privée nécessaire au recouvrement complet des pertes, ou pour les productions qualifiées d’inassurables). C’est cette incertitude croissante (qui se traduit par une incertitude en matière de revenus) qui est aussi au cœur de ce ras-le-bol.

L’expression de cette crise profonde témoigne d’un tel niveau de colère qu’il est de la responsabilité du législateur d’adopter des mesures structurelles pour y répondre et ainsi de protéger notre agriculture, celles et ceux qui la font, ainsi que notre souveraineté alimentaire, aujourd’hui et demain.

Dans cette proposition de loi, nous avons donc voulu esquisser une réponse concrète et structurelle au problème urgent du revenu.

Si l’on se concentre sur la situation française à partir d’une étude relativement récente de l’Insee, il apparaît en effet que le revenu des agriculteurs a notablement diminué en 2023, en baisse de 9 % par rapport à 2022 (après deux années de hausse, respectivement + 13,1 % en 2021 et + 9,6 % en 2022). Si le revenu disponible moyen annuel des ménages agricoles s’élevait à 52 400 euros en 2018 ([2]) (dont un tiers seulement issu de l’activité agricole, le reste venant du revenu du conjoint, de la vente de produits artisanaux, de revenus du patrimoine ou d’autres sources encore), celui-ci a globalement diminué depuis, même s’il est vrai que les chiffres peuvent se contredire et qu’il existe de substantiels écarts de revenus suivant le type d’exploitation. Si l’on se réfère non au revenu de l’agriculteur en tant que personne physique mais au revenu courant avant impôt (ou RCAI, indicateur qui permet de mesurer la rentabilité d’une exploitation agricole), des études récentes ([3]) ont montré que celui-ci s’élevait à environ 32 000 euros par équivalent temps plein (ETP), toutes exploitations confondues ; les 20 % d’exploitations ayant les résultats économiques les plus faibles ont un RCAI inférieur à 6 100 euros par ETP non salarié tandis que les 20 % d’exploitations ayant les résultats économiques les meilleurs ont un RCAI supérieur à 54 100 euros par ETP non salarié. Suivant les filières, les résultats sont évidemment bien différents ; les exploitations d’élevage de ruminants présentent par exemple un RCAI de 20 200 euros par ETP tandis que les revenus des exploitations de grandes cultures maraîchères atteignent en moyenne un peu plus de 56 000 euros. De plus, comme c’est par exemple le cas au sein de la filière viticole, il faut rappeler que les revenus sont extrêmement disparates d’une région à l’autre, en fonction (pour prendre l’exemple du vin), de la réputation d’un terroir, des aléas climatiques, d’une éventuelle surproduction locale… Dans un récent entretien au Monde, le sociologue Bertrand Hervieu soulignait que le revenu moyen annuel d’un agriculteur est de trente mille euros, « mais 10 % des plus faibles sont négatifs – c’est alors le salaire du conjoint qui fait vivre la famille –, tandis que 10 % des revenus les plus élevés s’étagent entre 95 000 et 125 000 euros » ([4]).

Ces très fortes disparités ont des causes multiples qui tiennent tout autant à la productivité du travail qu’à l’efficience productive de l’exploitation (c’est-à-dire sa capacité à bien utiliser les intrants mobilisés) et à sa capacité à faire face à la dette. Il faut également prendre en compte la diversité des exploitations agricoles tant dans leur surface (la baisse du nombre d’exploitations en France est, à ce titre, compensée par une augmentation de leur surface, 69 hectares en moyenne, soit 14 hectares de plus qu’en 2010 et 27 de plus qu’en 2000) que dans leur profil économique, certaines étant davantage tournées vers une activité commerciale à grande échelle (éventuellement à l’international) ce qui, in fine, influe sur leur modèle économique et donc productif. La diversité des situations tient enfin à la saisonnalité (et donc aux aléas) de certaines productions, notamment dans les filières fruits et légumes, à la forte volatilité du cours de certaines matières premières et à la rapidité de la circulation des informations qui conduisent les prix agricoles à subir de très fortes variations en des temps records (souvenons-nous qu’en 2007, la découverte de lait infantile affecté par la mélamine avait entraîné un arrêt brutal de la consommation de produits laitiers en Chine, entraînant une chute des cours de par le monde).

Autant d’éléments qui expliquent qu’en France, au sein des ménages agricoles (c’est-à-dire des ménages qui déclarent des revenus agricoles dans leur déclaration fiscale), 50 % des personnes avaient un niveau de vie par unité de consommation inférieur à 22 200 euros par an en 2018, soit 1 850 euros par mois. Quant au taux de pauvreté ([5]) des ménages agricoles relevé par l’étude, il est de 18,1 %, soit un taux supérieur de trois points par rapport au taux de pauvreté de l’ensemble de la population de notre pays (15,1 %) ([6]).

Outre l’indignation que ces chiffres ne peuvent que susciter, ils ont évidemment pour conséquence un sentiment de délaissement pour les principaux intéressés. On sait que le nombre d’exploitations agricoles en France a été divisé par quatre en cinquante ans, passant de plus de 1,5 million en 1970 à un peu moins de quatre cent mille aujourd’hui ([7]) (ce qui représente environ cinq cent mille exploitants), la part des exploitants agricoles ne représentant aujourd’hui que 2 % de l’emploi total contre plus de 7 % au début des années quatre-vingt (et même encore 11,4 % en 1970). De fait, les jeunes ayant envie de s’engager dans la voie des métiers de l’agriculture sont de moins en moins nombreux, puisque s’installer coûte de plus en plus cher au vu de la tendance à l’agrandissement à l’œuvre dans le pays, et qu’une installation suppose notamment de pouvoir compter sur une sécurité matérielle minimale, qui permette à la fois d’investir et de se projeter dans l’avenir, ce que nombre d’agriculteurs ne peuvent plus faire aujourd’hui.

C’est dans ce contexte qu’est notamment apparue la question des « prix planchers » ou des « prix rémunérateurs ». Cette notion n’est pas nouvelle. Elle a longtemps été défendue par plusieurs syndicats agricoles, a été plusieurs fois proposée par divers groupes à l’Assemblée nationale et a récemment été débattue à l’occasion de la discussion d’une proposition de loi ([8]) du groupe La France Insoumise avant d’être rejetée à une très courte majorité (168 voix contre 162). Ces derniers mois, elle aura été au cœur des revendications de nombre d’agriculteurs face aux surprofits de certains agro-industriels, et le 24 février dernier, jour de l’inauguration du Salon international de l’agriculture, le Président de la République a lui-même très clairement affirmé qu’il convenait d’établir « des prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole et de ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui aujourd’hui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus ».

Des initiatives avaient d’ores et déjà été prises, notamment dans le cadre de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi « Égalim 2 », qui avait prévu la possibilité, pour les parties ayant conclu un contrat de vente de produits agricoles visé à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, de convenir de « bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix, intégrant notamment un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, produisent leurs effets ». En d’autres termes, il s’agissait de permettre aux parties à un contrat (en l’occurrence, au producteur et au premier acheteur) de conclure un « tunnel de prix », à titre expérimental et pour une durée maximale de cinq ans, entre une borne minimale et une borne maximale (fixes toutes les deux), tunnel à l’intérieur duquel peut évoluer le prix convenu entre elles, celui-ci étant assorti d’une clause de revoyure en cas de dépassement d’une des deux limites. L’avantage de ce dispositif consiste évidemment, pour le producteur, à avoir la certitude de bénéficier d’un prix assuré, qui est égal par définition à la borne minimale du tunnel ainsi définie ([9]). À ce jour, seule la filière bovine s’est engagée dans l’expérience, qui va s’étendre du 1er janvier 2022 au 31 décembre 2026 ([10]).

Si ce dispositif, qui demande à être évalué, est prometteur, il n’est pas encore assez répandu, sa mise en œuvre ne reposant au surplus que sur le bon vouloir des parties en présence. Comme on a pu l’expliquer à votre rapporteure dans le cadre des auditions qu’elle a conduites, cette désaffection tient au fait que les filières ne sont pas suffisamment structurées pour ce faire, à la difficulté des agriculteurs à estimer le prix juste pour leur production et leur travail dans un contexte de pressurisation de l’amont et de l’aval, et à la complexité avérée de la construction des prix dans certaines filières – notamment, celles fortement dépendantes de la saisonnalité (fruits et légumes) ou certaines viandes. C’est notamment le cas du porc qui est un produit découpé en de très nombreuses parties (allant des jambons aux côtes en passant par les pieds et les oreilles…), chacune d’entre elles étant destinée à des marchés spécifiques, eux-mêmes subdivisés entre marché intérieur et marchés d’exportation, de telle sorte que la fixation d’un prix global et unique du porc s’avère des plus délicat ! Difficile dans ces conditions de définir un corridor de prix permettant aux producteurs de porcs d’avoir des certitudes en termes de revenus…

C’est dans ce contexte que la présente proposition de loi entend apporter sa pierre à l’édifice permettant de garantir un revenu digne aux agriculteurs.

Loin d’avoir la prétention de résoudre l’ensemble des problématiques liées à la garantie d’un revenu juste assurant des conditions de travail dignes aux agriculteurs et agricultrices et permettant le renouvellement des générations agricoles, cette proposition de loi souhaite néanmoins proposer une solution précise à cette préoccupation majeure, sans laquelle aucun « soutien » aux professions agricoles en matière de renouvellement des générations, de transition écologique, de contribution aux efforts climatiques ou de production d’une alimentation saine et accessible pour les Françaises et les Français ne saurait être efficace.

Alors que cette mesure est soutenue par la majorité des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale et désormais par le Président de la République, nous considérons que son adoption permettra de montrer notre capacité collective à concrétiser nos engagements en faveur d’une rémunération digne pour les agriculteurs.


   Commentaires d’articles

 

Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article vise tout d’abord à améliorer le fonctionnement des conférences publiques de filière.

Il a également pour objet de confier à ces conférences le soin de proposer chaque année une estimation des coûts de production au sein de chaque filière, ces derniers devant inclure une rémunération des agriculteurs à hauteur de 2 Smic, cette estimation servant ensuite de base à la définition d’un seuil minimal d’achat des produits agricoles.

  1.   l’État du droit : DES DISPOSITIONS IMPRÉCISES AUX CONSÉQUENCES INCERTAINES

En l’état actuel du droit, force est de constater que les conférences publiques de filière sont privées de toute efficacité, dans la mesure où les textes nécessaires à leur fonctionnement n’ont pas encore été pris à ce jour (A). En outre, le dispositif défini à l’article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime fait certes référence aux « coûts de production », notion centrale pour appréhender la problématique du revenu des agriculteurs, mais sans pour autant les définir, ce qui rend son application malaisée (B).

  1.   L’INEFFICACITÉ avÉrÉe du fonctionnement des confÉrences PUBLIQUES de filiÈre

Les conférences publiques de filière sont des institutions relativement récentes, puisqu’elles ont été créées par l’article 104 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. L’article L. 631-27-1 du code rural et de la pêche maritime énonce ainsi en son premier alinéa que « pour chacune des filières agricoles, une conférence publique de filière est réunie chaque année avant le 31 décembre, sous l’égide de lÉtablissement national des produits de lagriculture et de la mer mentionné à l’article L. 621-1 ».

Réunissant les représentants des producteurs, des organisations de producteurs, des entreprises et des coopératives de transformation industrielle des produits concernés, de la distribution et de la restauration hors domicile (alinéa 2), la conférence publique de filière est censée examiner « la situation et les perspectives dévolution des marchés agricoles et agroalimentaires » et proposer une estimation tant des coûts de production en agriculture que de leur évolution pour l’année à venir, en tenant compte de la diversité des bassins et des systèmes de production (alinéa 3). Quant au dernier alinéa de l’article L. 631-27-1, il précise que les modalités de sa mise en œuvre, « notamment la délimitation des filières agricoles et la composition de la conférence », sont définies par voie réglementaire.

Or, le fait est que ce décret (simple) n’a jamais été pris et que les conférences publiques de filière n’ont donc jamais pu se réunir à ce jour. C’est la raison pour laquelle il n’existe pour le moment aucun échange formalisé au niveau des filières sur l’évolution des coûts de production en agriculture d’année en année.

Interrogé sur les raisons de ce retard patent, le Gouvernement répond que les conseils spécialisés par filière existant au sein de FranceAgriMer (articles L. 621-5, D. 621-6 et D. 621-7-2 du code rural et de la pêche maritime) sont d’ores et déjà compétents, étant chargés d’effectuer ce type d’analyses et donc de proposer des niveaux de coûts de production qui puissent ensuite être utilisés par les acteurs de la filière considérée, sachant qu’il existe à l’heure actuelle sept conseils spécialisés au sein de l’institution (grandes cultures, viandes blanches, fruits et légumes, productions végétales spéciales, ruminants, produits de la pêche et aquaculture, vin et cidre).

Les conseils spécialisés par filière : composition et compétence

Les conseils spécialisés par filière sont chargés, au sein de FranceAgriMer, de suivre et d’analyser l’évolution de la situation des marchés. Ils veillent à anticiper les crises et à les caractériser. Ils participent à la politique d’orientation des productions et d’organisation des filières en assurant le suivi des dispositifs d’appui publics et en proposant des dispositifs relatifs à leurs filières. Ils émettent des avis sur les évolutions de politiques publiques.

Chacun dans son domaine, les conseils spécialisés sont consultés pour avis sur les projets de décisions du directeur général fixant les règles relatives aux dispositifs d’intervention.

Les conseils spécialisés sont composés en majorité de représentants de la production, de la transformation et de la commercialisation. L’État, le cas échéant ses établissements publics, les régions, les salariés de la filière et les consommateurs y sont également représentés. La composition est adaptée à chaque filière, les conseils réunissent entre 35 et 60 membres, avec des rythmes de réunions également adaptés, de trois à huit fois par an.

Source : https://www.franceagrimer.fr/Concerter/Les-Conseils-specialises

Le fonctionnement de ces conseils spécialisés, s’ils sont indéniablement d’une très grande utilité, s’avère néanmoins relativement différent de celui dévolu à la conférence publique de filière, laquelle a vocation à se réunir une fois par an en vue d’établir de façon assez solennelle des règles pour l’ensemble de l’année à venir, les conseils spécialisés travaillant davantage au fil de l’eau. Votre rapporteure ne peut que déplorer l’absence de prise de ce décret, sauf à ce que la loi soit un jour modifiée en vue de confier officiellement aux conseils spécialisés la mission dévolue à ce jour aux conférences publiques de filière.

  1.   LES ÉLÉMENTS DE DÉTERMINATION DES PRIX AGRICOLES NE PERMETTENT PAS DE GARANTIR DE REVENU MINIMAL AU BÉNÉFICE DES AGRICULTEURS

Les prix agricoles sont multiples et les facteurs concourant à leur détermination sont extrêmement nombreux.

Un prix résulte de la confrontation entre une offre et une demande. Or, ces deux facteurs ne revêtent pas la même importance suivant le produit considéré, d’autant que le véritable problème est bien souvent celui des volumes et non celui des prix. Certains produits, pour lesquels le circuit de la production à la commercialisation est court, bénéficient de volumes que l’on pourrait qualifier d’« acquis » : le lait – à partir du moment où un éleveur possède un nombre défini de vaches et que chaque vache donne quotidiennement une certaine quantité de lait, il est facile de connaître très en amont le volume de lait que ce producteur sera en mesure d’écouler – et la volaille – la production de poulets à partir de poussins prend en moyenne deux mois ce qui, sauf épizootie ou autre aléa majeur, permet à son producteur de savoir à l’avance le nombre de poulets qu’il sera en mesure de livrer à une date donnée – en sont deux bons exemples. En revanche, tel n’est pas le cas pour les fruits et légumes – dont la saisonnalité et le caractère périssable rendent très difficile toute projection à moyen et, a fortiori, long terme – ou pour certains segments au sein du secteur de la viande ; c’est notamment le cas pour la viande bovine, puisque l’échéance permettant de vendre de jeunes bovins se situe généralement entre un an et demi et deux ans, ce marché pouvant être au surplus concurrencé par le marché de la « vache de réforme » ([11]) : dans ces conditions, projeter des volumes pouvant être vendus à une date fixe s’avère des plus aléatoires et la confrontation offre-demande se révèle assez incertaine.

Dans l’optique de bénéficier d’une plus grande visibilité, les acteurs du monde agricole ont parfois eu recours à la contractualisation. Ce système, expérimenté en 2015 dans le contexte d’une crise majeure de l’élevage en France ([12]), a conduit plusieurs acteurs de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution à faire le choix de passer des contrats écrits avec des éleveurs, ce qui, en théorie du moins, devait, d’une part, assurer à ces derniers une garantie de débouché, à un prix fixé à l’avance, qui plus est sur une certaine durée, et, d’autre part, permettre aux acheteurs de compter sur un approvisionnement conforme à leurs attentes et avec une certaine régularité. Pour autant, l’asymétrie existant entre les acteurs a conduit à ce que les agriculteurs soient bien souvent soumis aux impératifs que pouvaient leur imposer les deux autres acteurs, notamment la grande distribution qui ne cesse de jouer à une guerre des prix qu’elle souhaite favorable au consommateur. Autant de raisons pour lesquelles la loi Égalim 2 a profondément modifié ce dispositif en confiant l’initiative du contrat au producteur, le paragraphe II de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime précisant en effet que « la conclusion d’un contrat de vente écrit relatif à la cession à leur premier acheteur de produits agricoles (…) est précédée d’une proposition du producteur agricole ». En outre, les éventuels réserves ou désaccords qui pourraient être exprimés par le premier acheteur doivent désormais « être motivés et transmis à l’auteur de la proposition dans un délai raisonnable au regard de la production concernée ». Le dispositif énoncé à l’article L. 631-24 vise ainsi à restaurer la capacité des agriculteurs à peser dans la négociation commerciale, en évitant que les rapports de force existants ne jouent de nouveau en leur défaveur. La liberté contractuelle ainsi consacrée permet aux parties de recourir aux indicateurs qu’elles souhaitent pour définir les coûts de production pertinents dans leur filière. Ces indicateurs, qui prennent en considération divers éléments (coûts de production, prix de revient, évolution du prix du marché au plan national, européen ou international, pondération par le nombre d’exploitations du bassin considéré ou par une moyenne nationale…), sont fondamentaux, puisque ce sont eux qui permettent de définir le prix convenu entre les parties ainsi que les éléments justifiant une révision automatique, deux clauses qui doivent se retrouver dans tout contrat passé entre un producteur et un premier acheteur comme le spécifie le paragraphe III de l’article L. 631-24 précité. Or, dans les faits, les rapports de force demeurent et la fixation des indicateurs, à tout le moins des éléments permettant de les définir, restent à la main des parties autres que les producteurs, le niveau du revenu des agriculteurs pouvant au final servir de variable d’ajustement.

En outre, un prix agricole peut certes se définir au plan national mais on ne peut évidemment négliger l’environnement international. En effet, arrêter le prix minimal d’achat d’un produit agricole à un niveau supérieur au prix mondial (ou européen) pourrait inciter, en absence de mesure complémentaire, les industriels ou, pour les produits bruts (fruits et légumes notamment), les distributeurs, à se fournir directement chez nos concurrents, ce qui pénaliserait nos propres agriculteurs. Ce risque est d’autant plus élevé que le marché des produits agricoles en France est un « oligopsone », c’est-à-dire qu’un nombre très réduit d’acheteurs (les grands groupes de la distribution notamment) fait face à un nombre très important de vendeurs (les producteurs ou agriculteurs), ce qui place ces derniers en situation de dépendance. En effet, la grande distribution peut jouer sur la concurrence entre les producteurs pour acheter au meilleur prix, mais elle peut également baisser artificiellement ses volumes d’achat dans le seul but de bénéficier de prix attractifs (une baisse de la demande entraînant mécaniquement une baisse des prix face à une offre constante, toutes choses égales par ailleurs).

Dans un contexte inflationniste et de resserrement budgétaire, les agriculteurs ne peuvent rivaliser efficacement avec la politique de la grande distribution, qui ne jure que par des produits aux prix toujours plus bas. Le consommateur s’y perd même si, en application de la loi Égalim 2, des initiatives intéressantes se sont fait jour. Signalons notamment l’instauration, à titre expérimental, du « Rémunéra-score » qui, conformément au I de l’article 10 de la loi précitée, est « destiné à apporter au consommateur une information relative aux conditions de rémunération des producteurs de produits agricole » et fait l’objet d’une expérimentation pour une durée maximale de cinq ans. L’affichage s’effectue par voie de marquage ou d’étiquetage ou par tout autre procédé approprié, y compris par voie électronique et « fait notamment ressortir, de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact en termes de rémunération des producteurs des prix auxquels sont achetés leurs produits ».

Rémunérascore

Encore peu répandu puisque résultant d’une réglementation récente et limité à certains produits ([13]) (viandes bovine, ovine, caprine et porcine, fruits et légumes frais, lait de consommation et produits laitiers, œufs coquille), ce dispositif, même s’il n’est pas encore abouti, va indéniablement dans le bon sens pour valoriser le prix payé au producteur. S’il ne faut écarter aucune mesure pour assurer le pouvoir d’achat et l’information des consommateurs, votre rapporteure estime que dans cette attente, le législateur doit prendre ses responsabilités pour garantir un prix rémunérateur aux agriculteurs.

  1.   la proposition de votre rapporteure

Comme on l’a précisé précédemment, cet article 1er a principalement deux objets : mieux définir le rôle des conférences publiques de filière (A) et clarifier la notion de « coûts de production » pour les agriculteurs (B).

  1.   UNE AMÉLIORATION DU TRAVAIL DES CONFÉRENCES PUBLIQUES DE FILIÈRE
    1.   Le positionnement institutionnel des conférences publiques de filière

L’article 1er de la proposition de loi propose de réunir les conférences publiques de filière sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles (institution visée à l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime) en lieu et place de FranceAgriMer.

Comme l’actuel médiateur l’a signalé à votre rapporteure lors de son audition, son travail consiste essentiellement à être un « facilitateur qui essaie de rendre la discussion plus objective » entre les différents acteurs (producteurs, industriels et distributeurs) pour reprendre ses propres termes. Dans le cadre de rapports fréquemment tendus, voire conflictuels, et où existe une véritable « culture du bras de fer, du rapport de force », le médiateur revêt une importance primordiale dans la mesure où le processus de médiation, qui repose sur une base strictement volontaire, conduit actuellement à un taux de succès de 80 % à 90 %, au terme d’une procédure dont le délai a été notablement raccourci par la loi Égalim (la procédure étant désormais limitée à un mois, avec une possible prolongation d’un mois supplémentaire), avant que ne soit éventuellement saisi le comité de règlement des différends en cas de blocage, ce dernier étant habilité à prendre des mesures exécutoires passibles de recours devant la cour d’appel de Paris. Faire intervenir le médiateur à ce stade a donc toute sa raison d’être, d’autant que celui-ci est proche des entreprises et a donc accès à un certain nombre d’informations (notamment leurs comptes), ce qui lui permet d’avoir une vision juste des choses et des rapports de force.

En outre, cette modification apparaît logique pour deux raisons.

D’une part, le rôle de la conférence publique de filière est complémentaire des missions du médiateur définies à l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime, notamment celle consistant à connaître des litiges relatifs à la conclusion ou à l’exécution des contrats ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles, à rendre des avis ou recommandations sur les indicateurs de coût de production en agriculture, ou à émettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée entre les étapes de production, de transformation, de commercialisation et de distribution des produits agricoles et alimentaires.

D’autre part, l’article L. 631-27-1, qui traite des conférences publiques de filière, figure dès à présent au sein de la section 3 (articles L. 631-27
à L. 631-27-1), spécifiquement consacrée au médiateur des relations commerciales agricoles, du chapitre Ier (« Le régime contractuel en agriculture ») du titre III (« Contrats et accords interprofessionnels portant sur des produits agricoles ou alimentaires ») du livre VI (« Production et marchés ») de la partie législative du code rural et de la pêche maritime. Du strict point de vue « légistique », rapprocher les deux fait donc pleinement sens.

  1.   Les modifications apportées au fonctionnement des conférences publiques de filière

L’article 1er de la proposition de loi propose tout d’abord de compléter la composition des conférences publiques de filière en prévoyant qu’elles comptent également des représentants « de la restauration hors domicile et des associations de défense des consommateurs » afin que les divers acteurs de la chaîne, à commencer par les consommateurs, grands oubliés qui sont pourtant directement concernés par les variations de prix des produits agricoles, notamment lorsqu’elles interviennent dans un contexte inflationniste, puissent avoir leur mot à dire sur la définition des coûts de production par filière. En outre, certains acteurs auditionnés par votre rapporteure (les représentants du mouvement « C’est qui le patron ? » ou du Mouvement de défense des exploitants familiaux [Modef]) ont souligné combien la présence des consommateurs pouvait être de nature à modifier les rapports de force. Les industriels ou, surtout, les acteurs de la grande distribution savent qu’ils agissent sous le regard du consommateur et que leur intérêt bien compris consiste à ne pas en perdre. De fait, en pratique, tous les acteurs de la filière (du producteur au distributeur) sont plutôt incités à composer avec les souhaits de chacune des autres parties. Cette démarche s’avère d’autant plus efficace dans certains cas que, si l’on prend encore une fois l’exemple de « C’est qui le patron ? », le but vers lequel tend la démarche dans son ensemble consiste à définir un prix du lait qui soit considéré comme « juste » par le consommateur, ce prix partant d’un prix « conseillé » (ou prix « indicatif » défini suivant un cahier des charges élaboré à partir d’un cahier des charges rempli par les consommateurs) et intégrant par la suite la marge aussi bien du fabricant que du distributeur. Au final, le revenu du producteur est garanti et la démarche d’ensemble validée par l’ensemble des acteurs, consommateurs compris.

Cet article reprend ensuite le dispositif actuel, confiant à la conférence publique de filière le soin d’examiner la situation et les perspectives d’évolution des marchés agricoles et agroalimentaires concernés au cours de l’année à venir. Celle-ci doit ensuite proposer, au regard de ces mêmes perspectives, une estimation des coûts de production en agriculture et de leur évolution pour l’année à venir, en tenant compte de la diversité des bassins et des systèmes de production pris en considération. Le dispositif existant est toutefois amélioré afin de spécifier, d’une part, que la proposition faite par la conférence publique de filière doit l’être chaque année (ce qui est logique au regard de l’horizon de sa propre analyse du marché) et, d’autre part, que cette estimation doit être effectuée au sein de chaque filière et en tenant compte de la diversité des bassins et des systèmes de production, afin que l’on puisse bénéficier de résultats détaillés et précis.

Cet article précise enfin l’issue du travail des conférences publiques de filière. Si la conférence parvient à un consensus sur un niveau minimal de prix d’achat d’un produit agricole, celui-ci fera référence. En revanche, si elle n’y parvient pas, votre rapporteure propose que le médiateur des relations commerciales agricoles remette au ministre chargé de l’économie et au ministre chargé de l’agriculture un compte rendu de la négociation interprofessionnelle qui s’est déroulée, sur la base duquel ces ministres arrêteront un seuil minimal de prix d’achat de tout ou partie des produits agricoles concernés.

  1.   UNE DÉFINITION ENRICHIE DES COÛTS de production
    1.   L’intégration de la rémunération des agriculteurs dans les coûts de production

La notion de « coûts de production » est un élément central du contrat de vente de produits agricoles comme le prévoit le III de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de l’article 1er de la loi Égalim 2. Il est ainsi désormais spécifié que « la proposition de contrat ou d’accord-cadre constitue le socle de la négociation entre les parties. Au titre des critères et modalités de révision ou de détermination du prix mentionnés au 1° du présent III, elle prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture [c’est votre rapporteure qui souligne] et à l’évolution de ces coûts ».

Or si la définition des « coûts de production » est facile à appréhender, elle pose en réalité de grandes difficultés puisque, dans les faits, chacun en a sa propre conception… Certains indices semblent les ignorer. C’est le cas des indices des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa), qui sont des indices de prix d’achat des moyens de production agricole prenant seulement en compte les moyens de production répartis en deux catégories à savoir les consommations intermédiaires (dépenses d’énergie, engrais, aliments pour les animaux…), d’une part, et les biens d’investissement (matériels, bâtiments…), d’autre part.

Alors que le sujet fait débat et donne lieu à de nombreuses controverses, votre rapporteure vous propose d’inclure explicitement désormais dans les coûts de production la « rémunération des agriculteurs à hauteur de deux fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance [Smic] ».

Cette proposition rejoint la définition que les économistes auditionnées par votre rapporteure donnent des coûts de production qui, globalement, sont constitués par le coût des divers intrants et par les salaires, les coûts de production pouvant ensuite fortement varier selon les exploitations. Par ailleurs, votre rapporteure a testé auprès des diverses personnes auditionnées l’idée de sanctuariser au sein des coûts de production une rémunération des agriculteurs équivalente à 1,5 à 2 fois le Smic. Cette idée fait plutôt consensus. Il faut noter que, dès à présent, plusieurs filières ont opté pour l’intégration de la rémunération des agriculteurs au sein des coûts de production. On peut notamment citer la filière du lait : le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) a ainsi évalué le coût de production du lait à 403 € pour 1 000 litres au sein des exploitations laitières conventionnelles de plaine ([14]), le coût établi suivant la méthode Couprod ([15]) incluant non seulement la rémunération des capitaux propres et des terres en propriété mais également la rémunération de la main-d’œuvre à hauteur de 2 SMIC par unité de main-d’œuvre dédiée à l’atelier lait ([16]). De même, le 31 janvier 2019, les représentants de la section bovine d’Interbev ont validé une méthode de calcul d’un indicateur de prix de revient pour la viande basée sur le réseau Inosys ; cette méthode aboutit à un coût de revient de 4,64 € / kilogramme équivalent carcasse pour une vache allaitante, 5,08 € pour une génisse et 4,50 € pour un jeune bovin ; ce calcul intègre non seulement les différents postes de charge mais surtout une rémunération de l’éleveur à hauteur de 2 Smic ([17]). Mais la prise en considération de la rémunération des agriculteurs n’est pas l’apanage des seules organisations professionnelles. Si l’on se réfère, par exemple, au rapport 2019 de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), les développements relatifs aux coûts de production agricoles en 2018 intègrent toujours la rémunération des agriculteurs (pour souvent constater une dégradation de leur niveau de rémunération). De son côté, analysant en novembre 2013 les coûts de production en matière agricole, le réseau mixte technologique économie (RMT) des filières animales estimait qu’il fallait prendre en compte la rémunération des agriculteurs dans les coûts de production, celle-ci devant être fixée entre 1,5 et 2 Smic, « cette composante [étant de fait] relativement standardisée entre les filières » ([18]).

  1.   Les modifications apportées par votre rapporteure

Votre rapporteure vous propose d’ajuster certaines dispositions de la proposition de loi pour tenir compte de plusieurs observations faites au cours des auditions conduites sur ce texte.

En premier lieu, au regard de l’ensemble des éléments recueillis lors des auditions et des méthodes de calcul généralement retenues, votre rapporteure estime qu’il est préférable de sanctuariser une rémunération des agriculteurs à hauteur de 2 Smic, de préférence à une fourchette comprise entre 1,5 et 2 Smic. Outre que le seuil de 2 Smic est déjà adopté dans certaines filières, il existerait un risque non négligeable, si l’on gardait la fourchette de 1,5 à 2 Smic, de voir des filières, sous la pression de certains acteurs, être tentées de s’aligner sur le moins-disant et donc de privilégier 1,5 Smic au détriment de 2 Smic. Par ailleurs, garder cette fourchette pourrait inciter certaines filières, qui ont pourtant adopté à l’heure actuelle un niveau de 2 Smic, à modifier ce quantum pour redescendre à 1,5 Smic ce qui, dans tous les cas, se ferait au détriment des agriculteurs.

En deuxième lieu, votre rapporteure vous propose de clarifier le rôle de la conférence publique de filière qui, en l’état actuel de la rédaction de la proposition de loi, arrête un seuil minimal d’achat de produits agricoles sur la base des coûts de production évalués. Or cette formulation ne garantit en rien que le prix d’achat soit supérieur aux coûts de production ; ceux-ci ne sont, à l’heure actuelle, qu’un élément permettant ensuite de définir le niveau du prix d’achat. Afin que les agriculteurs puissent être certains de bénéficier de prix qui couvriront leurs propres coûts de production, il est donc proposé d’écrire plus précisément que la conférence publique de filière « arrête un prix minimal d’achat des produits agricoles qui ne peut être inférieur aux coûts de production ». Afin de parfaitement garantir cette intégration, votre rapporteure propose de préciser que le prix minimal d’achat de tout ou partie des produits agricoles arrêté par les ministres compétents, en cas d’échec de la conférence publique de filière, ne doit pas non plus être inférieur aux coûts de production ; la garantie au bénéfice des agriculteurs est ainsi assurée à chaque étape du processus.

En dernier lieu, votre rapporteure estime souhaitable de préciser que la conférence publique de filière ne peut se constituer qu’à la demande d'une majorité de ses producteurs. La finalité de cette proposition de loi consistant à accroître le revenu des agriculteurs, il paraît essentiel de mettre ceux-ci au cœur du dispositif. Ainsi, si certaines filières ne souhaitent pas passer par le mécanisme des conférences publiques de filière, elles pourront choisir de le faire.

  1.   les dispositions adoptées par la commission

Outre les trois amendements CE41 (faisant passer le niveau de revenu garanti des agriculteurs d’une fourchette de 1,5 à 2 Smic à 2 Smic), CE43 (qui vise à mieux garantir la prise en considération des coûts de production dans le cadre de la discussion entre les acteurs au sein de la conférence publique de filière) et CE59 (prévoyant le fonctionnement des conférences publique de filière sur la base du volontariat, à partir néanmoins du moment où les agriculteurs ne s’y opposent pas), la commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels ou de précision de la rapporteure, ainsi que plusieurs amendements présentés par des membres de la commission des affaires économiques.

La commission a ainsi adopté un amendement CE35 de M. David Taupiac prévoyant que la conférence publique de filière se réunirait non pas chaque année, mais tous les quatre mois afin de mettre en adéquation le niveau du prix minimal des produits agricoles avec la situation économique du moment. Un autre amendement du même auteur (CE37) prévoit, dans le même ordre d’idées, que la conférence publique de filière devrait se réunir dès qu’une présomption de forte hausse ou de forte baisse des coûts de production agricoles se fait jour, ce dispositif étant de nature à garantir aux agriculteurs concernés un niveau de revenu conforme à la situation économique à laquelle ils doivent faire face à un moment donné.

La commission a, par ailleurs, adopté un amendement CE36 de M. David Taupiac précisant que le prix minimal d’achat des produits agricoles doit prendre en considération, outre la diversité des bassins et des systèmes de production, la variété de taille des exploitations, afin de permettre à ces coûts de couvrir notamment les investissements effectués par les plus petites d’entre elles.

Dans la même logique, la commission a adopté un amendement CE19 de M. Johnny Hajjar prévoyant que les coûts de production devraient prendre en considération les spécificités ultramarines, notamment les contraintes géographiques de ces territoires (marqués par l’insularité et l’éloignement de la métropole) ainsi que leur forte dépendance aux importations, autant d’éléments de nature à influer sur le prix des produits agricoles de ces divers territoires.

La commission a également adopté un amendement CE8 de Mme Chantal Jourdan précisant que, pour déterminer le prix minimal d’achat des produits agricoles, les parties doivent notamment s’appuyer sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable définies à l’article 60 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, modifiée notamment par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique.

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Article créé par la commission

 

Le nouvel article 1er bis demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la prise en considération des coûts de production dans la formation des prix d’achat aux agriculteurs.

 

À l’initiative de son président Stéphane Travert, la commission des affaires économiques a adopté, à l’unanimité et avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement portant article additionnel après l’article 1er (CE40) visant à demander au Gouvernement la remise d’un rapport au Parlement sur les moyens législatifs et réglementaires permettant de mieux prendre en considération les coûts de production dans la formation des prix d’achat aux agriculteurs, en vue d’améliorer leurs revenus de façon significative.

Il existe dès à présent, notamment au sein du code rural et de la pêche maritime, plusieurs dispositions portant sur la formation des coûts de production et sur les éléments qui doivent être pris en considération pour les définir avec précision. Pour autant, personne n’en a de vision parfaitement claire et exhaustive.

La commission a donc estimé qu’il serait opportun de demander au Gouvernement de lui présenter l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires sur la formation des coûts de production, afin que ceux-ci soient mieux pris en considération dans le processus de formation des prix d’achat aux agriculteurs.

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article vise à créer un fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles.

  1.   la transition agroÉcologique des exploitations agricoles est un impÉratif bÉnÉficiant À tous les acteurs

Contrairement à ce que certains peuvent laisser entendre, la transition agroécologique des exploitations agricoles n’est pas l’apanage que d’une poignée d’écologistes qui seraient déconnectés de la vie réelle et du monde agricole ; pour preuve, bon nombre d’agriculteurs eux-mêmes la réclament !

Comme la définissait il y a quelques années un rapport très complet sur la question du Conseil économique, social et environnemental ([19]), « l’agroécologie est avant tout une discipline scientifique au carrefour de l’agronomie et de l’écologie. C’est aussi la somme des pratiques qui en découlent. Elle permet non seulement de transformer l’agriculture mais aussi de repenser l’ensemble des systèmes alimentaires afin de les rendre plus durables. Elle vise à conjuguer production agricole et reproduction des ressources naturelles ». En d’autres termes, l’agroécologie est à la fois une science des écosystèmes agricoles qui s’appuie sur le savoir-faire des agriculteurs, un ensemble de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et un mouvement social de défense des systèmes agricoles et alimentaires équitables ([20]).

Sous la pression des acteurs de la communauté scientifique et de la société civile qui ont plébiscité cette démarche globale, les pouvoirs publics ont décidé de s’impliquer au niveau des États ou des organisations internationales. En France, c’est « France 2030 » qui, sous l’égide du Secrétariat général à l’investissement, pilote les actions publiques en matière d’agroécologie en vue de permettre à notre pays de répondre de la manière la plus efficace possible aux défis écologiques et d’attractivité du monde en consacrant 50 % de ses dépenses à la décarbonation de l’économie et 50 % à des acteurs émergents, porteurs d’innovation, sans dépenses défavorables à l’environnement. Ainsi, sur un total de dépenses de 54 Md€, ce seraient plus de 2 Md€ qui seraient spécifiquement investis dans la transition agricole, dont 450 M€ pour une alimentation saine et durable. Dans les faits néanmoins, ces efforts apparaissent notablement insuffisants comme l’illustre la délicate situation des mesures agri-environnementales et climatiques (Maec), nom donné à des aides du second pilier de la PAC (la politique de développement rural), qui bénéficient pour une durée de cinq années aux agriculteurs souhaitant changer de pratiques productives. On compte ainsi diverses Maec (Maec zone humide, Maec phyto en vue de réduire l’usage de pesticides, Maec biodiversité…), qui sont autant d’outils extrêmement utiles dont l’efficacité est soulignée de façon unanime mais que la France n’explore pas suffisamment ([21]). Dans un rapport important consacré au soutien à l’agriculture biologique, la Cour des comptes a précisé qu’en 2019, 37 963 agriculteurs avaient bénéficié d’une Maec (soit 11,6 % des exploitations bénéficiaires de la PAC) pour un montant total versé de 249,6 M€ (soit 6 568 € par exploitation) ([22]). Pour autant, les Maec sont sous-dotées sur le plan budgétaire, ainsi que le faisait remarquer l’économiste Jean-Christophe Bureau dans le cadre de la récente commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits phytosanitaires : « Le budget alloué aux Maec, qui s’élève à 500 millions d’euros, est faible, comparativement aux 14 milliards d’euros dévolus aux concours publics à l’agriculture française, si l’on prend en compte les premier et second piliers de la PAC et les mesures de défiscalisation, selon les données de l’Insee. Si ce budget dédié aux concours était destiné aux exploitations, cela représenterait un investissement de 40 000 euros par exploitant de taille moyenne et offrirait un immense levier de réduction de l’utilisation des pesticides et de transformation de la culture conventionnelle vers l’agroécologie. Ce n’est pas la stratégie adoptée dans le PSN. » ([23]). Le fait est que plusieurs observateurs ont indiqué qu’il manquait entre 250 M€ et 300 M€ au budget initialement prévu par l’État pour financer les contrats prévus sur la période 2023-2027, ce qui est loin d’avoir été compensé par l’abondement de 150 M€ décidé à la fin de l’année 2023 pour couvrir les opérations Maec au titre de la même année. De fait, de nombreux agriculteurs qui souhaitent s’engager dans ces démarches vertueuses doivent malheureusement y renoncer, faute d’aide adéquate pour les accompagner. Bénéfique pour les consommateurs, bénéfique pour notre pays dans son ensemble, l’agroécologie est évidemment bénéfique pour les agriculteurs en préservant leur capacité à produire sur le long terme. L’adoption de nouvelles méthodes plus respectueuses de l’environnement aura, par exemple, pour effet de rendre les sols moins arides et donc d’éviter ruissellements et inondations qui ne bénéficient en rien aux cultures et aux milieux ; elle aura également pour effet de rendre les agriculteurs moins dépendants par rapport à certains intrants (engrais, produits phytosanitaires…) qui, outre leurs effets néfastes pour la nature et la santé humaine, grèvent par ailleurs de manière considérable le budget des exploitations. Enfin, ces nouvelles méthodes améliorent sans conteste le revenu des agriculteurs qui s’y investissent. Plusieurs études attestent, par exemple, d’un meilleur retour sur investissement pour les maraîchers biologiques (64 %) que les conventionnels (47 %), les producteurs de lait bio présentant quant à eux une rentabilité de 41 %, légèrement supérieure à celle des éleveurs laitiers en conventionnel (38 %). Bien que quelques investissements matériels soient potentiellement nécessaires lors de la conversion et de l’adoption de nouvelles méthodes de culture, l’impact sur le revenu s’avère très largement favorable.

Une récente étude ([24]) a ainsi montré que 2022 a connu une hausse historique du prix des intrants de 25,9 %, soit la plus forte hausse des années 2000 (ce qui a représenté une augmentation de 25,9 % par rapport à 2021 et de 38,6 % par rapport à 2020). Or, si les hausses sont importantes concernant les dépenses en énergie‑lubrifiants (+ 41,6 %) et les aliments pour animaux de ferme (+ 24,9 %), c’est surtout le niveau du prix des engrais et amendements (14,1 % du total des intrants) qui a connu l’évolution la plus spectaculaire avec une hausse de 74,8 % et encore de 19 % en 2023 !

 

Développer l’usage de pratiques agroécologiques de nature à réduire la dépendance, notamment financière, des agriculteurs à l’égard des intrants est à l’évidence une voie à privilégier.

  1.   la crÉation d’un fonds consacré À la transition agroÉcologique des exploitations agricoles

L’article 2 de la présente proposition de loi, qui doit être lu en lien avec l’article 3, vise à créer un fonds spécifiquement consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles afin de soutenir financièrement les exploitants dans le double souci de préserver leur revenu (il ne faut pas que les avancées de l’agriculture en faveur de l’environnement se fassent au détriment des agriculteurs eux-mêmes) et d’agir de façon volontaire en faveur de l’environnement.

La question qui se pose alors est celle du financement de ce fonds, que votre rapporteure souhaite placer sous la double égide des ministères chargés de l’agriculture et de l’environnement.

Il est proposé que ce fonds soit abondé par une hausse de la taxation sur les bénéfices des industries agroalimentaires, phytosanitaires et de la grande distribution (votre rapporteure a déposé un amendement sur ce dernier point à l’article 3 de la présente proposition de loi) afin qu’une part des importants bénéfices réalisés par ces acteurs économiques soit transférée des actionnaires aux agriculteurs, une sorte de dividende écologique qui permettra de soutenir l’effort de transition entrepris par les agriculteurs. On rappellera, pour mémoire, que le marché des pesticides est aujourd’hui dominé par quatre géants (Syngenta/Chemchina, Bayer, BASF et Corteva) qui contrôlent environ 70 % d’un marché mondial qui est capitalisé à près de 60 Md€. Outre le fait que leur demander de contribuer à un fonds en faveur de l’agroécologie n’est guère de nature à menacer leur situation économique et financière, on notera que de récentes études ont mis en évidence que les « coûts cachés » des pesticides s’élevaient en France à 372 M€ au moins, certaines estimations allant même jusqu’à plusieurs milliards d’euros ([25]).

Afin d’instaurer une mesure qui soit la plus équitable possible, votre rapporteure a assorti ce dispositif de deux correctifs ;

– d’une part, l’aide apportée aux exploitations agricoles serait dégressive en fonction de la taille des exploitations. En effet, les plus grandes, davantage abondées par les subventions de la PAC, ont globalement une situation financière qui leur permet de financer en partie par elles-mêmes cet effort collectif, alors que les plus petites exploitations, au contraire, sont celles qui demandent le plus à être aidées et accompagnées ;

– d’autre part (comme on le verra dans le commentaire de l’article 3), la contribution permettant de financer ce fonds ne concernerait pas les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€.

  1.   les dispositions adoptées par la commission

La commission a tout d’abord adopté quatre amendements rédactionnels ou de précision présentés par votre rapporteure (CE48, CE49, CE50 et CE51).

Elle a adopté un amendement CE12 de Mme Chantal Jourdan, qui modifie l’intitulé du fonds que crée l’article 2 de la proposition de loi en précisant qu’il est non seulement consacré « à la transition agroécologique des exploitations agricoles », mais qu’il a également vocation à financer le maintien des pratiques vertueuses existant à ce jour, qu’il convient d’encourager, de maintenir et même de développer.

Elle a, par ailleurs, adopté un amendement CE38 de M. David Taupiac prévoyant un élargissement du champ d’action du fonds en lui permettant de soutenir également les exploitations en agriculture biologique, qui sont actuellement en grande difficulté, comme chacun le sait.

 

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Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article vise à préciser les modalités de financement du fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles.

 

L’article 3 de la proposition de loi crée une contribution additionnelle, équivalente à 10 % des bénéfices générés par les industries de l’agroalimentaire, des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse, afin de financer le fonds créé à l’article 2. Du point de vue de votre rapporteure, il s’agit en quelque sorte d’un « dividende écologique », qui permettra ainsi de soutenir l’effort de transition entrepris par les agriculteurs.

Pour autant, votre rapporteure n’a pas souhaité que cette charge pèse indistinctement sur l’ensemble des entreprises des secteurs concernés, les plus modestes devant être à ses yeux épargnées de l’effort ainsi demandé : c’est la raison pour laquelle il a été choisi de ne faire peser la contribution nouvellement créée que sur les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur ou égal à 50 M€. Il s’agit d’exclure de cet effort toutes les microentreprises (qui occupent moins de dix personnes et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 2 M€ par an), ainsi que les petites et moyennes entreprises qui, aux termes de la réglementation applicable en France ([26]), réalisent un chiffre d’affaires annuel de moins de 50 M€ (sachant qu’elles emploient également moins de 250 personnes). Ne seraient assujetties à cette nouvelle charge que les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui emploient moins de cinq mille salariés et réalisent un chiffre d’affaires de 1,5 Md€ au plus par an, et les grandes entreprises.

À l’initiative de votre rapporteure, la commission des affaires économiques a néanmoins modifié le dispositif originel en adoptant un amendement CE52 permettant d’inclure les entreprises du secteur de la grande distribution (là aussi, limitées aux seules ETI et grandes entreprises) parmi celles devant contribuer au financement du fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles.

En effet, le secteur de la grande distribution est aujourd’hui un acteur-clé dans les négociations commerciales et porte, à ce titre, une responsabilité non négligeable dans la course au rendement qui est exigée des exploitants agricoles, accompagnant ainsi l’agrandissement sans limite de la surface des exploitations (contribuant ainsi pleinement à la disparition de presque trente exploitations agricoles chaque jour) et la dépendance des agriculteurs aux intrants en vue de produire toujours davantage. La transition écologique étant l’affaire de tous, il est apparu logique à votre rapporteure de demander à ces acteurs clefs de la chaîne agroalimentaire de contribuer à leur juste part pour aider les agriculteurs à développer des méthodes agroécologiques plus respectueuses de l’environnement, gage par ailleurs d’une meilleure qualité des produits au bénéfice des consommateurs.

 


   examen en commission

La commission a examiné la proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs et à accompagner la transition agricole (n° 2231) (Mme Marie Pochon, rapporteure).

M. le président Stéphane Travert. La question du revenu des agriculteurs est une question dont le législateur s'est déjà saisi, notamment à travers la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi « Egalim 2 », mais nos collègues du groupe Écologiste veulent aller plus loin. Ils souhaitent en effet « changer de paradigme en faisant du revenu agricole non plus une variable d’ajustement mais la dimension centrale de la fixation du prix ». Au cœur du dispositif proposé se trouve le renforcement des conférences publiques de filière, la fixation d'un prix minimal d'achat des produits agricoles en fonction des coûts de production, en y incluant le revenu des agriculteurs, et la création d'un fonds consacré à la transition agroécologique.

Ce texte sera discuté en séance publique le 4 avril prochain dans le cadre de la niche du groupe Écologiste. Sur les cinquante-deux amendements déposés, j’en ai déclaré six irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Ce texte, que j’ai l’honneur de présenter dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe Écologiste, me tient particulièrement à cœur. Comme beaucoup d'entre vous, j’ai entendu toute ma vie que « l'agriculture ne paye pas les factures » et que c’est comme ça ! Un éleveur drômois me disait hier que l’agriculture est un « métier passion » à ne surtout pas conseiller à son gamin. C’est un métier où on calcule sa retraite non par sur son travail – car il ne paye pas – mais sur son capital. Nous sommes nombreux à trouver cela anormal, voire injuste, et ces derniers mois, partout dans le pays, une des plus grandes mobilisations agricoles de notre histoire récente nous l’a rappelé avec notamment un slogan que l’on a vu partout sur les tracteurs : « Agriculteur : enfant, on en rêve ; adulte, on en crève. » Le constat est simple et implacable : beaucoup trop d’agriculteurs ne peuvent vivre de leur travail.

Je sais que nous nous rejoignons tous autour de ce constat et sur d'autres, qui y concourent ou en sont la conséquence plus ou moins directe : plan social massif en cours dans nos campagnes –  cent mille fermes ont mis la clé sous la porte au cours des dix dernières années ; faim – un enjeu majeur, quand on sait qu’un Français sur cinq ne mange pas à sa faim ; mal-être et mal-vivre des agriculteurs ; mise en concurrence et libéralisme effrénés qui font monter ou redescendre les cours des productions dans des salles de marché outre-atlantique. Tout cela sur fond d'effondrement du vivant, dont une des conséquences est que 30 % des populations d'abeilles disparaissent chaque année si bien qu’on ne sait pas si les pollinisateurs existeront toujours d’ici à 2100.

Nos campagnes se sont vidées : nous savons où nous mène ce système qui marche sur la tête et nous savons ce qu’il nous fera perdre. Nous avons tous vu sur les routes de France et devant les représentations de l’État ces manifestations d’hommes et de femmes qui ont dédié leur vie à une profession pas comme les autres, celle de cultiver la terre pour nourrir nos concitoyens, mais qui ne peuvent plus en vivre. Selon l’Insee, les inégalités parmi les agriculteurs sont bien plus fortes que dans la population en général : les 10 % les plus pauvres gagnent quatre fois moins que les 10 % les plus riches.

Il existe bien évidemment des disparités entre filières, des disparités au sein d'une même filière et des disparités suivant la taille des exploitations, mais le revenu moyen annuel d'un agriculteur en France n'est que de trente mille euros et, pour les 10 % les plus pauvres, les revenus du travail sont inférieurs aux coûts, ce qui signifie que c'est souvent le salaire du conjoint qui fait vivre la famille. Les agriculteurs travaillent pourtant, en moyenne, 54 heures par semaine. Entre 2022 et 2023, le revenu agricole a baissé de 9 %, alors que les profits bruts de l'industrie agroalimentaire ont plus que doublé, passant de 3 à 7 milliards d’euros. Entre 2021 et 2022, la marge brute de la grande distribution a augmenté, en moyenne, de 57 % sur les pâtes alimentaires, de 13 % sur les légumes et de 28 % sur le lait demi-écrémé. Ces chiffres montrent l’injustice de la répartition de la valeur sur la chaîne agroalimentaire.

Face à cette situation, les réponses – annonces sonnantes et trébuchantes, simplification administrative, quelques reculs environnementaux – ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Nous pouvons avoir des désaccords sur la marche à suivre, mais je pense que nous souhaitons tous que le futur projet de loi d'orientation agricole soit un texte ambitieux et courageux, qui aille à la racine de ces dysfonctionnements. Ce texte est attendu, mais il semblerait qu’il ne comprenne pas de dispositions sur le revenu des agriculteurs, alors que cette question est centrale pour faire face aux enjeux de l'installation et de la transmission en agriculture et de la transition écologique.

Cette proposition de loi vise humblement à répondre à ces attentes.

Son article 1er propose de protéger le revenu des agriculteurs en confiant aux conférences publiques de filière le soin de déterminer un prix minimal d'achat des produits agricoles tenant compte des coûts de production dans chaque filière et, surtout – j’ai déposé un amendement en ce sens –, intégrant un revenu égal à deux Smic. Il appartiendra ensuite à la conférence publique de filière d'arrêter un prix minimal d'achat des produits agricoles qui ne pourra être en aucun cas inférieur aux coûts de production précédemment calculés. Cette proposition de prix rémunérateur vise à garantir à nos producteurs que, demain, ils ne vendront pas le fruit de leur travail en dessous de leurs coûts de production, dont leur rémunération, comme c'est régulièrement le cas dans certaines filières. Ces dernières années, plusieurs groupes, dont les groupes communiste et socialiste, ont fait des propositions en ce sens. L’amendement que le groupe La France insoumise a fait adopter en novembre dernier nous a servi de base pour présenter cet article 1er.

Le prix minimal d'achat prévu par cet article n'a pas vocation à devenir un prix plafond. Il constitue avant tout un filet de sécurité pour les agriculteurs face à la volatilité des prix des produits agricoles et au déséquilibre du rapport de force dans les négociations commerciales. Je rappelle que ce mécanisme a reçu le soutien du Président de la République, qui a déclaré au salon de l’agriculture, il y a un mois, qu’« il y aura un prix minimum, un prix plancher, en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et en dessous duquel le distributeur ne peut pas vendre. » Le ministre chargé de l’économie Bruno Le Maire y a ensuite déclaré : « Toute ferme française doit pouvoir être compétitive. Et donc il y a bien un prix plancher en dessous duquel vous ne pouvez pas vendre, parce que ce n'est suffisamment rémunérateur ; donc il n'y a absolument pas d'incompatibilité entre le prix plancher et la compétitivité des fermes françaises. Les deux vont ensemble. » Lors d’un débat de contrôle à l’Assemblée, la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher a, quant à elle, indiqué la volonté du Gouvernement de construire les prix, filière par filière, sur la base des indicateurs de référence.

La complexité de la construction du prix des produits agricoles ne nous est pas inconnue et le Parlement et le Gouvernement ont pris des mesures, à commencer par les trois lois Egalim qui, en 2018, 2021 et 2023, ont essayé de donner davantage de poids aux producteurs afin de les aider à peser face à la surconcentration des géants mondiaux comme Nestlé ou Unilever et des cinq ou six principaux acteurs de la grande distribution dans notre pays, qui ne sont malheureusement guidés souvent que par les prix les plus bas. Ces réponses se sont avérées insuffisantes, même si certains résultats peuvent sembler encourageants, notamment dans le cadre d'une contractualisation encore trop peu répandue. Il convient de créer les conditions pour rendre ce dispositif plus opérant, mais cela ne peut être traité en intégralité dans une niche parlementaire.

Je vous fais part des pistes dégagées par nos auditions en espérant qu’elles pourront contribuer aux travaux du Gouvernement et de la mission parlementaire de nos collègues Anne-Laure Babault et Alexis Izard, aux côtés desquels nous serons ravis d’œuvrer.

La fixation du prix minimal d'achat des produits agricoles doit, en premier lieu, s'accompagner d'une plus grande régulation des marchés, pour ne pas mettre en concurrence nos agriculteurs avec des produits agricoles soumis à des normes environnementales, sanitaires et sociales moins-disantes. Cette régulation doit passer par la protection de l'excellence agricole française et européenne et par la fin des accords de libre-échange mettant les produits agricoles au même niveau que d'autres biens de consommation. Elle doit également porter sur les marges des agro-industries et des distributeurs et favoriser plus de transparence et d'encadrement. Il conviendra ensuite de mener un travail sur les coûts de production qui, selon de nombreux acteurs auditionnés, sont l’objet de défaillances sur leur disponibilité et sur leur homogénéité. Dans certaines interprofessions, la publication des indicateurs de coûts de production semble bloquée et il existe par ailleurs des disparités en matière de méthodologie et de fréquence de publication. Il nous manque donc à l'heure actuelle des indicateurs reconnus par tous et un travail doit être mené, filière par filière, pour parvenir à des indicateurs uniformisés et reconnus par les producteurs comme étant protecteurs. Ce travail nécessite une juste représentation de tous les agriculteurs dans les interprofessions. Il s’agit d’un travail complexe, mais il est techniquement faisable et la complexité ne doit pas être un prétexte à l’inaction, surtout quand il y a une telle urgence.

L'article 2 crée un fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette transition touche directement à la question du revenu des agriculteurs. Selon France Stratégie, les exploitations agroécologiques et l'agriculture biologique, en particulier, sont en général plus rentables que les exploitations conventionnelles. La transition concourt à rendre les exploitations plus économes et autonomes et donc à renforcer l’efficacité économique et la capacité à produire sur le long terme, dans un contexte où le prix des intrants peut augmenter de plus de 25 %, comme en 2022.

L’article 3 précise enfin les modalités de financement de ce fonds par le biais d'un prélèvement de 10 % sur les bénéfices générés par les industries de l'agroalimentaire, des produits phytosanitaires et des engrais de synthèse parmi les sociétés redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros. Ce seuil, qui épargne les PME, ne concerne donc que les plus grands groupes et permettra de faire contribuer l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur à cette nécessaire transition. Les coûts et les risques liés aux changements de pratiques demeurent encore trop souvent supportés par les seuls agriculteurs. L’argent public doit contribuer aux coûts de dépollution et à la prise en charge sanitaire afin que les bénéfices de la transition profitent à la société tout entière.

Comme vous le voyez, cette proposition de loi se veut concrète et utile. J'en profite pour remercier les députés qui, dans le cadre de nos travaux en commission, souhaitent réellement l’améliorer sans a priori ni prévention, avec pour seul objectif d’apporter une réponse à cet enjeu majeur du revenu agricole.

Le revenu des agriculteurs doit être pris en compte avant de discuter de quoi que ce soit d'autre. La crise est toujours là et ce texte est une opportunité d'apaiser la situation, en envoyant un signal transpartisan montrant aux agriculteurs que nous pouvons transformer les promesses en actes. J’espère donc que cette proposition de loi sera adoptée.

M. le président Stéphane Travert. Nous passons aux orateurs des groupes.

Mme Françoise Buffet (RE). Comme vous l'avez fort bien souligné, les agriculteurs connaissent de grandes difficultés de revenus. Ceux qui nous nourrissent peinent parfois à se nourrir. Nous partageons toutes et tous ici la volonté d'agir afin de mieux protéger les revenus agricoles : c'est un enjeu de souveraineté alimentaire, d'attractivité du métier d'agriculteur et de justice sociale. Cette volonté est également celle du Président de la République, qui souhaite que les travaux engagés par le Premier ministre et par le Parlement à travers la mission d'évaluation confiée à nos collègues Izard et Babault et la mission transpartisane d’application de la loi du 30 mars 2022 confiée à nos collègues Descrozaille et Trouvé puissent déboucher sur une forme de prix plancher. Avant même la concertation des acteurs – qui est d’autant plus importante que certains syndicats agricoles se sont toujours opposés aux prix administrés – et les conclusions de ces travaux, vous proposez d'inscrire dans le droit la notion de seuil minimal d'achat fixé par les conférences publiques de filière. Ces prix planchers, décidés au niveau français, risquent de lourdement pénaliser nos agriculteurs, car les produits étrangers, au premier rang desquels les produits européens, seraient moins chers. Par ailleurs, dans le cadre des négociations commerciales, ce prix plancher risquerait fort de devenir un prix plafond en raison de la rigidité du dispositif qui prévoit que les prix sont fixés une fois l'an de façon homogène pour toute la filière. Dans ces conditions, ces prix ne pourraient pas réagir aux aléas et aux imprévus ni prendre en compte la diversité de notre agriculture.

Afin d’éviter ces effets pervers, nous devons être inventifs pour proposer un mécanisme moderne qui garantisse le revenu des agriculteurs tout en évitant ces écueils. C'est tout l'objet des travaux en cours : faisons confiance à nos collègues pour prendre le temps nécessaire à l'élaboration d'un dispositif efficace auquel contribuera le rapport que propose notre président, dans un amendement soutenu par notre groupe. Au fil du temps et partout dans le monde, les politiques publiques de soutien par les prix ont été largement remplacées par des aides directes et des garanties de revenus. Même la Chine communiste a délaissé son dispositif de prix minimaux.

Dans sa rédaction actuelle, votre proposition est anachronique et surtout prématurée. Elle est une mauvaise réponse à un vrai problème. S'agissant enfin des deux autres articles, dont la recevabilité m'interroge, le budget de l'État prévoit déjà d'importants crédits pour la transition climatique de notre agriculture. Votre proposition contient par ailleurs une nouvelle taxe et nous ne sommes pas persuadés que tous les problèmes doivent se résoudre par l'impôt. Les différents travaux en cours contribueront de toute évidence à apporter des réponses plus adaptées et pertinentes à ce sujet primordial pour notre agriculture et nos agriculteurs.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Ces sujets traînent depuis de nombreuses années, je ne suis donc pas sûre que cette proposition de loi arrive trop tôt, d’autant que ce débat me semble indispensable avant l’examen du projet de loi d’orientation agricole.

Je salue nos collègues qui participent aux travaux que vous avez mentionnés, mais nous n’avons aucune garantie à ce stade qu’ils aboutiront à recommander des prix minimums d'achat des produits agricoles. L’adoption de cette proposition de loi permettrait donc de gager la parole présidentielle, tout en laissant la possibilité, au cours de la navette, d’intégrer les recommandations de la mission parlementaire d’évaluation.

M. Emmanuel Blairy (RN). Cette proposition de loi pourrait, dans son esprit, rappeler le programme présidentiel de Marine Le Pen, mais elle ne répond pas aux demandes de nos agriculteurs. Elle ne contient effectivement aucune disposition sur les marges, ni sur les importations.

Concernant les prix planchers, prenons l’exemple concret des mesures décidées par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances. Elles avaient conduit à arrêter le prix de la tomate à 85 centimes d’euro le kilo, tandis que celui des tomates en provenance d’Espagne ou de Belgique était alors de 30 centimes. Bien sûr, les Français sont allés au moins cher. Et l’État a dû compenser la perte, ce qui signifie faire des économies ou s’endetter. On voit le résultat aujourd’hui, avec une dette de trois mille milliards d’euros… Le Gouvernement en a été réduit, l’année dernière, à supprimer la défiscalisation du gazole non routier (GNR) dans le projet de loi de finances. Grâce aux élus du Rassemblement national qui ont dénoncé cette supercherie visant à faire les poches des paysans, il est revenu en arrière. La proposition de loi ne prend pas en compte l’enjeu du financement de la compensation des prix planchers.

Ces prix forment un tout, qui comprend les coûts de production mais également les importations et donc la concurrence déloyale et les normes. Le groupe Écologiste a signé, main dans la main avec le groupe Renaissance, le libre accès des céréales et volailles ukrainiennes à notre marché, alors que ces produits ne sont pas soumis aux normes environnementales de notre pays, qui sont parmi les plus avancées et les plus précises.

Votre texte devra donc être retravaillé, à moins que nous avancions dans les débats. Les faits sont têtus : en dix ans, cent mille exploitants ont dû mettre la clé sous la porte. Ce sont les adversaires politiques du Rassemblement national qui en sont comptables et ce ne sont pas ceux qui ont créé les problèmes qui pourront les régler.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Les prix planchers sont effectivement un tout, mais le temps imparti à une niche parlementaire est trop court pour que nous puissions relever tous ces défis. Le texte ne comprend donc pas de mesures sur les marges ou sur la protection aux frontières. Nous nous battons sur ces sujets et nous appelons le Gouvernement et les parlementaires à y apporter des réponses au plus vite.

Il faut relativiser l’impact d’un prix minimum des produits agricoles sur le prix au consommateur – le coût de la matière première agricole ne représente en effet que 13 % du prix du produit final – pourvu que les marges soient encadrées. Nous appelons le Gouvernement et nos collègues à œuvrer à cet encadrement dans le cadre de la navette parlementaire.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). En un siècle, nous sommes passés de quatre millions à quatre cent mille exploitations agricoles. Ce n’est pas un phénomène du passé : nous avons encore perdu cent mille exploitations agricoles au cours des dix dernières années, soit dix mille par an, deux cents par semaine, trente par jour. « La faute à pas de chance » ? Non ! Ces chiffres sont le résultat d'une véritable politique de casse de l'exploitation agricole familiale au bénéfice de l'agro-industrie. Réforme après réforme, les politiques ont accompagné l'agriculture paysanne dans sa chute. Course à l'agrandissement, compétitivité internationale et spéculation sur les terres agricoles : l'agriculture, pour Emmanuel Macron, est avant tout du business. Ces derniers mois, alors que l'inflation a atteint des taux records, les agriculteurs ont été parmi ceux qui ont pris le plus cher : augmentation des prix de l'énergie, les prix du pétrole, des engrais et de l’électricité ont explosé et, avec eux, le coût de revient des produits agricoles.

Les prix payés aux producteurs par l'agro-industrie et la grande distribution ont-ils augmenté en conséquence ? Non ! Lactalis peine à augmenter d’un ou deux centimes le litre de lait payé aux agriculteurs pour atteindre 42 centimes, un prix bien inférieur aux besoins des éleveurs. Mais Lactalis peine beaucoup moins, en revanche, pour engranger des centaines de millions d'euros de profit et devenir ainsi le leader français de l'agroalimentaire. Ni votre loi Egalim 1, ni votre loi Egalim 2, ni votre loi Egalim 3 n’auront permis de protéger les agriculteurs face à ce grand détournement financier.

Très logiquement, la colère du monde agricole, qui couvait depuis des années déjà, a donc explosé. Les agriculteurs et agricultrices demandent simplement à pouvoir vivre de leur travail et l'une des revendications fortes du monde agricole est l'instauration de prix planchers, afin d’assurer aux agriculteurs une juste rémunération face à l'agro-industrie et à la grande distribution pendant les négociations. Nous avions défendu en novembre dernier, avec mes camarades de La France insoumise Manuel Bompard et Aurélie Trouvé, cette proposition dans notre niche parlementaire, mais les députés macronistes ont obéi aux injonctions du ministre Fesneau et ont fait tomber ce texte. Depuis, c'est la cacophonie générale au Gouvernement : alors qu’il y a encore six mois, Marc Fesneau qualifiait les prix planchers de « soviétiques », voilà qu’Emmanuel Macron annonce sa volonté de fixer des prix planchers pour les agriculteurs.

Je vous invite à remercier avec moi notre collègue Marie Pochon, car son texte est l’occasion de faire tenir, pour une fois, ses promesses à Emmanuel Macron en inscrivant dans la loi le mécanisme de fixation des prix planchers, si importants pour le monde agricole.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cette proposition de loi vise, humblement, à essayer de renverser le rapport de force dans les négociations commerciales en donnant plus d’outils aux producteurs pour pouvoir faire face à la surconcentration des acteurs de l'agro-industrie. Cette étape est un préalable indispensable à toute discussion sur l'installation et la transmission agricoles, ainsi que sur la transition écologique.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Ce texte n'apporte pas de réponse satisfaisante à la crise agricole. Pire, il profite du moment politique pour défendre des propositions contre-productives pour nos agriculteurs et pour la souveraineté agricole de notre pays.

Il s’est avéré qu’il n’était pas satisfaisant de répondre à la problématique de la rémunération des agriculteurs en estimant à l'avance le coût de production agricole au sein de chaque filière. La priorité est d'agir pour la prise en compte et l'intégration du coût de production dans le prix final pour parvenir à une meilleure rémunération de nos agriculteurs. Par ailleurs, le mécanisme de fixation de prix planchers prévu à l'article 1er entraînerait des distorsions du marché et, in fine, le renforcement du déséquilibre de notre balance commerciale.

Quant aux articles 2 et 3, une hausse de la taxation des industries agroalimentaires et phytosanitaires et la création d'une taxe additionnelle sur les bénéfices de ces industries auront un effet contre-productif à long terme. Au lieu d'agir par la contrainte en taxant nos industries, nous devons envisager des incitations fiscales en faveur des entreprises qui investissent pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique et dans des pratiques équitables vis-à-vis des producteurs. Des mesures de soutien ciblées et des incitations à la modernisation seraient plus efficaces pour améliorer le revenu des agriculteurs sans décourager l'investissement ni l'innovation.

En outre, plutôt que de fixer des prix minimaux, il faut imposer des règles de transparence accrue dans toute la chaîne d'approvisionnement alimentaire pour s'assurer que les agriculteurs reçoivent une part véritablement équitable de la valeur ajoutée. Tout en reconnaissant la nécessité d'agir pour améliorer la situation des agriculteurs, il est crucial de trouver un équilibre entre intervention et laisser-faire pour ne pas perturber les mécanismes de marché.

Les prétentions de ce texte se matérialisent par des mesures incomplètes : rien sur l'exportation, rien sur la retraite des agriculteurs, rien sur les successions agricoles, rien sur l'inflation administrative et rien sur les prix du gazole non routier. Cette proposition de loi a pour objectif de rééquilibrer la répartition de la valeur ajoutée dans la chaîne alimentaire, mais elle ne propose aucune solution concrète pour assurer un meilleur respect des lois Egalim. Son ambition devrait donc être revue à la baisse.

Seules des mesures axées sur la transparence, la négociation équitable et le soutien ciblé peuvent contribuer au développement d’un secteur agricole plus résilient et durable, tout en garantissant un revenu décent aux agriculteurs. Le groupe Les Républicains est opposé à la solution proposée par les Écologistes et votera contre ce texte.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cette proposition de loi ne contient pas non plus de dispositions sur le foncier, par exemple, mais seul un projet de loi comme celui de la loi d’orientation agricole peut répondre à toutes ces questions !

Cela dit, tous les éléments que vous avez mentionnés se retrouvent, d’une manière ou d’une autre, dans le texte et dans nos autres propositions de politiques publiques. Nous proposons ainsi d'intégrer le coût de production dans le prix final afin de garantir des négociations équitables. Nous sommes heureux de savoir que votre groupe sera mobilisé sur la transparence et sur la régulation des marchés, car ce sont des combats de long terme. Je suis d’accord avec vous sur le soutien ciblé, notamment vers la transition écologique. Le budget des mesures agroenvironnementales et climatiques (500 millions d’euros) est malheureusement faible par rapport aux 14 milliards d’euros de concours publics à l’agriculture.

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Je tiens à remercier le groupe Écologiste pour le dépôt de cette proposition de loi en faveur d’un meilleur revenu agricole. Je partage, avec la majorité présidentielle, l’engagement de notre collègue Marie Pochon sur les sujets agricoles.

À votre initiative, Monsieur le président, et depuis 2018, le Gouvernement et la majorité ont agi avec les trois lois Egalim pour améliorer le revenu des agriculteurs en leur donnant davantage de pouvoir de négociation avec les industriels et la distribution grâce à la sanctuarisation de la matière première agricole dans les négociations. La colère récente des agriculteurs montre que l'objectif recherché n'est pas totalement atteint. Le Premier ministre nous a donc confiés, à Alexis Izard et moi-même, une mission visant à évaluer le dispositif Egalim et le fonctionnement des négociations commerciales au sens large.

L'objectif premier de cette mission est de garantir une juste rémunération des agriculteurs. C'est également dans cette optique que le Président de la République a annoncé, à l'occasion du salon de l'agriculture, réfléchir à l'imposition de prix planchers comme prix de référence, afin de permettre à nos agriculteurs de vivre décemment de leur travail.

Pour relever ces défis, nous rencontrons, avec Alexis Izard, tous les acteurs de la chaîne agroalimentaire, de l’agriculteur au consommateur, des organisations de producteurs aux représentants nationaux de chaque filière, car on ne peut répondre à la question en menant rapidement quelques auditions. La structure économique des exploitations varie énormément d’une filière à une autre ; plus encore, au sein d’une filière, elle varie d’une exploitation à une autre. Votre proposition de loi, qui vise à fixer arbitrairement des prix planchers par filière ne permettra pas de satisfaire la demande des agriculteurs. D’ailleurs, ces derniers ne demandent pas de prix planchers, à l’exception notable de la filière bovine. Le texte pourrait accroître la part de produits importés et porter, de fait, atteinte à notre souveraineté alimentaire.

Vous dites que vous répondez à une demande présidentielle, mais votre démarche d’administrer les prix n’est pas celle du Président de la République. Les prix doivent couvrir l’ensemble des coûts de production et permettre la juste rémunération des agriculteurs, ainsi qu’une certaine souplesse dans leur gestion. Ils doivent être définis par les agriculteurs, non par l’État. Votre proposition n’est donc pas celle du Président de la République, ni des agriculteurs.

Avec mon collègue Alexis Izard, nous travaillons rigoureusement pour répondre à la question centrale du revenu agricole. Soyez assurés que nous associerons prochainement l’ensemble des parlementaires à notre réflexion.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate votera contre cette proposition de loi.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Nous serons ravis de participer à la mission que vous menez et nous verrons où mèneront ses travaux.

Contrairement à ce que vous décrivez, notre proposition de loi ne vise pas à des prix administrés par l’État. Nous avons besoin de conférences de filières, capables d’élaborer, par l’intermédiaire des coûts de production et de la prise en compte du revenu des agriculteurs, un coût de production en dessous duquel il est impossible de descendre, notamment pour les distributeurs – le médiateur agricole intervient en dernier lieu.

Le mécanisme a déjà été instauré dans certaines filières. Le texte le renforce : avant de concrétiser tous les aspects manquants mentionnés par nos collègues, il fournira une solide base de travail pour satisfaire les attentes des agriculteurs et la promesse présidentielle.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cette proposition de loi nous donne l’occasion de discuter du revenu des agriculteurs, une question sensible ces dernières semaines mais qui nous préoccupe depuis des années. Elle est particulièrement bienvenue, alors que le projet de loi d’orientation agricole présenté par le Gouvernement ne semble pas y répondre, bien qu’elle soit centrale pour l’avenir de notre agriculture.

Son article premier vise à attribuer à la conférence publique de filière une mission de fixation des coûts de production ainsi que d’estimation de leur évolution : ces coûts incluent la rémunération des agriculteurs à hauteur d’une fois et demie à deux fois le Smic et prennent en compte la diversité des bassins et des systèmes de production.

Le texte nous semble pertinent en tant qu’il ouvre le débat sur les prix planchers dans l’agriculture : il va plus loin que les lois Egalim, qui ne parviennent pas à produire les effets attendus en matière de protection du revenu des agriculteurs. Les prix planchers se heurtent néanmoins : à la diversité des marchés agricoles, qui n’ont pas nécessairement besoin d’une réponse homogène ; à la concurrence déloyale, que la politique agricole intégrée au niveau européen ne traite pas, voire encourage ; et à certaines incertitudes ou effets d’aubaine qu’il convient d’étudier.

Cette proposition de prix planchers a le mérite d’introduire le débat sur le revenu agricole par le principe de la régulation : sur des marchés agricoles par nature instables, il doit être notre boussole. Avant une future loi « Egalim 4 », elle est un premier engagement à travailler sur un revenu digne pour nos agriculteurs.

La question est complexe. Les amendements que nous avons déposés pour améliorer le dispositif que vous avez le mérite de proposer visent notamment à prendre en compte les spécificités des productions des territoires d’outre-mer et à améliorer l’encadrement des prix tout en protégeant les productions de qualité.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je vous remercie pour vos amendements, que nous avons étudiés avec attention et dont certains seront repris. Il est en effet nécessaire de prendre en compte la diversité des bassins et des systèmes de production : nous l’avons spécifié dans la proposition de loi. Il restera au Gouvernement de préciser par voie réglementaire comment atteindre ce but.

M. Thierry Benoit (HOR). Parce qu’il est impossible de tout traiter dans une niche, vous avez cherché à « esquisser une réponse concrète et structurelle au problème urgent du revenu », si je reprends vos propres termes. Si je vous félicite pour la qualité de vos idées et de votre rapport, je n’en partage toutefois pas les orientations.

Les prix planchers évoqués par le Président de la République lors du salon de l’agriculture ont donné l’impression à certains députés que le Président reprenait à son compte une expression citée en commission des affaires économiques et dans l’hémicycle. Je ne prends pas la parole présidentielle, ni la parole ministérielle, pour parole d’évangile. Si je peux partager vos orientations sur les prix planchers, c’est en y adjoignant les mots « sur la base des indicateurs de coûts de production et à l’échelle de l’Union européenne ». Vous-même, dans votre rapport, avez pris la précaution d’écrire qu’en la matière, on ne peut pas raisonner dans un référentiel exclusivement franco-français. Et vous avez raison. C’est pourquoi l’urgence est de poursuivre ce que les états généraux de l’alimentation ont amorcé avec Egalim 1, Egalim 2 et Egalim 3, à savoir nouer des contrats avec les secteurs de la transformation et, si possible, de la distribution, sur la base d’indicateurs de coûts de production travaillés par les filières : ceux-ci consacrent une construction des prix par une marche avant.

L’article 2 de la proposition de loi vise à créer un fonds dédié à la transition agroécologique des exploitations agricoles, qui serait alimenté par une taxe. Ce n’est pas la bonne solution. Pour le bio, l’urgence est d’atteindre l’objectif d’Egalim de 20 % de produits bio dans la restauration publique ; d’encourager le bio dans la restauration collective ; de le mettre en avant dans la grande distribution ; et d’en contrôler les marges face à certains abus.

En l’état actuel du texte, le groupe Horizons votera contre cette proposition de loi.

Mme Marie Pochon, rapporteure. À vous entendre, l’urgence est de continuer l’existant, le modèle Egalim, dont les dernières mobilisations et le manque de contrôles dans la construction des prix ont pourtant montré les limites – la mission de nos collègues va œuvrer à le consolider. Par cette esquisse, nous proposons de consacrer le rôle central du producteur dans la construction du prix et d’y inclure un revenu agricole à hauteur d’une fois et demie à deux fois le Smic – j’ai déposé un amendement visant à fixer celui-ci à deux fois le Smic.

Vous dites ne pas prendre les propos du Président de la République pour parole d’évangile : dans un régime présidentiel comme le nôtre, les Français ont compris la même chose que les députés que vous avez cités.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission où règne un consensus dont je me réjouis. Tous et toutes, nous considérons que le monde agricole ne va pas bien et que nous nous devons de lui répondre. Malgré nos différences d’analyse et de point de vue, malgré nos divergences sur les moyens et les outils, nous partageons cette bonne volonté : c’est déjà un début.

Les groupes Renaissance et Les Républicains (LR), notamment, ont regretté que cette proposition de loi ne traite pas de tous les soucis des agriculteurs. Faut-il rappeler que les écologistes sont un petit groupe, l’un des plus petits de cette assemblée, qu’ils ne participent pas au Gouvernement et qu’ils n’ont pas la majorité, loin de là ? Malgré tout, avec les petits outils qui sont à notre disposition, nous tentons de répondre à l’urgence.

Le travail lancé par ma collègue Marie Pochon est fondé sur l’écoute et le consensus. Il s’appuie sur des propositions publiques pour présenter un texte où figurent des propositions concrètes et effectives. Je veux parler de la promesse du Président de la République, de la définition donnée par la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher ainsi que de celle du président du groupe LR, notre collègue Éric Ciotti, qui demandait un salaire minimum de 1 500 euros pour les agriculteurs. Cette proposition est beaucoup plus contraignante que la nôtre, qui vise, à budget constant, à dépasser ce montant, non en reversant un salaire mais en respectant la demande des agriculteurs de rendre leur travail rémunérateur. Passés de cinq millions à quatre cent mille en deux générations, les agriculteurs ont connu le plus grand plan social de France. Il a des conséquences concrètes dans toutes nos circonscriptions : des campagnes se vident, des services publics s’en vont, des écoles ferment, le niveau de vie baisse. À ces territoires oubliés de la société, on peut répondre aujourd’hui. Pour dépasser la réponse conjoncturelle et aider le secteur, en particulier les jeunes, qui, de la Confédération paysanne aux Jeunes agriculteurs, essaient de miser sur l’avenir, nous avons le devoir d’abonder un fonds, qui leur permette de ne pas supporter seuls le prix de la transition dont nous retirons tous les bénéfices.

Cette proposition de loi n’est qu’une partie de la réponse, mais une partie concrète, quand les promesses faites n’engagent pour l’instant que les gentils comme nous qui y croient. Elle apporte a minima un début de réponse. C’est pourquoi le groupe Écologiste la votera avec enthousiasme.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Nous attendons en effet un amendement du groupe Les Républicains traduisant la proposition lancée il y a quelques mois.

M. David Taupiac (LIOT). Nos agriculteurs ont une demande légitime : vivre de leur travail. À cette requête élémentaire, les lois Egalim ont apporté des solutions complexes. Il a fallu trois textes en cinq ans pour tenter de réguler les rapports entre les agriculteurs et la grande distribution, et cela n’a pas suffi. Le cadre législatif ne cesse d’être contourné par les centrales d’achat. La première priorité est donc de garantir une bonne application de la loi : le renforcement des contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en 2024 doit être pérennisé.

Rien n’empêche d’explorer, en outre, d’autres outils de régulation. Certains défendent de longue date les prix planchers ; d’autres se sont laissé convaincre tardivement par une déclaration à la volée du Président de la République. J’y vois une solution qui mérite d’être étudiée, à condition que ses modalités de mise en œuvre ne soient pas simplistes.

La proposition de loi que nous étudions pose les premiers jalons de dispositifs qui restent à parfaire. Sur certains points, elle va dans le bon sens : il est notamment impératif de réaffirmer la prise en compte de la rémunération des agriculteurs dans les coûts de production, notamment. Sur d’autres, le texte mérite des éclaircissements. La détermination d’un prix plancher annuel, par exemple, manque de flexibilité. Les fluctuations des prix agricoles au gré des évolutions du marché et des événements géopolitiques imposent de pouvoir faire évoluer les prix planchers.

Plus généralement, de nombreuses questions restent en suspens : faut-il appliquer les prix planchers dans toutes les filières ? Comment tenir compte de la taille des exploitations dans ces prix ? Comment éviter que fournisseurs et distributeurs ne se fournissent moins cher auprès de la concurrence étrangère ?

Nous ne sommes qu’au début de la réflexion sur la construction des prix planchers : c’est un cheminement qui sera sans doute complexe, mais que j’entends accompagner.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je vous rejoins sur la nécessité de travailler sur les sanctions pour non-application de la loi Egalim et de doter la DGCCRF de davantage de moyens pour mener cette mission essentielle, car mille postes y ont été supprimés ces dix dernières années. Je vous remercie pour votre retour sur ces premiers jalons qui vont dans le bon sens ainsi que pour vos amendements, auxquels nous donnerons pour plusieurs d’entre eux un avis favorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Que mes collègues qui croyaient au Ciel et ceux qui n’y croyaient pas cessent d’être de mauvaise foi en demandant à notre rapporteure d’embrasser l’ensemble des thématiques qui devraient être celles d’un projet de loi dont on sait qu’il est une coquille vide. Les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés sont multiples : ils l’ont dit avec une voix claire et une colère épaisse ces derniers temps. Il s’agit de bâtir, avec une loi qui ne soit pas « molle » comme Egalim 1, Egalim 2 ou Egalim 3, des modes de construction des prix coercitifs ; de faire en sorte que les traités de libre-échange n’instaurent pas une concurrence libre et faussée, qui étouffe notre souveraineté alimentaire ; de s’intéresser à la répartition des marges ; et de travailler au renouvellement des générations, notamment. Le temps législatif d’une niche ne permet pas de faire tout cela.

La proposition de loi de notre collègue Marie Pochon a le mérite de mettre le Président de la République au pied du mur : à la surprise générale, peut-être même à celle de son ministre de l’agriculture, il a annoncé vouloir enfin écouter ses oppositions sur l’opportunité de réfléchir à des prix planchers.

En votant la proposition de loi, vous aurez l’occasion de concrétiser la promesse présidentielle. Le reste, on y travaillera dans la loi d’orientation agricole. J’espère que vous serez à nos côtés pour considérer qu’elle est une coquille vide, qu’il faudra remplir de plusieurs manières. Mais si, pour le Ceta, l’accord économique et commercial global, vous dites que ce n’est pas le moment, qu’il faut réfléchir et faire des études, vous laissez tomber aux oubliettes la promesse donnée aux agriculteurs. De même, concernant les prix planchers ou la répartition des marges, si vous dites qu’une mission gouvernementale y réfléchit et que vous ne comptez pas y toucher, avouez que vous voulez ne rien faire, que vous avez pleuré des larmes de crocodile au salon de l’agriculture… et rendez-vous au prochain salon ou à la prochaine colère des agriculteurs.

Nous soutiendrons la proposition de loi, même si elle est incomplète et imparfaite, car elle vise au moins à concrétiser un signal symbolique fort à l’égard du monde agricole, qui n’est pas dupe et regardera attentivement les uns et les autres pour voir comment ils répondent concrètement aux problèmes posés.

M. le président Stéphane Travert. Au pied du mur, on vous a parfois connu mieux inspiré. Nous reparlerons certainement ensemble de ce concept de mollesse…

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je vous rejoins sur l’urgence de répondre aux revendications des agriculteurs. On ne peut pas attendre le salon prochain, ni même six mois de plus, malgré le travail sérieux et minutieux que fournissent sans aucun doute nos collègues dans le cadre de la mission d’information. La loi d’orientation agricole est attendue depuis deux ans – on en parle depuis mon élection et elle ne cesse d’être reportée. Certes, ses contours exacts ne nous ont pas été présentés et une belle surprise nous attend peut-être.

Pourtant, poser l’enjeu du revenu, qui ne figurera pas dans le texte, avant d’en débattre est essentiel : on ne peut pas discuter d’installation, de transmission, de renouvellement des générations ni de transition écologique sans avoir inscrit au centre la possibilité que les agriculteurs se projettent, avec un revenu digne, fondé sur leur production, à hauteur d’une fois et demie à deux fois le Smic. C’est sur cette base que nous vous proposons d’échanger.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Frédéric Descrozaille (RE). Votre remarquable exposé des motifs contribue utilement à notre débat. Le fonctionnement de la Ve République a pour défaut de ne pas permettre à l’initiative parlementaire de prendre plus de place que les projets du Gouvernement. J’envisage votre texte comme une proposition de loi d’appel : son adoption a moins d’importance que le débat essentiel qu’elle déclenche, auquel je souhaite prendre toute ma part.

En l’état, je voterai contre, car le principe du prix minimum tel que vous l’élaborez ne tient pas dans une économie ouverte, au sein d’un marché qui n’est plus commun mais unique : dans un tel marché, on ne peut pas protéger les prix d’une partie des metteurs sur le marché. Cela ne tient pas la route. Même pour le lait, il serait très difficile de définir un tel prix, ne serait-ce que dans un bassin de production. Nous serions en revanche inspirés de réfléchir à ce que devrait être une troisième politique agricole commune (PAC) 2027-2034 et à une nouvelle gouvernance mondiale, pour dénoncer l’incurie des accords de Marrakech qui nous ont mis dans une telle situation.

M. Alexis Izard (RE). Je voterai également contre le dispositif, non parce que la majorité ne souhaiterait pas garantir un revenu digne aux agriculteurs, mais parce que votre dispositif, sensiblement identique à celui proposé par le groupe La France insoumise, inquiète les filières, qui ne le demandent pas.

J’apprécie l’ouverture que vous offrez. Vous dites que, dans le cadre d’une niche, vous n’avez pas les outils nécessaires pour apporter les bonnes solutions à ce problème central. La mission qui nous a été confiée dispose de tels moyens. C’est pourquoi je vous invite à travailler avec nous pour trouver les bonnes solutions, sans instaurer un dispositif supplémentaire qui vient alourdir la législation.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). La minorité présidentielle dit sans cesse qu’elle va trouver les « bonnes solutions ». Le président Macron est au pouvoir depuis sept ans : les agriculteurs ont bien raison de se mobiliser. Leur principale revendication est un prix rémunérateur, et vous proposez seulement d’évaluer Egalim 2 ou Egalim 3. Certes, il faudra prendre en compte les résultats de cette évaluation mais, tout au long des auditions, on nous a dit que ces lois ne fonctionnaient pas.

Nous avons enfin une proposition solide, qui permet des prix rémunérateurs garantis. Le 30 novembre 2023, lorsque notre proposition de loi a été examinée dans l’hémicycle, une majorité de collègues, dont des députés du groupe Les Républicains, a adopté son article 1er prévoyant de fixer un prix d’achat plancher pour les produits agricoles, comme le propose le président Macron. J’espère qu’il en sera à nouveau ainsi, surtout après les mobilisations des agriculteurs.

M. Julien Dive (LR). La question des prix planchers, qui vient percuter celle des négociations commerciales, montre les ratés des lois Egalim sur le prix qui revient à la ferme – le cri sourd des agriculteurs les exprime. Surtout, il faut s’assurer que la notion de prix planchers entre dans le cadre du droit européen.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il découle d’études sur les conséquences des coûts menées notamment par Mme Allain du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et Mme Chabrolle de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), que des prix avoisinant ceux des marchés internationaux, non seulement se justifient mais sont l’une des seules solutions à la crise agricole, pour le marché du lait, notamment. Et ce ne sont pas des spécialistes travaillant dans nos cercles qui le disent.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons à l’examen des amendements.

 

 

Article 1er : Améliorer le fonctionnement des conférences publiques de filière en vue de garantir un meilleur revenu aux agriculteurs

 

Amendement CE35 de M. David Taupiac

 

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement d’appel vise à permettre une évolution des prix planchers tous les quatre mois, au lieu d’une fois par an. Celle-ci est rendue nécessaire par les fortes variations des coûts de production liées aux intrants, à l’énergie ou aux aliments.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Si l’inflation a ralenti ces derniers mois, elle continue d’affecter fortement le budget de nombre de nos concitoyens ainsi que le revenu des travailleurs, notamment des agriculteurs. Bien qu’elle accroisse leur revenu du fait de la hausse des prix, elle augmente aussi le poids de leurs dépenses contraintes, notamment les achats d’engrais, de carburant ou de matériel agricole. Son niveau ayant de telles conséquences dans la détermination du revenu des agriculteurs, il semble pertinent que la conférence publique de filière se réunisse plus fréquemment qu’une fois par an, afin de s’aligner sur les dispositifs propres aux contractualisations induites par la loi Egalim. Cela devrait lui permettre d’ajuster ses estimations pour mieux les prendre en considération dans la fixation du niveau des coûts de production. C’est pourquoi je donne un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE18 de M. Sébastien Jumel tombe.

 

L’amendement CE25 de M. Grégoire de Fournas est retiré.

 

Amendement CE41 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon, rapporteure. Nous proposions initialement que l’évaluation des coûts de production inclue une rémunération des agriculteurs allant de 1,5 à deux fois le Smic, mais cet amendement tend à ne garder qu’une référence à 2 Smic, suivant une proposition formulée plusieurs fois lors des auditions. Plusieurs filières – celles du lait et de la viande bovine – prennent dès à présent en considération un niveau de 2 Smic pour déterminer le revenu dont les producteurs doivent bénéficier. Le présent amendement permettra donc d’être plus cohérent avec la réalité des filières. Par ailleurs, un seuil de 2 Smic semble plus à même de sécuriser et d’améliorer le revenu des agriculteurs.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Je soutiens cet amendement. Tout le monde a en tête le fait que le revenu des activités agricoles ne suffit pas pour vivre. Il ne représente qu’un tiers des ressources annuelles des agriculteurs, dont près de 18 % vivent sous le seuil de pauvreté. On peut attendre les conclusions de missions confiées par le Gouvernement ou la Saint-Glinglin pour rediscuter du libre-échange, mais pendant ce temps-là, chez moi, les ateliers laitiers, étouffés dans les négociations par de grands groupes qui continuent à faire du pognon en dormant, mettent la clef sous la porte. L’existence de prix planchers, d’un mode de construction des prix qui aboutit à ce que les prix de démarrage des négociations ne soient pas inférieurs aux coûts de production, est une question de survie pour certaines de nos filières, notamment celle du lait. Il est urgent d’engager le débat, au lieu d’attendre la Saint-Glinglin dans l’idée qu’on pourra endormir les agriculteurs et que leur colère passera.

M. Thierry Benoit (HOR). Je voterai contre la proposition de loi, mais je voterai tout de même pour cet amendement. Une question se pose, en effet, comme le souligne le rapport de notre collègue Marie Pochon, notamment dans les exploitations à forte main-d’œuvre. L’exemple de la production laitière qui a été cité par notre collègue de Seine-Maritime correspond exactement à cette réalité, mais le ministre Marc Fesneau devra aussi s’attaquer au sujet des filières de l’élevage. Quand on compare le nombre d’heures travaillées et le revenu, c’est une catastrophe. Des gars qui travaillent soixante ou soixante-dix heures par semaine ne peuvent pas en tirer un revenu de 900 euros par mois. Cet amendement ouvre, pour reprendre l’expression de Frédéric Descrozaille, un « débat intéressant ».

M. Alexis Izard (RE). Le débat autour de cet amendement est effectivement très intéressant. Le projet de loi d’orientation agricole que nous examinerons bientôt traitera notamment la question de la transmission aux jeunes générations, aux agriculteurs qui reprendront des exploitations fortement capitalistiques et devront amortir une dette : il faudra prendre en compte ces sujets dans le cadre de la confection des indicateurs.

Je suis plutôt défavorable à cet amendement, parce que je le suis à l’ensemble de la proposition de loi. Je souhaite qu’on donne de la stabilité législative à nos agriculteurs, pour qu’ils aient de la visibilité. Ils doivent savoir que nous aborderons ces questions et que nous apporterons des réponses, mais nous ne pouvons pas leur proposer des changements législatifs toutes les semaines. J’ajoute que la question extrêmement importante qui est soulevée par cet amendement sera traitée dans le cadre de la mission parlementaire en cours.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE42 de Mme Marie Pochon, rapporteure.

 

Amendement CE36 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Nous souhaitons qu’il y ait une référence à la taille des exploitations en ce qui concerne la définition des prix planchers. Il existe, en effet, de fortes disparités. Les aides surfaciques de la PAC sont, à 80 %, captées par 20 % des exploitations : l’effet de seuil est réel.

Mme Marie Pochon, rapporteure. La référence aux « systèmes de production », à la fin de la deuxième phrase de l’alinéa 5, englobe, à mon sens, la question de la taille des exploitations : un système de production varie suivant que l’exploitation est plus ou moins grande, suivant la nature des cultures, suivant la région, etc. Il est vrai, néanmoins, que la taille des exploitations, qui est un enjeu de l’agriculture d’aujourd’hui – si le nombre d’exploitations diminue, leur superficie moyenne s’accroît –, est un facteur qui doit être particulièrement pris en considération, et j’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE19 de M. Johnny Hajjar

M. Johnny Hajjar (SOC). Cette proposition de loi me paraît très concrète et, du fait de sa simplicité, très pratique du point de vue de la mise en œuvre. Il faut néanmoins l’adapter aux réalités ultramarines : tel est l’objet du présent amendement. Je rappelle, en effet que l’éloignement, l’insularité et l’exiguïté des marchés intérieurs sont des contraintes naturelles qui conduisent à des surcoûts extrêmement importants et y rendent la vie chère, notamment par le biais des intrants. Nous avons non seulement besoin qu’un revenu digne soit garanti aux agriculteurs, mais aussi que l’on travaille sur le volet de la transition agroécologique, qui est essentielle pour faire face aux aléas climatiques, plus importants dans les territoires dits d’outre-mer en raison des microclimats qu’ils connaissent.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Il est vrai que les outre-mer se trouvent dans une situation spécifique. Leur taux moyen de dépendance aux importations alimentaires augmente régulièrement : il est passé de 54 % en 1994 à 71 % en 2011. La question de l’autonomie alimentaire des outre-mer a d’ailleurs fait l’objet d’un très bon rapport de nos collègues Estelle Youssouffa et Marc Le Fur, auquel je vous renvoie pour davantage de détails sur ce point. Afin de souligner la spécificité des outre-mer, j’émets donc un avis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE43 de Mme Marie Pochon et sous-amendement CE53 de M. Grégoire de Fournas

Mme Marie Pochon (Écolo-NUPES). Mon amendement propose une évolution rédactionnelle importante, visant à garantir que le prix minimal fixé par la conférence de filière ne pourra être inférieur à l’évaluation des coûts de production. C’était déjà la volonté politique initiale, mais la rédaction sera plus claire.

M. Emmanuel Blairy (RN). Il ne convient pas d’encadrer la rémunération des agriculteurs par un plancher et un plafond comme cet article tend à le faire. La marge des agriculteurs doit être proportionnelle aux investissements réalisés et aux risques encourus, a fortiori dans un secteur très sensible aux aléas climatiques – on l’a vu dans le Pas-de-Calais. Par ailleurs, outre payer ses impôts, ce qui est normal, et parfois des coûts liés aux règles environnementales, l’agriculteur peut souhaiter investir pour lui, parce qu’il pense à sa vie privée et qu’il a une vision de long terme, y compris lorsque sa descendance veut reprendre l’exploitation. C’est pourquoi nous proposons de prendre en compte une marge de 10 %.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Ce sous-amendement ne me semble pas opérationnel : vous ne précisez pas à quoi se rapporte la marge de 10 % que vous souhaitez. Par ailleurs, pourquoi 10 % plutôt que 5 %, 15 % ou 20 % ? Autre difficulté, la marge s’appliquerait très différemment selon les filières. Pour celles qui sont actuellement en crise, êtes-vous certain qu’une marge de 10 % serait suffisante ? Avez-vous des exemples à nous donner ? Vous faites, en outre, référence aux aléas climatiques dans votre exposé sommaire : est-ce à dire que le dispositif ne s’appliquerait pas à certaines filières, notamment animales, qui seraient moins affectées ? Enfin, contrairement à ce que vous affirmez, l’article 1er n’a pas pour objet d’encadrer la rémunération des agriculteurs par un plancher et un plafond : nous prévoyons que leur rémunération prendra en considération les coûts de production et que ceux-ci devront intégrer une rémunération égale à deux fois le Smic. Il n’y aura donc aucun prix plafond. Ce que vous proposez me semble trop incertain et pas de nature à permettre un revenu garanti. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Pourquoi prévoyons-nous un taux de 10 % ? Les marges des entreprises sont généralement de 7 % ou 8 %. Nous avons souhaité une sorte de plus-value pour les agriculteurs. Vous auriez pu sous-amender notre sous-amendement pour proposer un taux différent.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

 

Amendement CE37 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Nous demandons qu’une conférence publique de filière puisse être réunie exceptionnellement en cas de forte hausse ou baisse des coûts de production agricole. Certains aléas, notamment géopolitiques – nous citons l’exemple de la guerre en Ukraine dans l’exposé sommaire – peuvent se traduire par de fortes contraintes passagères.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement permettrait à une conférence publique de filière de se réunir inopinément en cas de présomption de forte hausse ou de forte baisse des coûts de production agricole. Afin de garantir un revenu décent aux agriculteurs, il importe en effet d’agir dans les meilleurs délais en cas de variation des prix qui entraînerait une forte variation des coûts de production. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE44 et CE45 de Mme Marie Pochon, rapporteure.

 

Amendement CE46 de Mme Marie Pochon et sous-amendement CE57 de M. Grégoire de Fournas

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je vous propose un amendement de cohérence rédactionnelle avec la formulation utilisée à la dernière phrase de l’alinéa 5. Cette rédaction a également de l’importance sur le fond, puisqu’elle permettra de sécuriser la mise en place d’un prix minimal qui ne pourra pas être inférieur aux coûts de production, même en cas d’échec de la conférence publique de filière.

M. Emmanuel Blairy (RN). Afin de s’assurer que le prix d’achat des matières premières agricoles est rémunérateur pour le producteur, il convient de préciser la notion de prix abusivement bas dans le code de commerce. Nous proposons de faire référence au prix résultant de la moyenne entre les coûts individuels de production pour chaque producteur et les indicateurs de référence fournis par les interprofessionnels, montant auquel une marge de 10 % sera ajoutée. Ce mécanisme garantira l’interdiction d’acheter des produits agricoles à un prix inférieur aux coûts de revient du producteur et assurera à ce dernier une marge minimale.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je ne suis pas sûre d’avoir sous les yeux le même sous-amendement que vous. Celui qui est en discussion tend à préciser que les ministres compétents non seulement arrêtent un prix minimal d’achat des produits alimentaires qui ne peut être inférieur aux coûts de production mais aussi « établissent une estimation des coûts de production et leur évolution pour l’année à venir ». Mon avis est évidemment défavorable : ce travail prospectif est de la seule responsabilité de la conférence publique de filière. Si la décision d’arrêter un prix appartient aux ministres, leur rôle s’arrête là.

M. Alexis Izard (RE). Avec ce type de proposition, on touche du doigt le risque des dispositifs dans lesquels l’État, au cas où les conférences de filière n’arriveraient pas à se mettre d’accord, deviendrait l’administrateur des prix. Le prix plancher deviendrait un prix fixe et ensuite – et c’est ce dont les agriculteurs ont peur – un prix plafond, si on ne prend pas en compte les importations qui peuvent avoir lieu à ce moment-là. Vous allez donc offrir aux agriculteurs un prix, c’est certain, mais vous allez leur faire perdre du volume, et c’est un problème auquel il faut être attentif. Je suis donc contre le dispositif qui nous est proposé.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

 

L’amendement CE20 de M. Johnny Hajjar est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE1 de M. Lionel Tivoli.

 

Amendement CE59 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement vise à laisser aux acteurs concernés le choix d’organiser ou non une conférence publique de filière pour fixer un prix minimal d’achat. Nous savons, en effet, que certaines filières – les grandes cultures ou le vin – ne souhaitent pas utiliser ce mécanisme. Une conférence publique de filière ne pourra se constituer qu’à la demande d’une majorité de ses membres et sous réserve de l’accord des producteurs qui souhaitent y participer.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE8 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement, proposé par Max Havelaar France et déjà examiné dans le cadre de la loi Egalim 2, vise à ce que, pour déterminer les indicateurs utilisés, les parties s’appuient sur les modalités de fixation du prix des systèmes de garantie et des labels de commerce équitable. En garantissant un prix minimal rémunérateur pour l’achat des produits, le commerce équitable a montré depuis plus de quarante ans qu’il était possible de structurer des filières qui permettent une amélioration durable de la rémunération des fournisseurs, y compris les petits producteurs. Nous proposons de reprendre le principe du commerce équitable, qui garantit le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs en tenant compte de l’ensemble des coûts à tous les maillons de la chaîne de production.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Selon l’article 60 de la loi du 2 août 2005 que vous citez dans l’exposé sommaire, les éléments pris en considération pour la détermination des prix sont « un engagement entre les parties au contrat sur une durée permettant de limiter l’impact des aléas économiques subis par [les] travailleurs, qui ne peut être inférieure à trois ans », « le paiement par l’acheteur d’un prix rémunérateur pour les travailleurs, établi sur la base d’une identification des coûts de production et d’une négociation équilibrée entre les parties au contrat » et, enfin, « l’octroi par l’acheteur d’un montant supplémentaire obligatoire destiné aux projets collectifs, en complément du prix d’achat ou intégré dans le prix, visant à renforcer les capacités et l’autonomisation des travailleurs et de leur organisation ». Je suis favorable à cette ambition et, de ce fait, à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE9 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous proposons de rendre obligatoire dans certains secteurs, arrêtés par décret, la définition d’un « tunnel de prix », afin d’assurer une transparence totale dans la chaîne de production, ainsi que de bornes minimales et maximales.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement pose quelques problèmes de faisabilité.

Tout d’abord, les conditions générales de vente n’existent pas dans le cadre du code rural et de la pêche maritime, mais dans celui du code de commerce. Le code rural et de la pêche maritime ne fait référence qu’aux clauses du contrat de vente. Vous ne visez pas, à tout le moins, le bon code.

Par ailleurs, vous souhaitez transposer dans le code de commerce un dispositif, issu de l’article 2 de la loi Egalim 2, qui existe déjà dans le code rural et selon lequel les parties ayant conclu un contrat de vente de produits agricoles peuvent « convenir de bornes minimales et maximales entre lesquelles les critères et les modalités de détermination ou de révision du prix, intégrant notamment un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture, produisent leurs effets ». Il me semble très hasardeux de vouloir codifier un dispositif qui n’est qu’expérimental et dont on ne sait pas ce qu’il adviendra à l’issue de la période de cinq ans qui est actuellement prévue. Même si l’on peut entendre que l’industriel pourrait préciser dans les conditions générales de vente un tunnel de prix qui aurait été précédemment défini entre le producteur et le premier acheteur, je ne pense pas que ce soit le moment ou le lieu pour aller dans ce sens.

Je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE14 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à rendre systématique l’usage de la convention tripartite qui lie une coopérative ou une organisation de producteurs, un ou plusieurs transformateurs et un distributeur.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Ces conventions doivent être reconnues par l’autorité administrative dans le cadre d’une expérimentation de labellisation. S’ils présentent l’avantage de faire intervenir l’ensemble des maillons de la filière dans la négociation, de tels contrats multipartites sont susceptibles d’être qualifiés d’accords verticaux incompatibles avec le droit de la concurrence européenne. Nous n’en sommes donc qu’au stade de l’expérimentation. Celle-ci fonctionne plutôt bien, comme nous l’ont expliqué, par exemple, la Fédération nationale d’agriculture biologique et l’enseigne Lidl, qui y ont recours. Mieux vaut encourager le développement de ces conventions avant de regarder si leur systématisation peut être envisagée. Cela dit, comme nous pourrions peut-être parvenir à intégrer cet outil dans le dispositif, je vous demande retirer votre amendement afin de retravailler sur la question d’ici à la séance. Sinon, avis défavorable.

M. Pascal Lecamp (Dem). Si j’interviens, pour la première fois sur ce texte, c’est que je suis un ardent défenseur du contrat tripartite. Il est question, depuis le début, de « prix planchers », « rémunérateurs » ou « équilibrés » et de « tunnel de prix », mais cela n’a aucun sens si on n’est pas capable de réunir autour d’une même table, comme le font certains pays, le producteur, le transformateur et le distributeur. C’est, en effet, un raisonnement de marge qu’il faut avoir. Il faudra se battre dans le cadre de la future loi d’orientation agricole – j’espère que c’est ce qui ressortira des travaux d’Alexis Izard et d’Anne-Laure Babault – pour garantir des marges équilibrées et justes à tous les niveaux de la chaîne de distribution. Il faut arrêter de parler de prix : c’est de marge dont il doit être question ! Lorsqu’il y aura des contrats tripartites garantissant des marges à chaque niveau, nous aurons enfin, comme dans les pays scandinaves, une société juste.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Même si j’ai bien entendu la proposition de retravailler l’amendement d’ici à la séance, je le maintiens. C’est une proposition qui a déjà été défendue à plusieurs reprises par notre collègue Dominique Potier et vous avez dit que l’expérimentation ne se passait pas si mal. Ce dispositif permettra d’avoir une meilleure maîtrise des coûts de production, grâce à davantage de transparence.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE16 de M. Sébastien Jumel

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les « cocos », qui ont une certaine antériorité en matière de prix planchers, adossent souvent cette question à celle du coefficient multiplicateur. Notre proposition, qu’on pourrait qualifier d’amendement Chassaigne, est précisément d’instaurer un tel coefficient.

Mme Marie Pochon, rapporteure. L’idée d’un coefficient multiplicateur, établi par l’État, entre le prix d’achat au producteur agricole et le prix de vente au consommateur est ancienne. Elle est défendue depuis longtemps par votre groupe, notamment dans le cadre d’une proposition de loi de M. Chassaigne en 2011 ainsi que par plusieurs acteurs du monde agricole – le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) et la Coordination rurale – et par des associations de consommateurs, comme l’UFC-Que choisir.

Il est vrai que, dans l’absolu, ce dispositif pourrait permettre de faire en sorte que toute augmentation des marges des intermédiaires passe obligatoirement par une augmentation du prix d’achat à l’agriculteur. Le consommateur pourrait également être protégé, dans la mesure où le mécanisme interdirait aux intermédiaires de dépasser un certain niveau de prix pour la revente finale. Même si un coefficient multiplicateur existe dès à présent de façon limitée, à l’initiative de l’État, dans les filières des fruits et légumes périssables, son extension demanderait une large concertation – qui sortirait du périmètre de la proposition de loi – avec les acteurs concernés, y compris les agriculteurs, puisque les produits affectés par un tel coefficient pourraient être évincés par les acheteurs au bénéfice d’autres produits.

Je vous invite plutôt à retirer votre amendement que nous pourrions, en vue de la séance publique, traduire par une demande de rapport présentant tous les tenants et aboutissants de ce dispositif dont le sujet va largement au-delà du présent texte. Même si je partage bien sûr votre ambition, je vous demande donc un retrait.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). En application du principe selon lequel on ne « pollue » pas les niches des collègues, surtout quand elles vont dans le bon sens, j’entends la proposition de la rapporteure de transformer notre amendement en demande de rapport.

L’amendement est retiré.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE5 de Mme Christine Engrand

 

Amendement CE40 de M. Stéphane Travert

M. le président Stéphane Travert. Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport, dans les meilleurs délais, pour déterminer quelles lois et quels textes réglementaires peuvent être modifiés ou complétés pour que les coûts de production soient pris en considération dans le processus de formation des prix d’achat aux agriculteurs. Ces coûts doivent être couverts par les prix d’achat des produits agricoles, sauf à ce que nos agriculteurs travaillent à perte. Le prix plancher est le prix en deçà duquel on ne peut payer nos agriculteurs, en fonction des indicateurs des coûts de production. Il importe de tout mettre en œuvre pour que les textes applicables soient les plus favorables possible à la prise en compte des coûts de production, afin que le revenu des agriculteurs soit digne et leur permette d’investir.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je partage votre ambition. Il existe sans doute des améliorations textuelles qui permettraient d’aller dans le sens d’une meilleure prise en considération des coûts de production dans la formation des prix d’achat aux agriculteurs. Le Gouvernement ayant notamment la main sur les textes réglementaires, il serait effectivement opportun qu’il évalue lui-même la pertinence des dispositions en vigueur par rapport à l’objectif de conforter, voire d’accroître, le revenu des agriculteurs. Le rapport que vous demandez pouvant être utile, j’émets un avis favorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Quand le président Macron fait une déclaration au salon de l’agriculture, après avoir retroussé ses manches, j’imagine qu’il a fait expertiser deux ou trois trucs, qu’il a d’abord fait le diagnostic que les lois Egalim 1, 2 et 3 ne marchaient pas et que, lorsqu’il s’engage, il a consulté au sein de la majorité, notamment son ancien ministre de l’agriculture et désormais président de cette commission, sur la façon de décliner sa parole présidentielle.

En vous entendant débattre de la proposition de loi de notre collègue Marie Pochon, j’ai tout de même l’impression que vous êtes emmerdés. « Jacques a dit » – le président a parlé – mais vous ne savez pas à quoi cela correspond vraiment. Vous voulez nous éclairer grâce à un rapport supplémentaire, tandis que certains collègues sont chargés d’une mission pour essayer d’extrapoler la parole présidentielle, ce qui m’inquiète beaucoup. Le président aurait-il parlé « de travers » (Sourires), ou plutôt « à tort et à travers » ? Je m’interroge sur la volonté d’intégrer les coûts de production dans la détermination des prix agricoles, alors que cette mesure serait effectivement de nature à répondre à la crise.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Le président Macron a proposé des prix planchers, mais j’ai en effet le sentiment que nous sommes les seuls à vraiment les défendre. C’est un peu le monde à l’envers. Heureusement que nous sommes là pour permettre à l’annonce du Président de la République d’aboutir…

Depuis qu’il l’a faite, nombreux sont ceux qui essaient de se raccrocher aux branches en disant qu’au fond, ce n’était peut-être pas une si bonne idée. Le Président lui-même n’en a d’ailleurs plus parlé, ce qui est étrange.

Nous voterons bien entendu pour cet amendement. On ne peut pas dire que les outils réglementaires nécessaires sont déjà disponibles, car ce n’est absolument pas ce qui ressort des auditions sur le bilan des différentes lois Egalim.

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Le Président de la République a émis une idée, mais tout le monde n’y voit pas forcément la même chose. En tout cas, le Gouvernement a confié une mission à des parlementaires sur ce sujet. C’est donc moins directif que ce que vous laissez entendre, Monsieur Jumel. Je trouve cela rassurant pour le Parlement.

M. le président Stéphane Travert. S’il y a bien une chose au sujet de laquelle vous n’arriverez pas à prendre les députés de la majorité en défaut, c’est le soutien et l’affection qu’ils témoignent au Président de la République – qu’il ait ou non les manches retroussées.

Par ailleurs, lorsqu’il parle de « prix plancher » au salon de l’agriculture, nous comprenons tous ce que cela veut dire – il est sans doute plus compliqué pour nos concitoyens d'appréhender la notion d’indicateur de coût de production. Mais il faut ensuite construire ce prix. Comme je l’ai déjà dit au sein de cette commission, il nous faut veiller avant tout à ce que ce prix plancher ne devienne pas un prix plafond. Cela mettrait alors les agriculteurs en difficulté, ne permettrait pas d’assurer le partage de la valeur et s’opposerait à la montée en gamme à laquelle nous sommes tous attachés. Mais je ne suis pas l’interprète du Président, qui aura certainement l’occasion de revenir sur ce point lorsqu’il recevra les représentants des agriculteurs, avant la présentation du projet de loi d’orientation agricole par le ministre Marc Fesneau.

Cet amendement consensuel vise donc à demander au Gouvernement un rapport permettant de définir un prix minimum, qui corresponde au seuil en deçà duquel les agriculteurs ne peuvent pas être rémunérés. Le Gouvernement pourra s’appuyer sur les conclusions de la mission d’information en cours au sein de cette commission et celles de la mission confiée par le Premier ministre à nos collègues Alexis Izard et Anne-Laure Babault.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il est utile de rappeler les mots exacts utilisés par Emmanuel Macron au salon de l’agriculture : « Il y aura un prix minimum, un prix plancher, en dessous duquel le transformateur ne peut pas acheter et en dessous duquel le distributeur ne peut pas vendre. » Ces prix planchers « permettront de protéger le revenu agricole et de ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui aujourd’hui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus ».

La ministre Agnès Pannier-Runacher a défini les prix planchers de la manière suivante : « Ce sont des prix qui sont établis avec les interprofessions, sur la base des indicateurs de référence. »

On ne peut pas être plus clair. On peut tourner autour du pot longtemps, mais chacun a accès à ces déclarations et définitions. On peut donc s’épargner de faire semblant de ne pas avoir compris la même chose.

M. Thierry Benoit (HOR). Il n’est pas certain que celui qui est bas de plafond comprenne ce qu’est un prix plancher. (Sourires.)

M. Éric Martineau (Dem). Il faut souligner que les prix planchers existent déjà dans certaines filières, où les organisations de producteurs ont l’obligation de les déterminer. Les contrôles réalisés par FranceAgriMer portent aussi sur la définition de ces prix planchers. Il n’y a donc rien de nouveau.

M. Éric Bothorel (RE). Comme vous, je me rends sur les barrages mis en place par les agriculteurs et aux assemblées générales des syndicats agricoles. J’y entends aussi des agriculteurs qui sont opposés aux prix planchers.

Ainsi, dans la filière porcine, la situation est plutôt bonne, car les prix fixés au marché au cadran de Plérin n’ont jamais été aussi hauts. Une partie du secteur ne veut donc pas de prix plancher, qui risquerait probablement de faire baisser les prix.

Lors du salon de l’agriculture, on a assisté à une revendication de prix planchers formulée de manière virile par un syndicat. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je souligne que la proposition prévoit une démarche volontaire. Ceux qui souhaitent y participer pourront le faire, ceux qui veulent s’en extraire le pourront également.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Article 2 : Créer un fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles

 

Amendement CE12 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’article 2 propose de mettre en place un fonds consacré à la transition agroécologique, ce que nous estimons très pertinent. L’amendement propose que ce fonds puisse également soutenir le maintien de ces pratiques dans les exploitations.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Il est vrai que des pratiques vertueuses existent déjà et qu’il convient de les encourager, de les maintenir et même de les développer.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE48 et CE49 ainsi que l’amendement de précision CE50 de Mme Marie Pochon, rapporteure.

 

Amendement CE26 de M. Grégoire de Fournas

M. Emmanuel Blairy (RN). Cet amendement a pour objet d’ajouter le critère du développement des capacités de production, au service de la souveraineté alimentaire française, pour bénéficier de ce fonds.

Le Président de la République a parlé de « souveraineté européenne », ce qui ne veut strictement rien dire. La souveraineté peut être seulement nationale, puisqu’elle suppose un territoire et un peuple.

Nous soutenons bien entendu la transition environnementale, à condition qu’elle ne pénalise pas la productivité des exploitations agricoles françaises, déjà éprouvées par l’inflation normative, la surtransposition des normes européennes – et l’on sait de quoi il s’agit dans ma circonscription, avec l’interdiction des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave – et l’augmentation des coûts de production.

Mme Marie Pochon, rapporteure. L’amendement est satisfait.

En effet, ce fonds dédié à la transition agroécologique des exploitations agricoles concourt à la souveraineté alimentaire française.

L’agroécologie requiert une profonde transformation de notre modèle agricole et de nos systèmes alimentaires. Les scénarios prospectifs de référence – en particulier, ceux de l’association Solagro, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – l’attestent : cette transition à l’échelle de la France et de l’Europe est non seulement tout à fait réalisable, mais elle est également un moyen de stabiliser les rendements à long terme et d’améliorer notre contribution aux équilibres mondiaux.

Les études montrent que l’agriculture et les agriculteurs en sortiront gagnants : meilleure qualité de la production, ouverture de nouveaux marchés, meilleure valorisation des productions, résilience accrue des écosystèmes et donc plus grande soutenabilité du modèle.

Comme le montrent les travaux de France Stratégie, la transition agroécologique est également un levier pour accroître les rendements des exploitations.

Enfin, les travaux de l’Iddri soulignent que c’est en réorganisant son système alimentaire dans le sens de la transition agroécologique que l’Europe pourra accroître sa contribution aux équilibres alimentaires mondiaux. Ils montrent notamment que la transition vers des élevages économes et autonomes en fourrage et en aliments, c’est-à-dire s’appuyant sur les prairies et sur les légumineuses produites en Europe, permettrait de faire passer l’Union européenne d’importatrice nette à exportatrice nette de calories. Dans le même temps, cela réduirait notre empreinte carbone, contribuerait à restaurer la biodiversité des agrosystèmes européens et limiterait notre dépendance aux énergies fossiles utilisées pour la production d’engrais. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE38 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à élargir, à enveloppe constante, le périmètre du fonds dédié à la transition agroécologique des exploitations agricoles, afin que celui-ci puisse soutenir les exploitations en agriculture biologique, actuellement en difficulté.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le soutien qu’il convient d’apporter aux exploitations agricoles en bio, qui satisfont de fait des cahiers des charges très exigeants garantissant à la fois la protection de la biodiversité, des sols et des pollinisateurs, mais également celle de la santé humaine.

Même si je considère que l’installation, le maintien et le développement de l’agriculture biologique, notamment pour satisfaire aux objectifs de surface agricole utile (SAU) bio à l’horizon 2027, supposent de se doter d’outils spécifiques et volontaristes – à la fois financiers, de structuration de filières et de contrôle de l’application de la loi Egalim –, je suis favorable à cet amendement, qui souligne l’importance de soutenir les exploitations en agriculture biologique ayant mis en place des pratiques agroécologiques et qui sont actuellement en difficulté.

Mme Manon Meunier (LFI-NUPES). Nous serons également favorables à cet amendement, qui est d’une grande importance au vu de la crise que traversent les agriculteurs biologiques. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a publié un rapport d’information (n° 2113) sur les dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées, lequel a montré que l’agriculture biologique figurait parmi les meilleurs modèles pour nous aider à engager la bifurcation agroécologique.

Adopter cet amendement permettrait de soutenir cette agriculture. Nous ne pouvons pas compter pour cela sur le projet de loi d’orientation agricole, dont on a appris que la présentation en conseil des ministres était une nouvelle fois décalée à une date indéterminée. Nous espérons que ce projet de loi comprendra des mesures en faveur de l’agriculture biologique, car, pour l’instant, elle en est la grande absente.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE51 de Mme Marie Pochon, rapporteure.

En conséquence, l’amendement CE21 de M. Johnny Hajjar tombe.

 

Amendement CE34 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement a été suggéré par notre collègue Dominique Potier et fait suite à son travail dans le cadre de la commission d’enquête sur les conséquences de l’emploi des produits phytosanitaires. Il propose de créer un nouveau fonds d’innovation agroalimentaire, qui permettra de stimuler la recherche de solutions pour valoriser des cultures de diversification et trouver de nouveaux débouchés. Il s’agit de ne pas faire peser le coût de la transition agroécologique seulement sur les producteurs, mais d’impliquer aussi l’aval des filières, dont notamment les industriels de l’agroalimentaire.

Mme Marie Pochon, rapporteure. L’idée est intéressante, mais on s’écarte de l’objet du fonds créé par l’article 2.

Je vous suggère de déposer cet amendement dans le cadre du futur projet de loi d’orientation agricole, qui comportera des dispositions sur l’installation des agriculteurs – votre idée étant à même d’encourager certains actifs à s’aventurer dans cette branche de l’agriculture.

Demande de retrait, même si je suis d’accord avec l’intention de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 : Gage

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE3 et CE4 de Mme Hélène Laporte, soumis à une discussion commune.

 

Amendement CE52 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon, rapporteure. Cet amendement vise à mettre à contribution les entreprises du secteur de la grande distribution pour financer le fonds consacré à la transition agroécologique des exploitations agricoles.

Entre 2021 et 2022, la marge brute de la grande distribution a augmenté en moyenne de 57 % sur les pâtes alimentaires, de 13 % sur les légumes et de 28 % sur le lait demi-écrémé. Une étude de la Fondation pour la nature et l’homme montre que les huit principales enseignes de la grande distribution ont vu leur bénéfice net lié à la vente de produits laitiers doubler, passant de 74 millions d’euros en 2018 à 145 millions d’euros en 2021.

Nous considérons qu’il est logique que ces entreprises prennent part au financement de la transition agroécologique, car elles profitent de cette dernière en vendant des produits de meilleure qualité.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE28 de M. Grégoire de Fournas

Mme Marie Pochon, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). Cet amendement mérite une réaction, car il met en évidence un certain amateurisme du Rassemblement national. En effet, aucune association environnementale n’a été condamnée à ce jour pour des dégradations d’exploitation agricole. Heureusement que l’on ne compte pas sur lui pour financer la transition agroécologique grâce à des amendes.

La prochaine fois, vous travaillerez mieux vos amendements, chers collègues du Rassemblement national !

M. Emmanuel Blairy (RN). Je rappelle que l’article 1er a été adopté grâce au vote du Rassemblement national. C’est un fait. Certes, aucune association n’a été condamnée pour l’instant, mais nous prenons les devants, compte tenu de l’énervement de certains vis-à-vis du monde agricole.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CE29 de M. Grégoire de Fournas

M. Emmanuel Blairy (RN). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre un rapport dressant le bilan de l’application de la disposition du code du commerce qui interdit, pour un premier acheteur, d’acheter des produits agricoles à un producteur à un prix dit « abusivement bas ». Ce rapport devra détailler les contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et les sanctions prononcées. La crise agricole a mis en lumière la catastrophe que constituent les prix payés aux agriculteurs en dessous des coûts de production.

Les amendements qui suivent demandent également des rapports. L’amendement CE32 en propose ainsi un sur l’effet, sur la rémunération des agriculteurs, de la suppression de la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité. Nous avions proposé cette mesure lors de la campagne pour la dernière élection présidentielle, car nous avions été les premiers à identifier le besoin d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.

Cette mesure est donc très attendue et elle apporterait une réponse immédiate, dans un contexte économique où ils peinent à s’approvisionner correctement en produits alimentaires et d’hygiène. Cela permettrait de contenir l’inflation sur un certain nombre de produits et améliorerait un peu les finances des Français, de plus en plus nombreux à rencontrer des difficultés face à la hausse du coût de la vie.

Mme Marie Pochon, rapporteure. Même si certains sujets sur lesquels vous souhaitez des rapports sont intéressants, je ne souhaite pas que l’on multiplie ce type de demandes. Demande de retrait, ainsi que pour les amendements qui suivent.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette successivement les amendements CE30, CE31, CE32 et CE33 de M. Grégoire de Fournas.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 


  Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

M. Thierry Dahan, Médiateur des relations commerciales agricoles

FNSEA *

M. Patrick Benezit, vice-président

M. Xavier Jamet, responsable des Affaires publiques

M. Ali Karacoban, chef de service Économie

« C’est qui le patron ?! »

M. Nicolas Chabanne, fondateur de la démarche « C’est qui le Patron ?! »

M. Raphaël Petit, directeur juridique & affaires publiques

Audition commune :

INRAe

Mme Claire Chambolle, économiste

CNRS

Mme Marie-Laure Allain, économiste

MODEF

M. Clément Tardy, animateur MODEF Nouvelle-Aquitaine

Audition commune :

Groupe Max Haavelar France *

M. Jules Colombo, responsable filières françaises et innovations

Mme Valeria Rodriguez, responsable du plaidoyer

Mme Margot Jaymond, responsable plaidoyer & partenariats

Fondation pour la nature et l’homme (FNH) *

M. Thomas Uthayakumar, directeur des Programmes et du Plaidoyer

Lidl *

M. François Bluet, directeur juridique

Mme Paula Osorio Seekatz

Confédération paysanne *

M. Nicolas Fortin, secrétaire national

M. Fabien Champion, animateur

FranceAgrimer

Mme Christine Avelin, directrice générale

Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB)

Mme Sophia Majnoni, déléguée générale

M. Samuel Frois, chargé de mission « développement économique »

M. Christophe Osmont, référent « questions sociales »

 

Coordination rurale *

Mme Sophie Lenaerts, vice-présidente

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) A. M. Dupin, De l’agriculture, des comices agricoles et de leur influence sur les campagnes, Réflexions adressées aux petits propriétaires, aux fermiers et laboureurs, Paris, Impr. de Pillet fils aîné, décembre 1849.

([2]) On parle bien ici de revenu par « ménage » et non par unité de consommation, le chiffre devant alors être divisé au moins par deux…

([3]) https://www.inrae.fr/actualites/resultat-economique-exploitations-agricoles-revenu-agriculteurs-tres-grande-heterogeneite

([4]) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/28/tous-les-agriculteurs-ne-sont-pas-fragiles-loin-de-la-mais-la-recomposition-en-cours-fait-beaucoup-plus-de-perdants-que-de-gagnants_6218974_3232.html#

([5]) Le seuil de pauvreté est aujourd’hui de 1 158 euros par mois et par unité de consommation.

([6]) https://www.insee.fr/fr/information/7765136.

([7]) 389 800 exploitations en France métropolitaine suivant le recensement agricole de 2020.

([8]) Proposition de loi n° 1776 visant à lutter contre l’inflation par l’encadrement des marges des industries agroalimentaires, du raffinage et de la grande distribution et établissant un prix d’achat plancher des matières premières agricoles.

([9]) A contrario, la borne « haute » est intéressante pour les autres maillons de la chaîne, qui savent que le prix d’achat ne pourra aller au-delà d’une certaine limite.

([10]) Décret n° 2021-1415 du 29 octobre 2021 pris pour l’application de l’article 2 de la loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 relatif à la clause de prix des contrats de vente de produits agricoles mentionnés à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.

([11]) Sont désignées ainsi les vaches qui ne sont plus en état de produire du lait et qui peuvent donc ensuite être vendues pour leur viande.

([12]) Outre la guerre des prix au sein de la grande distribution, toutes les filières de l’élevage ont été alors victimes d’une surproduction généralisée, de la fin des quotas laitiers au sein de l’Union européenne le 1er avril 2015, de l’embargo russe sur les produits de l’agroalimentaire et d’une baisse de la demande chinoise.

([13]) Décret n° 2023-540 du 29 juin 2023 fixant la liste des productions mentionnées à l’article 10 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs.

([14]) Ce coût est estimé, en 2019, à 483 € pour 1 000 litres en zone de montagne et 547 € pour les exploitations certifiées en culture biologique.

([15]) https://idele.fr/detail-article/couprod (fiche établie par l’IDELE, Institut de l’élevage).

([16]) Cf. https://www.web-agri.fr/couts-de-production/article/175984/403-t-ou-450-t-a-combien-s-elevent-reellement-les-couts-de-production.

L’Association des producteurs de lait indépendants (Apli) conteste cette mesure, estimant que la tonne de lait coûte plutôt 450 € (dont 9,50 € au titre des salaires perçus par les agriculteurs). En considérant qu’un litre de lait pèse 1,03 kilogramme, mille litres correspondent donc, selon ce calcul, à un coût global de production de 469 € (dont 9,90 € au titre des salaires).

([17]) À noter que les principaux groupes industriels privés et coopératifs, regroupés dans la fédération Culture viandes (Bigard, Elivia, Sicavyl, Arcadie...), se sont abstenus sur cette décision…

([18]) « Coût de production des filières animales et végétales : méthodologie et éléments d’analyse », novembre 2013, fiche n° 8, p. 35 et suiv.

([19]) Cécile Claveirole, « La transition agroécologique : défis et enjeux », Rapport fait au nom du Conseil économique, social et environnemental, 13 novembre 2016, 114 pages.

([20]) https://www.oxfamfrance.org/climat-et-energie/agroecologie/

([21]) Dans ses observations relatives au plan stratégique relevant de la PAC présenté par la France (31 mars 2022), la Commission européenne soulignait que « la part des financements dédiés aux mesures agro-environnementales n’augmente que légèrement et la Commission demande à la France de reconsidérer ces moyens à la hausse ».

([22]) Cour des comptes, Le soutien à l’agriculture biologique, juin 2022, p. 108.

([23]) Assemblée nationale : Rapport n° 2000 de la commission d’enquête sur « Les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire », 14 décembre 2023, tome II « Comptes rendus », p. 710.

([24]) Agreste, Synthèses conjoncturelles « Intrants agricoles », n° 203, avril 2023 (https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/SynCpr23403/consyn403202304-Intrants.pdf)

([25]) https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/11/23/les-couts-caches-des-pesticides-s-eleveraient-de-370-millions-a-plusieurs-milliards-d-euros-par-an-pour-la-france_6151303_3244.html

([26]) Article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique.